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1 Le mercredi 6 avril 2011
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
6 Rebonjour, Madame Lindsay, rebonjour. Bienvenue dans cette salle
7 d'audience.
8 Hier je me suis trompé. J'ai dit que l'Accusation nous a informés qu'elle
9 avait besoin de dix heures, mais en réalité l'Accusation nous a informés
10 qu'elle n'avait besoin que de huit heures, comme la Défense. Et donc juste
11 pour vous informer, vous avez utilisé six heures et 17 minutes pour votre
12 interrogatoire principal. Donc vous devriez hâter le pas, Monsieur Thayer.
13 M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
14 vais certainement le faire.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous pouvez faire rentrer le témoin,
16 s'il vous plaît.
17 [Le témoin vient à la barre]
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Bienvenue de
19 nouveau dans le prétoire. Je voudrais vous rappeler que le serment que vous
20 avez prêté il y a deux jours est encore en vigueur, à savoir que vous vous
21 êtes engagé de dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, c'est à vous.
24 M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
25 Bonjour Madame le Juge, Monsieur le Juge. Bonjour au conseil de la Défense,
26 à toutes et à tous.
27 LE TÉMOIN : MOMIR NIKOLIC [Reprise]
28 [Le témoin répond par l'interprète]
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1 Interrogatoire principal par M. Thayer : [Suite]
2 Q. Et bonjour, Monsieur Nikolic.
3 R. Bonjour.
4 M. THAYER : [interprétation] Je demanderais l'affichage de la pièce 65 ter
5 223, s'il vous plaît.
6 Q. Avant de lever l'audience hier, nous étions en train de nous pencher
7 sur un rapport qui a été émis le 4 juillet 1995, et je parle du rapport
8 portant sur l'analyse de l'aptitude au combat de la première partie de
9 1995.
10 Pour gagner du temps, je vais sauter quelques sections, certains passages
11 de ce rapport. Je vais vous demander de nous dire si vous vous souvenez que
12 dans le rapport on a fait une entrée qui porte sur la formation des tireurs
13 embusqués pour un certain nombre de soldats de la Brigade de Bratunac ?
14 R. Dans le rapport de combat que je vois à l'écran, une partie porte sur
15 la formation donnée aux tireurs embusqués, et si je ne m'abuse, certains
16 passages de ce rapport portent sur la formation des tireurs embusqués.
17 M. THAYER : [interprétation] En fait, pour le compte rendu d'audience,
18 Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge, je voudrais vous dire
19 qu'il s'agit de la page 7 en anglais et de la page 13 en B/C/S, si vous
20 souhaitez consulter ce document plus tard.
21 Je voudrais maintenant passer à la page 17 en anglais et 31 en B/C/S. En
22 fait c'est la page 16, c'est la page précédente, et il s'agira de la page
23 29 en B/C/S.
24 Q. Nous pouvons voir qu'il s'agit du : Soutien au renseignement à la
25 sécurité. J'aimerais savoir quel rôle avez-vous joué quant à la rédaction
26 de ce rapport portant sur l'analyse de l'aptitude au combat ?
27 R. Hier, et je crois même avant-hier, lorsque j'ai parlé de ce document,
28 de l'analyse de l'aptitude au combat, qui a été élaboré par le commandement
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1 de la Brigade de Bratunac et signé par le commandant Vidoje Blagojevic,
2 chacun des commandants, ou en passant par les adjoints du commandant et
3 moi-même en tant que chef de l'organe ou du secteur, nous avions la
4 responsabilité s'agissant de la compétence de notre secteur - et dans mon
5 cas à moi, puisque je m'occupais du service du Renseignement et de la
6 Sécurité - chacun devait donner son apport, et moi-même également je devais
7 élaborer un supplément à l'analyse qu'a élaborée le commandant lors de
8 cette réunion de service. Et après avoir fourni au commandant une
9 proposition, et après en avoir discuté lors de la réunion, et après avoir
10 discuté également des propositions faites par d'autres commandants
11 également, le commandant a accepté donc les propositions, et les
12 propositions qu'il a acceptées et qui ont trait à la sécurité du
13 renseignement et tous les autres travaux qui sont de mon ressort. Alors
14 juste pour conclure, donc le rapport que nous voyons ici a été élaboré par
15 moi-même. Cette proposition donc a été adoptée par le commandant, et fait
16 partie des documents supplémentaires de l'analyse pour ce qui est du
17 rapport de l'analyse sur l'aptitude au combat. Et l'un des éléments de
18 cette aptitude au combat est bien sûr l'aptitude au renseignement à la
19 sécurité de l'unité.
20 M. THAYER : [interprétation] Pourrait-on passer à la page 31 en B/C/S, s'il
21 vous plaît. C'est la page suivante sous l'en-tête ""Appui au renseignement
22 à la sécurité."
23 Q. Est-ce que vous voyez le passage qui se lit comme suit : "Au cours de
24 l'année 1995, les organisations internationales et leurs représentants sont
25 passés par la zone de responsabilité de la brigade et y sont restés de
26 façon temporaire" ?
27 Est-ce que vous voyez ceci, Monsieur ? C'est au troisième paragraphe.
28 R. Oui, oui, je vois. Je vois le paragraphe, et je peux lire de quoi
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1 il s'agit également.
2 Q. Vous dites dans ce rapport que ces organisations internationales ainsi
3 que leurs représentants, lorsqu'ils étaient sur place, leurs activités
4 étaient suivies et chaque événement important était reporté au Corps de la
5 Drina et à l'état-major principal de la VRS. Vous faites référence ici aux
6 organes supérieurs. J'aimerais savoir à quoi faites-vous référence
7 exactement ?
8 R. Dans ce cas concret, ainsi que dans tous les autres cas, lorsqu'il est
9 question de rendre compte, je parle des organes de la chaîne de
10 commandement du Corps de la Drina et de l'état-major principal. Si dans ce
11 rapport j'ai dit que s'agissant de ces questions j'ai informé les
12 commandants supérieurs, je pense à ce moment-là au secteur du Corps de la
13 Drina chargé du renseignement et de la sécurité, et je pense également au
14 même service, mais au niveau de l'état-major principal. Puisque moi-même
15 j'avais la responsabilité, et d'ailleurs j'avais l'obligation de renseigner
16 mes supérieurs au niveau du Corps de la Drina et au niveau de l'état-major
17 principal.
18 Q. Au paragraphe suivant, vous dites que : "Dans la zone de responsabilité
19 de la brigade, un point de contrôle a été établi pour effectuer le contrôle
20 de toutes les organisations internationales entrant et sortant de l'enclave
21 de Srebrenica. Ce point de contrôle opérait conformément aux ordres reçus
22 par l'état-major principal de la VRS et conformément aux instructions et
23 aux ordres du commandant de la brigade."
24 Pourriez-vous dire, s'il vous plaît, aux Juges de la Chambre où était
25 établi ce point de contrôle exactement ?
26 R. Je ne peux pas vraiment vous donner la date exacte. Je ne me souviens
27 pas exactement de la date, et je ne peux pas me livrer à des conjectures.
28 Peut-être peu de temps après ou peut-être même pendant un certain temps il
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1 y a eu certains contrôles effectués à d'autres endroits et nous avions
2 certains problèmes, et par la suite nous avons mis sur pied ce point de
3 contrôle sur le pont rouge [comme interprété]. Mais non, je ne veux pas me
4 livrer à des conjectures.
5 En fait, je sais que lorsqu'il s'agit de ce que vous venez de lire dans le
6 passage en question, ce point de contrôle a été créé à la suite d'un ordre
7 donné par l'état-major principal et à la suite d'un ordre qui a été rédigé
8 ultérieurement par le commandant de la brigade. Mais j'ignore la date, il y
9 a eu tellement de documents, il y a eu tellement d'ordres, que je ne me
10 souviens réellement plus à quel moment exactement cela a eu lieu.
11 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation souhaite
12 demander le versement au dossier de la pièce 223 de la liste 65 ter.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 223 de la liste 65 ter sera
15 versée au dossier sous la cote P2167. Merci.
16 M. THAYER : [interprétation]
17 Q. Monsieur, je voudrais attirer votre attention sur l'opération Krivaja
18 95 et sur les événements survenus à la suite de la chute de l'enclave.
19 Etant donné que nous n'avons pas énormément de temps, plutôt que de passer
20 en revue les événements jour par jour, donc nous n'allons pas élaborer les
21 événements par ordre chronologique, mais bien sûr, les événements feront
22 partie d'un ordre chronologique, mais je vais quand même vous poser des
23 questions sur un certain nombre d'événements qui sont survenus au cours de
24 cette période.
25 Je ne crois pas qu'il est contesté que l'enclave elle-même est tombée le 11
26 juillet. Voici donc ma première question, Monsieur, est-ce que vous avez vu
27 des officiers supérieurs du corps d'armée ou de l'état-major principal dans
28 Bratunac ou aux alentours de Bratunac dans le commandement de votre brigade
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1 avant le 11 juillet ?
2 R. Oui. J'ai vu un très grand nombre d'officiers faisant partie du
3 commandement de la brigade. Il y avait également des membres du
4 commandement du Corps de la Drina et de l'état-major principal.
5 Q. Pourriez-vous nous donner leurs noms, pourriez-vous nous dire qui vous
6 avez vu ?
7 R. De l'état-major principal, j'ai vu le général Mladic, ensuite le
8 colonel Jankovic. Et du commandement du corps d'armée, j'ai vu le général
9 Krstic, le général Zivanovic, le lieutenant-colonel Popovic, le lieutenant-
10 colonel Kosoric, et j'ai vu plusieurs autres officiers supérieurs, mais il
11 s'agissait d'officiers du commandement du Corps de la Drina et de l'état-
12 major principal, que j'ai vus dans la zone du commandement de la brigade,
13 ou en faisant partie du commandement de la brigade.
14 Q. Parlons maintenant du colonel Jankovic que vous avez mentionné il y a
15 quelques instants.
16 Veuillez, je vous prie, expliquer aux Juges de la Chambre quand est-il
17 arrivé, si vous vous en souvenez, et qu'a-t-il fait exactement, quelles
18 étaient ses activités lorsqu'il est arrivé ? Que vous a-t-il dit, quelles
19 étaient ses raisons pour y être ?
20 R. Le colonel Jankovic, d'après mon souvenir, est arrivé vers le 8 juillet
21 au siège de la Brigade de Bratunac. Je ne sais pas s'il a contacté mon
22 commandant et s'il était avec lui, mais en tant que soldat, d'après les
23 règles, il faut d'abord informer le commandant supérieur principal, et par
24 la suite effectuer les tâches pour lesquelles on est sur place. Donc il est
25 venu dans mon bureau et il s'est présenté en me disant qu'il était un
26 colonel de l'état-major principal, et par la suite il m'a dit du service du
27 Renseignement.
28 Jusqu'à ce jour-là, je n'avais jamais vu le colonel Jankovic et je ne
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1 savais pas du tout quelles étaient ses fonctions. Donc j'ai pris pour
2 acquis ce qu'il m'a dit. Je n'ai pas vérifié non plus ce qu'il m'a dit
3 lorsqu'il s'est présenté. Il m'a dit qu'il a reçu l'ordre de l'état-major
4 principal pour venir me prêter main-forte, parce que j'étais capitaine de
5 réserve, et comme il s'agissait d'une opération de grande envergure et
6 comme il s'agissait d'une opération assez complexe, il avait dit qu'à
7 partir du moment où il était venu et à l'avenir, que les tâches et les
8 responsabilités qui m'incombaient, c'est-à-dire d'élaborer le contact avec
9 les représentants des organisations internationales, y compris le Bataillon
10 néerlandais, que c'est lui qui allait s'occuper de cela dorénavant et que
11 toutes les tâches et responsabilités qui ont trait à Srebrenica et aux
12 environs de Srebrenica, et s'agissant de toutes les tâches relevant du
13 secteur du renseignement et de la sécurité, que c'était lui qui allait s'en
14 occuper dorénavant et qu'il allait travailler avec moi dans mon bureau.
15 Et ce, donc à partir du 8. Je ne sais plus à quel moment il est
16 parti, mais il est parti parmi les derniers de la Brigade de Bratunac,
17 puisque vers la fin, lorsque tout était terminé, nous avions fait un tri de
18 documents que nous avions confisqués, et il les a pris avec lui. Donc
19 pendant toute cette période, il a travaillé avec moi dans mon bureau. Il
20 rédigeait des rapports qui provenaient de mon bureau, et ces rapports, si
21 je me souviens bien, portaient l'en-tête, le nom de la Brigade de Bratunac.
22 Je savais ce qu'il écrivait puisque j'étais là et, très souvent, ces
23 rapports, je les apportais au centre des communications afin qu'ils
24 puissent les faire transmettre aux officiers supérieurs.
25 Donc pendant toute cette période, le commandant Jankovic était dans
26 mon bureau et nous travaillions ensemble, nous partagions le même bureau.
27 Q. Au cours des derniers jours, vous nous avez parlé du processus par
28 lequel les informations relatives au renseignement vous parvenaient. Des
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1 fois, ces informations parvenaient du niveau du bataillon, d'autres fois
2 par d'autres sources, et vous nous avez expliqué de quelle façon vous
3 transmettiez ces informations le long de la ligne de sécurité du
4 renseignement. J'aimerais savoir si vous avez continué à vous occuper de ce
5 type d'activités pendant que le colonel Jankovic rédigeait ses rapports ?
6 R. J'ai continué à travailler de façon normale, j'ai fait toutes les
7 tâches et responsabilités qui étaient les miennes. Je n'ai pas cessé d'être
8 le chef du secteur. Je n'ai pas non plus arrêté d'informer mon commandant
9 et de lui rendre compte. Donc j'effectuais tous les travaux réguliers pour
10 lesquels j'étais habilité, et il n'y avait absolument aucun changement en
11 ce qui concerne mon travail.
12 Q. Au cours de la période pendant laquelle vous rédigiez des rapports,
13 vous rendiez compte aux supérieurs, et pendant la période pendant laquelle
14 le colonel Jankovic rendait des rapports, est-ce que vous pouvez nous dire
15 si vous envoyiez les rapports aux mêmes organes supérieurs ?
16 R. Si je ne m'abuse, je ne peux pas vraiment vous énumérer précisément
17 tous les documents que nous avions envoyés, tous les rapports que nous
18 envoyions, je ne sais pas s'ils allaient au commandement du Corps de la
19 Drina et à l'état-major principal, mais, en principe, nos rapports étaient
20 les mêmes puisque nous travaillions dans le même bureau, nous partagions le
21 même bureau, et nous nous mettions d'accord sur toutes les informations. Je
22 lui transmettais mes informations du terrain qui me parvenaient des unités
23 qui se trouvaient sur le terrain, et lui aussi m'informait de ses
24 informations. Je ne sais pas exactement qui étaient ses contacts, mais il
25 me transmettait les renseignements qu'il recevait. Et donc toutes les
26 informations qui étaient envoyées au commandement du Corps de la Drina
27 étaient les mêmes. En fait, c'étaient les mêmes sujets, les mêmes demandes,
28 les mêmes informations, les mêmes précisions, dépendamment, bien sûr, de ce
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1 que l'on écrivait, dépendamment de ce que l'on mettait dans le rapport.
2 Q. Et pendant la période pendant laquelle il y a eu une attaque contre
3 l'enclave, qui a eu lieu entre le 6 et le 11 juillet, et j'aimerais
4 maintenant que l'on se concentre sur la période pendant laquelle le colonel
5 Jankovic travaillait dans votre bureau, vous vous souvenez s'il y a eu des
6 demandes qui parvenaient au niveau de la brigade de vos commandants
7 supérieurs ou le long de la ligne technique ?
8 R. Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question. Vous voulez savoir
9 si, des commandements supérieurs, nous recevions des demandes et des
10 informations ?
11 Q. Oui.
12 R. Oui. La réponse est affirmative. Du commandement du corps d'armée, des
13 demandes nous ont été faites afin d'informer, de façon régulière et
14 irrégulière et à toutes les demi-heures ou aux cinq minutes, si jamais il y
15 avait changement, si nous avions de nouvelles informations, il fallait leur
16 rendre compte de tous ces éléments.
17 Q. Au cours de l'attaque menée par la VRS sur l'enclave, est-ce que vous
18 avez appris si les cibles, outre les cibles militaires telles les éléments
19 de l'ABiH, si les cibles incluaient également des cibles civiles ?
20 R. Si vous me demandez si j'ai jamais vu un document ou un ordre, ou quoi
21 que ce soit de cet ordre, où on précisait que les civils devaient être pris
22 à partie, non, je n'en ai pas vu. Je n'ai pas vu ce type de document et je
23 n'ai jamais vu par écrit que l'on désigne des civils comme faisant l'objet
24 de l'attaque, si c'est ça votre question.
25 Q. En fait, ce n'était pas ça la question, Monsieur. Mais puisque vous me
26 répondez de cette manière-là, j'aimerais savoir si vous vous seriez attendu
27 à voir, dans un ordre de la VRS ou dans un document relayé, un ordre
28 expressément désignant les civils comme constituant des cibles d'attaque ?
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1 R. Non, bien entendu que je ne me serais pas attendu à cela. Et je ne vois
2 pas qui aurait rédigé cela dans un ordre, je ne vois pas un commandant le
3 faire. Ce ne serait pas normal.
4 Q. Dans les ordres et dans les documents, est-ce que vous avez vu des
5 références aux conventions de Genève, au respect de celles-ci ?
6 R. Je comprends votre question maintenant, parce que dans mon casque,
7 l'interprétation dirige mes réponses, je dois dire. Maintenant, je vous
8 comprends. Vous me demandez si, dans l'ordre, il y avait une partie qui
9 prévoyait l'attitude à réserver vis-à-vis des civils et des prisonniers.
10 Non. Mais ça, c'est une autre question. Dans tous les ordres, il y a des
11 dispositions relatives au traitement des civils, et l'on précise qui a la
12 responsabilité de prendre en charge les civils et les prisonniers de
13 guerre. Donc, ça c'est exact.
14 Q. Monsieur, est-ce que vous vous souvenez, dans les ordres que vous avez
15 reçus, qu'il y ait eu expressément des mentions aux conventions de Genève ?
16 Est-ce qu'il y a eu des ordres expressément vous enjoignant à ne pas vous
17 en prendre aux civils, sur la base des conventions de Genève ?
18 R. Oui, je me souviens de tels ordres, et il me semble qu'il y avait là
19 l'ordre de préparation du commandement du Corps de la Drina avant les
20 opérations de combat, si mes souvenirs sont bons. Dans cet ordre, très
21 précisément, il était dit qu'au moment des opérations de combat, il fallait
22 respecter les conventions de Genève, et je me souviens bien que c'était
23 écrit dans cet ordre.
24 Q. Je ne vais pas examiner cela plus en avant, Monsieur.
25 Mais en fait, initialement, je voulais vous demander autre chose. Avez-vous
26 reçu des rapports ou des éléments d'information vous permettant de penser
27 qu'on allait s'en prendre à des civils pendant l'opération menée par la VRS
28 contre Srebrenica ?
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1 R. Est-ce que vous pourriez préciser un petit peu la période à laquelle se
2 réfère votre question pour que je sache exactement de quelle période vous
3 parlez ?
4 Q. J'ai à l'esprit la durée de l'attaque très précisément, où on aurait
5 pris à partie des civils, où on aurait touché des civils, où les forces de
6 la VRS auraient fait cela. J'aimerais savoir à quel moment vous l'avez
7 appris et de quelle source. Là, je ne me réfère pas à des rapports écrits.
8 Lorsque je parle de rapports ou d'informations, ce n'est pas nécessairement
9 sous la forme écrite que cela ait pu vous parvenir, mais quand est-ce que
10 vous avez appris que pendant cette attaque on avait pris à partie des
11 civils ?
12 R. Je pense que j'en ai parlé déjà dans l'affaire précédente. Je ne
13 connais pas le plan d'attaque pour ce qui concerne l'artillerie, et je ne
14 sais pas quelles sont les cibles qui ont été prises à partie. Mais ce que
15 je sais et ce dont je suis sûr, c'est que pendant l'attaque sur Srebrenica,
16 entre autres, on a également attaqué la ville de Srebrenica. Je pense que
17 j'en ai parlé précédemment dans le cadre de mes témoignages précédents.
18 Donc c'est la ville remplie de civils, de populations, et en tant que
19 telle, je l'aperçois comme constituant une cible civile.
20 Mais maintenant, si votre question concerne la période qui commence le 11,
21 à partir du moment où les civils s'acheminent vers Potocari, ça, j'en ai
22 parlé également dans l'affaire Popovic. Je suis certain, j'ai été informé
23 très clairement que l'objectif des tirs des positions du 2e Bataillon
24 d'infanterie du canon B1, que ces cibles, c'étaient des civils eux-mêmes.
25 Donc on a pris à partie la colonne de civils, cette colonne immense qui
26 avançait vers la base de la FORPRONU située à Potocari, et ce, en
27 provenance de Srebrenica.
28 Q. Et ce canon B1, de quelle arme s'agit-il ?
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1 R. Ce canon B1, c'est une pièce qui se trouvait sur les positions de mon
2 2e Bataillon d'infanterie, à peu près, enfin cette élévation, ce sommet,
3 s'appelle Etoile ou Cocarde, et c'était dans ce secteur-là. Un canon B1,
4 c'est une pièce qui, vu où elle était positionnée, pouvait tirer à tir
5 tendu, parce qu'elle était pointée directement sur Potocari. Bien entendu,
6 elle aurait pu tirer à gauche et à droite par rapport à la voie de
7 communication. Donc, tout ce qui était à portée de cette arme. Potocari,
8 cette position, se situe directement le long de l'axe qui permettait de
9 viser directement.
10 Q. Je voudrais que l'on se penche un instant sur les trois réunions qui
11 ont eu lieu à l'hôtel Fontana. Les Juges de la Chambre ont entendu beaucoup
12 d'éléments là-dessus, il s'agit de réunions du 11 et du 12. Je ne pense pas
13 qu'il faille reparler en détail de ces trois réunions.
14 J'ai néanmoins quelques questions à vous poser à ce sujet. Par rapport à la
15 première réunion à l'hôtel Fontana, j'aimerais savoir comment vous avez été
16 mis au courant du fait qu'une réunion allait se tenir là-bas ?
17 R. Oui, je m'en souviens que la réunion allait avoir lieu à l'hôtel
18 Fontana. C'est quelque chose que j'ai appris de la part du colonel
19 Jankovic.
20 Q. Brièvement, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quel est le rôle
21 que vous avez joué vous-même pendant cette première réunion, et
22 physiquement, où étiez-vous pendant cette réunion.
23 R. Oui, je peux le faire.
24 Alors, le colonel Jankovic m'a dit qu'une réunion allait se tenir à l'hôtel
25 Fontana. C'était ce soir-là vers 20 heures qu'il m'a dit qu'il fallait
26 aussi que je trouve un interprète. Bien sûr, j'ai téléphoné au chef de la
27 police militaire et je lui ai demandé de trouver Petar Uscumlic par le
28 truchement d'un policier militaire, qu'il le repère et qu'il le trouve.
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1 Donc j'avais pour obligation de sécuriser l'hôtel Fontana, où allait se
2 tenir la réunion. L'hôtel Fontana devait être libre, il ne devait y avoir
3 personne. Je devais le sécuriser et je devais emmener l'interprète au
4 moment où la réunion allait se tenir. On m'a dit que commandant de l'état-
5 major principal, le général Mladic, allait venir à la réunion et qu'allait
6 y assister le commandant du Bataillon néerlandais, M. Karremans. Et après
7 avoir fait le nécessaire pour que l'interprète soit trouvé, je me suis
8 rendu à l'hôtel Fontana. Je me suis mis d'accord avec le chef de la police
9 militaire pour qu'il amène la police, et j'allais être présent là où la
10 réunion allait se tenir. Donc le chef de la police, la police militaire et
11 moi-même allions sécuriser l'endroit où allait se tenir la réunion. Avant
12 la réunion, peu de temps avant, je ne sais pas combien de temps avant, on a
13 vu arriver le colonel Jankovic. Il est venu à l'hôtel Fontana, et dans la
14 première pièce - je pourrais vous faire une esquisse pour vous montrer
15 comment se présente Fontana - donc, dans une première pièce, il y avait moi
16 et l'interprète qui entendions d'accueillir le général. Le général Mladic
17 est arrivé avant 20 heures à l'hôtel Fontana. Nous l'avons accueilli. Le
18 colonel Jankovic lui a rendu compte de la situation. Nous lui avons
19 présenté Petar Uscumlic. L'interprète qui a donné son nom de famille au
20 général Mladic. Et le général Mladic a eu la sensation qu'il s'agissait
21 d'un interprète musulman, il a commencé à crier et il l'a mis dehors. Donc,
22 dans cette pièce, il n'y a plus que le colonel Jankovic et moi-même. Les
23 officiers néerlandais sont arrivés, et c'est dans une petite pièce que
24 s'est tenue cette première réunion. Donc j'avais pour tâche de faire le
25 nécessaire sur le plan de sécurité avec le commandant de la police
26 militaire. Au début de la réunion -- je dois dire que c'est une petite
27 pièce. Et vous avez une cloison qui est en accordéon glissante, et donc
28 c'est par cette cloison qu'elle est fermée. Moi j'étais à 3, 4, 5 mètres
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1 tout au plus sur la gauche par rapport à cette petite pièce où se tenait la
2 réunion. Donc je ne voyais pas les interlocuteurs; j'entendais ce qu'il s'y
3 passait. Donc, voilà, c'est ce qui s'est passé avant le début de la
4 réunion.
5 Q. Comme je l'ai déjà dit, les Juges de la Chambre ont beaucoup entendu
6 parler de cette première réunion, donc j'aimerais que l'on avance.
7 Est-ce que vous êtes revenu dans votre commandement après cette première
8 réunion ?
9 R. Oui. Après cette première réunion, le général Mladic a exigé qu'une
10 deuxième réunion soit convoquée pour le même soir, et, bien sûr, donc cette
11 réunion s'est terminée. Les Néerlandais sont revenus dans leur base. Et moi
12 je suis revenu au commandement de la Brigade de Bratunac.
13 Q. Et lorsque vous êtes revenu dans votre commandement, est-ce que vous
14 avez reçu les éléments d'information concernant la population musulmane ?
15 R. Même avant j'ai reçu des éléments d'information, qui me parvenaient de
16 manière intense. Là nous sommes déjà dans la soirée, il y a pas mal de
17 rapports d'information qui parviennent des commandements des bataillons,
18 mais surtout du 2e Bataillon d'infanterie, qui a un contact direct avec
19 Potocari. Et depuis le poste d'observation et les positions du 2e Bataillon
20 d'infanterie, on nous informait sans arrêt, faisant état des milliers de
21 gens qui partaient de Srebrenica et avançaient vers Potocari, vers la base
22 de la FORPRONU. Ce sont les informations que j'ai reçues avant la réunion,
23 avant le soir et pendant la soirée.
24 Sur la base de tout ce que je savais au sujet de l'enclave et sur la base
25 de tout ce que savaient les organes situés au commandement des trois
26 bataillons, du 1er, 2e et 3e, et là je parle précisément du 2e Bataillon,
27 notre évaluation était que parmi ces civils se trouvait un grand nombre
28 d'hommes valides. Je voudrais juste vous préciser une chose. Le fait que
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1 quelqu'un soit apte à combattre, à mon sens - c'était mon appréciation, mon
2 évaluation - donc le fait que quelqu'un soit apte à combattre ne signifie
3 pas automatiquement qu'il est mobilisé et qu'il est membre d'une unité.
4 Donc nous avons estimé que parmi ces groupes de civils, il est possible
5 qu'il y ait entre 1 500 et 2 000 hommes valides.
6 Q. Alors qu'est-ce que vous avez fait de cet élément d'information ?
7 R. Toutes les informations que j'ai reçues ce jour-là, dans l'après-midi
8 et dans la soirée, ainsi que tout ce que j'avais appris la veille, puis au
9 lendemain et dans les journées qui ont suivi, je les ai couchées par écrit
10 et je les ai relayées au commandement du Corps de la Drina, à l'organe
11 chargé de la sécurité et du renseignement, donc à mes supérieurs. Donc
12 c'est oralement aussi que j'ai informé les membres de ma brigade, c'est-à-
13 dire ceux parmi eux qui étaient concernés par cette information. Et j'ai
14 relayé l'ensemble de ces informations à mon commandant lorsque je l'ai vu
15 ultérieurement.
16 Q. Vous parlez du commandant, vous dites lorsque vous l'avez vu
17 ultérieurement. Et quand vous dites "ultérieurement", que voulez-vous dire
18 plus précisément, le même jour, le lendemain ?
19 R. Non, je ne pense pas à la journée du 11. Je pense à la journée du 12,
20 dans l'après-midi. C'est la première fois que je l'ai revu. Donc il s'agit
21 du colonel Blagojevic que j'ai informé de l'ensemble des éléments que
22 j'avais reçus. En son absence, je n'ai pas pu l'en informer de manière
23 détaillée.
24 Q. D'accord. Vous nous avez parlé de la deuxième réunion qui était prévue
25 à l'hôtel Fontana. Nous n'avons pas besoin là non plus de passer en revue
26 tous les détails de cette réunion. Mais physiquement, dites-nous où vous
27 vous êtes trouvé pendant cette deuxième réunion à l'hôtel Fontana ?
28 R. Tout ce que je vous ai dit au sujet du rôle que j'ai joué, au sujet du
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1 rôle qui était joué par la police militaire, relativement à la première
2 réunion et toutes mes obligations qui étaient celles par rapport à la
3 première réunion, elles restent les mêmes. Tout reste de même, et je
4 circule là devant la pièce où se tient la réunion.
5 Q. Et à l'issue de la réunion, où vous êtes-vous rendu ?
6 R. Après la fin de la réunion, le général Mladic a donné un ordre, il a
7 ordonné que les officiers du Bataillon néerlandais et le représentant de la
8 partie musulmane soient escortés jusqu'à Potocari. J'ai exécuté cet ordre,
9 je me suis mis dans la voiture, j'ai escorté les officiers concernés ainsi
10 que le représentant de la partie musulmane.
11 Q. A ce moment-là, saviez-vous que le lendemain matin une troisième
12 réunion était prévue ?
13 R. Oui, je le savais.
14 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire aux Juges de la Chambre ce que
15 vous avez fait dans la journée du 12 à partir de la matinée, est-ce que
16 vous pouvez nous passer en revue chronologiquement les événements.
17 R. Je dois vous dire que dans la nuit du 12 au 13, j'étais l'officier de
18 permanence dans la salle d'opérations. Mon adjoint était Mirko Jankovic. Et
19 ce matin-là, tout comme pour les réunions précédentes, le rôle que j'avais
20 à jouer n'a subi aucune modification. Je savais quelles étaient mes
21 obligations. Je savais que la réunion devait se tenir à 10 heures le 12, et
22 la police militaire - Mirko Jankovic en tant que chef, et moi en tant que
23 chef de l'organe chargé de la sécurité et du renseignement de la brigade -
24 nous nous sommes chargés de l'ensemble des mesures qui s'imposaient pour
25 que l'hôtel soit sûr pour que la réunion puisse s'y tenir et qu'il n'y ait
26 personne dans l'hôtel.
27 Donc la réunion était prévue à 10 heures, je savais exactement -- enfin, je
28 ne connaissais pas tous les noms, mais je savais qui était convoqué à la
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1 réunion. D'après mes informations, c'étaient les représentants des pouvoirs
2 militaires avec le commandant du corps, le général Mladic, à leur tête, et
3 d'autres officiers représentant la partie serbe. Ensuite, les pouvoirs
4 civils, c'est-à-dire les représentants du pouvoir civil, les représentants
5 de la FORPRONU et les représentants de la partie musulmane. Et la veille au
6 soir, ils avaient été représentés par Mandzic. Lors de cette troisième
7 réunion, justement, toutes ces personnes sont venues, y compris les
8 représentants de la partie musulmane, dont une femme dont je ne connais pas
9 le nom. Nesib Mandzic et M. Nuhanovic, qui ont composé leur équipe de
10 négociateurs.
11 Comme j'avais été présent aux deux réunions précédentes, je savais à peu
12 près quel serait l'objet de cette réunion-ci. Je savais qu'on allait parler
13 de la situation au sens général du terme, et puis des questions techniques
14 relatives à l'opération et du déplacement forcé des Musulmans de Potocari.
15 Je n'étais pas présent à cette réunion. Elle a commencé à peu près vers 10
16 heures. Les autres participants que j'ai énumérés sont arrivés sur place.
17 Je tiens à dire quelque chose qui est essentiel et qui s'est produit juste
18 avant le début de cette réunion qui s'est tenue ce jour-là, le 12 juillet.
19 J'étais devant l'hôtel Fontana, c'est là que j'ai vu MM. Popovic et
20 Kosoric, qui sont deux officiers du commandement du Corps de la Drina, le
21 chef de la sécurité et le chef du renseignement. Nous avons parlé de la
22 situation au sens général du terme et nous avons évoqué la suite des
23 événements relatifs aux personnes qui quittaient la ville pour aller vers
24 Potocari. A ce moment-là, on m'a dit qu'ils allaient être transférés à
25 Kladanj, les femmes et les enfants. Ils allaient être transférés à bord
26 d'autocars vers le territoire entre les mains des Musulmans, c'est Popovic
27 qui m'a dit cela, et que les hommes valides seraient séparés et
28 temporairement détenus sur le territoire de la municipalité de Bratunac.
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1 J'ai demandé à Popovic ce qui allait advenir de ces gens-là. Lui, il m'a
2 dit que les Balija, il fallait tous les exécuter. Je n'ai pas fait de
3 commentaire à sa déclaration. Cette conversation a duré peut-être cinq,
4 six, sept minutes, pas plus que ça. Pendant cette conversation, nous avons
5 mentionné, ou, en fait, moi j'ai proposé, j'ai dit : Donc on va séparer ces
6 hommes, on va les détenir. Et les installations qui s'y prêtent le mieux à
7 Bratunac, c'est l'école élémentaire Vuk Karadzic, le hangar, la salle
8 d'éducation physique de l'école Vuk Karadzic. Donc c'étaient des bâtiments
9 qui étaient libres. Puis il y avait aussi des bâtiments de l'ancien centre
10 d'éducation secondaire Djuro Pucar Stari. C'étaient des bâtiments sur un
11 territoire qui pouvait être sécurisé avec un nombre relativement modeste
12 d'hommes. Donc ils ont dit que cela ne posait aucun problème, que c'étaient
13 ces bâtiments-là.
14 Alors, la première impression que j'ai eue, ce que j'ai pensé à ce moment-
15 là, c'est qu'on allait probablement sélectionner les gens, il s'agit du
16 triage militaire, c'est une procédure tout à fait normale. Je pensais qu'on
17 allait séparer ceux pour lesquels le doute est fondé qu'ils aient pris part
18 à des meurtres de civils et qu'ils aient pris part à des activités
19 militaires. Mais finalement, ce qui s'est passé, c'est quelque chose ce à
20 quoi je ne m'étais pas attendu, c'est qu'au début de l'évacuation, on a mis
21 de côté tous les hommes, indépendamment de leur âge, qu'ils soient valides
22 ou pas. Donc ce que j'ai vu, c'est que l'on a mis de côté tous les hommes
23 arrivés à Potocari.
24 On a discuté après cela, lorsqu'il a dit que tous les Balija devaient être
25 exécutés, on a parlé de cela, donc où est-ce que tous ces Balija, ces
26 Musulmans, doivent être tués. On a mentionné deux sites. Premièrement, les
27 mines de Sase, et ensuite, les bâtiments de la briqueterie. Je dois dire
28 que personne n'a été emmené ni dans cette mine de Sase ni dans la
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1 briqueterie, que personne n'y a été ni emmené ni exécuté.
2 Après cette réunion, ils sont partis assister à la réunion. Et après la
3 réunion, le colonel Jankovic m'a appelé, m'a fait venir, et il m'a dit
4 qu'il fallait que j'aide. Je dois dire que j'ai parlé de "coordination"
5 lors de l'affaire précédente où j'ai déposé. Je ne savais pas quel était le
6 sens militaire de ce terme. Mais dans ma déposition, je ne vais dire
7 maintenant rien de contraire à ce que j'ai fait. Tout simplement, je ne
8 vais plus employer le terme de "coordination" parce que je pense que ce
9 terme n'est pas approprié. Donc le colonel Jankovic m'a dit : Pendant la
10 période qui vient, vous devez aider à ce que cette opération soit menée à
11 son terme correctement. Il pensait au déplacement des civils de Potocari
12 vers Kladanj.
13 Q. Je vous arrête un moment.
14 Je vois dans le compte rendu d'audience qu'il y a un dénommé Nikolic qui
15 est mentionné. Page 20, ligne 7, il est mentionné : "M. Nikolic m'a dit que
16 dans la période à venir, il faudrait qu'on ait de l'aide pour que cette
17 opération soit menée à bien."
18 De qui parliez-vous ? Parce que je ne pense pas que vous vouliez dire M.
19 Nikolic. Je crois que votre langue a fourché.
20 R. Oui, effectivement, peut-être que ma langue a fourché. Après la
21 réunion, j'ai parlé au colonel Jankovic.
22 Q. Très bien. Il faut que le compte rendu d'audience soit exact, lorsque
23 vous parlez du colonel Jankovic, vous faites référence au colonel de
24 l'état-major principal qui a occupé votre bureau à partir du 8 juillet, et
25 non un dénommé Mirko Jankovic qui était le commandant de détachement de la
26 police militaire. Parce que nous avons deux personnes qui ont le nom de
27 famille Jankovic.
28 R. Oui, c'est exact.
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1 Q. Très bien. Alors je voudrais revenir quelques instants sur la
2 conversation que vous avez eue avec M. Popovic, et ceci, avant la troisième
3 réunion qui s'est tenue au Fontana.
4 Vous nous avez dit que deux endroits avaient été mentionnés, à savoir deux
5 sites potentiels d'exécution. Qui a proposé ces endroits à M. Popovic ?
6 R. Bien, je ne sais pas. Et puis, je ne dirais pas que c'était une
7 proposition. Pour être simple, nous avons abordé tout cela. M. Popovic et
8 M. Kosoric connaissaient la mine de Sase, tout comme moi-même. Et je crois
9 qu'ils ont été les premiers à mentionner la mine de Sase. Ensuite, j'en ai
10 également parlé. Nous avons parlé de ces endroits ensemble. Mais je ne sais
11 pas qui a mentionné cela en premier.
12 Nous avons tous les trois parlé de cet endroit.
13 Q. Et qu'en est-il de la briqueterie de Ciglane ? Vous souvenez-vous qui
14 en a parlé en premier ?
15 R. Non, je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas qui en a parlé le premier.
16 Je sais que nous avons parlé de ces deux endroits. Et une dernière chose.
17 Ensuite, je l'ai découvert, je ne sais pas qui était à l'origine de cette
18 information, mais j'ai reçu cette information que certains officiers - je
19 ne sais pas lesquels - s'étaient rendus dans le secteur de la briqueterie
20 et de Sase avant que quoi que ce soit ne se produise. Je ne sais pas de qui
21 il s'agissait et quand ils s'y sont rendus. Mais c'est le directeur de la
22 briqueterie qui me l'a dit et qui a expliqué qu'ils se rendaient à
23 proximité de la briqueterie de Ciglane. Je crois qu'il s'appelle Nedjo
24 Nikolic.
25 Quoi qu'il en soit, c'était le directeur de la briqueterie, et il disait
26 que des officiers se rendaient là-bas avant la chute de Srebrenica. Et il a
27 dit qu'ils en avaient parlé.
28 Donc je n'ai jamais avancé quoi que ce soit. Je n'ai jamais vérifié cette
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1 information. Je n'en suis pas sûr. Mais c'est ce que j'ai entendu. Je ne
2 sais pas si c'est vrai ou pas.
3 Q. Et durant la troisième réunion au Fontana, où vous trouviez-vous ?
4 Etiez-vous juste à l'extérieur de la pièce en question ou est-ce que vous
5 étiez ailleurs durant cette troisième réunion ?
6 R. Durant cette troisième réunion, je ne me trouvais pas dans la pièce à
7 proprement parler, tout simplement parce que la salle était bondée.
8 Beaucoup de personnes ont participé à cette réunion, et en tant qu'organe
9 de renseignement, je pensais que je n'entendrais rien de nouveau là-bas.
10 Ils parlaient de l'aspect technique portant sur le nombre de bus, la
11 quantité de carburant, les escortes, et cetera. Donc je n'étais pas à
12 l'intérieur du Fontana. J'étais à l'endroit où se trouvait la réception. Il
13 y a un espace qui sépare ce lieu de la salle de réunion. Ensuite, j'étais
14 devant l'hôtel, et je vérifiais ce que faisait la police et la sécurité, et
15 donc je ne sais pas ce qui a été abordé.
16 Q. D'accord.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vais vous interrompre une seconde.
18 Une question de suivi : à la page 17, ligne 25 du compte rendu d'audience,
19 vous dites : "Depuis que j'avais participé aux deux réunions, je savais" -
20 et je crois que c'est une erreur - "…quel était le contenu de cette
21 réunion."
22 Et ceci fait référence à la troisième réunion. J'aimerais savoir si vous
23 aviez effectivement participé aux deux premières réunions ? Est-ce que vous
24 y avez participé ou est-ce que vous n'étiez présent qu'en marge de ces
25 réunions ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je me veux d'être
27 précis. J'ai participé aux deux premières réunions à l'hôtel Fontana. Et
28 j'étais à un endroit où je pouvais suivre les discussions. Cependant, je
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1 n'ai pas été un des participants à la réunion. Je ne représentais personne
2 à la réunion et je n'ai pas participé à la réunion de cette manière.
3 Donc à la première réunion, vous avez le général Mladic, le général
4 Jankovic, et un peu plus tard, le général Zivanovic.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais ma question est de savoir si
6 vous étiez présent dans la salle même de la réunion ou si vous étiez à
7 l'extérieur de la salle où se tenaient ces deux premières réunions ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Autant que je me souvienne, je n'étais pas à
9 l'intérieur de la salle où se tenait la réunion. C'est une petite pièce.
10 J'étais à 3, 4 ou 5 mètres à l'extérieur de la salle de la réunion. C'est
11 une salle plus importante qui donne accès à la salle plus petite où se
12 tenait la réunion.
13 Peut-être que je peux vous faire un croquis pour que ce soit plus
14 simple.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, je voulais juste savoir où vous
16 vous trouviez exactement durant ces deux premières réunions.
17 Monsieur Thayer, vous pouvez continuer.
18 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Q. Je voudrais revenir au moment où le colonel Jankovic est sorti de
20 l'hôtel Fontana suite à la troisième réunion et au moment où il vous a
21 donné des instructions.
22 Si je vous ai bien compris, vous ne voulez pas décrire d'un point de vue
23 militaire certaines de vos activités comme étant des activités de
24 coordination, pour utiliser un terme technique. Si je vous comprends bien,
25 c'est parce que vous définissez ce terme comme un terme qui a une
26 connotation de commandement et d'autorité. Est-ce que je comprends bien
27 votre position, Monsieur le Témoin ?
28 R. Je crois que vous m'avez bien compris, effectivement. Oui, vous m'avez
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1 bien compris.
2 Q. Pour votre information, l'Accusation n'avance pas que vous étiez
3 commandant à l'instar du colonel Blagojevic. Nous comprenons tout à fait
4 cela. Je voudrais me concentrer sur vos actions, sur ce que vous avez fait
5 et ce que vous avez observé.
6 Alors, si vous pouvez vous en souvenir, essayez d'être aussi précis
7 que possible, est-ce que vous vous souvenez de ce que vous a dit le colonel
8 Jankovic, ce qu'il vous a demandé de faire et ce à quoi vous pourriez vous
9 attendre ?
10 R. Ce dont je me souviens c'est que le colonel Jankovic m'a dit que je
11 devais aider à mener à bien cette opération à Srebrenica. Et comme je l'ai
12 déjà mentionné, cette opération comprenait également le transfert de femmes
13 et d'enfants à bord de bus en direction du territoire contrôlé par les
14 Musulmans à Kladanj, alors que les Musulmans militairement aptes et valides
15 devaient être temporairement séparés et détenus.
16 J'ai posé une question au colonel Jankovic. Je lui ai demandé qui allait se
17 charger de cela et ce qui allait se passer à Potocari. Il m'a répondu de la
18 manière suivante, il m'a dit que les activités concernant cette opération
19 avaient déjà fait l'objet d'un accord. Cela signifiait que les commandants
20 qui allaient être engagés à Potocari avaient déjà reçu leurs instructions
21 et qu'ils se trouvaient déjà à Potocari.
22 Maintenant, de là à savoir quand ils ont reçu ces instructions, de qui et
23 de quelles instructions il s'agissait, ça, je ne le sais pas.
24 Q. Et durant cette conversation que vous avez eue avec le colonel
25 Jankovic, est-ce que l'exécution des hommes musulmans a été abordée ?
26 R. Non. Le colonel Jankovic n'a pas mentionné cela.
27 Q. Est-ce qu'il vous a donné des noms, notamment des noms d'officiers avec
28 qui vous deviez rentrer en contact à Potocari ?
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1 R. Oui. Il a mentionné le nom d'un officier, entre autres, un dénommé
2 Dusko Jevic. Il était officier de la Brigade spéciale de la police de
3 Republika Srpska.
4 Q. Est-ce que M. Jevic avait également un surnom ?
5 R. Si je me souviens bien, son surnom c'était Stalin.
6 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait et ce que vous avez vu à
7 Potocari le 12 juillet.
8 R. Le 12 juillet, comme je l'ai déjà mentionné dans ma déclaration écrite,
9 j'ai passé une partie du temps dans la salle de gestion des opérations et
10 une partie du temps à Potocari. A Potocari, j'ai reconnu certains membres
11 de certaines unités qui étaient engagés à Potocari, parce que je les
12 connaissais. Il s'agissait de personnes qui étaient présentes à Potocari le
13 12. Si nécessaire, je peux vous donner les noms de ces personnes ainsi que
14 des unités qui étaient présentes à Potocari.
15 Autant que je le sache, il y avait des parties ou des groupes de la
16 police de Bratunac ainsi que des parties du 2e Bataillon d'infanterie. Un
17 peu plus tard, durant la journée, il y avait également des membres du 3e
18 Bataillon d'infanterie qui sont arrivés. Ensuite, des membres du poste de
19 la sécurité publique de Bratunac étaient présents, des membres de la police
20 civile. Et puis, il y avait des membres du 10e Détachement de Sabotage de
21 l'état-major principal qui étaient également présents, tout comme des
22 membres du 65e Régiment de Protection de l'état-major principal de Nova
23 Kasaba, ils avaient leur QG à Nova Kasaba. Il y avait également des membres
24 de la police militaire du commandement du Corps de la Drina. Et puis, vous
25 aviez également des soldats d'un détachement que l'on appelait les Loups de
26 la Drina, Vukovi Sa Drina. Je ne sais pas si des noms ou des personnes
27 m'ont échappé, toujours est-il qu'il s'agissait de personnes que je
28 connaissais. Certains d'entre eux avaient déjà été postés à Bratunac
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1 auparavant, par exemple, des membres des forces de la police issus du
2 corps, ainsi que du 65e Régiment de Protection.
3 Un peu plus tard, je me suis rendu compte que ce que le colonel
4 Jankovic m'avait dit était exact, à savoir les forces responsables de
5 l'évacuation étaient déjà sur place. Mon rôle était de prêter mon soutien à
6 ces personnes, c'est-à-dire de prêter mon soutien aux officiers et aux
7 unités, étant donné que j'étais un résident et que je connaissais très bien
8 le secteur, et je connaissais également bien beaucoup de personnes qui
9 étaient sur place.
10 Mon aide, le 12, a été principalement à l'attention de Dusko Jevic.
11 Il y avait certains problèmes que nous rencontrions, comme vous le savez.
12 Le premier problème était l'approvisionnement en eau. Le commandant Kingori
13 m'a demandé d'obtenir de l'eau, et je suis donc allé à Bratunac obtenir une
14 citerne d'eau qui devait ensuite être acheminée en direction de Srebrenica.
15 Il y avait énormément de monde autour des bus quand nous sommes arrivés. Et
16 donc j'ai dit à M. Jevic qu'il fallait peut-être changer d'endroit et aller
17 un peu plus loin, à 200 ou 300 mètres, dans une zone qui était un peu plus
18 grande. Ensuite, j'ai essayé de résoudre les problèmes que l'on a
19 rencontrés lorsque les transports ont commencé. Mais je dois mentionner une
20 autre chose, je dois mentionner ce que j'ai vu lorsque les transports ont
21 commencé.
22 Lorsque le processus de séparation a commencé, à Potocari, le général
23 Mladic était présent, il y avait d'autres personnes. Je ne vais pas en
24 donner tous les noms. Je pense qu'il y a très peu d'officiers de l'état-
25 major principal et des commandants de la brigade qui n'étaient pas présents
26 à Potocari le 12. Je peux vous dire que tout le monde était présent et que
27 tout le monde voulait voir cela. Lorsque le processus de séparation a
28 commencé, et j'en suis certain parce que je l'ai vu, le général Mladic et
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1 Ljubisa Borovcanin étaient présents, ainsi que le commandant des unités
2 spéciales, ainsi que Jevic, et d'autres officiers qui étaient également
3 présents. Et j'ai vu quelque chose de terrible se produire. J'ai vu comment
4 ceux qui ont fait l'objet de la séparation étaient maltraités. On les a
5 insultés, on les a battus. J'ai observé le processus de séparation. J'ai vu
6 comment on leur a retiré tous leurs effets personnels, leurs sacs, leur
7 argent, tout ce qu'ils avaient en leur possession. Et quand ils ont été
8 séparés du groupe, ils ont été détenus à l'intérieur de plusieurs maisons
9 musulmanes abandonnées. Ensuite, ils ont été transférés à Bratunac.
10 Donc on les a insultés, on les a maltraités, on les a battus, on leur a
11 pris leurs effets personnels, c'est ce que j'ai vu lorsque j'étais présent
12 sur place. Dans ma déposition, j'ai exprimé le fait que je regrettais de ne
13 pas avoir réagi à cette situation. Je l'ai dit au moment de ma déposition,
14 et je le redis maintenant, que quelles que soient les circonstances et les
15 conséquences, je me devais tout du moins d'essayer de protéger ces
16 personnes. Dans ma déposition, j'ai dit que je ne l'avais pas fait et que
17 je le regrettais.
18 Cependant, je voudrais mentionner quelque chose d'autre ici, quelque chose
19 de véridique. Je n'avais pas la force, je ne disposais pas des unités
20 nécessaires. Je n'avais pas non plus l'autorité, c'est-à-dire l'autorité en
21 tant que commandant qui m'aurait permis d'empêcher cela. J'aurais pu le
22 faire en tant qu'être humain. J'ai essayé de faire la même chose en 1992 et
23 je me suis retrouvé à l'hôpital. Et pour être franc, vous aviez des membres
24 du 10e Détachement de Sabotage et des membres des Loups de la Drina ainsi
25 que d'autres, et en raison de leur présence, je ne pouvais rien faire pour
26 protéger ces gens, même si je n'étais vraiment pas d'accord avec ce qui se
27 passait. Je suis resté silencieux. Je n'ai pas réagi. Je n'ai pas prêté
28 assistance. Mais en même temps, je n'ai touché à personne et je n'ai rien
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1 fait. Voilà ce que je voulais dire.
2 Les transports ont commencé vers 13 heures, 13 heures 30 ou 14 heures. Je
3 ne peux pas être plus précis. Et autant que je sache, et j'en ai déjà parlé
4 dans mes dépositions, le premier convoi était composé en partie de certains
5 hommes. Pourquoi ? Je crois que j'en ai déjà parlé dans mes dépositions, et
6 je ne pense pas que des commentaires supplémentaires soient nécessaires.
7 Ces hommes étaient à bord de ce premier convoi à des fins de propagande.
8 Ils n'avaient pas été incorporés au premier convoi en toute bonne foi.
9 C'est mon opinion personnelle. Peut-être que ce n'est pas vrai, mais c'est
10 mon opinion personnelle. Ensuite, des convois sont allés à Kladanj, mais
11 ils étaient pratiquement vides. Enfin, ce que je veux dire, c'est qu'il n'y
12 avait pas d'hommes; il n'y avait que des femmes et des enfants à bord de
13 ces convois suivants.
14 Et je voudrais également dire une dernière chose concernant ce que j'ai
15 fait d'autre le 12. Lorsque les convois ont commencé à partir, les convois
16 ont rencontré des problèmes lorsqu'ils ont traversé la ville. Des civils
17 s'étaient rassemblés en chemin. Il s'agissait principalement de mères de
18 combattants qui avaient été tués ainsi que de parents de ces combattants
19 tués. Donc les bus devaient traverser la ville de Bratunac, et en
20 traversant la ville - ça représentait un parcours d'environ 700 à 800
21 mètres - les bus ont été touchés par des pierres. J'ai essayé de résoudre
22 la situation et de faire participer la police civile ainsi que certaines
23 personnes qui faisaient partie de la police militaire pour empêcher cela.
24 Et lorsque je n'étais pas à Potocari, j'étais au niveau de la salle de
25 gestion des opérations. Je recevais toutes les informations qui nous
26 arrivaient et je faisais rapport sur tous les éléments qui nécessitaient un
27 rapport. En mon absence, j'étais remplacé par un officier moins gradé issu
28 des services de logistique ou d'autres services. Et à mon retour, je
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1 prenais connaissance de toutes les informations reçues des instances
2 supérieures du commandement.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je voudrais faire un commentaire.
4 A la page 28, lignes 8 et 9, vous dites : "Je crois que j'en ai parlé dans
5 mes dépositions et qu'aucun commentaire plus précis n'est nécessaire."
6 Je voudrais vous rappeler que vous êtes témoin viva voce, alors que les
7 dépositions précédentes n'ont pas été versées à ce dossier. Donc je voulais
8 préciser la chose.
9 Un autre commentaire que je souhaitais faire. A la page 27, je vous cite,
10 lignes 1 à 4 : "Je crois qu'il y a peu d'officiers de l'état-major
11 principal et des commandants de la brigade qui n'étaient pas présents à
12 Potocari le 12. Je peux vous dire que tout le monde était présent et que
13 tout le monde voulait voir cela."
14 Je voudrais savoir ce que vous entendez par là lorsque vous dites "tout le
15 monde était présent sur place" ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais dire : le 12, c'est-à-dire
17 le lendemain de la chute officielle de l'enclave de Srebrenica et le
18 lendemain du jour où les forces de la police militaire serbe sont entrées à
19 Potocari, tous les officiers étaient présents ce jour-là dans la zone de
20 responsabilité de la Brigade de Bratunac à Bratunac. Et ils ont vu tout ce
21 qui s'est passé à Potocari.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Encore une fois, quand vous dites
23 "tous", de qui parlez-vous quand vous dites "ils étaient tous sur place" ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous donner une liste, si vous le
25 souhaitez. Tout d'abord, ma brigade et les officiers de ma brigade étaient
26 présents.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce qui nous intéresse tout
28 particulièrement c'est l'état-major principal ainsi que les membres du
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1 commandement du Corps de la Drina. Est-ce que tous les membres de l'état-
2 major principal et tous les membres du commandement du Corps de la Drina
3 étaient présents à Potocari le 12, et c'est donc à cet endroit-là que vous
4 les avez tous vus ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être un bémol à cela : tous ceux qui
6 étaient à Bratunac à l'époque, pas tous les membres du commandement du
7 Corps de la Drina. Ceux qui n'étaient pas sur place n'étaient pas sur
8 place. Donc, si l'on parle du commandement, vous avez le général Krstic, le
9 lieutenant-colonel Popovic, le lieutenant-colonel Kosoric, le colonel
10 Acamovic -- le lieutenant-colonel Krsmanovic. Le général Mladic. Le colonel
11 Jankovic. Les commandants de la brigade qui ont pris le contrôle de
12 Srebrenica. Le commandant des groupes de combat qui ont pris le contrôle de
13 Srebrenica. Et puis les officiers de police. J'ai recensé ceux dont je me
14 souvenais, ceux qui faisaient partie de l'état-major principal et ceux qui
15 étaient présents à Potocari à l'époque.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. La Juge Nyambe a une question.
17 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci.
18 J'aimerais une précision, si vous pouvez nous la donner.
19 Aujourd'hui, page du compte rendu d'audience numéro 27, en réponse à la
20 question qui vous avait été posée par l'Accusation, vous avez dit la chose
21 suivante : "J'ai fait quelque chose de similaire en 1992 et je me suis
22 retrouvé à l'hôpital."
23 Est-ce que vous pouvez nous dire exactement ce que vous avez fait et
24 pourquoi vous vous êtes retrouvé à l'hôpital ? Merci.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Bien sûr. En 1992, tout au début de la
26 guerre, c'était en mai, le conflit a éclaté à Bratunac. A ce moment-là, ou
27 avant le conflit, j'étais commandant en second pour le renseignement.
28 Lorsque le conflit a éclaté, à l'état-major de Bratunac, le commandant
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1 était un Musulman, le commandant second était un Musulman, et le
2 responsable de la logistique également. Et juste avant que le conflit
3 n'éclate, ils sont partis en direction de Tuzla. Ils avaient peur de ce qui
4 allait se passer à Bratunac par la suite.
5 Ils sont restés membres de l'état-major, et étant donné qu'il n'y avait
6 personne d'autre à l'état-major mis à part moi-même, ainsi qu'un
7 responsable de la mobilisation et un agent administratif responsable de la
8 formation, j'ai donc reçu cette mission provisoire de gestion de l'état-
9 major. Mais ce n'était plus vraiment un état-major. Comme je le disais, les
10 Musulmans sont partis, le commandant, le commandant en second et le
11 responsable de la logistique étaient partis, et il n'y avait que trois
12 Serbes qui étaient restés sur place. Et c'est durant cette période que
13 j'étais responsable. Durant cette journée fatidique où j'ai fait l'objet de
14 l'attaque, il y avait des volontaires à Bratunac, ainsi que certaines
15 personnes qui étaient nées à Bratunac et au village de Kravica. Puis il y
16 avait également leurs voisins qui étaient des Musulmans à Sandici.
17 Un groupe de volontaires, avec le chef du MUP et avec le groupe du
18 village de Kravica, qui est un village complètement serbe, alors que le
19 village de Sandici est complètement musulman, ils ont pris des véhicules,
20 des voitures. Et sans accord, sans plan, ils ont traversé le poste de
21 contrôle et sont entrés dans le village de Sandici. Les habitants du
22 village, des Musulmans armés, ont ouvert le feu et des personnes ont été
23 tuées. Comme, par exemple, le chef du poste de sécurité publique, M.
24 Milosevic, et on m'a en fait reproché cet incident.
25 Les gens du village de Kravica m'ont tenu responsable, ils m'ont dit
26 que j'étais responsable, que je ne leur avais pas fourni un appui
27 militaire, un renfort. Lorsqu'ils m'ont demandé si je leur permettrais de
28 procéder à l'évacuation, je leur ai dit que je n'allais donner l'ordre à
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1 personne d'évacuer des gens qui s'étaient rendus là-bas de leur propre gré.
2 C'est là que j'ai fait l'objet de l'attaque, que j'ai été maltraité, que je
3 suis allé à l'hôpital. J'étais d'abord à l'hôpital de Sabac, et ensuite
4 j'ai été transféré à Belgrade pour d'autres soins. Et ensuite, il m'a fallu
5 quatre ou cinq mois pour me rétablir.
6 Je peux vous montrer -- enfin, je n'ai pas le dossier médical avec
7 moi, mais je l'ai dans la cellule au quartier pénitentiaire. Si vous
8 souhaitez vraiment réellement le voir, je pourrais vous le montrer pour
9 vous démontrer la façon dont je me suis comporté à l'époque. Et même à ce
10 moment-là, lorsque j'ai fait l'objet de cette attaque, j'ai dit qu'il était
11 vrai que je ne pouvais pas voir que l'on tue des enfants à Bratunac,
12 enfants à qui j'ai enseigné. Alors que toutes ces activités, en réalité,
13 portaient sur ces tueries, sur ces meurtres et exactions entre les
14 Musulmans et les Serbes. J'avais dit au médecin justement après le choc,
15 lorsque je me suis rétabli quelque peu, j'ai dit au médecin que je ne
16 pouvais plus être le témoin de ce que l'on était en train de faire aux
17 enfants à qui j'ai enseigné à l'école.
18 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci beaucoup. J'ai une autre
19 question, si je puis.
20 Très brièvement, Monsieur, il n'est pas nécessaire d'entrer dans les
21 détails. A la page 28, lignes 10 et 11 [comme interprété], vous avez dit --
22 et je devrais peut-être vous donner un petit peu le contexte. Je crois que
23 vous avez dit :
24 "Je pense en avoir parlé et qu'aucun commentaire particulier n'est
25 nécessaire ici. Ces hommes étaient là pour la propagande."
26 Donc j'aimerais savoir quels sont ces hommes à qui vous faites référence
27 ici ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Très brièvement. J'ai parlé du premier convoi.
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1 Je n'ai peut-être pas été suffisamment précis. Il s'agit donc du premier
2 convoi qui est parti de Potocari en direction de Kladanj et dans lequel il
3 y avait des réfugiés musulmans, donc il s'agissait de femmes et d'enfants
4 principalement. Dans ce premier convoi, il se trouvait un certain nombre
5 d'hommes musulmans qui étaient en âge de porter les armes.
6 Donc, dans ce premier convoi, il y avait également des hommes, il y avait
7 un certain nombre d'hommes, et j'ai dit qu'étant donné tout ce que j'ai vu,
8 et compte tenu de ce qui s'est passé plus tard, quand plus tard tous les
9 hommes avaient été séparés indépendamment du fait qu'ils étaient en âge de
10 porter les armes ou pas, donc je suis convaincu et j'ai l'impression qu'il
11 s'agissait d'une propagande, qu'il a fallu d'abord montrer aux effectifs de
12 la FORPRONU qui assuraient l'escorte de ce convoi, qu'effectivement dans
13 les convois il y avait des hommes aussi. Voyez-vous, nous ne sommes pas en
14 train de faire quelque chose de mal. Voilà, c'était donc une opinion
15 personnelle que je m'étais forgée à la suite de tout ce que j'ai observé.
16 Par la suite, cela a été confirmé, parce que dans aucun autre convoi
17 ultérieur il n'y avait d'hommes, à l'exception de ce premier convoi.
18 Et juste pour confirmer mes dires, ce dont je vous dis ici, en fait. Je
19 détiens une information - mais je n'ai pas de preuve parce que je n'étais
20 pas sur place - et donc, selon les informations que je détiens, un certain
21 nombre d'hommes de ce premier convoi aux points de contrôle à Kravica,
22 Konjevic Polje et à Tisca, donc juste avant le passage sur le territoire
23 placé sous le contrôle des Musulmans, qu'une partie de ces Musulmans s'est
24 faite également séparer sur ces points de contrôle. Et je parle
25 principalement du poste de contrôle de Tisca, il s'agit donc du passage où
26 ces hommes descendaient de l'autobus, et c'est là qu'ils se faisaient
27 séparer et ils y étaient détenus à ce moment-là. Donc ce sont des
28 informations dont je dispose. Mais je ne souhaiterais surtout pas me taire
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1 s'agissant de ces informations. Je voulais vous en faire part.
2 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois qu'il est réellement temps
4 de prendre la première pause. Nous allons prendre donc notre première pause
5 matinale, et nous reprendrons nos travaux à 11 heures 05.
6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.
7 --- L'audience est reprise à 11 heures 11.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Thayer, je vous écoute,
9 c'est à vous.
10 Monsieur Thayer, veuillez continuer.
11 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je remarque
12 qu'en fait il me reste encore 20 minutes avant le temps qui m'est imparti
13 qui était de huit heures. Je peux vous indiquer d'ores et déjà que j'ai
14 déjà éliminé un certain nombre de pièces. Je vais essayer de me concentrer
15 sur des éléments autres, mais je vais essayer de ne pas entrer trop en
16 détail, mais je vais néanmoins essayer d'écourter mon interrogatoire
17 principal. Donc, j'aurais quand même encore quelques documents à présenter
18 à M. Nikolic. Je vais devoir vous demander de bien vouloir m'accorder
19 effectivement les huit heures que j'avais demandées.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous avez une
21 demande précise ? De combien de temps encore aurez-vous besoin ?
22 M. THAYER : [interprétation] Si vous m'accordiez jusqu'à la fin de
23 cette session, de ce volet d'audience, il me fera -- enfin, je n'aurai pas
24 à trop couper. Donc, si vous m'accordiez jusqu'à la fin de ce volet
25 d'audience, cela me permettrait réellement de compléter mon interrogatoire
26 principal.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc, la Défense aurait le
28 droit au même nombre d'heures et de minutes pour le contre-interrogatoire
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1 alors.
2 M. THAYER : [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]
4 M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur, nous parlions de Potocari, les 12 et 13.
6 Et vous nous avez décrit la situation, vous avez dit qu'il y avait
7 plusieurs unités sur place le 12. Vous avez parlé de la police civile. Et à
8 un certain moment donné, j'ai également entendu dans mes écouteurs la
9 police de Bratunac. Je voudrais vous demander de nous préciser ce fait.
10 Effectivement, est-ce qu'il y avait des effectifs de la police militaire de
11 Bratunac qui étaient également présents à Potocari les 12 et 13 ?
12 R. Oui. J'ai répondu à cette question en énumérant, je crois, des
13 effectifs de la police militaire. Alors, je vais le répéter. Donc, il y
14 avait les effectifs de la police militaire de la Brigade de Bratunac, ils
15 étaient déployés à Potocari les 12 et 13.
16 Q. Vous avez également mentionné le 65e Régiment de Protection. Vous nous
17 avez dit que leur unité de police y était également. Y a-t-il donc une
18 unité de police militaire rattachée au 65e Régiment de Protection ?
19 R. Je ne dirais pas qu'il s'agissait d'une police qui était rattachée au
20 65e Régiment de Protection, à ce que je sache. Mais encore une fois, je
21 voudrais vous dire que je ne suis pas un expert s'agissant de
22 l'organisation du régiment, mais d'après ce que je sache, en leur sein, ils
23 ont des effectifs de la police. Mais il est tout à fait certain que
24 certaines parties du 65e Régiment de Protection étaient déployées à
25 Potocari.
26 Q. C'est peut-être tout à fait évident pour vous, mais nous parlons de la
27 police militaire. Nous ne parlons pas de la police civile, nous parlons
28 bien des effectifs de la police militaire, lorsqu'il est question du 65e
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1 Régiment de Protection ?
2 R. Oui, c'est tout à fait exact. Il s'agit de la police militaire.
3 Q. Fort bien. Avant la pause, vous nous avez dit que vous rendiez compte à
4 votre commandant, qui était le colonel Blagojevic, et vous lui rendiez
5 compte concernant certains événements. Pourriez-vous expliquer aux Juges de
6 la Chambre quels sont les éléments dont vous lui faisiez part le 12 juillet
7 ?
8 R. Oui. J'ai dit que s'agissant du colonel Blagojevic, je l'avais informé
9 de tous les événements qui s'étaient déroulés le 12 juillet dans la
10 journée, et ce, jusqu'au moment où je l'en ai informé des événements qui se
11 sont passés au cours de la journée. Donc, je lui ai parlé de tout ce dont
12 j'ai énuméré tout à l'heure, de tout ce dont j'ai parlé tout à l'heure,
13 pour ne pas énumérer de nouveau les éléments que j'ai mentionnés.
14 Q. Et sans entrer dans les détails, est-ce que vous lui avez rendu compte
15 de vos activités du 12 ?
16 R. Oui. Je lui ai dit qu'en date du 12, d'ailleurs il le savait puisqu'il
17 était officier de permanence, que ce jour-là, le 12 juillet, j'étais engagé
18 à Potocari, à savoir que j'étais préalablement engagé concernant les
19 réunions. Et je lui ai parlé, je lui ai dit de ce qui s'était passé, de ce
20 que je faisais, moi et le chef de la police militaire, pour ce qui est de
21 ces événements. Je l'ai également informé de la situation à Potocari. Je
22 lui ai relaté tout ce que j'ai vu et ce que je faisais. Mais je crois qu'il
23 est absolument nécessaire que je vous dise que mon commandant,
24 indépendamment du fait que j'aie l'obligation de lui rendre compte de tout
25 ce qui se passe, mon commandant disposait également des mêmes informations,
26 et dans tous les cas, le commandant devrait être plus informé que quiconque
27 au commandement de la brigade. Alors, pour préciser, j'ai informé mon
28 commandant des transports, des problèmes que j'ai pu voir, de la
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1 séparation, également je lui ai parlé des intentions, je lui ai parlé de
2 tout ce dont je savais.
3 Q. Et s'agissant du 13, le commandant Blagojevic a-t-il ajusté vos
4 responsabilités, vos tâches ? Vous a-t-il dit de ne rien faire de plus, de
5 ne rien faire de moins ? A-t-il ajusté d'une certaine façon vos tâches ?
6 R. Non, il n'y a pas eu de changement particulier, sauf que le 13 dans la
7 matinée, j'ai terminé ma permanence et je n'étais plus officier de
8 permanence, puisque cette permanence dure de 19 heures la veille à 7 heures
9 du matin le jour suivant.
10 Mais s'agissant de mes tâches concernant l'opération qui avait lieu
11 le 12, donc ma responsabilité était de continuer les mêmes activités dont
12 je me suis occupé le 12, et c'était réellement la tâche principale que je
13 devais effectuer pendant cette période.
14 Q. Et, Monsieur, d'après votre expérience, lorsqu'un officier supérieur ne
15 change pas, ne modifie pas les tâches d'un officier subordonné, quel est le
16 message que cela peut donner, un message à un subordonné concernant le fait
17 de poursuivre ou pas ces tâches précédentes qui lui sont confiées ?
18 R. Il est tout à fait normal que s'il n'y a rien de nouveau, s'il n'y a
19 pas d'objection, s'il n'y a pas de nouveaux ordres, logiquement parlant, on
20 continue de faire ce que l'on faisait. Ceci veut également dire que le
21 commandant est tout à fait satisfait de votre travail, c'est ce que je peux
22 vous dire d'après mon expérience personnelle.
23 Q. Etes-vous allé à Potocari le 13 ?
24 R. Oui, j'y suis allé. Pendant un certain temps, j'étais dans la brigade,
25 et après je suis allé à Potocari. Et ce jour-là, c'était ma première tâche.
26 Q. Avez-vous rencontré Dusko Jevic, également connu sous le nom de Stalin,
27 le 13 ?
28 R. Si je me souviens bien, je l'ai vu le 13. Je suis rentré en contact
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1 avec lui, avec Dusko Jevic, le 13. D'après moi, c'est le seul officier que
2 j'ai contacté directement.
3 Q. Aviez-vous reçu des informations que vous aviez partagées avec M. Jevic
4 le 13 ?
5 R. Le 13, dans la matinée, je détenais un assez grand nombre
6 d'informations concernant la situation complète, donc des informations
7 d'abord liées au déplacement des Musulmans, ensuite la détention des
8 Musulmans à Konjevic Polje. Lorsque j'ai vu Jevic le 13, je lui ai dit que
9 s'il était en contact avec ces effectifs, ou une partie des effectifs de la
10 police qui se trouvaient sur l'axe Bratunac-Konjevic Polje, de les informer
11 que les détenus qui ont été faits prisonniers à cet endroit-là devaient
12 être transférés à Bratunac dans les installations qui étaient réservées à
13 ces fins, à la détention des Musulmans.
14 Q. Et, Monsieur, comment aviez-vous interprété le sort de ces hommes qui
15 avaient été capturés le long de cette route et qui allaient être transférés
16 dans la région de Bratunac ?
17 R. Compte tenu de tout ce que j'ai vu jusqu'à ce jour, jusqu'à ce moment-
18 là, et compte tenu de mon expérience et de tout ce que j'ai su, la
19 situation sur le terrain, et je dois dire que s'agissant de cet espace
20 entre Bratunac et Srebrenica, il y a eu une hécatombe horrible, il y a eu
21 des meurtres en masse des deux côtés pendant toute cette période. Etant
22 donné que je connaissais tout cela et que je suis né d'ailleurs à Bratunac,
23 que je suis originaire de cette région, je ne pouvais arriver à aucune
24 autre conclusion qu'à la conclusion que toutes les personnes qui avaient
25 été détenues sur cet axe allaient être transférées à Bratunac et qu'ils
26 allaient subir le même sort que toutes les personnes qui avaient été
27 séparées à Bratunac. Pour ce qui me concerne, je ne pensais pas qu'il y
28 avait une différence entre les personnes qui avaient été détenues sur l'axe
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1 et d'autres qui, le 12, avaient été séparées et gardées détenues dans
2 l'école Vuk Karadzic.
3 Q. Et lorsque vous avez dit qu'ils allaient "subir le même sort", à quoi
4 faites-vous exactement référence ?
5 R. Je fais référence au fait que comme toutes les personnes qui avaient
6 été détenues préalablement, qu'ils allaient être transférés à Bratunac et,
7 par la suite, qu'ils allaient être tués.
8 Q. A la page 39, ligne 3, vous avez dit que : "Le même sort leur serait
9 réservé, tout comme ces personnes qui avaient été prises à Potocari."
10 Est-ce que vous vouliez dire qu'ils allaient subir le même sort que
11 les hommes qui avaient été emmenés à Potocari, ou bien est-ce que vous
12 pensiez à autre chose ?
13 R. Non, les personnes qui avaient été emmenées de Potocari et qui avaient
14 été détenues à l'école Vuk Karadzic de Bratunac. Il s'agissait d'une école
15 élémentaire.
16 Q. Très bien. Merci. Pour accélérer les débats, très rapidement, est-il
17 exact de dire que le 13, vous êtes allé à Konjevic Polje deux fois, n'est-
18 ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Pourriez-vous nous parler de ce premier voyage.
21 R. Je suis d'abord allé à Konjevic Polje une première fois à 12 heures 30,
22 si je me souviens bien de l'heure, et la raison de mon déplacement était
23 l'information que j'avais reçue, qu'à ce jour-là le long de l'axe de
24 Konjevic Polje-Nova Kasaba, que le général Mladic, le commandant de l'état-
25 major principal, allait passer par cette route. J'ai donc estimé,
26 d'ailleurs même jusqu'à ce moment-là, puisque je m'occupais de tout
27 sécuriser les déplacements du commandant de l'état-major lorsqu'il était
28 présent, j'estimais que je devais m'assurer de la sécurité de cet axe et
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1 voir un peu quelle était la situation. Donc accompagné d'un membre de la
2 police militaire de la Brigade de Bratunac, à bord d'une Golf, nous nous
3 sommes dirigés sur cet axe en question. Lorsque je suis arrivé, il s'agit
4 d'une distance de 20 kilomètres environ, donc ça nous a pris environ une
5 demi-heure pour y arriver, je me suis retrouvé à Konjevic Polje une demi-
6 heure plus tard.
7 Si vous voulez savoir ce que j'ai fait à Konjevic Polje, je peux vous en
8 parler, mais c'était donc ma première fois.
9 La deuxième fois, je suis resté à Konjevic Polje pendant un certain temps,
10 et après le passage du général Mladic, je suis rentré à Bratunac.
11 Q. Est-ce que vous avez eu des contacts directs avec le général Mladic à
12 Konjevic Polje le 13 ?
13 R. Oui. Il s'est arrêté à Konjevic Polje sur son chemin, et c'est là que
14 je l'ai informé de la situation. Je me suis approché, je l'ai salué, et je
15 lui ai dit : Monsieur le Commandant, tout va bien, la route est praticable
16 et libre, enfin tout ce qu'on a l'habitude de dire lorsqu'on rend compte de
17 cette manière-là.
18 Q. Le général Mladic, s'est-il adressé à l'un quelconque des prisonniers
19 qui était sur place ?
20 R. Oui. A ce moment-là, il y avait déjà des prisonniers là. En fait, le
21 général Mladic leur a parlé, leur a dit que tout allait bien se passer,
22 qu'ils allaient être transférés, qu'il ne fallait pas qu'ils s'en
23 préoccupent. C'est donc en gros ce qu'il leur a dit.
24 Après cela, il est parti en direction de ses véhicules. Il y avait son
25 escorte derrière lui, dont un groupe de ma Brigade de Bratunac qui
26 l'escortait pendant tout le temps, y compris ce jour-là. Je lui ai demandé
27 : Monsieur le Général -- puisque le 13, il y avait déjà pas mal de
28 personnes déplacées et la situation était plutôt chaotique, je lui ai
Page 12402
1 demandé : Mon Général, que va-t-il advenir de ces gens ? Que va-t-on en
2 faire ? Et lui, il a fait un geste de la main. Il ne m'a rien dit
3 verbalement, mais il a fait un geste comme ça, et j'ai compris son geste.
4 Et après, il est monté dans la voiture et il est reparti vers Nova Kasaba.
5 Q. Pour que nous puissions consigner cela au compte rendu d'audience,
6 Monsieur le Témoin, vous avez décrit un geste fait par le général Mladic,
7 il a bougé son bras de gauche à droite au niveau de la poitrine; c'est bien
8 cela ?
9 R. C'était à peu près comme ce que je viens de montrer, donc ce que vous
10 avez vu.
11 Q. Très bien, Monsieur, nous avons juste besoin de consigner quelque chose
12 par écrit au compte rendu d'audience.
13 Est-ce que vous avez croisé Resid Sinanovic à un moment donné ?
14 R. Oui, bien sûr.
15 Q. Pourriez-vous nous dire de quel type de rencontre il s'agit, s'il vous
16 plaît.
17 R. Après la fin, ou plutôt, avant que je ne revienne à Bratunac, à
18 Konjevic Polje, de la part de la police - la police civile - j'ai appris
19 qu'ils avaient un prisonnier important, et ils m'ont dit de qui il
20 s'agissait. Quand ils m'ont dit le nom, il s'agissait de Resid Sinanovic.
21 C'est un homme que j'avais connu depuis toujours. C'est quelqu'un qui a
22 vécu et qui a travaillé à Bratunac, je le connais de là. Avant que le
23 conflit n'éclate, entre autres, il a été chef de la police civile de
24 Bratunac. Avec ce policier qui m'accompagnait, nous avons pris la voiture.
25 Nous avons pris Resid, qui s'est installé sur le siège arrière, et nous
26 l'avons transporté à la Brigade de Bratunac. C'est moi et ce policier qui
27 avons remis Resid Sinanovic à la police militaire, à Celanovic Zlatan
28 directement, qui travaillait comme juriste et qui se chargeait
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1 d'interrogatoires dans 95 % des cas. C'est lui qui interrogeait les
2 prisonniers de guerre et qui se chargeait de tout le reste, de recueillir
3 les informations, d'interroger les prisonniers de guerre, d'apprécier si
4 les éléments d'une infraction ou d'un crime sont présents, et cetera.
5 Pour autant que je le sache, c'est Zlatan Celanovic qui a interrogé Resid
6 Sinanovic. Il existe un PV, une partie du PV de son interrogatoire. Pendant
7 qu'il se trouvait à Bratunac, ses amis, des Serbes qui le connaissaient et
8 qui avaient vécu et travaillé avec lui, lui ont rendu visite, et après
9 cette visite, Celanovic Zlatan m'a fait comprendre par la suite que,
10 d'après lui, pour autant qu'il sache, d'après son interrogatoire, il n'y
11 avait aucun élément d'un crime quelconque, ce n'était pas un criminel, et
12 qu'il a décidé de le transférer à l'école Vuk Karadzic où il allait
13 rejoindre le reste des prisonniers.
14 Ensuite, qu'en sais-je. Le 14, avec le convoi qui allait partir pour
15 Zvornik, donc avec les autres prisonniers, il a été transféré lui aussi,
16 Resid Sinanovic. Dans la Brigade de Zvornik, vous savez tout comme moi ce
17 qui s'y est passé. Ils se sont livrés à des exécutions en masse. Entre
18 autres, à en juger d'après ce qu'en savent mes avocats et d'après les
19 informations que nous avons, c'est à Zvornik qu'il a été blessé, Resid
20 Sinanovic a été blessé. Il a traversé la Drina à la nage. Il faut savoir
21 que Zvornik est situé sur la Drina. Il a traversé la Drina à la nage et il
22 s'est retrouvé dans l'Etat voisin, en République de Serbie. Il est arrivé
23 dans un café, où les propriétaires l'ont reconnu, et ils l'ont transféré
24 dans un hôpital.
25 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris la localité où se situe
26 l'hôpital.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] A partir du moment où j'ai décidé de plaider
28 coupable, mes avocats ont réuni tout le dossier relatif à l'hospitalisation
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1 de Sinanovic et ils ont remis tout cela au bureau du Procureur.
2 Par la suite, mes avocats m'ont également fait comprendre que Resid
3 Sinanovic avait été transmis par la police de Zvornik, je ne sais pas
4 laquelle, depuis l'hôpital, et que cette information que Sinanovic se
5 trouve à l'hôpital a été fournie par une femme médecin qui précédemment
6 avait travaillé à Bratunac et qui était voisine de Sinanovic; ils
7 habitaient au même étage. Elle a téléphoné à la police, donc probablement
8 la police de Zvornik a été contacté, et d'après l'enquête menée par mes
9 avocats, on a pu apprendre que Resid Sinanovic a été remis depuis l'hôpital
10 et qu'il a été liquidé, tué sur le pont qui sépare la Bosnie-Herzégovine de
11 la Serbie.
12 M. THAYER : [interprétation]
13 Q. Lorsque vous parlez de l'hôpital où a été hospitalisé M. Sinanovic,
14 l'hôpital se trouvait en Serbie ou en Bosnie-Herzégovine ?
15 R. L'hôpital se trouvait en Serbie.
16 Q. Et pourriez-vous à présent parler aux Juges de la Chambre de cette
17 deuxième fois où vous vous êtes rendu à Konjevic Polje ?
18 R. Oui, je peux le faire.
19 La deuxième fois où je me suis rendu à Konjevic Polje c'était peu après mon
20 retour, après la première fois où j'y étais parti avec une Golf. La
21 deuxième fois, je pars à Konjevic Polje avec le chef de la police
22 militaire, Mirko Jankovic, et avec son adjoint, Milo Petrovic. Nous sommes
23 partis à bord d'un transporteur blindé. Mirko Jankovic, le chef de la
24 police militaire, était capable de piloter un transporteur blindé. Ce
25 véhicule se trouvait au siège de la Brigade de Bratunac, il appartenait au
26 Bataillon néerlandais. Il y en avait plusieurs, pas un seul. Il était
27 capable de le conduire. Il en a pris un, et nous avons emprunté cette
28 route.
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1 C'était le 13. A un moment donné de l'après-midi, à ce moment-là, sur cette
2 voie de communication, pour autant que j'ai pu le voir, de Sandici jusqu'à
3 Konjevic Polje, il y avait déjà le déploiement des forces de la police de
4 la Republika Srpska, et le long de cette route, on voyait déjà des
5 déplacements des prisonniers par groupes. Ils étaient déjà à Sandici, des
6 prisonniers, et puis quasiment jusqu'à Konjevic Polje. Quand je suis arrivé
7 à Konjevic Polje, il y avait là déjà sur place un grand nombre d'individus
8 faits prisonniers.
9 Je ne sais pas ce qui vous intéresse plus particulièrement au sujet de ce
10 deuxième déplacement.
11 Q. Vous vous rappelez le haut-parleur sur l'APC, le transporteur blindé ?
12 R. Oui, bien sûr.
13 Q. Est-ce qu'il a été utilisé à quelque fin que ce soit, par qui que ce
14 soit ?
15 R. Oui. Mirko Jankovic, à partir du moment où on avait quitté Sandici, il
16 s'est servi de ce porte-voix pour s'adresser aux Musulmans, par le biais de
17 ce porte-voix.
18 Q. Et pendant ce voyage, est-ce qu'il y a eu des Musulmans qui se sont
19 rendus à vous ?
20 R. Oui. Sur la route, lorsqu'on avançait vers Konjevic Polje, après
21 Sandici, Pervani, à peu près à cet endroit-là sur la route, nous avons
22 rattrapé un groupe de six hommes, six Musulmans qui marchaient. Nous avons
23 arrêté le transporteur et nous avons fait monter à bord de ce transporteur
24 ces six Musulmans et nous les avons transportés à Konjevic Polje. Quand
25 nous sommes arrivés là-bas, nous avons garé le transporteur devant le
26 carrefour et j'ai dit à Mile Petrovic qu'il doit emmener ces prisonniers là
27 où se trouvaient les autres.
28 Au bout d'un certain temps, Mile Petrovic est revenu. J'étais assis à même
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1 le carrefour. Quand on arrive de Bratunac, sur la gauche, il y a une maison
2 qui avait été incendiée, mais il y avait une terrasse en béton devant, et
3 j'étais assis là. Ils étaient en train de cuisiner quelque chose pour
4 manger. Et j'ai entendu une rafale. Mile Petrovic est venu me voir et il
5 m'a dit littéralement : Chef, je viens de venger mon frère. Et je lui ai
6 dit : Mais qu'as-tu fait ? Et il m'a répondu : Je les ai tués.
7 Je lui ai demandé : Qu'as-tu fait ? Il m'a répondu : Là, il y avait une
8 espèce de bâtiment jaune appartenant à cette ferme, et tout de suite à
9 côté, il y a une petite rivière, et il m'a dit que c'est là qu'il les a
10 emmenés et qu'il les a exécutés. Je ne suis pas allé sur place pour voir
11 s'il l'a effectivement fait. J'ai eu un malaise quand j'ai entendu cela. Je
12 n'ai rien fait. J'ai déjà répété cela à d'innombrables reprises, je n'ai
13 rien entrepris, alors que j'aurais dû en parler à Celanovic. Je lui ai dit
14 ce qui s'était passé, mais officiellement, je n'ai absolument pas demandé
15 que l'on fasse quoi que ce soit, alors que j'aurais dû.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le Juge Mindua a une question.
17 M. LE JUGE MINDUA : Oui, Monsieur le Procureur, excusez-moi. Avant de
18 passer à un autre sujet, je voudrais revenir au transcript, à la
19 quarantième page, et aussi à la quarante-et-unième page.
20 Monsieur le Témoin, à la quarante-et-unième -- à la quarantième page de
21 transcript, ligne 22 à la ligne 24, vous avez mentionné que le général
22 Mladic a dit aux prisonniers que rien de mal n'allait leur arriver.
23 Ensuite, à la quarante-et-unième page, lignes 5 à 8, vous expliquez que
24 lorsque vous avez demandé au général Mladic au sujet du sort des
25 prisonniers, il a fait un geste, que vous avez exécuté. C'est quoi --
26 quelle est l'interprétation de ce geste ? Que signifie-t-il ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Puisque je connais le général Mladic, il m'est
28 facile de savoir ce qu'il avait à l'esprit. Mais croyez-moi, là où je vis,
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1 et dans mon Etat, ce geste, et sa réaction suite à ma question, lorsque
2 j'ai demandé : Mon Général, mais qu'allait-il advenir véritablement de ces
3 hommes ? Je peux vous dire que c'est avec raison que j'ai posé cette
4 question, parce que j'ai vu ce qui était en train de se passer à Potocari.
5 A Potocari, j'ai vu les mêmes promesses et la distribution de chocolat, et
6 je savais ce qui se cachait derrière cela. Je savais ce qui attendait ces
7 gens-là. Donc de même, lorsqu'il a fait ce geste de la main lorsque je lui
8 ai demandé, Mon Général, qu'allait-il véritablement se passer de ces gens-
9 là, parce que moi, personnellement, je ne faisais pas confiance à ses
10 paroles. Donc je lui ai demandé ce qu'il allait advenir de ces gens-là, et
11 quand il a fait ce geste, j'ai compris que ces gens allaient être tués. Je
12 n'aurais pas pu tirer une autre conclusion suite à cette réaction du
13 général Mladic.
14 M. LE JUGE MINDUA : Et où --
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Et vraiment, c'est ce qui est arrivé à ces
16 gens. Ils ont été transférés à Bratunac, Zvornik, et puis ils ont été tués.
17 Puisque j'ai vu tout cela à Potocari, je n'aurais absolument pas pu penser
18 autre chose, autre conclusion que cela.
19 M. LE JUGE MINDUA : D'accord. Au moment où le général Mladic faisait ce
20 geste, il était clair dans votre esprit que ces gens allaient être tués. Et
21 donc, on peut légitimement tirer la conclusion qu'au moment où le général
22 Mladic parlait aux prisonniers, il était consciemment en train de leur
23 mentir. Il mentait sur leur sort; c'est bien ça ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dit je doutais totalement de la
25 véracité de ses promesses et de ce qu'il disait. J'en doutais. Je n'osais
26 pas lui dire quoi que ce soit, mais je ne lui faisais pas confiance. Je ne
27 faisais pas confiance lorsqu'il disait ces promesses. Il se trouvait face à
28 ces gens-là et il leur disait qu'ils allaient être transportés en sécurité,
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1 que tout allait bien se passer. Or, à Potocari, on met de côté les gens qui
2 n'ont rien à voir avec l'armée. Donc les gens -- et je vous réponds de ma
3 vie, que la plus grande majorité des gens qui ont été séparés à Potocari
4 n'avaient rien à voir avec l'armée, n'avaient jamais pris part aux
5 activités de l'armée, n'ont jamais pris un fusil, alors qu'on les a mis de
6 côté. Donc c'est ça qui m'a amené à ne pas faire confiance à ce qu'il
7 disait.
8 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mme le Juge Nyambe a une question.
10 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Une question de suivi après les
11 questions du Juge Mindua.Est-ce que c'est à l'époque que vous ne faisiez
12 pas confiance au général Mladic ou est-ce maintenant uniquement ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne faisais pas confiance à ce que disait le
14 général Mladic à ce moment-là. A ce moment-là, je ne faisais pas confiance
15 à ses paroles. Je ne pensais pas que ce qu'il promettait aux prisonniers de
16 Konjevic Polje allait effectivement se produire. Donc ce qu'il leur a dit
17 quand il leur a adressé la parole.
18 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je -- excusez-moi, je vous ai
19 interrompu.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Et je voudrais ajouter, quant à de
21 nombreuses décisions et sur de nombreux points, si vous me posez la
22 question à moi personnellement, je dois vous dire que je ne faisais pas
23 confiance à ces choses-là, et je n'étais pas d'accord sur de nombreux
24 points. Mais par les temps qui couraient, s'opposer au général Mladic, dire
25 quoi que ce soit de contraire à sa position, ça équivalait à commettre un
26 suicide. Donc je n'ai même pas tenté de m'opposer à lui, je n'ai même pas
27 essayé de dire ouvertement que je n'étais pas d'accord. Je n'ai pas osé.
28 Peut-être qu'il y avait des gens qui avaient le culot de le faire, mais moi
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1 je ne l'avais pas.
2 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Je voulais juste corriger le compte
3 rendu d'audience. Ma question était la suivante : "Est-ce à l'époque que
4 vous ne faisiez pas confiance aux propos du général Mladic ?" Donc je
5 voudrais que ce soit corrigé.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais c'est exactement de cette
7 manière-là que nous vous avons entendue, et j'espère que le témoin vous a
8 correctement comprise.
9 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Thayer.
10 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Avant de passer aux événements qui ont suivi, est-ce que vous
12 connaissez Nenad Deronjic et Mirko Peric ?
13 R. Nenad… quel est son nom de famille ? Deronjic, je pense. Nenad Deronjic
14 et Mirko Peric, ce sont des policiers du poste de sécurité publique de
15 Bratunac. Donc ce sont des policiers du poste de police.
16 Q. Est-ce que, de mémoire, vous les avez vus, l'un ou l'autre, ou les
17 deux, pendant le premier ou le deuxième de vos déplacements, ou les deux,
18 vers Konjevic Polje le 13 juillet ?
19 R. Oui, je les ai vus tous les deux.
20 Q. Vous souvenez-vous si c'était pendant le premier déplacement ou pendant
21 le deuxième ? Ou les deux ?
22 R. Il me semble que c'était pendant les deux. Car cela a pu durer trois ou
23 quatre heures, ce laps de temps. Je ne voudrais pas me tromper, mais je les
24 ai vus quand ils sont venus à Konjevic Polje.
25 Q. D'accord. Monsieur, est-ce que vous êtes revenu dans votre commandement
26 pendant la journée du 13, après être allé à Konjevic Polje ?
27 R. Oui. Au bout d'un certain temps, c'était dans l'après-midi, disons
28 entre 17 heures, 17 heures 15 et 17 heures 30. C'était dans l'après-midi;
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1 ce n'était pas encore le crépuscule, mais l'après-midi était avancé.
2 Q. Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la Chambre si, pendant la
3 soirée en question, on a pris contact avec vous pour aller rencontrer
4 quelqu'un ?
5 R. Oui. J'étais arrivé au commandement de la Brigade de Bratunac, et à un
6 moment donné, je suis allé à la cantine, et puis dans la salle
7 d'opérations. Et je sais qu'on m'a informé depuis le centre de transmission
8 que le soir en question il fallait que je me présente au colonel Beara au
9 centre de la ville de Bratunac.
10 Q. Est-ce que vous vous souvenez à peu près à quel moment votre centre de
11 transmission vous a informé de cela ?
12 R. Je ne sais pas exactement. Ceux qui travaillent au centre de
13 transmission le sauraient mieux que moi. Mais je pense que c'était entre 17
14 heures 30, ou plutôt, 18 heures, ou peut-être vers 18 heures 30 ou un peu
15 plus tard, je ne me souviens plus exactement précisément. Mais je sais que
16 c'est là qu'ils m'en ont informé.
17 Q. Le 13 juillet 1995, saviez-vous qui était le colonel Beara ?
18 R. Oui, je le savais.
19 Q. Aviez-vous eu l'occasion de le rencontrer précédemment ?
20 R. Oui, j'ai fait sa connaissance. A plusieurs reprises, j'ai eu
21 l'occasion d'être en contact avec lui, d'échanger des propos. Et je l'ai vu
22 personnellement.
23 Q. Et ces contacts correspondent à quels types d'activités ?
24 R. Ces contacts, c'étaient surtout dans le cadre de nos activités
25 professionnelles. Avant l'opération Srebrenica, il me semble que le colonel
26 Beara est venu nous voir à Bratunac pour parler de la situation qui
27 prévalait à Srebrenica. Et il a demandé que l'on prenne contact avec Naser
28 Oric, et c'était dans ce sens-là. C'étaient des questions qui avaient à
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1 voir avec tout ce qui relève de la sécurité et du renseignement.
2 Q. Et avez-vous rencontré le colonel Beara dans la soirée du 13 juillet ?
3 R. Oui. Après en avoir été informé, je suis allé rencontrer le colonel
4 Beara dans le centre-ville de Bratunac.
5 Q. Est-ce que vous pouvez nous parler de cette rencontre.
6 R. Donc je suis arrivé dans la ville de Bratunac. Je voudrais juste
7 préciser une chose à l'attention des Juges par rapport à la ville de
8 Bratunac.
9 C'est une localité, c'est une bourgade qui a une rue, un hôtel, le
10 bâtiment de la mairie. Et où qu'on aille, on se retrouve au centre-ville,
11 parce que c'est une petite bourgade. Et c'est justement là que j'ai trouvé
12 le colonel Beara, donc il y a un rond-point au centre de la localité. Et le
13 colonel Beara m'a ordonné de me rendre à Zvornik et de transmettre à Drago
14 Nikolic, le chef de la sécurité de la Brigade de Zvornik, que les
15 prisonniers se trouvant à Bratunac doivent être transférés dans la zone de
16 responsabilité de la Brigade de Zvornik et que M. Drago Nikolic doit
17 préparer les bâtiments et tout le reste pour que l'on puisse prendre en
18 charge ces prisonniers de Bratunac dans la zone de responsabilité de la
19 Brigade de Zvornik, dans ces bâtiments.
20 Q. Tout d'abord, Monsieur le Témoin, je vois au compte rendu d'audience --
21 il semble que vous ayez dit que Drago Nikolic était le chef de la sécurité
22 de la Brigade de Bratunac. Est-ce exact qu'il était donc le chef de
23 sécurité d'une unité ou est-ce qu'il est chef de la sécurité d'une autre
24 unité ?
25 R. Je vous prie de m'excuser, j'ai fait une erreur. Drago Nikolic est le
26 chef de la sécurité de la Brigade de Zvornik. Je vous prie de m'excuser.
27 Q. Est-ce que le colonel Beara vous a demandé de donner d'autres
28 informations à Drago Nikolic sur le devenir des prisonniers une fois qu'ils
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1 étaient arrivés dans la zone de responsabilité de la Brigade de Zvornik ?
2 R. Oui. Le colonel Beara a également parlé du fait que tous les
3 prisonniers à Bratunac devaient être transférés là-bas et devraient être
4 placés en détention temporaire dans ces sites.
5 Il a dit que les prisonniers qui seraient transférés là-bas seraient
6 également tués par après, c'est-à-dire après avoir été détenus dans la zone
7 de responsabilité de la Brigade de Zvornik. Je dois dire qu'à l'époque tout
8 était très clair. Et même si le colonel Beara ne m'avait rien dit à
9 l'époque, je savais pertinemment ce qui allait advenir. Je savais que ces
10 gens allaient être transférés et seraient tués à Zvornik.
11 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez suivi l'ordre du colonel
12 Beara, à savoir est-ce que vous avez informé Drago Nikolic ?
13 R. Oui, j'ai suivi cet ordre. J'ai contacté la Brigade de Zvornik et j'ai
14 transmis les ordres. Je leur ai dit ce que le colonel Beara m'avait dit de
15 dire.
16 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qui s'est passé durant votre
17 voyage jusqu'à la Brigade de Zvornik.
18 R. D'accord. Après avoir reçu cet ordre du colonel Beara, je suis allé en
19 voiture jusqu'à la Brigade de Zvornik, qui est à 40 kilomètres de Bratunac
20 environ. J'ai utilisé le même itinéraire, c'est-à-dire Bratunac-Konjevic
21 Polje-Drinjaca-Zvornik, et après une heure ou une heure 15 minutes, peut-
22 être un peu plus longtemps, je suis arrivé au poste de commandement de la
23 Brigade de Zvornik. Je me suis garé devant ce poste de commandement. Et à
24 l'entrée, je me suis présenté devant la guérite, qui est l'endroit où tous
25 les visiteurs doivent faire un rapport. Avant de rentrer dans l'enceinte,
26 je dois préciser que je n'avais pas de carte d'identité. Cependant, nous
27 avions une pièce d'identité avec une photo, avec notre nom et notre prénom
28 et la brigade à laquelle nous appartenions. Donc je disposais d'un document
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1 qui faisait état de mon identité, Momir Nikolic, capitaine, chef de
2 l'organe de sécurité. C'est ce que je leur ai présenté.
3 Il y avait un soldat devant la guérite, et à l'intérieur de la
4 guérite il y avait deux, trois ou quatre autres soldats. Je ne me souviens
5 plus exactement. J'ai dit à la personne qui était à l'intérieur de la
6 guérite pour qui je travaillais. Il a donc nommé un officier de police qui
7 m'a accompagné à l'intérieur de l'enceinte de la Brigade de Zvornik.
8 Après m'être présenté devant cette guérite, je suis ensuite allé au
9 bâtiment où se trouvait le commandement. Je suis arrivé dans un bureau, et
10 l'on m'a dit qu'il s'agissait du bureau de l'officier de garde responsable
11 des opérations. Je lui ai dit que je voulais voir Drago Nikolic parce que
12 je devais transmettre un ordre personnel que j'avais reçu du colonel Beara.
13 On m'a dit que Drago Nikolic n'était pas dans l'enceinte de la Brigade de
14 Zvornik et qu'à l'heure actuelle il s'acquittait d'une mission au poste de
15 commandement avancé de la Brigade de Zvornik. Durant cette période, ils ont
16 appelé un officier, et cette personne est arrivée et m'a demandé si elle
17 pouvait m'être d'une aide quelconque. J'ai répondu non, que je devais
18 transmettre cet ordre personnellement à Drago Nikolic, que je ne pouvais
19 pas utiliser qui que ce soit d'autre pour transmettre cet ordre.
20 C'est donc à ce moment-là que nous avons quitté le poste de
21 commandement. J'ai repris mon véhicule et, avec trois policiers, nous
22 sommes allés ensemble en direction du poste de commandement avancé de la
23 Brigade de Zvornik. Et comme je l'ai déjà dit dans mes dépositions, je
24 pense qu'il nous a fallu une trentaine, 35 ou 40 minutes. Tout d'abord,
25 nous avons utilisé une route goudronnée, et ensuite nous avons emprunté une
26 piste. Et nous sommes donc arrivés au poste de commandement avancé. J'ai
27 fait demi-tour avec la voiture et j'ai fait marche arrière dans la cour de
28 ce poste avancé. L'officier de police est entré à l'intérieur de cette cour
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1 et a appelé Drago Nikolic. Drago Nikolic est sorti, il a descendu des
2 escaliers qui étaient au devant du bâtiment. Et c'est là que je lui ai
3 transmis l'ordre que j'avais reçu du colonel Beara, qui était donc à son
4 attention, Drago Nikolic donc.
5 Je lui ai dit qu'on m'avait donné l'ordre de lui dire qu'il s'attende à ce
6 que ce soir-là et dans la période qui allait suivre, tous les prisonniers
7 de Bratunac feraient l'objet d'un transfert. Il devait assurer la sécurité
8 des bâtiments. J'ai dit à Drago Nikolic que j'étais convaincu que selon
9 moi, ces gens allaient être tués sur le territoire en question. Drago n'a
10 fait aucun commentaire. Il m'a dit : Je suis l'officier responsable. Je
11 vais contacter mon commandement et je vais voir ce qu'il faut faire.
12 Voilà donc comment les choses se sont déroulées. Donc cette conversation
13 qui m'a permis de transmettre cet ordre a duré peut-être cinq, six, sept,
14 voire dix minutes. J'ai repris mon véhicule. Je suis retourné en direction
15 de la Brigade de Zvornik. J'ai fait descendre l'escorte de policier qui
16 était à bord de mon véhicule. Et ensuite, je suis reparti en direction de
17 Bratunac en utilisant le même itinéraire.
18 Q. Durant votre voyage de retour en direction de Bratunac, est-ce que vous
19 avez observé quelque chose qui mérite d'être mentionné ?
20 R. En chemin, en revenant de Zvornik en direction de Bratunac, j'ai vu des
21 bus qui allaient en direction de Zvornik. Pas beaucoup. Deux, trois, peut-
22 être quatre au plus. C'est la seule chose que j'ai observée durant mon
23 voyage en direction de Bratunac.
24 Q. Dites-nous ce qui s'est passé lorsque vous êtes arrivé à votre poste de
25 commandement ce soir-là.
26 R. Après être rentré ce soir-là, je me suis rendu à l'hôtel Fontana. Cela
27 signifie que je ne suis pas allé directement au poste de commandement. Je
28 suis d'abord allé à l'hôtel Fontana. Et étant donné que le colonel Beara
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1 était à cet hôtel, je lui ai fait rapport et je lui ai dit que j'avais
2 transmis son ordre.
3 Il se trouvait effectivement à l'hôtel Fontana, et je lui ai dit que
4 j'avais trouvé Drago Nikolic et que je lui avais transmis l'ordre qu'il
5 m'avait donné.
6 Q. Et que s'est-il passé ensuite ?
7 R. Ensuite -- en fait, il faudrait que je commence par vous dire quelque
8 chose que je considère comme étant important. Lorsque je suis rentré à
9 Bratunac, c'était déjà le 13, vers minuit. Le chaos complet régnait à
10 Bratunac. Je n'ai jamais vu dans ma vie un chaos plus prononcé et autant de
11 problèmes dans une zone aussi restreinte, c'est-à-dire le centre de
12 Bratunac, un lieu que je connais très bien.
13 Donc, lorsque je suis rentré à Bratunac, Bratunac était bondée. Dans
14 les villes, dans les terrains de jeux, dans les aires de stationnement de
15 la ville, il y avait des bus qui étaient garés, avec les gens qui avaient
16 été capturés à Konjevic Polje et qui avaient été amenés ici. Ensuite, j'ai
17 appris que tous les prisonniers qui étaient à Kasaba et à Konjevic Polje
18 avaient été transférés à Bratunac.
19 La situation était donc terrible. C'était le chaos. L'anarchie
20 régnait. Le colonel Beara m'a dit qu'il allait rencontrer le président du
21 SDS et le chef du centre, et il m'a dit de l'amener là-bas parce que la
22 réunion devait avoir lieu dans les locaux du SDS à Bratunac. Je l'ai
23 accompagné, puisqu'on pouvait y aller à pied, c'était à 30 ou 40 mètres.
24 Nous sommes allés en direction du bâtiment et nous sommes rentrés dans le
25 bureau du président du SDS, Miroslav Deronjic.
26 Q. Et que s'est-il passé ensuite ?
27 R. Dans le bureau de Miroslav Deronjic, vous aviez lui-même, Miroslav
28 Deronjic, le colonel Beara est arrivé, je l'accompagnais, et après quelques
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1 instants, le colonel Vasic est également arrivé.
2 Alors, pour être bref, dès le départ, il y a eu un grand malentendu. En
3 d'autres termes, Deronjic et le colonel Beara ont commencé à se quereller
4 concernant le statut des prisonniers. Ils ont échangé également des propos
5 houleux concernant ce qui devait être fait. Ce que je voudrais dire, c'est
6 que les personnes présentes à cette réunion, c'est-à-dire Deronjic, le
7 colonel Beara et Vasic, ont parlé ouvertement du fait que les prisonniers
8 allaient être tués. Ils ont parlé ouvertement du fait que les personnes qui
9 avaient été capturées et détenues seraient tuées. Ils ont parlé de leur
10 statut et de ce qui allait advenir. Deronjic et Beara n'étaient pas
11 d'accord. Ils ont cité les ordres qu'ils avaient reçus de leurs supérieurs
12 respectifs.
13 Cette querelle a duré un certain temps. Ensuite, ils se sont assis et
14 ils ont commencé à se calmer, à parler plus calmement de ce qu'il faudrait
15 faire. J'ai déjà déposé à plusieurs reprises là-dessus, à savoir que
16 Miroslav Deronjic, et je l'ai vu, je l'ai entendu, Miroslav Deronjic
17 voulait que tous les prisonniers quittent le territoire de Bratunac, quel
18 que soit le coût que cela représentait. Mais il y avait une contradiction.
19 Et je dois vous dire exactement ce qui s'est passé. Je souhaite vous dire
20 cela. Le colonel Beara m'envoie à Zvornik de façon à ce que Drago Nikolic
21 puisse dégager de la place. Entre-temps, ces ordres ou ces décisions ont
22 probablement changé. J'étais le responsable des opérations. Je sais
23 exactement comment les choses se déroulent.
24 Toutes les demi-heures, vous recevez une décision orale ou un ordre
25 oral qui change la position précédente. Le colonel Beara a insisté, en ma
26 présence, il voulait qu'ils restent sur le territoire de Bratunac. A ce
27 moment-là, je ne comprenais pas exactement ce qui se passait, puisqu'il
28 m'avait demandé d'aller à Zvornik, et maintenant, il insistait pour que je
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1 reste à Bratunac. Et, bien sûr, après cette querelle, après cette
2 conversation, je me suis rendu compte que les ordres qu'avait reçus
3 Miroslav Deronjic par la ligne hiérarchique civile et les ordres reçus par
4 le colonel Beara par la ligne hiérarchique militaire n'étaient pas
5 harmonisés, bien au contraire, d'où le malentendu et la querelle. Ensuite,
6 ils sont tombés d'accord et ont décidé que tous les prisonniers, tous les
7 soldats, tous ceux qui avaient été détenus et qui venaient de cet endroit-
8 là devaient être envoyés dans la zone de responsabilité de la Brigade de
9 Zvornik le lendemain. Et c'est exactement ce qui s'est passé le lendemain,
10 c'est-à-dire le 14, durant la matinée.
11 Tous les prisonniers de tous les endroits où ils étaient détenus à
12 Bratunac, tous les bus garés à Bratunac ont été escortés et sont allés en
13 direction de la municipalité de Zvornik, dans la zone de responsabilité de
14 la Brigade de Zvornik.
15 Q. Permettez-moi --
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai une question très brève à poser.
17 A ce moment-là, vous vous trouviez où ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, j'étais dans les locaux du
19 SDS. Ces locaux sont composés d'un bureau avec une table --
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non. Merci, c'est tout ce que je
21 voulais savoir.
22 Monsieur Thayer, vous pouvez poursuivre.
23 M. THAYER : [interprétation]
24 Q. Donc, Monsieur le Témoin, vous étiez présent dans la pièce où s'est
25 tenue cette réunion entre Beara, Vasic et Deronjic ?
26 R. Non, je n'ai pas participé à la réunion. Je n'étais pas assis à la même
27 table que ces trois personnes dans cette pièce.
28 Q. Vous étiez à quelle distance de la pièce où s'est tenue la réunion ?
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1 R. A un mètre. Mettons que la pièce où avait lieu la réunion était ici,
2 c'est l'endroit où vous avez le secrétaire du président, donc en général il
3 y a trois ou quatre chaises, puis vous avez la porte, qui est tout le temps
4 ouverte et qui donne sur le bureau du président du SDS. Beaucoup de
5 personnes entraient et sortaient. Donc je dirais que je n'étais pas à plus
6 d'un mètre. C'est là où se trouvait cette pièce, et ils étaient assis
7 autour d'une table dans cette autre pièce.
8 Q. Quelle était exactement le poste de M. Vasic à l'époque ?
9 R. Autant que je sache, M. Vasic était le chef du centre de la sécurité de
10 Zvornik à l'époque.
11 Q. Il y a quelques instants, vous nous avez dit que le colonel Beara et M.
12 Deronjic ont tous les deux parlé d'intentions et de leurs supérieurs. Qui
13 était le supérieur de M. Deronjic ? A qui répondait-il ?
14 R. Je vais vous le dire très précisément. M. Deronjic parlait très souvent
15 du président Karadzic. Et je suis sûr qu'à l'époque, lorsqu'il parlait de
16 son supérieur, il parlait du président Karadzic.
17 Q. Et lorsque le colonel Beara parlait de son supérieur, de qui parlait-il
18 ?
19 R. Je crois -- enfin, je ne crois pas. J'en suis sûr, tout est clair. Pour
20 nous tous, y compris le colonel Beara, c'était le général Mladic qui était
21 notre supérieur. Donc lorsque le colonel Beara mentionnait un supérieur ou
22 son patron, il parlait du général Mladic.
23 Q. Est-ce que vous vous souvenez -- enfin, je vais citer une partie de
24 votre déposition dans le procès Blagojevic, page du compte rendu d'audience
25 1 752 - est-ce que vous vous souvenez avoir répondu de la manière suivante,
26 et je vous cite : "Ce que j'ai entendu, c'est que Miroslav Deronjic avait
27 dit qu'il avait déjà parlé au président Karadzic et qu'il avait reçu ses
28 instructions et ses ordres, à savoir que tous les prisonniers devaient être
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1 transportés en direction de Zvornik."
2 Est-ce que vous vous souvenez avoir répondu de cette manière, et si tel est
3 le cas, est-ce que vous confirmez ces propos ?
4 R. Oui, je m'en souviens. Et je confirme ce que j'ai dit. Il est vrai que
5 c'est ce qu'a dit Miroslav Deronjic.
6 Q. Vous nous avez parlé de ce que vous avez décrit comme étant un
7 malentendu entre le colonel Beara et M. Deronjic au début de la réunion. Et
8 vous nous avez décrit le fait que d'une part, le colonel Beara vous avait
9 donné l'ordre de vous rendre à Zvornik, et d'autre part, vous entendez le
10 colonel Beara dire que les hommes devaient rester à Bratunac. Le colonel
11 Beara a donc parlé d'hommes qui, selon lui, devaient rester à Bratunac.
12 Qu'a-t-il dit sur leur devenir ?
13 R. A l'époque, et nous sommes donc le 14, très tôt le matin, il est minuit
14 et demi, et on savait pertinemment que tous les prisonniers allaient être
15 tués. Il n'était pas nécessaire de rajouter quoi que ce soit.
16 La seule question était de savoir si ces personnes allaient être
17 tuées à Bratunac ou si elles allaient être transférées à Zvornik et tuées
18 là-bas. Mais tout était très clair à l'époque.
19 Q. Nous aimerions des précisions. Vous avez dit que les participants à
20 cette réunion parlaient ouvertement de tuer les prisonniers. Qui exactement
21 parlait de tuer les prisonniers, et qu'ont-ils dit exactement, si vous vous
22 en souvenez ?
23 R. Miroslav Deronjic, mais également le colonel Beara et le colonel Vasic,
24 en ont parlé. Je les ai entendus dire -- enfin, le colonel Beara, mais
25 également Miroslav Deronjic, je les ai entendu parler de l'endroit où ils
26 seraient tués, ce qui allait advenir des prisonniers de Bratunac. Je les ai
27 entendu dire qu'ils avaient reçu des instructions de leurs supérieurs
28 respectifs concernant le devenir de ces gens. C'est ce que j'ai entendu
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1 durant la conversation entre M. Beara et M. Deronjic.
2 Cependant, je souhaiterais rajouter quelque chose. Je ne sais pas
3 exactement quelle instruction ou quel ordre ils ont reçu, quand et comment.
4 Ça, je ne le sais pas. Mais j'ai entendu et j'ai pu voir ce dont ils
5 parlaient, et j'ai pu voir également ce qui était le sujet de leurs
6 querelles au départ.
7 Q. Et qui disait que les hommes devaient être tués à Bratunac ?
8 R. Durant cette réunion, tout le monde pensait qu'ils devaient être tués à
9 Bratunac. Tout au début de la réunion, le colonel Beara est celui qui avait
10 insisté pour qu'ils restent à Bratunac, même si je m'étais rendu à Zvornik
11 pour transmettre son ordre. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé,
12 mais je suppose qu'entre-temps, et compte tenu de la confusion qui régnait,
13 les instructions avaient changé par rapport à celles que nous avions reçues
14 auparavant. Mais ça, je ne le sais pas. Je ne peux pas me prononcer à ce
15 sujet. Je ne sais pas de qui il a reçu cet ordre ni cette instruction. Je
16 ne peux vous dire que ce que je sais.
17 Q. Et lorsque vous avez entendu durant cette conversation le colonel Beara
18 parlant d'hommes qui devaient être tués à Bratunac, d'après ce que vous
19 avez pu entendre de la conversation, est-ce qu'il parlait de tous les
20 hommes qui étaient à Bratunac ou de certains d'entre eux; ou est-ce que
21 vous ne savez pas cela ?
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Tolimir.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je salue toutes les personnes présentes et je
24 souhaite que ce procès se termine selon la volonté de Dieu. Bonjour à tous
25 et à toutes.
26 J'aimerais également saluer M. Nikolic.
27 Je vous demande, Monsieur le Président, une précision. M. Nikolic n'a pas
28 dit que le colonel Beara avait dit que tout le monde devrait être tué à
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1 Bratunac. C'est ce que nous avons entendu. Vérifiez le compte rendu
2 d'audience si vous le souhaitez. Je ne lis pas l'anglais. J'aimerais que
3 l'on pose au témoin des questions directes, et de ne pas lui mettre dans la
4 bouche des mots qu'il n'a pas dits.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, c'est exact que le
6 témoin a dit, à la page 60, ligne 15 : "Au tout début, le colonel Beara
7 était le commandant qui a insisté que ces personnes restent à Bratunac",
8 mais le témoin nous a dit que toutes les parties présentes à la réunion
9 étaient d'accord pour dire que ces personnes devaient être tuées. Alors,
10 c'est ce que j'ai compris.
11 Mais vous pouvez poursuivre, Monsieur Thayer.
12 M. THAYER : [interprétation]
13 Q. De nouveau, Monsieur Nikolic, dites, s'il vous plaît, aux Juges de la
14 Chambre ce qu'a dit le colonel Beara exactement concernant ce qui allait se
15 passer avec les hommes qui étaient détenus à Bratunac.
16 R. Si vous pensez à cette réunion dans les bureaux du SDS, j'ai déjà
17 répondu à cette question et je vous ai dit tout ce que je savais.
18 C'est-à-dire, le colonel Beara, ainsi que Miroslav Deronjic,
19 également M. Vasic, après ce premier malentendu, étaient du même avis. Ils
20 savaient très bien, et je l'affirme ici avec toute ma responsabilité, ils
21 savaient très bien que toutes ces personnes qui étaient détenues allaient
22 être tuées. Il n'a pas été question de la façon dont on allait les
23 exécuter, comment, et cetera. Il n'y avait pas eu ce type de conversation.
24 On n'en a pas parlé du tout.
25 Mais les personnes qui étaient présentes savaient pertinemment que
26 ces personnes allaient être tuées. Il n'y avait jamais eu un doute qui
27 planait dans leur esprit, à savoir que peut-il leur arriver. On n'en a même
28 pas parlé. Le sort de ces personnes était scellé ce jour-là, dans la nuit
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1 du 13 au 14, et c'est ce que j'ai entendu.
2 Et pour terminer, lors de cette conversation, les arguments qu'ils
3 avançaient l'un et l'autre, les arguments les plus importants étaient que
4 pour mettre en œuvre ce dont ils proposaient, c'était quelque chose qu'ils
5 faisaient selon les ordres de leur chef, Miroslav Deronjic. Et je sais
6 seulement qu'à l'état-major principal de la Republika Srpska, la seule
7 personne que l'on appelait chef, c'était M. Mladic. C'est tout ce que je
8 sais. Je n'ai jamais rien fait d'autre concernant cette réunion. Je vous ai
9 tout dit.
10 Q. Très bien. Merci. Monsieur, je sais que vous en avez déjà parlé
11 préalablement, mais c'est la première fois que cette Chambre de première
12 instance entend votre témoignage, donc je veux simplement être tout à fait
13 sûr que le compte rendu d'audience reflète précisément ce que vous dites.
14 Commençons maintenant par la fin de la réunion, car vous venez de nous en
15 parler.
16 Donc, vers la fin de la réunion, sur la base de ce que vous aviez
17 entendu, y a-t-il eu accord entre ces trois hommes concernant,
18 premièrement, où ces prisonniers allaient être emmenés ?
19 R. Oui.
20 Q. Où allaient-ils être emmenés ?
21 R. Ils étaient d'accord sur le fait que ces détenus devaient être
22 transférés à Zvornik.
23 Q. Et à la fin de cette réunion, y a-t-il eu accord entre ces trois
24 hommes quant au sort qui était réservé à ces prisonniers après qu'ils aient
25 été emmenés à Zvornik ?
26 R. Oui, je l'ai déjà dit. J'ai répondu à cette question par l'affirmative.
27 Oui, il y avait accord, ils étaient d'accord.
28 Q. Et quel était l'accord qui existait entre ces trois hommes, à savoir de
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1 ce qui allait se passer avec ces prisonniers une fois à Zvornik ?
2 R. Je crois que j'ai répondu à dix reprises déjà. Les détenus qui étaient
3 transférés à Zvornik allaient être exécutés. Je pense que j'ai déjà répondu
4 à toutes ces questions.
5 Donc les détenus de Bratunac seraient exécutés à Zvornik.
6 Q. Revenons maintenant au début de la réunion. Vous nous avez dit qu'il y
7 avait un malentendu au début de cette réunion.
8 R. Oui, oui, c'est ce que j'ai dit.
9 Q. Dites-nous, s'il vous plaît, de quoi il s'agissait. Le colonel Beara et
10 M. Deronjic n'étaient pas d'accord sur quel point au début de la réunion ?
11 R. J'ai déjà répondu à cette question. Alors, Miroslav Deronjic insistait
12 pour que les détenus restent à Bratunac -- ou plutôt, non, Miroslav
13 Deronjic insistait que tous les détenus soient transportés de Bratunac,
14 alors que M. Beara, à ce moment-là, insistait, demandait que ces détenus
15 restent là et que l'on ne les déplace pas.
16 Q. Pourquoi existait-il ce désaccord entre M. Deronjic, d'une part, et M.
17 Beara, d'autre part, concernant ces prisonniers pour lesquels, au début de
18 la réunion, le colonel Beara disait qu'ils devaient rester à Bratunac ?
19 Pourquoi existait-il ce désaccord au début de la réunion ?
20 R. A ce que je sache et d'après mes conclusions, c'est qu'ils ont dû
21 recevoir des instructions différentes de leurs chefs respectifs. Je ne
22 connais pas d'autres raisons.
23 Q. Sur la base de ce que vous avez entendu, pourquoi M. Deronjic ne
24 voulait-il pas que ces prisonniers restent à Bratunac ?
25 R. Probablement parce qu'il savait qu'ils allaient être exécutés et il ne
26 voulait pas que les exécutions aient lieu à Bratunac.
27 Q. Et que disait le colonel Beara concernant le sort qui serait réservé à
28 ces prisonniers qui devaient rester à Bratunac, d'après ce que vous avez
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1 entendu au début de la réunion ?
2 R. Je ne sais réellement pas si l'on ne se comprend pas ou si je ne
3 comprends pas très bien ce que vous me demandez.
4 Si vous pensez au fait que Beara ait dit ouvertement -- que Beara avait dit
5 que ces personnes devraient être tuées à ce moment-là, il y avait
6 effectivement un accord. Mais personne d'entre eux ne parlait
7 individuellement de ce problème-là. Donc, de façon générale, on savait très
8 bien que ces personnes allaient être exécutées. Mais à ce moment-là, je ne
9 me souviens réellement pas si la conversation s'était déroulée comme ceci,
10 que M. Beara ait dit qu'ils vont rester à Bratunac parce qu'ils allaient
11 être tués. Ils le savaient tous. Et il me semble que je n'ai pas entendu
12 quelque chose de la sorte, ou je ne me souviens peut-être pas. Je suis un
13 peu fatigué, je dois vous l'avouer, mais il me semble que je n'ai jamais
14 entendu rien d'aussi clair que cela. Je ne peux pas me rappeler, malgré
15 tous mes efforts, de quelque chose de précis qui se soit déroulé outre de
16 ce que j'ai déjà dit. Je sais qu'il a été question d'un très grand nombre
17 de questions puisqu'il y a eu beaucoup de problèmes, mais je ne me souviens
18 pas de ce moment précis pour lequel vous me demandez de vous dire est-ce
19 qu'il a dit très clairement : Je veux qu'ils restent ici parce que je veux
20 qu'ils soient tués ici, ou que Miroslav Deronjic lui ai dit : Je veux
21 qu'ils aillent là-bas.
22 Mais tout indique qu'il s'agissait de cela. Donc, si on a insisté
23 pour que les prisonniers restent là, c'est parce que la décision avait été
24 prise que les personnes allaient être exécutées à Bratunac. Mais je ne l'ai
25 pas entendu dire de la bouche du colonel Beara, mais je ne disposais pas
26 non plus d'autres informations. Mais je comprends très bien également
27 l'insistance de Miroslav Deronjic; c'est un énorme problème que d'avoir ces
28 personnes à cet endroit-là, ne serait-ce que pour deux jours. Ça aurait été
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1 beaucoup plus compliqué de les exécuter à Bratunac. Donc j'imagine que ce
2 sont les raisons principales pour lesquelles Deronjic voulait s'en
3 débarrasser pour ne pas avoir de lien avec eux du tout et avec cela.
4 Donc c'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant.
5 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, je vois qu'il est
6 l'heure de la pause. Nous allons terminer le deuxième volet de notre
7 audience. J'ai un autre sujet à couvrir, juste encore un autre sujet. C'est
8 un sujet qui est très court, et par la suite j'aurai encore juste quelques
9 documents --
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, c'est vraiment
11 malheureux. Nous avons débordé de dix minutes parce que nous avons commencé
12 dix minutes plus tard. Vous m'avez dit que vous aviez besoin de ce dernier
13 volet d'audience, ce qui était beaucoup plus que ce que vous nous aviez dit
14 au début. Vous avez peut-être passé beaucoup trop de temps au début de la
15 déposition de ce témoin à lui poser des questions. Mais je trouve qu'il est
16 bien malheureux que vous m'indiquiez maintenant que vous avez besoin de
17 temps supplémentaire.
18 Vous devriez réfléchir là-dessus.
19 Quel est le sujet que vous voudriez aborder avec le témoin ?
20 M. THAYER : [interprétation] Il y a le sujet relatif à l'opération de
21 réenfouissement [phon], qui fait partie de l'acte d'accusation. C'est très
22 important pour cette affaire en l'espèce. Et il y a également le rôle qu'a
23 joué l'état-major principal dans le cadre de cette opération, mais c'est le
24 dernier sujet que je voulais aborder avec le témoin. Je voudrais poser des
25 questions à M. Nikolic là-dessus, et par la suite j'ai quelques documents
26 très importants à passer en revue avec M. Nikolic. Je crois qu'il ne s'agit
27 pas de documents qui prendront beaucoup trop de temps. Mais ce sont des
28 documents très importants et c'est le bon témoin pour nous faire ses
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1 commentaires là-dessus.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La Chambre est préoccupée par
3 l'emploi de votre temps. Ce n'est pas la première fois. Nous en avons déjà
4 parlé à plusieurs reprises. C'est vraiment une situation qui ne nous
5 convient pas du tout. Si vous savez que vous deviez aborder des sujets très
6 précis concernant des documents, vous devriez savoir cela à l'avance.
7 M. THAYER : [interprétation] Je le sais, Monsieur le Président, je pense
8 que mes évaluations posent problème, effectivement. Je peux vous dire que
9 ce temps supplémentaire que je vous demande ne devrait pas avoir une
10 incidence sur l'arrivée du prochain témoin parce que nous avons programmé
11 le tout correctement. Mais je remercie encore une fois la Chambre de
12 première instance du temps supplémentaire qu'elle m'a accordé jusqu'à
13 maintenant, et je pense pouvoir terminer ce dernier sujet, y compris les
14 documents, en 30 minutes.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et comment pouvons-nous croire que
16 cela vous suffira ?
17 M. THAYER : [interprétation] Je ne peux rien faire de plus, Monsieur le
18 Président, que de vous promettre que j'en aurai terminé dans les 30 minutes
19 après la pause.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Alors, nous allons prendre
21 notre deuxième pause, et nous reprendrons à 13 heures 10.
22 --- L'audience est suspendue à 12 heures 44.
23 --- L'audience est reprise à 13 heures 14.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, je reprends ce qui a
25 déjà été dit à plusieurs reprises. Nous suivons les indications qui nous
26 sont données par les deux parties lorsqu'elles nous présentent leurs
27 évaluations. Nous regrettons de devoir avoir recours à des prolongements, à
28 réitérer. Nous allons vous accorder un nouveau prolongement à présent, mais
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1 uniquement jusqu'à la fin de l'audience d'aujourd'hui. Nous avons commencé
2 avec cinq minutes de retard, vous avez 35 minutes pour mener à son terme
3 votre interrogatoire principal. Sinon, la situation devra être modifiée, et
4 nous n'allons plus nous fier à vos estimations. Donc, je réitère, nous
5 regrettons l'inexactitude de vos estimations, nous l'avons fait comprendre
6 de manière tout à fait claire. S'il vous plaît, prenez cela en
7 considération. Donc, nous pouvons résoudre le problème de deux manières, à
8 savoir nous pouvons nous focaliser sur les parties les plus importantes de
9 l'interrogatoire, et deuxièmement, nous pouvons éviter de nous répéter.
10 Donc, tenez compte de cela, s'il vous plaît, terminez votre interrogatoire
11 avant la fin de l'audience d'aujourd'hui. Autrement, il nous faudra revenir
12 sur cette question à un autre moment.
13 M. THAYER : [interprétation] Je vous remercie.
14 Q. Re-bonjour, Monsieur Nikolic.
15 R. Bonjour.
16 Q. Pouvez-vous parler aux Juges de la Chambre de l'opération de
17 réenterrement [phon] des cadavres de ces hommes et de ces garçons musulmans
18 qui ont été exécutés après la chute de Srebrenica.
19 R. Je vais essayer d'être le plus bref possible et de vous dire tout ce
20 que j'en sais de cette affaire.
21 C'était vers le mois de septembre 1995 que l'on a vu arriver au
22 commandement de la Brigade de Bratunac M. lieutenant-colonel Vujadin
23 Popovic, chef de la sécurité du commandement du Corps de la Drina. D'après
24 ce que j'en sais, il a pris contact avec le colonel Blagojevic, pour
25 commencer, et puis ensuite il est venu me voir. Il m'a dit que l'ordre
26 qu'il doit me transmettre provient de l'état-major principal et qu'il
27 s'agit des corps enterrés dans les fosses communes de Glogova qu'il faut
28 réenterrer [phon] dans la municipalité de Srebrenica, parce que Glogova et
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1 ce secteur se situent sur le territoire de la municipalité de Bratunac.
2 Cette mission devait revenir à peu près sur la base de ce qui a été dit,
3 devait revenir à l'ensemble des structures. En fait, ce qui s'est passé
4 c'est la chose suivante. Cette opération et ce que j'ai appris par la
5 suite, donc la demande de procéder à cette opération est venue du côté des
6 représentants des pouvoirs civils de Bratunac. Pourquoi, de quelle façon,
7 je ne le sais pas. Encore à ce jour, je ne connais pas les détails de cette
8 affaire. Je ne me suis pas non plus intéressé de manière plus approfondie à
9 cela. Mais s'agissant donc de ces fosses et de ces cadavres enterrés de
10 Musulmans, à leur réenterrement a pris part de la Brigade de Bratunac la
11 police qui a sécurisé et qui redirigeait la circulation de Konjevic Polje-
12 Bratunac vers Konjevic Polje-Drinjaca, donc d'un axe vers l'autre, et qui a
13 aussi fait dévier la circulation de Ljubovija-Bratunac Konjevic Polje de
14 nouveau vers Drinjaca, donc en aval de la Drina, vers cette route-là.
15 Ensuite, en plus des membres de la Brigade de Bratunac, en plus de la
16 police que j'ai mentionnée, il y avait la police civile du poste de
17 sécurité publique de Bratunac. Ensuite ont pris part à cette opération les
18 représentants des autorités civiles, le président de la municipalité, le
19 président du conseil exécutif, le chef du poste de la sécurité publique de
20 Bratunac. Et le rôle joué par les pouvoirs civils a été le suivant, donc à
21 partir du moment où on a demandé que l'on procède à l'exhumation et que
22 l'on déplace ces cadavres de Glogova, il y a eu convocation d'une réunion.
23 Cette réunion s'est tenue dans les locaux de la municipalité de Bratunac,
24 et j'y suis allé sur ordre de mon commandant, du commandant Blagojevic.
25 Lors de cette réunion, il a été convenu comme suit : les autorités allaient
26 se charger du soutien logistique nécessaire à cette opération prévue. Donc
27 le maire et le président du conseil exécutif, dans le cadre de leurs
28 contacts et en faisant jouer leur autorité, ont fait en sorte que les
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1 entreprises de Bratunac et de Srebrenica qui avaient des engins de
2 terrassement les prêtent pour qu'ils soient employés à l'exhumation et au
3 réenterrement de ces corps. Donc diverses sociétés y ont pris part, de
4 voirie, la briqueterie de Bratunac, de Srebrenica, l'entreprise des mines
5 de Sace, l'entreprise de bâtiments civils Radnik, donc plusieurs sociétés y
6 ont pris part.
7 En plus de la police militaire, on y a employé également le 5e Bataillon du
8 Génie dont le commandement était situé à Konjevic Polje, donc le 5e
9 Bataillon du Génie est une unité qui fait partie du Corps de la Drina.
10 Q. Et cette opération a duré à peu près combien de temps, Monsieur ?
11 R. L'opération a pris beaucoup de temps, vraiment beaucoup de temps. Il a
12 eu des interruptions, cela étant dit, mais je pense que cela a commencé en
13 septembre et que cela a duré tout au long du mois d'octobre. Je ne sais pas
14 exactement, il y a eu des interruptions et il y a eu des problèmes, mais
15 elle a duré longtemps.
16 M. THAYER : [interprétation] Pouvons-nous afficher la pièce P1219, s'il
17 vous plaît.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Juste pour ajouter un point pour
19 que ce soit tout à fait clair. Dans ma brigade, cette opération était
20 connue sous le titre "asanacija", "assainissement".
21 M. THAYER : [interprétation]
22 Q. Et, Monsieur, ce terme, est-ce qu'il a un sens militaire ?
23 R. Oui. En tant que tel c'est un terme militaire, c'est une mesure que
24 l'on prend aussi dans le cadre du système de la protection civile, qui
25 comprend nettoyage, enlèvement des cadavres, qu'il s'agisse de cadavres ou
26 de restes humains ou animaux qui se retrouvent sur les lieux où des combats
27 avaient précédemment eu lieu.
28 Q. Monsieur, je vous invite à regarder votre écran, un document s'affiche
Page 12431
1 à l'écran. Qu'est-ce, s'il vous plaît ?
2 R. Oui, je le reconnais. C'est un carnet, je ne sais pas exactement
3 comment l'appeler. Mais ce sont des PV des réunions qui se sont tenues au
4 sein de la 1ère Brigade d'infanterie légère de Bratunac.
5 M. THAYER : [interprétation] Je souhaite avoir la page 11 en anglais, ce
6 qui correspondrait à la page 24 en B/C/S, s'il vous plaît.
7 Q. En haut de la page, nous voyons qu'il est question d'une réunion de
8 travail des commandants avec le commandant de la brigade et les commandants
9 des bataillons. La date est celle du 16 octobre 1995, à 8 heures.
10 Est-ce que vous le voyez, Monsieur ?
11 R. Oui, je le vois.
12 Q. Très bien.
13 M. THAYER : [interprétation] Alors faisons défiler le texte. Est-ce que
14 vous pouvez, s'il vous plaît, nous agrandir la dernière partie.
15 Q. Est-ce que vous arrivez à lire cette mention en bas de la page avec
16 Nikolic ?
17 R. Oui, bien sûr.
18 "Aujourd'hui, on procéderait à un bouclage dans le village de Slapovici …
19 pour essayer d'attraper les Turcs qui restent. D'après ce qu'en disent les
20 détenus, on en a sept. J'ai dans mon coffre-fort quelques pistolets et des
21 devises étrangères dûment enregistrés par un récépissé. Je demande que l'on
22 prenne une décision pour savoir que faire de cela.
23 "Et enfin, nous travaillons sur les obligations imposées par l'état-major
24 principal de la VRS en ce moment (asanacija)."
25 Q. Très bien. Nous voyons votre nom ici. C'est vous qui le rédigez ou
26 c'est quelqu'un d'autre ?
27 R. Non, ce n'est pas moi qui ai écrit cela. Les notes ont été prises par
28 quelqu'un d'autre qui était présent.
Page 12432
1 Q. Et Nikolic qui est mentionné ici, qui est-ce ?
2 R. C'est moi.
3 Q. Essayons d'examiner l'original, donc le dernier mot qui se trouve ici
4 entre parenthèses est le mot "asanacija".
5 R. Oui, je le vois.
6 Q. Est-ce le terme que vous avez employé à l'époque pour décrire cette
7 opération ?
8 R. J'ai employé ce mot-là parce que c'est sous ce nom-là que cette
9 opération dans son ensemble s'est déroulée. Donc entre guillemets,
10 "asanacija", c'est le mot qui concernait l'opération d'exhumation et du
11 réenterrement [phon] des corps dans de nouvelles fosses.
12 Q. Mais, Monsieur, vous savez ce que signifie le terme "asanacija". Donc,
13 d'expérience, ce terme, est-ce qu'il était effectivement utilisé dans son
14 sens habituel ? Puisque d'expérience vous saviez comment on employait ce
15 terme, dans la pratique militaire, est-ce que c'était le même emploi ?
16 R. En pratique, je peux vous dire que j'étais enseignant et que donc, dans
17 ce contexte, que le terme "asanacija" ne peut pas vraiment s'appliquer.
18 Cela inclut tout ce qui a été mentionné précédemment, c'est-à-dire
19 nettoyage de la zone, enlèvement des cadavres humains et d'animaux, mais
20 cela n'inclut pas les activités liées à enterrer des corps dans de nouveaux
21 sites. Cela ne fait pas partie d'"asanacija". Parce que, si vous voulez, il
22 s'agit de l'enterrement de corps pour éviter qu'il y ait des maladies,
23 c'est donc pour des raisons sanitaires. Mais quoi qu'il en soit, c'est la
24 raison pour laquelle nous avons appelé cette opération "asanacija" au sein
25 de ma brigade, et mon commandant savait fort bien qu'entre autres, cela
26 impliquerait également l'exhumation et l'enterrement ailleurs de ces corps.
27 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'une opération qui était censée être secrète ?
28 Ou est-ce qu'il s'agissait d'une opération qui était connue de tous ?
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1 R. Au départ, il s'agissait d'une opération secrète, mais je peux vous
2 dire également ce qui s'est passé en réalité.
3 L'intention était de garder ceci secret. Cependant, compte tenu du
4 nombre de personnes qui ont participé et de tout ce qui s'est passé dans le
5 contexte de cette opération, ce n'était plus un secret. Il n'y avait plus
6 de secret, tout le monde était impliqué. Les civils, les instances de
7 police militaire. Ça ne pouvait pas être un secret.
8 Q. Et pourquoi est-ce que c'était censé être un secret au départ ?
9 R. Eh bien, je peux me livrer à des conjectures en essayant de savoir
10 pourquoi, au départ, on devait conserver tout ceci secret. Eh bien, parce
11 que l'exhumation et l'enterrement sur d'autres sites devaient rester
12 secrets. Et toutes les traces devaient être enlevées. C'est ce qui me vient
13 à l'esprit, pour répondre à votre question. Mais je n'étais pas celui qui
14 avait demandé à ce que cette opération soit tenue secrète. On m'a demandé
15 de garder le secret. J'ai essayé de le garder dans la mesure où ceci était
16 possible, mais je dis maintenant qu'il n'était pas possible de mener cette
17 opération dans le secret le plus complet.
18 Q. Très bien. Je voudrais vous présenter deux autres documents.
19 M. THAYER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher le document
20 de la liste 65 ter 252.
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez vérifier votre
22 cote, s'il vous plaît. Ah, voilà, maintenant ça apparaît clairement sur le
23 compte rendu d'audience.
24 M. THAYER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait avancer de deux pages
25 pour la version B/C/S, s'il vous plaît. Et est-ce que l'on pourrait avancer
26 de trois pages pour la version en anglais.
27 Q. Je vous donne quelques instants pour que vous puissiez parcourir le
28 document en version B/C/S.
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1 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
2 M. THAYER : [interprétation] En anglais, est-ce que l'on pourrait avoir la
3 traduction du document qui porte la cote ERN 0066-3722, s'il vous plaît.
4 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous parcouru ce document ?
5 R. Oui. En fait, je ne sais pas de quel document il s'agit exactement.
6 J'ai du mal à le lire, je n'arrive pas à lire tout le document. Mais je
7 connais ce document parce que je l'ai vu avant de déposer ici.
8 Q. Est-ce que l'on pourrait passer à la page suivante en B/C/S. Et on peut
9 rester sur la même page en anglais.
10 Vous voyez qu'il s'agit d'un document manuscrit avec les initiales RJ en
11 bas de la page. Est-ce que vous voyez cela, Monsieur le Témoin ?
12 R. Oui, effectivement.
13 Q. Je vous demande de revenir à la première page en version B/C/S -- c'est
14 donc la page 3. On voit la référence 08-34/95 dans la version manuscrite.
15 Est-ce que l'on pourrait maintenant passer à la première page en B/C/S. Et
16 si on agrandit la partie d'en haut. On voit 08-34/95 --
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La copie qui est à l'écran est
18 quasiment illisible. Nous ne pouvons pas donc lire cela. Mais nous voyons
19 effectivement la copie en anglais.
20 M. THAYER : [interprétation]
21 Q. Si l'on consulte la version originale, est-ce que vous arrivez à lire
22 le nom qui a été dactylographié, à savoir Momir Nikolic ?
23 R. Oui.
24 Q. Donc nous avons vu une version manuscrite avec les initiales RJ. Et
25 nous voyons une version dactylographiée du même document avec votre nom
26 dactylographié en bas de la page. Est-ce que vous pourriez expliquer aux
27 Juges de la Chambre quelle a été l'évolution de ce rapport ? Et ensuite, je
28 vous poserai des questions concernant ce rapport. Mais ce qui m'intéresse,
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1 c'est la différence des noms et des initiales dans la version manuscrite,
2 d'une part, et dans la version dactylographiée, d'autre part.
3 R. Cela confirme exactement ce que j'ai abordé durant ma déposition d'hier
4 et aujourd'hui. Le colonel Jankovic, Radislav Jankovic, était dans le même
5 bureau que moi et il rédigeait des rapports. Alors que s'est-il passé dans
6 ce cas précis ? Eh bien, le colonel Jankovic a écrit de sa propre main ce
7 rapport manuscrit. J'étais présent avec lui. Et ensuite, j'ai utilisé ce
8 rapport manuscrit et je l'ai donné au centre des communications sans
9 entraver la responsabilité d'envoyer des rapports et des dépêches.
10 Cela signifie donc que le responsable des opérations, qui s'appelait
11 Tomo, qui travaillait au centre des communications, a dactylographié ce
12 document manuscrit, et comme il me connaît personnellement, il n'a en fait
13 pas du tout consulté les initiales qui se trouvaient en bas de la page. Il
14 a donc dactylographié mon nom ainsi que mon poste. C'est ce qui s'est
15 passé. Et j'en suis certain à 100 %.
16 Q. D'accord.
17 R. Je vous prie de m'excuser, une dernière chose : 08 c'est ma référence
18 durant cette période. Ça, j'en suis certain. Et puis, ceci montre bien que
19 ce document émane de mon instance, c'est-à-dire de l'organe responsable de
20 la sécurité et des questions du renseignement.
21 Q. Et nous voyons donc au troisième paragraphe, et je vais en donner
22 lecture pour les besoins du compte rendu d'audience. Document du 18 juillet
23 1995. Le colonel Jankovic rédige le rapport suivant :
24 "Un convoi de Médecins sans frontières, qui est arrivé le 18 juillet 1995 à
25 14 heures au croisement de Ljubovija pour acheminer leur personnel de la
26 base de FORPRONU à Potocari, a été renvoyé pour des raisons de procédure
27 (apparemment ils auraient dû passer par Zvornik).
28 "Est-ce que vous pourriez utiliser votre influence pour vous assurer
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1 que tous les transports des organisations internationales et des Nations
2 Unies passent par Ljubovija, sinon nous aurons du mal à leur fournir une
3 escorte."
4 Et ensuite, il continue en disant : "Est-ce que vous pourriez me dire
5 quelle position je dois adopter pour autoriser l'évacuation de
6 l'organisation internationale Médecins sans frontières. En fait, pourriez-
7 vous me dire comment gérer ce qu'on appelle le personnel local. Ceci
8 s'applique également aux interprètes des observateurs militaires et de la
9 FORPRONU.
10 "Le département de la Sûreté de l'Etat nous a transmis une opinion, à
11 savoir que le président Karadzic avait soi-disant aboli tout le concept de
12 personnel local qui était utilisé pour travailler pour la FORPRONU. Mais
13 c'est notre opinion qu'ils ne soient pas retenus."
14 Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la Chambre de quoi s'agit ce sujet
15 abordé par le colonel Jankovic le 18 juillet concernant le personnel local
16 de ces ONG et de la FORPRONU ? Pourquoi est-ce qu'il a abordé cette
17 question ?
18 R. Eh bien, je me souviens bien de ce télégramme. C'est donc le colonel
19 Jankovic qui en est l'auteur, mais j'ai participé à son élaboration.
20 Pour ce qui est des personnes concernées, il s'agit en fait de
21 personnes qui étaient employées par les organisations internationales ainsi
22 que par le Bataillon néerlandais, et il s'agissait donc de Musulmans de
23 Srebrenica qui travaillaient pour le CICR, pour MSF, pour la base de la
24 FORPRONU en tant que personnel technique, électriciens, serruriers, et
25 cetera. Et notre question, telle que vous la voyez dans le document, était
26 de savoir comment gérer ces personnes. Comme vous l'avez vu, vous avez pu
27 comprendre quelle était la position des instances civiles. Nous avons
28 présenté notre opinion, à savoir que nous pensions que les personnes qui
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1 travaillaient pour les organisations internationales, alors qu'elles
2 étaient en séjour à Srebrenica ou à Potocari, devraient quitter le
3 territoire avec les organisations pour lesquelles elles travaillaient, que
4 ce serait préférable. Pourquoi avons-nous proposé cela ? Je ne pense pas
5 que ce soit nécessaire de donner plus de commentaires. Nous pensions qu'ils
6 n'avaient aucune responsabilité, ils ne portaient pas d'armes, ils
7 n'étaient pas combattants contre les Serbes, ils n'avaient rien fait, et
8 s'ils étaient séparés, s'ils étaient détenus avec tous les autres, ou s'ils
9 étaient détenus et envoyés vers d'autres institutions, eh bien, ce ne
10 serait pas juste, ce ne serait pas la chose à faire. Par conséquent, nous
11 pensions qu'ils devraient quitter le territoire, avec ceux pour qui ils
12 travaillaient.
13 Q. D'après vous et d'après le colonel Jankovic, que serait-il advenu du
14 personnel local musulman si on ne les avait pas autorisés à quitter la zone
15 avec le personnel international de Médecins sans frontières ?
16 R. Nous étions guidés par la route des autres détenus. Donc, si on avait
17 suivi la route de toutes les personnes qui avaient été préalablement
18 détenues et transférées à Zvornik et si on avait pensé à toutes les
19 personnes qui avaient été tuées à Zvornik, alors à ce moment-là nous étions
20 presque complètement sûrs que ces personnes, si elles faisaient l'objet de
21 séparation, si cela arrivait, que ces personnes-là n'allaient pas survivre
22 non plus, que ces personnes allaient être exécutées. Et il n'y avait
23 absolument aucune raison pour leur accorder un autre traitement que celui-
24 là.
25 Q. J'ai encore un document pour le témoin.
26 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander le
27 versement au dossier de la pièce 65 ter 252.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, bien sûr, la pièce sera versée
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1 au dossier.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 252 de la liste 65 ter sera
3 versée au dossier sous la cote P2168. Je vous remercie.
4 M. THAYER : [interprétation] Pourrait-on avoir la pièce P18, s'il vous
5 plaît.
6 Q. Monsieur, reconnaissez-vous le document qui est affiché à l'écran ?
7 Savez-vous de quoi il s'agit ? Aimeriez-vous avoir l'original, je peux vous
8 le donner si vous le souhaitez.
9 R. Non, ce n'est pas nécessaire. Je reconnais le document. Il s'agit d'un
10 cahier de l'officier de permanence de la police militaire.
11 Q. Permettez-moi maintenant de vous montrer quelques entrées qui figurent
12 dans ce document.
13 M. THAYER : [interprétation] Je souhaiterais que l'on passe à la page 13 en
14 anglais et à la page 16 dans la langue originale, s'il vous plaît.
15 Q. Nous pouvons voir ici une entrée pour les 12 et 13 juillet 1995. Il y a
16 une entrée qui dit que la police est engagée pour assurer la sécurité du
17 HCR des Nations Unies et la reddition du peuple musulman. Et par la suite,
18 on fait référence à la permanence d'une nuit et au HCR -- donc la
19 permanence de nuit à l'hôtel Fontana et le fait de" sécuriser l'école du
20 HCR des Nations Unies".
21 Monsieur, est-ce que vous pouvez nous dire si cette référence est juste
22 concernant le HCR des Nations Unies ?
23 R. Oui, je vais dire de quoi il s'agit. Donc la police militaire, les
24 policiers, ne faisait pas réellement une différence entre la FORPRONU, le
25 HCR et les membres du Bataillon néerlandais. Pour eux, c'était la même
26 chose. Donc ils connaissaient le HCR, et c'est pour cela qu'ils ont écrit
27 le HCR. Mais je peux vous l'affirmer avec certitude, il ne s'agit
28 absolument pas du HCR des Nations Unies. Il s'agissait d'assurer la
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1 sécurité des membres du Bataillon néerlandais, qui se trouvaient à Bratunac
2 à ce moment-là.
3 M. THAYER : [interprétation] Pourrait-on afficher la page 14 en anglais et
4 la page 17 en B/C/S.
5 Q. Voici l'entrée pour les 14 et 15 juillet. On y indique : "La police
6 était engagée pour assurer l'escorte des réfugiés musulmans."
7 J'aimerais vous demander à quoi fait référence cette entrée des 14 et 15
8 juillet ?
9 R. Oui. Je crois que je l'ai déjà mentionné aujourd'hui.
10 Le 14 juillet, dans la matinée, un convoi de réfugiés a été escorté
11 de Bratunac vers Zvornik. Dans le cadre de cette escorte, on y retrouvait,
12 entre autres, la police militaire de la Brigade de Bratunac.
13 M. THAYER : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on affiche la
14 page 16 en anglais et la page 19 en B/C/S, s'il vous plaît.
15 Q. Voici une entrée du 17 juillet 1995. On fait référence à : "Une
16 patrouille de la police qui est restée à Pilica" --
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, je suis désolé de
18 vous interrompre, mais je ne crois pas que la bonne page est affichée à
19 l'écran. Nous n'avons pas la traduction en anglais. Voilà, elle y est.
20 Veuillez poursuivre, je vous prie.
21 M. THAYER : [interprétation]
22 Q. "Une patrouille de police est restée à Pilica pour assurer la
23 sécurité des Musulmans."
24 Qu'est-ce que c'est exactement ? A quoi fait référence cette entrée,
25 Monsieur ?
26 R. Après un certain temps, le chef Mirko Jankovic m'a transmis cette
27 information, et il m'a dit qu'en cette date-là, le 17, une patrouille qui
28 assurait l'escorte du convoi était restée à Zvornik pour prêter main-forte
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1 pour ce qui est d'assurer la sécurité des prisonniers sur le territoire de
2 Zvornik. A savoir ce qu'ils faisaient exactement, je ne le sais pas. Je
3 sais seulement que c'était dans la région de Pilica. Je ne sais pas ce
4 qu'ils faisaient exactement là-bas, s'ils assuraient la sécurité ou pas. De
5 toute façon, c'est l'information que m'a donnée le chef de police.
6 M. THAYER : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la page 19 en
7 anglais et la page 22 en B/C/S, s'il vous plaît.
8 Q. En attendant, est-ce que vous pouvez nous dire de combien d'hommes
9 composaient, en temps normal, une patrouille de police militaire ?
10 R. Tout dépend. Tout dépend de l'objectif de la patrouille. En principe,
11 une patrouille c'était deux policiers qui agissaient ensemble. Mais ce
12 n'est pas véritablement une règle, ils pouvaient être au nombre de trois ou
13 quatre. Donc deux, trois policiers.
14 Q. La date du 20 juillet 1995, nous avons ici une mention qui dit : "Deux
15 Musulmans qui ont été refoulés de Serbie, ils ont également été amenés et
16 ils ont été placés en détention."
17 Alors que pouvez-vous nous en dire ?
18 R. Oui, je peux vous en dire quelque chose. Pendant cette période-là et
19 après cette période, pendant assez longtemps, donc cela ne concerne pas
20 uniquement cette période en particulier, mais c'est ce que nous voyons ici,
21 après la chute de l'enclave de Srebrenica, on a vu arriver en Serbie, en
22 traversant la Drina ou par d'autres moyens, mais surtout en traversant la
23 Drina, on a vu arriver des membres de l'armée musulmane de l'enclave de
24 Srebrenica. La police de Serbie, donc de l'Etat voisin, les repérait, les
25 arrêtait, et ensuite les remettait à la police des frontières à Bratunac,
26 au poste-frontière entre Bratunac et Ljubovija plus précisément, et puis,
27 par la suite, la police des frontières les remettait à la Brigade de
28 Bratunac.
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1 Nous, on n'avait pas de prison à la Brigade de Bratunac. On n'avait
2 qu'une pièce où on pouvait placer les gens en détention. Et par la suite,
3 en fonction de la décision prise, on les transférait vers la prison de
4 Vlasenica, Knezina ou Batkovici.
5 Q. Est-ce que ce site est connu sous le nom de Susica, cet endroit à
6 Vlasenica ?
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je pense que cela devrait être votre
8 dernière question.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je le sache, il y avait juste
10 une prison à Vlasenica, et il me semble que cette prison s'appelait Susica.
11 M. THAYER : [interprétation]
12 Q. Je vous remercie, Monsieur Nikolic. J'en ai terminé avec mon
13 interrogatoire principal.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Comme d'habitude,
15 nous avons débordé. Il nous faut lever l'audience à présent, et nous allons
16 reprendre demain matin.
17 Il vous faudra faire preuve de patience. Il vous faudra revenir pour
18 le contre-interrogatoire par M. Tolimir, Monsieur Nikolic.
19 L'audience est levée.
20 [Le témoin quitte la barre]
21 --- L'audience est levée à 13 heures 56 et reprendra le jeudi 7 avril 2011,
22 à 9 heures 00.
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