Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 14 mars 2002)

2 (L'audience est ouverte à 14 heures 32.)

3 (Audience publique.)

4 (Réquisitoire de la défense par Me Domazet.)

5 M. le Président (interprétation): Veuillez annoncer l'affaire s'il vous

6 plaît?

7 Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-98-32-T le Procureur contre

8 Mitar Vasiljevic.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet?

10 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

11 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, avant de présenter ma

12 conclusion finale, je voudrais faire un bref aperçu de quelques thèmes qui

13 ont été l'objet du réquisitoire du Procureur. Il ne s'agit donc pas de ces

14 quelques éléments dont je veux parler maintenant et que j'ai pu élaborer

15 dans le cadre du mémoire de la défense, mais je voudrais parler de

16 quelques éléments où on peut repérer la différence qui existe entre ce qui

17 a été considéré comme étant la conclusion de l'accusation à la suite de la

18 présentation des moyens de preuve et à la suite de l'attitude prise par

19 l'avocat de la défense à ce sujet. Et j'espère qu'ensuite je pourrai

20 procéder à cette conclusion finale, Monsieur le Président, à laquelle

21 conclusion je n'ai pas pu aboutir vendredi dernier.

22 L'un des faits qui a été repéré par l'avocat de l'accusation, lors de son

23 réquisitoire, a été comme suit: la personne nommée Susnjar aurait été à

24 Prelovo de concert avec l'inculpé Mitar Vasiljevic. Or cette personne-là

25 serait l'une de celles considérées comme suspectes d'avoir pris part à des

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1 délits perpétrés par Milan Lukic.

2 Je crois que depuis la présentation des moyens de preuve et audition faite

3 de tous les témoins qui s'étaient trouvés à Prelovo à cette époque-là et

4 qui y sont restés d'ailleurs après le départ de Mitar Vasiljevic de

5 Prelovo, il s'avère clair que cette personne ayant le nom de famille de

6 Susnjar, qui se nommerait autrement d'après certains autres témoins, se

7 trouvait à Prelovo après le départ de Mitar Vasiljevic, de cette localité,

8 donc pas au moment où ce dernier y était. Donc s'il s'agit toujours de

9 cette même personne, citée par certains témoins appelés à la barre par

10 l'Acte d'accusation. Ceci je crois, n'a pas pu être prouvé avec certitude.

11 Un second élément qui a été soulevé par M. Groome au cours de son

12 réquisitoire, dont Mitar Vasiljevic s'est trouvé chargé, qui était

13 reproché comme quoi Mitar Vasiljevic ne disait pas la vérité devant le

14 Tribunal quand il s'agissait de cet épisode relatif à une bouteille d'eau-

15 de-vie, dans laquelle bouteille buvaient les deux, lui et Mujo Halilovic.

16 Le 14 juin, dans la rue Pionirskan, référence faite à cela, il a été dit

17 que c'était Mujo qui était allé chercher cette eau-de-vie, acheter cette

18 eau-de-vie.

19 Je me souviens personnellement fort bien que lors du contre-interrogatoire

20 de Mitar Vasiljevic, celui-ci a dit que si jamais il avait fait une

21 déclaration pareille, il s'en excusait, et que lui-même pensait qu'il ne

22 l'avait pas dit en ces termes-là. Et là, à deux endroits, on peut

23 d'ailleurs le constater quand il était interrogé par les enquêteurs où on

24 peut conclure que ce n'était pas Mujo qui était allé chercher, acheter

25 cette bouteille d'eau-de-vie.

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1 Mais en définitive, je ne pense pas vraiment que ce soit substantiel,

2 ayant en vue le fait que le témoin VG-87 dépose pour dire qu'il a bien vu

3 Mitar Vasiljevic avec cette bouteille d'eau-de-vie. Il s'agit de cette

4 bouteille d'eau-de-vie à laquelle nous faisons référence, avant que le

5 groupe de gens vienne et avant que Mitar rencontre Mujo Halilovic.

6 Quand il s'agit de faire une évaluation de la déposition du témoin, VG-17,

7 laquelle personne a été entendue -et l'interrogatoire de la personne en

8 question a été proposé lors d'une présentation supplémentaire des moyens

9 de preuve-, pour ma part, je disais notamment que la déposition de cette

10 personne-là n'était pas fiable, et qu'il ne fallait pas s'y fier.

11 Pourtant...

12 M. le Président (interprétation): Nous ne voulons pas l'entendre à

13 nouveau, nous l'avons déjà par écrit, alors si vous le voulez bien,

14 poursuivons.

15 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Une seule phrase

16 prononcée par M. Groome dans le cadre du réquisitoire et que je veux

17 commenter ici était la suivante.

18 Ce témoin-là n'a rien dit de mauvais à l'intention de Mitar Vasiljevic ce

19 jour-là, ceci a d'ailleurs été repris par M. Groome lors de son

20 réquisitoire comme étant l'argument à l'appui du fait que ce témoin n'a

21 jamais reproché quoi que ce soit à Mitar Vasiljevic, d'avoir fait quoi que

22 ce soit de vilain ou de fâcheux ce jour-là, et qu'il faudrait le croire ce

23 témoin-là. Le témoin n'a rien dit de mauvais à son égard, sauf qu'il a dit

24 qu'elle l'avait bien vu Mitar Vasiljevic ce jour-là.

25 Mais cela dit, il faut voir si jamais il y a eu quelqu'un qui s'était mis

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1 à dresser une liste et si ce n'était pas Mitar ou quelqu'un de la Croix-

2 Rouge, alors comment se fait-il qu'il n'y ait eu personne de la Croix-

3 Rouge de faire cette besogne-là, parce que le témoin disait qu'il n'y

4 avait personne d'autre pour faire ce listing-là, et nous savons tous,

5 Mitar Vasiljevic l'a prouvé lui-même d'ailleurs ici en confirmant qu'il

6 n'a jamais travaillé pour le compte de la Croix-Rouge. Cela dit, je ne

7 veux pas insister.

8 Lorsqu'il s'agit d'évaluer la déposition du témoin VG-79, pour parler de

9 l'épisode de la rivière, sur les bords de la rivière de la Drina, il

10 s'agit de savoir que M. Groome a fait l'évaluation de ce que Mitar

11 Vasiljevic a dit aux enquêteurs, sur ce que lui-même pouvait savoir là-

12 dessus.

13 Sachant donc une déposition faite par le témoin VG-79, il a essayé

14 d'ajuster en quelque sorte sa déposition. Or, mettant à l'épreuve tout

15 cela et vérifiant tout cela, etc., nous avons pu voir que le témoin VG-79

16 a fait une première déclaration en date du 19 janvier 2001 devant le

17 Bureau du Procureur. Or Mitar Vasiljevic a fait sa déclaration devant les

18 enquêteurs du Bureau du Procureur en novembre 2000.

19 Par conséquent, l'autre ne pouvait absolument pas savoir l'existence de ce

20 témoin. Et définitivement ce n'est que tardivement que la déposition du

21 témoin a été communiquée au conseil de la défense.

22 Et à la fin, permettez-moi de dire quelques mots sur ce qui a été

23 longuement élaboré ici, à savoir quelque chose au sujet de ce ruban rouge

24 qui, pour certains de ces témoins, évoquait l'insigne de la Croix-Rouge,

25 étant donné que le port par Mitar Vasiljevic de ce brassard semble être un

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1 élément fort important.

2 Or je voudrais là-dessus présenter une brève évaluation. Dans le milieu

3 qui était celui de Mitar Vasiljevic, il est fort habituel de voir porter

4 un tel brassard tous les gens qui sont préposés à tel ou tel maintien de

5 l'ordre, que ce soit de parler des services d'ordre lors des matchs de

6 football ou de soirée quelconque, etc.

7 La couleur de l'insigne a pu rappeler la Croix-Rouge, mais étant donné

8 qu'il n'était qu'un simple planton pour ainsi dire, cela ne voulait pas

9 dire pour autant qu'il devait effectuer une tâche importante dans le cadre

10 de son affectation à lui.

11 Lorsque j'ai parlé de documents, de moyens de preuve d'ordre médical, un

12 de ces documents -il s'agit de P138, il s'agit de l'histoire de la maladie

13 établie à l'hôpital d'Uzice-, eh bien, ce document a fait l'objet d'un

14 intérêt fort accru du fait et du simple fait que dans le cadre du dossier,

15 manquaient pas mal d'éléments.

16 Par exemple, certaines rubriques de cet imprimé à la page 1 n'ont pas été

17 dûment remplies. Par exemple, le jour et l'heure de la blessure. J'en ai

18 déjà longuement parlé, je ne me propose pas d'en parler maintenant

19 davantage.

20 Le médecin qui a reçu Mitar Vasiljevic n'a pas donc fait entrer dans la

21 rubrique appropriée le fait que Mitar Vasiljevic a été blessé par une

22 chute de cheval et qu'il a été, d'après lui, blessé sur un champ de

23 bataille. Ceci a été vraiment expliqué en détail, moi je vous prie de bien

24 vouloir vous préoccuper de la documentation soumise à l'appui de ce qui

25 est notre assertion de tout à l'heure.

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1 Et je vous prie de prêter votre attention à la pièce à conviction du

2 conseil de la défense D52. Il s'agit de l'expertise faite par l'institut

3 de médecine légale faite à la demande du conseil de l'accusation. Lequel

4 moyen de preuve permet de voir clairement quelles étaient les machines à

5 écrire qui ont été utilisées pour remplir telle ou telle rubrique de

6 l'imprimé utilisé. Or la machine à écrire utilisée à la section de

7 psychiatrie a été vraiment utilisée pour remplir les rubriques de 4 pages

8 de l'histoire de la maladie du patient, sauf évidemment les imprimés où on

9 parlait de diagnostics du médecin et des méthodes empruntées et des

10 traitements administrés.

11 De même en est-il pour parler de la section de chirurgie orthopédique où

12 deux machines à écrire ont été utilisées: l'une pour remplir les imprimés

13 portant sur l'histoire de la maladie lors de l'hospitalisation et où,

14 comme les experts l'ont dit, pas mal d'éléments présentent des

15 caractéristiques tout à fait distinctes.

16 A mon sens, il s'agit de l'une des preuves à l'appui de ce qui convient de

17 parler de l'authenticité. Or, ce qui vient d'être dit, pour parler de ces

18 différentes omissions, prouve qu'il s'agissait d'un document authentique,

19 car si jamais quelqu'un voulait fausser quoi que ce soit, il aurait

20 certainement dû s'appliquer pour remplir les autres rubriques, y compris

21 celles portant sur la chute de cheval, y compris les rubriques qui

22 concernent le temps, l'heure et le jour de la blessure.

23 Il s'agit donc d'un document authentique présentant toutes les lacunes,

24 dont je viens de parler, et ce dont d'ailleurs ont déposé tous ces

25 différents témoins pour expliquer le pourquoi et la cause de ces

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1 omissions.

2 Ensuite, lorsque j'ai parlé de la déposition du témoin VG-79, j'ai fait

3 une omission. A savoir, j'avais oublié de demander à diffuser une séquence

4 vidéo D1, notamment portant la cote D1. Il s'agit d'ailleurs d'un croquis

5 présenté par le témoin. Mais je voudrais que cela soit fait en huis clos

6 partiel, étant donné qu'il s'agit d'un moyen de preuve sous scellés.

7 M. le Président (interprétation): Nous en avons des exemplaires?

8 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): Bien alors mettez-le sur le

10 rétroprojecteur, mais il ne doit pas faire partie de ce qui est diffusé en

11 audience publique.

12 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, ceci va causer des

13 problèmes terribles. Il va falloir descendre les stores. Est-ce qu'on ne

14 pourrait pas tout simplement voir des exemplaires?

15 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation): Dites-nous ce que vous souhaitez?

17 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je

18 voulais tout simplement que l'on vous fasse voir cela, encore que ces

19 copies existaient déjà, car cela prouve qu'à la différence du témoin VG-

20 32, à aucun moment d'aucune manière le témoin ne s'était mis à dessiner,

21 l'existence et le positionnement d'une quatrième personne qui devait

22 prétendument venir avec les sept autres civils. Enfin pour parler de ce

23 chiffre-là, cela est tout à fait incontestable.

24 Je trouve que ce moyen de preuve prouve le mieux que la quatrième

25 personne, ce dont j'ai parlé dans le cadre de mon mémoire par écrit en

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1 clôture et dans la plaidoirie, que cette quatrième personne-là qui n'a pas

2 dessiné était notamment Mitar Vasiljevic.

3 Ensuite, une toute dernière chose sous forme de commentaire à faire du

4 réquisitoire de M. Groome.

5 Il s'agit, en effet, de l'appréciation faite par M. Groome disant qu'il ne

6 pouvait pas croire que Mitar Vasiljevic ait pu aller chercher ce jour-là

7 le cheval en question, qu'il ait pu le monter et se faire blesser ainsi.

8 Et qu'il ne croyait pas non plus que ce jour-là, Mujo Halilovic aurait

9 offert à Mitar Vasiljevic deux vaches pour qu'il les garde; et comme Mitar

10 Vasiljevic l'a dit lui-même, il l'a refusé disant qu'il n'était pas

11 capable de le faire. Probablement ceci devait être l'argument à l'appui de

12 l'assertion faite par M. Groome; suivant laquelle assertion, tout a été

13 inventé par Mitar Vasiljevic.

14 Permettez-toi de faire un bref commentaire au sujet de la recherche de ce

15 cheval par Mitar Vasiljevic. En effet, je vous l'ai dit que, si Mitar

16 Vasiljevic était resté là-bas où il était sans que personne d'autre

17 l'aborde, évidemment, il n'aurait certainement pas survécu à cet épisode.

18 Je crois qu'au tout premier début de ma plaidoirie, je l'avais déjà dit

19 que lui aimait beaucoup les chevaux, il pensait peut-être garder ce cheval

20 pendant quelque temps, mais pas pour toujours.

21 Mais en tout cas et dans tous les cas, il est allé chercher ce cheval pour

22 le monter, or pour ce qui est des vaches qu'il ne voulait même pas avoir

23 gratuitement, eh bien, à ce sujet-là, je voudrais faire un commentaire

24 tout à fait différent, à savoir que cela prouve notamment que Mitar

25 Vasiljevic ne pouvait aucunement être quelqu'un qui serait prêt à prendre

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1 quoi que ce soit qui serait le bien d'autrui et qu'à aucun moment dans

2 aucune situation devant même et en face des témoins de l'accusation, il

3 n'était jamais prêt à piller qui que ce soit ou à s'accaparer de la

4 propriété de qui que ce soit.

5 Et cela au moment où d'aucuns en ont fait et comment pour se faire

6 construire des maisons entières grâce à de tels agissements. Et ce qui

7 était d'ailleurs déjà connu comme une pratique et ce qui était tout à fait

8 clair, c'est qu'après la fin de la guerre, lui devait s'occuper de la

9 construction de sa maison à lui pour mener à bien sa construction parce

10 qu'il a dû donner à l'occasion sa maison aux soldats de la SFOR. Or ce

11 comportement qui est le sien, lorsque par exemple il a pratiquement offert

12 sa propre maison aux soldats de la SFOR, il a probablement cru que

13 personne ne devait engager une action judiciaire quelconque à son encontre

14 même pour parler de l'accident de la Drina; encore qu'on savait qu'il y

15 avait deux personnes qui avaient survécu à cet épisode.

16 Or le fait que Mitar n'a jamais changé d'adresse, qu'il résidait toujours

17 dans son domicile à lui, même lorsqu'il a donné à l'occasion sa maison à

18 d'autres, prouve qu'il n'avait jamais l'intention de fuir et même s'il n'y

19 avait pas d'Acte d'accusation scellés contre lui, c'est-à-dire étant

20 toujours prêt à se présenter, à comparaître devant ce Tribunal sachant

21 qu'il avait été inculpé par ce dernier.

22 Permettez-moi à la fin de vous faire part d'une brève conclusion enfin que

23 j'ai déjà abordée d'une autre façon peut-être.

24 Je crois qu'après tout ce qui a été présenté dans le cadre du mémoire en

25 clôture du conseil de la défense et ce qui a été dit dans le cadre de la

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1 plaidoirie orale, je crois pouvoir dire que moi-même et comme M. Groome,

2 comme il l'a dit d'ailleurs, je m'attends et nous nous entendons tous les

3 deux à ce que la justice soit faite dans cette affaire.

4 Mais nous aimerions vraiment voir une justice fondée sur des faits prouvés

5 établis et prouvés par la présentation de moyens de preuve au cours de

6 cette procédure. Je crois qu'on ne peut pas établir au-delà de tout doute

7 raisonnable que Mitar Vasiljevic ait pu faire quoi que ce soit depuis la

8 date du 14 juin 1992, depuis les heures d'après-midi, pendant les jours

9 qui ont suivi jusqu'à fin juillet 1992. A savoir jusqu'à la fin de la

10 période couverte par l'Acte d'accusation modifié moyennant lequel Acte

11 d'accusation modifié il a été chargé.

12 Car c'est notamment au cours de cette période-là à laquelle je me réfère

13 qu'il a été blessé et qu'il a été ensuite hospitalisé et traité à

14 l'hôpital de Uzice en Serbie. Ces derniers contacts avec les hommes de

15 Visegrad ont eu lieu au cours de l'après-midi, pendant les toutes

16 premières heures de l'après-midi, le 14 juin 1992, lorsqu'il a pu

17 rencontrer dans la rue Pionirska pour boire un coup avec lui, son vieil

18 ami Mujo Halilovic, de Sase. Après quoi, il est allé chercher le cheval

19 pour le monter jusqu'au centre ville. Il tomba du cheval et se fit blesser

20 ainsi. Or, avant cela, il ne pouvait contacter qui que ce soit, surtout

21 pas Milan Lukic et ses hommes à lui, comme on essaie de dire en présentant

22 des suspicions, cette fois-ci peu fondées.

23 Tous les doutes évoqués concernant son comportement au cours de cet après-

24 midi -ce dont il a été tant de paroles au cours de la présentation des

25 moyens de preuve dans le cadre de cette procédure- ne sont autre chose que

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1 des suspicions illégitimes à mon sens. Il ne s'agit que de suppositions et

2 toutes ces suspicions ne sauraient à mon sens être des preuves au-delà de

3 tout doute raisonnable que Mitar Vasiljevic se préparait à accomplir un

4 délit quelconque. Non plus qu'il se préparait à planifier ou à aider de

5 tels délits. Non plus qu'il ne savait rien de l'intention éventuelle de

6 personnes tierces de procéder à de telles exactions.

7 A mon sens, je crois que la majeure partie d'entre nous partage cet avis,

8 il n'est pas de grande injustice pour un inculpé, surtout auquel inculpé

9 il était reproché un délit si grave, que de voir que le Procureur demander

10 à son encontre une peine de prison à perpétuité. Ce n'est pas pour rien

11 que la maxime juridique existe toujours à savoir: il vaut mieux acquitter

12 cent coupables que de condamner un innocent.

13 Ce n'est pas que je demande, non plus que je propose, en ce jour,

14 d'acquitter un coupable, mais je demande puisqu'un crime grave il y a -et

15 là-dessus je suis d'accord avec l'accusation-, je dois dire que je ne peux

16 pas me mettre d'accord pour dire qu'il y a des preuves au-delà de tout

17 doute raisonnable que Mitar Vasiljevic aurait été le perpétrateur ou le

18 complice d'une quelconque manière dans le cadre de ces exactions.

19 Le problème demeure en effet dans le fait que les vrais, ou le vrai

20 coupable, n'ont toujours pas été traduits en justice jusqu'à ce jour. Mais

21 cela certainement ne doit pas être une raison pour laquelle Mitar

22 Vasiljevic doit être reconnu coupable de ce délit.

23 Pour ce qui est de l'autre événement que nous avons intitulé comme

24 l'incident sur les bords de la Drina, en date du 7 juin 1992, et auquel

25 épisode Mitar Vasiljevic a assisté, le conseil de la défense a présenté

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1 des arguments spécifiques et une analyse des preuves pour prouver qu'il

2 n'a pas été prouvé que Mitar Vasiljevic a pu planifier ou prendre part aux

3 meurtres de cinq civils sur les bords de la Drina. Il n'a pas pu avoir une

4 telle intention d'ailleurs, non plus.

5 Nous avons prouvé que ce jour-là il n'a pas eu d'arme et que d'aucune

6 façon il n'aurait été en mesure d'empêcher Milan Lukic et ces deux autres

7 soldats armés de procéder à la perpétration du crime dont nous parlons. Et

8 cela faisant, sa présence a dû être incriminée comme étant un délit

9 criminel.

10 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je considère que ce qui a été

11 reproché à Mitar Vasiljevic sur la base de l'Acte d'accusation modifié n'a

12 pas pu être prouvé comme bien fondé au-delà de tout doute raisonnable, à

13 savoir il n'a pas été prouvé qu'il a été l'auteur de ces délits criminels.

14 Par conséquent, je demande que Mitar Vasiljevic soit acquitté de toute

15 responsabilité criminelle.

16 Avec votre permission, j'ai encore à ajouter quelque chose qui évidemment

17 ne semble pas bien tomber en ce moment, car nous venons d'achever la

18 procédure de présentation de moyens de preuve. Or il y a deux jours, j'ai

19 pu envoyer par télécopie à M. Groome quelque chose qui, je crois, aurait

20 pu lui permettre de vérifier pas mal de preuves.

21 A savoir, je lui ai envoyé un extrait d'acte de naissance de l'état civil

22 et un carton, une fiche du casier judiciaire de quelqu'un qui s'appelle

23 Sredoje Gogic et qui était né le 5 février 1927 à Blace, près de Visegrad,

24 et dont le matricule personnel qui figure sur cette fiche-là du casier

25 judiciaire correspond en totalité à ce qui a été dit de la personne qui

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1 dans le registre de Visegrad a été enregistrée sous la date du 14 juin.

2 Monsieur Groome quant à lui considérait qu'il y a eu évidemment la

3 possibilité d'identifier la personne sous ce nom-là, à savoir au nom de

4 Lukic. J'ai parlé tout à l'heure avec mon collègue, car en effet il

5 s'agissait de Gogic mais pas de Lukic, et je ne sais pas si M. Groome, mon

6 collègue a eu le temps de s'en occuper, mais il me semble qu'il s'agit

7 d'une autre preuve à l'appui des arguments apportés par nous, mais qui me

8 semblent importants comme arguments pour vous quand vous aurez à

9 délibérer, lorsque que vous aurez à porter votre jugement sur l'alibi de

10 M. Vasiljevic, l'inculpé Vasiljevic.

11 M. le Président (interprétation): Que suggérez-vous que nous devrions

12 faire à ce sujet Monsieur Groome?

13 Je sais, le fait qu'il y a eu modification au registre, cela a eu une

14 incidence pour la déposition de M. Vasiljevic qui a dit que rien n'avait

15 été modifié.

16 M. Groome (interprétation): Je ne sais pas non plus si c'est un nom

17 différent du nom que celui que le docteur Radomir Vasiljevic avait donné.

18 Le nom de Gogic n'était pas le même nom que celui-là. L'accusation

19 certainement ne s'oppose pas si la Chambre l'accepte comme élément de

20 preuve à ce stade tardif. L'accusation, assurément, ne s'opposera pas, au

21 vu de la Chambre, de le faire, si elle le souhaite.

22 (Les Juges se consultent sur le siège.)

23 M. le Président (interprétation): Avez-vous maintenant ce certificat ici,

24 Monsieur Domazet?

25 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

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1 M. le Président (interprétation): Quel est le numéro? Je n'ai pas ma liste

2 de pièces à conviction.

3 Mme Philpott (interprétation): D54.

4 M. le Président (interprétation): Ce sera donc la pièce D54.

5 M. Domazet (interprétation): Il y a deux documents: D54 et D55.

6 M. le Président (interprétation): Si c'est un certificat, D54 peut couvrir

7 les deux. Il y a également un numéro d'immatriculation…, un numéro

8 national. Qu'y a-t-il d'autre?

9 M. Domazet (interprétation): Rien de plus.

10 M. le Président (interprétation): Bien. Maître Domazet, l'accusation nous

11 a posé des questions concernant la sentence. Il n'y aura pas d'autre

12 audience. Dans le cas où il y aurait condamnation, nous n'aurions pas

13 d'autre possibilité d'entendre des conclusions ou suggestions que vous

14 voudriez faire en ce qui concerne la sentence, à la question de la

15 sentence.

16 Ce n'est pas une procédure qui m'est familière. Je sais qu'il y a

17 certaines difficultés à cela, mais c'est certainement la procédure qui est

18 celle du Tribunal.

19 On me fait remarquer que ces documents sont en BCS seulement, mais je

20 suppose que tout ce qui vous intéresse, c'est le nom et la date de la

21 naissance?

22 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

23 M. le Président (interprétation): Voulez-vous dire quelque chose au sujet

24 de la sentence?

25 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

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1 j'en ai parlé quelque peu dans le cadre de mon mémoire en clôture.

2 Je sais qu'il s'agit évidemment d'une obligation qui est la nôtre de nous

3 prononcer également et cela, d'après le Règlement, mais il m'est difficile

4 de le faire, parce que la proposition du conseil de la défense a été telle

5 que je viens de la présenter: nous considérons que Mitar Vasiljevic n'a

6 certainement pas été l'auteur de ce délit de la rue Pionirska parce qu'il

7 n'était pas là.

8 Mais pour ce qui est de l'autre exaction à laquelle il a assisté, nous

9 considérons qu'il n'a pas pu y contribuer par quelque agissement que ce

10 soit, surtout du fait qu'il n'a pas pu l'empêcher. Donc, il m'est

11 difficile de parler de telles circonstances relatives à la sentence.

12 Mais je crois que je pourrais peut-être parler de quelque chose qui

13 pourrait vous aider à parvenir à la conclusion le concernant au sujet

14 d'une quelconque culpabilité qui serait la sienne, de tel ou tel acte

15 considéré.

16 Je crois qu'il faut prendre en considération les circonstances qui sont

17 d'ailleurs toujours appliquées et, en Yougoslavie à cette époque-là, et,

18 encore aujourd'hui, il me semble que tel est le cas.

19 Il s'agit de circonstances atténuantes dans de tels cas. En effet, il

20 s'agit de circonstances que je veux citer et qu'il convient d'avoir en

21 vue, à savoir sa situation de famille personnelle, la situation de sa

22 propriété, la conduite et le comportement de l'inculpé devant ce Tribunal,

23 ce dont j'ai déjà pu parler à maintes reprises, mais permettez-moi de le

24 reprendre.

25 Je considère, en effet, qu'il a fait preuve d'un haut degré de coopération

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1 du simple fait que, de son plein gré, avant que la procédure ne commence,

2 il a accepté de faire une déclaration devant les enquêteurs du Bureau du

3 Procureur.

4 Je crois que par ce geste-là, il a fait preuve d'un acte correct et que,

5 aucunement, il n'a jamais entravé la procédure, même s'il y a eu des

6 problèmes soulevés par le simple fait qu'il y avait certains témoins

7 appelés à la barre par l'accusation qui l'ont voulu ainsi.

8 Mitar, lui, voulait toujours que l'on s'en sorte, de ces problèmes-là. Et

9 c'est ce que nous avons fait, d'ailleurs. Sa vie à lui, son comportement,

10 sa façon de vivre et de se comporter jusqu'au moment de son arrestation

11 sont à être pris en considération. Et, d'après moi, ce qui me semble être

12 d'ailleurs contestable en ce moment-ci, c'était de savoir s'il était

13 vraiment, à un degré de capacité de discernement, diminué. Car cela, à la

14 lumière des lois en vigueur en Yougoslavie à cette époque-là, et encore en

15 vigueur en Yougoslavie en ce moment-ci, serait également des circonstances

16 atténuantes à être prises en considération par le Tribunal lorsqu'il

17 faudra prononcer le verdict, c'est-à-dire lorsqu'il faut fixer une peine.

18 Je ne pourrais pas pour autant parler d'autres circonstances qui

19 concernent la perpétration de ces délits, car nous sommes souvent dans de

20 telles circonstances où il n'y a pas vraiment de preuves qui, au-delà de

21 tout doute raisonnable, prouveraient qu'il aurait été l'auteur de tels

22 délits et que, par conséquent, on n'a guère besoin d'en parler pour que

23 ces circonstances puissent être prises en considération.

24 Voilà la raison pour laquelle je vous ai parlé de ce que j'ai évoqué tout

25 à l'heure comme circonstances spéciales. Evidemment, je voulais répondre à

Page 4933

1 votre question, mais je demeure toujours prêt et disponible à répondre à

2 toute question que vous avez à poser.

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, votre référence ici

4 s'est faite à la coopération dont votre client a fait montre dans ses

5 réponses à des demandes qui ont été faites par l'accusation et votre

6 commentaire…, grâce à ces dispositions de sa part que certains de ses

7 problèmes ont été résolus. Est-ce que c'est une référence au problème de

8 la présence de votre co-conseil?

9 Je voudrais qu'il soit bien clair, comprendre ce à quoi vous vous référez

10 clairement.

11 M. Domazet (interprétation): Oui, oui. D'une part, cela est vrai.

12 M. le Président (interprétation): Alors, sur quel point dites-vous que les

13 faits historiques, auxquels vous vous êtes référé de façon très détaillée

14 dans votre exposé écrit, seraient pertinents?

15 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

16 j'en ai longuement parlé, parce que l'accusation en a parlé également.

17 Maints étaient les moyens de preuve qui ont été consacrés, d'ailleurs.

18 Encore que l'on considère personnellement que, pour parler de Mitar

19 Vasiljevic lui-même, ses différents arguments n'ont pas vraiment grande

20 valeur. Car lui, il n'a jamais été une personnalité politique, non plus

21 qu'une personnalité qui aurait à avoir une fonction dirigeante.

22 Par conséquent, il était loin de pouvoir jouer un rôle important dans tout

23 ce qui a précédé les conflits de Visegrad, et même d'ailleurs, au temps

24 des conflits eux-mêmes.

25 Cela dit, je voulais attirer votre attention sur ce qui avait eu lieu

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1 avant la venue du Corps d'armée d'Uzice. En effet, en vertu des preuves

2 dont je disposais, on peut dire que ce sont les Serbes qui avaient évacué

3 la ville de Visegrad, étant donné la situation telle quelle. Entre-temps,

4 la situation avait évolué et, malheureusement, nous savons très bien

5 comment, et comment tout s'était terminé, et que, malheureusement, à

6 Visegrad jusqu'à tous ces derniers temps, il n'y a pas eu un seul

7 Musulman.

8 Mais cela dit, je considère vraiment que Mitar Vasiljevic n'a pu, d'aucune

9 manière, prendre une part active à la politique ni à d'autres événements

10 qui prévalaient dans tout cela, pour que ceci exige que l'on fasse

11 davantage, pour apporter davantage de moyens de preuve que nous ne l'avons

12 fait au cours de la procédure.

13 M. le Président (interprétation): Laissons de côté ce que vous avez dit

14 qu'il s'était passé pendant la Seconde Guerre mondiale. Venons-en à ce que

15 vous avez dit concernant les données. Vous nous avez donné des détails

16 très importants concernant le fait que les Serbes auraient été victimes

17 d'une attaque. Alors quelle est la pertinence de ceci par rapport à ce que

18 nous avons à décider ou déterminer ici?

19 C'est une question qui a été évoquée pendant la conférence préalable au

20 procès et je n'ai toujours pas encore eu une réponse raisonnable sur sa

21 pertinence à ce sujet, si ce n'est le fait que cela démontre que ce que

22 les Serbes sont censés avoir fait aux Musulmans était à titre de

23 rétorsion, ce qui évidemment n'aide pas la thèse de votre client.

24 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président, Mesdames les

25 Juges. Pour ma part, je considère, moi aussi, que ceci ne saurait être

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1 pertinent dans le cas de Mitar Vasiljevic.

2 M. le Président (interprétation): Alors pourquoi est-ce que vous avez

3 présenté cela comme élément de preuve? Il semble que c'est une sorte

4 d'instruction générale à tous les conseils des Serbes de nous dire ce qui

5 s'est passé en 1285 ou je ne sais pas, d'insister sur le côté historique

6 dans cette affaire autant que possible. Je n'ai jamais reçu de réponse qui

7 démontre comment c'est pertinent.

8 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, si

9 je m'en souviens bien, je ne suis pas vraiment remonté dans l'histoire. Il

10 y avait un témoin qui était là et qui parlait des événements de l'époque

11 de la Seconde Guerre mondiale. Vous l'avez prévenu qu'il ne fallait pas en

12 faire état.

13 Moi, j'ai parlé des événements de 1990 et 1991 en me référant au temps des

14 toutes premières élections pluripartistes en Bosnie-Herzégovine, car il

15 s'agit de la période pendant laquelle il y a eu ces tensions et

16 malentendus entre trois groupes ethniques proprement dit en Bosnie-

17 Herzégovine.

18 Mais encore aujourd'hui, je dis et soutiens que, pour parler de l'affaire

19 de Mitar Vasiljevic, tout cela n'est pas pertinent.

20 Mais dire pourquoi j'en ai parlé, pourquoi je l'ai évoqué, vous avez peut-

21 être dans votre droit de dire que tous les avocats serbes s'en occupent

22 d'ailleurs. Je crois que ceci est tendu à la praxis, à savoir que,

23 dorénavant, si de telles affaires se présentent, traitant de Visegrad et

24 des environs, on ne dise pas que le conseil de la défense n'avait évoqué

25 quoi que ce soit pour prendre telle ou telle attitude qui pourrait être de

Page 4936

1 nature à être pertinente dans le cadre d'une autre affaire, si ce n'est

2 pas le cas dans la présente affaire.

3 Mais, d'après l'accusation, il s'avérait, semble-t-il, que toute la

4 culpabilité a été reprochée à une seule partie, à la partie serbe encore

5 que je ne me suis jamais occupé de l'évaluation des degrés de culpabilité.

6 Moi, je m'en suis occupé un petit peu pour apporter des preuves par écrit,

7 pour prouver ce qui s'était passé à Visegrad pendant ces deux ou trois

8 années qui ont précédé les conflits tragiques qui prévalaient dans

9 Visegrad et ce dont nous avons surtout débattu ici.

10 M. le Président (interprétation): Supposons aux fins des présents

11 arguments que c'étaient les Musulmans qui avaient mis les premiers

12 barrages et que c'était un Serbe qui a été la première personne qui a été

13 tuée et que toutes les autres questions auxquelles il a été fait référence

14 en éléments de preuve. Y-a-t-il contestation en l'espèce, qu'il y ait eu

15 une attaque contre les non-Serbes de la population, que ce soit passé au

16 même moment avant ou après ces autres événements?

17 M. Domazet (interprétation): Non, Monsieur le Président, Mesdames les

18 Juges, pour moi, ceci n'est pas contestable, dire que ceci n'a pas eu

19 lieu.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

21 Alors maintenant il y a un document en particulier sur lequel je voudrais

22 vous poser une question.

23 Il s'agit du certificat de l'observatoire que vous avez produit, on nous

24 dit qu'au coucher du soleil le 14 juin 1992 à Visegrad était à 20 heures

25 24 et qu'à Uzice c'était à 20 heures 25. Est-ce que vous vous souvenez de

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1 cela?

2 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président, Mesdames les

3 Juges, je m'en souviens.

4 M. le Président (interprétation): Le problème que je vois à ce sujet peut

5 peut-être poser un problème de la fiabilité du document, mais j'aimerais

6 savoir ce que vous avez à dire à ce sujet?

7 D'après les cartes que j'ai vues, Uzice n'est que légèrement au nord de

8 Visegrad, si on fait passer une ligne entre les deux villes, si on trace

9 une droite entre les deux lignes. Etes-vous d'accord avec cela?

10 M. Domazet (interprétation): Je ne pourrais pas être d'accord là-dessus,

11 Monsieur le Président. D'après moi Uzice se trouve à l'est, d'ailleurs il

12 y a peu de différence pour parler de la situation géographique, pour

13 parler en hauteur, pour dire quelle serait la ville la plus au sud ou plus

14 au nord. A mon sens, la ville d'Uzice se trouve à 70 kilomètres à l'est et

15 non pas au nord, voilà pourquoi cette différence.

16 M. le Président (interprétation): C'est précisément ce que je veux dire.

17 Si on parle de latitude, il y a très, très peu de différence entre les

18 deux. Etes-vous d'accord avec cela?

19 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation): Prenons la longitude maintenant,

21 certainement que vous avez remarqué qu'Uzice est à l'est de Visegrad, je

22 ne crois pas que l'on ait besoin d'élément de preuve à satisfaire que le

23 soleil se lève à l'est et se couche à l'ouest, c'est bien le cas n'est-ce

24 pas?

25 M. Domazet (interprétation): Oui.

Page 4938

1 M. le Président (interprétation): Donc on s'attend à ce que le soleil se

2 couche un peu plus tôt dans les villes qui sont à l'est les unes des

3 autres. En d'autres termes, on s'attend à ce que le soleil se couche à

4 Uzice avant qu'il ne se couche à Visegrad, n'est-ce pas?

5 M. Domazet (interprétation): C'est le cas, il doit en être ainsi, n'est-ce

6 pas?

7 M. Domazet (interprétation): Oui.

8 M. le Président (interprétation): Votre certificat prouve le contraire.

9 M. Domazet (interprétation): Je n'ai pas vraiment sur moi ce certificat-

10 là, mais je sais qu'il y a une différence, la différence d'une minute.

11 M. le Président (interprétation): Oui, mais c'est une minute dans le

12 mauvais sens. Il est dit que le soleil se couche à 25 minutes après 20

13 heures à Uzice tandis qu'à Visegrad qui se trouve à l'ouest, il serait

14 couché une minute plus tôt?

15 M. Domazet (interprétation): Oui.

16 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, il est vrai que le soleil se

17 couche à l'ouest, et il faudrait que le coucher de soleil à Visegrad soit

18 un petit peu plus tardif par rapport à Uzice, pas trop, mais quand même un

19 peu plus tard. Mais à ce sujet, je voudrais vous rappeler à votre

20 intention que les minutes mêmes en tant que telles ne sont pas vraiment

21 substantielles. Par exemple, prenez le moyen de preuve de l'accusation, à

22 savoir le calendrier des fêtes musulmanes. Nous nous sommes mis d'accord

23 là-dessus quant à nous. Or, dans ce calendrier, vous trouverez pour la

24 date du 14 juin et pour tous les autres jours d'ailleurs, l'heure du

25 coucher de soleil, et vous pouvez y voir vous-même qu'il y a une minute de

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1 différence, enfin une légère différence, car on ne peut y voir la ville

2 qui a fait l'objet de nos considérations, ceci aurait pu être le cas de

3 Sarajevo. Or vous pouvez considérer cela comme étant un traitement

4 similaire. Cette preuve nous a été fournie par l'observatoire, celui-ci

5 l'ayant fait de façon officielle. Peut-être se sont-ils trompés en

6 permutant ces deux données pour l'une ou l'autre ville, mais en tout cas

7 pour cette seconde preuve, cette seconde pièce à conviction, si je ne me

8 trompe pas on avait établi une heure tout à fait similaire. Mais je ne

9 sais plus où les mesures ont été faites, à Sarajevo ou ailleurs, mais je

10 suppose que c'était plutôt à Sarajevo.

11 M. le Président (interprétation): Etes-vous capable de vous souvenir de

12 l'heure qui était donnée. Je n'ai pas ici les pièces à conviction qui en

13 parlent?

14 M. Domazet (interprétation): Pour autant que je m'en souvienne, je crois

15 qu'on avait évoqué 8 heures du soir et 23 minutes, 8 heures 23, si je ne

16 me trompe pas.

17 M. le Président (interprétation): Bien, ceci pourrait probablement

18 résoudre nos problèmes, mais ma préoccupation ne concerne pas

19 l'authenticité du document, mais sa fiabilité, et savoir s'il y a une

20 erreur ou non dedans, ce qui pourrait évidemment avoir des incidences sur

21 l'ensemble du problème. Nous allons examiner ce calendrier auquel vous

22 vous êtes référé. Etes-vous capable de dire à quel moment vous pensez que

23 la nuit est tombée, qu'il a fait nuit à Visegrad, ce qui est un peu

24 différent de ce qui est le coucher de soleil proprement dit, en

25 particulier en juin lorsque que l'on commence à avoir un crépuscule qui

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1 est plus long?

2 M. Domazet (interprétation): Eh bien, pour ma part, je crois qu'à la

3 différence du coucher de soleil, qui dit coucher de soleil dit encore

4 qu'il fait jour, encore, toujours, et que la visibilité est assez bonne,

5 et qu'il faut attendre peut-être pendant un laps de temps d'une demi-heure

6 pour que l'on parle vraiment de la tombée de la nuit. Par conséquent, pour

7 parler de Visegrad, devrait-on dire qu'à 9 heures du soir, c'était plutôt

8 l'heure du crépuscule, mais pas vraiment dire qu'il faisait nuit.

9 M. le Président (interprétation): Etes-vous en mesure de dire ce que vous

10 avez avancé quant à l'heure à laquelle la maison a été incendiée?

11 M. Domazet (interprétation): Eh bien, de tous ceux qui se sont mis à faire

12 l'évaluation de l'heure, je pense que c'était le témoin VG-87 qui était le

13 mieux placé pour évaluer la chose.

14 Il a dit que c'était vers 23 heures, 11 heures du soir, qu'il a pu

15 entendre pour une dernière fois la voix de sa femme qu'on avait emmenée

16 tout le long de la rue Pionirska pour ne plus jamais l'entendre à nouveau,

17 sa femme. Et je crois qu'immédiatement après a eu lieu cet incendie de la

18 rue Pionirska.

19 D'après certains témoins, ceci devait être vers les 10 heures, pour

20 d'autres vers 9 heures, mais en tout cas tous étaient d'accord qu'il

21 faisait nuit, par conséquent après 9 heures 30, d'après moi, du soir.

22 M. le Président (interprétation): Mais VG-87 nous a également dit qu'il

23 avait senti une odeur de brûlé à un moment donné, vers 8 heures du soir.

24 M. Domazet (interprétation): Oui, mais je pense que ceci ne pouvait

25 aucunement être cette odeur-là, l'odeur de ce brûlé-là, de cet incendie.

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1 Ce qui est incontestable, c'est que sa femme a péri dans cet incendie.

2 Or nous n'avons aucun indice qui nous ferait croire que l'incendie a eu

3 lieu à deux reprises. Il était plutôt catégorique de dire que sa femme et

4 les autres hommes qui se trouvaient dans cette maison-là ont été emmenés

5 vers 8 heures du soir, et que vers 11 heures il a pu entendre sa voix pour

6 bien la reconnaître. Par conséquent, à 11 heures du soir, elle était bien

7 en vie.

8 Or s'il a pu éventuellement sentir le brûlé, ceci ne devait certainement

9 pas être causé par cet incendie-là. Dans tous les cas, qui dit 8 heures du

10 soir, dit qu'il faisait jour. Aucun des témoins n'a soutenu que ceci

11 devait être de jour. Ils ont dit que c'était la nuit.

12 Mais ce qui présente la différence, c'est leur appréciation du temps de

13 l'heure.

14 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Ce n'est pas un

15 problème facile à résoudre, comme vous voyez. Le calendrier auquel vous

16 vous référez, malheureusement, est entièrement en cyrillique. Et peut-être

17 que...

18 M. Domazet (interprétation): Non, c'est un calendrier orthodoxe, celui-là.

19 M. le Président (interprétation): Eh bien, qu'en est-il?

20 M. Domazet (interprétation): J'ai parlé du calendrier des fêtes musulmanes

21 et il s'agit de la pièce à conviction présentée par l'accusation.

22 M. le Président (interprétation): Ceci n'indique pas l'heure du coucher du

23 soleil, il y a simplement les noms orthodoxes.

24 M. Domazet (interprétation): Oui, nous avons cela. Mais pour le calendrier

25 musulman, nous l'avons aussi.

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1 M. le Président (interprétation): Si vous pouviez le rechercher, ce

2 calendrier musulman, et dire à ce moment-là aux fonctionnaires

3 responsables du Greffe, afin qu'on puisse voir quels sont les horaires que

4 l'on peut lire.

5 La dernière question que je voudrais évoquer avec vous, c'est que nous

6 avons demandé à l'accusation s'ils souhaitaient nous aider, s'ils

7 voulaient bien nous aider pour ce qui est du droit coutumier international

8 en ce qui concerne les violences contre la vie et la sécurité des

9 personnes -je comprends que les consultations ont lieu actuellement en

10 haut-: est-ce que vous avez quelque chose à dire à ce sujet à l'heure

11 actuelle, sur un point particulièrement intéressant?

12 C'est par rapport à la décision Blaskic où on avait donné la définition du

13 crime, mais sans citer aucune source par rapport à laquelle ils avaient

14 obtenu la définition du droit coutumier international.

15 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

16 j'ai compris que M. Groome devait présenter également par écrit

17 l'explication de tout cela. Et j'aimerais demander un délai, aussi bref

18 soit-il, pour me préparer à répondre à tout cela. Je me suis déjà mis à

19 faire quelques préparatifs à ce sujet, et après cela, il me sera possible,

20 j'espère, de m'y prononcer.

21 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons décider des heures en

22 question, et nous allons régler la question de ces horaires avant de finir

23 cet après-midi.

24 Mme Taya (interprétation): J'ai une question à poser au conseil de la

25 défense concernant la procédure concernant les rapports médicaux. Je

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1 voudrais savoir quels sont les commentaires du conseil de la défense

2 concernant le fait que les renseignements concernant l'existence de ces

3 rapports médicaux à l'origine ont été présentés par le Dr Moljevic, non

4 pas par l'accusé lui-même, et quelque dix mois après l'arrestation de

5 l'accusé.

6 M. Domazet (interprétation): Pour ce qui est de ces dossiers, de ces

7 documents après l'arrestation de M. Vasiljevic et une fois que je me suis

8 engagé dans sa défense, si je me rappelle bien, il s'agissait du mois

9 d'avril ou mai 2000, je me suis rendu personnellement à Uzice pour trouver

10 M. Moljevic et pour étudier ce que nous avons pu trouver ensemble comme

11 dossiers et documents. J'ai pu me faire remettre les photocopies de tous

12 ces documents et dossiers, de même qu'une déclaration faite par le docteur

13 Moljevic, laquelle a été communiquée au conseil de l'accusation dans le

14 cadre des échanges de moyens de preuve.

15 Il est vrai que c'est seulement en novembre 2000 que le docteur Moljevic

16 s'était rendu à Visegrad pour faire une déclaration, à laquelle occasion

17 il portait sur lui les dossiers s'y rapportant, lesquels lui ont été

18 saisis.

19 Eh bien, si votre question concerne ces dix mois pendant laquelle période

20 il devait apporter les dossiers et tous les documents, alors là, je

21 devrais vous dire qu'en ce moment-là, le conseil de la défense a eu

22 beaucoup de problèmes, du simple fait de l'existence du régime au pouvoir

23 en Serbie tel qu'il était et lequel régime ne permettait absolument aucune

24 coopération avec le Tribunal de La Haye au sujet de telles questions, même

25 si cela, si de telles actions étaient susceptibles d'aider la défense de

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1 l'inculpé Vasiljevic ici.

2 Or, c'est ainsi que, tant bien que mal, nous avons pu convaincre le

3 docteur Moljevic de s'y rendre pour faire une déclaration, pour apporter

4 sur lui tous les dossiers qu'il a pu avoir en jurant sur son honneur

5 devant son directeur.

6 Or, une fois venus, cette documentation, ces dossiers lui ont été saisis

7 et voilà que le problème était intervenu ensuite avec le docteur Moljevic

8 et avec l'hôpital d'Uzice. Pendant assez longtemps, je n'osais pas

9 apparaître pour redemander d'autres documents, car tous ces gens-là

10 étaient en colère du simple fait que les dossiers leur ont été saisis.

11 Or, maintenant que la procédure a été entamée, et lorsque l'accusation a

12 mené à bien la présentation de ses moyens de preuve et, lorsque dans la

13 presse et ailleurs, dans les médias, on a pu voir le déroulement de cette

14 procédure et d'autres procédures en Yougoslavie, parmi le public

15 intéressé, alors il a été peut-être moins difficile de faire en sorte que

16 les gens soient prêts à fournir tous les dossiers nécessaires. Ainsi donc,

17 nous avons pu avoir accès aux dossiers que nous n'avons pas pu avoir par

18 le truchement du docteur Moljevic.

19 Voilà la raison pour laquelle je m'excuse d'avoir été si tardif, pour

20 ainsi dire, pour présenter certains arguments à l'appui de mes preuves à

21 moi dans le cadre de la défense.

22 Je ne sais pas si j'ai pu répondre à votre question. Si vous êtes désireux

23 d'entendre davantage de détails, je suis entièrement à votre disposition.

24 M. le Président (interprétation): Vous avez donné comme date, lorsque les

25 documents ont été saisis, le 1er novembre 2002, en tous les cas c'est

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1 comme cela que cela était transcrit. Je croyais que c'était au début de

2 l'an dernier, à un moment donné?

3 M. Domazet (interprétation): Non, non, le 1er novembre 2000.

4 M. le Président (interprétation): Vous avez tous réussi à me rappeler

5 plusieurs fois que j'étais celui qui avait signé l'ordonnance de saisie et

6 des conséquences malheureuses qui en découlent. Je vous remercie.

7 Y a-t-il quelque chose que vous vouliez ajouter?

8 M. Domazet (interprétation): Non, non, Monsieur le Président,

9 personnellement j'ai été fort satisfait de voir tout cela saisi de cette

10 façon-là, car il me semble que ceci n'a fait que faciliter le travail du

11 conseil de la défense. Autrement dit, nous, à nous tout seuls, nous

12 n'aurions jamais pu avoir la possibilité de nous les procurer. Mais en

13 tout cas, cela n'a pas été sans me poser des problèmes dont je viens de

14 vous parler.

15 M. le Président (interprétation): Bien je vous remercie.

16 Monsieur Groome, combien de temps pensez-vous que les personnes qui font

17 des recherches pour vous vont avoir besoin pour faire cette recherche?

18 M. Groome (interprétation): Avant que toutes les réflexions aient été

19 faites et que les conclusions écrites soient présentées, il serait prêt à

20 avoir un exposé écrit le 27 ou le 28 de ce mois. Et peut-être dans un

21 délai plus bref, si le Tribunal le demande.

22 M. le Président (interprétation): Non, non, c'est satisfaisant comme

23 délai, ce n'est que dans deux semaines.

24 Maître Domazet, qu'est-ce que vous souhaiteriez vous-même, environ deux

25 semaines de plus pour y répondre?

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1 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation): Parce que nous avons encore beaucoup

3 d'autres éléments sur lesquels nous pouvons travailler. S'il vous faut un

4 mois pour régler la question, cela ne pose pas de problème particulier. Je

5 vous remercie.

6 Je voulais remercier les conseils avant de lever la séance pour leur aide.

7 Je sais que, parfois, j'ai exprimé des critiques sur l'efficacité avec

8 laquelle chaque partie a présenté ses thèses. C'est probablement le signe

9 que j'ai été juge d'instance pendant trop longtemps et que j'oublie les

10 problèmes qu'en tant que conseil moi-même, j'avais dû subir, lorsque je

11 participais à un procès!

12 Bien entendu, je n'ai jamais eu l'occasion de diriger un procès dans un

13 Tribunal international et je peux voir que les problèmes ici sont bien

14 pires que ceux auxquels j'avais eu à faire face moi-même. Donc il faut

15 traiter ces critiques dans cet esprit.

16 Toutefois, je voudrais donner acte au nom de la Chambre de la satisfaction

17 que nous voulons témoigner aux deux conseils pour les deux parties, pour

18 l'esprit général de coopération dans lequel le procès s'est déroulé.

19 Je me hâte de souligner que ceci n'est pas quelque chose qui se passe

20 souvent à ce Tribunal et certainement pas dans tous les procès. Nous

21 reconnaissons qu'il est toujours nécessaire que les conseils de la défense

22 usent de la plus grande prudence entre aider l'accusation et la Chambre et

23 en protégeant les droits de leur client.

24 Nous sommes très reconnaissants à vous, Maître Domazet, d'avoir agi dans

25 les meilleures traditions de votre profession, telles que je les

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1 comprends, en ceci qu'à tous moments, vous avez agi dans l'intérêt de

2 votre client et cependant, vous avez réussi à coopérer avec l'accusation

3 pour assurer que le procès pourrait progresser sans des problèmes

4 techniques inutiles.

5 De même, pour M. Groome dans l'équipe de l'accusation, nous sommes

6 reconnaissants qu'il ait très convenablement utilisé les ressources

7 quelque peu plus étendues de l'accusation pour aider la défense quand il

8 lui était possible de le faire.

9 Ce procès a été plus agréable grâce à la conduite des conseils, et nous

10 sommes très reconnaissants aux conseils de leur coopération.

11 Il me reste seulement à dire que nous réservons notre décision qui sera

12 rendue dès qu'il sera raisonnablement possible de le faire. Vous vous

13 rendez compte bien sûr que nous avons besoin ces temps-ci de passer à une

14 autre affaire, ce qui rend les choses encore plus difficiles pour ce qui

15 est de rédiger un jugement aussi rapidement que c'était fait par le passé,

16 mais nous ferons de notre mieux pour rendre votre jugement dès que cela

17 sera possible.

18 Je vous remercie. Je lève l'audience.

19 (L'audience est levée à 15 heures 40.)

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