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1 Le mercredi 28 avril 2010
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour à tous. Il s'agit de l'affaire
7 IT-08-91, le Procureur contre Mico Stanisic et Stojan Zupljanin.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bonjour. Merci, Madame la Greffière.
9 Est-ce que l'on pourrait savoir qui représente les parties ?
10 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Crispian Smith qui est commis d'affaire,
11 et puis notre premier substitut du Procureur, M. Tom Hannis, et moi-même,
12 Alex Demirdjian.
13 M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour. Slobodan Zecevic, Slobodan Cvijetic,
14 Mlle Deirdre Montgomery, et Mme Tatjana Savic, pour l'équipe de la Défense
15 Stanisic.
16 M. PANTELIC : [interprétation] Bonjour. Je représente la Défense de M.
17 Zupljanin.
18 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
19 Avant que M. Cvijetic commence le contre-interrogatoire, j'ai l'intention
20 de faire la pause cinq minutes plus tôt, c'est-à-dire à 10 heures 25, parce
21 que nous avons une réunion pendant la pause. Pour être vraiment sûr et pour
22 éviter que le conseil et que le témoin attende, nous reprendrons toujours à
23 11 heures.
24 M. PANTELIC : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le
25 Président, Monsieur les Juges, je voudrais parler d'une question
26 préliminaire qui devrait être consignée au compte rendu d'audience. Mon
27 client, M. Zupljanin, m'a demandé de ne pas être présent dans le prétoire
28 la semaine prochaine, en raison d'une visite familiale et de cérémonie
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1 religieuse auxquels ils vont participer.
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
3 M. PANTELIC : [interprétation] Nous allons, bien sûr, informer le greffe.
4 M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]
5 M. PANTELIC : [interprétation] Nous avons déjà informé le quartier
6 pénitentiaire, du service du quartier pénitentiaire des Nations Unies.
7 C'était juste pour le compte rendu d'audience.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
9 Avant que le conseil commence son contre-interrogatoire, je voudrais
10 rappeler au témoin qu'il est toujours sous serment.
11 Oui, Maître Cvijetic.
12 M. CVIJETIC : [interprétation] Puis-je commencer, Monsieur le Président,
13 Messieurs les Juges ?
14 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.
15 M. CVIJETIC : [interprétation] Merci.
16 LE TÉMOIN : MIROSLAV VIDIC [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 Contre-interrogatoire par M. Cvijetic :
19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Vidic.
20 R. Bonjour.
21 Q. Je m'appelle Slobodan Cvijetic, je suis avocat, et je fais partie de
22 l'équipe de Défense de M. Stanisic. J'ai quelques questions à vous poser,
23 car mon éminent collègue a couvert complètement beaucoup de thèmes que je
24 voulais aborder, et vous avez fait énormément de commentaires sur les
25 documents que j'allais vous présenter, par conséquent, mon travail en est
26 allégé.
27 On vous a présenté une série de documents hier, à commencer par une
28 décision, visant le garde, M. Slavuljica, vous désignant comme occupant son
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1 poste par intérim en votre absence. Puis on vous a montré une décision où
2 le ministre de la Justice, Momcilo Mandic, vous avait nommé comme garde de
3 la prison. Il y a également une décision signée par Radovan Karadzic qui
4 établissait la prison du district à Doboj.
5 Je pense que dans cette série de documents, l'acte initial de base n'a pas
6 été abordé. Savez-vous qu'une décision a été votée pour établir des
7 structures correctionnelles ou pénales sur le territoire de la Bosnie-
8 Herzégovine ? Est-ce que vous savez que ceci a été adopté ?
9 R. Oui, nous avons reçu un document établissant l'établissement
10 pénitentiaire de Doboj et, par conséquent je suppose que des actes
11 similaires ou des documents similaires portaient sur les autres structures
12 carcérales.
13 Q. Pour le compte rendu d'audience, il s'agit de la pièce 1D164.
14 J'aimerais passer en revue quelques dispositions.
15 L'article 1 stipule qu'en ce qui concerne l'établissement et le
16 fonctionnement d'établissement pénitentiaire ou correctionnel les
17 réglementations de l'ancienne République socialiste de Bosnie-Herzégovine
18 seront en vigueur.
19 Vous savez que la Bosnie-Herzégovine avait adopté une loi qui faisait
20 sienne toutes les anciennes législations de la République socialiste.
21 Savez-vous cela ?
22 R. Oui.
23 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je crois qu'il y a une erreur dans le
24 compte rendu d'audience. Est-ce que vous vouliez dire la Bosnie-Herzégovine
25 ou plutôt la République serbe dans votre question ?
26 M. CVIJETIC : [interprétation] Nous préciserons tout cela dans une seconde.
27 Q. J'ai demandé au témoin s'il savait que la Republika Srpska, dans le
28 cadre de son droit constitutionnel, avait adopté les législations, de l'ex-
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1 République socialiste de Bosnie-Herzégovine et de la RSFY, qui n'étaient
2 pas contraires aux intérêts du peuple serbe en Republika Srpska.
3 Est-ce que vous savez cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Donc cette disposition dans l'article 1 est claire. La législation dans
6 votre domaine d'activité était issue des anciennes républiques.
7 Dans l'article 2, on voit que vous continuez à fonctionner en cadre
8 d'organe de l'administration de l'Etat.
9 Dans l'article 3, il est mentionné que vous releviez du ministère de la
10 Justice, comme vous l'avez expliqué dans votre interrogatoire principal, et
11 le ministère de la Justice devait établir des lois régissant ce type
12 d'activité; est-ce exact ?
13 R. Oui.
14 Q. La raison pour laquelle j'ai décidé de vous présenter ce document c'est
15 que dans votre déclaration vous dites que vous avez eu pour la première
16 fois des contacts avec le ministère de la Justice, en août 1992 ?
17 R. Oui. J'ai essayé auparavant par téléphone, mais en août, je me suis
18 rendu à Pale.
19 Q. Mais vous n'êtes pas arrivé à vos fins, n'est-ce pas ?
20 R. Non.
21 Q. On vous a montré un document émanant de M. Mirko Slavuljica. Il s'agit
22 du document 3528 de la liste 65 ter. Dans ce document, il vous nomme comme
23 suppléant ou comme responsable de l'intérim. Vous dites qu'il s'agissait
24 d'une décision forcée - et j'utilise vos propres termes. Seriez-vous
25 d'accord avec moi si je vous disais qu'on vous avait forcé un peu la main
26 pour ne pas dire qu'on vous avait forcé la main, compte tenu de la
27 situation qui était une situation de guerre de manière général, notamment à
28 Doboj ?
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1 R. Oui.
2 Q. M. Slavuljica avait été mobilisé; il devait se rendre sur le front et,
3 par conséquent, quelqu'un devait assurer l'intérim dans son absence.
4 R. Oui.
5 Q. Toujours sur le même thème, pourriez-vous rapidement décrire la
6 situation dans laquelle se trouvait Doboj, en 1992, notamment au début ? Je
7 me demande si vous seriez d'accord avec ma définition. D'après ce que je
8 sais, la ville de Doboj était quasiment totalement assiégée.
9 R. La ville était, en effet, encerclée, ou elle était plutôt tenue sur
10 trois côtés.
11 Q. Oui. Il n'y avait qu'un seul point de contact d'un côté de la ville,
12 avec le reste de la Republika Srpska ?
13 R. Effectivement.
14 Q. Dans la période initiale, et durant toute l'année 1992, la ville a été
15 constamment bombardée par les forces musulmanes qui assiégeaient la ville,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Oui. Entre 40 et 50 résidents de Doboj ont été tués par ces
18 bombardements.
19 Q. Donc il était dangereux de parcourir la ville, et je pense, d'ailleurs,
20 que les mouvements étaient restreints pendant une certaine période.
21 R. Au début, les habitants appelaient ceci le couvre-feu, puisqu'on ne
22 pouvait parcourir la ville que de 8 heures à 11 heures.
23 Q. Cela s'appliquait à tous, et c'était pour leur sécurité personnelle,
24 n'est-ce pas ?
25 R. Oui, ceci s'appliquait à tous les habitants.
26 [Le conseil de la Défense se concerte]
27 M. CVIJETIC : [interprétation]
28 Q. Je souhaiterais préciser un autre point. Je crois avoir remarqué dans
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1 votre déclaration que vous disiez qu'en août 1992, vous vous êtes rendu à
2 Pale en utilisant l'itinéraire que vous n'aviez jamais emprunté auparavant.
3 Est-ce que j'ai raison de dire cela ?
4 R. [inaudible]
5 Q. Vous pouvez répéter votre question maintenant.
6 R. Je crois que ceci était tout à fait fantasque.
7 Q. Mais est-ce que vous pourriez expliquer ce que vous entendez par là ?
8 Pourquoi est-ce que c'était une folie que de prendre cet itinéraire que
9 vous n'aviez jamais emprunté auparavant ?
10 R. Le chauffeur, le responsable du département comptable du tribunal, et
11 moi-même, nous sommes partis pour Pale en voiture, en empruntant une route
12 que nous n'avions jamais emprunté auparavant. Le territoire contrôlé par
13 les Musulmans n'était qu'à 2 ou 3 kilomètres de cet itinéraire. Il y avait
14 beaucoup de virages dans cette route. Il y avait des signes ou une
15 signalétique fréquente qui revenait, et qui faisait état de ce corridor, et
16 quelque part entre Zvornik et Vlasenica ainsi que Hans Pijesak, nous étions
17 pratiquement sur le territoire ennemi.
18 Q. Ai-je raison de comprendre que même après les avancées militaires,
19 c'est-à-dire lorsque le corridor a été établi, il était encore dangereux
20 d'emprunter ce corridor ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Nous devons encore aborder la question des communications, des moyens
23 de communication, il s'entend. Vous nous avez déjà dit que vous n'étiez pas
24 arrivé à contacter Pale par téléphone --
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Cvijetic, au sujet de ce
27 couvre-feu, le témoin -- enfin, vous avez posé une question au témoin, et
28 vous avez -- il a répondu par l'affirmative à la question de savoir si le
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1 couvre-feu était imposé à tous les résidents ou tous les citoyens à Doboj,
2 tous les habitants de Doboj.
3 Le témoin a répondu oui, cela s'appliquait à tous les habitants.
4 Ceci est contraire au fait admis numéro 1268, à savoir que le couvre-feu
5 n'était imposé que pour les Musulmans et pour les Croates.
6 Par conséquent, je suppose que vous remettez en question ces faits admis
7 par le biais de ces différentes questions.
8 L'INTERPRÈTE : Me Cvijetic opine du chef.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous confirmer par le
10 truchement du témoin que ce couvre-feu s'appliquait à tous les habitants,
11 les Serbes et les non-Serbes ?
12 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
13 peut-être que je ne lui ai pas posé cette question directement, de manière
14 appropriée, mais il est évident que le témoin a entendu votre question;
15 donc, je vais répéter votre question.
16 Q. Monsieur Vidic, est-ce que le couvre-feu était sélectif, c'est-à-dire
17 en fonction de l'appartenance ethnique ou est-ce que cela ne s'appliquait
18 qu'aux Musulmans et aux Croates, et pas aux Serbes ?
19 R. Le couvre-feu s'appliquait à tous les habitants, et au début, c'est-à-
20 dire vers le 3 mai, une personne de la cellule de Crise que je n'avais pas
21 vue lors de mes précédentes visites à la cellule de Crise, cette personne
22 est donc venue à la prison et m'a remis un laissez-passer qui me permettait
23 de parcourir la ville. C'était, en fait, un laissez-passer vierge, il n'y
24 avait pas de nom qui était apposé sur ce document. Mais au départ, personne
25 ne pouvait parcourir librement la ville. Je ne peux pas vous dire à partir
26 de quand on a pu commencer à parcourir la ville de 8 heures à 11 heures.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît. Le
28 laissez-passer que l'on vous a donné, vous souvenez-vous quand ceci s'est-
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1 il passé, c'est-à-dire combien de temps après l'imposition du couvre-feu ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que, le matin du 3 mai, je me suis
3 rendu à la prison. J'étais dans mon bureau. J'essayais de reprendre mes
4 esprits et je crois que c'est vers 9 heures que cette personne est arrivée.
5 Dans le civil, cette personne était dentiste, elle travaillait au centre de
6 santé, et il est arrivé avec ce morceau de papier avec deux phrases qui
7 étaient inscrites sur ce document. C'était juste un laissez-passer.
8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que ce laissez-passer vous
9 permettait d'évoluer librement dans la ville, quelque que soit l'heure ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc toute personne qui portait un
12 laissez-passer, par conséquent n'aurait pas eu ses mouvements limités par
13 le couvre-feu, n'est-ce pas ? Cela signifie que toute personne qui
14 disposait d'un laissez-passer de ce type pouvait évoluer librement quelles
15 que soient les impositions fixées par le couvre-feu ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. En fait, il y avait un laissez-passer
17 pour tous les employés du bâtiment. Tous les employés ne disposaient pas
18 d'un laissez-passer nominatif. Il y en avait qu'un seul.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Savez-vous si les laissez-passer
20 similaires ont été donnés à d'autres Serbes or du SJB -- pardon, or de la
21 prison ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Mais je peux le supposer parce
23 que la vie devait s'organiser en ville d'une manière ou d'une autre. Il y
24 avait un hôpital, il y avait les sapeurs pompiers. Il y avait de nombreuses
25 autres institutions.
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc, Monsieur le Témoin, comment
27 puis-je comprendre ce que vous venez de nous dire, puisque d'une part, vous
28 nous avez dit ou d'un côté vous nous avez dit que le couvre-feu
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1 s'appliquait à tout le monde. Mais d'un autre côté, il semble que les
2 Serbes recevaient des laissez-passer qui leur permettaient d'évoluer
3 librement quelles que soient les restrictions imposées par le couvre-feu.
4 Cela signifie que in fine, le couvre=-feu était sélectif, puisque
5 celui-ci ne s'appliquait qu'aux Musulmans et aux Croates, n'est-ce pas ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas partager votre opinion.
7 Nous devions par exemple obtenir des vivres, comment pouvions-nous
8 faire cela si on ne pouvait pas quitter le bâtiment. Comment transporter un
9 homme malade à l'hôpital ou quelqu'un qui avait besoin d'une aide.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je comprends bien, mais si la
11 liberté de passage par le truchement d'un laissez-passer n'était donné
12 qu'aux Serbes, mais pas aux Musulmans ni aux Croates, il me semble que le
13 couvre-feu était appliqué de telle manière à ce qu'il ait un caractère
14 discriminatoire.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous parle de ce que je connais. Mais
16 au début de la guerre, nous avions parmi nos employés un Croate, un garde
17 qui travaillait dans la prison. Est-ce que cela veut dire que -- cela ne
18 veut pas dire que tous les Croates se sentaient en sécurité dans toute la
19 ville. Je vous parle de l'institution où j'ai travaillé dans la prison, de
20 la situation qui prévalait dans la prison.
21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
22 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Juste une question.
23 Est-ce que le laissez-passer mentionnait la structure qui avait émis ce
24 laissez-passer ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas m'en souvenir. Mais je pense ou
26 je suis persuadé que c'était le laissez-passer délivré par la cellule de
27 Crise, puisque l'homme qui m'a donné cela était commissaire chargé de la
28 santé. C'est pour cela que je crois que c'était la cellule de Crise qui
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1 délivrait ces laissez-passer.
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. CVIJETIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Vidic, je vais poser une question encore plus précise.
5 Donc vous n'avez pas obtenu ce laissez-passer puisque vous étiez Serbe,
6 mais plutôt puisque vous étiez une personne habilitée, compétente dans un
7 organe déterminé tout comme les autres employés compétents et habilités
8 dans d'autres organes, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Si un employé croate devait aller en ville, ces laissez-passer donc
11 devaient lui assurer la circulation sans obstacle et libre ?
12 R. Lorsque je suis arrivé au bâtiment de la prison, il y avait deux ou
13 trois gardes, je ne suis pas certain du nombre de gardes que j'ai vu. C'est
14 ce que j'ai déjà dit hier, nous organisions des réunions pour assurer le
15 fonctionnement approprié de la prison. M. Slavuljica était chef de service
16 de la garde, et il disposait des adresses postales de ses employés, et
17 Slavuljica nous réunissait. Nous étions affectés à nos postes pendant une
18 première période de temps, je ne sais pas pendant combien de temps
19 exactement, peut-être au moins 15 jours. Nous étions six heures en prison,
20 six heures de repos et six heures de temps libre pour pouvoir rentrer chez
21 nous et s'occuper de nos familles. Nous dormions dans la prison.
22 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Ce laissez-passer donc pouvait
23 être utilisé par tous les employés y compris ce Croate, s'il devait se
24 rendre en ville au titre officiel ?
25 R. Ce laissez-passer était utilisé par les civils et non pas par les
26 employés en uniforme; c'est-à-dire s'il quittait la prison, il n'était pas
27 en uniforme, il était en vêtement civil.
28 Q. Par conséquent, donc en portant un uniforme, il ne pouvait circuler en
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1 tant que personne dûment habilité, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Puisque vous avez dit que vous avez mentionné la cellule de Crise et le
4 fait que vous ne pouviez pas communiquer avec le ministère de la Justice
5 pendant cette période critique de temps, vous vous appuyez sur la cellule
6 de Crise pour être franc et vous envoyez des rapports concernant la
7 situation dans la prison à la cellule de Crise ainsi que d'autres
8 destinataires, puisque vous n'étiez pas en mesure de contacter les organes
9 de pouvoirs centraux ?
10 R. Oui. J'ai informé le ministère pour ce qui est de notre communication
11 avec la cellule de Crise.
12 Q. Vous avez parlé des lignes téléphoniques, et vous avez dit qu'il y
13 avait beaucoup de difficulté pour ce qui est des communications
14 téléphoniques. Pouvez-vous nous dire si vous aviez des lignes téléphoniques
15 qui fonctionnaient en 1992, et si vous pouviez avoir des communications
16 téléphoniques avec les organes du gouvernement central à Pale ?
17 R. Peu après que j'ai appelé M. Slavuljica, pour lui dire que -- pour lui
18 parler de la situation dans la prison, peu après cette conversation avec
19 lui, les lignes téléphoniques ont été coupées.
20 Après une certaine période de temps, les lignes téléphoniques ont été
21 rétablies, et dans le bâtiment de la prison, on avait qu'une seule ligne
22 téléphonique ouverte.
23 Q. Vous avez déjà dit que le directeur de la prison par intérim a été
24 mobilisé, et il est parti sur le front. Savez-vous si les chefs du centre
25 de service de Sécurité, M. Bjelosevic a été mobilisé et s'il est parti lui
26 aussi sur le front ?
27 R. Je ne le sais pas.
28 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que la situation dans le secteur
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1 dont vous étiez responsable s'est normalisée seulement vers la fin de 1992,
2 1991 ou dans la deuxième moitié de 1992; si c'était le cas ?
3 R. Pour nous, il y avait beaucoup de difficulté pendant cette période de
4 temps. La situation s'est normalisée un peu avant cette période que vous
5 avez mentionnée, au moment où les groupes paramilitaires ont été démantelés
6 et dispersés. Mais je ne sais pas comment cela s'est passé. Après cela, il
7 n'y avait plus d'incursion dans la prison, dans le bâtiment de la prison,
8 parce que cela était le grand problème pour nous puisque nous ne pouvions
9 pas nous organiser normalement et travailler normalement. Les personnes qui
10 se trouvaient dans la prison, qui étaient emprisonnées ont eu constamment
11 peur.
12 Q. Vous avez parlé de cela hier, en vous posant cette question, j'ai pensé
13 à l'aspect économique ou financier, pour ce qui est du financement, du
14 fonctionnement de l'établissement pénitentiaire. Je pense que j'ai trouvé
15 dans un document, que pour ce qui est des moyens financiers que vous
16 receviez pour que cet établissement pénitentiaire fonctionne, vous obteniez
17 les moyens financiers de certaines entreprises, et vous utilisiez ces
18 moyens financiers pour survivre, n'est-ce pas ? Vous receviez des vivres,
19 par exemple, et cetera.
20 R. Oui. Les personnes condamnées ainsi que les personnes détenues
21 travaillaient dans un premier temps et nous recevions les vivres en échange
22 de leur travail. Pour ce qui est des vivres et de l'approvisionnement en
23 vivres, au moment où l'UNHCR est arrivé à Doboj, notre situation s'est
24 améliorée.
25 Q. Je vais en finir avec ce sujet, en vous disant une constatation. Le
26 travail des prisonniers est prévu par la loi concernant l'exécution des
27 sanctions pénales ainsi que par d'autres documents officiels. Ce travail a
28 été effectué puisque c'est utile pour ce qui est de la réinsertion des
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1 personnes condamnées lorsqu'elles purgent leur peine et lorsqu'elles
2 sortent de la prison pour se réadapter plus facilement à la vie sociale,
3 après être sorti de la prison. Donc cela a une raison scientifique et ce
4 n'est pas une mesure de contrainte, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Je vous remercie. Je n'ai plus de questions à vous poser.
7 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai fini avec mon
8 contre-interrogatoire de ce témoin.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Vidic, vous avez dit que la
10 situation à Doboj s'est améliorée seulement après l'arrivée de l'UNHCR.
11 Vous avez peut-être déjà mentionné cela, mais je ne peux pas m'en souvenir
12 de cela, et je ne peux pas retrouver cela.
13 Voilà ma question : Vous souvenez-vous quand cette organisation est
14 arrivée, et ce qu'ils ont apporté avec eux à Doboj ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas être précis pour ce qui
16 est de la date exacte de leur arrivée à Doboj. Mais je sais qu'à partir du
17 moment où l'UNHCR est arrivé, nous recevions de cette organisation de la
18 farine par exemple, des haricots, des boites de conserve, de l'huile, du
19 sucre, et cetera. Donc nous recevions tout dont nous avions besoin pour
20 survivre.
21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que c'était en 1992 ou
22 en 1993.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] 1993, certainement pour ce qui est de 1992, je
24 ne suis pas certain. Mais en 1992, le comité international de la Croix-
25 Rouge et les représentants sont arrivés, et ils nous ont donné des
26 vêtements ainsi que des produits d'hygiène.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
28 Maître Pantelic, vous avez la parole.
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1 M. PANTELIC : [interprétation] Nous n'avons pas de question pour ce témoin.
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Demirdjian, avez-vous des
3 questions supplémentaires à poser.
4 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, j'ai quelques questions à poser à ce
5 témoin.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 Nouvel interrogatoire par M. Demirdjian :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Vidic.
9 R. Bonjour.
10 Q. J'ai quelques questions pour vous.
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
13 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Monsieur Vidic, concernant les questions que mon éminent collègue vous
15 a posées concernant le couvre-feu, vous avez mentionné le fait que vous
16 dormiez dans la prison, dans le bâtiment de la prison. Pouvez-vous
17 expliquer à la Chambre de première instance plus en détail cela, c'est-à-
18 dire quand vous dormiez dans la prison et quand vous recommenciez à dormir
19 chez vous ?
20 R. A partir du 3 mai, et j'ai déjà dit que je ne pourrai pas être précis
21 pour ce qui est du moment où nous avons cessé de dormir dans la prison.
22 Q. Pouvez-vous nous dire à peu près pendant combien de temps cela se
23 faisait; pendant combien de temps vous dormez dans la prison?
24 R. Cela a duré entre 20 et 30 jours, pas plus. Dès que nous avons pu
25 réunir les gardes, 18 peut-être, 18 gardes, c'est alors que nous avons pu
26 cesser de dormir dans le bâtiment de la prison.
27 Q. Me Cvijetic vous a posé une question -- ou en fait, il vous a dit que
28 les employés habilités ont reçu des laissez-passer, les Juges vous ont
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1 demandé qui délivrait ces laissez-passer.
2 Pouvez-vous nous dire qui surveillait le respect du couvre-feu ?
3 R. La police.
4 Q. Comment le savez-vous ?
5 R. Je le sais puisque ma mère -- en fait, mon père est parti de Derventa
6 avec sa famille au moment où les Croates ont occupé Derventa. Il était dans
7 la prison avec ses enfants, lorsqu'il est arrivé à Doboj. Nous avions un
8 jardin, à quatre kilomètres de la ville de Doboj, où nous avons cultivé
9 cette terre. Notre mère s'est occupée de cela, de ce jardin, elle cultivait
10 la terre, et donc elle est partie à une occasion pour cueillir des légumes,
11 et elle était un peu en retard en rentrant, et un policier lui a dit de se
12 dépêcher puisque le couvre-feu était en vigueur.
13 C'est pour cela que je sais que la police surveillait le respect du couvre-
14 feu.
15 Q. Quand cela s'est produit approximativement ?
16 R. Cela s'est produit au moment où il a été permis de se déplacer, pendant
17 trois heures par jour. Ma mère est née en 1925, et il lui faut une heure
18 pour s'y rendre, et une autre heure pour cultiver la terre, et une heure
19 encore pour rentrer dans la ville. Elle se rendait là-bas tous les jours.
20 Q. A votre connaissance, quant aux employés habilités ou autorisés, y
21 avait-il, parmi eux, des non-Serbes à Doboj, après le 3 mai 1992 ?
22 R. Je ne le sais pas. Je ne vous -- je ne peux parler que de la situation
23 à la prison.
24 Q. Pourriez-vous nous dire si -- qui, à la date du 3 mai, a pris le
25 contrôle de Doboj, de la ville Doboj ?
26 R. Les Serbes.
27 Q. Qui étaient les membres de la cellule de Crise à Doboj ?
28 R. Probablement les Serbes.
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1 Q. Quelle était la situation concernant les non-Serbes à Doboj ? Vous nous
2 avez dit que beaucoup d'entre eux ont été emprisonnés. Qu'en est-il des
3 autres ?
4 R. Les autres se trouvaient chez eux.
5 Q. J'aborderais maintenant le sujet concernant les lignes téléphoniques.
6 Vous nous avez dit qu'au début, les lignes téléphoniques ont été coupées,
7 et vous nous avez dit aussi que finalement, vous avez pu communiquer avec
8 M. Slavuljica, par téléphone.
9 Pourriez-vous nous dire où M. Slavuljica se trouvait au moment où vous
10 l'avez contacté par téléphone, le 3 mai ?
11 R. A l'armée, il était à l'armée, mais je ne sais pas où exactement. Je ne
12 lui ai jamais posé cette question.
13 Q. Est-ce qu'il vous a dit -- quand vous dites qu'il était à l'armée,
14 savez-vous s'il était sur le front ou dans une caserne ? Est-ce que vous
15 avez une idée pour ce qui est de l'endroit où il se trouvait, connaissiez-
16 vous un numéro de téléphone où vous pouviez le contacter ?
17 R. Il m'a donné un numéro de téléphone, et je pouvais donc l'atteindre à
18 ce numéro de téléphone, mais je suppose qu'il n'était pas sur le front.
19 Q. Pouvez-vous nous aider pour -- non, je retire cette question.
20 Le dernier sujet que je voulais aborder est le travail obligatoire pour les
21 prisonniers.
22 Avant la guerre, qui était tenu dans l'unité économique, appelée aussi
23 Spreca ?
24 R. Je ne comprends pas votre question.
25 Q. Quel type ou catégorie de prisonniers étaient tenus -- détenus à Spreca
26 ?
27 R. Tous ceux qui pouvaient sortir hors du bâtiment de la prison, à
28 l'exception faite de ceux qui, pour des raisons de sécurité, ne pouvaient
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1 pas être permis de sortir hors le bâtiment de la prison.
2 Q. S'agissait-il des personnes qui purgeaient leur peine dans la prison,
3 des personnes condamnées ?
4 R. Oui.
5 Q. Avant la guerre, les gens qui étaient en détention provisoire étaient-
6 ils emmenés au travail obligatoire ou forcé ?
7 R. Non.
8 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur Vidic. Votre témoignage
11 est terminé. Vous pouvez quitter le prétoire. Nous vous remercions de votre
12 assistance, et nous vous souhaitons bon retour chez vous.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
14 [Le témoin se retire]
15 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ?
16 Vous nous avez dit, Monsieur Hannis, que --
17 M. HANNIS : [interprétation] Je suis debout pour que les Juges puissent
18 nous -- me voir, puisqu'il y a ce pilier qui obstrue la vue.
19 Nous n'avons plus de témoins pour cette semaine. J'ai déjà dit que nous
20 avons essayé de faire venir ST-189 pour cette semaine, pour le dernier jour
21 ouvrable de cette semaine. Vous allez vous souvenir qu'il n'a pas pu se
22 déplacer, puisqu'il y avait des perturbations de la circulation aérienne à
23 cause du volcan, de l'éruption du volcan. Et nous n'étions pas certains de
24 pouvoir en finir avec lui, durant cette semaine, puisque le week-end qui
25 s'annonce sera long, et nous avons donc fait cette estimation sur la base
26 de l'estimation du temps nécessaire pour le contre-interrogatoire de la
27 Défense.
28 Je suppose qu'il est difficile de faire des estimations pour ce qui
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1 est du témoin qui doit venir.
2 Mais je pense que c'était cinq heures.
3 En tout cas, nous n'avons pas d'autre témoin pour cette semaine. Nous avons
4 des témoins pour la semaine du 3 mai, et il y avait des difficultés pour ce
5 qui est du calendrier, la semaine précédente.
6 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pour la semaine -- pour ce qui est de la
9 semaine prochaine, nous allons siéger tous les jours, l'après-midi, dans la
10 salle d'audience numéro I et je souhaite bon week-end à tout le monde.
11 --- L'audience est levée à 9 heures 55 et reprendra le lundi 3 mai 2010, à
12 14 heures 15.
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