Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 12 novembre 2014

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [L'appelant est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 52.

  6   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

  8   de l'affaire IT-05-88/2-A, le Procureur contre Zdravko

  9   Tolimir.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Tolimir, entendez-vous la

 11   procédure dans une langue que vous comprenez ? Monsieur Tolimir ?

 12   L'APPELANT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous

 13   entends.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tolimir.

 15   Pardon ?

 16   M. LE JUGE GUNEY : [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Quelqu'un peut-il aider M. le Juge

 18   Guney, s'il vous plaît.

 19   Je vais maintenant demander la présentation des parties, s'il vous plaît.

 20   S'agissant de M. Tolimir. Nous avons noté que vous assurez votre propre

 21   défense, Monsieur Tolimir. Vous vous souviendrez que le 20 juin 2014, la

 22   Chambre d'appel a fait droit à votre demande permettant à votre conseiller

 23   juridique d'assister à l'audience en appel, M. Aleksandar Gajic, et a

 24   autorisé M. Gajic à présenter des arguments oraux lors de l'audience en

 25   appel.

 26   Monsieur Gajic [comme interprété], je suppose que vous pouvez

 27   confirmer cela. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ? Bien. Tout va bien.

 28   L'APPELANT : [interprétation] Merci. Je tiens à saluer toutes les personnes


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  1   présentes et j'espère que ce procès se terminera selon la volonté de Dieu

  2   et non pas selon la mienne. Merci.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tolimir.

  4   Du côté de l'Accusation, s'il vous plaît.

  5   M. KREMER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

  6   Juges. Je m'appelle Peter Kremer. Je représente l'Accusation ce matin et je

  7   suis aidé de Lada Soljan, Todd Schneider, M. Wood et Mme Milaninia. Et

  8   notre commise à l'affaire aujourd'hui est Janet Stewart. Merci.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kremer.

 10   C'est agréable de vous revoir dans le prétoire.

 11   M. KREMER : [interprétation] Ça sera la dernière fois pour moi.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vais maintenant résumer l'appel et

 13   la manière dont nous allons procéder aujourd'hui.

 14   Cette affaire porte sur la responsabilité de M. Tolimir pour des crimes

 15   commis dans les enclaves de Srebrenica et Zepa en Bosnie orientale en 1995.

 16   A l'époque, M. Tolimir était commandant adjoint chargé du renseignement et

 17   de la sécurité au sein de l'état-major principal de l'armée de la Republika

 18   Srpska, ou VRS.

 19   La Chambre de première instance, Mme la Juge Nyambe étant en

 20   désaccord, a constaté que Tolimir a participé à deux entreprises

 21   criminelles communes alléguées dans l'acte d'accusation : une entreprise

 22   criminelle commune aux fins de tuer les hommes valides de l'enclave de

 23   Srebrenica et une entreprise criminelle commune visant à chasser par la

 24   force la population musulmane de Bosnie des enclaves de Srebrenica et de

 25   Zepa.

 26   La Chambre de première instance à la majorité, Mme la Juge Nyambe

 27   étant en désaccord, a conclu que Tolimir était coupable -- la Chambre de

 28   première instance à la majorité, Mme la Juge Nyambe étant en désaccord, a


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  1   déclaré Tolimir coupable en vertu de l'article 7(1) du Statut du Tribunal

  2   de génocide et entente en vue de commettre le génocide, extermination,

  3   meurtre, persécution et actes inhumains par le biais de transfert forcé.

  4   La Chambre de première instance, Mme la Juge Nyambe étant en

  5   désaccord, a condamné M. Tolimir à une peine de réclusion à perpétuité. M.

  6   Tolimir fait valoir 25 moyens d'appels qui contestent ses condamnations et

  7   sa peine et demande à la Chambre d'appel d'annuler ses condamnations dans

  8   leur totalité ou, à titre subsidiaire, de diminuer de façon considérable sa

  9   peine.

 10   Aux moyens d'appel 1 à 4 de son appel, M. Tolimir conteste la

 11   décision de la Chambre de première instance aux fins de préparer un constat

 12   judiciaire des faits jugés lorsqu'elle évalue un certain nombre d'éléments

 13   de preuve. Aux chefs 6 à 13, il conteste certaines des constatations

 14   factuelles et juridiques de la Chambre de première instance portant sur

 15   l'extermination et le transfert forcé en tant que crimes contre l'humanité.

 16   En outre, il conteste les conclusions de la Chambre de première instance à

 17   l'égard du crime de génocide.

 18   Aux chefs 5 [comme interprété], 14 à 20, M. Tolimir conteste les

 19   constatations factuelles et juridiques de la majorité à propos de sa

 20   responsabilité pour sa participation aux deux entreprises criminelles

 21   communes, à savoir l'entreprise criminelle commune sous la forme de meurtre

 22   et l'entreprise criminelle commune sous la forme de transfert forcé.

 23   Aux chefs 21 à 23, il conteste les constatations de la Chambre de première

 24   instance concernant sa responsabilité à l'égard de chefs d'accusation

 25   particuliers.

 26   Et, pour finir, au moyen d'appel 24, M. Tolimir conteste les conclusions de

 27   la majorité de la Chambre concernant le cumul de ses déclarations de

 28   culpabilité, et au chef 25, il conteste les conclusions de la Chambre eu


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  1   égard au prononcé de sa peine.

  2   L'Accusation répond en précisant que tous les moyens d'appel avancés par M.

  3   Tolimir lors de l'appel doivent être rejetés.

  4   Je souhaite attirer l'attention des parties sur les questions que la

  5   Chambre d'appel a présentées aux parties dans l'addendum à l'ordonnance

  6   portant calendrier pour que ces parties se penchent dessus. Cet addendum a

  7   été déposé le 31 octobre 2014.

  8   Pendant toute la durée de cette audience en appel, les avocats peuvent

  9   faire valoir les moyens d'appel dans l'ordre qui leur convient. Les avocats

 10   peuvent présenter leurs moyens d'appel dans l'ordre qu'ils jugent convenir.

 11   Cependant, j'inviterais les avocats de ne pas répéter ou résumer les

 12   arguments déjà présentés dans leurs mémoires en appel. La Chambre d'appel

 13   connaît ces arguments.

 14   En outre, les parties doivent préciser des références précises aux

 15   documents qu'ils utilisent pour étayer leurs arguments oraux. Les Juges,

 16   bien évidemment, peuvent interrompre les parties à tout moment pour poser

 17   des questions ou peuvent poser des questions suite aux arguments présentés

 18   par les parties ou à la fin de l'audience.

 19   Je souhaite également rappeler les parties qu'elles doivent prêter une

 20   attention toute particulière au fait de ne pas révéler des informations qui

 21   seraient susceptibles d'identifier un témoin protégé ou d'autres

 22   informations protégées.

 23   Pour finir, je souhaite insister sur le fait qu'un appel n'est pas un

 24   procès de novo et que les parties doivent s'abstenir de répéter les

 25   arguments présentés lors du procès. Les arguments doivent être limités à

 26   des erreurs alléguées de droit qui invalident le jugement de première

 27   instance ou erreurs alléguées de fait qui donnent lieu à une erreur

 28   judiciaire.

 


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  1   Tel qu'indiqué dans l'ordonnance portant calendrier, cette audience se

  2   poursuivra comme suit. Nous allons tout d'abord entendre les arguments du

  3   conseiller juridique de M. Tolimir pendant deux heures. Après la pause du

  4   déjeuner, l'Accusation répondra pendant deux heures. Après une pause de 20

  5   minutes, le conseiller juridique de M. Tolimir aura 30 minutes pour

  6   répliquer. Et, pour finir, M. Tolimir aura dix minutes pour s'adresser aux

  7   Juges de la Chambre personnellement s'il le souhaite.

  8   Ayant maintenant précisé la manière dont nous allons procéder aujourd'hui,

  9   je vais demander au conseiller juridique de M. Tolimir de présenter ses

 10   arguments.

 11   Monsieur Gajic, c'est à vous.

 12   M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Membres de

 13   la Chambre d'appel, c'est un grand honneur et une grande responsabilité

 14   pour moi que de me présenter devant cette Chambre, en particulier

 15   s'agissant d'une affaire qui fait partie des procès très lourds de

 16   Srebrenica où il y a bien des questions de droit et de fait qui sont

 17   contestés.

 18   Etant que le débat en appel, conformément à la révision et à ses

 19   normes en appel, se trouve limité et ne constitue pas un réexamen de

 20   l'affaire toute entière, on se limitera à débattre les erreurs dans le

 21   jugement de la Chambre de première instance qui sont susceptibles d'influer

 22   sur le résultat de cette affaire et le prononcé de la peine au final.

 23   Etant donné que je n'ai que deux heures pour ce qui est de présenter mes

 24   arguments, mon argumentation sera résumée dans son ensemble aux réponses

 25   aux questions posées par les Juges de la Chambre d'appel qui se trouvent

 26   dans l'avenant à l'ordonnance portant calendrier pour le débat

 27   d'aujourd'hui.

 28   Avant que de commencer à répondre aux questions posées par les Juges de la


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  1   Chambre, je voudrais dire que la gravité particulière de cette affaire en

  2   appel se trouve être résumée par les positions diamétralement opposées

  3   prises par les Juges de la Chambre. Il ne s'agit pas seulement d'un ou deux

  4   critères ou de désaccord sur un ou deux faits entre eux, mais il y a un

  5   Juge, le Juge Nyambe, qui a présenté une opinion diamétralement opposée par

  6   rapport par rapport aux opinions formulées par les autres Juges de la

  7   Chambre de première instance.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous vouliez dire la Chambre de

  9   première instance, non pas la Chambre d'appel.

 10   M. GAJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 11   Je vais commencer par répondre aux questions posées par les Juges de la

 12   Chambre. Je vais commencer suivant l'ordre qui a présenté pour le débat à

 13   venir.

 14   La première des questions posée par les Juges de la Chambre d'appel se lit

 15   comme suit, et cela se rapporte aux motifs d'appel 7 et 10, pour savoir si

 16   les opérations des Serbes de Bosnie à Zepa avaient constitué des actes

 17   génocidaires, si cela est pris en considération de façon dissociée par

 18   rapport aux exécutions de Srebrenica.

 19   L'opinion de l'appelant consiste à dire que si l'on considère les choses de

 20   façon dissociée ou de concert avec les motifs liés à Srebrenica, les

 21   opérations des Serbes de Bosnie à Zepa ne peuvent pas être considérées

 22   comme des actes génocidaires, et il n'y a pas de fondement qui pourrait

 23   constituer un justificatif adéquat pour conclure qu'il y avait une

 24   intention génocidaire pour ce qui est de la population de Zepa. Il n'y a

 25   pas un seul agissement qui constituerait un acte de génocide, à savoir

 26   meurtre, atteinte corporelle ou mentale qui conduirait un groupe vers des

 27   conditions qui se solderaient par son anéantissement.

 28   Le motif d'appel numéro 7, au sujet duquel je me propose de formuler


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  1   quelques observations, se rapporte à des erreurs de droit pour ce qui est

  2   des circonstances dans lesquelles un déplacement forcé peut être considéré

  3   comme un acte génocidaire en application de l'article 4(2) du Statut et

  4   pour savoir si la Chambre de première instance a fait une erreur pour ce

  5   qui est des atteintes mentales.

  6   Les déplacements forcés de la population en tant que tels ne peuvent

  7   être considérés comme un actus reus d'un génocide. Il y a eu des

  8   propositions au cours des débats liés à la convention relative au génocide

  9   de qualifier comme génocide tout déplacement forcé de la population. Le Pr

 10   Bartos, qui avait représenté la Yougoslavie à l'époque, a fait référence à

 11   la pratique du déplacement de la population slave pendant la Deuxième

 12   Guerre mondiale qui a été effectué par les Nazis et a qualifié ce

 13   déplacement de la population comme étant une destruction intentionnelle

 14   d'un groupe donné. Et il a conclu en disant que le génocide pouvait être

 15   effectué lorsque l'on contraint certains membres d'un groupe à quitter

 16   leurs domiciles.

 17   La proposition avait été faite pour ce qui est de la considérer comme

 18   étant un génocide par les soins de la Syrie, ça a été appuyé par la

 19   Yougoslavie, mais cela a été rejeté par une grande majorité, 22 voix contre

 20   cinq pour et huit abstention, parce qu'on a considéré que cela s'éloignait

 21   par trop du concept du génocide.

 22   L'INTERPRÈTE : La cabine française fait savoir au conseil de la Défense

 23   qu'il lit trop vite.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez dit avoir conclu que le

 25   génocide pouvait être considéré comme le fait de forcer des membres d'un

 26   groupe à abandonner. Que voulez-vous dire ? Vous parlez des "auteurs" ou

 27   des "victimes" ? Ils abandonnent le génocide ? Vous voulez dire qu'ils

 28   souhaitent abandonner le lieu où ils vivent ?


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  1   M. GAJIC : [interprétation] J'ai parlé de déplacement de la population par

  2   la force depuis un endroit où cette population résidait. J'étais en train

  3   de parler --

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous voulez parler non pas de génocide

  5   mais de l'abandon de leur lieu de résidence. D'accord. Merci. C'est clair.

  6   Vous pouvez continuer.

  7   M. GAJIC : [interprétation] Bien entendu, je pense que je vais devoir

  8   ralentir un peu parce qu'il me faut attendre quand même un certain laps de

  9   temps pour voir apparaître sur l'écran les propos que je prononce.

 10   Les Juges de la Chambre de première instance, lorsqu'elle a considéré que

 11   le déplacement forcé de la population comme étant une atteinte mentale

 12   grave en vertu de l'article 4 du Statut, se sont fondés sur le projet de

 13   convention relative au génocide, comme on peut le voir à la note de bas de

 14   page 3 107, du projet de cette convention où cette conception du génocide a

 15   été abordée de façon tout à fait autre que dans le Statut du Tribunal et

 16   dans la convention relative à la punition du crime du génocide. Ce qui l'a

 17   probablement conduite dans l'analyse à une dissociation du concept de

 18   génocide tel que défini par le droit international et une définition tout à

 19   fait autre de la notion d'atteinte mentale.

 20   Cette notion d'atteinte mentale grave, je vous le rappelle, a été

 21   définie comme étant une atteinte plus grave qu'une offense temporaire ou

 22   une humiliation provisoire. Ça ne peut pas, donc, avoir des conséquences

 23   durables et ça ne peut pas être inguérissable, mais ça peut conduire à des

 24   détériorations à long terme de l'aptitude d'un individu à avoir une vie

 25   normale et constructive. Une telle définition de l'atteinte mentale grave

 26   se trouve être conforme à la définition qui a été contenue dans le projet

 27   de convention et qui a ensuite été biffée pour ce qui est de la définition

 28   du génocide présente pour ce qui est des actes criminels dirigés contre un


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  1   groupe protégé pour l'anéantir à part entière ou en partie, et on a ajouté

  2   : Empêcher son maintien et son développement -- d'après le droit

  3   international en vigueur, empêcher le maintien et le développement d'un

  4   groupe ne saurait constituer un élément de génocide. Cela ne pourrait donc

  5   pas être considéré comme étant un génocide.

  6   Les travaux préparatoires de la convention relative au génocide

  7   montrent que la notion de l'atteinte mentale a trouvé sa place dans la

  8   convention suite à une proposition formulée par la Chine qui a expliqué sa

  9   proposition en parlant des agissements des forces d'occupation japonaises

 10   contre la population chinoise par l'utilisation de drogues et a souligné

 11   que même si cela n'est pas aussi spectaculaire que les meurtres en masse ou

 12   les chambres à gaz dans l'Allemagne nazie, le résultat n'en est pas moins

 13   mortel.

 14   Je fais référence aux notes officielles de l'assemblée générale,

 15   troisième session, partie 1, comité 6, session 69, pages 59 à 60. La notion

 16   de l'atteinte grave à l'intégrité mentale, du point de vue de la convention

 17   relative au génocide, ne peut pas être considérée comme un élément qui

 18   empêche un individu d'avoir une vie normale et constructive, mais il faut

 19   que ce soit suffisamment grave pour menacer une destruction totale ou

 20   partielle d'un groupe entier, et ceci doit être entendu du point de vue de

 21   la survie biologique ou physique de ce groupe. Une telle interprétation,

 22   comme cela figure dans notre mémoire en clôture, se trouve être étayée par

 23   une déclaration proposée par les Etats-Unis d'Amérique pour ce qui est des

 24   instruments de ratification de la convention relative au génocide,

 25   considérant que cette atteinte à l'intégrité mentale doit être "une

 26   atteinte permanente aux capacités mentales d'un groupe au travers de

 27   stupéfiants, torture ou techniques semblables."

 28   Le génocide, étant le plus grave des délits au pénal connus par le


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  1   droit international, se rapporte au droit d'un groupe national, racial,

  2   ethnique ou religieux à la survie. Et si on se penche sur la convention

  3   dans son intégralité, si nous l'interprétons dans le contexte des éléments

  4   préparatoires à l'adoption de la convention, ce qui se trouve être

  5   mentionné au côté du meurtre - ou atteinte grave à l'intégrité mentale ou

  6   placement d'un groupe dans des conditions menant à son anéantissement

  7   physique - cela ne peut pas être interprété comme la réalisation d'un effet

  8   final, mais il s'agit seulement de modalités différentes par lesquelles on

  9   aboutit à l'objectif du génocide, à savoir destruction partielle ou totale

 10   d'un groupe donné.

 11   La Défense est d'avis que l'on peut considérer comme acte de génocide

 12   un déplacement forcé seulement si cela a été fait de façon à pouvoir être

 13   qualifié comme étant une atteinte grave à l'intégrité mentale ou placement

 14   d'un groupe dans des conditions qui conduisent forcément à sa destruction,

 15   comme cela a été le cas pour ce qui est de placement d'individus dans des

 16   camps de concentration, dans des ghettos et dans des secteurs où il y a des

 17   conditions de dégradation, où les êtres humains sont dépossédés de leurs

 18   droits élémentaires et où on les placerait dans des conditions qui sont

 19   susceptibles d'aboutir par la destruction dudit groupe et non pas de se

 20   solder par des entraves à son développement.

 21   Alors, quelle que soit la façon dont on comprendrait les atteintes

 22   graves à l'intégrité mentale ou le placement d'un groupe protégé dans des

 23   conditions menant à sa destruction, selon les modalités que je viens de

 24   décrire, ou selon les modalités qui ont été celles de la Chambre de

 25   première instance, aucun des agissements de l'armée de la Republika Srpska

 26   à Zepa ne peut être placé ou rangé dans la notion de génocide. La majorité

 27   des membres de la Chambre de première instance, au paragraphe 758 du

 28   jugement, a formulé une conclusion qu'aucune Chambre de première instance


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  1   raisonnable ne saurait adopter, à savoir qu'il y a eu des atteintes graves

  2   à l'intégrité mentale de la population musulmane, et ce, du fait de leur

  3   déplacement forcé de Zepa pendant la période allant du 25 au 27 juillet

  4   1995.

  5   D'abord, il n'y a pas d'élément de preuve qui pourrait prouver

  6   l'existence d'une intention génocidaire par rapport aux Musulmans de Bosnie

  7   de Zepa. Et, deuxièmement, les agissements que la Chambre de première

  8   instance a pris en considération lors de l'adoption de ses conclusions ne

  9   sauraient être qualifiés comme étant des actes génocidaires.

 10   Je tiens à vous rappeler ici une chose qui va être examinée dans les

 11   réponses apportées à d'autres questions posées par la Chambre d'appel, le

 12   fait que l'intention génocidaire dans le jugement rendu par la Chambre de

 13   première instance se fonde en premier lieu sur l'opération des exécutions.

 14   Pendant l'opération de Zepa, il n'y a pas eu d'exécution de

 15   prisonniers de guerre en provenance de Zepa. La population civile n'a pas

 16   été exposée à des exécutions.

 17   Du reste, le troisième acte d'accusation modifié ne comporte pas

 18   d'allégations relatives à des meurtres à Zepa. Et alors qu'il s'agit ici

 19   des meurtres de Palic, Hajric et Imamovic, je vais en parler un peu plus

 20   tard en répondant à la question numéro 2 de la Chambre d'appel.

 21   La chute de Zepa n'a eu lieu que suite à trois tours de négociations

 22   où la population s'est toujours vue proposée la possibilité de rester à

 23   Zepa.

 24   Comme expliqué au motif d'appel numéro 15, aux paragraphes 303 à 328

 25   du motif d'appel modifié, je tiens à vous rappeler certains des faits qui

 26   confirment la soumission disant que l'attaque contre Zepa et les modalités

 27   de la conduite des opérations militaires à Zepa n'avaient pas été

 28   contraires au droit international. Lorsqu'il s'agit de l'ordre donné pour


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  1   attaquer Zepa, le général Krstic dit clairement que la population civile

  2   musulmane et la FORPRONU ne sont pas la cible de notre opération. Il s'agit

  3   du P1225, page 4. Dans le jugement, il s'agit du paragraphe 1 028, note de

  4   bas de page 4 061.

  5   L'attaque contre Zepa a constitué une réaction pour ce qui est des efforts

  6   investis par les Musulmans visant à conduire des opérations militaires aux

  7   fins de rattacher les enclaves avec la partie centrale du territoire placé

  8   sous le contrôle de la Bosnie-Herzégovine, et ce, en lançant des attaques

  9   fréquentes depuis le territoire des enclaves. Les éléments de preuve qui le

 10   confirment se trouvent être énoncés au paragraphe 306 du mémoire en appel.

 11   Ces attaques se sont soldées par beaucoup de victimes au niveau de l'armée

 12   serbe et de la population serbe, chose qui a été constatée par la Chambre

 13   de première instance également.

 14   Pour ce qui est de l'inexistence de l'intention génocidaire, on peut en

 15   conclure partant des documents des Nations Unies. En premier lieu, je tiens

 16   à mentionner un rapport de la FORPRONU qui porte la référence P596,

 17   paragraphe 9, où on dit que :

 18   "Les Serbes entendent s'emparer de la poche," on parle de la poche de Zepa,

 19   "sans combat, si cela est possible."

 20   Et lorsque l'on décrit la réunion qui s'est tenue le 13 juillet, où il y a

 21   eu participation de Zdravko Tolimir, on dit : "Les Serbes ont demandé aux

 22   Bosniens à Zepa de déposer leurs armes, suite à quoi la population civile

 23   pourra s'en aller ou rester." Ça se trouve au paragraphe 8 de ce document.

 24   En d'autres termes, du fait du lancement de l'attaque contre Zepa --

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pardonnez-moi.

 26   La première question soulevée dans l'addendum de l'ordonnance portant

 27   calendrier évoquait la question du lien entre les opérations de Zepa et les

 28   opérations de Srebrenica ou le fait qu'il n'y ait pas de lien. Dans votre


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  1   mémoire en appel, au paragraphe 164, vous faites valoir que la Chambre de

  2   première instance avait l'obligation d'analyser séparément les opérations

  3   de l'armée serbe de Bosnie à Srebrenica et à Zepa. Ceci porte, évidemment,

  4   sur l'acte d'accusation utilisé au procès qui dans ce cas a défini le

  5   groupe étant pris pour cible qui fait l'objet des accusations contre M.

  6   Tolimir, et je cite, "comme la population musulmane de la Bosnie

  7   orientale." Et d'après l'acte d'accusation, ceci représentait la population

  8   musulmane en tant que telle.

  9   Pourquoi, pouvez-vous nous expliquer, la Chambre de première instance vous

 10   a demandé, comme vous l'alléguez, d'analyser séparément les opérations de

 11   Srebrenica et de Zepa ?

 12   M. GAJIC : [interprétation] Tout d'abord, l'opération de Zepa a été

 13   conduite dans des circonstances tout à fait différentes que celles qui ont

 14   été celles de l'opération Srebrenica. Ces différences sont évidentes, à

 15   commencer par le début de l'opération, son évolution, les modalités selon

 16   lesquelles il y a eu des négociations, et tout le reste.

 17   Pour ce qui est de l'attaque lancée contre Zepa, cette attaque ne comporte

 18   absolument pas les caractéristiques qui existaient pour ce qui est de

 19   l'attaque lancée contre Srebrenica, bien que la Défense considère que l'une

 20   et l'autre de ces opérations étaient tout à fait légales.

 21   Deuxièmement, la Défense affirme que la population musulmane de toute la

 22   Bosnie de l'Est n'avait pas été ciblée par l'attaque, pas à Srebrenica et

 23   pas non plus à Zepa. Mais il y a deux opérations différentes qui se

 24   déroulent et qui peuvent être qualifiées de façon différente d'un point de

 25   vue juridique. La Chambre, en déterminant qu'il y avait eu intention de

 26   commettre un génocide, a dit que l'on avait englobé la population totale,

 27   je dis bien totale, de la Bosnie de l'Est. La Défense affirme que non, ni à

 28   Srebrenica ni à Zepa. Pour aboutir à ce type de conclusion, du reste, il


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  1   convient de constater en particulier si la population civile de Srebrenica

  2   avait été exposée à des agissements qui auraient constitué un génocide, et

  3   en particulier savoir si cela a été le cas pour la population de Zepa. Pour

  4   la population de Zepa, ce génocide n'est pas.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

  6   M. GAJIC : [interprétation] La Défense est d'opinion que non seulement il

  7   n'y a pas d'élément de preuve disant que la population civile a fait

  8   l'objet d'une attaque, mais il n'y avait pas eu intention de la part de la

  9   VRS de faire partir la population civile de Zepa. Cela est montré par les

 10   réunions du 13 juillet, du 19 juillet, du 24 juillet, et également par les

 11   accords auxquels on a abouti et que les Musulmans de Bosnie n'ont pas

 12   respectés. A chaque fois qu'il y avait eu un accord, ils voulaient se jouer

 13   des termes ou des dispositions dudit accord.

 14   La Chambre de première instance, dans son raisonnement permettant de

 15   conclure que le déplacement forcé de la population de Zepa constituait un

 16   acte de génocide, s'est fondée sur plusieurs constatations contestables.

 17   D'abord, au paragraphe 758 du jugement rendu, il a été souligné que le

 18   transfert de la population de Zepa s'est déroulé dans des circonstances

 19   autres que le transport des Musulmans à Srebrenica, bien qu'il y ait eu des

 20   ressemblances substantielles, mais il n'y a pas d'autre qualificatif.

 21   D'abord, la population de Zepa a été transférée vers le territoire où il y

 22   a le même groupe national, racial, religieux et ethnique qui se trouvait

 23   être placé sous le contrôle du gouvernement que eux considéraient être un

 24   gouvernement à l'égard duquel ils devaient être loyaux. Et ils n'ont pas

 25   été, donc, exposés à des conditions conduisant à leur anéantissement. Le

 26   transport a été effectué, chose constatée par la Chambre de première

 27   instance, avec l'escorte de la FORPRONU et recensement des noms de ceux qui

 28   sont transportés, chose qui a été faite par les Musulmans locaux et les


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  1   représentants de la FORPRONU. Et il y avait aussi eu un ordre du général

  2   Ratko Mladic disant que les Musulmans qui étaient transférés et transportés

  3   ne devaient pas être malmenés et qu'ils ne devaient être dépossédés de rien

  4   du tout. Je vous renvoie ici vers la pièce à conviction P2427.

  5   Deuxièmement, la Chambre de première instance, pour ce qui est de

  6   raisonnement qui lui a permis de constater qu'il y a eu atteinte grave à

  7   l'intégrité mentale, a convié le 20 juillet la population par porte-voix à

  8   revenir dans l'enclave. Je vous rappelle que ce porte-voix a été commandé

  9   par Tolimir lui-même. Cela a été constaté de façon inéquivoque [phon] au

 10   paragraphe 621 du jugement rendu. La Chambre de première instance s'est

 11   trompée, a erré, lorsqu'elle s'est fondée sur cet élément pour conclure du

 12   fait qu'il y a eu des atteintes graves corporelles à l'égard de la

 13   population de Zepa.

 14   Conviant la population à la date du 20 juillet à revenir vers l'enclave,

 15   cela a suivi l'accord du 19 juillet qui a été atteint entre Mladic, le

 16   représentant de la présidence de Guerre, c'est-à-dire les parlementaires,

 17   Torlak et Kulovac, où les représentants de ladite présidence de Guerre de

 18   Zepa se sont dit prêts à restituer leurs armes, ils sont tombés d'accord

 19   sur les modalités d'évacuation de la population civile.

 20   Et, en plus, il y a des éléments de preuve montrant que dix familles

 21   entières avaient souhaité rester dans l'enclave. Je parle de la pièce D58,

 22   notamment.

 23   En conviant la population à revenir vers Zepa après les accords auxquels on

 24   a abouti avec les parlementaires de Zepa, bien que pour certains civils

 25   cela aurait pu être désagréable, mais ça n'a certainement pas le caractère

 26   d'une atteinte à l'intégrité mentale.

 27   Ensuite, la Chambre de première instance, lorsqu'elle a exposé ses

 28   qualificatifs pour ce qui est des déplacements forcés en tant qu'atteinte


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  1   grave à l'intégrité mentale, mentionne le fait que Tolimir a été présent à

  2   Zepa lors de l'évacuation. En effet, la Chambre de première instance s'est

  3   fondée sur le témoignage d'un témoin, David Wood, qui ne saurait être

  4   considéré comme étant un témoin fiable en aucun cas - chose qui est

  5   expliquée au mémoire en appel modifié, paragraphe 153, dans la réplique

  6   modifiée au paragraphe 53 - qui a affirmé que Tolimir avait contribué à la

  7   création d'une ambiance menaçante parce qu'il a traversé la foule avec un

  8   pistolet levé en l'air.

  9   D'autres témoins, Edward Joseph et Zoran Carkic, ont témoigné au

 10   sujet des modalités suivant lesquelles il y a eu évacuation de la

 11   population civile de Zepa, chose dont Wood n'avait pas eu à savoir pour ce

 12   qui est de la façon dont ça a été organisé, et notamment concernant le

 13   comportement de Tolimir à l'époque.

 14   Deux témoins de l'Accusation, Edward Joseph et Zoran Carkic, ont

 15   confirmé le fait que Tolimir, pendant qu'il était à Zepa, n'avait pas eu

 16   d'arme. Et on ne l'a jamais vu là-bas une arme à la main. Carkic, dans

 17   l'entretien qu'il a eu avec le bureau du Procureur, a dit :

 18   "Il est venu sans arme et parmi des milliers d'habitants de la

 19   population civile, et ce, avant que je n'y aille."

 20   Donc, il a témoigné concernant le fait que Tolimir avait insisté sur

 21   "la nécessité de voir ne rien arriver à cette population." Je vous parle

 22   ici de la pièce D217, pages 13 et 14.

 23   Aucun juge raisonnable des faits ne saurait tirer la conclusion au

 24   terme de laquelle le comportement de Tolimir à Zepa constituerait des

 25   atteintes graves à l'intégrité mentale ou contribuerait à des atteintes à

 26   l'intégrité mentale.

 27   Ensuite, la Chambre a conclu des atteintes à l'intégrité mentale

 28   graves du fait d'une situation où Mladic serait entré dans chacun des


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  1   autocars pour s'adresser à la population qui était en train d'être évacuée

  2   de Zepa.

  3   Ceci peut être vu de l'enregistrement vidéo et des enregistrements à

  4   ce sujet, pièce à conviction de l'Accusation P740, mais on a arraché à leur

  5   contexte le fait d'avoir entendu Mladic dire qu'on leur faisait grâce de

  6   leur vie. Or, Mladic a dit :

  7   "Nos enfants ont été également tués en 1992 dans le canyon de Zepa.

  8   Vous avez entendu parler de moi. Maintenant vous êtes en train de me voir.

  9   Je suis le général Mladic. Il y a parmi vous des gens qui sont encore aptes

 10   au combat. Vous êtes tous en sécurité. Vous serez transportés vers Kladanj.

 11   Je vous souhaite bon voyage et je vous dis au revoir."

 12   Dans un autre autocar, il a dit la même chose, ce que je viens de

 13   citer tout à l'heure, en ajoutant :

 14   "Je vous fais grâce de votre vie. Je vous pardonne à tous. Ne venez

 15   plus face à moi sur un front de combat. La prochaine fois, il n'y aura plus

 16   de pardon. J'ai eu merci de vous. Vous n'en avez pas eu pour nos enfants en

 17   1992 dans le canyon de Zepa. Je vous souhaite bon voyage et au revoir."

 18   P740, page 2 631.

 19   Ce type de déclarations, aucun juge raisonnable des faits ne pourrait

 20   les considérer comme étant des éléments à l'appui d'une thèse qui

 21   consisterait à affirmer qu'il y a eu atteinte grave à l'intégrité mentale.

 22   Ces raisons sont jugées comme suffisantes pour indiquer qu'il y a erreur

 23   des Juges de la Chambre pour ce qui est des déplacements de la population

 24   de Zepa qui ne comportent aucun caractère d'acte de génocide et il n'y a

 25   pas eu d'intention génocidaire pour ce qui est des opérations de la VRS à

 26   Zepa. Dans ce cas de figure, cette intention n'existe tout simplement pas.

 27   La question numéro 2 de la Chambre d'appel se rapporte au motif

 28   d'appel numéro 12; on demande s'il y a eu erreur de la part de la Chambre


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  1   de première instance lorsqu'elle a conclu du fait que les forces des Serbes

  2   de Bosnie ont abattu Mehmet Hajric, Amir Imamovic et Avdo Palic dans

  3   l'intention particulière d'anéantir une partie de la population musulmane

  4   bosnienne en tant que telle.

  5   Je souhaiterais rappeler d'abord le fait que dans le jugement rendu

  6   par la Chambre d'appel dans l'affaire Krstic, il a été souligné de façon

  7   claire que l'intention doit être établie de façon non ambiguë pour ce qui

  8   est des circonstances factuelles de l'acte pénal qui est reproché à

  9   l'accusé à l'acte d'accusation Krstic, J34, et il faut qu'il y ait des

 10   éléments indiquant que le groupe entier ou une partie importante de ce

 11   groupe avait été désigné pour un anéantissement.

 12   Il ne s'agit pas de prononcer un jugement de génocide à la légère.

 13   Krstic, paragraphe 37. L'acte pénal de génocide, de par sa nature,

 14   nécessite une intention qui consisterait à l'anéantissement d'une partie

 15   importante d'un groupe donné. Le meurtre de trois Musulmans de Zepa,

 16   quelles que soient les positions qu'ils aient eues en leur qualité de

 17   membres de la présidence de Guerre à Zepa, ne répond pas aux conditions

 18   requises. Le génocide, ce n'est pas un crime contre un certain nombre de

 19   particuliers, mais contre un groupe national, ethnique, racial ou

 20   religieux.

 21   Lors de la détermination du fait de savoir si le meurtre de ces trois

 22   Musulmans constituait un génocide ou pas, la Chambre a cité un jugement

 23   rendu dans l'affaire Jelisic où l'on a fait référence à l'opinion d'une

 24   commission d'experts, où on a dit : Dans la situation où l'on cible la

 25   direction entière d'un groupe, y compris les chefs politiques,

 26   administratifs, religieux, les académiciens, les intellectuels, des hommes

 27   d'affaires en vue et autres, cela peut également constituer un acte de

 28   génocide, et cette entité en tant que telle peut indiquer la présence d'un


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  1   génocide indépendamment du nombre réel de personnes tuées.

  2   La Chambre d'appel dans l'affaire Krstic a critiqué les conclusions

  3   adoptées dans l'affaire Jelisic et Sikirica pour prendre position et dire

  4   qu'une partie d'un groupe, si cette partie représente d'une façon ou d'une

  5   autre un groupe entier qui est important pour sa survie, ça peut contribuer

  6   à la constitution pour qualifier cette partie-là comme étant importante du

  7   point de vue des dispositions de l'article 4 du Statut. Paragraphe 12 du

  8   jugement rendu.

  9   Mais ce facteur n'est pas un facteur autonome. C'est l'un des

 10   éléments qui indiquent si, oui ou non, il y a la condition préalable de

 11   nombre important.

 12   Dans l'affaire Krstic, la Chambre d'appel ne s'est pas penchée plus en

 13   détail sur ce critère-là. Cependant, nous estimons que ce critère peut

 14   constituer un indice de génocide rien que s'il fait partie d'une politique

 15   mise en œuvre de façon systématique pour constituer rien qu'une phase dans

 16   la réalisation d'un plan génocidaire global.

 17   Mais le fait d'introduire la notion de groupe protégé en partant de

 18   certains individus, même si ce sont les "leaders" du groupe, cela s'écarte

 19   de la notion du génocide et de l'intention et de l'objectif poursuivi par

 20   la convention en tant que telle. Ceci parle de la notion de leadership par

 21   la petite porte pour faire parler de notion de génocide.

 22   Cela serait anachronique. Il y aurait une connotation discriminatoire

 23   d'introduite et cela se trouverait contraire aux idées du fondement des

 24   droits et libertés tant des individus que des groupes.

 25   Dans ce cas concret pour déterminer si, oui ou non, ces trois leaders ont

 26   été abattus dans une intention génocidaire ou pas, il est indispensable de

 27   mentionner le moment ou l'élément temporel, quand est-ce que cela s'est

 28   passé. Les Juges de la Chambre n'ont pas constaté cet élément-là de façon


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  1   précise. Pour ce qui est de Palic, cela se passe après le 4 ou 5 septembre

  2   pour sûr. Alors qu'Imamovic et Hajric, au mois d'août, étaient encore

  3   vivants.

  4   La Chambre de première instance a pris le fait pour dire que le

  5   déplacement forcé allégué de la population de Zepa aurait été effectué

  6   avant leur meurtre. Ça constitue un facteur qui étaie, qui sous-tend la

  7   constatation relative à l'intention génocidaire, paragraphe 781. Ça, c'est

  8   une conclusion qui ne serait adoptée par aucune Chambre raisonnable; parce

  9   que le fait qu'ils aient été tués une fois que la population était partie

 10   de Zepa, ça montre que leur importance pour cette communauté-là n'est plus

 11   la même, quand bien même ils auraient eu une importance vitale ou cruciale

 12   pour ce qui est de la survie de cette petite communauté. Mais cette petite

 13   communauté, en 1995, n'était pas si petite que cela, comme la majorité des

 14   membres de la Chambre de première instance semble vouloir l'entendre. Elle

 15   compose de plusieurs milliers de personnes.

 16   Et l'ABiH a été battue. Il n'y a plus nécessité d'organiser une

 17   protection civile. Il n'y a plus nécessité de voir fonctionner une

 18   présidence de Guerre à Zepa. Et, en tout état de cause, ces individus-là ne

 19   revêtaient plus une apparence cruciale pour ce qui est de la survie des

 20   Musulmans de Zepa. A l'époque où l'on peut imaginer que ces meurtres se

 21   sont produits, la population musulmane se trouve sur le territoire de la

 22   Bosnie-Herzégovine ou encore en Serbie.

 23   Par ailleurs, il est question ici du meurtre de trois personnes qui

 24   ont été faites prisonniers de guerre après la chute de Zepa de façon

 25   régulière. Et compte tenu du fait qu'ils étaient prisonniers, ils ne

 26   pouvaient de toute façon pas jouer un rôle quelconque dans la survie de la

 27   population civile de Zepa, qui a été, d'ailleurs, éparpillée. Donc, leur

 28   meurtre ne peut pas se considérer comme une norme de "l'intention de


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  1   détruire un certain nombre de personnes au sein d'une population," et leur

  2   meurtre ne peut donc pas avoir une influence importante sur la survie du

  3   reste de la communauté.

  4   Leur meurtre n'a pas eu -- et d'ailleurs, il n'aurait pas été

  5   raisonnable de considérer que cela aurait été possible, il n'a donc pas eu

  6   la moindre influence sur la survie du groupe dans son ensemble. Pourtant,

  7   la Chambre de première instance, dans le cadre des arguments développés au

  8   sujet --

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Excusez-moi. Mais que voulez-vous

 10   dire quand vous dites ils ont été tués de façon légale ?

 11   M. GAJIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je

 12   n'ai pas du tout dit qu'ils ont été tués de façon légale. Ils ont été faits

 13   prisonniers de façon légale.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'était peut-être un problème de

 15   traduction.

 16   M. GAJIC : [interprétation] Ils ont été faits prisonniers de façon légale.

 17   Et puisqu'ils ont été faits prisonniers, ils ne pouvaient pas avoir aucune

 18   influence sur la vie au sein de l'enclave. C'est la raison pour laquelle

 19   leur meurtre ne satisfait pas au critère formulé par la Chambre de première

 20   instance quant à l'intention de destruction d'un nombre déterminé de

 21   personnes choisies en raison de l'influence que ces personnes exerçaient et

 22   qu'elles auraient pu exercer sur un groupe en tant que tel. Leur meurtre

 23   n'a eu aucune influence sur la survie du groupe, et aucun juge du fait

 24   raisonnable n'aurait pu en arriver à cette conclusion.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie de cette précision.

 26   M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que

 27   l'interprétation est très lente, mais je ne peux vraiment pas parler moins

 28   vite en serbe. Mais enfin, je vais ralentir un peu, je vais également


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  1   laisser de côté quelques arguments. Je me contenterai de rappeler ici que

  2   dans le mémoire en appel, nous avons montré que sur la base de l'accord

  3   conclu au sujet de la démilitarisation à laquelle a présidé la Brigade de

  4   Zepa, avec Avdo Palic en tant que commandant, eh bien, cette brigade

  5   n'aurait dû être à cet endroit pour commencer. Et Imamovic, lui-même, a

  6   participé au combat lancé à partir des enclaves, comme expliqué dans un

  7   certain nombre de paragraphes du mémoire en appel.

  8   Mais j'aimerais également souligner le fait que le rapport de Viktor

  9   Bezruchenko, qui constitue la pièce D21, dans son paragraphe 12, évoque une

 10   situation -- je rappelle que Viktor Bezruchenko était enquêteur du bureau

 11   du Procureur, donc évoque une situation dans laquelle il n'y avait pas de

 12   caractère crucial pour la survie d'une petite communauté qui était en

 13   cause. Il souligne le fait que ces personnes qui se trouvaient à Zepa, qui

 14   étaient des intellectuels ou auraient pu organiser la vie à Zepa, ont

 15   essayé de quitter Zepa plutôt que d'y rester.

 16   Delic a souligné en appel, selon Bezruchenko, que l'une des causes du

 17   départ de la population était la méfiance qu'elle éprouvait à l'égard des

 18   structures dirigeantes qui étaient dans le plus grand chaos. Et nous en

 19   arrivons là à un autre point de raisonnement de la Chambre de première

 20   instance où nous voyons que celle-ci, tentant de prouver l'intention

 21   génocidaire, souligne également que Hajric et Imamovic auraient été

 22   maintenus en détention en un autre lieu que les autres prisonniers.

 23   Alors que dans un autre endroit du jugement, où nous retrouvons une

 24   instruction donnée par Tolimir quant à la façon dont il convient placer le

 25   prisonnier de guerre dans diverses catégories, eh bien, à cet endroit du

 26   jugement, un exemple est cité qui tendrait à démontrer que Tolimir était au

 27   courant de dispositions du droit international relatives au traitement des

 28   prisonniers de guerre. Nous trouvons cela au paragraphe 1 122 du jugement.


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  1   La pièce P1344, qui est une pièce à conviction de l'Accusation, atteste du

  2   fait que Tolimir a donné des instructions relatives au traitement de

  3   prisonniers de guerre en temps de guerre. En page 5 de ce document, son

  4   auteur, Carkic, déclare ce qui suit :

  5   "Conformément à l'ordre émanant du général Tolimir et à ses instructions,

  6   toutes les mesures nécessaires ont été prises en fonction des

  7   possibilités."

  8   Il souligne, entre autres, le fait que les prisonniers de guerre

  9   étaient répartis en plusieurs catégories : que dans une pièce se trouvaient

 10   les prisonniers de guerre en bonne santé, que dans une autre pièce se

 11   trouvaient les blessés et les malades, et dans une troisième pièce, les

 12   membres de l'ancienne direction. Et on lit dans ce document -- c'est une

 13   référence à Avdo Palic, qui, donc, a été placé dans un autre lieu dans des

 14   conditions d'hébergement un peu meilleures. Et parlant de Hajric, qui a

 15   obtenu l'autorisation de faire ses prières cinq fois par jour dans la pièce

 16   dans laquelle il se trouvait. Il est également fait référence à

 17   l'alimentation, aux traitements médicaux, et en particulier au fait que

 18   Tolimir a donné des instructions pour que les prisonniers soient

 19   enregistrés auprès de la Croix-Rouge internationale, le CICR.

 20   Le fait que les prisonniers aient été maintenus dans des pièces différentes

 21   ne peut pas servir à corroborer l'argument selon lequel leur meurtre aurait

 22   été précédé d'une intention génocidaire.

 23   Et enfin, s'agissant des raisons et des intentions qui ont présidé au

 24   meurtre de Hajric, Imamovic et Palic, il y a très peu d'éléments connus sur

 25   ce point. Donc, pas suffisamment d'éléments de preuve. Toutefois, ce qui a

 26   été dit par un membre de la VRS, Zoran Carkic, qui était officier au sein

 27   de la Brigade de Rogatica à l'époque, c'est que Palic, Hajric et Imamovic

 28   avaient participé au combat armé de Zepa et qu'ils avaient en particulier


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  1   participé au massacre de soldats faits prisonniers, des Serbes, en 1992.

  2   Ici, j'aimerais renvoyer la Chambre d'appel à la page 128 787 du compte

  3   rendu d'audience. En l'absence d'une preuve quelconque quant aux

  4   circonstances du décès de ces trois hommes, et également quant au moment ou

  5   aux raisons pour lesquelles ils ont été tués, on ne peut parvenir à aucune

  6   autre conclusion fiable, et en particulier pas à celle qui consisterait à

  7   dire qu'ils ont été tués avec une intention génocidaire. La thèse suivant

  8   laquelle il est possible qu'ils aient été tués parce qu'ils avaient

  9   participé à des opérations de combat, par exemple, dans les meurtres qui

 10   ont concerné les blessés et les malades du canyon de Zepa en 1992, peut

 11   être considérée comme un élément fiable ou comme une thèse fondée.

 12   Toutefois, il est plus raisonnable de conclure, et c'est ce qu'aurait dû

 13   faire la Chambre de première instance, qu'ils ont été tués en raison de

 14   leur position dirigeante et en raison de l'influence qu'ils exerçaient sur

 15   l'intégralité du groupe de Musulmans bosniaques de Zepa.

 16   Je pense que je peux maintenant passer à la question numéro 3 posée par la

 17   Chambre d'appel, qui porte sur les motifs d'appel 14 et 16. Cette question

 18   est la suivante :

 19   "La Chambre de première instance a-t-elle commis une erreur en s'appuyant,

 20   entre autres, sur la position qu'occupait Tolimir, à savoir chef du secteur

 21   du renseignement et de la sécurité, ainsi que sur le fait que

 22   professionnellement il contrôlait les autres organes chargés du

 23   renseignement et de la sécurité, lorsque la Chambre de première instance a

 24   conclu que, premièrement, Tolimir savait que ses subordonnés avaient

 25   participé à une entreprise criminelle commune destinée à tuer des personnes

 26   et que, deuxièmement, il avait l'intention de participer à cette entreprise

 27   criminelle commune aux fins de meurtre ?"

 28   La question doit donc recevoir réponse. Je vous prie de m'excuser,


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  1   mais je vois le temps qu'il me reste. J'aimerais que l'on me le confirme de

  2   façon à savoir comment organiser le reste de mon exposé, je vous prie.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien sûr, tout ceci figure dans

  4   l'ordonnance portant calendrier et est en rapport avec la situation

  5   actuelle de votre exposé qui devrait donc se terminer à 11 heures 15, après

  6   quoi nous aurons une pause de 20 minutes, et vous disposerez encore du

  7   temps qui va de 11 heures 35 à 12 heures 20. Donc, je vous prie de bien

  8   vouloir organiser votre exposé de façon à ce que, dans le temps qui vous

  9   est imparti, vous puissiez aborder des points principaux en tenant compte

 10   également du fait que mes collègues peuvent souhaiter vous poser quelques

 11   questions.

 12   Je vous remercie.

 13   M. GAJIC : [interprétation] Oui, bien sûr, Monsieur le Président. Je me

 14   demandais simplement si, en raison du propos liminaire qu'il y a eu au

 15   début, il convenait de tenir compte d'un certain nombre de retard ou pas.

 16   Donc la Chambre de première instance n'a commis aucune erreur lorsqu'elle a

 17   déclaré que Tolimir savait que certaines personnes avaient participé à

 18   l'entreprise criminelle commune et pas davantage d'erreur quant à ce

 19   qu'elle a conclu au sujet de l'intention de participer à une entreprise

 20   criminelle commune. Un élément déterminant important à ce sujet réside dans

 21   la prise en compte du poste qu'occupait Tolimir au sein de la VRS, et en

 22   particulier des rapports qu'il entretenait avec le général Mladic, qui

 23   était commandant de l'état-major principal de la VRS.

 24   Dans quelle mesure est-ce que ces conclusions influent sur les conclusions

 25   de la Chambre de première instance, ça peut être constaté à la lecture de

 26   l'opinion dissidente du Juge Nyambe au paragraphe 4. Je ne vais pas citer

 27   l'intégralité de ce paragraphe, mais la Chambre de première instance

 28   déclare également que dans un certain nombre de paragraphes au début du


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  1   jugement, par exemple, au paragraphe 115 de celui-ci, une majorité des

  2   membres de la Chambre de première instance a souligné que le fait de

  3   conclure que l'accusé était un participant des deux entreprises criminelles

  4   communes était justifié. Une majorité des membres de la Chambre de première

  5   instance, avant de conclure à cela, a pris en compte les fonctions et

  6   l'autorité exercées par l'accusé, et elle s'est trompée en concluant que

  7   l'accusé avait des canaux de communication fiables avec ses subordonnés et

  8   qu'il était donc régulièrement informé de ce qui se passait dans les

  9   enclaves de Srebrenica et de Zepa. Ou quand elle a conclu au fait que

 10   l'accusé était un des associés les plus proches de Mladic, sur lequel

 11   Mladic comptait et s'appuyait, qu'il était son second et son bras droit,

 12   ceci sur la base de la description faite par le général Smith et de la

 13   conclusion faite par ce témoin quant au fait que le deuxième était

 14   pratiquement sur un pied d'égalité, et également sur la base des propos

 15   souvent évoqués selon lesquels Tolimir aurait été les yeux et les oreilles

 16   de Mladic.

 17   La première chose sur laquelle j'aimerais appeler votre attention dans mon

 18   exposé, c'est le fait que la Chambre de première instance a fait la

 19   confusion entre plusieurs catégories distinctes directement liées aux

 20   fonctions de contrôle, de commandement et de supervision de l'armée. Comme

 21   indiqué dans le mémoire en appel, sur lequel je ne vais pas revenir dans le

 22   détail, lorsqu'on parle de leadership exercé ou de direction exercée sur un

 23   certain nombre d'organes, on implique en général un contrôle plein et

 24   entier du travail de ces organes, y compris le fait de donner un certain

 25   nombre d'ordres portant sur ce qu'il importe de faire. Popovic, Momir

 26   Nikolic et d'autres membres du secteur du renseignement sont mentionnés à

 27   tort dans le jugement comme étant des subordonnés de Tolimir répondant à

 28   cette définition.


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  1   Toutefois, cette situation, de toute façon, n'est pas tenable et

  2   n'est pas conforme à ce qu'indiquent les pièces à conviction soumises à la

  3   Chambre de première instance. Et ce que j'aimerais pour ma part souligner

  4   en cet instant devant vous, c'est que, certes, il n'y a aucun élément de

  5   preuve démontrant que dans la période pertinente, c'est-à-dire dans la

  6   période pendant laquelle les crimes dont nous parlons ont été commis dans

  7   la zone de responsabilité des Brigades de Bratunac et de Zvornik, aucun

  8   élément de preuve ne permet de conclure que Tolimir aurait reçu quelque

  9   rapport que ce soit au sujet de tuerie ou d'une quelconque intention

 10   criminelle ou d'un quelconque plan criminel.

 11   En termes concrets, les conclusions de la Chambre de première

 12   instance se réduisent à ce qui suit : si l'un de ceux que nous considérons

 13   comme étant subordonnés à Tolimir dans cette période a participé aux

 14   meurtres en question, Tolimir aurait dû en être informé. S'il en a parlé à

 15   qui que ce soit, nous sommes certains qu'un message concernant ces meurtres

 16   a dû lui parvenir. Toutefois, cette façon d'évaluer les éléments de preuve,

 17   que je vous ai simplifiée intentionnellement faute de temps, est contraire

 18   à ce qui aurait dû être fait eu égard à l'évaluation des éléments de preuve

 19   comme démontrée par la Chambre de première instance au paragraphe 98 du

 20   jugement Krstic, où nous lisons :

 21   "En dépit de l'affirmation selon laquelle la Chambre de première instance a

 22   conclu que si le général Mladic était au courant des crimes, Krstic aurait

 23   dû également être au courant de ces crimes."

 24   La Chambre de première instance n'a pas établi qu'en fonction des contacts

 25   entre Krstic et le général Mladic dans la période pertinente, c'est-à-dire

 26   celle où Radislav Krstic a effectivement été informé du contexte de

 27   l'intention du général Mladic, aucune Chambre de première instance n'aurait

 28   pu raisonnablement conclure qu'il partageait cette intention.


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  1   Mais contrairement à ce qui s'est passé dans l'affaire Krstic, et je vais

  2   m'expliquer sur ce point plus en détail un peu plus loin, une majorité des

  3   membres de la Chambre de première instance a accordé le poids le plus

  4   important au fait que le rapport entre Tolimir et Mladic était bon, que

  5   Mladic avait confiance en Tolimir et qu'en l'absence de quelque preuve que

  6   ce soit des communications entre Tolimir et les membres des organes de

  7   renseignement et de sécurité dans la période pertinente, il aurait été

  8   inconcevable que Tolimir n'ait pas été informé de l'opération visant à tuer

  9   les personnes dont nous parlons.

 10   Sur quoi s'est donc appuyée concrètement la Chambre de première instance

 11   lorsqu'elle a évalué les éléments de preuve susceptibles de démontrer que

 12   Tolimir était au courant de l'opération destinée à tuer des personnes et

 13   lorsque la Chambre a évalué les éléments de preuve susceptibles de

 14   démontrer que Tolimir avait l'intention de participer et de contribuer à

 15   cette opération ? Eh bien, à cet égard, je citerai d'abord le paragraphe 1

 16   096, dans lequel nous lisons que le 13 juillet Tolimir se trouvait dans la

 17   zone de Zepa et que dans les jours qui ont suivi il a participé activement

 18   aux actions menées dans le secteur, et en particulier aux négociations

 19   relatives à l'évacuation des Musulmans de Bosnie.

 20   L'opération de meurtre alléguée concerne la période qui s'étend entre le 12

 21   et le 13 juillet et va jusqu'au 19 juillet. Nous estimons que c'est donc la

 22   période pertinente qu'il convient de prendre en compte dans laquelle il a

 23   été établi que Tolimir était au courant de l'opération consistant à tuer

 24   des personnes.

 25   La Chambre de première instance, s'appuyant sur la pièce D64, que Tolimir a

 26   envoyée après 22 heures le 12 juillet, a conclu qu'au moment où ce document

 27   a été émis, Tolimir n'était pas au courant du plan visant à tuer les

 28   Musulmans de Srebrenica. Toutefois, la Chambre, lorsqu'elle a pris en


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  1   compte les rapports de Tolimir et de Mladic - or, il n'y a pas le moindre

  2   élément de preuve prouvant que Tolimir se trouvait effectivement à l'hôtel

  3   Fontana pendant les négociations, pas plus que le moindre élément

  4   démontrant sa présence à Srebrenica à quelque moment que ce soit - donc,

  5   lorsque Tolimir déclare que tous les hommes en âge de porter les armes ont

  6   été évacués de Potocari et qu'ils devraient être enregistrés et voir leurs

  7   noms figurer sur des listes, la Chambre de première instance déclare que

  8   ceci coïncide avec ce que Mladic a déclaré au sujet des vérifications

  9   d'identité concernant les prisonniers de guerre ou ceux qui étaient

 10   susceptibles d'avoir commis tels ou tels crimes.

 11   Ce document, la pièce D64, se lit comme suit dans le passage pertinent :

 12   "Si l'on tient compte du fait qu'il est très important d'arrêter le plus

 13   grand nombre possible de formations musulmanes, ou de les exécuter si elles

 14   opposent une résistance, il est également nécessaire d'enregistrer tous les

 15   hommes en âge de porter les armes qui sont évacués de la base de Potocari,"

 16   ce qui donc signifie la nécessité d'inscrire tous leurs noms sur des

 17   listes.

 18   Mais il n'est pas question de fouille de prisonniers de guerre.

 19   Tolimir estime et pense que les prisonniers de guerre n'auraient pas dû

 20   être séparés du tout. Mais afin de comprendre cette proposition, il est

 21   nécessaire de se pencher sur l'ensemble du document. Tolimir déclare que

 22   les Musulmans souhaitent donner l'image d'une Srebrenica démilitarisée dans

 23   laquelle ne restent plus que des civils. C'est la raison pour laquelle il a

 24   été ordonné que tous les hommes en âge de porter les armes sortent

 25   illégalement du territoire de la Republika Srpska vers le territoire sous

 26   contrôle musulman, afin d'accuser la VRS d'une attaque lancée contre la

 27   population civile dans une zone protégée sans la moindre cause valable en

 28   particulier.


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  1   La seule conclusion raisonnable qui aurait pu être tirée de la lecture de

  2   ce document, c'est que Tolimir souhaitait apporter des éléments de preuve

  3   démontrant qu'il y avait des forces militaires stationnées à Srebrenica et

  4   destinés à réfuter toutes les accusations selon lesquelles une attaque

  5   aurait été lancée alors qu'une population civile se trouvait encore dans la

  6   zone.

  7   Toutefois, sur la base de ce document, la pièce D64, la Chambre a conclu

  8   que même si -- que Tolimir n'était pas au courant de l'opération destinée à

  9   tuer des Musulmans, mais qu'il était en contact avec toutes les personnes

 10   et tous les organes pertinents sur ce point et qu'il était donc tenu

 11   informer des évolutions survenant à Srebrenica. Toutefois, il n'existe

 12   aucun élément de preuve à partir de la soirée du 12 juillet, aucun élément

 13   de preuve, donc, démontrant que Tolimir aurait été informé de l'évolution à

 14   Srebrenica. En fonction de tel ou tel ordre donné par Mladic, ou même que

 15   Tolimir se trouvait à Zepa dans cette période.

 16   Le 13 juillet, un document que nous considérons comme très contestable est

 17   émis. Il s'agit de la pièce P125, dont l'auteur est censé être le général

 18   Savcic, qui se trouvait à Zepa le 13 juillet. La Défense affirme que ce

 19   document n'est pas authentique. Elle a d'ailleurs porté plainte à ce sujet

 20   dans son mémoire en appel. Toutefois, ce qui est contestable ici s'agissant

 21   de la façon dont les éléments de preuve ont été appréciés et selon laquelle

 22   leur authenticité a été déterminée, c'est que la Chambre de première

 23   instance ne s'est pas appuyée sur le témoignage du général Savcic qui se

 24   trouvait à Zepa à l'époque, accompagné d'un nombre réduit de soldats, mais

 25   bien sur le témoignage de M. Blaszczyk, qui était un enquêteur de

 26   l'Accusation.

 27   Et, entre autres choses, le témoignage de cet enquêteur du Procureur nie

 28   l'existence d'un poste de commandement avancé du 65e Régiment de Protection


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  1   dans la région à ce moment-là. Pourtant, M. Blaszczyk n'a pas la moindre

  2   expertise dans le domaine militaire et ne connaît rien à ces questions. En

  3   analysant ce document, la Chambre de première instance a également omis de

  4   remarquer un certain nombre de choses, et en particulier elle a omis de

  5   remarquer que ce document ne contient rien qui pourrait indiquer que

  6   quelque chose a été fait sur le terrain qu'aucune armée du monde n'aurait

  7   fait.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître, vous avez déclaré que M.

  9   Tolimir n'était pas au courant du plan visant à tuer les Musulmans de

 10   Bosnie, les hommes musulmans de Bosnie de la région. Pourriez-vous nous

 11   expliquer dans ces conditions pourquoi il a proposé que ces hommes soient

 12   maintenus dans un hangar fermé pour éviter d'être vus ? Ceci ressort en

 13   particulier de la lecture de la pièce de la Défense numéro 49. Est-ce que

 14   c'était un ordre destiné à les dissimuler ou à couvrir leur meurtre ?

 15   M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans cette période qui

 16   commence le 12 juillet, nous parlons de quelque chose qui a été vu par le

 17   tout le monde, et en particulier par la FORPRONU. Il y a des témoignages

 18   qui indiquent que des équipes de télévision se sont rendues sur les lieux

 19   pour filmer ces hommes. Rien n'a été fait pour tenter de dissimuler

 20   l'existence de ces prisonniers de guerre. Je crois que ce dont il s'agit

 21   ici, c'est d'une pratique tout à fait courante destinée à placer des

 22   prisonniers à l'intérieur de certaines installations afin de mieux les

 23   protéger et de mieux empêcher que ces prisonniers de guerre soient vus par

 24   d'autres aussi.

 25   Toutefois, il y a un point qu'il convient d'ajouter. Dans la période en

 26   question, la VRS était sous la menace de bombardement de l'OTAN. Je crois

 27   que ce n'était donc pas dans l'intention de dissimuler des prisonniers que

 28   ce que vous venez de rappeler a été fait, mais plutôt dans le but de


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  1   prendre des mesures usuelles de précaution. Le but n'était pas de tuer ces

  2   hommes. Il y avait d'autres officiers, tels que Tolimir, qui ont témoigné à

  3   ce sujet. Tolimir était un officier très formé et très compétent. Alors,

  4   est-ce que nous pourrions imaginer qu'un officier, sachant que la FORPRONU

  5   circulait dans la zone et que tout le monde était au courant de l'existence

  6   de prisonniers, est-ce que nous pouvons imaginer que quelqu'un donnerait

  7   l'ordre de les tuer ? Aucun élément de preuve n'existe qui est susceptible

  8   de prouver que Tolimir était au courant de l'existence d'un quelconque plan

  9   portant sur l'assassinat ou le meurtre des autres généraux. Personne ne

 10   peut affirmer que ce document représente quelque chose d'illégal.

 11   Excusez-moi. Je jette un coup d'œil au compte rendu d'audience. Peut-être

 12   n'ai-je pas bien entendu ce que vous m'avez dit au sujet de la pièce D49,

 13   qui est un document dans lequel Tolimir informe de l'existence d'un lieu où

 14   800 prisonniers de guerre ont été installés dans le secteur de la Brigade

 15   de Rogatica. A notre avis, par conséquent, cette pièce D49 démontre que

 16   Tolimir n'avait aucune connaissance au sujet de l'opération de meurtre et

 17   n'avait pas davantage l'intention de tuer ces Musulmans. Dans ce document,

 18   la pièce D49, Tolimir déclare : "Si vous n'êtes pas capables de fournir un

 19   hébergement approprié pour tous les prisonniers de guerre…," et

 20   l'utilisation de ces termes précis révèle que Tolimir n'était pas chargé de

 21   fournir cet hébergement. Il parle simplement d'hébergement. Et puis, un peu

 22   plus loin, il dit "des conditions de logement appropriées," et nous

 23   comprenons que de telles conditions ne pouvaient être que des conditions

 24   satisfaisant à toutes les exigences citées dans les conventions de Genève,

 25   et en particulier dans la convention numéro trois.

 26   Ce document nie également que Tolimir était au courant d'une opération

 27   visant au meurtre à l'époque et qu'il aurait eu l'intention de contribuer à

 28   cette opération et, en particulier, affirme qu'il était impossible


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  1   d'interpréter ce document comme représentant une quelconque contribution à

  2   l'entreprise criminelle commune visant au meurtre des Musulmans de Bosnie.

  3   Tolimir se trouvait à Zepa à l'époque. Nous avons des éléments de preuve

  4   fournis par Zoran Carkic qui décrivent les conditions dans lesquelles ce

  5   document a été rédigé et à qui il a été envoyé. Mais nous n'avons aucun

  6   élément de preuve quant à ce qui a été fait par la suite de ce document.

  7   Probablement rien. Il n'y a eu aucun préparatif parce que, manifestement,

  8   ces informations au sujet de l'existence de cette installation

  9   d'hébergement ont simplement été prises en note mais n'ont pas été

 10   davantage prises en considération.

 11   Autre élément que j'aimerais vous souligner eu égard au raisonnement de la

 12   Chambre de première instance, il s'agit d'un document que Tolimir a reçu de

 13   l'état-major principal et qu'il a ensuite fait suivre au Corps de la Drina.

 14   Dans ce document, il est indiqué qu'un aéronef survole la zone et que

 15   certaines mesures doivent être prises à cet égard. La Chambre de première

 16   instance a conclu qu'en raison des fonctions qui étaient les siennes, à

 17   savoir empêcher la moindre fuite liée à des éléments de renseignement, de

 18   façon à dissimuler les meurtres qui étaient déjà en train de se produire

 19   dans le secteur de Zvornik. Eh bien, nous considérons que ce genre de

 20   raisonnement de la part de la Chambre est totalement erroné. Absolument

 21   rien n'indique que ceci aurait été fait dans le but de dissimuler les

 22   meurtres, qu'il y ait eu le moindre préparatif pour une attaque de Zepa ou

 23   que la Brigade de Zvornik aurait été engagée dans des opérations militaires

 24   à ce moment-là.

 25   Pas un juge raisonnable des faits n'aurait pu conclure que ce document a

 26   été émis pour contribuer à l'entreprise criminelle commune visant au

 27   meurtre.

 28   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que l'heure


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  1   est venue de faire une pause de 20 minutes.

  2   --- L'audience est suspendue à 11 heures 16.

  3   --- L'audience est reprise à 11 heures 37.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Avant que de commencer ou de continuer,

  5   je voudrais féliciter les interprètes pour ce qui est de la performance

  6   héroïque de leur part et nous vous prions de ne pas continuer trop vite

  7   bien que vous ayez à intervenir dans des limites de temps strictes.

  8   Vous allez maintenant reprendre pour ce qui est de la présentation des

  9   arguments Tolimir pendant 45 minutes. Mais d'habitude, plus c'est court,

 10   plus c'est efficace comme présentation.

 11   M. GAJIC : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous,

 12   Monsieur le Président.

 13   Je me propose maintenant, s'agissant des questions qui ont été abordées

 14   tout à l'heure, d'indiquer certaines erreurs commises par les Juges de la

 15   Chambre de première instance pour ce qui est des modalités d'appréciation

 16   des éléments de preuve. Prenons, par exemple, une communication que Tolimir

 17   aurait eue avec Popovic à la date du 22 juillet 1995.

 18   Si je ne m'abuse, c'est la seule communication que Tolimir a eue à l'époque

 19   avec Popovic. Popovic s'est renseigné au sujet d'un parent à lui, Tolimir

 20   dit qu'il ne peut rien faire à ce sujet, puis il demande ce qui se passe et

 21   ce qu'il fait, et Tolimir lui dit : "Il fait son travail." Alors, "il fait

 22   son travail" indique à l'Accusation et aux Juges de la Chambre de première

 23   instance qu'il y a lieu de conclure que cela a à voir avec des exécutions à

 24   Bisina.

 25   Ces exécutions de Bisina, et à la date du 16 juillet à Branjevo, d'après

 26   les constatations faites par les Juges de la Chambre de première instance,

 27   ça a été l'œuvre du 10e Détachement de Sabotage. Mais ce 10e Détachement de

 28   Sabotage n'était pas commandé par Tolimir. Il n'était pas commandé ni par


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  1   Salapura même. C'était directement subordonné au commandant de l'état-major

  2   principal. Et conformément au témoignage de Salapura, ce détachement

  3   pouvait être utilisé sans que Tolimir ou Salapura en aient été informés du

  4   tout. C'était une unité autonome de la VRS.

  5   Tolimir et Salapura avaient certaines ingérences ou attributions du point

  6   de vue de la formation et ils pouvaient proposer certaines personnes pour

  7   en faire partie, mais le fait que Tolimir se soit entretenu avec Popovic le

  8   22 et la supposition disant qu'il s'était entretenu le 16 avec Salapura par

  9   voie de télégramme ou autre modalité, ça, on ne le sait pas encore, on ne

 10   peut pas tout de même conclure que Tolimir avait été informé de l'opération

 11   des exécutions.

 12   Ça, c'est un pas de trop qui a été fait et cela indique, comme je l'ai

 13   indiqué précédemment, quelle a été la façon dont les Juges de la Chambre de

 14   première instance ont évalué les éléments de preuve qui découlent de

 15   l'affaire Krstic.

 16   Je voudrais maintenant parler du fait de savoir si Tolimir avait été au

 17   courant des exécutions et s'il avait eu l'intention de s'y impliquer et

 18   est-ce qu'il a contribué à ces exécutions. Conformément, donc, à ce que les

 19   Juges de la Chambre de première instance ont constaté, il aurait été

 20   déterminé que Tolimir a omis d'accomplir sa mission de protection des

 21   prisonniers de guerre et des gens à Srebrenica.

 22   Alors, à partir de quoi la Chambre de première instance commence à

 23   raisonner ? On commence à raisonner en parlant du rôle qui aurait été le

 24   sien pour ce qui est des échanges de prisonniers de guerre. Paragraphe 1

 25   122 du jugement. Et il y aurait eu obligation de sa part de protéger les

 26   prisonniers de guerre. Mais les échanges de prisonniers de guerre, c'est de

 27   la paperasserie. Ça ne sous-entend pas la sécurisation d'un "traitement

 28   approprié à l'intention des prisonniers de guerre." Alors, il est


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  1   indubitable le fait de dire que les prisonniers de guerre doivent être

  2   traités de façon appropriée. Cette obligation n'est pas contestée du tout.

  3   Mais les compétences et les obligations de se conformer au traitement

  4   approprié pour ce qui est des prisonniers de guerre, c'est l'unité qui les

  5   a fait prisonniers ou l'unité à qui on a confié les prisonniers de guerre

  6   qui doit s'en charger.

  7   Or, Tolimir, lui, à ce moment-là, se trouve à Zepa. Ni Mladic ni

  8   quelqu'un d'autre ne lui a confié des compétences ni des obligations pour

  9   ce qui était de veiller aux prisonniers de guerre de Srebrenica. Les

 10   éléments de preuve, si on se penche dessus de façon correcte et si on les

 11   jauge de façon appropriée, conformément aux normes au-delà de tout doute

 12   raisonnable, montrent que Tolimir ne savait absolument rien au sujet des

 13   prisonniers de guerre à ce moment-là.

 14   Les Juges de la Chambre de première instance concluent du fait que

 15   Tolimir, lorsqu'il a eu vent de la chose, parce que nous estimons que

 16   Tolimir ne savait absolument rien des prisonniers de guerre, aurait pu

 17   prendre des mesures appropriées. Il aurait pu donner des instructions

 18   adéquates aux unités subordonnées. Mais il y a eu une instruction de

 19   donnée; le D49, comme pièce, le montre. Tolimir transmet un ordre de

 20   Karadzic au sujet des attaques lancées contre Srebrenica, où il est dit que

 21   :

 22   "A l'égard de la population civile et des prisonniers de guerre, il

 23   convient de se conformer aux conventions de Genève du 12 juillet 1949."

 24   Est-ce que Tolimir, maintenant, pouvait se fier au respect des obligations

 25   de la part des officiers et au respect des ordres donnés par le commandant

 26   suprême ? Nous pensons que oui. Pour ce qui est de cette question-là,

 27   question de savoir s'il y a eu information à l'intention de quelqu'un qui

 28   est notoirement connu pour son insistance sur la nécessité de protéger les


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  1   prisonniers de guerre, et alors, maintenant, donnait des instructions

  2   particulières pour ce qui est de la façon de se comporter à l'égard des

  3   prisonniers de guerre et rappeler les règles du droit international pour

  4   véhiculer les informations disant qu'il convenait de protéger les

  5   prisonniers de guerre, pièce à conviction D49, et quelqu'un qui, le 12

  6   juillet, dit que tous ceux qui sont aptes à combattre dans Potocari doivent

  7   être recensés sur des listes ? Est-ce que cette personnalité-là est

  8   informée du fait que des crimes sont en train d'être commis ?

  9   Les Juges de la Chambre de première instance sont, semble-t-il, partis d'un

 10   point, à savoir que lorsqu'une armée donne un ordre contraire au droit,

 11   cela est exécuté militairement parlant suivant la filière hiérarchique et

 12   les réglementations en place dans l'armée. L'armée de la Republika Srpska

 13   n'était pas une armée qui se fondait sur l'obéissance mais sur le devoir.

 14   Or, le devoir d'un officier était de refuser d'exécuter un ordre qui était

 15   contraire à la loi.

 16   Etant donné qu'il y a des crimes de commis ou des délits au pénal de

 17   commis, est-ce qu'on aurait voulu protéger les prisonniers de guerre et

 18   est-ce qu'on aurait informé qui que ce soit des préparatifs qui sont en

 19   cours pour ce qui est de faire quelque chose de mal pour porter du tort à

 20   ces prisonniers de guerre ?

 21   Ce faisant, nous maintenons tous les motifs d'appels que nous avons déjà

 22   cités dans notre mémoire. Je crois que dans mes réponses dans mon exposé

 23   que j'ai présenté, j'ai répondu à la question numéro 4 pour ce qui est du

 24   motif numéro 16, qui consiste à dire que Tolimir aurait eu l'intention de

 25   participer à cette entreprise criminelle commune de meurtre. Nous pensons

 26   qu'il n'y a pas de preuve pour ce qui est de ces exécutions et d'affirmer

 27   que Tolimir en aurait eu vent à l'époque. Donc il n'en avait pas eu vent,

 28   il ne pouvait donc pas y participer et il ne pouvait, par conséquent, pas


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  1   contribuer à l'entreprise criminelle commune d'exécution des prisonniers de

  2   guerre de Srebrenica.

  3   Pour ce qui est de la question numéro 5 posée par la Chambre d'appel, au

  4   sujet du motif d'appel 16, est-ce que l'on pouvait considérer Tolimir

  5   responsable du fait de son rôle dans les meurtres de Srebrenica partant

  6   d'une autre forme de responsabilité, si ce n'est participation à une

  7   entreprise criminelle commune ?

  8   Il est vrai qu'on dit que Tolimir a des responsabilités en application de

  9   l'article 7(1) du Statut. Nous estimons que la Chambre d'appel a l'autorité

 10   nécessaire pour ce qui est de savoir s'il y a lieu de condamner quelqu'un

 11   pour ce qui est d'une autre forme de responsabilité conformément à ce qui

 12   est reproché à l'accusé à l'acte d'accusation. Je voudrais indiquer ici

 13   qu'il y a un fait, la présentation des éléments de preuve au niveau de

 14   l'appel et au niveau de la première instance. L'acte d'accusation est conçu

 15   suivant un modèle qui sous-entend le cadre juridique de l'entreprise

 16   criminelle commune. Et la question est difficile à débattre parce que la

 17   Défense défend une thèse qui est celle d'affirmer que Tolimir n'avait

 18   absolument pas connaissance à l'époque pertinente qu'il y avait eu

 19   l'organisation de ces exécutions et il n'y a pas contribué et il n'avait

 20   pas du tout l'intention d'y prendre part non plus. Par conséquent, nous

 21   estimons qu'il n'y a aucune raison valable de considérer que Tolimir est

 22   responsable de quelque autre cas de figure que ce soit comme forme de

 23   responsabilité de sa part.

 24   Bien entendu, les Juges de la Chambre d'appel avaient estimé

 25   nécessaire de présenter des argumentations de formes de responsabilité

 26   alternatives par écrit dans un délai qui sera défini par la Chambre

 27   d'appel, et il serait peut-être approprié de le faire à la fin de ce débat

 28   en à appel.


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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Gajic, c'est peut-être une

  2   question d'interprétation, mais j'aimerais que les choses soient vraiment

  3   précises. Nous voyons au compte rendu :

  4   "J'aimerais insister sur le fait que l'acte d'accusation a été conçu en

  5   fonction d'un mode de responsabilité qui se fondait sur l'entreprise

  6   criminelle commune et qu'il est difficile de réexaminer les choses à

  7   présent."

  8   Alors, comme vous l'avez fait savoir à juste titre, l'acte d'accusation

  9   reproche des modes de responsabilité au titre de l'article 7(1) du Statut,

 10   notamment aider et encourager, donc il n'y a pas qu'une seule accusation

 11   qui est reprochée. Et donc, il n'y a pas que l'entreprise criminelle

 12   commune.

 13   M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas eu le temps

 14   de relire le compte rendu entier, mais c'est ce que j'ai souligné. J'ai

 15   souligné que Tolimir avait été mis en accusation partant de toutes les

 16   formes de responsabilité sous-entendues par l'article 7(1) du Statut, mais

 17   l'acte d'accusation a été conçu et modelé et rédigé de façon à ne traiter

 18   que de ces questions-là à titre exclusif.

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Gajic.

 20   M. GAJIC : [interprétation] Il serait peut-être plus approprié pour la

 21   Défense de faire en sorte de répondre dans la réplique, et ce, de façon

 22   plus détaillée, si elle vient à estimer que les arguments présentés par

 23   l'Accusation méritent d'initier un débat au sujet des autres formes

 24   alternatives de responsabilité du type aider et encourager.

 25   Alors, pour répondre à la question numéro 6 de la Chambre d'appel,

 26   pour ce qui est du motif d'appel 21, est-ce que Tolimir peut être reconnu

 27   coupable de génocide pour sa participation à l'entreprise criminelle

 28   commune relative au déplacement forcé si la Chambre d'appel vient à


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  1   accueillir le moyen d'appel numéro 16 ?

  2   Alors, si la Chambre d'appel accepte ce motif d'appel numéro 16 - et

  3   vient à conclure du fait que la majorité des Juges de la Chambre de

  4   première instance a fait une erreur pour ce qui est de sa participation aux

  5   exécutions, d'y avoir contribué de façon considérable - ce motif doit

  6   tomber à l'eau lui aussi. La Défense, et je tiens à leur rappeler, pour ce

  7   qui est du motif d'appel numéro 15, a présenté des arguments pour étayer

  8   ses affirmations disant que Tolimir n'a pas participé à l'entreprise

  9   criminelle commune de déplacement forcé et il n'a pas contribué de façon

 10   substantielle à ces déplacements forcés de la population de Srebrenica et

 11   Zepa. Et, pour finir, la Défense défend la thèse qui est celle de dire que

 12   Tolimir devrait être acquitté au niveau de tous les chefs d'accusation.

 13   Mais si les Juges de la Chambre d'appel en viennent à conclure des

 14   choses différemment, il y a cette entreprise criminelle commune de

 15   déplacement forcé qui ne peut pas être un fondement suffisant pour ce qui

 16   est d'une condamnation pour génocide étant donné que les meurtres des

 17   Musulmans bosniens de Srebrenica constituaient quelque chose de pertinent

 18   pour ce qui est de la détermination ou de l'intention génocidaire et pour

 19   ce qui est d'un déplacement forcé en tant qu'acte génocidaire en soit.

 20   Alors, je voudrais rappeler les conclusions qui ont été celles de la

 21   Chambre d'appel dans l'affaire Blagojevic et Jokic et le Procureur contre

 22   Krstic, où les Chambres de première instance ont formulé des argumentations

 23   presque identiques à celle de la Chambre dans l'affaire Tolimir.

 24   En effet, dans l'affaire Blagojevic et Jokic, paragraphe 123, la

 25   Chambre d'appel a tiré la conclusion suivante : le raisonnement de la

 26   Chambre de première instance n'a pas convaincu la Chambre d'appel du fait

 27   que cette opération de déplacement forcé en soi ou de concert avec les

 28   meurtres et mauvais traitements à Bratunac suffirait pour démontrer


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  1   l'intention des accusés d'anéantir un groupe protégé.

  2   Dans l'arrêt en appel de Krstic, il est constaté que les déplacements

  3   forcés en soi ne constituent pas un acte génocidaire et que cela, en tant

  4   que fait pertinent, ne fait que partie d'une évaluation factuelle générale.

  5   Les conclusions de la Chambre de première instance des actes

  6   génocidaires ne se fondent que sur les conséquences de l'opération

  7   d'exécution des Musulmans de Bosnie à Potocari ou ceux qui ont été séparés

  8   de la colonne qui essayait d'opérer une percée vers Tuzla, chose que l'on

  9   peut voir dans les paragraphes 753 à 757 du jugement rendu.

 10   Par conséquent, dans le cas où la Chambre d'appel accepterait le

 11   seizième motif d'appel, il n'y aura aucun justificatif pour ce qui est de

 12   condamner Tolimir pour génocide, et Tolimir devrait être acquitté pour ce

 13   qui est des chefs d'accusation 1 et 2 de l'acte d'accusation.

 14   Pour finir, je dirais que nous en arrivons à un document très

 15   problématique. Il s'agit de la pièce à conviction P488. Et à ce sujet, la

 16   Défense a identifié un grand nombre d'erreurs, pour ce qui est d'abord

 17   d'erreurs de traduction de ce document, étant donné que ce document

 18   comporte dans sa traduction ce que l'original ne comporte pas.

 19   Alors, je vous demande de me donner un petit instant.

 20   D'abord, la majorité des membres de la Chambre de première instance

 21   ont conclu du fait que cette pièce 488 est pertinente pour ce qui est de

 22   l'état d'esprit de l'accusé pendant les opérations de Zepa, et il

 23   semblerait qu'il aurait été complètement conscient de la situation

 24   difficile dans laquelle se trouvait une population vulnérable. Je parle du

 25   paragraphe 1 171, et cela constituerait une preuve de l'intention qui

 26   consisterait à éliminer une population de Zepa dans le cadre de sa

 27   contribution à l'entreprise criminelle commune de l'éloignement forcé.

 28   Compte tenu du contexte dans lequel se trouvait l'accusé lorsque ce


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  1   rapport a été envoyé, il a été attribué une signification erronée dans le

  2   paragraphe 1 091 qui aurait démontré la volonté de Tolimir de détruire la

  3   population de Zepa. Il n'y a pas eu lieu de tirer ce type de conclusion, à

  4   notre avis.

  5   Ici, je me dois d'abord de prononcer une argumentation alternative.

  6   Alors, si l'on comprend le document de façon correcte, une deuxième

  7   alternative ce serait de voir la Chambre d'appel ne pas prendre en

  8   considération les motifs de la Défense pour ce qui est de la teneur

  9   véritable de ce document.

 10   Je vais partir de cette deuxième situation. Si la Chambre d'appel ne

 11   tient pas compte de ce qui a été dit au sujet de ce document dans l'appel,

 12   dans la jurisprudence de ce Tribunal il y a une position unifiée qui dit

 13   que pour ce qui est de prouver un état d'esprit de façon indirecte, la

 14   seule façon de tirer une conclusion raisonnable c'est de se fonder sur les

 15   éléments de preuve présentés.

 16   S'agissant du P488, la Chambre de première instance a commis toute

 17   une série d'erreurs qui sont toutes citées aux motifs de l'appel numéro 15.

 18   Mais en sus de ces erreurs, pour répondre à la question de savoir s'il y

 19   avait eu une intention génocidaire, le document en tant que tel et le

 20   contexte pertinent nous montrent que cela a été présenté pour accomplir un

 21   objectif militaire, c'est-à-dire accélérer la reddition de la Brigade de

 22   Zepa. L'objectif n'a pas été de détruire la population musulmane bosnienne

 23   de Zepa ou une partie de cette population en tant que telle.

 24   La majorité de la Chambre de première instance a tiré la conclusion

 25   qui consiste à dire que cette proposition est une mesure extrême et que

 26   ceci devrait être pris en considération dans un contexte de l'objectif qui

 27   a été celui d'accélérer la reddition des Musulmans. Ce document, si on le

 28   comprend tel qu'interprété par les Juges de la Chambre de première


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  1   instance, reste sous le seuil de l'intention génocidaire étant donné que

  2   l'intention génocidaire sous-entend la destruction d'un groupe en tant que

  3   tel, c'est-à-dire en tant qu'entité à part.

  4   Ce document ne montre pas qu'il y a une opinion de formulée pour

  5   détruire une population et ne montre pas que la population avait été

  6   l'objectif premier des activités déployées. Il ne démontre pas qu'il y a eu

  7   décision et détermination de la part de Tolimir de détruire la population

  8   de Zepa en tant que telle.

  9   La Chambre de première instance s'est basée sur la traduction de ce

 10   document. Or, dans ce document, le mot le plus contesté est le mot de

 11   "zbeg", qui signifie "population en fuite". La Chambre de première instance

 12   s'est penchée sur les arguments présentés par l'accusé pendant le procès et

 13   dans son mémoire en clôture, mais la Chambre n'a pas renoncé à ce qui

 14   figure dans la traduction. "Zbeg", ça ne veut pas dire "réfugiés". Ce n'est

 15   pas ce qui est sous-entendu.

 16   C'est le mot "fleeing" en anglais, qui n'existe pas dans le texte

 17   original. Tolimir n'a pas proposé la destruction ou l'anéantissement des

 18   réfugiés qui fuyaient quelque chose. Il proposait l'anéantissement des

 19   sites vides où on avait déterminé que c'était potentiellement des endroits

 20   où pourrait venir une population musulmane. Je fais référence ici au

 21   paragraphe 79 de l'opinion dissidente de la Juge Nyambe.

 22   Compte tenu de la totalité des événements à Zepa, il est évident

 23   qu'il y a absence de toute intention de destruction d'une population

 24   civile. En sus, la Chambre de première instance n'a pas pris en

 25   considération les circonstances qui disent que ce type de proposition

 26   n'était pas réalisable. Le Témoin Savcic, qui était à Zepa au moment

 27   opportun, montre que c'était hors de portée des armes de la VRS. Et il a

 28   décrit dans le moindre détail le terrain et les circonstances telles


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  1   qu'elles se présentaient dans ce secteur. Je vous indique ici qu'il s'agit

  2   du témoignage Savcic aux pages du compte rendu d'audience 15 196 à 15 197.

  3   Cette interprétation-là telle que fournie, celle que je viens de vous

  4   présenter, à savoir que Tolimir n'avait pas proposé l'anéantissement d'une

  5   population musulmane, ressort de façon évidente du contexte même. Dans ce

  6   document, il est dit que les Musulmans sont en train de tirer sur la base

  7   de la FORPRONU pour faire réagir l'OTAN. Ils procèdent à des déplacements

  8   de la population. Et il parle du fait que l'on pouvait s'attendre à une

  9   réunion du Groupe de contact le 21.

 10   Dans une telle situation, il aurait été complètement déraisonnable de

 11   proposer l'anéantissement d'une population civile. La mesure rationnelle et

 12   raisonnable du point de vue militaire, c'est de faire en sorte que soient

 13   détruits certains emplacements afin que l'on empêche cette population

 14   civile de s'installer là afin de faire en sorte que l'ABiH se rende le plus

 15   vite possible.

 16   Du point de vue de la Défense, donc --

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] M. le Juge Antonetti a une

 18   question. Je vais vous interrompre.

 19   Allez-y, Monsieur le Juge.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Gajic, sur cette question de la traduction.

 21   J'ai travaillé, hier, sur le document P488. C'est pas le seul document où

 22   il y a des problèmes de traduction qui peuvent donner lieu à des

 23   interprétations à charge. Le document P488 est constitué de quatre

 24   paragraphes, et dans le premier paragraphe - car il faut lire les

 25   paragraphes les uns par rapport aux autres - dans le premier paragraphe, il

 26   est indiqué qu'il vaut mieux négocier directement après avoir infligé des

 27   pertes humaines aux forces ennemies. Donc ce document fait référence aux

 28   forces ennemies. A juste titre, vous avez soulevé le problème de traduction


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  1   du mot "zbegova", où, dans le document P488, version anglaise, il est

  2   indiqué "réfugiés"; alors que dans la version française, car j'ai demandé

  3   la traduction B/C/S-français, c'est "en fuite". Simplement, dans la version

  4   qu'on me donne, on me dit groupe d'habitants musulmans en fuite. Or,

  5   habitants, on peut penser aux civils. Or, il se trouve que dans le texte

  6   anglais, il n'y a pas habitants. Il y a "Muslims", avec un M majuscule.

  7   La réponse nous vient -- pourrait-elle venir du fait que c'étaient

  8   des Musulmans qui venaient de trois localités : Stublik [phon], Radava et

  9   Brloska Planina ? Selon la connaissance que vous avez du dossier, ces

 10   fuyards, étaient-ce des civils ou des forces militaires ?

 11   M. GAJIC : [interprétation] Il s'agit ici d'avenants qui indiquent qu'il y

 12   a des erreurs de traduction. La chose est évidente. Les traductions

 13   n'arrivent pas à être rendues conformes. Je vais essayer, donc, de

 14   paraphraser ce document. Et je vais essayer d'inverser un petit peu les

 15   choses. Il n'est pas question ici de ceux qui sont en train de fuir

 16   Stublici, Radava et Brloska Planina. Il est question ici de destruction de

 17   "lieux de fuite" sur ces axes-là. Si dans la version en serbe nous laissons

 18   pour l'instant les mots "'zbegovi' de la population musulmane," on dit

 19   aussi ceci :

 20   "Nous sommes d'avis que les destructions sur les axes de Stublici…," et

 21   cetera, "feraient en sorte que les Musulmans soient contraints plus vite à

 22   la reddition."

 23   Le mot "fleeing", "fuite", dans le document original n'existe pas du

 24   tout. Il est de trop dans la version anglaise.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 26   M. GAJIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 27   Juges, la Défense est tout à fait ouverte pour ce qui est de la possibilité

 28   d'entendre des questions complémentaires de la part des Juges de la Chambre


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  1   d'appel étant donné que nous avons quelques minutes encore avant la fin du

  2   temps qui m'est imparti. Et je ne voudrais pas entamer à présent un sujet

  3   autre.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je demande à mes collègues s'ils ont

  5   des questions avant cela. Apparemment, non. Nous avons encore une dizaine

  6   de minutes.

  7   Monsieur Kremer, pour rendre votre pause déjeuner un petit plus

  8   intéressante aujourd'hui, je vous suggère de réfléchir sur la question

  9   suivante pour votre argumentation de cet après-midi. Alors, je voudrais

 10   faire référence, et cela ne vous surprendra pas, je voudrais faire

 11   référence à l'affaire Popovic.

 12   Dans l'affaire Popovic -- je ne parle pas de l'appel, mais de la première

 13   instance. La Chambre de première instance a rejeté les accusations selon

 14   lesquelles le transfert forcé des femmes et des enfants de Srebrenica et

 15   celui des Musulmans de Bosnie de Zepa entrait dans le champ d'application

 16   de l'article 42(2)(C) du Statut. Je cite ici le jugement Popovic,

 17   paragraphes 849 et 854.

 18   La Chambre Popovic a rejeté plus particulièrement la notion selon laquelle

 19   la destruction de la seule structure de la communauté et l'incapacité de

 20   cette dernière qui a été déplacée de force, l'impossibilité à reconstruire

 21   sa vie - je saute quelques mots - représentent le genres de conditions qui

 22   semblent être interdites au titre de l'article 4(2)(C) du Statut. Je cite

 23   là le paragraphe 854 du jugement.

 24   Cette conclusion dans l'affaire Popovic n'a pas été contestée en appel par

 25   le bureau du Procureur. Ma question est la suivante : d'après vous,

 26   l'interprétation de l'article 4 du Statut dans l'affaire Popovic était-elle

 27   correcte ? Si la Chambre d'appel estime que le raisonnement est concluant,

 28   même s'il n'est pas contraignant d'un point de vue technique en l'espèce,

 


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  1   donc dans l'affaire Tolimir, et, bien sûr, l'article 4(2)(C), comme vous le

  2   savez, porte sur le génocide, et l'article (2)(C) stipule :

  3   "Qui entre directement en conflit avec le mode de vie de la population et

  4   qui vise à le détruire en tout ou en partie."

  5   Alors, lors de votre argumentation de cet après-midi, j'aimerais que vous

  6   vous penchiez sur la pertinence ou non et l'influence de cette conclusion

  7   dans l'affaire Popovic.

  8   Je crois qu'il ne serait pas logique de vous demander de commencer vu qu'il

  9   nous reste cinq minutes. Nous allons prendre la pause dès à présent. Alors,

 10   voyons voir le programme. Nous avions 90 minutes de pause prévue pour la

 11   pause déjeuner. Donc nous reprendrons dans 90 minutes à partir de

 12   maintenant, c'est-à-dire 12 heures 15.

 13   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 13.

 14   --- L'audience est reprise à 13 heures 45.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] La Chambre d'appel va maintenant

 16   entendre la réponse de l'Accusation pendant deux heures. J'invite donc le

 17   représentant de l'Accusation à présenter les arguments de l'Accusation.

 18   Monsieur Kremer.

 19   M. KREMER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Messieurs les Juges, je souhaiterais d'abord répondre à la question qui a

 21   été posée par le Président de la Chambre d'appel, le Juge Meron,

 22   immédiatement avant la pause qui concernait la conclusion prononcée dans le

 23   cadre du jugement de la Chambre de première instance dans l'affaire Popovic

 24   au paragraphe 854, selon laquelle l'opération de transfert forcé n'a pas

 25   été définie comme une condition délibérément imposée pour entraîner la

 26   destruction physique du groupe.

 27   En préliminaire à ma réponse, permettez-moi de faire remarquer que le

 28   fait que l'Accusation n'ait pas fait appel sur ce point ne devrait pas être


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  1   considéré comme l'acceptation de cette conclusion. L'Accusation n'a pas

  2   fait appel de cette conclusion dans l'affaire Popovic parce que cela

  3   n'aurait eu aucune incidence sur l'affaire puisque la Chambre de première

  4   instance de Popovic avait conclu que d'autres actes sous-jacents au

  5   génocide, aux exécutions et au fait d'infliger des atteintes graves à la

  6   santé physique ou mentale avaient été commis et qu'il a été décidé que

  7   l'accusé avait agi avec une intention génocidaire.

  8   Mais pour en arriver au cœur de votre question, la différence entre

  9   les conclusions de l'affaire Popovic et de l'affaire Tolimir par les

 10   Chambres de première instance respectives est expliquée par le fait que les

 11   deux affaires ont présenté des accusations différentes. Dans l'affaire

 12   Popovic, l'Accusation, au paragraphe 33 de l'acte d'accusation, a soutenu

 13   les charges de transfert forcé comme une condition pertinente de la vie

 14   uniquement. Dans la présente affaire, toutefois, l'Accusation a soutenu des

 15   charges signifiant qu'il s'agissait d'un effet combiné d'une opération de

 16   transfert forcé et d'une opération d'exécution qui a constitué la condition

 17   pertinente au titre de l'article 4(2)(C). Ceci figure dans notre acte

 18   d'accusation amendé au paragraphe 24. En conséquence, dans le jugement de

 19   première instance de l'affaire Popovic, la Chambre de première instance

 20   s'est uniquement concentrée sur l'opération de transfert forcé - et vous

 21   voyez cela au paragraphe 854 de son jugement - où la Chambre de première

 22   instance souligne que :

 23   "La Chambre de première instance fait remarquer que l'allégation de

 24   l'Accusation ne recouvre pas l'effet des exécutions sur la structure

 25   sociale des Musulmans de Bosnie."

 26   En l'espèce, la Chambre de première instance s'est penchée sur

 27   "l'effet combiné de ces opérations" et la façon dont ces effets ont eu "un

 28   effet dévastateur sur la survie physique de la population musulmane de


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  1   Bosnie de l'est de la Bosnie." Ceci figure au jugement, au paragraphe 766.

  2   Cette conclusion était entièrement raisonnable pour les raisons avancées

  3   par la Chambre de première instance dans son jugement.

  4   Je vous remercie de votre attention et espère que mes propos ont bien

  5   répondu à votre question.

  6   J'aimerais maintenant commencer par définir une feuille de route pour

  7   notre exposé, et notre exposé répondra fondamentalement à sept questions.

  8   Je ne suis pas très optimiste quand au temps dont nous disposerons pour

  9   entrer dans les détails sur ces questions car Me Gajic, lui aussi, ne s'est

 10   penché que sur ces sept questions.

 11   De point de vue du déroulement de ma présentation, je répondrai aux

 12   questions 1 à 4 et 6 à 7, et c'est M. Wood qui répondra à la question 5.

 13   Les questions posées dans votre addendum du 31 octobre concernent

 14   fondamentalement trois questions : premièrement, la responsabilité de

 15   Tolimir vis-à-vis des crimes faisant partie de l'entreprise criminelle

 16   commune liée au meurtre; deuxièmement, l'intention génocidaire de Tolimir;

 17   et troisièmement, les crimes commis à Zepa. Je commencerai par traiter de

 18   la participation de Tolimir à l'entreprise criminelle commune visant au

 19   meurtre et expliquerai pourquoi il était entièrement raisonnable de la part

 20   de la Chambre de première instance de conclure au fait que Tolimir avait

 21   l'intention de participer et avait contribué d'une façon significative à

 22   cette ECC en vue de meurtre.

 23   Dans le cadre de cette partie de mon exposé, j'expliquerai également

 24   pour quelle raison il était approprié et nécessaire pour la Chambre de

 25   première instance de considérer les actes de Tolimir, son comportement et

 26   la connaissance qu'il avait en les comparant à sa position et à son rôle de

 27   chef du secteur du renseignement et de la sécurité de l'armée de la

 28   Republika Srpska, la VRS. Ceci répondra aux questions 3 et 4, je l'espère,


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  1   de manière complète.

  2   Ensuite, j'aborderai la question de savoir pourquoi la conclusion de

  3   la Chambre de première instance selon laquelle Tolimir avait une intention

  4   génocidaire était raisonnable. Ce faisant, j'expliquerai que la Chambre

  5   s'est probablement penchée sur la pièce à conviction P488, qui est l'une

  6   des pièces à conviction permettant d'évaluer les intentions de Tolimir. Ce

  7   faisant, je répondrai aux questions 6 et 7.

  8   Et, enfin, je me pencherai sur les questions 1 et 2 concernant la

  9   façon dont les exécutions et les atteintes graves à l'intégrité physique ou

 10   mentale ont été commises dans les opérations de Zepa et le fait qu'elles

 11   ont bien été catégorisées comme des actes sous-jacents à un génocide. Je

 12   répondrai également à la question de savoir comment, lorsque les forces

 13   serbes de Bosnie ont exécuté les dirigeants de Zepa, il a été déterminé à

 14   juste titre qu'il s'agissait d'une intention génocidaire.

 15   Mon collègue, M. Wood, va ensuite prendre la parole pour traiter de

 16   la question numéro 5, à savoir pourquoi, au vu de l'ensemble des

 17   contributions à l'ECC visant au meurtre, Tolimir pouvait être tenu

 18   responsable des tueries de Srebrenica au titre de modes de responsabilité

 19   autres que la commission de crimes dans le cadre d'une participation à

 20   l'ECC.

 21   Comme la jurisprudence du Tribunal le reconnaît, la mission d'entendre,

 22   d'apprécier et d'attribuer un poids aux éléments de preuve présentés au

 23   cours du procès en première instance repose principalement sur la Chambre

 24   de première instance. Je vous renvoie à l'arrêt Sainovic, paragraphe 23, et

 25   à l'arrêt Kupreskic, paragraphe 30.

 26   Et parce que cette affectation de cette fonction judiciaire très importante

 27   aux Chambres de première instance a eu lieu, les Chambres d'appel ont une

 28   marge de déférence vis-à-vis des conclusions sur les faits des Chambres de


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  1   première instance. C'est seulement lorsque les éléments de preuve sur

  2   lesquels s'appuient les Chambres de première instance ne peuvent pas être

  3   acceptés ou qu'il y a une erreur complète que la Chambre d'appel peut se

  4   substituer à la Chambre de première instance à cet égard. Ceci ressort de

  5   l'arrêt Kupreskic, paragraphe 30.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] [hors micro] J'aimerais vous

  7   demander quelle est la signification --

  8   Je demandais en quoi l'utilisation du mot "significant" en anglais,

  9   "significatif", que vous avez utilisé pour décrire la marge de différence

 10   selon la description que vous en faites, en quoi est-ce qu'elle a un lien

 11   avec la jurisprudence ?

 12   M. KREMER : [interprétation] Il faudrait que je revienne à la jurisprudence

 13   pour voir si le mot est utilisé, mais si l'on tient compte de l'historique

 14   judiciaire en appel des Chambres d'appel, je soutiens que selon

 15   l'historique ou la pratique, le fait d'accorder une déférence significative

 16   à des conclusions sur le fait provenant des Chambres de première instance,

 17   en particulier si l'on tient compte de la longue durée des procès en

 18   première instance, du grand nombre de témoins entendus, du grand nombre de

 19   questions qui sont traitées de façon significative dans les documents et de

 20   l'ensemble du contexte, c'est-à-dire un conflit global avec des allégations

 21   spécifiques de la part de l'Accusation, c'est dans ce sens que l'on entend

 22   ce terme.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Je suis plus que

 24   satisfait.

 25   M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, c'est cela la marge de

 27   déférence.

 28   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais appeler l'attention de la


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  1   Chambre ainsi que des autres personnes présentes dans la salle sur le fait

  2   que mon collègue, le Juge Robinson, a posé une question qui au début a été

  3   attribuée à un autre Juge, donc il ne faudrait pas que les lauriers aillent

  4   à un Juge qui n'est pas celui qui s'est exprimé.

  5   M. LE JUGE SEKULE : [interprétation] En effet.

  6   M. KREMER : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Sur ce point en l'espèce, la Chambre de première instance a entendu

  8   400 témoins [comme interprété] pendant 242 jours de procès, a écouté le

  9   témoignage de 183 témoins de l'Accusation, 4 témoins de la Défense, et a

 10   reçu 2 962 pièces à conviction de l'Accusation et 533 de la Défense.

 11   Le jugement de la Chambre de première instance, d'après mon propos,

 12   fournit un excellent exemple de la façon d'évaluer comme il convient les

 13   éléments de preuve et d'appliquer comme il convient la norme du doute

 14   raisonnable. Le jugement établit pour commencer les principes généraux

 15   appliqués par une Chambre de première instance aux paragraphes 30 à 35,

 16   avant de passer à la façon dont ces normes sont appliquées. Le jugement

 17   articule de très bonne façon les raisons en question et, donc, n'autorise

 18   aucune intervention judiciaire.

 19   J'aimerais maintenant passer aux questions concernant la

 20   participation de Tolimir à l'ECC en vue de meurtre, en commençant par

 21   répondre à la question numéro 3. Cette question est importante car elle

 22   rend compte également, puisqu'elle revient de façon répétitive dans les

 23   motifs d'appel de Tolimir, de cette importance, à savoir que la proposition

 24   de Tolimir selon laquelle il aurait été déclaré coupable sur la base du

 25   poste qu'il occupait et pas de ce qu'il avait fait doit être prise en

 26   compte. En fait, il a été déclaré coupable sur la base de ce qu'il a fait

 27   en fonction du poste qu'il occupait. En bref, notre réponse à votre

 28   question est non. La question consistait à savoir si la Chambre de première


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  1   instance avait commis une erreur en s'appuyant, entre autres, sur la

  2   position qu'occupait Tolimir en tant que chef du secteur du renseignement

  3   et de la sécurité, ainsi qu'en fonction du contrôle professionnel qu'il

  4   exerçait sur ses subordonnés responsables de la sécurité et du

  5   renseignement dans les divers organes de la VRS. Et la Chambre a déclaré

  6   que Tolimir était responsable à cet égard : d'abord, il était au courant de

  7   la participation de ses subordonnés à l'ECC en vue de meurtre; et

  8   deuxièmement, il avait l'intention de participer à l'ECC en vue de meurtre.

  9   La Chambre de première instance a raisonnablement utilisé la position

 10   du général Tolimir et le rôle qu'il remplissait en tant que commandant

 11   adjoint de Mladic au sein de l'état-major de la VRS et de chef du secteur

 12   du renseignement et de la sécurité et a également raisonnablement tenu

 13   compte du contrôle professionnel qu'il exerçait sur les organes subordonnés

 14   de la VRS en appréciant son degré de connaissance de la participation de

 15   ses subordonnés, son intention de participer à l'ECC en vue de meurtre, et

 16   en vue d'interpréter comme il convient les actes de Tolimir et ses

 17   omissions dans l'accomplissement de ses fonctions qui ont favorisé

 18   l'opération de meurtre.

 19   En tant que question initiale, la Chambre de première instance a eu

 20   raison de prendre en compte la position de Tolimir en appréciant sa

 21   participation à l'ECC en vue de meurtre. La Chambre d'appel, au paragraphe

 22   192 de l'arrêt Kvocka, a soutenu que si un poste d'autorité n'est pas une

 23   condition matérielle requise dans le cadre de la théorie concernant l'ECC,

 24   c'est un facteur pertinent pour déterminer l'importance, l'envergure, de la

 25   participation de l'accusé à un objectif commun.

 26   Par conséquent, sur le plan juridique, la Chambre de première

 27   instance a correctement et à bon escient tenu compte de la position de

 28   Tolimir au moment d'apprécier les autres éléments de preuve montrant sa


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  1   participation à l'ECC. En fait, cela aurait été une erreur de ne pas

  2   s'appuyer sur ces éléments de preuve.

  3   Maintenant, la signification de la position du général Tolimir est

  4   évidente quand on comprend qui il était, quelles étaient ses fonctions, ses

  5   pouvoirs, l'autorité dont il disposait, comment la chaîne de commandement

  6   fonctionnait au sein de la VRS, et pourquoi tous ces aspects étaient

  7   importants pour apprécier le comportement de Tolimir. Assassiner plus de 5

  8   700 hommes musulmans de Bosnie et jeunes gens musulmans de Bosnie au cours

  9   d'une durée aussi courte que quatre jours, tout en ayant procédé au

 10   déplacement forcé de plus de 30 000 civils musulmans de Bosnie de

 11   Srebrenica et d'environ 4 400 civils de Zepa, exigeait une planification et

 12   une coordination au sein de la VRS qui devait commencer au niveau de

 13   l'état-major principal. Il fallait pour cela également et très clairement

 14   des responsabilités de commandement et un système de communication

 15   opérationnel, ainsi qu'un système de compte rendu fonctionnant de façon

 16   efficace à partir du terrain et à destination de l'état-major principal de

 17   la VRS.

 18   Ce qui est encore plus important, c'est que chacun des membres de l'ECC

 19   ainsi que divers instruments qu'ils ont utilisés au sein de la VRS

 20   concordent pour démontrer une hiérarchie de subordination et un principe de

 21   commandement unifié. Et je vous renvoie au jugement, paragraphes 95, 1 125

 22   et 1 165 à cet égard.

 23   Nous savons que Tolimir était le commandant adjoint de Mladic au sein de

 24   l'état-major principal de la VRS et qu'il était le chef du secteur du

 25   renseignement et de la sécurité depuis déjà la mi-décembre 1992. Ceci

 26   figure au jugement, paragraphe 913.

 27   Grâce à sa position, Tolimir exerçait un commandement sur ses subordonnés

 28   immédiats, Ljubisa Beara, chef de la sécurité, et Petar Salapura, chef du


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  1   renseignement. Il contrôlait le travail des organes de sécurité et de

  2   renseignement subordonnés également. Ceci figure aux paragraphes 103 à 104

  3   du jugement.

  4   Et, Messieurs les Juges, aux paragraphes 103 à 122 du jugement, vous

  5   trouvez une description détaillée du fonctionnement du secteur du

  6   renseignement et de la sécurité reposant sur les éléments de preuve dont la

  7   Chambre de première instance a pu disposer.

  8   Le contrôle professionnel exercé par Tolimir sur les organes de

  9   sécurité et de renseignement subordonnés et leur travail est d'une

 10   pertinence extrême, car un nombre aussi important de subordonnés dans la

 11   hiérarchie du commandement ont participé à l'opération de meurtre et joué

 12   un rôle significatif dans son succès. Au nombre de ces très nombreux

 13   participants, on trouve Beara, Salapura, Radoslav Jankovic, Popovic, Golic,

 14   Momir Nikolic, Drago Nikolic, Trbic, Carkic, et les membres de la police

 15   militaire, entre autres. Ceci figure au jugement, paragraphe 1 098.

 16   Alors que le général Skrbic a déclaré à la Chambre de première

 17   instance que les commandants adjoints de l'état-major principal de la VRS

 18   étaient "des experts pour la mise en œuvre des ordres du commandement et

 19   des décisions de la meilleure façon possible." C'est une citation que l'on

 20   trouve au paragraphe 916 du jugement de première instance.

 21   Et en tant que commandant adjoint de l'état-major principal de la

 22   VRS, le général Tolimir était directement subordonné à Mladic. Ceci figure

 23   aux paragraphes 92 et 914 du jugement de première instance. Il était

 24   responsable de la mise en œuvre et de la supervision de tous les ordres

 25   liés à la sécurité et au renseignement provenant de Mladic et était tenu ex

 26   officio de vérifier que ces ordres étaient exécutés. Tolimir était

 27   l'applicateur des ordres de Mladic. Paragraphe 916 du jugement de première

 28   instance. Le général Tolimir était également l'officier le plus haut gradé


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  1   de la VRS, ayant l'expertise qui était la sienne eu égard à toutes les

  2   questions portant sur les prisonniers, et notamment la gestion de la

  3   détention, de la sécurité, du transport, des interrogatoires et des

  4   échanges de prisonniers. Ceci figure au jugement de première instance,

  5   paragraphes 106, 110 à 111, 914, 916 et 920.

  6   Etant donné la fonction qui était la sienne eu égard à la gestion des

  7   prisonniers, et nous reviendrons sur ce point plus tard et plus en détail,

  8   il a échoué dans son devoir de remplir l'une de ses missions primordiales,

  9   à savoir protéger les prisonniers.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Dites-moi, Monsieur Kremer, si un

 11   instant nous supposons que vous n'ayez disposé d'aucun élément de preuve

 12   concernant M. Tolimir et ce qu'il pouvait avoir à faire avec les

 13   prisonniers de guerre, que se serait-il passé ?

 14   M. KREMER : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous n'auriez disposé que du rôle que

 16   vous venez d'expliquer s'agissant de Tolimir. Sur la base de son rôle et de

 17   sa responsabilité de commandement, est-ce que vous auriez pu avancer les

 18   mêmes arguments que ceux que vous avez avancés ?

 19   M. KREMER : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Même en l'absence d'autres éléments de

 21   preuve spécifiques concernant sa participation auprès des prisonniers de

 22   guerre ? Simplement parce que nous avons entendu qu'il était le numéro deux

 23   de l'état-major principal et que l'un de ses rôles consistait à s'assurer

 24   des renseignements et de la sécurité --

 25   M. KREMER : [interprétation] Ceci m'amène à mon point suivant. Vous avez

 26   peut-être défini --

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc il faudrait que j'attende.

 28   M. KREMER : [interprétation] Ce que je suis sur le point de vous dire. Une


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  1   autre fonction importante de M. Tolimir est celle-ci, je pense répondre à

  2   votre question, Monsieur le Président, elle consistait à empêcher les

  3   fuites d'informations classifiées comme extrêmement confidentielles et de

  4   couvrir les actions et les intentions de la VRS, ce qu'il a fait pendant

  5   les opérations de meurtre. Il était le gardien des secrets de la VRS et

  6   celui qui recueillait les renseignements. Ceci figure aux paragraphes 914

  7   et 915 du jugement.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc vous êtes en train de dire qu'il

  9   existe de façon certaine des éléments de preuve qui concernent cette

 10   question de connexion.

 11   M. KREMER : [interprétation] Oui --

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ma question consistait à vous demander

 13   : si vous n'aviez pas eu ces éléments de preuve, ceux que vous venez

 14   d'évoquer, donc simplement si vous vous étiez appuyé sur l'autorité exercée

 15   par Tolimir, est-ce que vous auriez pu dire qu'il était inconcevable qu'en

 16   tant que numéro deux de Mladic, il n'ait pas su, et cetera, et cetera ?

 17   M. KREMER : [interprétation] Le seul élément de preuve que vous avez, c'est

 18   qu'il était le numéro deux --

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Correct.

 20   M. KREMER : [interprétation] -- et rien d'autre --

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'était l'objet de ma question.

 22   M. KREMER : [interprétation] -- pas d'ordres, pas d'autre élément de

 23   preuve, pas d'activité. Donc, manifestement, nous ne serions pas là où nous

 24   sommes maintenant.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] D'accord.

 26   M. KREMER : [interprétation] Mais nous avons toute une pile d'éléments de

 27   preuve que la Chambre de première instance a passé en revue avec le plus

 28   grand soin et très exhaustivement provenant de représentants militaires,


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  1   ainsi que de personnes extérieures et de victimes.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ce n'est pas simplement la

  3   fonction qu'il occupait.

  4   M. KREMER : [interprétation] Non, pas simplement la fonction, pas du tout.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

  6   M. KREMER : [interprétation] En fait, c'est sa fonction qui donne un sens à

  7   ce qui s'est passé. Et si l'on cumule les éléments de preuve, qui peut-être

  8   n'ont pas de signification indépendamment, mais lorsque vous déterminez qui

  9   est l'expéditeur d'un document, qui est son bénéficiaire, son destinataire

 10   et que vous tenez compte de ce qui se passe sur le terrain, alors tout ceci

 11   prend un sens beaucoup plus précis. Sa fonction nous donne le contexte et

 12   donne un sens supplémentaire aux événements.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Kremer.

 14   M. KREMER : [interprétation] En outre, s'ajoutant à ces responsabilités

 15   très importantes, Tolimir avait une relation très proche avec Mladic et a

 16   été décrit, comme M. Gajic l'a rappelé précédemment, comme son bras droit,

 17   comme ses yeux et ses oreilles, et l'homme en qui Mladic avait le plus

 18   confiance. Mladic le consultait régulièrement avant de prendre une

 19   décision. Les deux hommes travaillaient dans une relation très étroite l'un

 20   avec l'autre, ils l'ont fait pendant toute l'opération de meurtre. Et lors

 21   d'une fête de nouvel an en janvier 1996, Mladic en personne a parlé de

 22   Tolimir en disant qu'il faisait partie du noyau central des personnes de

 23   son entourage et que c'est lui qui avait pris les décisions les plus

 24   importantes pendant la guerre. Ceci figure aux paragraphes 915 et 921 du

 25   jugement de première instance.

 26   La proposition de M. Gajic selon laquelle Krstic, qui venait d'être nommé

 27   commandant du Corps de la Drina à cette époque ou à l'époque où les

 28   exécutions ont commencé, était comparable à Tolimir n'est pas fondée dans


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  1   la réalité. Krstic n'était pas membre du cercle le plus étroit de

  2   l'environnement de Mladic. Krstic n'était pas un commandement adjoint de

  3   l'état-major principal de la VRS, responsable de la mise en œuvre des

  4   décisions de Mladic et ne disposait pas de l'expertise spécifique de

  5   Tolimir. Il n'était pas non plus l'officier le plus haut gradé pour la

  6   conservation des secrets et la gestion des prisonniers.

  7   Je passerai maintenant à l'ECC en vue de meurtre, qui recouvre la question

  8   numéro 4. Celle-ci posant la question de savoir si la Chambre de première

  9   instance a commis une erreur en concluant que les seules déductions

 10   raisonnables tirées des éléments de preuve figurant au dossier consistaient

 11   à dire que Tolimir avait eu l'intention de participer à et avait contribué

 12   de façon significative à l'ECC en vue de meurtre. Notre réponse à cette

 13   question est non.

 14   La question, d'après ce que j'avance, telle que formulée, constitue

 15   une mauvaise lecture du jugement. En se prononçant sur les éléments

 16   fondamentaux liés à la responsabilité criminelle en raison d'une ECC en vue

 17   de meurtre, la Chambre de première instance a appliqué le droit aux faits

 18   de façon correcte. Elle a conclu que la contribution significative de

 19   Tolimir et sa participation à l'ECC en vue de meurtre avaient été prouvées

 20   au-delà de tout doute raisonnable. Et je renvoie les Juges de la Chambre

 21   d'appel au jugement de première instance, paragraphes 1 115 et 1 129, qui

 22   fournissent les conclusions par rapport à la contribution significative et

 23   à l'intention partagée.

 24   Lorsque la Chambre de première instance a pris ses décisions sur les

 25   faits dans les paragraphes 1 099 et 1 088 du jugement, où il est question

 26   des éléments de preuve à l'appui de ou des éléments de preuve qui

 27   soutiennent les conclusions relatives à cette conclusion centrale, elle

 28   s'est prononcée sur des éléments de preuve indirects. Et ce faisant, elle a


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  1   appliqué la seule déduction raisonnable, à savoir que des éléments de

  2   preuve directs ou une combinaison d'éléments de preuve directs et indirects

  3   peuvent être pris en compte, et la Chambre de première instance a rendu ses

  4   conclusions en s'appuyant sur la norme du doute raisonnable. C'est ce qu'on

  5   peut constater à plusieurs endroits aux paragraphes 1 099 à 1 028 du

  6   jugement. Notre position très simple consiste à dire que la question bien

  7   formulée aurait consisté à se demander si la Chambre de première instance

  8   avait commis une erreur en concluant qu'il avait été établi au-delà de tout

  9   doute raisonnable à partir des éléments de preuve figurant au dossier que

 10   Tolimir avait eu une intention autre que celle qui a été déduite à partir

 11   de l'analyse du dossier.

 12   Notre position consiste à dire que la seule déduction raisonnable ne

 13   réside pas dans le test consistant à déterminer la culpabilité ou

 14   l'innocence sur la base d'éléments essentiels du crime.

 15   Comme je l'ai déjà dit, la Chambre a pris en compte de façon globale

 16   le contexte lorsqu'elle a jugé de la participation de Tolimir et de sa

 17   contribution au meurtre. Aujourd'hui, Me Gajic a poursuivi l'approche de la

 18   Défense qui consiste à s'appuyer sur des éléments de preuve pris isolément.

 19   En revanche, les conclusions de la Chambre de première instance reposaient

 20   sur les différents fils interconnectés et mutuellement corroboratifs des

 21   éléments de preuve considérés dans leur contexte comme un tout, à savoir

 22   comme un ensemble d'éléments de preuve pertinents au nombre desquels, comme

 23   nous l'avons dit, on trouve les éléments de preuve relatifs à la position

 24   occupée par Tolimir et à ses responsabilités, ainsi qu'au contrôle

 25   professionnel qu'il exerçait sur les organes subordonnés.

 26   Me Gajic a passé en revue la chronologie des événements et contesté

 27   de petits éléments reposant sur son interprétation, qui est comparable à ce

 28   que l'on peut lire dans le mémoire en appel. Pour ma part, je me


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  1   contenterais de mettre en exergue un nombre limité d'événements-clés sur

  2   lesquels s'est appuyée la Chambre de première instance en prenant sa

  3   décision au sujet de la responsabilité criminelle individuelle du général

  4   Tolimir dans l'ECC visant au meurtre.

  5   Le matin de la journée du 12 juillet, la Chambre a conclu qu'il existait un

  6   plan commun établi par les divers membres des forces serbes de Bosnie en

  7   vue d'assassiner les hommes en âge de porter les armes des Musulmans de

  8   Bosnie de Srebrenica. Et au cours de la matinée du 12, les subordonnés de

  9   Tolimir, à savoir Popovic, Momir Nikolic et Kosoric, ont discuté de cette

 10   opération visant au meurtre devant l'hôtel Fontana. Mladic a répercuté

 11   leurs discussions, faisant remarquer ce matin-là à l'hôtel Fontana durant

 12   la réunion qui s'y est tenue que ses forces détecteraient les hommes

 13   musulmans de Bosnie afin d'identifier les criminels de guerre et que les

 14   Musulmans de Bosnie pouvaient "survivre ou disparaître".

 15   Nous savons à partir de ce qui s'est passé par la suite qu'aucun

 16   enregistrement effectif, aucune détection effective n'a eu lieu suite à la

 17   capture des hommes et des jeunes gens musulmans de Srebrenica. Au

 18   contraire, comme prévisible d'après les propos de Mladic, les hommes et

 19   jeunes gens, on les a fait disparaître au cours des exécutions massives qui

 20   ont eu lieu par la suite pendant que 30 000 femmes, hommes et vieillards

 21   étaient expulsés de Srebrenica et qu'on les a effectivement fait

 22   disparaître de l'est de la Bosnie. Paragraphes 1 045 à 1 047 du jugement de

 23   première instance.

 24   Dans la matinée du 12, Tolimir se trouvait à Bijeljina et il donnait

 25   des instructions à Todorovic, chef de la sécurité du Corps de Bosnie

 26   orientale, afin de préparer le centre de collecte de Batkovic pour

 27   l'arrivée de 1 000 à 1 300 prisonniers de guerre. Ceci figure au paragraphe

 28   931 du jugement. Les prisonniers de guerre en question étaient des hommes


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  1   et des jeunes hommes musulmans de Bosnie qui avaient été regroupés à

  2   Potocari suite à l'attaque de Srebrenica et à la prise de Srebrenica, puis

  3   avaient été séparés et détenus par les forces serbes de Bosnie. Paragraphe

  4   293 du jugement de première instance.

  5   Pendant toute la journée, Tolimir a reçu des rapports provenant de ses

  6   chefs du renseignement et de la sécurité du Corps de la Drina, de Popovic

  7   et de Golic, et d'autres, au sujet de la situation à Potocari. Par exemple,

  8   Tolimir a reçu tard dans l'après-midi un rapport de Popovic dans lequel on

  9   pouvait lire :

 10   "Nous sommes en train de séparer les hommes âgés de 17 à 60 ans et

 11   nous ne les transportons pas. Les organes de sécurité et de la sécurité de

 12   l'Etat travaillent à leur sujet."

 13   Paragraphe 1 100 du jugement, pièce à conviction P2069.

 14   Radoslav Jankovic, le subordonné de Tolimir à l'état-major principal

 15   en matière de renseignement, a assisté aux réunions de l'hôtel Fontana des

 16   11 et 12 juillet. La Chambre de première instance n'avait aucun doute quant

 17   au fait que Tolimir était informé des discussions qui ont eu lieu lors de

 18   ces réunions. Paragraphe 1 087 du jugement. La Chambre a conclu que Tolimir

 19   avait été mis au courant de la situation qui se déroulait sur le terrain à

 20   Srebrenica. Et dans le jugement, paragraphes 1 100 à 1 101, ceci figure. Et

 21   Tolimir, en émettant deux rapports au sujet de la séparation des hommes en

 22   âge de porter les armes musulmans de Potocari ainsi que des arrestations

 23   dans la colonne elle-même, a démontré qu'il était au courant de ce qui se

 24   passait à Potocari. Paragraphe 1 101 du jugement, et les deux rapports

 25   P2203 et D64.

 26   Alors, ce qui se passe le lendemain, le 13 juillet, a une importance

 27   critique pour bien comprendre les raisons pour lesquelles le général

 28   Tolimir a été déclaré coupable à juste titre. Le 13 juillet, les


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  1   communications de Tolimir ont complètement changé, et ce changement prend

  2   une pertinence tout à fait particulière lorsqu'on se penche sur le fait de

  3   savoir ce qu'a dit Tolimir par rapport à ce qui se passait sur terrain. Au

  4   début de l'après-midi du 13 juillet, près de 5 000 hommes musulmans de

  5   Bosnie tirés de la colonne qui avait fui Srebrenica ont été capturés par ou

  6   se sont rendus aux forces serbes de Bosnie. Paragraphes 315 à 321, ainsi

  7   que les paragraphes 323, 330, 336 et 820 du jugement de première instance.

  8   Entre 14 heures et 15 heures, en notant que plus de 1 000 musulmans

  9   de Bosnie ont été détenus dans la région de Nova Kasaba, Tolimir a proposé

 10   des mesures au commandant de bataillon de la police militaire Malinic "de

 11   prendre des mesures pour déplacer les prisonniers de guerre qui se

 12   trouvaient sur la route principale entre Milici et Zvornik. Il faut les

 13   placer quelque part à l'intérieur ou dans une zone où ils ne pouvaient pas

 14   être observés, que ce soit à terre ou en l'air." Jugement de première

 15   instance, paragraphes 936 et 1 103 et pièce P125.

 16   Alors, pour préciser, c'était le long de ces routes qui reliaient

 17   Milici à Zvornik et Konjevic Polje à Bratunac que les hommes musulmans de

 18   Bosnie de la colonne ont été capturés ou se rendaient. Les seules forces

 19   qui pouvaient observer les prisonniers depuis des aéronefs, les seules

 20   forces qui avaient accès à l'espace aérien au-dessus de cette région,

 21   étaient les représentants de la communauté internationale.

 22   La proposition de Tolimir a été intégrée à l'ordre de Mladic qu'il a

 23   donné cette même nuit et qui concernait le contrôle des informations au

 24   sujet des prisonniers et l'interdiction de la circulation. Pièce 2420. Les

 25   deux éléments illustraient le fait que des efforts avaient été faits pour

 26   dissimuler l'opération meurtrière, et il y a eu des réactions au niveau de

 27   ces deux éléments. Jugement en première instance 946, 1 055 et 1 103.

 28   Entre la proposition de Tolimir et l'ordre donné par la suite de


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  1   Mladic, il y a eu plus de 1 000 prisonniers dans cette région qui ont été

  2   emmenés de l'entrepôt de Kravica et qui ont été exécutés. Paragraphe 1 054

  3   du jugement. Des milliers d'autres prisonniers ont été placés à bord

  4   d'autocars, d'écoles et de hangars à Bratunac. Ils ont passé la nuit ici,

  5   dissimulés, pour qu'on ne puisse pas les voir, avant d'être déplacés vers

  6   des sites où il y a eu lieu des exécutions massives dans la zone de

  7   responsabilité de la Brigade de Zvornik dans les jours qui ont suivi.

  8   Jugement, paragraphes 946, 1 053, note en bas de page 4 148 [comme

  9   interprété], et 1 054.

 10   La Chambre a conclu raisonnablement que les mesures proposées par le

 11   général Tolimir étaient "l'illustration des efforts conjoints qui visaient

 12   à dissimuler le plan odieux qui avait été envisagé par les membres de

 13   l'entreprise criminelle commune visant à conduire des opérations de

 14   meurtre." Jugement, paragraphe 1 103. Mais ce ne sont pas ces simples

 15   actions menées par Tolimir --

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mon collègue, M. le Juge Guney,

 17   souhaite poser une question.

 18   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps.

 19   Mais j'ai compris que l'opération menée à Zepa et Srebrenica avait des

 20   caractéristiques distinctes, même si je comprends que ces deux opérations

 21   visaient à chasser la population musulmane de Bosnie de ces secteurs, de

 22   ces enclaves, en les déplaçant par la force ou en les tuant, ou les deux à

 23   la fois. Quelle est l'appréciation raisonnable de cela ?

 24   M. KREMER : [interprétation] La réponse à votre question est oui. La

 25   Chambre de première instance, alors, a analysé l'opération une à une, parce

 26   que l'opération à l'origine, qui avait commencé avec la directive numéro 7

 27   et Krivaja 95, avait donné des ordres, et si on se penche sur les forces en

 28   présence et le caractère même des attaques, il y avait des similitudes. La


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  1   seule différence entre Srebrenica et Zepa, c'était le fait que les hommes

  2   de Zepa, les soldats, ont pu s'enfuir dans la forêt avant d'être capturés.

  3   Alors que les hommes valides et les garçons valides ont été capturés à

  4   Srebrenica et ont été capturés lorsqu'ils fuyaient au sein de cette colonne

  5   puisqu'ils tentaient de s'enfuir. Nous allons l'aborder par la suite. Mais

  6   notre position, et les Juges de la Chambre de première instance l'ont

  7   également constatée, il s'agissait d'une seule et même opération qui était

  8   dirigée contre les trois enclaves, Gorazde, Srebrenica et Zepa. Srebrenica

  9   et Zepa ont été analysées ici. Et l'enclave de Srebrenica était l'enclave

 10   la plus importante, elle a été attaquée en premier. Zepa était à côté et a

 11   été attaquée par la suite par les mêmes forces. Et nous sommes d'accord

 12   avec votre question, même s'il y a des différences sensibles, le transfert

 13   forcé s'est appliqué aux deux, ainsi que l'attaque militaire qui visait à

 14   chasser la population. Et cela a mené à cette entreprise criminelle commune

 15   sous la forme de meurtre. Et donc, la situation à Zepa n'a pas évolué dans

 16   le même sens que Srebrenica au niveau de l'ampleur des crimes parce que les

 17   hommes militaires valides s'étaient enfuis à travers la forêt.

 18   M. LE JUGE GUNEY : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez développer votre dernier

 20   point. Comment expliquez-vous le fait qu'il n'y ait pas de meurtres massifs

 21   à Zepa ?

 22   M. KREMER : [interprétation] Au moment où ils ont pris le contrôle de la

 23   ville, il n'y a plus d'hommes militaires valides qui étaient là.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Qu'il n'y avait plus personne à tuer ?

 25   M. KREMER : [interprétation] C'est comme ça que je l'ai compris.

 26   Finalement, ils se sont enfuis en direction de la Serbie et d'autres

 27   régions, mais les gens qui ont quitté Zepa étaient essentiellement des

 28   femmes et des enfants.


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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   M. KREMER : [interprétation] La Chambre de première instance --

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si vous me le permettez.

  4   M. KREMER : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si je puis encore pendant quelques

  6   instants poser une question. S'agissant de la participation du général

  7   Tolimir que vous avez évoquée, l'entreprise criminelle commune sous la

  8   forme de meurtre était le seul mode de responsabilité qui correspond à ces

  9   descriptions factuelles ? Ou y aurait-il d'autres modes de responsabilité

 10   qui correspondraient, par exemple, au fait d'aider et encourager ?

 11   M. KREMER : [interprétation] M. Wood va répondre à cette question.

 12   Effectivement, nous pensons que l'entreprise criminelle commune sous la

 13   forme de meurtre, dans les circonstances de l'espèce, est le plus

 14   importante.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais par opposition à Krstic ?

 16   M. KREMER : [interprétation] Oui, par opposition à Krstic. C'est exact.

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. KREMER : [interprétation] Alors, je vais revenir maintenant à la

 19   question suivante. Il y a deux actions qui ont été menées par Tolimir le 13

 20   qui corroborent les conclusions à savoir qu'il était impliqué dans

 21   l'entreprise criminelle commune sous la forme de meurtre. Il a envoyé ce

 22   soir-là un télégramme à l'état-major principal de la VRS et à Gvero

 23   personnellement proposant le transfert de 800 prisonniers à la ferme de

 24   Sjemec pour que cela soit "effectué la nuit", à un moment où toutes les

 25   installations de Bratunac étaient déjà surchargées de prisonniers.

 26   Jugement, aux paragraphes 1 105 à 1 106. Cette proposition correspondait à

 27   sa proposition initiale qui visait à détenir les prisonniers musulmans de

 28   Bosnie à l'intérieur pour qu'on ne puisse pas les voir, que ce soit à terre


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  1   ou depuis le ciel.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Qu'est-ce que vous entendez par là,

  3   "doit être effectué la nuit" ?

  4   M. KREMER : [interprétation] Alors, sous couvert de l'obscurité, lorsqu'on

  5   ne pouvait pas être vu, que ce soit par le système de surveillance aérien

  6   par les représentants de la communauté internationale ou que d'autres

  7   personnes ne puissent pas les voir non plus. Autrement dit, d'autres

  8   personnes, sources ou personnes, qui fournissaient des renseignements à la

  9   communauté internationale. Il fallait que cette opération soit secrète pour

 10   qu'elle puisse être menée à bien. Il fallait enterrer les corps et les

 11   recouvrir, et donc il y aurait davantage d'éléments dans ce cas, et il y a

 12   eu des réensevelissements par la suite. Il fallait que cette opération soit

 13   dissimulée coûte que coûte. Il fallait dissimuler ces crimes odieux.

 14   Outre le fait de mener à bien ses missions secrètes, autrement dit,

 15   le fait de dissimuler l'opération meurtrière, il a participé de façon

 16   active également à ses fonctions qui l'obligeaient à gérer les prisonniers.

 17   Il savait fort bien que Sjemec n'était pas une installation qui convenait

 18   aux prisonniers. Il savait qu'il n'y avait pas de travaux agricoles à

 19   effectuer à cet endroit-là et que, comme à l'entrepôt de Kravica, le sort

 20   des prisonniers qui étaient emmenés là était une mort certaine aux mains de

 21   la VRS.

 22   Le télégramme de Tolimir portant sur Sjemec a été envoyé à peu près

 23   au moment où les subordonnés de Tolimir, Beara, Momir Nikolic et Drago

 24   Nikolic, étaient train d'élaborer les détails pratiques de l'opération

 25   meurtrière, notamment le fait d'organiser l'enterrement de centaines

 26   d'hommes musulmans tués à l'entrepôt de Kravica cet après-midi-là et dans

 27   la soirée, ainsi que l'organisation du transfert des prisonniers musulmans

 28   de Bosnie de Bratunac à Zvornik où ces derniers allaient être tués.


Page 95

  1   Jugement de première instance, paragraphes 364 à 366, 402 à 404, 1055 à

  2   1057.

  3   Deuxièmement, ou autre point. Dès le 13 juillet, Tolimir a annulé son

  4   ordre précédent à l'intention de Todorovic qui visait à préparer Batkovic

  5   pour la venue de 1 000 à 1 300 prisonniers. Il a dit à Todorovic : "Laisse

  6   tomber tous les préparatifs. Cette tâche a été abandonnée." Todorovic a

  7   expliqué cela ne voulait rien dire parce que "cela n'allait rien donner.

  8   Les prisonniers n'allaient pas venir." Paragraphes 951, 1 103 du jugement

  9   de première instance, et page du compte rendu d'audience 12 942 de la

 10   déposition de Todorovic.

 11   Messieurs les Juges, lorsque Tolimir a donné ses instructions pour

 12   que les préparatifs cessent, lui était l'officier le plus haut gradé qui

 13   s'occupait de la gestion des prisonniers. Il savait que les prisonniers

 14   allaient être tués. Et fait important, le 13 juillet, le subordonné direct

 15   de Tolimir, Beara, était déjà à Bratunac en train d'organiser le meurtre

 16   des prisonniers. Jugement de première instance, paragraphes 364 à 366 et 1

 17   055.

 18   Compte tenu du commandement et du contrôle professionnel de Tolimir

 19   sur Beara, il savait exactement où se trouvait Beara et il connaissait les

 20   missions particulières de Beara. Ce qui devient manifeste au vu des propos

 21   de Tolimir et de ses agissements dans les jours qui ont suivi. Si nous

 22   tenons compte de ces éléments ensemble, la Chambre de première instance a

 23   conclu que Tolimir était au courant du plan meurtrier dans l'après-midi du

 24   13 juillet et que cette conclusion était tout à fait raisonnable. Au

 25   paragraphe 1 104 du jugement.

 26   Je vais maintenant passer à la date du 14 juillet, Tolimir n'a cessé de

 27   prendre des mesures pour dissimuler l'opération meurtrière et ses

 28   subordonnés directs ont continué à jouer un rôle actif dans ce sens. Le


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  1   général Tolimir a envoyé un avertissement à Mladic, au commandement du

  2   Corps de la Drina et aux unités subordonnées, notamment la Brigade de

  3   Zvornik, qui portait sur la présence d'aéronef sans pilote, de drone. Pièce

  4   124 [comme interprété], pièce 128 [comme interprété]. A ce moment-là, le

  5   transport des prisonniers restants de Bratunac dans le secteur de Zvornik

  6   et les meurtres de quelque 2 500 hommes et garçons musulmans de Bosnie

  7   étaient en train de se dérouler à Orahovac dans la zone de responsabilité

  8   de la Brigade de Zvornik. Egalement, avaient lieu en même temps les

  9   dernières exécutions à Kravica ainsi que le transport au site de Glogova,

 10   où plus de 1 000 corps d'hommes musulmans de Bosnie ont été enterrés, ces

 11   derniers ayant été tués à Kravica la veille. Paragraphes 353 à 371, 376,

 12   405 à 439 du jugement en première instance.

 13   Les avertissements de Tolimir étayent sa connaissance de ce qu'il advenait

 14   de ces milliers d'hommes qui avaient été faits prisonniers les 12 et 13

 15   juillet. Comme la Chambre de première instance a raisonnablement conclu à

 16   la dernière phrase au paragraphe 1 108 :

 17   "Compte tenu du fait que ce jour-là les meurtres de Zvornik ont commencé à

 18   Orahovac, la seule déduction raisonnable consiste à dire que l'accusé a

 19   envoyé cet avertissement pour que l'opération meurtrière puise être menée à

 20   bien sans être décelée."

 21   La proposition de Tolimir visant à abattre l'aéronef était le reflet des

 22   mesures qu'il était disposé à prendre, cela faisait partie de ses

 23   fonctions, il fallait à tout prix garder le secret.

 24   Le lendemain, le 15 juillet, les meurtres se sont poursuivis au barrage de

 25   Petkovci, l'école Rocevic et à Kozluk. Ces meurtres, comme les meurtres des

 26   jours précédents à Orahovac et à l'école Petkovci, ont été menés par la

 27   police militaire de la Brigade de Zvornik sous la surveillance des organes

 28   de sécurité subordonnés de Tolimir, notamment Popovic et Drago Nikolic.


Page 97

  1   Paragraphe 1 109 du jugement, ainsi que paragraphes 417 à 418, 442, 460 à

  2   471, 481 à 482, 1 059 à 1 060.

  3   Au cours de cette période, Beara n'était pas simplement en train de

  4   surveiller les sites de détention mais participait de façon étroite au

  5   renfort des troupes pour assurer la poursuite des exécutions en masse

  6   implacables des hommes musulmans de Bosnie et des garçons, et donc il est

  7   resté en contact étroit avec Popovic. Paragraphes 1 059 [comme interprété]

  8   à 1 060 du jugement de première instance.

  9   Le 16 juillet, Tolimir a donné des instructions à ses subordonnés au sein

 10   du bureau du renseignement, notamment Salapura, qui portaient sur les

 11   façons plus sûres de communiquer pour empêcher qu'on ne les entende. Le

 12   même jour, le 10e Détachement de Sabotage, une unité contrôlée par

 13   Salapura, exécutait les prisonniers à la ferme militaire de Branjevo.

 14   Jugement, paragraphes 490 à 500, 508, 957 et 1 109.

 15   En outre, Popovic était présent dans le secteur, il avait demandé 500

 16   litres de carburant pour pouvoir transporter les prisonniers de l'école de

 17   Kula à la ferme de Branjevo. Jugement de première instance, paragraphe 1

 18   061, note en bas de page 2 156, pièce à conviction P1846 [comme

 19   interprété].

 20   La Chambre de première instance a raisonnablement conclu que l'accusé, qui

 21   était le supérieur hiérarchique direct de Salapura, était tenu au courant

 22   de toutes les actions menées par le 10e Détachement de Sabotage et a conclu

 23   raisonnablement que "il est inconcevable que l'accusé n'ait pas été informé

 24   des meurtres dans les sites pertinents à l'époque. Au lieu et place de

 25   cela, il a approuvé cela de façon tacite pour que ces meurtres puissent se

 26   dérouler." Jugement, paragraphes 120 à 122 et 1 112.

 27   Le même soir, le 16 juillet, Tolimir a assisté à une réunion de l'état-

 28   major principal avec Mladic et d'autres personnes pour planifier ce qu'ils


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  1   appelaient les opérations de ratissage dans le secteur de Bratunac qui

  2   avaient été conçues pour éliminer tout homme musulman de Bosnie qui était

  3   encore dans le secteur, qui s'enfuyait et qui ne s'était pas encore rendu

  4   et qui n'avait pas encore été tué. Tolimir a déclaré que Beara se trouvait

  5   dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina, illustrant ainsi le

  6   fait qu'il était au courant des activités de Beara, et il savait où il

  7   était. A l'époque, l'opération meurtrière qui était en cours à Zvornik se

  8   terminait. Paragraphe 1 109 du jugement, et 958 à 959.

  9   Les éléments de preuve montrent qu'à la date du 18 juillet, des rumeurs

 10   concernant le sort des hommes musulmans de Bosnie commençaient à être

 11   répandues au sein de la communauté internationale. Paragraphe 1 062 du

 12   jugement de première instance. Ce jour-là, par l'intermédiaire de son

 13   subordonné Jankovic, on a consulté Tolimir sur le sort de l'évacuation des

 14   personnes qui travaillaient pour Médecins sans frontières ainsi que leur

 15   personnel local qui était très présent et très visible dans la presse et

 16   connu de la communauté internationale. Son but était de divertir

 17   l'attention et la pression de la communauté internationale sur l'endroit où

 18   se trouvaient les hommes de Srebrenica. Paragraphe 1 110 du jugement.

 19   Ceci montre que cela faisait partie de son rôle et il s'agissait de bien

 20   garder ce secret. Tolimir a tenté de dissimuler les meurtres, même après la

 21   fin de ces derniers, et il avait l'autorité et le pouvoir de libérer les

 22   prisonniers. Le 22 juillet, on constate que Tolimir était au courant de

 23   cette opération meurtrière et qu'il était en contact permanent avec ses

 24   subordonnés qui participaient aux exécutions.

 25   Tolimir s'est entretenu avec son subordonné Popovic et il lui a donné les

 26   consignes suivantes. Il a dit à Popovic : "Tu dois faire ton travail." Nous

 27   savons que le lendemain, Popovic a surveillé le 10e Détachement de Sabotage

 28   dans le cadre des meurtres de Bisina. Et la Chambre a raisonnablement


Page 99

  1   conclu qu'il était au courant de ces meurtres ainsi que des meurtres commis

  2   à la ferme de Branjevo qui étaient menés par le 10e Détachement six jours

  3   plus tôt. Il a tacitement été d'accord avec ces derniers, a permis que ces

  4   meurtres puissent être commis et, sans aucun doute, était animé de

  5   l'intention de commettre ces meurtres. Paragraphe 1 112 du jugement.

  6   Même après la fin de l'opération meurtrière, Tolimir a continué à

  7   exercer ses fonctions, il s'agissait de bien garder ce secret et de gérer

  8   les prisonniers s'agissant de l'entreprise criminelle commune sous la forme

  9   de meurtre. Alors, concernant le traitement des prisonniers, à la fin du

 10   mois de juillet et au début du mois d'août 1995, Tolimir a donné des

 11   instructions qui étaient contraires aux règlements militaires et au droit

 12   international, à savoir que des détenus ne devaient pas être enregistrés et

 13   qu'on ne devait pas donner leurs noms aux organisations internationales.

 14   Pièces à conviction P1122 [comme interprété] et P2875.

 15   Si on associe cela avec ses ordres pendant toute la durée de

 16   l'opération meurtrière qui consistaient à dissimuler l'endroit où se

 17   trouvaient les hommes musulmans de Bosnie que l'on transportait et que l'on

 18   exécutait, ces instructions confirment qu'il était animé de l'intention de

 19   mener cette opération meurtrière dans le secret. Paragraphes 671, 997 et 1

 20   123.

 21   Au mois d'août et au mois de septembre 1994 [comme interprété],

 22   lorsque des membres de la famille des hommes musulmans et garçons de Bosnie

 23   qui venaient d'être exécutés en masse - pourquoi l'échange des prisonniers

 24   de guerre ne se déroulait pas, on lui a posé la question - Tolimir a

 25   délibérément menti en expliquant qu'il n'y avait qu'un petit nombre de

 26   soldats ennemis qui pouvaient être échangés et qui avaient été capturés.

 27   Jugement, 1 003 à 1 004. Pièces P2751 et P2250.

 28   Il savait que des milliers et des milliers d'hommes avaient été capturés et


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  1   exécutés à la mi-juillet et que, à partir du mois de septembre et au mois

  2   d'octobre, ses subordonnés participaient à des opérations de

  3   réensevelissement qui avaient pour but de dissimuler ce génocide. Jugement,

  4   paragraphes 558 à 565, 1 064 à 1 068 [comme interprété] et 1 114.

  5   Messieurs les Juges, outre les contributions actives de Tolimir à ces

  6   opérations meurtrières, son intention, sa connaissance et sa responsabilité

  7   est renforcée par ce qu'il a omis de faire. La Chambre de première instance

  8   a été tout à fait raisonnable lorsqu'elle a conclu que malgré "sa

  9   connaissance de la situation sur le terrain et de ses obligations envers

 10   les prisonniers de guerre, il n'y a aucun élément de preuve qui précise que

 11   Tolimir a tenté de prendre ses distances par rapport aux crimes et n'a

 12   entrepris aucune mesure pour remplir ses obligations à l'égard des

 13   prisonniers de guerre." Paragraphe 1 128 du jugement de première instance.

 14   Son manquement à protéger les prisonniers musulmans de Bosnie de Srebrenica

 15   a contribué de façon significative à l'entreprise criminelle commune sous

 16   la forme de meurtre. Encore 1 128, jugement de première instance. Ainsi que

 17   la citation suivante : Tolimir a dissimulé l'objectif commun de

 18   l'entreprise criminelle commune sous la forme de meurtre et a décidé de ne

 19   pas agir, ce qui a conduit à la commission des crimes.

 20   Pour conclure, et pour répondre à votre question numéro 4, compte tenu de

 21   tous les éléments de preuve qui peuvent être corroborés mutuellement, tous

 22   les éléments de preuve au dossier portant sur le poste et les

 23   responsabilités de Tolimir, le contrôle professionnel de ses subordonnés,

 24   ses actes et omissions au moment pertinent qui se sont déroulés sur le

 25   terrain suite à la chute de Srebrenica et le fait qu'un nombre très

 26   important de ses subordonnés placés sous son commandement et contrôle

 27   professionnel étaient des participants actifs à ces meurtres, il était

 28   raisonnable que la Chambre de première instance conclue que Tolimir avait


Page 101

  1   l'intention de participer à et a contribué de façon significative à

  2   l'entreprise criminelle commune sous la forme de meurtre.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Y a-t-il une autre interprétation

  4   possible à ces ordres qui visaient à ne pas enregistrer les prisonniers ?

  5   M. KREMER : [interprétation] Alors, si vous vous penchez sur les ordres

  6   isolément, peut-être. Si vous l'abordez dans le contexte de ce qui s'était

  7   passé -- de ce qui se passait à l'époque, la réponse est non.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Alors, l'obligation en vertu de la

  9   troisième convention de Genève est d'enregistrer les prisonniers de guerre;

 10   c'est cela ?

 11   M. KREMER : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

 13   M. KREMER : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite vous rappeler

 14   que mes remarques parlent des actes essentiels et omissions de Tolimir à

 15   partir desquels la Chambre de première instance a déduit que Tolimir était

 16   un membre de l'entreprise criminelle commune et a contribué à ces meurtres.

 17   Je souhaite vous dire que les éléments n'ont pas été abordés isolément mais

 18   dans le contexte général, et que la Chambre a donné ses conclusions en se

 19   fondant sur l'ensemble des éléments de preuve et non pas sur une seule

 20   pièce.

 21   L'analyse exhaustive et détaillée de la Chambre de première instance

 22   sur ces questions se trouve aux paragraphes 1 099 à 1 129 du jugement.

 23   Comme je l'ai dit, la conclusion portant sur la responsabilité pénale de

 24   Tolimir est une conclusion qui était raisonnable et qu'il ne faut pas

 25   modifier.

 26   Et comme vous avez posé la question, je pense que M. Wood va aborder

 27   la question des Juges de la Chambre qui porte sur les autres modes de

 28   responsabilité.


Page 102

  1   Je vais maintenant passer à l'intention génocidaire de Tolimir.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Un instant.

  3   Je regarde les paragraphes 650 et suivants du jugement sur l'évacuation de

  4   Zepa. Vous avez dit que vous avez répondu à ma question il y a quelques

  5   instants en affirmant qu'il n'y avait pas d'opérations meurtrières de

  6   grande échelle à Zepa parce que il n'y avait pas d'hommes en âge de porter

  7   les armes qui y étaient. Mais le paragraphe 651 du jugement nous dit que :

  8   "Le départ de Zepa des hommes en âge de porter les armes et celle connexe

  9   de l'échange de prisonniers de guerre envisagé ont également été discutés

 10   et Zdravko Tolimir [comme interprété] a déclaré que le départ des hommes en

 11   âge de porter les armes était le plus gros problème…"

 12   Donc ces hommes n'ont pas été tués. Comment concilier cela avec

 13   l'intention génocidaire de Tolimir que vous venez d'aborder ?

 14   M. KREMER : [interprétation] Je vais l'aborder dans quelques instants.

 15   Mais, en fait, cette intention peut être envisagée comme étant une question

 16   séparée. Nous devons déterminer s'il y avait des actes sous-jacents de

 17   génocide et si Zdravko Tolimir avait cette intention génocidaire. Le fait

 18   que ces hommes en âge de porter les armes aient eu la possibilité de fuir

 19   par la forêt et de se cacher et que la VRS n'avait pas la capacité de les

 20   poursuivre, et d'ailleurs la Chambre de première instance a également

 21   discuté du fait que très vite il est ressorti que la situation à Srebrenica

 22   était une situation grave et que, en fait, la population qui s'était

 23   échappée de Srebrenica arrivait à Zepa et donnait des informations aux

 24   habitants sur ce qu'il se passait --

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais je me souviens très bien qu'il y a

 26   eu une évacuation. Je m'en souviens très bien. Elle a été organisée pour

 27   les hommes en âge de porter les armes de Zepa.

 28   M. KREMER : [interprétation] Il y a eu un ordre, et je pense que Me Gajic a


Page 103

  1   fait référence à un rapport serbe qui suggérait que l'ABiH leur avait

  2   ordonné d'évacuer, je pense, si je ne m'abuse.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc, en résumé, il y avait des hommes

  4   en âge de porter les armes --

  5   M. KREMER : [interprétation] Oui --

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] -- donc il n'y avait évidemment pas

  7   d'intention de les tuer. Ce n'est pas la même chose que ce que vous nous

  8   avez répondu tout à l'heure.

  9   M. KREMER : [interprétation] Il n'y avait pas d'hommes en âge de porter les

 10   armes qui ont été capturés et qui auraient pu être tués. Maintenant, à

 11   savoir si l'intention de les tuer s'ils avaient été capturés, c'est une

 12   question factuelle un petit peu compliquée. J'essaierai de l'aborder dans

 13   la partie sur le génocide et je vous donnerai un petit peu de contexte.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.

 15   M. KREMER : [interprétation] Et j'essaierai de dissiper cette incertitude.

 16   Et je répondrai aux questions que vous aurez à cet égard.

 17   Bien, je vous disais que je voulais passer à la condamnation de Zdravko

 18   Tolimir pour génocide et aux questions 6 et 7. La Chambre de première

 19   instance a eu raison de conclure que Zdravko Tolimir avait une intention

 20   génocidaire et avait commis un génocide. Cette conclusion se fondait sur

 21   plusieurs faits que la Chambre de première instance a résumés au paragraphe

 22   1 172 du jugement.

 23   La Chambre s'est fondée sur le fait que Zdravko Tolimir était un

 24   participant actif à la fois à l'entreprise criminelle commune relative au

 25   transfert forcé et à celle relative aux exécutions. Ces éléments de preuve

 26   étaient fortement pertinents pour déterminer l'intention génocidaire de

 27   Zdravko Tolimir parce que les Juges de la Chambre ont conclu que l'objectif

 28   de ces deux opérations allait au-delà d'une simple dissolution des


Page 104

  1   Musulmans de Bosnie en Bosnie orientale et elle a conclu que "ces

  2   opérations avaient pour objectif de détruire cette communauté musulmane de

  3   Bosnie et d'empêcher la reconstitution de ce groupe dans cette région."

  4   Paragraphe 766 du jugement.

  5   Elle a donc conclu que les transferts forcés et les exécutions ont eu lieu

  6   dans une intention génocidaire et que Zdravko Tolimir était au courant de

  7   cela. Je vous renvoie au paragraphe 1 166 du jugement.

  8   Les Juges de la Chambre se sont en outre fondés sur la pièce P448 [comme

  9   interprété], la proposition du 21 juillet de Zdravko Tolimir de détruire

 10   les groupes de réfugiés musulmans qui s'enfuyaient. Les Juges de la Chambre

 11   ont conclu qu'il s'agissait là d'un exemple patent des propres termes de

 12   Zdravko Tolimir démontrant son intention génocidaire.

 13   Je vais tout d'abord aborder la question 7. Pièce P488, vous avez demandé

 14   si la Chambre de première instance s'était fourvoyée lorsqu'elle s'était

 15   fondée sur la pièce P488 pour déduire l'intention génocidaire de Zdravko

 16   Tolimir. En fait, la Chambre de première instance se serait fourvoyée si

 17   elle ne s'était pas fondée sur cette pièce lorsqu'elle a conclu son

 18   intention génocidaire.

 19   Regardons brièvement le document et voyons pourquoi. Alors, je vous cite le

 20   document, c'est le même passage que celui auquel M. le Juge Antonetti a

 21   fait référence ce matin, et je fais référence à la traduction anglaise, et

 22   non à la traduction française, parce que je ne l'ai pas :

 23   "Nous pensons que nous pouvons forcer les Musulmans à se rendre plus tôt si

 24   nous détruisons des groupes de réfugiés musulmans qui s'enfuient à partir

 25   de Stublic, Radava, Brloska Planina."

 26   La question fondamentale pour l'intention génocidaire est de savoir si

 27   Zdravko Tolimir a eu l'intention de détruire une partie de ce groupe en

 28   tant que tel. Il est difficile d'imaginer des éléments de preuve plus


Page 105

  1   pertinents pour prouver l'intention génocidaire que les propres termes de

  2   Zdravko Tolimir ici. La Chambre de première instance a conclu

  3   raisonnablement, au paragraphe 1 171 du jugement, que le document "montre

  4   de façon patente que l'accusé était déterminé à détruire la population

  5   musulmane de Bosnie." Elle a remarqué dans ce paragraphe que la pièce a

  6   montré l'état d'esprit de Zdravko Tolimir pendant l'opération de

  7   déplacement forcé et a montré qu'il avait pleinement connaissance de la

  8   situation difficile de la population civile vulnérable à Zepa. En outre, le

  9   document a prouvé "son intention tactique et fervente de chasser la

 10   population musulmane de Bosnie de l'enclave de Zepa."

 11   Les Juges de la Chambre se sont également fondés sur ce paragraphe pour la

 12   date du document. Il a été délivré le 21 juillet 1995, après avoir chassé

 13   de force la population musulmane de Bosnie de Potocari, ce qui a donné lieu

 14   à une atteinte grave à l'intégrité physique et mentale, pendant la période

 15   où l'accusé a participé activement à la dissimulation des opérations

 16   meurtrières qui avaient lieu dans une intention génocidaire et à la

 17   préparation de déplacement forcé de la population musulmane de Bosnie de

 18   Zepa.

 19   Des éléments de preuve directs de cette intention génocidaire sont rares,

 20   comme la Chambre d'appel l'a remarqué récemment dans l'arrêt 98 bis

 21   Karadzic, paragraphe 80.

 22   J'aimerais à présent passer aux arguments de Me Gajic sur la pièce P488. Me

 23   Gajic, aujourd'hui, s'est à tort concentré sur le terme "reddition" au

 24   début du paragraphe pertinent et affirme que la pièce P488 ne participe

 25   qu'à un objectif militaire. Cependant, les Juges de la Chambre ont conclu

 26   raisonnablement que la référence à Zdravko Tolimir au paragraphe 488, "à la

 27   reddition de l'ABiH", faisait partie de son objectif général d'expulser la

 28   population musulmane de Bosnie de Zepa. Et je vous renvoie ici au


Page 106

  1   paragraphe 1 171 du jugement.

  2   Et cela concorde avec la conclusion de la Chambre selon laquelle l'attaque

  3   sur les deux enclaves se concentrait sur les populations civiles dans les

  4   enclaves même si des soldats y étaient présents. Paragraphe 706 du

  5   jugement.

  6   Alors, pour la question de la traduction, Me Gajic en a parlé ce matin et a

  7   discuté également de cela avec M. le Juge Antonetti, il réitère, en fait,

  8   ses arguments qu'il a avancés pendant le procès sur la traduction et la

  9   pièce P488, particulièrement pour le mot "zbeg". La Chambre de première

 10   instance a particulièrement abordé cela et a rejeté raisonnablement cela

 11   pour deux raisons. D'une part, les Juges de la Chambre se sont fondés à

 12   juste titre sur la version officielle du département CLSS du document et

 13   cette version a traduit la phrase comme étant "un groupe de réfugiés".

 14   Mais peut-être plus important encore, les Juges de la Chambre ont conclu

 15   raisonnablement que même si la traduction de Tolimir, c'est-à-dire "un

 16   endroit de refuge", aurait été accepté, elle aurait quand même conclu que

 17   les cibles étaient les civils musulmans de Bosnie. Et ce, parce que deux

 18   témoins, Ljubomir Obradovic, chef des opérations à l'état-major principal

 19   de la VRS, et Milomir Savcic, commandant du 65e Régiment de Protection, ont

 20   confirmé que la proposition de Tolimir contenue dans la pièce P488 avait

 21   pour objectif de faire fuir les civils. Je fais référence au paragraphe 1

 22   091 et à la note de bas de page 4 290 du jugement.

 23   Mme le Juge Nyambe, dans son opinion dissidente citée aujourd'hui par Me

 24   Gajic, n'a pas abordé les éléments de preuve apportés par ces deux témoins

 25   qui ont déposé sur la pièce P488. Elle s'est fondée en lieu et place de

 26   cela sur un autre témoin qui aurait pu parler du mot "zbeg", mais il l'a

 27   fait dans le contexte d'un autre document. Pages du compte rendu 8 624 à 8

 28   626.


Page 107

  1   Et enfin, Me Gajic, aujourd'hui, a avancé que la proposition de

  2   détruire les réfugiés ne pouvait pas être mise en œuvre. Eh bien, je

  3   suggèrerais -- cela suggère que cela dissimule l'importance que Tolimir

  4   donnait à une proposition radicale. Voilà pourquoi cela est important.

  5   Alors, je vois qu'il est l'heure de faire la pause. Je m'en remets à

  6   vous, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE MERON : [hors micro]

  8   L'INTERPRÈTE : Il n'y a pas de micro pour le Juge Meron.

  9   M. KREMER : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 11   --- L'audience est suspendue à 14 heures 57.

 12   --- L'audience est reprise à 15 heures 21.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

 14   Nous allons continuer à entendre l'Accusation.

 15   Monsieur Kremer, c'est vous qui continuez ?

 16   M. KREMER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 17   Alors, je vais reprendre là où je m'étais arrêté. Etant donné que la

 18   pièce P488 a une valeur probante en tant que telle, elle est d'autant plus

 19   probante de par les autres éléments de preuve montrant l'intention

 20   génocidaire de Zdravko Tolimir. Premier exemple de ces autres éléments de

 21   preuve est l'utilisation de termes dénigrants et déshumanisants. Les Juges

 22   de la Chambre ont conclu qu'il avait utilisé personnellement des termes

 23   dénigrants, tels que "Turcs" et "balija", lorsqu'il a parlé des échanges de

 24   prisonniers de guerre et des négociations avec l'ABiH. Voir paragraphe 1

 25   168 du jugement. En sa qualité de commandant adjoint, il a également

 26   accepté l'utilisation de ces termes de la part de ses subordonnés.

 27   Paragraphe 1 168.

 28   Les Juges de la Chambre ont conclu que Zdravko Tolimir a utilisé et a


Page 108

  1   encouragé l'utilisation de ces termes pour promouvoir "l'idée que les

  2   Musulmans de Bosnie étaient des êtres humains de moindre valeur afin

  3   d'éradiquer ce groupe particulier de la population de la Bosnie-Herzégovine

  4   orientale." Confer paragraphe 1 169 du jugement.

  5   Autre exemple, Tolimir était au courant du génocide; les Juges de la

  6   Chambre de première instance ont conclu qu'il était au courant du fait que

  7   les transferts forcés et les opérations meurtrières avaient lieu dans une

  8   intention génocidaire. Confer paragraphes 1 166 et 1 172 du jugement. Plus

  9   particulièrement, il était au courant de l'ampleur de ces atrocités et du

 10   contact général qui pour la jurisprudence peuvent aider à prouver

 11   l'intention génocidaire. Je me réfère à l'arrêt 98 bis dans l'affaire

 12   Karadzic, paragraphe 80.

 13   Je voudrais également faire référence à l'analyse des Juges de la Chambre -

 14   et, en fait, je suis en train d'essayer de raccourcir mes argumentations

 15   pour donner à M. Wood l'occasion d'aborder les autres modes de

 16   responsabilité - donc, paragraphes 1 038, 1 093 et 1 094 du jugement.

 17   Mais même si l'on suppose que la pièce P488 n'est pas claire à elle seule,

 18   le 21 juillet 1995, lorsqu'il a proposé de détruire les réfugiés musulmans

 19   de Bosnie, il était au courant du fait que le génocide tournait à plein

 20   régime et il a participé activement à dissimuler l'opération meurtrière.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je regarde le compte rendu. S'agissant

 22   du point que vous avez soulevé sur le transfert forcé --

 23   M. KREMER : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] -- et les opérations meurtrières

 25   dans une intention génocidaire, j'aimerais, Monsieur Kremer, que vous me

 26   donniez l'élément de preuve le plus fort montrant l'intention génocidaire

 27   pour le transfert forcé. Laissons de côté Srebrenica. Aidez-moi, s'il vous

 28   plaît.


Page 109

  1   M. KREMER : [interprétation] Je dirais que la pièce P488, prise en tout cas

  2   dans le contexte des événements à l'époque où il a été rédigé.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ce serait l'élément de preuve que

  4   vous estimeriez être le plus convaincant ?

  5   M. KREMER : [interprétation] Je pense que c'est la citation dont nous avons

  6   parlé et à laquelle M. le Juge Antonetti a fait référence, confirmée par

  7   les deux témoins, Obradovic et Savcic, lorsqu'ils parlaient de la

  8   destruction des civils en fuite.

  9   Excusez-moi un instant.

 10   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 11   M. KREMER : [interprétation] Oui, toutes mes excuses. Mon confrère vient de

 12   me dire que le contexte et également l'élément de preuve se retrouvent dans

 13   le fait que l'opération de transfert forcé avait eu lieu à Potocari ou a eu

 14   lieu à Potocari de façon concomitante avec l'opération meurtrière, et moi,

 15   j'avais interprété votre question dans le cadre de Zepa uniquement. Mais

 16   s'il s'agit d'un transfert forcé en général, alors l'opération de transfert

 17   forcé incluait Srebrenica, incluait Zepa. Elle a eu lieu dans le contexte

 18   de l'opération meurtrière elle-même, et ce document nous le confirme et

 19   confirme cette intention génocidaire.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et si vous deviez juste pour cet

 21   exercice analytique séparer les deux, laissons Zepa de côté, l'intention

 22   génocidaire pour ce transfert, quel est l'élément de preuve le plus

 23   convaincant ?

 24   M. KREMER : [interprétation] Moi, je dirais qu'il est trop artificiel

 25   d'établir un distinguo entre les deux, Monsieur le Président. Je ne pense

 26   pas que nous soyons aussi sages que Salomon pour résoudre ce problème.

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais dans d'autres affaires qui ont

 28   abordé ces questions complexes, les affaires Krstic, Popovic, il y a eu un


Page 110

  1   distinguo, n'est-ce pas ?

  2   M. KREMER : [interprétation] Oui, on les a traitées séparément, pour des

  3   questions d'argumentation. Mais en l'espèce, l'acte d'accusation a combiné

  4   les deux opérations.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Alors, quel serait votre argument le

  6   plus convaincant pour cette intention génocidaire pour Zepa ?

  7   M. KREMER : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Qui est ressorti de la

  9   jurisprudence de ce Tribunal.

 10   M. KREMER : [interprétation] Je n'en suis pas sûr, Monsieur le Président.

 11   C'est le premier procès où les éléments de preuve portant sur Zepa ont été

 12   complètement inclus dans une conclusion de génocide, et au lieu de regarder

 13   les choses en prenant le contexte dans sa globalité, on me demande

 14   malheureusement de faire fi de tout ce qui s'est passé auparavant. Mais, en

 15   fait, il faut tenir compte du contexte de toute l'opération. Donc Zepa,

 16   prise comme un transfert forcé, pour ce cas-là, je dirais qu'il n'y a que

 17   deux actes sous-jacents de génocide : nous avons le meurtre de trois

 18   dirigeants et nous avons l'atteinte à l'intégralité mentale des personnes

 19   qui ont été expulsées. Donc il s'agit là de deux actes génocidaires pour

 20   moi.

 21   L'intention de Zdravko Tolimir de commettre le génocide découle de ses

 22   connaissances et de tout ce qui s'est passé auparavant. Il a participé --

 23   il était sur le terrain, il a participé au retrait forcé lors des

 24   négociations, il connaît la situation. Il sait ce qui s'est passé à

 25   Srebrenica, que plus de 30 000 personnes ont été chassées, que plus de 5

 26   700 hommes et garçons ont été tués, et ce document nous montre que des

 27   termes injurieux ont également été utilisés, outre tout ce que les Juges de

 28   la Chambre de première instance ont utilisé pour étayer leurs conclusions


Page 111

  1   sur le génocide.

  2   Alors, pour moi, ça a l'air d'un génocide, ça sent le génocide, ça a

  3   le goût du génocide. Il ne fait aucun doute. Mais bon, si vous voulez

  4   entamer une discussion académique, nous avons les actes sous-jacents de

  5   génocide, nous avons l'intention génocidaire et nous avons les

  6   connaissances de contexte appuyant que Zdravko Tolimir avait cette

  7   intention génocidaire. En tout cas, on peut déduire cela de tous ces

  8   éléments. Je ne pense pas qu'il faille distinguer les deux choses. Je pense

  9   que dans cette affaire il faut regarder les choses par la lorgnette des

 10   opérations de transfert forcé et des opérations meurtrières et évaluer ou

 11   apprécier le tout, ainsi que son intention génocidaire, dans ce contexte-

 12   là.

 13   [La Chambre d'appel se concerte]

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Kremer, je suppose que les

 15   Juges de la Chambre estiment qu'ils ne doivent pas examiner Zepa et

 16   Srebrenica dans leur intégralité. Alors, est-ce que vous ouvrez la porte

 17   ici pour que les Juges de la Chambre examinent cette affaire séparément ?

 18   M. KREMER : [interprétation] Est-ce que nous parlons de génocide --

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De génocide, de génocide. En fait,

 20   j'essaye de vous donner des éléments pour répondre à la question du

 21   Président.

 22   M. KREMER : [interprétation] Non, je vous comprends bien, Monsieur le Juge.

 23   En fait, tout cela dépend du fondement utilisé pour déterminer tout cela.

 24   Si le fondement pour conclure que l'opération meurtrière, qui ne semble pas

 25   entrer dans la question de la Chambre, consiste à dire qu'il y a des

 26   preuves au-delà de tout doute raisonnable, alors la question serait de

 27   savoir si toutes les conclusions que la Chambre de première instance a

 28   faites sont toujours pertinentes. Alors, si elles sont toujours d'actualité


Page 112

  1   mais que le critère juridique n'a pas été rempli, notre argumentation

  2   consisterait à dire que si vous prenez toutes ces conclusions factuelles

  3   par rapport au contexte, vous pouvez toujours étayer une condamnation pour

  4   génocide en utilisant les contributions qu'il a apportées à l'entreprise

  5   criminelle commune relative au transfert forcé à la lumière de l'intention

  6   génocidaire de laquelle il était au courant ainsi que les forces des Serbes

  7   de Bosnie lorsque les opérations meurtrières et autres ont eu lieu. Il ne

  8   faut pas être membre ni pénalement responsable des autres actions pour

  9   arriver à cette intention génocidaire et contribuer au génocide. Tant que

 10   la contribution est pertinente et a lieu dans l'intention spécifique de

 11   détruire le groupe en tout ou en partie, cela suffit.

 12   Pour répondre en termes simples, nous nous sommes penchés sur sa

 13   contribution à l'entreprise criminelle commune relative au transfert forcé,

 14   sur ce qu'il savait, et les Juges de la Chambre ont conclu que lorsqu'il

 15   contribuait au transfert forcé, il était au courant du fait que les

 16   opérations avaient lieu dans une intention génocidaire. Ensuite, la

 17   question est de savoir s'il avait une intention génocidaire personnelle, et

 18   les Juges de la Chambre ont conclu que oui pour les raisons expliquées dans

 19   le jugement sur la base de ce document et d'autres éléments de preuve.

 20   Donc, votre question numéro 6 nous donne un petit peu de mal, en tout

 21   cas pour y répondre, parce qu'elle n'identifie pas pleinement le fondement

 22   théorique pour écarter l'entreprise criminelle commune relative aux

 23   exécutions. Si elle se fonde sur tout ce que reprend le moyen d'appel

 24   numéro 16, chacun des 23 moyens spécifiques, c'est-à-dire alors que

 25   Srebrenica n'aurait pas eu lieu et le général Tolimir n'a joué aucun rôle

 26   là-dedans, dans ce cas-là peut-être qu'il n'y a pas eu de génocide à Zepa

 27   sur la base du transfert forcé. Mais comme moi je l'avance, la preuve ne va

 28   pas au-delà de tout doute raisonnable. Qu'elle soit ou non basée sur


Page 113

  1   l'intention ou sur l'importance de ses contributions, c'est une autre

  2   question à mes yeux, parce que les Juges de la Chambre ont apporté

  3   plusieurs conclusions de fait sur les opérations meurtrières, sur ce qu'il

  4   savait, sur l'intention génocidaire des membres de la VRS qui menaient ces

  5   opérations. Et pour toutes les raisons que les Juges de la Chambre ont

  6   explicitées, ils ont conclu qu'il avait une intention génocidaire et qu'il

  7   était au courant du fait que des gens étaient en train de commettre ces

  8   crimes, qu'il y avait des opérations meurtrières, même s'il n'y avait pas

  9   participé, mais que tout cela se faisait dans une intention génocidaire.

 10   Donc nous avançons que dans les circonstances, il faudrait maintenir

 11   cette condamnation pour génocide. Mais j'ai du mal à répondre à la question

 12   sans davantage de détails. Il faudrait rédiger un livre pour répondre à

 13   cela.

 14   Donc ma réponse, version courte, serait de dire oui, c'est possible.

 15   Mais vous voulez que je vous avance un seul élément de preuve, et je dirais

 16   que cette question est presque injuste. Il y a eu énormément d'éléments de

 17   preuve. Dites-moi quels sont les éléments de preuve que les Juges de la

 18   Chambre acceptent, qui ne posent pas de problème, et alors je pourrais vous

 19   donner une explication bien fondée étayant pourquoi il faudrait maintenir

 20   cette condamnation de génocide. Mais de façon hypothétique, comme cela, ce

 21   serait des conjectures, et je ne pense pas, avec tout le respect que je

 22   vous dois, que cela soit juste.

 23   [La Chambre d'appel se concerte]

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, nous avons été assez durs avec

 25   vous, Monsieur Kremer, je m'en rends compte. Nous faisons notre travail

 26   parce que nous souhaitons entendre les meilleurs arguments possibles.

 27   M. KREMER : [interprétation] J'entends bien. J'entends bien, mais j'espère

 28   que je vous ai démontré comment nous réagissons. Ça a été difficile pour


Page 114

  1   nous, mais nous sommes finalement parvenus à la réponse que je viens de

  2   vous donner.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je --

  4   M. KREMER : [interprétation] Nous espérons pouvoir vous aider  --

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne pense pas que l'on puisse

  6   élucider davantage. Je me tourne vers mes collègues. Nous allons nous

  7   pencher très attentivement sur cette question lorsque nous allons nous

  8   retirer pour délibérer.

  9   Veuillez poursuivre.

 10   M. KREMER : [interprétation] Merci. Je ne sais pas maintenant par quel bout

 11   je dois le prendre.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais vous nous avez demandé de nous

 13   présenter l'élément de preuve le plus convainquant qui permet d'étayer ou,

 14   en tout cas, d'argumenter la séparation des deux enclaves. Je ne pense pas

 15   que la question soit injuste. Dans les affaires pénales, les juges sont

 16   tout à fait en droit de vous poser ce genre de question.

 17   M. KREMER : [interprétation] Dans une affaire pénale, bon, c'est

 18   raisonnablement et assez simple. En fait, nous nous sommes fondés sur une

 19   analyse de deux entreprises criminelles communes et nous avons essayé de

 20   présenter une partie théorique que d'une partie de cela. Et s'agissant de

 21   l'entreprise criminelle commune sous la forme du transfert forcé, dans quel

 22   contexte devons-nous analyser cela ? Je dois avoir un élément de réponse

 23   pour pouvoir analyser la question pour que cela puisse vous aider. Et quel

 24   élément de preuve reste-t-il dans ce cas et sur quoi se penchent les Juges

 25   de la Chambre ? Est-ce qu'à ce moment-là vous allez tenir compte de tous

 26   les éléments de preuve portant sur les meurtres, et si tel n'est pas le

 27   cas, si Srebrenica n'a jamais eu lieu et cela ne s'est pas passé --

 28   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais nous ne sommes pas en train de


Page 115

  1   suggérer cela aujourd'hui ?

  2   M. KREMER : [interprétation] Non. Mais, en fait, c'est la prémisse que l'on

  3   peut déduire entre les lignes.

  4   Alors, je veux maintenant -- je vais maintenant passer à la réponse à la

  5   question numéro 1. Vous nous avez demandé si l'opération de Zepa a donné

  6   lieu à un crime par les actes génocidaires. Nous comprenons que vous posez

  7   la question de savoir si ces actes ont été commis et qu'ils constituent

  8   l'actus reus de génocide, et non pas de savoir s'il y avait une intention

  9   génocidaire.

 10   En bref, notre réponse consiste à dire oui, la Chambre de première

 11   instance a raisonnablement conclu qu'il y avait deux catégories d'actes

 12   sous-jacents de génocide commis par les forces serbes de Bosnie concernant

 13   les meurtres et l'atteinte grave à l'intégrité physique et mentale.

 14   Alors, pour ce qui est des meurtres, aux paragraphes 751 à 752 du jugement,

 15   la Chambre de première instance a conclu que les forces bosno-serbes ont

 16   tué trois des dirigeants les plus en vue de Zepa, Mehmed Hajric, Amir

 17   Imamovic et Avdo Palic, et que ces meurtres constituent les actes

 18   génocidaires sous-jacents de meurtre du groupe protégé en vertu de

 19   l'article 4(2)(A) du Statut. Après la prise de Zepa, ces trois dirigeants

 20   ont été arrêtés, détenus, Imamovic a été battu, et ces trois dirigeants ont

 21   été violemment assassinés et enterré dans une fosse commune à côté de la

 22   prison où Hajric et Imamovic ont été vus par la dernière fois. Paragraphes

 23   1 152 et 1 153, note en bas de page 2 867.

 24   Et nous faisons valoir que cette question est une conclusion

 25   raisonnable en nous fondant sur les éléments de preuve.

 26   Alors, pour ce qui est des atteintes graves mentales et physiques aux

 27   personnes déplacées, les Juges de la Chambre ont constaté que les Musulmans

 28   de Bosnie qui ont été déplacés par la force de Zepa ont subi des


Page 116

  1   souffrances morales importantes, et il s'agit des actes sous-jacents de

  2   génocide, 4(2)(B). Aux paragraphes 758 à 759 du jugement. Et des

  3   conclusions analogues ont été apportées par les Juges concernant des

  4   meurtres qui ont donné lieu à une souffrance morale importante de la

  5   population de Zepa et de Potocari.

  6   Alors -- de Srebrenica et Potocari, pardon. Et alors, s'agissant de

  7   Zepa, la Chambre de première instance a analysé de façon détaillée et

  8   attentive l'effet combiné de l'ensemble des opérations de Zepa sur la

  9   population musulmane et a fourni une analyse exhaustive qui se trouve dans

 10   différents paragraphes, aux paragraphes 600 à 653, 758 à 759 et 1 028 à 1

 11   030. Dans le temps qu'il nous reste, il nous serait impossible de vous

 12   donner l'élément dans le détail de tous ces faits. Je vais simplement

 13   mettre en exergue certains de ces éléments. Je veux m'assurer que nous

 14   aurons suffisamment de temps pour la présentation de M. Wood.

 15   Au début du mois de juillet, et ce, jusqu'au 23, les centres civils

 16   de Zepa et des villages voisins ont fait l'objet d'incursions armées de la

 17   VRS, des attaques de l'artillerie, des obus de mortier ainsi que des tirs

 18   de mitrailleuses. De nombreux civils et enfants ont été blessés, et 30

 19   foyers ont été détruits dans les premiers jours de l'attaque. Paragraphes

 20   600 à 1 029.

 21   Le traumatisme psychologique dû au fait que ces personnes ont fait

 22   l'objet de bombardement incessant et la possibilité d'être tués a été

 23   décuplé par différents facteurs. Un étant que la population de Zepa a

 24   commencé à apprendre le sort qui était réservé aux Musulmans de Bosnie et

 25   de Srebrenica, créant ainsi un état de panique, ce qui avait été

 26   l'intention de la VRS. On craignait que les forces serbes de Bosnie entrent

 27   dans Zepa et tuent tout le monde, y compris les femmes et les enfants.

 28   Paragraphes 603 et 1 031, et note en bas de page 2 613.


Page 117

  1   Tolimir a utilisé et joué sur cette peur pour avoir une -- parce

  2   qu'il savait que ceci aurait une incidence sur le sort réservé à la

  3   population de Zepa. Le 13 juillet, pendant la première réunion entre les

  4   Serbes de Bosnie et les dirigeants musulmans, Tolimir a tiré des parallèles

  5   et fait des comparaisons avec Srebrenica en informant les dirigeants de

  6   Srebrenica de ce qui s'était passé et que ce serait maintenant le tour de

  7   Zepa. Paragraphe 607 du jugement.

  8   Durant les attaques qui ont suivi, Tolimir a pris des mesures pour

  9   exercer davantage de pression psychologique sur la population de Zepa. Il a

 10   pris ces dispositions pour installer des haut-parleurs, et ces haut-

 11   parleurs ont été utilisés pour se faire l'écho de la voix de Mladic sur

 12   l'ensemble de la ville de Zepa. Je vous renvoie ici au paragraphe 643 du

 13   jugement et page du compte rendu d'audience 4 821. Et ceci porte sur le

 14   fait de rapporter les propos de Mladic, les propos de Mladic qui ont été

 15   diffusés ainsi.

 16   Le 25 juillet, épuisée et dans un état de stress psychologique, la

 17   population musulmane, pour l'essentiel des femmes, des enfants et les

 18   personnes âgées, est montée à bord des autocars. Et comme je l'ai dit un

 19   peu plus tôt, les hommes valides de Zepa ont fui pour avoir la vie sauve,

 20   d'autant plus qu'il devenait de plus en plus manifeste aux yeux des

 21   Musulmans de Bosnie que les hommes disparus de Srebrenica avaient été tués

 22   et ils craignaient d'être tués eux-mêmes à leur tour, donc ils ont fui.

 23   Paragraphe 674, note en bas de page 2 903.

 24   Il s'agit là simplement de quelques-unes des constatations factuelles

 25   qu'ont utilisées les Juges de la Chambre pour examiner les actes sous-

 26   jacents de génocide en vertu de l'article 4(2)(B), et nous faisons valoir

 27   que la Chambre de première instance a été raisonnable lorsqu'elle a conclu

 28   cela.


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  1   Je vais maintenant passer rapidement à la question numéro 2. La

  2   Chambre de première instance -- la question est de savoir si la Chambre de

  3   première instance a commis une erreur en constatant que les forces serbes

  4   de Bosnie ont tué les trois dirigeants musulmans de Zepa avec l'intention

  5   spécifique de détruire tout ou une partie de la population musulmane en

  6   tant que telle. Nous faisons valoir que les Juges de la Chambre ne se sont

  7   pas trompés, n'ont pas commis d'erreur.

  8   La Chambre de première instance a noté à juste titre qu'il s'agit

  9   d'une question d'ordre général. Lorsque des groupes de dirigeants ou

 10   lorsque des dirigeants sont pris pour cible pour être détruits et que les

 11   membres restants font l'objet de crimes odieux, comme leur déplacement

 12   forcé, l'ensemble de ces actes est le signe de l'intention génocidaire des

 13   auteurs. Confer le jugement, aux paragraphes 777 et 781, et note en bas de

 14   page 3 138.

 15   Et lorsque les auteurs ont pris pour cible l'essentiel du groupe pour

 16   que celui-ci soit détruit et ont déplacé les membres restants, ces actes

 17   pris ensemble démontrent l'intention qui consistent à détruire le groupe en

 18   l'empêchant de -- de même pouvoir se reconstruire. Le jugement de première

 19   instance dans l'affaire Jelisic ainsi que dans l'arrêt Krstic, paragraphe

 20   82 et paragraphe 31.

 21   Les Juges de la Chambre en l'occurrence ont analysé ce qui s'est

 22   passé à Zepa. Les dirigeants de Zepa ont fait l'objet de cible pour être

 23   détruits parce que ces hommes étaient importants pour la communauté, et les

 24   Musulmans de Bosnie restants ont fait l'objet de crimes odieux comme leur

 25   déplacement forcé. L'effet combiné de ces actes avait pour but de s'assurer

 26   que la population de Zepa ne pourrait pas se reconstituer en démontrant que

 27   les forces bosno-serbes étaient animées de l'intention génocidaire. Les

 28   Juges de la Chambre, par leur analyse aux paragraphes 774 à 782. Je crois


Page 119

  1   que je vais m'arrêter là.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous dites en somme, Monsieur Kremer,

  3   que le meurtre de ces trois personnes constitue un élément essentiel et n'a

  4   pas permis au groupe de se reconstituer ?

  5   M. KREMER : [interprétation] Il s'agissait d'éléments de preuve à partir

  6   desquels la Chambre de première instance pouvait déduire -- et il

  7   s'agissait en tout cas de preuves d'actes sous-jacents de génocide et des

  8   preuves à partir desquelles les Juges de la Chambre pouvaient déduire, au

  9   vu de tous les éléments de preuve et des circonstances, que ceci avait été

 10   fait avec une intention génocidaire. La Chambre, dans son analyse, a tenté

 11   d'exprimer cela le plus clairement possible et a clairement indiqué sur

 12   quoi elle s'était fondée pour parvenir à cette décision.

 13   [La Chambre d'appel se concerte]

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il ne faut pas être

 15   convaincu que c'est la seule déduction possible dans ce cas ? Est-ce que

 16   vous pouvez raisonnablement dire que c'est la seule déduction possible ?

 17   M. KREMER : [interprétation] Je dis que la seule -- ou la conclusion, la

 18   conclusion juridique, si cela a été prouvé au-delà de tout doute

 19   raisonnable que Tolimir était animé d'une intention génocidaire, est une

 20   question qui va au-delà du doute raisonnable et qui ne repose pas sur ce

 21   critère-là. S'il s'agit d'une affaire qui présente des éléments de preuve

 22   indirects dans sa totalité, à ce moment-là cela doit être la seule

 23   conclusion raisonnable. La déduction raisonnable -- je crois qu'en fait, il

 24   y a une confusion ici pour les avocats et les Juges de ce Tribunal, la

 25   seule déduction possible. Ce concept, en fait, porte sur les faits. Et s'il

 26   y a des constatations factuelles qui se fondent uniquement sur des preuves

 27   indirectes, à ce moment-là cela doit être la seule déduction possible.

 28   Mais la conclusion pour finir, à savoir si, oui ou non, l'accusé est


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  1   coupable, repose sur le doute raisonnable, et si c'est une affaire qui

  2   repose sur les preuves indirectes dans sa totalité, dans ce cas ça doit

  3   être la seule conclusion possible. Et le critère appliqué en appel était la

  4   décision, à savoir si la décision ou la conclusion portait sur le fait que

  5   la culpabilité était raisonnable.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je crois qu'il y a une

  7   confusion ici, effectivement. Mais dans l'affaire qui nous intéresse, je

  8   suis d'accord avec vous pour dire que la question porte sur le doute

  9   raisonnable, la vraie question, la question ultime. Mais avant d'arriver à

 10   cette question-là, n'y a-t-il pas une série de questions que vous devriez

 11   évoquer et qui portent sur les éléments de preuve sur lesquels l'Accusation

 12   se reposer pour prouver l'intention ? C'est ce qui se passe dans tous les

 13   cas lorsque vous devez prouver l'intention, et en général ceci se fait sur

 14   le fondement de déductions.

 15   M. KREMER : [interprétation] Alors, lorsque vous regardez le jugement,

 16   lorsque vous le lisez, la Chambre de première instance s'est penchée en

 17   particulier dans les paragraphes concernant le génocide. Les Juges de la

 18   Chambre ont tiré énormément de déductions. Et lorsque la Chambre propose

 19   des constatations factuelles qui portent sur différents éléments liés à ces

 20   paragraphes-là, les Juges de la Chambre disent, en réalité, que la seule

 21   déduction possible consistait à dire que telle et telle chose, ensuite vous

 22   avez les conclusions factuelles suivantes, et la plupart se fondent sur la

 23   déduction raisonnable. Et les autres éléments se fondent sur le doute

 24   raisonnable. C'est ainsi.

 25   Mais pour finir, en fait, cela diffère de l'entreprise criminelle commune

 26   sous forme de meurtre, et les Juges de la Chambre constatent qu'il s'agit

 27   là de la seule conclusion raisonnable. C'est ce qui est dit. Mais peut-être

 28   que j'ai dit à tort, j'ai parlé de "déduction", mais nous faisons valoir


Page 121

  1   que pour finir, la conclusion définitive n'est pas quelque chose qui repose

  2   sur une déduction, c'est quelque chose qui se fonde sur toutes les

  3   conclusions, toutes les conclusions auxquelles on doit parvenir de façon

  4   correcte. Les Juges de la Chambre sont-ils convaincus au-delà de tout doute

  5   raisonnable que l'accusé a commis le crime de meurtre et que l'Accusation a

  6   prouvé les éléments constitutifs du crime en question de façon à ce qu'on

  7   puisse le déclarer coupable ?

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, convaincu au-delà de tout

  9   doute raisonnable si la Chambre a commis une erreur en appréciant la

 10   question de déduction.

 11   M. KREMER : [interprétation] Je suis d'accord avec vous là-dessus aussi.

 12   Mais la seule chose que l'on délaisse à ce moment-là, ce sont les

 13   déductions. Et vous dites toujours que sans cela, sans cet élément de

 14   déduction, et sans cette constatation factuelle, que reste-t-il ? Et tous

 15   les autres éléments qui restent peuvent peut-être nous faire parvenir à la

 16   même conclusion. Cela ne signifie pas tout à coup que le globe, en fait,

 17   tombe de son piédestal. Cela ne signifie pas qu'il y a tous les éléments

 18   que l'on délaisse.

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

 20   M. KREMER : [interprétation] Cela dépend évidemment du nombre de

 21   conclusions qu'il y a et de leur importance. Il y a énormément d'éléments

 22   de preuve qui ont été présentés, qui ont été analysés dans le détail, et je

 23   crois que cela mérite une attention particulière de la part des Juges de

 24   cette Chambre d'appel, car si quelque chose ne vous convient pas, s'il

 25   s'agit d'une constatation factuelle qui ne vous convient pas, à ce moment-

 26   là il faut regarder ce qui reste et décider si, oui ou non, cela permet

 27   d'étayer la conclusion définitive. La conclusion définitive ne doit pas

 28   simplement ne pas être retenue à cause d'un simple petit fait.


Page 122

  1   A moins que vous n'ayez d'autres questions, Monsieur le Président, je

  2   vais conclure et passer à la parole à M. Wood qui va aborder la question

  3   des autres modes de responsabilité. Et en son nom, parce que j'ai consacré

  4   beaucoup de temps à la réponse de vos questions, peut-être que j'ai été un

  5   peu loquace, j'apprécierais beaucoup que vous lui accordiez cinq minutes

  6   supplémentaires. Je vous remercie.

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez dix minutes.

  8   M. WOOD : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  9   La réponse à votre question numéro 5 est oui, le général Tolimir peut être

 10   tenu responsable pour le rôle qu'il a joué dans les meurtres de Srebrenica

 11   sous les autres modes de responsabilité, à savoir qui ont été reprochés à

 12   l'acte d'accusation au paragraphe 66.

 13   J'ai préparé ma présentation de façon à pouvoir aborder les différents

 14   modes de responsabilité qui aux yeux de l'Accusation sont les plus

 15   pertinents. Vous avez beaucoup entendu parler des contributions,

 16   aujourd'hui, à l'entreprise criminelle commune sur la forme de meurtre. Ces

 17   contributions, je peux vous les expliquer, étayent également une conclusion

 18   qui consiste à dire que celui qui a ordonné les crimes, qu'il peut être

 19   tenu responsable en tant que personne qui a ordonné ces crimes, quelqu'un

 20   qui les a incités, qui les a planifiés, et qu'il peut également être tenu

 21   responsable de commission par omission, et également d'aide et

 22   d'encouragement.

 23   L'Accusation pense, en tout cas comme nous montrent les éléments de preuve,

 24   que le fait d'ordonner, de planifier, d'inciter sont les modes essentiels

 25   si, Messieurs les Juges, vous avez l'intention de vous écarter de

 26   l'entreprise criminelle commune. Voici les modes de responsabilité sur

 27   lesquels vous devez vous pencher car il était tellement impliqué dans les

 28   opérations meurtrières que c'est la conclusion à laquelle vous devez


Page 123

  1   parvenir.

  2   Cependant, étant donné que, Monsieur le Juge Meron, vous avez posé une

  3   question au sujet de la complicité par aide et encouragement, et compte

  4   tenu du temps qu'il nous reste, je vais commencer par l'aide et

  5   l'encouragement, si cela vous agrée, Messieurs les Juges.

  6   Maintenant, la Chambre définit les éléments constitutifs de la complicité

  7   par aide et encouragement aux paragraphes 907 à 911 du jugement. Donc,

  8   compte tenu de tout ce que vous avez entendu parler aujourd'hui, et

  9   s'agissant de ses contributions à l'entreprise criminelle commune, pour le

 10   moins, le général Tolimir a également aidé et encouragé les crimes de

 11   meurtre et il a fourni une aide pratique, un encouragement, un soutien

 12   moral qui a eu un effet important sur la commission des meurtres. Et, bien

 13   évidemment, il y avait également d'autres crimes qu'on lui a reprochés.

 14   Il savait que ces crimes seraient sans doute commis et il savait que ses

 15   actes permettaient sans doute d'aider à la commission de ces crimes.

 16   L'Accusation a énuméré une liste des contributions qui ont fait l'objet de

 17   constatation des Juges de la Chambre, à savoir ses contributions à

 18   l'entreprise criminelle commune sous forme de meurtre, au paragraphe 234 de

 19   son mémoire en appel. En fait, je vais les mettre en exergue, et ce sont

 20   des choses que vous savez sans doute puisque vous avez déjà entendu parler.

 21   Les Juges de la Chambre ont constaté que Tolimir "a participé de façon

 22   active à la réalisation du plan meurtrier" à partir du moment où il a été

 23   mis au courant, au plus tard dans l'après-midi du 13 juillet. Il s'agit là

 24   de la constatation des Juges de la Chambre au paragraphe 1 104. Les Juges

 25   de la Chambre ont constaté que, de par sa participation continue dans la

 26   dissimulation de l'opération meurtrière alors qu'elle se déroulait et son

 27   manquement à protéger les prisonniers musulmans de Bosnie, Tolimir a fait

 28   en sorte que l'opération meurtrière se déroule sans accrocs, dans le secret


Page 124

  1   et de façon ininterrompue. Au paragraphe 1 164 du jugement en première

  2   instance.

  3   La Chambre a également conclu que Tolimir "a dirigé, contrôlé et surveillé

  4   les organes subordonnés et son personnel subordonné" pendant toute la durée

  5   de l'opération meurtrière, notamment des hommes comme Popovic, Salapura,

  6   Jankovic et son subordonné direct, Beara, comme Salapura et Keserovic. Les

  7   Juges de la Chambre ont constaté, comme vous l'avez entendu aujourd'hui,

  8   que chacun de ces hommes était très impliqué dans ces opérations

  9   meurtrières.

 10   Et tous ces efforts, Messieurs les Juges, ont permis de s'assurer que

 11   l'opération allait être couronnée de succès. Il y a d'autres modes de

 12   responsabilité qui peuvent être avancés. Mais pour le moins, Messieurs les

 13   Juges, ceux-là étaient constitutifs d'une contribution substantielle aux

 14   crimes qui en ont résulté.

 15   Pour ce qui est de la mens rea, de l'élément moral de Tolimir,

 16   l'Accusation fait valoir que les Juges de la Chambre avaient raison

 17   lorsqu'ils ont conclu qu'il était animé de l'intention génocidaire

 18   nécessaire et qu'il avait l'intention de commettre tous les crimes qui lui

 19   ont été reprochés par les Juges de la Chambre de première instance. Si nous

 20   mettons ça de côté, pour ce qui est de la mens rea s'agissant de la

 21   complicité par aide et encouragement, les Juges de la Chambre ont conclu

 22   qu'il a continué à ne pas agir, et ce délibérément, malgré la connaissance

 23   qu'il avait du fait que ses subordonnés étaient étroitement impliqués dans

 24   une opération meurtrière, opération meurtrière qui était menée avec une

 25   intention génocidaire, opération meurtrière qui était menée avec une

 26   intention de persécution, et c'était une opération à très grande échelle.

 27   Ceci montre que Tolimir savait que ces crimes allaient être sans doute

 28   commis par les auteurs directs pour le moins et que ses actes allaient les


Page 125

  1   aider dans la commission desdits crimes.

  2   Je vais maintenant vous signaler une dernière chose concernant la

  3   complicité par aide et encouragement, Messieurs les Juges. La Chambre a

  4   également constaté qu'un accusé peut être tenu responsable -- peut aider et

  5   encourager un crime en fournissant un encouragement et un accord tacite.

  6   Paragraphe 909. Si vous vous en souvenez, Messieurs les Juges, la Chambre a

  7   conclu que Tolimir a approuvé de façon tacite les meurtres commis à la

  8   ferme militaire de Branjevo et à Bisina. Les deux ont été commis par des

  9   unités placées sous son commandement et sa surveillance, le 10e Détachement

 10   de Sabotage.

 11   En se fondant sur toutes ces conclusions, Messieurs les Juges,

 12   Tolimir peut être déclaré coupable de complicité par aide et encouragement,

 13   la planification, la préparation et les exécutions planifiées des crimes

 14   qu'on lui reproche dans l'acte d'accusation.

 15   Avec le temps qu'il me reste, je vais me concentrer sur le fait

 16   d'ordonner. L'Accusation va vous résumer ces différentes questions, si cela

 17   vous paraît utile.

 18   Et donc, pour ce qui est d'ordonner, la Chambre de première instance

 19   a défini les éléments constitutifs du fait d'ordonner aux paragraphes 904,

 20   906 du jugement. Ils ont également conclu que Tolimir "fournissait des

 21   orientations, des instructions et des ordres à ses subordonnés lorsqu'ils

 22   fournissaient des informations à jour." Au paragraphe 1 125.

 23   Ceci comprenait Beara et Popovic. Beara était son subordonné direct.

 24   Popovic était un homme qu'il contrôlait par le biais de la chaîne de

 25   commandement professionnelle. Comme les Juges de la Chambre l'ont constaté,

 26   ces hommes ont permis de mettre en œuvre, coordonner et surveiller les

 27   opérations meurtrières dans le secteur de Zvornik. Ils ont permis également

 28   de surveiller les opérations d'ensevelissement et de réensevelissement. Aux


Page 126

  1   paragraphes 1 064 et 1 066.

  2   Il y a deux ordres qui prouvent que Zdravko Tolimir était toujours en

  3   contact avec eux. Comme vous l'avez entendu de la part de M. Kremer, le 14,

  4   Zdravko Tolimir a délivré un télégramme alertant le Corps de la Drina de la

  5   présence d'un drone et il leur a ordonné de l'abattre. Comme vous l'avez

  6   entendu également lors de l'audience d'aujourd'hui, le 22 juillet, le

  7   général Tolimir a eu une conversation avec Popovic dans laquelle il lui a

  8   dit : "Contente-toi de faire ton travail."

  9   Alors, ce qui est important à ce sujet, Messieurs les Juges, est la

 10   date. Les Juges de la Chambre de première instance ont conclu que cela

 11   avait eu lieu le 22 juillet. A ce moment-là, le général Tolimir était au

 12   courant, en tout cas pour les conclusions des Juges de la Chambre, que

 13   Popadic avait participé à l'opération meurtrière qui s'est déroulée pendant

 14   au moins dix jours. Et, bien sûr, les Juges de la Chambre ont conclu que le

 15   lendemain, Popovic a supervisé le 10e Détachement de Sabotage pour

 16   l'assassinat d'au moins 35 Musulmans de Bosnie à Bisina. Paragraphe 976.

 17   Il y a d'autres éléments de preuve similaires pour -- non, pardon,

 18   d'autres conclusions des Juges de la Chambre - excusez-moi, Messieurs les

 19   Juges - dans le jugement qui étayent le fait que Zdravko Tolimir peut être

 20   tenu responsable pour avoir planifié, incité ou pour avoir commis par

 21   omission. Et comme je l'ai dit, je n'ai pas le temps d'entrer dans les

 22   détails, mais je serais heureux de vous donner davantage d'information, si

 23   vous le désirez.

 24   Alors, je voudrais résumer les choses, Messieurs les Juges, en vous disant

 25   que l'Accusation maintient son argumentation, comme vous l'avez entendu

 26   aujourd'hui de la bouche de M. Kremer, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une

 27   affaire d'entreprise criminelle commune. Les Juges de la Chambre ont conclu

 28   que l'opération meurtrière a donné lieu à l'assassinat systématique d'au


Page 127

  1   moins 5 749 Musulmans de Bosnie, la plupart d'entre eux dans un délai de 72

  2   heures allant du 13 juillet au 16 juillet 1995.

  3   Comme toute opération militaire compliquée réussie, tout cela

  4   nécessitait une intention partagée, une contribution significative de

  5   personnes dévouées, notamment Zdravko Tolimir et les hommes sur lesquels il

  6   exerçait un commandement et un contrôle. Mais il s'agissait également d'une

  7   opération militaire de grande envergure, Messieurs les Juges. Des

  8   opérations militaires se déroulent en fonction de plans et en fonction

  9   d'ordres.

 10   Dès lors, Zdravko Tolimir peut être également tenu responsable de

 11   meurtre pour chaque mode de responsabilité repris dans l'acte d'accusation

 12   au paragraphe 66.

 13   [La Chambre d'appel se concerte]

 14   L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je me demandais si vous pourriez

 16   nous donner davantage d'information sur la commission par omission.

 17   M. WOOD : [interprétation] J'en serais heureux, Monsieur le Président. Mais

 18   peut-être que je me trompe, je ne sais pas si nous avons du temps

 19   supplémentaire --

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez deux minutes pour la

 21   commission par omission.

 22   M. WOOD : [interprétation] Deux minutes. Très bien. Alors je voudrais vous

 23   renvoyer aux éléments de commission par omission, très brièvement, dans le

 24   jugement.

 25   Alors, en l'essence, les Juges de la Chambre ont conclu que Zdravko

 26   Tolimir avait le devoir de protéger les prisonniers, qu'il était obligé de

 27   respecter les lois, notamment les conventions de Genève. Paragraphe 1 121.

 28   Il avait également l'obligation de protéger les prisonniers au terme


Page 128

  1   du droit pénal national et au terme des propres règlements et règles de la

  2   VRS. Paragraphes 1 118 à 1 121 du jugement.

  3   Deuxièmement, le général Tolimir avait la capacité de remplir ses

  4   obligations. Alors, il y a moult conclusions pour étayer cela, Messieurs

  5   les Juges. En fait, les Juges de la Chambre ont conclu que "les éléments de

  6   preuve ne laissent aucun doute quant à la capacité matérielle" du général

  7   Tolimir de protéger les prisonniers musulmans de Bosnie et de Srebrenica.

  8   Paragraphe 1 126 du jugement.

  9   Alors, comme vous l'avez entendu, le général Tolimir a joué un rôle central

 10   pour les questions concernant les échanges de prisonniers de guerre.

 11   Conclusion de la Chambre au paragraphe 1 122. Et tout cela est étayé par

 12   d'autres éléments de preuve également, Messieurs les Juges.

 13   Rappelez-vous également que c'était Zdravko Tolimir qui a dit à Milenko

 14   Todorovic de préparer le centre de détention de Batkovic pour accueillir

 15   les prisonniers. Paragraphe 931. Et c'est Tolimir qui lui a dit que les

 16   prisonniers ne viendraient pas. Paragraphe 951.

 17   Alors, tout cela montre, Messieurs les Juges, le pouvoir du général

 18   Tolimir, en tout cas au titre de chef du bureau de la sécurité et du

 19   renseignement, le pouvoir exercé lors du traitement des prisonniers de

 20   guerre et des prisonniers.

 21   Et enfin, Zdravko Tolimir n'a pas exercé son devoir de protéger les

 22   prisonniers, et ces conclusions sont reprises au paragraphe 1 126 du

 23   jugement. Ce paragraphe énumère les choses que le général Tolimir aurait pu

 24   faire mais n'a pas faites, telles qu'ordonner à ses subordonnés de

 25   respecter les règles gouvernant le traitement des prisonniers. Il aurait pu

 26   également confronter le général Mladic, un homme sur lequel il avait

 27   énormément d'influence sur ce qui se déroulait. Il aurait pu également

 28   faire rapport des crimes qui avaient eu lieu au parquet militaire. Et les


Page 129

  1   Juges de la Chambre concluent qu'il n'a rien entrepris et qu'il n'a pas

  2   protégé les prisonniers.

  3   De la sorte, Messieurs les Juges, nous estimons qu'il peut être tenu

  4   responsable de commission par omission. Mais l'Accusation estime que c'est

  5   l'entreprise criminelle commune qui est le principal moyen pour lequel il

  6   est responsable.

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Nous nous retrouverons à 16

  8   heures 35.

  9   --- L'audience est suspendue à 16 heures 12.

 10   --- L'audience est reprise à 16 heures 35.

 11   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 12   M. KREMER : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 14   M. GAJIC : [interprétation] Sur le canal B/C/S, j'entends le français.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous sommes "économiques" [comme

 16   interprété], ici, vous voyez. Est-ce qu'on peut résoudre le problème

 17   technique de M. Gajic ?

 18   M. GAJIC : [interprétation] J'ai l'impression qu'entre-temps, le

 19   problème technique a été résolu. Je suis dans mes écouteurs la version en

 20   serbe, et sur l'écran je suis le compte rendu en anglais.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, j'ai dit "œcuméniques", alors

 22   qu'on a consigné "économiques". Ce n'est pas tout à fait la même chose. Je

 23   vois maintenant que mon rectificatif vient d'être consigné au compte rendu

 24   d'audience. Donc, il y a peut-être encore un mot qui manque, mais j'ai dit

 25   "œcuménique".

 26   M. KREMER : [interprétation] En page 56, je me suis trompé à deux reprises.

 27   Je voulais dire "paragraphes 1 099 à 1 000" -- non, non, une fois de plus,

 28   je me trompe. 1 128.

 


Page 130

  1   Page 64, je voulais dire "page du compte rendu d'audience 12 942" et

  2   non pas "12 492". En page 65, je voulais dire "zone de responsabilité de la

  3   Brigade de Zvornik" et non pas "zone de responsabilité de Zvornik." En page

  4   74, ligne 22, je voulais dire "P488" et non pas "paragraphe 488". En page

  5   94, ligne 4, M. Wood voulait dire "a continué à agir délibérément et à

  6   omettre d'agir" et non pas seulement "omettre d'agir". Et en page 95, ligne

  7   21, M. Wood a omis une citation, on aurait dû consigner "jugement,

  8   paragraphe 1 165.

  9   Et, pour finir, en page 68, ligne 18, j'ai dit "les hommes musulmans

 10   de Bosnie, les hommes et les garçons qui avaient été exécutés en masse,"

 11   alors qu'on aurait dû entendre "soldats serbes capturés".

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

 13   Maintenant nous allons entendre Me Gajic pour M. Tolimir. Vous étiez censé

 14   prendre la parole pendant 30 minutes, mais étant donné que nous avons donné

 15   cinq minutes de plus à l'Accusation, vous aurez cinq minutes de plus vous

 16   aussi. Donc, au total 35.

 17   A vous, Maître Gajic. C'est-à-dire, jusqu'à 5 heures et quart.

 18   M. GAJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Pour ce qui est des rectificatifs à apporter au compte rendu d'audience, je

 20   vais malheureusement devoir faire des corrections. Mais je ne suis pas en

 21   mesure de le faire. Je le ferai lorsque j'aurai réécouté l'enregistrement

 22   audio de ce débat en appel. Et j'espère que cela se fera très, très

 23   prochainement.

 24   Mais toujours est-il que dans la réplique faite par l'Accusation, il y a eu

 25   présentation de bon nombre de répétitions de ce qui s'est dit dans le

 26   jugement et il y a un exposé de motifs qui ont été avancés sans que la

 27   Défense puisse les accepter. Nous estimons que les Juges de la Chambre

 28   n'ont pas déterminé les choses de façon correcte.


Page 131

  1   L'une des premières questions à évoquer et cruciale peut-être, c'est

  2   la place occupée par M. Tolimir dans l'état-major de la VRS et concernant

  3   le système de commandement et de contrôle. Est-ce que Nikolic et les autres

  4   personnes qui ont été mentionnées par l'Accusation, à savoir Carkic,

  5   Trbojevic et autres, est-ce que eux ont été subordonnés à Tolimir ? La

  6   Défense estime que non, ils n'ont pas été subordonnés à Tolimir. Tolimir

  7   n'était pas leur commandant à eux. Tolimir était le commandant adjoint et

  8   eux intervenaient dans le cadre de leurs propres unités et étaient

  9   subordonnées à leurs commandants à eux; au niveau du corps, au commandant

 10   du corps; au niveau de la brigade, au commandant de la brigade. Ceci

 11   montre, entre autres, de façon claire les choses qui sont avancées à la

 12   pièce à conviction P2609, pièce signée par le général Ratko Mladic et où on

 13   dit -- je précise qu'il s'agit d'un document du 13 janvier 1995 :

 14   "Les départements chargés de la sécurité doivent être organisés et

 15   sainement subordonnés au commandant, et sur la filière professionnelle, à

 16   l'état-major principal de la Republika Srpska. Les départements du

 17   renseignement sont subordonnés au chef d'état-major sur le plan

 18   organisationnel, mais les activités du commandement restreint doivent

 19   prendre part au processus de prise de décision pour activité à déployer.

 20   Sur un plan professionnel, ils sont liés à l'administration du

 21   renseignement de l'état-major principal de la Republika Srpska."

 22   Qu'est-ce que cela sous-entend, la filière professionnelle ? Ça ne sous-

 23   entend pas un commandement. Ça sous-entend une formation professionnelle

 24   adéquate, des orientations professionnelles, pour ce qui est de savoir

 25   comment certaines missions doivent être accomplies afin que cela se face

 26   d'une façon uniformisée dans les rangs de la totalité de l'armée de la

 27   Republika Srpska.

 28   Je vais donner lecture ici de une partie du même document qui a été


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  1   mentionné tout à l'heure, à savoir le 2609, pour voir quel a été le rôle de

  2   Tolimir dans tout ceci. Tolimir ne commande pas ces gens-là. Qu'est-ce

  3   qu'il fait ? Dans ce document, on voit qu'il est dit, entre autres, que

  4   tous ceux qui sont censés communiquer avec la FORPRONU ou avec quelqu'un à

  5   l'extérieur de la VRS, c'est-à-dire les forces armées étrangères, et ainsi

  6   de suite, doivent passer par des entretiens appropriés, par une procédure

  7   appropriée auprès des directions du renseignement et de la sécurité, pour

  8   se voir confirmer des missions appropriées, c'est-à-dire collecte

  9   d'informations ou autre chose. Et le chef du secteur chargé des affaires

 10   liées au renseignement et à la sécurité de l'état-major principal de la

 11   VRS, dans ce cas concret Tolimir, "réglementera par des instructions

 12   particulières les compétences, la teneur et les modalités des préparatifs à

 13   faire suivre par ces individus-là."

 14   C'est là son rôle.

 15   Dans notre mémoire en appel, nous avons indiqué les propos du Témoin

 16   Colic, qui pendant la guerre était commandant d'une brigade. Il l'a été

 17   pendant toute la durée de la guerre, d'ailleurs. Qu'a-t-il dit ? Qu'ont été

 18   les instances chargées de la sécurité au niveau du commandement supérieur

 19   par rapport aux commandements subordonnés ? Je cite :

 20   "Ils étaient leurs supérieurs en termes seulement de l'éducation

 21   professionnelle."

 22   Alors, il n'y a pas de relationnel de commandement entre ces

 23   instances à différents niveaux, et c'est indiqué par le même témoin, et

 24   c'est conforme aux autres éléments de preuve qui ont été présentés dans

 25   cette affaire. On dit que tous les ordres suivent le système de la filière

 26   de commandement, et les instances chargées de la sécurité à des niveaux

 27   subalternes ne reçoivent pas des ordres de la part du commandement

 28   supérieur. Ça se trouve en page du compte rendu 19 278 à 12 979 [comme


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  1   interprété].

  2   Le même témoin a aussi parlé du comportement à Tolimir. Il a dit que

  3   Tolimir ne voulait jamais s'imposer comme étant quelqu'un venant de l'état-

  4   major principal. Il a toujours voulu entendre les autres et proposer les

  5   meilleures solutions possibles. Mais pour ne pas humilier les gens autour

  6   de lui, il n'a jamais donné d'ordres à l'instance chargée de la sécurité au

  7   niveau d'une unité à lui ou à quelqu'un d'autre.

  8   Donc Tolimir n'est pas le genre d'homme à commander les structures de

  9   la sécurité. Il ne donne pas d'ordres non plus aux structures du

 10   renseignement. C'est un professionnel qui fournit des instructions

 11   appropriées.

 12   Et pour enchaîner, je dirais qu'il y a une pièce à conviction de

 13   l'Accusation, P1112, qui montre quelles sont les tâches des instances

 14   chargées de la sécurité aux commandements supérieurs par rapport aux

 15   instances chargées de la sécurité à des niveaux subalternes. Ils sont

 16   chargés de contrôler le professionnalisme, la légalité et la correction

 17   dans le travail; mais le contrôle de la légalité, du professionnalisme et

 18   de la rectitude de travail, ce n'est pas un contrôle qui se fait sur le

 19   coup même. Les instances chargées de la sécurité sont autonomes. Le

 20   contrôle vient après. Il y a un contrôle périodique ou annuel ou des

 21   inspections. Ça, c'est un autre volet de question.

 22   Alors, l'Accusation prend le dossier entier pour le placer sous le

 23   prisme des exécutions de Srebrenica. Il ne convient pas d'oublier que ça

 24   n'a pas été une opération systématique qui a duré un an, deux ans ou trois.

 25   Ça a duré quelques jours à peine. Nous comprenons les efforts déployés par

 26   l'Accusation visant à tout placer sous le point de vue des exécutions. Mais

 27   tout ce qui a été organisé a été organisé au fil de ces quelques journées-

 28   là.


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  1   Les plannings d'exécution n'ont pas existé, comme constaté par la

  2   Chambre, avant qu'il n'y ait existence d'une enclave à Srebrenica et avant

  3   sa chute.

  4   Ensuite, le bureau du Procureur a mentionné le relationnel très

  5   proche entre Mladic et Tolimir. Ça n'a jamais été contesté. Nous n'allons

  6   pas le contester maintenant. Tous ceux qui étaient à l'état-major principal

  7   étaient ses proches. Mais dire qu'il convient de prendre en considération

  8   les éléments de preuve sous cet aspect-là et dire que Tolimir était les

  9   yeux et les oreilles de Mladic, c'est une explication symbolique pour ce

 10   qui est des fonctions du renseignement et quelles sont les fonctions des

 11   autres organes chargés de la sécurité. Mais c'est sans plus. Cela sans

 12   plus.

 13   Le témoin qui a déclaré cela était l'homme numéro deux, il était chef

 14   d'état-major dans les rangs de l'armée de la Republika Srpska, il était le

 15   commandant adjoint. Ensuite, quand on parle au niveau de l'Accusation du

 16   témoignage de Milenko Todorovic et des faits établis au terme desquels

 17   prétendument Tolimir aurait fait savoir à Milenko Todorovic que des

 18   prisonniers de guerre allaient venir et qu'il fallait préparer la prison de

 19   Batkovic pour l'arrivée de ces prisonniers de guerre.

 20   Je dirais d'abord que Milenko Todorovic, comme le montre le compte

 21   rendu, et je vous renvoie vers la référence qui se trouve dans le mémoire

 22   en appel, paragraphe 356, Milenko Todorovic dit qu'il n'arrive pas à se

 23   souvenir qui lui a fourni le renseignement au terme duquel il fallait

 24   préparer le camp de Batkovic pour l'installation des prisonniers de guerre.

 25   Dans le prétoire même, pour démontrer qui avait mission de le faire, nous

 26   lui avons montré un document datant de 1993. Et Milenko Todorovic, chose

 27   que les Juges de la Chambre ont omis de prendre en considération, notamment

 28   de prendre en considération le comportement du témoin dans le prétoire,


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  1   s'est vu soulager et il s'est dit : "Dieu merci, voilà le document dont on

  2   a si souvent parlé et que je n'ai pas vu jusqu'à présent et que je vois

  3   enfin."

  4   Et en signature, ce n'était pas Tolimir. C'était le chef d'état-major

  5   de l'époque -- à savoir, l'état-major principal de la Republika Srpska à

  6   l'époque. Ensuite, quand il a été question d'affirmer que Tolimir aurait

  7   dit à Todorovic que les prisonniers ne viendraient plus, on prend la date

  8   du 13, on dit que Tolimir l'a appris au plus tard le 13 pour étayer la

  9   thèse au terme de laquelle Tolimir, le 13 déjà, avait eu vent des

 10   exécutions. Mais Todorovic n'arrive pas à se souvenir de la date, était-ce

 11   le 14, était-ce le 15, était-ce le 16.

 12   Et la thèse de la Défense est celle-ci : Todorovic n'a pas dit la

 13   vérité là, chose qui est confirmée par le témoignage de Novica Simic, que

 14   nous avons indiqué au paragraphe 358 du mémoire en appel.

 15   Parce que Novica Simic, dans l'affaire Popovic et autres, a dit qui

 16   il avait contacté, il l'a dit de façon sincère, il a dit avec qui il s'est

 17   entretenu et quelles sont les informations obtenues par les uns et les

 18   autres. Et pour ce qui est de l'entretien de l'organe chargé de la sécurité

 19   et Tolimir, il ne le mentionne pas du tout. Alors, je regrette ici que nous

 20   n'ayons pas eu la possibilité de tester le témoignage de Todorovic par

 21   l'audition ou une confrontation avec Novica Simic, parce que Novica Simic

 22   est tombé malade entre-temps et est décédé après.

 23   Des renseignements à ce sujet se trouvent être donnés au mémoire en

 24   appel, paragraphe 358, et 359 aussi.

 25    Ensuite, lorsqu'il est question de la pièce P2069, est-ce que

 26   Tolimir avait eu connaissance de la séparation ? Et c'est un document où, à

 27   vrai dire, il est dit qu'à Potocari il y a séparation de ceux qui étaient

 28   aptes à combattre, qui étaient au nombre de 70 environ. C'est un document


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  1   qui est daté du 12. Dans la partie supérieure de ce document, on voit les

  2   paraphes de tous ceux qui ont lu le document en question. Il n'y a pas de

  3   paraphe appartenant à Tolimir. Ensuite, Tolimir n'a pas vu ce document, et

  4   c'est prouvé par la pièce D64, où Tolimir insiste sur la nécessité de

  5   recenser la totalité de ceux qui étaient aptes au combat et qui sont

  6   évacués depuis la base de Potocari.

  7   Donc Tolimir croit bien qu'ils doivent connaître le sort de la

  8   totalité des civils évacués depuis Potocari. Il ne convient pas selon lui

  9   de les garder là-bas, les retenir.

 10   Plus loin encore dans l'exposé du Procureur, on a posé pas mal

 11   d'éléments liés à la situation à Zepa. Est-ce qu'il y a eu perpétration

 12   d'un génocide à Zepa ? Est-ce que l'opération a été conduite avec une

 13   intention génocidaire ? Est-ce qu'on a délibérément exposé à des

 14   souffrances des civils ? Il n'y a pas un seul élément de preuve qui

 15   démontrerait qu'il y a eu génocide à Zepa ou que l'opération de Zepa avait

 16   été conduite avec une intention génocidaire quelle qu'elle soit. Ce type de

 17   conclusion ne serait être adoptée que si l'on vient à spéculer pour ce qui

 18   est de la corrélation à établir avec l'opération des exécutions. Mais quand

 19   bien même on prendrait en compte les exécutions des hommes capables de

 20   combattre à Srebrenica, on peut croire que tout le monde a agi de façon

 21   unifiée dans le cadre d'une seule structure de commandement unifié, comme

 22   cela serait le cas dans la gestion des affaires militaires conformes aux

 23   règlements.

 24   Mais dans les descriptifs qui figurent au jugement rendu, on voit si

 25   Beara s'entretient avec Tolimir ou pas alors qu'il rencontre des problèmes

 26   dans l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée, ou est-ce qu'il

 27   s'adresse à Krstic et à Zivanovic ? Il communique avec ceux qui sont dans

 28   la zone de responsabilité du Corps de la Drina. Tolimir, lui, se trouve à


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  1   Zepa. Pourquoi informerait-on Tolimir ?

  2   Oui, l'organe chargé de la sécurité a pour mission de tenir compte du

  3   fait de savoir s'il y a eu délits au pénal de commis à tel ou tel autre

  4   endroit et de déposer des plaintes; mais ça, c'est l'administration chargée

  5   de la sécurité qui en a le devoir. Ce n'est pas à Tolimir d'aller courir

  6   après ceux qui ont commis des délits au pénal sur le terrain. Il y a une

  7   filière à suivre. La chaîne de commandement fonctionne-t-elle ? Je dirais

  8   qu'il est évident que non. Parce que compte tenu de la position de Tolimir

  9   à titre régulier, ce n'est pas une position qui implique qu'il connaît des

 10   activités criminelles à titre régulier.

 11   La question se pose aussi de savoir si ceux qui se trouvaient à Zepa,

 12   qui étaient capables donc d'aller au combat, aptes à combattre,

 13   l'Accusation a expliqué pourquoi ils n'ont pas été tués et ils ont dit

 14   qu'ils ont fui vers la Serbie. Mais voyons un peu les événements de Zepa

 15   depuis le début. A partir du moment où Tolimir arrive à Zepa, il propose

 16   comme option : Déposez les armes, ceux qui veulent rester à Zepa peuvent

 17   rester; ceux qui veulent quitter Zepa peuvent s'en aller. Il y a des

 18   négociations qui se déroulent le 13, le 19, le 24 et le 27 juillet. Il y a

 19   la FORPRONU de présente. On propose qu'ils soient placés sous surveillance

 20   du CICR et qu'ils soient placés sous surveillance de la FORPRONU pendant la

 21   période avant les échanges de prisonniers de guerre.

 22   Y a-t-il là intention génocidaire, y a-t-il là intention de les

 23   abattre ? Pour ce qui est des événements de Zepa, il y a déjà un enquêteur

 24   de l'Accusation même, Viktor Bezruchenko, qui fournit des éléments. C'est

 25   la pièce P55. La Défense, dès qu'elle a eu à connaître de cet élément de

 26   preuve, a demandé un versement au dossier. C'est un excellent document qui

 27   montre de façon excellente l'évolution des événements. Il parle des

 28   malversations qui se produisent au niveau de la reddition de l'ABiH à Zepa.


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  1   Avdo Palic a demandé depuis Sarajevo à ce que ce soit fait. Il y a eu des

  2   informations contradictoires arrivant pour ce qui est d'un accord conclu ou

  3   pas conclu, puis on a eu des éléments de preuve disant qu'ils sont passés

  4   en Serbie. Et le commandant de la FORPRONU à l'époque, le commandant Smith,

  5   le savait, cela.

  6   Il n'y a aucun élément de preuve qui montrerait qu'ils étaient censés

  7   être tués et que quiconque aurait planifié leur exécution. Ce type de thèse

  8   ne peut être qu'une spéculation absolue, et rien d'autre.

  9   Qui plus est, l'Accusation fait référence à deux éléments de preuve,

 10   le P2875 et 1222. Il est question de pièces à conviction qui parlent d'une

 11   proposition de Tolimir ou d'une instruction émanant de Tolimir. Comment

 12   cela est-il interprété ? Ne pas les enregistrer pour qu'ils puissent être

 13   abattus. Mais dans ces documents, il est dit clairement qu'on n'avait pas à

 14   les lister ou les enregistrer si les Musulmans venaient à enfreindre

 15   l'accord atteint. Il est explicitement dit : On les gardera à des fins

 16   d'échange. Donc, il n'est question nulle part du fait que l'un ou l'autre

 17   d'entre eux aurait dû ou aurait pu être tué.

 18   Je vous rappelle que l'accord consistait à placer ces personnes sous

 19   la surveillance de la FORPRONU, donc la FORPRONU surveille la poursuite de

 20   leur séjour à Zepa tant que les échanges n'avaient pas été effectués.

 21   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 22   M. GAJIC : [interprétation] L'Accusation --

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc, si les Musulmans commettaient une

 24   violation de l'accord, ils n'auraient pas été enregistrés, ces prisonniers

 25   ?

 26   M. GAJIC : [interprétation] C'est ce qui est écrit dans le document : Au

 27   cas où il y aurait violation de l'accord, alors il convenait de ne pas les

 28   enregistrer mais de les conserver par-devers soi pour des échanges à venir.


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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais si ces prisonniers restaient dans

  2   les limbes en n'étant pas enregistrés, en dépit de l'obligation prévue aux

  3   conventions de Genève de les enregistrer, est-ce qu'il n'est pas équitable

  4   de la part de l'Accusation de dire que cela peut avoir également des

  5   conséquences très redoutables, une telle absence d'enregistrement ?

  6   M. GAJIC : [interprétation] Non. Pas si on lit tout le document, parce que

  7   dans le document, il est écrit clairement qu'ils devraient être gardés à

  8   des fins d'échange. Et je tiens à vous rappeler également que

  9   l'enregistrement des prisonniers de guerre est une obligation au terme de

 10   la troisième convention de Genève. Mais le fait que des prisonniers de

 11   guerre ne soient pas enregistrés ne pouvait pas représenter une infraction

 12   grave aux conventions de Genève. C'est un fait qui, en tout état de cause,

 13   ne peut pas être considéré comme une violation grave.

 14   Si ces personnes étaient gardées en toute sécurité, mais sans être

 15   enregistrées, cela ne signifie pas qu'elles allaient être tuées. Nous avons

 16   déjà constaté qu'il y avait eu de très nombreux problèmes quant aux

 17   modalités d'échange des prisonniers de guerre, quels seraient les principes

 18   à respecter et est-ce qu'il y aurait des prisonniers de guerre échangés

 19   contre des Serbes. Les négociations ont duré très longtemps, se sont

 20   étirées dans le temps et ont beaucoup tardé à aboutir à des résultats. Ces

 21   deux documents, c'est certain, ne peuvent pas être utilisés en tant que

 22   preuve d'une intention génocidaire de quelque nature que ce soit.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais il me semble que si quelqu'un

 24   souhaite procéder à un échange de prisonniers de guerre, l'enregistrement

 25   de ces prisonniers est une étape préliminaire qui concorde tout à fait avec

 26   la volonté de les échanger, n'est-ce pas ?

 27   M. GAJIC : [interprétation] Dans des situations normales, il est certain

 28   que c'est bien le cas. Mais la situation qui existait à Zepa et les


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  1   problèmes qui ont marqué le déroulement des négociations, d'abord à la date

  2   du 20, puis entre le 24 et le 27, et ensuite le 27, ont marqué une

  3   situation un peu différente. La VRS subissait à l'époque des pressions très

  4   importantes de la part de la FORPRONU en rapport avec la situation à Zepa.

  5   Et en dépit de cela, un accord a été conclu. La question est est-ce que les

  6   prisonniers de guerre ont été enregistrés ? Malheureusement, nous ne

  7   disposons pas des éléments de preuve susceptibles de démontrer que les

  8   prisonniers de guerre serbes, eux non plus, n'ont pas été enregistrés.

  9   Et puis, il y a un autre point. Ce statut de prisonnier non enregistré, si

 10   je ne me trompe, on peut le vérifier dans le document, ce statut ne peut

 11   durer que pendant la durée des opérations de combat, pas plus longtemps que

 12   cela. Peut-être un jour de plus, mais pas davantage. Donc ce statut

 13   d'absence d'enregistrement devait être, selon Tolimir, un statut qui ne

 14   devait être que de nature particulièrement temporaire, uniquement dans le

 15   but d'éviter des abus de la part de la partie musulmane.

 16   N'oublions pas qu'à cette époque-là, ils étaient déjà en train d'essayer

 17   d'entrer en Serbie ou d'effectuer des percées dans d'autres directions.

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais revenir une seconde sur le

 19   premier point que vous avez développé - à savoir, les conséquences et la

 20   nature de la position de commandant adjoint - est-ce que vous conviendriez

 21   qu'un commandant adjoint est quelqu'un qui sait tout ce qui est pertinent

 22   aux yeux du commandant parce que son devoir est d'aider le commandant à

 23   accomplir sa tâche et qu'il est donc complètement informé au sujet de ce

 24   qui se passe ?

 25   M. GAJIC : [interprétation] Dans des situations régulières, oui. Cependant,

 26   dans les éléments de preuve, nous avons vu une description de situation

 27   montrant que ce n'était pas Tolimir qui décidait quel était l'organe de

 28   sécurité qui devait faire quoi aux niveaux les moins élevés de la


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  1   hiérarchie. A la lecture du document que j'ai déjà évoqué devant vous -- je

  2   vais trouver le numéro, si vous m'accordez une seconde.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ma question portait sur la connaissance

  4   des faits, pas sur le fait de donner des ordres. Mais maintenant j'aimerais

  5   en arriver à la question des ordres. Vous considériez, et je pense que vous

  6   serez d'accord là-dessus, qu'un commandant adjoint, fondamentalement, sait

  7   tout ce que sait le commandant.

  8   Eu égard maintenant à la capacité de donner des ordres, parce que -

  9   imaginez que Tolimir en tant que commandant adjoint ait à traiter des

 10   questions dont nous avons déjà parlé précédemment, à savoir l'hébergement,

 11   les hangars, et cetera - il est permis de partir du principe que lorsqu'il

 12   parle à des commandants haut gradés, il dit clairement qu'il agit au nom de

 13   son supérieur, n'est-ce pas, et que ces haut gradés, à ce moment-là, ne lui

 14   posent pas de questions au sujet de ses compétences ? N'est-ce pas exact ?

 15   M. GAJIC : [interprétation] J'ai besoin d'apporter une légère correction à

 16   la première question que vous avez évoquée, à savoir la question de la

 17   connaissance. Un commandant adjoint n'a pas nécessité de savoir tout ce que

 18   sait le commandant. Dans l'armée, il existe une règle selon laquelle les

 19   gens sont informés au cas par cas. Un commandant adjoint n'a pas

 20   nécessairement besoin de tout savoir. Un commandant peut contourner son

 21   adjoint pour telle et telle raison. Par exemple, il peut avoir été envoyé

 22   en mission et le commandant ne souhaite pas le déranger.

 23   Et puis, s'agissant d'émettre des instructions et des ordres, nous devons

 24   établir une distinction entre deux choses différentes : une chose, c'est

 25   d'agir dans une situation courante normale; et une autre situation, c'est

 26   celle dans laquelle on se trouve face à des éléments extraordinaires, une

 27   situation tout à fait différente de celle qui existe pendant une opération

 28   destinée à tuer, une opération de meurtre.


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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien. Maintenant, un détail. Ce n'est

  2   pas un détail, n'est-ce pas ? C'était la chose la plus importante qui était

  3   en train de se passer. Est-il concevable que le commandant adjoint n'ait

  4   pas su ce qui était en train de se passer dans ces conditions ? C'était

  5   quelque chose qui ne pouvait pas ne pas frapper l'imagination, n'est-ce

  6   pas, qu'il ne sache rien qui était en train de se passer par rapport au

  7   meurtre de plusieurs milliers de personnes ?

  8   M. GAJIC : [interprétation] D'abord, lorsque nous parlons de cette

  9   situation très précise, Tolimir a été envoyé à Zepa sur l'ordre de Mladic.

 10   Beara, le chef de la direction de la sécurité, se trouvait à Srebrenica au

 11   même moment. Le commandant Mladic a envoyé d'autres responsables de la

 12   sécurité et du renseignement en missions diverses sur le terrain dans la

 13   zone de responsabilité de la Brigade de Bratunac ou de la Brigade de

 14   Zvornik, et il n'a jamais demandé l'accord de Tolimir pour ce faire.

 15   Il est tout à fait possible de constater que le commandant adjoint à la

 16   sécurité et au renseignement n'était, effectivement, pas informé de

 17   certaines choses. A cette époque-là, comme le montrent un certain nombre de

 18   documents, Tolimir était engagé à Zepa avant toute chose, et l'évolution de

 19   la situation à Zepa ne présentait aucun signe de simplicité. Il y avait

 20   toutes sortes de négociations en cours. Il fallait traverser des terrains

 21   très dangereux pour passer quelque temps à Zepa, sans aucune communication

 22   d'ailleurs. Alors, pourquoi est-ce que quelqu'un aurait informé Tolimir,

 23   pour commencer, si Tolimir ne participait pas à l'intégralité de cette

 24   opération ?

 25   Et je vais traiter d'un certain nombre d'autres points en ce moment;

 26   par exemple, si un membre de l'état-major participait à cela ou pas, je ne

 27   vais pas rentrer dans le détail à ce sujet. Notre position a toujours

 28   consisté à dire que les membres de l'état-major étaient chacun un cas


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  1   distinct et que ces cas distincts devaient être entendus séparément. Pour

  2   dire les choses simplement, Tolimir n'était tout simplement pas sur place,

  3   pas dans ces situations.

  4   J'aimerais maintenant rappeler un autre point à la Chambre de première

  5   instance - je vois qu'il me reste deux minutes - j'aimerais rappeler la

  6   décision du Juge Badawi Pasha qui a eu une opinion dissidente dans

  7   l'affaire qu'il a eu à juger. Il a pris en compte des éléments de preuve de

  8   deuxième main et a souligné le danger qu'il y avait à interpréter ces

  9   éléments de preuve alors que des lacunes devaient encore être comblées et

 10   qu'elles ne l'étaient, par conséquent, qu'à base d'hypothèses,

 11   d'association d'idées, et que la certitude ne pouvait pas être obtenue de

 12   cette façon. La norme de la preuve qui doit être respectée devant ce

 13   Tribunal n'est pas la probabilité ou le caractère vraisemblable ou

 14   raisonnable d'une décision, mais bien un degré élevé de certitude

 15   atteignant un endroit qui se trouve au-delà de tout doute raisonnable.

 16   En l'espèce, le Procureur n'a pas réussi à prouver au-delà de toute

 17   doute raisonnable que Tolimir était au courant de l'opération meurtrière ou

 18   qu'il a participé à cette opération ou qu'il avait l'intention de

 19   participer à cette opération meurtrière. Par conséquent, nous estimons

 20   qu'il devrait être acquitté de tous les chefs d'accusation.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître, pour les arguments que

 22   vous avez développés devant la Chambre. Ceci nous amène au point final de

 23   la présentation des arguments par les parties. Le moment est donc venu de

 24   vous demander, Monsieur Tolimir, puisque tel est votre droit, si vous

 25   souhaitez exercer ce droit en vous exprimant dans le cadre d'une

 26   déclaration personnelle de dix minutes.

 27   L'APPELANT : [interprétation] Effectivement, si vous m'y autorisez,

 28   j'aimerais m'adresser à la Chambre d'appel brièvement.

 


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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] A la Chambre d'appel.

  2   L'APPELANT : [interprétation] Oui, la Chambre d'appel, effectivement.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.

  4   L'APPELANT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  5   Je tiens à saluer tous les membres de la Chambre d'appel, tous les

  6   interprètes, tout le personnel de l'Accusation et de la Défense ainsi que

  7   tout le personnel qui assiste au déroulement de cette procédure et qui a

  8   fait en sorte que cette procédure se déroule en l'absence de quelque

  9   problème techniques que ce soit.

 10   L'Accusation, en tant que partie intégrante du Tribunal, propose

 11   aujourd'hui que Tolimir soit puni en raison d'un certain nombre de

 12   conclusions qui n'ont pas de rapport avec les éléments de preuve ainsi que

 13   sur la base de traductions erronées d'un certain nombre de documents où il

 14   n'a jamais été question de l'anéantissement d'un quelconque groupe ou d'un

 15   quelconque individu, que ce soit à Zepa ou dans d'autres parties du

 16   territoire de la Republika Srpska.

 17   Dans ces documents, il n'est pas question non plus de ce qui a été évoqué

 18   ici sous le terme de "zbeg", de "fuite afin de trouver un refuge." Il n'y a

 19   eu mention de cela nulle part. Je ne sais pas pour quelle raison pendant ce

 20   procès ce terme "zbeg" a été mal traduit aussi bien en serbe qu'en français

 21   ou en anglais. L'interprétation du terme a été erronée, même si c'est un

 22   terme qui est utilisé couramment dans les trois langues. Pourquoi est-ce

 23   que la traduction écrite a été la même dans les trois langues ? Est-ce que

 24   la traduction s'est faite de l'anglais vers le français ? Ça, je ne sais

 25   pas. Mais il conviendrait que la Chambre d'appel vérifie pour quelles

 26   raisons des différences de ce genre peuvent survenir dans les traductions,

 27   comme l'a à juste titre fait remarquer M. le Juge Antonetti.

 28   Je serais très honoré d'être déclaré coupable sur la base d'interprétations


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  1   et de descriptions faites par le Procureur ici aujourd'hui ou sur la base

  2   d'erreurs de traduction de documents traitant de la destruction d'un

  3   certain nombre de parties du paysage naturel en dehors des villages ou en

  4   dehors de la zone d'activité de l'armée de la Republika Srpska. Et

  5   contrairement aux dispositions relatives à qui exerçait l'autorité dans le

  6   cadre des combats, grâce à une application différente de certains éléments

  7   de preuve de l'Accusation pendant mon procès et pendant l'audience

  8   d'aujourd'hui, ceci pourrait arriver.

  9   Donc, je répète une nouvelle fois qu'il y a des interprétations très

 10   différentes qui sont faites par l'Accusation et par la Chambre de première

 11   instance sur le rôle des diverses parties au conflit, c'est-à-dire la VRS

 12   d'une part, l'ABiH de l'autre. Dans une zone démilitarisée sous le contrôle

 13   de la FORPRONU -- et également des interprétations de ces diverses attaques

 14   qui ont été lancées à partir de cette zone située sur le territoire de la

 15   Republika Srpska contre la population, les militaire et même le poste de

 16   commandement, attaques qui doivent être qualifiées d'attaques de sabotage

 17   de la part de l'ABiH contre la VRS. Nous avons soumis des éléments de

 18   preuve démontrant ce fait pendant le procès.

 19   Il y a eu de nombreuses actions de ce genre. Avdo Palic, lui-même, a

 20   évoqué le 10e Groupe de Sabotage qui a attaqué le poste de commandement

 21   avancé de Han Pijesak, ce qui a été le point de départ de la résistance à

 22   l'attaque à partir de Srebrenica et de Zepa au cours de laquelle 50

 23   personnes ont été tuées. C'est la raison pour laquelle ces attaques ont été

 24   repoussées à partir de Zepa, des attaques lancées sur des cotes et des

 25   installations de l'armée de la Republika Srpska en dehors de Srebrenica et

 26   de Zepa.

 27   Je trouve surprenant que nous soyons mis en accusation en raison de

 28   ce qui était notre devoir d'accomplir et en raison de notre volonté de


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  1   défendre par la loi notre action. Nous avions le devoir de défendre la

  2   Republika Srpska. C'était une action légitime. C'était notre action

  3   militaire. C'était l'action militaire légitime qui nous était dévolue

  4   pendant les combats. Mais un mois après les activités de combat de

  5   Srebrenica et de Zepa, il y a eu représailles militaires contre l'armée de

  6   la Republika Srpska et tout le territoire de la Republika Srpska, y compris

  7   contre la population et l'armée, sur l'ordre de l'OTAN et de la FORPRONU.

  8   Et ces deux instances étaient également censées protéger les Serbes et les

  9   non-Serbes, à savoir toutes les parties au conflit.

 10   C'était un acte de représailles qui a été décrit par le général

 11   Rupert Smith, commandant de la FORPRONU à l'époque, et voilà ce qu'il a dit

 12   en réponse à mes questions pendant son témoignage. Il a déclaré que Zlovrh,

 13   le pic le plus élevé au voisinage de Zepa, avait été bombardé en

 14   représailles 30 jours après le départ de la population de Zepa. Mais ce qui

 15   était au centre de l'action à ce moment-là, c'était une dizaine de soldats

 16   qui ont été tués au moment où les communications, les moyens technique de

 17   transmission avaient été détruits avant le bombardement de l'OTAN au sein

 18   de l'armée de la Republika Srpska. Avant l'agression de l'OTAN, le centre

 19   de transmission de l'armée de la Republika Srpska avait déjà été détruit.

 20   L'OTAN, l'ABiH et l'armée de la Republika Srpska ont attaqué. A

 21   partir de transmission de messages qui étaient envoyées à toutes les unités

 22   situées sur le territoire de la Republika Srpska, de la Krajina serbe et de

 23   la République fédérale yougoslave.

 24   Je fais référence uniquement à des faits bien connus de la Chambre de

 25   première instance, de la Chambre d'appel et de tous les habitants de la

 26   Republika Srpska, de la République fédérale de Yougoslavie et de toutes les

 27   anciennes républiques de la Yougoslavie.

 28   Voilà ce qui s'est passé effectivement sur le territoire de la


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  1   Bosnie-Herzégovine. L'agression de l'OTAN contre la Serbie a été dirigée et

  2   commandée par la même personne qui a dirigé et commandé l'agression de

  3   l'OTAN contre la Republika Srpska. Cette attaque de la République fédérale

  4   de Yougoslavie a été faite sous les ordres du commandement Suprême de

  5   l'OTAN à Bruxelles qui pendant la guerre en Bosnie se trouvait être le

  6   commandant de la FORPRONU, et je parle du général Rupert Smith.

  7   C'est alors qu'il y a eu destruction dans cette partie des

  8   préparatifs pour l'agression contre la République fédérale de Yougoslavie,

  9   destruction de la totalité des centres de transmission dans la République

 10   de la Krajina serbe, dans la République serbe et dans la République

 11   fédérale de Yougoslavie. Et on a même détruit les studios de télévision qui

 12   diffusaient les images de ce qui se passait sur le territoire de la

 13   Republika Srpska, de la Krajina serbe et de la République fédérale de

 14   Yougoslavie lorsqu'il s'agit de l'agression de l'OTAN.

 15   Malheureusement, du fait de l'agression de l'OTAN sur le studio de

 16   télévision qui diffusait tout ce qui avait été fait par l'OTAN pendant

 17   l'agression, on a jugé le directeur de cette chaîne de télévision et on l'a

 18   condamné à dix ans de prison, et on a tué 22 employés au centre même qui se

 19   chargeaient de diffuser. On a bombardé partant du signal d'émission et de

 20   diffusion du centre de diffusion.

 21   Ces images ont été présentes pour toutes les personnes qui étaient

 22   sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Et il y a des bombardements qui ont

 23   été présentés à la fin du procès dans cette affaire-ci --

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Tolimir, je m'excuse, mais

 25   vous avez dépassé les dix minutes qui vous ont été accordées. Je vous

 26   accorde une minute de plus pour résumer ce que vous aviez à dire.

 27   L'APPELANT : [interprétation] Merci. L'agression de l'OTAN contre la

 28   Republika Srpska, la Krajina serbe et la République fédérale de


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  1   Yougoslavie, c'est une chose pour laquelle j'ai présenté des éléments de

  2   preuve pendant le procès. Mais pour ce qui est de cette Chambre d'appel,

  3   pour ce qui est de la totalité de la population de ces territoires-là, ce

  4   sont des choses qui sont notoirement connues. Ces éléments de preuve vont

  5   rester comme preuve, et vous verrez bien que les choses se sont produites

  6   comme je vous le dis. S'il y a des éléments contraires à ce que je dis, je

  7   suis disposé à vous répondre et je suis disposé à répondre à tout acte

  8   d'accusation dressé à mon encontre. Mais je me dois de dire que les

  9   critères diffèrent pour ce qui est des parties au conflit du fait de

 10   l'attitude partiale du commandement de la FORPRONU, du commandement de

 11   l'OTAN et de toutes les structures pertinentes au niveau international qui

 12   sont intervenus sur ce territoire au niveau de la République fédérale de

 13   Yougoslavie.

 14   Et je m'excuse d'avoir dépassé le temps imparti. Je vous remercie de

 15   m'avoir autorisé à terminer de la façon dont j'entendais terminer mon

 16   exposé ici. Merci.

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Tolimir.

 18   Ceci met un terme à l'audience en appel. Avant que de lever l'audience, je

 19   voudrais remercier les parties en présence du travail investi dans cette

 20   affaire et des arguments présentés aujourd'hui. Je tiens également à

 21   exprimer notre reconnaissance au personnel du Greffe qui nous a aidés à

 22   organiser ce débat et je tiens à remercier les interprètes de leur

 23   excellente prestation. Les Juges de la Chambre d'appel vont rendre un arrêt

 24   ultérieurement. L'audience est levée.

 25   --- L'audience d'appel est levée à 17 heures 26.

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