Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 28 septembre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 10.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   Nous commençons avec un léger retard, mais tout le monde a eu le temps

  7   d'arriver, je pense. Cela nous a permis de nous rassembler.

  8   L'Accusation est-elle prête ? Avez-vous votre témoin ?

  9   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Oui, notre témoin est prêt. Il s'agit du

 10   Dr John Clark, c'est le Témoin numéro 10.

 11   Avant de commencer, je tiens à préciser que nous avons téléchargé dans le

 12   prétoire électronique les quelques traductions qui étaient en attente.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, je vous en prie. En attendant,

 14   faites entrer le témoin, s'il vous plaît.

 15   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Nous avons la pièce P1425 [comme

 16   interprété], 776A --

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ralentissez pour le compte rendu

 18   d'audience.

 19   Mme CHITTENDEN : [interprétation] -- 14800 [comme interprété], 15C, 190,

 20   952, et nous avons également la pièce P16C qui devrait être versée au

 21   dossier sous pli scellé.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez reprendre

 23   votre série à partir du début, s'il vous plaît, parce que nous avons

 24   quelques erreurs dans la transcription.

 25   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Je vous présente mes excuses.

 26   Il s'agit de la pièce 145, 208, 269C, 766A, 148, 15C, 190 et 952.

 27   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Maintenant,

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  1   nous avons corrigé le compte rendu d'audience.

  2   Bonjour, Monsieur.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Excusez-nous de vous avoir fait

  5   attendre.

  6   Prononcez votre déclaration solennelle, s'il vous plaît.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : JOHN CLARK [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Veuillez vous asseoir.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mme Chittenden vous posera quelques

 15   questions, au nom du bureau du Procureur.

 16   Vous avez la parole.

 17   Interrogatoire principal par Mme Chittenden : 

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 19   R.  Bonjour.

 20   Q.  Pourriez-vous décliner votre identité ?

 21   R.  Je suis John Clark.

 22   Q.  Et quelle est votre profession ?

 23   R.  Je suis pathologiste dans le domaine de la médecine légale.

 24   Q.  Et quels sont vos diplômes dans ce domaine ?

 25   R.  Je suis docteur en médecine, mais je suis également spécialisé en

 26   pathologie. Je suis pathologiste oncologue au Royaume-Uni, et je également

 27   qualifié et diplômé en tant que médecin légiste.

 28   Q.  Pendant combien de temps avez-vous exercé en tant que pathologiste ?

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  1   R.  Depuis 25 ans.

  2   Q.  Est-ce que vous êtes venu déposer dans les affaires Krstic en mai 2000

  3   et Popovic en février 2007 ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que vous avez déposé de manière véridique et   exacte ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Avez-vous eu l'occasion de relire votre déposition avant de venir

  8   devant le Tribunal aujourd'hui ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Si on vous posait les mêmes questions aujourd'hui, y répondriez-vous de

 11   la même manière ?

 12   R.  Oui.

 13   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 14   versement au dossier de la déposition du témoin dans les affaires Krstic et

 15   Popovic, qui constitue les pièces P897 et P892, respectivement. Je demande

 16   également le versement --

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vais vous interrompre un instant.

 18   Les pièces P892 et 897 seront versées au dossier sous ces cotes que vous

 19   venez d'énoncer.

 20   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Je demande également le versement des

 21   pièces qui ont été versées par le truchement de ce témoin dans l'affaire

 22   Popovic. Il s'agit des pièces P893, 895, ainsi que --

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Arrêtez-vous là, s'il vous plaît.

 24   Mme CHITTENDEN : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous redire

 26   les dernières pièces de la série.

 27   Mme CHITTENDEN : [interprétation] P897 ainsi que [comme interprété] P918.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Toutes ces pièces seront reçues et

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  1   versées au dossier, mais il me semble que la pièce 898 n'a pas encore été

  2   traduite. Elle recevra une cote provisoire.

  3   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Je demande également le versement au dossier des trois rapports d'expert de

  5   ce témoin, il s'agit de rapports qu'il rédigé en tant que pathologiste chef

  6   en 1999, 2000 et 2001, suite à des exhumations effectuées en Bosnie. Il

  7   s'agit des pièces qui ont été versées par son truchement dans l'affaire

  8   Popovic et qui constituent les pièces P894, P896 et P919.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je viens de recevoir la liste

 10   entière, nous avons tout versé au dossier, les pièces P893 jusqu'à P919.

 11   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Je souhaite donner lecture d'un bref

 12   résumé.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous en prie.

 14   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Monsieur Clark, je vais donner lecture

 15   d'un résumé bref.

 16   Dr Clark est venu déposé devant ce Tribunal pendant l'affaire intentée à

 17   Radislav Krstic, il est venu déposer le 30 et le 31 mai de l'an 2000, ainsi

 18   que devant la chambre Vujadin Popovic et consorts les 19 et 20 février 2007

 19   sur les charniers relatif à Srebrenica.

 20   Dr Clark est pathologiste. Il est basé à Glasgow en Royaumes Unis. En 1999,

 21   2000 et 2001, il a travaillé pour le bureau du Procureur en tant que

 22   pathologiste chef pour les opérations menées à la morgue et relatives aux

 23   exhumations en Bosnie. Avant cela, le Dr Clark s'est porté volontaire

 24   pendant plusieurs jours en 1998 pour travailler en tant que pathologiste

 25   pour le bureau du Procureur.

 26   En tant que pathologiste chef et pathologiste volontaire, Dr Clark a

 27   mené à bien des autopsies de victimes qui ont été exhumées dans des

 28   charniers relatifs à la chute de l'enclave de Srebrenica.

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  1   Le Dr Clark avait pour tâche d'examiner les corps qui avaient été

  2   exhumés de ces charniers, d'identifier les blessures sur les corps et

  3   d'essayer d'établir la cause du décès.

  4   Qui plus est, en tant que pathologiste chef, le Dr Clark avait la

  5   responsabilité de superviser le personnel qui travaillait à la morgue, y

  6   compris les anthropologistes, les agents de la police scientifique, le

  7   photographe, le radiologue et les secrétaires.

  8   En 1999, le Dr Clark a réalisé un rapport résumant les résultats des

  9   examens post mortem en 1999 des corps de Kozluk, Nova Kasaba, Konjevic

 10   Polje et Glogova.

 11   En l'an 2000, le Dr Clark a rédigé un rapport reprenant les résultats

 12   des examens post mortem de l'an 2000 menés sur les corps qui ont été

 13   exhumés dans les fosses primaires de Lazete, Glogova et Ravnice.

 14   En 2001, le Dr Clark a réalisé un rapport reprenant les résultats des

 15   examens post mortem de 2001 sur les corps de Ravnice, Glogova et la fosse

 16   secondaire de Zeleni Jadar.

 17   Pendant les examens post mortem menés par Dr Clark en 1999, 2000 et 2001,

 18   il a constaté que quasiment toutes les victimes exhumées de ces fosses

 19   étaient des hommes, leur âge variait, nombre d'entre eux étaient jeunes.

 20   Aucun des hommes qui ont été exhumés dans ces fosses n'était en uniforme

 21   militaire et n'avait d'armes en sa possession.

 22   Le Dr Clark a constaté qu'un grand nombre de victimes ont été tuées par des

 23   armes à haute vélocité.

 24   Autant que l'on a pu constater en relation à la fosse primaire de

 25   Glogova, il a déposé affirmant que certains des corps portaient des

 26   blessures dues à l'effet de souffle relativement aux allégations concernant

 27   l'incident de l'entrepôt de Kravica. Des blessures comparables ont été

 28   également constatées sur les corps exhumés du site secondaire de Zeleni

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  1   Jardar.

  2   Le Dr Clark a également déposé, affirmant que certaines victimes de

  3   Kozluk, Lazete, Nova Kasaba, ainsi que Glogova avaient des liens sur des

  4   mains ou des bandeaux sur les yeux.

  5   Sur le site primaire de Ravnice, les corps n'étaient pas inhumés,

  6   mais étaient généralement disposés à la surface. Aucun n'avait de bandeau

  7   sur les yeux. Toutes les blessures étaient par balle, souvent multiples,

  8   mais il n'y avait pas de blessures dues à l'effet de souffle.

  9   J'en ai terminé, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant de poser vos questions,

 11   je tiens à préciser que vous n'avez pas mentionné la pièce P919, le rapport

 12   du témoin, mais qu'elle fait partie de l'ensemble des documents qui ont été

 13   reçus suite à la décision prise par la Chambre.

 14   Mme CHITTENDEN : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous en prie, vous pouvez

 16   continuer.

 17   Mme CHITTENDEN : [interprétation]

 18   Q.  Docteur Clark, quel est le rôle que vous avez joué en tant que

 19   pathologiste en Bosnie pendant les exhumations de 1999 à 2001 ?

 20   R.  Eh bien, en tant que pathologiste, j'ai fait ce qui constitue

 21   généralement le travail du pathologiste, à savoir d'examiner des corps,

 22   d'enregistrer toutes les constatations et de répertorier tous les éléments

 23   de preuve relatifs à cet examen. Il s'agit d'interpréter surtout les

 24   blessures constatées sur les corps. Donc c'était notre rôle premier

 25   d'examiner les corps, de voir de quelles blessures il s'agit, de les

 26   décrire et d'essayer d'établir la cause du décès.

 27   Et j'étais en plus pathologiste chef, comme vous venez de le dire.

 28   Q.  Et quelles étaient vos tâches relatives à cela ?

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  1   R.  Comme vous venez de le dire, je devais superviser le personnel qui

  2   travaillait à la morgue, je devais faire en sorte qu'on ait suffisamment de

  3   personnel, d'organiser leur travail. Je conseillais mes collègues ainsi que

  4   les autres membres du personnel, je m'assurais de manière générale que le

  5   travail se déroule dans de bonnes conditions et de manière efficace. Et

  6   comme vous venez de le dire, je pense que ma tâche principale était de me

  7   pencher sur les rapports post mortem et d'essayer de rassembler les

  8   éléments d'information pertinents et d'arriver à des conclusions

  9   cohérentes.

 10   Q.  Docteur Clark, dans vos rapports et dans vos dépositions déjà données

 11   devant ce Tribunal, vous avez expliqué quelle a été la procédure appliquée

 12   à la morgue à partir du moment où les corps y ont été apportés depuis les

 13   sites où se situent les charniers. Alors, j'aimerais que vous nous

 14   expliquiez cette procédure.

 15   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Est-ce que l'on peut afficher la pièce

 16   6593 sur la liste 65 ter. Je vais tout d'abord examiner la page 2, s'il

 17   vous plaît. Merci.

 18   Q.  Docteur Clark, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que l'on voit

 19   ici ?

 20   R.  Nous avons ici une idée en gros de ce qui se passe à la morgue. Vous y

 21   voyez plusieurs individus. Au fond, vous voyez des gens qui sont vêtus de

 22   blouses bleues et qui sont en blanc. Ils sont en train d'examiner des

 23   corps. Les corps sont disposés sur les tables. On les nettoie, on les

 24   réorganise parfois, parce que souvent il s'agit de corps réduits à l'état

 25   de squelette, les vêtements sont enlevés ainsi que les autres objets qui se

 26   trouvent sur les corps. Le pathologiste répertorie les constatations.

 27   La personne qui est au milieu de la photographie, qui est vêtue de noir,

 28   c'est le photographe, et c'est le photographe qui enregistre tous les

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  1   éléments pertinents pendant que ce processus avance.

  2   Puis sur la droite, vous ne voyez que des vêtements bleu clair. C'est

  3   l'agent de la police scientifique. C'est lui qui constate s'il y a des

  4   objets qui sont trouvés sur les corps, qui les prend et qui les enregistre

  5   pour qu'ils soient enregistrés en tant qu'éléments de preuve. Donc c'est ce

  6   qui se passe de manière générale à la morgue.

  7   Q.  Nous avons un gros plan que nous pouvons afficher.

  8   Mme CHITTENDEN : [aucune interprétation]

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous voyons un gros plan où nous voyons

 10   trois équipes travailler. Au fond, nous avons un corps. Nous voyons un

 11   matériel qui est marron foncé. Nous avons des vêtements avec de la boue qui

 12   vient de la fosse. En fait, c'est moi qui travaille sur la droite, là.

 13   C'est un anthropologiste qui m'aide dans mon travail, un technicien, et

 14   d'autres personnes. Nous collaborons, nous travaillons ensemble. Chacun a

 15   sa tâche spécifique. Donc c'est ce que nous voyons ici sur cette scène. En

 16   vous avez trois équipes qui travaillent à la morgue à faire cela.

 17   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher la

 18   photographie numéro 3, s'il vous plaît.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant, nous avons le corps qui est réduit

 20   à l'état de squelette. On a enlevé le corps, on l'a disposé sur la table.

 21   On l'a nettoyé. On a réorganisé les os avec l'aide des anthropologues, et

 22   c'est la personne que vous voyez au devant. Elle essaye d'établir l'âge de

 23   la personne et le sexe de l'individu.

 24   Le rôle que jouent les anthropologues [comme interprété] également, c'est

 25   d'essayer d'identifier les blessures, ce qui les a causées. Et vous voyez

 26   ici les différentes activités qui se déroulent au fond.

 27   Généralement, on examinait de cette manière 12 à 15 corps par jour à la

 28   morgue.

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  1   Mme CHITTENDEN : [interprétation] J'en ai terminé. Merci.

  2   Q.  Docteur Clark, vous avez mentionné le fait que les pathologistes et les

  3   anthropologues travaillent de concert à la morgue. Est-ce que vous pouvez

  4   nous expliquer comment ils travaillent ensemble ?

  5   R.  Oui. Un pathologiste a une formation médicale, donc c'est quelqu'un qui

  6   se penche sur le corps entier. L'anthropologue, quant à lui, n'a pas de

  7   formation médicale, mais lui s'intéresse plutôt au squelette et aux os. Le

  8   rôle qu'ils jouent ici à la morgue, il est double. Ici, ils se penchaient

  9   sur les os parce que ce sont les os qui vous permettent d'établir l'âge et

 10   le sexe de la personne dans des cas comme celui-ci. Donc ils essayeraient

 11   de voir quelle est la forme du crâne, du pelvis, ils répertorieraient tous

 12   les os trouvés, parce que parfois il y a des os qui manquent, et ils

 13   dresseraient une liste de cela. Puis ensuite, nous pouvons avoir des bris

 14   d'os, un os brisé à plusieurs endroits, par exemple. Et puis, ils sont

 15   capables de rassembler cela ou de savoir également ce qui a causé la

 16   blessure, par exemple, plus particulièrement, est-ce qu'il s'agit de

 17   blessures par balle. Donc leur rôle est double. Ils aident à identifier,

 18   mais aussi ils apportent l'assistance au pathologiste pour bien identifier

 19   les blessures.

 20   Donc, d'une part, il s'agit de constater l'existence d'une blessure,

 21   mais d'autre part, il est important d'interpréter quelle est la

 22   signification de cette blessure, et c'est là qu'intervient le pathologiste,

 23   parce que nous connaissons le reste du corps, les tissus mous ainsi que les

 24   organes, et nous pouvons mieux comprendre quels sont les dégâts qui ont été

 25   causés sur le reste du corps lorsqu'il y a une blessure sur un os. Donc

 26   c'est la raison pour laquelle la dernière responsabilité repose sur le

 27   pathologiste pour savoir ce qui a été la cause probable du décès.

 28   Q.  Merci. Je souhaite maintenant vous montrer la cote P895, qui est

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  1   dans le prétoire électronique.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Chittenden, souhaitez-

  3   vous verser au dossier ces trois photographies que nous venons de voir ?

  4   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Oui, s'il vous plaît, je souhaite

  5   les verser. Merci.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ces photographies seront admises.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Les trois photographies en couleur,

  8   Madame, Messieurs les Juges, sur la liste 65 ter 06593, auront la cote

  9   P01127.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 11   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Est-ce que nous pourrions maintenant voir la pièce P895, et est-ce que nous

 13   pouvons en premier lieu regarder la page 4.

 14   Ce rapport ne comporte pas de traduction en B/C/S.

 15   Bien, est-ce que nous pouvons regarder la page 4.

 16   Q.  Monsieur Clark, pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit ici ?

 17   R.  Oui. A droite -- je suppose que c'est des deux côtés. Nous avons ici un

 18   document de travail que nous utilisons dans la morgue. C'est un document de

 19   12 pages environ. Et donc c'est quelque chose que nous avions sur un

 20   support avec une clip. On voit ici différentes annotations. On change peut-

 21   être d'avis. Donc ceci, ce sont les notes qui sont prises à l'époque. Ce

 22   sont les toutes premières notes qui sont consignées. Il y a différentes

 23   étapes. A la première page -- en fait, nous avons tous les détails

 24   officiels de chaque cas, et à la première page, nous avons simplement un

 25   aperçu assez général du corps, et tout ceci est consigné. Ensuite, lorsque

 26   vous parcourez le document --

 27   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante,

 28   s'il vous plaît.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite, si vous parcourez le document, nous

  2   entrons dans le détail ici des vêtements.

  3   Il faut dire plus précisément que lorsqu'on remplit ces lignes-là, c'est en

  4   général lorsque les vêtements ont été nettoyés. Ce que l'on recherche au

  5   niveau des vêtements, ce sont peut-être des traces de blessures par balle,

  6   de brûlures, ou tout autre préjudice ou quelque chose que nous pourrions

  7   découvrir, ou l'endroit où le corps aurait été endommagé.

  8   Je vais mettre mes lunettes pour regarder plus près. Alors, voici les

  9   autres éléments ici en bas de la page.

 10   Mme CHITTENDEN : [aucune interprétation]

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit là d'éléments qui ont été retrouvés

 12   sur les corps, qu'on a retrouvés au niveau des poches, des briquets ou ce

 13   genre de choses.

 14   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la

 15   page suivante.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette page comporte, en fait, les

 17   différentes caractéristiques permettant d'identifier le corps. Dans

 18   beaucoup de cas, on ne sait pas, mais si on regarde le corps simplement, à

 19   savoir s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, quelquefois le corps était

 20   complet, et dans ce cas-là, nous pourrions le préciser. Mais dans le

 21   plupart des cas, en tant que médecins légistes, nous n'étions pas à même de

 22   le faire. On regarde le corps, on regarde les dents, on regarde ce genre de

 23   chose. En fait, ce sont les caractéristiques générales qui nous permettent

 24   d'identifier le corps et la corpulence au sens général du terme.

 25   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci a été préparé par les médecins légistes

 27   plus précisément. Je ne peux pas trop en parler. Mais si on regarde ici le

 28   bassin, le crâne, pour essayer d'identifier le sexe de la personne, la

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  1   taille et avoir une idée dans les grandes lignes de l'âge. C'est eux qui

  2   préparent ces données-là.

  3   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Et encore une fois, là c'est l'anthropologue

  5   qui complète ces tableaux. Il s'agit d'un inventaire. Tous les éléments

  6   comprennent, par exemple, la tête ici, que l'on a retrouvée, le bras

  7   gauche, le bras droit, à savoir si ça a été retrouvé ou non. Dans le cas de

  8   ce corps, c'est plus ou moins intact. Je crois qu'on voit que les cases ont

  9   été cochées là où c'est indiqué "Retrouvé," ou "Present" en anglais.

 10   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Et la page suivante.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, on observe les blessures.

 12   Avant de faire quoi que ce soit au niveau des corps, nous avons emmené le

 13   corps dans une pièce spéciale et on procède à une fluoroscopie, où on

 14   utilise un liquide dans le corps qui permet de repérer des traces de métal.

 15   C'est quelque chose que l'on fait au niveau de chaque corps, et on regarde

 16   si on peut identifier ces éléments. Après quoi -- ensuite, on regarde

 17   systématiquement les blessures que l'on retrouve dans les différentes

 18   parties du corps. Dans la partie supérieure, on regarde des blessures au

 19   niveau de la tête et du cou. On ne voit rien d'inscrit ici, donc il n'y a

 20   pas de blessures au niveau de la tête et du cou.

 21   Est-ce que nous pouvons passer à la page suivante --

 22   Mme CHITTENDEN : [interprétation] La page suivante, s'il vous plaît.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et on passe ensuite au niveau du tronc, que

 24   j'ai commencé à décrire ici. J'ai découvert différents éléments au niveau

 25   du tronc, je les ai numérotés et je les ai décrits dans le détail.

 26   Ensuite, je dois décider -- j'ai plusieurs possibilités : soit il s'agit

 27   d'une blessure qui a été portée pendant que la personne était en vie, soit

 28   la blessure a été infligée après la mort, ou je ne sais vraiment pas.

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  1   Ensuite, il faut décider de savoir si la blessure a été infligée lorsque la

  2   personne était en vie. C'est sans doute plus facile de faire cela après.

  3   Mais vous verrez que la blessure ici que l'on voit retrouvée à la partie

  4   supérieure de la poitrine, on voit qu'il y a un trou important au niveau de

  5   la peau, et il y a des fragments qui ont été retrouvés, et la cage

  6   thoracique qui a été endommagée. Il y a un énorme trou en dessous de la

  7   cage thoracique, et j'ai retrouvé des fragments de balle. Donc j'ai indiqué

  8   qu'il s'agissait d'une blessure par balle au niveau de la poitrine.

  9   Au point 2, par exemple, j'ai trouvé des côtes cassées multiples. Il s'agit

 10   là de quelque chose qui a été retrouvé comme tel sur un nombre important de

 11   corps, et ensuite nous estimons qu'il peut y avoir un doute, on ne sait pas

 12   si les blessures éventuelles ont été provoquées après la mort ou pas, et

 13   aussi c'est le fait que le corps ait été comprimé dans la fosse et

 14   compacté. Vous voyez ici cette indication en épaisseur, je crois que cela

 15   se trouve du côté droit --

 16   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir cela à

 17   l'écran.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est sans doute quelque chose qu'a révélé

 19   l'autopsie.

 20   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Passons à la page suivante.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Bas de la page, s'il vous plaît -- si, c'est

 22   vide. Page suivante. C'était la seule blessure au niveau du corps.

 23   On a pu ici analyser les tissus internes et les organes internes. Il s'agit

 24   d'un corps complet. On voit que nous avons été en mesure d'analyser les

 25   organes internes ici. On recherchait des causes de mort naturelle due à la

 26   maladie ou quelque chose comme ça, mais nous n'avons rien retrouvé.

 27   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai indiqué quelles photographies ont été

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  1   prises, de façon générale, du corps et quel photographe a pris ces

  2   photographies. J'ai consigné quels échantillons ont été pris sur le corps;

  3   par exemple, des échantillons de balle, des échantillons prélevés par

  4   l'anthropologue pour essayer de déterminer l'âge de la personne en

  5   question; des échantillons d'ADN, pour essayer par la suite d'identifier le

  6   corps. Et tout ceci est enregistré ici et c'est numéroté; C1, C2, D1, D2,

  7   et cetera.

  8   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est peut-être un petit peu difficile à

 10   lire.

 11   Ici, nous avons -- ceci est quelque chose que j'ai consigné à partir

 12   de ce que j'ai trouvé. Ceci est fait en général après. Cela ne se fait pas

 13   sur le moment parce qu'il faut réfléchir à différents éléments. Ce n'est

 14   pas quelque chose que l'on fait de façon précipitée après avoir analysé

 15   chaque cas. Ici, je donne un résumé de mes constatations au niveau de

 16   chaque corps, à savoir si la personne était un homme, au vu des vêtements,

 17   et cetera. Et j'ai dit que nous avons vu trace d'une blessure par balle au

 18   niveau de la poitrine qui a endommagé la cage thoracique et tout le reste.

 19   Et j'ai constaté qu'il pouvait s'agir éventuellement d'une blessure

 20   mortelle. Et j'ai indiqué les autres éléments qui ont été retrouvés, par

 21   exemple, les autres blessures et les côtes fracturées que j'ai constatées

 22   après l'autopsie, et on m'a demandé d'estimer la cause de la mort. J'ai

 23   indiqué que c'était dû à une blessure par balle au niveau de la poitrine.

 24   Et c'est quelque chose que j'ai signé ainsi que tout le reste.

 25   Mme CHITTENDEN : [interprétation] La dernière page, s'il vous plaît.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Là, il s'agit d'un diagramme qui représente le

 27   corps, et la partie hachurée au niveau de la poitrine correspond à

 28   l'endroit où le corps a été touché.

Page 5885

  1   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page

  2   1 de ce même document, s'il vous plaît.

  3   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire en quelques mots de quoi il s'agit ?

  4   R.  D'après les notes et les différents gribouillis que j'ai retrouvés, ce

  5   classeur est ensuite remis aux secrétaires, et tout ceci est compilé et un

  6   rapport est ensuite tapé à la machine, avec mes conclusions qui figurent au

  7   début du document, la cause de la mort, et ensuite les différents détails

  8   que nous avons énumérés qui sont résumés sur les deux pages suivantes.

  9   Q.  Bien.

 10   R.  Il s'agit simplement là de la version dactylographiée des premières

 11   notes qui ont été prises.

 12   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Merci. J'en ai terminé avec cela.

 13   Q.  Professeur Clark, vous avez évoqué des corps et des parties de corps.

 14   Pourriez-vous nous dire comment sont classés ces éléments ?

 15   R.  Assez souvent, et surtout dans certaines fosses, nous avons retrouvé

 16   des corps intacts, mais nous avons trouvé un nombre important de petites

 17   parties de corps, peut-être une main, peut-être un bras, peut-être des

 18   côtes, quelquefois des parties plus grandes, et nous les avons simplement

 19   intitulées parties de corps parce que cela faisait partie du corps.

 20   Il est facile lorsque l'on retrouve une main ou une partie de squelette.

 21   C'est la même chose pour tout le monde dans toutes les langues. Mais

 22   lorsque cela était un peu plus important, au niveau de la tête ou du tronc,

 23   mais pas de mains et pas de bras, est-ce que l'on parle de parties de corps

 24   ou de corps ? Dans ce cas, nous avons estimé que tout ce qui était de façon

 25   plus substantielle un corps était considéré comme un corps. Parce que si on

 26   retrouve une tête ou un tronc, j'ai appelé cela un corps. Si c'était

 27   simplement une jambe ou deux jambes, j'ai appelé cela une partie de corps.

 28   Une décision a été prise sur le terrain par l'équipe - et le Pr Wright à

Page 5886

  1   l'époque qui a témoigné ici - et ils ont fait une estimation initiale. Ils

  2   ont indiqué ce qui constituait un corps et une partie de corps. Mais

  3   lorsque le corps avait été nettoyé dans la morgue, et nous avons parfois

  4   trouvé des éléments supplémentaires, et dans ce cas, nous pouvions modifier

  5   le classement et un corps pouvait devenir une partie de corps, ou

  6   inversement, une partie de corps pouvait être appelé un corps. Cela ne

  7   posait absolument pas de problème, cela était tout à fait acceptable.

  8   Q.  Et vos rapports d'autopsie ont-ils été préparés à la fois pour les

  9   parties de corps et les corps ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et pour ce qui est de vos rapports de médecin légiste définitifs de

 12   1999, 2000 et 2001, est-ce que vous avez inclus les résultats trouvés sur

 13   les parties de corps dans vos calculs définitifs lorsque vous avez voulu

 14   évaluer la cause de la mort et les blessures par balle ?

 15   R.  Lorsque je parle de parties de corps, en fait, je les laissais de côté

 16   dans mes calculs. Le type de blessure que l'on retrouve communément, les

 17   directions, et cetera, tout ceci se fonde sur l'analyse des corps.

 18   Q.  Bien.

 19   R.  Donc il ne faut pas mélanger les parties de corps. Le problème qui se

 20   pose, je ne sais pas si les parties de corps venaient d'un corps en tant

 21   que tel ou est-ce que ces parties de corps provenaient d'autres corps qui

 22   n'avaient pas encore été retrouvés, et nous n'avions ni les capacités ni

 23   les ressources nécessaires à l'époque pour faire concorder ces différents

 24   éléments. Donc nous avons simplement enregistré ce que nous avons retrouvé,

 25   mais nous ne les avons pas inclus dans nos calculs définitifs.

 26   Q.  Encore une ou deux questions et ensuite quelques photographies, et

 27   ensuite j'en aurai terminé.

 28   Dans votre témoignage dans l'affaire Popovic ainsi que dans vos trois

Page 5887

  1   rapports, vous expliquez les limites des éléments de preuve fournis par la

  2   médecine légale.

  3   R.  Je crois que c'est un élément très important qu'il faut préciser.

  4   Il ne s'agit pas de cas -- ou de type de cas que traite un médecin

  5   légiste en général. Nous analysons des corps des personnes qui sont

  6   décédées très récemment, mais en général, ces corps comportent tous les

  7   tissus, on peut reconnaître les couleurs, on peut reconnaître les blessures

  8   et toute autre constatation que l'on peut faire. Nous ne parlons pas

  9   vraiment de situation normale de ce corps. On parle ici de corps décomposés

 10   qui ont perdu toute couleur en raison de la terre, bon nombre de tissus

 11   n'existaient plus, et très souvent il n'y avait plus de tissus du tout, il

 12   n'y avait plus que des squelettes. Et nous devions essayer d'estimer ou de

 13   faire nos constatations là-dessus.

 14   Si l'on regarde les corps -- ces corps décomposés, et si on remarque

 15   quelque chose, il faut décider si, oui ou non, c'est authentique ou si cela

 16   ne l'est pas. Est-ce qu'il s'agit simplement d'une coloration qui est due

 17   au fait que le corps est resté dans la fosse, ou parce que le corps était à

 18   côté d'un autre corps, ou que c'est une tache au niveau de l'ossement ? Il

 19   faut déterminer si, oui ou non, il s'agit d'une blessure réelle et si cette

 20   blessure est une blessure infligée avant la mort ou après la mort, parce

 21   que nous savons que bon nombre de blessures peuvent avoir été infligées à

 22   des corps après la mort, et ce, pour un certain nombre de raisons. Parce

 23   que les corps étaient compressés les uns sur les autres dans une fosse, la

 24   pression exercée sur la poitrine et sur le bassin dans ce cas. Egalement,

 25   des corps qui ont été déplacés d'une fosse à une autre, où tout ceci a été

 26   disloqué en cours de route. Donc il y a un certain nombre de blessures où

 27   il faut déterminer si ceci est arrivé après la mort. Il faut décider de

 28   cela, si c'est avant ou après la mort.

Page 5888

  1   Donc la troisième phase consiste à décider si, oui ou non, la blessure a

  2   été infligée pendant que la personne était en vie, et si oui, de quelle

  3   blessure il s'agit. Si cette personne a été touchée par une quelconque

  4   arme, par une balle, par un couteau, parce que la personne est tombée. Et

  5   nous parlons véritablement de blessures infligées aux os, parce que la

  6   plupart des corps ont été retrouvés dans un état de squelette.

  7   La quatrième étape consiste, après avoir décidé qu'il s'agissait

  8   d'une blessure réelle, après avoir réalisé qu'il s'agissait d'une blessure

  9   par balle, à ce moment-là, je dois décider si, oui ou non, c'est cela qui a

 10   provoqué la mort, parce qu'on peut avoir une blessure par balle au niveau

 11   de la main et ceci ne va pas forcément vous tuer, ou une blessure au niveau

 12   de l'avant-bras et ce n'est pas quelque chose qui va vous tuer. Donc je

 13   dois décider si, oui ou non, c'est quelque chose qui pourrait être

 14   considéré comme une blessure mortelle. Et puisque j'ai une formation de

 15   médecin légiste, je sais comment les tissus se forment au niveau des os et

 16   je sais comment les personnes peuvent mourir, et si je constate qu'il y a

 17   un orifice d'entrée de la balle et de sortie de la balle au niveau du

 18   crâne, je sais que ceci aurait pu tuer la personne, même si je ne vois pas

 19   la cervelle qui se trouve au milieu, mais je pense qu'elle doit être là.

 20   Et, de même, par exemple, une blessure au niveau de la poitrine, il y a des

 21   organes très importants au niveau de la poitrine qui vont être touchés.

 22   Donc c'est la raison pour laquelle nous pouvons décider de la cause du

 23   décès.

 24   Ce n'est pas une conclusion à laquelle nous arrivions à la légère, et

 25   d'après les rapports, vous pouvez constater que dans un nombre très

 26   important de cas nous avons estimé que les éléments de preuve ne nous

 27   permettaient pas d'indiquer quelles étaient les causes de la mort. Dans ce

 28   cas, nous avons estimé que ces cas-là étaient des cas indéterminés et on ne

Page 5889

  1   pouvait pas affirmer en toute certitude quelle était la cause de la mort.

  2   Je crois que c'est très important d'avoir une idée des difficultés que nous

  3   avons lorsque nous regardons ces corps et des réflexions qui nous

  4   traversent l'esprit sans cesse.

  5   Q.  De façon générale, pourriez-vous nous dire, Professeur Clark, quelles

  6   ont été les constatations que vous avez faites au niveau des causes du

  7   décès ?

  8   R.  Dans la plupart des cas, j'ai parlé de blessures par balle, 86 % des

  9   corps que nous avons retrouvés dans ces fosses avaient des blessures par

 10   balle, qui, d'après nous, étaient la cause du décès. Ce qui laisse 14 %

 11   pour lesquels nous n'avons pas pu déterminer cela. Il y a un autre

 12   pourcentage de personnes qui sont dues à des blessures par explosions, et

 13   ensuite il faut ajouter ce chiffre-là, 5 %. Et ensuite, il y a un petit 9 %

 14   pour lesquels nous ne pouvions pas déterminer la cause du décès, et c'était

 15   sans doute parce que nous n'avions pas pu trouver de blessures ou de

 16   blessures sur les parties du corps que nous avions, ou nous n'avons pas

 17   estimé que ces blessures, quand bien même nous pouvions les constater,

 18   étaient suffisantes et auraient pu provoquer la mort. Donc il est important

 19   de dire que nous étions disposés à accepter le fait que dans certains cas

 20   nous ne pouvions pas établir la cause de la mort.

 21   Q.  Merci, Professeur Clark.

 22   Avant d'en terminer, je souhaite vous montrer trois photographies.

 23   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir dans le

 24   prétoire électronique, s'il vous plaît, la pièce P912.

 25   Q.  Pourriez-vous nous parler de cette photographie, s'il vous plaît ?

 26   R.  C'est un petit peu foncé. Je ne sais pas. Alors, il s'agit d'un crâne

 27   vu de profil. La partie droite c'est l'avant du visage. Vous voyez les

 28   dents en bas à droite, et à gauche, c'est l'arrière du crâne. Vous avez ici

Page 5890

  1   un os en force de fer à cheval, qui correspond à l'os de la joue, et vous

  2   regardez ici le crâne de profil.

  3   Ce que cette blessure montre plus particulièrement, c'est un orifice par

  4   lequel est entrée la balle. Ici, vous avez la partie en bas à droite du

  5   crâne, qui constitue une flèche qui n'est pas naturelle, mais on voit ici

  6   un orifice noir en bas à gauche de forme circulaire. Ceci est une blessure

  7   par balle.

  8   A partir de là, vous voyez différentes lignes qui traversent le crâne. Ici,

  9   il y en a une qui va vers le haut du crâne, une vers l'arrière et une qui

 10   redescend. Ceci se produit en général lorsqu'une balle à très grande

 11   vitesse touche un crâne. Celle-ci perd beaucoup d'énergie, le corps se

 12   fragmente. Vous avez ces fractures, en fait, qui se produisent à tous les

 13   niveaux, avec le crâne qui est disloqué. C'est ce que l'on voit ici, on

 14   voit ici très bien la blessure par balle.

 15   Q.  Et avant de passer à la photographie suivante, quels sont les chiffres

 16   que vous avez indiqués ici en bas ? Qu'est-ce que cela signifie ?

 17   R.  Ah, les chiffres, pardonnez-moi. Il s'agit là de l'affaire en question.

 18   Le "KP" c'est "Konjevic Polje," et c'était la fosse commune numéro 1 à

 19   Konjevic Polje, donc "KP1," et nous attribuions un numéro à chaque corps.

 20   Ceci a été fait par l'équipe sur le terrain, c'est le 15e corps. Et le "B,"

 21   parce que c'est un corps, et non pas une partie de corps. Konjevic Polje,

 22   fosse numéro 1, 15e corps, et c'est un corps plutôt qu'une partie de corps.

 23   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Merci.

 24   Est-ce que nous pouvons maintenant passer à la pièce P901, s'il vous plaît.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Puis-je vous interrompre pendant

 26   quelques instants, s'il vous plaît.

 27   Vous avez d'abord dit que c'était le 15e corps et ensuite vous avez dit "le

 28   cinquième."

Page 5891

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi, je pensais que --

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous avons vu le numéro 15.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est 15 dans ce cas. Peut-être que c'est

  4   ma vue --

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup.

  6   Mme CHITTENDEN : [interprétation]

  7   Q.  Qu'est-ce que nous voyons ici, Professeur Clark ?

  8   R.  Ici, il s'agit d'un autre crâne, et ceci permet de montrer une ligature

  9   autour du visage. Le crâne a perdu de sa couleur, mais au milieu, on voit

 10   un petit peu d'un bandeau de couleur rose qui passe sur l'orbite des yeux.

 11   Ceci représente un bandage sur les yeux qui a été communément retrouvé. Il

 12   s'agit de "KK," Kozluk, troisième fosse à Kozluk, le numéro du corps est

 13   621, il s'agit d'un corps. C'est un bon exemple d'une ligature -- ou d'un

 14   bandage sur les yeux.

 15   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Et pour finir, est-ce que nous pouvons

 16   avoir le P902 dans le prétoire électronique, s'il vous plaît.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, on voit des mains qui sont tournées vers

 18   le bas. On voit ici une ligature autour du reste. Ici, il y a un lien. Je

 19   crois que ceci se trouve autour de chaque poignet et cela n'est pas au

 20   milieu. Ceci nous montre également qu'il y a différents degrés de

 21   conservation des corps. On voit ici qu'il y a des tissus encore, tissus

 22   comme du cuir, il y a de la peau, alors que d'autres n'étaient que de

 23   simples squelettes. Ici, c'est Kozluk numéro 3, corps numéro 329.

 24   Mme CHITTENDEN : [interprétation]

 25   Q.  Où ces photographies ont-elles été prises ?

 26   R.  Dans la morgue.

 27   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Professeur Clark.

 28   Je n'ai plus de questions à vous poser.

Page 5892

  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Chittenden.

  2   Monsieur Tolimir, vous pouvez maintenant commencer votre contre-

  3   interrogatoire et poser des questions au témoin.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  5   Monsieur les Juges. Je vous remercie.

  6   Je voudrais également saluer le témoin et toutes les personnes présentes.

  7   Je souhaite que ce procès se déroule selon la volonté de Dieu, et non pas

  8   seulement la mienne.

  9   Contre-interrogatoire par M. Tolimir : 

 10   Q.  [interprétation] Monsieur Clark, dans l'affaire Popovic et consorts, à

 11   la question posée à savoir sur quel site avez-vous travaillé, vous avez

 12   répondu que vous avez travaillé sur les localités concernant Srebrenica.

 13   Vous avez dit qu'il y avait d'autres endroits, mais que vous vous étiez

 14   concentré plutôt sur Srebrenica.

 15   Donc ma question est la suivante : étant donné que vous êtes médecin

 16   légiste, j'aimerais savoir de quelle façon --

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Les interprètes n'ont pas saisi la

 18   page du compte rendu d'audience. Pourriez-vous la répéter, s'il vous plaît.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Alors, je faisais

 20   allusion à la page 7 335, lignes 5 et 6. Merci.

 21   M. TOLIMIR : [interprétation]

 22   Q.  Donc ma question est la suivante : étant donné que vous êtes médecin

 23   légiste, de quelle façon avez-vous pu établir que les fosses de Kozluk,

 24   Koljevic Polje, Nova Kasaba, Glogova, Ravnice et Zeleni Jadar étaient liées

 25   à Srebrenica ? Avez-vous travaillé et enquêté tout seul pour établir ce

 26   fait ou bien est-ce que l'on vous a informé de ce fait ?

 27   R.  Nous n'avons pas fait d'enquêtes nous-mêmes. Je n'ai pas

 28   personnellement fait d'enquêtes. C'est une information qui m'a été donnée.

Page 5893

  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et pour le compte rendu d'audience,

  2   nous avons sous les yeux le document P892, extrait du compte rendu

  3   d'audience dans l'affaire Popovic.

  4   Veuillez poursuivre, je vous prie.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   M. TOLIMIR : [interprétation]

  7   Q.  Vous avez également le transcript sous les yeux, Monsieur le Témoin.

  8   Vous pouvez donc me corriger si je m'abuse.

  9   Etant donné que vous êtes médecin légiste -- plutôt non, je vous ai déjà

 10   posé cette question. A la page 7 335, nous apercevons la ligne 25, vous

 11   avez dit que les anthropologues ont essayé en se servant d'un squelette

 12   d'identifier une personne. Je ne sais pas si il s'agit d'une erreur de

 13   traduction, mais expliquez-nous de quelle façon peut-on identifier une

 14   personne à la suite de l'examen d'un squelette ? Est-ce que l'on peut

 15   établir l'identité de la personne, le sexe de la personne, l'âge de la

 16   personne ? De quoi s'agit-il ?

 17   R.  Ce que fait normalement un anthropologue est d'essayer d'avoir des

 18   points d'identification de base, à savoir d'abord s'il s'agit d'une femme

 19   ou d'une homme, ensuite d'établir le sexe de la personne et d'établir

 20   également une tranche âge. Mais il ne peut pas aller beaucoup plus loin que

 21   cela. L'anthropologue ne peut pas établir de quelle personne il s'agit.

 22   Mais ce n'était pas notre rôle non plus. Ce que nous avons fait toutefois,

 23   c'est de prendre des échantillons de chaque corps dans le but d'avoir peut-

 24   être une possibilité d'identifier ces corps à l'avenir à l'aide de

 25   l'analyse de l'ADN. Dans certains cas, il nous est arrivé de trouver des

 26   documents personnels dans la poche du cadavre, mais nous n'avons jamais

 27   attribué de nom particulier à la personne. C'est simplement pour avoir une

 28   idée, de savoir de quel type de corps nous avions -- nous traitions de quel

Page 5894

  1   type de corps, et de savoir si à l'avenir, si jamais il y a échantillon de

  2   l'ADN, de pouvoir concorder les deux.

  3   Q.  Merci bien. Puisque vous avez parlé de poches, à la page     7 342,

  4   ligne 1, vous avez dit, je cite :

  5   "Personne d'entre eux n'avait d'armes sur eux. Il nous est arrivé de

  6   trouver assez rarement des munitions dans les poches."

  7   Donc ma question est la suivante : puisque vos rapports portent sur toutes

  8   les conclusions, pouvez-vous nous dire si les effets personnels qui ont été

  9   trouvés dans les poches des personnes que vous avez retrouvées, si vous

 10   avez envoyé ces documents et ces objets à l'analyse ?

 11   R.  Je crois que oui. Je crois que nous avons procédé à l'analyse de tout

 12   ce que nous avons trouvé dans les poches. Tout ce que l'on a trouvé a

 13   toujours été remis à l'officier chargé de la scène du crime, et ce dernier

 14   s'occupait de ça. Je ne sais pas de quelle façon ils analysaient par la

 15   suite ces objets, mais il est certain que nous avons toujours tout remis

 16   aux personnes chargées de l'analyse et de l'examen de ces objets.

 17   Q.  Merci bien. Pourriez-vous nous dire si, à la suite de leur enquête,

 18   leurs constatations aient pu être incorporées dans votre rapport ? A

 19   savoir, les objets qu'on ait trouvé dans leurs poches, et ainsi de suite ?

 20   R.  Dans mon rapport, vous verrez que je fais référence aux choses, comme

 21   par exemple, un briquet, des documents, des papiers d'identité et ce type

 22   de choses, mais je n'ai jamais été beaucoup plus précis, parce que pour

 23   moi, pour ce qui est de mon analyse, ceci n'est pas la chose la plus

 24   importante. C'est une information qui est disponible quelque part

 25   certainement, mais ce n'est pas moi qui procédais à l'analyse de ces

 26   détails.

 27   Q.  Vous avez dit dans la déclaration dans l'affaire Popovic que dans un

 28   très grand nombre de cas vous n'avez pas pu établir la cause de décès et

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  1   que vous avez dû classifier ceci comme indéterminé. Ainsi, vous avez

  2   déclaré que vous ne pouviez pas exclure complètement qu'il s'agissait de

  3   personnes qui faisaient partie de l'armée, qu'il s'agissait de soldats,

  4   puisque la plupart de ces hommes étaient en âge de combattre. Ils pouvaient

  5   avoir des armes et auraient pu être tués lors des opérations de combat.

  6   Vous avez également déclaré aujourd'hui, à la suite d'une question

  7   posée par le Procureur, au compte rendu d'audience - 200 --

  8   L'INTERPRÈTE : Et le reste est inaudible.

  9   M. TOLIMIR : [interprétation]

 10   Q.  -- vous dites que pour 5 % des corps trouvés, l'on peut conclure qu'il

 11   s'agit de personnes qui ont été tuées à la suite d'une explosion, mais que

 12   pour le reste vous n'avez pas pu établir la cause du décès.

 13   Alors, ma question est la suivante : à la suite de ce que je viens de

 14   dire et de vos propos, j'aimerais savoir si c'est un anthropologue qui

 15   établit l'âge des personnes retrouvées dans les fosses communes ou bien

 16   est-ce que c'est le travail du pathologiste ? Et qui doit établir s'il

 17   s'agit d'une personne morte dans le cadre des opérations de combat ?

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous ne nous avez

 19   pas donné la bonne page. Je n'ai pas trouvé l'extrait en question. Donc je

 20   ne sais pas, effectivement, s'il s'agit d'un extrait du compte rendu

 21   d'audience dans l'affaire Popovic.

 22   Oui, Madame Chittenden.

 23   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

 24   En fait, mon premier commentaire se trouve à la ligne 11. Vous avez dit que

 25   "dans un très grand nombre de cas." Je crois que le témoin a répondu "dans

 26   certains cas," à la page 7 342, ligne 6, et non pas "un très grand nombre

 27   de cas," mais "dans certains cas."

 28   Et deuxièmement, comme M. Tolimir a fait mentionner ce qui figure aux

Page 5896

  1   lignes entre 2 à 6 [comme interprété], je ne crois pas du tout que c'est la

  2   bonne ligne et la bonne page. J'aimerais avoir la bonne référence, s'il

  3   vous plaît.

  4   Et en dernier, je voudrais demander à M. Tolimir de bien scinder ses

  5   questions, puisque la question est très composée, s'agissant de ce dernier

  6   paragraphe. Elle est très longue. Merci.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Clark, est-ce que vous vous

  8   souvenez de la première question ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, j'allais dire justement que je n'ai

 10   pas dit "un très grand nombre," mais j'ai dit "un certain nombre," donc il

 11   est très important de faire bien attention à cela.

 12   Et deuxièmement, la dernière partie de la question, s'agissant de

 13   l'anthropologue, je crois avoir expliqué la différence entre

 14   l'anthropologue et un pathologiste. L'anthropologue nous donne normalement

 15   l'information concernant l'âge, le sexe, et ainsi de suite, et donc nous

 16   recopions tout ceci dans notre rapport -- donc c'est ce que nous

 17   incorporons dans notre rapport. Je suis toujours, vous savez, un médecin et

 18   je peux même faire ma propre évaluation en examinant un corps, mais il est

 19   certain qu'il est utile aussi d'avoir l'anthropologue qui travaille avec

 20   nous de très près puisqu'il nous donne une information importante.

 21   Comme je l'ai mentionné, notre travail en tant que médecin légiste,

 22   en tant que pathologiste, est d'établir la cause du décès alors que

 23   l'anthropologue ne fait pas ce travail. L'anthropologue peut nous donner

 24   des conseils et nous donner son expertise, à savoir pour dire, Voilà, c'est

 25   une blessure par balle, et ainsi de suite, mais à la toute fin, en

 26   conclusion, c'est le pathologiste qui décide.

 27   Je suis désolé, je ne me souviens pas de la deuxième et troisième parties

 28   de votre question.

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  1   M. TOLIMIR : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Q.  Je vais répéter. Aujourd'hui, à la page 21, 100950, vous avez dit que

  3   5 % des corps retrouvés ont été tués lors d'une explosion et que pour le

  4   reste, vous n'avez pas été en mesure d'établir la cause du décès ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Cela veut dire qu'à peu près 14 % -- ou entre 13 et 14 % des corps

  7   retrouvés, si -- est-ce que vous avez listé toutes ces cas comme étant des

  8   cas "indéterminés" ?

  9   R.  Effectivement, j'ai établi que pour 5 % des cas, la cause du décès

 10   était une explosion, et je crois avoir dit également qu'un petit

 11   pourcentage est décédé à la suite d'une combinaison de balle et

 12   d'explosion, donc de mort par balles et explosion. Mais pour le reste,

 13   effectivement, nous n'avons pas pu établir réellement la cause du décès. Il

 14   se peut qu'un très grand nombre de ces corps qui démontrent des blessures

 15   ont été tués par balles, mais nous n'avions pas suffisamment de preuves, et

 16   donc nous n'avons pas inclus ceci dans notre rapport de cette façon-là.

 17   Donc un très grand nombre de personnes sont effectivement décédées à la

 18   suite de blessures par balle, ou à la suite d'explosion, ou à la suite

 19   d'une combinaison des deux.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le Juge Nyambe voudrait poser une

 21   question au témoin.

 22   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Quel type d'arme peut occasionner une

 23   blessure par explosion ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Toute arme explosive, telle une grenade ou une

 25   roquette. Tout ce qui peut exploser et qui peut endommager le corps avec

 26   des éclats d'obus, avec des éclats de tout type. Cela veut dire que

 27   l'impact est beaucoup plus large et recouvre l'ensemble du corps. Ce que

 28   nous avons trouvé dans ces cas-ci, c'était, par exemple, une partie du

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  1   corps endommagé, en grande partie, par exemple, soit un bras ou une partie

  2   du corps entière, et donc cela nous faisait comprendre qu'il s'agissait

  3   sans doute d'une grenade ou d'une explosion, toujours est-il.

  4   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Donc, pour vous, une blessure par

  5   balle n'est jamais une blessure causée par une explosion ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, nous faisons une distinction très claire

  7   entre les deux.

  8   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, veuillez

 10   poursuivre, je vous prie.

 11   Excusez-moi, Monsieur Tolimir, mais le Juge Mindua souhaite poser une

 12   question, une question de suivie, en fait.

 13   M. LE JUGE MINDUA : Oui, Monsieur Tolimir, excusez-moi.

 14   Je voudrais continuer dans la foulée de la question de Mme la Juge Nyambe à

 15   propos de blessures.

 16   Monsieur le Témoin, Docteur Clark, dans le transcript, page 22, lignes 9 à

 17   11, nous avons vu un crâne -- un squelette de crâne sur l'écran, et vous

 18   avez dit qu'il y avait un trou causé vraisemblablement par une balle.

 19   Alors, la question que je pose c'est sur la certitude de l'arme qui a causé

 20   cet orifice ou ce trou. Vous avez parlé d'une balle, est-ce qu'il ne

 21   pourrait pas s'agir, par exemple, d'une lance, une lance ou quelque chose

 22   d'autre ? Parce que vous faites la différence entre les blessures causées

 23   par balle, par explosion. Et dans ce cas précis, est-ce que -- quel est le

 24   degré de certitude ?

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourrait-on afficher la pièce P912 à

 26   l'écran, s'il vous plaît.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une très bonne question, et

 28   effectivement, cela me permet de mieux expliquer ce que représente une

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  1   blessure par balle.

  2   Nous voyons ici un crâne avec un orifice d'entrée rond, ce qui nous permet

  3   de conclure qu'il s'agit d'une blessure par balle. Et une blessure par

  4   balle peut être causée par plusieurs types d'armes. La plupart du temps, il

  5   s'agit d'un revolver, de pistolets, donc ce sont des armes à vélocité

  6   restreinte, donc ce n'est pas à grande vélocité. Ils laissent un trou; par

  7   exemple, là, dans le crâne, ils créent un trou, et par la suite il y a

  8   également un orifice de sortie.

  9   Lorsque nous voyons un schéma comme celui-ci où nous apercevons un trou et

 10   qu'une fragmentation a eu lieu autour, ceci nous permet de voir qu'une

 11   balle a touché le crâne avec beaucoup d'énergie. Mais lorsque la balle

 12   touche le crâne, elle perd toute l'énergie et la vélocité, et c'est là

 13   qu'elle s'arrête. Donc c'est le contraire, ce n'est pas ce qu'on appelle

 14   une arme à grande vélocité.

 15   Mais il faut dire également que dans un certain nombre de cas, nous avons

 16   également trouvé des trous dans les crânes où il n'y a pas eu de

 17   fracturation autour et où nous pouvions être sûrs qu'il s'agissait de

 18   l'usage d'un revolver ou d'un pistolet. C'est une possibilité. Mais c'est

 19   donc ce schéma, voyez-vous, de fragmentation du crâne qui nous permet de

 20   dire qu'il s'agit d'une arme à petite vélocité.

 21   Si le trou est rond, cela nous permet de voir que c'est une balle. S'il

 22   s'agissait d'une explosion, le trou aurait été beaucoup plus irrégulier.

 23   Mais la chose que vous ne pouvez pas voir ici sur cette photographie c'est

 24   que lorsque la balle traverse le crâne, elle laisse une marque très

 25   caractéristique. Le diamètre du trou à l'extérieur, donc le point de

 26   sortie, est plus petit que le diamètre à l'intérieur. C'est comme un

 27   entonnoir. On appelle ça en anglais "bevelling," donc rayure, et c'est très

 28   caractéristique. Nous ne pouvons pas le voir réellement ici. C'est un

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  1   biseautage. C'est ceci qui nous permet de voir la direction de la balle.

  2   C'est la raison pour laquelle je peux dire qu'il s'agit d'un orifice

  3   d'entrée, et non pas d'un orifice de sortie, puisque très souvent la balle

  4   traverse le crâne et ressort. Donc c'est tous ces éléments qui nous

  5   permettent de conclure très facilement qu'il s'agit, par exemple, d'une

  6   blessure par balle émise par une arme à grande vélocité.

  7   Je crois que vous avez également mentionné est-ce qu'on aurait pu, par

  8   exemple, dire qu'il s'agit d'un objet rond, d'un objet contondant, est-ce

  9   que ça aurait pu être une lance ou autre chose. A ce moment-là, oui, mais

 10   il n'y aurait pas eu de biseautage et on n'aurait pas vu ici cette

 11   fracturation autour du point d'entrée.

 12   M. LE JUGE MINDUA : Votre réponse est très claire.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, veuillez

 14   poursuivre, je vous prie.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci, Madame,

 16   Monsieur les Juges.

 17   Je remercie le Juge Mindua et Mme le Juge d'avoir posé des questions.

 18   M. TOLIMIR : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur le Témoin, vous êtes ici essentiellement pour nous dire qui a

 20   été tué dans le cadre des opérations de combat et qui a été tué simplement

 21   sans être impliqué dans des opérations de combat. Maintenant, j'aimerais

 22   savoir est-ce que vous avez pu établir ceci seulement sur la base de ce que

 23   vous avez trouvé sur ces personnes sur les lieux ou est-ce que vous vous

 24   êtes également fondé sur des conclusions qui étaient les vôtres ? Qu'est-ce

 25   qui vous a permis de conclure qu'une personne est décédée à l'extérieur des

 26   opérations de combat ou n'est pas décédée, tuée, sans être impliquée dans

 27   des opérations de combat ?

 28   R.  Je ne crois pas que j'ai jamais pris de décision me permettant de dire

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  1   -- ce n'est pas moi qui peut établir si ces personnes ont été tuées dans

  2   des opérations de combat ou pas. J'ai simplement fourni une information à

  3   l'appui de ces deux arguments, et il y a plusieurs éléments qui nous

  4   permettent d'établir certains faits.

  5   Par exemple, si vous pensez à une armée traditionnelle en uniforme, avec

  6   des armes, avec des munitions, c'est une chose, mais les corps que nous

  7   avons vus dans les fosses ne montraient aucun signe de tout ceci. On peut

  8   dire qu'après avoir été tués, on peut dire que, bon, d'accord, les armes

  9   ont pu être enlevées après que les personnes aient été tuées et qu'on ait

 10   pu enlever également les munitions. Vous pouvez également dire qu'il n'est

 11   pas nécessaire de porter un uniforme militaire pour être un soldat ou pour

 12   tirer d'une arme. C'est effectivement un fait. Je ne peux pas dire le

 13   contraire. Mais ce qui doit être dit c'est qu'aucun des corps retrouvés ne

 14   portait d'uniforme militaire, et la plupart -- ou presque aucun de ces

 15   corps n'avait d'armes sur eux ou n'avait de munitions dans leurs poches,

 16   par exemple.

 17   Deuxièmement, les soldats, par définition, sont de façon générale des

 18   personnes en forme, ce sont des hommes en âge de combattre. Alors que nous

 19   avons été en mesure d'établir ici que s'agissant du groupe de personnes

 20   retrouvées, plus particulièrement dans certains cas de fosses, il y avait

 21   un très grand nombre de jeunes adolescents allant jusqu'aux personnes âgées

 22   de 80 à 90 ans, donc ce n'est pas là vraiment une armée composée d'hommes

 23   en âge de combattre. Et il y avait également une certaine proportion de ces

 24   personnes - environ 4 % retrouvées dans la fosse de Kozluk - elles

 25   montraient certaines invalidités, par exemple, il y avait une personne qui

 26   avait un œil en verre, une autre personne avait eu une opération à cœur

 27   ouvert, une autre personne avait une prothèse au coude. Donc ce ne sont

 28   vraiment pas là des caractéristiques d'hommes en âge de combattre, de

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  1   soldats.

  2   Comme je vous dis, dans certaines fosses, telles Kozluk, Lazete, par

  3   exemple, nous avons retrouvé des ligatures, leurs poignets étaient attachés

  4   avec des attaches, ils avaient des bandeaux aux yeux. Donc, encore une

  5   fois, cela ne correspond pas à l'image que nous avons d'une armée

  6   traditionnelle.

  7   Et il y a eu également quelques observations d'ordre général, qui découlent

  8   d'une connaissance générale, bien sûr, c'est que typiquement, dans une

  9   situation de conflit, lorsque deux armées s'opposent, la plupart des morts

 10   sont causées par des explosions, et non pas par des décès par balle. Donc,

 11   historiquement parlant, lorsque vous examinez les conflits militaires, vous

 12   verrez de quelle façon ses personnes sont, pour la plupart, décédées. Dans

 13   un conflit traditionnel, vous verrez que la plupart des personnes sont

 14   d'abord blessées plutôt que tuées, et d'après mes connaissances -- et

 15   personne n'a jamais dit le contraire. En fait, on n'a pas trouvé un très

 16   grand nombre de personnes blessées dans la zone de Srebrenica. Personne ne

 17   m'a donné ces informations.

 18   Donc c'est la raison pour laquelle je peux conclure ce que j'ai conclu, en

 19   partant des vêtements portés par les personnes, de l'état dans lequel nous

 20   les avons trouvées, par exemple, des attaches aux poignets, des bandeaux

 21   aux yeux, donc très peu d'éléments ont pu nous faire croire qu'il

 22   s'agissait de personnes blessées lors des opérations de combat, et ceci,

 23   bien sûr, à la suite de l'examen à la morgue.

 24   Q.  Merci beaucoup. Puisque vous avez ici fait quelques mentions - vous

 25   avez fait quatre mentions - et vous avez dit que vous vous basiez sur une

 26   expérience générale, sur votre expérience personnelle, et s'agissant d'un

 27   décès par balle ou autre, donc vous nous avez parlé de cela. Mais voilà ce

 28   que j'aimerais vous demander : est-ce que vous saviez si les personnes à

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  1   Srebrenica, dont les restes humains que vous avez examinés, est-ce que vous

  2   saviez que la plupart de ces personnes portaient des vêtements civils ?

  3   Est-ce que l'on vous a donné cette information ? Est-ce que l'on vous a dit

  4   que la plupart des personnes portaient des vêtements civils parce qu'il

  5   s'agissait d'une zone démilitarisée et que c'était la raison pour laquelle

  6   ils ont dû porter des vêtements civils, pour que la FORPRONU ne les empêche

  7   de faire leurs activités, car il s'agissait d'une zone démilitarisée, comme

  8   je viens de le dire ?

  9   R.  Non, pas spécifiquement. Oui, je suis d'accord avec vous, que c'est

 10   tout à fait possible. Comme je l'ai dit, il n'est pas obligatoire qu'une

 11   personne porte un vêtement militaire pour être un soldat, effectivement. Je

 12   suis d'accord avec vous, c'est tout à fait possible.

 13   Q.  Très bien. Merci. Dites-nous également, est-ce que vous saviez que lors

 14   du ratissage du terrain effectué par les personnes qui ont procédé à

 15   l'enfouissement des corps dans les fosses, comme nous l'avons vu tout à

 16   l'heure, est-ce que vous saviez que l'on prenait des munitions, des moyens

 17   matériels et techniques et que tout ceci n'avait pas été enterré avec les

 18   restes posthumes ? Est-ce que vous pensez que ceci pourrait avoir une

 19   incidence sur vos conclusions, à savoir qu'il s'agissait effectivement et

 20   certainement de civils, et non pas de soldats ?

 21   R.  Non, je n'ai aucune connaissance de cela. Je n'avais pas cette

 22   information. Mais si vous reprenez toutefois la réponse que je vous ai

 23   donnée, vous verrez que c'est tout à fait possible. J'ai dit que c'est une

 24   possibilité. Je n'ai jamais exclu cela comme possibilité. Mais je n'ai

 25   jamais eu d'information précise à ce sujet.

 26   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. J'aimerais maintenant vous demander de

 27   nous expliquer quelque chose de très important afin que nous puissions

 28   apporter nos propres conclusions correctes. Certains témoins nous ont dit

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  1   qu'un certain nombre de personnes - d'ailleurs, il y a un témoin qui a

  2   témoigné devant nous et qui nous a parlé de plus de 100 personnes lorsqu'on

  3   a gardé cette colonne derrière qui effectuait cette percée, il nous a parlé

  4   d'une personne qui s'était suicidée.

  5   Alors, quel est le critère pour établir que ces personnes ne se soient pas

  6   suicidées ? Ces derniers n'étaient pas en contact avec l'ennemi. Ils

  7   étaient seuls. Nous savons très bien, d'après les déclarations du témoin,

  8   où ils se trouvaient au moment où ils ont essayé d'effectuer cette percée.

  9   Donc est-ce que vous, personnellement, à la suite de votre analyse, vous

 10   pouvez établir si une personne est morte de cette façon-là, si elle s'est

 11   suicidée ou pas ?

 12   R.  Oui, effectivement, c'est une bonne question. Nous n'apportions aucun

 13   jugement particulier sur ces morts, qu'il s'agisse d'un meurtre ou d'un

 14   suicide. Nous ne le savons pas. Nous pouvons simplement conclure que la

 15   plupart de ces personnes ont été tuées par balle. Je n'ai jamais parlé de

 16   meurtre intentionnel, d'"homicide," ni de "suicide." Je peux tout à fait

 17   accepter cette hypothèse qu'une personne s'est suicidée. Si vous me dites,

 18   par exemple, quelqu'un s'est suicidé en se tirant une balle dans la tête,

 19   s'est tirée dessus, la plupart du temps, lorsqu'une personne se suicide,

 20   elle se suicide en se mettant le revolver dans la bouche ou en se tirant

 21   sur la tempe ou dans la poitrine. Mais je n'ai pas réellement rencontré de

 22   personne représentant ce type de blessures, par exemple, juste une blessure

 23   à la bouche. Mais vous parlez peut-être de suicide effectué de façon

 24   différente, et en fait, la méthode la plus commune de suicide dans mon pays

 25   c'est la pendaison. Par exemple, si une personne s'est pendue, ceci

 26   pourrait, bien sûr, laisser peu de trace lors de l'analyse post mortem. Je

 27   n'aurais pas pu conclure qu'il s'est s'agi de cela. Donc si quelqu'un s'est

 28   suicidé en prenant une dose trop forte de médicaments, donc si quelqu'un

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  1   est mort à la suite d'une overdose, je ne peux pas établir cela non plus.

  2   Et si une personne s'est suicidée en se poignardant, c'est quelque chose

  3   que je ne peux pas non plus conclure.

  4   Je peux vous dire que je n'ai pas trouvé réellement de preuves me

  5   permettant de conclure que les 86 % des personnes qui représentent des

  6   signes de mort par balle ont péri à la suite d'un suicide. Je ne peux pas

  7   le conclure.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je pense que le

  9   moment est venu de faire notre première pause.

 10   Nous allons le faire pour des raisons techniques et nous reprendrons à 11

 11   heures.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 13   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 14   --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je tiens à consigner au compte rendu

 16   d'audience que la pièce P16C sera versée au dossier sous pli scellé.

 17   Monsieur Tolimir, vous pouvez continuer votre contre-interrogatoire.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à toutes

 19   et à tous encore une fois.

 20   J'appelle le professeur à l'aide sur un point. Est-ce que vous pouvez

 21   nous fournir votre avis.

 22   M. TOLIMIR : [interprétation]

 23   Q.  Serait-il plus juste de traiter les cas où les témoins de

 24   l'Accusation existent, et je ne parle pas là de témoins de la Défense, ne

 25   serait-il pas plus juste de dire que ces gens se sont entretués et qu'ils

 26   n'ont pas été tués aux combats, et est-ce qu'il ne serait pas bien de dire

 27   que ce sont des victimes de combats ? Donc, si nous avons une centaine de

 28   personnes qui ont été tuées de telle ou telle manière dans un pré, par

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  1   exemple, est-ce qu'on ne pourrait pas dire que ce sont des victimes de

  2   combats, et non pas que ce sont des victimes d'une intention délibérée de

  3   tuer, qu'elles ont été assassinées ?

  4   R.  Je ne suis pas sûr de bien suivre votre pensée. Je n'ai jamais parlé

  5   d'assassinat dans mon rapport, ni de "meurtre." Il appartient à d'autres

  6   d'en juger. Je me suis contenté de dire de quelle manière des individus ont

  7   été tués. Je n'ai pas exclu aucun cas de figure; combat, exécution ou

  8   autre. Je me contente de préciser quelle est la cause du décès, et il

  9   appartient à d'autres de décider de la manière et du moment où cela est

 10   survenu.

 11   Q.  Mais si nous avons un témoin de l'Accusation, je ne parle pas d'un

 12   témoin de la Défense, qui vient affirmer qu'un tel nombre de personnes ont

 13   péri à tel endroit, est-ce qu'il ne serait pas plus juste de dire

 14   qu'effectivement, ces gens-là ont été tués de la manière dont le disent les

 15   témoins, et non pas de suivre l'avis des pathologistes ou autres médecins

 16   légistes qui ont fait des examens sur des corps ?

 17   R.  Si quelqu'un avançait que ce groupe d'individus a été tué de cette

 18   manière-là, et s'il me posait la question de me demander si cela corrobore

 19   mes conclusions, je l'admettrais effectivement comme étant une possibilité.

 20   Ou si on me présentait un autre scénario, je pourrais par exemple dire,

 21   Oui, c'est possible, mais je ne pense pas que ce soit vraisemblable dans ce

 22   cas précis pour une série de raisons. Mais je ne pense pas que j'aie à

 23   catégoriser les gens. Je ne peux pas le faire. J'ai mes conclusions, je les

 24   soumets à l'Accusation et à la Défense, et eux peuvent me demander si mes

 25   conclusions étayent tel ou tel scénario. Là, oui, effectivement, je peux

 26   dire, Oui, non, ou peut-être.

 27   Q.  Je vous remercie, Professeur. Ma question est tout à fait bien

 28   formulée. Nous avons eu ici Jean-René Ruez, un témoin de l'Accusation -

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  1   vous avez peut-être entendu ce nom, il a été enquêteur pendant quelques

  2   temps.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Au site de Bare, il a affirmé avoir trouvé plus de 600 victimes tuées

  5   par des obus tirés par des pièces d'artillerie. Quant à savoir s'il

  6   s'agissait de tirs tendus ou non, peu importe, il s'agit de personnes tuées

  7   au combat. Et ces personnes ont été placées dans des charniers au même

  8   endroit où on a trouvé des restes d'autres personnes qui ont été tuées par

  9   balle, à des distances variants de 5 à 500 mètres. Comment est-ce qu'elles

 10   peuvent être placées toutes ensemble ?

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Chittenden.

 12   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Si M. Tolimir souhaite renvoyer le témoin

 13   à un élément précis, il devrait le lui soumettre.

 14   Ma deuxième objection consiste à dire que ceci sort du cadre de la

 15   déposition du témoin.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui tout à fait, c'était la réponse

 17   du témoin, mais je pense que le témoin serait en mesure de répondre.

 18   Est-ce que vous pouvez nous citer la référence précise, Monsieur Tolimir ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, merci.

 20   En attendant, mon assistant juridique retrouvera l'endroit où M. Jean-René

 21   Ruez a affirmé cela. Je ne voudrais pas que cela nous prenne trop de temps.

 22   Je voudrais continuer avec mes questions en attendant. Le professeur, il

 23   connaît les éléments sous différents angles, donc j'aimerais que lui nous

 24   réponde. Si tant de victimes ont été trouvées ensemble avec d'autres dans

 25   un charnier et si un témoin de l'Accusation nous affirme qu'elles ont été

 26   tuées par des tirs de pièces d'artillerie, comment alors est-ce qu'il faut

 27   considérer cela ?

 28   M. TOLIMIR : [interprétation]

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  1   Q.  Monsieur, je vous demande uniquement votre avis d'expert, qui m'aidera

  2   à avancer.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, si vous souhaitez

  4   que le témoin vous réponde, il faudra lui soumettre une affirmation

  5   précise. Autrement, vous ne pourrez pas obtenir une réponse précise de la

  6   part du témoin expert. Premièrement, il vous faudra paraphraser la

  7   déposition d'un autre témoin, et ensuite vous pourrez espérer obtenir une

  8   réponse précise de la part du témoin.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous comprends, Monsieur le Président, mais

 10   comprenez-moi. Je ne maîtrise pas l'anglais, je n'ai pas la transcription,

 11   je me souviens de ce que je viens de dire. Mon assistant juridique le

 12   retrouvera d'ailleurs. Entre-temps, j'ai simplement précisé dans quel

 13   contexte je posais la question au témoin pour qu'il me fournisse son

 14   opinion. C'est un expert qui a une très grande expérience, et je pense

 15   qu'il peut me répondre. S'il y a des objections, j'abandonnerai.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] L'Accusation.

 17   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Monsieur le Président, je réitère

 18   l'objection que je viens de soulever, les éléments de déposition ont été

 19   représentés de manière inexacte.

 20   M. Ruez a déposé le 3 mai 2010, page 1 538 -- ou plutôt, 1 537, lignes 5 et

 21   au-delà.

 22   Excusez-moi, 1 538, où il est question de restes trouvés en surface.

 23   Il ne s'agit pas de charniers, donc on a repris cette déposition de manière

 24   inexacte.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher,

 26   s'il vous plaît, cette partie de la transcription.

 27   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Vous pouvez commencer à la page 1 537,

 28   puis plus loin dans le texte, page 1 538, à partir de la ligne 16.

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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] 1 537, à partir de la ligne 5, et

  2   page 1 538 à partir de la ligne 16, tels sont les extraits auxquels nous

  3   renvoie Mme Chittenden.

  4   Est-ce que vous le voyez ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'arrive pas à le voir. Mais de

  6   manière générale --

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait vous aider.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai la sensation qu'il s'est occupé des cas

  9   qui n'ont pas fait l'objet d'examen par moi. Seuls les pathologistes sont

 10   en mesure d'identifier la cause du décès. D'ailleurs, les enquêteurs

 11   peuvent uniquement formuler leur opinion se fondant sur les éléments qu'ils

 12   ont identifiés. Si cela était les conclusions de la morgue, très bien, mais

 13   les deux peuvent différer.

 14   Sur la base des examens que j'ai menés, je peux vous dire si mes

 15   conclusions correspondent à la possibilité que des personnes aient péri

 16   dans le cadre de combats où qu'ils aient été tués au combat et inhumés par

 17   la suite, et je vous répondrais que c'est une possibilité, mais non une

 18   certitude.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons montrer à

 20   présent la page 1 538 à partir de la ligne 16. C'était le deuxième extrait.

 21   Est-ce que vous pouvez nous formuler un commentaire là-dessus ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit là de l'équipe finlandaise de

 23   pathologistes. Je n'ai rien à voir avec leur travail, je ne sais pas sur

 24   quoi ils ont travaillé, donc je ne peux pas formuler de commentaire là-

 25   dessus.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Je remercie Mme Chittenden et M. Clark. Je pense que vous m'avez aidé

Page 5911

  1   à trouver la réponse que je cherchais, parce que nous avons un certain

  2   nombre de victimes qui relèvent de ce cas de figure. Et je vous suis gré

  3   d'avoir invité Mme Chittenden à citer la bonne portion du compte rendu

  4   d'audience, puisque je ne peux pas le lire dans ma langue maternelle.

  5   M. TOLIMIR : [interprétation]

  6   Q.  Je comprends qu'il s'agit de restes trouvés en surface et qu'il s'agit

  7   de l'équipe finlandaise, mais j'ai une question : si un témoin ou des

  8   témoins arrivent à établir la cause du décès ou les circonstances du décès

  9   de ces victimes, si on arrive à la conclusion que ce sont des victimes de

 10   combat, que faut-il alors penser si on me reproche à moi ces victimes-là ?

 11   Que serait-il plus approprié ? Car d'ailleurs il s'agit là de témoins de

 12   l'Accusation qui affirment cela. Merci.

 13   R.  Si on était en mesure de savoir de quels corps il s'agit, oui, mais à

 14   notre niveau, nous n'avons pas pu opérer cette distinction. Peut-être

 15   qu'aujourd'hui cela est possible, grâce à des tests menés par l'ADN. Il

 16   serait peut-être possible par l'identification d'arriver à distinguer ces

 17   individus et en faire un cas à part et les analyser à part. Mais nous

 18   n'avons pas pu faire cela. Je n'exclus pas que cela puisse se faire. Peut-

 19   être que ce groupe pourrait être distingué et ses membres pourraient être

 20   traités individuellement. Mais dans un charnier, je n'ai aucun moyen de

 21   savoir, là au stade où j'en suis, qui est qui.

 22   Q.  Je vous remercie, Professeur. Je vais aborder une autre série de

 23   questions à présent. Je vous remercie de m'avoir permis de mieux voir un

 24   certain nombre de faits dont j'ai besoin.

 25   Lignes 10 à 12, page 5 343, vous avez dit, je cite :

 26   "Il y a un certain nombre de personnes qui avaient certaines infirmités qui

 27   les auraient empêchées de se trouver dans une situation de combat."

 28   Question : si nous partons du fait qu'il s'agit de corps --

Page 5912

  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Gajic.

  2   M. GAJIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  3   Monsieur les Juges.

  4   Correction. Il s'agit de la page 7 343, lignes 10 à 12. Compte rendu

  5   d'audience de l'affaire Popovic, déposition du témoin que nous avons ici à

  6   présent.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P00892.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Monsieur Tolimir, veuillez poursuivre.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je remercie M. Gajic d'avoir précisé la

 11   référence au compte rendu d'audience. Je pense que M. le Témoin l'a vue

 12   maintenant et que nous allons pouvoir continuer.

 13   M. TOLIMIR : [interprétation]

 14   Q.  Les avez-vous vues ?

 15   R.  Je n'arrive pas à les voir. Mais je ne pense pas que j'aurais parlé

 16   d'empêchement, que cela les aurait "empêchés de participer au combat." Je

 17   pense que j'aurais dit que cela le rendait moins probable, mais je n'aurais

 18   pas parlé d'empêchement. Ce matin, ce que j'ai dit dans le cadre de ma

 19   déposition, c'est le fait qu'il y ait un nombre considérable de personnes

 20   qui avaient des infirmités et que cela rendait moins probable le fait

 21   qu'ils aient été des soldats et qu'ils aient participé au combat. Cela

 22   n'est pas impossible.

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Alors, Maître Gajic, je ne vois pas

 24   les lignes 10 à 12. Page 7 343.

 25   Nous l'avons maintenant à l'écran. Merci.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] J'admets effectivement que j'ai utilisé ce

 27   verbe-là, "empêcher."

 28   Vous avez quelqu'un, par exemple, qui a un bras raide ou une jambe raide

Page 5913

  1   qu'il ne peut pas plier -- cela les empêcherait de se servir d'une arme de

  2   la manière habituelle. C'est ce que j'entendais par là.

  3   M. TOLIMIR : [interprétation]

  4   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Je vous entends.

  5   A présent, j'aimerais savoir la chose suivante : y avait-il un grand nombre

  6   de personnes handicapées ou comportant des infirmités, quelque chose qui

  7   les aurait exemptées du service militaire, ou est-ce que ces infirmités

  8   étaient négligeables ?

  9   R.  Je pense que Kozluk est l'endroit où nous avons trouvé le plus grand

 10   pourcentage de personnes ayant des handicaps physiques considérables -- 4

 11   %, à savoir. Bien sûr, il s'agit là d'infirmités que nous avons pu détecter

 12   sur des corps réduits à l'état de squelettes. Il y en a eu peut-être

 13   d'autres que nous n'avons pas pu identifier. Puis si vous allez examiner

 14   d'autres sites, Nova Kasaba, Lazete, Glogova, là, il y avait une moindre

 15   proportion d'individus comportant des infirmités physiques considérables. A

 16   Kozluk, c'était plus fréquent.

 17   Q.  Est-ce que vous pouvez nous expliquer à présent comment est-ce qu'on

 18   identifie cela; ces corps avaient été inhumés pendant longtemps, on les a

 19   déplacés de fosses primaires en fosses secondaires, ce qui a entraîné de

 20   nouvelles lésions ? Alors, comment est-ce que vous avez pu déterminer cela

 21   ?

 22   R.  Les infirmités principales que nous avons pu voir sont détectables au

 23   niveau du squelette. Les tissus mous disparaissent, mais le squelette

 24   reste. Si vous avez, par exemple, quelqu'un qui a un problème au niveau du

 25   coude, cela ne disparaîtra pas au niveau du squelette. De même, si

 26   quelqu'un a un œil en verre, il restera le même. Vous aviez des cas

 27   d'arthrite, cela se voit également. Puis parfois il y avait encore des

 28   tissus qui étaient conservés, il y avait des traces d'interventions

Page 5914

  1   chirurgicales, d'interventions chirurgicales sur le cœur, ou des plaques de

  2   métal sur des corps. Donc ce sont des éléments qui restent même à partir du

  3   moment où le corps s'est décomposé.

  4   Q.  Comment vous pouvez savoir qu'il y a eu une intervention chirurgicale

  5   sur le cœur précédemment s'il n'y a plus de cœur, s'il n'y a plus de

  6   tissus.

  7   R.  Parfois il y a le cœur qui est toujours préservé. Mais il faut savoir

  8   que lorsqu'on procède à une intervention chirurgicale sur le cœur, on doit

  9   atteindre le cœur, et on peut encore voir qu'il y a eu des sutures au

 10   niveau du sternum. Parce que pour procéder à une opération à cœur ouvert,

 11   on est obligés d'ouvrir la cage thoracique, donc les traces se verront au

 12   niveau du sternum, qui aura été remis en place avec des points de suture en

 13   métal. Cela restera visible. Nous avons eu un ou deux cas de ce type-là. Ce

 14   n'est pas nécessairement une infirmité, parce que l'on peut très bien se

 15   remettre de ce type d'intervention, mais c'est néanmoins un élément

 16   significatif, une constatation à laquelle nous sommes arrivés.

 17   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Par exemple, nous avons eu un cas

 18   classique parmi les cas sur lesquels vous avez travaillé où un certain

 19   nombre de personnes que vous avez eu à traiter ont été tuées dans ce qui a

 20   été appelé la percée dans le but de passer d'un territoire à l'autre. Il

 21   s'agissait d'une situation de combat. Ils tentaient d'opérer une sortie

 22   parce qu'ils étaient encerclés. Pourriez-vous me dire s'il existe des

 23   blessures qui permettraient de qualifier une telle tentative de percée

 24   lorsqu'on est encerclés, et est-ce qu'il s'agit d'une situation militaire

 25   typique ?

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, encore une fois,

 27   cela serait utile pour nous que vous nous donniez une référence, à savoir

 28   la partie pertinente du rapport.

Page 5915

  1   Madame Chittenden.

  2   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Mon objection portait là-dessus. Je

  3   proposais qu'il pose une question hypothétique au témoin, mais s'il n'a pas

  4   d'éléments de preuve pour l'étayer, dans ce cas, non.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais comme M. Tolimir faisait

  6   référence à votre rapport, peut-être que vous pouvez nous donner une

  7   réponse.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, ce n'est pas à moi de déterminer ce

  9   qu'est une situation militaire et ce qui ne l'est pas. Mais pour essayer de

 10   vous fournir une réponse, une situation où il y a une percée correspond,

 11   j'imagine, à une situation où les hommes courent dans tous les sens et on

 12   leur tire dessus. Il peut y avoir des tirs de différents endroits, peut-

 13   être une fois, peut-être plusieurs fois. Nos conclusions coïncideraient

 14   tout à fait avec cela. Mais également, il pourrait y avoir une demi-

 15   douzaine de scénarios de ce genre et je dirais la même chose. Mais il n'y a

 16   rien, à mon sens, qui soit particulièrement caractéristique d'une opération

 17   militaire précise. Je ne pourrais absolument pas dire cela.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Clark. Je vous remercie, Madame

 19   Chittenden, je m'excuse de ne pas avoir donné une référence pour le compte

 20   rendu. Je souhaitais simplement en parler en termes généraux.

 21   M. TOLIMIR : [interprétation]

 22   Q.  Vous avez abordé cette question-ci à la page 7 360, lignes 11 à 15, où

 23   vous faites état de situations de guerre classiques, et vous évoquez à cet

 24   endroit les caractéristiques de la guerre moderne. Moi, je faisais

 25   référence à une situation en particulier, à savoir lorsqu'il y a une

 26   percée. Peut-être que vous pourriez regarder cette partie du compte rendu

 27   plutôt que ma lecture du compte rendu suivie de la traduction.

 28   R.  Je crois que ce que vous évoquez c'est --

Page 5916

  1   En tout cas, moi, je faisais référence à un article qui avait été publié

  2   dans la littérature médicale et portant sur des situations de combat

  3   typiques lorsqu'il y a des conflits à grande échelle. Les blessures

  4   typiques des victimes sont des blessures dues à l'explosion plutôt qu'à des

  5   balles, et davantage de personnes sont blessées, et moins de personnes sont

  6   tuées. Ça, c'est lorsqu'on analyse le conflit au sens large, par exemple,

  7   la Guerre du Golfe, la guerre en Irak, la guerre en Afghanistan, si on

  8   aborde le sujet dans sa globalité. Je crois que vous, vous laissez entendre

  9   que l'on parle d'incidents très particuliers, et les incidents très

 10   particuliers ne s'appliquent pas à cela, ou l'inverse. Moi, j'aborde le

 11   conflit dans sa globalité, et les conclusions qui sont les nôtres, après le

 12   passage à la morgue, le type de blessures que nous avons constaté,

 13   laissaient entendre qu'il s'agissait davantage d'une situation de conflit

 14   militaire atypique.

 15   Pour revenir à votre question d'origine, à savoir si les blessures

 16   constatées pourraient être dues à une percée, oui, effectivement, c'est

 17   possible.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maintenant, nous avons cet extrait de

 19   votre témoignage antérieur à l'écran, le P892.

 20   Monsieur Tolimir.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Je m'excuse auprès de toutes les personnes présentes, et surtout auprès du

 23   professeur, parce que je n'ai pas donné la page de référence de l'extrait

 24   en question à temps.

 25   M. TOLIMIR : [interprétation]

 26   Q.  Pouvons-nous établir avec une certaine certitude le nombre de victimes

 27   dues aux combats lorsqu'il y a une percée, par opposition à une situation

 28   où on tire sur différentes personnes dans le cas d'un peloton d'exécution

Page 5917

  1   ou de personnes exécutées d'une autre façon ?

  2   R.  Je ne pense pas que je puisse faire le distinguo entre les deux très

  3   facilement.

  4   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Pourriez-vous nous dire pourquoi il est

  5   difficile de faire la différence entre les deux ? C'est très important que

  6   nous sachions cela dans ce procès parce que chaque victime de plus a une

  7   plus grande responsabilité.

  8   R.  Tout dépend du scénario que vous présentez -- écoutez, je vais

  9   commencer comme ceci -- lorsqu'il s'agit d'une percée, je suppose qu'il

 10   s'agit d'hommes qui s'enfuient et on leur tire dessus de différents

 11   endroits, donc on peut s'attendre à des blessures par balle sur différentes

 12   parties du corps, un nombre de blessures différentes par personne. Et pour

 13   un pourcentage important des corps, ceci pourrait correspondre.

 14   Dans le cas d'un peloton d'exécution, je pense que l'image générale

 15   que l'on aurait c'est qu'il y aurait des gens qui seraient debout, on leur

 16   tire dessus dans le dos une fois, deux fois, ou plusieurs fois sur les

 17   mêmes parties du corps ou le même endroit dans le corps, et nous avons

 18   retrouvé des cas dans ces fosses qui correspondraient à cela.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Professeur, de votre

 20   réponse.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, le témoin

 22   vient de s'arrêter parce que vous étiez en train de discuter avec votre

 23   assistant juridique.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il n'avait pas terminé sa

 26   réponse. Nous allons l'entendre.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai indiqué qu'il y avait un certain nombre

 28   de corps pour lesquels nous n'avons constaté qu'une blessure à l'arrière du

Page 5918

  1   crâne ou sur le côté du crâne, ce qui indiquerait qu'il y a eu une

  2   exécution de la part d'un peloton d'exécution, d'une blessure due à cela

  3   plutôt qu'à une blessure par balle dans le cas d'une percée. Je pense à un

  4   groupe de personnes en particulier que nous avons retrouvé sur le site de

  5   Glogova, 12 hommes qui étaient attachés ensemble, ils avaient tous une

  6   blessure par balle sur le côté de la tête, des ligatures autour des

  7   poignets. Je ne pense pas que l'on pourrait les classer dans la catégorie

  8   percée. Plutôt dans la catégorie peloton d'exécution ou quelle que soit la

  9   situation.

 10   Et dans tous les cas, je pense que l'on peut trouver des exemples qui

 11   correspondraient au scénario que vous décrivez, celui d'une percée, ou

 12   alors l'autre scénario qui est celui d'un peloton d'exécution, ou même

 13   peut-être une exécution de type à bout portant.

 14   M. TOLIMIR : [interprétation]

 15   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Pardonnez-moi de vous avoir interrompu.

 16   J'ai cru que vous aviez terminé votre réponse.

 17   Je souhaite que vous répondiez à cette question compte tenu de votre

 18   expérience. C'est quelque chose que vous n'avez pas étudié, vous-même, mais

 19   c'est quelque chose qui nous faut aborder. C'est une zone dans laquelle il

 20   y a eu des combats, et les deux parties savent cela. Donc il y a eu un

 21   nombre très important de victimes; 2 500 à   3 000, et toutes ces victimes

 22   ont été enterrées dans des fosses communes, et c'est de notoriété publique

 23   que toutes ces personnes ont été prises à un endroit où il y a eu des

 24   combats, où il y a eu une tentative de percée pour pouvoir passer en

 25   territoire libre. Merci.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Chittenden.

 27   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président,

 28   je soulève une objection. Ceci déforme complètement le témoignage dans

Page 5919

  1   cette affaire. Merci.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous présentez un

  3   fait au témoin, vous devriez être précis et donner une référence, s'il vous

  4   plaît. Sinon, le témoin n'est pas en mesure de commenter cela.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Je comprends bien votre position ainsi que celle de Mme Chittenden. J'ai

  7   dit que le témoin lui-même n'a pas travaillé sur le terrain, se pose donc

  8   le problème de victimes qui ont été jetées ensemble dans des fosses

  9   communes, quelle que soit la cause de leur décès. C'est la raison pour

 10   laquelle je lui ai posé cette question, compte tenu de son expérience. Mais

 11   je vais retirer ma question, si je le dois, étant donné que je ne suis pas

 12   en mesure de citer une page de référence à ce stade.

 13   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cela n'est pas -- cela n'est pas ce

 15   que je vous demandais de faire. Vous ne devez pas retirer votre question,

 16   mais la reformuler. Si vous dites au témoin qu'il s'agit d'une région où il

 17   y avait des combats, les deux parties étaient au courant, il y avait un

 18   nombre très important de victimes, entre 2 500 et 3 000, donc si vous posez

 19   des questions, inutile de faire une telle déclaration si vous avez une

 20   référence. Vous devriez peut-être reformuler votre phrase sans exposer les

 21   faits comme vous le faites pour pouvoir recueillir la réponse du témoin.

 22   Reformulez simplement votre question et poursuivez. Vous faites un exposé

 23   d'un fait et nous ne savons d'où provient ce fait.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Je vais reformuler ma question. Je ne connais pas les références exactes et

 26   je pense que tout un chacun, y compris l'Accusation, sait qu'il y avait des

 27   combats parce qu'il y avait une tentative de percée dans cette zone. Ceci,

 28   c'est connu de toutes les parties. Je vais reformuler.

Page 5920

  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur McCloskey, je crois que Mme

  2   Chittenden pose des questions à ce témoin, et après cet échange M. Tolimir

  3   était d'accord pour reformuler sa phrase. Donc nous devrions entendre la

  4   réponse. Laissez-le continuer.

  5   M. McCLOSKEY : [interprétation] Vous m'autorisez à parler ?

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non. C'est à Mme Chittenden de

  7   prendre la parole, c'est elle qui interroge ce témoin. C'est assez

  8   difficile d'avoir deux conseils pour l'accusé, c'est difficile.

  9   Monsieur Tolimir, nous allons entendre votre réponse [comme interprété],

 10   s'il vous plaît.

 11   M. TOLIMIR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Monsieur le Professeur, au cours de vos travaux en Bosnie-Herzégovine,

 13   par exemple, pour ce qui est des autopsies des victimes, des autopsies

 14   liées à la chute de Srebrenica, avez-vous fait appel à des conseillers

 15   juridiques qui pouvaient vous présenter leur thèse sur ce qui était arrivé

 16   ?

 17   R.  Non, seulement dans le cadre des tribunaux, lorsque différents

 18   scénarios m'ont été présentés, comme vous le faites maintenant.

 19   Q.  Merci. Dans l'affaire Popovic, en réponse à la question posée à savoir

 20   si votre rôle en tant que médecin légiste consistait à contester certains

 21   cas ou deviez-vous travailler dans le sens d'une condamnation, à la page 7

 22   386, lignes 14 à 15 :

 23   "J'avais pour rôle de rassembler les éléments de preuve, et c'était aux

 24   autres de les interpréter."

 25   A la page 7 387, lignes 15 à 16, vous avez déclaré :

 26   "Je souhaitais recueillir des éléments d'information sur les personnes de

 27   la façon la plus ouverte et la plus impartiale possible, et c'était aux

 28   autres d'interpréter ce que j'avais trouvé."

Page 5921

  1   Est-ce que cela signifie que cela n'était pas à vous, en tant que médecin

  2   légiste, d'établir si une personne avait été tuée au combat ou, par

  3   exemple, si elle avait été exécutée, et que vous deviez rédiger votre

  4   rapport sans présenter de telles conclusions ?

  5   R.  Oui, c'était le dernier élément. Ce n'était pas à moi de définir des

  6   situations particulières comme une situation militaire. Et j'insiste encore

  7   pour dire que vous ne trouverez pas dans mon rapport mention de quelque

  8   chose de ce genre, à savoir qu'il s'agit de personnes mortes au combat ou

  9   qui sont mortes dû à l'exécution et de façon ferme et définitive. De temps

 10   en temps, je l'ai formulé de cette façon-là et je disais que les éléments

 11   de preuve laissent entendre telle ou telle chose. Et mon rôle consiste à

 12   établir les conclusions, et si les questions me sont posées par

 13   l'Accusation ou la Défense, pas de problème, mais -- même si cela va à

 14   l'encontre de l'un ou de l'autre ou ne concorde pas. Si vous souhaitez, je

 15   suis un serviteur du Tribunal. Je suis un serviteur ni de l'Accusation ni

 16   de la Défense.

 17   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. C'est la raison pour laquelle certains

 18   points m'intriguaient et je vous ai posé des questions dessus parce que je

 19   ne savais pas comment les interpréter. Je vais maintenant passer à un autre

 20   sujet, et je vous remercie des réponses que vous m'avez fournies dans ce

 21   domaine-ci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher maintenant le

 23   numéro P894. Il s'agit du rapport qui a été rédigé par le pathologiste en

 24   chef, intitulé "Les fosses communes de Srebrenica." Est-ce que nous pouvons

 25   afficher -- ou plutôt, passer à la page 2 dans les deux langues, serbe et

 26   anglaise. Il s'agit là d'un passage intitulé : "Rapport d'autopsie."

 27   Nous l'avons sur nos écrans. On peut lire :

 28   "Un rapport d'autopsie a été rédigé pour chaque corps et partie de corps…"

Page 5922

  1   M. TOLIMIR : [interprétation]

  2   Q.  Voici ma question : une autopsie des parties de corps n'était-elle

  3   effectuée qu'au moment où on a établi la correspondance entre ces parties

  4   de corps, et je suppose que c'est l'anthropologue qui s'en est occupé ?

  5   Pourriez-vous nous dire de quelle manière était effectuée une autopsie des

  6   parties de corps ?

  7   R.  Nous avons fait des tentatives pour réassimiler des parties de corps

  8   avec les corps. Nous devions traiter avec les corps. Nous avions un nombre

  9   beaucoup plus important de parties de corps, comme je vous l'ai dit. Nous

 10   avons rédigé un rapport pour chaque partie de corps. Inévitablement, il y

 11   avait des rapports plus petits lorsque nous ne traitions que d'un avant-

 12   bras ou d'une main, mais il y avait toujours un rapport distinct pour

 13   chaque élément. Mais nous n'avons fait aucune tentative, bien évidemment,

 14   d'établir le lien entre le corps et les parties de corps. Ceci a été fait

 15   par la suite - ceci n'avait rien à voir avec mon travail - et tous les

 16   éléments recueillis, je parle maintenant des rapports, tous ces éléments

 17   portaient sur les corps, et non pas sur les parties de corps. On va peut-

 18   être un petit peu loin lorsqu'on parle d'un rapport d'autopsie lorsqu'il

 19   s'agit d'un avant-bras ou d'une main. Il s'agit plutôt d'un rapport

 20   d'analyse. Une "autopsie" signifie beaucoup plus. Il s'agit de toute façon

 21   d'un rapport officiel portant sur chaque partie de corps, et ceci a été

 22   fait sans aucune tentative d'association entre les deux.

 23   Q.  Merci de votre réponse, Monsieur le Professeur. Veuillez nous dire,

 24   compte tenu de ce que vous venez de nous dire, ceci : peut-on présenter un

 25   nombre de victimes plus important ou moins important en fonction des

 26   parties de corps qui n'ont pas été associées à un corps ?

 27   R.  Oui, je crois que j'ai compris ce que vous voulez dire. Les

 28   chiffres avec lesquels j'ai travaillé sont des chiffres qui portent sur des

Page 5923

  1   corps complets. L'anthropologue qui se penche sur les parties de corps

  2   pourrait peut-être signaler que certaines parties de corps provenant

  3   d'autres corps qu'il n'a pas vus. Par exemple, si les 56 corps dans une

  4   fosse commune ont tous un bras gauche et que nous trouvons une partie de

  5   corps correspondant à un bras gauche, cela correspond, bien évidemment, à

  6   une autre personne. Ça, c'est un exemple assez simple. Mais en faisant un

  7   tel exercice, on peut voir si, oui ou non, à partir de ces parties de

  8   corps, il y a peut-être cinq ou six, voire davantage de personnes qui n'ont

  9   pas été retrouvées en tant que telles dans la fosse; le reste du corps n'a

 10   pas été vu. C'est la raison pour laquelle les chiffres varient, et mes

 11   calculs ne se fondent pas là-dessus. Mes calculs se fondent sur les corps

 12   physiques que j'ai pu dénombrer, un, deux, trois, que j'ai pu voir. Mes

 13   calculs se fondent là-dessus.

 14   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Compte tenu des réponses que vous venez

 15   de nous fournir, veuillez répondre à cette question-ci : lorsque ces

 16   rapports d'autopsie - je crois que c'est ainsi qu'on les appelle - ont été

 17   rédigés, les médecins légistes et anthropologues ont-ils rédigé un rapport

 18   pour chaque corps ou s'agissait-il de rapports distincts ? Merci.

 19   R.  Oui, bonne question. Il est vrai qu'il y avait un rapport qui était

 20   rédigé par le médecin légiste, et l'anthropologue avait besoin de chaque

 21   rapport pour chaque cas, et à partir de leur rapport, ils nous

 22   transmettaient des informations que nous trouvions utiles et que nous

 23   incluions dans nos rapports; par exemple, l'âge, le sexe et des choses

 24   comme ça, par rapport à un corps. Mais d'après ce que je comprends, ils ont

 25   leurs propres documents. Je ne sais pas dans quel format ceci a été

 26   présenté. Je ne sais pas si ceci a donné lieu à un rapport officiel ou non.

 27   Ils avaient en tout cas, c'est certain, leurs propres documents.

 28   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Je souhaite maintenant recueillir une

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  1   réponse complète de vous : est-ce que cela signifie qu'il y aurait à terme

  2   le rapport définitif à la fois des anthropologues et des médecins légistes

  3   ? Merci.

  4   R.  Oui, c'est tout à fait possible, parce que nous nous penchons sur des

  5   choses différentes. Le rapport du médecin légiste est ce que tout le monde

  6   comprend comme étant correspondre à un rapport d'autopsie, à savoir la

  7   description du corps, la cause du décès. Ça, c'est un rapport d'autopsie

  8   classique. L'anthropologue fournissait leur propre rapport permettant

  9   l'identification, l'énumération des ossements, l'âge, et cetera, ce type

 10   d'informations-là, et ne tentait absolument pas -- de la façon dont je

 11   comprends les choses, ne tentait absolument pas d'élucider les causes du

 12   décès ou d'interpréter ce qui a été trouvé comme je l'ai interprété. Je ne

 13   sais pas si ceci est une réponse utile pour vous.

 14   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. C'est tout à fait utile.

 15   Pour bien comprendre ce que vous dites, en tant que néophyte, veuillez me

 16   dire ceci : est-ce que quelqu'un a analysé ces deux rapports et est-ce que

 17   quelqu'un a tiré des conclusions sur ce que contenait une fosse commune

 18   dans laquelle se trouvaient 100 à 200 corps ?

 19   R.  C'est tout à fait possible. Je ne sais pas. Je n'en ai aucune idée.

 20   Q.  Merci. Si ce n'était pas le cas, ces rapports seraient-ils perçus comme

 21   étant deux rapports distincts ?

 22   R.  Il peut y avoir un rapport provenant d'un anthropologue, d'un

 23   archéologue, qui donne le nombre total de corps retrouvés dans une fosse

 24   commune. Mon rapport traite simplement des corps complets ou des corps

 25   quasi complets que nous avons eu à traiter. Je suis tout à fait prêt à

 26   accepter que si j'ai 200 corps à traiter émanant d'une fosse commune, il y

 27   a d'autres calculs qui existent qui analysent des parties de corps, donc il

 28   aurait pu y avoir quelque chose comme 230 corps. Moi, je m'en tiens

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  1   strictement aux corps que j'ai pu analyser. Je suppose que quelqu'un a

  2   regardé ces parties de corps et a tenté de faire une estimation des

  3   personnes en question, mais ce n'est pas quelque chose dont je me suis

  4   occupé.

  5   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Pour bien comprendre ce que vous venez

  6   de nous dire, pourriez-vous me dire ceci : quels sont les faits sur

  7   lesquels se penchait un médecin légiste et les faits sur lesquels se

  8   penchaient un anthropologue et un archéologue, dont vous venez de parler,

  9   afin que je puisse comprendre, en regardant les rapports, lequel évoque

 10   différents faits et questions ? Merci.

 11   R.  A commencer par l'archéologue, l'archéologue se penche sur la fosse,

 12   physiquement parlant, comment elle est organisée et ce qu'on y trouve, ce

 13   qui a été retrouvé de façon générale dans la fosse commune.

 14   L'anthropologue, comme je vous l'ai dit un peu plus tôt, aide à la fois

 15   l'archéologue et le médecin légiste en identifiant les personnes

 16   individuellement en tentant d'en évaluer le nombre. Et le médecin légiste,

 17   à l'extrémité de ce processus, a pour tâche, une fois qu'on lui a présenté

 18   tous ces corps, de les analyser en détail, d'énumérer les blessures et

 19   autres éléments constatés et de parvenir à une explication pour la cause du

 20   décès.

 21   Le médecin légiste est la seule personne à se pencher sur

 22   l'énumération des blessures dans le détail, à analyser les vêtements, à

 23   regarder les autres éléments retrouvés et à parvenir à la conclusion sur la

 24   façon dont cette personne est décédée. Personne d'autre ne fait cela. De

 25   même, le médecin légiste n'a rien à voir avec la fosse commune en tant que

 26   telle ni sur ce qu'on y trouve. Ça, cela relève du travail de

 27   l'archéologue.

 28   L'anthropologue est entre les deux, puisqu'il vient en aide à l'une

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  1   et à l'autre partie.

  2   Q.  Merci bien, Monsieur le Professeur. Alors, sur la base de ce que vous

  3   venez de nous expliquer, à savoir quelles sont les tâches distinctes entre

  4   les trois branches, je conclus donc que c'est le pathologiste qui rédige le

  5   rapport le plus important. C'est lui qui apporte les conclusions et c'est

  6   lui qui a le rapport le plus fiable. C'est le pathologiste qui présente le

  7   rapport le plus fiable par rapport à d'autres rapports, n'est-ce pas ?

  8   R.  Pour vous corriger sur quelque chose que vous avez dit, je voudrais

  9   simplement vous dire qu'en fait, ce n'est pas les anthropologues qui

 10   examinent ce qui se trouve dans les poches et qui examinent également les

 11   vêtements. C'est le rôle du pathologiste de se pencher sur cette question.

 12   Mais de façon générale, pour établir les causes du décès, effectivement, le

 13   rapport du pathologiste est le plus important, mais je dois vous dire que

 14   lorsqu'il s'agit d'établir les circonstances du décès, la façon dont le

 15   corps a été enfoui ou enterré, c'est l'archéologue qui joue un rôle

 16   important. Donc nous avons tous un rôle distinct, un rôle important. Mais

 17   si vous prenez une personne vivante et une personne morte, la personne qui

 18   établit la raison du décès, c'est le pathologiste qui établit cette cause

 19   du décès.

 20   Q.  Merci bien, Professeur. Justement, je pensais que j'allais obtenir

 21   telle réponse. Je me suis peut-être mal exprimé lorsque j'ai dit que les

 22   anthropologues viennent en aide aux pathologistes à la fois et aux

 23   archéologues pour arriver justement à la conclusion dont vous venez de nous

 24   parler. Donc je vous remercie de cette réponse.

 25   J'aimerais maintenant vous demander ce qui suit : lorsqu'il est

 26   question d'établir les traumatismes qui ont été détectés sur les ossements

 27   ou dans les fosses, puisque la majeure partie des corps que vous avez

 28   examinés étaient des squelettes, est-ce que c'est le pathologiste qui a le

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  1   rôle plus important dans ce cas-ci, par rapport aux archéologues et par

  2   rapport aux anthropologues ?

  3   R.  D'abord, l'archéologue n'a aucun rôle dans la morgue, donc

  4   l'archéologue n'est pas présent dans la morgue. Les personnes qui sont

  5   présentes dans la morgue, c'est l'anthropologue et le pathologiste.

  6   Vous dites que la plupart des corps étaient des squelettes. Mais ce n'est

  7   pas vrai. Puisque nous avons également trouvé des traces de tissu autour

  8   des ossements, donc ce n'est pas seulement le cas d'avoir trouvé des

  9   ossements, il faut dire. Donc je dois dire que toutes nos conclusions sont

 10   apportées à la suite de ce que nous avons vu sur le squelette.

 11   Nous savons très bien à quoi ressemble le squelette et nous savons très

 12   bien à quoi ressemblent les autres parties du corps, en tant que

 13   pathologistes. Mais l'anthropologue a une expertise particulière lorsqu'il

 14   s'agit d'examiner les ossements et les os, donc leur contribution est très

 15   importante car ils nous aident à comprendre quel os appartient à quelle

 16   partie du corps, puis si l'os est fragmenté, d'essayer de les remettre

 17   ensemble, replacer ensemble. Donc nous travaillons de très près ensemble,

 18   mais c'est quand même le pathologiste qui est la personne qui apporte des

 19   conclusions concernant la cause du décès. Par exemple, c'est le

 20   pathologiste qui doit dire telle et telle blessures qui étaient infligées à

 21   l'os a causé telle et telle blessures, car on ne meurt pas de blessures

 22   causées aux ossements. On meurt aux blessures causées au corps, bien sûr.

 23   Donc lorsqu'on regarde un corps, par exemple, ce n'est pas une blessure à

 24   l'os qui est la raison de la cause du décès, mais ce sont les dommages

 25   causés aux organes. Pour cela, pour arriver à la conclusion finale, c'est

 26   les anthropologues qui nous assistent et qui nous aident à arriver à la

 27   conclusion finale.

 28   Q.  Merci bien, Professeur, de m'avoir expliqué ceci, car j'ai maintenant

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  1   bien compris.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche sur le prétoire

  3   électronique le document P894. Merci. Vous nous avez très bien expliqué le

  4   tout, et il est plus facile, bien sûr, de poser une question une fois que

  5   le document est à l'écran.

  6   Merci bien. Nous avons maintenant le document, et vous l'avez également en

  7   anglais.

  8   M. TOLIMIR : [interprétation]

  9   Q.  "Comme il est dit ici, on a tiré des fosses 294 corps qui étaient

 10   presque des corps complets, et il y en avait, en fait, 233," n'est-ce pas,

 11   "233 corps et parties de corps. Et d'après les évaluations

 12   d'anthropologues, il s'agissait d'au moins 340 personnes."

 13   Donc ma question porte sur le nombre de corps sur le profil. Alors, ici,

 14   vous êtes en train de nous donner une évaluation faite par les

 15   anthropologues. Est-ce que ceci veut dire que le nombre minimum des

 16   personnes trouvées dans les fosses communes n'est pas une évaluation qui

 17   relève de votre analyse, mais c'est un chiffre que vous avez reçu de

 18   l'anthropologue, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] De l'anthropologue ou de

 21   l'archéologue ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Des anthropologues.

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   M. TOLIMIR : [interprétation]

 26   Q.  Ma prochaine question est la suivante : quelle est l'importance pour

 27   les pathologistes d'avoir cette information, à savoir le nombre minimum de

 28   personnes trouvées dans une fosse pour ce qui est du nombre minimum de

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  1   personnes, puisque nous avons également dans cette fosse des parties de

  2   corps ?

  3   R.  Dans cette fosse, il y avait un très grand nombre de parties de corps

  4   et nous savions très bien que s'agissant de ce site, c'était un site qui

  5   avait déjà été touché, et j'imagine que la plupart des parties du corps

  6   représentaient des parties de corps qui avaient été endommagées lorsqu'on a

  7   déplacé les corps ou des parties de corps de cette fosse. Il y a quelques

  8   raisons pour lesquelles on peut se retrouver avec des parties de corps :

  9   l'une des raisons étant, par exemple, qu'il y a eu une blessure causée par

 10   une explosion, et un pied se détache. A ce moment-là, cette partie du corps

 11   devient une partie de corps. Ensuite, au fil des années, les corps se

 12   décomposent, et les tissus qui maintiennent les parties de corps ensemble,

 13   les ligaments, disparaissent, et donc un bras peut se détacher du reste du

 14   squelette puisqu'il n'y a plus rien pour les garder ensemble. Et

 15   deuxièmement, les corps peuvent avoir été déplacés et démantelés par la

 16   suite, à la suite soit d'activités d'une machine, du fait qu'on ait creusé

 17   le site, qu'on ait déplacé des corps, et à ce moment-là, on se retrouve

 18   également avec des parties de corps, et c'est ce qui nous semble être

 19   l'explication la plus plausible ici.

 20   Q.  Merci bien, Monsieur le Professeur. Je ne pose pas ces questions par

 21   curiosité. Je veux simplement avoir les faits.

 22   Je vous demanderais de bien vouloir nous expliquer, s'agissant de 41 corps

 23   ici, si toutes les parties de corps, qui représentaient un minimum de 340

 24   personnes, avaient fait l'objet d'une analyse par l'ADN ?

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Chittenden.

 26   Mme CHITTENDEN : [interprétation] Je voulais simplement savoir d'où vient

 27   cette référence à 41 corps que l'on a faite ici.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je vous écoute,

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  1   pourriez-vous nous expliquer ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Je vais essayer de citer ce qui figure à la page 6. C'est ce qui

  4   figure dans la partie où l'on parle de Kozluk. Alors, je cite :

  5   "Comme il a été dit auparavant, on a tiré 292 corps entiers," donc je

  6   répète 292 corps entiers, "et 233 parties de corps, la plupart de ces

  7   derniers ont été retirés du KK3. D'après les calculs anthropologiques, il

  8   s'agirait d'un minimum de 340 personnes."

  9   J'ai soustrais 292 de 340 pour voir ce qui serait le chiffre total, pour

 10   savoir s'il y a une différence importante, pour que nous puissions en

 11   prendre connaissance, et donc c'est la raison pour laquelle je pose cette

 12   question au professeur en tant qu'expert.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, la question que vous me posez c'est

 14   si toutes ces parties de corps peuvent être rassemblées pour faire un total

 15   de 41 personnes -- ou 48 personnes, je ne sais plus. Je ne sais pas. Je ne

 16   peux pas vous dire s'agissant de la concordance qu'on a essayé de faire.

 17   J'imagine que certaines de ces parties de corps proviennent des 292 corps,

 18   mais cela ne peut pas être l'explication pour ce qui est du nombre total.

 19   Et donc le nombre de 233 parties de corps, qui est un chiffre assez

 20   imposant, cela voudrait peut-être dire que le reste est manquant.

 21   Effectivement, on a fait une tentative pour faire concorder ces parties de

 22   corps avec des corps retrouvés dans d'autres sites, mais je ne sais pas si

 23   on a réussi de faire ce travail. Puisqu'il y avait un très grand nombre de

 24   corps qui manquaient de ce site, nous nous sommes retrouvés avec des

 25   parties de corps.

 26   M. TOLIMIR : [interprétation] Merci, Monsieur le Professeur.

 27   Q.  Est-ce qu'on pense -- ici, dans ce site, pourriez-vous nous expliquer

 28   si ces parties de corps sont mises en concordance avec les corps, ou se

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  1   trouvaient-elles là dans cette fosse indépendamment des corps retrouvés ?

  2   R.  Je ne peux pas répondre à cette question, car je ne les ai pas vues

  3   dans le site. Mais j'imagine que lorsque les corps ont été retirés, les

  4   parties de corps, si elles avaient fait partie du corps à ce moment-là, ces

  5   parties de corps étaient liées au corps. Si vous avez, par exemple, une

  6   personne sans bras gauche et que vous trouvez un bras gauche à côté du

  7   corps, je pense que lors de l'exhumation la décision aurait été prise pour

  8   dire que cette partie de corps correspond et appartient à ce corps.

  9   Alors, le fait d'identifier les parties de corps de façon

 10   indépendante, il était assez difficile, puisque l'équipe qui se trouvait

 11   sur le terrain, lorsqu'ils trouvaient des parties de corps qu'ils ne

 12   pouvaient pas associer à un corps, ils les appelaient parties de corps

 13   puisque ces parties de corps étaient séparées. Je ne sais pas non plus si

 14   toutes les parties de corps se trouvaient à un endroit dans la fosse et si

 15   les corps se trouvaient de l'autre côté, ça, je ne le sais pas, ou si les

 16   parties de corps étaient éparpillées dans la fosse un peu partout.

 17   Q.  Oui. En fait, je vous pose la question parce qu'ici on parle de

 18   "parties de corps," et je me demandais si ces parties de corps étaient

 19   rattachées d'une certaine façon aux "corps" trouvés dans la fosse, si elles

 20   faisaient partie de ces corps-là ou si elles étaient là de façon

 21   complètement indépendante.

 22   R.  Je crois que vous pouvez être tout à fait certain que si nous pensions

 23   qu'une partie de corps appartient à un corps, pour quelque raison que ce

 24   soit, par exemple, si une partie de corps avait le même vêtement que le

 25   corps ou était juste à côté du corps en question, à ce moment-là, nous

 26   aurions certainement pris en compte le fait que cette partie de corps

 27   appartient au corps. Mais lorsque nous les avons appelées parties de corps,

 28   cela veut dire que nous ne pouvions pas les faire correspondre aux corps

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  1   retrouvés. Et à la morgue, nous n'avons pas pu établir de rapport entre ces

  2   parties de corps et les corps en question.

  3   Q.  Merci bien, Professeur. Lorsque vous parlez de "partie de corps," est-

  4   ce que vous pensez là à un os qui est complètement indépendant et qui ne

  5   correspond à aucun autre corps dans la fosse, ou est-ce que vous pensez aux

  6   os qui sont liés entre eux, qui appartiennent à un tout ? Merci.

  7   R.  Eh bien, je pense --

  8   Q.  [aucune interprétation]

  9   R.  Les deux -- on peut trouver un os, comme le fémur, mais très souvent,

 10   il s'agissait d'une petite partie d'un corps, par exemple, un avant-bras,

 11   un bras au complet, un pied, une jambe. Si jamais il nous était arrivé de

 12   trouver un os, l'os d'une main, l'os d'un pied, à ce moment-là, ces os

 13   étaient recueillis tous ensemble, et par la suite ils étaient analysés en

 14   tant que tels, en tant que parties indépendantes, donc on n'a pas essayé de

 15   faire autre chose. Mais lorsqu'on parle de "partie de corps," c'est

 16   exactement ce que l'on s'imagine que c'est. C'est une partie de corps que

 17   nous pouvons identifier comme étant une petite partie ou une partie d'un

 18   corps.

 19   Q.  Merci bien. L'avant-dernier paragraphe de votre rapport est intitulé

 20   "Décomposition," et vous dites ici que :

 21   "Le niveau de décomposition est différent dépendamment de

 22   l'emplacement des parties de corps dans la fosse, et il y a également un

 23   effet de protection à cause des corps qui l'entourent et du fait de

 24   l'humidité des corps entourant."

 25   J'aimerais savoir, s'agissant de ces corps, est-ce que vous avez retrouvé

 26   également ceci dans d'autres fosses, c'est-à-dire le fait que des organes

 27   internes étaient bien reconnaissables même si la peau était quelque peu

 28   durcie, et ainsi de suite, donc pour ce que je vous ai dit, est-ce que vous

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  1   avez trouvé ces éléments ailleurs ?

  2   R.  En Bosnie, ce qui m'a surpris le plus, c'était le fait qu'il était

  3   absolument impossible de prédire le niveau de conservation des corps dans

  4   les fosses. Et effectivement, vous avez raison lorsque vous étiez surpris

  5   de dire que l'on pouvait retrouver un corps dans une fosse qui était

  6   relativement bien préservé alors que le corps à côté n'était pas bien

  7   préservé, était complètement décomposé. Je n'ai pas la réponse précise à

  8   ceci, mais je peux simplement dire que c'est peut-être une question de

  9   microclimat, c'est ce qui se passait dans la zone précise de la fosse.

 10   Peut-être parce qu'il y avait un autre corps qui était par-dessus, qui le

 11   recouvrait et qui le protégeait d'une certaine façon de cette façon-là.

 12   Peut-être parce qu'il y avait plus d'humidité autour du corps ou peut-être

 13   parce qu'ils étaient enfouis plus en profondeur dans la fosse. Ce sont des

 14   éléments, effectivement, sur lesquels on peut se pencher. Mais c'était

 15   quelque chose qui nous a frappés effectivement, que certains corps étaient

 16   parfois particulièrement bien préservés alors que d'autres pas du tout, et

 17   ce n'était pas seulement dans les sites pour ce qui est de Srebrenica, mais

 18   j'ai remarqué ceci également dans d'autres sites.

 19   Q.  Merci bien, Professeur. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, étant

 20   donné que c'était un cas, pourriez-vous nous dire si vos collègues vous ont

 21   également donné des données concernant les corps, par exemple, le taux

 22   d'humidité, et cetera, puisque vous aviez remarqué ce phénomène ? Est-ce

 23   que vous receviez de vos collègues ce type d'informations ?

 24   R.  Non, rien d'officiel. Il nous est arrivé de faire des observations de

 25   ce type, d'exprimer une surprise également, mais nous n'avons reçu aucune

 26   indication précise officielle concernant ceci.

 27   Q.  Merci bien. Lorsqu'il est question de cet exemple concret dont vous

 28   venez de nous parler, pourriez-vous nous dire si, dans les fosses, on

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  1   pouvait retrouver également des cadavres appartenant à des périodes

  2   différentes, ou ces corps dataient-ils tous de la même période, mais ils

  3   représentaient néanmoins ces caractéristiques différentes dont vous venez

  4   de nous parler ?

  5   R.  Je n'ai pas la réponse à cette question. Je crois qu'il est tout à fait

  6   possible que certains corps aient pu être là plus longtemps que d'autres et

  7   que l'on a rajouté simplement d'autres corps par la suite, mais si

  8   quelqu'un m'avait dit que tous les corps avaient été placés dans cette

  9   fosse le même jour, je n'aurais aucun argument pour prouver le contraire.

 10   Mais s'agissant de la décomposition du corps, il faut également tenir

 11   compte d'un autre facteur, à savoir est-ce que le corps est enterré

 12   immédiatement après la mort. L'enfouissement après le décès est très

 13   important puisque les bactéries commencent à se multiplier. Donc s'il fait

 14   chaud, par exemple, le corps commence à se décomposer assez rapidement,

 15   mais si le corps est enfoui, s'il est dans un lieu froid sans air, la

 16   décomposition est ralentie. Donc l'état de préservation d'un corps peut

 17   varier selon le moment de l'enfouissement après le décès de la personne.

 18   Ceci est également un facteur qui peut jouer dans cette analyse.

 19   Q.  Très bien. Merci, Professeur. Pourriez-vous nous dire si on a procédé à

 20   une analyse pour savoir quand les corps ont pu être placés dans la fosse

 21   et, effectivement, s'il y a eu délai dans une même fosse par rapport aux

 22   corps qui s'y trouvaient ?

 23   R.  Je suis tout à fait certain que les enquêtes ont été menées pour

 24   établir ceci. Je sais que les archéologues peuvent certainement établir les

 25   différents moments d'enfouissement à partir du moment où la fosse a été

 26   reconstruite. Ce sont des connaissances que je détiens parce que j'en ai

 27   parlé avec d'autres collègues, des archéologues et des anthropologues. Mais

 28   je peux vous dire que ce n'est pas d'un point de vue strictement de ma

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  1   profession en tant que pathologiste. Je ne peux rien vous répondre là-

  2   dessus.

  3   Q.  D'un point de vue de votre profession, est-ce qu'il y a des standards

  4   dans le domaine de la pathologie qui peuvent déterminer la vitesse à

  5   laquelle un corps se décompose, par exemple, est-ce que le corps se

  6   décompose plus rapidement s'il contient plus de calcium, et ainsi de suite

  7   ?

  8   R.  Je ne sais pas si c'est le facteur principal d'une décomposition, la

  9   quantité de calcium, mais je sais que tous les corps vont se décomposer.

 10   Nous le voyons, bien sûr, de façon régulière dans la pratique.

 11   Effectivement, un corps dans un environnement plus chaud se décompose

 12   beaucoup plus rapidement qu'un corps qui se trouve dans un environnement

 13   plus froid. Un corps dans l'eau se décompose de façon différente qu'un

 14   corps qui est exposé à l'air ou qui se décompose sous la terre. Donc il y a

 15   beaucoup de littérature là-dessus. Nous avons encore beaucoup de chose à

 16   apprendre, mais il est certain que ces sites-ci ont ouvert nos yeux pour ce

 17   qui est de la variété de changements, la façon de prévoir certaines choses

 18   également. Je crois qu'en fait, ce que nous pouvons voir dans les livres

 19   qui portent sur la pathologie, il est certain que les corps se décomposent

 20   de façon différente, qu'ils se trouvent dans un lieu sec, un lieu humide,

 21   dans l'eau ou sous la terre, mais j'ai été étonné de pouvoir constater ces

 22   mêmes changements se retrouver ou apparaître dans les corps enfouis dans le

 23   même site.

 24   Bon, c'est une réponse assez longue -- je ne me souviens plus quelle

 25   était votre question initiale. Mais s'agissant de décomposition, c'est un

 26   domaine qui est encore en train d'être découvert.

 27   Q.  Justement, c'est ce que je voulais savoir. Quel est le critère

 28   principal qui est appliqué pour déterminer le degré de décomposition d'un

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  1   corps ? Nous avons une fosse avec des degrés de décomposition différents

  2   sur les différents corps, donc est-ce que là vous me répondriez par les

  3   changements dont vous venez de parler ?

  4   R.  Nous n'avons pas vraiment cherché à savoir ce qui en est du degré de

  5   décomposition. Tout ce que je peux vous dire, c'est que ces corps n'étaient

  6   pas là depuis peu de temps. A en juger d'après leur aspect, ils étaient

  7   morts au moins depuis plusieurs mois, et très probablement depuis plusieurs

  8   années. Je ne peux pas vous dire que c'était trois ans, quatre ans ou cinq

  9   ans, parce qu'il arrive un moment où il y a une convergence des

 10   modifications subies. Donc nous n'avons pas cherché à déterminer

 11   précisément le moment du décès.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   Page 7, s'il vous plaît, dans le prétoire électronique.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant d'examiner une autre portion de

 15   ce document, nous pourrions peut-être faire notre deuxième pause.

 16   Nous reprendrons à 13 heures.

 17   --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.

 18   --- L'audience est reprise à 13 heures 04.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je vous en prie,

 20   vous pouvez poursuivre votre contre-interrogatoire.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   M. TOLIMIR : [interprétation]

 23   Q.  Ma question suivante, la voici : M. le Témoin peut-il se rappeler une

 24   réponse qu'il nous a déjà donnée, ou plutôt, est-ce qu'on peut afficher la

 25   page 7 de ce rapport, s'il vous plaît. Je ne sais pas si le témoin l'a sous

 26   les yeux, où la première phrase qui s'affiche est la suivante :

 27   "Pratiquement sur la totalité des corps, nous avons pu constater la

 28   présence d'objets vestimentaires; sur certains corps, il s'agissait de

Page 5938

  1   plusieurs objets vestimentaires légers; et sur d'autres, plusieurs couches

  2   de vêtements."

  3   Alors, pourriez-vous, s'il vous plaît, vous souvenir d'une régularité

  4   éventuelle que vous avez pu observer. Est-ce qu'il y a eu une différence en

  5   fonction des fosses communes; est-ce que dans certaines il y avait

  6   davantage de corps recouverts de plusieurs couches de vêtements tandis que

  7   dans d'autres c'était plutôt des vêtements légers; est-ce que cela était dû

  8   à des habitudes vestimentaires des individus dont les corps gisaient dans

  9   ces corps [phon] ou bien était-ce dû au fait qu'ils étaient vêtus d'une

 10   manière différente simplement avant de se retrouver dans ces fosses ?

 11   R.  Oui, j'ai bien compris votre question. Je n'ai pas fait d'études là-

 12   dessus. Je n'ai pas examiné cela. Je ne sais pas où se sont trouvés tels ou

 13   tels corps dans les fosses. Je pense que ce sont des éléments que vous

 14   pourriez trouver quelque part, mais moi-même, je ne me suis pas intéressé à

 15   cela, donc je ne peux pas vous répondre.

 16   Q.  Merci. C'est pour des raisons pratiques que je vous pose cette

 17   question. Prenons des objets vestimentaires que vous avez trouvés, ils

 18   comportent des traces de poudre. Si on les envoie à une expertise, il est

 19   possible de déterminer la distance de tir. De là ma question : a-t-on fait

 20   expertiser des objets vestimentaires pour établir la distance de tir ou non

 21   pour des fosses que vous avez examinées vous-même ? Merci.

 22   R.  Non, cela n'a pas été fait. Une étude afin d'établir la présence de

 23   poudre sur des restes exhumés de fosses communes n'aurait pas de sens vu

 24   que cette poudre aurait pu passer d'un corps à un autre. Ce serait possible

 25   dans le cas de fosses individuelles, mais dans un charnier, cela n'aurait

 26   pas de sens. Vous pourriez, par exemple, démontrer qu'il y a des traces de

 27   poudre sur un objet vestimentaire, mais cela aurait pu contaminer un corps

 28   venant d'un autre corps à quelque stade que ce soit. Donc nous n'avons pas

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  1   demandé ce type d'expertise.

  2   Mais je puis peut-être vous dire la chose suivante : afin de déterminer la

  3   distance de tir, vous pouvez faire autre chose -- c'est sur la base du feu

  4   qui sort au bout du tube. Si la personne a été touchée à bout portant, le

  5   corps ou les objets vestimentaires, en plus de l'orifice d'entrée de la

  6   balle sur le corps, vous allez aussi voir la fumée et voir même la trace de

  7   flammes qui sortent du canon, et si vous êtes éloigné, même à quelques

  8   pieds de distance, il n'y aura plus ce type de trace.

  9   Donc je comprends pourquoi vous me posez cette question. Je peux vous

 10   répondre brièvement qu'effectivement, nous ne nous sommes pas penchés sur

 11   les restes de poudre qui auraient pu nous indiquer si ces individus avaient

 12   été abattus à bout portant ou si les tirs venaient d'une très courte

 13   distance.

 14   Q.  Merci, Professeur. A présent, j'aimerais savoir la chose suivante : a-

 15   t-on procédé à une expertise des vêtements afin d'établir si les individus

 16   en question se sont servis d'une arme ? Si je me sers d'une arme, on

 17   trouvera des traces de poudre sur mes vêtements, et si j'étais touché et

 18   blessé par une balle, on trouvera ces traces à l'endroit où j'étais blessé.

 19   R.  Je maintiens ce que je viens de dire précédemment. Ce n'est pas

 20   simplement parce que vous avez tiré un coup de feu d'une arme ou parce que

 21   vous avez été touché par une balle que vous allez porter des traces de

 22   poudre. Toutes sortes d'éléments doivent être présents, mais nous n'avons

 23   pas cherché à déterminer s'il y avait des traces de poudre sur des mains

 24   des individus. Je dois dire que dans le cas d'une fosse commune, ce critère

 25   perd son sens, et de toute façon ce serait très difficile à s'appuyer sur

 26   cet élément lorsqu'il s'agit des corps décomposés. Donc nous n'avons pas

 27   cherché à savoir cela.

 28   Q.  Mais, Professeur, je pensais aux vêtements, et non pas aux parties de

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  1   corps. Je pensais aux manches, par exemple, ou autres parties de vêtements

  2   où on peut identifier les orifices d'entrée et de sortie de balles.

  3   R.  Oui. C'est ce que j'ai pensé que vous avez demandé, en effet. Dans un

  4   cas idéal, si vous aviez un corps d'une victime, effectivement ce serait

  5   certainement intéressé à cela. Mais cela n'a pas été fait puisque cela

  6   n'est pas approprié lorsqu'on travaille sur des fosses communes, à moins

  7   qu'on ait des techniques très spécialisées, que nous n'avions pas.

  8   Q.  S'il vous plaît, pourriez-vous nous dire quelles sont ces techniques

  9   très pointues, très spécialisées, qui auraient éventuellement pu être

 10   appliquées ? Merci.

 11   R.  Pas dans ce cas qui nous intéresse. Là, je sors du cadre de mon

 12   expertise, mais je sais que l'on peut, par exemple, examiner les tissus,

 13   mêmes des os, en se servant d'un microscope électrique spécial, et cela

 14   permet d'identifier la présence de particules qu'on aurait pas identifiées

 15   autrement. Mais je ne m'y connais pas vraiment, et cela aurait été

 16   impossible dans la situation où nous avons travaillé, nous. Donc, encore

 17   une fois, nous ne l'avons pas fait.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Professeur.

 19   Peut-on montrer au professeur la page 8 à présent dans les deux

 20   langues, en serbe et en anglais, pour que le professeur puisse savoir ce

 21   qui constituera la base de ma question suivante.

 22   M. TOLIMIR : [interprétation]

 23   Q.  C'est la distribution des tirs qui m'intéresse. Nous voyons que le plus

 24   souvent les individus ont été touchés au niveau du tronc. Par conséquent,

 25   je vous demande : d'expérience, diriez-vous que dans une situation de

 26   combat c'est effectivement au niveau du tronc que se présentent la plupart

 27   des lésions par balle ?

 28   R.  En fait, je ne connais pas les chiffres. Je ne sais pas quelles sont

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  1   les statistiques pour les situations de combat de manière générale. Mais vu

  2   que le tronc est la partie la plus importante du corps, il est susceptible

  3   d'être touché le plus souvent. Je ne sais pas si cela correspond aux

  4   chiffres que l'on a pu établir pour d'autres conflits, mais effectivement

  5   je ne pense pas qu'il y a une très grande différence.

  6   Q.  Professeur, vous en tenez à ce qui est écrit ici, donc je vais vous

  7   poser ma question suivante.

  8   Veuillez regarder le dernier paragraphe de la page 8 en serbe. Mon

  9   assistant me dit que ceci se trouve à la page 9 de l'anglais, le premier

 10   paragraphe sur cette page. Ce qui m'intéresse c'est la fréquence des tirs

 11   sur les jambes. C'est ce paragraphe-là, avec les jambes. C'est le deuxième

 12   paragraphe à la page 9 en anglais. On peut le voir sur nos écrans, me dit

 13   mon assistant.

 14   Ce qui m'intéresse est la fréquence des tirs sur les jambes, qui est

 15   évoquée ici, et ces tirs-là sont des tirs plus récurrents qu'au niveau de

 16   la tête :

 17   "…on peut arguer du fait que 27 % est ce à quoi on peut s'attendre, compte

 18   tenu d'une distribution aléatoire, étant donné que les jambes représentent

 19   à peu près 36 % de la surface du corps, on doit donc envisager la

 20   possibilité qu'au moins certaines de ces blessures ont donné lieu à des

 21   tirs délibérés qui ont rendu ces jambes infirmes, et par ailleurs il y a eu

 22   des blessures fatales dues à cela, bien que ceci ne s'applique peut-être

 23   pas."

 24   J'ai lu ceci un peu rapidement. Je suppose que vous étiez à même de lire

 25   ceci en anglais vous-même.

 26   Question suivante : au cours de votre examen, avez-vous pu établir la

 27   séquence dans laquelle ces blessures ont été infligées, à savoir si on a

 28   tiré tout d'abord sur les jambes et ensuite une autre partie du corps ?

Page 5942

  1   Est-ce quelque chose que vous savez, compte tenu des faits et de votre

  2   expérience en tant que médecin légiste ?

  3   R.  Je peux répondre très rapidement. Je ne peux pas vous dire si ces tirs

  4   sur la jambe se sont produits avant ou après les tirs retrouvés ailleurs.

  5   Q.  Par rapport à ce que vous avez dit ici, la distribution aléatoire, est-

  6   ce que cela signifie qu'il y a eu distribution aléatoire de tirs, ou ceci

  7   était-il dû à une intention ? Je souhaite que vous répondiez de façon à ce

  8   que le compte rendu soit complet.

  9   R.  Comme je l'ai déjà dit, cela aurait pu être des tirs aléatoires qui

 10   visaient les jambes plutôt que le tronc ou les bras. Mais j'ai déjà évoqué

 11   cette éventualité, c'est-à-dire que dans un certain nombre de cas j'ai

 12   donné une illustration, alors que je vous ai dit que les blessures étaient

 13   des blessures qui ont été retrouvées au niveau des jambes, et je vous ai

 14   donné un exemple. Ceci a simplement évoqué dans mon esprit la possibilité

 15   que les jambes soient visées, mais pas plus que cela. Ce n'est qu'une

 16   éventualité que j'ai soulevée.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Puis-je vous interrompre. J'ai une

 18   question.

 19   Est-ce que vous envisagez la possibilité de pouvoir établir si la

 20   personne sur laquelle on a tiré était encore debout ou gisait à même le sol

 21   lorsqu'on lui a tiré dessus ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas des détails précis de

 23   cela, mais on savait si le tir provenait d'en haut, en direction du pied.

 24   Si je me souviens bien, nous savions, en fait, si le pied était plat et

 25   posé sur le sol, on s'avait si la personne était debout.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ma question n'avait pas un rapport à

 27   un cas précis. Il s'agit d'une question de principe.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] En principe, cela n'est pas très aisé de

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  1   répondre lorsqu'il s'agit de blessures infligées aux pieds. Lorsqu'il

  2   s'agit de blessures au niveau du crâne ou d'autres os, on peut déterminer

  3   la direction du tir et peut-être même la position dans laquelle la personne

  4   se trouvait. Je crois que lorsqu'il s'agit de pieds, c'est beaucoup plus

  5   difficile, et je ne peux pas vous dire avec une très grande certitude si la

  6   personne était debout ou dans une autre position, en termes généraux.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Lorsque vous parlez de "pieds", vous

  8   voulez parler des jambes, ou est-ce que c'est différent des jambes ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Les jambes, c'est peut-être un peu plus facile

 10   de déterminer la direction des tirs lorsque les jambes sont touchées. Et

 11   parfois nous nous trouvions dans une situation où nous pensions qu'une

 12   seule balle avait occasionné plus d'une seule blessure au niveau de la

 13   jambe. Lorsque le genou était plié, une seule balle aurait pu infliger une

 14   blessure au niveau de la cuisse ou la partie inférieure de la jambe. Ceci

 15   pourrait indiquer que la personne était assisse sur le sol, ou quelque

 16   chose comme ça. De façon générale, il était difficile de déterminer dans

 17   quelle position la personne se trouvait au moment où celle-ci a été

 18   touchée.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous pose la question parce que M.

 20   Tolimir vous a demandé si certaines blessures infligées aux jambes étaient

 21   dues à des tirs qui avaient été tirés avant que la poitrine ne soit touchée

 22   ou après.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends parfaitement votre question.

 24   Je crois que ma réponse est celle-ci : il est très difficile de vous le

 25   dire dans un sens ou dans un autre.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 27   Monsieur Tolimir, veuillez poursuivre.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 5944

  1   M. TOLIMIR : [interprétation]

  2   Q.  Pour que nous puissions analyser une situation en particulier, est-ce

  3   que vous diriez qu'il arrivait communément que les tirs entrants avaient

  4   tendance à toucher la poitrine alors que les tirs dans le dos atteignaient

  5   les jambes ? Autrement dit, s'il y avait une personne qui s'éloignait de

  6   vous, dans la plupart des cas vous lui tiriez dans les jambes, alors que si

  7   quelqu'un se dirige vers vous, dans ce cas vous prendriez pour cible la

  8   partie supérieure du corps ou la tête ? Est-ce que vous pourriez nous dire

  9   quelque chose à ce sujet ?

 10   R.  En fait, je ne peux pas me mettre dans la place de la personne qui

 11   tire. C'est une éventualité, mais ce n'est pas quelque chose sur laquelle

 12   je peux faire un commentaire.

 13   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. J'avais l'intention de tirer une

 14   conclusion à partir de votre réponse lorsque nous avons une situation de

 15   combat classique et lorsque nous avons une situation qui n'est pas une

 16   situation de combat. C'est la raison pour laquelle j'avais besoin de

 17   recueillir votre avis sur la question.

 18   Avez-vous tiré une quelconque conclusion pour dire que certaines des

 19   victimes sont décédées dans le cadre d'une situation classique de combat ou

 20   non ?

 21   R.  Pas vraiment, mais je peux admettre que certains corps ont été

 22   retrouvés dans une situation qui aurait pu être une situation de combat.

 23   Mais je dirais également que bon nombre de corps qui ont été retrouvés dans

 24   ces fosses communes portaient des signes de blessures qui avaient été

 25   visées très précisément, les personnes où nous avons retrouvé des balles

 26   dans la tête, lorsqu'il s'agissait d'un seul tir, et plus particulièrement

 27   dans la tête. Je pense que nous avons un ensemble des deux, éventuellement

 28   un ensemble des deux types de situations retrouvées au niveau de ces fosses

Page 5945

  1   communes.

  2   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Compte tenu de ce que vous venez de nous

  3   dire, la distance de tir est-elle un calcul que vous avez effectué pour

  4   parvenir aux conclusions que vous venez de nous citer à l'instant ? Merci.

  5   R.  Non.

  6   Q.  Merci, Monsieur le Professeur.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher la

  8   page B en serbe et la page 10 en anglais, et là vous pourrez voir une

  9   partie du document intitulé : "Distance de tir".

 10   M. TOLIMIR : [interprétation]

 11   Q.  Nous pouvons lire que le titre est : "Distance de tir." Je cite :

 12   "En l'absence de tissu mou sur la plupart des corps, en particulier la

 13   peau, il était impossible de dire à quelle distance le tir avait été tiré,

 14   à savoir si le contact était à bout portant ou autre chose. La seule

 15   indication nous permettant de déterminer que ceci avait été tiré à bout

 16   portant c'est qu'il y avait un nombre de tirs qui étaient, de façon bien

 17   ordonnée, placés à l'arrière de la tête, soit au milieu, soit de part et

 18   d'autre des oreilles."

 19   Merci. Oui, j'ai effectivement lu le mot "oreilles".

 20   Donc voici ma question : vous avez dit il y a quelques instants qu'il

 21   était impossible de déterminer la distance du tir. Pourriez-vous nous dire

 22   quels sont les éléments dont vous avez besoin pour déterminer la distance

 23   du tir ?

 24   R.  Je crois que je vous l'ai dit un peu plus tôt, les autres

 25   caractéristiques du corps seront déterminées par le canon d'un fusil. Une

 26   blessure par balle à un ou deux mètres peut ressembler de façon identique à

 27   un corps qui se trouve à 100 ou 200 mètres, et ce n'est que lorsque nous

 28   sommes très près que nous pouvons comprendre si le canon a été posé très

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  1   près de la peau, ou à une distance peu importante. Après, cela devient

  2   impossible.

  3   Parce que vu l'état de décomposition de ces corps, il était

  4   impossible de voir des traces de brûlure, de coloration, de coloration par

  5   la suie ou autres caractéristiques autour des blessures, donc nous n'avons

  6   pas vraiment essayé de comprendre la question des distances.

  7   Vous avez raison au niveau du paragraphe que j'ai cité. Très

  8   clairement, si dans une série de cas lorsque l'on constate qu'il y a des

  9   tirs et que les tirs sont placés à des endroits qui sont étrangement

 10   semblables, il est beaucoup plus aisé de faire cela à une courte distance

 11   qu'à une très longue distance.

 12   Q.  Merci bien. Pourriez-vous nous dire s'il était -- à partir de quelle

 13   distance on tirait ? Est-ce que ces distances peuvent être mesurées à la

 14   suite d'une plaie d'entrée et d'une plaie de sortie, est-ce que c'est sur

 15   la base de l'arme avec laquelle on pouvait tirer; est-ce que c'est cela qui

 16   vous permet de conclure qu'il s'agit d'une arme ?

 17   R.  Eh bien, je crois qu'au tout début nous n'avons pas essayé -- en

 18   réalité, il est impossible d'évaluer la distance à laquelle on a tiré sur

 19   ces personnes. C'est impossible. Nous n'avons pas tenté d'interpréter ou de

 20   trouver des conclusions relatives à ceci.

 21   Q.  Merci bien. Dans le paragraphe suivant intitulé "Type d'armes," nous

 22   pouvons lire ici "Type d'armes utilisé," vous dites qu'on s'est servis de

 23   fusils avec une balle de grande vélocité et :

 24   "… qu'on a trouvé très souvent des balles avec des douilles en cuivre

 25   de 2,76- millimètres."

 26   Donc ma question est la suivante : sur la base de vos constatations,

 27   si on a utilisé une arme dont les balles ont une vitesse de sortie très

 28   grande, est-ce que ceci veut dire qu'une balle qui est tirée de très près

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  1   peu percer le corps ainsi que le crâne, car le fait qu'on ait trouvé un

  2   très grand nombre de balles dans les corps, il est tout à fait facile de

  3   conclure qu'on a tiré de loin ? Voilà, c'est ce que j'aimerais savoir.

  4   R.  Oui, avec une arme de ce type, il est tout à fait possible de causer

  5   des blessures très importantes, et ce, à une distance de la personne. Je

  6   n'ai fait aucune conclusion à savoir à quelle proximité ou distance se

  7   trouvait l'arme. Si vous avez une balle qui est tirée à grande vélocité,

  8   ceci peut causer des dégâts importants, et il n'était pas nécessaire d'être

  9   très près de la victime. Toutefois, le schéma de blessure, la blessure que

 10   nous avons vue sur les os pouvait nous indiquer tout à fait clairement

 11   qu'il s'agissait d'une balle qui a été tiré à grande vélocité, avec une

 12   grande énergie, donc c'est une arme qu'on appelle arme à grande vélocité ou

 13   à haute vélocité.

 14   Q.  Alors, en tant que néophyte, j'aimerais vous demander la question

 15   suivante : si on a trouvé une balle dans un corps, est-ce que ceci veut

 16   dire que le corps a été tué d'une distance plus importante, que cette

 17   personne n'a pas été tuée à bout portant ? Merci.

 18   R.  C'est une possibilité, c'est possible, mais ce n'est pas l'unique

 19   possibilité. Lorsqu'une balle tirée d'une arme à grande vitesse touche le

 20   corps et fracasse l'os, l'os va être cassé, mais la balle également. Donc

 21   il y a des parties de la balle qui peuvent quitter le corps et d'autres

 22   parties peuvent rester dans le corps. Mais si la balle traverse le corps

 23   sans toucher un os, elle va probablement, la balle, sortir de l'autre côté,

 24   sortir du corps sans être endommagée.

 25   Alors, si nous trouvons une balle intacte et si elle se trouve encore

 26   dans le corps, c'est quelque peu inhabituel puisque ceci veut dire qu'on a

 27   pas perdu beaucoup d'énergie ou de vitesse, puisque l'une des possibilités

 28   c'est que, justement, on ait tiré de très loin, nous parlons de quelques

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  1   centaines de mètres de la personne. Donc lorsque la balle touche le corps,

  2   elle a déjà perdu sa vitesse. La deuxième possibilité est que la balle ait

  3   été tirée de plus près, mais qu'elle ait d'abord traversé quelque chose

  4   d'autre avant, possiblement un autre corps ou peut-être une autre partie du

  5   corps d'une autre personne, tel par exemple, un bras. C'est une possibilité

  6   également. Et dans une fosse commune, on peut s'attendre à ce qu'une balle

  7   ait traversé un autre corps et s'est logée dans ce corps-là.

  8   Donc le fait d'avoir trouvé des balles dans le corps peut vouloir

  9   dire qu'on ait tiré à une distance assez importante, mais ce n'est pas

 10   l'unique explication.

 11   Q.  Merci bien, Professeur. Justement, je veux vous poser une question pour

 12   les cas dans lesquels on a trouvé une balle dans le corps, comme vous

 13   l'avez mentionné dans votre rapport. Vous dites : dans un très grand nombre

 14   de cas, on a trouvé des balles avec une douille en cuivre, dont la douille

 15   soit en pointe de 7,62-millimètres de diamètre.

 16   R.  Oui, mais ce n'est pas toutes les balles. Il y a également des balles

 17   qui ont éclaté, qui ont été détruites, et l'on ne retrouvait justement que

 18   la douille en cuivre. Donc on pouvait retrouvé des fragments de balles,

 19   mais on pouvait également retrouver des balles. Mais d'après la dimension

 20   des fragments de balle, il était possible d'établir le type d'arme de

 21   laquelle elle provenait.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci bien.

 23   Je voudrais qu'on nous montre la page 10 de votre rapport, que l'on

 24   affiche cette page à l'écran, page 10 en B/C/S et page 11 en anglais, afin

 25   que nous puissions parler de la cause des décès.

 26   M. TOLIMIR : [interprétation]

 27   Q.  Ma première question est la suivante -- puisque vous voyez le document

 28   à l'écran. Chez moi, il s'agit du deuxième paragraphe. Est-ce que les

Page 5949

  1   pathologistes suivaient un certain protocole, se pliaient-ils à des règles

  2   leur imposant de rédiger des rapports de pathologistes ?

  3   R.  Oui, nous nous servons toujours d'un protocole pour enregistrer les

  4   données et les éléments de preuve. Lorsque le moment vient de se prononcer

  5   sur la cause du décès, les pathologistes divers peuvent avoir divers points

  6   de vue. Je peux vous donner un exemple. Par exemple, si quelqu'un aperçoit

  7   une blessure à la tête, et puis une blessure au bassin, une blessure au

  8   bras, certains pathologistes peuvent croire qu'il s'agit de la cause

  9   principale du décès, le fait qu'une personne était blessée à la tête. Moi-

 10   même étant l'un de ceux-là. D'autres pathologistes diraient peut-être :

 11   cause du décès, mort à la suite de blessures à la tête et au tronc, par

 12   exemple. Je crois que de façon générale ce n'est pas contesté puisque la

 13   cause du décès est une blessure par balle. Donc c'est ce qui est important

 14   ici. Maintenant, pour savoir quel est l'organe qui était atteint et qui a

 15   causé la mort, c'est quelque chose de différent, mais la formulation n'est

 16   pas réellement importante. Ce qui est vraiment important, c'est que de

 17   façon générale la cause du décès est une blessure par balle. Voilà, j'ai

 18   essayé d'expliquer ceci un petit peu plus en profondeur. J'espère que cela

 19   vous convient.

 20   Je crois que les pathologistes dans tous les pays s'exprimeraient peut-être

 21   d'une façon différente concernant la cause du décès, mais ici, nous

 22   établissons ce que nous avons trouvé comme cause de décès.

 23   Q.  Très bien. Merci. Etant donné que dans ce tableau nous voyons que pour

 24   55 des cas, il n'a pas pu être établir de quoi ils sont décédés, donc cause

 25   de décès "indéterminée" --

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Si vous voyez sous ce tableau ce qu'on peut lire, on peut lire un

 28   paragraphe :

Page 5950

  1   "Mais ces chiffres sont des lignes directrices, si vous voulez, mais

  2   il est tout d'abord possible d'interpréter les causes de décès de façon

  3   différente, puisqu'il me semblerait que les pathologistes ont chacun des

  4   opinions subjectives…"

  5   J'aimerais vous demander : qu'est-ce que ça veut dire, que les

  6   pathologistes peuvent avoir des conclusions différentes ? Comment cela se

  7   fait-il ?

  8   R.  J'ai essayé d'expliquer que la raison pour ceci est que certains

  9   pathologistes peuvent, par exemple, donner la cause de décès, une blessure

 10   fatale, alors que d'autres énuméreraient toutes les blessures que le corps

 11   a subies. Donc c'est une pratique professionnelle tout à fait régulière. Je

 12   ne crois pas que l'on peut contester cette question. Si vous revenez à mon

 13   analyse qui parle des blessures, est-ce que la blessure se trouve à la tête

 14   ou au tronc, cela n'a rien à voir avec les causes de décès. C'est

 15   simplement une analyse des blessures retrouvées sur les corps. Alors, comme

 16   je dis et insiste pour dire, ce qui est le plus important dans ceci, c'est

 17   que toutes les personnes, à exception de 55 d'entre elles qui sont mortes

 18   de cause indéterminée, sont décédées suite à des blessures par balle, les

 19   balles qui ont touché une certaine partie de leurs corps, quelque soit

 20   cette partie de corps.

 21   Q.  Merci bien, Professeur. Puisque nous avons déjà cette page affichée

 22   dans le prétoire électronique, 10 et 11 en serbe et en B/C/S [phon], vous

 23   avez dit tout à l'heure que de ces 55 cas, il n'était pas -- que pour 55

 24   cas, il n'était pas possible de déterminer la cause du décès. Alors, ma

 25   question est la suivante : lorsqu'il est impossible de déterminer la cause

 26   du décès, comme il est question dans ces 55 cas, est-ce qu'à ce moment-là,

 27   d'un point de vue d'un pathologiste, il est impossible de conclure quelles

 28   sont les causes de décès et dans quelle circonstance la personne ait trouvé

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  1   la mort ? Donc je relis ce que j'ai écrit ici : il est impossible de savoir

  2   de quelle façon une personne ait perdu la vie lorsqu'on indique ici que la

  3   cause de décès pour 55 personnes est indéterminée ?

  4   R.  Oui, effectivement, lorsque nous ne savons pas quelle est la cause du

  5   décès, il devient très difficile d'avoir une certitude quant aux

  6   circonstances du décès.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, nous sommes à la

  8   fin de cette audience d'aujourd'hui. Pourriez-vous nous dire de combien de

  9   temps aurez-vous besoin encore demain pour votre contre-interrogatoire ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Je vais essayer de terminer avant la fin de la première session. Si le

 12   témoin donne des réponses utiles, je vais peut-être élaborer et nous allons

 13   peut-être déborder, et je vais devoir peut-être poser quelques questions

 14   lors de la deuxième session, mais pas plus que cela.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci bien.

 16   Vous nous avez dit un peu plus tôt d'avoir besoin de trois à quatre heures.

 17   Nous allons tenir compte de ce fait. Je vous remercie de nouveau.

 18   Monsieur le Témoin, nous allons devoir lever la séance pour aujourd'hui et

 19   nous vous reverrons demain matin à 9 heures dans cette même salle

 20   d'audience. Merci.

 21   La séance est levée.

 22   [Le témoin quitte la barre]

 23   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 29

 24   septembre 2010, à 9 heures 00.

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