Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 6 avril 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   Rebonjour, Madame Lindsay, rebonjour. Bienvenue dans cette salle

  7   d'audience.

  8   Hier je me suis trompé. J'ai dit que l'Accusation nous a informés qu'elle

  9   avait besoin de dix heures, mais en réalité l'Accusation nous a informés

 10   qu'elle n'avait besoin que de huit heures, comme la Défense. Et donc juste

 11   pour vous informer, vous avez utilisé six heures et 17 minutes pour votre

 12   interrogatoire principal. Donc vous devriez hâter le pas, Monsieur Thayer.

 13   M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 14   vais certainement le faire.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous pouvez faire rentrer le témoin,

 16   s'il vous plaît.

 17   [Le témoin vient à la barre]

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Bienvenue de

 19   nouveau dans le prétoire. Je voudrais vous rappeler que le serment que vous

 20   avez prêté il y a deux jours est encore en vigueur, à savoir que vous vous

 21   êtes engagé de dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, c'est à vous.

 24   M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 25   Bonjour Madame le Juge, Monsieur le Juge. Bonjour au conseil de la Défense,

 26   à toutes et à tous.

 27   LE TÉMOIN : MOMIR NIKOLIC [Reprise]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]


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  1   Interrogatoire principal par M. Thayer : [Suite]

  2   Q.  Et bonjour, Monsieur Nikolic.

  3   R.  Bonjour.

  4   M. THAYER : [interprétation] Je demanderais l'affichage de la pièce 65 ter

  5   223, s'il vous plaît.

  6   Q.  Avant de lever l'audience hier, nous étions en train de nous pencher

  7   sur un rapport qui a été émis le 4 juillet 1995, et je parle du rapport

  8   portant sur l'analyse de l'aptitude au combat de la première partie de

  9   1995.

 10   Pour gagner du temps, je vais sauter quelques sections, certains passages

 11   de ce rapport. Je vais vous demander de nous dire si vous vous souvenez que

 12   dans le rapport on a fait une entrée qui porte sur la formation des tireurs

 13   embusqués pour un certain nombre de soldats de la Brigade de Bratunac ?

 14   R.  Dans le rapport de combat que je vois à l'écran, une partie porte sur

 15   la formation donnée aux tireurs embusqués, et si je ne m'abuse, certains

 16   passages de ce rapport portent sur la formation des tireurs embusqués.

 17   M. THAYER : [interprétation] En fait, pour le compte rendu d'audience,

 18   Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge, je voudrais vous dire

 19   qu'il s'agit de la page 7 en anglais et de la page 13 en B/C/S, si vous

 20   souhaitez consulter ce document plus tard.

 21   Je voudrais maintenant passer à la page 17 en anglais et 31 en B/C/S. En

 22   fait c'est la page 16, c'est la page précédente, et il s'agira de la page

 23   29 en B/C/S.

 24   Q.  Nous pouvons voir qu'il s'agit du : Soutien au renseignement à la

 25   sécurité. J'aimerais savoir quel rôle avez-vous joué quant à la rédaction

 26   de ce rapport portant sur l'analyse de l'aptitude au combat ?

 27   R.  Hier, et je crois même avant-hier, lorsque j'ai parlé de ce document,

 28   de l'analyse de l'aptitude au combat, qui a été élaboré par le commandement


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  1   de la Brigade de Bratunac et signé par le commandant Vidoje Blagojevic,

  2   chacun des commandants, ou en passant par les adjoints du commandant et

  3   moi-même en tant que chef de l'organe ou du secteur, nous avions la

  4   responsabilité s'agissant de la compétence de notre secteur - et dans mon

  5   cas à moi, puisque je m'occupais du service du Renseignement et de la

  6   Sécurité - chacun devait donner son apport, et moi-même également je devais

  7   élaborer un supplément à l'analyse qu'a élaborée le commandant lors de

  8   cette réunion de service. Et après avoir fourni au commandant une

  9   proposition, et après en avoir discuté lors de la réunion, et après avoir

 10   discuté également des propositions faites par d'autres commandants

 11   également, le commandant a accepté donc les propositions, et les

 12   propositions qu'il a acceptées et qui ont trait à la sécurité du

 13   renseignement et tous les autres travaux qui sont de mon ressort. Alors

 14   juste pour conclure, donc le rapport que nous voyons ici a été élaboré par

 15   moi-même. Cette proposition donc a été adoptée par le commandant, et fait

 16   partie des documents supplémentaires de l'analyse pour ce qui est du

 17   rapport de l'analyse sur l'aptitude au combat. Et l'un des éléments de

 18   cette aptitude au combat est bien sûr l'aptitude au renseignement à la

 19   sécurité de l'unité.

 20   M. THAYER : [interprétation] Pourrait-on passer à la page 31 en B/C/S, s'il

 21   vous plaît. C'est la page suivante sous l'en-tête ""Appui au renseignement

 22   à la sécurité."

 23   Q.  Est-ce que vous voyez le passage qui se lit comme suit : "Au cours de

 24   l'année 1995, les organisations internationales et leurs représentants sont

 25   passés par la zone de responsabilité de la brigade et y sont restés de

 26   façon temporaire" ?

 27   Est-ce que vous voyez ceci, Monsieur ? C'est au troisième paragraphe.

 28   R.  Oui, oui, je vois. Je vois le paragraphe, et je peux lire de quoi


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  1   il s'agit également.

  2   Q.  Vous dites dans ce rapport que ces organisations internationales ainsi

  3   que leurs représentants, lorsqu'ils étaient sur place, leurs activités

  4   étaient suivies et chaque événement important était reporté au Corps de la

  5   Drina et à l'état-major principal de la VRS. Vous faites référence ici aux

  6   organes supérieurs. J'aimerais savoir à quoi faites-vous référence

  7   exactement ?

  8   R.  Dans ce cas concret, ainsi que dans tous les autres cas, lorsqu'il est

  9   question de rendre compte, je parle des organes de la chaîne de

 10   commandement du Corps de la Drina et de l'état-major principal. Si dans ce

 11   rapport j'ai dit que s'agissant de ces questions j'ai informé les

 12   commandants supérieurs, je pense à ce moment-là au secteur du Corps de la

 13   Drina chargé du renseignement et de la sécurité, et je pense également au

 14   même service, mais au niveau de l'état-major principal. Puisque moi-même

 15   j'avais la responsabilité, et d'ailleurs j'avais l'obligation de renseigner

 16   mes supérieurs au niveau du Corps de la Drina et au niveau de l'état-major

 17   principal.

 18   Q.  Au paragraphe suivant, vous dites que : "Dans la zone de responsabilité

 19   de la brigade, un point de contrôle a été établi pour effectuer le contrôle

 20   de toutes les organisations internationales entrant et sortant de l'enclave

 21   de Srebrenica. Ce point de contrôle opérait conformément aux ordres reçus

 22   par l'état-major principal de la VRS et conformément aux instructions et

 23   aux ordres du commandant de la brigade."

 24   Pourriez-vous dire, s'il vous plaît, aux Juges de la Chambre où était

 25   établi ce point de contrôle exactement ?

 26   R.  Je ne peux pas vraiment vous donner la date exacte. Je ne me souviens

 27   pas exactement de la date, et je ne peux pas me livrer à des conjectures.

 28   Peut-être peu de temps après ou peut-être même pendant un certain temps il


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  1   y a eu certains contrôles effectués à d'autres endroits et nous avions

  2   certains problèmes, et par la suite nous avons mis sur pied ce point de

  3   contrôle sur le pont rouge [comme interprété]. Mais non, je ne veux pas me

  4   livrer à des conjectures.

  5   En fait, je sais que lorsqu'il s'agit de ce que vous venez de lire dans le

  6   passage en question, ce point de contrôle a été créé à la suite d'un ordre

  7   donné par l'état-major principal et à la suite d'un ordre qui a été rédigé

  8   ultérieurement par le commandant de la brigade. Mais j'ignore la date, il y

  9   a eu tellement de documents, il y a eu tellement d'ordres, que je ne me

 10   souviens réellement plus à quel moment exactement cela a eu lieu.

 11   M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation souhaite

 12   demander le versement au dossier de la pièce 223 de la liste 65 ter.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 223 de la liste 65 ter sera

 15   versée au dossier sous la cote P2167. Merci.

 16   M. THAYER : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur, je voudrais attirer votre attention sur l'opération Krivaja

 18   95 et sur les événements survenus à la suite de la chute de l'enclave.

 19   Etant donné que nous n'avons pas énormément de temps, plutôt que de passer

 20   en revue les événements jour par jour, donc nous n'allons pas élaborer les

 21   événements par ordre chronologique, mais bien sûr, les événements feront

 22   partie d'un ordre chronologique, mais je vais quand même vous poser des

 23   questions sur un certain nombre d'événements qui sont survenus au cours de

 24   cette période.

 25   Je ne crois pas qu'il est contesté que l'enclave elle-même est tombée le 11

 26   juillet. Voici donc ma première question, Monsieur, est-ce que vous avez vu

 27   des officiers supérieurs du corps d'armée ou de l'état-major principal dans

 28   Bratunac ou aux alentours de Bratunac dans le commandement de votre brigade


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  1   avant le 11 juillet ?

  2   R.  Oui. J'ai vu un très grand nombre d'officiers faisant partie du

  3   commandement de la brigade. Il y avait également des membres du

  4   commandement du Corps de la Drina et de l'état-major principal.

  5   Q.  Pourriez-vous nous donner leurs noms, pourriez-vous nous dire qui vous

  6   avez vu ?

  7   R.  De l'état-major principal, j'ai vu le général Mladic, ensuite le

  8   colonel Jankovic. Et du commandement du corps d'armée, j'ai vu le général

  9   Krstic, le général Zivanovic, le lieutenant-colonel Popovic, le lieutenant-

 10   colonel Kosoric, et j'ai vu plusieurs autres officiers supérieurs, mais il

 11   s'agissait d'officiers du commandement du Corps de la Drina et de l'état-

 12   major principal, que j'ai vus dans la zone du commandement de la brigade,

 13   ou en faisant partie du commandement de la brigade.

 14   Q.  Parlons maintenant du colonel Jankovic que vous avez mentionné il y a

 15   quelques instants.

 16   Veuillez, je vous prie, expliquer aux Juges de la Chambre quand est-il

 17   arrivé, si vous vous en souvenez, et qu'a-t-il fait exactement, quelles

 18   étaient ses activités lorsqu'il est arrivé ? Que vous a-t-il dit, quelles

 19   étaient ses raisons pour y être ?

 20   R.  Le colonel Jankovic, d'après mon souvenir, est arrivé vers le 8 juillet

 21   au siège de la Brigade de Bratunac. Je ne sais pas s'il a contacté mon

 22   commandant et s'il était avec lui, mais en tant que soldat, d'après les

 23   règles, il faut d'abord informer le commandant supérieur principal, et par

 24   la suite effectuer les tâches pour lesquelles on est sur place. Donc il est

 25   venu dans mon bureau et il s'est présenté en me disant qu'il était un

 26   colonel de l'état-major principal, et par la suite il m'a dit du service du

 27   Renseignement.

 28   Jusqu'à ce jour-là, je n'avais jamais vu le colonel Jankovic et je ne


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  1   savais pas du tout quelles étaient ses fonctions. Donc j'ai pris pour

  2   acquis ce qu'il m'a dit. Je n'ai pas vérifié non plus ce qu'il m'a dit

  3   lorsqu'il s'est présenté. Il m'a dit qu'il a reçu l'ordre de l'état-major

  4   principal pour venir me prêter main-forte, parce que j'étais capitaine de

  5   réserve, et comme il s'agissait d'une opération de grande envergure et

  6   comme il s'agissait d'une opération assez complexe, il avait dit qu'à

  7   partir du moment où il était venu et à l'avenir, que les tâches et les

  8   responsabilités qui m'incombaient, c'est-à-dire d'élaborer le contact avec

  9   les représentants des organisations internationales, y compris le Bataillon

 10   néerlandais, que c'est lui qui allait s'occuper de cela dorénavant et que

 11   toutes les tâches et responsabilités qui ont trait à Srebrenica et aux

 12   environs de Srebrenica, et s'agissant de toutes les tâches relevant du

 13   secteur du renseignement et de la sécurité, que c'était lui qui allait s'en

 14   occuper dorénavant et qu'il allait travailler avec moi dans mon bureau.

 15   Et ce, donc à partir du 8. Je ne sais plus à quel moment il est

 16   parti, mais il est parti parmi les derniers de la Brigade de Bratunac,

 17   puisque vers la fin, lorsque tout était terminé, nous avions fait un tri de

 18   documents que nous avions confisqués, et il les a pris avec lui. Donc

 19   pendant toute cette période, il a travaillé avec moi dans mon bureau. Il

 20   rédigeait des rapports qui provenaient de mon bureau, et ces rapports, si

 21   je me souviens bien, portaient l'en-tête, le nom de la Brigade de Bratunac.

 22   Je savais ce qu'il écrivait puisque j'étais là et, très souvent, ces

 23   rapports, je les apportais au centre des communications afin qu'ils

 24   puissent les faire transmettre aux officiers supérieurs.

 25   Donc pendant toute cette période, le commandant Jankovic était dans

 26   mon bureau et nous travaillions ensemble, nous partagions le même bureau.

 27   Q.  Au cours des derniers jours, vous nous avez parlé du processus par

 28   lequel les informations relatives au renseignement vous parvenaient. Des


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  1   fois, ces informations parvenaient du niveau du bataillon, d'autres fois

  2   par d'autres sources, et vous nous avez expliqué de quelle façon vous

  3   transmettiez ces informations le long de la ligne de sécurité du

  4   renseignement. J'aimerais savoir si vous avez continué à vous occuper de ce

  5   type d'activités pendant que le colonel Jankovic rédigeait ses rapports ?

  6   R.  J'ai continué à travailler de façon normale, j'ai fait toutes les

  7   tâches et responsabilités qui étaient les miennes. Je n'ai pas cessé d'être

  8   le chef du secteur. Je n'ai pas non plus arrêté d'informer mon commandant

  9   et de lui rendre compte. Donc j'effectuais tous les travaux réguliers pour

 10   lesquels j'étais habilité, et il n'y avait absolument aucun changement en

 11   ce qui concerne mon travail.

 12   Q.  Au cours de la période pendant laquelle vous rédigiez des rapports,

 13   vous rendiez compte aux supérieurs, et pendant la période pendant laquelle

 14   le colonel Jankovic rendait des rapports, est-ce que vous pouvez nous dire

 15   si vous envoyiez les rapports aux mêmes organes supérieurs ?

 16   R.  Si je ne m'abuse, je ne peux pas vraiment vous énumérer précisément

 17   tous les documents que nous avions envoyés, tous les rapports que nous

 18   envoyions, je ne sais pas s'ils allaient au commandement du Corps de la

 19   Drina et à l'état-major principal, mais, en principe, nos rapports étaient

 20   les mêmes puisque nous travaillions dans le même bureau, nous partagions le

 21   même bureau, et nous nous mettions d'accord sur toutes les informations. Je

 22   lui transmettais mes informations du terrain qui me parvenaient des unités

 23   qui se trouvaient sur le terrain, et lui aussi m'informait de ses

 24   informations. Je ne sais pas exactement qui étaient ses contacts, mais il

 25   me transmettait les renseignements qu'il recevait. Et donc toutes les

 26   informations qui étaient envoyées au commandement du Corps de la Drina

 27   étaient les mêmes. En fait, c'étaient les mêmes sujets, les mêmes demandes,

 28   les mêmes informations, les mêmes précisions, dépendamment, bien sûr, de ce


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  1   que l'on écrivait, dépendamment de ce que l'on mettait dans le rapport.

  2   Q.  Et pendant la période pendant laquelle il y a eu une attaque contre

  3   l'enclave, qui a eu lieu entre le 6 et le 11 juillet, et j'aimerais

  4   maintenant que l'on se concentre sur la période pendant laquelle le colonel

  5   Jankovic travaillait dans votre bureau, vous vous souvenez s'il y a eu des

  6   demandes qui parvenaient au niveau de la brigade de vos commandants

  7   supérieurs ou le long de la ligne technique ?

  8   R.  Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question. Vous voulez savoir

  9   si, des commandements supérieurs, nous recevions des demandes et des

 10   informations ?

 11   Q.  Oui.

 12   R.  Oui. La réponse est affirmative. Du commandement du corps d'armée, des

 13   demandes nous ont été faites afin d'informer, de façon régulière et

 14   irrégulière et à toutes les demi-heures ou aux cinq minutes, si jamais il y

 15   avait changement, si nous avions de nouvelles informations, il fallait leur

 16   rendre compte de tous ces éléments.

 17   Q.  Au cours de l'attaque menée par la VRS sur l'enclave, est-ce que vous

 18   avez appris si les cibles, outre les cibles militaires telles les éléments

 19   de l'ABiH, si les cibles incluaient également des cibles civiles ?

 20   R.  Si vous me demandez si j'ai jamais vu un document ou un ordre, ou quoi

 21   que ce soit de cet ordre, où on précisait que les civils devaient être pris

 22   à partie, non, je n'en ai pas vu. Je n'ai pas vu ce type de document et je

 23   n'ai jamais vu par écrit que l'on désigne des civils comme faisant l'objet

 24   de l'attaque, si c'est ça votre question.

 25   Q.  En fait, ce n'était pas ça la question, Monsieur. Mais puisque vous me

 26   répondez de cette manière-là, j'aimerais savoir si vous vous seriez attendu

 27   à voir, dans un ordre de la VRS ou dans un document relayé, un ordre

 28   expressément désignant les civils comme constituant des cibles d'attaque ?


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  1   R.  Non, bien entendu que je ne me serais pas attendu à cela. Et je ne vois

  2   pas qui aurait rédigé cela dans un ordre, je ne vois pas un commandant le

  3   faire. Ce ne serait pas normal.

  4   Q.  Dans les ordres et dans les documents, est-ce que vous avez vu des

  5   références aux conventions de Genève, au respect de celles-ci ?

  6   R.  Je comprends votre question maintenant, parce que dans mon casque,

  7   l'interprétation dirige mes réponses, je dois dire. Maintenant, je vous

  8   comprends. Vous me demandez si, dans l'ordre, il y avait une partie qui

  9   prévoyait l'attitude à réserver vis-à-vis des civils et des prisonniers.

 10   Non. Mais ça, c'est une autre question. Dans tous les ordres, il y a des

 11   dispositions relatives au traitement des civils, et l'on précise qui a la

 12   responsabilité de prendre en charge les civils et les prisonniers de

 13   guerre. Donc, ça c'est exact.

 14   Q.  Monsieur, est-ce que vous vous souvenez, dans les ordres que vous avez

 15   reçus, qu'il y ait eu expressément des mentions aux conventions de Genève ?

 16   Est-ce qu'il y a eu des ordres expressément vous enjoignant à ne pas vous

 17   en prendre aux civils, sur la base des conventions de Genève ?

 18   R.  Oui, je me souviens de tels ordres, et il me semble qu'il y avait là

 19   l'ordre de préparation du commandement du Corps de la Drina avant les

 20   opérations de combat, si mes souvenirs sont bons. Dans cet ordre, très

 21   précisément, il était dit qu'au moment des opérations de combat, il fallait

 22   respecter les conventions de Genève, et je me souviens bien que c'était

 23   écrit dans cet ordre.

 24   Q.  Je ne vais pas examiner cela plus en avant, Monsieur.

 25   Mais en fait, initialement, je voulais vous demander autre chose. Avez-vous

 26   reçu des rapports ou des éléments d'information vous permettant de penser

 27   qu'on allait s'en prendre à des civils pendant l'opération menée par la VRS

 28   contre Srebrenica ?


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  1   R.  Est-ce que vous pourriez préciser un petit peu la période à laquelle se

  2   réfère votre question pour que je sache exactement de quelle période vous

  3   parlez ?

  4   Q.  J'ai à l'esprit la durée de l'attaque très précisément, où on aurait

  5   pris à partie des civils, où on aurait touché des civils, où les forces de

  6   la VRS auraient fait cela. J'aimerais savoir à quel moment vous l'avez

  7   appris et de quelle source. Là, je ne me réfère pas à des rapports écrits.

  8   Lorsque je parle de rapports ou d'informations, ce n'est pas nécessairement

  9   sous la forme écrite que cela ait pu vous parvenir, mais quand est-ce que

 10   vous avez appris que pendant cette attaque on avait pris à partie des

 11   civils ?

 12   R.  Je pense que j'en ai parlé déjà dans l'affaire précédente. Je ne

 13   connais pas le plan d'attaque pour ce qui concerne l'artillerie, et je ne

 14   sais pas quelles sont les cibles qui ont été prises à partie. Mais ce que

 15   je sais et ce dont je suis sûr, c'est que pendant l'attaque sur Srebrenica,

 16   entre autres, on a également attaqué la ville de Srebrenica. Je pense que

 17   j'en ai parlé précédemment dans le cadre de mes témoignages précédents.

 18   Donc c'est la ville remplie de civils, de populations, et en tant que

 19   telle, je l'aperçois comme constituant une cible civile.

 20   Mais maintenant, si votre question concerne la période qui commence le 11,

 21   à partir du moment où les civils s'acheminent vers Potocari, ça, j'en ai

 22   parlé également dans l'affaire Popovic. Je suis certain, j'ai été informé

 23   très clairement que l'objectif des tirs des positions du 2e Bataillon

 24   d'infanterie du canon B1, que ces cibles, c'étaient des civils eux-mêmes.

 25   Donc on a pris à partie la colonne de civils, cette colonne immense qui

 26   avançait vers la base de la FORPRONU située à Potocari, et ce, en

 27   provenance de Srebrenica.

 28   Q.  Et ce canon B1, de quelle arme s'agit-il ?


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  1   R.  Ce canon B1, c'est une pièce qui se trouvait sur les positions de mon

  2   2e Bataillon d'infanterie, à peu près, enfin cette élévation, ce sommet,

  3   s'appelle Etoile ou Cocarde, et c'était dans ce secteur-là. Un canon B1,

  4   c'est une pièce qui, vu où elle était positionnée, pouvait tirer à tir

  5   tendu, parce qu'elle était pointée directement sur Potocari. Bien entendu,

  6   elle aurait pu tirer à gauche et à droite par rapport à la voie de

  7   communication. Donc, tout ce qui était à portée de cette arme. Potocari,

  8   cette position, se situe directement le long de l'axe qui permettait de

  9   viser directement.

 10   Q.  Je voudrais que l'on se penche un instant sur les trois réunions qui

 11   ont eu lieu à l'hôtel Fontana. Les Juges de la Chambre ont entendu beaucoup

 12   d'éléments là-dessus, il s'agit de réunions du 11 et du 12. Je ne pense pas

 13   qu'il faille reparler en détail de ces trois réunions.

 14   J'ai néanmoins quelques questions à vous poser à ce sujet. Par rapport à la

 15   première réunion à l'hôtel Fontana, j'aimerais savoir comment vous avez été

 16   mis au courant du fait qu'une réunion allait se tenir là-bas ?

 17   R.  Oui, je m'en souviens que la réunion allait avoir lieu à l'hôtel

 18   Fontana. C'est quelque chose que j'ai appris de la part du colonel

 19   Jankovic.

 20   Q.  Brièvement, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quel est le rôle

 21   que vous avez joué vous-même pendant cette première réunion, et

 22   physiquement, où étiez-vous pendant cette réunion.

 23   R.  Oui, je peux le faire.

 24   Alors, le colonel Jankovic m'a dit qu'une réunion allait se tenir à l'hôtel

 25   Fontana. C'était ce soir-là vers 20 heures qu'il m'a dit qu'il fallait

 26   aussi que je trouve un interprète. Bien sûr, j'ai téléphoné au chef de la

 27   police militaire et je lui ai demandé de trouver Petar Uscumlic par le

 28   truchement d'un policier militaire, qu'il le repère et qu'il le trouve.


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  1   Donc j'avais pour obligation de sécuriser l'hôtel Fontana, où allait se

  2   tenir la réunion. L'hôtel Fontana devait être libre, il ne devait y avoir

  3   personne. Je devais le sécuriser et je devais emmener l'interprète au

  4   moment où la réunion allait se tenir. On m'a dit que commandant de l'état-

  5   major principal, le général Mladic, allait venir à la réunion et qu'allait

  6   y assister le commandant du Bataillon néerlandais, M. Karremans. Et après

  7   avoir fait le nécessaire pour que l'interprète soit trouvé, je me suis

  8   rendu à l'hôtel Fontana. Je me suis mis d'accord avec le chef de la police

  9   militaire pour qu'il amène la police, et j'allais être présent là où la

 10   réunion allait se tenir. Donc le chef de la police, la police militaire et

 11   moi-même allions sécuriser l'endroit où allait se tenir la réunion. Avant

 12   la réunion, peu de temps avant, je ne sais pas combien de temps avant, on a

 13   vu arriver le colonel Jankovic. Il est venu à l'hôtel Fontana, et dans la

 14   première pièce - je pourrais vous faire une esquisse pour vous montrer

 15   comment se présente Fontana - donc, dans une première pièce, il y avait moi

 16   et l'interprète qui entendions d'accueillir le général. Le général Mladic

 17   est arrivé avant 20 heures à l'hôtel Fontana. Nous l'avons accueilli. Le

 18   colonel Jankovic lui a rendu compte de la situation. Nous lui avons

 19   présenté Petar Uscumlic. L'interprète qui a donné son nom de famille au

 20   général Mladic. Et le général Mladic a eu la sensation qu'il s'agissait

 21   d'un interprète musulman, il a commencé à crier et il l'a mis dehors. Donc,

 22   dans cette pièce, il n'y a plus que le colonel Jankovic et moi-même. Les

 23   officiers néerlandais sont arrivés, et c'est dans une petite pièce que

 24   s'est tenue cette première réunion. Donc j'avais pour tâche de faire le

 25   nécessaire sur le plan de sécurité avec le commandant de la police

 26   militaire. Au début de la réunion -- je dois dire que c'est une petite

 27   pièce. Et vous avez une cloison qui est en accordéon glissante, et donc

 28   c'est par cette cloison qu'elle est fermée. Moi j'étais à 3, 4, 5 mètres


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  1   tout au plus sur la gauche par rapport à cette petite pièce où se tenait la

  2   réunion. Donc je ne voyais pas les interlocuteurs; j'entendais ce qu'il s'y

  3   passait. Donc, voilà, c'est ce qui s'est passé avant le début de la

  4   réunion.

  5   Q.  Comme je l'ai déjà dit, les Juges de la Chambre ont beaucoup entendu

  6   parler de cette première réunion, donc j'aimerais que l'on avance.

  7   Est-ce que vous êtes revenu dans votre commandement après cette première

  8   réunion ?

  9   R.  Oui. Après cette première réunion, le général Mladic a exigé qu'une

 10   deuxième réunion soit convoquée pour le même soir, et, bien sûr, donc cette

 11   réunion s'est terminée. Les Néerlandais sont revenus dans leur base. Et moi

 12   je suis revenu au commandement de la Brigade de Bratunac.

 13   Q.  Et lorsque vous êtes revenu dans votre commandement, est-ce que vous

 14   avez reçu les éléments d'information concernant la population musulmane ?

 15   R.  Même avant j'ai reçu des éléments d'information, qui me parvenaient de

 16   manière intense. Là nous sommes déjà dans la soirée, il y a pas mal de

 17   rapports d'information qui parviennent des commandements des bataillons,

 18   mais surtout du 2e Bataillon d'infanterie, qui a un contact direct avec

 19   Potocari. Et depuis le poste d'observation et les positions du 2e Bataillon

 20   d'infanterie, on nous informait sans arrêt, faisant état des milliers de

 21   gens qui partaient de Srebrenica et avançaient vers Potocari, vers la base

 22   de la FORPRONU. Ce sont les informations que j'ai reçues avant la réunion,

 23   avant le soir et pendant la soirée.

 24   Sur la base de tout ce que je savais au sujet de l'enclave et sur la base

 25   de tout ce que savaient les organes situés au commandement des trois

 26   bataillons, du 1er, 2e et 3e, et là je parle précisément du 2e Bataillon,

 27   notre évaluation était que parmi ces civils se trouvait un grand nombre

 28   d'hommes valides. Je voudrais juste vous préciser une chose. Le fait que


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  1   quelqu'un soit apte à combattre, à mon sens - c'était mon appréciation, mon

  2   évaluation - donc le fait que quelqu'un soit apte à combattre ne signifie

  3   pas automatiquement qu'il est mobilisé et qu'il est membre d'une unité.

  4   Donc nous avons estimé que parmi ces groupes de civils, il est possible

  5   qu'il y ait entre 1 500 et 2 000 hommes valides.

  6   Q.  Alors qu'est-ce que vous avez fait de cet élément d'information ?

  7   R.  Toutes les informations que j'ai reçues ce jour-là, dans l'après-midi

  8   et dans la soirée, ainsi que tout ce que j'avais appris la veille, puis au

  9   lendemain et dans les journées qui ont suivi, je les ai couchées par écrit

 10   et je les ai relayées au commandement du Corps de la Drina, à l'organe

 11   chargé de la sécurité et du renseignement, donc à mes supérieurs. Donc

 12   c'est oralement aussi que j'ai informé les membres de ma brigade, c'est-à-

 13   dire ceux parmi eux qui étaient concernés par cette information. Et j'ai

 14   relayé l'ensemble de ces informations à mon commandant lorsque je l'ai vu

 15   ultérieurement.

 16   Q.  Vous parlez du commandant, vous dites lorsque vous l'avez vu

 17   ultérieurement. Et quand vous dites "ultérieurement", que voulez-vous dire

 18   plus précisément, le même jour, le lendemain ?

 19   R.  Non, je ne pense pas à la journée du 11. Je pense à la journée du 12,

 20   dans l'après-midi. C'est la première fois que je l'ai revu. Donc il s'agit

 21   du colonel Blagojevic que j'ai informé de l'ensemble des éléments que

 22   j'avais reçus. En son absence, je n'ai pas pu l'en informer de manière

 23   détaillée.

 24   Q.  D'accord. Vous nous avez parlé de la deuxième réunion qui était prévue

 25   à l'hôtel Fontana. Nous n'avons pas besoin là non plus de passer en revue

 26   tous les détails de cette réunion. Mais physiquement, dites-nous où vous

 27   vous êtes trouvé pendant cette deuxième réunion à l'hôtel Fontana ?

 28   R.  Tout ce que je vous ai dit au sujet du rôle que j'ai joué, au sujet du


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  1   rôle qui était joué par la police militaire, relativement à la première

  2   réunion et toutes mes obligations qui étaient celles par rapport à la

  3   première réunion, elles restent les mêmes. Tout reste de même, et je

  4   circule là devant la pièce où se tient la réunion.

  5   Q.  Et à l'issue de la réunion, où vous êtes-vous rendu ?

  6   R.  Après la fin de la réunion, le général Mladic a donné un ordre, il a

  7   ordonné que les officiers du Bataillon néerlandais et le représentant de la

  8   partie musulmane soient escortés jusqu'à Potocari. J'ai exécuté cet ordre,

  9   je me suis mis dans la voiture, j'ai escorté les officiers concernés ainsi

 10   que le représentant de la partie musulmane.

 11   Q.  A ce moment-là, saviez-vous que le lendemain matin une troisième

 12   réunion était prévue ?

 13   R.  Oui, je le savais.

 14   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire aux Juges de la Chambre ce que

 15   vous avez fait dans la journée du 12 à partir de la matinée, est-ce que

 16   vous pouvez nous passer en revue chronologiquement les événements.

 17   R.  Je dois vous dire que dans la nuit du 12 au 13, j'étais l'officier de

 18   permanence dans la salle d'opérations. Mon adjoint était Mirko Jankovic. Et

 19   ce matin-là, tout comme pour les réunions précédentes, le rôle que j'avais

 20   à jouer n'a subi aucune modification. Je savais quelles étaient mes

 21   obligations. Je savais que la réunion devait se tenir à 10 heures le 12, et

 22   la police militaire - Mirko Jankovic en tant que chef, et moi en tant que

 23   chef de l'organe chargé de la sécurité et du renseignement de la brigade -

 24   nous nous sommes chargés de l'ensemble des mesures qui s'imposaient pour

 25   que l'hôtel soit sûr pour que la réunion puisse s'y tenir et qu'il n'y ait

 26   personne dans l'hôtel.

 27   Donc la réunion était prévue à 10 heures, je savais exactement -- enfin, je

 28   ne connaissais pas tous les noms, mais je savais qui était convoqué à la


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  1   réunion. D'après mes informations, c'étaient les représentants des pouvoirs

  2   militaires avec le commandant du corps, le général Mladic, à leur tête, et

  3   d'autres officiers représentant la partie serbe. Ensuite, les pouvoirs

  4   civils, c'est-à-dire les représentants du pouvoir civil, les représentants

  5   de la FORPRONU et les représentants de la partie musulmane. Et la veille au

  6   soir, ils avaient été représentés par Mandzic. Lors de cette troisième

  7   réunion, justement, toutes ces personnes sont venues, y compris les

  8   représentants de la partie musulmane, dont une femme dont je ne connais pas

  9   le nom. Nesib Mandzic et M. Nuhanovic, qui ont composé leur équipe de

 10   négociateurs.

 11   Comme j'avais été présent aux deux réunions précédentes, je savais à peu

 12   près quel serait l'objet de cette réunion-ci. Je savais qu'on allait parler

 13   de la situation au sens général du terme, et puis des questions techniques

 14   relatives à l'opération et du déplacement forcé des Musulmans de Potocari.

 15   Je n'étais pas présent à cette réunion. Elle a commencé à peu près vers 10

 16   heures. Les autres participants que j'ai énumérés sont arrivés sur place.

 17   Je tiens à dire quelque chose qui est essentiel et qui s'est produit juste

 18   avant le début de cette réunion qui s'est tenue ce jour-là, le 12 juillet.

 19   J'étais devant l'hôtel Fontana, c'est là que j'ai vu MM. Popovic et

 20   Kosoric, qui sont deux officiers du commandement du Corps de la Drina, le

 21   chef de la sécurité et le chef du renseignement. Nous avons parlé de la

 22   situation au sens général du terme et nous avons évoqué la suite des

 23   événements relatifs aux personnes qui quittaient la ville pour aller vers

 24   Potocari. A ce moment-là, on m'a dit qu'ils allaient être transférés à

 25   Kladanj, les femmes et les enfants. Ils allaient être transférés à bord

 26   d'autocars vers le territoire entre les mains des Musulmans, c'est Popovic

 27   qui m'a dit cela, et que les hommes valides seraient séparés et

 28   temporairement détenus sur le territoire de la municipalité de Bratunac.


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  1   J'ai demandé à Popovic ce qui allait advenir de ces gens-là. Lui, il m'a

  2   dit que les Balija, il fallait tous les exécuter. Je n'ai pas fait de

  3   commentaire à sa déclaration. Cette conversation a duré peut-être cinq,

  4   six, sept minutes, pas plus que ça. Pendant cette conversation, nous avons

  5   mentionné, ou, en fait, moi j'ai proposé, j'ai dit : Donc on va séparer ces

  6   hommes, on va les détenir. Et les installations qui s'y prêtent le mieux à

  7   Bratunac, c'est l'école élémentaire Vuk Karadzic, le hangar, la salle

  8   d'éducation physique de l'école Vuk Karadzic. Donc c'étaient des bâtiments

  9   qui étaient libres. Puis il y avait aussi des bâtiments de l'ancien centre

 10   d'éducation secondaire Djuro Pucar Stari. C'étaient des bâtiments sur un

 11   territoire qui pouvait être sécurisé avec un nombre relativement modeste

 12   d'hommes. Donc ils ont dit que cela ne posait aucun problème, que c'étaient

 13   ces bâtiments-là.

 14   Alors, la première impression que j'ai eue, ce que j'ai pensé à ce moment-

 15   là, c'est qu'on allait probablement sélectionner les gens, il s'agit du

 16   triage militaire, c'est une procédure tout à fait normale. Je pensais qu'on

 17   allait séparer ceux pour lesquels le doute est fondé qu'ils aient pris part

 18   à des meurtres de civils et qu'ils aient pris part à des activités

 19   militaires. Mais finalement, ce qui s'est passé, c'est quelque chose ce à

 20   quoi je ne m'étais pas attendu, c'est qu'au début de l'évacuation, on a mis

 21   de côté tous les hommes, indépendamment de leur âge, qu'ils soient valides

 22   ou pas. Donc ce que j'ai vu, c'est que l'on a mis de côté tous les hommes

 23   arrivés à Potocari.

 24   On a discuté après cela, lorsqu'il a dit que tous les Balija devaient être

 25   exécutés, on a parlé de cela, donc où est-ce que tous ces Balija, ces

 26   Musulmans, doivent être tués. On a mentionné deux sites. Premièrement, les

 27   mines de Sase, et ensuite, les bâtiments de la briqueterie. Je dois dire

 28   que personne n'a été emmené ni dans cette mine de Sase ni dans la


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  1   briqueterie, que personne n'y a été ni emmené ni exécuté.

  2   Après cette réunion, ils sont partis assister à la réunion. Et après la

  3   réunion, le colonel Jankovic m'a appelé, m'a fait venir, et il m'a dit

  4   qu'il fallait que j'aide. Je dois dire que j'ai parlé de "coordination"

  5   lors de l'affaire précédente où j'ai déposé. Je ne savais pas quel était le

  6   sens militaire de ce terme. Mais dans ma déposition, je ne vais dire

  7   maintenant rien de contraire à ce que j'ai fait. Tout simplement, je ne

  8   vais plus employer le terme de "coordination" parce que je pense que ce

  9   terme n'est pas approprié. Donc le colonel Jankovic m'a dit : Pendant la

 10   période qui vient, vous devez aider à ce que cette opération soit menée à

 11   son terme correctement. Il pensait au déplacement des civils de Potocari

 12   vers Kladanj.

 13   Q.  Je vous arrête un moment.

 14   Je vois dans le compte rendu d'audience qu'il y a un dénommé Nikolic qui

 15   est mentionné. Page 20, ligne 7, il est mentionné : "M. Nikolic m'a dit que

 16   dans la période à venir, il faudrait qu'on ait de l'aide pour que cette

 17   opération soit menée à bien."

 18   De qui parliez-vous ? Parce que je ne pense pas que vous vouliez dire M.

 19   Nikolic. Je crois que votre langue a fourché.

 20   R.  Oui, effectivement, peut-être que ma langue a fourché. Après la

 21   réunion, j'ai parlé au colonel Jankovic.

 22   Q.  Très bien. Il faut que le compte rendu d'audience soit exact, lorsque

 23   vous parlez du colonel Jankovic, vous faites référence au colonel de

 24   l'état-major principal qui a occupé votre bureau à partir du 8 juillet, et

 25   non un dénommé Mirko Jankovic qui était le commandant de détachement de la

 26   police militaire. Parce que nous avons deux personnes qui ont le nom de

 27   famille Jankovic.

 28   R.  Oui, c'est exact.


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  1   Q.  Très bien. Alors je voudrais revenir quelques instants sur la

  2   conversation que vous avez eue avec M. Popovic, et ceci, avant la troisième

  3   réunion qui s'est tenue au Fontana.

  4   Vous nous avez dit que deux endroits avaient été mentionnés, à savoir deux

  5   sites potentiels d'exécution. Qui a proposé ces endroits à M. Popovic ?

  6   R.  Bien, je ne sais pas. Et puis, je ne dirais pas que c'était une

  7   proposition. Pour être simple, nous avons abordé tout cela. M. Popovic et

  8   M. Kosoric connaissaient la mine de Sase, tout comme moi-même. Et je crois

  9   qu'ils ont été les premiers à mentionner la mine de Sase. Ensuite, j'en ai

 10   également parlé. Nous avons parlé de ces endroits ensemble. Mais je ne sais

 11   pas qui a mentionné cela en premier.

 12   Nous avons tous les trois parlé de cet endroit.

 13   Q.  Et qu'en est-il de la briqueterie de Ciglane ? Vous souvenez-vous qui

 14   en a parlé en premier ?

 15   R.  Non, je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas qui en a parlé le premier.

 16   Je sais que nous avons parlé de ces deux endroits. Et une dernière chose.

 17   Ensuite, je l'ai découvert, je ne sais pas qui était à l'origine de cette

 18   information, mais j'ai reçu cette information que certains officiers - je

 19   ne sais pas lesquels - s'étaient rendus dans le secteur de la briqueterie

 20   et de Sase avant que quoi que ce soit ne se produise. Je ne sais pas de qui

 21   il s'agissait et quand ils s'y sont rendus. Mais c'est le directeur de la

 22   briqueterie qui me l'a dit et qui a expliqué qu'ils se rendaient à

 23   proximité de la briqueterie de Ciglane. Je crois qu'il s'appelle Nedjo

 24   Nikolic.

 25   Quoi qu'il en soit, c'était le directeur de la briqueterie, et il disait

 26   que des officiers se rendaient là-bas avant la chute de Srebrenica. Et il a

 27   dit qu'ils en avaient parlé.

 28   Donc je n'ai jamais avancé quoi que ce soit. Je n'ai jamais vérifié cette


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  1   information. Je n'en suis pas sûr. Mais c'est ce que j'ai entendu. Je ne

  2   sais pas si c'est vrai ou pas.

  3   Q.  Et durant la troisième réunion au Fontana, où vous trouviez-vous ?

  4   Etiez-vous juste à l'extérieur de la pièce en question ou est-ce que vous

  5   étiez ailleurs durant cette troisième réunion ?

  6   R.  Durant cette troisième réunion, je ne me trouvais pas dans la pièce à

  7   proprement parler, tout simplement parce que la salle était bondée.

  8   Beaucoup de personnes ont participé à cette réunion, et en tant qu'organe

  9   de renseignement, je pensais que je n'entendrais rien de nouveau là-bas.

 10   Ils parlaient de l'aspect technique portant sur le nombre de bus, la

 11   quantité de carburant, les escortes, et cetera. Donc je n'étais pas à

 12   l'intérieur du Fontana. J'étais à l'endroit où se trouvait la réception. Il

 13   y a un espace qui sépare ce lieu de la salle de réunion. Ensuite, j'étais

 14   devant l'hôtel, et je vérifiais ce que faisait la police et la sécurité, et

 15   donc je ne sais pas ce qui a été abordé.

 16   Q.  D'accord.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vais vous interrompre une seconde.

 18   Une question de suivi : à la page 17, ligne 25 du compte rendu d'audience,

 19   vous dites : "Depuis que j'avais participé aux deux réunions, je savais" -

 20   et je crois que c'est une erreur - "…quel était le contenu de cette

 21   réunion."

 22   Et ceci fait référence à la troisième réunion. J'aimerais savoir si vous

 23   aviez effectivement participé aux deux premières réunions ? Est-ce que vous

 24   y avez participé ou est-ce que vous n'étiez présent qu'en marge de ces

 25   réunions ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je me veux d'être

 27   précis. J'ai participé aux deux premières réunions à l'hôtel Fontana. Et

 28   j'étais à un endroit où je pouvais suivre les discussions. Cependant, je


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  1   n'ai pas été un des participants à la réunion. Je ne représentais personne

  2   à la réunion et je n'ai pas participé à la réunion de cette manière.

  3   Donc à la première réunion, vous avez le général Mladic, le général

  4   Jankovic, et un peu plus tard, le général Zivanovic.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais ma question est de savoir si

  6   vous étiez présent dans la salle même de la réunion ou si vous étiez à

  7   l'extérieur de la salle où se tenaient ces deux premières réunions ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Autant que je me souvienne, je n'étais pas à

  9   l'intérieur de la salle où se tenait la réunion. C'est une petite pièce.

 10   J'étais à 3, 4 ou 5 mètres à l'extérieur de la salle de la réunion. C'est

 11   une salle plus importante qui donne accès à la salle plus petite où se

 12   tenait la réunion.

 13   Peut-être que je peux vous faire un croquis pour que ce soit plus

 14   simple.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, je voulais juste savoir où vous

 16   vous trouviez exactement durant ces deux premières réunions.

 17   Monsieur Thayer, vous pouvez continuer.

 18   M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Je voudrais revenir au moment où le colonel Jankovic est sorti de

 20   l'hôtel Fontana suite à la troisième réunion et au moment où il vous a

 21   donné des instructions.

 22   Si je vous ai bien compris, vous ne voulez pas décrire d'un point de vue

 23   militaire certaines de vos activités comme étant des activités de

 24   coordination, pour utiliser un terme technique. Si je vous comprends bien,

 25   c'est parce que vous définissez ce terme comme un terme qui a une

 26   connotation de commandement et d'autorité. Est-ce que je comprends bien

 27   votre position, Monsieur le Témoin ?

 28   R.  Je crois que vous m'avez bien compris, effectivement. Oui, vous m'avez


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  1   bien compris.

  2   Q.  Pour votre information, l'Accusation n'avance pas que vous étiez

  3   commandant à l'instar du colonel Blagojevic. Nous comprenons tout à fait

  4   cela. Je voudrais me concentrer sur vos actions, sur ce que vous avez fait

  5   et ce que vous avez observé.

  6   Alors, si vous pouvez vous en souvenir, essayez d'être aussi précis

  7   que possible, est-ce que vous vous souvenez de ce que vous a dit le colonel

  8   Jankovic, ce qu'il vous a demandé de faire et ce à quoi vous pourriez vous

  9   attendre ?

 10   R.  Ce dont je me souviens c'est que le colonel Jankovic m'a dit que je

 11   devais aider à mener à bien cette opération à Srebrenica. Et comme je l'ai

 12   déjà mentionné, cette opération comprenait également le transfert de femmes

 13   et d'enfants à bord de bus en direction du territoire contrôlé par les

 14   Musulmans à Kladanj, alors que les Musulmans militairement aptes et valides

 15   devaient être temporairement séparés et détenus.

 16   J'ai posé une question au colonel Jankovic. Je lui ai demandé qui allait se

 17   charger de cela et ce qui allait se passer à Potocari. Il m'a répondu de la

 18   manière suivante, il m'a dit que les activités concernant cette opération

 19   avaient déjà fait l'objet d'un accord. Cela signifiait que les commandants

 20   qui allaient être engagés à Potocari avaient déjà reçu leurs instructions

 21   et qu'ils se trouvaient déjà à Potocari.

 22   Maintenant, de là à savoir quand ils ont reçu ces instructions, de qui et

 23   de quelles instructions il s'agissait, ça, je ne le sais pas.

 24   Q.  Et durant cette conversation que vous avez eue avec le colonel

 25   Jankovic, est-ce que l'exécution des hommes musulmans a été abordée ?

 26   R.  Non. Le colonel Jankovic n'a pas mentionné cela.

 27   Q.  Est-ce qu'il vous a donné des noms, notamment des noms d'officiers avec

 28   qui vous deviez rentrer en contact à Potocari ?


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  1   R.  Oui. Il a mentionné le nom d'un officier, entre autres, un dénommé

  2   Dusko Jevic. Il était officier de la Brigade spéciale de la police de

  3   Republika Srpska.

  4   Q.  Est-ce que M. Jevic avait également un surnom ?

  5   R.  Si je me souviens bien, son surnom c'était Stalin.

  6   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait et ce que vous avez vu à

  7   Potocari le 12 juillet.

  8   R.  Le 12 juillet, comme je l'ai déjà mentionné dans ma déclaration écrite,

  9   j'ai passé une partie du temps dans la salle de gestion des opérations et

 10   une partie du temps à Potocari. A Potocari, j'ai reconnu certains membres

 11   de certaines unités qui étaient engagés à Potocari, parce que je les

 12   connaissais. Il s'agissait de personnes qui étaient présentes à Potocari le

 13   12. Si nécessaire, je peux vous donner les noms de ces personnes ainsi que

 14   des unités qui étaient présentes à Potocari.

 15   Autant que je le sache, il y avait des parties ou des groupes de la

 16   police de Bratunac ainsi que des parties du 2e Bataillon d'infanterie. Un

 17   peu plus tard, durant la journée, il y avait également des membres du 3e

 18   Bataillon d'infanterie qui sont arrivés. Ensuite, des membres du poste de

 19   la sécurité publique de Bratunac étaient présents, des membres de la police

 20   civile. Et puis, il y avait des membres du 10e Détachement de Sabotage de

 21   l'état-major principal qui étaient également présents, tout comme des

 22   membres du 65e Régiment de Protection de l'état-major principal de Nova

 23   Kasaba, ils avaient leur QG à Nova Kasaba. Il y avait également des membres

 24   de la police militaire du commandement du Corps de la Drina. Et puis, vous

 25   aviez également des soldats d'un détachement que l'on appelait les Loups de

 26   la Drina, Vukovi Sa Drina. Je ne sais pas si des noms ou des personnes

 27   m'ont échappé, toujours est-il qu'il s'agissait de personnes que je

 28   connaissais. Certains d'entre eux avaient déjà été postés à Bratunac


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  1   auparavant, par exemple, des membres des forces de la police issus du

  2   corps, ainsi que du 65e Régiment de Protection.

  3   Un peu plus tard, je me suis rendu compte que ce que le colonel

  4   Jankovic m'avait dit était exact, à savoir les forces responsables de

  5   l'évacuation étaient déjà sur place. Mon rôle était de prêter mon soutien à

  6   ces personnes, c'est-à-dire de prêter mon soutien aux officiers et aux

  7   unités, étant donné que j'étais un résident et que je connaissais très bien

  8   le secteur, et je connaissais également bien beaucoup de personnes qui

  9   étaient sur place.

 10   Mon aide, le 12, a été principalement à l'attention de Dusko Jevic.

 11   Il y avait certains problèmes que nous rencontrions, comme vous le savez.

 12   Le premier problème était l'approvisionnement en eau. Le commandant Kingori

 13   m'a demandé d'obtenir de l'eau, et je suis donc allé à Bratunac obtenir une

 14   citerne d'eau qui devait ensuite être acheminée en direction de Srebrenica.

 15   Il y avait énormément de monde autour des bus quand nous sommes arrivés. Et

 16   donc j'ai dit à M. Jevic qu'il fallait peut-être changer d'endroit et aller

 17   un peu plus loin, à 200 ou 300 mètres, dans une zone qui était un peu plus

 18   grande. Ensuite, j'ai essayé de résoudre les problèmes que l'on a

 19   rencontrés lorsque les transports ont commencé. Mais je dois mentionner une

 20   autre chose, je dois mentionner ce que j'ai vu lorsque les transports ont

 21   commencé.

 22   Lorsque le processus de séparation a commencé, à Potocari, le général

 23   Mladic était présent, il y avait d'autres personnes. Je ne vais pas en

 24   donner tous les noms. Je pense qu'il y a très peu d'officiers de l'état-

 25   major principal et des commandants de la brigade qui n'étaient pas présents

 26   à Potocari le 12. Je peux vous dire que tout le monde était présent et que

 27   tout le monde voulait voir cela. Lorsque le processus de séparation a

 28   commencé, et j'en suis certain parce que je l'ai vu, le général Mladic et


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  1   Ljubisa Borovcanin étaient présents, ainsi que le commandant des unités

  2   spéciales, ainsi que Jevic, et d'autres officiers qui étaient également

  3   présents. Et j'ai vu quelque chose de terrible se produire. J'ai vu comment

  4   ceux qui ont fait l'objet de la séparation étaient maltraités. On les a

  5   insultés, on les a battus. J'ai observé le processus de séparation. J'ai vu

  6   comment on leur a retiré tous leurs effets personnels, leurs sacs, leur

  7   argent, tout ce qu'ils avaient en leur possession. Et quand ils ont été

  8   séparés du groupe, ils ont été détenus à l'intérieur de plusieurs maisons

  9   musulmanes abandonnées. Ensuite, ils ont été transférés à Bratunac.

 10   Donc on les a insultés, on les a maltraités, on les a battus, on leur a

 11   pris leurs effets personnels, c'est ce que j'ai vu lorsque j'étais présent

 12   sur place. Dans ma déposition, j'ai exprimé le fait que je regrettais de ne

 13   pas avoir réagi à cette situation. Je l'ai dit au moment de ma déposition,

 14   et je le redis maintenant, que quelles que soient les circonstances et les

 15   conséquences, je me devais tout du moins d'essayer de protéger ces

 16   personnes. Dans ma déposition, j'ai dit que je ne l'avais pas fait et que

 17   je le regrettais.

 18   Cependant, je voudrais mentionner quelque chose d'autre ici, quelque chose

 19   de véridique. Je n'avais pas la force, je ne disposais pas des unités

 20   nécessaires. Je n'avais pas non plus l'autorité, c'est-à-dire l'autorité en

 21   tant que commandant qui m'aurait permis d'empêcher cela. J'aurais pu le

 22   faire en tant qu'être humain. J'ai essayé de faire la même chose en 1992 et

 23   je me suis retrouvé à l'hôpital. Et pour être franc, vous aviez des membres

 24   du 10e Détachement de Sabotage et des membres des Loups de la Drina ainsi

 25   que d'autres, et en raison de leur présence, je ne pouvais rien faire pour

 26   protéger ces gens, même si je n'étais vraiment pas d'accord avec ce qui se

 27   passait. Je suis resté silencieux. Je n'ai pas réagi. Je n'ai pas prêté

 28   assistance. Mais en même temps, je n'ai touché à personne et je n'ai rien


Page 12389

  1   fait. Voilà ce que je voulais dire.

  2   Les transports ont commencé vers 13 heures, 13 heures 30 ou 14 heures. Je

  3   ne peux pas être plus précis. Et autant que je sache, et j'en ai déjà parlé

  4   dans mes dépositions, le premier convoi était composé en partie de certains

  5   hommes. Pourquoi ? Je crois que j'en ai déjà parlé dans mes dépositions, et

  6   je ne pense pas que des commentaires supplémentaires soient nécessaires.

  7   Ces hommes étaient à bord de ce premier convoi à des fins de propagande.

  8   Ils n'avaient pas été incorporés au premier convoi en toute bonne foi.

  9   C'est mon opinion personnelle. Peut-être que ce n'est pas vrai, mais c'est

 10   mon opinion personnelle. Ensuite, des convois sont allés à Kladanj, mais

 11   ils étaient pratiquement vides. Enfin, ce que je veux dire, c'est qu'il n'y

 12   avait pas d'hommes; il n'y avait que des femmes et des enfants à bord de

 13   ces convois suivants.

 14   Et je voudrais également dire une dernière chose concernant ce que j'ai

 15   fait d'autre le 12. Lorsque les convois ont commencé à partir, les convois

 16   ont rencontré des problèmes lorsqu'ils ont traversé la ville. Des civils

 17   s'étaient rassemblés en chemin. Il s'agissait principalement de mères de

 18   combattants qui avaient été tués ainsi que de parents de ces combattants

 19   tués. Donc les bus devaient traverser la ville de Bratunac, et en

 20   traversant la ville - ça représentait un parcours d'environ 700 à 800

 21   mètres - les bus ont été touchés par des pierres. J'ai essayé de résoudre

 22   la situation et de faire participer la police civile ainsi que certaines

 23   personnes qui faisaient partie de la police militaire pour empêcher cela.

 24   Et lorsque je n'étais pas à Potocari, j'étais au niveau de la salle de

 25   gestion des opérations. Je recevais toutes les informations qui nous

 26   arrivaient et je faisais rapport sur tous les éléments qui nécessitaient un

 27   rapport. En mon absence, j'étais remplacé par un officier moins gradé issu

 28   des services de logistique ou d'autres services. Et à mon retour, je


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  1   prenais connaissance de toutes les informations reçues des instances

  2   supérieures du commandement.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je voudrais faire un commentaire.

  4   A la page 28, lignes 8 et 9, vous dites : "Je crois que j'en ai parlé dans

  5   mes dépositions et qu'aucun commentaire plus précis n'est nécessaire."

  6   Je voudrais vous rappeler que vous êtes témoin viva voce, alors que les

  7   dépositions précédentes n'ont pas été versées à ce dossier. Donc je voulais

  8   préciser la chose.

  9   Un autre commentaire que je souhaitais faire. A la page 27, je vous cite,

 10   lignes 1 à 4 : "Je crois qu'il y a peu d'officiers de l'état-major

 11   principal et des commandants de la brigade qui n'étaient pas présents à

 12   Potocari le 12. Je peux vous dire que tout le monde était présent et que

 13   tout le monde voulait voir cela."

 14   Je voudrais savoir ce que vous entendez par là lorsque vous dites "tout le

 15   monde était présent sur place" ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais dire : le 12, c'est-à-dire

 17   le lendemain de la chute officielle de l'enclave de Srebrenica et le

 18   lendemain du jour où les forces de la police militaire serbe sont entrées à

 19   Potocari, tous les officiers étaient présents ce jour-là dans la zone de

 20   responsabilité de la Brigade de Bratunac à Bratunac. Et ils ont vu tout ce

 21   qui s'est passé à Potocari.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Encore une fois, quand vous dites

 23   "tous", de qui parlez-vous quand vous dites "ils étaient tous sur place" ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous donner une liste, si vous le

 25   souhaitez. Tout d'abord, ma brigade et les officiers de ma brigade étaient

 26   présents.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce qui nous intéresse tout

 28   particulièrement c'est l'état-major principal ainsi que les membres du


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  1   commandement du Corps de la Drina. Est-ce que tous les membres de l'état-

  2   major principal et tous les membres du commandement du Corps de la Drina

  3   étaient présents à Potocari le 12, et c'est donc à cet endroit-là que vous

  4   les avez tous vus ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être un bémol à cela : tous ceux qui

  6   étaient à Bratunac à l'époque, pas tous les membres du commandement du

  7   Corps de la Drina. Ceux qui n'étaient pas sur place n'étaient pas sur

  8   place. Donc, si l'on parle du commandement, vous avez le général Krstic, le

  9   lieutenant-colonel Popovic, le lieutenant-colonel Kosoric, le colonel

 10   Acamovic -- le lieutenant-colonel Krsmanovic. Le général Mladic. Le colonel

 11   Jankovic. Les commandants de la brigade qui ont pris le contrôle de

 12   Srebrenica. Le commandant des groupes de combat qui ont pris le contrôle de

 13   Srebrenica. Et puis les officiers de police. J'ai recensé ceux dont je me

 14   souvenais, ceux qui faisaient partie de l'état-major principal et ceux qui

 15   étaient présents à Potocari à l'époque.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. La Juge Nyambe a une question.

 17   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci.

 18   J'aimerais une précision, si vous pouvez nous la donner.

 19   Aujourd'hui, page du compte rendu d'audience numéro 27, en réponse à la

 20   question qui vous avait été posée par l'Accusation, vous avez dit la chose

 21   suivante : "J'ai fait quelque chose de similaire en 1992 et je me suis

 22   retrouvé à l'hôpital."

 23   Est-ce que vous pouvez nous dire exactement ce que vous avez fait et

 24   pourquoi vous vous êtes retrouvé à l'hôpital ? Merci.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Bien sûr. En 1992, tout au début de la

 26   guerre, c'était en mai, le conflit a éclaté à Bratunac. A ce moment-là, ou

 27   avant le conflit, j'étais commandant en second pour le renseignement.

 28   Lorsque le conflit a éclaté, à l'état-major de Bratunac, le commandant


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  1   était un Musulman, le commandant second était un Musulman, et le

  2   responsable de la logistique également. Et juste avant que le conflit

  3   n'éclate, ils sont partis en direction de Tuzla. Ils avaient peur de ce qui

  4   allait se passer à Bratunac par la suite.

  5   Ils sont restés membres de l'état-major, et étant donné qu'il n'y avait

  6   personne d'autre à l'état-major mis à part moi-même, ainsi qu'un

  7   responsable de la mobilisation et un agent administratif responsable de la

  8   formation, j'ai donc reçu cette mission provisoire de gestion de l'état-

  9   major. Mais ce n'était plus vraiment un état-major. Comme je le disais, les

 10   Musulmans sont partis, le commandant, le commandant en second et le

 11   responsable de la logistique étaient partis, et il n'y avait que trois

 12   Serbes qui étaient restés sur place. Et c'est durant cette période que

 13   j'étais responsable. Durant cette journée fatidique où j'ai fait l'objet de

 14   l'attaque, il y avait des volontaires à Bratunac, ainsi que certaines

 15   personnes qui étaient nées à Bratunac et au village de Kravica. Puis il y

 16   avait également leurs voisins qui étaient des Musulmans à Sandici.

 17   Un groupe de volontaires, avec le chef du MUP et avec le groupe du

 18   village de Kravica, qui est un village complètement serbe, alors que le

 19   village de Sandici est complètement musulman, ils ont pris des véhicules,

 20   des voitures. Et sans accord, sans plan, ils ont traversé le poste de

 21   contrôle et sont entrés dans le village de Sandici. Les habitants du

 22   village, des Musulmans armés, ont ouvert le feu et des personnes ont été

 23   tuées. Comme, par exemple, le chef du poste de sécurité publique, M.

 24   Milosevic, et on m'a en fait reproché cet incident.

 25   Les gens du village de Kravica m'ont tenu responsable, ils m'ont dit

 26   que j'étais responsable, que je ne leur avais pas fourni un appui

 27   militaire, un renfort. Lorsqu'ils m'ont demandé si je leur permettrais de

 28   procéder à l'évacuation, je leur ai dit que je n'allais donner l'ordre à


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  1   personne d'évacuer des gens qui s'étaient rendus là-bas de leur propre gré.

  2   C'est là que j'ai fait l'objet de l'attaque, que j'ai été maltraité, que je

  3   suis allé à l'hôpital. J'étais d'abord à l'hôpital de Sabac, et ensuite

  4   j'ai été transféré à Belgrade pour d'autres soins. Et ensuite, il m'a fallu

  5   quatre ou cinq mois pour me rétablir.

  6   Je peux vous montrer -- enfin, je n'ai pas le dossier médical avec

  7   moi, mais je l'ai dans la cellule au quartier pénitentiaire. Si vous

  8   souhaitez vraiment réellement le voir, je pourrais vous le montrer pour

  9   vous démontrer la façon dont je me suis comporté à l'époque. Et même à ce

 10   moment-là, lorsque j'ai fait l'objet de cette attaque, j'ai dit qu'il était

 11   vrai que je ne pouvais pas voir que l'on tue des enfants à Bratunac,

 12   enfants à qui j'ai enseigné. Alors que toutes ces activités, en réalité,

 13   portaient sur ces tueries, sur ces meurtres et exactions entre les

 14   Musulmans et les Serbes. J'avais dit au médecin justement après le choc,

 15   lorsque je me suis rétabli quelque peu, j'ai dit au médecin que je ne

 16   pouvais plus être le témoin de ce que l'on était en train de faire aux

 17   enfants à qui j'ai enseigné à l'école.

 18   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci beaucoup. J'ai une autre

 19   question, si je puis.

 20   Très brièvement, Monsieur, il n'est pas nécessaire d'entrer dans les

 21   détails. A la page 28, lignes 10 et 11 [comme interprété], vous avez dit --

 22   et je devrais peut-être vous donner un petit peu le contexte. Je crois que

 23   vous avez dit :

 24   "Je pense en avoir parlé et qu'aucun commentaire particulier n'est

 25   nécessaire ici. Ces hommes étaient là pour la propagande."

 26   Donc j'aimerais savoir quels sont ces hommes à qui vous faites référence

 27   ici ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Très brièvement. J'ai parlé du premier convoi.


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  1   Je n'ai peut-être pas été suffisamment précis. Il s'agit donc du premier

  2   convoi qui est parti de Potocari en direction de Kladanj et dans lequel il

  3   y avait des réfugiés musulmans, donc il s'agissait de femmes et d'enfants

  4   principalement. Dans ce premier convoi, il se trouvait un certain nombre

  5   d'hommes musulmans qui étaient en âge de porter les armes.

  6   Donc, dans ce premier convoi, il y avait également des hommes, il y avait

  7   un certain nombre d'hommes, et j'ai dit qu'étant donné tout ce que j'ai vu,

  8   et compte tenu de ce qui s'est passé plus tard, quand plus tard tous les

  9   hommes avaient été séparés indépendamment du fait qu'ils étaient en âge de

 10   porter les armes ou pas, donc je suis convaincu et j'ai l'impression qu'il

 11   s'agissait d'une propagande, qu'il a fallu d'abord montrer aux effectifs de

 12   la FORPRONU qui assuraient l'escorte de ce convoi, qu'effectivement dans

 13   les convois il y avait des hommes aussi. Voyez-vous, nous ne sommes pas en

 14   train de faire quelque chose de mal. Voilà, c'était donc une opinion

 15   personnelle que je m'étais forgée à la suite de tout ce que j'ai observé.

 16   Par la suite, cela a été confirmé, parce que dans aucun autre convoi

 17   ultérieur il n'y avait d'hommes, à l'exception de ce premier convoi.

 18   Et juste pour confirmer mes dires, ce dont je vous dis ici, en fait. Je

 19   détiens une information - mais je n'ai pas de preuve parce que je n'étais

 20   pas sur place - et donc, selon les informations que je détiens, un certain

 21   nombre d'hommes de ce premier convoi aux points de contrôle à Kravica,

 22   Konjevic Polje et à Tisca, donc juste avant le passage sur le territoire

 23   placé sous le contrôle des Musulmans, qu'une partie de ces Musulmans s'est

 24   faite également séparer sur ces points de contrôle. Et je parle

 25   principalement du poste de contrôle de Tisca, il s'agit donc du passage où

 26   ces hommes descendaient de l'autobus, et c'est là qu'ils se faisaient

 27   séparer et ils y étaient détenus à ce moment-là. Donc ce sont des

 28   informations dont je dispose. Mais je ne souhaiterais surtout pas me taire


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  1   s'agissant de ces informations. Je voulais vous en faire part.

  2   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois qu'il est réellement temps

  4   de prendre la première pause. Nous allons prendre donc notre première pause

  5   matinale, et nous reprendrons nos travaux à 11 heures 05.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 11.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Thayer, je vous écoute,

  9   c'est à vous.

 10   Monsieur Thayer, veuillez continuer.

 11   M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je remarque

 12   qu'en fait il me reste encore 20 minutes avant le temps qui m'est imparti

 13   qui était de huit heures. Je peux vous indiquer d'ores et déjà que j'ai

 14   déjà éliminé un certain nombre de pièces. Je vais essayer de me concentrer

 15   sur des éléments autres, mais je vais essayer de ne pas entrer trop en

 16   détail, mais je vais néanmoins essayer d'écourter mon interrogatoire

 17   principal. Donc, j'aurais quand même encore quelques documents à présenter

 18   à M. Nikolic. Je vais devoir vous demander de bien vouloir m'accorder

 19   effectivement les huit heures que j'avais demandées.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous avez une

 21   demande précise ? De combien de temps encore aurez-vous besoin ?

 22   M. THAYER : [interprétation] Si vous m'accordiez jusqu'à la fin de

 23   cette session, de ce volet d'audience, il me fera -- enfin, je n'aurai pas

 24   à trop couper. Donc, si vous m'accordiez jusqu'à la fin de ce volet

 25   d'audience, cela me permettrait réellement de compléter mon interrogatoire

 26   principal.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc, la Défense aurait le

 28   droit au même nombre d'heures et de minutes pour le contre-interrogatoire


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  1   alors.

  2   M. THAYER : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]

  4   M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  5   Q.  Monsieur, nous parlions de Potocari, les 12 et 13.

  6   Et vous nous avez décrit la situation, vous avez dit qu'il y avait

  7   plusieurs unités sur place le 12. Vous avez parlé de la police civile. Et à

  8   un certain moment donné, j'ai également entendu dans mes écouteurs la

  9   police de Bratunac. Je voudrais vous demander de nous préciser ce fait.

 10   Effectivement, est-ce qu'il y avait des effectifs de la police militaire de

 11   Bratunac qui étaient également présents à Potocari les 12 et 13 ?

 12   R.  Oui. J'ai répondu à cette question en énumérant, je crois, des

 13   effectifs de la police militaire. Alors, je vais le répéter. Donc, il y

 14   avait les effectifs de la police militaire de la Brigade de Bratunac, ils

 15   étaient déployés à Potocari les 12 et 13. 

 16   Q.  Vous avez également mentionné le 65e Régiment de Protection. Vous nous

 17   avez dit que leur unité de police y était également. Y a-t-il donc une

 18   unité de police militaire rattachée au 65e Régiment de Protection ?

 19   R.  Je ne dirais pas qu'il s'agissait d'une police qui était rattachée au

 20   65e Régiment de Protection, à ce que je sache. Mais encore une fois, je

 21   voudrais vous dire que je ne suis pas un expert s'agissant de

 22   l'organisation du régiment, mais d'après ce que je sache, en leur sein, ils

 23   ont des effectifs de la police. Mais il est tout à fait certain que

 24   certaines parties du 65e Régiment de Protection étaient déployées à

 25   Potocari. 

 26   Q.  C'est peut-être tout à fait évident pour vous, mais nous parlons de la

 27   police militaire. Nous ne parlons pas de la police civile, nous parlons

 28   bien des effectifs de la police militaire, lorsqu'il est question du 65e


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  1   Régiment de Protection ?

  2   R.  Oui, c'est tout à fait exact. Il s'agit de la police militaire.

  3   Q.  Fort bien. Avant la pause, vous nous avez dit que vous rendiez compte à

  4   votre commandant, qui était le colonel Blagojevic, et vous lui rendiez

  5   compte concernant certains événements. Pourriez-vous expliquer aux Juges de

  6   la Chambre quels sont les éléments dont vous lui faisiez part le 12 juillet

  7   ?

  8   R.  Oui. J'ai dit que s'agissant du colonel Blagojevic, je l'avais informé

  9   de tous les événements qui s'étaient déroulés le 12 juillet dans la

 10   journée, et ce, jusqu'au moment où je l'en ai informé des événements qui se

 11   sont passés au cours de la journée. Donc, je lui ai parlé de tout ce dont

 12   j'ai énuméré tout à l'heure, de tout ce dont j'ai parlé tout à l'heure,

 13   pour ne pas énumérer de nouveau les éléments que j'ai mentionnés.

 14   Q.  Et sans entrer dans les détails, est-ce que vous lui avez rendu compte

 15   de vos activités du 12 ?

 16   R.  Oui. Je lui ai dit qu'en date du 12, d'ailleurs il le savait puisqu'il

 17   était officier de permanence, que ce jour-là, le 12 juillet, j'étais engagé

 18   à Potocari, à savoir que j'étais préalablement engagé concernant les

 19   réunions. Et je lui ai parlé, je lui ai dit de ce qui s'était passé, de ce

 20   que je faisais, moi et le chef de la police militaire, pour ce qui est de

 21   ces événements. Je l'ai également informé de la situation à Potocari. Je

 22   lui ai relaté tout ce que j'ai vu et ce que je faisais. Mais je crois qu'il

 23   est absolument nécessaire que je vous dise que mon commandant,

 24   indépendamment du fait que j'aie l'obligation de lui rendre compte de tout

 25   ce qui se passe, mon commandant disposait également des mêmes informations,

 26   et dans tous les cas, le commandant devrait être plus informé que quiconque

 27   au commandement de la brigade. Alors, pour préciser, j'ai informé mon

 28   commandant des transports, des problèmes que j'ai pu voir, de la


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  1   séparation, également je lui ai parlé des intentions, je lui ai parlé de

  2   tout ce dont je savais.

  3   Q.  Et s'agissant du 13, le commandant Blagojevic a-t-il ajusté vos

  4   responsabilités, vos tâches ? Vous a-t-il dit de ne rien faire de plus, de

  5   ne rien faire de moins ? A-t-il ajusté d'une certaine façon vos tâches ?

  6   R.  Non, il n'y a pas eu de changement particulier, sauf que le 13 dans la

  7   matinée, j'ai terminé ma permanence et je n'étais plus officier de

  8   permanence, puisque cette permanence dure de 19 heures la veille à 7 heures

  9   du matin le jour suivant.

 10   Mais s'agissant de mes tâches concernant l'opération qui avait lieu

 11   le 12, donc ma responsabilité était de continuer les mêmes activités dont

 12   je me suis occupé le 12, et c'était réellement la tâche principale que je

 13   devais effectuer pendant cette période.

 14   Q.  Et, Monsieur, d'après votre expérience, lorsqu'un officier supérieur ne

 15   change pas, ne modifie pas les tâches d'un officier subordonné, quel est le

 16   message que cela peut donner, un message à un subordonné concernant le fait

 17   de poursuivre ou pas ces tâches précédentes qui lui sont confiées ?

 18   R.  Il est tout à fait normal que s'il n'y a rien de nouveau, s'il n'y a

 19   pas d'objection, s'il n'y a pas de nouveaux ordres, logiquement parlant, on

 20   continue de faire ce que l'on faisait. Ceci veut également dire que le

 21   commandant est tout à fait satisfait de votre travail, c'est ce que je peux

 22   vous dire d'après mon expérience personnelle.

 23   Q.  Etes-vous allé à Potocari le 13 ?

 24   R.  Oui, j'y suis allé. Pendant un certain temps, j'étais dans la brigade,

 25   et après je suis allé à Potocari. Et ce jour-là, c'était ma première tâche.

 26   Q.  Avez-vous rencontré Dusko Jevic, également connu sous le nom de Stalin,

 27   le 13 ?

 28   R.  Si je me souviens bien, je l'ai vu le 13. Je suis rentré en contact


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  1   avec lui, avec Dusko Jevic, le 13. D'après moi, c'est le seul officier que

  2   j'ai contacté directement.

  3   Q.  Aviez-vous reçu des informations que vous aviez partagées avec M. Jevic

  4   le 13 ?

  5   R.  Le 13, dans la matinée, je détenais un assez grand nombre

  6   d'informations concernant la situation complète, donc des informations

  7   d'abord liées au déplacement des Musulmans, ensuite la détention des

  8   Musulmans à Konjevic Polje. Lorsque j'ai vu Jevic le 13, je lui ai dit que

  9   s'il était en contact avec ces effectifs, ou une partie des effectifs de la

 10   police qui se trouvaient sur l'axe Bratunac-Konjevic Polje, de les informer

 11   que les détenus qui ont été faits prisonniers à cet endroit-là devaient

 12   être transférés à Bratunac dans les installations qui étaient réservées à

 13   ces fins, à la détention des Musulmans.

 14   Q.  Et, Monsieur, comment aviez-vous interprété le sort de ces hommes qui

 15   avaient été capturés le long de cette route et qui allaient être transférés

 16   dans la région de Bratunac ?

 17   R.  Compte tenu de tout ce que j'ai vu jusqu'à ce jour, jusqu'à ce moment-

 18   là, et compte tenu de mon expérience et de tout ce que j'ai su, la

 19   situation sur le terrain, et je dois dire que s'agissant de cet espace

 20   entre Bratunac et Srebrenica, il y a eu une hécatombe horrible, il y a eu

 21   des meurtres en masse des deux côtés pendant toute cette période. Etant

 22   donné que je connaissais tout cela et que je suis né d'ailleurs à Bratunac,

 23   que je suis originaire de cette région, je ne pouvais arriver à aucune

 24   autre conclusion qu'à la conclusion que toutes les personnes qui avaient

 25   été détenues sur cet axe allaient être transférées à Bratunac et qu'ils

 26   allaient subir le même sort que toutes les personnes qui avaient été

 27   séparées à Bratunac. Pour ce qui me concerne, je ne pensais pas qu'il y

 28   avait une différence entre les personnes qui avaient été détenues sur l'axe


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  1   et d'autres qui, le 12, avaient été séparées et gardées détenues dans

  2   l'école Vuk Karadzic.

  3   Q.  Et lorsque vous avez dit qu'ils allaient "subir le même sort", à quoi

  4   faites-vous exactement référence ?

  5   R.  Je fais référence au fait que comme toutes les personnes qui avaient

  6   été détenues préalablement, qu'ils allaient être transférés à Bratunac et,

  7   par la suite, qu'ils allaient être tués.

  8   Q.  A la page 39, ligne 3, vous avez dit que : "Le même sort leur serait

  9   réservé, tout comme ces personnes qui avaient été prises à Potocari."

 10   Est-ce que vous vouliez dire qu'ils allaient subir le même sort que

 11   les hommes qui avaient été emmenés à Potocari, ou bien est-ce que vous

 12   pensiez à autre chose ?

 13   R.  Non, les personnes qui avaient été emmenées de Potocari et qui avaient

 14   été détenues à l'école Vuk Karadzic de Bratunac. Il s'agissait d'une école

 15   élémentaire.

 16   Q.  Très bien. Merci. Pour accélérer les débats, très rapidement, est-il

 17   exact de dire que le 13, vous êtes allé à Konjevic Polje deux fois, n'est-

 18   ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Pourriez-vous nous parler de ce premier voyage.

 21   R.  Je suis d'abord allé à Konjevic Polje une première fois à 12 heures 30,

 22   si je me souviens bien de l'heure, et la raison de mon déplacement était

 23   l'information que j'avais reçue, qu'à ce jour-là le long de l'axe de

 24   Konjevic Polje-Nova Kasaba, que le général Mladic, le commandant de l'état-

 25   major principal, allait passer par cette route. J'ai donc estimé,

 26   d'ailleurs même jusqu'à ce moment-là, puisque je m'occupais de tout

 27   sécuriser les déplacements du commandant de l'état-major lorsqu'il était

 28   présent, j'estimais que je devais m'assurer de la sécurité de cet axe et


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  1   voir un peu quelle était la situation. Donc accompagné d'un membre de la

  2   police militaire de la Brigade de Bratunac, à bord d'une Golf, nous nous

  3   sommes dirigés sur cet axe en question. Lorsque je suis arrivé, il s'agit

  4   d'une distance de 20 kilomètres environ, donc ça nous a pris environ une

  5   demi-heure pour y arriver, je me suis retrouvé à Konjevic Polje une demi-

  6   heure plus tard.

  7   Si vous voulez savoir ce que j'ai fait à Konjevic Polje, je peux vous en

  8   parler, mais c'était donc ma première fois.

  9   La deuxième fois, je suis resté à Konjevic Polje pendant un certain temps,

 10   et après le passage du général Mladic, je suis rentré à Bratunac.

 11   Q.  Est-ce que vous avez eu des contacts directs avec le général Mladic à

 12   Konjevic Polje le 13 ?

 13   R.  Oui. Il s'est arrêté à Konjevic Polje sur son chemin, et c'est là que

 14   je l'ai informé de la situation. Je me suis approché, je l'ai salué, et je

 15   lui ai dit : Monsieur le Commandant, tout va bien, la route est praticable

 16   et libre, enfin tout ce qu'on a l'habitude de dire lorsqu'on rend compte de

 17   cette manière-là.

 18   Q.  Le général Mladic, s'est-il adressé à l'un quelconque des prisonniers

 19   qui était sur place ?

 20   R.  Oui. A ce moment-là, il y avait déjà des prisonniers là. En fait, le

 21   général Mladic leur a parlé, leur a dit que tout allait bien se passer,

 22   qu'ils allaient être transférés, qu'il ne fallait pas qu'ils s'en

 23   préoccupent. C'est donc en gros ce qu'il leur a dit.

 24   Après cela, il est parti en direction de ses véhicules. Il y avait son

 25   escorte derrière lui, dont un groupe de ma Brigade de Bratunac qui

 26   l'escortait pendant tout le temps, y compris ce jour-là. Je lui ai demandé

 27   : Monsieur le Général -- puisque le 13, il y avait déjà pas mal de

 28   personnes déplacées et la situation était plutôt chaotique, je lui ai


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  1   demandé : Mon Général, que va-t-il advenir de ces gens ? Que va-t-on en

  2   faire ? Et lui, il a fait un geste de la main. Il ne m'a rien dit

  3   verbalement, mais il a fait un geste comme ça, et j'ai compris son geste.

  4   Et après, il est monté dans la voiture et il est reparti vers Nova Kasaba.

  5   Q.  Pour que nous puissions consigner cela au compte rendu d'audience,

  6   Monsieur le Témoin, vous avez décrit un geste fait par le général Mladic,

  7   il a bougé son bras de gauche à droite au niveau de la poitrine; c'est bien

  8   cela ?

  9   R.  C'était à peu près comme ce que je viens de montrer, donc ce que vous

 10   avez vu.

 11   Q.  Très bien, Monsieur, nous avons juste besoin de consigner quelque chose

 12   par écrit au compte rendu d'audience.

 13   Est-ce que vous avez croisé Resid Sinanovic à un moment donné ?

 14   R.  Oui, bien sûr.

 15   Q.  Pourriez-vous nous dire de quel type de rencontre il s'agit, s'il vous

 16   plaît.

 17   R.  Après la fin, ou plutôt, avant que je ne revienne à Bratunac, à

 18   Konjevic Polje, de la part de la police - la police civile - j'ai appris

 19   qu'ils avaient un prisonnier important, et ils m'ont dit de qui il

 20   s'agissait. Quand ils m'ont dit le nom, il s'agissait de Resid Sinanovic.

 21   C'est un homme que j'avais connu depuis toujours. C'est quelqu'un qui a

 22   vécu et qui a travaillé à Bratunac, je le connais de là. Avant que le

 23   conflit n'éclate, entre autres, il a été chef de la police civile de

 24   Bratunac. Avec ce policier qui m'accompagnait, nous avons pris la voiture.

 25   Nous avons pris Resid, qui s'est installé sur le siège arrière, et nous

 26   l'avons transporté à la Brigade de Bratunac. C'est moi et ce policier qui

 27   avons remis Resid Sinanovic à la police militaire, à Celanovic Zlatan

 28   directement, qui travaillait comme juriste et qui se chargeait


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  1   d'interrogatoires dans 95 % des cas. C'est lui qui interrogeait les

  2   prisonniers de guerre et qui se chargeait de tout le reste, de recueillir

  3   les informations, d'interroger les prisonniers de guerre, d'apprécier si

  4   les éléments d'une infraction ou d'un crime sont présents, et cetera.

  5   Pour autant que je le sache, c'est Zlatan Celanovic qui a interrogé Resid

  6   Sinanovic. Il existe un PV, une partie du PV de son interrogatoire. Pendant

  7   qu'il se trouvait à Bratunac, ses amis, des Serbes qui le connaissaient et

  8   qui avaient vécu et travaillé avec lui, lui ont rendu visite, et après

  9   cette visite, Celanovic Zlatan m'a fait comprendre par la suite que,

 10   d'après lui, pour autant qu'il sache, d'après son interrogatoire, il n'y

 11   avait aucun élément d'un crime quelconque, ce n'était pas un criminel, et

 12   qu'il a décidé de le transférer à l'école Vuk Karadzic où il allait

 13   rejoindre le reste des prisonniers.

 14   Ensuite, qu'en sais-je. Le 14, avec le convoi qui allait partir pour

 15   Zvornik, donc avec les autres prisonniers, il a été transféré lui aussi,

 16   Resid Sinanovic. Dans la Brigade de Zvornik, vous savez tout comme moi ce

 17   qui s'y est passé. Ils se sont livrés à des exécutions en masse. Entre

 18   autres, à en juger d'après ce qu'en savent mes avocats et d'après les

 19   informations que nous avons, c'est à Zvornik qu'il a été blessé, Resid

 20   Sinanovic a été blessé. Il a traversé la Drina à la nage. Il faut savoir

 21   que Zvornik est situé sur la Drina. Il a traversé la Drina à la nage et il

 22   s'est retrouvé dans l'Etat voisin, en République de Serbie. Il est arrivé

 23   dans un café, où les propriétaires l'ont reconnu, et ils l'ont transféré

 24   dans un hôpital.

 25   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris la localité où se situe

 26   l'hôpital.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] A partir du moment où j'ai décidé de plaider

 28   coupable, mes avocats ont réuni tout le dossier relatif à l'hospitalisation


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  1   de Sinanovic et ils ont remis tout cela au bureau du Procureur.

  2   Par la suite, mes avocats m'ont également fait comprendre que Resid

  3   Sinanovic avait été transmis par la police de Zvornik, je ne sais pas

  4   laquelle, depuis l'hôpital, et que cette information que Sinanovic se

  5   trouve à l'hôpital a été fournie par une femme médecin qui précédemment

  6   avait travaillé à Bratunac et qui était voisine de Sinanovic; ils

  7   habitaient au même étage. Elle a téléphoné à la police, donc probablement

  8   la police de Zvornik a été contacté, et d'après l'enquête menée par mes

  9   avocats, on a pu apprendre que Resid Sinanovic a été remis depuis l'hôpital

 10   et qu'il a été liquidé, tué sur le pont qui sépare la Bosnie-Herzégovine de

 11   la Serbie.

 12   M. THAYER : [interprétation]

 13   Q.  Lorsque vous parlez de l'hôpital où a été hospitalisé M. Sinanovic,

 14   l'hôpital se trouvait en Serbie ou en Bosnie-Herzégovine ?

 15   R.  L'hôpital se trouvait en Serbie.

 16   Q.  Et pourriez-vous à présent parler aux Juges de la Chambre de cette

 17   deuxième fois où vous vous êtes rendu à Konjevic Polje ?

 18   R.  Oui, je peux le faire.

 19   La deuxième fois où je me suis rendu à Konjevic Polje c'était peu après mon

 20   retour, après la première fois où j'y étais parti avec une Golf. La

 21   deuxième fois, je pars à Konjevic Polje avec le chef de la police

 22   militaire, Mirko Jankovic, et avec son adjoint, Milo Petrovic. Nous sommes

 23   partis à bord d'un transporteur blindé. Mirko Jankovic, le chef de la

 24   police militaire, était capable de piloter un transporteur blindé. Ce

 25   véhicule se trouvait au siège de la Brigade de Bratunac, il appartenait au

 26   Bataillon néerlandais. Il y en avait plusieurs, pas un seul. Il était

 27   capable de le conduire. Il en a pris un, et nous avons emprunté cette

 28   route.


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  1   C'était le 13. A un moment donné de l'après-midi, à ce moment-là, sur cette

  2   voie de communication, pour autant que j'ai pu le voir, de Sandici jusqu'à

  3   Konjevic Polje, il y avait déjà le déploiement des forces de la police de

  4   la Republika Srpska, et le long de cette route, on voyait déjà des

  5   déplacements des prisonniers par groupes. Ils étaient déjà à Sandici, des

  6   prisonniers, et puis quasiment jusqu'à Konjevic Polje. Quand je suis arrivé

  7   à Konjevic Polje, il y avait là déjà sur place un grand nombre d'individus

  8   faits prisonniers.

  9   Je ne sais pas ce qui vous intéresse plus particulièrement au sujet de ce

 10   deuxième déplacement.

 11   Q.  Vous vous rappelez le haut-parleur sur l'APC, le transporteur blindé ?

 12   R.  Oui, bien sûr.

 13   Q.  Est-ce qu'il a été utilisé à quelque fin que ce soit, par qui que ce

 14   soit ?

 15   R.  Oui. Mirko Jankovic, à partir du moment où on avait quitté Sandici, il

 16   s'est servi de ce porte-voix pour s'adresser aux Musulmans, par le biais de

 17   ce porte-voix.

 18   Q.  Et pendant ce voyage, est-ce qu'il y a eu des Musulmans qui se sont

 19   rendus à vous ?

 20   R.  Oui. Sur la route, lorsqu'on avançait vers Konjevic Polje, après

 21   Sandici, Pervani, à peu près à cet endroit-là sur la route, nous avons

 22   rattrapé un groupe de six hommes, six Musulmans qui marchaient. Nous avons

 23   arrêté le transporteur et nous avons fait monter à bord de ce transporteur

 24   ces six Musulmans et nous les avons transportés à Konjevic Polje. Quand

 25   nous sommes arrivés là-bas, nous avons garé le transporteur devant le

 26   carrefour et j'ai dit à Mile Petrovic qu'il doit emmener ces prisonniers là

 27   où se trouvaient les autres.

 28   Au bout d'un certain temps, Mile Petrovic est revenu. J'étais assis à même


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  1   le carrefour. Quand on arrive de Bratunac, sur la gauche, il y a une maison

  2   qui avait été incendiée, mais il y avait une terrasse en béton devant, et

  3   j'étais assis là. Ils étaient en train de cuisiner quelque chose pour

  4   manger. Et j'ai entendu une rafale. Mile Petrovic est venu me voir et il

  5   m'a dit littéralement : Chef, je viens de venger mon frère. Et je lui ai

  6   dit : Mais qu'as-tu fait ? Et il m'a répondu : Je les ai tués.

  7   Je lui ai demandé : Qu'as-tu fait ? Il m'a répondu : Là, il y avait une

  8   espèce de bâtiment jaune appartenant à cette ferme, et tout de suite à

  9   côté, il y a une petite rivière, et il m'a dit que c'est là qu'il les a

 10   emmenés et qu'il les a exécutés. Je ne suis pas allé sur place pour voir

 11   s'il l'a effectivement fait. J'ai eu un malaise quand j'ai entendu cela. Je

 12   n'ai rien fait. J'ai déjà répété cela à d'innombrables reprises, je n'ai

 13   rien entrepris, alors que j'aurais dû en parler à Celanovic. Je lui ai dit

 14   ce qui s'était passé, mais officiellement, je n'ai absolument pas demandé

 15   que l'on fasse quoi que ce soit, alors que j'aurais dû.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le Juge Mindua a une question.

 17   M. LE JUGE MINDUA : Oui, Monsieur le Procureur, excusez-moi. Avant de

 18   passer à un autre sujet, je voudrais revenir au transcript, à la

 19   quarantième page, et aussi à la quarante-et-unième page.

 20   Monsieur le Témoin, à la quarante-et-unième -- à la quarantième page de

 21   transcript, ligne 22 à la ligne 24, vous avez mentionné que le général

 22   Mladic a dit aux prisonniers que rien de mal n'allait leur arriver.

 23   Ensuite, à la quarante-et-unième page, lignes 5 à 8, vous expliquez que

 24   lorsque vous avez demandé au général Mladic au sujet du sort des

 25   prisonniers, il a fait un geste, que vous avez exécuté. C'est quoi --

 26   quelle est l'interprétation de ce geste ? Que signifie-t-il ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Puisque je connais le général Mladic, il m'est

 28   facile de savoir ce qu'il avait à l'esprit. Mais croyez-moi, là où je vis,


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  1   et dans mon Etat, ce geste, et sa réaction suite à ma question, lorsque

  2   j'ai demandé : Mon Général, mais qu'allait-il advenir véritablement de ces

  3   hommes ? Je peux vous dire que c'est avec raison que j'ai posé cette

  4   question, parce que j'ai vu ce qui était en train de se passer à Potocari.

  5   A Potocari, j'ai vu les mêmes promesses et la distribution de chocolat, et

  6   je savais ce qui se cachait derrière cela. Je savais ce qui attendait ces

  7   gens-là. Donc de même, lorsqu'il a fait ce geste de la main lorsque je lui

  8   ai demandé, Mon Général, qu'allait-il véritablement se passer de ces gens-

  9   là, parce que moi, personnellement, je ne faisais pas confiance à ses

 10   paroles. Donc je lui ai demandé ce qu'il allait advenir de ces gens-là, et

 11   quand il a fait ce geste, j'ai compris que ces gens allaient être tués. Je

 12   n'aurais pas pu tirer une autre conclusion suite à cette réaction du

 13   général Mladic.

 14   M. LE JUGE MINDUA : Et où --

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Et vraiment, c'est ce qui est arrivé à ces

 16   gens. Ils ont été transférés à Bratunac, Zvornik, et puis ils ont été tués.

 17   Puisque j'ai vu tout cela à Potocari, je n'aurais absolument pas pu penser

 18   autre chose, autre conclusion que cela.

 19   M. LE JUGE MINDUA : D'accord. Au moment où le général Mladic faisait ce

 20   geste, il était clair dans votre esprit que ces gens allaient être tués. Et

 21   donc, on peut légitimement tirer la conclusion qu'au moment où le général

 22   Mladic parlait aux prisonniers, il était consciemment en train de leur

 23   mentir. Il mentait sur leur sort; c'est bien ça ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dit je doutais totalement de la

 25   véracité de ses promesses et de ce qu'il disait. J'en doutais. Je n'osais

 26   pas lui dire quoi que ce soit, mais je ne lui faisais pas confiance. Je ne

 27   faisais pas confiance lorsqu'il disait ces promesses. Il se trouvait face à

 28   ces gens-là et il leur disait qu'ils allaient être transportés en sécurité,


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  1   que tout allait bien se passer. Or, à Potocari, on met de côté les gens qui

  2   n'ont rien à voir avec l'armée. Donc les gens -- et je vous réponds de ma

  3   vie, que la plus grande majorité des gens qui ont été séparés à Potocari

  4   n'avaient rien à voir avec l'armée, n'avaient jamais pris part aux

  5   activités de l'armée, n'ont jamais pris un fusil, alors qu'on les a mis de

  6   côté. Donc c'est ça qui m'a amené à ne pas faire confiance à ce qu'il

  7   disait.

  8   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mme le Juge Nyambe a une question.

 10   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Une question de suivi après les

 11   questions du Juge Mindua.Est-ce que c'est à l'époque que vous ne faisiez

 12   pas confiance au général Mladic ou est-ce maintenant uniquement ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne faisais pas confiance à ce que disait le

 14   général Mladic à ce moment-là. A ce moment-là, je ne faisais pas confiance

 15   à ses paroles. Je ne pensais pas que ce qu'il promettait aux prisonniers de

 16   Konjevic Polje allait effectivement se produire. Donc ce qu'il leur a dit

 17   quand il leur a adressé la parole.

 18   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je -- excusez-moi, je vous ai

 19   interrompu.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Et je voudrais ajouter, quant à de

 21   nombreuses décisions et sur de nombreux points, si vous me posez la

 22   question à moi personnellement, je dois vous dire que je ne faisais pas

 23   confiance à ces choses-là, et je n'étais pas d'accord sur de nombreux

 24   points. Mais par les temps qui couraient, s'opposer au général Mladic, dire

 25   quoi que ce soit de contraire à sa position, ça équivalait à commettre un

 26   suicide. Donc je n'ai même pas tenté de m'opposer à lui, je n'ai même pas

 27   essayé de dire ouvertement que je n'étais pas d'accord. Je n'ai pas osé.

 28   Peut-être qu'il y avait des gens qui avaient le culot de le faire, mais moi


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  1   je ne l'avais pas.

  2   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je voulais juste corriger le compte

  3   rendu d'audience. Ma question était la suivante : "Est-ce à l'époque que

  4   vous ne faisiez pas confiance aux propos du général Mladic ?" Donc je

  5   voudrais que ce soit corrigé.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais c'est exactement de cette

  7   manière-là que nous vous avons entendue, et j'espère que le témoin vous a

  8   correctement comprise.

  9   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Thayer.

 10   M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Avant de passer aux événements qui ont suivi, est-ce que vous

 12   connaissez Nenad Deronjic et Mirko Peric ?

 13   R.  Nenad… quel est son nom de famille ? Deronjic, je pense. Nenad Deronjic

 14   et Mirko Peric, ce sont des policiers du poste de sécurité publique de

 15   Bratunac. Donc ce sont des policiers du poste de police.

 16   Q.  Est-ce que, de mémoire, vous les avez vus, l'un ou l'autre, ou les

 17   deux, pendant le premier ou le deuxième de vos déplacements, ou les deux,

 18   vers Konjevic Polje le 13 juillet ?

 19   R.  Oui, je les ai vus tous les deux.

 20   Q.  Vous souvenez-vous si c'était pendant le premier déplacement ou pendant

 21   le deuxième ? Ou les deux ?

 22   R.  Il me semble que c'était pendant les deux. Car cela a pu durer trois ou

 23   quatre heures, ce laps de temps. Je ne voudrais pas me tromper, mais je les

 24   ai vus quand ils sont venus à Konjevic Polje.

 25   Q.  D'accord. Monsieur, est-ce que vous êtes revenu dans votre commandement

 26   pendant la journée du 13, après être allé à Konjevic Polje ?

 27   R.  Oui. Au bout d'un certain temps, c'était dans l'après-midi, disons

 28   entre 17 heures, 17 heures 15 et 17 heures 30. C'était dans l'après-midi;


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  1   ce n'était pas encore le crépuscule, mais l'après-midi était avancé.

  2   Q.  Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la Chambre si, pendant la

  3   soirée en question, on a pris contact avec vous pour aller rencontrer

  4   quelqu'un ?

  5   R.  Oui. J'étais arrivé au commandement de la Brigade de Bratunac, et à un

  6   moment donné, je suis allé à la cantine, et puis dans la salle

  7   d'opérations. Et je sais qu'on m'a informé depuis le centre de transmission

  8   que le soir en question il fallait que je me présente au colonel Beara au

  9   centre de la ville de Bratunac.

 10   Q.  Est-ce que vous vous souvenez à peu près à quel moment votre centre de

 11   transmission vous a informé de cela ?

 12   R.  Je ne sais pas exactement. Ceux qui travaillent au centre de

 13   transmission le sauraient mieux que moi. Mais je pense que c'était entre 17

 14   heures 30, ou plutôt, 18 heures, ou peut-être vers 18 heures 30 ou un peu

 15   plus tard, je ne me souviens plus exactement précisément. Mais je sais que

 16   c'est là qu'ils m'en ont informé.

 17   Q.  Le 13 juillet 1995, saviez-vous qui était le colonel   Beara ?

 18   R.  Oui, je le savais.

 19   Q.  Aviez-vous eu l'occasion de le rencontrer précédemment ?

 20   R.  Oui, j'ai fait sa connaissance. A plusieurs reprises, j'ai eu

 21   l'occasion d'être en contact avec lui, d'échanger des propos. Et je l'ai vu

 22   personnellement.

 23   Q.  Et ces contacts correspondent à quels types d'activités ?

 24   R.  Ces contacts, c'étaient surtout dans le cadre de nos activités

 25   professionnelles. Avant l'opération Srebrenica, il me semble que le colonel

 26   Beara est venu nous voir à Bratunac pour parler de la situation qui

 27   prévalait à Srebrenica. Et il a demandé que l'on prenne contact avec Naser

 28   Oric, et c'était dans ce sens-là. C'étaient des questions qui avaient à


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  1   voir avec tout ce qui relève de la sécurité et du renseignement.

  2   Q.  Et avez-vous rencontré le colonel Beara dans la soirée du 13 juillet ?

  3   R.  Oui. Après en avoir été informé, je suis allé rencontrer le colonel

  4   Beara dans le centre-ville de Bratunac.

  5   Q.  Est-ce que vous pouvez nous parler de cette rencontre.

  6   R.  Donc je suis arrivé dans la ville de Bratunac. Je voudrais juste

  7   préciser une chose à l'attention des Juges par rapport à la ville de

  8   Bratunac.

  9   C'est une localité, c'est une bourgade qui a une rue, un hôtel, le

 10   bâtiment de la mairie. Et où qu'on aille, on se retrouve au centre-ville,

 11   parce que c'est une petite bourgade. Et c'est justement là que j'ai trouvé

 12   le colonel Beara, donc il y a un rond-point au centre de la localité. Et le

 13   colonel Beara m'a ordonné de me rendre à Zvornik et de transmettre à Drago

 14   Nikolic, le chef de la sécurité de la Brigade de Zvornik, que les

 15   prisonniers se trouvant à Bratunac doivent être transférés dans la zone de

 16   responsabilité de la Brigade de Zvornik et que M. Drago Nikolic doit

 17   préparer les bâtiments et tout le reste pour que l'on puisse prendre en

 18   charge ces prisonniers de Bratunac dans la zone de responsabilité de la

 19   Brigade de Zvornik, dans ces bâtiments.

 20   Q.  Tout d'abord, Monsieur le Témoin, je vois au compte rendu d'audience --

 21   il semble que vous ayez dit que Drago Nikolic était le chef de la sécurité

 22   de la Brigade de Bratunac. Est-ce exact qu'il était donc le chef de

 23   sécurité d'une unité ou est-ce qu'il est chef de la sécurité d'une autre

 24   unité ?

 25   R.  Je vous prie de m'excuser, j'ai fait une erreur. Drago Nikolic est le

 26   chef de la sécurité de la Brigade de Zvornik. Je vous prie de m'excuser.

 27   Q.  Est-ce que le colonel Beara vous a demandé de donner d'autres

 28   informations à Drago Nikolic sur le devenir des prisonniers une fois qu'ils


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  1   étaient arrivés dans la zone de responsabilité de la Brigade de Zvornik ?

  2   R.  Oui. Le colonel Beara a également parlé du fait que tous les

  3   prisonniers à Bratunac devaient être transférés là-bas et devraient être

  4   placés en détention temporaire dans ces sites.

  5   Il a dit que les prisonniers qui seraient transférés là-bas seraient

  6   également tués par après, c'est-à-dire après avoir été détenus dans la zone

  7   de responsabilité de la Brigade de Zvornik. Je dois dire qu'à l'époque tout

  8   était très clair. Et même si le colonel Beara ne m'avait rien dit à

  9   l'époque, je savais pertinemment ce qui allait advenir. Je savais que ces

 10   gens allaient être transférés et seraient tués à Zvornik.

 11   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez suivi l'ordre du colonel

 12   Beara, à savoir est-ce que vous avez informé Drago Nikolic ?

 13   R.  Oui, j'ai suivi cet ordre. J'ai contacté la Brigade de Zvornik et j'ai

 14   transmis les ordres. Je leur ai dit ce que le colonel Beara m'avait dit de

 15   dire.

 16   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qui s'est passé durant votre

 17   voyage jusqu'à la Brigade de Zvornik.

 18   R.  D'accord. Après avoir reçu cet ordre du colonel Beara, je suis allé en

 19   voiture jusqu'à la Brigade de Zvornik, qui est à 40 kilomètres de Bratunac

 20   environ. J'ai utilisé le même itinéraire, c'est-à-dire Bratunac-Konjevic

 21   Polje-Drinjaca-Zvornik, et après une heure ou une heure 15 minutes, peut-

 22   être un peu plus longtemps, je suis arrivé au poste de commandement de la

 23   Brigade de Zvornik. Je me suis garé devant ce poste de commandement. Et à

 24   l'entrée, je me suis présenté devant la guérite, qui est l'endroit où tous

 25   les visiteurs doivent faire un rapport. Avant de rentrer dans l'enceinte,

 26   je dois préciser que je n'avais pas de carte d'identité. Cependant, nous

 27   avions une pièce d'identité avec une photo, avec notre nom et notre prénom

 28   et la brigade à laquelle nous appartenions. Donc je disposais d'un document


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  1   qui faisait état de mon identité, Momir Nikolic, capitaine, chef de

  2   l'organe de sécurité. C'est ce que je leur ai présenté.

  3   Il y avait un soldat devant la guérite, et à l'intérieur de la

  4   guérite il y avait deux, trois ou quatre autres soldats. Je ne me souviens

  5   plus exactement. J'ai dit à la personne qui était à l'intérieur de la

  6   guérite pour qui je travaillais. Il a donc nommé un officier de police qui

  7   m'a accompagné à l'intérieur de l'enceinte de la Brigade de Zvornik.

  8   Après m'être présenté devant cette guérite, je suis ensuite allé au

  9   bâtiment où se trouvait le commandement. Je suis arrivé dans un bureau, et

 10   l'on m'a dit qu'il s'agissait du bureau de l'officier de garde responsable

 11   des opérations. Je lui ai dit que je voulais voir Drago Nikolic parce que

 12   je devais transmettre un ordre personnel que j'avais reçu du colonel Beara.

 13   On m'a dit que Drago Nikolic n'était pas dans l'enceinte de la Brigade de

 14   Zvornik et qu'à l'heure actuelle il s'acquittait d'une mission au poste de

 15   commandement avancé de la Brigade de Zvornik. Durant cette période, ils ont

 16   appelé un officier, et cette personne est arrivée et m'a demandé si elle

 17   pouvait m'être d'une aide quelconque. J'ai répondu non, que je devais

 18   transmettre cet ordre personnellement à Drago Nikolic, que je ne pouvais

 19   pas utiliser qui que ce soit d'autre pour transmettre cet ordre.

 20   C'est donc à ce moment-là que nous avons quitté le poste de

 21   commandement. J'ai repris mon véhicule et, avec trois policiers, nous

 22   sommes allés ensemble en direction du poste de commandement avancé de la

 23   Brigade de Zvornik. Et comme je l'ai déjà dit dans mes dépositions, je

 24   pense qu'il nous a fallu une trentaine, 35 ou 40 minutes. Tout d'abord,

 25   nous avons utilisé une route goudronnée, et ensuite nous avons emprunté une

 26   piste. Et nous sommes donc arrivés au poste de commandement avancé. J'ai

 27   fait demi-tour avec la voiture et j'ai fait marche arrière dans la cour de

 28   ce poste avancé. L'officier de police est entré à l'intérieur de cette cour


Page 12415

  1   et a appelé Drago Nikolic. Drago Nikolic est sorti, il a descendu des

  2   escaliers qui étaient au devant du bâtiment. Et c'est là que je lui ai

  3   transmis l'ordre que j'avais reçu du colonel Beara, qui était donc à son

  4   attention, Drago Nikolic donc.

  5   Je lui ai dit qu'on m'avait donné l'ordre de lui dire qu'il s'attende à ce

  6   que ce soir-là et dans la période qui allait suivre, tous les prisonniers

  7   de Bratunac feraient l'objet d'un transfert. Il devait assurer la sécurité

  8   des bâtiments. J'ai dit à Drago Nikolic que j'étais convaincu que selon

  9   moi, ces gens allaient être tués sur le territoire en question. Drago n'a

 10   fait aucun commentaire. Il m'a dit : Je suis l'officier responsable. Je

 11   vais contacter mon commandement et je vais voir ce qu'il faut faire.

 12   Voilà donc comment les choses se sont déroulées. Donc cette conversation

 13   qui m'a permis de transmettre cet ordre a duré peut-être cinq, six, sept,

 14   voire dix minutes. J'ai repris mon véhicule. Je suis retourné en direction

 15   de la Brigade de Zvornik. J'ai fait descendre l'escorte de policier qui

 16   était à bord de mon véhicule. Et ensuite, je suis reparti en direction de

 17   Bratunac en utilisant le même itinéraire.

 18   Q.  Durant votre voyage de retour en direction de Bratunac, est-ce que vous

 19   avez observé quelque chose qui mérite d'être mentionné ?

 20   R.  En chemin, en revenant de Zvornik en direction de Bratunac, j'ai vu des

 21   bus qui allaient en direction de Zvornik. Pas beaucoup. Deux, trois, peut-

 22   être quatre au plus. C'est la seule chose que j'ai observée durant mon

 23   voyage en direction de Bratunac.

 24   Q.  Dites-nous ce qui s'est passé lorsque vous êtes arrivé à votre poste de

 25   commandement ce soir-là.

 26   R.  Après être rentré ce soir-là, je me suis rendu à l'hôtel Fontana. Cela

 27   signifie que je ne suis pas allé directement au poste de commandement. Je

 28   suis d'abord allé à l'hôtel Fontana. Et étant donné que le colonel Beara


Page 12416

  1   était à cet hôtel, je lui ai fait rapport et je lui ai dit que j'avais

  2   transmis son ordre.

  3   Il se trouvait effectivement à l'hôtel Fontana, et je lui ai dit que

  4   j'avais trouvé Drago Nikolic et que je lui avais transmis l'ordre qu'il

  5   m'avait donné.

  6   Q.  Et que s'est-il passé ensuite ?

  7   R.  Ensuite -- en fait, il faudrait que je commence par vous dire quelque

  8   chose que je considère comme étant important. Lorsque je suis rentré à

  9   Bratunac, c'était déjà le 13, vers minuit. Le chaos complet régnait à

 10   Bratunac. Je n'ai jamais vu dans ma vie un chaos plus prononcé et autant de

 11   problèmes dans une zone aussi restreinte, c'est-à-dire le centre de

 12   Bratunac, un lieu que je connais très bien.

 13   Donc, lorsque je suis rentré à Bratunac, Bratunac était bondée. Dans

 14   les villes, dans les terrains de jeux, dans les aires de stationnement de

 15   la ville, il y avait des bus qui étaient garés, avec les gens qui avaient

 16   été capturés à Konjevic Polje et qui avaient été amenés ici. Ensuite, j'ai

 17   appris que tous les prisonniers qui étaient à Kasaba et à Konjevic Polje

 18   avaient été transférés à Bratunac.

 19   La situation était donc terrible. C'était le chaos. L'anarchie

 20   régnait. Le colonel Beara m'a dit qu'il allait rencontrer le président du

 21   SDS et le chef du centre, et il m'a dit de l'amener là-bas parce que la

 22   réunion devait avoir lieu dans les locaux du SDS à Bratunac. Je l'ai

 23   accompagné, puisqu'on pouvait y aller à pied, c'était à 30 ou 40 mètres.

 24   Nous sommes allés en direction du bâtiment et nous sommes rentrés dans le

 25   bureau du président du SDS, Miroslav Deronjic.

 26   Q.  Et que s'est-il passé ensuite ?

 27   R.  Dans le bureau de Miroslav Deronjic, vous aviez lui-même, Miroslav

 28   Deronjic, le colonel Beara est arrivé, je l'accompagnais, et après quelques


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  1   instants, le colonel Vasic est également arrivé.

  2   Alors, pour être bref, dès le départ, il y a eu un grand malentendu. En

  3   d'autres termes, Deronjic et le colonel Beara ont commencé à se quereller

  4   concernant le statut des prisonniers. Ils ont échangé également des propos

  5   houleux concernant ce qui devait être fait. Ce que je voudrais dire, c'est

  6   que les personnes présentes à cette réunion, c'est-à-dire Deronjic, le

  7   colonel Beara et Vasic, ont parlé ouvertement du fait que les prisonniers

  8   allaient être tués. Ils ont parlé ouvertement du fait que les personnes qui

  9   avaient été capturées et détenues seraient tuées. Ils ont parlé de leur

 10   statut et de ce qui allait advenir. Deronjic et Beara n'étaient pas

 11   d'accord. Ils ont cité les ordres qu'ils avaient reçus de leurs supérieurs

 12   respectifs.

 13   Cette querelle a duré un certain temps. Ensuite, ils se sont assis et

 14   ils ont commencé à se calmer, à parler plus calmement de ce qu'il faudrait

 15   faire. J'ai déjà déposé à plusieurs reprises là-dessus, à savoir que

 16   Miroslav Deronjic, et je l'ai vu, je l'ai entendu, Miroslav Deronjic

 17   voulait que tous les prisonniers quittent le territoire de Bratunac, quel

 18   que soit le coût que cela représentait. Mais il y avait une contradiction.

 19   Et je dois vous dire exactement ce qui s'est passé. Je souhaite vous dire

 20   cela. Le colonel Beara m'envoie à Zvornik de façon à ce que Drago Nikolic

 21   puisse dégager de la place. Entre-temps, ces ordres ou ces décisions ont

 22   probablement changé. J'étais le responsable des opérations. Je sais

 23   exactement comment les choses se déroulent.

 24   Toutes les demi-heures, vous recevez une décision orale ou un ordre

 25   oral qui change la position précédente. Le colonel Beara a insisté, en ma

 26   présence, il voulait qu'ils restent sur le territoire de Bratunac. A ce

 27   moment-là, je ne comprenais pas exactement ce qui se passait, puisqu'il

 28   m'avait demandé d'aller à Zvornik, et maintenant, il insistait pour que je


Page 12418

  1   reste à Bratunac. Et, bien sûr, après cette querelle, après cette

  2   conversation, je me suis rendu compte que les ordres qu'avait reçus

  3   Miroslav Deronjic par la ligne hiérarchique civile et les ordres reçus par

  4   le colonel Beara par la ligne hiérarchique militaire n'étaient pas

  5   harmonisés, bien au contraire, d'où le malentendu et la querelle. Ensuite,

  6   ils sont tombés d'accord et ont décidé que tous les prisonniers, tous les

  7   soldats, tous ceux qui avaient été détenus et qui venaient de cet endroit-

  8   là devaient être envoyés dans la zone de responsabilité de la Brigade de

  9   Zvornik le lendemain. Et c'est exactement ce qui s'est passé le lendemain,

 10   c'est-à-dire le 14, durant la matinée.

 11   Tous les prisonniers de tous les endroits où ils étaient détenus à

 12   Bratunac, tous les bus garés à Bratunac ont été escortés et sont allés en

 13   direction de la municipalité de Zvornik, dans la zone de responsabilité de

 14   la Brigade de Zvornik.

 15   Q.  Permettez-moi --

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai une question très brève à poser.

 17   A ce moment-là, vous vous trouviez où ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, j'étais dans les locaux du

 19   SDS. Ces locaux sont composés d'un bureau avec une table --

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non. Merci, c'est tout ce que je

 21   voulais savoir.

 22   Monsieur Thayer, vous pouvez poursuivre.

 23   M. THAYER : [interprétation]

 24   Q.  Donc, Monsieur le Témoin, vous étiez présent dans la pièce où s'est

 25   tenue cette réunion entre Beara, Vasic et Deronjic ?

 26   R.  Non, je n'ai pas participé à la réunion. Je n'étais pas assis à la même

 27   table que ces trois personnes dans cette pièce.

 28   Q.  Vous étiez à quelle distance de la pièce où s'est tenue la réunion ?


Page 12419

  1   R.  A un mètre. Mettons que la pièce où avait lieu la réunion était ici,

  2   c'est l'endroit où vous avez le secrétaire du président, donc en général il

  3   y a trois ou quatre chaises, puis vous avez la porte, qui est tout le temps

  4   ouverte et qui donne sur le bureau du président du SDS. Beaucoup de

  5   personnes entraient et sortaient. Donc je dirais que je n'étais pas à plus

  6   d'un mètre. C'est là où se trouvait cette pièce, et ils étaient assis

  7   autour d'une table dans cette autre pièce.

  8   Q.  Quelle était exactement le poste de M. Vasic à l'époque ?

  9   R.  Autant que je sache, M. Vasic était le chef du centre de la sécurité de

 10   Zvornik à l'époque.

 11   Q.  Il y a quelques instants, vous nous avez dit que le colonel Beara et M.

 12   Deronjic ont tous les deux parlé d'intentions et de leurs supérieurs. Qui

 13   était le supérieur de M. Deronjic ? A qui répondait-il ?

 14   R.  Je vais vous le dire très précisément. M. Deronjic parlait très souvent

 15   du président Karadzic. Et je suis sûr qu'à l'époque, lorsqu'il parlait de

 16   son supérieur, il parlait du président Karadzic.

 17   Q.  Et lorsque le colonel Beara parlait de son supérieur, de qui parlait-il

 18   ?

 19   R.  Je crois -- enfin, je ne crois pas. J'en suis sûr, tout est clair. Pour

 20   nous tous, y compris le colonel Beara, c'était le général Mladic qui était

 21   notre supérieur. Donc lorsque le colonel Beara mentionnait un supérieur ou

 22   son patron, il parlait du général Mladic.

 23   Q.  Est-ce que vous vous souvenez -- enfin, je vais citer une partie de

 24   votre déposition dans le procès Blagojevic, page du compte rendu d'audience

 25   1 752 - est-ce que vous vous souvenez avoir répondu de la manière suivante,

 26   et je vous cite : "Ce que j'ai entendu, c'est que Miroslav Deronjic avait

 27   dit qu'il avait déjà parlé au président Karadzic et qu'il avait reçu ses

 28   instructions et ses ordres, à savoir que tous les prisonniers devaient être


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  1   transportés en direction de Zvornik."

  2   Est-ce que vous vous souvenez avoir répondu de cette manière, et si tel est

  3   le cas, est-ce que vous confirmez ces propos ?

  4   R.  Oui, je m'en souviens. Et je confirme ce que j'ai dit. Il est vrai que

  5   c'est ce qu'a dit Miroslav Deronjic.

  6   Q.  Vous nous avez parlé de ce que vous avez décrit comme étant un

  7   malentendu entre le colonel Beara et M. Deronjic au début de la réunion. Et

  8   vous nous avez décrit le fait que d'une part, le colonel Beara vous avait

  9   donné l'ordre de vous rendre à Zvornik, et d'autre part, vous entendez le

 10   colonel Beara dire que les hommes devaient rester à Bratunac. Le colonel

 11   Beara a donc parlé d'hommes qui, selon lui, devaient rester à Bratunac.

 12   Qu'a-t-il dit sur leur devenir ?

 13   R.  A l'époque, et nous sommes donc le 14, très tôt le matin, il est minuit

 14   et demi, et on savait pertinemment que tous les prisonniers allaient être

 15   tués. Il n'était pas nécessaire de rajouter quoi que ce soit.

 16   La seule question était de savoir si ces personnes allaient être

 17   tuées à Bratunac ou si elles allaient être transférées à Zvornik et tuées

 18   là-bas. Mais tout était très clair à l'époque.

 19   Q.  Nous aimerions des précisions. Vous avez dit que les participants à

 20   cette réunion parlaient ouvertement de tuer les prisonniers. Qui exactement

 21   parlait de tuer les prisonniers, et qu'ont-ils dit exactement, si vous vous

 22   en souvenez ?

 23   R.  Miroslav Deronjic, mais également le colonel Beara et le colonel Vasic,

 24   en ont parlé. Je les ai entendus dire -- enfin, le colonel Beara, mais

 25   également Miroslav Deronjic, je les ai entendu parler de l'endroit où ils

 26   seraient tués, ce qui allait advenir des prisonniers de Bratunac. Je les ai

 27   entendu dire qu'ils avaient reçu des instructions de leurs supérieurs

 28   respectifs concernant le devenir de ces gens. C'est ce que j'ai entendu


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  1   durant la conversation entre M. Beara et M. Deronjic.

  2   Cependant, je souhaiterais rajouter quelque chose. Je ne sais pas

  3   exactement quelle instruction ou quel ordre ils ont reçu, quand et comment.

  4   Ça, je ne le sais pas. Mais j'ai entendu et j'ai pu voir ce dont ils

  5   parlaient, et j'ai pu voir également ce qui était le sujet de leurs

  6   querelles au départ.

  7   Q.  Et qui disait que les hommes devaient être tués à Bratunac ?

  8   R.  Durant cette réunion, tout le monde pensait qu'ils devaient être tués à

  9   Bratunac. Tout au début de la réunion, le colonel Beara est celui qui avait

 10   insisté pour qu'ils restent à Bratunac, même si je m'étais rendu à Zvornik

 11   pour transmettre son ordre. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé,

 12   mais je suppose qu'entre-temps, et compte tenu de la confusion qui régnait,

 13   les instructions avaient changé par rapport à celles que nous avions reçues

 14   auparavant. Mais ça, je ne le sais pas. Je ne peux pas me prononcer à ce

 15   sujet. Je ne sais pas de qui il a reçu cet ordre ni cette instruction. Je

 16   ne peux vous dire que ce que je sais.

 17   Q.  Et lorsque vous avez entendu durant cette conversation le colonel Beara

 18   parlant d'hommes qui devaient être tués à Bratunac, d'après ce que vous

 19   avez pu entendre de la conversation, est-ce qu'il parlait de tous les

 20   hommes qui étaient à Bratunac ou de certains d'entre eux; ou est-ce que

 21   vous ne savez pas cela ?

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Tolimir.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je salue toutes les personnes présentes et je

 24   souhaite que ce procès se termine selon la volonté de Dieu. Bonjour à tous

 25   et à toutes.

 26   J'aimerais également saluer M. Nikolic.

 27   Je vous demande, Monsieur le Président, une précision. M. Nikolic n'a pas

 28   dit que le colonel Beara avait dit que tout le monde devrait être tué à


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  1   Bratunac. C'est ce que nous avons entendu. Vérifiez le compte rendu

  2   d'audience si vous le souhaitez. Je ne lis pas l'anglais. J'aimerais que

  3   l'on pose au témoin des questions directes, et de ne pas lui mettre dans la

  4   bouche des mots qu'il n'a pas dits.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, c'est exact que le

  6   témoin a dit, à la page 60, ligne 15 : "Au tout début, le colonel Beara

  7   était le commandant qui a insisté que ces personnes restent à Bratunac",

  8   mais le témoin nous a dit que toutes les parties présentes à la réunion

  9   étaient d'accord pour dire que ces personnes devaient être tuées. Alors,

 10   c'est ce que j'ai compris.

 11   Mais vous pouvez poursuivre, Monsieur Thayer.

 12   M. THAYER : [interprétation]

 13   Q.  De nouveau, Monsieur Nikolic, dites, s'il vous plaît, aux Juges de la

 14   Chambre ce qu'a dit le colonel Beara exactement concernant ce qui allait se

 15   passer avec les hommes qui étaient détenus à Bratunac.

 16   R.  Si vous pensez à cette réunion dans les bureaux du SDS, j'ai déjà

 17   répondu à cette question et je vous ai dit tout ce que je savais.

 18   C'est-à-dire, le colonel Beara, ainsi que Miroslav Deronjic,

 19   également M. Vasic, après ce premier malentendu, étaient du même avis. Ils

 20   savaient très bien, et je l'affirme ici avec toute ma responsabilité, ils

 21   savaient très bien que toutes ces personnes qui étaient détenues allaient

 22   être tuées. Il n'a pas été question de la façon dont on allait les

 23   exécuter, comment, et cetera. Il n'y avait pas eu ce type de conversation.

 24   On n'en a pas parlé du tout.

 25   Mais les personnes qui étaient présentes savaient pertinemment que

 26   ces personnes allaient être tuées. Il n'y avait jamais eu un doute qui

 27   planait dans leur esprit, à savoir que peut-il leur arriver. On n'en a même

 28   pas parlé. Le sort de ces personnes était scellé ce jour-là, dans la nuit


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  1   du 13 au 14, et c'est ce que j'ai entendu.

  2   Et pour terminer, lors de cette conversation, les arguments qu'ils

  3   avançaient l'un et l'autre, les arguments les plus importants étaient que

  4   pour mettre en œuvre ce dont ils proposaient, c'était quelque chose qu'ils

  5   faisaient selon les ordres de leur chef, Miroslav Deronjic. Et je sais

  6   seulement qu'à l'état-major principal de la Republika Srpska, la seule

  7   personne que l'on appelait chef, c'était M. Mladic. C'est tout ce que je

  8   sais. Je n'ai jamais rien fait d'autre concernant cette réunion. Je vous ai

  9   tout dit.

 10   Q.  Très bien. Merci. Monsieur, je sais que vous en avez déjà parlé

 11   préalablement, mais c'est la première fois que cette Chambre de première

 12   instance entend votre témoignage, donc je veux simplement être tout à fait

 13   sûr que le compte rendu d'audience reflète précisément ce que vous dites.

 14   Commençons maintenant par la fin de la réunion, car vous venez de nous en

 15   parler.

 16   Donc, vers la fin de la réunion, sur la base de ce que vous aviez

 17   entendu, y a-t-il eu accord entre ces trois hommes concernant,

 18   premièrement, où ces prisonniers allaient être emmenés ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Où allaient-ils être emmenés ?

 21   R.  Ils étaient d'accord sur le fait que ces détenus devaient être

 22   transférés à Zvornik.

 23    Q.  Et à la fin de cette réunion, y a-t-il eu accord entre ces trois

 24   hommes quant au sort qui était réservé à ces prisonniers après qu'ils aient

 25   été emmenés à Zvornik ?

 26   R.  Oui, je l'ai déjà dit. J'ai répondu à cette question par l'affirmative.

 27   Oui, il y avait accord, ils étaient d'accord.

 28   Q.  Et quel était l'accord qui existait entre ces trois hommes, à savoir de


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  1   ce qui allait se passer avec ces prisonniers une fois à Zvornik ?

  2   R.  Je crois que j'ai répondu à dix reprises déjà. Les détenus qui étaient

  3   transférés à Zvornik allaient être exécutés. Je pense que j'ai déjà répondu

  4   à toutes ces questions.

  5   Donc les détenus de Bratunac seraient exécutés à Zvornik.

  6   Q.  Revenons maintenant au début de la réunion. Vous nous avez dit qu'il y

  7   avait un malentendu au début de cette réunion.

  8   R.  Oui, oui, c'est ce que j'ai dit.

  9   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, de quoi il s'agissait. Le colonel Beara et

 10   M. Deronjic n'étaient pas d'accord sur quel point au début de la réunion ?

 11   R.  J'ai déjà répondu à cette question. Alors, Miroslav Deronjic insistait

 12   pour que les détenus restent à Bratunac -- ou plutôt, non, Miroslav

 13   Deronjic insistait que tous les détenus soient transportés de Bratunac,

 14   alors que M. Beara, à ce moment-là, insistait, demandait que ces détenus

 15   restent là et que l'on ne les déplace pas.

 16   Q.  Pourquoi existait-il ce désaccord entre M. Deronjic, d'une part, et M.

 17   Beara, d'autre part, concernant ces prisonniers pour lesquels, au début de

 18   la réunion, le colonel Beara disait qu'ils devaient rester à Bratunac ?

 19   Pourquoi existait-il ce désaccord au début de la réunion ?

 20   R.  A ce que je sache et d'après mes conclusions, c'est qu'ils ont dû

 21   recevoir des instructions différentes de leurs chefs respectifs. Je ne

 22   connais pas d'autres raisons.

 23   Q.  Sur la base de ce que vous avez entendu, pourquoi M. Deronjic ne

 24   voulait-il pas que ces prisonniers restent à Bratunac ?

 25   R.  Probablement parce qu'il savait qu'ils allaient être exécutés et il ne

 26   voulait pas que les exécutions aient lieu à Bratunac.

 27   Q.  Et que disait le colonel Beara concernant le sort qui serait réservé à

 28   ces prisonniers qui devaient rester à Bratunac, d'après ce que vous avez


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  1   entendu au début de la réunion ?

  2   R.  Je ne sais réellement pas si l'on ne se comprend pas ou si je ne

  3   comprends pas très bien ce que vous me demandez.

  4   Si vous pensez au fait que Beara ait dit ouvertement -- que Beara avait dit

  5   que ces personnes devraient être tuées à ce moment-là, il y avait

  6   effectivement un accord. Mais personne d'entre eux ne parlait

  7   individuellement de ce problème-là. Donc, de façon générale, on savait très

  8   bien que ces personnes allaient être exécutées. Mais à ce moment-là, je ne

  9   me souviens réellement pas si la conversation s'était déroulée comme ceci,

 10   que M. Beara ait dit qu'ils vont rester à Bratunac parce qu'ils allaient

 11   être tués. Ils le savaient tous. Et il me semble que je n'ai pas entendu

 12   quelque chose de la sorte, ou je ne me souviens peut-être pas. Je suis un

 13   peu fatigué, je dois vous l'avouer, mais il me semble que je n'ai jamais

 14   entendu rien d'aussi clair que cela. Je ne peux pas me rappeler, malgré

 15   tous mes efforts, de quelque chose de précis qui se soit déroulé outre de

 16   ce que j'ai déjà dit. Je sais qu'il a été question d'un très grand nombre

 17   de questions puisqu'il y a eu beaucoup de problèmes, mais je ne me souviens

 18   pas de ce moment précis pour lequel vous me demandez de vous dire est-ce

 19   qu'il a dit très clairement : Je veux qu'ils restent ici parce que je veux

 20   qu'ils soient tués ici, ou que Miroslav Deronjic lui ai dit : Je veux

 21   qu'ils aillent là-bas.

 22   Mais tout indique qu'il s'agissait de cela. Donc, si on a insisté

 23   pour que les prisonniers restent là, c'est parce que la décision avait été

 24   prise que les personnes allaient être exécutées à Bratunac. Mais je ne l'ai

 25   pas entendu dire de la bouche du colonel Beara, mais je ne disposais pas

 26   non plus d'autres informations. Mais je comprends très bien également

 27   l'insistance de Miroslav Deronjic; c'est un énorme problème que d'avoir ces

 28   personnes à cet endroit-là, ne serait-ce que pour deux jours. Ça aurait été


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  1   beaucoup plus compliqué de les exécuter à Bratunac. Donc j'imagine que ce

  2   sont les raisons principales pour lesquelles Deronjic voulait s'en

  3   débarrasser pour ne pas avoir de lien avec eux du tout et avec cela.

  4   Donc c'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant.

  5   M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, je vois qu'il est

  6   l'heure de la pause. Nous allons terminer le deuxième volet de notre

  7   audience. J'ai un autre sujet à couvrir, juste encore un autre sujet. C'est

  8   un sujet qui est très court, et par la suite j'aurai encore juste quelques

  9   documents --

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, c'est vraiment

 11   malheureux. Nous avons débordé de dix minutes parce que nous avons commencé

 12   dix minutes plus tard. Vous m'avez dit que vous aviez besoin de ce dernier

 13   volet d'audience, ce qui était beaucoup plus que ce que vous nous aviez dit

 14   au début. Vous avez peut-être passé beaucoup trop de temps au début de la

 15   déposition de ce témoin à lui poser des questions. Mais je trouve qu'il est

 16   bien malheureux que vous m'indiquiez maintenant que vous avez besoin de

 17   temps supplémentaire.

 18   Vous devriez réfléchir là-dessus.

 19   Quel est le sujet que vous voudriez aborder avec le témoin ?

 20   M. THAYER : [interprétation] Il y a le sujet relatif à l'opération de

 21   réenfouissement [phon], qui fait partie de l'acte d'accusation. C'est très

 22   important pour cette affaire en l'espèce. Et il y a également le rôle qu'a

 23   joué l'état-major principal dans le cadre de cette opération, mais c'est le

 24   dernier sujet que je voulais aborder avec le témoin. Je voudrais poser des

 25   questions à M. Nikolic là-dessus, et par la suite j'ai quelques documents

 26   très importants à passer en revue avec M. Nikolic. Je crois qu'il ne s'agit

 27   pas de documents qui prendront beaucoup trop de temps. Mais ce sont des

 28   documents très importants et c'est le bon témoin pour nous faire ses


Page 12427

  1   commentaires là-dessus.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La Chambre est préoccupée par

  3   l'emploi de votre temps. Ce n'est pas la première fois. Nous en avons déjà

  4   parlé à plusieurs reprises. C'est vraiment une situation qui ne nous

  5   convient pas du tout. Si vous savez que vous deviez aborder des sujets très

  6   précis concernant des documents, vous devriez savoir cela à l'avance.

  7   M. THAYER : [interprétation] Je le sais, Monsieur le Président, je pense

  8   que mes évaluations posent problème, effectivement. Je peux vous dire que

  9   ce temps supplémentaire que je vous demande ne devrait pas avoir une

 10   incidence sur l'arrivée du prochain témoin parce que nous avons programmé

 11   le tout correctement. Mais je remercie encore une fois la Chambre de

 12   première instance du temps supplémentaire qu'elle m'a accordé jusqu'à

 13   maintenant, et je pense pouvoir terminer ce dernier sujet, y compris les

 14   documents, en 30 minutes.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et comment pouvons-nous croire que

 16   cela vous suffira ?

 17   M. THAYER : [interprétation] Je ne peux rien faire de plus, Monsieur le

 18   Président, que de vous promettre que j'en aurai terminé dans les 30 minutes

 19   après la pause.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Alors, nous allons prendre

 21   notre deuxième pause, et nous reprendrons à 13 heures 10.

 22   --- L'audience est suspendue à 12 heures 44.

 23   --- L'audience est reprise à 13 heures 14.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, je reprends ce qui a

 25   déjà été dit à plusieurs reprises. Nous suivons les indications qui nous

 26   sont données par les deux parties lorsqu'elles nous présentent leurs

 27   évaluations. Nous regrettons de devoir avoir recours à des prolongements, à

 28   réitérer. Nous allons vous accorder un nouveau prolongement à présent, mais


Page 12428

  1   uniquement jusqu'à la fin de l'audience d'aujourd'hui. Nous avons commencé

  2   avec cinq minutes de retard, vous avez 35 minutes pour mener à son terme

  3   votre interrogatoire principal. Sinon, la situation devra être modifiée, et

  4   nous n'allons plus nous fier à vos estimations. Donc, je réitère, nous

  5   regrettons l'inexactitude de vos estimations, nous l'avons fait comprendre

  6   de manière tout à fait claire. S'il vous plaît, prenez cela en

  7   considération. Donc, nous pouvons résoudre le problème de deux manières, à

  8   savoir nous pouvons nous focaliser sur les parties les plus importantes de

  9   l'interrogatoire, et deuxièmement, nous pouvons éviter de nous répéter.

 10   Donc, tenez compte de cela, s'il vous plaît, terminez votre interrogatoire

 11   avant la fin de l'audience d'aujourd'hui. Autrement, il nous faudra revenir

 12   sur cette question à un autre moment.

 13   M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Q.  Re-bonjour, Monsieur Nikolic.

 15   R.  Bonjour.

 16   Q.  Pouvez-vous parler aux Juges de la Chambre de l'opération de

 17   réenterrement [phon] des cadavres de ces hommes et de ces garçons musulmans

 18   qui ont été exécutés après la chute de Srebrenica.

 19   R.  Je vais essayer d'être le plus bref possible et de vous dire tout ce

 20   que j'en sais de cette affaire.

 21   C'était vers le mois de septembre 1995 que l'on a vu arriver au

 22   commandement de la Brigade de Bratunac M. lieutenant-colonel Vujadin

 23   Popovic, chef de la sécurité du commandement du Corps de la Drina. D'après

 24   ce que j'en sais, il a pris contact avec le colonel Blagojevic, pour

 25   commencer, et puis ensuite il est venu me voir. Il m'a dit que l'ordre

 26   qu'il doit me transmettre provient de l'état-major principal et qu'il

 27   s'agit des corps enterrés dans les fosses communes de Glogova qu'il faut

 28   réenterrer [phon] dans la municipalité de Srebrenica, parce que Glogova et


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  1   ce secteur se situent sur le territoire de la municipalité de Bratunac.

  2   Cette mission devait revenir à peu près sur la base de ce qui a été dit,

  3   devait revenir à l'ensemble des structures. En fait, ce qui s'est passé

  4   c'est la chose suivante. Cette opération et ce que j'ai appris par la

  5   suite, donc la demande de procéder à cette opération est venue du côté des

  6   représentants des pouvoirs civils de Bratunac. Pourquoi, de quelle façon,

  7   je ne le sais pas. Encore à ce jour, je ne connais pas les détails de cette

  8   affaire. Je ne me suis pas non plus intéressé de manière plus approfondie à

  9   cela. Mais s'agissant donc de ces fosses et de ces cadavres enterrés de

 10   Musulmans, à leur réenterrement a pris part de la Brigade de Bratunac la

 11   police qui a sécurisé et qui redirigeait la circulation de Konjevic Polje-

 12   Bratunac vers Konjevic Polje-Drinjaca, donc d'un axe vers l'autre, et qui a

 13   aussi fait dévier la circulation de Ljubovija-Bratunac Konjevic Polje de

 14   nouveau vers Drinjaca, donc en aval de la Drina, vers cette route-là.

 15   Ensuite, en plus des membres de la Brigade de Bratunac, en plus de la

 16   police que j'ai mentionnée, il y avait la police civile du poste de

 17   sécurité publique de Bratunac. Ensuite ont pris part à cette opération les

 18   représentants des autorités civiles, le président de la municipalité, le

 19   président du conseil exécutif, le chef du poste de la sécurité publique de

 20   Bratunac. Et le rôle joué par les pouvoirs civils a été le suivant, donc à

 21   partir du moment où on a demandé que l'on procède à l'exhumation et que

 22   l'on déplace ces cadavres de Glogova, il y a eu convocation d'une réunion.

 23   Cette réunion s'est tenue dans les locaux de la municipalité de Bratunac,

 24   et j'y suis allé sur ordre de mon commandant, du commandant Blagojevic.

 25   Lors de cette réunion, il a été convenu comme suit : les autorités allaient

 26   se charger du soutien logistique nécessaire à cette opération prévue. Donc

 27   le maire et le président du conseil exécutif, dans le cadre de leurs

 28   contacts et en faisant jouer leur autorité, ont fait en sorte que les


Page 12430

  1   entreprises de Bratunac et de Srebrenica qui avaient des engins de

  2   terrassement les prêtent pour qu'ils soient employés à l'exhumation et au

  3   réenterrement de ces corps. Donc diverses sociétés y ont pris part, de

  4   voirie, la briqueterie de Bratunac, de Srebrenica, l'entreprise des mines

  5   de Sace, l'entreprise de bâtiments civils Radnik, donc plusieurs sociétés y

  6   ont pris part.

  7   En plus de la police militaire, on y a employé également le 5e Bataillon du

  8   Génie dont le commandement était situé à Konjevic Polje, donc le 5e

  9   Bataillon du Génie est une unité qui fait partie du Corps de la Drina.

 10   Q.  Et cette opération a duré à peu près combien de temps, Monsieur ?

 11   R.  L'opération a pris beaucoup de temps, vraiment beaucoup de temps. Il a

 12   eu des interruptions, cela étant dit, mais je pense que cela a commencé en

 13   septembre et que cela a duré tout au long du mois d'octobre. Je ne sais pas

 14   exactement, il y a eu des interruptions et il y a eu des problèmes, mais

 15   elle a duré longtemps.

 16   M. THAYER : [interprétation] Pouvons-nous afficher la pièce P1219, s'il

 17   vous plaît.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Juste pour ajouter un point pour

 19   que ce soit tout à fait clair. Dans ma brigade, cette opération était

 20   connue sous le titre "asanacija", "assainissement".

 21   M. THAYER : [interprétation]

 22   Q.  Et, Monsieur, ce terme, est-ce qu'il a un sens militaire ?

 23   R.  Oui. En tant que tel c'est un terme militaire, c'est une mesure que

 24   l'on prend aussi dans le cadre du système de la protection civile, qui

 25   comprend nettoyage, enlèvement des cadavres, qu'il s'agisse de cadavres ou

 26   de restes humains ou animaux qui se retrouvent sur les lieux où des combats

 27   avaient précédemment eu lieu.

 28   Q.  Monsieur, je vous invite à regarder votre écran, un document s'affiche


Page 12431

  1   à l'écran. Qu'est-ce, s'il vous plaît ?

  2   R.  Oui, je le reconnais. C'est un carnet, je ne sais pas exactement

  3   comment l'appeler. Mais ce sont des PV des réunions qui se sont tenues au

  4   sein de la 1ère Brigade d'infanterie légère de Bratunac.

  5   M. THAYER : [interprétation] Je souhaite avoir la page 11 en anglais, ce

  6   qui correspondrait à la page 24 en B/C/S, s'il vous plaît.

  7   Q.  En haut de la page, nous voyons qu'il est question d'une réunion de

  8   travail des commandants avec le commandant de la brigade et les commandants

  9   des bataillons. La date est celle du 16 octobre 1995, à 8 heures.

 10   Est-ce que vous le voyez, Monsieur ?

 11   R.  Oui, je le vois.

 12   Q.  Très bien.

 13   M. THAYER : [interprétation] Alors faisons défiler le texte. Est-ce que

 14   vous pouvez, s'il vous plaît, nous agrandir la dernière partie.

 15   Q.  Est-ce que vous arrivez à lire cette mention en bas de la page avec

 16   Nikolic ?

 17   R.  Oui, bien sûr.

 18   "Aujourd'hui, on procéderait à un bouclage dans le village de Slapovici …

 19   pour essayer d'attraper les Turcs qui restent. D'après ce qu'en disent les

 20   détenus, on en a sept. J'ai dans mon coffre-fort quelques pistolets et des

 21   devises étrangères dûment enregistrés par un récépissé. Je demande que l'on

 22   prenne une décision pour savoir que faire de cela.

 23   "Et enfin, nous travaillons sur les obligations imposées par l'état-major

 24   principal de la VRS en ce moment (asanacija)."

 25    Q.  Très bien. Nous voyons votre nom ici. C'est vous qui le rédigez ou

 26   c'est quelqu'un d'autre ?

 27   R.  Non, ce n'est pas moi qui ai écrit cela. Les notes ont été prises par

 28   quelqu'un d'autre qui était présent.


Page 12432

  1   Q.  Et Nikolic qui est mentionné ici, qui est-ce ?

  2   R.  C'est moi.

  3   Q.  Essayons d'examiner l'original, donc le dernier mot qui se trouve ici

  4   entre parenthèses est le mot "asanacija".

  5   R.  Oui, je le vois.

  6   Q.  Est-ce le terme que vous avez employé à l'époque pour décrire cette

  7   opération ?

  8   R.  J'ai employé ce mot-là parce que c'est sous ce nom-là que cette

  9   opération dans son ensemble s'est déroulée. Donc entre guillemets,

 10   "asanacija", c'est le mot qui concernait l'opération d'exhumation et du

 11   réenterrement [phon] des corps dans de nouvelles fosses.

 12   Q.  Mais, Monsieur, vous savez ce que signifie le terme "asanacija". Donc,

 13   d'expérience, ce terme, est-ce qu'il était effectivement utilisé dans son

 14   sens habituel ? Puisque d'expérience vous saviez comment on employait ce

 15   terme, dans la pratique militaire, est-ce que c'était le même emploi ?

 16   R.  En pratique, je peux vous dire que j'étais enseignant et que donc, dans

 17   ce contexte, que le terme "asanacija" ne peut pas vraiment s'appliquer.

 18   Cela inclut tout ce qui a été mentionné précédemment, c'est-à-dire

 19   nettoyage de la zone, enlèvement des cadavres humains et d'animaux, mais

 20   cela n'inclut pas les activités liées à enterrer des corps dans de nouveaux

 21   sites. Cela ne fait pas partie d'"asanacija". Parce que, si vous voulez, il

 22   s'agit de l'enterrement de corps pour éviter qu'il y ait des maladies,

 23   c'est donc pour des raisons sanitaires. Mais quoi qu'il en soit, c'est la

 24   raison pour laquelle nous avons appelé cette opération "asanacija" au sein

 25   de ma brigade, et mon commandant savait fort bien qu'entre autres, cela

 26   impliquerait également l'exhumation et l'enterrement ailleurs de ces corps.

 27   Q.  Est-ce qu'il s'agissait d'une opération qui était censée être secrète ?

 28   Ou est-ce qu'il s'agissait d'une opération qui était connue de tous ?


Page 12433

  1   R.  Au départ, il s'agissait d'une opération secrète, mais je peux vous

  2   dire également ce qui s'est passé en réalité.

  3   L'intention était de garder ceci secret. Cependant, compte tenu du

  4   nombre de personnes qui ont participé et de tout ce qui s'est passé dans le

  5   contexte de cette opération, ce n'était plus un secret. Il n'y avait plus

  6   de secret, tout le monde était impliqué. Les civils, les instances de

  7   police militaire. Ça ne pouvait pas être un secret.

  8   Q.  Et pourquoi est-ce que c'était censé être un secret au départ ?

  9   R.  Eh bien, je peux me livrer à des conjectures en essayant de savoir

 10   pourquoi, au départ, on devait conserver tout ceci secret. Eh bien, parce

 11   que l'exhumation et l'enterrement sur d'autres sites devaient rester

 12   secrets. Et toutes les traces devaient être enlevées. C'est ce qui me vient

 13   à l'esprit, pour répondre à votre question. Mais je n'étais pas celui qui

 14   avait demandé à ce que cette opération soit tenue secrète. On m'a demandé

 15   de garder le secret. J'ai essayé de le garder dans la mesure où ceci était

 16   possible, mais je dis maintenant qu'il n'était pas possible de mener cette

 17   opération dans le secret le plus complet.

 18   Q.  Très bien. Je voudrais vous présenter deux autres documents.

 19   M. THAYER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher le document

 20   de la liste 65 ter 252.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez vérifier votre

 22   cote, s'il vous plaît. Ah, voilà, maintenant ça apparaît clairement sur le

 23   compte rendu d'audience.

 24   M. THAYER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait avancer de deux pages

 25   pour la version B/C/S, s'il vous plaît. Et est-ce que l'on pourrait avancer

 26   de trois pages pour la version en anglais.

 27   Q.  Je vous donne quelques instants pour que vous puissiez parcourir le

 28   document en version B/C/S.


Page 12434

  1   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  2   M. THAYER : [interprétation] En anglais, est-ce que l'on pourrait avoir la

  3   traduction du document qui porte la cote ERN 0066-3722, s'il vous plaît.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, avez-vous parcouru ce document ?

  5   R.  Oui. En fait, je ne sais pas de quel document il s'agit exactement.

  6   J'ai du mal à le lire, je n'arrive pas à lire tout le document. Mais je

  7   connais ce document parce que je l'ai vu avant de déposer ici.

  8   Q.  Est-ce que l'on pourrait passer à la page suivante en B/C/S. Et on peut

  9   rester sur la même page en anglais.

 10   Vous voyez qu'il s'agit d'un document manuscrit avec les initiales RJ en

 11   bas de la page. Est-ce que vous voyez cela, Monsieur le Témoin ?

 12   R.  Oui, effectivement.

 13   Q.  Je vous demande de revenir à la première page en version B/C/S -- c'est

 14   donc la page 3. On voit la référence 08-34/95 dans la version manuscrite.

 15   Est-ce que l'on pourrait maintenant passer à la première page en B/C/S. Et

 16   si on agrandit la partie d'en haut. On voit 08-34/95 --

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La copie qui est à l'écran est

 18   quasiment illisible. Nous ne pouvons pas donc lire cela. Mais nous voyons

 19   effectivement la copie en anglais.

 20   M. THAYER : [interprétation]

 21   Q.  Si l'on consulte la version originale, est-ce que vous arrivez à lire

 22   le nom qui a été dactylographié, à savoir Momir Nikolic ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Donc nous avons vu une version manuscrite avec les initiales RJ. Et

 25   nous voyons une version dactylographiée du même document avec votre nom

 26   dactylographié en bas de la page. Est-ce que vous pourriez expliquer aux

 27   Juges de la Chambre quelle a été l'évolution de ce rapport ? Et ensuite, je

 28   vous poserai des questions concernant ce rapport. Mais ce qui m'intéresse,


Page 12435

  1   c'est la différence des noms et des initiales dans la version manuscrite,

  2   d'une part, et dans la version dactylographiée, d'autre part.

  3   R.  Cela confirme exactement ce que j'ai abordé durant ma déposition d'hier

  4   et aujourd'hui. Le colonel Jankovic, Radislav Jankovic, était dans le même

  5   bureau que moi et il rédigeait des rapports. Alors que s'est-il passé dans

  6   ce cas précis ? Eh bien, le colonel Jankovic a écrit de sa propre main ce

  7   rapport manuscrit. J'étais présent avec lui. Et ensuite, j'ai utilisé ce

  8   rapport manuscrit et je l'ai donné au centre des communications sans

  9   entraver la responsabilité d'envoyer des rapports et des dépêches.

 10   Cela signifie donc que le responsable des opérations, qui s'appelait

 11   Tomo, qui travaillait au centre des communications, a dactylographié ce

 12   document manuscrit, et comme il me connaît personnellement, il n'a en fait

 13   pas du tout consulté les initiales qui se trouvaient en bas de la page. Il

 14   a donc dactylographié mon nom ainsi que mon poste. C'est ce qui s'est

 15   passé. Et j'en suis certain à 100 %.

 16   Q.  D'accord.

 17   R.  Je vous prie de m'excuser, une dernière chose : 08 c'est ma référence

 18   durant cette période. Ça, j'en suis certain. Et puis, ceci montre bien que

 19   ce document émane de mon instance, c'est-à-dire de l'organe responsable de

 20   la sécurité et des questions du renseignement.

 21   Q.  Et nous voyons donc au troisième paragraphe, et je vais en donner

 22   lecture pour les besoins du compte rendu d'audience. Document du 18 juillet

 23   1995. Le colonel Jankovic rédige le rapport suivant :

 24   "Un convoi de Médecins sans frontières, qui est arrivé le 18 juillet 1995 à

 25   14 heures au croisement de Ljubovija pour acheminer leur personnel de la

 26   base de FORPRONU à Potocari, a été renvoyé pour des raisons de procédure

 27   (apparemment ils auraient dû passer par Zvornik).

 28   "Est-ce que vous pourriez utiliser votre influence pour vous assurer


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  1   que tous les transports des organisations internationales et des Nations

  2   Unies passent par Ljubovija, sinon nous aurons du mal à leur fournir une

  3   escorte."

  4   Et ensuite, il continue en disant : "Est-ce que vous pourriez me dire

  5   quelle position je dois adopter pour autoriser l'évacuation de

  6   l'organisation internationale Médecins sans frontières. En fait, pourriez-

  7   vous me dire comment gérer ce qu'on appelle le personnel local. Ceci

  8   s'applique également aux interprètes des observateurs militaires et de la

  9   FORPRONU.

 10   "Le département de la Sûreté de l'Etat nous a transmis une opinion, à

 11   savoir que le président Karadzic avait soi-disant aboli tout le concept de

 12   personnel local qui était utilisé pour travailler pour la FORPRONU. Mais

 13   c'est notre opinion qu'ils ne soient pas retenus."

 14   Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la Chambre de quoi s'agit ce sujet

 15   abordé par le colonel Jankovic le 18 juillet concernant le personnel local

 16   de ces ONG et de la FORPRONU ? Pourquoi est-ce qu'il a abordé cette

 17   question ?

 18   R.  Eh bien, je me souviens bien de ce télégramme. C'est donc le colonel

 19   Jankovic qui en est l'auteur, mais j'ai participé à son élaboration.

 20   Pour ce qui est des personnes concernées, il s'agit en fait de

 21   personnes qui étaient employées par les organisations internationales ainsi

 22   que par le Bataillon néerlandais, et il s'agissait donc de Musulmans de

 23   Srebrenica qui travaillaient pour le CICR, pour MSF, pour la base de la

 24   FORPRONU en tant que personnel technique, électriciens, serruriers, et

 25   cetera. Et notre question, telle que vous la voyez dans le document, était

 26   de savoir comment gérer ces personnes. Comme vous l'avez vu, vous avez pu

 27   comprendre quelle était la position des instances civiles. Nous avons

 28   présenté notre opinion, à savoir que nous pensions que les personnes qui


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  1   travaillaient pour les organisations internationales, alors qu'elles

  2   étaient en séjour à Srebrenica ou à Potocari, devraient quitter le

  3   territoire avec les organisations pour lesquelles elles travaillaient, que

  4   ce serait préférable. Pourquoi avons-nous proposé cela ? Je ne pense pas

  5   que ce soit nécessaire de donner plus de commentaires. Nous pensions qu'ils

  6   n'avaient aucune responsabilité, ils ne portaient pas d'armes, ils

  7   n'étaient pas combattants contre les Serbes, ils n'avaient rien fait, et

  8   s'ils étaient séparés, s'ils étaient détenus avec tous les autres, ou s'ils

  9   étaient détenus et envoyés vers d'autres institutions, eh bien, ce ne

 10   serait pas juste, ce ne serait pas la chose à faire. Par conséquent, nous

 11   pensions qu'ils devraient quitter le territoire, avec ceux pour qui ils

 12   travaillaient.

 13   Q.  D'après vous et d'après le colonel Jankovic, que serait-il advenu du

 14   personnel local musulman si on ne les avait pas autorisés à quitter la zone

 15   avec le personnel international de Médecins sans frontières ?

 16   R.  Nous étions guidés par la route des autres détenus. Donc, si on avait

 17   suivi la route de toutes les personnes qui avaient été préalablement

 18   détenues et transférées à Zvornik et si on avait pensé à toutes les

 19   personnes qui avaient été tuées à Zvornik, alors à ce moment-là nous étions

 20   presque complètement sûrs que ces personnes, si elles faisaient l'objet de

 21   séparation, si cela arrivait, que ces personnes-là n'allaient pas survivre

 22   non plus, que ces personnes allaient être exécutées. Et il n'y avait

 23   absolument aucune raison pour leur accorder un autre traitement que celui-

 24   là.

 25   Q.  J'ai encore un document pour le témoin.

 26   M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander le

 27   versement au dossier de la pièce 65 ter 252.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, bien sûr, la pièce sera versée


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  1   au dossier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 252 de la liste 65 ter sera

  3   versée au dossier sous la cote P2168. Je vous remercie.

  4   M. THAYER : [interprétation] Pourrait-on avoir la pièce P18, s'il vous

  5   plaît.

  6   Q.  Monsieur, reconnaissez-vous le document qui est affiché à l'écran ?

  7   Savez-vous de quoi il s'agit ? Aimeriez-vous avoir l'original, je peux vous

  8   le donner si vous le souhaitez.

  9   R.  Non, ce n'est pas nécessaire. Je reconnais le document. Il s'agit d'un

 10   cahier de l'officier de permanence de la police militaire.

 11   Q.  Permettez-moi maintenant de vous montrer quelques entrées qui figurent

 12   dans ce document.

 13   M. THAYER : [interprétation] Je souhaiterais que l'on passe à la page 13 en

 14   anglais et à la page 16 dans la langue originale, s'il vous plaît.

 15   Q.  Nous pouvons voir ici une entrée pour les 12 et 13 juillet 1995. Il y a

 16   une entrée qui dit que la police est engagée pour assurer la sécurité du

 17   HCR des Nations Unies et la reddition du peuple musulman. Et par la suite,

 18   on fait référence à la permanence d'une nuit et au HCR -- donc la

 19   permanence de nuit à l'hôtel Fontana et le fait de" sécuriser l'école du

 20   HCR des Nations Unies".

 21   Monsieur, est-ce que vous pouvez nous dire si cette référence est juste

 22   concernant le HCR des Nations Unies ?

 23   R.  Oui, je vais dire de quoi il s'agit. Donc la police militaire, les

 24   policiers, ne faisait pas réellement une différence entre la FORPRONU, le

 25   HCR et les membres du Bataillon néerlandais. Pour eux, c'était la même

 26   chose. Donc ils connaissaient le HCR, et c'est pour cela qu'ils ont écrit

 27   le HCR. Mais je peux vous l'affirmer avec certitude, il ne s'agit

 28   absolument pas du HCR des Nations Unies. Il s'agissait d'assurer la


Page 12439

  1   sécurité des membres du Bataillon néerlandais, qui se trouvaient à Bratunac

  2   à ce moment-là.

  3   M. THAYER : [interprétation] Pourrait-on afficher la page 14 en anglais et

  4   la page 17 en B/C/S.

  5   Q.  Voici l'entrée pour les 14 et 15 juillet. On y indique : "La police

  6   était engagée pour assurer l'escorte des réfugiés musulmans."

  7   J'aimerais vous demander à quoi fait référence cette entrée des 14 et 15

  8   juillet ?

  9   R.  Oui. Je crois que je l'ai déjà mentionné aujourd'hui.

 10   Le 14 juillet, dans la matinée, un convoi de réfugiés a été escorté

 11   de Bratunac vers Zvornik. Dans le cadre de cette escorte, on y retrouvait,

 12   entre autres, la police militaire de la Brigade de Bratunac.

 13   M. THAYER : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on affiche la

 14   page 16 en anglais et la page 19 en B/C/S, s'il vous plaît.

 15   Q.  Voici une entrée du 17 juillet 1995. On fait référence à : "Une

 16   patrouille de la police qui est restée à Pilica" --

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, je suis désolé de

 18   vous interrompre, mais je ne crois pas que la bonne page est affichée à

 19   l'écran. Nous n'avons pas la traduction en anglais. Voilà, elle y est.

 20   Veuillez poursuivre, je vous prie.

 21   M. THAYER : [interprétation]

 22   Q.  "Une patrouille de police est restée à Pilica pour assurer la

 23   sécurité des Musulmans."

 24   Qu'est-ce que c'est exactement ? A quoi fait référence cette entrée,

 25   Monsieur ?

 26   R.  Après un certain temps, le chef Mirko Jankovic m'a transmis cette

 27   information, et il m'a dit qu'en cette date-là, le 17, une patrouille qui

 28   assurait l'escorte du convoi était restée à Zvornik pour prêter main-forte


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  1   pour ce qui est d'assurer la sécurité des prisonniers sur le territoire de

  2   Zvornik. A savoir ce qu'ils faisaient exactement, je ne le sais pas. Je

  3   sais seulement que c'était dans la région de Pilica. Je ne sais pas ce

  4   qu'ils faisaient exactement là-bas, s'ils assuraient la sécurité ou pas. De

  5   toute façon, c'est l'information que m'a donnée le chef de police.

  6   M. THAYER : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la page 19 en

  7   anglais et la page 22 en B/C/S, s'il vous plaît.

  8   Q.  En attendant, est-ce que vous pouvez nous dire de combien d'hommes

  9   composaient, en temps normal, une patrouille de police militaire ?

 10   R.  Tout dépend. Tout dépend de l'objectif de la patrouille. En principe,

 11   une patrouille c'était deux policiers qui agissaient ensemble. Mais ce

 12   n'est pas véritablement une règle, ils pouvaient être au nombre de trois ou

 13   quatre. Donc deux, trois policiers.

 14   Q.  La date du 20 juillet 1995, nous avons ici une mention qui dit : "Deux

 15   Musulmans qui ont été refoulés de Serbie, ils ont également été amenés et

 16   ils ont été placés en détention."

 17   Alors que pouvez-vous nous en dire ?

 18   R.  Oui, je peux vous en dire quelque chose. Pendant cette période-là et

 19   après cette période, pendant assez longtemps, donc cela ne concerne pas

 20   uniquement cette période en particulier, mais c'est ce que nous voyons ici,

 21   après la chute de l'enclave de Srebrenica, on a vu arriver en Serbie, en

 22   traversant la Drina ou par d'autres moyens, mais surtout en traversant la

 23   Drina, on a vu arriver des membres de l'armée musulmane de l'enclave de

 24   Srebrenica. La police de Serbie, donc de l'Etat voisin, les repérait, les

 25   arrêtait, et ensuite les remettait à la police des frontières à Bratunac,

 26   au poste-frontière entre Bratunac et Ljubovija plus précisément, et puis,

 27   par la suite, la police des frontières les remettait à la Brigade de

 28   Bratunac.


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  1   Nous, on n'avait pas de prison à la Brigade de Bratunac. On n'avait

  2   qu'une pièce où on pouvait placer les gens en détention. Et par la suite,

  3   en fonction de la décision prise, on les transférait vers la prison de

  4   Vlasenica, Knezina ou Batkovici.

  5   Q.  Est-ce que ce site est connu sous le nom de Susica, cet endroit à

  6   Vlasenica ?

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je pense que cela devrait être votre

  8   dernière question.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je le sache, il y avait juste

 10   une prison à Vlasenica, et il me semble que cette prison s'appelait Susica.

 11   M. THAYER : [interprétation]

 12   Q.  Je vous remercie, Monsieur Nikolic. J'en ai terminé avec mon

 13   interrogatoire principal.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Comme d'habitude,

 15   nous avons débordé. Il nous faut lever l'audience à présent, et nous allons

 16   reprendre demain matin.

 17   Il vous faudra faire preuve de patience. Il vous faudra revenir pour

 18   le contre-interrogatoire par M. Tolimir, Monsieur Nikolic.

 19   L'audience est levée.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   --- L'audience est levée à 13 heures 56 et reprendra le jeudi 7 avril 2011,

 22   à 9 heures 00.

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