International Criminal for the Former Yugoslavia

Page 830

1 (Vendredi 21 septembre 2001.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire, s'il vous

5 plaît.

6 Mme Philpott (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-98-32-T,

7 l'accusation contre Mitar Vasiljevic.

8 (Questions relatives à la procédure.)

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, a été formulée le 18,

10 que je n'ai reçue que mercredi d'ailleurs… Il s'agit d'un rapport adressé

11 au Dr de Grave de la part de quelqu'un qui est spécialiste de l'imagerie

12 médicale, spécialiste de radiologie. S'agit-il d'un autre rapport d'expert

13 pour lequel il faudrait respecter les délais, etc.?

14 M. Groome (interprétation): Ce document a été présenté dans un premier

15 temps en allemand et le texte que vous venez de recevoir est la traduction

16 de ce document d'origine.

17 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. En effet, mon allemand

18 n'est pas formidable!

19 Le témoin?

20 M. Groome (interprétation): Il s'agit de Mirsad Tokaca. J'aimerais

21 revenir, si vous le permettez, à une autre question que nous avions

22 évoquée au titre de l'Article 92bis. Et on nous a demandé de présenter une

23 copie des déclarations en indiquant les passages qui nous semblent

24 particulièrement pertinents.

25 M. le Président (interprétation): En effet, c'est une des difficultés que

Page 831

1 nous avons en raison de la manière de mener les enquêtes et de prendre les

2 déclarations. Si vous présentez l'ensemble de la déclaration, cela nous

3 donne beaucoup d'informations. Mais en effet, si vous pouvez les présenter

4 selon l'Article 92bis, ce serait extrêmement utile.

5 M. Groome (interprétation): Nous appelons alors M. Mirsad Tokaca.

6 (Le témoin, M. Mirsad Tokaca, est introduit dans le prétoire.)

7 M. le Président (interprétation): Veuillez prononcer la déclaration

8 solennelle selon le document que l'huissier vient de vous remettre, s'il

9 vous plaît.

10 M. Tokaca (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

12 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

13 Monsieur Groome?

14 (Interrogatoire principal du témoin, M. Mirsad Tokaca, par Me Groome.)

15 M. Groome (interprétation): ,Bonjour Monsieur Tokaca.

16 Mirsad Tokaca (interprétation): Bonjour.

17 M. Groome (interprétation): J'aimerais vous demander, s'il vous plaît, de

18 nous parler de votre formation.

19 M. Tokaca (interprétation): Le seul diplôme que j'ai obtenu est le diplôme

20 de sciences politiques de Sarajevo où j'ai donc fait mes études. Pendant

21 ma vie professionnelle, j'ai étudié le droit et l'économie. Au début de ma

22 carrière, j'ai travaillé comme journaliste, j'ai travaillé pour la

23 télévision de la Bosnie-Herzégovine. Après, j'ai changé de travail et j'ai

24 travaillé auprès des syndicats de Bosnie-Herzégovine comme analyste de la

25 politique sociale et des questions de politique sociale. Et au début des

Page 832

1 réformes économiques dans la Yougoslavie communiste, j'ai rejoint un petit

2 groupe de gens. J'ai créé une société qui s'occupait de gestion

3 financière, de marketing et d'échange.

4 Pendant la guerre, on m'a demandé d'être responsable d'un comité qui était

5 chargé de collecter des informations, des renseignements sur les crimes de

6 guerre. Pour nous, c'était une expérience tout à fait nouvelle, nous

7 n'avions jamais travaillé dans ce domaine auparavant, ce qui fait que j'ai

8 été obligé de faire davantage d'études, j'ai été obligé d'étudier toute

9 une série de questions liées aux Droits de l'Homme, au droit humanitaire

10 international, etc., et depuis dix ans, à toutes fins utiles, c'est le

11 domaine dans lequel je travaille.

12 Je me consacre aux crimes de guerre, à l'étude des crimes de guerre, à

13 l'étude des violations du droit humanitaire international. Je crois que

14 c'est extrêmement important à la fois du point de vue professionnel et

15 autrement, j'ai coopéré avec toute une série d'institutions: la communauté

16 internationale, essentiellement l'ONU, pour laquelle j'ai fait des études

17 sur les disparus entre 1995 et 1996 pour la commission de l'ONU des Droits

18 de l'Homme, ainsi que pour ses sous-comités.

19 M. le Président (interprétation): J'étais sur le point de vous

20 interrompre. N'oubliez pas, Monsieur le Témoin, que vous êtes interprété

21 en anglais et en français. Cela pose parfois des difficultés, surtout si

22 vous parlez assez vite. Ayez la gentillesse de parler un peu plus

23 doucement et de faire des pauses.

24 M. Groome (interprétation): J'aimerais revenir un instant sur votre

25 formation Est-ce que vous avez fait des études supérieures de deuxième ou

Page 833

1 troisième cycle?

2 M. Tokaca (interprétation): Oui. J'ai fait, en effet, des études dans le

3 domaine des relations internationales. Et à l'heure actuelle, étant donné

4 mes activités dans la cadre de la commission de l'ONU, je travaille sur

5 une thèse qui porte sur le rôle de la communauté internationale dans la

6 résolution des conflits et la prévention des conflits en ex-Yougoslavie,

7 avec une attention particulière pour la Bosnie-Herzégovine.

8 Question: Est-ce que vous vous êtes donc occupé de la collecte

9 d'informations concernant les crimes de guerre dans la République de

10 Bosnie-Herzégovine? Est-ce que vous connaissez l'organisation qui s'en

11 occupe, la commission d'Etat?

12 Réponse: Oui. En effet, depuis le début je travaille en collaboration avec

13 cette commission. Je m'occupe de mettre au point la méthodologie, de

14 collecter les données, de faire des photographies et d'effectuer des

15 analyses de ces différents faits, et aussi d'organiser la coopération avec

16 le Tribunal international.

17 Avant, ce comité d'experts était mis en place, il était rattaché à l'ONU.

18 Et, en effet, depuis dix ans je travaille dans ce domaine avec différentes

19 personnes.

20 Question: Monsieur Tokaca, à quelle date cette commission a-t-elle été

21 fondée?

22 Réponse: Le 28. La commission, comme je le disais, a été fondée le 28

23 avril, par décret, par la présidence de Bosnie-Herzégovine en tant

24 qu'organe autonome et indépendant sans préjugé aucun. Cette commission

25 était composée d'individus et non pas de personnalités politiques qui

Page 834

1 avaient été impliquées dans les activités de partis politiques. Il s'agit

2 donc d'experts individuels, experts dans chacun des domaines dont

3 s'occupait la commission.

4 Question: La commission a été fondée en 1992, n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui, c'est cela.

6 Question: Et cette commission était composée de personnes d'origines

7 ethniques diverses, de tous les groupes qui habitaient en Bosnie-

8 Herzégovine?

9 Réponse: Oui. En effet, la commission était composée des représentants de

10 tous les groupes ethniques qui habitaient à l'époque en Bosnie-

11 Herzégovine, et c'est ainsi que cette commission fonctionne depuis cette

12 date et jusqu'à aujourd'hui.

13 Question: Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous décrire en une phrase ou deux

14 quel est l'objectif essentiel de cette commission?

15 Réponse: L'objectif essentiel de cette commission est de collecter des

16 faits, des informations sur les crimes de guerre qui ont été commis à

17 l'encontre de la population civile à travers l'ensemble du territoire de

18 la Bosnie-Herzégovine quelle que soit leur origine ethnique, religieuse,

19 sociale ou autre. Cela signifie collecter des faits sur des gens qui

20 auraient subi des crimes de guerre en accord avec les Conventions de

21 Genève.

22 Question: Lorsque vous dites "collecter des informations", est-ce que cela

23 comprend également des témoignages qui auraient été collectés également,

24 la déposition de témoins?

25 Réponse: Nous avons, en effet, recueilli des dépositions, des déclarations

Page 835

1 de victimes, mais également des faits qui ont été relatés par des témoins

2 oculaires de ces faits ou des déclarations de personnes qui auraient eu

3 connaissance des causes de ces crimes ou du déroulement, des informations

4 sur le déroulement de ces crimes. Et nous avons, en effet, collecté des

5 photographies et d'autres documents sur la destruction du patrimoine

6 culturel, sur les meurtres, sur les assassinats... Nous avions des

7 documents vidéo qui nous permettaient de compléter les déclarations des

8 témoins. Et nous avions d'autres éléments de preuve matériels qui nous

9 permettaient de compléter nos enquêtes.

10 Question: Aviez-vous des photographies sur les crimes commis?

11 Réponse: Nous avions notre propre studio photographique. Nous avions une

12 équipe de photographes qui se chargeait de cet aspect, évidemment dans le

13 cadre des moyens dont nous disposions.

14 Comme vous savez sans doute, nous travaillions dans des conditions

15 particulièrement difficiles lorsque Sarajevo était assiégée. Et une partie

16 des documents que nous avons collectés pendant que nous avions collecté

17 des informations comportaient des photographies, des vidéos qui avaient

18 été prises à l'époque.

19 Notre méthode était la suivante: nous faisions appel à tous les individus,

20 à toutes les institutions qui pouvaient nous apporter les éléments de

21 preuve dont nous avions besoins et qui étaient en mesure de contribuer à

22 ce que les éléments de preuve soient réunis afin d'éclaircir les faits sur

23 les crimes qui avaient eu lieu, qui relevaient de la tâche de la

24 commission, et toute information qui pouvait nous donner un autre

25 éclairage sur ces faits.

Page 836

1 Nous avons fait appel également à d'autres sources telles que les médias

2 qui étaient en mesure d'avoir accès à des terrains qui ne nous étaient pas

3 accessibles.

4 Question: Est-ce que, parmi ces informations, vous avez des extraits des

5 médias de l'époque du conflit? Et est-ce que vous avez des extraits des

6 médias d'Etat, par exemple de Bosnie-Herzégovine ou d'autres parties de

7 l'ex-Yougoslavie?

8 Réponse: Oui. Tous les extraits que nous avons pu réunir ont été stockés

9 dans nos archives afin de pouvoir en faire appel le moment venu et afin de

10 pouvoir les fournir au Tribunal. Car, en fait, notre rôle était simplement

11 de collecter les faits et les éléments de preuve et de les conserver.

12 Puis, lorsque l'on en avait besoin… On pensait que ce serait le Tribunal

13 national qui en aurait besoin, par la suite c'est ce Tribunal-ci, à La

14 Haye, qui nous demandait ces informations. Et donc, notre rôle était de

15 fournir ces pièces afin de prouver que les crimes avaient eu lieu.

16 Question: Au printemps 1992, est-ce que les institutions du Gouvernement

17 qui, normalement, auraient été chargées de collecter des éléments de

18 preuve sur les crimes, est-ce que ces institutions fonctionnaient à

19 l'époque?

20 Réponse: Justement, malheureusement ces institutions ne fonctionnaient pas

21 pour la plupart à l'époque. Les infrastructures et l'Etat ont été, pour

22 ainsi dire, détruites. C'est pourquoi la police… Les choses que feraient

23 normalement la police ou les services secrets n'ont pas été accomplies,

24 tout simplement parce que ces institutions n'étaient pas en mesure

25 d'accomplir leurs fonctions normales étant donné la situation tout à fait

Page 837

1 particulière de la Bosnie-Herzégovine à l'époque.

2 Donc la commission, surtout au cours des premiers mois de mai, juin,

3 juillet et août -c'est-à-dire le premier mois de son existence-, était

4 vraiment l'institution la plus importante, on peut dire l'une des plus

5 importantes, qui collectait des informations.

6 M. Groome (interprétation): J'aimerais vous demander maintenant de

7 visionner une vidéo, et j'aimerais d'ailleurs que nous passions en huis

8 clos partiel. Il s'agit d'une vidéo qui comporte le témoignage d'un témoin

9 protégé: le VG-116.

10 (Huis clos partiel à 9 heures 45.)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (Audience publique à 9 heures 47.)

25 (L'audience, suspendue à 9 heures 47, est reprise à 14 heures.)

Page 838

1 M. le Président (interprétation): Nous pouvons maintenant reprendre à

2 l'endroit où nous avons malheureusement été interrompus avant.

3 Malheureusement, ceci est une salle d'audience confortable alors que la

4 semaine prochaine, nous retournons dans la petite boîte d'allumettes.

5 M. Groome (interprétation): Est-ce que nous devons maintenant aller en

6 séance à huis clos partiel?

7 M. le Président (interprétation): Oui, très bien, si nous n'allons pas

8 faire exploser les matériels techniques.

9 M. Groome (interprétation): Non, non. Les techniciens m'assurent que tel

10 ne sera pas le cas.

11 M. le Président (interprétation): Très bien, auquel cas on peut montrer la

12 vidéo.

13 (Huis clos partiel à 14 heures.)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (Audience publique à 14 heures 05.)

20 M. Groome (interprétation): Monsieur Tokaca, est-ce que vous reconnaissez

21 ce film vidéo?

22 M. Tokaca (interprétation): Oui, oui, on a vu ça dans les archives. Et la

23 première partie de ce film vidéo a été montrée à la télévision de

24 Belgrade. A l'époque, nous prenions des programmes de télévision de

25 partout parce que nous voulions des informations. Nous nous trouvions dans

Page 839

1 la ville de Sarajevo qui était occupée et vous voyez le générique de

2 personnes qui avaient fait cela. Et la dernière partie de ce film est une

3 bande vidéo qui avait été filmée par l'équipe de la télévision de

4 Sarajevo.

5 Question: Pourriez-vous nous dire à quel moment, dans cette bande vidéo,

6 nous passons de la télévision Belgrade à la télé de Sarajevo?

7 Réponse: Les 20 dernières secondes, au moment où vous voyez l'entrée de

8 l'armée du Corps d'Uzice. Ceci vient de la télévision de Belgrade, alors

9 que l'on voit aussi des hélicoptères; alors que les 10 ou 15 dernières

10 secondes étaient des images prises par la télévision de Sarajevo.

11 Question: Est-ce qu'il y a un symbole, sur la bande vidéo, qui montre

12 quelle a été la télévision, la chaîne de télévision qui a fait ces prises

13 de vue?

14 Réponse: Oui, en haut, à gauche, vous voyez "RTV" et ce qui était signé,

15 le générique cyrillique était en bas de l'écran. En revanche, à la fin,

16 vous voyez ce qui est marqué en lettres latines, en alphabet latin, et

17 c'est marqué "TVA".

18 Question: Là où c'est marqué "RTB", cela nous indique que ce sont des

19 images de la télévision de Belgrade?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Et je suppose que la vidéo que nous venons de voir est à peu

22 près la même que celle que vous aviez dans vos archives?

23 Réponse: Oui, elle est à peu près dans le même état. Nous avions les

24 formats qui n'étaient pas tout à fait les meilleurs. Nous étions obligés

25 de filmer selon le forma VHS qui, avec le temps qui passe, perd un peu de

Page 840

1 sa qualité. Mais je crois qu'en l'occurrence, la bande n'a pas trop perdu

2 de sa qualité.

3 Question: Est-ce que les images ont été changées d'une façon ou d'une

4 autre?

5 Réponse: Non, elles sont les mêmes que nous les avons prises de l'autre

6 télé, et elles sont exactement les mêmes que nous avons envoyées à ce

7 Tribunal.

8 M. Groome (interprétation): Nous voudrions verser au dossier la vidéo

9 P142.1 qui est la vidéo.

10 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous dire quelle en est la

11 pertinence, en l'espèce? Parce que nous répétons quelque chose qui a déjà

12 été versé.

13 M. Groome (interprétation): Mais ce n'est pas la même chose qu'un autre

14 témoin, et nous ne l'avons pas versé.

15 M. le Président (interprétation): Quel qu'en soit le cas et si c'est déjà

16 versé au dossier ou non, je ne sais pas quelle en est la pertinence. Nous

17 avons déjà perdu beaucoup de temps là-dessus. Qu'est-ce que cela montre?

18 M. Groome (interprétation): Oui, parce que cela se réfère à la période

19 pertinente pour notre affaire. Et deuxièmement, je devrais établir

20 certaines bases, jeter les bases que le témoin VG-116 n'a pas faites.

21 M. le Président (interprétation): Si cela nous montre la situation au

22 moment où la guerre a commencé, je suis désolé mais cela ne m'a pas aidé,

23 pas du tout. Est-ce que nous pourrions entendre quelque chose de la part

24 de cet homme qui est pertinent pour notre affaire, s'il vous plaît?

25 En tout, Maître Domazet, avez-vous des objections à ce que cette bande

Page 841

1 soit versée au dossier?

2 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, je suis d'avis que

3 cette prise de vue qui est composée de deux parties -comme le témoin nous

4 a dit, la deuxième partie vient de la télé de Sarajevo- mais à la fin,

5 nous avons l'impression qu'il s'agit de deux reportages différents, et

6 j'ai l'impression qu'il ne s'agit même pas du même événement.

7 Il y a eu deux caméramans, selon moi, et il est très difficile de croire

8 que c'était un événement pris le même jour, donc je dois douter dans la

9 valeur de cette pièce à conviction. Mais bien sûr, il est à vous, il vous

10 appartient de décider si vous allez l'accepter en tant que pièce à

11 conviction.

12 M. le Président (interprétation): Mais la crédibilité dépend de la

13 pertinence. Qu'est-ce que vous essayez de faire prouver ici?

14 M. Groome (interprétation): Cela corrobore la déposition du témoin VG-116

15 qui a dit que quelques moments après ces prises d'images, des soldats de

16 la JNA…

17 M. le Président (interprétation): Mais cela ne corrobore pas ceci du

18 tout. Et si nous devons déjà le prendre en considération, nous avons déjà

19 cette prise de vue mais la crédibilité dépend de ce que cela peut prouver.

20 Pour moi, ce n'est pas un problème si les sources sont différentes mais il

21 faut savoir si celui-ci, ce sont des images de quelque chose qui ont été

22 prises à un moment donné. Mais qu'est-ce que cela prouve?

23 Excusez-moi, mais qu'est-ce que cela prouve, s'il vous plaît?

24 M. Groome (interprétation): Cela corrobore les témoignages dont nous avons

25 parlé dans ce procès.

Page 842

1 M. le Président (interprétation): Mais la qualité de cela ne prouve rien.

2 Personne n'a contesté que ce corps d'armée est rentré à Visegrad, personne

3 ne conteste cela, donc ça ne nous aide pas. De quelle autre façon ça peut

4 nous aider?

5 M. Groome (interprétation): Bien sûr, la Chambre peut déterminer que cela

6 n'a aucune valeur et que cela ne prouve rien, mais le témoin 116 nous dit

7 que le corps d'armée est rentré, qu'il a rencontré quelqu'un, qu'ils ont

8 été insultés par les forces paramilitaires et que l'un de ses amis a été

9 enlevé et mis sur un camion par des paramilitaires. Et ceci est pertinent

10 non seulement parce que ça corrobore la déposition de ce témoin, mais il

11 montre qu'il est là.

12 M. le Président (interprétation): Cela montre tout simplement qu'il a été

13 sur un camion et cela ne corrobore rien du tout, ça ne prouve rien du tout

14 de ce qui s'est passé après.

15 M. Groome (interprétation): Mais ça montre que c'était un camion sur

16 lequel il y avait les soldats de la JNA.

17 M. le Président (interprétation): Mais nous l'avons déjà comme preuve.

18 M. Groome (interprétation): Dans ce cas-là je m'excuse, parce qu'il n'a

19 pas été le gardien de la vidéo.

20 M. le Président (interprétation): Vous nous dites que vous voulez jeter

21 des bases pour que cela devienne une preuve, mais le premier critère est

22 la pertinence. Qu'est-ce que cela peut bien prouver? Rien du tout.

23 Continuons avec cette affaire. Je me rappelle qu'une fois, il y avait un

24 conseil qui essayait de montrer des photographies toutes les cinq minutes

25 pour que les Juges ne s'endorment pas. Tenons-nous à ce qu'il y ait

Page 843

1 pertinence? Je ne vois pas de valeur probante. Si on ne conteste pas la

2 crédibilité, où est-ce que cela nous mène?

3 M. Groome (interprétation): C'est la crédibilité du témoin 116.

4 M. le Président (interprétation): Non, de la bande vidéo, parce que Me

5 Domazet se demandait quelle était la crédibilité de la bande vidéo.

6 Qu'est-ce que cela prouve, en l'espèce?

7 M. Groome (interprétation): Je viens de vous le dire. Si vous ne

8 l'acceptez pas...

9 M. le Président (interprétation): Je ne vois pas où est la pertinence et

10 cela ne nous aide pas.

11 M. Groome (interprétation): Nous allons donc faire une requête et la

12 déposer ce soir pour que ce soit admis.

13 M. le Président (interprétation): Ceci n'est pas notre Règlement. On peut

14 verser au dossier. S'il y a une objection, nous pouvons statuer là-dessus

15 et, dans ce cas-là, on rejette la demande.

16 M. Groome (interprétation): Pendant votre travail, Monsieur le Témoin,

17 est-ce que vous couvriez toute la zone de la Bosnie-Herzégovine?

18 M. Tokaca (interprétation): Oui. Dans la commission, nous avons travaillé

19 avec toutes les victimes qui ont souffert pendant toute la période de la

20 guerre, du début jusqu'à la fin de la guerre.

21 Question: Est-ce que vous avez enquêté sur tous les crimes commis quelle

22 que soit l'origine ethnique de la personne qui les avait perpétrés?

23 Réponse: Absolument. Nous nous concentrions tout le temps sur des

24 personnes qui ont été victimes du conflit armé, et aucun critère religieux

25 ou ethnique n'était pris en compte.

Page 844

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

13 pagination anglaise et la pagination française.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 845

1 Question: Avez-vous aussi été responsable de l'analyse de la plupart du

2 matériel que la commission a pu recueillir?

3 Réponse: Oui, j'ai été tout à fait responsable de cela dans la majorité

4 des cas, parce qu'on a essayé de trouver quelles personnes étaient

5 pertinentes pour faire des déclarations. Et aussi, je choisissais, je

6 faisais une sélection d'autres documents tels que les photos ou des bandes

7 vidéo.

8 Question: Pendant votre travail à la commission, avez-vous pu rencontrer

9 des cas ou des exemples où des personnes qui ont commis des crimes ont dit

10 des mensonges aux victimes pour faciliter ces crimes?

11 Réponse: Une grande partie des événements que nous avons analysés, nous

12 avons vu que des gens se sont trouvés dans des pièges, ils étaient

13 victimes des mensonges.

14 Ici, nous parlons du cas de Visegrad mais je peux vous donner d'autres

15 données. Ce que je voudrais dire, c'est qu'une fois que Visegrad a été

16 pris par les unités du Corps d'Uzice et de la JNA, dans cette partie de

17 l'attaque une grande majorité des habitants de Visegrad avaient quitté la

18 ville. Ils ont trouvé refuge dans différents endroits, la majorité d'entre

19 eux à Gorazde. Ils y sont restés pendant quelques jours et dans la période

20 allant du 13 au 14 avril jusqu'au 18 avril, c'était la JNA qui les a

21 invités à retourner chez eux. On leur avait dit que leur sécurité était à

22 100 % garantie, une fois qu'ils seraient de retour chez eux et qu'ils

23 pouvaient continuer à vivre normalement.

24 Malheureusement, c'est à la période quand ils sont rentrés chez eux que

25 des crimes ont commencé à être commis sur le territoire de la municipalité

Page 846

1 de Visegrad, à savoir des homicides et des disparitions des personnes.

2 Nous avions appris des évacuations mensongères de Visegrad. On faisait

3 rassembler les gens, on leur demandait où ils voulaient aller dans ces

4 cars.

5 Tout le monde a dit, à la demande expresse, où ils voulaient partir. On

6 leur a dit à Skopje, mais tout le groupe a été amené à Sokolac. Ils se

7 sont arrêtés là-bas et un groupe de 60 hommes a été enlevé. Selon les

8 témoins, 60 à 62 hommes, et toutes traces se perdent de ces hommes-là.

9 Question: Y a-t-il d'autres exemples de la région de Visegrad que vous

10 connaissez?

11 Réponse: L'exemple de Visegrad n'est pas un exemple isolé de cette

12 tentative de rassembler les gens sous de faux prétextes et, après, de les

13 liquider ou de les mettre dans des camps ou dans des prisons.

14 Des cas similaires, on a pu les voir à Zvornik. On a dit aussi aux gens

15 qu'ils pouvaient rentrer chez eux et on leur garantissait la sécurité

16 totale. On disait la même chose de la JNA s'ils rendaient leurs armes. Les

17 gens, pour la plupart, avaient des armes personnelles ou peut-être

18 d'autres types d'armements et après il y a eu des meurtres.

19 A Sarajevo, par exemple, on connaît très bien la déclaration du général

20 Kukanjac vers la fin du mois d'avril quand il a dit, et je le cite:

21 "L'armée ne va pas détruire une seule fourmi." Et c'est à ce moment-là que

22 des grands pilonnages de Sarajevo ont eu lieu et beaucoup de civils ont

23 osé, juste après cette déclaration, sortir dans la rue et qui ont péri.

24 Aussi dans la municipalité de Kljuc, on a dit aux gens de se rassembler du

25 côté de l'école et qu'on leur donnerait des permis qui leur permettraient…

Page 847

1 des laissez-passer pour circuler librement. Et après, un grand nombre

2 d'entre eux ont disparu.

3 Voilà, ce sont d'autres exemples qui me viennent à l'esprit maintenant.

4 M. Groome (interprétation): Connaissez-vous si des cas où les témoins, les

5 victimes des crimes ont été appelés sous de faux prétextes de venir faire

6 des dépositions au commissariat de police, et après ils ont été victimes

7 de maltraitances?

8 M. Tokaca (interprétation): C'est un scénario qui s'est répété à beaucoup

9 d'endroits en Bosnie-Herzégovine qui, à l'époque, était sous contrôle de

10 la JNA. L'exemple de Prijedor est assez intéressant en la matière: les

11 personnes étaient convoquées pour des dépositions au commissariat de

12 police et après, ils ont soit été tués, soit leurs traces se perdent

13 complètement.

14 Je me souviens, maintenant: il y a un cas à Visegrad, par exemple, en

15 1992. A une date précise, on a appelé les gens par la radio de Visegrad où

16 on leur a dit que le 27 juin au plus tard, ils devaient reprendre leur

17 travail sinon ils seraient licenciés. Il y avait l'usine de Varda, à

18 Visegrad, qui est connue.

19 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Souvenez-

20 vous de ce que vous avez dit ce matin: vous devez parler plus lentement

21 parce que vous êtes en train d'user nos interprètes.

22 M. Tokaca (interprétation): Je m'excuse.

23 Je viens donc de mentionner ce cas qui a eu lieu à Visegrad. On a fait un

24 appel public à la radio Visegrad, on a demandé aux gens de retourner au

25 travail soi-disant parce qu'il y avait une obligation de travail et

Page 848

1 beaucoup de personnes qui l'ont écouté, ils sont allés au travail, ils ont

2 été arrêtés et on ne sait pas ce qu'il est advenu d'eux.

3 Je le mentionne pour vous dire que les circonstances… qu'il y avait des

4 circonstances différentes et les gens disparaissaient. Toutes ces

5 disparitions ont eu lieu pendant une période de quelque mois, mais c'était

6 un modèle qu'on voyait au moment où, dans une région, il n'y avait pas

7 d'activité militaire. L'armée contrôlait complètement une zone, c'est pour

8 cela que j'ai cité le cas de Visegrad. Je peux citer le cas de Zvornik, de

9 Bratunac, de Prijedor ou de Sanski Most. L'armée était complètement en

10 contrôle de la zone et après, les gens ont commencé à disparaître.

11 Question: Est-ce que l'on peut dire que dans ces municipalités telles que

12 Zvornik, Bratunac, Prijedor et Sanski Most, que ces événements se sont

13 produits à peu près à la même époque que les événements que vous venez de

14 décrire et qui avaient eu lieu à Visegrad?

15 Réponse: Cela se passait à peu près à la même période. Les disparitions

16 les plus massives ont eu lieu au mois d'avril et puis cela a monté, ça a

17 atteint son sommet en mai, juin. Et, quelque part au mois d'août, ça a

18 commencé à se tasser un peu.

19 Nous avons fait des études selon les trois sources. Nous avons un

20 échantillon de contrôle qui, pour nous, était les listes de la Croix-

21 Rouge. Puis on a pris les données de la commission pour la recherche des

22 personnes disparues, et puis nous avons des données de notre commission

23 aussi.

24 Nous ne faisions pas de listes des disparus. Nous avons parlé avec des

25 témoins qui étaient en mesure de nous donner de façon la plus étayée

Page 849

1 possible, la façon dont telle ou telle personne ait pu disparaître, le

2 contexte de cela.

3 M. Groome (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Tokaca. Je n'ai

4 plus de questions pour vous.

5 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, c'est à vous.

6 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Mirsad Tokaca, par Me Domazet.)

7 M. Domazet (interprétation): Monsieur Tokaca, quand vous avez parlé de la

8 création de la commission dans laquelle vous avez travaillé, vous avez

9 expliqué quels ont été les critères pour devenir membre d'une telle

10 commission. Ce que je voudrais savoir, c'est quel a été le nombre de

11 membres d'une commission. Est-ce que ce nombre avait été fixe? Comment a-

12 t-il été fixé?

13 M. Tokaca (interprétation): La commission se composait de deux parties:

14 une partie en était professionnelle et une deuxième partie des membres

15 était bénévole. La partie professionnelle était composée de trois

16 personnes a la tête desquels je me suis trouvé moi-même. Quant aux

17 bénévoles, cela variait: ça allait de 20 à 50 personnes selon les

18 périodes.

19 Donc, les experts que nous engagions n'étaient jamais… Leur nombre n'était

20 jamais le même parce que, selon notre règlement interne, nous avions la

21 possibilité d'engager des gens que nous estimions être à même de

22 contribuer au travail de la commission de par leur expertise.

23 Question: Mais, Monsieur Tokaca, vous parlez ici des experts qui aidaient

24 la commission dans son travail?

25 Réponse: Oui, j'ai dit qu'il y avait trois membres permanents: M. Stjepan

Page 850

1 Kljujic, membre de la présidence, M. Miro Lazovic qui, à l'époque, était

2 député au Parlement; et aussi M. Jahic qui était l'un des ministres du

3 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Nous avons suivi, ici, l'ancien

4 principe en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire les représentants des trois

5 groupes ethniques. Mais nous avons aussi respecté cela dans la mesure du

6 possible quand il s'agissait aussi des professionnels que nous engagions.

7 Question: Est-ce que vous voulez dire par cela que êtes partis d'un

8 principe proportionnel d'un point de vue ethnique, que donc les Serbes de

9 Bosnie faisaient aussi partie de cette commission?

10 Réponse: Oui, cela est évident.

11 Question: Pourriez-vous dire qui ont été…

12 Réponse: Oui, j'ai dit: M. Miro Lazovic. Je vous parle ici des permanents.

13 Quant aux professionnels, aux experts, ils étaient nombreux. Laissez-moi

14 me souvenir un peu des noms. Il y avait: Jelena Grbic, il y avait M. Pajic

15 qui est professeur de la faculté de droit. Peu importe quel était leur

16 nombre, nous n'avons jamais fait nos comptes d'apothicaire: qui

17 appartenait à quel groupe ethnique? Nous faisions attention au type de

18 travail qu'il y avait à faire. A vrai dire, ceci est sans importance, même

19 si certains semblent y donner une importance considérable.

20 Question: Monsieur Tokaca, quand vous avez parlé du fait que vous avez

21 essayé de recueillir des données de tout le territoire de Bosnie-

22 Herzégovine, et étant donné qu'une grande partie du territoire ne se

23 trouvait pas sous le contrôle de Sarajevo -c'est-à-dire de votre

24 commission-, donc il y avait des régions qui ne vous étaient pas

25 accessibles?

Page 851

1 Réponse: Il n'y avait aucune partie du territoire qui était sous contrôle

2 de la commission. La plupart du territoire de Bosnie-Herzégovine était

3 occupé par l'armée populaire yougoslave. Nous essayions de récolter les

4 données de toutes les sources possibles et imaginables, mais nous

5 essayions de couvrir tout le territoire même si nous n'avions pas accès

6 direct. Nous voulions avoir des données sur les victimes de tout le

7 territoire. Il était bien sûr impossible d'avoir accès à tous les endroits

8 de Bosnie-Herzégovine. Ceci était impossible mais, dans la mesure du

9 possible, nous essayions d'y envoyer une équipe d'experts. Ceci, bien sûr,

10 demandait beaucoup d'efforts et un grand réseau de personnes sur le

11 terrain. Mais nous avons essayé de respecter un principe d'impartialité.

12 Mais, bien sûr, nous ne prétendions pas que nous pouvions réellement

13 couvrir chaque recoin de Bosnie-Herzégovine, ce n'était pas dans notre but

14 non plus.

15 Après, d'autres institutions se sont créées. Par exemple, il y avait le

16 comité d'experts des Nations Unies en 1992-93, qui ont pu bénéficier aussi

17 des données recueillies par nous. En 1994, ce Tribunal a commencé son

18 travail et cela a grandement facilité le travail de notre commission.

19 Question: Monsieur Tokaca, moi je ne suis pas ici le conseil de la JNA qui

20 d'ailleurs n'est pas du tout mise en accusation, et peut-être ne devrais-

21 je pas du tout vous poser la question-là, la question que je vais vous

22 poser… Mais vous avez dit, pourtant, que la JNA avait occupé la plus

23 grande partie de la Bosnie-Herzégovine. Et c'est ceci qui me dérange car,

24 à partir du moment où la JNA était présente sur le territoire de Bosnie-

25 Herzégovine, pour autant que je le sache, c'est parfaitement légal puisque

Page 852

1 c'était la seule force autorisée à s'y trouver?

2 Réponse: Pour autant que je le sache, la Bosnie-Herzégovine a gagné son

3 indépendance le 6 avril et les troupes de la JNA sont restées présentes

4 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine jusqu'à la fin de la guerre.

5 Donc, les troupes venant de la Yougoslavie.

6 Question: Je vais vous poser une question plus précise, me semble-t-il:

7 est-ce que la JNA s'est retirée de la Bosnie-Herzégovine le 19 mai 1992?

8 Réponse: Je ne pourrai vous répondre à cette question-là parce que je ne

9 suis pas du tout au courant de son retrait.

10 Question: Monsieur Tokaca, quand vous dites que nous n'êtes pas au courant

11 de ce retrait, cela veut-il dire que vous ne savez pas qu'ils se sont

12 retirés le 19 mai ou au mois de juin, ou bien est-ce que vous dites que

13 vous ne savez pas que les troupes de la JNA se sont jamais retirées du

14 territoire de la Bosnie-Herzégovine?

15 Réponse: Je pense que la JNA ne s'est jamais, en effet, retirée du

16 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Ni ses officiers, ni ses soldats, ni

17 les armes appartenant à la JNA, l'équipement plutôt.

18 Question: Je vais passer maintenant à un autre sujet que vous avez abordé.

19 Concernant le nombre de disparus de la ville de Visegrad durant la période

20 où la JNA était présente sur le territoire de la ville de Visegrad, ainsi

21 que les meurtres qui s'y sont produits. Vous avez dit que pendant que la

22 JNA s'y trouvait sur le territoire de Visegrad, qu'il y a eu beaucoup de

23 disparitions et beaucoup de meurtres?

24 Réponse: C'est tout à fait exact. Il y a eu beaucoup de cas et ce que je

25 vous dis, eh bien, c'est parce que je connais des personnes, j'ai les noms

Page 853

1 de ces gens qui entrent le deuxième jour après la Bajram, donc entre le 6

2 ou 7 avril et plus tard, donc des gens qui ont été tués, qui ont disparu

3 sans jamais revenir et ceci s'est continué. Je parle ici des disparitions

4 de Visegrad.

5 Question: Est-ce que vous avez cette liste-là?

6 Réponse: Oui, je l'ai, bien sûr. Il s'agit de listes parfaitement

7 publiques qui sont accessibles, tout à fait accessibles aux enquêteurs de

8 ce Tribunal qui peuvent, à tout moment, avoir accès à ces listes.

9 Question: Peut-être avez-vous examiné ces listes juste avant de venir ici?

10 Est-ce que vous vous souvenez d'un Serbe de Visegrad répondant au nom de

11 Indic, qui était parmi les premières victimes de la ville?

12 Réponse: Moi, j'ai déjà dit que non, on ne faisait pas la différence entre

13 les appartenances ethniques des différentes victimes. Je ne sais pas qui

14 était la première victime de Visegrad. Je sais qu'il y a eu beaucoup de

15 victimes de partout mais nous, nous n'avons pas vraiment examiné leur

16 appartenance ethnique. Mais si quelqu'un veut le faire, nous disposons de

17 ces informations et ceci serait facile de le vérifier.

18 Question: Je pense que vous avez dit vous-même que la Croix-Rouge

19 internationale disposait d'une liste précise concernant les disparitions

20 des personnes par rapport à différentes périodes et, si je ne me trompe,

21 aussi par rapport à leur appartenance ethnique. Est-ce que vous êtes au

22 courant de cela?

23 Réponse: Oui, et j'utilise de façon très intense ces listes appartenant à

24 la Croix-Rouge internationale. Il s'agit de gros dossiers, il s'agit de

25 plus de 20.000 personnes disparues sur le territoire de la Bosnie-

Page 854

1 Herzégovine. Mais jamais, jamais vous n'allez retrouver une indication

2 concernant l'appartenance ethnique de ces victimes. Vous allez trouver son

3 nom, son lieu de naissance, la date de sa disparition, le nom du père et

4 le numéro d'enregistrement, comme ils disent. A aucun endroit je n'ai vu

5 d'information concernant l'appartenance ethnique de ces disparus.

6 Question: Monsieur Tokaca, ce que je viens de dire, je l'ai dit en me

7 fondant sur les informations qui ont été présentées par un expert ici,

8 dans cette affaire même, devant cette même Chambre. C'est un expert qui

9 nous a montré de telles informations mais, évidemment, j'admets la

10 possibilité que vous ayez une autre opinion là-dessus.

11 Mais ces tableaux concernant la disparition des personnes sur le

12 territoire de Visegrad, des tableaux élaborés par la Croix-Rouge

13 internationale, montrent que finalement ces disparitions étaient

14 négligentes par rapport à ce qui s'est passé plus tard. Donc là, je parle

15 de la période où la JNA était présente à Visegrad, c'est-à-dire jusqu'au

16 19 mai 1992 car moi, je considère cette date comme la date du départ de la

17 JNA du territoire de la ville.

18 Réponse: Moi, je ne parlais pas du nombre de disparus pendant la présence

19 de la JNA là-bas. Moi, j'ai parlé des disparitions de personnes -et nous

20 connaissons leur nom, leur numéro d'enregistrement- pendant toute la

21 période, comme vous avez dit, où l'armée était toujours présente dans la

22 région. Donc, je pense que de toute façon ce numéro n'est pas important.

23 Peu importe le nombre exact de ces personnes. Ce que je peux vous dire -et

24 je tiens à le souligner devant la Chambre-, c'est que les informations que

25 je suis en train de donner ici sont des informations fiables. J'utilise

Page 855

1 les documents publics appartenant souvent à la Croix-Rouge internationale.

2 Et vous dites que dans ces informations, dans ces listes on parle de

3 l'appartenance ethnique. Moi je peux dire que non, tel n'est pas le cas.

4 En tout cas, je ne les ai pas vus.

5 Je ne sais pas ce qu'a dit le témoin qui a comparu avant moi. Tout ce que

6 je peux dire, c'est que dans ce que j'utilise moi, les listes que

7 j'utilise moi, eh bien je ne trouve pas ces informations-là.

8 Question: C'est possible, Monsieur Tokaca. Vous avez peut-être différentes

9 méthodes de travail dans votre commission mais là, nous parlons de la

10 méthode utilisée par la Croix-Rouge internationale et de leurs listes.

11 Mais évidemment, je permets la possibilité que vous ayez une opinion

12 différente de la mienne et je ne veux pas insister davantage sur cette

13 question-là.

14 Quand vous avez parlé de Visegrad, si je vous ai bien compris, vous avez

15 dit qu'après la prise de Visegrad par la JNA -c'est comme ça que vous vous

16 êtes exprimé-, que la plupart de sa population s'est dirigée vers Gorazde.

17 Est-ce que je vous ai bien compris?

18 Réponse: Oui, la plupart de la population s'est dirigée vers Gorazde. Une

19 autre partie s'est dirigée vers le Monténégro, une autre partie en voulant

20 aller vers la Macédoine, une autre partie est partie vers la forêt. En

21 tout cas, ils sont partis un peu partout mais la plus grande partie

22 d'entre eux est partie vers Gorazde.

23 Question: Si je vous ai bien compris, tout cela s'est produit à cause de

24 l'arrivée des unités de la JNA à Visegrad, ou bien y avait-il une autre

25 raison à cela?

Page 856

1 Réponse: Non, il n'y avait pas d'autre raison à cela. Les troupes ont

2 envahi la ville le deuxième jour après Bajram. Les opérations se sont

3 arrêtées 15 jours plus tard à peu près et, entre-temps, tous les points

4 stratégiques avaient été occupés, l'armée était entrée dans la ville de

5 Visegrad. Et avant, de toute façon, les gens étaient partis. Après,

6 l'armée a fait un appel public à travers les médias.

7 Question: Merci, merci. Nous allons parler de cela plus tard. Je vous

8 poserai cette question-là, ne vous inquiétez pas.

9 Mais dites-moi, Monsieur Tokaca, la population aussi bien musulmane que

10 serbe n'a-t-elle pas quitté Visegrad parce qu'un certain Sabanovic avait

11 menacé de faire sauter le barrage de Visegrad et, par cela, submergé la

12 ville avec de l'eau? Donc, est-ce que c'est pas cela la raison pour

13 laquelle cette population est partie de Visegrad avant que les unités de

14 la JNA n'arrivent? Est-ce que vous êtes au courant de cela?

15 Réponse: Oui, oui, je suis au courant de cela. Je pense qu'il s'agissait

16 d'un geste de désespoir. De toute façon, la population commençait déjà à

17 quitter la ville et il s'agissait là des départs que l'on ne pouvait pas

18 arrêter. De toute façon, il s'agissait d'un mouvement amorcé.

19 Question: Donc vous considérez que cette menace concernant les barrages

20 n'a pas eu d'influence sur la décision de la population de quitter la

21 ville?

22 Réponse: Je voulais dire qu'il ne s'agissait pas d'un facteur clé. Peut-

23 être qu'il y a eu une influence, mais les gens avaient déjà commencé à

24 fuir la ville avant.

25 Question: Concernant votre évaluation des événements qui se sont produits

Page 857

1 après l'arrivée de la JNA, et bien que moi aussi je sois au courant des

2 crimes qui s'y sont produits, je dois dire que la plupart des gens ont dit

3 que pendant que le Corps d'Uzice était présent là-bas jusqu'au 19 mai, eh

4 bien, qu'il n'y a pas eu beaucoup de crimes, que ces crimes se sont

5 produits après le 19 mai.

6 Mais je ne veux pas entrer dans cette discussion. Probablement, vous avez

7 d'autres informations que je n'ai pas pu connaître moi.

8 Mais je vais vous poser une autre question.

9 Puisque votre commission a commencé à travailler déjà en 1992 -et

10 travaille encore aujourd'hui sans doute-, est-ce que vous avez collaboré

11 pendant toute cette période-là avec des commissions semblables, qu'elles

12 se trouvent en Serbie ou bien en Republika Sprska, ou bien en Yougoslavie?

13 Réponse: Eh bien, il y a eu une sorte de coopération mais elle n'a pas

14 toujours existé. Les commissions qui existaient jusqu'en 1995 sur le

15 territoire de la Bosnie-Herzégovine, eh bien c'étaient des institutions

16 para-étatiques, pour ainsi dire. Et nous ne pouvions pas donc collaborer

17 avec eux, puisqu'il n'y avait pas avec qui coopérer parce que nous, nous

18 étions une commission d'Etat, de la République de Bosnie-Herzégovine.

19 Après cela, il y a eu de plus en plus de contacts avec toutes sortes

20 d'organisations traitant de ce même problème.

21 Par exemple, je vais vous donner un exemple: je viens juste d'arriver de

22 Sarajevo. Le 10 et le 11, eh bien, nous avons une conférence

23 internationale concernant les enfants et les victimes de la guerre et les

24 destructions qui sont survenues après la guerre. Et donc, à cette

25 conférence, sont venus les gens de Banja Luka, des représentants des

Page 858

1 institutions officielles de Bosnie-Herzégovine, de ces différentes

2 structures, etc..

3 En ce qui concerne la coopération, je pense que c'est dans l'intérêt de

4 toutes les victimes. Par exemple, au mois d'août… Comme le fait cette

5 institution vénérable ici.

6 Mais au cours de la guerre, c'était difficile. Entre 1992 et 1995,

7 évidemment nous avons coopérée avec des organisations non-gouvernementales

8 de la Yougoslavie. Par exemple, ceci pouvait être fait. Ou bien, nous

9 avons aussi coopéré avec certaines organisations non-gouvernementales de

10 la Croatie. Nous avons aussi coopéré avec Helsinski Watch, une autre

11 organisation, ou Amnesty international. Nous avons contacté, coopéré avec

12 toutes les organisations qui pouvaient nous aider, qui traitaient des

13 crimes survenus.

14 Question: Je vous ai compris mais moi, ce que je voulais savoir, c'est:

15 est-ce que vous avez par exemple coopérée avec une commission -la même que

16 la vôtre- qui existait à Belgrade? Elle existe aujourd'hui encore. Est-ce

17 que, à l'époque, vous avez coopéré avec cette commission-là?

18 Réponse: A l'époque, non, puisque toute tentative de coopérer avec eux n'a

19 pas vu de succès. Et je le regrette, d'ailleurs. Moi, je suis allé

20 récemment à Belgrade, j'ai encore essayé de le faire. J'ai été avec les

21 représentants du Tribunal, de ce Tribunal-ci.

22 Nous les avons rencontrés, j'ai rencontré aussi des représentants des

23 organisations non-gouvernementales. Nous avons fait toutes sortes de

24 tentatives mais malheureusement, nous n'avons pas reçu de réponse, bien

25 que nous soyons ouverts à toute sorte de coopération.

Page 859

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

13 pagination anglaise et la pagination française.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 860

1 Question: Ma dernière question: savez-vous, d'après ce contact récent que

2 vous avez pu avoir, que cette commission de Belgrade avait mené ses

3 propres enquêtes concernant les événements survenus à Visegrad et qu'il y

4 a eu des rapports de publiés à ce sujet. Est-ce que vous avez pu les voir,

5 ces rapports?

6 Réponse: Non, je n'ai pas pu voir ces rapports.

7 M. Domazet (interprétation): Très bien. Je vous remercie, Monsieur.

8 Je n'ai pas d'autres questions.

9 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a des questions

10 supplémentaires de la part du Procureur?

11 M. Groome (interprétation): Non.

12 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur, d'être venu témoigner

13 ici. Maintenant, votre déposition est terminée. Vous pouvez disposer.

14 M. Tokaca (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,

15 Mesdames les Juges.

16 (Le témoin, M. Mirsad Tokaca, est reconduit hors du prétoire.)

17 M. le Président (interprétation): Avant de lever la séance et afin que le

18 procès-verbal soit parfaitement clair, je voudrais dire qu'il y a une

19 déclaration qui figure dans le transcript d'hier qui risque de vous

20 étonner quelque peu. C'est une erreur que l'on comprend facilement, mais

21 les conséquences pourraient être désastreuses si l'on ne corrige pas le

22 transcript.

23 Habituellement, je ne me soucie pas de ce genre de chose, mais c'est

24 tellement énorme que je pense que je me dois de vous en parler.

25 L'audience était à huis-clos partiel mais je vais néanmoins vous en donner

Page 861

1 lecture. Il s'agit de la page 813 et 814 où on lit que j'ai dit: "Nous

2 avons des preuves claires que nous avons acceptées, qui établissent le

3 premier incident." Ce que j'ai dit, et je m'en souviens très très bien,

4 c'est: "Nous avons des éléments de preuve très clairs qui, si nous

5 l'acceptons, permettent d'établir le premier incident."

6 Je voudrais insister sur le fait que la Chambre n'a absolument pas tiré de

7 conclusions, car il n'en est pas question à ce stade, concernant les

8 éléments de preuves qui ont été présentés par rapport au premier incident.

9 Je n'ai absolument pas dit ce qui était écrit dans le transcript. Il

10 s'agit donc de le corriger.

11 Nous allons reprendre lundi. Avant d'arriver dans la Chambre, on m'a

12 informé que les problèmes techniques dans la Chambre II n'ont toujours pas

13 été résolus et que ces problèmes sont plus graves que prévu. Mais j'espère

14 que la salle pourra être prête pour lundi matin. Malheureusement, il n'y a

15 pas d'autre salle de disponible. Donc, je vous demande tous de vérifier le

16 exact.

17 Nous allons nous retrouver lundi matin, 9 heures 30.

18 (L'audience est levée à 14 h 50.)

19

20

21

22

23

24

25