Page 1775
1 Le mercredi 21 octobre 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
6 tous et à toutes dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le
7 Procureur contre Mico Stanisic et Stojan Zupljanin.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Est-ce qu'on
9 peut avoir les présentations, je vous prie.
10 Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, bonjour. Joanna Korner,
11 Alex Demirdjian et Crispian Smith pour l'Accusation.
12 M. CVIJETIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis le co-
13 conseil de la Défense de M. Mico Stanisic, et j'ai Eugene O'Sullivan comme
14 conseiller.
15 M. PANTELIC : [interprétation] Messieurs les Juges, bonjour. Pour la
16 Défense de Zupljanin, Igor Pantelic, Dragan Krgovic, et j'ai l'honneur
17 particulier de vous présenter Mme Michelle Butler qui est notre conseiller
18 pour cette affaire, conseiller juridique pour l'affaire. Je crois que c'est
19 une arme juridique de la Défense contre l'Accusation. Merci beaucoup.
20 Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Juge, peut-être pourrions-nous
21 nous pencher une fois de plus sur la décision de la Chambre prise hier,
22 avant que M. Gasi ne revienne. Nous avons demandé une décision écrite, et
23 je crois que M. O'Sullivan avait l'intention de s'adresser aux Juges de la
24 Chambre à ce sujet. Mais d'après nous, et d'après la façon dont on a
25 compris ce que le Juge Harhoff a dit hier, nous avons cru comprendre ce qui
26 suit :
27 "La Chambre peut décider si on la considère comme un expert ou pas. Mais
28 nous voulons dire qu'elle a toutes les qualifications d'un expert. Pour ce
Page 1776
1 qui est de son rapport en application de l'article 92 bis, pour ce qui est
2 du rapport d'expert, la Défense peut contester ceci. Mais en fin de compte,
3 si les Juges de la Chambre estiment qu'il n'y a rien de véritablement
4 valable, prenons ça comme exemple, alors les Juges de la Chambre peuvent
5 dire qu'ils n'accepteront pas ce rapport ou ne l'accepteront pas dans son
6 intégralité."
7 Mais ce qui reste peu clair, c'est le fait de savoir si vous acceptez
8 le rapport en application de l'article 94. Cela pourrait être considéré
9 comme une pièce à conviction. Une fois que vous aurez entendu le
10 témoignage, vous allez prendre la décision pour ce qui est du poids à
11 accorder aux différentes parties du rapport. Parce que le Juge Harhoff a
12 dit que vous alliez décider du fait de savoir si cela serait versé au
13 dossier ou pas. Lorsque Mme Hanson sera citée à comparaître aux côtés
14 d'autres experts, est-ce que son rapport sera versé au dossier comme pièce
15 à conviction et ensuite nous pourrions nous occuper des parties pertinentes
16 et la Défense s'occuperait d'autres parties, ou alors est-ce que vous allez
17 décider ou statuer sur le poids à accorder au rapport entier ou à certaines
18 parties de ce rapport. C'est la question que je voudrais vous poser ce
19 matin.
20 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
21 M. LE JUGE HALL : [interprétation] La façon pratique de se pencher sur la
22 décision rendue hier est ce qui suit : si nous considérons cette dame comme
23 expert, de ce fait, ce rapport pourrait être versé au dossier. Tout le
24 reste, c'est de savoir quel est le poids à accorder à celui-ci. Nous, en
25 notre qualité de Chambre, nous sommes censés nous pencher sur la façon
26 d'interpréter ledit rapport, et notamment après la phase du contre-
27 interrogatoire. Donc son rapport sera au dossier, mais tout le reste par la
28 suite consistera à faire déterminer le poids à lui accorder.
Page 1777
1 Mme KORNER : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Juge, ceci est
2 d'une grande aide. Mais avant que de nous pencher sur les conséquences
3 pratiques de ceci, je pense que M. O'Sullivan voudrait dire quelque chose à
4 ce sujet.
5 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, merci, Messieurs les Juges. Alors
6 pour les besoins du compte rendu d'audience, hier à la conclusion de nos
7 débats sur ce sujet, le Juge Harhoff a dit qu'au cas où les parties le
8 requéraient, il y aurait une décision écrite de rendue. Et hier, les
9 parties se sont adressées de façon informelle à la Chambre par courrier
10 électronique pour réclamer une décision écrite. Et cette requête, je la
11 présente maintenant à des fins de compte rendu d'audience, l'Accusation et
12 la Défense ont demandé une décision écrite. Et notre intention est de
13 demander une certification de votre décision en application de l'article
14 73, et ceci doit être remis dans un délai de sept jours suite à la décision
15 rendue par écrit.
16 Donc ceci étant le cas, nous demanderions une requête pour ce qui est de
17 patienter avec le témoignage de ce témoin, en attendant qu'il y ait
18 décision concernant notre requête à des fins de certification. Le témoin
19 donc ne devrait pas être entendu, parce que nous avons l'intention de
20 contester en matière d'appel votre décision, et nous demanderions une
21 certification d'appel pour que la question puisse être adressée à la
22 Chambre d'appel. Nous estimons qu'il ne conviendrait pas d'entendre le
23 témoin en attendant la décision écrite rendue.
24 Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, puis-je vous aider du
25 point de vue du timing ?
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je voulais dire
28 c'est, en tout état de cause, les difficultés que nous pressentons pour ce
Page 1778
1 qui est de citer à comparaître Mme Hanson cette semaine-ci. Nous allons
2 avoir un autre témoin qui va comparaître et je crois que les estimations
3 pour ce qui est du contre-interrogatoire se chiffrent à plusieurs heures.
4 Et il y a plusieurs heures d'interrogatoire principal. Donc, si j'ai bien
5 compris, jeudi, nous n'allons pas travailler après le déjeuner. Donc nous
6 avons un témoin que nous ne pourrons pas déplacer vers lundi, puis deux
7 autres témoins qui ne peuvent pas être décalés, il s'agit de témoins
8 importants, pour ce qui est des témoins qui ont été cités à comparaître par
9 injonction. Et je pense que nous ne pourrions pas, en tout état de cause,
10 faire venir Mme Hanson. Donc j'ai estimé préférable de vous le dire.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc, en substance, vous êtes
12 d'accord avec la proposition faite par la Défense pour que soient données
13 sept journées entières pour répondre à la décision rendue par écrit par nos
14 soins, chose qui ne manquera pas de se faire très bientôt ?
15 Mme KORNER : [interprétation] Oui. Je crois que ce serait la chose la plus
16 pratique à faire.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous requérez également
18 les deux semaines supplémentaires pour ce qui est de répondre à la requête
19 présentée par la Défense ?
20 Mme KORNER : [interprétation] Non, nous allons répondre très rapidement à
21 cela, Monsieur le Président. Nous avons demandé juste suffisamment de temps
22 pour ce qui est de la requête relative aux écoutes, et si nous avons une
23 certification d'appel nous allons répondre très rapidement. Je crois que
24 les conséquences pratiques de cette demande d'accélérer ont fait que nous
25 avons prévu un nombre suffisant de témoins, et lorsque nous avons constaté
26 que le Juge Delvoie avait travaillé sur le "timing" de nos témoins, nous
27 les avons entassés entre maintenant et Noël, bien entendu, compte tenu de
28 tout ce qui accourt en parallèle. Je ne pense pas que nous ayons l'occasion
Page 1779
1 d'entendre Mme Hanson avant la pause de Noël, à moins que quelque chose
2 n'aille mal.
3 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors faites entrer le témoin.
4 [Le témoin vient à la barre]
5 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur Gasi, je vous rappelle
6 que vous êtes encore sous serment.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
8 LE TÉMOIN : ISAK GASI [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 Interrogatoire principal par M. Demirdjian : [Suite]
11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Gasi.
12 R. [aucune interprétation]
13 Q. Je voudrais vous faire voir un document.
14 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Qu'on montre la pièce 320 en application
15 du 65 ter.
16 Q. Monsieur Gasi, il s'agit ici d'un document qu'on vous a montré dans
17 l'affaire Krajisnik. Il s'agit d'un résumé rédigé par la présidence de
18 Guerre de la municipalité de Brcko. Il est question du début des conflits,
19 du plasticage d'un pont, et cetera. Alors, vous n'avez pas vu ce document à
20 l'époque concernée ? Quand je dis "l'époque concernée" je parle de 1992.
21 R. Non.
22 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais demander à l'huissière de nous
23 montrer la toute dernière page de ce document, celle qui est numérotée, et
24 j'aimerais qu'on nous montre le bloc où il y a la signature sur ce
25 document. J'imagine que ça devrait être la page d'avant. Voilà.
26 Q. Monsieur Gasi, vous reconnaissez cette signature ?
27 R. Oui. Ristanic Djordje.
28 Q. Est-ce que vous pouvez rappeler aux Juges de la Chambre qui était
Page 1780
1 Djordje Ristanic en 1992 ?
2 R. Il était président de la présidence de Guerre de la municipalité de
3 Brcko, mais c'est quelqu'un que je connais en personne, soit dit en
4 passant.
5 Q. Et seriez-vous en mesure de nous dire si la signature est en caractères
6 cyrilliques ou latins ?
7 R. En caractères cyrilliques.
8 Q. Et comment avez-vous connu M. Ristanic ?
9 R. On a fait l'école primaire en entier ensemble à Brcko. Plus tard,
10 lorsque je suis allé à l'école secondaire pour être électricien, Djordje,
11 lui, a fait des études en orientation technique. C'est quelqu'un que je
12 connais fort bien et nous avons du reste grandi ensemble.
13 Q. Je voudrais que vous vous tourniez vers la page 3 en version B/C/S, et
14 en anglais il s'agit de la page 2, je me réfère au milieu de la page. Il
15 est fait référence à des membres des Bérets verts, "Zelene Beretke", comme
16 on le dit ici. Est-ce que vous pouvez retrouver ce passage sur la page ? Je
17 crois que c'est le troisième paragraphe en version cyrillique.
18 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pouvez-vous descendre un peu, je vous
19 prie. Non, excusez-moi. Remontez. Ça c'est la page 2. J'ai demandé à ce
20 qu'on montre la page 3. Je m'excuse. Merci.
21 Q. Est-ce que vous voyez ce troisième paragraphe ?
22 R. Oui, je le vois.
23 Q. Et on parle :
24 "Des membres des Bérets verts qui placent des barricades dans les secteurs
25 frontaliers avec les parties serbes de la ville, et en coupant les routes
26 principales en direction de Loncari, Bosanski Samac et Modrica."
27 En 1992, est-ce que vous avez eu l'occasion de rouler à bord d'un véhicule
28 dans Brcko pendant les mois d'avril et mai ?
Page 1781
1 R. Oui, j'ai eu l'occasion de me déplacer sur le territoire entier de la
2 municipalité de Brcko.
3 Q. Et que pouvez-vous nous dire au sujet de ce paragraphe, là il est
4 question des barrages dressés par les Bérets verts ?
5 R. Je n'ai pas vu les barrages dressés par les Bérets verts à l'époque à
6 Brcko. Pendant le mois entier d'avril et cette partie du mois de mai où
7 j'étais soit chez moi, soit par la suite au niveau de l'entreprise de
8 distribution d'électricité à Brcko, je ne les ai pas vus.
9 Q. Pour que les Juges de la Chambre comprennent tout ceci, à l'époque où
10 vous avez travaillé pour le compte de l'entreprise de distribution
11 d'électricité à Brcko, est-ce que vous pouvez nous dire par où vous êtes
12 passé ?
13 R. Une fois, je suis allé à proximité de cet endroit qui est mentionné ici
14 dans le rapport, sur la route principale allant de l'hôpital de Brcko vers
15 Mujkici et Gluhakovac, qui sont des communautés locales. On ne le mentionne
16 pas ici. Mais c'est la route dans cette direction-là. A l'époque ça pouvait
17 être, disons, le 11 ou le 12, peut-être même le 13 mai. Mais je n'ai vu
18 aucun barrage. Il y a eu des maisons endommagées dans cette partie de la
19 ville et des vitres brisées, des véhicules endommagés sur le bas côté de
20 cette route principale, mais avoir vu des barrages, non, je n'en ai pas vu.
21 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page 4
22 de la version B/C/S. Le 4 est en haut de la page. Et en version anglaise il
23 s'agit de la page 3, paragraphe 3.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Demirdjian, pendant que nous
25 attendons de voir ceci sur nos écrans, pourriez-vous vérifier avec le
26 témoin ou lui demander de nous dire si dans son témoignage il affirme qu'il
27 n'a vu aucune espèce de barrage routier, je crois que votre question était
28 celle de savoir s'il avait vu des barrages routiers posés par les Bérets
Page 1782
1 verts. La question qui reste en suspens c'est celle de savoir s'il y a eu
2 d'autres barrages routiers qui auraient pu être mis en place par la cellule
3 de Crise des Serbes ou d'autres barrages routiers encore.
4 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Témoin, vous avez entendu la question du Juge Harhoff. Avez-vous le
6 souvenir d'avoir vu des barrages routiers dans les alentours de Brcko ?
7 R. Avant que la guerre ne commence et pendant toute la durée du mois
8 d'avril, il y avait ces postes de contrôle organisés par la police civile
9 et par la police militaire de la Garnison de Brcko. Cela ça s'est passé
10 avant la guerre, pendant tout le mois d'avril. Pendant la guerre - enfin la
11 guerre qui à partir du 1er mai jusqu'au 13 mai - lorsque je suis allé en
12 ville, j'ai pu constater qu'il y avait des postes de contrôle mais ils
13 n'étaient plus de la composition mixte. C'était pour la plupart des cas des
14 postes de contrôle où il y avait des hommes en uniforme de camouflage qui
15 appartenaient à la Garnison de Brcko. Il y avait aussi des membres de la
16 Défense territoriale. C'était probablement des Serbes.
17 Il y avait aussi d'autres personnes qui faisaient partie du poste de
18 police de Brcko. Ils étaient présents partout en ville, et où qu'on aille
19 on tombait sur trois, quatre, cinq personnes qui vérifiaient les papiers
20 d'identité, qui vous arrêtaient pour demander où est-ce que vous allez, qui
21 est-ce qui vous a donné l'autorisation d'aller, qu'elle est la raison de
22 votre déplacement vers cette partie de la ville, et cetera.
23 Q. Page 8, ligne 8. Si je ne m'abuse, nous lisons que les hommes qui
24 tenaient ces postes de contrôle n'appartenaient qu'à un seul groupe
25 ethnique.
26 Monsieur le Témoin, pourriez-vous préciser, vous venez de nous dire que
27 vous avez vu des hommes en uniforme de camouflage, membres de la Défense
28 territoriale, ou de la police. Est-ce que vous vouliez dire que les postes
Page 1783
1 de contrôle étaient tenus par des hommes appartenant à plusieurs groupes
2 ethniques ou à un seul groupe ethnique ? Peut-être quelque chose s'est-il
3 perdu dans l'interprétation.
4 R. Avant la guerre, au mois d'avril 1992, ceux qui tenaient les postes de
5 contrôle étaient d'appartenance ethnique mixte, je parle des membres de la
6 police civile qui se trouvaient là. Quand je dis "mixte", je parle du point
7 de vue de la composition ethnique. S'il se trouvait là des membres du SUP
8 de Brcko, ils étaient Croates, Serbes et Musulmans et ils travaillaient aux
9 côtés des membres de la police militaire venant de la caserne. Au mois de
10 mai, je n'ai plus vu la même chose au poste de contrôle de Brcko. Ceux qui
11 les tenaient étaient membres d'un seul groupe ethnique et c'est ce que je
12 voulais dire lorsque j'ai dit qu'il n'y avait plus de mixité.
13 Q. Monsieur Gasi, puis-je vous renvoyer à la page 4, paragraphe 2, depuis
14 le bas de la page, avant-dernier paragraphe qui correspond à la page 3,
15 troisième paragraphe.
16 Est-ce que vous avez eu des discussions avec :
17 "Dragan Veselic, nommé à la présidence de Guerre et qui était chef du
18 poste de sécurité publique à peu près au moment où la guerre a commencé,
19 c'est-à-dire où le poste de sécurité publique a été repris…"
20 Est-ce que vous voyez ce paragraphe dans le texte ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que vous connaissiez Dragan Veselic ?
23 R. Oui.
24 Q. Depuis quand le connaissez-vous ?
25 R. Je le connaissais déjà quelques années avant la guerre, je crois que
26 nous avons eu des conversations avec d'autres personnes qui le
27 connaissaient aussi et je crois même me souvenir que nous avons pris le
28 café une ou deux fois ensemble dans les cafés de Brcko.
Page 1784
1 Q. Quelle était sa profession avant la guerre ?
2 R. Il était professeur de mathématiques et de physique au lycée de Brcko,
3 le lycée Vaso Pelagic.
4 Q. Savez-vous s'il avait bénéficié d'une quelconque formation ou métier de
5 policier avant la guerre ?
6 R. Je ne sais pas, mais je ne crois pas que Veselic était un policier
7 formé à ce métier.
8 Q. Savez-vous si à peu près au moment des élections, ou plutôt après les
9 élections de 1990, il aurait appartenu à un quelconque parti politique ?
10 R. Je crois qu'il était adhérant du SDS, Parti démocratique serbe de
11 Brcko.
12 Q. Si vous poursuivez la lecture de ce paragraphe, vous constaterez qu'on
13 y lit :
14 "…après la nomination de Dragan Veselic, on a commencé à recruter de
15 nouveaux membres au poste de police, et que parmi ces nouveaux membres se
16 trouvaient des Serbes qui y avaient travaillé par le passé."
17 Et un peu plus loin, nous lisons :
18 "Le problème était le même qu'au sein de l'armée. La plupart de ces hommes
19 n'étaient pas entraînés au métier de policiers, mais il n'y avait pas
20 d'autres possibilités."
21 Pouvez-vous commenter ce passage ?
22 R. Je ne sais pas pour quelle raison on a recruté au poste de police de
23 Brcko dans ces conditions. A cette époque-là, ce qui a été fait était de
24 rappeler les gens qui y travaillaient avant la guerre, je parle de
25 l'appartenance ethnique en ce moment, on les a rappelés pour qu'ils
26 continuent à y travailler. Est-ce qu'on leur avait enlevé leur travail
27 avant ou non, je ne sais pas. Je ne pense pas que quoi que ce soit ait
28 changé entre la période précédant sa nomination et la période ultérieure à
Page 1785
1 sa nomination en tant que chef du SUP. Pour autant que je m'en souvienne et
2 d'après ce que j'ai pu voir en ville, je n'ai pas vu le moindre changement
3 avant ou pendant la durée de la guerre.
4 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche le haut de
5 la page 5 de la version B/C/S, le haut de la page 5, s'il vous plaît. En
6 anglais c'est toujours page 3, deuxième et troisième paragraphes avant le
7 bas de la page. La page qui m'intéresse en anglais comporte le numéro 5 en
8 haut de la page. La page en B/C/S dont je demande l'affichage est celle qui
9 suit la page affichée en ce moment, la suivante. Est-ce qu'on voit le
10 numéro 5 en haut de la page en anglais ? Pourrait-on faire défiler le texte
11 pour voir le haut de la page ? Voilà, merci.
12 Q. Monsieur Gasi, voyez-vous ici un passage où il est question du fait que
13 la majeure partie des forces serbes était originaire de Semberija, de
14 Bijeljina en particulier ?
15 R. Oui, le je vois.
16 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais que l'on fasse défiler le
17 texte anglais pour qu'on voie le passage en question.
18 Q. Ce paragraphe se poursuite et on peut y lire :
19 "Ces hommes étaient principalement organisés en deux formations, la Garde
20 serbe, commandé par Blagojevic et une autre formation."
21 Est-ce que vous avez eu la possibilité de rencontrer M. Savic en 1992
22 à Brcko ?
23 R. Oui. J'ai eu l'occasion de le rencontrer.
24 Q. Pourriez-vous rapidement décrire à l'intention des Juges de la Chambre
25 dans quelle condition vous avez rencontré M. Mauzer ?
26 R. Un jour, alors que j'étais à la société de distribution électrique, cet
27 homme est arrivé avec deux autres membres de son unité. Ils sont entrés
28 dans l'entreprise, ils ont discuté avec notre directeur après quoi ils ont
Page 1786
1 regroupé tous ceux qui, à cette époque-là, travaillaient à la société de
2 distribution électrique, et ils nous ont fait nous aligner en deux rangs.
3 Après quoi nous avons subi une espèce de discours politique de la part de
4 M. Mauzer. Voilà à quoi se résume ma rencontre avec lui.
5 Q. S'est-il adressé à vous ?
6 R. Quand nous avons été alignés comme si nous étions à l'armée, les uns
7 derrière les autres, en rangs, il est passé de l'un à l'autre en demandant
8 à chacun quel était son nom. Il y avait là six ou sept représentants de la
9 communauté ethnique serbe et tout le reste était composé de Musulmans. Il y
10 avait aussi deux Croates. Donc, comme je l'ai dit, ils passaient d'un homme
11 à l'autre, d'une personne à l'autre en demandant à chacun quel était son
12 nom. Il est arrivé à ma hauteur, il m'a demandé comment je m'appelais. J'ai
13 dit que je m'appelais Isak, après quoi il est passé à la personne suivante.
14 Il ne m'a pas du tout maltraité ni verbalement ni physiquement à ce moment-
15 là.
16 Q. A-t-il dit quelque chose d'autre au groupe tout entier ? Vous nous avez
17 expliqué qu'il a fait déplacer les Croates et les Musulmans d'un autre côté
18 de la pièce ?
19 R. Un peu plus tard, après qu'il soit passé d'une personne à l'autre, il y
20 avait parmi nous un collègue qui était serbe et qui est resté à nos côtés
21 et il a dit que cet homme devait se séparer de nous. Les Serbes devaient
22 être d'un côté de la pièce et les Musulmans de l'autre. Or, le collègue
23 serbe était resté à nos côtés. Donc il s'est avancé vers ce collègue serbe
24 et il lui a demandé quel était son nom. Le collègue a répondu. Après quoi
25 il a dit, Qu'est-ce que vous faites avec les balija, ici ? Et l'autre lui a
26 répondu, Eh bien, ce sont mes collègues, ils travaillent avec moi. Alors,
27 Mauzer lui a une nouvelle fois demandé comment il s'appelait. Mon collègue
28 a répondu et Mauzer lui a dit, Mais enfin, ton frère s'est fait tuer et ce
Page 1787
1 sont ces hommes de la société de distribution électrique qui l'ont tué. Mon
2 collègue a répondu, Non, ce ne sont pas eux, je reste avec eux. Et voilà le
3 genre de discussion qui a provoqué les mauvais traitements imposés aux non-
4 Serbes.
5 Après quoi il a changé de discours parce qu'il s'est rappelé qui
6 était le frère de cet électricien, alors il est allé voir le directeur et
7 s'est adressé plus directement aux membres de la communauté ethnique serbe.
8 Nous n'avons pas pu entendre ce qui s'est dit et il nous a dit à nous
9 autres que nous pouvions partir, qu'il n'avait plus besoin de nous. Et
10 voilà comment tout cela s'est terminé.
11 M. PANTELIC : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais page
12 12, ligne 18 du compte rendu, il y a une phrase qui commence :
13 "Et puis il était question de mauvais traitements infligés aux non-
14 Serbes."
15 Je pense que nous avons entendu autre chose que ce qui est écrit au
16 compte rendu. Pourrait-on demander une précision au témoin.
17 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] La ligne 13, n'est-ce pas, c'est là qu'il
18 est question de mauvais traitements.
19 Q. Monsieur le Témoin, je ne sais pas si vous voyez cette phrase à
20 l'écran, en anglais. Elle se lit comme suit :
21 "…discussion qui a abouti aux mauvais traitements infligés à nous autres
22 qui n'étions pas Serbes."
23 Pourriez-vous préciser à notre intention car le conseil de la Défense
24 semble indiquer que vous avez dit autre chose ?
25 R. Des mauvais traitements verbaux, Monsieur Pantelic, cela signifiait
26 qu'un homme marchait derrière vous, armé d'un Skorpion et qu'il vous
27 poussait le revolver dans les reins et vous disait à voix très, très haute,
28 Comment tu t'appelles ? Et ensuite, il ajoutait d'autres mots. Est-ce que
Page 1788
1 vous appelez ça des mauvais traitements verbaux ou des mauvais traitements
2 physiques, je ne sais pas. En tout cas, c'est ce qui se passait. Et puis,
3 cet homme qui le suivait à l'époque, il portait un fusil mitrailleur et il
4 a retourné le canon de ce fusil mitrailleur dans la direction du groupe
5 dont je faisais partie et il a commencé à s'amuser avec les balles du fusil
6 mitrailleur. Il libérait le magasin et sortait des balles, puis les
7 remettait devant nous. Voilà le genre de mauvais traitements que nous avons
8 subis, mais je ne dirais pas que quelqu'un aurait été frappé par Mauzer
9 avec la crosse de son arme ou que Dusko aurait agi de la même façon. Non,
10 ils n'ont pas fait cela, mais en tout cas, c'est très désagréable
11 d'entendre quelqu'un qui est dans votre dos et qui a une arme plantée dans
12 vos reins, vous appeler "balija" et vous dire d'avancer. Voilà le genre de
13 mauvais traitements dont je parle. En tout cas, je me sentais très mal à ce
14 moment-là.
15 Q. Monsieur Gasi, pourriez-vous regarder le paragraphe suivant qui
16 commence par les mots :
17 "Les premiers qui sont arrivés à Brcko faisaient partie d'un groupe
18 d'instructeurs du capitaine Dragan."
19 Vous voyez ce passage ?
20 R. Oui.
21 Q. Au milieu du paragraphe, on voit une phrase qui se lit comme suit :
22 "Lorsque la guerre a commencé et pendant les combats, un certain nombre de
23 membres de ce peloton conjoint d'intervention de la police a admis ces
24 hommes dans ses rangs, mais l'unité spéciale s'est développée pour
25 atteindre environ 70 hommes."
26 Que savez-vous de ce peloton d'intervention de la police ?
27 R. Je sais qu'un de mes voisins était membre de la police spéciale en
28 avril. Son nom était Ranko Cesic et il habitait le même bâtiment que moi.
Page 1789
1 Il y avait aussi Miso qui faisait partie de cette unité. Je sais que deux
2 frères qui vivaient dans ce même bâtiment étaient également membres de
3 cette unité. L'un des frères, qui était mon voisin, se prénommait Predrag,
4 si je ne me trompe, et il m'a dit lui-même qu'il avait participé à la
5 libération de Bosanski Samac. Ranko Cesic et Miso Cajevic, que j'ai vus
6 tous les deux à Banja Luka portaient un uniforme de policier, un uniforme
7 de couleur bleu clair et ont plus tard été transférés dans cette unité à
8 partir de leur unité d'origine.
9 Q. Ce paragraphe affirme qu'un certain nombre de membres de ces unités
10 paramilitaires ont rejoint le peloton d'intervention de la police. Que
11 pourriez-vous nous dire au sujet des rapports existant entre la police et
12 ces groupes paramilitaires de Brcko aux mois d'avril et mai 1992 ?
13 R. Dans la ville en temps que telle, après la destruction du pont sur la
14 Save, donc durant le mois d'avril, si vous vous promeniez en ville, il y
15 avait encore pas mal de gens qui se baladaient en ville en avril, et on
16 voyait des membres de ces unités qui venaient très souvent au SUP de Brcko.
17 Ils garaient leurs voitures devant le poste de police de Brcko et tout cela
18 avait pour but de créer ce peloton de police conjoint pour mettre en place
19 des patrouilles communes et ériger des barrages routiers communs aux
20 sorties de la ville de Brcko dans les deux directions. C'est ce que j'ai vu
21 et remarqué à Brcko à l'époque.
22 Q. J'aimerais vous soumettre un dernier extrait de ce document qui se
23 trouve en page 8 de la version B/C/S du texte.
24 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Le paragraphe du haut. Quand je dis page
25 8, encore une fois, cela signifie qu'on voit le numéro 8 en haut de cette
26 page du document. Cela correspond à la page 5 de la version anglaise. Les
27 paragraphes qui m'intéressent sont les quatrième, cinquième et sixième
28 paragraphes.
Page 1790
1 Q. Vous voyez ce passage, Monsieur Gasi ?
2 R. Oui.
3 Q. Vous voyez que ce passage commence par les mots :
4 "Le résultat des pillages c'est que Brcko est désormais une ville
5 dévastée."
6 Est-ce que vous voyez cette première phrase du paragraphe ?
7 R. Oui.
8 Q. Ensuite, dans ce paragraphe sont abordés les problèmes de vol, de
9 confiscation de voitures, de pillage de la part de diverses unités
10 désorganisées. Et la dernière phrase du paragraphe se lit comme suit :
11 "Des membres de la population locale ont rejoint ces équipes, et la police
12 a été incapable d'empêcher cela, donc certains membres de la population
13 locale se sont sans doute joints aux policiers."
14 Pourriez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet des pillages dans la
15 ville de Brcko ?
16 R. Un jour, entre le 1er et le 10 mai, j'étais dans mon appartement,
17 j'habite dans une rue qui est tout à fait proche de la caserne. Un véhicule
18 est arrivé équipé de haut-parleurs qui invitaient la population qui se
19 sentait menacée par les combats à sortir de ses appartements, car elle
20 pouvait être transportée vers la caserne de la JNA de Brcko. Donc il y a
21 des gens qui sont sortis, moi, j'ai regardé tout cela depuis les fenêtres
22 de mon appartement.
23 Un de mes voisins m'a dit, Ne bouge pas d'ici, ne sors pas de ton
24 appartement. Et à ce moment-là, un camion militaire est arrivé, ils ont
25 embarqué tous les gens qui étaient sortis de leurs domiciles et les ont
26 emmenés. Je suppose qu'ils les ont emmenés à la caserne. Une heure plus
27 tard, quelques autres camions sont arrivés et ont commencé à emporter des
28 objets hors des appartements d'où ces personnes étaient sorties. Quelques
Page 1791
1 jours plus tard encore, ces personnes qui avaient été emmenées à la caserne
2 sont revenues, elles sont donc rentrées dans leurs domiciles, et c'est ce
3 que j'ai pu constater à l'époque.
4 Q. Les gens qui ont été emmenés, pourriez-vous nous dire si vous savez
5 quelle était leur appartenance ethnique ?
6 R. Les personnes qui résidaient dans ce quartier résidentiel, en face de
7 chez moi, étaient des Musulmans. La rue s'appelait la rue Blagoje avant la
8 guerre. Je ne sais pas quel est son nom aujourd'hui, parce que les noms des
9 rues changent tout le temps.
10 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais le
11 versement au dossier de ce document.
12 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin n'a pas
13 reconnu ce document. Il n'est pas l'auteur de ce document. Il ne sait rien
14 de ce document qu'il n'a jamais vu avant. La seule chose qu'il a reconnue
15 c'est la signature de l'auteur du document, et rien d'autre. Le Procureur a
16 fait usage de son droit de lui soumettre divers passages du document qui
17 traitent des événements de l'époque, mais nous ne pensons pas que ce
18 document puisse être admis au dossier par le biais de ce témoin. Il y aura
19 d'autres personnes, d'autres membres de la présidence de Guerre qui seront
20 entendus en qualité de témoins et qui seront plus compétents pour parler de
21 ce document. Nous pourrons peut-être même entendre l'auteur du document en
22 personne. Je vous remercie.
23 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] J'ajouterais simplement que nous ne savons
24 pas si l'auteur du document sera cité à la barre, car nous n'avons pas
25 l'intention de le citer à la barre. J'aimerais simplement souligner que ce
26 document, du point de vue de sa pertinence, je crois pouvoir dire que le
27 témoin a confirmé la pertinence de ce document. Il a authentifié la
28 signature de l'auteur, donc la fiabilité de ce document. Il n'a pas vu ce
Page 1792
1 document à l'époque, mais il connaît tous les faits qui sont évoqués dans
2 ce document concernant l'époque en question. Je dirais que ceci relève du
3 droit discrétionnaire de la Chambre, en vertu de l'article 89(c) du
4 Règlement.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE HALL : [interprétation] L'objection de Me Cvijetic est prise en
7 note, mais de l'avis des Juges de la Chambre, ce document est admissible,
8 il est donc admis au dossier et enregistré.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 129, Monsieur le
10 Président.
11 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
12 Q. Monsieur Gasi, vous avez dit dans votre déposition dans l'affaire
13 Krajisnik, page 429 [comme interprété] du compte rendu de l'affaire
14 Krajisnik, que vous avez assisté à des meurtres les 6 et 7 mai sur le
15 marché de la ville; vous rappelez-vous cela ?
16 R. Oui, je m'en souviens. Ce n'était pas sur le marché, mais à côté du
17 marché, dans une rue qui longe le marché.
18 Q. Page 424 du compte rendu de l'affaire Krajisnik, vous avez déclaré
19 avoir vu un policier revêtu d'un uniforme de couleur bleu en train de tirer
20 sur trois civils, il leur tirait dans la tête. Vous rappelez-vous avoir dit
21 cela ?
22 R. Oui, je m'en souviens.
23 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin
24 le document 65 ter numéro 2163. Je remarquerais à l'intention des Juges de
25 la Chambre que ce document fait partie des trois documents constituant la
26 liasse de documents qui relève, dans le cadre de l'audition de ce témoin,
27 de l'article 92 ter du Règlement.
28 Q. Voyez-vous l'image que vous avez à l'écran devant vous, Monsieur Gasi ?
Page 1793
1 R. Oui, je la vois.
2 Q. Reconnaissez-vous le secteur ?
3 R. Oui, oui.
4 Q. Quel est le quartier de la ville que l'on voit sur cette image ?
5 R. C'est le centre même de la ville.
6 Q. Est-ce bien à cet endroit que vous vous trouviez le 6 ou le 7 mai,
7 lorsque vous avez assisté à ces tirs d'arme à feu ?
8 R. Oui, je me trouvais là.
9 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais l'aide de Mme l'Huissière
10 pour que le témoin puisse placer des annotations sur l'écran.
11 Q. Monsieur Gasi, pouvez-vous indiquer aux Juges de la Chambre, à l'aide
12 du stylet que vous avez à la main, dans quel immeuble vous vous trouviez
13 lorsque vous avez assisté aux tirs ? Pourriez-vous placer le chiffre 1 à
14 côté de l'annotation que vous venez d'apposer sur l'écran ?
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 Q. Pourriez-vous indiquer à quel endroit précis vous avez vu le policier
17 en train de tirer sur les trois civils ?
18 R. [Le témoin s'exécute]
19 Q. Pouvez-vous inscrire le numéro 2 à côté de cette annotation ?
20 R. [Le témoin s'exécute]
21 Q. Pouvez-vous nous dire quelle est la distance approximative qui sépare
22 ce bâtiment de l'endroit où vous vous trouviez lorsque vous avez vu les
23 tirs ?
24 R. 30 à 40 mètres, peut-être.
25 Q. De cette distance, avez-vous eu la possibilité d'identifier le policier
26 ?
27 R. Non, il était de dos et ensuite il est parti dans une autre rue et je
28 ne l'ai plus vu.
Page 1794
1 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais l'enregistrement de cet
2 écran et son versement au dossier.
3 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Le document est admis et enregistré.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] En tant que pièce P130, Monsieur le
5 Président, Messieurs les Juges.
6 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais maintenant que l'on
7 soumette au témoin la photographie suivante, document 65 ter numéro 2167.
8 Q. Vous voyez la photographie, Monsieur Gasi ?
9 R. Oui.
10 Q. Pouvez-vous nous dire ce que représente cette photo ? Qu'est-ce qu'on
11 voit sur cette image ?
12 R. On peut voir la rue avec ce bâtiment qui se trouve sur le côté gauche
13 où on voit la façade qui est endommagée. C'est là que tout a eu lieu, je
14 crois.
15 Q. Bien. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, apposer une annotation
16 à l'endroit où vous avez vu les trois civils tués.
17 R. [Le témoin s'exécute]
18 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, apposer le chiffre 1.
19 R. [Le témoin s'exécute]
20 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais demander maintenant que cette
21 image soit enregistrée pour le dossier.
22 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Elle est admise et elle reçoit une cote.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Devient la pièce P131.
24 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je souhaiterais que l'on montre maintenant
25 au témoin la photographie suivante, à savoir 2164 de la liste 65 ter.
26 Q. Voyez-vous la photographie, Monsieur Gasi ?
27 R. Oui, je la vois.
28 Q. Est-ce que c'est la même rue que celle que nous avons vue précédemment
Page 1795
1 ?
2 R. Oui.
3 Q. Le policier que vous avez vu ce jour-là, est-ce qu'il portait un
4 uniforme analogue à celui que nous voyons avec cette chemise bleue sur la
5 droite ?
6 R. Oui, c'est le même uniforme. C'est le même type d'uniforme.
7 Q. Ça ce n'est pas l'homme que vous avez vu, toutefois, juste pour être
8 bien sûr ?
9 R. Non, non, je ne crois pas que ce soit cet homme-là, mais je me rappelle
10 qu'il avait un brassard sur le bras -- ou il avait un bras bandé comme
11 celui-ci sur cette image.
12 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande le versement de ce document.
13 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il est admis et il reçoit une cote.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le P132, Monsieur le Président.
15 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais qu'on montre au témoin, s'il
16 vous plaît, le 2165 de la liste 65 ter.
17 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que ceci est bien la même rue que celle dont
18 nous venons de parler ?
19 R. Oui.
20 Q. Là encore, c'est toujours le même uniforme que celui que portait le
21 policier que vous avez vu le 7 mai ?
22 R. Oui.
23 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] En fait, nous avons une troisième
24 photographie dans cette série, peut-être qu'on pourrait en faire un seul
25 document avec les intercalaires 1, 2 et 3. Pourrait-on voir la photographie
26 suivante qui est la 2166 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.
27 Q. Là encore, c'est bien la même rue, Monsieur Gasi ?
28 R. Oui.
Page 1796
1 Q. Alors, lorsque vous étiez à Brcko pendant le mois de mai, cet uniforme,
2 c'était un uniforme que vous voyiez régulièrement ?
3 R. C'est un uniforme de policier, un uniforme d'avant-guerre comme ceux --
4 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : les policiers portaient ces
5 uniformes-là avant la guerre et, je crois, pendant la guerre aussi.
6 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
7 Q. Et ces trois photos que nous venons de vous montrer, est-ce que vous
8 sauriez qui les a prises, ces photos ?
9 R. Oui.
10 Q. Pouvez-vous nous dire qui était cette personne ?
11 R. C'était Bojan Stojanovic, qui était un reporter-photo de Belgrade.
12 Q. Et comment savez-vous que c'est lui qui a pris précisément ces
13 photographies ?
14 R. En juillet 1992, alors que j'étais à Belgrade, Rade Bosic l'a emmené
15 voir cet ami et il est venu avec un dossier qui était plein de
16 photographies qu'il avait prises pendant la guerre à Brcko.
17 Q. Et il vous a montré ces photos ?
18 R. Oui. Et il en a montré d'autres aussi.
19 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais demander que cette dernière
20 photographie soit admise au dossier.
21 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Ces photographies sont donc
22 admisses au dossier et reçoivent une cote dans les numéros qui se suivent,
23 et non pas comme un groupe, pour certaines raisons administratives.
24 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P133 et P134,
26 Monsieur le Président.
27 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
28 Q. Monsieur Gasi, vous avez dit aux membres de la Chambre que dans
Page 1797
1 l'affaire Krajisnik, pendant le mois de mai, on vous avait demandé de
2 travailler pour Elektro Brcko; est-ce exact ?
3 R. Oui.
4 Q. Et vous avez dû rester dans le bâtiment, l'immeuble de l'Elektro Brcko,
5 et prendre vos repas et dormir, vous y restiez 24 heures sur 24 ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Une fois vous avez dit aux membres de la Chambre, et ceci se trouve à
8 la page 435 et 436 du compte rendu du procès Krajisnik, que vous avez dû
9 travailler sur un poteau de transformateur ?
10 R. Pour être précis, nous parlons de pylônes à haute tension.
11 Q. Et est-il exact que vous avez dû monter en haut de ce pylône ?
12 R. Oui, c'est exact. Nous sommes montés.
13 Q. Approximativement quelle hauteur, ce pylône ?
14 R. Quelque 20 mètres environ.
15 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais demander à l'huissière de
16 présenter à l'écran le 2170 de la liste 65 ter.
17 Q. Monsieur Gasi, est-ce que vous reconnaissez cette photographie ?
18 R. Oui.
19 Q. Pouvez-vous nous dire ce qu'elle représente ?
20 R. Je sais exactement où se trouve cet endroit. Tout près de cet endroit,
21 nous avons dû nous occuper de ces pylônes à haute tension.
22 Q. Et à partir de ce pylône à haute tension dans lequel vous étiez monté,
23 est-ce que vous avez pu voir cette fosse, cette tombe ?
24 R. Non, pas celle-ci. J'en ai vu une autre.
25 Q. Et cette tombe ou cette fosse elle-même, où se trouvait-elle par
26 rapport au pylône que vous avez dû escalader ?
27 R. En gros, ça se trouvait entre 150 à 200 mètres du pylône sur lequel je
28 me trouvais. Je veux dire cette fosse-ci que nous regardons maintenant.
Page 1798
1 Q. Et la fosse que vous pouviez voir depuis le pylône, comment se
2 présente-t-elle par rapport à l'image que vous avez sous les yeux ?
3 R. Celle-ci aurait été derrière mon dos si j'avais été sur le pylône. J'y
4 tournais le dos. Et l'autre que j'ai mentionnée serait devant moi. Je
5 ferais face à l'autre. Quant à celle-ci, elle serait dans mon dos, à moins
6 que j'aie perdu le sens de l'orientation à cause du temps qui s'est écoulé.
7 Et oui, je pense effectivement que celle-ci est celle que j'aurais eue
8 derrière moi tandis que l'autre était devant.
9 Q. Et dans le coin droit en haut de la photo, on voit un peu un camion
10 partiellement. Vous voyez cela ?
11 R. Oui.
12 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce camion ?
13 R. Oui, je le reconnais. Ce camion prenait la grand-route qui passait près
14 de l'Elektrodistribucija où nous nous trouvions.
15 Q. Est-il exact que dans l'affaire Krajisnik vous avez déclaré que vous
16 aviez vu ce camion faire la navette lorsque vous travaillez à l'Elektro
17 Brcko ?
18 R. Oui, c'est exact. Probablement, il passait dans un sens le matin et
19 revenait plus tard, mais il y a eu certains jours où il allait dans les
20 deux sens deux fois par jour.
21 Q. Et parfois, est-ce que vous avez reconnu le conducteur ?
22 R. Oui, je crois. Je crois que j'ai vu un homme que je connaissais d'avant
23 la guerre. Je crois l'avoir vu deux fois. Il travaillait au poste de police
24 de Brcko.
25 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quel était son nom ?
26 R. Mika Marinkovic.
27 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais demander le versement de cette
28 photo au dossier, s'il vous plaît.
Page 1799
1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, cette photo est donc admise au
3 dossier et reçoit une cote.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera donc la pièce P135, Monsieur le
5 Président.
6 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
7 Q. Monsieur Gasi, vous nous avez mentionné que dans l'affaire Krajisnik en
8 page 440, vous aviez travaillé à l'Elektro Brcko entre le 10 et le 27 mai
9 1992, et vous dites également que vous avez été arrêté le 27 mai sur votre
10 lieu de travail. Vous vous rappelez cela ?
11 R. Oui.
12 Q. Pourriez-vous dire aux Juges qui vous a arrêté ce jour-là ?
13 R. Il y avait deux policiers. L'un était un policier de carrière. Il
14 appartenait à la police avant la guerre à Brcko. Quant à l'autre, c'était
15 un policier de réserve avant la guerre, probablement que pendant la guerre
16 il a été activé au sein de la police.
17 Q. Et quels étaient leurs noms ?
18 R. Celui qui était de carrière était Dragan Pantelic et l'autre était
19 Stevo Knezevic.
20 Q. Et lorsque vous avez été arrêté, est-ce qu'on vous a donné des raisons
21 pour lesquelles vous étiez arrêté ?
22 R. Non, ils ne m'ont donné aucun motif, mais quand ils sont arrivés à la
23 grille d'entrée, là où se trouvent les bureaux où l'électricien de service
24 doit se trouver, il n'y avait que le directeur de la compagnie. Ristic
25 était là aussi. Ils se sont d'abord approché de lui, lui ont parlé et ont
26 demandé si j'étais là, et ils ont confirmé que je me trouvais dans
27 l'entrepôt à une vingtaine de mètres de ce bureau. Je suis allé là, et le
28 directeur m'a dit, La police est ici et c'est pour toi qu'elle est venue.
Page 1800
1 Ensuite, avant qu'ils ne m'emmènent dans ce véhicule, le directeur leur a
2 demandé, Où est-ce que vous l'emmenez et pourquoi ? Et je crois que Stevo,
3 et probablement Dragan a dit, Si quelqu'un demande après lui, dites-leur
4 simplement que la police serbe l'a emmené. Et c'était tout. Ils m'ont fait
5 monter dans le véhicule et m'ont emmené au poste de police de Brcko.
6 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer
7 maintenant au témoin le 2161 de la liste 65 ter.
8 Q. Monsieur Gasi, est-ce que vous voyez la photo sur votre écran ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que vous reconnaissez cet immeuble, oui ?
11 R. Bien, c'est le poste de police de Brcko.
12 Q. Et est-ce que c'est là que MM. Pantelic et Knezevic vous ont amené le
13 21 [comme interprété] mai ?
14 R. Oui, c'est exact.
15 Q. On vous a fait entrer à l'intérieur du poste de police, on vous a amené
16 là ?
17 R. Oui. Comme vous voyez, ceci était l'entrée principale et nous sommes
18 entrés à l'endroit où il y a, sur la droite, une table de réception. Ils
19 m'ont fait entrer dans une pièce. Ils l'appelaient la pièce numéro 13. En
20 fait, ils m'ont précipité dedans, ils m'ont poussé dedans. C'est sur le
21 côté droit par rapport à ce qu'on voit ici.
22 Q. Lorsque vous êtes entré au poste de police et vous avez vu la
23 réception, est-ce que vous avez vu un policier ?
24 R. Oui. Ils étaient peut-être six ou sept policiers portant des uniformes
25 de police habituels au bureau de réception, et dans cette partie plus large
26 de l'entrée, j'ai vu également des gens qui étaient en civil et des membres
27 de la police régulière.
28 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je
Page 1801
1 pourrais demander que ce document soit versé au dossier.
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il est admis et il reçoit une cote.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est le P136.
4 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et si le témoin pourrait maintenant voir
5 le 2162 de la liste 65 ter.
6 Q. Voyez-vous cette image sur votre écran ?
7 R. Oui.
8 Q. Qu'est-ce qu'on voit là ?
9 R. C'est une photographie de cette pièce numéro 13, comme il l'appelait,
10 où je me trouvais.
11 Q. Et c'était comme ça qu'elle se présentait en 1992 ? Ça avait cette
12 apparence-là ?
13 R. Je crois que oui. Oui.
14 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais demander le versement au
15 dossier.
16 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, elle est admise et reçoit une cote.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est la P137.
18 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
19 Q. Et pendant combien de temps est-ce que vous avez été détenu dans cette
20 pièce, Monsieur Gasi ?
21 R. Pas plus de -- en fait, moins d'une heure.
22 Q. Serait-il juste de dire qu'au bout d'une heure, on vous a emmené à un
23 autre centre de détention ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-il juste de dire que c'était le camp de Luka ?
26 R. Oui.
27 Q. Dans l'affaire Krajisnik, vous avez parlé de votre détention au camp de
28 Luka. Ceci est à la page 443 du compte rendu.
Page 1802
1 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et pourrait-on montrer, s'il vous plaît,
2 au témoin la photographie suivante, qui est la 2156 de la liste 65 ter.
3 Q. Reconnaissez-vous cette image ?
4 R. Oui.
5 Q. Avant que nous revenions au camp de Luka, pourriez-vous rapidement nous
6 dire, si vous le savez, quelle est la distance entre le poste de police et
7 le camp de Luka, approximativement, si vous le savez ?
8 R. Entre 300 et 400 mètres.
9 Q. Lorsque vous êtes arrivé au camp de Luka, vous nous avez dit dans
10 l'affaire Krajisnik, à la page 445 du compte rendu, qu'un homme nommé Pudic
11 vous avait frappé. Pourriez-vous nous décrire ce qui s'est passé, cet
12 incident ?
13 R. Il m'attendait devant le premier des bureaux qui était là, où
14 commencent les hangars. Il s'y trouvait d'avance et lorsque je suis sorti
15 du véhicule, il a immédiatement commencé à crier et à poser des questions
16 concernant les barricades des Musulmans. Il a mentionné des noms de
17 familles tels que Islamovic et Jaskovic, et je n'avais jamais entendu
18 parler de ces gens avant et j'ai répondu, De quoi est-ce que vous parlez là
19 ? Il a pris son pistolet et il a commencé à me pousser et m'a frappé sur la
20 nuque en m'entraînant dans un couloir où se trouvait le bureau.
21 Q. Avec l'aide de l'huissière, serait-il possible d'apposer des mentions
22 sur cette image, si vous pouvez nous montrer où M. Pudic se trouvait au
23 moment où vous êtes entré au camp de Luka.
24 R. [Le témoin s'exécute]
25 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, apposer le chiffre 1.
26 R. [Le témoin s'exécute]
27 Q. Deuxièmement, pourriez-vous nous indiquer dans quel bureau il vous a
28 poussé ?
Page 1803
1 R. C'était exactement ici, au même endroit dans ce bâtiment.
2 Q. Pouvez-vous nous dire quel était le prénom de M. Pudic ?
3 R. Je crois que c'était Branko.
4 Q. Est-ce que vous connaissiez déjà M. Pudic avant la guerre ?
5 R. Je ne le connaissais pas personnellement. Je le connaissais seulement
6 de vue, mais je savais qu'il était policier à Brcko. Il vivait également
7 dans le même quartier de la ville que mes beaux-parents, donc je le voyais,
8 je savais qu'il était policier et c'est tout.
9 Q. Vous rappelez-vous ce qu'il portait ce jour-là ?
10 R. Un uniforme de police régulier, comme tout policier normal.
11 Q. Combien de temps avez-vous passé dans ce bureau avec M. Pudic ?
12 R. Entre le moment où je suis entré dans la pièce, toute la conversation a
13 duré environ 30 ou 40 minutes, c'est tout.
14 Q. Et que s'est-il passé après ces 30 ou 40 minutes ?
15 R. Lorsque je suis entré dans le bureau, il y avait quatre autres hommes.
16 Il y en avait un qui était sur la droite avec une grosse barbe. Il portait
17 une cocarde, et il y en avait un qui portait un uniforme de la JNA, et un
18 qui portait également une lance à incendie. L'un d'entre eux portait un
19 uniforme de camouflage, et au centre de ce bureau, il y avait une table à
20 laquelle deux personnes étaient assises, se faisant face. Je connaissais
21 l'un des deux. Quant à l'autre, je ne l'avais jamais vu.
22 Celui qui était à droite de la table portait un vieil uniforme de
23 réserviste de la JNA avec le grade de sous-lieutenant. Et lorsqu'ils m'ont
24 poussé à l'intérieur, j'ai dit bonjour. Et l'homme à barbe a sauté sur ses
25 pieds et a dit, qu'est-ce que c'est que ce bonjour ? Ne sais-tu pas comment
26 les frères serbes se saluent ? Et j'ai dit [mot en B/C/S] et il a répondu,
27 tu vois, il sait. Et ils disaient, était-ce l'un de ceux qui, au Kosovo,
28 était engagé dans des activités de contre-révolution. Et dans ce bureau il
Page 1804
1 y avait un autre de mes amis, un Serbe de Brcko qui était capitaine
2 d'active dans la JNA et qui a dit, arrête ça, je connais cet homme, c'est
3 un bon sportif. Il a commencé à parler de mes succès en sport.
4 La situation a changé quelque peu et le sous-lieutenant dont j'ai parlé a
5 dit à Pudic, allez, emmène-le au hangar et on va voir ce qu'on va en faire.
6 Q. Où avez-vous été emmené ensuite dans le hangar ?
7 R. Oui, oui.
8 Q. Pourriez-vous indiquer par une marque sur cette image à quel endroit ça
9 se trouvait ?
10 R. [Le témoin s'exécute]
11 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, mettre le chiffre 2 à cet endroit-là.
12 R. [Le témoin s'exécute]
13 Q. C'est l'endroit où vous avez donc été détenu ce jour-là ?
14 R. Pudic m'a fait entrer là et sur la droite de l'endroit où nous sommes
15 entrés dans le hangar, il y avait une chaise et tout le hangar était vide.
16 Il a dit, tu vois cette chaise ? Assieds-toi dessus et ne bouge pas, ne
17 regarde pas alentour. Je vais revenir et on va voir à ce moment-là ce qui
18 va se passer. Et après environ 20 minutes, Pudic est revenu et il m'a dit,
19 maintenant va dans l'autre partie du hangar qui est séparée de ce numéro 2
20 ou plus exactement, qui est relié à la grande barrière. Je regardais à
21 gauche et à droite, et il y avait là des gens qui gisaient sur le sol en
22 ciment. Et il m'a dit, trouve-toi une place. Et c'est comme ça que j'y suis
23 entré.
24 Q. Vous nous avez dit dans l'affaire Krajisnik, à la page 460, que ce
25 jour-là --
26 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Conseil, à un moment donné, il serait
27 peut-être bon de suspendre l'audience.
28 L'INTERPRÈTE : Microphone pour le Juge Président, s'il vous plait.
Page 1805
1 M. LE JUGE HALL : [interprétation] A quel moment pensez-vous en avoir fini
2 avec cette photographie ? Il semble que vous avez l'intention de continuer.
3 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous pouvons continuer avec cette
4 photographie et je pourrais poser les questions suivantes après la
5 suspension de séance.
6 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ceci est admis et reçoit une cote.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera donc la pièce P138.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je suspends l'audience pour 20 minutes.
9 [Le témoin quitte la barre]
10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.
11 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.
12 M. LE JUGE HALL : [interprétation] En attendant que le témoin n'entre
13 dans le prétoire, il y a une petite question en matière de procédure qu'il
14 convient d'évoquer. Nous avons été informés du fait que le compte rendu est
15 peu clair en quelque sorte pour ce qui est de la décision adoptée par la
16 Chambre concernant le témoin Hanson. Comme nous l'avons déjà indiqué, la
17 décision écrite sera disponible, de notre avis, demain. Et ensuite, les
18 choses iront dans l'ordre habituel. Bien qu'il nous semble avoir accepté de
19 façon implicite la demande faite par la Défense pour ce qui est du report
20 de son témoignage, comme je l'ai dit, lorsque nous aurons rendu notre
21 décision demain, on entendra les parties au procès et les choses suivront
22 leur cours. Il est clair que cette dame ne viendra pas témoigner cette
23 semaine-ci du fait de tout ce qui a été dit.
24 [Le témoin vient à la barre]
25 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
26 Q. Monsieur Gasi, avant la pause, nous nous sommes entretenus au sujet de
27 la période où vous avez été emmené au camp de Luka. Et vous nous avez dit
28 que M. Branko Pudic vous a frappé. Est-ce que dans le courant de cette
Page 1806
1 journée-là vous auriez eu des contacts avec un certain Ivan ?
2 R. Oui.
3 Q. A la page 468, dans le témoignage dans l'affaire Krajisnik, vous avez
4 dit qu'il portait les insignes des hommes d'Arkan ?
5 R. Oui.
6 Q. Pouvez-vous brièvement décrire l'incident en question à l'intention des
7 Juges de la Chambre ?
8 R. Ivan est venu dans ce hangar en compagnie de deux hommes puis il s'est
9 campé devant, en plein milieu du hangar. Et il a demandé à voix haute, Où
10 est le Siptar qui est arrivé aujourd'hui ? Je n'ai pas levé la main tout de
11 suite. En face de moi il y avait des gens du Kosovo d'origine albanaise qui
12 étaient là. Je n'ai pas levé la main.
13 Il a dit, Je vais répéter : où est le Siptar, le sportif qui est
14 arrivé aujourd'hui ? Alors je me suis levé, et il m'a dit, Rapproche-toi de
15 moi. Je me suis approché à 2 ou 3 mètres, puis il m'a dit, Plus près. Et il
16 m'a demandé, A quel groupe ethnique appartiens-tu ? Je suis Yougoslave, ai-
17 je répondu. A ce moment-là, il m'a pris le bras droit derrière le dos et il
18 m'a dit, Nique ta mère, quel Yougoslave ? Et il m'a frappé. Lorsqu'il m'a
19 frappé la deuxième fois je suis tombé à terre. Ensuite il a commencé à me
20 donner des coups de pied, et j'ai été relevé par l'un des deux qui était en
21 sa compagnie, il m'a pris par mon pull il m'a levé. Ivan a sorti son
22 pistolet il me l'a mis dans la bouche. Il voulait probablement tirer mais
23 il n'y avait pas de balle dans le canon, et il a dit, Tu en as de la
24 chance, la prochaine fois j'aurai une balle pour toi.
25 Il m'a relâché et je suis retombé, je ne pouvais plus bouger pendant
26 un certain temps. Voilà.
27 Q. Quel est l'instrument qu'il a utilisé pour vous frapper ?
28 R. C'est une clé métallique. Les sapeurs-pompiers s'en servent pour serrer
Page 1807
1 et desserrer les joints de tuyaux d'arrosage lorsqu'il y a incendie.
2 Q. Après cet incident, Monsieur Gasi, est-ce que vous avez été battu
3 ultérieurement pendant que vous étiez au camp de Luka ? Parce que vous avez
4 dit que vous êtes resté du 27 mai au 7 juin.
5 R. Ils ne m'ont pas battu. On m'a fait sortir une fois, un dénommé Kosta
6 m'a convié dans son bureau pour un entretien. On m'a attaché à une chaise
7 et Goran a commencé à faire une espèce de "show" avec son couteau, il a
8 jeté son couteau vers moi à gauche et à droite, et il a dit, Je ne vais pas
9 t'estropier au pistolet, je vais t'estropier au couteau. Il a dit qu'il
10 allait me couper les jambes, puis il a dit la tête. Ensuite ce dénommé
11 Goran a dit qu'il n'allait rien faire le soir même. On m'a fait sortir.
12 Q. Vous avez mentionné un dénommé Kosta, qui c'est ce Kosta ?
13 R. C'est un Serbe du cru de Brcko. Avant la guerre, je crois qu'il était
14 peintre. Pendant la guerre, il portait cet uniforme de la police et il
15 était le jour d'après là-bas lorsqu'on m'a accueilli. Je l'ai vu ce
16 lendemain, tout de suite. Il s'était présenté lui-même comme étant le
17 commandant adjoint de ce camp, cette prison d'instruction. Il portait un
18 uniforme de la police. Il s'appelait Konstantin Simeunovic. Nous, à Brcko
19 on l'appelait Kole, c'était son surnom.
20 Q. La deuxième personne que vous avez mentionnée était Goran, comment
21 s'appelait-il ?
22 R. Goran Jelisic. Lui, il avait pour surnom Adolf, c'est ainsi qu'il se
23 présentait quand il venait au hangar. Il est venu deux fois avant
24 l'incident déjà raconté, il portait un uniforme de camouflage les deux
25 fois. Et cette fois, à la tombée de la nuit, je pense qu'il portait une
26 chemise bleue. Et je ne sais plus si c'était des manches courtes ou manches
27 longues, mais c'était un uniforme de police et il y avait une petite étoile
28 dessus, donc c'était un inspecteur de la police. C'est tout ce dont je puis
Page 1808
1 me souvenir à présent.
2 Q. Monsieur Gasi, vous nous avez parlé de Goran Jelisic --
3 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et je précise à l'attention des Juges de
4 la Chambre que Goran Jelisic était l'un des accusés qui a été déclaré
5 coupable et condamné à une peine de prison il y a quelques années par ce
6 Tribunal-ci.
7 Q. Dites-nous ce qu'il a fait avec son couteau ce Goran Jelisic ? Ce n'est
8 pas tout à fait clair.
9 R. Lorsque Kosta m'a fait entrer, il a dit, C'est bien celui qui fait le
10 malin, parce que Kosta m'avait posé des questions au sujet de noms
11 d'extrémistes musulmans. J'avais très mal au ventre, j'avais une diarrhée
12 terrible, et il m'a dit qu'il allait me donner plein de comprimés si je lui
13 donnais plein de noms d'extrémistes musulmans. Je lui ai dit, Je te
14 donnerai une dizaine de noms. Il m'a dit, Comment ? Je lui ai dit, c'est
15 facile, et je lui ai mis la liste du conseil exécutif du SDA dans la ville,
16 c'était des gens qui avaient fui Brcko. Il a dit, mais chapeau bas, puis il
17 m'a donné ces comprimés.
18 Il s'est passé un jour ou deux par la suite, et puis il est venu en début
19 de soirée pour interroger. Et une fois emmené, il a dit, C'est celui qui
20 joue au malin ? Et l'autre a dit, Oui, et puis on m'a mis des menottes, il
21 m'a mis à la chaise. Il m'a dit qu'il n'allait pas m'estropier avec un
22 pistolet mais qu'il allait me découper au couteau, et qu'il allait me
23 couper les pieds et les mains. Ensuite, il a dit à Kosta de m'emmener
24 dehors et il m'a entaillé un peu sur le côté gauche à deux ou trois
25 reprises. Mais ensuite il m'a fait sortir et il a dit qu'ils m'achèveraient
26 plus tard.
27 Q. Lorsque Kosta vous a interrogé au sujet de ces noms, est-ce qu'il était
28 tout seul ou est-ce qu'il y avait quelqu'un d'autre lorsque vous vous êtes
Page 1809
1 entretenus, au moment où il a promis qu'il allait vous donner des comprimés
2 ?
3 R. Il y avait un homme, ça s'est passé lorsqu'on a dit que, par exemple,
4 on nous laissait sortir pour les toilettes. Il y avait là une salle de
5 bain. Il y avait là aussi leurs bureaux, dans l'autre aile du bâtiment.
6 Kosta m'a vu sortir lorsque j'avais eu des problèmes d'estomac, et c'est
7 ainsi que le dialogue a commencé.
8 Probablement, y avait-il des gens dans ces bureaux à côté qui étaient
9 là, assis, à entendre.
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Gasi, nous vous demanderions de
11 ralentir quelque peu, s'il vous plaît. Merci.
12 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, c'est pour que les interprètes
13 puissent vous suivre.
14 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
15 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
16 Q. Monsieur Gasi, est-ce qu'à un moment donné vous avez été interrogé au
17 camp de Luka ?
18 R. Oui, le deuxième jour, pour être tout à fait précis.
19 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre qui est-ce qui vous avait
20 interrogé ?
21 R. Petar Kaurinovic m'a posé des questions, et à côté de lui il y avait
22 Zoran Kontic et il y avait Pero Zaric. Je connais les trois. Petar
23 Kaurinovic travaillait avant la guerre dans la police de Brcko. Il était
24 inspecteur en matière de criminalité. Zoran Kontic était un technicien en
25 médecine légiste. C'est lui qui prenait les photos de constat des lieux. Et
26 Pero Zaric était un sportif que je connaissais, mais qui ne faisait pas
27 partie des rangs de la police avant la guerre.
28 Q. Et que portait Petar Kaurinovic ce jour, lorsqu'il vous interrogeait ?
Page 1810
1 R. Il était en civil. Pero Zaric et Zoran Kontic portaient des uniformes
2 de camouflage.
3 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer sur nos écrans
4 le document 2123 en application du 65 ter.
5 Q. Je me propose de vous montrer, Monsieur, une liste de noms de personnes
6 qui étaient employées au poste de police à Brcko. La date est celle de
7 septembre 1992.
8 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est le seul
9 document de la SJB de Brcko que nous avons en notre possession.
10 Q. En page numéro 1, on voit qu'il s'agit d'un document daté du 7 octobre
11 1992. Alors est-il exact de dire que vous n'avez pas vu ce document avant
12 que de venir ici il y a quelques jours ?
13 R. Ça, vous me l'avez montré pour la première fois dans votre bureau.
14 Q. Est-ce qu'on peut se pencher sur le tout premier nom de la liste.
15 R. Cosic, Zarko. Oui, je le connais aussi. On est allé à l'école ensemble,
16 école primaire aussi et une partie de l'école secondaire.
17 Q. Alors, sur la liste, on dit qu'il est chef. Et au début de votre
18 témoignage, vous avez dit que Dragan Veselic, à un moment donné, a été
19 chef. Alors qu'est-il advenu de Dragan Veselic en question ?
20 R. Plus tard, lorsque j'ai été libéré de Luka, entre juin et août, j'étais
21 à Belgrade avec ma femme et je rencontrais beaucoup de Musulmans de Bosnie
22 et des Serbes de là-bas, à Belgrade. Il y avait un endroit où on se
23 réunissait, nous qui étions originaires de Brcko, et j'ai appris que
24 Veselic avait eu un accident de la circulation routière en Vojvodine, non
25 loin de Novi Sad. C'est ce que j'ai appris de la bouche des Serbes de Brcko
26 et des Musulmans de Brcko aussi.
27 Q. Et l'individu au numéro 7, est-ce que vous pouvez nous donner son nom ?
28 R. Kaurinovic, Petar, surnommé Pero.
Page 1811
1 Q. Est-ce que c'est le Petar Kaurinovic qui vous a interrogé au camp de
2 Luka ?
3 R. Oui, oui.
4 Q. Et dans cette première partie de la page, est-ce que vous reconnaissez
5 d'autres noms ?
6 R. Oui, la plupart de ces gens, je les connais. Le numéro 4, Gavrilovic
7 Peter; Dragica Tesic. Vasiljevic Stojan, c'est un voisin; Stevic Peter
8 aussi, je l'ai connu avant la guerre; Ivic [phon] Cvetko, je le connais;
9 Knezevic Ljubisa aussi. Stevo Knezevic, c'est celui qui m'a arrêté. C'est
10 le cousin de Milan Kosimikic, que je connais aussi d'ailleurs, et bon
11 nombre. Sojka Pajic aussi. Elle travaille encore au SUP de Brcko. Elle
12 travaille à la délivrance des cartes d'identité. Kisic Branko aussi je le
13 connais.
14 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer la page 5,
15 s'il vous plaît. Est-ce que vous pouvez faire défiler un peu. Voilà. Merci.
16 Q. Est-ce que vous voyez le numéro 217 ?
17 R. Oui, Pudic Branko.
18 Q. Vous l'avez mentionné, ce Pudic Branko, qui était un policier que vous
19 aviez vu le premier jour lorsque vous êtes revenu, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, oui, je crois bien. C'est cela.
21 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez descendre encore un
22 peu le texte, encore un peu.
23 Q. Alors est-ce que vous voyez le 252 ?
24 R. Oui, Simonovic Konstantin, surnommé Kole, oui.
25 Q. Est-ce que c'est l'homme qui s'est présenté comme étant le commandant
26 du camp de Luka ?
27 R. Oui, je crois bien que oui.
28 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Montrez-nous la page d'après, s'il vous
Page 1812
1 plaît, la page 6.
2 Q. Est-ce que vous voyez, Monsieur, le 297 ?
3 R. Oui, Zivkovic Dragan, on l'appelait Travolta. Lui aussi était policier
4 d'active à Brcko avant la guerre.
5 Q. L'avez-vous vu pendant le mois 1992 ?
6 R. Oui, une fois avant que d'être arrêté, je l'ai vu, il est arrivé dans
7 nos bureaux à l'Elektro Brcko. Il était en compagnie de Miso Cajevic. Tous
8 deux portaient des uniformes de camouflage. Ils s'étaient chargés de
9 s'entretenir à titre d'information avec chaque employé individuellement. Et
10 ça a eu lieu avant que je ne sois arrêté et emmené. Donc c'était deux ou
11 trois jours avant que je ne sois amené à Luka, et j'ai vu ce Dragan
12 Zivkovic et ce Miso Cajevic dans nos bureaux, à Elektrodistribucija.
13 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pouvons-nous descendre un peu.
14 Q. Maintenant, je vous prie de nous dire si vous voyez le 312 ?
15 R. Oui, Marinkovic Milomir. Je pense que c'est Mika. Je crois bien que
16 c'est lui.
17 Q. Pour vous rafraîchir la mémoire, qui était Mika Marinkovic ?
18 R. Avant la guerre, il travaillait au SUP de Brcko à la délivrance des
19 permis de conduire. Il était secrétaire. Et pendant la guerre, je l'ai vu
20 dans le véhicule de cette compagnie Bimeks qui passait à côté de
21 l'entreprise Elektrodistribucija.
22 Q. Quand vous dites le véhicule de Bimeks, qu'est-ce que vous entendiez
23 par "véhicule" ?
24 R. Eh bien, Bimeks, c'était une camionnette. Bimeks, c'est une usine de
25 transformation de produits dérivés de la viande. Et ils se servaient de
26 cette petite camionnette pour le transport de produits et de viande.
27 C'était peint en blanc. Je ne sais pas pendant la guerre ce à quoi ça leur
28 a servi, peut-être pour transporter des cadavres.
Page 1813
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 1814
1 Q. Et c'est cette camionnette que vous avez vue passer là-bas lorsque vous
2 travailliez à Elektro Brcko ?
3 R. Oui.
4 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je comprends bien que
5 ceci n'est pas un document que le témoin peut authentifier, mais il a quand
6 même été en mesure d'identifier un certain nombre de policiers sur la
7 liste. Donc on peut s'en servir à l'occasion de l'audition des autres
8 témoins et à ce moment-ci, je voudrais que ce soit versé au dossier, à
9 moins qu'il n'y ait une objection de la part des conseils de la Défense.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Cvijetic, avant que nous
12 n'entendions vos objections, nous allons demander aux représentants du
13 bureau du Procureur de nous dire à quelle fin on propose ce document pour
14 versement au dossier. Gardez aussi à l'esprit le fait qu'il convient de se
15 souvenir de l'approche convenue au sujet du dernier document hier après-
16 midi. Le témoin nous a parlé du document pour indiquer que c'était le
17 système qui prévalait, mais il n'est pas l'auteur de ce document. Donc nous
18 avons une confusion qui s'installe.
19 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] En ce moment, je crois que c'est un type
20 de document pour lequel nous insisterions, s'agissant du versement au
21 dossier. Ça démontre quels ont été les membres de la police à l'époque des
22 crimes --
23 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Mais le témoin a témoigné de leur
24 présence et il a identifié un certain nombre de policiers. Mais en quoi
25 cela nous aide-t-il à comprendre le témoignage de ce témoin ?
26 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Eh bien, par exemple, M. Kaurinovic, qui
27 est au numéro 7, portait des vêtements civils, et on sait qu'il était
28 membre de la police. Ce document le confirme. Donc nous demanderions que ce
Page 1815
1 document soit versé au dossier à des fins d'identification, parce qu'il
2 démontre que certains des acteurs ici étaient membres de la police, et donc
3 cela établit le lien entre les auteurs de crimes.
4 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors il confirme que ces personnes
5 étaient des officiers de la police.
6 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Exactement.
7 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Entendons M. Cvijetic.
8 M. CVIJETIC : [interprétation] Je ne vais pas être long, Monsieur le
9 Président. Je crois que le Procureur a dit lui-même quelles sont les
10 raisons pour lesquelles ce document ne saurait être versé au dossier de
11 première main comme élément de preuve. Pour le fait de lui donner une cote
12 à des fins d'identification, oui, je n'ai rien contre. Peut-être pourrions-
13 nous entendre d'autres témoins qui pourraient identifier le document et
14 parler des autres membres du MUP et de ceux qui ont été mentionnés. Mais
15 c'est le cas d'autres témoins, pas le cas de ce témoin-ci.
16 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Donc vous nous avez simplifié la
17 vie à tous et à toutes. Donc nous allons lui accorder une cote à des fins
18 d'identification.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P139 et il porte
20 cette cote à des fins d'identification, Monsieur le Juge.
21 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
22 Q. Monsieur Gasi, je me propose maintenant de passer à une période
23 ultérieure. Il s'agit du 7 juin, date à laquelle vous avez été relâché. Et
24 dans l'affaire Krajisnik, page 490 du compte rendu, vous nous avez indiqué
25 qu'il est arrivé là-bas un capitaine de la JNA répondant au nom de Rade
26 Bosic. Et vous avez parlé de l'échange que vous avez eu avec lui.
27 Puis vous nous avez raconté que vous avez été emmené au bureau de
28 Kosta, où vous avez eu un entretien avec le dénommé Bosic. Alors ce M.
Page 1816
1 Kosta Simonovic avait-il un bureau permanent au camp où il se rendait à
2 titre régulier ?
3 R. Oui, il avait un bureau. Ce bâtiment dans lequel il se trouvait, je
4 dirais que son bureau se trouvait vers la moitié du bâtiment. Quand vous
5 prenez le bâtiment en considération, il y avait quatre entrées, et c'est au
6 milieu que Kosta avait un bureau. C'est là que je suis allé lorsque Rade
7 est venu pour me demander. J'y étais en compagnie de Kosta et de Goran
8 Jelisic cette nuit-là. C'était ce même bureau.
9 Q. Je ne vais pas maintenant vous interroger au sujet des détails de
10 l'échange que vous avez eu avec lui. On peut le voir dans le compte rendu
11 de l'affaire Krajisnik. Toutefois, lorsque vous avez quitté le bureau,
12 auriez-vous remarqué quelque chose à côté de la porte de ce bureau ?
13 R. Pas seulement cette fois-là, mais lorsque je m'étais plaint d'avoir mal
14 au ventre, en sortant de son bureau, il y avait une feuille de papier A4 où
15 Kosta avait écrit à sa main et signé que personne n'avait le droit d'entrer
16 au hangar sans sa présence et son autorisation, personne n'avait le droit
17 de malmener ou de tuer les détenus en présence des autres détenus ou sans
18 sa présence.
19 C'était à peu près la teneur du texte sur ce papier. Il n'y avait pas
20 de cachet. On avait signé commandant adjoint du centre d'investigation, et
21 en dessous il y avait Simonovic -- Simonovic Kole.
22 Q. C'était sur la porte de son bureau ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous nous avez mentionné le dénommé Goran Jelisic. Pouvez-vous à peu
25 près nous dire combien de fois vous l'avez vu au camp de Luka ?
26 R. Deux fois au hangar et la troisième fois dans le bureau.
27 Q. Serait-il exact de dire que vous n'avez pas vu Goran Jelisic en train
28 de tuer quelqu'un au camp de Luka ?
Page 1817
1 R. Moi, pendant que j'étais là, il n'a tué personne. Enfin, pas du moins
2 que j'ai eu à le voir.
3 Q. Dans le témoignage en page 459 dans l'affaire Krajisnik, vous nous
4 dites que d'autres prisonniers vous ont dit qu'ils avaient vu Goran Jelisic
5 en train de tuer des prisonniers ?
6 R. Oui, c'est le cas. J'ai eu l'occasion de l'entendre dire de la bouche
7 de deux hommes qui travaillaient avant la guerre avec moi à
8 l'Elektrodistribucija, Delic Smail et Stranjac Osman. Et son père au
9 dernier avait dit qu'il l'avait vu, lorsqu'ils ont posé des corps de gens
10 devant le couvercle qu'il y avait au sol, et il a dit aussi qu'il leur
11 avait tiré dans la nuque. Dans l'incident, il aurait tué trois ou quatre
12 hommes. Donc ces trois hommes m'ont relaté la même chose. Entre autres,
13 Stranjac Osman et Stranjac Ahved [phon] m'ont dit qu'ils avaient participé
14 au chargement de cadavres un jour en début mai 1992. Osman a dit qu'il a
15 compté 80 personnes qu'ils ont chargées à bord d'un camion militaire.
16 Enfin, c'est ce qu'il nous dit, qu'ils étaient 80, ces corps.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Demirdjian.
18 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je me rends compte que vous avez cité
20 M. Gasi en qualité de témoin relevant de l'article 92 ter du Règlement et
21 vous avez indiqué que vous alliez consacrer une heure à l'interroger au
22 sujet de ses dépositions antérieures. Vous avez déjà passé une heure, en
23 fait, près d'une heure et demie désormais à interroger le témoin sur ces
24 sujets, et il me semble que vous l'avez interrogé au principal pratiquement
25 comme s'il s'agissait d'un témoin témoignant de vive voix, ce qui n'est pas
26 tout à fait acceptable étant donné que vous aviez annoncé que vous le
27 citiez en tant que témoin relevant de l'article 92 ter du Règlement.
28 Donc je pense que puisque vous-même avez déterminé que M. Gasi serait
Page 1818
1 témoin relevant de l'article 92 ter, vous avez obligation de terminer très
2 rapidement vos questions introductrices à ce témoin.
3 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, je vais encore
4 aborder deux sujets qui n'ont pas encore été évoqués dans l'affaire
5 Krajisnik et nous en terminerons dans les dix à 15 minutes.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Veuillez le faire brièvement et très
7 rapidement.
8 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et je vous demande d'en terminer
10 rapidement, très brièvement, mais pour l'avenir je pense que vous devriez
11 respecté la disposition importante du Règlement qui a été expliquée dans
12 les lignes directrices en matière de procédure, à savoir que s'agissant de
13 témoins cités en vertu de l'article 92 ter du Règlement, la durée normale
14 des questions introductrices posées au témoin ne doit pas dépasser 20 à 30
15 minutes avant que le conseil de la Défense ne prenne la parole pour le
16 contre-interrogatoire.
17 Donc faites le point et décidez dans quelles conditions vous
18 souhaitez présenter vos éléments de preuve. Je vous remercie.
19 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, je le ferai. Tous
20 mes remerciements.
21 Q. Monsieur Gasi, durant votre déposition dans l'affaire Krajisnik, vous
22 avez dit qu'à un certain moment, un homme répondant au nom de Vojkan
23 Djurkovic s'est rendu au camp de Luka. Vous rappelez-vous cela ?
24 R. Oui. M. Vojkan Djurkovic est venu dans le hangar.
25 Q. Vous avez également dit à plusieurs reprises dans votre déposition dans
26 l'affaire Krajisnik que cet homme s'était adressé aux prisonniers.
27 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] J'aimerais montrer au témoin une séquence
28 vidéo. Il s'agit du document 65 ter numéro, 20138 [comme interprété]. C'est
Page 1819
1 un extrait d'une émission de la BBC dont le titre est "Fissure du blindage"
2 et cette émission date de 1994. J'en demande la diffusion. Oui, il faut que
3 je signale que cette vidéo peut être diffusée grâce au système électronique
4 Sanction.
5 Apparemment, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a un problème
6 technique, mais j'en étais arrivé aux derniers instants de mon
7 interrogatoire.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pouvez-vous passer à un autre sujet,
9 Monsieur Demirdjian.
10 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, pour le moment c'est possible.
11 Q. Monsieur Gasi, vous avez également dans l'affaire Krajisnik témoigné au
12 sujet de ce moment où on vous a emmené au poste de police pour faire le
13 ménage dans ce poste. Vous vous en souvenez ?
14 R. Oui, cela devait être au début du mois de juin, peut-être le 1er juin, à
15 moins que cela ne se soit passé le 30 mai. Je ne sais plus exactement. Des
16 membres du poste de police sont arrivés, ont demandé des volontaires et ont
17 emmené avec eux une quinzaine de personnes.
18 Q. Je ne vous demande pas d'entrer dans les détails. Je vous demande
19 simplement de confirmer que vous avez bien assisté alors que l'on vous
20 avait emmené dans ce poste de police et que vous vous y trouviez au meurtre
21 de deux prisonniers dans les locaux de la police, et ce, de la main d'un
22 policier portant un uniforme bleu; c'est bien cela ?
23 R. Oui, c'est exact.
24 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je crois que maintenant la vidéo peut être
25 diffusée. J'en demanderais la diffusion.
26 [Diffusion de la cassette vidéo]
27 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
28 "Le correspondant de la BBC : Mon guide était Vojkan Djurkovic, un citoyen
Page 1820
1 bien connu de Bijeljina. C'était l'un des 60 combattants qui s'étaient
2 emparés de la ville des Serbes au début de la guerre. Vojkan était très
3 fier de ses lunettes de soleil italiennes de grand prix. Des hommes comme
4 lui se portent très bien ces jours-ci dans la République serbe de Bosnie."
5 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
6 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
7 Q. Monsieur Gasi, est-ce que vous reconnaissez l'homme que l'on voit sur
8 les images de cette vidéo, l'homme qui a des lunettes de soleil ?
9 R. En mai 1992, il avait une apparence un peu différente. Il portait un
10 uniforme, un uniforme de camouflage et il arborait l'insigne de grade de
11 commandant. Et au lieu de brodequins aux pieds, il avait des Adidas, des
12 chaussures de sport. Mais oui, c'est bien Vojkan Djurkovic.
13 Q. C'est l'homme que vous avez décrit comme étant venu au camp de Luka,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Suite de la diffusion.
17 [Diffusion de la cassette vidéo]
18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
19 "Vojkan Djurkovic : Il faut remercie l'Etat serbe de leur avoir donné la
20 possibilité d'aller là où ils voulaient aller ou plus précisément il faut
21 remercier l'Etat serbe qui a respecté dans la plus grande mesure du
22 possible le droit humain à la liberté de circulation pour la population
23 civile."
24 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
25 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
26 Q. Vous avez entendu ce qu'a dit M. Djurkovic dans cette vidéo. Est-ce que
27 c'est le genre de discours qu'il avait l'habitude de faire au camp de Luka
28 ?
Page 1821
1 R. Quand il venait au camp de Luka, en général, il avançait jusqu'au
2 milieu du hangar. C'était assez intéressant à voir. Donc certains
3 prisonniers le reconnaissaient et il leur disait de se rapprocher de façon
4 à pouvoir parler plus aisément. Et un jour, je me suis rapproché de lui
5 aussi. Nous avons donc fait cercle autour de lui, et à ce moment-là, il a
6 commencé un discours.
7 Il y avait deux frères de Brezovo Polje dont je n'ai pas le souvenir des
8 noms, et il s'est adressé directement à eux, et il leur a dit, Vous vous
9 rappelez à l'ouverture du camp de Luka comment les choses se passaient ici.
10 J'ai tout fait pour sauver des gens et j'y suis parvenu. C'était la folie
11 ici. Donc vous devriez en parler. Et puis il a un peu changé de ton en
12 disant que les choses s'étaient normalisées ici, que les conditions
13 s'étaient améliorées, que tout irait bien. Et j'ai entendu des gens parler
14 de moi comme d'un criminel de guerre, a-t-il dit.
15 Chaque fois qu'il venait, et je l'ai vu deux ou trois fois, il
16 prononçait de tels discours. Et quand il ressortait une demi-heure ou 40
17 minutes plus tard, quatre, cinq ou six hommes portant un uniforme de
18 camouflage faisaient irruption avec des pelles et se mettaient à frapper
19 tout ce qui leur tombait sous la pelle dans le hangar. Et une fois qu'ils
20 avaient fait cela, ils s'en allaient puis revenaient avec du café, comme
21 ils disaient, du café qui nous était destiné à nous les Turcs, les balija,
22 car ils voulaient que nous buvions quelque chose.
23 Donc les mêmes hommes qui nous frappaient à coups de pied, à coups de
24 pelle, voulaient que les gens qu'ils avaient frappés quelques minutes avant
25 boivent du café et partagent une cigarette avec eux. Voilà le genre de
26 choses qui se passaient au camp de Luka.
27 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Suite de la diffusion, je vous prie.
28 [Diffusion de la cassette vidéo]
Page 1822
1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
2 "Même interlocuteur que précédemment : Pourquoi est-ce que je devrais
3 m'attendre à obtenir le prix Nobel ? Parce que comparé à la partie d'en
4 face, j'ai sauvé des milliers de personnes et je ne suis pas rentré dans
5 les options politiques qui étaient les leurs. Je n'ai pas perdu. C'étaient
6 simplement des touristes qui se baladaient de Bijeljina à Tuzla ou à Berlin
7 ou ailleurs. Ils n'ont qu'à revenir."
8 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
9 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
10 Q. Dans cette dernière séquence, il affirme qu'il devrait recevoir le prix
11 Nobel de la paix et que les gens étaient libres de revenir d'où ils étaient
12 partis. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
13 R. C'était typique de cet homme. Il était comme ça déjà en 1992. Qui peut
14 dire des choses comme celles-ci alors qu'il est en présence des événements
15 horribles qui ont marqué la guerre en Bosnie. Moi, je vois les choses d'une
16 façon tout à fait différente et je ne parviens tout simplement pas à
17 comprendre ce genre de discours. C'est de la folie.
18 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vais conclure mon interrogatoire avec
19 une dernière séquence vidéo, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
20 Donc, quatrième séquence. J'en demande la diffusion.
21 [Diffusion de la cassette vidéo]
22 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire arrêt sur image,
23 ici ?
24 Q. Est-ce que vous reconnaissez cet homme ?
25 R. Oui.
26 Q. Qui est-ce ?
27 R. Mauzer.
28 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Suite de la diffusion.
Page 1823
1 [Diffusion de la cassette vidéo]
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je sais qui c'est. Zarko Cosic. Il est
3 beaucoup plus gros ici. C'est pourquoi je n'ai pas réussi à le reconnaître
4 tout de suite.
5 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Suite de la diffusion.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
8 Q. Ici, nous voyons Zarko Cosic, nouveau chef du poste de police de Brcko
9 qui dit qu'il est très difficile d'expulser les Musulmans. Pouvez-vous
10 commenter ? Est-ce que la situation à Brcko était aussi difficile que cela
11 ?
12 R. Je ne sais pas pourquoi moi, ils m'ont expulsé de Brcko, pourquoi ils
13 m'ont enfermé à Luka. Moi, je ne représentais pas le moindre problème pour
14 eux. Il n'y avait - en tout cas pour ce qui me concerne, pour ce qui est de
15 mon frère et mon père et mes sœurs - il n'y avait aucune raison de nous
16 expulser. Je ne vois vraiment pas.
17 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
18 Juges, je demande le versement au dossier de cette vidéo.
19 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Admise et enregistrée.
20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P139.
21 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] S'agissant de l'article de presse qui a
22 été soumis au témoin hier --
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] La pièce 139, n'était-ce pas la liste
24 des policiers qui a été versée au dossier et enregistrée aux fins
25 d'identification ?
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Donc la vidéo
27 constituera la pièce P140.
28 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
Page 1824
1 Juges, pour conclure, je rappelle que l'article de presse que nous avons
2 soumis au témoin hier et que les Juges de la Chambre ont décidé de ne pas
3 admettre au dossier -- je demande d'ailleurs l'affichage du document 65 ter
4 numéro 267. Je crois comprendre que ce témoin n'avait pas capacité à
5 permettre le versement au dossier de ce document. Mais je demanderais tout
6 de même l'enregistrement aux fins d'identification de cet article de
7 presse, pour le moment, avec possibilité qu'un autre témoin en parle et
8 l'authentifie.
9 Je me souviens que vous avez dit, Monsieur le Président, hier, que nous ne
10 disposions pas de la source ou de l'auteur de cet article, et je vous
11 présente mes excuses aujourd'hui, mais la semaine dernière, nous nous
12 sommes rendu compte que la traduction dont nous disposions et l'original de
13 l'article que nous avions ne provenaient pas de la même source. Entre-
14 temps, à la fin de la semaine, nous avons réussi à situer l'original. Et ce
15 document a été communiqué à la Défense aujourd'hui, il indique que
16 l'article provient du quotidien "Oslobodjenje". Donc pour le moment, j'en
17 demanderais l'enregistrement aux fins d'identification et nous en parlerons
18 avec un autre témoin.
19 M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est un point sur lequel une décision a
20 déjà été rendue par la Chambre. Nous n'allons pas revenir sur ce point. Si
21 un autre témoin peut authentifier cet article, nous verrons.
22 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je
23 pensais qu'il serait bon de savoir que ce témoin avait abordé ce sujet.
24 C'est simplement afin que ces questions soient consignées au compte rendu
25 d'audience en prévision des mémoires de fin de procès ou d'autres arguments
26 qui peuvent être présentés avant la fin du procès.
27 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je n'ai aucun doute que l'Accusation,
28 dans son réquisitoire, ne manquera pas de rappeler ce fait aux Juges de la
Page 1825
1 Chambre.
2 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 Plus de questions pour ce témoin.
4 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Contre-interrogatoire.
5 Contre-interrogatoire par M. Cvijetic :
6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Gasi.
7 R. Bonjour, Maître Cvijetic.
8 Q. Je suis co-conseil dans l'équipe de défenseurs de M. Stanisic et je
9 m'apprête à vous poser quelques questions. Ce qui m'intéresse d'abord c'est
10 que nous discutions un instant de votre appartenance au parti SDA. Vous
11 étiez bien membre du parti SDA, n'est-ce pas ?
12 R. Exact.
13 Q. Il est écrit ici que vous en avez été membre du 26 mai 1990 au mois de
14 novembre 1992; c'est bien cela ?
15 R. Exact.
16 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous aimerions des références de pages.
17 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
18 j'interroge le témoin au sujet de son appartenance au SDA. Il en a déjà
19 parlé dans ses dépositions antérieures et ceci est un fait qui n'est pas
20 contesté. Je ne crois pas qu'il soit indispensable de citer une page.
21 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Mais je croyais que vous évoquiez la
22 déposition de ce témoin dans l'affaire Krajisnik, puisque vous dites :
23 "Nous lisons ici".
24 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, je ne sais pas si vous
25 avez entendu l'interruption des interprètes, mais en tout cas, je vous
26 demanderais à tous les deux de ménager une brève pause entre la fin des
27 questions et le début des réponses.
28 M. CVIJETIC : [interprétation]
Page 1826
1 Q. Monsieur Gasi, il est tout à fait manifeste que cette question n'est
2 pas contestée, n'est-ce pas ? Je n'ai pas nécessité de vous rappeler ce que
3 vous avez déjà dit dans d'autres dépositions, dans d'autres affaires ?
4 R. Comme vous voulez.
5 Q. Comment avez-vous ressenti l'action de ce parti et quelle opinion
6 aviez-vous de son programme politique ?
7 R. Au début, j'ai eu le sentiment que ce parti représenterait toutes les
8 personnes qui étaient favorables à une coexistence, donc à une vie commune
9 entre tous les habitants de Brcko.
10 Q. Donc, je paraphrase. Vous pensiez que c'était un parti qui allait
11 garantir les droits de toutes les populations, de tous les groupes
12 ethniques ?
13 R. Oui.
14 Q. Le programme politique de ce parti est-il resté le même par la suite,
15 tel qu'il était au début ?
16 R. Il est resté le même qu'au début jusqu'au moment où je suis entré au
17 conseil exécutif et où j'ai vu que les gens abordaient ce parti avec une
18 conception légèrement religieuse. Cela ne me convenait pas personnellement.
19 Je parle du niveau local du parti, bien sûr, car je suis un homme qui,
20 pendant tout mon passé, était communiste. Et donc à partir de ce moment-là,
21 j'ai rejeté ce parti, mais pas plus. Enfin, je dis ce que je pense pour ce
22 qui est du parti au niveau local.
23 Q. Bien sûr, aucune nécessité de répéter. Donc, au départ, vous pensiez
24 que c'était un parti apte à garantir les droits de toutes les populations,
25 de tous les groupes ethniques. Et vous conviendrez avec moi que si tel
26 était le cas, dans ce programme devrait être évoqué le droit de chaque
27 groupe ethnique de se prononcer sur son destin, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, je crois. Vous avez raison.
Page 1827
1 Q. Par exemple, le peuple serbe n'avait pas le droit dans ce cas d'imposer
2 au peuple musulman son lieu de résidence ou de dire qu'il devait accepter
3 de résider dans un pays différent, dans un pays distinct, n'est-ce pas ?
4 R. Vous avez raison.
5 Q. Mais vous conviendrez dans ces conditions que les Musulmans ou les
6 Croates n'avaient pas non plus le droit d'imposer ce genre de choses aux
7 Serbes ?
8 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire par le mot "imposer", je ne sais
9 pas si vous parlez de contraintes physiques ou autres, mais je vous
10 répondrais par l'affirmative. Cela dit, si vous pensez à une contrainte
11 physique, dans ce cas-là, je vous réponds non.
12 Q. Non, non. Ce n'est pas ce que je pensais.
13 M. CVIJETIC : [interprétation] On appelle mon attention sur le fait
14 que l'heure de la pause est arrivée, si je ne me trompe. C'est bien cela,
15 Monsieur le Président ? Non, j'ai mal compris en fait, mon confrère
16 m'indiquait la nécessité de ralentir un peu.
17 Q. Donc nous sommes bien d'accord, n'est-ce pas, les Serbes n'avaient pas
18 le droit d'imposer ce genre de choses aux Croates et aux Musulmans, et les
19 Musulmans n'avaient pas le droit d'imposer cela aux Serbes pas plus que les
20 Croates n'avaient le droit d'imposer cela aux Serbes puisqu'il s'agit,
21 n'est-ce pas, d'une question très importante, d'une question vitale, à
22 savoir dans quel Etat les gens voulaient vivre. Vous êtes d'accord avec moi
23 là-dessus ?
24 R. Je suis d'accord. Personne n'a le droit d'imposer quoi que ce soit à
25 quelqu'un d'autre si ce quelqu'un d'autre ne le veut pas.
26 Q. Monsieur Gasi, veuillez simplement attendre quelques secondes à la fin
27 de mes questions parce que vous voyez moi aussi on ne cesse de me critiquer
28 là-dessus. Nous parlons la même langue --
Page 1828
1 R. Oui, c'est un peu difficile.
2 Q. Mais, en tout cas, je présente mes excuses aux interprètes. Allons plus
3 doucement, nous y arriverons. Interprétons cette décision de l'assemblée de
4 Bosnie-Herzégovine rendue les 15 et 16 octobre 1991, qui se prononce sur la
5 souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, donc favorable à l'indépendance,
6 mais sans que les représentants du Parti démocratique serbe aient voté. Je
7 ne vais pas vous interroger sur l'aspect constitutionnel de cette décision
8 car vous n'êtes pas expert en droit constitutionnel, mais je vous demande
9 si cette décision représentait bien une forme d'imposition, l'imposition
10 dont je viens de parler, qui portait précisément sur cette question très
11 importante et même vitale.
12 R. Maître, si vous liez la population serbe uniquement à un parti
13 politique, à savoir le SDS, vous commettez une erreur grave. Je dirais que
14 la majorité de la population serbe a voté pour le SDS, mais il y a
15 également pas mal de membres de la population serbe qui étaient adhérents
16 du SDP ou d'autres partis, tels que le parti d'Ante Markovic, et Bogic
17 Bogicevic lui-même était un Serbe membre de la présidence de la RSFY à
18 l'époque. Maintenant si un parti politique - comme vous l'avez dit vous-
19 même, je ne suis pas un expert en droit constitutionnel - donc si un parti
20 politique est représenté au parlement et que le parlement en question
21 adopte une décision, c'est une majorité parlementaire qui a adopté une
22 décision. Voilà ce que je pense.
23 Q. C'est précisément de cela que je parle. Ce n'est pas la majorité du
24 parlement qui a adopté la décision car la majorité requise par la
25 constitution n'a pas été obtenue. En effet, des décisions portant sur des
26 intérêts vitaux de la population ne pouvaient pas être adoptées par la
27 majorité simple, mais par consensus et par accord mutuel uniquement. Vous
28 savez que la Chambre des populations aujourd'hui au parlement de Bosnie-
Page 1829
1 Herzégovine adopte ces décisions par consensus avec égalité entre les trois
2 groupes ethniques.
3 Monsieur Gasi, si vous vous sentez incompétent pour répondre à cette
4 question, dites-le-moi et je passerai à autre chose.
5 R. Maître Cvijetic, j'ai mon opinion. Vous êtes sans doute plus éduqué que
6 moi sur le plan juridique, mais j'ai peut-être une autre opinion que vous
7 quant à la légitimité des députés, du fait que des députés serbes ont
8 quitté le parlement et n'ont pas participé au référendum sur
9 l'indépendance. Sur le plan personnel, je n'ai jamais souhaité imposer mon
10 opinion à qui que ce soit, et je n'avais rien contre ne serait-ce qu'un
11 seul Serbe de Bosnie-Herzégovine. Je suis toujours dans la même situation
12 aujourd'hui. Je n'ai pas changé d'avis.
13 Q. Très bien. Je vais essayer de vous parler comme je parlerais à
14 n'importe quel homme. Si trois peuples ne parviennent pas à un consensus
15 sur le fait de savoir dans quel genre d'Etat ils souhaitent vivre, quelle
16 est l'autre solution éventuelle ?
17 R. En ce qui me concerne, et comme le diraient pas mal d'autres gens que
18 moi, si un mariage ne fonctionne pas, il ne fonctionne pas. Il faut le
19 dissoudre. Qu'est-ce que la Bosnie était avant la guerre ? Un journaliste a
20 déclaré que la Bosnie ressemblait à une peau de léopard. Il y avait
21 tellement de populations différentes qui vivaient dans des états d'esprit
22 différents, et tout d'un coup la coupe a été pleine. C'est ce qui s'est
23 passé à Brcko également.
24 Q. Mais si dans la situation que vous venez d'évoquer, en présence d'un
25 divorce entre les trois populations ne peut-il y avoir divorce pacifique ?
26 Est-ce que la guerre était la seule possibilité ? Est-ce que les gens ne
27 pouvaient pas décider de poursuivre chacun leur chemin ? Est-ce que ça
28 n'aurait pas été un moindre mal par rapport à la guerre ?
Page 1830
1 R. J'ai vécu 33 ans dans l'ex-Yougoslavie, mais même si je n'étais pas
2 croyant, j'aurais toujours prié pour la préservation de ce pays.
3 Q. Vous étiez sportif. Jusqu'où êtes-vous allé en sport ?
4 R. En 1990, je représentais la Yougoslavie au championnat du monde de
5 Copenhague.
6 Q. Mais vous dites qu'en ce qui vous concerne, vous pensez que cela aurait
7 été une bonne chose que la Yougoslavie soit préservée ?
8 R. Oui, cela aurait été une chose excellente.
9 Q. Donc qui avait-il de répréhensible aux efforts déployés par la
10 population serbe pour préserver la Yougoslavie, pour que les Serbes
11 puissent rester dans un pays qui s'appelait la Yougoslavie ?
12 R. Ce qui s'est passé à Brcko a été mauvais, et ce qui m'est arrivé
13 personnellement a été mauvais.
14 Q. Non, vous l'avez déjà dit, ça.
15 R. Pourriez-vous répéter votre question. Je ne suis pas sûr de l'avoir
16 parfaitement compris.
17 Q. Très bien. Je vais simplifier. Je ne vous demande pas une nouvelle fois
18 quel est votre avis sur la Yougoslavie. Mais qu'est-ce qu'il y avait
19 éventuellement de répréhensible quant aux efforts déployés par la
20 population serbe qui a déclaré au référendum qu'elle souhaitait demeurer
21 dans le giron de la Yougoslavie et qu'elle souhaitait que la Bosnie-
22 Herzégovine demeure dans le giron de la Yougoslavie ?
23 R. Je ne vois rien de mauvais au sujet d'un vote démocratique auquel
24 participe une population.
25 Q. Monsieur Gasi, je suis d'accord avec vous quant au fait de dire que
26 cette carte que Ristanic a dessiné, qui concernait la division de Brcko,
27 n'était pas une bonne chose ?
28 R. Il n'était pas le seul à le faire. C'est tout le SDS qui était
Page 1831
1 concerné.
2 Q. La façon dont ils ont abordé la question était manifestement
3 inacceptable. Cela ne sert à rien, et il n'est pas une bonne chose de
4 construire des murs de Berlin. Mais nous voyons que les accords de Dayton
5 ont eu un résultat assez similaire, il y a y compris une entité officielle
6 qui s'appelle Herceg-Bosna où les Croates représentent la majorité de la
7 population, n'est-ce pas ?
8 R. Je sais bien tout cela. Je lis les journaux et je consulte quelquefois
9 internet. Je peux vous dire que les accords de Dayton avaient à mon avis
10 pour objectif principal de mettre un terme à la guerre, aux assassinats et
11 aux destructions.
12 Q. Très bien. Mais voilà ce qui a été réalisé. La paix a été rétablie sur
13 la base de la réalisation d'une division des populations selon des critères
14 ethniques principalement. Je suis bien d'accord avec vous quant au fait que
15 ceci dans l'absolu n'aurait pas dû arriver parce que la Bosnie n'aurait
16 jamais dû être divisée de cette façon.
17 R. Mais, Maître Cvijetic, selon l'éducation que j'ai reçue, les choses
18 sont tout à fait claires. Personne n'a le droit de diviser un pays sur des
19 bases idéologiques. Mais si j'ai commencé à me sentir mal en Bosnie-
20 Herzégovine, ce n'est pas simplement parce que j'étais le seul à ressentir
21 ce sentiment; c'est parce que j'écoutais ce que disaient des dirigeants. Le
22 reste de la population les écoutait aussi.
23 Q. Bien. Monsieur Gasi, nous n'allons pas nous aventurer dans les
24 questions politiques et de partis. On ne serait pas autorisé de toute façon
25 à aller au-delà de ce que vous avez déclaré lors de l'interrogatoire
26 principal. Mais revenons aux événements à Brcko après les incidents à
27 Bijeljina. Est-ce que certaines forces du peuple musulman du parti SDS
28 commençaient à se réunir avec l'intention d'aller à Bijeljina ?
Page 1832
1 R. Je ne sais rien de cette question.
2 Q. N'avez-vous pas mentionné le fait que M. Ramic était intervenu en ce
3 sens ?
4 R. Je n'ai jamais dit cela.
5 Q. Avez-vous remarqué qu'une colonne de réfugiés de Bosanski Brod est
6 passée par Brcko après le crime à Sijekovac où les forces croates avaient
7 commis un crime à l'encontre des Serbes, est-ce que vous avez été témoin de
8 cela ?
9 R. Non, Maître Cvijetic.
10 Q. Nous avons mentionné la carte établie par Ristanic. Je me rappelle que
11 vous avez marqué sur la carte comme étant ses marques, quel était le nom de
12 cette partie de Brcko ?
13 R. J'ai expliqué cela hier. Ce sont les communautés locales de la partie
14 orientale de la ville de Brcko. La partie sud-est par rapport à la limite
15 serbe jusqu'à Bijeljina, Brcica, et le centre-ville.
16 Q. Est-ce que la majorité de cette population n'est pas appelée Srpska
17 Varos ?
18 R. Oui. Il y a toujours eu une église orthodoxe à cet endroit-là. Elle s'y
19 trouve encore.
20 Q. Bien. Alors cette ligne qu'il avait mise inclut cette partie de la
21 ville, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Monsieur Gasi, quand vous avez quitté Brcko et quand vous avez été en
24 mesure d'aller à l'étranger, vous avez fait une déclaration au Comité
25 Helsinski; vous vous rappelez sans doute ?
26 R. Oui, en 1993.
27 Q. C'est au Danemark, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
Page 1833
1 Q. Dans cette déclaration, vous avez déclaré notamment que les pires
2 crimes à Brcko avaient été commis par des formations paramilitaires; vous
3 vous rappelez ?
4 R. Oui.
5 Q. En outre, vous avez dit que les groupes paramilitaires les plus
6 importants étaient les gens d'Arkan et qu'ils étaient dirigés et conduits
7 par quelqu'un de Bijeljina ?
8 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le nom.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas au courant de cela. J'ai essayé
10 de corriger ma déclaration sur ce point mais je n'ai jamais eu la
11 possibilité de le faire.
12 M. CVIJETIC : [interprétation]
13 Q. Bien. Nous allons y jeter un coup d'œil rapidement. Je suppose que vous
14 ne savez pas qui est Zdravko Ljubinkovic ?
15 R. Non, je ne le sais pas qui c'est.
16 Q. Vous auriez dit que les deux groupes étaient unis, les gardes serbes, à
17 la fois les gardes Mauzer et les gens d'Arkan dirigés par Mirkovic [phon]
18 ont été unis, n'est-ce pas ?
19 R. Je pense qu'ils ont été unis plus tard pendant la guerre.
20 Q. Mais est-ce que vous le saviez à l'époque ou est-ce que vous aviez dit
21 cela ?
22 R. Je viens de dire, j'ai fait cette déclaration au Comité d'Helsinki mais
23 quand j'ai vu le document c'était deux ou trois mois plus tard, et en
24 anglais. Je n'ai jamais pu corriger ma déclaration.
25 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Conseil, je vais vous demander de
26 ralentir, s'il vous plaît, vous chevauchez avec les questions et les
27 réponses. Il est d'ailleurs midi cinq, et nous allons suspendre l'audience.
28 M. CVIJETIC : [interprétation] Oui.
Page 1834
1 [Le témoin quitte la barre]
2 --- L'audience est suspendue à 12 heures 04.
3 --- L'audience est reprise à 12 heures 29.
4 [Le témoin vient à la barre]
5 M. CVIJETIC : [interprétation]
6 Q. Je crois que nous avons suspendu la séance au moment où nous étions en
7 train de parler de la carte tracée par Ristanic. Vous avez dit dans votre
8 déclaration antérieure que vous aviez vu de chez vous que 300 à 400
9 personnes avaient été tuées dans le centre-ville et qu'on les avait
10 emmenées en groupe de 30 ou 40 et qu'on avait ensuite lavé le sang. Vous
11 rappelez-vous cette partie ? Cette question vous avait été posée lors de
12 déposition antérieure.
13 R. Je me rappelle que le conseil de la Défense a effectivement cité la
14 déclaration que j'ai faite au Comité Helsinski et j'ai dit déjà que je
15 n'avais jamais dit cela. Qui dans son bon sens pourrait dire que 300 à 400
16 personnes auraient été tuées en une demi-heure.
17 Q. Alors vous dites que ceci est faux ?
18 R. Oui.
19 Q. Une photographie vous a été montrée, je crois que c'est une
20 photographie avec un Skorpion, et nous allons en avoir besoin. Dans votre
21 déclaration, vous avez identifié la personne comme étant Jovan Pudic. C'est
22 ça qui est dans la déclaration. Vous vous rappelez de cela ?
23 R. Il y avait un exemplaire d'un journal anglais, je crois que c'était le
24 "Guardian". L'article était photocopié. Quand nous parlions de cette
25 photographie avec quelqu'un du Comité d'Helsinski, je lui ai dit que
26 j'étais avec l'auteur de la photographie qui m'avait montré d'autres
27 photographies où on pouvait voir Pudic, mais ça n'était pas cette
28 photographie-là. Comment ceci est entré dans l'article, ça, je ne le sais
Page 1835
1 pas, parce que je n'ai pas dit les choses comme ça.
2 Q. Donc vous n'avez pas identifié cette personne comme étant Jovan Pudic ?
3 R. Non, je ne l'ai pas fait.
4 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que
5 la photographie 65 ter, je crois que c'était la 2164, soit présentée à
6 nouveau à l'écran.
7 Q. Oui, c'est bien cette photo. Vous pouvez la voir ?
8 R. Oui.
9 Q. La personne qui porte un Skorpion avec un silencieux, dites-moi, vous
10 nous avez dit que c'était le policier que vous aviez vu précédemment? Je
11 crois que c'est ça que vous avez dit sur cette photographie.
12 R. Quel policier ?
13 Q. Le Procureur vous a demandé si c'était bien un policier et si vous
14 pouviez faire une comparaison avec celui que vous aviez vu sur place ?
15 R. Mais j'ai répondu que ce n'était pas le même homme.
16 Q. Je vous demandais si c'était un policier, et vous avez répondu : Oui,
17 il portait un uniforme de police. Et à la question : Dites-moi quel type
18 d'uniforme vous voyez ?
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous êtes prié de ralentir. Les
20 interprètes ne peuvent pas vous suivre.
21 M. CVIJETIC : [interprétation]
22 Q. Monsieur Gasi, veuillez attendre un moment après ma question. Dites-
23 moi, regardez cette personne et dites-moi ce qu'elle porte, quels effets
24 d'uniforme de police qui étaient utilisés avant la guerre, et vous en
25 souvenez très bien. Attendez un instant. Bon, dites-nous.
26 R. Eh bien, nous avons là une chemise bleue à manches courtes, puis des
27 brodequins. Le pantalon, c'est un pantalon d'uniforme de police d'un bleu
28 foncé, un bleu très foncé.
Page 1836
1 Q. D'après ce que je me rappelle avant la guerre, les pantalons étaient de
2 couleur plus claire et on portait des chaussures plutôt que des brodequins
3 ?
4 R. Oui, mais les policiers portaient aussi des brodequins, Maître
5 Cvijetic.
6 Q. Est-ce qu'il manque quelque chose sur la chemise ?
7 R. Qu'est-ce que vous voulez dire ? Qu'est-ce qui pourrait manquer ? C'est
8 une chemise de la police à manches courtes.
9 Q. Est-ce qu'ils ne portaient pas quelque chose sur l'épaule ?
10 R. Oui, ils portaient des insignes de grade, mais on ne peut pas le voir
11 sur cette image-ci.
12 Q. On ne peut pas le voir, parce qu'il n'y en a pas, parce que sans ça, on
13 les aurait vus sur ces épaules.
14 R. Ça dépend de la façon dont vous voyez les choses. Je crois que c'est
15 une chemise de police.
16 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic et Monsieur Gasi, on
17 vous a rappelé à plusieurs reprises aujourd'hui la nécessité de ralentir
18 afin que les interprètes puissent interpréter ce que vous dites. Ces
19 échanges continus, ce "bavardage", pour employer le mot que vous avez
20 employé, Maître Cvijetic, est peut-être utile pour vous, mais il n'est pas
21 utile pour les interprètes, et en fin de compte, il ne nous aide pas non
22 plus pour le compte rendu. Veuillez exercer une certaine discipline
23 personnelle, s'il vous plaît.
24 M. CVIJETIC : [interprétation] Je crois que nous sommes arrivés à un stade
25 où vous pourriez probablement me sanctionner et ça pourrait peut-être même
26 être efficace. Bien sûr, je plaisante.
27 Q. Monsieur Gasi, parlant d'uniformes, vous avez dit aujourd'hui que Ranko
28 Cesic portait aussi un uniforme de police et que Goran Jelisic en porte un
Page 1837
1 aussi ainsi que la personne que vous avez identifiée comme étant Jovan
2 Pudic, à savoir que c'était bien un policier. Vous avez dit que -- vous
3 pouvez m'aider avec le nom de famille, s'il vous plaît, vous avez dit que
4 vous le connaissiez, Konstantin Simeunovic, sous le nom de Kole. C'est ça
5 son nom ?
6 R. Oui, Kosta Simeunovic, Konstantin.
7 Q. Il portait aussi un uniforme de police ?
8 R. Oui.
9 Q. Il faut que je revienne à la liste sur laquelle figurent les policiers,
10 donnez-moi un instant pour retrouver cette pièce présentée par l'Accusation
11 et qui a été montrée au témoin. Vous avez reconnu Branko Pudic sur cette
12 liste. Ces noms vous ont été montrés et vous avez reconnu le nom de Branko
13 Pudic. Donnez-moi un instant pour m'y retrouver.
14 M. CVIJETIC : [interprétation] Ca a été montré comme pièce 65 ter. Voyons
15 le numéro de la page. Oui, c'était le 2138 de la liste 65 ter. Allons
16 immédiatement à la page 5, s'il vous plaît, donc la page 5 en B/C/S aussi.
17 Oui, c'est bien le numéro 5.
18 Q. Voyez la partie qu'on est en train d'agrandir pour vous. A 212, vous
19 voyez Pero Pudic, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. A 217, Branko Pudic ?
22 R. Oui.
23 Q. Ensuite au 222, Pudic Boro ?
24 R. Oui.
25 Q. Dans votre déclaration, Jovan Pudic ?
26 R. Quelle déclaration ?
27 Q. Comité de Helsinki.
28 R. Permettez-moi de vous dire ceci : jusqu'à ce jour, bon, je suis sûr de
Page 1838
1 ce qu'était le nom de Pudic, celui qui m'a frappé. A chaque fois, y compris
2 dans cette déclaration que j'ai fournie au Comité de Helsinki, c'était le
3 seul Pudic que j'ai vu. Et je ne sais pas comment ce nom de Jovan est entré
4 dans ce rapport. Je n'ai jamais dit le nom complet, parce que je ne le
5 savais pas. Et je connaissais Pudic parce que je l'avais connu avant la
6 guerre et c'est le Pudic que j'ai à l'esprit, Branko Pudic.
7 M. CVIJETIC : [interprétation] Sur la même liste, nous pouvons voir --
8 Regardons le numéro 252, s'il vous plaît.
9 Q. On lit Simonovic, Konstantin. Pensez-vous qu'il y ait une possibilité
10 qu'il ne s'agisse pas de la personne appelée Konstatin Simeunovic ?
11 R. C'est mon erreur. Je pense que je me suis trompé. Il est très probable
12 que son nom soit Simonovic, excusez-moi. Mais je connais Kosta très bien,
13 et ça, c'est Kosta, Konstantin Simeunovic. C'est la personne en question.
14 Q. Là encore, vous dites Simeunovic ?
15 R. C'est la façon dont je le dis. Je pourrais dire Simonovic, c'est exact.
16 Q. Mais vous êtes en train de vous corriger lorsque je vous ai montré le
17 nom ?
18 R. Vous avez absolument raison. C'est la même personne. C'est le même
19 Kosta, le même Kole que je connais.
20 Q. Je ne peux pas être d'accord avec vous. Ça ne peut pas être la même
21 personne. Il n'y a aucune autre façon de l'identifier. Peut-être qu'une
22 photo pourrait nous aider ?
23 R. Eh bien, si vous avez une photo, je pourrai identifier la personne.
24 Q. Très bien. Monsieur Gasi, excusez-moi, je viens de vous appeler M.
25 Pudic. Dans vos dépositions précédentes, vous avez dit que Cesic portait un
26 uniforme militaire. Vous avez également mis un uniforme militaire sur Goran
27 Jelisic, Ronja Baranja [phon]. Moi, il faut que je vous confronte avec vos
28 déclarations antérieures fournies dans d'autres affaires dans lesquelles
Page 1839
1 vous avez déposé. L'affaire Krajisnik en février 2004, vous décriviez le
2 moment où il est arrivé dans le hangar. Et je parle là de Goran Jelisic,
3 bien sûr. Et vous dites ceci :
4 "Il est venu au hangar. Il portait un uniforme de camouflage de la JNA. Je
5 n'ai pas vu d'insignes de grades. Il ne portait pas de casquette."
6 Donc, je vous pose encore la question : quel type d'uniforme de
7 camouflage portait-il à l'époque ? Pour autant que je connaisse les
8 uniformes, je crois que c'était un uniforme de camouflage de la JNA.
9 R. Et c'est ce que j'affirme encore aujourd'hui.
10 Q. Est-ce que vous n'avez pas dit qu'il était arrivé dans un uniforme bleu
11 de police avec une chemise bleue et qu'il portait des insignes avec une
12 étoile qui montrait qu'il était inspecteur ?
13 R. Oui, mais ça, c'était une autre fois lorsque Kosta m'a emmené au bureau
14 et où nous avons eu une brève discussion. C'est à ce moment-là qu'il
15 portait un uniforme bleu de police avec cette unique étoile qui montrait
16 qu'il était inspecteur de la police et qu'il était gradé. C'est à ce
17 moment-là qu'il portait cet uniforme.
18 Q. Vous avez expliqué qu'une étoile, à l'époque, correspondait au rang de
19 sergent sur son uniforme de camouflage militaire ?
20 R. J'ai dû faire une erreur. Je ne peux pas me rappeler, mais je sais que
21 Goran aimait beaucoup change d'uniforme. Il changeait souvent.
22 Q. Que voulez-vous dire ?
23 R. Pour autant que j'ai pu entendre ce que disaient les Serbes dans le
24 hangar ainsi que les gardes, les uniformes les plus beaux étaient perçus
25 comme avantageant celui qui le portait.
26 Q. Et sur ces uniformes qu'il portait, est-ce qu'il ajoutait des insignes
27 de grades ?
28 R. Je vous dis que c'est possible, tout comme le commandant Duskanovic le
Page 1840
1 faisait. Une possibilité pour cette personne qu'il ait pu atteindre ce
2 grade de commandant de chef de bataillon avant la guerre.
3 Q. Est-ce que Goran Jelisic aurait pu être membre de la police de toute
4 façon ?
5 R. Je pense que si.
6 Q. Basé sur quoi ?
7 R. Eh bien, il portait des uniformes, mais je l'ai vu porter cet uniforme.
8 Q. Vous nous avez dit qu'il portait à la fois l'uniforme de police et
9 l'uniforme militaire en même temps. Pouvait-il être à la fois policier et
10 membre de l'armée ?
11 R. Maître Cvijetic, je suis sûr que vous ne savez que trop qui distribuait
12 des uniformes à l'époque au peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, qui portait
13 ce type d'uniforme et quel était le rôle de M. Jelisic lorsqu'il portait
14 l'autre type d'uniforme, mais je peux supposer très facilement qu'il était
15 membre de l'armée alors qu'en fait, il était en même temps membre de la
16 police. Je me base sur l'hypothèse qui est liée à l'uniforme.
17 Q. Uniquement sur la base de l'uniforme ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce qu'il y a une possibilité que des membres des formations
20 paramilitaires aient porté également ces uniformes et qu'ils les aient
21 changés quand ils le voulaient ?
22 R. Je suis sûr qu'ils le faisaient. Je suis sûr que vous avez raison. Je
23 serais d'accord avec vous sur ce point.
24 Q. Très bien. Alors je vais citer maintenant votre déclaration, ou plutôt,
25 votre déposition dans une autre affaire, ou plutôt, c'est toujours la même
26 affaire, l'affaire Krajisnik, page 456 en commençant à la ligne 4 :
27 "Ranko Cesic pouvait venir en portant un uniforme de la JNA," et cetera.
28 Ici vous avez Ranko Cesic dans un uniforme de l'armée. Aujourd'hui vous
Page 1841
1 dites qu'il portait un uniforme de la police.
2 R. Oui, je l'ai dit déjà et je le répète aujourd'hui.
3 Q. Pourquoi est-ce que vous modifiez votre déposition, Monsieur Gasi ?
4 R. Je ne modifie pas ma déposition, Maître Cvijetic. Lorsque les gens me
5 posent des questions, je leur dis ce que j'ai vu.
6 Q. Monsieur Gasic, vous avez dit dans l'affaire Milosevic, n'est-ce pas,
7 vous avez déposé ?
8 R. Oui.
9 Q. M. Milosevic était accusé d'avoir eu la responsabilité d'une
10 participation d'unités de la JNA aux événements à Brcko et vous vous
11 rappellerez qu'à l'époque le Procureur et Milosevic lui-même vous ont posé
12 un grand nombre de questions concernant le rôle de la JNA à Brcko ?
13 R. Tout à fait d'accord.
14 Q. Etait-ce intéressant à l'époque de prouver que les membres de
15 formations paramilitaires, en fait, appartenaient à la JNA. Et vous verrez
16 à la page 75, lignes 24 et 25 dans cette affaire, qu'il est dit que Ranko
17 Cesic était membre de la JNA. A quoi d'autre aurait-il appartenu ? Il
18 portait un uniforme de camouflage de la JNA ?
19 R. Et qu'est-ce qui est en litige ici ?
20 Q. Maintenant, vous êtes en train de me dire, ou plutôt, vous nous avez
21 dit à l'époque à quoi d'autre pouvait-il appartenir ? Aujourd'hui, plus tôt
22 dans la matinée, vous avez dit qu'il portait un uniforme de police.
23 R. C'est ce que m'a demandé le Procureur. Je lui ai dit cela. Je l'avais
24 vu aussi porter un uniforme de la police.
25 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Excusez-moi, Maître Cvijetic, serait-il
26 possible de nous donner le numéro exact de la page dans l'affaire
27 Milosevic, parce que vous avez dit page 75, mais nous avons un numéro de
28 séquence qui, vous savez, c'est dans les 26 000 pages, donc pourriez-vous
Page 1842
1 nous donner le numéro de la page, s'il vous plaît.
2 M. CVIJETIC : [interprétation] Pour Milosevic, j'ai un texte imprimé du
3 compte rendu en anglais, donc nous pouvons en fait vérifier le numéro de la
4 page que je cite, page 75, et la date est le 1er octobre 2009. Enfin, non,
5 c'est le moment où ça a été imprimé. Page 75, lignes 24 et 25.
6 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Il n'avait pas de numéro qui se suivait.
7 Le numéro de la page où commence sa déposition est 26 430.
8 M. CVIJETIC : [interprétation] Excusez-moi, vous avez absolument raison, 26
9 449 est ce qui a été imprimé. Je vous présente mes excuses.
10 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie.
11 M. CVIJETIC : [interprétation] Vous avez raison, je gardais en fait les
12 marques sur les pages. Effectivement, nous sommes bien sur cette même page.
13 Q. Vous avez dit, et c'était d'une manière ou d'une autre, mais ça ne peut
14 pas être les deux, qu'il était membre de la JNA, et pas pour une seconde
15 dans la déposition antérieure vous n'avez dit qu'il portait un uniforme de
16 la police. Attendez un instant. Dans l'affaire Milosevic, dans l'affaire
17 Krajisnik, dans l'affaire Tadic, trois affaires en tout, dans ces trois
18 affaires vous avez dit que Cesic portait un uniforme militaire, et pour la
19 première fois aujourd'hui vous mentionnez le fait qu'il portait un uniforme
20 de la police. Et aujourd'hui, les personnes dont on fait le procès sont des
21 chefs de la police.
22 Est-ce que ça ne vous paraît pas étrange, Monsieur Gasi ?
23 R. Ecoutez, Maître Cvijetic, vous savez très bien qui habillait les gens
24 en uniforme dans l'ancienne Yougoslavie. Je vous dis ce que j'ai vu à
25 l'époque. Je ne suis pas en train d'habiller quelqu'un dans un uniforme. Je
26 dis simplement qu'il portait deux types d'uniforme différents. A qui ou à
27 quoi appartenait Ranko Cesic, je pense que je le sais, avant que la guerre
28 n'éclate à Brcko, M. Cesic portait un uniforme de camouflage et il était
Page 1843
1 membre des unités spéciales de la JNA. Je ne sais pas si son rôle a changé
2 au cours de la guerre. En tout état de cause, il apparaissait en uniforme
3 de police lorsqu'il est venu voir. C'est tout ce que je sais, je ne suis
4 pas en train de faire porter quoi que ce soit à qui que ce soit, et je n'ai
5 jamais dit que j'avais mis un uniforme de la JNA sur qui que ce soit, mais
6 c'était l'uniforme qu'il portait. Je suppose que c'était un uniforme de la
7 JNA. C'est tout ce que je peux vous dire.
8 Q. Malheureusement, Monsieur Gasi, je dois vous confronter à vos propres
9 dépositions. Krajisnik, 4 février 2004, page 406. Encore une fois, Cesic,
10 soldat portant un uniforme militaire, il n'est pas question d'uniforme de
11 la police, lignes 17 à 29. Je dois vous dire que je ne sais pas ce que je
12 dois choisir dans quelle affaire, mais il faut que je vous dise qu'en fait
13 nous n'avons pu retrouver où que ce soit le fait que vous dites que ces
14 personnes portaient des uniformes de police. C'est uniquement aujourd'hui
15 que vous l'avez dit pour la première fois.
16 R. J'ai essayé de répondre aux questions. J'ai essayé de dire ce que je
17 crois savoir, et donc ça dépend de vous. Je n'ai pas eu la moindre
18 intention de vêtir qui que ce soit dans tel ou tel uniforme de façon à
19 indiquer quelle était la nature de cela dans l'une quelconque de ces
20 affaires. C'est mon opinion, et si je me suis trompé, je vous prie de
21 m'excuser. Si j'ai fait endosser un uniforme à quelqu'un qu'il n'a jamais
22 porté, je suis sûr que je n'ai pas fait d'erreur, parce que moi je vous ai
23 dit ce que j'ai vu.
24 Q. Toutefois, nous avons toujours quand même l'impression que vous êtes en
25 train d'adapter votre déposition à l'accusé.
26 R. Monsieur Cvijetic --
27 Q. Veuillez me permettre de finir. Si c'était intéressant de mettre sur
28 eux des uniformes militaires dans l'affaire Milosevic, ensuite vous avez
Page 1844
1 mis des uniformes militaires sur eux, et si les accusés sont des personnes
2 chargées de la police, à ce moment-là vous leur faites porter des uniformes
3 de la police. Voilà à quoi ça se ramène, résume. Revenons maintenant au cas
4 de Dusko Talic.
5 M. CVIJETIC : [interprétation] Je vais vous donner l'indication de la
6 page de compte rendu, il s'agit du 15 mai 1996, le numéro de la page est le
7 739, lignes 11 à 23.
8 Q. Ici, vous dites que Goran Jelisic avait mis une étoile sur un uniforme
9 de camouflage militaire et qu'il aimait être vêtu de façon élégante, qu'il
10 aimait porter un uniforme spécial et que c'était le grade qu'il portait,
11 c'était le grade de caporal. Aujourd'hui, vous dites que cette étoile était
12 une étoile qui apparaissait sur les uniformes d'inspecteur de la police.
13 Est-ce que vous savez que l'étoile n'existe pas dans la police et que ça ne
14 représente pas ce qu'ils font dans la police ?
15 R. Enfin je n'ai pas bien compris. Je ne suis pas un expert en la matière.
16 Je vous dis ce que j'ai pensé à l'époque. Mais avant la guerre, il y avait
17 des étoiles pour les inspecteurs de la police. Si vous avez des
18 connaissances autres, je veux bien admettre que je ne le sais pas. Je ne
19 suis pas un expert en la matière. Je ne suis pas un expert de grande
20 envergure ou de grand calibre pour vous dire quelles étaient les positions
21 des uns ou des autres.
22 Q. Je vais essayer de vous aider. Dans la police il y a des titres
23 d'inspecteur de la police, il n'y a pas de grade à l'époque. Alors comment
24 expliquer cette façon de se comporter de votre part aujourd'hui ?
25 R. Ecoutez, il n'y a rien à expliquer. Je vous dis ce que j'ai vu. Je ne
26 vois aucune raison de voir quoi que ce soit de contestable. Je ne suis pas
27 là pour faire mettre des uniformes aux gens. Je vous dis ce que j'ai vu, et
28 je vous dis aussi quel type d'uniforme il y a eu.
Page 1845
1 Q. Affaire Krajisnik, 4 février 2004, page 456, lignes 1 à 5. Ranko Cesic
2 est venu dans un uniforme vert olive de la JNA. C'est ce que vous avez dit,
3 et pour être tout à fait sincère, je peux bien vous le montrer, vous ne
4 m'avez pas convaincu de l'authenticité de vos propos d'aujourd'hui.
5 R. Je regrette si vous n'avez pas entendu de ma part ce que vous vouliez
6 entendre. Je vous dis que ce que j'ai vu.
7 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je crois que le témoin a répondu à ces
8 questions et il a dit de façon répétitive que Jelisic et Cesic aimaient
9 changer d'uniforme. Je ne sais pas ce que le conseil cherche à savoir.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Cvijetic, j'aimerais que
11 vous apportiez des éclaircissements au sujet des photos que vous nous avez
12 déjà montrées, le P133 et P134 sont des photos qui sont au dossier.
13 N'était-ce pas des photos de M. Jelisic ? Apparemment il porte ici à ce
14 moment-là une chemise bleue, ce qui laisse entendre qu'il s'agissait
15 d'uniforme de la police. Ou alors fais-je là une erreur ?
16 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne sais pas du tout qui
17 est sur cette photo, et je n'ai la moindre intention d'identifier
18 l'individu en question. Dans l'affaire Jelisic, on a déterminé qu'il n'a
19 jamais été dans les rangs de la police, si ce n'est pas autre chose, et on
20 peut l'affirmer avec certitude. Pour ce qui est de la photo, ne me posez
21 pas de question.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Puisqu'on est en train de parler de
23 cette photo, j'aimerais qu'on nous la remonte sur nos écrans, si possible,
24 et je pense qu'il s'agit du P132 ou du P133. 133, oui. Non, la précédente.
25 C'est cela. Est-ce qu'on peut zoomer du côté droit pour ce qui est de cet
26 homme qui porte une chemise bleue. Un instant. Zoomez davantage, s'il vous
27 plaît. Oui, c'est bon.
28 Alors est-ce que le témoin peut nous dire ce qu'il voit sur la ceinture
Page 1846
1 portée par cet homme ? Eventuellement on peut zoomer.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est une matraque que les policiers
3 portaient avant la guerre. Je crois qu'ils portent la même de nos jours.
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
5 M. CVIJETIC : [interprétation]
6 Q. Puisqu'on en est déjà à cette photo, cette façon cow-boy de porter
7 l'uniforme se trouve-t-elle être appropriée pour un membre de la police ?
8 R. Là, vous avez raison, avant la guerre ce n'était pas le cas.
9 Q. J'ai donc bien raison. Merci. Monsieur Gasi, dans le port de Luka
10 lorsque le lieutenant est arrivé, il a dit à Kole de vous emmener. Il
11 s'agissait d'un lieutenant de la JNA, me semble-t-il ?
12 R. Je n'ai pas très compris. On m'a emmené où ?
13 Q. Celui qui vous a libéré de Luka ?
14 R. C'était un capitaine, Rade Bosic.
15 Q. Bien. C'est lui qui a donné l'ordre de vous emmener ?
16 R. Enfin il n'a pas donné l'ordre, il est venu me chercher. Il est venu au
17 hangar et il m'a dit : Tu viens avec moi, on va faire un long voyage.
18 Q. Bon. Mais y avait-il un lieutenant quelconque de la JNA ? Je pense que
19 vous avez mentionné ce lieutenant lorsque Jelesic venait, ou qui portait du
20 moins l'uniforme de la JNA ?
21 R. Non, ce n'était pas un lieutenant. C'était un commandant de la JNA, en
22 compagnie de deux policiers.
23 Q. Et qu'est-ce qu'il a donné comme ordre ?
24 R. Il a demandé : Où sont ces tireurs embusqués musulmans ? Et Kosta a
25 montré deux hommes qui étaient à gauche et à droite de moi. Et ce
26 commandant est venu avec ces deux autres policiers et il a commencé à
27 interroger ces deux hommes.
28 Q. Bon. Dans votre déclaration aujourd'hui, on nous a montré un
Page 1847
1 enregistrement vidéo où l'on mentionne Djurkovic Vojislav, comme vous
2 l'avez dit, était commandant, et il portait des baskets ?
3 R. Oui, des Adidas.
4 Q. Dans votre déclaration, vous affirmez que les autres détenus du camp
5 vous ont dit qu'il s'était montré bon à leur égard; est-ce bien exact ?
6 R. Oui.
7 Q. Ma dernière question pour vous est celle-ci, Monsieur Gasi, quand Kole
8 vous a fait sortir et qu'il a dit que vous alliez rentrer chez vous, il a
9 dit tu rameras encore pour la Yougoslavie, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous féliciteriez-vous d'avoir pu aller encore en compétition d'aviron
12 pour la Yougoslavie ?
13 R. Oui.
14 M. CVIJETIC : [interprétation] Je me félicite de votre réponse et les
15 larmes que je vois dans vos yeux confirment la véracité de vos propos.
16 Merci.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie aussi.
18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Si le témoin veut que nous attendions
19 un peu avant de continuer, qu'il nous le dise.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est bon, continuons.
21 M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas de
22 questions à poser en contre-interrogatoire pour ce témoin. Merci.
23 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Question complémentaire.
24 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Juste quelques sujets, Monsieur le
25 Président.
26 Nouvel interrogatoire par M. Demirdjian :
27 Q. [interprétation] En page 4 825 de ce compte rendu d'aujourd'hui, M.
28 Cvijetic vous a posé une question relative à votre affiliation au SDA. Je
Page 1848
1 crois qu'il y a une petite erreur au compte rendu, parce que là-bas on dit
2 du 26 mai 1990 à novembre 1990 [comme interprété]. Est-ce que c'est bien
3 exact ou est-ce que c'est une erreur ?
4 R. Ça peut être une erreur, en novembre 1992. Je n'ai pas prêté attention,
5 et c'est moi qui m'en excuse. Mon départ du SDA et de ce conseil exécutif
6 s'est fait avant les premières élections en Bosnie-Herzégovine. Je ne
7 voulais pas participer et être présent sur les listes électorales.
8 Maintenant de là à vous dire si c'était au mois de novembre, je ne sais
9 pas, je dirais que c'était avant les élections en Bosnie-Herzégovine.
10 Q. Du temps de votre détention au camp de Luka, est-ce qu'à ce moment-là
11 vous étiez membre du SDA ?
12 R. Membre non, j'étais peut-être sympathisant.
13 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre une fois de
14 plus le P129 sur nos écrans, s'il vous plaît.
15 Q. Il s'agit de la page 5 519 du compte rendu d'aujourd'hui. M.
16 Cvijetic vous pose des questions sur une carte établie par M. Ristanic, à
17 savoir par le SDS, et il vous a posé des questions au sujet d'un site
18 appelé Srpska Varos. Alors j'aimerais qu'on se penche sur la première page
19 de ce document P129. Au premier paragraphe, il est question de pourcentage
20 dans cette municipalité de Brcko. Dans la dernière phrase, si vous la
21 voyez, il est dit qu'il y avait 41 346 personnes d'enregistrées dans la
22 ville, dont 20 % étaient des Serbes; 6,9 étaient des Croates; 55,8 %
23 étaient des Musulmans.
24 Est-ce que cela correspond au souvenir qui est le vôtre de la
25 composition ethnique de Brcko à l'époque ?
26 R. Je crois bien que cela est exact.
27 Q. Dernier sujet que je voudrais aborder avec vous, la question des
28 uniformes portés par M. Cesic et M. Jelesic.
Page 1849
1 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous avons toujours besoin du même
2 document, page 3 version anglaise, je vais essayer de trouver l'équivalent
3 en B/C/S. Version B/C/S, ce sera la page 4. Vers le bas de cette page-là,
4 qui porte un 4 sur sa partie supérieure, et là je vais donner aussi son
5 numéro ERN.
6 Q. En attendant que ce document ne soit montré sur nos écrans, Monsieur
7 Gasi, vous souvenez-vous d'avoir dit aujourd'hui que certaines personnes
8 faisaient partie de ce peloton d'intervention de la police, et que M. Cesic
9 faisait partie dudit peloton d'intervention de la police. Vous en souvenez-
10 vous ?
11 R. Oui.
12 Q. Au dernier passage de ce document en version B/C/S, page 3, avant-
13 dernier paragraphe, vers le milieu de celui-ci, il est dit que dans le
14 secteur il y avait un certain nombre de membres de troupes paramilitaires
15 et lorsque la guerre a commencé, il y a eu un certain nombre de ces unités
16 qui ont vu leurs rangs rejoints par les membres de ce peloton
17 d'intervention de la police. N'est-ce pas ce que vous avez dit ?
18 R. Oui.
19 Q. Et ma dernière question s'agissant de ces photos sera celle-ci, je vous
20 ai demandé si le policier sur ces photos était celui que vous aviez vu le 7
21 mai. Vous nous avez dit que ce n'était pas le même homme. Alors est-ce que
22 vous avez été en mesure de reconnaître l'homme sur cette photo lorsque vous
23 avez vu les photos ?
24 R. Non. Je n'ai jamais dit que j'avais reconnu l'homme sur cette photo.
25 Q. Merci.
26 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Messieurs
27 les Juges.
28 Toutes mes excuses, Monsieur le Président, j'ai tout de même une dernière
Page 1850
1 question encore.
2 Q. Monsieur Gasi, le conseil de la Défense vous a dit aujourd'hui qu'à
3 plusieurs reprises dans les affaires Tadic, Milosevic et Krajisnik vous
4 aviez déclaré que Cesic et Jelisic portaient un uniforme de camouflage.
5 Vous rappelez-vous avoir fait une déclaration en 1995 devant M. Buckley et
6 Mme Castro, représentants du bureau du Procureur de ce Tribunal ?
7 R. Oui.
8 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande l'affichage de la page 9 de
9 cette déclaration du témoin dans sa version anglaise, grâce au système
10 Sanction.
11 Q. Vous voyez la page à l'écran devant vous, Monsieur ?
12 R. Oui.
13 Q. A la troisième page, il est question de Goran Jelisic. N'est-il pas
14 écrit à ce niveau de votre déclaration préalable que Goran Jelisic "aimait
15 beaucoup changer d'uniforme" ?
16 R. En effet.
17 Q. Ceci correspond-il à vos souvenirs ?
18 R. Oui, c'est ce que j'ai dit dans ma déclaration préalable, oui.
19 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci beaucoup. Pas d'autres questions,
20 Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Gasi, nous vous remercions
22 d'être venu témoigner une nouvelle fois devant ce Tribunal. Vous pouvez
23 maintenant vous retirer, et les Juges de cette Chambre vous souhaitent un
24 bon voyage de retour chez vous.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous.
26 [Le témoin se retire]
27 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
28 l'Accusation est prête à faire entrer dans le prétoire son témoin suivant,
Page 1851
1 M. Ignjic. Je demande d'ailleurs que l'on fasse entrer le témoin.
2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
3 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je
4 vous prie de prononcer votre déclaration solennelle.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai
6 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 LE TÉMOIN : CVJETKO IGNJIC [Assermenté]
8 [Le témoin répond par l'interprète]
9 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous, je
10 vous prie, décliner vos nom et prénom ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Cvjetko Ignjic.
12 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle est votre profession, Monsieur ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Technicien mécanique.
14 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pouvez-vous nous dire à quelle date et à
15 quel endroit vous êtes né, je vous prie.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 25 décembre 1948, à Covic Polje, dans la
17 municipalité d'Orasje.
18 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle est votre appartenance ethnique ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Serbe.
20 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avez-vous déjà témoigné devant ce
21 Tribunal ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
23 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.
24 Maintenant, Di Fazio, à vous.
25 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
26 Interrogatoire principal par M. Di Fazio :
27 Q. [interprétation] Outre les quelques renseignements personnels que vous
28 venez de fournir aux Juges de la Chambre, je vous demande de confirmer
Page 1852
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 1853
1 l'exactitude des détails suivants que je vous soumets : vous êtes né dans
2 la municipalité d'Orasje, mais vous avez passé la majeure partie de votre
3 vie dans la municipalité de Brcko, voire dans la ville de Brcko, n'est-ce
4 pas ? Et je vous demanderais de ne pas simplement hocher de la tête, mais
5 de prononcer une réponse. Oui ou non ?
6 R. Oui, dans la ville de Brcko.
7 Q. Je vous remercie. En 1972, vous êtes entré dans la police, après quoi
8 votre carrière s'est déroulée en tant que technicien de scènes de crimes au
9 sein de la police, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous avez continué à travailler pour la police jusqu'en 1993, moment où
12 vous avez pris votre retraite, mais avez tout de même continué à effectuer
13 un travail de policier dans le cadre de vos obligations de guerre, n'est-ce
14 pas ?
15 R. En effet.
16 Q. Dans le cadre de vos devoirs en tant que technicien de scènes de
17 crimes, est-ce que vous étiez tenu d'examiner une scène de crime pour
18 rassembler et enregistrer tout indice ou élément de preuve que vous auriez
19 été susceptible d'y trouver, tel que des photographies, des empreintes
20 digitales et autres éléments comparables ?
21 R. En effet.
22 Q. Et je crois que durant votre carrière, vous avez procédé à l'examen de
23 5 000 scènes de crimes à peu près, 1 000 d'entre elles étant des scènes de
24 crime d'assassinat, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
26 Q. Je vous remercie. J'aimerais maintenant appeler votre attention sur les
27 événements qui se sont déroulés à Brcko à la fin du mois d'avril, en tout
28 cas au mois d'avril et mai 1992. A cette époque-là, étiez-vous marié ?
Page 1854
1 R. Oui.
2 Q. Et au mois d'avril, avez-vous emmené votre épouse quelque part en
3 particulier ?
4 R. Un peu avant le mois de mai, je l'ai emmenée à Bijeljina.
5 Q. Pourriez-vous expliquer pour quelle raison vous avez fait cela ?
6 R. La guerre était dans l'air. On sentait une tension. J'avais peur.
7 Q. Même si l'on pouvait s'attendre à ce que la guerre éclate et même s'il
8 y avait la tension dans l'air, est-ce que les hostilités avaient déjà
9 effectivement éclaté dans la ville ou la municipalité de Brcko ?
10 R. La guerre a éclaté très précisément le 1er mai, dans l'après-midi.
11 Q. D'après vous, quel est l'événement particulier qui symbolise ou, en
12 tout cas, incarne le début de la guerre ?
13 R. A mon avis, il s'agit des tirs d'armes à feu qui visaient la partie est
14 de la ville de Brcko, entre Grtica [phon] et Begovaca.
15 Q. De quels tirs d'armes à feu parlez-vous ?
16 R. Eh bien, on a entendu des détonations.
17 Q. Ce quartier dont vous parlez, vous ai-je bien compris, fait partie
18 intégrante de la ville de Brcko en tant que telle, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Je vous remercie. J'aimerais maintenant rapidement vous soumettre un
21 document.
22 M. DI FAZIO : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter
23 numéro 92. J'indique à Mme l'huissière que le passage qui m'intéresse dans
24 la version en B/C/S que j'ai l'intention de soumettre au témoin se trouve
25 en troisième page de ce document. C'est le passage surmonté par le titre
26 "Brcko". Et il serait utile que l'on affiche également la version anglaise
27 de ce même passage.
28 Q. Alors, Monsieur, ce document est le document qui, d'après les calculs
Page 1855
1 effectués par vous, est préliminaire à l'éclatement de la guerre à Brcko.
2 Il porte la date du 21 avril 1992. Apparemment, il est adressé au ministre
3 de l'Intérieur. Il est signé par l'homme dont on voit le nom dans la
4 version B/C/S du texte, à savoir Predrag Jesuric.
5 R. Jesuric.
6 Q. Jesuric, effectivement. Connaissiez-vous cet homme avant la guerre ?
7 R. Non.
8 Q. Aviez-vous entendu dire qu'il était le chef du poste de sécurité
9 publique de Bijeljina ?
10 R. Non.
11 Q. J'espère que dans le document affiché à l'écran vous parviendrez à lire
12 le passage qui concerne Brcko.
13 R. Je ne suis pas au courant de ce qui est écrit ici.
14 Q. En effet, je comprends tout à fait. Je sais que vous n'êtes pas
15 l'auteur de ce document, mais je voulais simplement vérifier auprès de vous
16 un certain nombre de choses écrites dans ce document grâce à des questions
17 que je vais vous poser. L'auteur de ce document, ce Predrag Jesuric, parle
18 ici de Brcko et il déclare qu'il se procure des renseignements au sujet de
19 la municipalité serbe de Brcko par des collègues de la JNA avec lesquels le
20 poste de sécurité publique de Bijeljina était en contact. Ensuite, il
21 déclare qu'il n'y a pas de combat dans le secteur.
22 Pour autant que vous le sachiez, et je fais appel à votre expérience
23 en tant que membre des forces de police, étiez-vous au courant du fait que
24 la JNA transmettait des renseignements ou des informations au chef du poste
25 de sécurité publique ? Est-ce que dans cette période que vous avez passée
26 dans les rangs de la police, ceci vous serait venu à l'esprit ? Est-ce que
27 vous le saviez ?
28 R. Je ne connais pas les rapports qui existaient entre la police et
Page 1856
1 l'armée ni le type de communication établi entre ces deux instances.
2 Q. Le document poursuit en faisant référence dans les quelques dernières
3 phrases du texte à :
4 "Des réunions qui se faisaient en présence des chefs des postes de
5 sécurité publique, et notamment dans les municipalités nouvellement créées
6 par les Serbes. Et il est fait état en particulier d'une telle réunion dans
7 le poste de police de Bijeljina."
8 En avril 1992, est-ce que vous aviez connaissance d'une quelconque
9 municipalité serbe créée à Zvornik et à Brcko ?
10 R. Non.
11 Q. En avril 1992, vous rappelez-vous qui était le chef du poste de police
12 de la ville de Brcko et quelle était son appartenance ethnique ? Si vous ne
13 vous rappelez pas son nom, essayez au moins de vous rappeler l'appartenance
14 ethnique de cet homme ?
15 R. Il est certain qu'il s'agissait d'un Croate, d'un catholique. Je pense
16 que son prénom était Mijo, mais je n'en suis pas sûr. Le HDZ l'avait
17 délégué par application des critères proportionnels applicables aux partis
18 politiques et il a été nommé chef du SUP.
19 Q. Je vais maintenant vous demander quelques événements complémentaires au
20 sujet des événements survenus début mai à Brcko. Est-ce qu'à ce moment-là
21 il y avait un autre chef de police à Brcko; et si oui, quel était son nom ?
22 R. Je ne m'en souviens pas.
23 Q. Je vous remercie.
24 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
25 versement au dossier de ce document ou, en tout cas, son enregistrement aux
26 fins d'identification.
27 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Et vous demandez le versement de ce
28 document dans quel but ?
Page 1857
1 M. DI FAZIO : [interprétation] Ce document en tant que tel est pertinent eu
2 égard à tout ce qui concerne l'entreprise criminelle commune, et notamment
3 les communications qui pouvaient exister entre l'armée et la police. Il est
4 également pertinent pour démontrer la création d'une municipalité serbe à
5 Brcko. Et il permet également d'établir le genre de jeu qui se jouait dans
6 la municipalité de Brcko dans la période immédiatement antérieure à
7 l'éclatement de la guerre en 1992, c'est-à-dire en mai 1992.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais en quoi est-ce que ceci a un
9 rapport avec le témoin qui est ici ?
10 M. DI FAZIO : [interprétation] Eh bien, c'est la raison pour laquelle j'ai
11 dit, au cas où la Chambre ne serait pas prête à admettre le versement de ce
12 document au dossier, que j'en demandais, pour le moins, l'enregistrement
13 aux fins d'identification.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Di Fazio, quelle est
15 exactement la nature de ce document ?
16 M. DI FAZIO : [interprétation] Il ne porte pas l'en-tête indiquant qu'il
17 s'agirait d'une décision. Manifestement, c'est une lettre ou en tout cas
18 une forme de communication écrite adressée au ministre de l'Intérieur ou à
19 son adjoint par un chef de police, le chef du poste de police régional en
20 l'espèce.
21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] De Bijeljina.
22 M. DI FAZIO : [interprétation] Qui était effectivement basé à Bijeljina.
23 Mais le texte est adressé au ministre ou à son adjoint.
24 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Me Cvijetic est debout, oui.
25 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez anticipé
26 sur mon objection, qui est fondamentale. D'après la lecture de ce document,
27 nous ne pouvons même pas identifier ce document. Le témoin, pour sa part,
28 ne sait rien au sujet de ce document. Et vous voyez quelle est la qualité
Page 1858
1 physique de ce document par vous-même. Donc il serait plus acceptable que
2 la demande de versement au dossier de ce document se fasse lorsque seront
3 interrogés en qualité de témoins des membres de la police qui auront
4 quelques renseignements au sujet de ce document. Le témoin qui est ici a
5 déclaré tout à fait clairement qu'il ne savait rien de ce document.
6 M. DI FAZIO : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur le Président, un
7 simple commentaire. C'est certainement un document qui mérite d'être
8 enregistré aux fins d'identification, si les Juges de la Chambre sont
9 opposés à l'admission complète de ce document en tant qu'élément de preuve.
10 Il serait tout de même bon qu'il en soit fait référence au compte rendu
11 d'audience. La seule façon de suivre le parcours de ce document consiste à
12 l'enregistrer aux fins d'identification. Et si plus tard au cours du procès
13 il peut être admis en tant qu'élément de preuve, cela pourra se faire grâce
14 à d'autres témoins.
15 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je ne suis pas sûr de
16 comprendre ce que vous voulez dire par il devrait être enregistré aux fins
17 d'identification. J'ai entendu ce que vous avez dit, mais j'avoue que je ne
18 suis pas tout à fait votre raisonnement.
19 M. DI FAZIO : [interprétation] Mon collègue de la Défense vient de faire
20 objection, y compris à son enregistrement aux fins d'identification. Je dis
21 que si les Juges ne sont pas entièrement d'accord avec moi quant à
22 l'opportunité d'une admission complète de ce document en tant qu'élément de
23 preuve, pour le moins ce document devrait être enregistré aux fins
24 d'identification de façon à ce que plus tard, lorsque de nouveaux éléments
25 de preuve relatifs à ce document seront fournis, ou quant à sa provenance
26 en particulier et à l'identité de son auteur, à ce moment-là, le document
27 déjà enregistré aux fins d'identification pourra être admis complètement en
28 tant qu'élément de preuve.
Page 1859
1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc nous acceptons son enregistrement
3 aux fins d'identification.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] En tant que pièce P141, enregistrée aux
5 fins d'identification, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
6 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie.
7 Q. Précédemment dans votre déposition, vous nous avez dit que vous étiez
8 allé à Bijeljina et que vous aviez emmené votre femme là, et je pense que
9 c'était pour la mettre en sécurité. Qu'est-ce que vous avez fait lorsque
10 vous êtes revenu à Brcko ?
11 R. Je suis allé chez moi, à la maison.
12 Q. Est-ce que vous êtes allé au poste de police ou est-ce que vous êtes
13 allé vous présenter pour le travail au moment où vous êtes revenu de
14 Bijeljina ?
15 R. Non. Je crois que c'était un week-end. C'était le 1er mai, donc il y
16 avait deux jours de congé. Je pense que je suis allé chez moi sans aller
17 d'abord au poste de police.
18 Q. Est-ce que par la suite vous êtes allé au poste de police; et dans
19 l'affirmative, comment est-ce que ça a eu lieu ?
20 R. Quand la nouvelle a été publiée sur Radio Brcko, ça a été appelé Serbe,
21 la radio de Brcko à ce moment-là, nous appelant tous à nous présenter au
22 poste, j'y suis allé. C'était le 1er mai dans le début de la soirée ou en
23 fin d'après-midi.
24 Q. Est-ce que c'était essentiellement un appel à mobilisation, une sorte
25 de mobilisation ?
26 R. Oui.
27 Q. Et est-ce qu'il s'agissait du poste de police central de Brcko
28 proprement dit ?
Page 1860
1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous avez vu des policiers qui étaient présents ?
3 R. Oui.
4 Q. Quelle était l'origine ethnique ?
5 R. C'était des Serbes.
6 Q. Avez-vous vu d'autres personnes, indépendamment des policiers, qui se
7 trouvaient à l'intérieur du poste de police ou autour du poste de police ?
8 R. Oui, il y avait des soldats.
9 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, les décrire ou décrire les uniformes
10 qu'ils portaient et leur origine ethnique, s'il vous plaît ?
11 R. Pour moi, ils étaient, pour la plupart du temps, inconnus. Certains
12 portaient des uniformes de camouflage, d'autres portaient des uniformes
13 plus anciens.
14 Q. Et leur origine ethnique, s'il vous plaît ? D'où venaient-ils ?
15 R. Je ne sais pas vraiment. Pour moi, c'étaient essentiellement des
16 inconnus.
17 Q. Etaient-ce des Croates ?
18 R. Non. Je pense que c'étaient des Serbes, mais je ne sais pas vraiment.
19 Je suppose que c'étaient des Serbes.
20 Q. Est-ce qu'ils étaient armés ?
21 R. Oui.
22 Q. Et cette fois-là, lorsque vous êtes retourné au poste de police, est-ce
23 que vous avez appris pourquoi ils étaient là, ce qu'ils venaient faire au
24 poste de police ?
25 R. J'ai appris que la veille au soir ils avaient libéré le SUP, que le
26 chef avait été remplacé et qu'il y avait maintenant un nouveau chef qui
27 s'était installé. Et le poste de police était devenu le SUP serbe ou le
28 poste de police serbe, l'un ou l'autre.
Page 1861
1 Q. Merci. Pourriez-vous nous décrire quelle était l'atmosphère au poste de
2 police à cette occasion. Est-ce que c'était une atmosphère relativement
3 calme, une situation où les choses étaient en ordre, ou est-ce que c'était
4 différent ? Tâchez de faire de votre mieux et de donner aux membres de la
5 Chambre une idée de ce qu'était l'atmosphère lorsque vous êtes retourné là-
6 bas et que vous avez appris tout cela ?
7 R. C'était assez gênant. Tous les bureaux avaient été forcés. Il y avait
8 des objets qui avaient été volés ici et là. On entendait des coups de feu
9 en ville. C'était le chaos. C'était vraiment une atmosphère de guerre.
10 Q. Est-ce que cette description du chaos correspond également au poste de
11 police ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce que vous êtes resté sur place ?
14 R. Non, je suis rentré chez moi dans la soirée.
15 Q. Est-ce que vous êtes retourné au poste de police pendant les quelques
16 journées qui ont suivi ou non ?
17 R. Non, je suis retourné chez moi. Après quatre ou cinq jours, ils sont
18 venus me chercher pour me présenter au département de la police judiciaire,
19 police pénale, en disant que le poste de police serbe avait été créé,
20 appelé donc à la police judiciaire serbe, et que je devais me présenter
21 pour travailler. Et c'est ce que j'ai fait.
22 Q. Est-ce que vous aviez pris des congés ou est-ce que vous aviez eu la
23 permission de retourner chez vous pour quelques jours ?
24 R. Non. Le 1er mai, lorsque je suis rentré chez moi dans la soirée, dans le
25 quartier où se trouve ma maison, mes voisins et moi-même étions de service
26 dans l'une des maisons, mais dans ce quartier, il n'y avait pas de combats.
27 Q. Et il s'agit de quel quartier dans Brcko ?
28 R. C'est le quartier de Es. C'est le nom.
Page 1862
1 Q. Y avait-il des combats qui se déroulaient en ville, à Brcko proprement
2 dite ?
3 R. Dans les premiers jours, il y a eu des combats autour de Izvori [phon].
4 C'est un quartier de la ville dont la population est essentiellement
5 musulmane. Et puis, au centre-ville proprement dit, dans la partie est de
6 la ville, il n'y avait pas de combats.
7 Q. Je vous remercie.
8 M. DI FAZIO : [interprétation] Je souhaiterais qu'on montre maintenant au
9 témoin la pièce 947 de la liste 65 ter, s'il vous plaît, à la fois
10 l'anglais et le B/C/S.
11 Q. En attendant que cela ne paraisse à l'écran, je pense que vous pouvez
12 déjà voir le texte en B/C/S. Il s'agit du deuxième paragraphe, c'est celui-
13 là qui m'intéresse. Vous voyez d'abord sur ce document qu'il est daté du 6
14 mai 1992. C'est un document qui est un rapport quotidien du ministère de
15 l'Intérieur qui est signé pour le ministre de l'Intérieur et qui est de
16 Mico Stanisic. Et il y est question de : "Combats très violents en cours à
17 Brcko. D'après les rapports les plus récents, les unités territoriales
18 serbes lançaient une offensive."
19 R. Oui. C'est plus ou moins comme ça, bien qu'il y ait eu des combats tout
20 au long du mois de mai. Il y a eu des combats autour de Brcko, en pratique,
21 pendant toute la guerre.
22 Q. Je vous remercie. Donc il y avait de violents combats à l'époque, le 6
23 mai, d'après ce que vous vous rappelez, ou est-ce que c'était juste des
24 poches de résistance autour de la ville ? Pouvez-vous vous en souvenir ?
25 R. Je crois qu'au cours des deux premiers mois, il y a eu de violents
26 combats quotidiens.
27 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander
28 une possibilité de verser ce document au dossier ou qu'il ait une cote
Page 1863
1 provisoire aux fins d'identification, précisément sur la même base que pour
2 le document précédent, et je voudrais ajouter que ce document-ci ainsi que
3 le précédent visent, soit l'un soit l'autre vise en particulier l'un des
4 accusés, M. Stanisic, puisque le document a été signé pour son compte ou
5 émane de lui. Et dans ce cas précis, le document a été signé pour M.
6 Stanisic. Tandis que le document précédent lui était adressé, était adressé
7 au ministère.
8 Mais je voudrais qu'il soit bien clair quelles sont les implications
9 ou les conséquences, c'est-à-dire soit d'admettre le document ou faire au
10 moins qu'il reçoive une cote provisoire aux fins d'identification, jusqu'à
11 ce qu'il y ait des éléments de preuve par la suite en l'espèce.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic.
14 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'élève une
15 objection identique à la précédente. Mon confrère de l'Accusation a lui-
16 même énoncé le motif pour lequel nous ne pouvons pas accepter l'admission
17 de ce document comme élément de preuve. Quant à le marquer avec une cote
18 provisoire aux fins d'identification, nous sommes entre vos mains.
19 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Le document est marqué aux fins
20 d'identification.
21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Di Fazio, est-ce que vous
22 pourriez -- [hors micro] Je ne suis pas sûr à savoir à qui ceci --
23 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous
25 éclairer sur un point. A qui est-ce que ce document est adressé ? Je vois
26 qu'il est signé par Mico Stanisic au nom du MUP à Sarajevo, mais quel est
27 le destinataire ?
28 M. DI FAZIO : [interprétation] Il semblerait qu'il s'agisse tout au moins
Page 1864
1 d'un document du ministère de l'Intérieur. C'est un rapport quotidien, et
2 dans le coin en haut à gauche du document, il est question du ministère, et
3 je dois dire que c'est un document qui fait partie des archives du
4 ministère de l'Intérieur pour le moins.
5 Maintenant, je ne peux pas vous dire tel qu'il se présente, ce document,
6 s'il était entendu qu'il pourrait aller plus loin que le ministère de
7 l'Intérieur, c'est-à-dire adressé à d'autres organes gouvernementaux ou
8 d'autres représentants gouvernementaux. A ce stade, il n'y a aucun élément
9 de preuve à ce sujet. Mais le document tel qu'il se présente consiste
10 essentiellement en un rapport quotidien qui vient du ministère de
11 l'Intérieur. Il ne peut pas faire la lumière à ce stade dans la présente
12 affaire.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien, Monsieur Di Fazio.
14 Ceci explique tout au moins la raison pour laquelle la Chambre n'est pas en
15 mesure d'admettre le document comme élément de preuve. Donc le maximum que
16 nous puissions faire c'est de lui attribuer une cote MFI.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui. Je me pose la question, je
18 voudrais savoir ce qui a été juste confirmé par mon collègue, M.
19 Demirdjian. Il y aura des éléments de preuve en l'espèce montrant que ces
20 documents ont été plus tard envoyés au gouvernement.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document est admis comme pièce P142
22 marqué aux fins d'identification, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, vous avez quelque chose
24 à dire avant que nous ne levions la séance ?
25 M. CVIJETIC : [interprétation] Je pense que nous pouvons éclaircir les
26 choses concernant un malentendu. La signature de ce document n'est pas la
27 signature de Mico Stanisic. Le Procureur lui-même a dit qu'il avait été
28 signé au nom de Mico Stanisic, ce qui veut dire que le document a été signé
Page 1865
1 par quelqu'un d'autre. C'est tout ce que je voulais préciser, rien d'autre.
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bon. Il n'y a pas de contestation à ce
3 sujet. Bien. Alors nous reviendrons dans cette salle dans 60 minutes.
4 [Le témoin quitte la barre]
5 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 46.
6 --- L'audience est reprise à 14 heures 50.
7 [Le témoin vient à la barre]
8 M. PANTELIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, Monsieur le
9 Président, avant le début des questions au témoin, pour le compte rendu
10 d'audience, je vous indique que je suis revenu. Je vous remercie.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [hors micro]
12 M. PANTELIC : [interprétation] Je me suis occupé de réorganiser les
13 différents éléments du mécanisme. Je vous remercie.
14 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je rappelle au témoin qu'il est toujours
15 tenu par sa déclaration solennelle.
16 Monsieur Di Fazio, à vous.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, je vous remercie, Monsieur le
18 Président. Je demande que l'on soumette au témoin le document enregistré
19 aux fins d'identification ce matin qui est, en fait, une pièce à
20 conviction, la pièce P139. Cette pièce a été enregistrée pendant
21 l'interrogatoire principal du témoin. P139, enregistrée aux fins
22 d'identification, une liste des personnes travaillant pour la police.
23 J'aimerais que l'on affiche également la version anglaise. Ah, elle arrive.
24 Très bien. Merci. Nous allons entre-temps commencer sur la base du document
25 en B/C/S.
26 Q. Ce document porte la date du 7 octobre 1992. Il se présente comme une
27 liste des personnes salariées par le poste de sécurité publique de Brcko.
28 Ce document concerne le versement des salaires de ses employés pour le mois
Page 1866
1 de septembre 1992.
2 En haut de la page, nous voyons, face au numéro 1, le nom de Zarko Cosic,
3 dont il est indiqué qu'il est le chef du poste de police, et vous pouvez me
4 croire sur parole, c'est lui également qui a signé et estampillé ce
5 document. Qui était Zarko Cosic ?
6 R. Il était chef du SUP de Brcko.
7 Q. Savez-vous à quel moment il a été nommé à son poste et comment il en
8 est arrivé à être nommé chef de la police ?
9 R. M. Veselic, l'ancien chef du poste de police, est décédé, je ne sais
10 pas exactement à quel moment, je ne me rappelle pas la date exacte, et je
11 crois que c'est Zarko Cosic qui lui a succédé.
12 Q. Très bien. Je ne crois pas que ce point soit contesté. Vous avez parlé
13 d'un homme dénommé Dragan Veselic, qui était mort suite à un accident
14 d'automobile en Serbie, et c'est donc ce M. Cosic qui lui a succédé; c'est
15 bien cela ?
16 R. Oui.
17 Q. Je vous remercie. Je vous prierais maintenant de jeter les yeux sur la
18 liste des noms que nous voyons ici en page 1 en prêtant une attention au
19 numéro 13, bien sûr, au regard duquel se trouve, semble-t-il, votre nom.
20 Tous ces noms sont-ils bien les noms de policiers ?
21 R. Zarko Gajic, oui; Petar Gavrilovic, oui; Mico Sinikic [phon], non --
22 Q. Je me permets de vous interrompre, car vous n'avez pas besoin de lire
23 ces noms à haute voix. Vous pouvez en prendre connaissance silencieusement
24 en passant en revue toute cette liste, et faites-nous savoir quand vous
25 aurez besoin qu'on vous affiche la page suivante. Mais sur cette première
26 page du document, tous ces noms sont-ils bien des noms d'officiers de
27 police ?
28 R. Non.
Page 1867
1 Q. Qui n'est pas officier de police sur cette liste ?
2 R. Le nom en regard du numéro 2, en regard du numéro 5, en regard du
3 numéro 6, en regard du numéro 11, du numéro 12 --
4 Q. Très bien. Avant de poursuivre, je vous demande s'il y avait des
5 salariés qui travaillaient au nom du SUP ?
6 R. Ces personnes ont été admises au sein du SUP dans le but de compléter
7 les effectifs, car il n'y avait pas de Croates ou de Musulmans dans ces
8 effectifs.
9 Q. Je vous remercie de votre réponse. Donc Trifka Zimonjic, le nom que
10 l'on trouve au regard du numéro 35, c'était la femme de ménage. Elle
11 n'accomplissait aucune tâche de police, n'est-ce pas ? Elle se contentait
12 de faire le ménage au poste de police; c'est bien cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Et bien sûr, le numéro que l'on trouve au regard du numéro 13, à savoir
15 Cvjetko Ignjic, vous concerne vous, c'est bien votre nom qui figure là, il
16 est décrit comme étant technicien légiste ?
17 R. Oui.
18 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on soumette la
19 deuxième page de ce document au témoin.
20 Q. Monsieur, je vous prierais encore une fois de prendre connaissance de
21 la teneur de cette deuxième page, et je vous demande si en dehors des
22 personnes dont les noms figurent ici dans le but de compléter les
23 effectifs, tous les autres noms sont bien ceux d'officiers de police qui
24 travaillaient au poste de police de Brcko en 1992 ?
25 R. Oui.
26 Q. Pour en terminer, je vais vous interroger au sujet de certains noms en
27 particulier. Je demande que l'on fasse défiler la page jusqu'au nom qui se
28 trouve en regard du numéro 100. Je pense d'ailleurs que c'est peut-être en
Page 1868
1 page suivante que figure son nom.
2 Q. Petar Djokic, qui était-ce ?
3 R. Avant la guerre, il avait été diplômé de l'école de police et il
4 s'était lancé dans la politique avant la guerre. Il faisait partie du
5 comité municipal. Et ensuite, je ne sais pas quand exactement, mais en tout
6 cas il a exercé un commandement, mais il était policier de profession.
7 Q. Je vous remercie.
8 M. DI FAZIO : [interprétation] Je demande le versement au dossier des trois
9 pages de ce document, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.
11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce P139 est admise en tant
12 qu'élément de preuve, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
13 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie. J'en ai terminé de ce
14 document pour le moment. J'aimerais maintenant --
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Di Fazio, avant que nous ne
16 laissions ce document de côté, je me demandais si cela pourrait avoir le
17 moindre intérêt de demander au témoin s'il peut nous donner l'appartenance
18 ethnique des personnes dont les noms figurent sur cette liste, car si je me
19 souviens bien, à un moment ultérieur en septembre, je pense.
20 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, je peux le faire. Je vais le faire.
21 Q. Encore une fois, nous avons toujours ce document sous les yeux et j'ai
22 appelé votre attention jusqu'à présent, au cours des quelques dernières
23 minutes, sur tous les noms dont vous avez pris connaissance, en tout cas
24 dans les deux premières pages de ce document. Eh bien, quelle était
25 l'appartenance ethnique des personnes dont les noms figuraient sur ces deux
26 pages ?
27 R. Je crois que la majorité de ces personnes étaient Serbes.
28 Q. Voyez-vous le nom d'un seul Croate ou d'un seul Musulman quelque part
Page 1869
1 dans ces deux pages ?
2 R. Non, pour le moment, non.
3 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, souhaitez-vous que
4 j'entre davantage dans les détails encore ?
5 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Non, je vous remercie.
6 M. DI FAZIO : [interprétation]
7 Q. Monsieur, vous avez dit que vous aviez emmené votre femme à Bijeljina,
8 que vous étiez revenu, que vous aviez pris quelques jours de congé, et puis
9 que vous étiez retourné au travail. A ce moment-là, vous avez décrit la
10 scène à laquelle vous avez assisté lorsque vous êtes rentré. Avez-vous eu
11 connaissance de meurtre ou d'assassinat commis dans la ville de Brcko au
12 moment où vous êtes revenu au poste de police ?
13 R. Oui, c'étaient deux collègues qui travaillaient déjà avec moi avant la
14 guerre. C'est d'eux que j'ai appris à peu près tout ce qui s'était passé.
15 Q. D'après eux, que s'était-il passé à Brcko ?
16 R. Eh bien, ils m'ont dit qu'il y avait pas mal de gens qui avaient été
17 tués, Dragisa m'a dit que jusqu'à ce moment-là une quarantaine de cadavres
18 avaient été retrouvés.
19 Q. L'homme dont vous venez de citer le prénom, Dragisa, est-ce bien
20 Dragisa Tesic ?
21 R. Oui, Dragisa Tesic, inspecteur de la police qui travaillait à nos
22 côtés.
23 Q. Je vous remercie. Avez-vous été informé de l'appartenance ethnique des
24 personnes tuées ?
25 R. On racontait que la majorité des personnes abattues étaient des
26 Musulmans qui étaient restés dans la ville. La majorité, je veux dire. Je
27 ne saurai pas vous dire exactement s'il s'agissait de 100 % des cadavres,
28 mais en tout cas il s'agissait bien de la majorité d'entre eux.
Page 1870
1 Q. Je ne crois pas qu'il soit contesté qu'au mois de mai 1992, vous avez
2 accompli un travail déterminé dans une fosse commune. Je voudrais vous
3 demander comment il se fait que vous ayez eu à accomplir ce travail ?
4 R. Quand on m'a appelé le 5 ou 6 mai, je ne me souviens pas quand c'était
5 exactement, quand on a m'a appelé donc au SUP, je ne sais plus qui m'a dit
6 cela, je ne sais pas si c'est Dragisa ou le chef, mais en tout cas il m'a
7 été dit que je devais aller procéder à l'identification des cadavres qu'il
8 fallait enterrer. Je devais remplacer Dragisa qui avait été appelé
9 ailleurs, parce qu'avant mon retour, c'est Dragisa qui faisait ce travail.
10 Q. Très bien. Donc vous avez été chargé de procéder à ce travail
11 d'identification, et cette consigne vous a été donnée par un policier,
12 qu'il s'agisse de Dragisa ou de Veselic; c'est bien ça ? Vous ai-je bien
13 compris ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous a-t-on dit où vous deviez vous rendre pour trouver cette fosse ?
16 R. Oui, c'est Dragisa qui me l'a indiqué, je crois, je n'en suis pas tout
17 à fait sûr, car cela fait longtemps. Il m'est difficile de me rappeler tout
18 cela.
19 Q. Merci. Vous êtes-vous rendu sur place finalement et avez-vous examiné
20 les lieux ?
21 R. Oui, oui.
22 Q. Quand vous êtes arrivé sur place, quelle est la première chose que vous
23 avez vue ? Je vous parle de la première fois où vous êtes allé à cet
24 endroit.
25 R. C'était la route qui menait à Bijeljina, puis il y avait un chemin qui
26 menait à droite vers une ferme. Et du côté droit de ce chemin, j'ai vu une
27 fosse de 5 ou 6 mètres de large et 10 à 15 mètres de long, je ne sais pas
28 exactement quelles étaient les dimensions. Cette fosse était d'une
Page 1871
1 profondeur de 3 mètres environ, et à l'intérieur de la fosse, j'ai vu un
2 certain nombre de cadavres.
3 Q. Je vous remercie. Y avait-il une ferme non loin de ce lieu?
4 R. Oui.
5 Q. Vous n'auriez pas le nom de cette ferme par hasard ?
6 R. C'était la ferme de Bimeks. Bimeks, c'était une entreprise qui, avant
7 la guerre, produisait des produits carnés.
8 Q. Avez-vous reçu une aide quelconque de la police dans ce travail
9 d'identification ou vous êtes-vous chargé de ce travail seul?
10 R. Les ouvriers de la municipalité qui assuraient le transport m'ont
11 apporté leur aide.
12 Q. Mais vous avez été le seul policier qui a travaillé sur ce site ?
13 R. Oui, le seul technicien de la police criminelle.
14 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre comment ces cadavres sont
15 arrivés à cet endroit ?
16 R. L'entreprise communale avait un véhicule; c'était, en fait, un petit
17 camion frigorifique qui appartenait à l'entreprise communale. Dans la
18 matinée, si quelqu'un annonçait qu'il y avait quelque part un cadavre, les
19 ouvriers communaux, avec ce camion, allaient ramasser le cadavre pour le
20 transporter jusqu'à cet endroit situé non loin de la ferme, où les cadavres
21 étaient déposés.
22 Q. Y avait-il des engins lourds, des engins de terrassement, non loin de
23 là pendant le temps que vous y avez passé ?
24 R. J'ai le souvenir d'une pelleteuse de couleur jaune, mais je ne me
25 souviens plus exactement où se trouvait cette pelleteuse. C'est un engin
26 qui permet de creuser la terre.
27 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre comment il
28 se fait que ce soit vous qui étiez allé jusqu'à cette fosse commune. Etait-
Page 1872
1 ce quelque chose que vous faisiez tous les jours ou bien vous a-t-on
2 demandé un jour en particulier d'y aller ? Est-ce que vous le faisiez dans
3 le cadre d'un travail d'une certaine durée ? Comment il se fait que vous y
4 êtes allé ?
5 R. Les ouvriers communaux ont fait savoir au responsable de permanence ce
6 qu'il en était. Le responsable de permanence m'a informé. Je me suis donc
7 assis à bord de ma voiture et j'y suis allé, car je passais mes journées et
8 mes nuits dans le bâtiment du SUP. Je n'allais jamais chez moi. Je dormais
9 au poste de police aussi.
10 Q. Mais pour autant que vous le sachiez, la consigne qui vous a été donnée
11 de vous rendre jusqu'à cette fosse commune émanait du responsable de
12 permanence du poste de police; c'est bien cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Je vous remercie. Vous rappelez-vous à quelle fréquence vous vous êtes
15 rendu sur ce site pendant le mois de mai ?
16 R. Les dates sont enregistrées là-bas. Mais d'après ce dont je suis
17 capable de me souvenir, je crois pouvoir dire que j'y suis allé plus
18 souvent pendant le mois de mai que par la suite. Au fil du temps, mes
19 voyages se sont raréfiés.
20 Q. Merci. Et qu'est-il du mois de juin et du début du mois de juillet,
21 est-ce que pendant ces périodes vous êtes également allé jusqu'à ce site ?
22 R. Début juillet, je crois pouvoir dire que le début du mois de juillet a
23 marqué la fin de l'utilisation de cette fosse et que d'autres procédures
24 ont commencé à ce moment-là, les gens ont commencé à procéder aux
25 inhumations selon les rites religieux qui les concernaient les uns et les
26 autres dans ces cimetières normaux. Je crois que c'est à ce moment-là que
27 les modes d'enterrement se sont normalisés.
28 Q. Je vous remercie. Et finalement, pour que tout soit précisé au sujet de
Page 1873
1 ces voyages, vous nous avez déjà parlé du mois de mai, vous avez précisé la
2 situation qui présidait au début du mois de juillet. Mais durant le mois de
3 juin, est-ce que vous avez accompli le même genre de travail sur ce site ?
4 R. Je ne crois pas avoir très bien compris. Au mois de juin et de juillet,
5 je suis allé sur le site et c'est au début juillet, si je ne me trompe, que
6 les enterrements ont commencé à se faire de façon plus normale selon les
7 rites normaux. S'il y avait eu crime, des enquêtes ont commencé à se faire.
8 Je crois d'ailleurs que déjà au mois de juillet il y a eu une affaire assez
9 sordide et que c'est le tribunal de Brcko qui a été chargé de
10 l'instruction. C'est à partir de ce moment-là que les enterrements se sont
11 faits de façon plus normale.
12 Q. Merci. J'aimerais maintenant vous montrer deux photographies.
13 M. DI FAZIO : [interprétation] La première c'est la pièce P135 dont
14 je demande l'affichage.
15 Q. Vous reconnaissez cet endroit ?
16 R. Oui, c'est le site où se trouvait cette fosse.
17 Q. Je vous remercie.
18 M. DI FAZIO : [interprétation] Je demande maintenant que l'on montre au
19 témoin le document 65 ter 2692 et qu'on l'affiche à l'écran également.
20 Vous voulez m'accorder un instant, s'il vous plaît, Monsieur le Président,
21 Monsieur le Juge.
22 Ce n'est pas la photographie que je souhaitais que l'on présente, enfin ce
23 n'est pas celle dont je voulais faire une pièce à conviction. Excusez-moi,
24 c'est mon erreur. Donc il faudrait que ce soit 2693, le numéro 2693. Voilà.
25 Q. Alors vous reconnaissez cette photographie ?
26 R. Je n'ai pas de photographie sur mon écran.
27 Q. Attendez un instant, vous allez la voir.
28 R. C'est la même photographie ou peut-être un angle plus large.
Page 1874
1 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce que l'huissière pourrait essayer
2 d'obtenir une image plus grande de l'homme qui se trouve à la droite de la
3 photographie. Vous pouvez le voir là, ce qui semble être une veste marron.
4 Bien. Merci.
5 Q. Est-ce que vous reconnaissez cette personne, Monsieur le Témoin ?
6 R. Oui. C'est Aco Stevanovic.
7 Q. Et qui est Aco Stevanovic ?
8 R. C'est lui qui conduisait le camion. C'était un vieux travailleur de
9 Brcko. A l'époque, il avait peut-être déjà 60 ans. Il travaillait pour les
10 services publics, il réparait les camions et il les conduisait.
11 Q. Merci. Vous nous avez dit que la police vous avait fourni des
12 renseignements quant à l'endroit d'où ces cadavres provenaient. Est-ce que
13 vous avez jamais eu des renseignements des conducteurs de camions, par
14 exemple, par M. Stevanovic quand il prenait ces corps ?
15 R. Je n'ai jamais posé de questions à ce sujet.
16 Q. Je vous remercie. Peut-être qu'on n'avait pas posé de questions, mais
17 peut-être qu'ils auraient pu vous donner volontairement des renseignements
18 spontanément. Est-ce qu'il ne vous a jamais donné spontanément des
19 renseignements quant à l'endroit où il trouvait ces cadavres pendant tout
20 le mois de juin, juillet et début août quand il les enterrait dans une
21 fosse ? Est-ce que vous n'avez jamais posé la question ?
22 R. Il se peut que je l'aie fait, mais je ne me rappelle pas de détail
23 maintenant. Je ne sais pas, c'était il y a longtemps. Ils ont probablement
24 dit quelque chose à ce sujet.
25 Q. Est-ce que ça vous rafraîchirait la mémoire, puisque vous ne pouvez pas
26 vous rappeler les détails maintenant, de voir une déclaration que vous avez
27 faite au bureau du Procureur le 29 octobre 2002, pour vous rafraîchir la
28 mémoire ? Est-ce que ça pourrait vous aider ?
Page 1875
1 R. Peut-être.
2 M. DI FAZIO : [interprétation] Je souhaiterais que l'on montre au témoin -
3 donnez-moi une seconde, s'il vous plaît - que l'on présente au témoin à
4 l'écran le numéro 10025, 10025 de la liste 65 ter.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, est-ce que vous
6 souhaitez que la photo précédente devienne une pièce à conviction ?
7 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais revenir à cette photo et je
8 demanderais effectivement que celle-ci devienne une pièce à conviction.
9 Mais dans l'intervalle, si nous pouvions d'abord régler cette question de
10 mémoire. Merci. Regardons la page 3. Oui, la troisième page de l'anglais et
11 je crois que je ne sais pas où c'est en B/C/S - je vais faire de mon mieux
12 - le paragraphe qui m'intéresse se trouve à peu près à mi-page dans
13 l'anglais.
14 Q. Peut-être que si je donne lecture de l'anglais du paragraphe ça
15 va vous aider. Excusez-moi.
16 R. "Les cadavres étaient pris en charge dans les villes, dans les
17 environs, et je n'ai jamais demandé où ils les chargeaient ces cadavres."
18 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande que le témoin veuille bien lire
19 lentement.
20 M. DI FAZIO : [interprétation]
21 Q. Je vais vous aider. Vous avez dit que :
22 "Vous n'aviez jamais vraiment posé la question à Stevanovic de savoir à
23 quel endroit il prenait ces cadavres. Et au début de la guerre, la plupart
24 des corps étaient chargés au camp de détention de Luka et puis au centre-
25 ville près du SUP et l'hôtel Posavina."
26 Maintenant, ayant vu cette phrase dans votre déclaration que vous avez
27 faite au bureau du Procureur en 2002, est-ce que ceci vous aide ou vous
28 rafraîchit la mémoire quant aux renseignements que vous aviez reçus, en
Page 1876
1 tout cas en ce qui concerne l'endroit où on prenait les cadavres en
2 question ?
3 R. Je vous dirais qu'il y avait un endroit dans le service chargé des
4 crimes où j'ai passé un certain temps à l'époque et on discutait beaucoup
5 de ces meurtres. Par conséquent, j'ai pu entendre beaucoup de choses de
6 ceux qui travaillaient avec moi.
7 Q. Je comprends bien cela et je suis sûr que tout le monde le comprend.
8 Mais je vous demande ceci : ayant vu ce que vous avez dit au bureau du
9 Procureur en 2002, à savoir que la plupart des corps étaient pris au camp
10 de détention de Luka, au centre-ville proche du SUP et à l'hôtel Posavina,
11 est-ce que ceci vous aide maintenant à vous rappeler des renseignements que
12 vous auriez reçus quant à l'endroit d'où provenaient ces cadavres ?
13 R. Je crois que je l'ai entendu dire par mes collègues de travail. Je les
14 ai entendu dire beaucoup de choses.
15 Q. J'en suis sûr. Je suis sûr que vous l'avez fait, mais certaines choses
16 que vous avez entendues, est-ce qu'il s'agissait de l'endroit où les corps
17 avaient été pris au centre-ville ou à Luka, auprès du poste du SJB et à cet
18 endroit qu'on appelle l'hôtel Posavina; c'est bien cela ?
19 R. Oui.
20 Q. Bon, je vous remercie de ces éclaircissements.
21 M. DI FAZIO : [interprétation] Pourrait-on revenir, s'il vous plaît, à la
22 dernière photographie dont j'ai demandé qu'on en fasse une pièce à
23 conviction. C'est la photographie qui comporte cet homme, M. Stevanovic.
24 Voilà, merci. Et pourrait-on, s'il vous plaît, faire défiler de telle sorte
25 que je puisse voir un agrandissement des cadavres, s'il vous plaît, un gros
26 plan sur les corps dans la partie inférieure de la photographie, en
27 d'autres termes.
28 Q. Il semble que ces personnes portent des vêtements civils. Pourriez-vous
Page 1877
1 dire aux Juges si les gens que vous avez vus enterrés en mai, juin, et dans
2 une moindre proportion au début de juillet, portaient des vêtements civils
3 ?
4 R. Pour un très grand pourcentage, c'était le cas.
5 Q. Et il était difficile de dire le sexe de ces personnes. Mais au cours
6 de cette période dont je viens de parler, ces corps dans la fosse commune,
7 est-ce qu'il y avait également des femmes en plus des hommes ?
8 R. Oui.
9 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie. Je voudrais demander que
10 cette pièce soit admise au dossier
11 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Cette photo est admise et reçoit une
12 cote.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cote P143, Monsieur le Président.
14 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.
15 Q. Maintenant, vous nous avez dit que vous étiez le seul policier qui
16 travaillait là mis à part d'autres travailleurs de l'assistance de la
17 ville, des gens tels que M. Stevanovic -- je retire ma question.
18 Je vous demande ceci : est-ce que vous avez procédé à l'identifications des
19 corps ?
20 R. Voilà comment nous procédions : lorsqu'on nous amenait les corps, deux
21 travailleurs les déchargeaient du camion, nous n'avions pas de matériel de
22 protection comme des gants. Je leur demandais de fouiller les corps, les
23 poches pour voir s'il n'y avait pas de documents. Si on trouvait des
24 documents, nous les utilisions pour voir qu'elle était l'identité de ces
25 cadavres. Certains de ces cadavres étaient ceux de personnes que j'avais
26 connues par le passé et j'ai été en mesure de les identifier même sans les
27 documents.
28 Q. Bien. Outre la documentation trouvée sur le cadavre lui-même, ou parce
Page 1878
1 que vous connaissiez les visages des gens, il n'y avait aucune autre façon
2 d'identifier qui était enseveli dans la tombe ?
3 R. Non.
4 Q. Est-ce que vous avez gardé des archives quant aux identifications que
5 vous avez faites ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous avez conservé les documents ou objets qui vous ont
8 permis d'identifier les personnes ? Je veux dire les documents tels que
9 permis de conduire ou cartes d'identité, et ainsi de suite ?
10 R. Les documents ont été conservés pendant un certain temps dans le
11 bâtiment du SUP, mais à un moment donné, ils commençaient à sentir très
12 mauvais, parce que certains étaient couverts de sang et j'ai demandé au
13 chef ce que je devais en faire. Il a simplement dit que ces documents
14 devaient être détruits, brûlés.
15 Q. Le chef c'était qui précisément ? Qui était-ce ? Est-ce que c'était
16 Veselic ou quelqu'un d'autre ?
17 R. C'est cela, Veselic.
18 Q. Bien. Et avant qu'il ne meure dans cet accident de voiture, à
19 l'évidence je suppose que -- c'est tout à fait évident, je ne pose pas de
20 questions sur cet aspect-ci.
21 Vous nous avez dit que vous aviez conservé des éléments d'identification.
22 Est-ce que vous avez jamais utilisé ces archives pour produire une sorte de
23 textes permanents des identifications du nombre de corps qui étaient allés
24 dans telle ou telle fosse sur laquelle vous avez travaillé ?
25 R. Non.
26 Q. Donc vous avez fait un seul rapport ?
27 R. Oui. Il y avait une liste que j'ai remise.
28 Q. Oui, à qui ?
Page 1879
1 R. A l'un des supérieurs, je pense que c'était le chef. Mais après tant de
2 temps il est difficile pour moi de vous dire qui est la personne. Quelqu'un
3 m'a donné l'ordre de remettre une liste et un peu plus tard, je l'ai revu
4 cette liste. Lorsque j'ai fait ma première déclaration, on me l'a montrée.
5 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie. Pourrait-on maintenant
6 montrer au témoin le document 10131 de la liste 65 ter, à la fois pour le
7 B/C/S et l'anglais, s'il vous plaît. Je voudrais demander l'indulgence des
8 Juges et l'aide de l'huissière.
9 Q. Pour le témoin, regardez le document tel qu'il apparaît à l'écran.
10 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait avoir la page
11 suivante, s'il vous plaît. Est-ce qu'on pourrait aller tout en haut du
12 document. Vous voyez ce qu'il y a en haut, donc. Remontez encore un peu.
13 Q. En attendant qu'il apparaisse -- ah, le voici. Nous pouvons voir que
14 pour le texte anglais, c'est une autre date qui apparaît. Et pour gagner du
15 temps, il n'y a pas de contestation à ce sujet, je ne crois pas en tous les
16 cas, ce document contient des listes de noms et des dates. Donc ayant vu la
17 première et deuxième pages, tout au moins, est-ce que ceci contient
18 certains renseignements que vous auriez acquis et que vous avez produits
19 concernant les identités lorsque vous travailliez à la fosse commune ?
20 R. Il s'agit du 6 mai ?
21 Q. Je parle de l'ensemble du document maintenant. Je voudrais vous poser
22 la question suivante : est-ce que c'est le document que je vous ai montré
23 il y a quelques jours ici à La Haye ?
24 R. Oui, approximativement. Je ne me rappelle pas tout avec beaucoup de
25 précision, mais c'était analogue à celui-ci.
26 Q. Est-ce que c'est les renseignements que vous avez obtenus lorsque vous
27 effectuiez vos identifications contenues dans ce document ?
28 R. Oui.
Page 1880
1 Q. Merci. Tous les noms des personnes que vous avez identifiées, tous les
2 noms que vous avez fournis, est-ce que c'étaient des Musulmans ou des
3 Croates ?
4 R. Je me rappelle, le 6 mai, il y avait Franjo Vugrincic, qui était un
5 Croate.
6 Q. Et il était une des personnes qui étaient enterrées dans la tombe à
7 laquelle vous avez travaillé ?
8 R. Oui, le 6 mai.
9 Q. Merci.
10 R. Je connaissais aussi Safet Sahrimanovic. Il était fréquemment en
11 prison. J'en connaissais certains, d'autres pas.
12 M. DI FAZIO : [interprétation] Je voudrais qu'on regarde les éléments 114,
13 puis le numéro 123. En anglais, le chiffre 123 figure sept pages plus loin,
14 je crois, et c'est à la date du 24 mai 1992. Pour le B/C/S, c'est à la date
15 du 24 mai 1992, mais je ne suis pas sûr du nombre de pages qu'il y a là.
16 Q. Le numéro 123 c'est un homme appelé Zeljko Malencic, fils de Marjan, et
17 quelqu'un a écrit, comme vous pouvez le voir dans la version en B/C/S,
18 juste pour feuilleter ce document - si nous le faisons défiler vers
19 l'extrême gauche - ZNG ou Corps de la Garde nationale croate.
20 Est-ce que vous pensez que c'était la personne qui a été identifiée comme
21 étant un membre du ZNG ou du Corps de la Garde nationale croate ?
22 R. Je pense qu'ici, dans ce cas, il a été emmené en uniforme depuis le
23 Conseil de la Défense croate avec certains autres insignes croates. Il
24 était en uniforme et avait son identité sur lui.
25 Q. Je vous remercie. Et vous-même, c'est quelque chose qui vous a aidé de
26 façon à conclure que cet homme était --
27 R. Oui, oui.
28 Q. -- un Croate ?
Page 1881
1 R. Je me rappelle ce cas particulier. Je pense qu'il était de Rijeka.
2 Q. Si nous revenons en arrière, nous avons là 114, quelque chose qui
3 apparaît à la date du 19 mai --
4 R. [aucune interprétation]
5 L'INTERPRÈTE : Le témoin lit quelque chose pour lui-même
6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ça que j'ai pu voir.
7 M. DI FAZIO : [interprétation]
8 Q. Bien. Donc nous pouvons voir que vous avez dû être en mesure de faire
9 une note en observant ce gars qui est mort, qui allait être enterré dans
10 une tombe et qui était habillé dans un uniforme de camouflage et qui avait
11 une bande autour de la tête. A l'évidence, ceci doit ressortir des
12 observations que vous avez faites, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Donc, par conséquent, si la grande majorité de ces -- si vous aviez été
15 en mesure de procéder à des observations comme celles-ci, vous auriez été
16 en mesure de noter si le reste des personnes qui sont allées dans cette
17 tombe étaient des personnes compétentes, d'une manière ou d'une autre,
18 étaient des combattants, parce que pour le reste -- parce que la liste --
19 autre que ces deux-là --
20 R. Je n'ai jamais écrit cela, sauf pour ces deux…
21 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez jamais reçu des instructions
22 visant à établir une différence entre les civils et les combattants ?
23 R. Personne ne m'a donné d'instructions particulières.
24 Q. Est-ce que vous avez eu la possibilité d'observer les blessures de
25 personnes qui allaient être ensevelies dans cette fosse ?
26 R. Oui. Un grand nombre de personnes étaient couvertes de sang, parce
27 qu'elles portaient des blessures causées par des balles dans la poitrine ou
28 dans la tête. Je n'ai pas enregistré chacune de ces blessures, mais un fort
Page 1882
1 pourcentage de ces cadavres en portait.
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je regarde
3 maintenant les documents et il s'y trouve une note qui est datée du 18 mai
4 1992. Il s'agit de cinq personnes, quatre d'entre elles étant apparemment
5 des femmes âgées. Et on dit ici qu'il y a une note devant laquelle toutes
6 les femmes mortes qui ont été emmenées depuis la morgue sont décédées de
7 cause naturelle. Et la question que je vous pose c'est : c'est la note de
8 qui, ceci exactement ? Est-ce que c'est une note du témoin ou d'un médecin
9 ou --
10 M. DI FAZIO : [interprétation] Je ne sais pas. Et vous pensez que la
11 meilleure façon serait de demander au témoin.
12 Q. Vous avez entendu la question posée par le Juge. Pouvez-vous nous
13 donner une idée de cette note particulière le 18 mai ?
14 M. DI FAZIO : [interprétation] Mais peut-être que le B/C/S, on pourrait
15 remonter d'une journée ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas. Pourrait-on me
17 montrer encore une fois la note, s'il vous plaît.
18 M. DI FAZIO : [interprétation]
19 Q. La voici. Vous pouvez voir, au bas de la version en B/C/S, 18 mai, 109
20 à 113, quatre femmes et un homme, tous d'un certain âge, emmenés depuis la
21 morgue, décédés de cause naturelle. Est-ce que vous savez qui a établi
22 cette note ?
23 R. Je suppose que c'est moi qui l'ai dactylographiée, parce que ceci
24 semble être la même machine à écrire dans tout le document. Je ne peux pas
25 m'en souvenir, mais je pense que j'étais à l'hôpital et que ces corps ont
26 été emmenés depuis l'hôpital jusqu'à la morgue, ensuite de la morgue
27 jusqu'à cet endroit. Je suppose que les femmes étaient musulmanes, bien que
28 toutes aient été emmenées à la morgue et sont décédées de cause naturelle,
Page 1883
1 comme c'était commun, comme c'est dit ici. Je ne me rappelle pas des cas
2 spécifiques.
3 Q. Je vous remercie. Je peux vous aider en appelant votre attention sur
4 l'autre partie du document, mais il se peut que ce ne soit pas nécessaire.
5 Je peux vous dire que ce document - si les Juges souhaitent le voir, il
6 s'agit du 136, 137, point 136 et point 137 - à un moment donné dans ce
7 document, on voit des listes dont il est indiqué qu'il s'agit de suicides.
8 Est-ce que vous savez comment cette note a été établie et pourquoi les
9 personnes qui s'étaient suicidées seraient allées dans cette fosse ou dans
10 cette tombe ?
11 M. PANTELIC : [interprétation] Je crois que je dois élever une objection,
12 Monsieur le Président. Vraiment, ça, c'est demander une hypothèse. Le
13 témoin n'est ni un psychiatre ni --
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vais clarifier les choses. Je
15 pense que la question c'est que si c'est du tout pertinent, le point c'est
16 que nous souhaiterions que le témoin -- on voudrait savoir de qui le témoin
17 aurait reçu des renseignements qu'il aurait ensuite intégrés dans la liste.
18 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, c'est vrai. C'est précisément juste. Et
19 certainement, je ne l'invite pas à faire des hypothèses.
20 Q. Donc veuillez, s'il vous plaît, ne pas faire d'hypothèse. Mais ces
21 entrées sont bien mentionnées comme étant des -- savez-vous d'où viennent
22 ces renseignements ? Deuxièmement, savez-vous si c'étaient, en fait, des
23 suicides et pourquoi ils ont tous été mis dans cette tombe ?
24 R. Parce que le cimetière militaire musulman mezar ne pouvait pas être
25 approché, puisqu'il se trouvait à proximité de certaines activités de
26 combat et que le secteur était miné.
27 Q. Je vous remercie.
28 M. DI FAZIO : [interprétation] Maintenant je voudrais demander le versement
Page 1884
1 de ce document comme élément de preuve.
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il est admis et marqué.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est la pièce P144, Monsieur le
4 Président.
5 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on montrer maintenant au témoin un
6 autre document en application de cette liste 65 ter, il s'agira du numéro
7 258.
8 Q. Monsieur le Témoin, vous n'avez pas besoin de lire ce document à voix
9 haute. Je vous demande de vous pencher sur la première page, et vous allez
10 constater qu'il s'agit d'un document daté du 22 octobre 1992. Momcilo
11 Mandic envoie ce document à différentes instances gouvernementales ainsi
12 qu'à l'adresse de différents individus et de personnalités. On dit que l'on
13 voit une information concernant les prisons et les camps de rassemblement
14 sur le territoire de la Republika Srpska.
15 M. DI FAZIO : [interprétation] Alors, si vous passez à la page suivante de
16 ce document.
17 Q. Vous pouvez voir une fois de plus la date du 22 octobre du ministère de
18 la Justice et de l'administration. Il s'agit d'un rapport portant sur la
19 situation dans les prisons et les camps de rassemblement, prisonniers de
20 guerre, et cela se rapporte à différentes municipalités. Au numéro 1,
21 Vlasenica; au numéro 2, Zvornik.
22 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous renvoie à la page suivante en
23 version anglaise. Il me semble qu'il s'agit de la page suivante en version
24 B/C/S aussi. Nous devons arriver à Brcko au numéro 3. J'aimerais qu'on
25 rende cela lisible pour le témoin.
26 Q. Alors, dites-nous ce qu'on dit au sujet de Brcko ?
27 M. DI FAZIO : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais demander de
28 passer à la page suivante de la version anglaise, parce qu'on n'a pas fini.
Page 1885
1 C'est bon. Est-ce que je peux continuer ? Merci.
2 Q. Alors, dans cette première page, on voit que :
3 "Dans la ville de Brcko il n'y a pas de prison pour ce qui est de
4 l'installation provisoire des soldats emprisonnés ou capturés de l'ennemi."
5 L'auteur de ce rapport dit qu'il a fait le tour de la ville pour
6 vérifier les informations émanant de la Croix-Rouge internationale,
7 informations qui, de par leur contenu, ont fait savoir qu'il y aurait eu
8 liquidation d'un grand nombre de citoyens du groupe ethnique musulman.
9 Ensuite il est fait état d'une réunion avec les personnalités les plus
10 importantes à Brcko, puis confirmation faite de l'existence de cinq fosses
11 communes où l'on aurait enterré 226 personnes au total.
12 Exception faite de cette fosse commune, y en a-t-il eu encore quatre
13 ou cinq ?
14 R. Je n'en ai pas connaissance.
15 Q. Bien. Merci. Est-ce que vous seriez à même de dire aux Juges de la
16 Chambre comment s'est poursuivi la tâche que vous avez supervisée en juin
17 et juillet. Est-ce qu'il n'y avait qu'une seule fosse où l'on a placé la
18 totalité des corps ou y a-t-il eu plusieurs fosses de creusées sur le même
19 site au fur et à mesure que le temps a avancé ?
20 R. Il n'y a eu qu'une seule fosse commune. Par la suite, on a enterré les
21 gens au cimetière. A la fin du mois de mai, juin, ça s'est fait. A partir
22 de juillet, on a enterré les personnes dans les cimetières.
23 Q. Je le comprends et je vous suis. Mais ma question était celle-ci : au
24 mois de mai et juin, pendant que vous avez vaqué à l'identification des
25 corps avant qu'ils ne soient placés dans la fosse commune, il fallait bien
26 les ensevelir, dans le cas contraire, il y aurait putréfaction et des
27 mauvaises odeurs se feraient présentes ?
28 R. Ça sentait déjà pas mal, ça sentait mauvais déjà de façon considérable.
Page 1886
1 Q. Ça, je le comprends. Mais au fur et à mesure de la conduite de cette
2 procédure, avez-vous creusé d'autres fosses au même endroit, là où vous
3 êtes intervenu ?
4 R. Non, pour autant que je le sache moi-même.
5 Q. Bien.
6 R. Ici, le nombre de corps -- Enfin, comment voulez-vous que je fasse une
7 liste au niveau de cinq fosses communes, alors qu'il n'y a que les
8 personnes sur la liste où j'ai été présent moi-même. Alors ça, je ne pense
9 pas que ce soit exact ça, cinq fosses communes. Non, ce n'est pas exact,
10 cela.
11 Q. Dans la suite de son rapport, l'auteur nous dit que c'est des gens tués
12 à l'occasion d'activités de combat dans Brcko, puisqu'il y avait danger de
13 voir des épidémies survenir. Et ces personnes ont été ensevelies
14 conformément aux rites religieux qui sont les leurs. Il a été également
15 procédé à l'identification de ces individus à plusieurs reprises.
16 Alors, saviez-vous si quiconque à Brcko au sein du ministère de
17 l'Intérieur aurait procédé à des identifications mis à part vous-même ?
18 R. Non.
19 Q. Vous n'avez pas à vous pencher sur la chose, mais l'auteur de ce
20 rapport est un individu qui s'appelle Slobodan Avlijas ?
21 R. Slobodan comment ?
22 Q. Slobodan Avlijas.
23 R. Je n'ai jamais entendu parler d'un nom de famille de ce genre.
24 Q. Merci.
25 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Juge, je voudrais proposer pour
26 le versement au dossier ce document, et si vous n'êtes pas d'accord,
27 j'aimerais qu'on lui accorde une cote à des fins d'identification et nous
28 aurons d'autres témoignages à ce sujet.
Page 1887
1 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ce sera marqué à des fins
2 d'identification.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce P145 portera donc cette cote à
4 des fins d'identification.
5 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on maintenant montrer au témoin le
6 10132 en application du 65 ter. Il s'agit de notes manuscrites.
7 Q. Monsieur le Témoin, le document que je vous ai montré auparavant, il
8 s'agissait de la liste des personnes identifiées par cette période courant
9 du 1er mai au 10 juin -- excusez-moi, je vais reformuler ma question. Je
10 vous ai acheminé dans une direction erronée. Alors, du 5 mai au 10 juillet,
11 d'après mes calculs, il s'agissait de quelque 216 personnes.
12 Ces notes ne se rapportent peut-être pas à votre liste.
13 Mais ma question est la suivante : est-ce que vous reconnaissez cette
14 écriture ?
15 R. C'est mon écriture à moi.
16 Q. C'est la vôtre ?
17 R. Il me semble que oui.
18 Q. Mais il n'y a personne de plus qualifié ou plus à même que vous pour
19 nous le dire. Est-ce que c'est votre écriture ?
20 R. Je pense que oui.
21 Q. Fort bien. Dans ce cas-là, pourriez-vous nous dire comment se fait-il
22 que vous avez rédigé cette note; pourquoi; pour quelle raison ?
23 R. Je ne m'en souviens pas. Attendez. Enterrés, tant; identifiés, tant;
24 mort naturelle, 8; femmes, 9. Enterrés selon le mezar, c'est-à-dire les
25 rites religieux. Il se peut qu'au côté de cette liste, lorsque je l'ai
26 remise à un chef, peu importe à qui, que j'aie fait le calcul et que cela
27 accompagnait la liste. Mais je n'arrive pas à m'en souvenir.
28 Q. Fort bien. Merci beaucoup.
Page 1888
1 M. DI FAZIO : [interprétation] Je voudrais que ce document soit à part
2 entière versé au dossier, et je tiens à préciser qu'il y aura d'autres
3 témoignages concernant ce document-ci dans une phase ultérieure du procès.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Di Fazio, avant que de
6 donner la parole à M. Pantelic, est-ce que vous pouvez tirer au clair avec
7 ce témoin quelle est la signification de la deuxième partie inscrite ici où
8 l'on dit :
9 "Les personnes tuées ont été enterrées et probablement ont-elles été
10 enterrées conformément aux rites religieux."
11 Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la chronologie des événements. Est-
12 ce que le témoin aurait participé à l'ouverture des fosses communes pour
13 identifier les corps, pour les réenterrer ailleurs ensuite ?
14 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais le faire. Je ne pense pas que cela a
15 été le scénario mais je vais demander au témoin de nous fournir ce type
16 d'information.
17 Q. D'abord, la fosse commune où vous avez travaillé en mai et juin et
18 début juillet 1992, il y a eu des gens de tués qu'on a emmenés directement
19 dans cette fosse. Pour autant que vous le sachiez, ils n'auraient pas été
20 d'abord enterrés dans une autre fosse pour être exhumés et ramenés là ?
21 R. [aucune interprétation]
22 M. CVIJETIC : [interprétation] Juste une objection, Monsieur le Juge. Il y
23 a une différence entre la version en B/C/S et en anglais. Ici on dit
24 "tués", or on dit ici "cadavres qu'on a descendus dans la fosse." Or le
25 Procureur lui se sert de ce qui est dans sa version. Alors s'il s'agit d'un
26 document à lui, je tiens à préciser que l'auteur lui n'a pas utilisé le
27 terme de "tués" et que le témoin nous dise --
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, "descendus dans la fosse" ce n'est
Page 1889
1 pas un terme que j'aurais utilisé. Je ne pense pas avoir moi utilisé ce
2 terme de "porinuli" [phon], à savoir de "descendus", ce n'est pas clair.
3 M. CVIJETIC : [interprétation] Mais attendez, peu importe ce qu'il en est,
4 ce mot ne signifie pas "tué".
5 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
6 M. CVIJETIC : [interprétation] Excusez-moi. Laissez-moi faire d'abord mon
7 objection.
8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ecoutez, tranchons la poire en deux.
9 Laissons d'abord le témoin nous donner lecture du dernier paragraphe et
10 ensuite nous entendrons les interprètes nous le traduire. Nous allons avoir
11 l'interprétation directe.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] A compter du 10 juillet 1992, on a descendu et
13 enterré à mezarje de façon marquée conforme aux rites religieux.
14 M. PANTELIC : [interprétation] Si je puis vous être d'une assistance
15 quelconque, Messieurs les Juges, ce mot de "porinuli" [phon] en B/C/S
16 signifie - et peut-être que certains Juges le savent - lorsqu'on met à
17 l'eau un bateau on utilise le même terme. C'est donc descendre dans l'eau
18 ou ailleurs. Quand il s'agit de chantier naval on utilise ce terme pour
19 dire qu'un bateau a été immergé, mis dans l'eau.
20 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Ignjic, c'est bien le mot que
21 vous n'auriez pas utilisé ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que non. Je n'aurais pas utilisé ce
23 mot. Je ne pense pas l'utiliser à quelque moment que ce soit.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous n'allons pas aller plus en
25 avant.
26 M. DI FAZIO : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, je suis reconnaissant
27 à Me Pantelic pour son assistance.
28 Q. Mais revenons à ma question. La question que j'ai posée n'avait rien à
Page 1890
1 voir avec ce document-ci. C'était pour répondre à une question qui a été
2 posée par M. le Juge Harhoff. Et je voudrais dire ceci : les gens qui, en
3 mai et juin ainsi qu'en juillet, ont été enterrés dans une fosse commune et
4 que vous avez parfois identifiés, étaient-ce des gens qui ont d'abord été
5 tués ou qui sont morts ailleurs et qui auraient été amenés directement sur
6 ce site, ou alors auraient-ils été exhumés ailleurs pour être amenés là
7 afin d'être réensevelis ?
8 R. Ils ont été amenés directement.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Ignjic, ce que je ne
10 comprends pas tout à fait encore, c'est ce qui suit. Vous avez eu à voir
11 des corps dans cette fosse commune, fosse commune vers laquelle on a
12 acheminé les corps directement, et alors vous avez essayé d'identifier
13 l'identité de ces cadavres. Alors, dans la mesure où cela a été possible,
14 qu'est-il advenu des corps ? Est-ce que ces corps sont restés un certain
15 temps dans la fosse commune pour être transférés vers des cimetières ou que
16 s'est-il passé au juste ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien voilà. Le camion, en amenant des gens
18 d'une partie de la ville, des gens qui auraient été tués ailleurs, avant
19 que de les descendre dans la fosse qui a été creusée, dans cette tombe,
20 nous avons essayé d'abord de procéder à une identification.
21 L'identification, une fois effectuée, on les descendait dans la fosse et,
22 par la suite, d'après ce que j'en sais, cette fosse a été fermée, c'est-à-
23 dire ensevelie après la date du, je ne sais trop quel, je crois que c'est
24 du 10 juillet. Et je ne sais plus ce qui s'est passé, mais c'était à peu
25 près vers cette date en juillet. Je ne sais pas ce qu'il est advenu après
26 de ces corps.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi de prendre du temps sur
28 ce point-là, mais si je vous ai bien compris, les corps restaient donc dans
Page 1891
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 1892
1 cette fosse commune et, par la suite, quelqu'un d'autre les acheminait vers
2 le cimetière pour que ces corps soient réensevelis de façon adéquate, ou
3 est-ce que vous voulez nous dire que vous ne savez pas ce qui s'est passé ?
4 Mais quoi qu'il en soit, qu'est-ce qui vous a amené à rajouter ce deuxième
5 paragraphe dans votre carnet de notes qui dit que les personnes qui ont été
6 descendues là auraient été ensevelies conformément au mezarje, c'est-à-dire
7 au rite religieux approprié.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Entre le 1er mai et le 10 juillet, tout ce
9 qu'on a trouvé comme personnes mortes dans la ville et qui n'appartenaient
10 pas au groupe ethnique serbe, c'est des gens qu'on a ensevelis dans une
11 fosse commune. C'est à peu près jusqu'à cette date.
12 Après le 10 juillet, il y a eu une autorité de mise en place. En ville,
13 lorsqu'il y a des morts, il y a un juge d'instruction et le représentant du
14 ministère public qui sortent. Il y a constat des lieux. Il y a des
15 pathologues qui se chargeaient de l'autopsie. Et une fois le dossier
16 traité, on enterrait ces gens-là au mezarje, c'est-à-dire au cimetière
17 religieux, comme il se doit, d'après les rites. Ce n'est donc qu'après
18 cette date. Entre le 1er mai et le 10 juillet, on a tout placé dans une
19 fosse commune. Ça n'a pas été enterré dans les cimetières ou au mezarje
20 conformément au rite religieux. Donc ce n'est qu'après le 10 juillet qu'on
21 a commencé à procéder de la sorte.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Maintenant tout
23 ceci nous amène à la question suivante : qui est-ce qui a organisé les
24 enterrements dans cette fosse commune jusqu'au 10 juillet et qui est-ce qui
25 a organisé les enterrements au cimetière après le 10 juillet ? Quelle
26 autorité a organisé tout ceci, le savez-vous ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je vous dirais l'autorité, mais je ne
28 sais pas vous dire exactement qui.
Page 1893
1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais est-ce que vous pourriez être un
2 peu plus précis ? Etait-ce l'autorité municipale, était-ce la police,
3 était-ce l'armée ? Qui est-ce qui s'en chargeait ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas exactement.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
6 M. DI FAZIO : [interprétation]
7 Q. Juste une question de suivi pour enchaîner sur la question de M. le
8 Juge. Avez-vous été présent à une exhumation et réensevelissement
9 quelconque ?
10 R. Avant la guerre, bien des fois.
11 Q. Oui. Bien. Mais je parle de ces gens dans les fosses dont nous parlons
12 aujourd'hui ?
13 R. Non.
14 Q. Est-ce que vous avez su que cela s'était produit ?
15 R. Non.
16 Q. Voilà ce que je vais demander : votre carnet de notes indique que les
17 gens qui ont été enterrés à ces cimetières conformément aux rites
18 religieux, mais vous n'avez pas assisté à des exhumations ni à des
19 réensevelissements ?
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je crois qu'ici il
21 y a malentendu. Si j'ai bien compris le témoin, le deuxième paragraphe se
22 rapporte à d'autres cadavres, et non pas aux cadavres qui se trouvaient
23 dans la fosse commune. Ce sont les corps qui ont été trouvés, c'est-à-dire
24 ramassés après le 10 juillet. Et ces corps-là ont été enterrés de façon
25 appropriée. C'est ce que je crois que cela nous dit.
26 M. DI FAZIO : [interprétation] Alors, j'ai mal compris probablement.
27 Q. Vous avez entendu M. le Juge, est-ce que c'est M. le Juge qui l'a bien
28 compris et moi pas, n'est-ce pas ?
Page 1894
1 R. Oui, c'est lui qui l'a bien compris.
2 M. DI FAZIO : [interprétation] Je suis reconnaissant à M. le Juge.
3 Penchons-nous, ou plutôt, procédons à une modification de l'ordre de
4 présentation des documents pour mettre à profit les cinq minutes qui me
5 restent, parce que j'en aurai encore 20 demain matin ou 15 éventuellement.
6 Alors j'aimerais qu'on montre le numéro 33 de la liste 65 ter.
7 Oui, avant que de le faire, est-ce qu'on a donné une cote à ce carnet de
8 notes ?
9 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien, ça va être le cas.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P146.
11 M. PANTELIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour les besoins du
12 compte rendu, je ne fais pas objection pour ce qui est du versement au
13 dossier de ce carnet de notes, là où le témoin n'a pas été à 100 % sûr pour
14 ce qui est de nous dire si c'était son écriture ou pas. Ce que je voudrais
15 suggérer, c'est que ce témoin, s'il pourrait nous écrire le même texte que
16 celui qui est sur le document et la Défense pourra envoyer cela à un expert
17 en graphologie pour que nous soyons à 100 % sûr et savoir si c'est bien son
18 écriture ou pas.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Pantelic, laissez-moi vous
20 demander : est-ce que vous êtes en train de contester les informations
21 contenues dans ce carnet de notes, parce que la seule chose qui importe
22 ici, c'est qu'il y a eu 216 personnes au total : 103 ont été identifiées,
23 huit sont mortes de cause naturelle, neuf corps étaient du sexe féminin.
24 Donc, c'est la partie principale du carnet de notes que la Chambre devra
25 prendre en considération par la suite.
26 Mais si vous voulez contester les chiffres en question, alors, nous pouvons
27 procéder conformément à ce que vous avez proposé. Mais si vous ne contestez
28 pas la teneur, je ne vois pas à quoi cela nous servirait que de demander
Page 1895
1 les services d'un expert en graphologie, parce qu'il importera peu de
2 savoir si c'est bien son écriture ou pas. C'est donc tout à fait superflu.
3 M. PANTELIC : [interprétation] Si de votre opinion cela n'est pas
4 pertinent, je ne peux rien dire, mais accepter. Il s'agit d'un principe.
5 Excusez-moi de vous interrompre. Il s'agit d'informations pertinentes qui
6 sont contenues dans ce carnet de notes.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Alors, si vous êtes d'accord pour
8 dire que c'est pertinent et si vous ne contestez pas la teneur des
9 informations et si vous êtes donc d'accord avec les chiffres, je ne vois
10 pas en quoi consisterait l'utilité de procéder à des analyses
11 graphologiques pour déterminer si c'est l'écriture de ce témoin ou pas. Ce
12 qui est important, c'est les chiffres qui sont contenus dans le carnet de
13 notes, et si vous n'avez rien contre les chiffres en question, je propose
14 de renoncer à des enquêtes concernant qui est-ce qui a écrit ceci.
15 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-être pourrais-je assister M. Pantelic,
16 et je crois que je peux être utile. Nous avons déjà entendu des doutes
17 formulés de la part du témoin pour ce qui est de l'expression utilisée dans
18 ce texte. Il y aura d'autres éléments de preuve ou d'autres témoignages
19 dans ce procès, et M. Pantelic aura alors l'opportunité de revérifier la
20 question. Et M. Pantelic a eu l'opportunité de le faire, car il a toujours
21 l'opportunité de revenir sur le sujet une fois que nous aurons entendu tous
22 les témoignages ultérieurement fournis sur ce carnet de notes.
23 M. PANTELIC : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec, mais je ne pense
24 pas que nous ayons le temps de remettre ceci en question.
25 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui. Je suis toujours content de bénéficier
26 de votre assistance.
27 Alors, il est déjà et quart. Peut-être vaudrait-il mieux ne pas continuer.
28 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Nous n'allons pas nous embarquer
Page 1896
1 sur un nouveau sujet; alors, nous allons lever l'audience jusqu'à demain
2 matin.
3 Monsieur le Témoin, vous êtes un témoin sous serment, et je tiens à vous
4 prévenir que vous ne devez pas vous entretenir avec les conseils de la
5 Défense, pas plus qu'avec les représentants de l'Accusation, et avec
6 quiconque d'autre, non plus, pour ce qui est du témoignage que vous êtes en
7 train de présenter ou d'effectuer devant ce Tribunal. Avez-vous bien
8 compris ce que je vous ai dit ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai parfaitement bien compris.
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous allez revenir ici demain matin à 9
11 heures. On procédera à la continuation de l'interrogatoire principal par
12 les soins de M. Di Fazio. Je vous souhaite une bonne soirée.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Di Fazio, est-ce que
14 vous pouvez tirer au clair juste un autre point. Le Procureur a présenté
15 une requête à la date du 14 octobre, où il est demandé un changement de
16 modalités de témoignage de trois témoins : ST-52, ST-79, et ST-4. Dans
17 votre requête, ce qui n'est pas clair, c'est le fait de savoir si le
18 témoignage du dernier de ces trois témoins, ST-4, qui était à l'origine
19 listé comme étant un témoin en application du 92 bis, est-ce que vous
20 voulez qu'il soit transféré vers un témoignage 92 ter ou vers un témoignage
21 viva voce ? Et là, je vais vous demander aimablement de nous apporter des
22 éclaircissements.
23 M. DI FAZIO : [interprétation] Ce sera Mme Korner ou moi-même qui vous
24 apporteront ces éclaircissements demain matin.
25 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je crois comprendre que demain, nous
26 poursuivrons nos travaux dans la salle d'audience numéro I. Merci.
27 --- L'audience est levée à 16 heures 16 et reprendra le jeudi 22 octobre
28 2009, à 9 heures 00.