Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 26 mars 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  6   Monsieur le Juge. Bonjour à tous au sein du prétoire ainsi qu'à l'extérieur

  7   du prétoire.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et

  9   Stojan Zupljanin.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant -- pardon, j'en oublie mes

 11   manières. Bonjour à tous.

 12   Avant de demander aux parties de bien vouloir se présenter, je vous signale

 13   aux fins du compte rendu que s'applique l'article 15 bis du Règlement

 14   puisque le Juge Harhoff est absent aujourd'hui.

 15   Je demanderais à présent aux parties de bien vouloir se présenter.

 16   M. OLMSTED : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le

 17   Juge. Matthew Olmsted, Joanna Korner et Crispian Smith pour l'Accusation.

 18   M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Slobodan

 19   Zecevic, Slobodan Cvijetic, M. O'Sullivan et Tatjana Savic pour la Défense

 20   de M. Stanisic ce matin.

 21   M. PANTELIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président -- oui, mon

 22   micro est allumé, absolument. Bonjour, Monsieur le Président. Pour la

 23   Défense de M. Zupljanin, Dragan Krgovic, Igor Pantelic, M. Erin Dummavant

 24   et Miroslav Cuskic. Merci.

 25   Au lieu de M. Erin, c'est Mlle Erin.

 26   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le

 28   Juge, nous sommes à huis clos.

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  1   [Audience à huis clos] 

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 13  Pages 8233-8252 expurgées. Audience à huis clos.

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 15   [Audience publique]

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] Si je puis --

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre,

 18   Maître Zecevic, mais je dois donner lecture d'un texte. Je devais le faire

 19   hier. J'ai déjà oublié hier et je dois le faire aujourd'hui.

 20   Madame Korner, nous avons parlé d'un témoin, dont le nom m'échappe pour

 21   l'instant, mais ça me reviendra, mais vous nous avez dit que cette unité DV

 22   fait partie du bureau du Procureur. Nonobstant, vous souhaitez obtenir une

 23   ordonnance de la part de la Chambre. Nous avons oublié de le faire hier,

 24   donc la Chambre de première instance va maintenant ordonner. Aidez-moi,

 25   s'il vous plaît, à poursuivre un peu mon ordonnance.

 26   Mme KORNER : [interprétation] Oui, la production des comptes rendus en

 27   B/C/S du témoignage de M. Mandic dans le cadre de l'affaire Krajisnik.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie de votre aide, Madame

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  1   Korner. Ceci est donc notre ordonnance.

  2   Mme KORNER : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Maître Zecevic.

  4   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Petite observation par rapport à ce qui vient juste d'arriver.

  6   J'ai bien compris votre décision, et j'ai plus ou moins compris quelles

  7   sont les motivations des victimes qui veulent dire quels sont leurs

  8   ressentiments. C'est normal, je comprends ça parfaitement. Mais mon

  9   problème est différent. Si on leur donne cette possibilité, nous risquons

 10   d'avoir un problème identique à celui que nous venons d'avoir il y a une

 11   seconde.

 12   Imaginons qu'un témoin mentionne un conseil de la Défense, ou, dans le

 13   cadre des présentations des moyens à décharge, cite l'autre partie,

 14   l'Accusation, puis rentre dans une espèce de conflit, ce qui n'est pas du

 15   tout correct du fait de notre procédure. Donc voici ma suggestion,

 16   Messieurs les Juges, à l'avenir, si le greffe est informé par la Section

 17   des Victimes et des Témoins que le témoin souhaite s'adresser à la Chambre

 18   de première instance après son témoignage pour une raison quelconque, dans

 19   ce cas-là, il conviendrait de le faire savoir à toutes les parties pour que

 20   nous nous préparions et pour que nous puissions préciser quelle est notre

 21   position sur tout sujet qui pourrait être abordé dans le cadre de cette

 22   déclaration. On pourrait arriver à une situation où un témoin demande

 23   l'assistance de la Chambre de première instance, ce qui pourrait être

 24   parfaitement compréhensible d'ailleurs. Mais lorsque des victimes demandent

 25   à être autorisées à faire une déclaration, je ne pense vraiment pas que la

 26   situation que nous avons vécue était correcte, puisque là visiblement le

 27   témoin était en train d'attaquer un conseil, et le conseil n'était pas en

 28   position de se défendre. Ce n'était pas acceptable. Donc je pense que si

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  1   vous autorisez ce type de déclaration, malheureusement je pense que cela

  2   ouvre un peu la boîte de Pandore et cela risque de mettre à mal l'intégrité

  3   même de notre procédure.

  4   C'est une observation de ma part, bien sûr. Je ne voudrais surtout pas

  5   critiquer votre décision, que j'accepte d'ailleurs. Mais je tenais juste à

  6   vous dire ce que j'en pensais.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais je vous remercie de vos

  8   observations.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zecevic, cela dit, le témoin

 10   n'avait aucune intention de provoquer M. Pantelic lorsqu'il a demandé par

 11   le biais du greffe à être autorisé à faire une déclaration. C'était une

 12   réaction épidermique du témoin suite aux propos de M. Pantelic, et je

 13   comprends parfaitement la réaction épidermique du témoin.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation] Je comprends bien, mais nous sommes ici en

 15   tant que membres de la Défense dans ce Tribunal. Nous ne parlons pas au

 16   témoin directement. Nous faisons juste notre travail pour défendre nos

 17   clients.

 18   Cette situation, on aurait pu s'y attendre de toute façon, parce qu'au

 19   cours d'une de ses réponses, il a fait des commentaires très désagréables à

 20   Me Cvijetic, alors que l'objection de Me Cvijetic était tout à fait fondée.

 21   Tout ce que j'essaie de dire c'est que nous sommes ici pour travailler du

 22   mieux que nous pouvons, nous servons les intérêts de la justice, rien

 23   d'autre. Et nous considérons que nous aussi nous devrions être protégés

 24   professionnellement et humainement. Je me serais senti extrêmement mal si

 25   c'était moi qui avais été attaqué directement par le témoin et si moi non

 26   plus je n'avais pas eu le droit de me défendre.

 27   Monsieur le Président, je vous remercie.

 28   Mme KORNER : [interprétation] Maintenant, j'ai deux points très courts à

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  1   aborder, et ensuite un point un peu plus long.

  2   Tout d'abord, hier, lorsque je suis rentrée dans le prétoire, j'ai entendu

  3   M. Pantelic s'exprimer assez fermement sur l'application de l'article

  4   90(H). Donc j'aimerais préciser les choses.

  5   Me Pantelic semblait suggérer qu'il pourrait se baser sur des propos tenus

  6   par le Juge Orie dans l'affaire Krajisnik à propos du dernier témoin, sans

  7   présenter au témoin d'une manière ou d'une autre en quoi il contestait les

  8   propos de ce témoin dans sa déclaration 92 ter, qui va être versée au

  9   dossier par le truchement de ce témoin. Or, notre position est claire, la

 10   Défense doit présenter sa thèse sur les points importants. La position de

 11   la Chambre est claire aussi, mais nous tenons vraiment à affirmer que nous

 12   soulèverons de très fortes objections si l'on essaye de saper ces éléments

 13   de preuve, mais sans avoir présenté directement au témoin la thèse de la

 14   Défense, c'est-à-dire soit qu'il se trompe ou qu'il est en train de mentir.

 15   Je voulais que ce soit très clair et que ce soit au compte rendu.

 16   M. PANTELIC : [interprétation] Si je puis répondre, je tiens à préciser que

 17   lorsque ce moment sera venu, nous présenterons nos thèses lorsque nous

 18   présenterons nos écritures à la fin du procès. Vous pourrez tout évaluer, y

 19   compris les comptes rendus dans l'affaire Krajisnik, le compte rendu venant

 20   du témoignage de ce dernier témoin, toutes les questions posées dans le

 21   cadre du contre-interrogatoire, enfin tout ce qui fait partie de la liasse

 22   92 ter.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, et --

 24   Mme KORNER : [interprétation] Nous ne sommes pas d'accord avec Me Pantelic

 25   à ce sujet. Donc si cela se passe comme ça, cela provoquera une autre

 26   discussion pour ce qui est des questions procédurales, et je ne veux pas en

 27   parler davantage aujourd'hui.

 28   M. LE JUGE HALL : [hors micro]

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  1   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

  2   Monsieur le Président, le 24 mars, vous avez rendu une décision

  3   concernant notre demande portant à l'ajout de trois documents, et vous avez

  4   rejeté notre demande, et j'aimerais savoir pourquoi.

  5   La raison pour laquelle vous avez rendu une telle décision en rejetant

  6   notre requête - et je pense que vous avez un exemplaire de cette requête -

  7   et la raison était comme suit : l'Accusation n'a pas montré de façon

  8   appropriée les motifs suffisants pour demander cela ou que les documents

  9   n'étaient pas suffisamment importants pour justifier leur ajout à la liste.

 10   Monsieur le Président, nous demandons la clarification de   cela : est-ce

 11   que, d'après votre décision, ces documents ne sont pas suffisamment

 12   pertinents pour ce qui est des questions soulevées dans cette affaire, et

 13   c'était la raison pour laquelle vous avez rendu cette décision ? Parce que

 14   j'ai un peu de difficulté pour comprendre que ces documents ne sont pas

 15   suffisamment importants.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, nous ne pouvons pas vous

 17   donner la réponse immédiatement, puisque nous devons nous rappeler de cette

 18   requête.

 19   Mme KORNER : [interprétation] Est-ce que je peux demander que cela soit

 20   discuté lundi.

 21   Comme j'ai déjà dit, il y a un autre point à propos duquel je vais parler

 22   un peu plus longtemps.

 23   Vous êtes au courant du fait, puisqu'on a déjà soulevé cette question, que

 24   nous permettons à la Défense de voir les témoins de l'Accusation, et je

 25   peux dire qu'il s'agit des témoins initiés, et la Défense peut les

 26   rencontrer avant leur déposition, avant que l'Accusation les rencontre ou

 27   peut-être un peu de temps après cela. Monsieur le Président, nous sommes de

 28   plus en plus inquiets puisque cela représente une sorte de pression

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  1   effectuée sur les témoins qui, en tout cas, hésitent à témoigner. Parfois,

  2   il faut donc envoyer des injonctions à comparaître.

  3   Je vois que M. Zupljanin trouve cela amusant.

  4   Dans d'autres cas -- et je serais vraiment reconnaissante à la Chambre si

  5   vous instruisiez Me Zupljanin de ne pas parler pendant que je parle.

  6   Dans d'autres cas, même s'il n'y a pas d'injonction à comparaître pour ce

  7   qui est de ces témoins, les gens ne sont pas heureux de venir ici.

  8   Et vous avez vu que les témoins, au moment de leur témoignage, très

  9   souvent, ne sont pas prêts à réitérer ce qu'ils ont déjà dit lors de

 10   l'entretien au bureau du Procureur. Nous ne connaissons pas les raisons

 11   pour cela et nous n'essayons pas de les explorer à présent. Mais ce que je

 12   veux dire c'est qu'il est évident que lorsque les témoins rencontrent les

 13   conseils de la Défense, c'est une pression de plus effectuée sur eux,

 14   puisqu'il s'agit d'un long entretien qui a lieu juste avant leur

 15   déposition. Et vous savez que dans un cas, le témoin était trop fatigué

 16   pour témoigner pendant toute une séance.

 17   Monsieur le Président, la Défense a le droit de poser des questions au

 18   témoin avec la notification préalable au bureau du Procureur et si le

 19   témoin l'accepte.

 20   Nous avons donc annulé l'arrivée du témoin qui devait venir lundi puisque

 21   nous avons pensé que M. Mandic témoignerait toute la semaine, et nous lui

 22   avons demandé gentiment de venir dimanche pour pouvoir commencer son

 23   témoignage lundi. Mais jusqu'ici, à deux ou peut-être à trois reprises, il

 24   a dit qu'il ne voulait pas parler aux conseils de la Défense. Il a dit à

 25   l'enquêteur la chose suivante : Il ne veut pas qu'on le considère comme

 26   étant un témoin qui ne coopère pas et que, par conséquent, il est prêt

 27   maintenant à voir les conseils de la Défense. Je ne sais pas s'il a été

 28   contacté par les conseils de la Défense ou par les enquêteurs ou si tout

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  1   simplement il a été contacté par d'autres témoins qui sont passés par la

  2   même procédure. Tout simplement, je dois dire que nous trouvons cela

  3   quelque peu bizarre que quelqu'un, après avoir refusé de parler aux

  4   conseils de la Défense, accepte de le faire.

  5   Pour ce qui est de ce qui s'est passé samedi dernier, nous avons reçu la

  6   demande de la Défense pour pouvoir parler au témoin en question. Ils ont

  7   demandé de lui parler trois heures; deux heures pour les conseils de la

  8   Défense de M. Stanisic et une heure pour le conseil de la Défense de M.

  9   Zupljanin. Nous considérons que ce n'est pas une procédure appropriée. Nous

 10   ne pensons pas que ces entretiens doivent être une sorte de préparation

 11   pour le contre-interrogatoire.

 12   Mais en tout cas, Monsieur le Président, si vous décidez que nous devrions

 13   donner la possibilité à la Défense de parler au témoin de cette façon, cela

 14   ne veut pas dire que nous ne pourrons pas commencer la déposition de ce

 15   témoin lundi, parce qu'il ne peut pas être avec les conseils de la Défense

 16   pendant trois heures dimanche, puisqu'il doit donc parcourir 128 pages de

 17   son entretien. Et nous commençons à travailler la semaine prochaine, lundi

 18   matin.

 19   Je suis désolée, mais la situation est comme cela. Donc si la Défense veut

 20   parler à des témoins, il faut que la demande pour le faire soit communiquée

 21   avant l'arrivée des témoins à La Haye.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, jusqu'ici, et c'est un

 23   point qui ne m'est pas clair, j'ai vu qu'il y avait une différence entre la

 24   procédure dans le prétoire et la procédure pour ce qui est des choses qui

 25   sont faites en dehors du prétoire, à savoir les activités des conseils et

 26   des témoins. Et pour cela, il faut un peu plus de temps. Lorsque l'on

 27   considère que c'est une différence qui existe réellement, je ne suis pas

 28   sûr d'avoir compris que c'est une question que la Chambre devrait

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  1   considérer. Donc admettons qu'il y a la bonne foi des conseils des deux

  2   côtés pour coopérer.

  3   Mme KORNER : [interprétation] Nous informons tout le monde de façon

  4   formelle que nous ne sommes plus disposés à travailler comme jusqu'ici, et

  5   je sais que Me Zecevic veut s'en occuper. D'après moi, dans ce cas

  6   particulier, pour ce qui est du témoin qui va venir, nous ne devrions pas

  7   travailler lundi matin, mais plutôt lundi après-midi. Mais je ne sais pas

  8   si on va travailler lundi, puisqu'il n'y a pas suffisamment de temps pour

  9   les deux parties.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je pense que nous allons siéger lundi

 11   après-midi.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Ah oui ? J'ai pensé que nous pourrions siéger

 13   toute la journée de lundi.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Lorsque vous dites que la Chambre

 15   devrait "exprimer son avis", vous demandez, en fait, l'assistance de la

 16   Chambre ? Vous avez demandé donc l'avis de la Chambre ?

 17   Mme KORNER : [interprétation] Pardon ?

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais je pense que le problème qui se

 19   pose est comme suit. Lorsque vous demandez l'assistance de la Chambre pour

 20   certaines questions, la Chambre peut le faire en s'appuyant sur une règle,

 21   un article du règlement, mais je vois que --

 22   Mme KORNER : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre, mais je

 23   pense que c'est l'article 54 pour ce qui est de l'évolution de la

 24   procédure.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Korner, j'ai deux questions à

 26   vous poser.

 27   La première question est la question technique : ce témoin est censé être

 28   ici pour témoigner pendant combien de temps ?

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  1   Mme KORNER : [interprétation] Quatre heures pour ce qui est de

  2   l'interrogatoire principal, quatre heures pour le contre-interrogatoire de

  3   Stanisic et une heure et demie pour le contre-interrogatoire de Zupljanin.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela veut dire que ça va nous prendre

  5   mardi, mercredi -- oui. Est-ce que vous avez un autre témoin pour cette

  6   semaine ?

  7   Mme KORNER : [interprétation] Non, c'est le seul témoin pour la semaine

  8   prochaine.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et la deuxième question que je vais

 10   poser est la suivante : dans votre dernière réponse, vous semblez avoir dit

 11   que le problème ne concerne pas uniquement ce témoin, mais cela concerne

 12   votre position future.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] donc il ne s'agit pas uniquement de

 15   ce témoin ?

 16   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Maître Zecevic.

 18   M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'essaierai d'être

 19   bref, mais il y a beaucoup de choses que je voudrais soulever, à propos

 20   desquelles je suis inquiet.

 21   Avant d'aborder l'essentiel du point que je veux soulever, je dois dire que

 22   je suis vraiment étonné, et je dois également dire que je ne suis pas

 23   content d'avoir entendu Mme Korner concernant le présumé comportement du

 24   conseil de la Défense. Donc ce qu'elle a dit n'est pas acceptable du tout.

 25   Je ne vois aucune raison, elle ne l'a pas explicitée, puisque cette raison

 26   n'existe pas. Il faut que j'utilise une expression du registre familier,

 27   elle a donc exprimé des insinuations assez graves et bon marché.

 28   Mme Korner essaie d'obtenir deux effets en même temps. Lorsque le

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  1   témoin de l'Accusation ne donne pas la réponse qui lui convient, Mme Korner

  2   se lève et dit qu'il est difficile au témoin de parler de façon sincère,

  3   comme c'était le cas lors de l'entretien au bureau du Procureur, que les

  4   témoins ne veulent pas inculper les accusés, et cetera.

  5   Monsieur le Président, en fait, le problème est comme suit : tous ces

  6   témoins parlent absolument de ce qu'ils ont parlé dans leurs entretiens

  7   faits au bureau du Procureur. Le Procureur, lors de ces entretiens et des

  8   séances de récolement, ne leur a pas posé de questions de base évidentes.

  9   Et lorsque les conseils de la Défense leur posent de telles questions, les

 10   témoins répondent de façon sincère à ces questions, ce qui ne convient pas

 11   à la thèse du Procureur.

 12   Monsieur le Président, je vais vous -- malheureusement, bien que Mme Korner

 13   ait dit de façon appropriée que le témoin n'appartient à personne, je ne

 14   sais pas sur quelle règle ou article ou autorisation le Procureur se

 15   réserve le droit d'interdire à la Défense de voir le témoin.

 16   Le bureau du Procureur a des bureaux sur tout le territoire de l'ancienne

 17   Yougoslavie. Le Procureur, s'il veut faire son travail comme il le faut,

 18   devrait parler à ses témoins une dizaine ou une quinzaine de jours avant le

 19   témoignage pour les préparer, pour éviter les situations qu'on a eues avec

 20   le témoin précédent, puisqu'il est venu non préparé. Le Procureur était au

 21   courant du fait qu'il n'a pas réécouté sa déposition précédente avant

 22   d'être venu ici, et le Procureur a voulu présenter ce témoin conformément à

 23   l'article 92 ter. C'est une erreur impardonnable.

 24   Maintenant, le Procureur interdit à la Défense de parler au témoin. Ici, il

 25   ne s'agit pas de témoins initiés. Il s'agit de tous les témoins du

 26   Procureur par rapport auxquels nous avons demandé de leur parler et ils ont

 27   accepté de nous parler. Si un témoin a accepté de nous parler, donc le

 28   Procureur n'a rien à voir avec cela. Le Procureur ne peut pas interdire à

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  1   un témoin de parler au conseil de la Défense. C'est le principe de base.

  2   D'une certaine façon maintenant, le bureau du Procureur et la Section en

  3   charge des Témoins et des Victimes peuvent contester notre droit de

  4   contacter les témoins, et c'est ce qu'ils veulent faire justement dans ce

  5   cas. Ce n'est pas acceptable du tout, et c'est pour cela que nous avons dû

  6   nous adresser à la Chambre pour demander que la Chambre de première

  7   instance nous protège nos droits.

  8   D'après l'article 20 du Statut et d'après l'article 54 du Statut. Je vais

  9   parler des décisions de référence de la Chambre. Dans l'affaire Haradinaj,

 10   la Chambre de première instance, pour ce qui est de cette même question, a

 11   pris la position selon laquelle la Chambre de première instance peut rendre

 12   une décision pour ce qui est de la séance de récolement du témoin. Ici, je

 13   dispose de beaucoup de décisions de référence d'autres tribunaux aussi

 14   puisque je pense que l'obligation du Tribunal est de s'occuper des qualités

 15   des armes des deux parties, leur permettre d'utiliser des moyens égaux.

 16   La Défense se trouve maintenant dans une situation qui n'est pas

 17   acceptable. Nous insistons à ce que la Défense voie tout témoin avant son

 18   témoignage.

 19   J'ai déjà dit à plusieurs reprises que nous n'avons pas d'autre personnel

 20   sur le terrain, à l'exception faite des personnes qui travaillent ici au

 21   Tribunal, donc nous n'avons pas d'enquêteur qui pourrait aller sur le

 22   terrain. L'équipe de Stanisic n'a pas d'enquêteur. Nous n'avons pas de

 23   moyens financiers pour le payer.

 24   Dans ce cas-là, il y a deux possibilités : soit le témoin vient à La Haye

 25   plus tôt, par exemple vendredi, et non pas samedi, ou samedi matin, pour

 26   que nous puissions lui parler samedi après-midi, et alors dimanche et lundi

 27   matin, le témoin pourra parler au bureau du Procureur. La deuxième

 28   possibilité est comme suit : par exemple, cet après-midi, nous pouvons

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  1   partir sur le terrain, parler au témoin samedi matin. Après quoi, le

  2   dimanche, il vient ici pour témoigner. Ça exige des moyens financiers

  3   énormes et inutiles. Nous ne demandons pas des choses qui ne sont pas

  4   raisonnables; c'est juste deux heures d'entretien avec le témoin.

  5   Je vous assure que les témoins ne sont pas stressés après ces entretiens

  6   avec les conseils de la Défense. Les témoins se sentent beaucoup mieux

  7   s'ils savent quels documents la Défense leur montrera et si ces documents

  8   sont montrés avant leur témoignage, donc je n'y vois pas le problème.

  9   Je ne peux accepter aucun des arguments présentés par Mme Korner. Ce sont

 10   des arguments qui ne tiennent pas, absolument pas. C'est pour cela que je

 11   demande à la Chambre de rendre une décision là-dessus.

 12   Je vais maintenant énumérer les décisions de référence dans ce sens-là.

 13   C'est la décision de la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic, IT-94-1-A, du

 14   15 juillet 1999. Entre autres, dans cette décision, il est dit --

 15   Je vais citer ça en anglais :

 16   Le HRC Morael contre France, Robinson contre Jamaïque, Wolf contre Panama.

 17   Ce sont ces affaires que j'ai voulu citer. Ensuite, la Cour européenne des

 18   droits de l'homme, l'affaire Delcourt contre la Belgique.

 19   Pour ce qui est du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, la Chambre

 20   de première instance dans l'affaire Haradinaj a dit la chose suivante :

 21   "Dans l'article 20 du Statut --" c'est au quatorzième paragraphe de cette

 22   décision : 

 23   "A l'article 20, il est dit que la Chambre de première instance veille à ce

 24   que le procès soit équitable et rapide. Ensuite, l'article 54, où il est

 25   dit : 'A la demande des parties au procès, la Chambre peut donc envoyer une

 26   injonction à comparaître si cela est nécessaire pour que la procédure soit

 27   bien préparée.' Vu que le témoin assiste pour ce qui est de ces

 28   préparations, la Chambre trouve qu'au vu l'article 54 du Règlement, la

Page 8266

  1   Chambre a le pouvoir discrétionnaire pour rendre une ordonnance à

  2   l'attention du bureau du Procureur pour ce qui est des séances de

  3   récolement avec les témoins."

  4   Je pense que j'ai dit tout ce que j'ai voulu dire à propos de cette

  5   question, et je demande à la Chambre de rendre sa décision dans ce sens-là.

  6   Merci.

  7   Mme KORNER : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il faut qu'on entende Me Pantelic.

  9   Mme KORNER : [interprétation] Ah oui, je m'excuse.

 10   M. PANTELIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il vaut

 11   mieux que j'en parle après la pause.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est vrai. On va faire la pause

 13   maintenant.

 14   --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

 15   --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Pantelic, je vous en prie.

 17   M. PANTELIC : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu des

 18   arguments avancés relatifs au même sujet, permettez-moi d'emblée de vous

 19   dire ceci : il y a un film d'un réalisateur serbe qui a remporté beaucoup

 20   de prix dans le cinéma, qui s'appelle "Marathon Runners Run Victory Lap".

 21   C'est un film connu. Et il y a une réplique dans le film que tout le monde

 22   connaît et qui est la suivante : "Quand on de la chance, on est un peu

 23   nerveux." Et là, j'invite Mme Korner à voir ce film parce qu'il évoque des

 24   sujets pertinents.

 25   Et au nom de mon client, M. Zupljanin, au moment où Mme Korner a avancé ses

 26   arguments ce matin, il m'est venu à l'esprit la réflexion suivante, et je

 27   vous en fais part, mon client, Monsieur le Président, sachez-le, est dans

 28   une situation très délicate, mentalement parlant. Ce que j'entends par là

Page 8267

  1   c'est que les questions abordées par le témoin l'ont mis très mal à l'aise.

  2   Il estime, en effet, que ses droits fondamentaux sont bafoués par les

  3   arguments avancés par le bureau du Procureur s'agissant du témoin, de

  4   toutes les questions qui entourent la déposition du témoin. Par conséquent,

  5   au nom de mon client, permettez-moi de faire état aux Juges de la Chambre

  6   de l'information suivante : il n'avait en rien l'intention d'interrompre le

  7   déroulement du procès. En fait, c'est une réaction affective qu'il a eue.

  8   Il se sentait très mal à l'aise face aux arguments avancés par

  9   l'Accusation, une véritable réaction épidermique, si vous voulez.

 10   Monsieur le Président, lorsque nous nous sommes entretenus avec le bureau

 11   du Procureur à propos des sessions de récolement avec les témoins qui

 12   doivent venir déposer ici, j'ai personnellement indiqué à Mme Korner que

 13   certaines règles devaient être suivies, et je lui ai dit qu'à partir du

 14   moment où il y avait un malentendu entre les parties, malentendu relatif à

 15   la volonté du témoin de s'entretenir avec l'équipe de la Défense, j'ai

 16   simplement dit la chose suivante : Madame Korner, aucun problème, à ce

 17   moment-là, on appelle quelqu'un, le Témoin X, Y, Z, depuis le bureau du

 18   Procureur, en présence des membres de l'équipe de la Défense et en

 19   présence, bien entendu, du responsable du bureau du Procureur, et posons-

 20   lui la question tout simplement, Voulez-vous voir le témoin ou pas avant de

 21   venir

 22   déposer ? Alors que vous souhaitiez être en présence d'un membre du bureau

 23   du Procureur, si vous souhaitez être en présence d'un assistant ou quoi que

 24   ce soit d'autre, peu importe. Donc c'est très clair. Et je n'ai jamais

 25   obtenu de réponse de la part du bureau du Procureur s'agissant de cela.

 26   Alors pourquoi nous retrouvons-nous dans la situation actuelle, bien cette

 27   situation s'explique de la manière suivante, Monsieur le Président,

 28   Monsieur le Juge.

Page 8268

  1   En fait, dans notre relation avec le bureau du Procureur, cette relation se

  2   caractérise par un élément, à savoir que le bureau du Procureur essaie de

  3   manipuler, de créer une sorte de flou artistique eu égard au témoin. Ils

  4   nous ont informés, par exemple, ils nous informent qu'un témoin ne veut pas

  5   nous contacter, puis ils nous disent si, le témoin aimerait bien nous

  6   contacter, mais à ce moment-là, en présence du bureau du Procureur. Puis

  7   après, encore autre chose. Et c'est la raison pour laquelle nous

  8   souhaiterions que des règles claires s'appliquent, et je marque mon plein

  9   accord avec les Juges de la Chambre, il faudra que nous en discutions entre

 10   parties de ces questions. Mais manifestement, l'absence de coopération de

 11   la part du bureau du Procureur nous en empêche.

 12   Pourquoi sommes-nous dans la situation dans laquelle nous sommes ? Je

 13   souhaiterais dire aux Juges de la Chambre la chose suivante : le bureau du

 14   Procureur peut s'entretenir avec ces témoins des années avant leur

 15   déposition. Pour différentes raisons, la Défense, elle, n'a pas bénéficié

 16   de cette possibilité. Et la seule façon pour nous de contacter les témoins,

 17   c'est ici à La Haye, et là je fais cette déclaration aux fins du compte

 18   rendu, et la déclaration est la suivante : aucun témoin qui est venu ici ne

 19   peut affirmer qu'il a fait l'objet de pression quelle qu'elle soit de la

 20   part de l'équipe de la Défense ou ne peut affirmer qu'il ou elle n'a pas

 21   été à même de faire une déposition honnête devant les Juges de la Chambre

 22   en raison de certaines activités menées par les équipes de la Défense au

 23   cours des sessions de récolement. Au contraire, Monsieur le Président,

 24   Monsieur le Juge, nos témoins viennent de systèmes juridiques différents et

 25   ils ont le sentiment qu'ils ne peuvent pas s'entretenir avec la partie

 26   opposée, celle qui n'appelle pas à témoigner. Et au cours de ces contacts

 27   que nous avons avec les témoins, nous leur expliquons qu'ils sont, certes,

 28   cités à comparaître par le bureau du Procureur, mais qu'ils sont avant tout

Page 8269

  1   témoins du Tribunal, témoins pour la justice - comment vous dire - témoins

  2   devant contribuer à cette volonté d'établir la vérité. Ensuite, ils se

  3   détendent lorsqu'on leur a expliqué cela.

  4   Puis pour vous montrer un petit peu comment se comporte le bureau du

  5   Procureur dans cette question des témoins, souvenez-vous du témoin Scekic.

  6   J'oublie son prénom maintenant. Mais il a témoigné ici il y a quelques

  7   semaines. Milan, Milan Scekic. Lors des entretiens précédents avec le

  8   bureau du Procureur, ils l'ont appelé à la barre en qualité de suspect.

  9   Tout ça figure au compte rendu d'ailleurs et dans nos déclarations.

 10   Lorsqu'il a demandé au bureau du Procureur : Vous voulez bien m'expliquer

 11   pourquoi moi, je suis suspect, je suis suspect d'avoir fait quoi ? C'est

 12   quoi les chefs d'accusation supposés ? Est-ce qu'il faut que je demande à

 13   un avocat   d'intervenir ? Ils ont dit oui. Mais vous ne pouvez pas lui

 14   dire pourquoi, et cetera. Ensuite, ils lui ont dit qu'il n'était pas

 15   suspect, mais témoin. Ces pressions exercées sur les témoins de la part du

 16   bureau du Procureur, notamment des témoins qui ont véritablement

 17   connaissance des faits, nous mettent fort mal à l'aise, et eux sont très

 18   mal à l'aise. Nous avons vu dans des déclarations précédentes comment le

 19   bureau du Procureur se comporte avec les témoins. Les membres de l'équipe

 20   du bureau du Procureur ne sont jamais que des gendarmes ou des officiers

 21   qui prennent leur fonction de policier très au sérieux. C'est véritablement

 22   de la répression. Ils procèdent à des interrogatoires, et ça met évidemment

 23   très mal à l'aise les témoins, témoins qui d'ailleurs ont peur. Et

 24   mentalement, pour les témoins, c'est inacceptable. C'est certainement loin

 25   d'être objectif et proche de la réalité. Mais bon, c'est à vous qu'il

 26   appartiendra d'en juger, Monsieur le Président, Monsieur le Juge.

 27   Puis permettez-moi d'avancer un argument supplémentaire, de vous faire part

 28   de quelques observations relatives à la jurisprudence en la matière.

Page 8270

  1   Tout d'abord, le jugement Tadic, paragraphe 52, et je cite :

  2   "En ce qui concerne le champ d'application du principe d'égalité de

  3   traitement, les Juges de la Chambre estiment qu'Accusation et Défense

  4   doivent être sur un terrain d'égalité devant les Juges de la Chambre et la

  5   Chambre de première instance doit fournir toutes les possibilités pratiques

  6   qu'elle est en mesure d'offrir en respectant Statut et Règlement dès lors

  7   qu'il s'agit d'apporter une assistance à une partie dès lors qu'elle le

  8   demande pour présenter ses arguments."

  9   Par ailleurs, nous nous fondons également sur la jurisprudence Limaj et

 10   Milutinovic, la chambre d'appel pour le tribunal du Rwanda dans l'affaire

 11   Karamela [phon], et comme cela a été dit, dans les affaires Tadic et

 12   Haradinaj.

 13   Donc en conclusion, Monsieur le Président, Monsieur le Juge, nous, conseils

 14   de la Défense, nous heurtons à de graves difficultés. Cela stupéfait nos

 15   clients, ils ne comprennent pas l'attitude du bureau du Procureur. Sur base

 16   des principes fondamentaux ancrés dans le Statut et autres règles qui

 17   s'appliquent au Tribunal pénal international pour l'ancienne Yougoslavie et

 18   compte tenu des règles qui existent en droit international, nous estimons

 19   que ce type d'activités menées par l'équipe de l'Accusation, dans leur

 20   traitement de la Défense et dans leur attitude agressive vis-à-vis des

 21   témoins, est parfaitement inacceptable. Cette attitude est par ailleurs

 22   sans fondement et viole les intérêts de la justice et la nécessité de mener

 23   un procès équitable.

 24   Merci beaucoup, Monsieur le Président, Monsieur le Juge.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Avant de réagir à certains des points

 26   soulevés, permettez-moi d'évoquer une question.

 27   M. Zecevic a affirmé que nous savions que M. Mandic n'avait pas écouté

 28   l'enregistrement de ses entretiens avant que nous ne l'appelions en

Page 8271

  1   application du 92 ter. Ce qui semble indiquer que nous essayons

  2   délibérément d'induire la Chambre de première instance en erreur au moment

  3   où nous l'avons convoqué. J'imagine que M. Zecevic n'a dit cela que dans le

  4   feu de l'action, c'est une accusation grave, et je souhaiterais qu'il la

  5   retire. Je l'ai expliqué hier, tant dans la note de récolement et à M.

  6   Zecevic, qu'à trois occasions, M. Mandic nous avait dit qu'il avait entendu

  7   les enregistrements de ses entretiens. Par conséquent, avant de poursuivre,

  8   j'insiste auprès de la Défense pour qu'elle retire son accusation.

  9   M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge, dans

 10   l'intervalle, j'ai eu l'occasion de lire la déclaration de M. Mandic, et je

 11   retire l'accusation. Merci.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, je dois dire que je

 13   trouve ça consternant de constater qu'il ait fallu que M. Zecevic lise la

 14   déclaration de M. Mandic pour retirer son accusation plutôt que d'accepter

 15   la véracité des propos que j'ai tenus, et cela me contrarie.

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] Je ne mets en rien en doute la parole du

 17   conseil de l'Accusation. Monsieur le Président, Monsieur le Juge, il se

 18   trouve que dans sa déclaration, le témoin reconnaît lui-même qu'il a amené

 19   l'Accusation à croire qu'il avait entendu ces enregistrements. Ceci étant

 20   dit, je ne mets nullement en doute la parole du conseil de l'Accusation.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Mais c'est précisément ce que je vous dis, je

 22   l'ai dit à M. Zecevic et je l'ai dit au Tribunal de première instance, M.

 23   Mandic nous a dit qu'il avait entendu les enregistrements. Et M. Zecevic,

 24   ce matin même, avant de recevoir la déclaration de M. Mandic, a affirmé que

 25   je mentais, c'est ce qu'il a affirmé au Tribunal de première instance. Je

 26   dois dire que je déplore le fait que M. Zecevic ne se soit pas estimé en

 27   mesure de retirer ses accusations, dont j'avais estimé jusque-là qu'elles

 28   avaient été formulées dans le feu de l'action.

Page 8272

  1   M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous présente mes excuses, je retire mes

  2   accusations, Monsieur le Président, Monsieur le Juge. Que cela figure au

  3   compte rendu.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

  5   Nous pouvons retourner à la question qui nous intéresse ?

  6   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, par ailleurs, M.

  7   Pantelic a dit que notre comportement n'a pas été idoine lorsque nous avons

  8   contacté les témoins avec lesquels la Défense souhaitait s'entretenir. L'un

  9   des problèmes qu'il a évoqués est lié aux entretiens téléphoniques

 10   conjoints, et il a indiqué que les mêmes pressions s'exerçaient sur les

 11   témoins, c'est précisément ce dont nous nous plaignions. Mais à aucun

 12   moment l'on a demandé aux témoins quoi que ce soit du côté de l'enquêteur.

 13   On leur a demandé  simplement : Est-ce que vous êtes prêt à parler à

 14   l'équipe de la Défense ? Si oui, Souhaitez-vous qu'un membre de

 15   l'Accusation soit présent ? C'est tout. En fait, dans tous les cas où le

 16   témoin a marqué son accord pour parler à la Défense, il n'y en a eu qu'un

 17   seul où le témoin a demandé à ce qu'un membre de l'Accusation soit présent.

 18   Voilà ce que je répondrais à M. Pantelic, je réfute tout comportement

 19   inadéquat.

 20   Monsieur le Président, cependant, je ne crois pas qu'il y ait lieu de se

 21   pencher sur la jurisprudence des droits de l'homme ou sur la jurisprudence

 22   de ce Tribunal eu égard à cette question. Nous ne contestons en rien le

 23   fait que la Défense puisse s'entretenir avec les témoins. Le seul grief que

 24   nous avons est lié au calendrier.

 25   Notre expérience, et j'imagine que c'est également l'expérience du Tribunal

 26   qui l'a montré, notre expérience a montré, par conséquent, que les témoins

 27   sont sujets à des pressions en raison d'un système qui existe et qui se

 28   confirme de plus en plus. Et dans aucune autre affaire cela ne se fait,

Page 8273

  1   c'est-à-dire que parfois juste avant qu'un témoin à charge puisse être vu

  2   par le bureau du Procureur, il soit vu par la Défense. C'est cela notre

  3   grief.

  4   M. Zecevic dit : Nous n'avons pas d'enquêteurs. Mais ils ont un budget,

  5   Monsieur le Président, c'est à eux de décider d'avoir recours à ce budget.

  6   Tout comme tout conseil de la Défense représentant un accusé au sein de ce

  7   Tribunal, ils ont un budget. S'ils choisissent de ne pas s'en servir, c'est

  8   eux que ça regarde.

  9   Et M. Zupljanin, pour autant que nous sachions, dispose de deux,

 10   peut-être trois enquêteurs qui peuvent s'entretenir avec les témoins à

 11   l'avance.

 12   Monsieur le Président, tous les témoins qui se sont entretenus avec

 13   la Défense en ont été avisés, et ce, il y a relativement longtemps. A

 14   partir du moment où la Défense nous le dit à l'avance et à partir du moment

 15   où le témoin est d'accord, nous, nous ne voyons aucune objection à ce

 16   qu'ils s'entretiennent avec les témoins. Notre seul grief est lié au fait

 17   que tout cela se fasse juste avant la déposition.

 18   Et les seuls témoins, de toute façon, auxquels tout cela s'applique,

 19   ce sont les témoins qui ont connaissance des faits, qui sont partie

 20   prenante. Donc tous sont des témoins partie prenante, à une exception près.

 21   Et ce que nous souhaitons c'est que si les témoins sont d'accord pour

 22   s'entretenir avec la Défense, il faut que ces entretiens aient lieu à

 23   l'avance, pas juste avant leur déposition. Bien entendu, la Défense connaît

 24   l'ordonnance, qui peut être sujet à des modifications, qui les amènent à

 25   faire cela. Nous n'essayons pas d'empêcher la Défense de faire leur

 26   travail, pas du tout.

 27   Monsieur le Président, Monsieur le Juge, en ce qui concerne le témoin

 28   prochain, nous avons élaboré un calendrier compte tenu des circonstances

Page 8274

  1   spécifiques qui s'appliquent à ce témoin, parce qu'il se peut qu'il change

  2   d'avis, mais nous allons essayer de voir combien de temps il faudra, de

  3   manière à ce qu'il ne soit pas complètement épuisé. Donc nous demandons aux

  4   Juges de la Chambre de ne pas appeler ce témoin à témoigner avant mardi.

  5   Nous nous contentons de cela.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais c'est précisément ce que nous

  7   allions proposer.

  8   Pardon, Monsieur Pantelic, vous souhaitiez ajouter quelque chose ?

  9   M. PANTELIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, très brièvement.

 10   Monsieur le Président, Monsieur le Juge, aux fins du compte rendu,

 11   permettez-moi de vous dire ceci : en tant que chef de l'équipe de

 12   l'Accusation, Mme Korner s'évertue à manipuler la situation et à appliquer

 13   une pratique parfaitement inacceptable, c'est ce qu'on appelle la propriété

 14   des témoins. Elle se déclare propriétaire du témoin, comme si le bureau du

 15   Procureur pouvait s'approprier les témoins. Or, Monsieur le Président, j'ai

 16   une intime conviction qui est la suivante : nous devons avoir le droit de

 17   nous entretenir avec les témoins avant qu'ils viennent déposer ici, et

 18   c'est au témoin qu'il appartiendra, et il faut l'y autoriser, de dire, je

 19   suis fatigué, je ne veux pas vous voir ou je n'ai pas le temps de vous

 20   voir. Mais ce n'est certainement pas à l'Accusation de souffler les

 21   réponses au témoin. Et il faut que les choses se fassent dans la

 22   transparence. Il faut que le témoin nous dise exactement ce qu'il veut, une

 23   demi-heure, 15 minutes, une heure, pour venir nous voir. S'ils sont ici au

 24   cours du récolement 24 heures avant pour l'Accusation, l'Accusation peut

 25   très bien, en accord avec le témoin, prendre telle ou telle décision. Mais

 26   entendons d'abord ce qu'en pense le témoin. Nous voulons que le témoin

 27   puisse répondre à cela. Et l'Accusation ne répond pas à nos offres, c'est-

 28   à-dire qu'on l'appelle à l'avance à venir nous voir depuis leurs locaux. Et

Page 8275

  1   ils n'ont pas répondu à cela.

  2   Par ailleurs, en ce qui concerne cet argument qui consiste à dire que les

  3   membres de la Défense peuvent contacter les témoins, mais aucun problème.

  4   C'est une option qui existe, et nous essayons d'être aussi pragmatiques que

  5   possible. Mais il y a ici deux conseils, et nous souhaitons pouvoir

  6   rencontrer brièvement le témoin pour évoquer certains documents une

  7   dernière fois, en tout cas les documents qui sont importants pour les

  8   arguments que nous souhaitons avancer.

  9   Donc vous n'en disconviendrez pas, Messieurs les Juges, il y a une

 10   différence notoire entre les membres de l'équipe de la Défense et les

 11   enquêteurs, d'une part, et les conseils, de l'autre. Les rôles ne sont pas

 12   les mêmes, vous en conviendrez.

 13   Merci beaucoup.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors, il y a la question du témoin qui

 16   devait venir lundi; essayons de séparer cela des préoccupations exprimées

 17   par les conseils. Ce sont deux questions différentes. Donc réglons tout

 18   d'abord la question du témoin spécifique qui nous intéresse en l'espèce.

 19   Bien entendu, comme l'ont dit les conseils de part et d'autre de la

 20   Chambre, les principes fondamentaux sont les suivants : d'abord, on ne peut

 21   pas s'approprier un témoin; et deuxièmement, c'est au témoin qu'il

 22   appartient de décider s'il ou elle ne voit pas d'objection à s'entretenir

 23   avec la partie adverse avant sa déposition dans le prétoire. Alors, il nous

 24   semble que c'est à l'Unité des Témoins et Victimes qu'il appartient

 25   d'établir les mécanismes régissant la communication des témoins et leur

 26   volonté de s'entretenir avec les parties. Et c'est, bien entendu, la

 27   réponse du témoin qui décidera de la tournure que prendront les événements

 28   dans ce cas-ci.

Page 8276

  1   Quoi qu'il en soit, compte tenu de la marge de manœuvre dont nous disposons

  2   pour la semaine prochaine et les dépositions de la semaine prochaine, nous

  3   proposons que nous n'invitions à déposer le témoin que mardi, je crois que

  4   c'est mardi matin d'ailleurs. Donc au moment où nous lèverons l'audience ce

  5   matin, nous interromprons l'audience jusqu'à mardi matin.

  6   En ce qui concerne les principes généraux, pour passer du spécifique

  7   au général, les conseils ont décrit leurs arguments, ont avancé des

  8   arguments très détaillés, ce qui m'amène à penser, et là j'exprime une

  9   réserve, que la Chambre de première instance est censée rendre une décision

 10   générale. Or, ce n'est pas possible, puisque le général ne permet pas de

 11   tenir compte du spécifique évoqué dans toutes les questions que nous avons

 12   abordées. En tout état de cause, compte tenu des responsabilités qui

 13   incombent ou qui peuvent incomber à la Chambre de première instance en

 14   application de l'article 54 du Règlement et puisque M. Zecevic a indiqué

 15   que ce problème risquait de se produire à nouveau, et c'est ce qui a été

 16   dit par les deux parties d'ailleurs, la première mesure à prendre serait,

 17   en l'absence d'injonction faite à l'une ou l'autre des parties visant à ce

 18   qu'ils formulent des requêtes écrites, donc la meilleure chose à faire, à

 19   mon sens, et là nous invitons les conseils à suivre nos conseils, donc la

 20   meilleure chose à faire serait de veiller à ce que les conseils de la

 21   Défense et de l'Accusation se rencontrent et, par exemple, essayent de voir

 22   quels sont les points d'accord et voir quel est le désagrément. Quel est le

 23   coût que peut entraîner la convocation d'un témoin deux ou trois jours

 24   avant la date de sa déposition ou l'amener à voyager bien avant sa

 25   déposition. Mais il y a une vérité incontournable, c'est-à-dire que le

 26   Tribunal est à La Haye, donc les parties sont bien obligées de tenir compte

 27   de cette réalité. Compte tenu des griefs exprimés par les parties, il me

 28   semblerait utile que les parties se rencontrent, préparent le terrain,

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  1   aplanissent leurs difficultés, règlent leurs divergences d'opinions et se

  2   concentrent sur les points d'accord pour lesquels la Chambre ne sera pas

  3   amenée à intervenir. Donc une fois le terrain préparé, une fois aplanies

  4   les différences, la Chambre de première instance pourra rendre, et là je

  5   reprends l'expression de Mme Korner, rendre un "avis", ce que nous serions

  6   éventuellement prêts à faire. Mais encore une fois, je vous le rappelle,

  7   Conseils, tant de la Défense que de l'Accusation, préparez le terrain les

  8   uns avec les autres et dissipez les malentendus et les éventuels points de

  9   désaccord avant que la Chambre de première instance ne soit amenée à

 10   intervenir.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] J'ajouterais ceci, il ne fait aucun

 12   doute qu'il serait préférable qu'avant de jeter de l'huile sur le feu on y

 13   jette quelques gouttes d'eau.

 14   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 15   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'entendent pas les échanges dans le

 16   prétoire puisque les micros sont éteints. L'interprète traduit le compte

 17   rendu écrit.

 18   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bon week-end.

 20   --- L'audience est levée à 11 heures 28 et reprendra le mardi 30 mars 2010,

 21   à 9 heures 00.

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