Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 3 novembre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à tout le monde. Est-ce que

  6   vous pourriez, Monsieur, faire entrer le témoin dans le prétoire.

  7   Monsieur Elderkin.

  8   M. ELDERKIN : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, Madame le

  9   Juge. Avant que le témoin n'entre dans le prétoire, je voulais dire au nom

 10   du bureau du Procureur que Mme Chittenden, qui faisait partie de l'équipe,

 11   et je sais que vous l'avez vue un certain nombre de fois ici dans ce

 12   prétoire, ne travaille malheureusement plus pour nous, donc vous ne la

 13   verrez plus. Je voulais, en fait, vous transmettre cette information.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Si nous l'avions su un peu plus tôt,

 15   étant donné que nous l'avons rencontrée hier dans le couloir, nous aurions

 16   pu lui dire au revoir et lui souhaiter bonne chance, mais je vous

 17   demanderais de lui transmettre nos meilleurs vœux personnels et

 18   professionnels pour l'avenir.

 19   M. ELDERKIN : [interprétation] Oui, bien entendu. Je vous remercie.

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Baraybar. Je vous

 22   demanderais de bien vouloir prononcer la déclaration solennelle.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 24   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 25   LE TÉMOIN : JOSE PABLO BARAYBAR [Assermenté]

 26   [Le témoin répond par l'interprète]

 27    M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez prendre

 28   place, je vous prie.

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  1   M. Elderkin de l'Accusation a des questions à vous poser.

  2   Monsieur Elderkin, je vous en prie.

  3   M. ELDERKIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Interrogatoire principal par M. Elderkin : 

  5   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Comme vous le savez, je m'appelle

  6   Rupert Elderkin, et j'ai quelques questions à vous poser. J'aimerais dans

  7   un premier temps que vous décliniez votre identité.

  8   R.  Je m'appelle Jose Pablo Baraybar. Je vais épeler mon nom pour le compte

  9   rendu d'audience : J-o-s-e P-a-b-l-o B-a-r-a-y-b-a-r, le dernier nom étant

 10   Docarmo, D-o-c-a-r-m-o.

 11   Q.  Je sais que vous avez un certain nombre de recueils devant vous. Est-ce

 12   que vous pourriez nous dire ce qui se trouve dans ce classeur de documents

 13   ?

 14   R.  Dans ce classeur se trouvent mes rapports d'expert ainsi que les

 15   comptes rendus d'audience relatifs à cette affaire.

 16   Q.  Donc, maintenant que tout le monde sait ce que vous avez devant vous,

 17   si vous avez besoin de consulter vos documents, est-ce que vous pourriez

 18   nous l'indiquer.

 19   Est-ce que vous pourriez nous dire vous vous souvenez avoir témoigné dans

 20   l'affaire Popovic en mars 2007 ?

 21   R.  Oui, je m'en souviens.

 22   Q.  Avez-vous eu la possibilité de lire votre déposition dans l'affaire

 23   Popovic récemment ?

 24   R.  Oui, tout à fait.

 25   Q.  Et souhaiteriez-vous apporter une correction à cette déposition,

 26   puisque lorsqu'il est question de votre profession, il est fait référence

 27   au fait que vous êtes médecin légiste ?

 28   R.  Oui. En fait, je suis anthropologue légiste.

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  1   Q.  Bien. Hormis cette correction, est-ce que le compte rendu d'audience

  2   reprend fidèlement ce que vous avez dit, et si les mêmes questions venaient

  3   à vous être posées aujourd'hui, est-ce que vous répondriez de la même façon

  4   ?

  5   R.  Oui, absolument.

  6   M. ELDERKIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je souhaiterais

  7   demander le versement au dossier du témoignage précédent du témoin, ainsi

  8   que des pièces qui ont déjà été versées au dossier. Je peux vous donner

  9   lecture de toutes ces cotes si vous le souhaitez. Il s'agissait de cotes

 10   provisoires.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans un premier temps, le compte

 12   rendu d'audience dans l'affaire Popovic, nous lui octroierons la cote

 13   P1048.

 14   Pour ce qui est des autres documents, je ne vais pas vous demander de nous

 15   lire les cotes, mais donnez-nous la première cote et la dernière cote.

 16   M. ELDERKIN : [interprétation] Alors, nous avons dans un premier temps le

 17   document P1049 jusqu'au document P1070. Il y en a un qui ne fait pas partie

 18   de cette série et qui est le document P938.

 19   Et je souhaiterais vous dire, pour votre gouverne personnelle, que le

 20   P938, en fait, se trouve sur la liste entre le P1069 et le P1070.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cela avait déjà été enregistré aux

 22   fins d'identification pour un autre témoin que nous n'avons pas encore

 23   entendu. Bien. Nous allons donc verser au dossier ces documents sous les

 24   cotes qui viennent d'être indiquées.

 25   M. ELDERKIN : [interprétation] Je souhaiterais, avec votre aval, Madame,

 26   Messieurs les Juges, vous lire le résumé correspondant au témoin. Jose

 27   Pablo Baraybar est anthropologue légiste. Il a déjà témoigné devant ce

 28   Tribunal à propos de Srebrenica dans l'affaire Krstic ainsi que dans

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  1   l'affaire Popovic.

  2   Il a travaillé dans le cadre d'enquêtes médico-légales depuis 1991,

  3   et a notamment travaillé pour les missions des Nations Unies à Haïti ainsi

  4   qu'au Kosovo, puis pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda au

  5   Rwanda, ainsi que pour le TPIY, et ce, de l'année 1996 à l'année 2002. Dans

  6   le cadre de ses activités professionnelles pour le TPIY, M. Baraybar a

  7   travaillé dans le cadre des exhumations et a analysé les restes des

  8   victimes de Srebrenica. A partir de l'année 1997, M. Baraybar a été

  9   l'anthropologue principal à la morgue qui s'est occupé des restes humains

 10   récupérés dans les charniers.

 11   Le rôle des anthropologues dans une morgue consistait à déterminer

 12   l'âge, le sexe ainsi que la taille des victimes, il consistait également à

 13   estimer le nombre minimal d'individus, ou NMI, au vu des restes récupérés,

 14   et d'aider à reconstruire les parties brisées afin de déterminer le type de

 15   lésions ou de blessures dont avaient souffert les victimes.

 16   M. Baraybar a également dirigé une équipe d'archéologues qui a

 17   travaillé sur le terrain dans les exhumations de Srebrenica en 1999 et en

 18   2000. M. Baraybar a préparé un certain nombre de rapports dans lesquels des

 19   conclusions ont été dégagées à propos des exhumations et dans lesquels le

 20   nombre minimal d'individus a été calculé. Il s'agit des personnes

 21   récupérées dans les charniers de Srebrenica. D'après les calculs de M.

 22   Baraybar, le TPIY a exhumé au moins 2 541 individus dans les fosses

 23   primaires et secondaires pour Srebrenica entre l'année 1996 et l'année

 24   2001.

 25   J'en ai terminé avec la lecture de ce résumé, Madame, Messieurs les Juges,

 26   et je souhaiterais poser quelques questions supplémentaires au témoin.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je dois indiquer avant que vous ne

 28   poursuiviez que nous avons un problème pour ce qui est du compte rendu

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  1   d'audience; un problème pour ce qui est des numéros de page, car nous en

  2   sommes déjà à la page 174. Je suis sûr que nous n'avons pas déjà écrit 174

  3   pages aujourd'hui, donc si je compare ce chiffre de 174, je suppose que

  4   cela correspond au numéro 4 pour le compte rendu qui apparaît sur nos

  5   écrans simultanément.

  6   M. ELDERKIN : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Baraybar, pourriez-vous commencer par nous expliquer un peu

  8   plus le travail que vous avez fait au TPIR, et ensuite vous nous

  9   expliquerez comment vous êtes venu travailler au TPIY ?

 10   R.  Si je ne m'abuse, le TPIR avait mis sur pied ce qui était appelé

 11   l'unité de soutien scientifique auprès du bureau du Procureur. C'était une

 12   unité qui était dirigée par un médecin, M. Andrew Thompson, et dans cette

 13   unité il y avait deux anthropologues; un anthropologue chevronné, et un

 14   plus jeune. J'étais le plus jeune, et le Dr Haglund était donc

 15   l'anthropologue plus chevronné. Il y avait également un ingénieur qui

 16   faisait partie de cette équipe. Donc, cette unité s'occupait d'enquêtes

 17   pour deux affaires au TPIR; l'une ayant abouti à la condamnation de Clement

 18   Kayeshima, et l'autre aboutissant à la condamnation de M. George Anderson

 19   Rutaganda. A la fin du premier semestre de l'année 1996, cette unité a en

 20   quelque sorte été détachée auprès du TPIY. Nous étions censés nous rendre

 21   dans les Balkans, notamment en Bosnie, pour effectuer des exhumations

 22   pendant six semaines. Alors bien évidemment, ces six semaines se sont

 23   prolongées et sont devenues plutôt six mois, quasiment. Et d'ailleurs, je

 24   me souviens être reparti au Rwanda pour aller chercher mes effets

 25   personnels une année après, alors que je n'étais au départ parti que pour

 26   six semaines.

 27   Et puis ce n'est qu'en 1997 que je suis devenu employé à part entière

 28   du TPIY. Car jusqu'à cette année-là, j'étais en quelque sorte détaché par

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  1   le TPIR.

  2   Q.  Je pense que votre carrière auprès du TPIY est expliquée de façon

  3   détaillée dans une déposition précédente. Mais pour que tout soit précis

  4   pour le compte rendu d'audience, est-ce que vous pourriez nous dire ce que

  5   vous avez fait depuis que vous avez quitté le TPIY, et quand vous avez

  6   quitté le TPIY ?

  7   R.  J'ai quitté le TPIY en 2002, en juin me semble-t-il. Puis je suis

  8   devenu le responsable du Bureau chargé des personnes portées disparues et

  9   des examens scientifiques pour la mission des Nations Unies au Kosovo, et

 10   ce, jusqu'en 2007. Je pense que c'était jusqu'au 1er mai 2007. Et puis à ce

 11   moment-là, je suis reparti chez moi, dans mon pays, au Pérou. A l'heure

 12   actuelle, je suis le directeur exécutif d'une ONG qui s'intéresse aux

 13   personnes portées disparues à la suite du conflit intérieur au Pérou. Je

 14   dirige l'équipe d'anthropologie légiste au sein de cette ONG. Alors à cet

 15   égard, j'ai effectué toute une série de formations dans différents pays du

 16   monde, notamment aux Philippines, au Congo, au Népal, et dans d'autres

 17   pays.

 18   Q.  Alors nous allons nous intéresser à votre travail au TPIY. Vous étiez

 19   l'anthropologue légiste chef à la morgue en Bosnie. Comment est-ce que vous

 20   pourriez décrire votre rôle ?

 21   R.  Je dirais en fait que j'avais plusieurs tâches. Alors peut-être que la

 22   mission la plus importante a consisté à mettre sur pied les équipes qui

 23   devaient travailler avec nous dans la morgue ainsi que sur le terrain. Nous

 24   avons établi des protocoles communs et des formats pour pouvoir consigner

 25   les différents éléments de façon logique. Je n'étais pas le type de

 26   superviseur qui se contentait juste de contrôler et de superviser ses

 27   employés sans faire quelque chose d'autre. Je mettais également la main à

 28   la pâte.

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  1   Q.  Comment est-ce que vous avez travaillé avec les autres anthropologues

  2   lorsque vous vous trouviez à la morgue ?

  3   R.  Alors je vais vous narrer quelque chose. En fait, les restes que nous

  4   exhumions des sites arrivaient dans des housses mortuaires. Ensuite, ces

  5   housses mortuaires étaient scannées avec un fluoroscope, qui est en fait

  6   une machine à rayons X, parce que nous cherchions à discerner les fragments

  7   de métal, les débris de balles que l'on pouvait trouver. Ensuite, le corps

  8   était placé sur la table d'autopsie. Des photos étaient prises. Les

  9   vêtements étaient séparés des restes mortels. Il y avait auprès de la table

 10   un médecin légiste responsable de l'autopsie, un technicien, un

 11   anthropologue, et il y avait également un officier chargé de l'examen des

 12   lieux du crime qui s'occupait de collecter en quelque sorte les différents

 13   éléments de preuve, et d'aller donc de table d'autopsie à table d'autopsie.

 14   Et puis le médecin légiste essayait donc de déterminer l'âge et le sexe de

 15   la personne. Parfois les corps étaient si décomposés que l'on ne pouvait

 16   plus déterminer, par exemple, s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme.

 17   D'abord, il y avait nettoyage, puis reconstruction. L'on essayait de

 18   reconstruire les os qui avaient été brisés. Car vous savez que dans ce

 19   contexte, les os avaient été fragmentés ou brisés après le décès des

 20   personnes, afin de piller les fosses. Alors il y avait, par exemple, une

 21   pelleteuse qui fragmentait les corps, ou il y avait des gens qui avaient

 22   été tués sur lesquels on avait tiré. Il y avait eu des blessures provoquées

 23   par des projectiles, ce genre de choses. Donc il fallait déterminer à

 24   partir des os.

 25   M. ELDERKIN : [interprétation] J'aimerais, je vous prie, demander

 26   l'affichage de la pièce P00903.

 27   Voilà, c'est parfait, je vous remercie.

 28   Q.  Monsieur Baraybar, vous avez mentionné que vous reconstruisiez donc des

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  1   fragments osseux. Que voyez-vous sur l'écran ?

  2   R.  La partie gauche d'un crâne, d'un crâne humain. Sur la gauche de

  3   l'écran se trouve le visage, et sur la droite vous avez donc la nuque,

  4   l'arrière de la tête. Vous voyez des éléments linéaires qui représentent la

  5   ligne des joues de cette personne. Vous avez le chiffre 1, que vous voyez,

  6   et il se trouve près d'un trou rond qui correspond à l'orifice d'entrée

  7   d'une balle. Et tous ces éléments cotonneux blancs que vous voyez à la

  8   droite du chiffre 1 et en dessous de ce chiffre 1 correspondent à la colle

  9   que nous avons utilisée pour remettre ensemble ces différents éléments

 10   osseux. Donc là, vous avez quelque chose qui ressemble à un crâne

 11   maintenant. Mais au départ, c'était un mélange de fragments osseux que nous

 12   avons dû assembler, un peu comme lorsque l'on fait un puzzle, pour

 13   comprendre ce qui avait brisé ce crâne. En l'occurrence, il s'agissait là

 14   d'une blessure par balle, puisque vous voyez l'orifice d'entrée.

 15   M. ELDERKIN : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,

 16   demander l'affichage de la pièce P00910.

 17   Q.  Est-ce que vous pourriez nous décrire cette image que nous voyons à

 18   l'écran et nous indiquer quel exercice de reconstruction vous avez opéré ?

 19   R.  Si je ne m'abuse, il s'agit d'un fémur droit, bien qu'il faudrait qu'il

 20   soit placé de façon verticale, parce que là il est présenté de façon

 21   horizontale. Et il s'agit donc de l'os de la cuisse. Ce que vous pouvez

 22   voir, c'est que c'est -- voilà, parfait. Cet os a été brisé ou fragmenté en

 23   plusieurs éléments. Vous voyez, la deuxième flèche, donc la deuxième flèche

 24   du haut vers le bas, montre une autre blessure par balle. Et je vais

 25   utiliser voilà, ceci pour vous montrer. Voilà où se situe la blessure. Je

 26   ne sais pas si j'ai écrit quoi que ce soit. Enfin, je ne pense pas,

 27   d'ailleurs je ne vois rien.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que M. l'Huissier pourrait

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  1   venir aider le témoin, je vous prie.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, non j'aurais dû dessiner le

  3   cercle un peu plus vers la gauche. Enfin, toujours est-il que --

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais vous pouvez effacer ce que vous

  5   venez de faire et recommencer.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Comment ? Ah, voilà, parfait. Voilà.

  7   M. ELDERKIN : [interprétation] Je ne sais pas si nous pourrions changer la

  8   couleur de ce cercle, parce qu'il va être assez difficile de discerner le

  9   vert sur le fond qui est vert également.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc, vous voyez, ce cercle vert montre

 11   l'endroit où il y a eu blessure par balle. Puis, vous pouvez voir juste au-

 12   dessus et juste en dessous de ce cercle, qu'il y a des fractures, des

 13   lignes de fractures, des failles, en haut et en bas, et c'est justement ce

 14   à quoi on s'attend lorsque vous avez ce type de blessure. Donc, dans ce cas

 15   d'espèce, le fémur était composé de plusieurs fragments osseux que nous

 16   avons assemblés à l'aide de colle pour voir exactement quel a été, en

 17   quelque sorte, l'agent qui a provoqué la fracture de l'os, et en

 18   l'occurrence il s'agit d'une blessure par balle.

 19   M. ELDERKIN : [interprétation] Je pense qu'il serait utile que le témoin

 20   pose son paraphe et la date, si nous souhaitons verser cela au dossier.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, ce n'est pas nécessaire. Il a

 22   dessiné le cercle, nous pouvons verser cela au dossier, et nous pourrons

 23   combiner la lecture de cette pièce avec le compte rendu d'audience.

 24   M. ELDERKIN : [interprétation] Alors, dans ce cas, je souhaiterais demander

 25   le versement au dossier de cette pièce.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce sera versé.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1305, Monsieur le

 28   Président.

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  1   M. ELDERKIN : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Baraybar, j'aimerais maintenant aborder un autre sujet, à

  3   savoir le calcul du nombre minimum d'individus. Est-ce que vous pourriez

  4   nous dire ce que signifie ce NMI, ce nombre minimum d'individus, et est-ce

  5   que vous pourriez nous dire pourquoi cette méthode a été utilisée pour

  6   déterminer le nombre de personnes qui sont trouvées dans ces charniers de

  7   Srebrenica ?

  8   R.  Le nombre minimum d'individus correspond à un calcul qui est effectué

  9   afin d'exprimer par rapport aux restes dont je dispose, par rapport aux os

 10   dont je dispose, pour déterminer, disais-je, le nombre minimum de personnes

 11   auxquelles les os correspondent. Alors, je vais maintenant passer à la

 12   partie un peu plus technique et complexe mais pas impossible à comprendre,

 13   mais c'est quand même un peu plus complexe.

 14   Si vous avez une fosse ou un charnier où vous avez 50 cadavres, si

 15   vous voulez savoir combien de personnes se trouvent dans cette fosse, vous

 16   devez compter le nombre de cadavres. Vous comptez les cadavres et vous avez

 17   un total de 50. Toutefois, si vous avez une fosse ou un charnier où les

 18   corps humains ne sont pas complets, et si vous avez une combinaison de

 19   corps entiers et de parties de corps, avec des têtes, des bras, des jambes,

 20   comment est-ce que vous pouvez procéder, ou quelle est la méthode que vous

 21   retiendrez pour les calculer, ces cadavres ? Prenons un exemple à titre

 22   d'illustration. Supposons que vous avez une jambe droite et une jambe

 23   gauche. Est-ce que vous considérez que cela correspond à une personne ?

 24   Donc, ça vous donne un, ou est-ce que cela correspond à deux, parce que

 25   chacune des jambes peut appartenir à une personne différente, ou elles

 26   peuvent appartenir à la même personne. Donc, le nombre minimum d'individus,

 27   par cette méthode, nous avons, dans l'exemple que je vous ai donné, un, ça

 28   correspond à une personne. Si vous avez 50 jambes droites, cela vous donne

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  1   50 personnes, indépendamment du fait qu'il se peut qu'il y ait un certain

  2   nombre de jambes gauches qui pourraient appartenir à d'autres personnes,

  3   mais vous ne les comptez pas. Donc, vous obtenez un nombre minimum. Et je

  4   vais maintenant passer à la vitesse supérieure, et ça va devenir un peu

  5   plus complexe. Les jambes ne nous posent plus de problème. Mais supposons

  6   que vous avez ces 50 jambes droites, qui sont des jambes d'adultes,  là, il

  7   n'y a pas de problème. Mais que se passerait-il si, en sus de cela, nous

  8   trouvons d'autres restes qui ne sont pas des jambes, je ne sais pas, des

  9   bras ou des crânes qui sont des crânes ou des bras d'enfants ? Alors,

 10   manifestement, il faut également compter ces enfants, et il faut ajouter

 11   leur nombre au nombre minimum d'individus. Et peut-être que pour ces

 12   enfants, nous n'avons pas trouvé leurs jambes droites, mais nous avons

 13   trouvé un sternum. Par exemple, le sternum étant l'os médian. Et là, il

 14   s'agit d'un os unique. Donc là, vous allez compter trois sternums que vous

 15   allez ajouter aux 50 jambes droites d'adultes, parce que vous savez que les

 16   sternums, ce sont des sternums d'adultes, et vous savez que votre nombre

 17   minimum d'individus que vous obtiendrez sera 53.

 18   Donc en d'autres termes, le nombre minimum d'individus est une

 19   méthode qui vous permet de comptabiliser ou d'expliquer ces restes humains,

 20   et de voir comment les assembler, et de voir à quel nombre de personnes

 21   cela correspond. Et comme l'indique ce nom, il s'agit, en fait, d'une sous-

 22   estimation, ce n'est pas une surestimation, c'est une estimation vraiment

 23   minime. Donc, il est très probable que le nombre véritable de cadavres est

 24   supérieur, mais nous préférons ne pas tomber dans l'excès qui consisterait

 25   à surestimer, nous préférons sous-estimer. Voilà, j'espère avoir été clair.

 26   Q.  Dans vos dépositions antérieures, ainsi que dans vos rapports, on

 27   trouve le détail de ce que vous venez de nous dire. Alors, dites-nous, s'il

 28   vous plaît, le chiffre de 2 541, ce chiffre correspond au nombre minimum de

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  1   victimes dans l'ensemble des charniers relatifs à Srebrenica lors des

  2   exhumations qui ont eu lieu entre 1986 et 2001. Donc, en principe, ce

  3   processus que vous venez de nous décrire est le processus qui vous a permis

  4   d'atteindre ce chiffre ?

  5   R.  Oui. Mais il faudra ajouter un point de précision. Vous

  6   mentionnez là mon rapport qui comporte le chiffre de 2 541. Ce rapport

  7   correspond à un calcul supplémentaire qui était fait du nombre minimum

  8   d'individus. En fait, le titre annonce : "Le nombre minimum minimum du

  9   nombre d'individus." En fait, ce serait le MMNI. Si je puis préciser aux

 10   Juges de la Chambre, je voudrais le faire maintenant pour ne pas semer la

 11   confusion.

 12   Dans ce rapport, le rapport définitif, j'essaie d'opérer une synergie,

 13   d'arriver à un chiffre consolidé, donc, sur le nombre de personnes, le

 14   nombre de personnes qui ont été vraisemblablement exhumées par le TPIY sur

 15   plusieurs années. Et vous comprenez bien qu'il y a là un certain niveau de

 16   complexité, parce que nous avons constaté l'existence, tout d'abord, de

 17   fosses primaires, par la suite les restes ont été enlevés des fosses

 18   primaires et ils ont été éparpillés dans une série de fosses de moindre

 19   taille.

 20   Donc, vous pouvez retrouver les restes d'un seul individu dans

 21   différentes fosses, dans plusieurs fosses, donc un bras, une jambe dans

 22   différentes fosses. Donc, toute une série d'analyses scientifiques ont été

 23   menées par moi-même, par d'autres personnes, et je cite ces constatations.

 24   Donc, vous avez, d'une part, les fosses primaires, puis les fosses

 25   secondaires, et grâce à ces analyses, des liens ont été établis entre ces

 26   charniers. Donc, on a procédé à des analyses du sol, par exemple, donc la

 27   terre s'est attachée aux fragments du corps qui ont été déplacés. Si on

 28   établissait qu'il y avait identité entre ces différents restes du sol, on

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  1   établissait un lien entre les différentes fosses.

  2   Donc, c'est sur la base de cela que nous avons recalculé le nombre minimum

  3   d'individus, et afin de ne pas surestimer le nombre d'individus auxquels

  4   correspondait les restes trouvés. Si nous avions le site primaire, le site

  5   primaire, il était désigné par le 1, si les sites secondaires étaient le 2,

  6   3 et 4, il nous fallait trouver le dénominateur commun entre ces différents

  7   sites pour calculer le nombre minimum d'individus.

  8   Ça c'était le premier stade.

  9   Puis dans un deuxième temps, à un deuxième stade, une fois que j'ai

 10   obtenu ce chiffre en opérant l'addition, il a fallu que je calcule le

 11   nombre minimum d'individus dans l'ensemble des sites concernés. Donc, le

 12   chiffre que vous citez, le chiffre de 2 541, c'est vraiment un chiffre

 13   sous-estimé, c'est vraiment un raisonnement a minima par rapport à

 14   l'ensemble d'individus qui ont probablement été exhumés. Parce que si je

 15   m'étais contenté simplement de faire une addition, on serait arrivé à un

 16   chiffre bien plus élevé, et cela n'aurait pas eu la validité scientifique

 17   requise.

 18   Q.  Et juste pour préciser pour le compte rendu d'audience, nous n'avons

 19   pas besoin de voir cela s'afficher, mais le rapport dans lequel vous citez

 20   le chiffre de 2 541, c'est votre rapport du mois de janvier 2004 ?

 21   R.  Oui, tout à fait.

 22   Q.  Je précise qu'il s'agit de la pièce P938. Monsieur Baraybar, au moment

 23   où vous avez travaillé sur les victimes dont les restes ont été trouvés

 24   dans les charniers relatifs à Srebrenica, est-ce que vous avez pu mener des

 25   analyses de l'ADN afin d'identifier les individus ?

 26   R.  Non, pas à l'époque. Il faut savoir que la Commission internationale

 27   chargée des personnes portées disparues, qui, elle, a procédé à des

 28   analyses principales sur l'ADN s'agissant des Balkans, elle a lancé ces

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  1   opérations sur une plus grande échelle bien plus tard. Je ne serais pas en

  2   mesure de vous donner la date maintenant, mais cela se situe plutôt dans

  3   les années 2000. C'est à ce moment-là qu'ils ont eu la technologie

  4   nécessaire et les protocoles ont été mis en place qui leur permettaient de

  5   travailler sur un grand nombre d'échantillons. Les tests à l'ADN de cette

  6   envergure-là, il faut savoir que c'est très récent, que cela a commencé il

  7   y a une dizaine d'années, à peu près.

  8   Q.  Pour autant que vous le sachiez, y a-t-il eu des identifications grâce

  9   à l'étude des échantillons de l'ADN sur des charniers relatifs à Srebrenica

 10   ?

 11   R.  Je ne connais pas en détail ces informations. J'ai vu des rapports dans

 12   la presse, mais je n'ai pas étudié de documents relatifs à cela.

 13   M. ELDERKIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Baraybar. A ce

 14   stade, je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Elderkin.

 16   Nous allons donner la parole à M. Tolimir, qui va contre-interroger.

 17   Monsieur Tolimir, vous avez la parole.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Que la

 19   paix règne ici, que notre journée d'audience d'aujourd'hui ainsi que ce

 20   procès se terminent selon la volonté du Seigneur et non pas selon la

 21   mienne.

 22   Bonjour à toutes et à tous.

 23   Contre-interrogatoire par M. Tolimir : 

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Baraybar. Vous avez exhumé les

 25   charniers, mais vous avez également analysé les restes exhumés. C'est en

 26   cela qu'a consisté votre travail qui est, sans aucun doute, un travail très

 27   difficile, et vous avez dû faire appel à nombre d'experts qui ont composé

 28   votre équipe. J'aimerais savoir comment l'équipe a fonctionné et comment se

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  1   sont réparties les tâches, et quels sont les rapports qui ont régné entre

  2   les différents experts ? Merci.

  3   R.  Oui, tout à fait. Alors, une équipe type se composait d'un

  4   archéologue/anthropologue, et si j'ai dit barre oblique, c'est parce que

  5   cela dépendait un petit peu de leur formation d'origine. Par exemple, aux

  6   Etats-Unis, l'archéologie fait partie d'une sous-discipline des études

  7   d'anthropologie; en revanche, dans de nombreux pays européens, si on fait

  8   des études d'archéologie, cela représente des études à part entière. Donc,

  9   on avait au sein de cette équipe un archéologue/anthropologue, un

 10   photographe, au moins un, un agent de la police technique ou scientifique

 11   qui tenait un journal et qui répertoriait les éléments qui étaient retirés

 12   des fosses, puis nous bénéficiions d'un soutien logistique.

 13   A partir de 1997, me semble-t-il, nous avons pu améliorer les

 14   conditions sur le site lui-même, donc des douches, et cetera. Avant cela,

 15   en 1996, nous avions une excavatrice et nous avions un opérateur de cette

 16   excavatrice. Donc, nous avions un anthropologue, un technicien qui faisait

 17   des autopsies, et souvent vous aviez les gens qui faisaient plusieurs

 18   tâches à la fois. Nous avions un agent de la police scientifique et

 19   technique, un photographe. Parfois, nous avions un assistant qui aidait

 20   l'anthropologue. Il y avait des gens qui nettoyaient les restes et qui

 21   préparaient les échantillons.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Elderkin ?

 23   M. ELDERKIN : [interprétation] Je n'aime pas interrompre, mais il y a eu

 24   une erreur dans la déposition précédente. Je vois que page 14, ligne 5, il

 25   est question d'anthropologue, puis d'un autre anthropologue qui aurait fait

 26   partie de l'équipe, mais je pense que c'était le mot "pathologiste" ou

 27   "médecin légiste" qui a été utilisé. Donc, cela permettrait de -- excusez-

 28   moi, il s'agit de la page 15, ligne 5, et non pas de la page 14.

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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, nous avions dans le compte rendu

  2   d'audience l'anthropologue mentionné par deux fois. Je vais poser ma

  3   question au témoin. Donc, la phrase se lit comme suit :

  4   "Généralement, au sein de l'équipe, on avait un anthropologue, puis un

  5   technicien qui faisait des autopsies. Puis les gens, en fait, faisaient

  6   plusieurs tâches à la fois, enfin ceux qui faisaient plusieurs choses,

  7   c'était l'agent de la police scientifique et technique," et cetera.

  8   Donc, est-ce que vous parliez d'anthropologues et de pathologistes, ou

  9   d'anthropologues et d'archéologues ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc, d'anthropologues et de pathologistes.

 11   D'anthropologues et de techniciens qui menaient des autopsies.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Alors maintenant,

 13   c'est clair.

 14   Monsieur Tolimir, veuillez poursuivre.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   M. TOLIMIR : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Baraybar, s'il vous plaît, pourriez-vous nous dire si pendant

 18   que vous travailliez sur ce dossier au bureau du Procureur, lorsque vous

 19   étiez chargé de Srebrenica, est-ce que vous aviez quelqu'un qui supervisait

 20   votre travail ou qui vous confiait des missions ? Enfin, un chef, disons,

 21   pendant que vous étiez employé par le bureau du Procureur. Merci.

 22   R.  A différents moments, j'ai joué des rôles différents. En fait, il

 23   faudrait que j'explique cela pour vous répondre.

 24   En 1996, comme je l'ai déjà dit, je faisais partie de l'unité chargée de

 25   soutien scientifique. A la tête de cette équipe, il y avait le Dr Andrew

 26   Thompson, c'était lui mon chef. Puis, en 1997, je suis devenu anthropologue

 27   chef. Toutefois, pour ce qui est de la morgue, elle a toujours eu à sa tête

 28   un pathologiste. Et il y en a eu beaucoup, je dois dire, des pathologistes,

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  1   et ce sont eux qui ont été mes chefs. Donc au fur et à mesure que les

  2   années ont avancé, je suis devenu archéologue chef, donc je rendais des

  3   comptes à l'équipe du bureau du Procureur, qui me confiait la mission

  4   d'exhumer tel ou tel site. Donc ils ne dirigeaient pas techniquement mon

  5   travail; ils me confiaient la mission. Donc en tant qu'anthropologue chef,

  6   il fallait qu'en travaillant à la morgue, je me place de nouveau sous la

  7   responsabilité du pathologiste en chef, et c'était lui qui devenait mon

  8   chef.

  9   Q.  Nous avons déjà eu l'occasion d'entendre quel était le rapport

 10   qu'entretenaient entre eux un anthropologue et un archéologue. Alors

 11   pourriez-vous nous parler de cette coopération ? D'autant que vous nous

 12   avez dit que, de formation, vous êtes anthropologue, mais que là vous

 13   occupiez le poste d'archéologue en chef. Merci.

 14   R.  Il y a toujours eu une coopération entre les deux; examiner les restes

 15   correspond à un effort commun. Un pathologiste, quant à lui, est quelqu'un

 16   de spécialisé qui se penche sur l'examen des tissus mous. Idéalement, un

 17   pathologiste examinera les cadavres humains, où vous avez les organes, des

 18   fluides, et cetera. Un pathologiste aura besoin de l'aide d'un

 19   anthropologue qui lui, travaillera sur des tissus qui ne font pas l'objet

 20   de l'expertise du pathologiste, à savoir sur les restes osseux. Donc une

 21   autopsie, en principe, correspond à un effort conjoint, elle est menée de

 22   concert par les deux. Rarement a-t-on trouvé des restes qui étaient

 23   suffisamment préservés pour correspondre à l'autopsie telle qu'elle est

 24   menée idéalement, au sens classique du terme, parce que comme vous le

 25   savez, on ouvre les trois cavités dans une situation d'autopsie classique :

 26   La boîte crânienne, la poitrine et l'abdomen. Alors que là, nous avions

 27   affaire à des restes qui étaient tout à fait décomposés, et nous avions

 28   affaire en partie à des restes osseux, et en partie à des tissus mous en

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  1   état de décomposition. Donc il n'y avait aucun moyen de les séparer, et il

  2   nous fallait bien travailler ensemble.

  3   Q.  Merci. Monsieur Baraybar, dans votre rapport, dans l'aperçu

  4   anthropologique des restes humains, l'on trouve non seulement les résultats

  5   de l'examen anthropologique, mais également des données très précises sur

  6   la catégorisation des charniers, à savoir la répartition entre charniers

  7   primaires et secondaires.

  8   J'aimerais savoir si vous avez pris part personnellement à cette

  9   catégorisation, ou bien est-ce que vous vous êtes contenté de suivre les

 10   indications des archéologues ?

 11   R.  Pour que ce soit tout à fait clair, est-ce que nous parlons maintenant

 12   du rapport du 8 décembre 1999 ?

 13   Q.  Merci. Je pense que dans chacun de vos rapports, il est question de

 14   fosses primaires et secondaires. Mais ma question est simplement de savoir

 15   si vous avez pris part, vous, à cet établissement, cette répartition des

 16   fosses en catégories, ou bien est-ce que vous avez simplement reçu ces

 17   informations de la part des archéologues ? C'est cela que je vous demande.

 18   R.  J'ai pris part à plusieurs exhumations. Dans le cadre de ces

 19   exhumations, j'ai pu savoir quelles étaient les fosses primaires et

 20   secondaires. A partir de là, si je recevais des éléments d'information

 21   correspondant à un site où je n'avais pas pris part à l'exhumation moi-

 22   même, et lorsqu'il était question de fosses primaires ou secondaires, je

 23   savais de quoi il était question. Principalement parce que les critères sur

 24   lesquels on se fonde pour distinguer ces deux types de fosses, ils étaient

 25   tout à fait clairs. Il faut savoir que j'ai pris part à des exhumations dès

 26   1996, donc quasiment depuis le tout début. Donc j'ai pu apprendre ces

 27   critères et ces choses-là.

 28   Q.  Je vous remercie. Dites-nous, s'il vous plaît, Monsieur Baraybar, dans

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  1   certaines fosses vous avez trouvé des parties de corps, et précédemment

  2   dans votre déposition ici, vous avez dit que lorsqu'on trouvait une partie

  3   de corps, on l'analysait à chaque fois pour chaque partie de corps.

  4   Alors j'aimerais savoir si sur la base de la position des restes

  5   humains ou sur la base d'autres critères, est-ce que vous avez essayé de

  6   rassembler ces parties de corps ?

  7   R.  Nous essayions de rassembler les parties de corps, mais nous ne

  8   faisions pas cela sur le site lui-même. Je vais vous expliquer. A la

  9   morgue, à chaque fois que cela a été possible, nous avons examiné des

 10   photographies, des cartes, voire même les chiffres correspondant aux

 11   parties de corps corrélés pour voir si on pouvait établir des liens. Il

 12   nous est arrivé, dans certains cas, de pouvoir les rassembler sur la base

 13   des objets vestimentaires déchirés. Mais vous ne pouvez pas faire cela

 14   pendant l'exhumation, parce que pendant l'exhumation, ce que vous faites,

 15   c'est enlever les choses une par une. Donc imaginons que j'ai creusé une

 16   fosse, que j'y ai trouvé un certain nombre de restes d'individus, bien en

 17   tant qu'archéologue, je travaille dans l'autre sens. Je prends les corps

 18   comme ils gisent dedans, donc j'essaie de repérer tous les liens qui

 19   existent. Donc, je n'enlève pas des morceaux de manière complètement

 20   distincte, à un bout ou à un autre bout de la fosse. Toutefois, s'il y a

 21   quelque chose qui saute aux yeux, eh bien, je le relève pour que les gens à

 22   la morgue puissent remettre les choses ensemble, donc si j'ai un bras d'un

 23   côté, et l'autre de l'autre, pour que les gens à la morgue puissent

 24   recomposer le corps.

 25   Q.  Donc, vous avez attaché une grande importance aux notes qui ont été

 26   prises par rapport à la situation dans les fosses elles-mêmes, n'est-ce pas

 27   ?

 28   R.  Non. Mais en fait, le non ne suffit pas. Le système d'enregistrement

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  1   sur le site lui-même était beaucoup plus exhaustif. Il ne s'agissait pas de

  2   simples notes. Pour chaque partie de corps, il fallait renseigner un

  3   formulaire, il fallait prendre des photographies, il fallait faire un

  4   relevé de la position. On se basait sur différents points sur la partie de

  5   corps ou sur le corps et on les représentait par rapport à l'ensemble de la

  6   fosse. Donc, il y a toute une série d'éléments qui étaient renseignés, et

  7   la personne qui dirigeait l'exhumation avait un cahier. C'est une

  8   procédure-type que suivent les archéologues. Dans ces notes, vous aviez

  9   tous les éléments qui étaient renseignés avec des observations de celui qui

 10   faisait l'enregistrement, et pour chaque partie de corps, pour chaque

 11   corps, il y avait un formulaire qui l'accompagnait jusqu'à la morgue.

 12   Q.  Merci, Monsieur Baraybar. Maintenant, est-ce que vous pourriez éclairer

 13   ma lanterne sur une question qui ne me semble pas claire dans cette

 14   affaire. Dans le cadre de l'analyse que vous avez menée, à quel point un

 15   corps devait-il être complété pour que vous le catégorisiez comme un corps

 16   entier, par opposition aux parties de corps ? S'il vous plaît.

 17   R.  Alors, quant à la différence entre un corps complet et une partie de

 18   corps, je suppose que c'est cela que vous voulez savoir, parce que c'est ce

 19   qui figure dans les rapports, d'une part les parties de corps et d'autre

 20   part, les corps complets. Alors, un corps complet, c'est une entité qui se

 21   compose de 70 à 75 % des parties qui le composent. En principe le torse,

 22   les extrémités et la tête, si possible, ou bien un corps complet moins une

 23   jambe ou un bras. Une partie de corps, ce serait exactement à l'opposé,

 24   donc ça commence par un simple os de main ou le torse, ou une jambe, ou une

 25   jambe et demie, une partie du crâne. Mais d'emblée, je peux vous dire qu'il

 26   n'existe pas une méthode scientifique ou quantitative permettant de

 27   déterminer ce qui constitue un corps complet par opposition à une partie de

 28   corps. Et en fait, sur le terrain, ceux qui travaillaient sur un site donné

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  1   déterminaient qu'une partie de corps était un corps quasiment complet, et

  2   puis une fois à la morgue, le pathologiste disait : pour moi, cela

  3   correspond à un corps complet, ce n'est pas une partie de corps. Donc, on

  4   modifiait le formulaire. Ce n'était plus une partie de corps; c'était un

  5   corps, désormais. Mais il n'y avait pas de changement sur le plan du nombre

  6   de détails ou d'éléments qui étaient repérés sur le site. Donc, il n'y a

  7   pas de traitement différent par rapport aux parties de corps ou corps

  8   complets. L'approche reste la même.

  9   Q.  Merci. Donc, toujours en ce qui concerne cette même question,

 10   j'aimerais savoir si vous avez eu des occasions où on aurait trouvé une

 11   tête qui aurait été consignée comme étant une partie de corps ?

 12   R.  Oui, je suis sûr que c'est arrivé.

 13   Q.  Bien. Mais nous savons que tout corps ne comporte qu'une tête. Comment,

 14   ensuite, avez-vous relié cette tête à un corps, sur quelle base ? Quels

 15   critères ?

 16   R.  Je vais vous expliquer à nouveau ce que nous faisions. Nous n'avons pas

 17   essayé de relier des parties de corps, à moins qu'il n'y ait suffisamment

 18   de preuves pour que l'on puisse penser qu'une partie d'un corps corresponde

 19   à une autre partie de corps. D'ailleurs, en médecine légale, on n'essaiera

 20   jamais de relier une tête à un corps décapité. Le seul lien entre les deux,

 21   c'est la jonction au niveau des vertèbres cervicales, et ce n'est pas

 22   vraiment une preuve extrêmement probante permettant d'être sûr qu'il s'agit

 23   bien du même corps, quand on parle d'ossements, bien sûr. Cela dit,

 24   souvenez-vous d'une chose : il est vrai qu'on a trouvé des morceaux de

 25   crâne qui ont été considérés comme étant des parties de corps, mais nous

 26   n'avons que très rarement trouvé un crâne entier. La plupart du temps,

 27   quand on trouvait la tête, elle était totalement éclatée en mille morceaux

 28   comme dans l'image que vous avez vue précédemment. Il n'y a que très peu

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  1   d'occasions où nous avons trouvé un crâne complet. Comme je vous l'ai dit,

  2   pour arriver à relier la tête au corps, il faut avoir un certain nombre de

  3   critères qui vous permettent de recomposer le corps. Un exemple extrême

  4   serait d'avoir un corps et puis une tête complète juste à quelques

  5   centimètres au-dessus. Donc dans ce cas-là, on peut raisonnablement

  6   conclure que la tête a été séparée du corps pour une raison quelconque. On

  7   pourrait, là, recomposer le corps, mais c'est la morgue qui avait toujours

  8   le dernier mot pour dire si éventuellement la tête retrouvée pouvait être

  9   associée à un corps ou non.

 10   Q.  Merci, Monsieur Baraybar. Pourrions-nous avoir à l'écran, s'il vous

 11   plaît, la pièce P938. Il s'agit d'un rapport fait par M. Baraybar sur le

 12   nombre minimum d'individus exhumés par le TPIY de 1996 à 2000.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je saisis cette occasion pour poser

 14   une question à notre témoin. Nous avons entendu un autre témoin expert qui

 15   disait, lui, que d'après lui, pour qu'il y ait corps complet, il faut qu'il

 16   y ait au moins 50 % du corps, ce qui paraît assez logique. Alors que vous

 17   aujourd'hui, vous venez de nous dire qu'en ce qui concerne votre procédure,

 18   vous aviez mis le seuil à 75 % du corps. Donc je pense que vous étiez

 19   extrêmement prudent. Vous avez rajouté aussi qu'il n'y a pas de standard

 20   universel qui permette de savoir comment définir un corps complet. Alors

 21   pourquoi cette différence entre 50 et 75 ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, Madame, Messieurs les Juges, c'est un

 23   débat qui se poursuit depuis fort longtemps. Et maintenant, nous sommes

 24   d'accord pour ne pas être d'accord entre nous. Nous en sommes là. Lorsque

 25   nous étions sur les sites d'exhumation, il est vrai que lorsqu'on est sur

 26   le terrain il faut prendre des décisions, puisque chaque élément de preuve,

 27   que ce soit un corps ou un artéfact, doit être numéroté et codé. Alors

 28   quand on en arrive aux parties de corps, il faut savoir ce qui va être B,

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  1   corps complet, ou BP, partie de corps. Il y a plusieurs considérations à

  2   prendre en compte, mais, à mon avis, la principale, c'est la suivante : la

  3   possibilité que cette unité puisse donner des informations utiles, et

  4   éventuellement, par la suite, être identifiée. Or, il était très difficile

  5   de savoir jusqu'où aller avec une partie de corps ou jusqu'où aller avec un

  6   corps complet. Parce que imaginez, vous avez une main, ou une main avec

  7   attachée au bras avec une moitié du torse, ou un torse avec un bras. Alors

  8   comment appeler ça un corps complet, une partie de corps ?

  9   En ce qui me concerne, je trouvais qu'il était plus utile de décider

 10   qu'un corps était quand même une unité très complète, presque complète.

 11   Donc, un corps avec certaines parties manquantes. En dessous de ce seuil,

 12   ce n'était plus qu'une partie de corps. Cela dit, on peut en arriver à

 13   autre chose. Ce n'est pas très scientifique, certes, mais la situation

 14   était parfaitement neuve. Avant 1996, je pense que l'on peut dire que

 15   personne n'avait dû étudier un tel nombre de personnes découpées en milles

 16   morceaux, si je puis dire. Alors ce qui vient à l'esprit tout de suite,

 17   c'est de dire il s'agit de parties de corps. Je crois que le premier jour,

 18   d'ailleurs, on a trouvé ce mot, partie de corps, "body part" en anglais, on

 19   ne savait pas jusqu'où ça allait nous mener, puisque chaque fois qu'on

 20   trouvait un nouveau site, il y avait encore un niveau de complexité qui

 21   s'ajoutait. Juste pour vous expliquer ce que je veux dire, sachez qu'il y a

 22   des sites où les restes étaient préservés d'une telle façon que les tissus,

 23   la peau et le gras étaient devenus adipeux. Enfin, une espèce de cire. On

 24   avait, certes, des membres on pouvait distinguer, les membres qui étaient

 25   des parties de corps, c'est vrai, mais parfois il y avait d'autres sites où

 26   tout était devenu des squelettes. Ce n'était plus que des ossements qui

 27   n'étaient même pas reliés par les articulations. Donc là, il s'agit bel et

 28   bien de parties de corps. Ça pouvait aller à un os simple de la main,

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  1   jusqu'à la moitié d'un squelette. Donc je me tiens à ma définition, à ce

  2   que j'ai décidé moi-même, et je sais qu'il y aura certains désaccords entre

  3   quelques experts, c'est vrai. Mais je trouve qu'il s'agit plutôt d'un

  4   désaccord sémantique plutôt qu'autre chose. L'analyse ne dépend pas de

  5   l'intégrité des restes. D'ailleurs, du fait même de l'intégrité des restes,

  6   et du fait de la variabilité dans le type de restes que l'on peut obtenir,

  7   on a réussi à calculer notre nombre minimum d'individus, plutôt que de

  8   décider de compter le nombre de bras retrouvés, le nombre de jambes

  9   retrouvées et le nombre d'autres éléments de corps retrouvés.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Mme le Juge Nyambe

 11   a une question.

 12   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] J'aimerais avoir des informations, si

 13   vous en disposez, bien sûr, à propos de l'équipe avec laquelle vous

 14   travailliez. J'aimerais savoir s'il y avait une personne dans l'équipe qui

 15   était chargée d'assurer la sécurité sur la scène du crime, sur les fosses ?

 16   Et lorsque je dis assurer la sécurité, assurer, bien sûr, l'intégrité de la

 17   fosse, étant donné qu'il s'agit d'un élément de preuve. Aviez-vous une

 18   personne chargée de cela ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Depuis 1996, il y avait toujours présence de

 20   membres de l'équipe de la sécurité sur le terrain, qui étaient là, bien

 21   sûr, pour préserver l'intégrité du site, pour éviter que des personnes ne

 22   s'y rendent après notre départ, par exemple. Je me souviens qu'en 1996, le

 23   problème était le suivant : l'OTAN, c'était l'IFOR, si ne je m'abuse, à

 24   l'époque, ne voulait pas assurer la garde auprès des fosses. Ils disaient

 25   qu'ils étaient là pour protéger les vivants, l'équipe, mais ils n'étaient

 26   pas là pour garder des fosses ou des charniers. Ce qui fait qu'à l'époque

 27   on dormait nous-mêmes à côté des fosses pour obliger les soldats de l'IFOR

 28   à assurer notre sécurité et aussi la sécurité des fosses.

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  1   Fort heureusement pour nous, par la suite, le TPIY a fourni un

  2   détachement de membres de la sécurité qui était là de façon permanente,

  3   s'il venait de La Haye ou d'ailleurs, je ne sais pas, pour garder le site

  4   après notre départ dans la journée, ce qui a permis d'améliorer nos

  5   conditions de travail. C'est aussi à ce moment-là qu'on a eu des douches,

  6   par exemple, et que notre travail est devenu un peu plus facile, et ces

  7   gardes restaient là physiquement et protégeaient l'intégrité des éléments

  8   de preuve.

  9   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Après votre départ, y a-t-il eu

 10   encore ou est-ce qu'on a continué à sécuriser ces sites, c'est-à-dire pour

 11   les générations futures, par exemple, si les gens veulent se rendre sur ces

 12   sites pour qu'ils voient où se trouvent les fosses, et cetera ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, nous n'avons pas fait cela. Les sites ont

 14   d'abord été terrassés, ensuite ils ont été remplis, parce que d'abord,

 15   lorsque nous avons procédé à des excavations, nous ne savions pas vraiment

 16   si c'était sur des propriétés privées ou non, et nous ne voulions pas aussi

 17   provoquer des problèmes pour les gens qui vivaient dans le coin en laissant

 18   un trou ouvert, par exemple, une fosse ouverte. Parfois, les fosses étaient

 19   assez profondes, et il y avait de l'eau souvent qui remontait dans cette

 20   fosse, donc ça pouvait être dangereux. Il pourrait y avoir des enfants qui

 21   tomberaient dedans et qui se noieraient.

 22   Donc on n'a rien laissé d'ouvert, on a tout rebouché. Mais maintenant,

 23   j'aimerais vous dire une chose, et ça porte un peu sur votre première

 24   question, au cours de 1996 et 1997, bien qu'en 1997 on s'occupait d'une

 25   autre fosse qui n'est pas pertinente en l'espèce, il y a eu des problèmes

 26   de sécurité et nous avons dû évacuer les sites à de nombreuses reprises. Il

 27   y avait des émeutes provoquées par la population civile, et il fallait

 28   qu'on prenne nos jambes à notre cou, si je puis dire, pour nous enfuir.

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  1   C'est arrivé au moins une fois en 1996. Je me souviens que c'est arrivé une

  2   fois, peut-être deux. Enfin, j'ai un peu de mal à me souvenir de tout cela.

  3   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le Juge Mindua a une question.

  5   M. LE JUGE MINDUA : Oui, Monsieur le Témoin Baraybar, juste une question de

  6   précision en ce qui concerne la terminologie. Au transcript, page 194, le

  7   numéro que je vois là, de lignes 4 à 6, vous avez parlé des restes

  8   squelettisés ou de restes de squelette totalement, de restes totalement en

  9   squelette, seulement des os non articulés et qui sont donc des parties de

 10   corps. La question que je voudrais vous poser, c'est de savoir qu'en

 11   serait-il d'un squelette entier, un squelette entier, sans chair, sans

 12   tissu mou, comme vous aviez dit, sans tissus mous et sans fluides ? Un

 13   squelette entier, est-ce que c'est un corps ou, de nouveau, une partie de

 14   corps ? Une partie de corps ou des parties de corps ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je répondre en français ?

 16   M. LE JUGE MINDUA : Oui, bien sûr.

 17   LE TÉMOIN : O.K., Monsieur le Juge. Merci beaucoup. Quand je parlais de

 18   parties de corps, peu importe si cette partie du corps est en squelette ou

 19   elle contient des tissus mous, ça veut dire que le terme BP, ou partie de

 20   corps, ou "body part", on parle directement de morceaux de quelqu'un. Et ça

 21   peut être un os, un petit os de quoi que ce soit, ou ça peut être un

 22   morceau plus grand. Ça peut être une jambe ou un bras soit en squelette ou

 23   soit avec du tissu.

 24   Alors, ce que je veux dire, c'est que la condition de morceau de

 25   corps n'a rien à voir avec la préservation de ce morceau. Est-ce que --

 26   oui.

 27   M. LE JUGE MINDUA : Très bien. Merci beaucoup.

 28   LE TÉMOIN : Merci.

Page 7243

  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vais vous reposer la question,

  2   mais je vais être peut-être extrêmement simple parce que je voudrais

  3   comprendre. Je vais être très simple. Un squelette sans aucun tissu mou,

  4   est-ce que ça correspond à un corps complet ou à une partie de corps ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, quand le squelette est complet,

  6   c'est un corps complet. Pour être plus royaliste que le roi, si je puis

  7   dire, quand on a un squelette complet, sans tissu mou, évidemment il y aura

  8   des petits morceaux qui seront perdus, comme par exemple les phalanges,

  9   mais c'est quand même un corps complet. Il ne faut pas exagérer. Il est

 10   impossible de trouver un corps parfaitement complet avec tout, les

 11   phalanges, les ongles. Non, on ne trouve pas de squelettes totalement

 12   complets dans un charnier où il y a des dizaines et des dizaines de

 13   personnes.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Monsieur Tolimir, c'est à vous.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Et je remercie les Juges de

 17   la Chambre de nous aider à essayer d'y voir clair. Pourrions-nous

 18   maintenant avoir à l'écran la page 5 en serbe et la page 4 en anglais du

 19   document dont j'ai demandé précédemment l'affichage. Il s'agit de la

 20   dernière portion, le dernier paragraphe qui se trouve au-dessus des alinéas

 21   1, 2 et 3.

 22   M. TOLIMIR : [interprétation]

 23   Q.  Voilà ce qui m'intéresse. C'est à l'écran, et je cite :

 24   "Le but de ce rapport, néanmoins, est de donner le nombre minimum des

 25   personnes exhumées des charniers liés à Srebrenica entre 1996 et 2001. Afin

 26   de calculer ce chiffre, un nombre d'hypothèses ont dû être prises.

 27   Premièrement, lorsqu'on pensait que différents charniers contenaient des

 28   victimes provenant d'un même événement, ils étaient fusionnés puis

Page 7244

  1   refusionnés avec les restes trouvés dans des sites secondaires.

  2   "Deuxièmement : toutes fosses primaires et secondaires ont été

  3   fusionnées.

  4   "Troisièmement : afin de fusionner les restes de tous les charniers,

  5   les mêmes ossements ont été utilisés chaque fois qu'il y avait comptage.

  6   "Le nombre minimum d'individus a été établi sur la base de la

  7   structure liée à l'âge, et donc on n'employait pas toujours les mêmes

  8   ossements pour calculer les intervalles distincts."

  9   L'INTERPRÈTE : Les interprètes font remarquer que la page anglaise n'est

 10   pas affichée à l'écran.

 11   M. TOLIMIR : [interprétation]

 12   Q.  "Cinquièmement : les types d'os qui ont été trouvés le plus fréquemment

 13   ont été dérivés des sites primaires, puis appliqués aux sites secondaires."

 14   Si j'ai bien compris en ce qui concerne le point 1, vous parlez de deux

 15   hypothèses; premièrement, qu'il s'agissait de victimes qui auraient trouvé

 16   la mort dans le cadre d'un même événement; et deuxièmement, qu'on

 17   fusionnait ces corps avec les restes trouvés dans les sites secondaires ?

 18   R.  Ecoutez, lorsque l'on parle d'événements, on parle du lien entre les

 19   sites, donc ici, site primaire ou site secondaire, qui ont pu être reliés

 20   par le biais de différents tests scientifiques auxquels il est d'ailleurs

 21   fait référence dans mon rapport, mais, bien sûr, de tests effectués par

 22   d'autres personnes que moi.

 23   Alors je ne sais pas si je réponds bien à votre question. C'est ce que j'ai

 24   cru comprendre lorsque vous m'avez posé cette question. Mais si cela ne

 25   répond pas à votre question, reformulez-la pour que j'y réponde à nouveau.

 26   Q.  Ecoutez, vous êtes anthropologue, vous n'êtes pas expert militaire,

 27   vous n'êtes pas enquêteur du bureau du Procureur. Donc j'aimerais savoir

 28   qui vous a donné toutes les informations vous permettant de faire

Page 7245

  1   l'hypothèse que les victimes que l'on trouvait dans différents charniers

  2   avaient trouvé la mort dans le cadre d'un même événement ?

  3   R.  Mais je ne parle pas d'événements, lorsque je dis d'événements. Un

  4   événement pour moi, c'est en fait la relation entre un site primaire et un

  5   site secondaire. Mais je vais vous donner des exemples pour vous expliquer

  6   comment je suis arrivé à la conclusion. Ce n'est pas moi qui suis arrivé à

  7   la conclusion, mais nous nous sommes basés sur des rapports, et on a réussi

  8   à relier des sites entre eux. Parmi les éléments de preuve dont je parle,

  9   je mentionne principalement les rapports du Dr Brown, par exemple, qui a

 10   fait des analyses de terre en comparant la terre trouvée dans des sites

 11   primaires et la terre trouvée dans des sites secondaires. Lorsque la terre

 12   est identique, cela donne un lien entre les deux sites, parce qu'on trouve

 13   la même terre. Mais je vais être plus précis, parce que je ne voudrais pas

 14   que ma déposition soit trop confuse. Je vais essayer d'être simple, parce

 15   qu'il est vrai que le sujet n'est pas très simple d'accès.

 16   Je vais vous donner un exemple, mais parfaitement hypothétique, pour

 17   essayer de bien faire comprendre les choses. Imaginons que vous ayez un

 18   charnier qui a été creusé dans un sol sableux. Alors on y met plusieurs

 19   personnes, et on rebouche le trou. Un certain temps après, j'arrive et je

 20   récupère les corps, donc j'essaie de vider la fosse, imaginons, pour

 21   étouffer l'affaire, couvrir les meurtres, et cetera. Je récupère les corps

 22   à l'aide d'un engin de terrassement, je les mets sur un camion, je les

 23   emporte ailleurs, où là, le sol est argileux, un sol parfaitement

 24   différent. Ce n'est plus un sol sableux, c'est un sol argileux. Là, je fais

 25   à nouveau un trou dans l'argile, et je prends tous ces corps qui sont dans

 26   le camion et je les remets dans la nouvelle fosse, argileuse.

 27   Bien évidemment, étant donné que j'ai utilisé des engins de

 28   terrassement pour récupérer les corps, une excavatrice, donc je ne récupère

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  1   pas que des corps, je récupère la terre qui était avec. C'est du sable,

  2   d'ailleurs. Donc le sable se retrouve maintenant dans la fosse argileuse.

  3   Alors quand je fais une exhumation de la fosse argileuse et que je trouve

  4   du sable, je me dis : Il ne devrait pas y avoir de sable ici, puisque le

  5   sol est argileux. Donc le Dr Brown a examiné ce type de liens entre les

  6   sites, et c'est par le biais de ces liens qu'il a réussi à établir qu'il y

  7   avait différents sites qui étaient reliés les uns aux autres. Et lorsque je

  8   parle d'un lien, c'est un événement pour moi. C'est ça que j'appelle

  9   "event" en anglais.

 10   Donc si je trouve une personne dans un site primaire, un individu

 11   dans la fosse A, et je trouve d'autres parties de corps dans la fosse B,

 12   qui est une fosse secondaire, je dis qu'ils sont reliés, qu'ils font partie

 13   du même événement. Pourtant, ça ne veut pas dire que les deux fosses ont

 14   été creusées en même temps, absolument pas. Mais c'est le lien, entre le

 15   site primaire et le site secondaire, qui fait partie du même événement.

 16   Q.  Merci, Monsieur Baraybar. J'aimerais que vous expliquiez autre chose,

 17   maintenant. Au point 1, vous parlez de la collecte des restes sur un point,

 18   un seul point, un seul endroit, j'imagine que c'est fait par l'expert.

 19   J'aimerais savoir si, lorsque l'emplacement de ces os est dans un seul

 20   endroit, est-ce que cela était fait ainsi, et sous quelle supervision,

 21   lorsque tous les os étaient collectés mais à partir d'un seul endroit ?

 22   R.  Vous parlez du point 1 de la page 4 ?

 23   Q.  Oui.

 24   R.  Il y a peut-être une erreur de traduction. Lorsque je parle de fusion,

 25   je parle de calcul. Je ne suis pas en train de dire de recomposer les corps

 26   à partir des sites primaires et des sites secondaires, pas du tout. Je

 27   fusionne les chiffres. Si vous le souhaitez, je peux étoffer un peu mon

 28   propos pour que tout soit bien clair.

Page 7247

  1   Q.  Oui, oui, je vous serais extrêmement reconnaissant si vous pouviez

  2   préciser tout cela pour que ce soit plus clair.

  3   R.  Il s'agit en fait de voir comment nous allons trouver un nombre minimum

  4   d'individus. Donc je vais vous expliquer exactement ce que j'entends, et je

  5   vais prendre une autre hypothèse de travail. Alors là, dans le texte, il ne

  6   s'agit pas d'une hypothèse, mais j'aimerais illustrer mon propos par cette

  7   hypothèse. Donc nous avons une fosse primaire, donc un charnier où il y a

  8   un certain nombre de personnes. Pour être simple, disons 100 personnes. Et

  9   à un moment donné, moi je récupère certains des éléments de cette fosse, ou

 10   la plupart des éléments de la fosse, ou tous les éléments de la fosse. Mais

 11   supposons que je récupère avec mon engin de terrassement 80 personnes, et

 12   que je laisse dans la fosse 20 personnes. Mais ces 20 corps qui sont dans

 13   la fosse, il se peut qu'ils soient complètement déchiquetés, parce que

 14   j'utilise une machine. C'est un engin de terrassement, une pelleteuse que

 15   j'utilise. Je n'y vais pas avec une pelle. Donc il y a un certain nombre de

 16   parties de corps qui vont se trouver dans la fosse et qui correspondent à

 17   20 corps. Et puis ensuite, je vais creuser cinq autres fosses. Et ces 80

 18   corps vont être éparpillés dans ces cinq fosses, avec certaines parties du

 19   corps ici, d'autres là, et cetera. Alors la question maintenant est la

 20   suivante : Comment est-ce que je vais pouvoir calculer le nombre minimum de

 21   personnes pour le site primaire, la fosse numéro 1, et les cinq autres

 22   fosses. Parce que dans un premier temps, il va falloir que j'établisse le

 23   lien entre les différents sites. Comment est-ce que je le fais ? Une fois

 24   de plus, par l'analyse de la terre, ce qu'a fait M. Brown. Donc la première

 25   fosse où il y avait du sable, je retrouve le sable dans mes cinq autres

 26   fosses, qui sont des fosses argileuses. Donc le premier critère, il est

 27   rempli, il est satisfait. Il y a un lien, on a établi le lien par la terre.

 28   Maintenant ce que je vais essayer de faire, c'est que je vais essayer

Page 7248

  1   d'ajouter les chiffres pour obtenir un chiffre total qui correspondra à ces

  2   six endroits, donc la fosse primaire, et les cinq autres. Donc si, par

  3   exemple, je devais obtenir un nombre minimum d'individus par fosse, disons

  4   pour la fosse numéro 1, j'en aurais peut-être 20, mais dans la première

  5   fosse secondaire, la fosse 2, il se peut que je retrouve ou que je me rende

  6   compte qu'il y a surtout des jambes droites alors que dans l'autre, il y a

  7   des bras gauches. Et puis je vais passer à un autre site secondaire et je

  8   vais me rendre compte que là, la partie la plus commune, c'est le pied

  9   droit, par exemple. Donc, si je devais ajouter tous les chiffres que

 10   j'obtiens dans chacune de ces fosses, le nombre total que je vais obtenir

 11   sera probablement supérieur au nombre de personnes, aux 100 personnes qui

 12   se trouvaient dans la fosse primaire. Il se peut que j'obtienne un chiffre

 13   de 120. Parce que si j'ajoute différents éléments, je ne compte plus la

 14   même chose. Donc, lorsque je parle de fusion dans cette phrase, ce que

 15   j'entends, c'est que je dois trouver un dénominateur commun pour toutes les

 16   fosses, la fosse primaire et les fosses secondaires. Et si le dénominateur

 17   commun c'est la jambe droite, eh bien, ce sera la jambe droite. Et à partir

 18   du nombre de jambes droites, je vais calculer le nombre minimum

 19   d'individus, ce qui fait que mon nombre final va être un nombre qui sera

 20   très en deçà de la réalité, qui correspondra véritablement à une sous-

 21   estimation du nombre véritable de personnes que l'on avait trouvées au

 22   début dans la fosse. Parce que sinon, je pécherais par excès de libéralisme

 23   et puis, ce faisant, je vais véritablement gonfler le nombre de corps,

 24   plutôt, qui se trouvaient là. Bon, je ne sais pas si j'ai été clair, ceci

 25   étant dit.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie de

 27   cette réponse.

 28   Nous allons faire notre première pause maintenant, Monsieur Tolimir, et

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  1   nous allons reprendre à 16 heures 20.

  2   --- L'audience est suspendue à 15 heures 51.

  3   --- L'audience est reprise à 16 heures 23.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, je vous en prie,

  5   poursuivez.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   M. TOLIMIR : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Baraybar, j'aimerais vous demander de nous expliquer le

  9   paragraphe 5 -- ou plutôt, l'alinéa 5 du paragraphe que j'ai cité, parce

 10   que vous y dites ce qui suit : Les catégories les plus fréquentes d'os

 11   provenaient des sites primaires et ont ensuite été utilisés ou appliqués

 12   pour les sites secondaires. Auriez-vous l'amabilité de nous expliquer ce

 13   que cela veut dire.

 14   R.  Oui, tout à fait. Comme je vous l'ai déjà expliqué, nous avons été en

 15   mesure de définir ce qui était un site primaire et ce qui était un site

 16   secondaire. Dans le droit fil de cette pensée, si un site primaire est un

 17   site où les corps ont été placés dans un premier temps, et qu'ensuite ils

 18   ont été déplacés et replacés vers un site secondaire, lorsque vous procédez

 19   à vos calculs, vous devez les faire à partir du site primaire. Alors, il

 20   s'agit d'une décision qui est entièrement arbitraire, mais il s'agit

 21   toutefois de la décision la plus logique, car il s'agit de ne pas

 22   surestimer le nombre de corps que vous allez compter. Pour ne pas procéder

 23   à une surestimation, vous dites que les os les plus communs que vous avez

 24   trouvés dans le site primaire, qui est le site d'où provenaient les corps,

 25   vous utilisez le même type d'os pour calculer le nombre minimum d'individus

 26   au niveau du site secondaire.

 27   Donc, si au niveau du site numéro 1 vous avez, par exemple, l'os de

 28   la jambe gauche, qui est l'os le plus répandu, c'est l'os que vous allez

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  1   rechercher et comptabiliser au niveau du site secondaire. A l'exception,

  2   bien entendu, comme je l'ai mentionné au début, que si vous avez des

  3   individus qui ont un âge différent et qui ne sont pas représentés par cet

  4   os de la jambe gauche. Si vous avez, par exemple, un bras droit qui

  5   correspond à une personne qui a un âge tout à fait différent de l'exemple

  6   précédent. Si, par exemple, disons que toutes les jambes gauches sont des

  7   adultes et que vous vous retrouvez avec le bras droit d'un enfant, cela

  8   compte comme un individu, le bras de l'enfant. Mais vous commencez par le

  9   site primaire pour aller et pour procéder au calcul au niveau du site

 10   secondaire; vous utilisez, donc, le même type d'os.

 11   Q.  Merci, Monsieur Baraybar. Est-ce que nous pourrions, je vous prie, nous

 12   pencher sur le premier paragraphe de la page 4 de la version serbe, qui

 13   correspond à la page 4 et également au paragraphe premier de la version

 14   anglaise. Alors, il est question là du nombre minimum d'individus, du NMI,

 15   et vous définissez cela comme le nombre minimum d'individus nécessaire pour

 16   expliquer tous les éléments de la collecte des restes mortels. Et vous

 17   faites une référence à l'année 1991, page 278. Est-ce que --

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, est-ce que vous

 19   pourriez vérifier le numéro de la page anglaise qui est affichée à l'écran.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le premier paragraphe qui se trouve à

 21   l'écran.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je répondrai par l'affirmative. En d'autres

 24   termes, le nombre minimum d'individus est un chiffre dont vous avez besoin

 25   pour pouvoir prendre en considération tous les éléments que vous avez

 26   trouvés, mais, comme son nom l'indique, il s'agit d'un nombre minimum, il

 27   ne s'agit pas d'un nombre maximum, donc si vous estimiez le nombre maximum

 28   d'individus, là vous auriez une situation tout à fait différente, parce que

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  1   pour ce faire, il faudrait que vous comptabilisiez tout fragment comme

  2   représentant potentiellement un autre individu. Mais cela signifie que si

  3   je procède à un assemblage de restes osseux, le nombre minimum me permet au

  4   moins de savoir le nombre minimum d'individus qui sont représentés par ces

  5   os. Donc ma réponse est affirmative.

  6   M. TOLIMIR : [interprétation]

  7   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire qui est M. White, et pourriez-vous nous

  8   dire à quel ouvrage vous faites référence ici ? Parce que je ne vois pas le

  9   détail de ses ouvrages dans la bibliographie que vous avez présentée lors

 10   de la compilation de votre rapport.

 11   R.  Vous avez tout à fait raison. Son nom, effectivement, ne figure pas

 12   ici. Mais j'espère que nous le trouverons ailleurs, et je vais chercher

 13   cela. Si je ne m'abuse, il s'agit d'un livre intitulé : "Ostéologie

 14   humaine." M. White est un anthropologue réputé qui travaille sur un certain

 15   nombre de sites archéologiques et paléoanthropologiques de par le monde, et

 16   je dois dire qu'il a une certaine expérience du travail sur les restes

 17   fragmentaires, et il est cité dans ce rapport de ce fait. Mais vous avez

 18   absolument raison, le fait est que j'ai effectivement oublié de citer ses

 19   livres, mais là je suis en train de voir qu'il y a de nombreuses coquilles

 20   et d'autres omissions. Mais j'essaie de voir s'il est cité quelque part

 21   ailleurs dans le rapport, mais apparemment non. C'est quelque chose que

 22   j'ai omis de faire. Alors je ne perds pas espoir. J'ai encore un autre

 23   rapport à vérifier. Non. Non. Il semblerait, effectivement, que je n'aie

 24   pas cité le livre de M. White, mais cet ouvrage s'appelle "Ostéologie

 25   humaine."

 26   Q.  Je vous remercie, Monsieur Baraybar. Et pourriez-vous nous dire

 27   maintenant si tous les restes mortels -- ou plutôt, est-ce que vous avez

 28   pris en considération seulement des parties précises de chacun des

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  1   squelettes ?

  2   R.  Je n'ai pas compris la première partie de votre question.

  3   Q.  Je peux la répéter. Ce que je voulais savoir, si tous les restes

  4   mortels devaient -- si vous deviez savoir à quoi correspondaient ces restes

  5   osseux lorsque vous avez déterminé le nombre minimum d'individus, ou est-ce

  6   que vous preniez seulement des éléments précis du squelette ? Si nous

  7   considérons votre réponse précédente, vous dites qu'un nombre minimum est

  8   nécessaire pour pouvoir définir l'assemblage de vos restes. Ce que

  9   j'aimerais savoir, c'est si chaque partie de l'assemblage devait trouver sa

 10   place dans l'assemblage ?

 11   R.  Bien. Nous avons préparé des inventaires de tous les os du squelette,

 12   du moindre os dans le squelette. Le nombre minimum d'individus est calculé

 13   en prenant en considération l'os le plus fréquemment trouvé ou la partie de

 14   l'os la plus fréquemment trouvée dans ces inventaires. Et pour vous donner

 15   une idée de la façon exhaustive dont nous avons procédé, si vous prenez un

 16   os long, par exemple l'os de la jambe, nous avons répertorié s'il

 17   s'agissait d'un os complet, en d'autres termes si ce que l'on appelle la

 18   partie proximale, la partie médiane et la partie distale de l'os était

 19   complète, ce qui nous donnait 1 plus 1 plus 1, ce qui nous donne la valeur

 20   de 1, et lorsqu'il y avait 0, cela signifiait que cela était absent. Donc

 21   parfois, vous aviez le nombre minimum qui était calculé à partir de la

 22   partie supérieure de l'os de la jambe droite. Ce que j'essaie de vous

 23   expliquer, c'est que nous n'avons pas seulement comptabilisé le nombre de

 24   jambes, le nombre de bras, par exemple, mais que nous avons subdivisé les

 25   os en différentes catégories pour avoir le plus grand nombre possible

 26   d'unités, pour pouvoir procéder à nos calculs. Donc si j'ai bien compris

 27   votre question, je dois également répondre par l'affirmative, parce que

 28   nous avons en fait répertorié les moindres éléments qui pouvaient être

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  1   répertoriés, ce qui fait que nous n'avons pas seulement comptabilisé, par

  2   exemple, le nombre de mains ou le nombre de jambes, nous avons également

  3   utilisé ce que j'appelle ces catégories très discrètes.

  4   Q.  Je vous remercie, Monsieur Baraybar. Mais ce que je vois ici, c'est que

  5   lorsque vous déterminiez le nombre minimum d'individus, vous avez utilisé

  6   plusieurs rapports. J'aimerais vous poser une question à ce sujet : est-ce

  7   que vous savez si quelqu'un d'autre hormis vous a effectué une analyse pour

  8   pouvoir déterminer le nombre minimum d'individus pour pouvoir procéder à

  9   une vérification de vos résultats, ou pour une autre raison, d'ailleurs,

 10   que je ne connais pas ?

 11   R.  Je ne sais pas si d'autres personnes ont essayé de refaire mes calculs,

 12   en fait. Cela, je ne le sais pas. Mais ce que je peux vous dire, en ce qui

 13   me concerne, c'est que ces calculs sont des calculs qui sont purement

 14   arithmétiques. Il ne s'agit pas de calculs complexes. Il ne s'agit pas de

 15   statistique. Il n'y a aucune projection. Il s'agit tout simplement

 16   d'additions et de soustractions de chiffres. Alors cela, il s'agit d'une

 17   information, d'opérations que nous avons faites pour plusieurs rapports, et

 18   cela n'a pas été très facile. Ce sont des calculs que nous avons faits, que

 19   nous avons refaits, et que nous avons refaits à souhait, parce que parfois,

 20   lorsque vous faites la somme des différents chiffres, vous faites un

 21   mauvais calcul, puis les chiffres ne correspondent plus en fait. Mais pour

 22   ce qui est de votre question, vous m'avez demandé si quelqu'un d'autre

 23   l'avait fait ? Ecoutez, pas que je le sache.

 24   Q.  Merci. Par conséquent, pour ce qui est de la période de référence de

 25   votre rapport, vous nous dites que le chiffre de 2 541 correspond au nombre

 26   minimum d'individus, c'est ce que vous avez indiqué lors de

 27   l'interrogatoire principal; c'est cela ?

 28   R.  Oui. Le nombre minimum -- minimal d'individus, après que nous avons

Page 7255

  1   additionné et collecté tous les éléments d'information que nous avions à

  2   cette date, à savoir en janvier 2004, nous donne le chiffre de 2 541.

  3   Q.  Merci. Excusez-moi. Monsieur Baraybar, avant l'année 2004, donc avant

  4   que vous ne présentiez ce rapport, avez-vous jamais entendu des critiques

  5   de la méthodologie que vous avez utilisée pour déterminer votre nombre

  6   minimum d'individus, est-ce que vous avez entendu une critique à ce sujet

  7   ou non ?

  8   R.  Non, non. J'ai entendu de nombreuses critiques à propos de nombreuses

  9   choses, mais pas cette critique précise que vous venez de mentionner, non.

 10   Q.  Merci. Oui, c'est la critique professionnelle qui m'intéresse, une

 11   critique qui émanerait de vos collègues qui s'occupent également de

 12   déterminer des nombres minimums d'individus.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie, nous

 14   pencher sur la page 6 du rapport dans la version serbe et dans la version

 15   anglaise, car c'est l'âge des personnes qui nous intéresse.

 16   M. TOLIMIR : [interprétation]

 17   Q.  Alors, vous voyez la page qui se trouve affichée sur votre écran, et

 18   voilà ce que vous dites, et je vous cite. Il s'agit de votre rapport :

 19   "Age : L'âge a été estimé."

 20   Alors, j'aimerais vous poser une question à ce sujet. Vous avez

 21   obtenu des résultats lorsque vous avez déterminé l'âge de ces personnes.

 22   Est-ce qu'il s'agissait simplement d'estimations, et le cas échéant, s'il

 23   s'agit d'estimations, dans quelle mesure est-ce que ces estimations sont

 24   fiables ?

 25   R.  Lorsque vous vous occupez de restes, ce que vous faites, c'est que vous

 26   faites une estimation, car pour ce qui est de l'âge -- en fait, il y a deux

 27   types de vieillissement. Il y a le vieillissement chronologique, donc l'âge

 28   chronologique qui se trouve sur votre carte d'identité et qui correspond à

Page 7256

  1   votre date de naissance et à partir de votre date de naissance, vous pouvez

  2   calculer le nombre de jours, d'heures, de semaines, de mois, d'années, quel

  3   que soit le nombre d'unités que vous voulez utiliser pour estimer votre âge

  4   chronologique. Mais lorsque vous vous trouvez face à un corps, vous faites

  5   une estimation de l'âge biologique, et l'âge biologique, c'est un âge qui

  6   nous est donné par l'apparence de votre corps, en quelque sorte. Je vais

  7   vous donner un exemple : si nous prenons l'articulation du genou pour

  8   estimer l'âge et que vous êtes un joueur de football, à l'âge de 35 ans,

  9   votre genou aura l'apparence du genou d'une personne de 80 années à cause

 10   de l'usure provoquée par votre activité professionnelle. C'est la raison

 11   pour laquelle nous utilisons certains éléments qui sont connus et qui

 12   varient avec l'âge. Par exemple, la quatrième côte ou la symphyse pubienne.

 13   Donc, vous avez toutes ces estimations qui sont soumises à des variations.

 14   C'est la raison pour laquelle vous ne pouvez pas déterminer un âge précis.

 15   Vous ne pouvez pas dire : cette personne a 44 ans et demi ou a 44 ans, six

 16   mois et trois jours. Bien entendu que vous ne pouvez pas le faire. Donc, il

 17   s'agit d'une estimation, une estimation qui fait partie d'une fourchette,

 18   parce que vous savez que cette fourchette vous donnera ce que l'on appelle

 19   l'exactitude. Cela ne va pas vous donner la précision, mais cela va vous

 20   donner une certaine exactitude. Pour vous donner un exemple, il serait

 21   exact de dire que tous les individus qui se trouvent dans ce prétoire -

 22   allez, je vais être grand seigneur - ont un âge compris entre 10 ans et 100

 23   ans. Là, nous sommes dans l'exactitude, mais nous sommes imprécis. Pour

 24   être précis, la précision consisterait à donner une estimation de l'âge

 25   précis de toutes les personnes qui se trouvent dans ce prétoire. C'est la

 26   même chose lorsque vous avez affaire à des restes mortels. Vous devez

 27   utiliser des techniques qui sont particulièrement robustes et solides.

 28   Lorsque je dis robustes et solides, cela signifie que je ne peux pas

Page 7257

  1   utiliser une norme pour des restes en n'utilisant que cinq, ou deux, ou dix

  2   exemples. Je dois utiliser des échantillons qui présentent une différence

  3   du point de vue statistique, ce qui signifie que ma fourchette d'estimation

  4   est une fourchette qui nous donne un intervalle de confiance, pour parler

  5   le jargon des statistiques. Ce qui signifie que la plupart du temps, j'ai

  6   raison, et que parfois, je suis dans l'erreur, parce que c'est cela le

  7   domaine des statistiques, en fin de compte. Donc effectivement, il s'agit

  8   d'une estimation, mais la fiabilité de l'estimation se fonde sur le type de

  9   techniques que nous avons utilisées pour estimer l'âge.

 10   Donc, l'âge n'a pas été estimé de façon tout à fait empirique en

 11   prenant un os et en disant : bon, j'ai l'impression que cet os, il a 45 ou

 12   35 ans, parce que ça, ce n'est absolument pas de la science. Et c'est la

 13   raison pour laquelle vous pourrez comprendre que nous avons été

 14   véritablement très en deçà de la vérité, lorsque nous avons estimé les

 15   âges, Peut-être trop, d'ailleurs, parce qu'il n'y a un grand nombre de

 16   personnes qui se trouvent dans la fourchette 25 ans et plus. Supposons que

 17   vous travaillez dans une morgue et que vous avez une seule personne, il

 18   serait tout à fait absurde DE dire : cette personne a un âge de 25 ans et

 19   plus, parce que la moitié de la population fait partie de cette fourchette

 20   d'âge. Mais nous, nous avons fait cela parce que nous avons utilisé

 21   certaines normes de vieillissement que l'on a pu observer seulement sur

 22   certaines parties du corps. Si je trouve un morceau de jambe ou un pied ou

 23   une main, là, je peux dire il s'agit d'un adulte, Ce n'est pas un enfant.

 24   C'est un adulte, mais quel est l'âge de cet adulte, Je n'en sais rien. Mais

 25   si je trouve une partie du corps où je peux utiliser les techniques que

 26   j'ai énumérées et que nous avons utilisées, là je peux être beaucoup plus

 27   précis. Pour les autres cas, nous sommes, comme je vous l'ai déjà dit, dans

 28   l'exactitude.

Page 7258

  1   Q.  Merci. Merci, Monsieur Baraybar.

  2   Dans le premier paragraphe, vous faites état des méthodes sur

  3   lesquelles vous vous êtes appuyé pour avancer vos conclusions. Vous citez,

  4   j'imagine, des publications scientifiques, et vous citez les noms de leurs

  5   auteurs.

  6   J'aimerais savoir s'il s'agit là de méthodes qui sont généralement

  7   acceptées. J'aimerais savoir si, à l'époque où vous avez mené à bien vos

  8   recherches, c'étaient les seules méthodes, ou y en avait-il d'autres que

  9   vous auriez pu utiliser ? Merci.

 10   R.  Je dois dire qu'il en existe bien d'autres. Ces techniques sont très

 11   nombreuses qui permettent de déterminer l'âge des restes humains, et ce

 12   n'est pas là le problème. Le problème est de savoir si ces techniques sont

 13   quelque chose qui a été développé sur la base d'un groupe qui correspond,

 14   par ses caractéristiques, au groupe étudié.

 15   Autrement dit, à quoi me serviraient des techniques qui étaient bel et bien

 16   disponibles à l'époque, et d'ailleurs, elles sont toujours là, des

 17   techniques du Pr Lovejoy et de ses confrères, de Case Western Reserve

 18   University. Ce sont des techniques très détaillées, mais elles se fondent

 19   sur une population préhistorique. Donc, il s'agit des Indiens de l'Amérique

 20   du Nord, de l'Ohio. Donc, il est tout à fait évident que je n'aurais pas pu

 21   me servir d'une technique qui, elle, se fonde sur une population

 22   préhistorique de l'Amérique du Nord. Je ne peux pas me servir de cela pour

 23   étudier une population européenne contemporaine. Ce ne serait pas une

 24   démarche scientifique. D'autre part, les méthodes dont je me suis servi et

 25   que vous voyez ici, eh bien ce sont des méthodes qui se fondent sur des

 26   populations -- prenons, par exemple, la technique Suchey-Brooks; c'est une

 27   technique qui a été développée à Los Angeles sur un très vaste échantillon,

 28   donc sur une population contemporaine. Et puis également, Ishian [phon],

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  1   l'autre technique, tandis que Smith, pour les classifications dentaires,

  2   lui se fonde sur un nombre d'échantillons qui ont été rassemblés sur la

  3   base de l'étude des enfants vivant aujourd'hui, ou des études récentes.

  4   Donc ce n'est pas parce que telle ou telle technique existe que vous

  5   devriez vous en servir, parce que telle ou telle technique pourrait se

  6   fonder sur l'étude d'une population dont les caractéristiques ne

  7   correspondent pas aux critères de la population sur laquelle vous menez

  8   votre étude. Donc il ne serait pas recommandé d'extrapoler les résultats

  9   qui se fondent sur un contexte pour s'en servir dans un autre contexte.

 10   Cela pourrait vous entraîner à tirer des conclusions qui n'auraient pas de

 11   sens.

 12   Q.  Je vous remercie, Monsieur Baraybar. Mais pour que ce soit tout à fait

 13   clair, vous dites que Simmons et autres, en 1999, se fondent sur des normes

 14   qui sont spécifiques sur une population bosniaque. Et j'aimerais savoir

 15   exactement de quoi parlez-vous là, j'aimerais savoir à quoi correspondent

 16   exactement les phases symphysiennes.

 17   R.  Je ne sais pas exactement comment je dois vous expliquer. Donc nous

 18   avons la symphyse pubienne -- je vais peut-être me mettre debout, ce serait

 19   mieux. Donc c'est cette partie-ci. Vous avez votre pelvis avec les deux

 20   côtés, et si vous touchez ici, vous verrez qu'il y a un os ici. Donc la

 21   symphyse, c'est l'endroit où les deux côtés se joignent. De face, ce n'est

 22   pas le cartilage, mais c'est une composante fibreuse entre les deux, et

 23   c'est cela qui change avec l'âge. Plus vous êtes âgé, plus cela comportera

 24   de modifications, et cela change autant pour les hommes que pour les

 25   femmes.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Excusez-nous d'interrompre.

 27   M. ELDERKIN : [interprétation] Je m'excuse auprès du témoin et auprès du

 28   général Tolimir. Je ne sais pas si le général Tolimir souhaite présenter

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  1   cela, mais nous avons une pièce, pièce 1050. Nous avons là une

  2   représentation graphique du pelvis, et cela pourrait nous aider à suivre.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Surtout pour produire un compte rendu

  4   d'audience précis, il serait bien d'afficher cela. Merci.

  5   Oui, Maître Gajic.

  6   M. GAJIC : [interprétation] M. Elderkin m'a dit que le témoin souhaiterait

  7   peut-être une copie papier. Nous en avons une. M. l'Huissier pourrait peut-

  8   être remettre cela à M. Baraybar. Merci.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc M. Baraybar pourra nous

 10   expliquer la dernière partie de sa réponse.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Est-ce que je peux colorier à l'écran

 12   pour vous le représenter ? Nous avons le bassin ici, et la symphyse

 13   pubienne se situe ici. Vous ne la voyez pas. Est-ce que je peux effacer,

 14   s'il vous plaît.

 15   A gauche de la ligne que j'ai tracée, vous voyez une autre ligne noire. La

 16   voyez-vous ?

 17   M. TOLIMIR : [interprétation]

 18   Q.  Oui.

 19   R.  Donc ça, c'est la symphyse pubienne. Rappelez-vous, elle est protégée

 20   par ce bout de tissu fibreux que l'on voit ici. Donc c'est cet endroit que

 21   vous voyez. Imaginez que vous l'ouvrez, et c'est cette face-ci qui

 22   représente la symphyse pubienne. Cette face à l'intérieur. Est-ce que j'ai

 23   été clair ?

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui. Je précise aux fins du compte

 25   rendu d'audience, le témoin a d'abord tracé un cercle. Il a expliqué

 26   l'angle sous le pubis, est-ce exact ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et par la suite, il a tracé une ligne

Page 7261

  1   indiquant la symphyse pubienne. Les deux annotations ont été apportées en

  2   rouge. Corrigez-moi si je me trompe.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] La ligne est légèrement écartée. La ligne que

  4   je cherchais à tracer devrait se situer en fait à gauche. Elle devrait

  5   recouper la ligne que nous avons sur le croquis. Mais en fait, je n'ai pas

  6   réussi à tracer ma ligne exactement par-dessus, en superposant la ligne qui

  7   existe déjà dans le croquis.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Monsieur Tolimir, est-ce que vous souhaitez demander le versement de ce

 10   dernier document ?

 11   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Et puis la deuxième partie de la question

 13   concerne les normes spécifiques relatives à la population. Eh bien c'est

 14   une manière de se fonder sur les caractéristiques d'une population connue.

 15   Donc nous nous sommes penchés sur 241 échantillons de restes d'hommes de la

 16   morgue de Tuzla. Il s'agit de personnes qui ont été autopsiées à la morgue

 17   de Tuzla, et cela constitue un échantillon qui est statistiquement

 18   significatif. Cela nous a permis de relever les modifications de la

 19   symphyse pubienne sur une population originaire de Bosnie. Donc c'est à

 20   cause de cela que l'on peut dire qu'il s'agit d'un échantillon spécifique à

 21   un groupe de population.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, est-ce que vous

 23   souhaitez demander le versement de ce document annoté ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce que le témoin peut

 25   nous répondre aussi pour nous dire si ces normes de Simmons sont des normes

 26   qui sont généralement admises pour déterminer l'âge, et du moment du décès

 27   sur la base des restes humains.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Gajic  ?

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  1   M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, juste une chose. C'est

  2   Simmons le nom qui est noté dans le transcript, mais j'aimerais que le

  3   témoin nous donne précisément le nom, comment faudrait-il le consigner.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est S-i-m-m-o-n-s, Simmons.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous avons maintenant une

  6   orthographie exacte, et nous allons verser le document annoté au dossier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D131.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment où nous avons fait ces examens,

  9   c'était une correction acceptée de la technique Suchey-Brooks. Donc là,

 10   nous avons une correction uniquement pour la symphyse pubienne, et il ne

 11   s'agit pas d'une norme généralisée. C'est quelque chose qui concerne une

 12   technique spécifique et un os spécifique. Donc, entre-temps, cette norme a

 13   été améliorée plus tard en 2008, mais cela ne concerne pas le moment où

 14   j'ai rédigé mon rapport. Et d'ailleurs, au fur et à mesure, on améliore les

 15   normes. La science avance.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Une question sera posée par Mme le

 17   Juge Nyambe.

 18   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Oui. J'aimerais vous poser une

 19   question plus spécifique. Vous nous avez dit que vous avez travaillé

 20   également pour le Tribunal du Rwanda. Est-ce qu'une norme spécifique

 21   relative à un groupe de population prendrait en compte une identification

 22   par appartenance ethnique, par exemple Tutsi, Hutu, en l'occurrence, ou Twa

 23   ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela n'a pas à voir avec l'appartenance

 25   ethnique. Il s'agit de quelque chose qui est appelé affinité biologique,

 26   cela n'a pas à voir avec l'appartenance ethnique. Mais en effet, le rythme

 27   de maturation, en prenant par exemple les femmes, diffère entre les

 28   individus africains, nord-américains, européens, voire latino-américains.

Page 7263

  1   Par exemple, si vous vivez en grande altitude, comme cela est le cas chez

  2   moi, à 4 000 mètres d'altitude, eh bien, vous aurez atteint le point de

  3   maturation totale, mais vous serez plus petit parce que votre système, il

  4   est très intelligent. Il décide de ce qu'il lui faut pour atteindre la

  5   pleine fonctionnalité. Par exemple, il va vous développer au détriment de

  6   votre taille. Donc, ce sont des détails très importants. Je ne peux pas

  7   appliquer au Congo les normes péruviennes donc, parce que je vais me

  8   tromper sur la tranche d'âge ou sur l'âge des individus congolais, et

  9   inversement, la même chose. Donc, mes individus sembleront beaucoup plus

 10   jeunes alors qu'ils seront plus âgés, et simplement parce qu'ils sont de

 11   plus petite taille. Donc, cela n'a rien à voir avec l'appartenance ethnique

 12   à cet égard. Et puis, pour ce qui est du Rwanda, il nous faudrait une autre

 13   audience pour en parler, mais je vous remercie d'avoir posé cette question

 14   très intéressante.

 15   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je vous remercie.

 16    M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je remercie M. Baraybar.

 18   M. TOLIMIR : [interprétation]

 19   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, compte tenu de votre dernière réponse

 20   apportée à la Juge Nyambe, dans votre équipe, y avait-il des personnes qui

 21   s'étaient intéressées, avant de travailler avec vous, à la détermination de

 22   l'âge des individus originaires de Bosnie. Merci.

 23   R.  Aucun membre de nos équipes n'avait fait de recherches, si c'est cela

 24   que vous me demandez, n'avait fait de recherches sur la population

 25   bosnienne, ou celle des Balkans. Du moins, je ne m'en souviens pas. Peut-

 26   être l'ont-ils fait plus tard, mais à ce moment-là, non.

 27   Q.  Merci. Mais ce qui m'intéresse plutôt est de savoir si dans votre

 28   équipe il y avait quelqu'un qui avait une certaine expérience dans le

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  1   domaine de la détermination de l'âge des individus originaires de Bosnie,

  2   et j'en parle à propos de ce que vous venez de dire sur le Rwanda. Merci.

  3   R.  Oui. Mais il faudrait peut-être que je précise cela. La question n'est

  4   pas de savoir si vous avez de l'expérience dans le cadre des recherches

  5   menées sur un groupe de population particulier, puisque les normes que vous

  6   appliquez sont les mêmes. Nous sommes tous des être humains et nous avons

  7   tous les mêmes caractéristiques. Je veux dire par là qu'il n'y a pas de

  8   différence sur le plan du phénotype de la symphyse pubienne, si je prends

  9   une personne originaire d'Afrique ou d'Amérique latine ou de Bosnie ou de

 10   Russie, peu importe. La structure de l'os sera quasiment identique. Donc,

 11   il ne s'agit pas de savoir si je suis un expert dans le domaine des

 12   symphyses pubiennes bosniaques, non. Ce n'est pas ça. Ce sont les tranches

 13   d'âge, comment est-ce que je vais déterminer l'âge par rapport aux

 14   différentes catégories. Donc, cette technique se ventile sur six phases.

 15   Pendant la première phase, prenons la population péruvienne, ce sera, par

 16   exemple, la tranche allant de 16 à 23; peut-être pour les Balkans, cela

 17   correspondra à 18 à 25, peut-être, et en Afrique, en revanche, ce sera 16 à

 18   19, et peut-être qu'ailleurs ce sera encore une autre tranche d'âge, mais

 19   les caractéristiques seront les mêmes. Donc, il ne s'agit pas de savoir si

 20   vous avez déjà fait des recherches sur le même groupe de population. Au

 21   niveau de la qualité, il n'y a pas de différence s'il n'y a pas de trait

 22   distinctif que vous allez observer sur un groupe plutôt que sur un autre.

 23   Non, là, il n'y aura pas de différence.

 24   Q.  Je vous remercie. Vous avez répondu partiellement à ce que je souhaite

 25   vous demander à présent, mais je vais vous le demander quand même.

 26   Affichez, s'il vous plaît, la page 10 en serbe. Cela correspondra à la page

 27   8 en anglais.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pièce P938. Je vous remercie, Aleksander.

Page 7265

  1   Merci.

  2   Nous voyons ici un tableau. Il n'est plus là. On va l'afficher de nouveau

  3   pour que vous puissiez le voir. Page 10 en serbe, page 8 en anglais. Est-ce

  4   que vous pouvez nous afficher la page 10 en serbe, s'il vous plaît ?

  5   Donc, les chiffres seront les mêmes. Nous avons ici un tableau et nous

  6   avons les tranches d'âge de 8 à 12, de 13 à 17, de 15 à 24, 25 et plus, et

  7   cetera.

  8   M. TOLIMIR : [interprétation]

  9   Q.  Alors, dites-nous pourquoi prend-on cette tranche d'âge de 15 à

 10   24 ? Scientifiquement, quels sont les critères qui permettent d'étayer

 11   cette catégorie ? Pourquoi a-t-on identifié ainsi l'âge de l'individu au

 12   moment de son décès ? Merci.

 13   R.  Je l'ai déjà expliqué au début. C'est l'âge biologique que nous

 14   cherchons à déterminer. Autrement dit, nous créons des intervalles, et

 15   c'est à l'intérieur de cet intervalle que l'on cherche à déterminer l'âge

 16   de l'individu de manière exacte. Ces quatre tranches d'âge correspondent à

 17   l'évolution de l'individu à des étapes que l'on peut observer, et je vais

 18   vous citer un exemple. La tranche d'âge de 8 à 12, comment est-ce qu'on l'a

 19   identifiée ? Eh bien 8 à 12, cela veut dire que l'individu, normalement, ne

 20   devrait pas être plus âgé que 12 ans et plus jeune que 8. Alors qu'est-ce

 21   qui le caractérise ? Certaines caractéristiques des dents, comment les

 22   dents ont poussé, et cela se fonde sur la norme de Smith de 1981. Donc l'on

 23   sait que quelqu'un qui a une première molaire qui a poussé jusqu'à un

 24   certain point, que cela s'est passé à cet âge-là de l'individu. Pas avant,

 25   pas après. Donc si vous ajoutez cela à l'os du bassin, que nous avons vu

 26   précédemment, entre l'âge de 8 et l'âge de 12 ans, en fait il est séparé en

 27   trois parties. Et ce n'est que plus tard que les soudures apparaissent, et

 28   cet os devient un.

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  1   Donc si vous tirez un parallèle entre cela et la taille de

  2   l'individu, par exemple, vous pouvez être à peu près certain que l'individu

  3   en question correspond à cette tranche d'âge. Mais il faut prendre cela

  4   avec certaines précautions.

  5   Cela ne signifie pas que l'individu qui a entre 8 et 12 ans ne

  6   pourrait absolument pas tomber dans l'intervalle suivant, de 13 à 17 ans.

  7   Et pourquoi dis-je cela ? Si j'ai décidé de le ranger dans cette catégorie-

  8   là, de 8 à 12, dans cet intervalle-là, c'est parce que j'ai suffisamment

  9   d'éléments me permettant de penser qu'il s'agit d'un individu jeune. Si je

 10   décide de ranger quelqu'un dans la catégorie suivante, c'est parce que j'ai

 11   trouvé suffisamment d'éléments me permettant de penser que cet individu est

 12   plus âgé.

 13   Je suis parfaitement conscient du fait qu'il doit y avoir un

 14   recoupement, parce que là nous parlons d'intervalles. Il ne s'agit pas

 15   d'âge au sens chronologique du terme. Donc quelqu'un qui a entre 8 et 12

 16   ans, il a peut-être 12 ans et 9 mois, mais je n'ai rien qui me permette de

 17   le savoir. Donc je me fonde sur l'ensemble des éléments. Et sur l'ensemble

 18   des éléments que j'ai repérés, je dis que la conclusion la plus probable

 19   est qu'il convient de le ranger dans cette catégorie.

 20   Et ça, c'est la raison pour laquelle vous voyez là cette

 21   catégorisation. Donc on ne ventile pas au hasard, là. On ne fait pas ça au

 22   pif. Cela s'étaye sur des caractéristiques morphologiques qui reflètent ce

 23   que je viens d'expliquer aux Juges de la Chambre. Donc il s'agit de modèles

 24   de l'évolution de l'individu. Donc prenez quelqu'un qui fait partie de la

 25   catégorie de 25 ans et plus, eh bien c'est quelqu'un qui a toutes les

 26   soudures. Par exemple, tous les os sont soudés. Vous savez comment les

 27   enfants sont très souples. Il est très facile de les habiller. Vous savez

 28   comment les vêtements pour bébés sont tout petits, et vous vous demandez

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  1   comment vous allez les enfiler sur le bébé. Mais en fait c'est pas

  2   difficile parce que le bébé il a du cartilage, et puis le cartilage est

  3   remplacé progressivement par les os durs. Et comment l'individu grandit-il

  4   ? C'est aux extrémités des os. Ces extrémités sont ouvertes, et après elles

  5   deviennent soudées. Donc si je trouve une jambe complètement soudée, eh

  6   bien je sais que cet individu a au moins 25 ans. Mais je ne sais pas s'il a

  7   23 ans et 5 mois, parce qu'il y a une certaine variabilité, et ça c'est un

  8   fait. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

  9   Q.  Merci. Bien, j'aimerais que vous m'expliquiez autre chose. J'aimerais

 10   avoir la justification scientifique ou l'explication scientifique qui

 11   explique la fourchette allant de 15 à 24 ans. C'est quand même assez long.

 12   D'ailleurs, ici, il y a 13 à 17 ans, et 15 à 24 ans. Or, il y a

 13   chevauchement. Ça me paraît étrange, 13 à 17, 15 à 24, il y a

 14   chevauchement. Alors pourriez-vous nous expliquer un petit peu pourquoi

 15   vous avez ce chevauchement entre ces deux fourchettes ?

 16   R.  La variation de ces fourchettes d'âge vient de la chose suivante :

 17   quand on compare des chiffres de 1996 avec les chiffres suivants, c'est

 18   parce qu'on a trouvé de plus en plus de parties de corps, et avec le temps

 19   on a réussi à être plus précis dans l'estimation et la détermination de

 20   l'âge. Par exemple, certains des éléments dont je vous parle portent sur un

 21   certain nombre d'os, par exemple les dents, les os longs, et parfois donc

 22   on trouve soit l'un, soit l'autre, mais il est difficile de combiner les

 23   deux. Donc ça c'est une chose. Ensuite, ces fourchettes d'âge ont aussi été

 24   conçues afin de consolider des données qui avaient été obtenues dès 1996.

 25   Les données collectées en 1996 ne suivaient pas une organisation bien

 26   précise. C'est-à-dire, il y avait en fait des tableaux où il y avait des

 27   âges d'individus décidés par les anthropologues par affaire, et il fallait

 28   recombiner toutes ces affaires pour compiler tout ça. Sinon, je vous aurais

Page 7269

  1   fourni des centaines de rapports visant à établir quel était le nombre de

  2   personnes trouvées et leur âge.

  3   Donc c'est pour ça qu'il y a chevauchement. Ce chevauchement reflète

  4   justement ce fait-là. Or, ce n'est pas un chevauchement qui est si

  5   important que ça, finalement. Mais c'est un chevauchement qui reflète deux

  6   types de situations. Pour ce qui concerne 13 à 17 ans, ça c'est une

  7   personne qui est un jeune adolescent, quelqu'un qui débute sa puberté.

  8   Alors que la deuxième catégorie, 15 à 24, c'est quelqu'un qui est en fin de

  9   puberté. Donc à quoi est-ce qu'on s'attend au niveau osseux, eh bien pour

 10   la première catégorie, 13 à 17 ans, ce sera une personne où les os longs

 11   sont encore en croissance, donc les épiphyses, c'est-à-dire les extrémités

 12   des os qui font les articulations sont encore séparées du corps de l'os,

 13   alors que lorsqu'on étudie la catégorie 15 à 24, là, on a un os qui a

 14   pratiquement atteint sa taille avec des soudures partielles des extrémités.

 15   Evidemment, je simplifie les choses, mais ce seraient certaines des

 16   caractéristiques qu'on doit prendre en compte. Bien sûr, il y aura

 17   chevauchement, et où trouver les informations pour savoir où faire la

 18   coupure entre les différentes fourchettes ?

 19   On trouve ces informations en se basant sur les normes portant sur

 20   l'évolution de la soudure en ce qui concerne un grand nombre -- certains

 21   os, mais si possible, bien sûr, à partir d'un échantillon important. Alors,

 22   celui que l'on utilise, ce sont les soldats américains qui sont morts en

 23   Corée, au Viêt-Nam, par exemple. Donc il s'agit d'un échantillon qui

 24   comprend une certaine variété d'affinités biologiques, puisqu'on a des gens

 25   qui sont soit hispaniques, des gens qui sont asiatiques, des afro-

 26   américains, et cetera. C'est la seule base d'échantillon vraiment exhaustif

 27   qui existe à l'heure actuelle. Elle s'appelle Stewart et McKern, et vous le

 28   retrouverez dans la bibliographie, parce que c'est un nom propre que vous

Page 7270

  1   retrouverez, McKern et Stewart.

  2   Q.  Merci, Monsieur Baraybar. Pourriez-vous nous dire si parfois vous

  3   n'avez retrouvé qu'une partie de corps dans une fosse et que, de ce fait,

  4   vous auriez eu du mal à établir l'âge de la personne, si vous ne trouviez

  5   que des parties de corps ou qu'une partie d'un corps, comment arriver à

  6   déterminer l'âge de la personne ?

  7   R.  Comme je l'ai déjà dit, l'estimation de l'âge est assez limitée et

  8   contrainte par la quantité de corps retrouvés. On peut parfois dire

  9   uniquement quant à savoir si c'est un jeune, un adulte ou une personne

 10   assez vieille, c'est difficile à dire. Parfois, on a un seul os qui est

 11   parfaitement soudé. Tout ce qu'on sait, c'est que c'était un adulte. On ne

 12   va pas plus loin. Et c'est arrivé, bien sûr. C'est pour ça qu'à partir de

 13   25 ans, on a une catégorie extrêmement large qui comprend tout le monde.

 14   Vingt-cinq ans et plus, cela peut représenter plus d'une moitié de la

 15   population. On ne pouvait pas dire grand-chose de plus à propos de ces

 16   restes. Il est beaucoup plus facile de déterminer l'âge d'une personne

 17   jeune, parce qu'il y a beaucoup d'éléments qui permettent de déterminer

 18   l'âge avec les parties qui ne sont pas encore soudées, les parties en

 19   croissance, tout ça, c'est visible. Mais les adultes, une fois qu'ils ont

 20   atteint leur taille adulte, c'est difficile à savoir, à moins d'avoir une

 21   partie de corps -- imaginez que vous avez une partie de corps, qui est, par

 22   exemple, une clavicule ou une côte, si l'os est bien fusionné, tout ce

 23   qu'on sait c'est un adulte. On ne peut pas dire grand-chose de plus.

 24   Q.  Bien.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir la page 9, s'il vous

 26   plaît, à l'écran, en serbe. Qui correspond à la page 7 en anglais.

 27   L'intitulé de ce chapitre, c'est "Age des corps", et je vais donner lecture

 28   d'un passage.

Page 7271

  1   M. TOLIMIR : [interprétation]

  2   Q. "Age. Cette étude combine des données collectées pendant un

  3   certain nombre d'années en utilisant différents critères permettant de

  4   déterminer l'âge. Au cours des campagnes de 1996 à 1999, enfin, plutôt

  5   jusqu'à 2001, la plupart des indicateurs d'âge étaient dérivés de

  6   populations nord-américaines actuelles. Ce n'est qu'après 1999 que des

  7   critères plus spécifiques à la population d'ici ont été utilisés."

  8   Voici ma question : les données obtenues avant 1999, avez-vous réussi à les

  9   mettre à jour en vous basant sur des rapports, des photos, ou une étude des

 10   os afin, au moins, d'utiliser un seul critère, un seul standard unique pour

 11   établir l'âge de tous les restes trouvés ?

 12   R.  Oui. Je tiens à dire, lorsque je parle de différents critères d'âge, je

 13   veux dire une chose. En 1996, en plus des standards que nous avons toujours

 14   utilisés, ils ont ajouté d'autres observations, en plus de ceux dont on a

 15   parlé jusqu'à présent. Mais pendant toute la période d'étude, il y a quand

 16   même des critères tout à fait communs - la quatrième côte, la symphyse

 17   pubienne, et cetera - tout ce dont j'ai parlé dans le rapport. En 1996, il

 18   y a certaines observations qui ont été ajoutées. Certaines personnes, par

 19   exemple, si je ne me trompe pas, ils étudiaient aussi les soudures au

 20   niveau d'une certaine partie de la vertèbre pour les jeunes adultes. Mais

 21   j'ai trouvé, enfin c'est moi qui l'ai trouvé, mais j'ai trouvé que

 22   l'échantillon était trop petit, que la [imperceptible] n'était pas très

 23   robuste, et en plus, il fallait trouver, en plus, un rachis. Ce n'est pas

 24   facile de trouver un rachis entier plus la bonne vertèbre. C'était trop

 25   précis. Maintenant, pour ce qui est de votre question quant à savoir si on

 26   pourrait revenir sur les données, oui, tout à fait, c'est possible, mais

 27   dans quel but ? Pour obtenir quoi ? C'est ça, la question.

 28   La variation qui existe entre les estimations de Suchey-Brooks, qui

Page 7272

  1   se basaient sur cette fameuse population américaine de Los Angeles

  2   multiraciale et les standards des Bosniens, d'après l'étude faite par

  3   Simmons, c'est la suivante : les gens auraient un aspect un peu plus vieux

  4   par phase. J'invente des phases, là, mais mettons que si, pour la

  5   population nord-américaine, c'est 15 à 30, en Bosnie, ils seront un peu

  6   plus vieux, donc ils seront plutôt 15 à 20. Donc, 15 à 20, ça vous

  7   donnerait de 17 à 23.

  8   Il faudrait quand même avoir l'échantillon spécifique à la population

  9   robuste qui a été établi en 2008, qui est basé sur 891 échantillons en

 10   combinant le Kosovo, une partie de la Bosnie, un peu de Croatie, et cetera,

 11   donc là, c'est robuste, mais de toute façon il y aurait, certes, une

 12   différence, mais elle serait subtile. Mais est-ce que ces différences

 13   seraient reflétées ensuite ? Non, parce que les gens qui ont de toute façon

 14   25 ans ou plus, ils resteront dans cette catégorie 25 ans ou plus. On sera

 15   sans doute plus précis, mais pas plus exact. Pour les jeunes, ils resteront

 16   dans la catégorie où ils se trouvent parce que la technique dont je vous

 17   parle, c'est une technique qui utilise la technique Suchey-Brooks traitant

 18   de la symphyse pubienne et rien d'autre. Donc on pourrait, en effet,

 19   revisiter les chiffres et essayer de les revoir à l'aune de ce qui a été

 20   fait jusqu'à présent, mais on arriverait au même résultat parce que les

 21   fourchettes ont été, justement, suffisamment larges pour éviter ce type de

 22   problème. Il serait extrêmement prétentieux de vouloir être précis, alors

 23   qu'on a seulement des restes, des petits morceaux des restes. Puisqu'on ne

 24   parle pas ici de cadavres entiers; on parle de restes, de morceaux de

 25   cadavres uniquement.

 26   Q.  Merci, Monsieur Baraybar.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous maintenant avoir à l'écran, s'il

 28   vous plaît, la page 7 en serbe, page 6 en anglais. Il s'agit ici de la

Page 7273

  1   détermination du sexe des restes d'humains trouvés.

  2   M. TOLIMIR : [interprétation]

  3   Q.  Il est écrit ici :

  4   "Lorsque l'on traite de parties de corps ou d'os isolés, on a utilisé

  5   uniquement la morphologie du bassin pelvien pour déterminer le sexe."

  6   Voici ma question : j'aimerais savoir si cette méthode et son application

  7   qui a permis de déterminer le sexe d'un certain nombre de personnes,

  8   pourquoi est-ce qu'on a réussi, en utilisant cette méthode, à trouver le

  9   sexe de certaines personnes et pas d'autres ?

 10   R.  Vous savez que la façon la plus simple de déterminer le sexe d'un corps

 11   c'est en utilisant les organes génitaux externes. Parce que l'expression du

 12   sexe en ce qui concerne le squelette peut varier. Pour les hommes, par

 13   exemple, vous avez des hommes qui ont des caractéristiques extrêmement

 14   masculines, très osseux, et d'autres personnes qui sont très fins et très

 15   graciles. Donc quand on regarde les os uniquement des gens, on pourrait

 16   faire des erreurs, en tout cas. Donc lorsqu'on n'a que les os sur lesquels

 17   se baser, il faut commencer déjà par le bassin. Et pourquoi ? Il y a de

 18   bonnes raisons pour cela. Il y a une différence structurelle et

 19   fonctionnelle entre un bassin mâle et un bassin féminin. Le bassin féminin

 20   est prêt à la gestation, alors que le bassin masculin, non. Donc il y a des

 21   différences structurelles qui permettent de différencier un homme d'une

 22   femme. Mais si on n'a pas le bassin, on peut essayer de déterminer cela à

 23   base du crâne, mais là c'est déjà plus difficile de faire la différence

 24   entre l'homme et la femme, parce qu'il n'y a pas de différences ni

 25   fonctionnelles ni structurelles entre un crâne mâle et un crâne femelle.

 26   Maintenant, si je n'ai pas de crâne, je vais utiliser un os long,

 27   mais alors là, je dois prendre comme hypothèse que les hommes sont plus

 28   grands et plus forts que les femmes, et que les femmes sont plus fines et

Page 7274

  1   plus petites. Mais c'est assez absurde, parce qu'il y a des populations où

  2   c'est le contraire, où les femmes font les tâches que des hommes font dans

  3   d'autres populations.

  4   Alors il faut être prudent. Et comment être prudent ? On trouve un

  5   sexe à partir des pieds et des mains ou de quelque chose, ou d'un

  6   indicateur qui soit particulièrement robuste, et c'est pour ça que j'ai

  7   énormément, dans mon étude, de personnes dont le sexe n'est pas déterminé,

  8   c'est-à-dire que le sexe de cette partie de corps est sans doute connue,

  9   mais on ne peut pas le voir au vu des restes dont on dispose, parce que ces

 10   restes ne sont pas suffisamment complets. Donc il faut rester prudent. Et

 11   c'est pour rester prudent que l'on ne détermine pas le sexe sur un grand

 12   nombre de personnes.

 13   Q.  Je vous remercie. Mais dans une population d'une origine ethnique

 14   identique, il y a des gens qui sont costauds, des gens qui sont fins, des

 15   gens qui sont petits, des gens qui sont grands, c'est vrai. Et ces

 16   différences morphologiques ont-elles un impact pour la détermination de

 17   l'âge de la personne au moment de sa mort ?

 18   R.  Oui, mais ça dépend aussi du type de caractéristique que l'on utilise.

 19   Je reviens à mon exemple du début. Un footballeur, à 35 ans ils auront des

 20   genoux d'un vieillard à 70 à 80 ans, donc si mon indicateur de l'âge c'est

 21   l'usure du genou, j'arriverai à des conclusions stupides. Mais en revanche,

 22   la symphyse pubienne, ça c'est un endroit du corps qui n'est pas soumis à

 23   beaucoup de stress. Evidemment, il y a des différences, parce que les

 24   femmes, quand elles accouchent, là il y a des différences.

 25   La quatrième côte aussi, que j'utilise, est protégée par du

 26   cartilage. Mais les autres parties du corps que j'étudie, je ne peux pas

 27   m'en servir pour essayer d'estimer l'âge, parce que je me tromperais. Mais

 28   croyez-moi, il aurait été très tentant d'utiliser des indicateurs d'âge qui

Page 7275

  1   ont été déterminés à partir de la population médiévale, la population

  2   préhistorique en Europe, en utilisant, par exemple, quelque chose à propos

  3   des vertèbres dans le rachis.

  4   Vous avez certainement entendu des becs de perroquets, n'est-ce pas ?

  5   Parfois, on a mal au dos parce que votre bec de perroquet sur la vertèbre

  6   est en train d'appuyer sur un nerf. Mais bien sûr, si on étudie le corps de

  7   quelqu'un qui a porté des charges lourdes toute sa vie, prenez quelqu'un de

  8   mon pays, du Pérou, quelqu'un qui travaille dans une ferme et qui, depuis

  9   qu'il a huit ans, porte des charges extrêmement lourdes, à 20 ans son

 10   squelette aura un aspect bien plus vieux que son âge réel, en tout cas si

 11   j'étudie son rachis.

 12   Mais si j'étudie d'autres endroits de son corps qui sont plus

 13   discrets, en revanche, et qui évoluent mais sans aucune incidence sur le

 14   travail que fait cette personne, dans ce cas-là, les choses seront

 15   différentes.

 16   C'est pour cela que nous avons choisi ces normes et pas d'autres.

 17   Nous avons voulu être prudents.

 18   Q.  Merci. J'aimerais savoir si vous saviez pourquoi, à partir de 2001,

 19   c'est le gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine qui a procédé

 20   aux exhumations ? Est-ce que leurs équipes étaient aussi expertes que la

 21   vôtre ? Au cours de cette période, vous avez uniquement effectué 2 541

 22   exhumations, ce qui montre que vous étiez extrêmement méticuleux, mais

 23   j'aimerais savoir si le fait que maintenant ce soit le gouvernement de

 24   Bosnie qui ait pris ce travail en compte aura un impact sur la qualité du

 25   travail effectué ?

 26   R.  Une correction au compte rendu, s'il vous plaît. Nous n'avons pas

 27   effectué 2 541 exhumations. Nous avons calculé un nombre minimum

 28   d'individus de 2 541. Je tiens à dire ça pour le compte rendu. Parce qu'à

Page 7276

  1   la ligne 10, il est écrit que nous avons effectué 2 541 exhumations, ce qui

  2   n'est pas vrai. Je ne sais pas, mais ce n'est pas à moi qu'il faut poser la

  3   question. Ce n'est pas à moi qu'il faut demander pourquoi le Tribunal a

  4   demandé -- ou si c'est eux qui aient demandé au gouvernement de Bosnie-

  5   Herzégovine d'effectuer ces exhumations, je n'en sais rien. Et je ne sais

  6   pas quelle est la qualité du travail qu'ils effectuent. Je ne suis pas au

  7   courant. Je n'ai pas été impliqué dans cela. Peu de temps après, je me suis

  8   retrouvé au Kosovo, donc je n'en sais pas plus que vous. Tout ce que je

  9   sais, je l'ai appris des médias, donc je ne peux vraiment pas faire de

 10   commentaire à ce propos.

 11   Q.  Merci. Donc, vous ne savez rien qui pourrait expliquer pourquoi la

 12   détermination de ce nombre minimum d'individus a été enlevé de la mission

 13   du bureau du Procureur et a été remis plutôt à certaines personnes au sein

 14   de la République de Bosnie-Herzégovine ?

 15   R.  Non, je ne sais pas.

 16   Q.  Merci. Est-ce que cela a à voir avec la source de financement ? Et ici,

 17   il est fait référence à des financements qui sont utilisés pour l'analyse

 18   d'ADN et pour d'autres méthodes.

 19   R.  Je ne comprends pas votre question. La source de quel financement

 20   aurait à voir avec quoi ? Je ne comprends absolument pas votre question.

 21   Pourriez-vous la reformuler, s'il vous plaît.

 22   Q.  Est-ce que ces travaux ont été limités du fait du financement qui avait

 23   été alloué pour déterminer le nombre définitif ?

 24   R.  Je ne sais pas si le financement a quoi que ce soit à voir avec tous

 25   ces calculs. Comme je l'ai déjà dit, moi, j'étais employé du Tribunal. Ma

 26   mission était de préparer mon rapport d'expert. Alors, je ne sais

 27   absolument pas s'il y avait des financements ou pas. Je pense que c'est

 28   plutôt auprès du bureau du Procureur qu'il faudrait chercher ces réponses.

Page 7277

  1   Q.  Merci. J'aurais voulu que vous m'en parliez en tant qu'expert, puisque

  2   vous avez travaillé pendant un certain nombre d'années. J'aurais voulu

  3   avoir votre opinion. Je tiens à vous remercier pour vos réponses. Je vous

  4   remercie de vos explications. Vous avez énormément éclairé ma lanterne, je

  5   tiens à le dire, et je vous souhaite beaucoup de succès dans vos travaux à

  6   venir.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé avec mon

  8   contre-interrogatoire. Je vous remercie pour votre aide et je remercie

  9   aussi toutes les personnes qui nous ont aidé aujourd'hui.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tolimir.

 11   Monsieur Elderkin, avez-vous des questions supplémentaires ?

 12   M. ELDERKIN : [interprétation] J'ai quelques questions, mais je ne sais pas

 13   comment vous voulez que nous gérions la situation. Peut-être faire la pause

 14   précoce de quelques minutes ?

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] De combien de temps avez-vous besoin

 16   à peu près ?

 17   M. ELDERKIN : [interprétation] De cinq à dix minutes.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans ce cas-là, essayons de le faire

 19   avant la pause et ensuite, nous en aurons terminé, je pense.

 20   M. ELDERKIN : [interprétation] Très bien.

 21   Nouvel interrogatoire par M. Elderkin :

 22   Q.  [interprétation] Monsieur Baraybar, vous avez répondu à une question

 23   qui vous avait été posée par M. le Juge Fluegge, et vous avez décrit la

 24   différence entre les catégories pour les restes ou pour les parties de

 25   corps, et vous nous avez dit que c'était une différence sémantique. Est-ce

 26   que vous pourriez expliquer un peu plus cette différence sémantique, la

 27   différence entre les corps complets et les parties de corps ?

 28   R.  Oui, oui. En fait, il s'agit de savoir comment vous allez calculer un

Page 7278

  1   pourcentage exact pour qu'un corps soit un corps complet ou ne soit pas un

  2   corps complet. La sémantique -- moi j'appelle un corps complet ce que

  3   quelqu'un d'autre n'appellera pas peut-être pas un corps complet. Là, peut-

  4   être qu'on entre dans un domaine philosophique, d'ailleurs. Parce qu'à

  5   partir de quel moment décide-t-on qu'un corps n'est plus un corps complet

  6   mais une partie de corps ? Le fait est que c'est un débat qui est

  7   absolument continu et permanent parce que parfois, une partie de corps qui

  8   a été prélevée sur le terrain et qui est emmenée dans une morgue devient un

  9   corps complet parce que le médecin légiste pense qu'il s'agit d'un corps

 10   complet et non pas d'une partie de corps. Donc, c'est un problème qui n'a

 11   toujours pas été résolu. Mais ce que je vous dirais, c'est qu'il y a

 12   différentes thèses qui font qu'il y a différentes opinions. Mais le fait

 13   est que fondamentalement, ce que vous regardez ne change pas. Alors, je

 14   sais que c'est très philosophique, tout cela, et je ne sais pas si j'ai

 15   très bien répondu à votre question.

 16   Q.  De toute façon, je vais poser d'autres questions de suivi, mais je

 17   pense à votre travail et je pense aux calculs effectués pour obtenir le

 18   nombre minimum d'individus. J'aimerais savoir si le fait de placer les

 19   restes dans deux catégories, soit corps complets, soit parties de corps,

 20   est-ce que cela a une conséquence pour les calculs ?

 21   R.  Absolument pas. Et lorsque je dis cela, j'entends absolument pas. Parce

 22   que vous vous souviendrez peut-être de ces tableaux avec les chiffres 1 ou

 23   0, pour présent ou absent. Cela se retrouve pour chaque élément qui a été

 24   prélevé sur le terrain. Pour un corps complet, vous avez 1, 1, 1, 1, 1, ou

 25   pour une partie de corps, vous avez 1, 0, 0, 1, et cetera, et cetera. Donc

 26   non, voilà, pour répondre à votre question.

 27   Q.  Vous avez utilisé un exemple hypothétique lorsque vous avez décrit la

 28   présence de la terre dans la fosse secondaire, pour établir, donc, et

Page 7279

  1   déterminer le lien avec la fosse primaire. Vous nous avez dit que cela

  2   était une hypothèse, mais il me semble possible d'avoir plusieurs sites

  3   primaires où vous aurez la même terre. Donc, est-ce qu'il y a d'autres

  4   méthodes pour établir des liens entre les fosses primaires et les fosses

  5   secondaires qui ont été identifiées à part les échantillons de terre ? Et

  6   je pense à Srebrenica.

  7   R.  Bien entendu, j'ai utilisé plusieurs éléments. Il y avait la terre, le

  8   pollen également, les objets qui ont été retrouvés, par exemple certains

  9   tissus qui ont été trouvés dans une fosse et qui ont été retrouvés dans une

 10   autre fosse. Ensuite, on pouvait établir le lien. Je pense qu'il y a

 11   également eu une douille qui avait été retrouvée et on a pu prouver, si je

 12   ne m'abuse, que cela avait été utilisé pour la même arme et que cela avait

 13   été retrouvé à la fois dans la fosse primaire et la fosse secondaire. Donc,

 14   il n'y a pas seulement le pollen et la terre. Vous pouvez également

 15   utiliser le pollen, par exemple, vous pouvez utiliser des substances

 16   microscopiques et très détaillées, mais il y a eu d'autres éléments de

 17   preuve.

 18   Q.  Est-ce que vous savez si l'on peut utiliser des liens d'ADN pour

 19   établir le lien entre une fosse primaire et une fosse secondaire ? Par

 20   exemple, si vous avez un os d'une personne qui a été identifiée grâce à une

 21   analyse ADN qui serait retrouvée dans une autre fosse.

 22   R.  Oui, oui. De nos jours, tout à fait. De nos jours, vous utiliseriez

 23   l'ADN pour trouver des associations entre les différents éléments osseux.

 24   Et disons que le bras d'une personne est brisé à cinq endroits différents,

 25   vous pouvez utiliser l'ADN pour procéder à un assemblage osseux de ces

 26   différents éléments osseux, et ça, c'est un autre élément de preuve qui

 27   montre que les différents restes ont été trouvés dans cinq fosses mais

 28   qu'ils appartiennent à la même personne.

Page 7280

  1   Q.  Lors du contre-interrogatoire, vous avez, à plusieurs reprises, indiqué

  2   que vous deviez quitter un site où vous procédez à vos exhumations, parce

  3   que vous sentiez un danger de la part de la population locale. Vous vous

  4   souvenez où est-ce que cela s'est passé ?

  5   R.  En 1996, c'était au site de Lazete. C'est ce dont je me souviens. Cela

  6   s'est passé en 1997 à nouveau, mais cela n'avait rien à voir avec cette

  7   affaire. A Brcko, cela s'est passé également d'ailleurs en 1996, je pense,

  8   je me souviens au moins d'une fois où il y a véritablement eu une

  9   altercation, et nous avons dû partir de Lazete. Nous avons dû partir, et

 10   nous n'avons pas pu franchir la frontière, parce que nous étions coincés du

 11   côté de la Republika Srpska. Il y a eu donc une confrontation avec la

 12   population locale et les soldats qui assuraient notre protection.

 13   Q.  Alors je ne sais pas dans quelle mesure vous connaissez les noms des

 14   autres sites, mais vous avez mentionné donc Lazete. Est-ce que Lazete, cela

 15   se trouve à Orahovac, un endroit qui se trouve près d'une voie ferrée

 16   élevée ?

 17   R.  Oui, c'était là.

 18   Q.  Alors la Chambre de première instance a entendu d'autres témoins et a

 19   pris en considération d'autres rapports où il est question de tests d'ADN

 20   qui ont été utilisés pour identifier les milliers de victimes de

 21   Srebrenica. Et étant donné la nature absolument unique de l'ADN de chaque

 22   personne, est-ce que vos calculs pour déterminer le nombre minimum

 23   d'individus sont utiles pour ce qui est des cas de victimes dans les fosses

 24   communes ?

 25   R. [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Un petit moment, je vous prie.

 27   Monsieur Tolimir.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

Page 7281

  1   vous dirais que je n'ai pas d'objection à ce que le témoin réponde à toutes

  2   ces questions, mais j'aimerais quand même mettre l'accent sur un fait. Cela

  3   n'a pas fait l'objet du contre-interrogatoire, et d'ailleurs, cela ne

  4   correspond même pas non plus à son domaine précis de compétences.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Elderkin.

  6   M. ELDERKIN : [interprétation] J'espère que j'avais été clair, parce que

  7   j'ai posé une question au témoin, et cela correspond tout à fait à son

  8   domaine de compétences. Je lui ai demandé si, à l'heure actuelle, avec les

  9   analyses d'ADN dont nous disposons maintenant, à quoi serviraient les

 10   calculs de nombre minimum d'individus. Et je pose la question à un expert

 11   en anthropologie.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'est bien ainsi que j'avais compris

 13   votre question.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense en fait que le nombre minimum

 15   d'individus changerait, et il augmentera. Parce que, comme je l'ai déjà

 16   expliqué à moult reprises, le nombre minimum d'individus est vraiment une

 17   sous-estimation. Si vous êtes en mesure maintenant de réassocier des

 18   parties de corps qui ne pouvaient pas être utilisées pour déterminer le

 19   nombre minimum d'individus, parce que vous devez être très concis par

 20   rapport au type d'os que vous utilisez, si vous utilisez l'analyse ADN, il

 21   y a de grandes probabilités pour que le chiffre augmente. Ça c'est un

 22   cliché.

 23   M. ELDERKIN : [interprétation]

 24   Q.  Mais j'aimerais savoir si cela ajoute quelque chose, l'analyse d'ADN ?

 25   R.  Bien entendu que l'analyse d'ADN donne de plus en plus d'éléments

 26   d'information. Mais replacez les choses dans le contexte. Nous avons obtenu

 27   une sous-estimation pour ce qui était du nombre de personnes. Maintenant,

 28   vous avez l'analyse ADN. Alors l'analyse ADN nous permettrait d'augmenter

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  1   le nombre de personnes que l'on n'avait pas pu déterminer lorsqu'on a

  2   utilisé le nombre minimum d'individus. L'ADN nous permettrait d'obtenir un

  3   nombre maximum d'individus, parce que vous pourriez réassocier tous les

  4   éléments du corps que l'on n'a pas pu comptabiliser parce qu'ils ne

  5   correspondaient pas au type d'os que l'on avait pris en considération. Donc

  6   bien sûr qu'il y a une différence. L'ADN, ça nous a permis de faire une

  7   percée technologique extraordinaire, bien entendu.

  8   Q.  Donc manifestement, comme vous l'avez indiqué, le travail qui est fait

  9   avec l'ADN nous donne davantage de résultats. Mais est-ce que le travail

 10   fait pour déterminer le nombre minimum d'individus a encore un objectif,

 11   maintenant que nous disposons de ces techniques novatrices avec l'ADN ?

 12   R.  Ecoutez, je vais vous répondre de façon très claire. Bien sûr que la

 13   technique d'ADN existe, mais il faut pouvoir la payer. Elle est onéreuse.

 14   Je vais être très franc, très abrupte même avec vous, parce que là vous me

 15   posez une question qui dépasse mon domaine de compétences auprès du

 16   Tribunal. La détermination du nombre minimum d'individus, c'est quelque

 17   chose de basique, de fondamental. Et l'ADN, c'est une technique accessoire.

 18   Mais il faut bien que vous partiez de quelque chose. La détermination du

 19   nombre minimum d'individus vous permet d'avoir une base. Et ensuite, l'ADN

 20   vous permettra de confirmer le nombre minimum d'individus et d'en trouver

 21   d'autres, parce que vous allez pouvoir prendre en considération des

 22   éléments de corps que vous n'aviez pas pu prendre en considération lors de

 23   l'analyse pour déterminer le nombre minimum d'individus. Mais le fait est

 24   que l'ADN apporte sa contribution et vous permet en fait de retrouver une

 25   partie du puzzle. Mais il faut savoir que tous ces processus sont

 26   absolument valables, et l'on aurait fonctionné de la même façon maintenant,

 27   même avec l'ADN. Il faut savoir qu'il y a quand même tout le travail de

 28   base qui doit être effectué par une équipe d'enquête anthropologique, qu'il

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  1   s'agisse des Balkans, du Congo, du Pérou, ou d'autres pays. Alors bien

  2   entendu qu'il y a un certain nombre de techniques qui sont disponibles,

  3   mais je ne peux pas vous dire que tous les pays y ont accès, à ces

  4   techniques.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Ce que

  7   j'avais dit, c'était que l'ADN n'a pas été mentionné pendant

  8   l'interrogatoire principal, et cela ne correspond pas au domaine de

  9   compétence du témoin. J'aimerais maintenant poser une question. Est-ce que

 10   le bureau du Procureur est en train de contester le nombre minimum

 11   d'individus ? Est-ce que l'on est en train de remettre en question les

 12   compétences de ce témoin et le rapport définitif qu'il a présenté ?

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Elderkin.

 14   M. ELDERKIN : [interprétation] Non, absolument pas. Nous ne sommes pas en

 15   train de contester notre propre témoin. Nous ne sommes pas en train de le

 16   récuser. Nous sommes tout simplement en train de présenter ses éléments de

 17   preuve dont il a parlé maintenant ici, ainsi que dans ses rapports et dans

 18   ses dépositions précédentes.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous avez d'autres questions,

 20   Monsieur Elderkin ?

 21   M. ELDERKIN : [interprétation] Non, absolument pas. Je vous remercie

 22   beaucoup de votre patience et indulgence, et je remercie les interprètes

 23   également et les autres personnes présentes dans le prétoire.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Baraybar.

 25   Merci beaucoup, et merci des réponses que vous nous avez apportées. Et je

 26   m'associe à ce qu'a dit M. Tolimir, car nous avons beaucoup appris avec

 27   vous. Vous pouvez reprendre le cours  de votre vie, et nous vous remercions

 28   de nous avoir permis de comprendre certaines de vos compétences.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  2   [Le témoin se retire]

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Elderkin, Monsieur

  4   McCloskey, avez-vous un autre témoin pour la demi-heure qui nous reste ?

  5   M. McCLOSKEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je pense

  6   qu'il serait peut-être plus judicieux de commencer à entendre M. Janc

  7   demain après-midi par opposition d'essayer de faire quelque chose

  8   maintenant ici, au pied levé. Je pense que nous n'avons de toute façon plus

  9   beaucoup de temps à notre disposition, donc je pense que le mieux serait

 10   d'attendre demain.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord

 12   avec vous. Si vous ne souhaitez rien soulever d'autre, nous allons lever

 13   l'audience, et nous reprendrons demain à 14 heures 15 dans ce même

 14   prétoire.

 15   --- L'audience est levée à 18 heures et reprendra le jeudi 4 novembre

 16   2010, à 14 heures 15.

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