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1 Le jeudi 25 novembre 2010
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
6 Ceci est l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et
7 Stojan Zupljanin.
8 Merci, Messieurs les Juges.
9 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
10 Bonjour à toutes les personnes présentes.
11 Pouvons-nous avoir les présentations ?
12 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Au nom de
13 l'Accusation, Alex Demirdjian, Tom Hannis, Belinda Pidwell et Crispian
14 Smith pour nous assister.
15 M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Slobodan
16 Zecevic, Slobodan Cvijetic, et Mme Claire Plumb pour la Défense de M.
17 Stanisic.
18 M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Dragan Krgovic,
19 Aleksandar Aleksic et Igor Pantelic pour la Défense de M. Zupljanin.
20 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
21 On a demandé à la Défense de répondre rapidement par rapport à une requête
22 d'ajout de six documents. A moins qu'il n'y ait de position dont vous
23 souhaitiez faire état, Messieurs les conseils de la Défense, les Juges
24 s'apprêtent à procéder comme s'il n'y avait pas de réponse de votre part.
25 M. ZECEVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, à ce stade je ne suis
26 pas en mesure de commenter, parce que je dois consulter Me O'Sullivan sur
27 ce point particulier, et je serai en mesure de vous répondre dès que
28 j'aurai pu le faire.
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1 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
2 M. KRGOVIC : [interprétation] Je crois que ce vers quoi nous dirigeons,
3 c'est une réponse conjointe des deux Défenses, Monsieur le Président, ce,
4 aujourd'hui même.
5 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci --
6 M. KRGOVIC : [interprétation] Bien.
7 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Excusez-moi.
8 [Problème technique]
9 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Concernant la requête de
10 l'Accusation et la septième [comme interprété] requête demandant l'octroi
11 de mesures de protection déposée le 29 octobre 2010, la Chambre fait droit
12 à cette requête en l'état concernant les Témoins 48, 88, 145, 153, et ne
13 fait pas droit à la requête concernant les Témoins 32 et 36.
14 Y a-t-il d'autres questions d'intendance ou de procédure à aborder avant de
15 faire entrer le témoin ?
16 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y a un
17 certain nombre de points concernant le témoin suivant. Mais avant cela je
18 voudrais donner la parole à Mme Pidwell afin qu'elle aborde des questions
19 relatives au calendrier.
20 Mme PIDWELL : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
21 Juste pour faire suite aux décisions que vous avez rendues hier concernant
22 le calendrier. Tout d'abord, je suis en mesure de vous dire que le témoin
23 pour lequel les Juges de la Chambre ont bien voulu faire droit à notre
24 demande de mise en place d'un lien par vidéoconférence dans la requête de
25 la semaine dernière, bien, je puis vous dire que ce témoin s'est remis de
26 sa grippe. Par conséquent, il est en mesure de venir à la Haye et de
27 témoigner viva voce sans passer par l'intermédiaire d'une vidéoconférence.
28 Par conséquent, l'Accusation a informé de cette évolution aussi bien les
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1 Défenses que le greffe.
2 Deuxièmement, concernant le Témoin numéro 228 qui a également fait l'objet
3 d'une décision de votre part hier. Je souhaiterais demander aux Juges de la
4 Chambre de réexaminer leur décision afin de pouvoir faire venir ce témoin
5 en décembre. Parce qu'avec tout le respect que je dois à Mme Korner, je
6 souhaite néanmoins dire que cette dernière n'a pas fourni un tableau
7 absolument exhaustif concernant la situation précise de ce témoin. Il
8 s'agit de coordonner la déposition de ce témoin avec sa déposition dans un
9 autre procès, et je voudrais que l'on le fasse brièvement à huis clos
10 partiel, s'il vous plaît.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en huis clos
12 partiel, Messieurs les Juges.
13 [Audience à huis clos partiel]
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6 [Audience publique]
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Krgovic, est-ce que vous avez
9 déjà fait parvenir à la Chambre une requête à cet effet, ou bien devons-
10 nous attendre ?
11 M. KRGOVIC : [interprétation] C'était une requête orale qui a été consignée
12 au compte rendu, Monsieur le Juge.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Dans ce cas, nous sommes parfaitement
14 au courant.
15 Mme PIDWELL : [interprétation] Juste encore une chose. Si ce témoin doit
16 revenir -- si je ne m'abuse, c'était un témoin qui déposait sous injonction
17 de comparaître. Par conséquent, si c'est bien le cas il faut tenir compte
18 du temps supplémentaire dont nous aurons besoin pour prendre les
19 dispositions nécessaires.
20 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous nous pencherons sur cette question
21 dans le courant de la journée.
22 Avant de faire venir le témoin, y a-t-il quoi que ce soit d'autre à
23 soulever ?
24 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bien, ce qui reste concerne le témoin lui-
25 même.
26 Il y a deux points que je souhaite aborder.
27 Tout d'abord, j'ai rencontré le témoin hier, et à cette occasion il a
28 indiqué pour la première fois souhaiter bénéficier de mesures de
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1 protection. Je souhaiterais que nous repassions à huis clos partiel afin de
2 pouvoir aborder ce point.
3 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Soit.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes de nouveau à huis clos
5 partiel, Messieurs les Juges. Je vous remercie.
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3 [Audience publique]
4 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Concernant le second point, dans votre
5 décision orale rendue le 11 novembre 2010, vous nous avez accordé 30
6 minutes d'interrogatoire pour interroger ce témoin de vive voix. Vous avez
7 déterminé que la portée de l'interrogatoire principal devait se limiter aux
8 faits relatifs à la mise en œuvre du couvre-feu. Et vous vous souviendrez
9 que des éléments contradictoires sont présents au dossier concernant la
10 mise en place du couvre-feu dans la municipalité de Doboj.
11 Comme je vous l'ai dit, le témoin occupait un poste d'une certaine
12 importance à l'époque et il est en mesure de fournir beaucoup
13 d'informations concernant ce couvre-feu.
14 Comme je l'ai déjà dit, il connaissait des membres de la cellule de
15 Crise, ce qui vous fournira les fondements mêmes sur la base desquels il
16 dépose.
17 Comme indiqué dans l'e-mail que vous avez reçu, le rythme lent avec lequel
18 le témoin a tendance à répondre pourrait nous rendre la tâche difficile
19 pour ce qui est de finir en 30 minutes. Donc je crains que 30 minutes, ce
20 soit un peu juste.
21 Un autre point que vous souhaiterez peut-être examiner concerne le
22 témoin suivant. M. Rindi m'indique que pour cet autre témoin, nous aurons
23 peut-être besoin d'un peu moins que le temps alloué qui est d'une heure.
24 Donc en tenant compte des temps alloués pour les deux témoins, peut-être
25 serions-nous en mesure d'en finir avec ces deux témoins dans la journée
26 d'aujourd'hui.
27 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc vous auriez besoin de combien
28 de temps en plus du temps qui vous a déjà été accordé ?
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1 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Trente minutes de plus, Monsieur le
2 Président.
3 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vois.
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais, Monsieur Demirdjian, nous
5 restons dans les limites du sujet, c'est-à-dire uniquement le couvre-feu,
6 n'est-ce pas, même s'il y a des éléments de contexte intéressants ?
7 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous nous concentrerons, c'est certain,
8 sur le couvre-feu. Je devrai toutefois parler un peu de son passé - de qui
9 il est, des fonctions qui étaient les siennes --
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, bien sûr.
11 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] -- mais nous en resterons, pour
12 l'essentiel, au couvre-feu.
13 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc nous passons à huis clos pour la
14 suite de l'interrogatoire du témoin.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
16 Juges, nous sommes à huis clos. Je vous remercie.
17 [Audience à huis clos]
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12 [Audience publique]
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
14 Greffier.
15 Avant de donner la parole à l'Accusation, je voudrais rendre la décision de
16 la Chambre au sujet des mesures de la protection, et je voudrais le faire
17 en public. Donc aux termes de cette décision, la Chambre indique qu'elle a
18 accordé au témoin deux formes de mesures de protection : octroi d'un
19 pseudonyme et déformation des traits du visage sur les écrans. Donc pendant
20 toute la déposition de ce témoin, on s'adressera à lui en l'appelant ST-
21 041.
22 Puis j'ai encore une chose à faire avant de donner la parole à
23 l'Accusation, c'est de demander à M. le Greffier de donner un numéro de
24 pièce à conviction à la fiche nominative signée par le témoin.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. La
26 fiche nominative concernant le témoin ST-041 devient la pièce à conviction
27 P01728, Messieurs les Juges. Je vous remercie.
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
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1 Je donne maintenant la parole à l'Accusation.
2 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.
3 Interrogatoire principal par M. Demirdjian :
4 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin ST-041, bonjour.
5 R. Bonjour.
6 Q. Avant de démarrer, je tiens à vous rappeler que ce n'est en aucun cas
7 un signe de manque de respect à votre égard, mais que nous utiliserons pour
8 nous adresser à vous votre pseudonyme, à savoir "ST-041."
9 Vous avez déjà dit aux Juges de la Chambre quelle était votre religion,
10 vous avez décliné vos nom et prénom et votre date de naissance. Je vous
11 demanderais maintenant ce qu'il en est de votre service militaire.
12 Est-ce que vous avez fait votre service militaire ?
13 R. Oui.
14 Q. En quelle année ?
15 R. En 1966 et 1967. A Nis et à Vranje, en République de Serbie.
16 Q. Vous avez également indiqué quelles ont été vos fonctions. Je ne vais
17 pas les évoquer oralement, mais je vous demande simplement s'il suffit de
18 dire que vous exerciez des fonctions d'officier supérieur ?
19 R. Oui.
20 Q. Quand avez-vous commencé à travailler pour l'organisation pour laquelle
21 vous travailliez à l'époque ?
22 R. En 1978.
23 Q. Et quand avez-vous cessé de travailler pour cette organisation ?
24 R. Le 30 avril 1992.
25 Q. Pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre comment il se fait que le
26 30 avril ait été le dernier jour de votre travail ?
27 R. Oui, bien sûr.
28 Le 30 avril 1992 était le dernier jour ouvré du mois d'avril avant la fête
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1 qui a lieu là-bas le 1er mai.
2 Autrement dit, le lendemain c'était un jour férié, donc on ne travaillait
3 pas. Le 2 mai était également un jour férié, donc pas de travail. Et dans
4 la nuit du 2 au 3 mai, Doboj a été prise par les forces serbes.
5 Q. Comment se fait-il que vous ayez cessé de travailler ? Pourriez-vous
6 nous dire plus précisément dans quelles conditions la chose s'est faite ?
7 R. Oui. Au début mai, on m'a appelé à la caserne, qui se trouve à 2
8 kilomètres à l'ouest, donc dans la banlieue ouest de Doboj. Un certain
9 commandant, le commandant Krkljes [phon], m'a remis ma démission des
10 fonctions qui étaient les miennes, démission présentée par moi.
11 Q. Vous nous avez parlé du début du mois de mai, mais pourriez-vous nous
12 citer une date précise ?
13 R. Je crois que c'était le 8 mai.
14 Q. Très bien. Vous nous avez dit que dans la nuit du 2 au 3 mai, Doboj
15 avait été prise par les forces serbes, et vous venez de faire savoir aux
16 Juges de la Chambre que vous avez été démis de vos fonctions.
17 Mais ce genre de chose est arrivé à d'autres personnes également qui ont
18 aussi été démises de leurs fonctions, n'est-ce pas, à Doboj ?
19 R. Oui. C'était assez général. A partir du 3 mai. En dehors de
20 l'obligation de travail qui a été mise en place dans certaines entreprises
21 de la ville, il est certain que toute personne qui n'était pas
22 d'appartenance ethnique serbe était démise de ses fonctions.
23 Q. Très bien.
24 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Il y a un point dont j'aimerais traiter à
25 huis clos partiel, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, s'il vous
26 plaît.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
28 [Audience à huis clos partiel]
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18 [Audience publique]
19 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie.
20 Q. Monsieur le Témoin, nous allons maintenant, comme l'a dit le Juge
21 Harhoff, parler des questions du couvre-feu.
22 Mais avant d'aborder cette question, j'aimerais vous demander
23 d'informer les Juges de la Chambre si vous aviez connaissance d'une
24 création d'une cellule de Crise serbe dans la municipalité de Doboj.
25 R. Je ne le savais pas avant la guerre. Plus tard, je l'ai appris dans la
26 rue, d'amis, de connaissances, d'officiers également. Ils m'ont informé du
27 fait qu'il y avait une cellule de Crise qui avait été créée, et que
28 certaines personnes qu'il a mentionnées d'ailleurs, qu'il a mentionnées
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1 comme étant membres de la cellule de Crise, je les connaissais. Ils m'ont
2 également dit que la cellule de Crise dirigeait tous les événements. Et cet
3 ami, en particulier, qui m'a parlé de ceci a dit qu'ils avaient redonné --
4 enfin, ils avaient donné l'autorité aux civils, et il avait dit qu'ils
5 n'auraient pas dû le faire, parce qu'ils avaient remis le tout entre les
6 mains des autorités civiles, c'est-à-dire la cellule de Crise. Donc j'ai
7 fait un lien entre cet événement et ce qui en a suivi.
8 Q. Pourriez-vous nous dire qui était cet officier ?
9 R. Cet officier s'appelait Stankovic Milovan. A l'époque, c'était le
10 commandant Stankovic Milovan. Il était commandant, il avait un grade.
11 Q. Est-ce que vous connaissiez M. Stankovic depuis un certain temps à
12 l'époque ?
13 R. Oui. Oui, je connaissais le commandant Stankovic, je l'ai connu en
14 1978.
15 Q. Et --
16 R. En fait, à l'époque, vous savez, il n'était pas commandant. Je suis
17 désolé de vous interrompre, mais c'est la même personne dont vous parlez.
18 Q. D'après vous, est-ce que vous savez -- enfin, est-ce que vous savez
19 quel était le rôle qu'il jouait dans la municipalité ?
20 R. Le commandant Stankovic avait été resubordonné, et on l'a transféré à
21 Sarajevo au sein du commandement de l'armée, et il a occupé certaines
22 fonctions. Je ne peux pas vous dire précisément quel poste il occupait, car
23 je ne veux pas faire d'erreur, je ne le sais pas exactement. Toutefois, il
24 est arrivé à Doboj à l'automne, en 1991, comme il m'a dit lui-même, pour
25 venir en aide au commandant de la garnison, Hadzic. Et c'est à ce moment-
26 là, pendant la guerre, qu'il effectuait le rôle du commandant de la défense
27 de la ville, pendant un certain temps très court, pendant un laps de temps
28 court.
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1 De sorte qu'après quelques semaines, le colonel Lisica Slavko l'a remplacé
2 en tant que commandant principal, et commandant du groupe opérationnel de
3 l'armée serbe sur ce territoire, de sorte que Stankovic n'avait plus de
4 rôle particulier à jouer, ou tout du moins, j'ignore s'il avait un rôle
5 dans la vie civile et militaire qui lui a été confiée, s'il jouait un rôle,
6 je ne sais pas ce qu'il faisait.
7 Q. Très bien. Merci. Monsieur, n'est-il pas exact que c'est un fait admis,
8 n'est-ce pas, que peu de temps après que le couvre-feu qui avait été
9 instauré dans la municipalité de Doboj --
10 Bon, premièrement, avant de vous poser la question, permettez-moi de vous
11 demander si vous aviez connaissance de ceci.
12 R. Oui. J'en avais eu connaissance, l'ayant entendu par la radio locale,
13 mais également dans la rue directement. On voyait des autocars -- des
14 automobiles, plutôt, avec des haut-parleurs dessus, sur le toit, et ils
15 disaient -- sur la toiture de l'automobile, ils disaient qu'un couvre-feu
16 avait été instauré, ils informaient la population de ce que cela voulait
17 dire.
18 Q. A quel moment avez-vous entendu parler pour la première fois d'un
19 couvre-feu ?
20 R. Immédiatement, le 3 mai -- enfin, dans la matinée du 3 mai, tout de
21 suite. Tout de suite quoi.
22 Q. Et quelles étaient les heures du couvre-feu ?
23 R. Il m'est beaucoup plus facile de vous dire à quel moment nous n'avions
24 pas de couvre-feu. Enfin, le couvre-feu n'était pas en présence, donc nous
25 ne pouvions nous déplacer librement que pendant trois heures de 24 heures.
26 Donc nous pouvions nous déplacer librement entre 8 heures et 11 heures du
27 matin, et c'était tout. Donc nous profitions de ces trois heures de liberté
28 pour aller chercher de l'eau. Il n'y avait pas d'électricité, vous savez.
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1 Donc on essayait d'aller chercher de la nourriture, de s'approvisionner en
2 denrées de toutes sortes, et c'était pendant les trois heures en question,
3 pendant le couvre-feu -- n'était pas en vigueur.
4 Q. Vous nous avez dit que des véhicules se déplaçaient dans la rue avec
5 des haut-parleurs. Est-ce que vous savez à quelle organisation appartenait
6 ces véhicules, et de quel type de véhicules s'agissait-il ?
7 R. Il s'agissait de véhicules de police, mais il y avait également
8 certains véhicules de civils qui avaient été confisqués des civils, car
9 nous savons très bien que là-bas, dans la ville, on avait pris les
10 véhicules de tous les civils, et on s'en servait pour toutes sortes de
11 choses. De façon très concrète, je ne peux pas vous dire c'était quel jour,
12 quels étaient les véhicules, mais on se servait de ces véhicules-là, on se
13 servait des véhicules militaires plus petits de taille. Il y avait des
14 transporteurs militaires, des véhicules de police. Il y avait également un
15 petit autocar qui sert d'arrestation -- plutôt, cet autocar de petite
16 taille servait d'endroit où on plaçait les personnes qu'on arrêtait dans la
17 rue. J'avais entendu dire que certaines personnes avaient eu des amendes et
18 devaient payer des amendes. D'autres personnes étaient restées en prison
19 parce qu'ils avaient été arrêtés, s'étaient fait arrêter.
20 Q. Est-ce que vous-même vous aviez vu de telles arrestations ?
21 R. Oui. Mon bâtiment donne sur un terrain vague, et en fait, les gens s'en
22 servaient comme jardin et potager. Donc il y avait un autocar qui est
23 arrivé, et j'ai vu qu'alors que les personnes essayaient de planter des
24 légumes, ils se sont fait arrêter.
25 Q. Vous dites qu'"ils se sont fait arrêter," mais qui a procédé à
26 l'arrestation de ces personnes ?
27 R. C'était la police, la police locale.
28 Q. Lorsque vous dites qu'il s'agissait de "la police," pensez-vous à la
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1 police militaire ou à la police civile ?
2 R. La police militaire et la police civile se distinguaient de par leurs
3 vêtements, et également de par le type de véhicules dans lequel ils se
4 déplaçaient.
5 D'après leurs vêtements, la police militaire et les soldats, de toute
6 façon, portaient des vêtements gris vert olive, alors que la police portait
7 des uniformes de couleur bleue. C'était des uniformes de guerre qu'on
8 appelait uniformes de guerre, mais la couleur prédominante était bleue. Et
9 la police portait des ceinturons blancs, alors que la police civile, non,
10 elle ne portait pas de ceinturons blancs. Ils avaient des ceinturons de
11 couleur régulière.
12 Q. Vous avez dit que c'était la police locale qui procédait à
13 l'arrestation des personnes. Nous n'avons pas toujours bien compris
14 laquelle des deux polices procédait à l'arrestation des personnes qui
15 étaient sous le coup du couvre-feu.
16 R. Je suis persuadé - et tous, nous savons de quoi il s'agit - c'étaient
17 des membres de la police militaire et de la police civile. Et pour moi, en
18 tant que soldat, il n'y a qu'une police, la police locale. D'après moi, ces
19 derniers devaient protéger les citoyens et leurs biens, alors que ces
20 derniers ne faisaient pas du tout leur travail, malheureusement.
21 Q. Est-ce que vous saviez qui était le chef de la police civile à Doboj ?
22 R. Je ne le connais pas personnellement, je sais quel était son nom. Il
23 s'appelait Andrija Bjelosevic.
24 Q. Toujours en parlant du couvre-feu, pourriez-vous vous dire aux Juges de
25 la Chambre à qui s'appliquait ce couvre-feu ?
26 R. En principe, il s'appliquait à tous les citoyens, d'après la
27 proclamation, d'après l'interprétation. Mais en pratique, le couvre-feu
28 n'était que pour les personnes qui n'étaient pas serbes. Je peux le dire
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1 vraiment, en toute confiance, je le sais pertinemment, c'était clair comme
2 le jour, les personnes qui n'étaient pas de nationalité serbe étaient
3 soumises au couvre-feu.
4 Q. Alors, êtes-vous en train de nous dire que la plupart des non-Serbes
5 s'étaient fait prendre ? Est-ce que vous avez vu des Serbes marcher dans la
6 rue ?
7 R. Oui, oui. Oui, tous les jours, je voyais des Serbes se déplacer dans la
8 rue. Je ne sais pas pour quelles raisons. Probablement, pour aller
9 travailler. Mais je les voyais dans la rue, effectivement, oui.
10 Q. Pour être tout à fait précis, dans quelle partie de la ville de Doboj
11 habitiez-vous ?
12 R. J'habitais tout près du centre, dans la partie ouest de la ville. Donc
13 mes fenêtres donnaient sur un terrain ouvert, vague, en direction de la
14 garnison.
15 Q. Et lorsque vous dites que votre appartement se trouvait près du centre,
16 y avait-il un bâtiment qui revêtait une importance particulière et qui se
17 trouvait tout près de l'immeuble dans lequel vous habitiez ?
18 R. Tout près de mon appartement, il y avait un centre secondaire, d'études
19 secondaires, et c'était environ à 150 mètres à vol d'oiseau. Il y avait un
20 très grand nombre de personnes qui se rassemblaient devant cette école, ou
21 ce centre écolier, comme on l'appelait, et ils avaient été transportés vers
22 un pays tiers. Mais je sais que ce n'est pas la question que vous m'avez
23 posée, je suis désolé.
24 Q. A Doboj, il y a une route, une rue principale, il y a un tribunal, un
25 poste de police. J'aimerais savoir, votre appartement se trouvait à quelle
26 distance par rapport à ces deux bâtiments que je viens de donner,
27 d'énumérer ?
28 R. Je pourrais me tromper, mais disons, entre 200 à 300 mètres, en
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1 direction ouest.
2 Q. Fort bien. Pour ce qui est de la longueur de l'imposition du couvre-
3 feu.
4 Il est un fait admis dans cette affaire que des centaines de
5 Musulmans et de Croates avaient été détenus à Doboj, après la prise de
6 Doboj. J'aimerais savoir si vous avez subi le même sort.
7 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas s'il
8 s'agit d'une question directe, le fait de donner des opinions personnelles
9 qui découlent des faits que nous avons entendus, et je ne crois pas que
10 ceci convient à la procédure.
11 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voulais simplement vous informer,
12 Monsieur le Président, de la façon dont le témoin a pu se rendre compte de
13 la longueur du couvre-feu. Alors, il a peut-être pu le dire, si c'était
14 pendant qu'il était détenu ou pendant qu'il était en liberté; c'est à ça
15 que je faisais allusion.
16 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je ne vois pas de problème avec la
17 question, elle ne me gêne absolument pas.
18 M. CVIJETIC : [interprétation] Bien, vous savez, à la fin, mon collègue a
19 reformulé sa question; donc il faut poser une question de façon directe. A
20 ce moment-là moi non plus je n'ai pas de problème avec la question.
21 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très bien.
22 Q. Avez-vous été détenu pendant une certaine période de
23 temps ?
24 R. Oui. Oui, j'ai été détenu à deux reprises au poste de police, mais on
25 m'a relâché.
26 Et une fois, j'ai été arrêté par la police militaire, et j'avais été emmené
27 dans l'enceinte de la garnison. C'est là que j'ai passé presque quatre
28 jours et trois nuits. Et grâce à certains amis, entre autres - je peux vous
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1 donner des noms, si vous le souhaitez - j'ai été relâché et on m'a laissé
2 partir à la maison.
3 Q. Bien. Merci. Je ne voulais pas entrer dans les détails de votre
4 détention. Mais simplement pour que les Juges de la Chambre puissent
5 comprendre exactement la situation, vous avez été détenu pendant presque
6 quatre jours, vous nous avez dit.
7 Pourriez-vous nous dire quand c'était ?
8 R. C'était au mois de mai.
9 Q. Par rapport au reste de l'année ou à l'année en question, est-ce que
10 vous avez été détenu pendant une autre période de temps, pendant cette
11 année-là ?
12 R. Après le mois de mai, non, je n'ai pas été détenu.
13 Q. D'accord. Merci. Après avoir été libéré, est-ce que vous savez si le
14 couvre-feu était encore en vigueur ?
15 R. Oui, tout à fait, oui, oui.
16 Q. Pouvez-vous nous dire jusqu'à quand ce couvre-feu était en vigueur ?
17 R. Malheureusement, je ne peux pas être tout à fait précis, mais je crois
18 que c'était jusqu'à la fin de l'année. Je crois que le couvre-feu était
19 instauré, a duré toute cette période. Je ne suis pas tout à fait si c'était
20 pendant toute la période en entier. Je ne sais pas si c'était 21 heures de
21 couvre-feu pendant l'ensemble de la période, ou si, plus tard, on avait
22 relaxé un peu les heures du couvre-feu, je ne peux pas vous le dire. Mais
23 je sais que le couvre-feu était en vigueur pendant très longtemps.
24 Q. Jusqu'à quand êtes-vous resté à Doboj ?
25 R. Je suis resté à Doboj jusqu'au 25 octobre 1993.
26 Q. Monsieur, vous avez mentionné un peu plus tôt le fait que M. Stankovic
27 vous a parlé de la cellule de Crise, de la création d'une cellule de Crise.
28 Et j'aimerais vous demander si vous savez quelles étaient les autorités qui
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1 avaient imposé ce couvre-feu ?
2 R. Je me suis entretenu avec Stankovic sur la question, car en fait, la
3 raison pour laquelle je me suis entretenu avec lui, c'était de savoir de
4 quelle façon nous pouvions nous assurer que nos maisons ne soient pas
5 fouillées, que nous soyons protégés comme citoyens. C'est à ce moment-là
6 qu'il m'a dit, on a remis trop rapidement le tout entre les mains de la
7 cellule de Crise aux autorités civiles; donc qu'il était déçu à cause de
8 cela parce que lui, personnellement, ne pouvait pas faire grand-chose pour
9 venir en aide à une personne qui avait besoin d'aide.
10 Et s'agissant de la cellule de Crise, j'ai appris son existence -- et
11 lorsque j'ai appris son existence, j'ai estimé qu'il s'agissait d'un organe
12 illégal, puisque après les élections multipartites, on a procédé à la
13 création d'une autorité qui s'appelait assemblée, il y avait un président.
14 Et à plusieurs autres niveaux, on a partagé l'autorité de cette façon-là.
15 Et tout d'un coup cette entité est apparue qui s'appelait "cellule de
16 Crise," et à la tête de cette cellule de Crise se trouvaient des personnes
17 dont je me rappelle certains noms et d'autres pas.
18 Q. Vous avez parlé aux Juges de la Chambre du fait que dans votre
19 appartement il y avait des potagers, et les personnes pouvaient planter des
20 légumes dans ce potager. J'aimerais savoir de quelle façon est-ce qu'on
21 procédait à l'irrigation de ces jardins. Est-ce qu'ils avaient accès à
22 l'eau, par exemple ?
23 R. Oui.
24 M. CVIJETIC : [interprétation] Excusez-moi. Pour nous en tenir à la mise en
25 garde du Juge Harhoff, j'aimerais demander que l'on ne s'éloigne pas trop
26 du sujet de la cellule de Crise.
27 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Cette question, justement, porte sur
28 l'imposition du couvre-feu.
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1 M. ZECEVIC : [interprétation] Mais je ne crois pas du tout qu'on ait
2 répondu à votre question précédente. Je crois que la question était de
3 savoir quelle était l'autorité qui avait imposé le couvre-feu, et on n'a
4 pas répondu, vous n'avez pas obtenu de réponse à votre question. Mais la
5 raison principale c'était justement que dans votre question, vous avez
6 suggéré le fait -- vous avez parlé d'une cellule de Crise. Et le témoin
7 nous a tout expliqué sur les cellules de Crise, sur le fonctionnement de la
8 cellule de Crise, sauf qu'il ne nous a pas donné de réponse à votre
9 question, ce qui est pertinent pour ce qui est des faits jugés. Et
10 maintenant, on passe aux pompes hydrauliques…
11 Je suis désolé.
12 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très bien. Alors, je vais poser une
13 question de façon directe.
14 Q. Vous avez entendu l'intervention de la Défense. J'aimerais savoir si
15 vous savez quelle était l'autorité qui avait imposé le couvre-feu ?
16 R. De façon concrète, je ne le sais pas. S'agissant du couvre-feu, j'en ai
17 entendu parler, je l'ai vu, je l'ai senti sur ma propre personne. Qui a
18 procédé à la création de cette cellule de Crise, qui siégeait lors des
19 réunions de la cellule de Crise, qui avait décidé de la création de la
20 cellule de Crise, je ne le sais réellement pas.
21 Q. Dernière question avant de passer à autre chose. Vous avez dit que vous
22 avez entendu parler du couvre-feu à la radio. J'aimerais savoir si à la
23 radio on avait dit que le couvre-feu avait été imposé par une certaine
24 autorité, si vous savez par qui, qui avait créé ce couvre-feu ? Qui était
25 derrière ce couvre-feu ?
26 R. Je crois que c'était la cellule de Crise. C'est la cellule de Crise qui
27 avait décidé d'imposer le couvre-feu avec la police, de concert avec la
28 police, puisqu'à la radio on avait dit qu'un couvre-feu avait été instauré.
Page 17807
1 Et il y avait également les personnes qui se déplaçaient dans la rue et qui
2 avertissaient les personnes de façon officielle. Mais à la radio on avait
3 entendu dire que d'après les demandes et d'après une décision, on a
4 instauré un couvre-feu, et je crois qu'on a également parlé de la cellule
5 de Crise, d'une création de la cellule de Crise faite suite à une
6 proposition du président du chef de la police. Il m'est bien difficile de
7 répondre de façon plus concrète après tant d'années. Il m'est bien
8 difficile de vous donner la chronologie des événements. Vous savez, ces
9 événements sont des événements difficiles que l'on tente d'oublier.
10 Q. Très bien. Merci.
11 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, il me reste encore
12 deux ou trois minutes après la pause et j'en aurai terminé avec
13 l'interrogatoire principal.
14 M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]
15 [Le témoin quitte la barre]
16 FIN DU TEXTE
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.
18 [Le témoin vient à la barre]
19 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.
20 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant que vous ne terminiez votre
21 interrogatoire principal, Monsieur Demirdjian, je souhaiterais revenir sur
22 un point qui a été soulevé par l'Accusation.
23 Au début de notre séance d'aujourd'hui, lorsque l'Accusation a
24 demandé aux Juges de la Chambre de réexaminer la décision rendue hier
25 concernant le Témoin 228. La Chambre, en raison du caractère insuffisant
26 des informations disponibles à ce stade, n'est pas en mesure de prendre une
27 décision à cet égard. Cependant, la Chambre souhaite signaler qu'elle est
28 disposée à accéder à cette requête à condition que le témoin soit en mesure
Page 17808
1 de se présenter à la date du 10 janvier 2011, le lundi 10 janvier donc,
2 pour déposer dans la présente affaire. Et il en découlerait, bien entendu,
3 que la déposition du Témoin Brown aurait à être reportée jusqu'à la semaine
4 suivante. Mais comme je le disais, il ne s'agit en rien d'une décision
5 finale sur ce point. C'était simplement à titre indicatif que je souhaitais
6 le signaler.
7 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Je souhaite profiter de l'occasion pour signaler l'arrivée dans le prétoire
9 de M. Rindi qui interrogera le témoin suivant, ainsi que de Mme Susanti qui
10 remplacera M. Smith la semaine prochaine.
11 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre.
12 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.
13 Q. Avant la pause, en ligne 16 de la page 20, vous avez indiqué un
14 commentaire de la part de M. Stankovic concernant le transfert du pouvoir
15 aux autorités civiles, et quant à la raison pour laquelle ce pouvoir avait
16 été transféré. Vous avez parlé d'un lien entre ceci et les événements qui
17 devaient suivre. Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre quel était ce
18 lien ?
19 R. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce qu'on attend de moi
20 concernant ce lien. (expurgé)
21
22
23
24 rencontrions souvent, nous nous complétions d'une certaine manière, avions
25 de la compréhension l'un pour l'autre, et nous coopérions. Quant à la
26 question de savoir -- enfin, si la question était de savoir si je
27 connaissais le commandant Stankovic et de quelle manière, si c'était la
28 question que vous me posiez.
Page 17809
1 Q. Juste un instant, Monsieur le Témoin. Je voudrais juste m'assurer que
2 vous avez compris ma question.
3 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] A la ligne 8 de la page 30, le témoin a
4 dit : "…mon travail," puis il a dit au sein de quelle instance. Je me
5 demande si nous ne devrions pas expurger ce passage.
6 M. LE JUGE HALL : [interprétation] En effet.
7 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
8 Q. Je voudrais reformuler la question.
9 Avant la pause, vous nous avez dit que M. Stankovic s'était adressé à
10 vous et qu'il avait fait un commentaire portant sur le transfert du pouvoir
11 aux autorités civiles. Vous avez dit que : "c'était la cellule de Crise…"
12 Vous avez indiqué qu'il avait établi un lien entre le transfert du
13 pouvoir et les événements qui devraient suivre. Et ce que je souhaite vous
14 demander maintenant, c'est la nature de ce lien que vous avez évoqué, le
15 lien, en tout cas, dont lui a fait état.
16 R. Oui, j'ai compris maintenant.
17 Du point de vue de la sécurité des citoyens en ville, confrontés
18 qu'ils étaient à des persécutions, harcèlement, mauvais traitements,
19 pillages et autres événements négatifs, il m'a dit - et il l'a dit dans ce
20 contexte-là - que c'était prématurément que lui avait transféré le pouvoir
21 aux autorités civiles. Quand il disait, "ils" au pluriel, lui, il pensait à
22 la JNA. Parce qu'il voulait dire qu'il n'était pas en mesure d'apporter son
23 aide à ceux qui en avaient besoin, aux civils.
24 Or, il était tout à fait disposé à le faire, il voulait aider, et je
25 connais de nombreux cas où il l'a d'ailleurs fait. Il a aidé des personnes
26 dans certains cas individuels.
27 Q. Très bien. Quand vous dites "il pensait à l'armée," est-ce que lui, il
28 vous a indiqué à qui il pensait exactement lorsqu'il a parlé de transfert
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1 du pouvoir aux autorités civiles, à qui pensait-il que ce transfert avait
2 bénéficié ?
3 R. J'ai appris, sur la base d'une conversation, qu'il s'agissait, en tout
4 cas pour ce que j'en ai compris, de l'autorité militaire qui avait été
5 transférée au soi-disant secteur civil, c'est-à-dire à la cellule de Crise,
6 à la police civile, et à d'autres instances civiles qui fonctionnaient à
7 l'époque sur le territoire où je me trouvais.
8 Q. Très bien. Le dernier point sur lequel j'aimerais revenir c'est celui
9 des pompes assurant l'irrigation et l'approvisionnement en eau, la fontaine
10 qui se trouvait en face de votre appartement, en fait, Monsieur le Témoin.
11 Est-ce que les gens pouvaient s'approvisionner en eau pendant la
12 période dont vous avez parlé, c'est-à-dire entre 8 heures et 11 heures du
13 matin; c'était bien ça ?
14 R. Oui, c'était la seule pompe disponible dans mon quartier où nous
15 nous approvisionnions. Avant cela, cette pompe était utilisée
16 principalement par les jardiniers, par les personnes qui cultivaient ces
17 lopins de terre; alors qu'une fois que nous avons commencé à l'utiliser,
18 nous, c'était principalement pour avoir accès à de l'eau potable et
19 également pour pouvoir répondre aux besoins d'hygiène de la population.
20 A un moment, la police nous a interdit de nous approvisionner en eau
21 à cet endroit, indépendamment de la question de savoir si c'était pendant
22 la période des trois heures s'étendant de 8 heures à 11 heures du matin,
23 pendant laquelle nous étions autorisés à nous déplacer. Donc même pendant
24 cette tranche horaire, on nous a interdit de nous approvisionner en eau à
25 cette pompe. Elle a même été condamnée au moyen d'une sorte de chaîne, et
26 on nous a fait partir de cet endroit.
27 Q. Oui, c'est ce que j'essayais d'obtenir. Vous nous avez dit que
28 c'était indépendant du moment de la journée où les gens auraient pu
Page 17811
1 éventuellement s'y aventurer. Mais est-ce que vous savez si quiconque a été
2 arrêté entre 8 heures et 11 heures du matin ?
3 R. Non, je n'ai pas vu d'arrestation, parce qu'en fait, il était
4 dangereux de se déplacer à tout moment de la journée. Les déplacements
5 étaient restreints. Je ne pourrais pas vous répondre. J'étais blessé, et
6 pourtant je ne me suis pas rendu chez le médecin, parce qu'il était plus
7 facile de supporter la douleur que de prendre le risque de faire ce trajet
8 de quelques centaines de mètres pour aller le médecin. En tout cas, je n'ai
9 pas vu moi-même d'arrestations se produire devant mon appartement, à ceci
10 près que - et je l'ai indiqué précédemment dans ma déposition - un autobus
11 a été utilisé pour arrêter ceux qu'on retrouvait dans la rue ou à proximité
12 -- à quelque endroit public que ce soit pendant la durée du couvre-feu. De
13 telles personnes étaient arrêtées et emmenées. Je suppose qu'on les
14 emmenait à la police. Parce que certains d'entre eux revenaient pour
15 raconter qu'ils avaient payé une amende pour être ensuite relâchés et
16 qu'ils étaient ensuite rentrés chez eux.
17 Q. Une dernière question encore sur ce point. Est-ce que vous
18 connaissez le cas d'une personne qui aurait été arrêtée pour violation du
19 couvre-feu ? Est-ce que vous en auriez au moins un exemple ?
20 R. Je pense que cela concerne les personnes qui étaient juste à côté
21 de la rue sur ces lopins de terre cultivés. Que c'est à ce moment-là, en
22 fait, que l'autobus de la police est arrivé et qu'ils ont été arrêtés et
23 emmenés.
24 Je me rappelle qu'il y avait un certain Radovan, de son prénom, et
25 j'ai trouvé ça assez paradoxal, j'ai demandé pourquoi il avait été arrêté,
26 parce que jamais on arrêtait les Serbes. On m'a expliqué qu'il n'était pas
27 un Serbe, que c'était un Croate d'Herzégovine, et que là-bas les gens
28 portent parfois ce type de prénoms qui feraient penser à une appartenance
Page 17812
1 ethnique serbe.
2 Q. Avant de terminer, vous nous avez indiqué que vous êtes parti en
3 octobre 1993. Est-ce que vous pourriez indiquer aux Juges de la Chambre les
4 raisons de votre départ ?
5 R. Je suis parti avant tout pour assurer ma sécurité personnelle et celle
6 de ma famille. Dès le début du mois de mai 1992, et ce, jusqu'au 25 octobre
7 1993, c'est quotidiennement que l'on assistait à des départs de la
8 population non-serbe. Les personnes étaient regroupées devant le centre des
9 écoles secondaires, à partir d'où elles étaient transportées par autobus.
10 Certains, d'après ce que j'ai entendu dire, étaient transportés en passant
11 par le poste-frontière de Gradiska, certains par la Croatie, jusqu'à des
12 Etats tiers.
13 Et ma sœur se trouve actuellement en Australie. C'est un fait que ma
14 famille était éparpillée dans le monde entier. Moi, je suis aux Pays-Bas.
15 De notre fratrie, qui comptait quatre personnes, il n'y en a plus qu'un,
16 mon frère, qui habite sur place. Voilà de quoi il s'agit. Moi, j'appelle ça
17 du nettoyage ethnique. Je ne sais pas comment on qualifie ça en droit. Je
18 ne suis pas sûr de pouvoir le dire à 100 %, mais à 99 % de certitude je
19 dirais que la normalisation et le retour n'ont pas eu lieu. Je ne crois pas
20 que la situation l'ait permis.
21 Enfin, j'espère c'est la question que vous me posiez en tout cas.
22 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. CVIJETIC : [interprétation] Juste un instant. Avant de poser des
25 questions au témoin, je souhaiterais que nous passions à huis clos partiel,
26 voire, comme me l'indique Me Zecevic à l'instant, à huis clos.
27 M. LE JUGE HALL : [interprétation] A huis clos; pour quelle raison ?
28 M. CVIJETIC : [interprétation] En fait, un huis clos partiel suffira.
Page 17813
1 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc huis clos partiel.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
3 Messieurs les Juges.
4 [Audience à huis clos partiel]
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13 [Audience publique]
14 M. CVIJETIC : [interprétation]
15 Q. Monsieur le Témoin, juste après la prise de la ville et son occupation,
16 la municipalité serbe de Doboj a été constituée. A la tête de cette
17 dernière, Drago Ljubicic a été nommé président de la municipalité, enfin --
18 et Borislav Paravac a été nommé président du comité exécutif de la ville,
19 alors que le commandant Stankovic a été nommé commandant de la défense de
20 la ville. Est-ce que ce que je viens de dire est exact ?
21 R. Oui, c'est exact.
22 Q. L'état de guerre a été proclamé par la cellule de Crise précédemment
23 mise en place, qui a également imposé un couvre-feu, a nommé des
24 commissaires en charge de toutes les entreprises et des institutions et
25 organes municipaux, et a également émis un ordre de mobilisation adressé à
26 l'ensemble de la population serbe; est-ce exact ?
27 R. Oui.
28 Q. Donc vous conviendrez avec moi qu'il n'y a aucun doute quant au fait
Page 17817
1 que c'est la cellule de Crise qui a institué ce couvre-feu, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, en tant qu'instance supérieure la plus haut placée.
3 Q. Oui, terminez.
4 R. Oui, je crois que c'était l'organe suprême de la municipalité sur le
5 plan politique.
6 Q. Je disais que -- je vous disais de terminer, mais en fait, c'était ma
7 question suivante, vous avez anticipé.
8 Je vais maintenant vous présenter un document. Je voudrais qu'on
9 affiche le document 1D260 à l'écran, s'il vous plaît.
10 Q. Je vous donnerai quelques instants pour prendre connaissance du texte
11 avant de vous poser des questions. Ce document a un lien avec les questions
12 que je vous ai posées jusqu'à présent. Donc veuillez en prendre
13 connaissance.
14 R. Oui, je vois ce qui est écrit ici. Mais moi, bien sûr, je n'avais
15 jamais vu ce document jusqu'à aujourd'hui, et je ne vois pas non plus qui a
16 signé ce texte.
17 Q. Je supposais que vous n'aviez pas vu ce document jusqu'à aujourd'hui,
18 mais maintenant, vous le voyez. Donc c'est la cellule de Crise qui a édicté
19 les mesures liées aux violations du couvre-feu avec interdiction de
20 rassemblements publics et définition d'un certain nombre de sanctions qui
21 étaient envisagées, n'est-ce pas ? Vous voyez cela ?
22 R. Oui, je le vois maintenant. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure, je ne
23 l'avais pas vu jusqu'à présent.
24 Q. Oui. D'ailleurs, c'était la question que je voulais vous poser.
25 Conviendrez-vous, sans revenir sur votre réponse précédente, que la
26 cellule de Crise était bien l'organe qui décidait tout, l'organe numéro un,
27 s'agissant de régir la vie quotidienne au sein de la municipalité, à cette
28 époque-là ?
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1 R. Je pense que oui.
2 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Toutes mes excuses, mais je prierais Me
3 Cvijetic de bien vouloir nous montrer, dans ce document à quel endroit le
4 couvre-feu est mentionné. J'ai essayé de le lire rapidement, mais je n'ai
5 rien trouvé.
6 M. CVIJETIC : [interprétation] Au paragraphe 1, on évoque des dispositions
7 destinées à restreindre les déplacements, et il est indiqué que personne
8 n'est autorisé à se trouver à l'extérieur pendant le couvre-feu. Une
9 référence est également faite à la décision prise par la cellule de Crise.
10 Donc le couvre-feu est mentionné au paragraphe 1. Nous avons
11 également la déposition de ce témoin qui indique que c'est la cellule de
12 Crise qui a imposé le couvre-feu.
13 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je ne trouve pas le mot "couvre-feu" dans
14 le texte, et je ne vois pas qu'il soit question d'avoir imposé un couvre-
15 feu ou un horaire particulier pour le couvre-feu.
16 Il est question de déplacement et de personnes qui errent dans les rues,
17 mais aucune mention d'horaire précise ne figure dans le texte. Et il n'est
18 pas vraiment question d'un couvre-feu en tant que tel.
19 M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, je suis d'accord. Toutes mes excuses.
20 Je suis d'accord. Mais demandons au témoin de préciser.
21 Q. Monsieur, dans ce document, il est précisément fait état de l'époque
22 dont vous avez parlé, époque où se déplacer, où se retenir un certain temps
23 dans la rue était interdit, en dehors de l'horaire autorisé pour faire ses
24 courses.
25 Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus ?
26 R. On voit que cette décision a été prise par la municipalité serbe de
27 Doboj, dans le respect des règles permettant de faire régner le droit et
28 l'ordre, règles qui autorisaient un certain nombre d'interdits à être
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1 imposés.
2 J'affirme que les déplacements ont été restreints pendant toute la journée,
3 en dehors de la tranche horaire, 8 à 11 heures du matin. Je ne vois pas qui
4 a signé ce document, mais cela ne n'importe guère, parce que
5 personnellement, j'en ai ressenti les conséquences dans ma chair.
6 Q. Oui, c'est clair. Mais au paragraphe 1, il est indiqué que toute
7 personne trouvée dans les rues en dehors de ce laps de temps, tranche
8 horaire autorisée donc pour faire ses courses, en subirait les
9 conséquences, n'est-ce pas ? Vous voyez ce passage ?
10 R. Oui.
11 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Aucune mention n'est faite à une
12 quelconque période de temps dans le document. Aucun horaire n'est indiqué.
13 Toutes mes excuses.
14 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je me demandais, Maître Cvijetic, parce
15 qu'il existe un autre document qui est le frère jumeau de celui-ci -- en
16 effet, s'agissant des questions que vous avez posées au témoin jusqu'à
17 présent, dans l'article 1.1, nous trouvons tous les éléments nécessaires.
18 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai montré au témoin
19 ce document dans la partie de sa déposition atteinte actuellement, et parce
20 qu'il a affirmé que l'organisme principal qui régissait le déroulement de
21 la vie au quotidien dans la municipalité de Doboj était la cellule de
22 Crise. Par ailleurs, il a affirmé que la cellule de Crise avait imposé le
23 couvre-feu, avait mis en place la mobilisation, et nous voyons, d'après
24 l'intitulé de ce document, que la cellule de Crise envisageait également de
25 punir toute personne qui serait restée dans les rues en dehors des heures
26 autorisées pour faire ses courses. C'est ce qui a été évoqué par le témoin
27 dans sa déposition.
28 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais apparemment, ce n'est pas une
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1 réponse aux préoccupations exprimées par M. Demirdjian, si nous avons bien
2 compris. En effet, ce dernier évoque l'article 1.1 de ce document que vous
3 avez soumis au témoin, et indique en toute bonne foi que dans ce paragraphe
4 1.1, il n'y a pas la moindre mention d'une tranche horaire ou d'un couvre-
5 feu, le mot "couvre-feu" n'étant pas écrit. C'est de là que vient la
6 difficulté.
7 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Deuxième point, Monsieur le Président,
8 c'est la façon dont Me Cvijetic évoque la déposition du témoin au
9 principal. Il renvoie le témoin à une partie de sa déposition où il aurait
10 parlé de la cellule de Crise et de la police. Mais c'est un peu une façon
11 déformée d'évoquer la déposition du témoin. Je pense que nous devons être
12 prudents, et éviter d'agir ainsi.
13 M. CVIJETIC : [interprétation] Je vais poser la question plus clairement au
14 témoin.
15 Q. Monsieur, au paragraphe 1 que vous avez sous les yeux - et vous pouvez
16 lire ce qui est écrit - est-ce qu'on trouve le moindre rapport dans ce
17 paragraphe avec l'objet de votre déposition jusqu'à présent ? Est-ce que
18 ceci concerne l'horaire précis pour faire ses courses, et est-ce qu'il
19 s'agit d'un horaire bien défini ?
20 R. Je ne peux pas être absolument certain que ce document évoque la mise
21 en place du couvre-feu sur le terrain.
22 Ce document qui comporte un certain nombre de principes vient de
23 l'organisme le plus important qui prévoyait comment chacun devait se
24 comporter dans telle ou telle circonstance. Mais il n'y est pas question
25 d'un horaire particulier faisant l'objet d'un interdit; il est simplement
26 écrit que des amendes seront imposées. Alors, qui a appliqué cette
27 décision, je crois que c'est à cette personne qu'il faudrait poser les
28 questions. Quelqu'un a fait suivre ce texte des faits, et je crois qu'il
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1 serait logique que le chef de la police ait respecté ce document et que le
2 commandant de la ville l'ait respecté également, que d'autres instances
3 importantes participant à l'implication de cette décision, c'est-à-dire les
4 organes sociopolitiques les plus importantes de la population aient
5 respecté ce document sur des parties de territoire déterminées, en tout
6 cas.
7 Voilà ma réponse. Je ne peux pas vous dire exactement ce que l'auteur
8 avait en tête.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Permettez-moi.
10 Monsieur le Témoin, une question simple. Vous nous avez dit que vous aviez
11 entendu parler du couvre-feu à la radio.
12 Est-ce que c'est ce qui est écrit ici, au paragraphe 1 ? Est-ce que
13 ce qui figure dans ce document, c'est ce que vous avez entendu à la radio ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends ce que vous voulez dire,
15 Monsieur le Juge. Non, ce ne sont pas les mots exacts que j'ai entendus à
16 la radio. Ils ont des animateurs, des speakerines qui lisent des textes
17 officiels avec des haut-parleurs. Alors, il était question de restriction
18 des déplacements, il était question d'imposer des amendes et des interdits
19 à toute personne qui errerait dans les rues; et voilà, c'était assez
20 général. Nous avons maintenant quelque chose de plus précis où il est
21 question d'un horaire qui va de telle heure à telle heure. Les déplacements
22 après 11 heures du matin et avant 8 heures du matin étaient interdits,
23 autrement dit circuler dans les rues n'était autorisé au total que trois
24 heures dans la journée, entre 8 heures et 11 heures du matin.
25 Je ne peux pas tirer mes propres conclusions personnelles. A mon avis, ceci
26 est simplement un projet de texte qui a été élaboré par quelqu'un pour
27 instaurer de l'ordre dans la ville. Quant à l'identité de ceux qui l'ont
28 appliqué et qui ont pris d'autres décisions à partir de ce projet de texte,
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1 je ne la connais vraiment pas. Il est logique que la police et l'armée
2 aient participé aussi à tout cela.
3 M. CVIJETIC : [interprétation]
4 Q. D'accord. Alors, vous venez de parler de l'armée, est-ce que vous
5 conviendrez avec moi que dans cette période, ou dans une partie de cette
6 période, la ville était sous administration militaire, pratiquement ?
7 R. Oui.
8 Q. Comment expliquez-vous cela ?
9 R. Après que l'armée serbe est entrée dans la ville, dans la nuit du 2 au
10 3, disons, quelque temps après - je ne sais pas exactement combien de temps
11 - une semaine ou deux après, l'administration militaire fonctionnait dans
12 le respect de ses propres règles. Et moi, je ne saurais pas dire avec
13 certitude jusqu'à quand c'est l'administration militaire qui a fonctionné,
14 et à partir de quand ce sont les instances civiles qui ont repris le
15 fonctionnement de la ville entre leurs mains. Mais tout cela, je l'ai
16 découvert plus tard, et je l'ai déjà expliqué au début de ma déposition,
17 ici. C'est un peu par hasard que j'ai entendu parler de cela par la bouche
18 de M. Stankovic.
19 Q. Vous avez dit que Milovan Stankovic avait été remplacé par le colonel
20 Lisica, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Connaissez-vous certaines des mesures qu'il a prises en tant que
23 commandant de la ville, autrement dit certaines restrictions, certaines
24 limitations qu'il aurait imposées en tant qu'officier de l'armée à la tête
25 de la ville ?
26 R. Pas précisément. Je n'étais pas dans une position me permettant d'être
27 informé de cela. Mais ce que je sais, c'est qu'il a déclaré à la radio que
28 le peuple serbe était plus malheureux que les autres. Il a fait des
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1 déclarations incendiaires en disant que les gens avaient le droit de
2 s'emparer d'objets ou de biens appartenant à d'autres personnes, dans leurs
3 maisons. Et moi, j'ai interprété cela - toutes mes excuses à vous, à
4 l'Accusation et aux Juges - mais j'ai interprété cela comme une invitation
5 au pillage parce que la guerre faisait rage. Je suis désolé de dire cela
6 devant les Juges de la Chambre. Mais malgré tout, il n'y avait pas encore
7 la guerre à Doboj. Et la preuve de cela, c'est le dernier numéro du journal
8 local qui avait pour titre à l'époque "Glasko --"
9 L'INTERPRÈTE : Un mot que l'interprète n'a pas entendu.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] -- qui disait que Doboj avait été libéré sans
11 qu'une seule balle ait été tirée. Donc j'ai été tout à fait choqué --
12 M. CVIJETIC : [interprétation]
13 Q. Vous allez entendre des questions précises sur ce sujet. Savez-vous que
14 le colonel Lisica a mobilisé des hommes sur le territoire de la
15 municipalité de Doboj ?
16 R. Oui.
17 Q. Savez-vous que lui-même a mobilisé la police civile et dépêché le chef
18 de la police sur le front ?
19 R. Non. Mais ce que je sais sur la base du système de subordination et de
20 la chaîne hiérarchique, c'est que si sur un territoire déterminé il y a des
21 combats, ou si on s'attend à ce que des combats commencent, en principe, et
22 dans le respect de la loi, la police civile est resubordonnée à un
23 commandement militaire supérieur. Je crois que c'est comme ça que les
24 choses fonctionnent dans tous les pays du monde.
25 Quant à la mobilisation, j'ai vu comment elle s'est pratiquée au centre de
26 la JNA et à la caserne lorsque je m'y suis trouvé en détention. Maintenant,
27 savoir si c'est lui ou quelqu'un d'autre qui a donné les ordres pour ce
28 faire, je ne sais pas.
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1 Q. D'accord. Encore une fois, vous avez anticipé mes questions suivantes.
2 Puisque vous faisiez le travail qui était le vôtre, vous connaissez très
3 bien toutes ces questions.
4 Alors, dites-moi, est-ce que Doboj a été pilonnée pendant cette période, ou
5 en tout cas, pendant une partie de cette période ?
6 R. Au début, non. Cela s'est passé au milieu de l'année, la chute d'un
7 obus ou deux. Pendant un moment, nous avons été surpris de voir arriver ces
8 obus de l'ouest, ou plutôt, plus précisément, du nord-ouest, et nous étions
9 certains que cet obus ne venait pas du territoire ennemi, mais de notre
10 propre territoire.
11 Q. Je vais vous poser des questions plus précises --
12 R. Oui, pas de problème.
13 Q. Combien y a-t-il eu de victimes suite à ce pilonnage de Doboj ?
14 Veuillez répondre.
15 R. Il y a eu des victimes, mais je n'en connais pas le nombre. Ce n'était
16 pas un nombre important; ça, j'en suis sûr, parce qu'en général, il y avait
17 toujours une alerte pour l'information des civils avant un pilonnage. C'est
18 comme cela que cela fonctionnait, Messieurs les Juges.
19 Q. Est-ce que vous pourriez répondre précisément ?
20 R. On allait dans la cave, et l'obus était envoyé par la partie d'en face.
21 Pour être précis, dans mon quartier, j'ai vu deux ou trois obus toucher le
22 sol. L'un a atterri devant l'entrée de chez moi et a brisé une fenêtre.
23 Personne n'a été blessé. Et un autre obus a atterri dans une cour, non loin
24 de chez moi, et personne n'a été blessé là non plus. Je crois qu'un obus
25 est tombé tout près du SUP, et je crois qu'un homme a été blessé à ce
26 moment-là, un homme qui rentrait chez lui à partir de l'hôpital, il a été
27 blessé. Mais c'est un peu une exception.
28 Q. Un mémorial a été élevé à la mémoire des victimes de ce pilonnage. Est-
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1 ce que vous le savez ?
2 R. Il y a un mémorial devant le bâtiment du SUP
3 c'est un mémorial en l'honneur des policiers tombés au combat, avant tout,
4 des policiers tombés sur le front, qui ont donc été tués pendant les
5 combats.
6 Q. D'accord.
7 R. Il y a un mémorial à Doboj. D'ailleurs, il y en a deux; un à la mémoire
8 de la Première Guerre mondiale, et le deuxième, à la mémoire de la Seconde
9 Guerre mondiale, également.
10 Q. Si vous ne le savez pas, je vais passer à autre chose.
11 Vous avez également parlé de coupure d'électricité, n'est-ce pas ? Est-ce
12 que cela concernait toute la municipalité ? Est-ce que tout le monde
13 subissait ces coupures d'électricité?
14 R. Oui.
15 Q. Je vais maintenant vous soumettre une affirmation qui concorde tout à
16 fait avec votre déposition.
17 Le couvre-feu, tel qu'imposé, concernait tous les civils de Doboj,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Et pendant le couvre-feu - je vous demande si vous savez cela - les
21 gens qui travaillaient dans certains services indispensables étaient
22 autorisés à continuer à se déplacer, n'est-ce pas, mais il leur fallait une
23 autorisation spéciale. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?
24 R. Oui. J'étais moi-même dans cette situation.
25 Q. Donc vous aviez un permis pour circuler pendant le couvre-feu ?
26 R. Oui. Parce qu'il fallait que je me rende au travail et que je rentre à
27 la maison. Et je le faisais en suivant l'itinéraire le plus court possible.
28 Q. Je ne vous ai pas posé cette question par hasard, parce que nous avons
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1 la déposition d'autres témoins qui indique que les non-Serbes qui
2 travaillaient dans des services déterminés étaient détenteurs de tels
3 permis et autorisés à circuler.
4 R. Je ne suis pas Serbe. Je vous ai dit ce que j'étais. Mais j'étais
5 soumis à
6 détenteur d'une décision officielle et d'un agrément obtenu de l'organe
7 responsable qui dépendait du secrétariat de la Défense nationale et du
8 président du tribunal indiquant que j'étais autorisé à me rendre au
9 travail.
10 Q. Mais est-ce que c'était le cas dans d'autres services, pour d'autres
11 salariés travaillant dans ces services et qui devaient se rendre à leur
12 travail ?
13 R. Tout dépendait de la décision de l'endroit où je travaillais et des
14 moments où je travaillais. Le greffe du tribunal émettait ces permis. Mais
15 pour les autres endroits, je ne sais pas.
16 M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
17 je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.
18 Q. Monsieur, je vous remercie d'avoir répondu à mes questions.
19 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.
20 Est-ce que vous n'avez toujours pas de questions pour le témoin, Maître
21 Krgovic ?
22 M. KRGOVIC : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, nous n'avons
23 pas de questions à poser à ce témoin.
24 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.
25 Questions supplémentaires de l'Accusation ?
26 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 Nouvel interrogatoire par M. Demirdjian :
28 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin -- est-ce qu'on pourrait remettre
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1 sur l'écran le document que Me Cvijetic vous a montré, le document 1D260,
2 qui est une pièce à conviction, en fait. 1D260. Est-ce qu'on pourrait voir
3 la date de parution de ce
4 document ?
5 R. Si c'est la date qui figure sur le document, il s'agit du 28 mai 1992.
6 Q. Très bien. En page 21 du compte rendu d'aujourd'hui, vous répondiez à
7 une de mes questions et vous avez dit que vous aviez entendu parler du
8 couvre-feu immédiatement le 3 mai 1992; c'est bien votre position ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Et par rapport au couvre-feu, dont il n'est pas précisément question
11 dans ce document, Me Cvijetic vous a affirmé que la cellule de Crise avait
12 rendu une décision relative au couvre-feu.
13 Pourriez-vous nous rappeler qui a fait en sorte que cette décision
14 soit appliquée ?
15 R. Dans ma réponse au conseil de la Défense j'ai parlé de cela. J'ai dit
16 que sur la base de ce document, dont je ne vois pas dans le texte qu'il
17 aurait été rédigé par la cellule de Crise et pour lequel je ne vois aucune
18 signature. Donc la simple vue de ce document m'indique simplement que des
19 mesures ont été prises par quelqu'un, de façon tout à fait générale. Mais
20 le couvre-feu aurait dû être appliqué par la police. Une espèce de
21 coopérative agricole ne peut tout de même pas se charger de faire respecter
22 un couvre-feu.
23 Q. Très bien. Page 42 du compte rendu d'audience, c'est-à-dire il y a à
24 peine un instant, Me Cvijetic vous a parlé d'"administration militaire,"
25 ce sont les termes employés par lui, comme ayant dirigé la vie à Doboj.
26 Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quelles étaient les forces
27 responsables de la réglementation de la vie quotidienne dans la ville ?
28 R. Entre le 2 et le 3 mai, au moment où l'aube a point - et j'avais un
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1 collègue qui était venu me rendre visite chez moi à la maison, et nous
2 étions collègues déjà depuis pas mal de temps - je rappelle que l'armée,
3 qu'eux appelaient l'armée serbe, utilisaient la représentation de lys
4 blancs sur un fond rouge comme emblème. C'était un emblème que leurs
5 soldats arboraient. Et c'est en voyant cela que j'ai découvert que l'armée
6 serbe avait pris le contrôle de la ville et que j'ai découvert que
7 Stankovic était devenu commandant de la ville, et cetera. Tout ce qui s'est
8 passé par la suite.
9 Q. On vous a interrogé au sujet de la subordination de la police à
10 l'armée. Vous avez dit que lorsque l'on s'attendait à ce que des combats
11 commencent, la police était resubordonnée à l'armée. Et Me Cvijetic vous a
12 alors demandé si vous saviez que le chef de la police avait été mobilisé.
13 Alors, savez-vous quoi que ce soit au sujet du rapport existant entre le
14 chef de la police et l'armée ?
15 R. J'ai simplement répondu comme je pensais pouvoir le faire, aussi bien à
16 vous qu'à lui.
17 Pour autant que je connaisse les règlements en vigueur tels qu'ils étaient
18 avant la guerre, la police était toujours resubordonnée à un commandement
19 militaire supérieur sur des territoires où des combats éclataient. Alors,
20 est-ce que c'est ce qui s'est passé dans le cas précis dont nous parlons,
21 je ne sais pas. Ça, je ne sais pas. Et je ne sais pas non plus si le chef
22 de la police a été mobilisé. Je sais qu'il est devenu chef avant la guerre,
23 et qu'avant lui c'était quelqu'un d'autre qui était le chef de la police,
24 que ce quelqu'un d'autre a été remplacé dès le début de la guerre, et que
25 cela a fait l'objet de pas mal de commentaires en ville. Nous disions que
26 ce n'était pas une bonne décision et que le nouveau régime qui avait pris
27 le pouvoir avait décidé de le remplacer parce qu'il ne leur convenait pas.
28 Est-ce qu'il a été mobilisé, est-ce que c'est lui qui était chargé de
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1 mettre en œuvre la mobilisation, est-ce qu'il a mis en œuvre la décision
2 dont parle la Défense, dans quelle mesure il l'a mise en œuvre, bien, la
3 seule chose que je sais, c'est que le couvre-feu a été mis en place, et je
4 connais la pratique qui a été en vigueur à ce moment-là. Personnellement,
5 je ne sais pas qui a signé cette décision, je ne sais pas dans quelle
6 situation elle a été prise. Dans la pratique, c'était la guerre, les choses
7 ne fonctionnaient pas toujours très bien, puis il y a eu des persécutions
8 et des arrestations.
9 Q. Vous avez dit que le chef de la police avait été remplacé rapidement.
10 Mais qui est l'homme dont vous avez parlé ?
11 R. J'ai parlé du chef de la police qui était le chef avant la guerre,
12 avant le 3 mai 1992. Il a été remplacé par un certain Andrija Bjelosevic,
13 qui est quelqu'un que je connais. Je ne crois même pas qu'il était
14 originaire de la ville où je suis né et où j'ai vécu.
15 Q. Très bien. On vous a aussi interrogé au sujet du pilonnage et des
16 victimes de ce pilonnage. Combien d'obus au total sont-ils tombés sur la
17 ville de Doboj pendant le temps où vous vous y êtes trouvé ? D'après ce que
18 vous savez.
19 R. Bien, c'est une question courte et ma réponse sera peut-être encore
20 plus courte.
21 Parce que je ne peux vraiment pas être sûr de vous répondre en ne
22 trahissant pas la réalité de la situation. Si je vous disais qu'il en est
23 tombé dix, je me tromperais. Si je vous disais qu'il en est tombé 50, je me
24 tromperais aussi. Un certain nombre d'obus est tombé sur la ville pendant
25 que je m'y trouvais, mais je ne les ai pas comptés un par un. Quand
26 l'attaque a eu lieu, les enfants se sont mis à compter les obus. Mais Doboj
27 n'était pas pilonnée tous les jours, et il ne s'est jamais agi de pilonnage
28 massif contre les civils.
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1 Lorsque les premiers obus ont commencé à tomber, on entendait le bruit ou
2 on voyait l'obus dans l'air, et à ce moment-là, on se disait, et c'était
3 une habitude qu'on avait prise dans la ville : Il faut attendre que le
4 troisième obus tombe et il n'y en a aura plus après, et à ce moment-là on
5 pourra recommencer à circuler sans problème. Et croyez-moi, c'est à peu
6 près comme ça que les choses se passaient.
7 Vous pouvez me croire, Doboj n'est pas une ville détruite de fond en
8 comble. C'est une ville bien conservée. En vérité, elle est peut-être
9 aujourd'hui un peu plus pauvre qu'elle ne l'était à l'époque, mais elle est
10 largement préservée. Il y a bien eu des obus, mais je ne les ai pas
11 comptés, donc je ne saurais pas vous répondre précisément.
12 Q. Pas de problème, Monsieur. Pourriez-vous nous dire dans quelle partie
13 de l'année le gros des obus est tombé ? Vous étiez présent dans la ville en
14 1992 et 1993.
15 R. Je dirais que c'était au printemps et à l'été 1993 qu'un nombre un peu
16 plus important d'obus est tombé. Et, voyez-vous, il me vient un souvenir :
17 j'étais sur mon balcon, je regardais dans la direction de la caserne et
18 j'ai vu passer un camion-citerne qui transportait du carburant, et je sais
19 qu'il a été touché sur cette partie de la route que je regardais. Mais je
20 dirais en tout cas que c'était le printemps et l'été 1993, la période où il
21 y a eu un tout petit peu plus d'obus. Ou disons, qu'il y a eu plus de
22 répliques aux tirs. Que personne ne m'en veuille d'évoquer cette réalité.
23 Mais enfin, il y a eu plus de répliques aux tirs dans cette période-là. En
24 1992, répliquer était assez rare.
25 Q. Très bien. Dernier sujet qui a fait l'objet de questions qui vous ont
26 été posées, c'étaient les autorisations ou les laissez-passer délivrés par
27 les autorités.
28 D'abord, vous avez dit que vous travailliez (expurgé)
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1 non-Serbes travaillaient (expurgé)?
2 R. Aucun.
3 Q. A votre connaissance, combien de non-Serbes se sont vu délivrer des
4 laissez-passer de ce genre ?
5 R. Là où je travaillais, il n'y avait pas de représentants d'autres
6 groupes ethniques que le groupe serbe, à part moi qui n'étais pas Serbe.
7 Donc il était impossible de se voir délivrer un laissez-passer ou un
8 document de passage à cet endroit-là. Moi, j'en ai reçu un. J'étais né dans
9 la ville, j'étais un habitant de la ville. Les gens me connaissaient --
10 Q. Monsieur --
11 R. -- et c'est pour ça qu'on me l'a accordé.
12 Q. Mais ma question était une question générale concernant l'ensemble de
13 la ville de Doboj. Est-ce que vous savez combien de laissez-passer ou
14 d'autorisations de circuler ont été délivrés pour la ville ?
15 R. Non.
16 M. CVIJETIC : [interprétation] Je crois que le témoin a répondu. Je lui ai
17 posé la même question et il a dit qu'il ne savait pas, qu'il ne pouvait pas
18 répondre.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais qu'il y a eu pas mal de personnes
20 soumises à l'obligation de travail --
21 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Laissons le témoin terminer sa réponse
22 parce qu'il avait commencé à répondre.
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 Maintenant, si nous parlons des autres lieux de travail - les entreprises
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1 en particulier - je ne sais pas si ces salariés-là avaient des laissez-
2 passer, c'est cela que vous m'avez demandé, mais je sais qu'il y a des gens
3 qui allaient au travail, parce que ces personnes étaient soumises à une
4 obligation de travail. Il y avait des gens qui travaillaient à l'entreprise
5 de transformation du bois, dans une usine alimentaire aussi, puis il y
6 avait aussi l'usine de fabrication de machines. Toutes ces personnes
7 avaient des laissez-passer, je suppose, mais je n'en suis pas sûr. Je ne
8 voudrais pas émettre des conjectures.
9 Q. Pour préciser sur ce sujet. Vous venez de dire qu'un certain nombre de
10 personnes devaient se rendre dans un certain nombre d'endroits, mais ma
11 question portait très précisément sur les non-Serbes. Alors, les gens
12
13
14 Serbes ?
15 R. Oui. C'étaient des gens qui allaient travailler sur ordre des
16 autorités. Dans le sens qu'il fallait maintenir en activité les processus
17 de fabrication et de transformation industriels. Donc ils ont continué à se
18 rendre à leur travail pendant un certain temps, et par la suite ils ont été
19 chassés du territoire, comme l'ont été tous les non-Serbes.
20 Q. Une dernière question sur ce sujet, Monsieur : quand vous a-t-on
21 délivré ce laissez-passer ? Dans quelle partie de l'année ?
22 R. Il faudrait que je calcule. J'ai quitté Doboj le 25 octobre, j'ai
23 travaillé 11 mois, donc j'ai dû recevoir ce laissez-passer à l'automne
24 1992. Peut-être au début du mois d'octobre ou fin décembre, je pense.
25 Q. Peut-être pourriez-vous expliquer aux Juges comment il se fait que vous
26 avez reçu ce laissez-passer, dans quelles conditions vous l'avez reçu, qui
27 vous l'a donné.
28 R. J'étais chez moi, à la maison, comme d'habitude, puisque nous n'avions
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1 pas la possibilité de nous déplacer. Il était interdit de nous déplacer. Il
2 était interdit de se réunir. Il était interdit d'aller rendre visite à ses
3 voisins. Et donc le chauffeur du commandant Stankovic, commandant à
4 l'époque, est venu chez moi et m'a conduit à un endroit qui se trouvait de
5 150 à 200 mètres de chez moi. Il s'agissait de la maison de l'armée. Il m'a
6 présenté deux hommes et il m'a dit : Nous allons faire en sorte que tu
7 travailles ici. Je ne sais pas qui l'a décidé, mais c'était là que je
8 devais effectuer mon obligation de travail. Donc c'est à cet endroit-là
9 qu'on m'a dit que je travaillerais.
10 Alors qu'est-ce que je faisais ? Absolument rien. En fait, pour moi, je
11 dois l'avouer, il m'était vraiment important que de cette façon-là j'aie
12 été un peu plus protégé que les autres personnes qui n'avaient absolument
13 aucun document.
14 Q. Merci.
15 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
16 Juges, je remarque, à la page 50, ligne 23, que j'ai mentionné le lieu où
17 le témoin a travaillé. Etant donné que c'était le seul non-Serbe qui
18 travaillait à cet endroit-là, il faudrait expurger ce passage, n'est-ce pas
19 ?
20 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, certainement.
21 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Un instant, je vous prie.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
25 M. DEMIRDJIAN : [interprétation]
26 Q. Monsieur -- excusez-moi.
27 En fait, j'ai une précision pour le compte rendu d'audience. A la page 50,
28 ligne 18, le témoin a dit : "…de façon générale, au printemps et à l'été,"
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1 et voilà, on peut voir la date "de 1992, il y a eu plus de pilonnages."
2 Je crois que nous avons entendu le témoin nous dire autre chose.
3 Monsieur, pourriez-vous nous préciser l'année ? En fait, pourriez-vous nous
4 dire si l'année qui est inscrite au compte rendu d'audience est correcte ?
5 R. Non. J'ai dit que c'était en 1993. J'ai peut-être fait un lapsus, mais
6 je suis désolé. C'était en 1993.
7 Q. Merci beaucoup.
8 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur
9 le Président, Messieurs les Juges.
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic.
11 M. CVIJETIC : [interprétation] Simplement une autre correction. A la ligne
12 14 de la page 52, il est indiqué qu'à la demande du Procureur, à savoir à
13 quel moment le témoin a reçu son document lui permettant de se déplacer, je
14 vois ici au compte rendu d'audience le mois de décembre 1992.
15 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Cvijetic :
16 Q. [interprétation] Je crois que le témoin a dit autre chose. Qu'est-ce
17 que vous avez dit, Monsieur ? Je ne veux pas mettre les paroles dans votre
18 bouche.
19 R. Oui. J'ai dit que je suis parti de Doboj --
20 Q. Non, mais dites-nous à quel moment est-ce que vous avez reçu ce
21 document.
22 R. C'était vers la fin du mois de septembre, donc c'était soit vers la mi-
23 septembre ou début octobre 1992.
24 Q. C'est à ce moment-là que vous avez reçu le document ?
25 R. Oui. J'ai reçu une décision selon laquelle j'ai obtenu une obligation
26 de travail, et on m'a également donné un endroit où j'allais travailler, on
27 m'a assigné un poste.
28 Q. Oui, merci. Vous nous l'avez déjà dit, en fait. Je ne voulais que
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1 préciser la date.
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous allons maintenant prendre une pause
3 et revenir dans 20 minutes.
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant, je vous prie.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Hannis, ou plutôt, Monsieur
7 Demirdjian, avant que nous ne prenions notre pause, vous devriez peut-être
8 vous occuper de cette question pendant la pause justement. Mme Pidwell a
9 dit ce matin quelque chose concernant le Témoin ST-228. Mme Pidwell a dit
10 concernant donc cette personne ce matin que le témoin ST-228 devrait, pour
11 des raisons que nous ignorons, déposer d'abord dans l'affaire Karadzic, et
12 par la suite elle a dit qu'on prendra une journée de repos au moins pendant
13 que son transcript [phon] est lu par la Défense. Donc si c'est exact, ceci
14 veut dire qu'il ne pourrait pas déposer dans cette affaire lundi, dans
15 cette affaire-ci, dans notre affaire à nous. Ceci veut également dire que
16 s'il déposait dans l'affaire Karadzic le lundi, et s'il y avait une pause
17 d'une journée entre son témoignage dans Karadzic et dans notre affaire à
18 nous, cela ne serait pas suffisant parce qu'on aurait moins de deux
19 sessions mercredi après-midi, et donc cela ne sera pas suffi [phon]. Enfin,
20 je ne vois vraiment pas pourquoi est-ce qu'il est absolument nécessaire
21 qu'il dépose d'abord dans l'affaire Karadzic. En fait, on pourrait l'avoir
22 lundi, dans la première semaine de janvier.
23 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas. Je vais vous renseigner
24 lorsque j'aurai plus d'information. Je sais que M. Brown devait commencer
25 lundi le 17, et que pour ce témoin-là que vous avez mentionné il était
26 prévu qu'il témoigne d'abord dans l'affaire Karadzic, ensuite dans notre
27 affaire à nous. Mais je vais vérifier les raisons précises.
28 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous devez comprendre que si ce
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1 témoin venait déposer mercredi, cela représenterait certainement un
2 problème car il faudrait qu'il reste à La Haye jusqu'à lundi.
3 M. HANNIS : [interprétation] Je vais vous renseigner là-dessus.
4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Car mercredi nous ne sommes pas en
5 mesure de commencer avant 15 heures. Donc on aurait que deux sessions pour
6 ce témoin mercredi.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et le jeudi et le vendredi nous ne
8 siégeons pas. Il ne faut pas l'oublier.
9 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Et, bien sûr, il ne faut pas oublier non
10 plus que si le bureau du Procureur insiste sur la séquence du passage lu
11 par le Juge Delvoie, quelle est votre certitude que cette Chambre puisse
12 entre le témoin qui viendrait déposer dans Karadzic lundi ?
13 M. HANNIS : [interprétation] Voilà. Alors, Monsieur le Président, merci. Je
14 crois que la solution la plus simple serait que nous l'entendons d'abord,
15 qu'il vient d'abord déposer dans notre affaire à nous, et par la suite il
16 irait déposer dans l'affaire Karadzic.
17 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Merci.
18 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'on
19 peut laisser le témoin rentrer ? Est-ce que nous avons terminé avec le
20 témoin ?
21 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Non.
22 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Non ? Très bien. Merci.
23 [Le témoin quitte la barre]
24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 09.
25 [Le témoin vient à la barre]
26 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.
27 M. LE JUGE HALL : [interprétation] La Chambre souhaite poser quelques
28 questions au témoin, et par la suite j'aurai une décision orale à donner.
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1 Et par la suite, je vais m'enquérir auprès des Procureurs pour savoir s'ils
2 peuvent répondre à la question que nous avons soulevée. Et par la suite,
3 nous allons lever pour la journée d'aujourd'hui, puisque nous aurons
4 terminé avec ce témoin et n'aurons plus d'autres témoins pour la journée.
5 Questions de la Cour :
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, s'agissant du
7 laissez-passer que vous avez obtenu - et je crois que vous l'avez obtenu à
8 l'automne 1992 - ceci voudrait d'abord dire dans un premier temps que vous
9 étiez sous le coup du couvre-feu de mai jusqu'à l'automne 1992, n'est-ce
10 pas ? Sans le laissez-passer, j'entends bien, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, vous avez tout à fait raison, Monsieur le Juge, avec l'exception
12 suivante : même après le laissez-passer, j'ai dû respecter le couvre-feu.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Voilà ce qui m'emmène
14 à ma deuxième question qui est de savoir -- d'une part il y avait un
15 couvre-feu. Vous avez également un laissez-passer vous permettant de faire
16 votre obligation. Mais d'abord, permettez-moi de confirmer que cette
17 obligation de travail c'était quelque chose qui n'avait rien à voir avec
18 vos fonctions précédentes, fonctions desquelles vous avez été relevé. En
19 fait, c'était une "obligation de travail," mais vous pouviez faire d'autres
20 travaux qui ne sont pas ceux que vous faisiez avant, n'est-ce pas ?
21 R. Oui vous avez raison.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc ce laissez-passer vous
23 permettait-il de vous déplacer librement pendant les heures
24 pendant lesquelles vous n'auriez pas pu vous déplacer sans le laissez-
25 passer, ou bien le laissez-passer vous permet-il seulement d'aller
26 travailler et de rentrer immédiatement après chez vous ?
27 R. Monsieur le Juge, voilà ce que j'ai cru comprendre : que ce laissez-
28 passer me permettait de me rendre au travail et de rentrer à la maison, et
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1 rien de plus. Donc à 7 heures du matin, je partais travailler et je
2 revenais à 15 heures. Je pouvais sans problème aller jusqu'au travail et
3 sans problème rentrer à la maison. C'est ce que j'avais cru comprendre de
4 par ce laissez-passer, et je me suis conformé à cette notion que j'en ai
5 eue.
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci. Maintenant une
7 autre question. Vous nous avez dit que vous habitiez au centre-ville de
8 Doboj, plus ou moins. Etait-ce l'endroit où vous habitiez effectivement, et
9 dites-nous s'il s'agissait d'un quartier mixte, composé d'habitants
10 d'origine ethnique mixte ?
11 R. Oui.
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Maintenant, pendant le couvre-
13 feu - et parlons de la période avant l'automne 1992 - donc à partir de 11
14 heures du matin, il vous fallait rester dans votre appartement, vous ne
15 pouviez plus sortir ? Vous pouviez voir ce qui se passait dans la rue,
16 puisque vous aviez des fenêtres vous permettant de voir ce qui se passait
17 dans la rue ?
18 R. C'est exact.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous, personnellement,
20 vous avez vu des gens dans la rue alors que vous étiez contraint de rester
21 dans votre appartement ?
22 R. En principe, il y avait très peu de gens qui se déplaçaient. Mais parmi
23 ces personnes qu'on voyait dans la rue, j'en connaissais certains. Mais
24 j'ai également vu un très grand nombre de personnes inconnues en civil et
25 également en uniforme.
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je fais plutôt référence aux
27 personnes de votre voisinage, de votre quartier. Je crois que vous avez
28 sans doute eu des voisins serbes ?
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1 R. Je dois vous dire ceci -- d'ailleurs je l'ai déjà dit dans ma
2 déclaration - s'agissant de ce couvre-feu, c'est plutôt les non-Serbes qui
3 devaient respecter le couvre-feu. Il y a eu des cas comme, par exemple, des
4 voisins qui s'étaient déclarés comme étant Serbes, et eux, ils pouvaient se
5 déplacer librement. Ils pouvaient aller jusqu'au magasin, revenir, et
6 cetera. Alors que d'autres qui s'étaient déclarés non-Serbes ne pouvaient
7 pas se déplacer librement.
8 Dans mon bloc-appartements, il y avait 18 appartements. Il y avait 18
9 familles, plus de 150 personnes. Et de ces 18 familles, il y avait dix ou
10 11 familles qui n'étaient pas serbes. Et ces personnes devaient rester dans
11 leur appartement. Certaines personnes au début, et d'autres vers la fin,
12 ont dû quitter leur appartement. Ah, excusez-moi.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce qui m'intéresse plus, ce sont les
14 personnes qui ne sont pas restées dans leur appartement pendant le couvre-
15 feu.
16 Vous avez dit qu'il y avait à peu près dix familles dans votre
17 immeuble qui étaient d'appartenance ethnique musulmane et d'autres étaient
18 d'origine serbe. Est-ce qu'ils se déplaçaient librement ? Est-ce que vous
19 les avez vus sortir de leur appartement, rentrer, se déplacer librement ?
20 R. Permettez-moi de vous expliquer ceci : la majorité de la population
21 serbe qui était majeure et en santé était déjà engagée dans la police, dans
22 les entreprises où ils travaillaient, dans l'armée. Et leurs familles,
23 leurs femmes, leurs enfants qui ne travaillaient pas, elles et leurs
24 enfants pouvaient se déplacer dans le quartier librement, jouer avec eux.
25 Même ma fille, qui était âgée de 4 ans, jouait dehors avec les autres
26 enfants pendant la période pendant laquelle il n'y avait pas de couvre-feu.
27 Mais pendant le couvre-feu, eux, effectivement, ils pouvaient se déplacer
28 librement, mais pas les autres. Croyez-moi. Je ne sais pas comment mieux
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1 vous l'expliquer.
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Témoin.
4 J'ai trois questions à votre endroit.
5 Ma première question porte sur quelque chose qu'a dit le Juge Delvoie. En
6 fait, c'est une question que je pose à la suite d'une question posée par le
7 Juge Delvoie, plutôt. Car vous, Monsieur le Témoin, vous nous avez dit
8 quelque chose qui me laisse quelque peu perplexe concernant ce couvre-feu.
9 Je n'ai pas très bien compris de quelle façon ce couvre-feu était organisé.
10 D'une part, vous nous dites qu'il était discriminatoire. Vous nous
11 expliquez ceci en disant que même si, de façon formelle, ce couvre-feu
12 s'appliquait à tous, en pratique, ce couvre-feu, néanmoins, permettait aux
13 Serbes de se déplacer librement à toute heure de la journée, alors que les
14 non-Serbes avaient reçu pour ordre de rester à la maison après 11 heures du
15 matin, et si jamais ils étaient aperçus dans la rue entre 11 heures du
16 matin et 8 heures du matin le lendemain, ces derniers se faisaient arrêter.
17 Vous nous avez également dit que les personnes qui devaient aller
18 travailler afin de pouvoir maintenir les fonctions vitales de la ville, à
19 savoir de faire fonctionner les usines que vous avez mentionnées plus tôt,
20 donc pour tous ces ouvriers, ces ouvriers avaient des laissez-passer qui
21 leur permettaient de se rendre au travail et de rentrer chez eux après le
22 travail. Et dans ces cas-là, un très grand nombre de laissez-passer avaient
23 été donnés aux non-Serbes.
24 J'aimerais vous demander si je vous ai bien compris. Ai-je bien résumé vos
25 propos ?
26 R. Monsieur le Juge, j'ai dit pour moi-même -- que c'était mon cas. Pour
27 les autres employés qui avaient d'autres obligations de travail, je ne peux
28 pas l'affirmer, je ne peux pas vous dire que ces derniers avaient reçu des
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1 laissez-passer. Mais il est tout à fait clair que ces derniers se rendaient
2 au travail, enfin, ils faisaient leur obligation de travail.
3 Et je peux vous l'expliquer sur un exemple qui a trait directement à
4 moi. Lorsque j'ai voulu aller voir ma mère qui habitait à 2 kilomètres au
5 sud de la ville, je me suis fait arrêter au point de contrôle par la
6 police, et ma femme était avec moi, et on m'a dit que je ne pouvais plus
7 passer par là car je me ferais arrêter. Je n'ai plus jamais essayé de
8 passer non plus par là, ni pendant que j'avais la possibilité de me
9 déplacer librement ni pendant le couvre-feu.
10 A l'exception du moment où j'ai reçu l'approbation qui me permettait
11 d'aller au travail et de rentrer à la maison. C'était une assignation à la
12 résidence. Moi, personnellement, j'étais tenu à garde à vue dans ma maison.
13 Je ne sais pas, pour les autres personnes, qui leur donnait des laissez-
14 passer. Je ne le sais pas.
15 Mais voilà, je me souviens à l'instant d'un détail. Devant le
16 bâtiment de la police au centre-ville, il y avait un tout petit kiosque.
17 C'est là qu'un policier était assis, et ce dernier donnait les permissions
18 aux personnes. Par exemple, si une personne devait faire quelque chose,
19 devait aller quelque part, prendre quelque chose, aller chercher un
20 médicament dans une pharmacie, ou si la personne devait sortir et aller 100
21 mètres plus loin, elle obtenait un laissez-passer en donnant son nom et
22 d'autres détails, et donc j'ai vu que ce dernier pouvait se déplacer.
23 Maintenant, pour les autres personnes qui étaient dans la ville, je
24 ne sais pas qui s'occupait de ces questions.
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et ce policier qui donnait ces permis
26 particuliers que vous venez de mentionner, est-ce que c'était nécessaire
27 même lorsque les personnes avaient le droit de se déplacer librement, entre
28 8 heures et 11 heures ?
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1 R. Oui. Mon beau-père, par exemple, devait aller à sa maison de campagne,
2 qui se trouvait à quelques centaines de mètres de là, pour aller chercher
3 quelque chose, des livres à cette maison de campagne, et donc lui, un jour,
4 il a reçu ce type de permis, et ce, pendant la période pendant laquelle il
5 n'y avait pas de couvre-feu, puisque c'était parfaitement possible de se
6 déplacer. Ils appelaient ceci des moyens préventifs.
7 A ce moment-là, on ne savait pas si, effectivement, cette maison était
8 réellement la mienne ou bien si c'était une maison de quelqu'un d'autre.
9 Alors, pour pouvoir le prouver, il fallait donner tous les détails, avoir
10 un permis pour aller chercher quelque chose et revenir. Voilà, c'était un
11 contrôle absolu qui était exercé sur les citoyens.
12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je suis vraiment désolé d'insister
13 sur ce point, mais il est bien important pour que nous, les Juges de la
14 Chambre, comprenions de quelle façon ceci fonctionnait en pratique. Alors
15 permettez-moi de vous poser encore quelques questions relatives à cette
16 question du couvre-feu.
17 Par exemple, Monsieur, si vous vous trouviez dans votre appartement
18 et qu'il était 9 heures du matin, et supposons que vous vouliez aller au
19 magasin acheter un paquet de cigarettes, est-ce que c'était quelque chose
20 qui vous était possible ? Pouviez-vous sortir de votre appartement,
21 descendre les escaliers de l'immeuble, sortir dans la rue et aller jusqu'au
22 tabac pour acheter des cigarettes, ensuite rentrer chez vous sans que l'on
23 ne vous importune ou arrête ? Est-ce que c'était possible ?
24 R. Oui. En principe, oui. Justement, il m'est arrivé de sortir, comme vous
25 le dites, mais ce n'était pas pour acheter des cigarettes. On avait entendu
26 dire que de la viande fraîche était arrivée chez le boucher, et je suis
27 allé acheter de la viande chez le boucher. Et justement à ce moment-là,
28 deux policiers sont entrés dans le magasin - c'est juste en face du
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1 bâtiment de la police - et j'ai entendu le commentaire suivant, ils se sont
2 dit ceci entre eux : Voilà, regarde-le. Il en reste encore comme lui.
3 Alors, j'ai compris par ces propos qu'il valait mieux de ne pas sortir. Ils
4 ne m'ont pas arrêté, et je suis rentré à la maison.
5 Vraiment, j'ai tenté de ne pas trop m'exposer, de ne pas sortir
6 souvent, à moins qu'il s'agisse d'un besoin urgent. Il m'est arrivé d'avoir
7 une enfant malade une fois, et il fallait absolument que j'aille voir le
8 médecin, qui, lui aussi, s'était fait licencier alors qu'il était Serbe. Et
9 donc je suis allé lui demander s'il pouvait venir à la maison pour qu'il
10 l'examine et qu'il lui donne une injection. Ce sont des moments comme ceux-
11 là qui étaient des moments exceptionnels.
12 Mais outre la présence de la police, il y avait d'autres formations.
13 Je ne sais plus à qui ces formations appartenaient. Donc en tant que
14 soldat, personnellement, je n'arrive absolument pas à comprendre qu'il
15 puisse exister une autre formation de ce type. Il ne suffit pas d'avoir une
16 position, puisqu'une position oblige un homme d'être responsable envers le
17 poste qu'il occupe, mais il fallait au moins respecter les règles telles
18 qu'elles sont écrites. Malheureusement, la pratique nous a montré le
19 contraire, et plus particulièrement lorsqu'il s'agit de cette guerre en
20 Bosnie-Herzégovine. D'après ce que j'ai entendu dire plus tard, c'était le
21 cas dans la plupart des villes.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Merci. Donc si je vous ai
23 bien compris, pendant que le couvre-feu était en vigueur, la différence
24 entre les Serbes et les non-Serbes était la suivante : alors que d'une part
25 les non-Serbes avaient choisi de rester à l'intérieur de leur demeure dans
26 la mesure du possible, même pendant les heures libres, entre guillemets,
27 les Serbes ne se sont pas pliés à cette règle.
28 Est-ce que c'est bien cela que vous nous dites ?
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1 R. Oui, voilà, c'est ce que je vous dis. Sauf qu'à l'extérieur de la
2 période du couvre-feu, ce type de travaux étaient plutôt faits par les
3 femmes, et principalement les femmes les plus âgées. Alors que les hommes,
4 il valait mieux qu'ils restent à l'intérieur. Ce sont les femmes qui
5 essayaient de s'occuper de leur ménage pendant les trois heures pendant
6 lesquelles on pouvait se déplacer librement, et c'était elles qui,
7 principalement, s'occupaient de leur famille de cette façon-là, allaient
8 chercher des denrées alimentaires, ainsi de suite. Et j'appelle ça une
9 discrimination.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Témoin --
11 R. Mais bon, la pratique et la théorie, ce n'était pas vraiment la même
12 chose du tout.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Dois-je comprendre correctement ce
14 que vous nous avez dit, à savoir que les hommes et les femmes serbes ne se
15 sentaient pas comme étant contraints à respecter le couvre-feu qui était
16 imposé à Doboj au mois d'avril et au mois de mai 1992 ?
17 R. Oui, vous avez tout à fait raison, Monsieur le Juge. C'était exactement
18 comme cela.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc les hommes et les femmes serbes
20 quittaient leur demeure, se rendaient dans les lieux publics,
21 indépendamment du couvre-feu, et si jamais ces derniers se faisaient
22 arrêter par la police, on vérifiait leurs documents et ils pouvaient
23 continuer à se déplacer sans qu'ils ne soient arrêtés.
24 Est-ce que c'est exact ?
25 R. Oui. Et en plus, la plupart de ces personnes se connaissaient, et même
26 sans vérifier leurs documents, ils se déplaçaient librement. Nous, entre
27 nous, on s'était dit qu'il nous fallait coller avec un ruban scotch notre
28 carte d'identité sur notre front, alors que les autres n'avaient pas besoin
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1 de la montrer. Ce n'était pas très joli.
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et vous nous indiquez également que
3 les Serbes avaient la possibilité de se déplacer sans entrave,
4 indépendamment de la question de savoir s'ils disposaient de laissez-passer
5 spéciaux ou non.
6 Est-ce exact ?
7 R. Oui, c'est exact, Monsieur le Juge. J'affirme qu'en général et en
8 principe, ils pouvaient se déplacer librement, indépendamment du couvre-feu
9 et des limitations en place. En tout cas, dans le quartier où je me
10 trouvais. Il y avait là-bas certains bons amis à moi, mes voisins aussi,
11 mais les restrictions devaient normalement s'appliquer à tous, et c'est la
12 raison pour laquelle j'ai estimé être l'objet d'une discrimination.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai compris. Je voudrais passer à ma
14 seconde question, qui porte sur les deux reprises où vous avez été arrêté.
15 Tout d'abord, avez-vous été arrêté pendant les heures de couvre-feu ou bien
16 avez-vous été arrêté entre 8 heures et 11 du matin ?
17 R. J'ai été arrêté pendant la tranche horaire où il était permis de se
18 déplacer.
19 J'essayais de voir ce qui se passait avec ma mère, qui vivait à deux
20 kilomètres et demi de là. Et à une des sorties de la ville, une patrouille
21 est passée. Ils ont commencé par me battre, ensuite ils m'ont fait monter à
22 bord d'un camion et emmené à la police.
23 Au bâtiment de la police, je suis tombé sur un inspecteur qui m'a
24 reçu, qui me connaissait d'avant, en fait, et après une assez brève
25 discussion, un entretien, il m'a relâché, il m'a laissé repartir chez moi.
26 Et je lui ai simplement demandé de m'accompagner hors du bâtiment, parce
27 qu'il se trouvait là une rangée d'hommes de la police qui donnaient des
28 coups de pied et qui frappaient les gens quand ils passaient, quand ils
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1 sortaient. Donc je lui ai demandé de m'accompagner jusqu'à l'extérieur pour
2 ne pas être battu encore. C'est un Serbe, cet inspecteur, et c'est ce que
3 je lui ai demandé.
4 Mais le fait est que mon arrestation a eu lieu pendant la tranche
5 horaire de libre mouvement, de libre circulation.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
7 Alors, troisième et dernière question. Il s'agit de quelque chose que
8 vous avez indiqué au tout début de votre déposition ce matin, et plus
9 précisément il s'agit de l'ordre qui émanait de ce que vous avez qualifié
10 de commandement supérieur, ordre en vertu duquel il convenait de collecter
11 toutes les armes de la Défense territoriale et toutes les armes en général
12 et de les remettre à la JNA. Vous avez indiqué que cela s'était produit à
13 l'automne 1991.
14 Alors, ma première question est la suivante : est-ce que vous savez
15 qui avait émis cet ordre ?
16 R. C'est le secrétariat fédéral pour la Défense populaire à Belgrade qui
17 avait émis cet ordre par l'intermédiaire du commandement le plus haut placé
18 de la Défense territoriale en Bosnie-Herzégovine, qui était l'état-major de
19 la république. Et un tel ordre devait également être approuvé par la
20 présidence, à l'époque, ou plutôt, par le gouvernement de la Bosnie-
21 Herzégovine.
22 Donc il y a eu une imbrication de ces différentes instances pour ce
23 qui est de la mise en œuvre de cet ordre, qui a été exécuté à 100 % à
24 Bosnie-Herzégovine. Je sais qu'ailleurs sur le territoire cela n'a pas été
25 entièrement le cas mais chez nous, en Bosnie, il a été entièrement
26 appliqué.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci pour vos réponses, Monsieur le
28 Témoin. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.
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1 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin, d'avoir
2 déposé devant ce Tribunal. Vous êtes dès à présent libéré de vos
3 obligations en qualité de témoin. Je vous remercie.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
5 [Le témoin se retire]
6 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite prendre
7 congé dès maintenant, mais mon confrère, M. Hannis, lui, reste à bord.
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.
9 Nous rendons une décision orale à présent.
10 La Chambre a été saisie de la requête de l'Accusation du 5 novembre
11 2010 dans laquelle cette dernière priait la Chambre de réexaminer son
12 ordonnance du 17 septembre dans laquelle elle estimait qu'il était dans
13 l'intérêt supérieur du public que la déposition du général Manojlo
14 Milovanovic se fasse oralement. Dans cette requête, l'Accusation demandait
15 que la déposition de ce témoin se fasse en application de l'article 92 bis.
16 De plus, l'Accusation y demande l'ajout d'un de ses enquêteurs, M. Tomas
17 Blaszczyk, ou ST-262, à la liste de ses témoins en application de l'article
18 92 ter.
19 La Chambre se penchera en premier sur ce dernier point et conclut à
20 cet égard que ce témoin ne saurait être ajouté à la liste des témoins de
21 l'Accusation. Ce témoin ne présente pas de pertinence et n'est pas en
22 mesure de déposer quand au cœur du sujet, à savoir à l'authenticité des
23 carnets de Mladic. La Chambre relève que ce témoin n'est pas en mesure de
24 déposer quant à l'ensemble de la chaîne de conservation des documents. De
25 plus, la Chambre rappelle que sa position le 17 décembre avait consisté à
26 dire qu'un autre enquêteur du bureau du Procureur avait déposé de façon
27 pour ainsi dire superflue quant à la chaîne de conservation desdits carnets
28 dans le but d'établir la pertinence et l'authenticité prima facie des
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1 carnets du général Mladic.
2 La Chambre ne voit pas de raison de réexaminer ou de revenir sur son
3 point de vue par rapport à des dépositions supplémentaires ayant trait à la
4 chaîne de conservation des éléments de preuve du point de vue de la
5 déposition du général Milovanovic, pour lequel la Chambre considère qu'il
6 est en mesure de fournir la meilleure déposition possible quant à
7 l'authenticité desdits carnets. Par conséquent, la requête est rejetée par
8 rapport au Témoin ST-262.
9 Concernant le général Milovanovic, le 17 septembre la Chambre a
10 estimé que la déclaration du témoin dans laquelle ce dernier indique qu'il
11 a examiné l'ensemble des carnets suffisait à établir l'authenticité, à
12 première vue, desdits carnets. Cependant, compte tenu de ce que doit être
13 la déposition de ce témoin, la Chambre a conclu qu'il était dans l'intérêt
14 supérieur du public que ce témoin dépose viva voce. Cependant, la Chambre a
15 estimé qu'elle aurait à se repencher sur la situation si jamais, au moment
16 de la citation de ce témoin, des éléments de preuve de nature similaire
17 auraient déjà été présentés devant ce Tribunal de vive voix et en audience
18 publique dans d'autres procès.
19 Alors, s'étant à présent penchée sur la déposition du général Milovanovic
20 dans l'affaire Stanisic et Simatovic qui, par décision de la Chambre de
21 première instance du 23 novembre dans ladite affaire, a été rendue
22 publique, la Chambre est convaincue que ce témoin est en mesure de déposer
23 quant à l'authenticité des carnets de Mladic ainsi que l'exige l'article
24 89(C).
25 La Défense continue à remettre en question à la fois l'authenticité
26 et le contenu des carnets dans la mesure où ils ont trait aux faits
27 incriminés dans l'espèce. La Chambre rappelle que le 17 septembre elle a
28 estimé que l'ajout de ce témoin à la liste des témoins était susceptible de
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1 protéger les intérêts de l'accusé en fournissant à la Défense une occasion
2 de remettre en question l'authenticité des carnets.
3 Par conséquent, le général Milovanovic sera en mesure de fournir à la
4 Chambre la meilleure déposition possible concernant l'authenticité des
5 carnets, et compte tenu de l'importance de ce sujet dans l'espèce, le fait
6 qu'il n'y ait pas d'autres témoins disponibles qui seraient susceptibles de
7 déposer quant à l'authenticité desdits carnets, compte tenu également de la
8 contestation à l'origine de laquelle se trouve la Défense, la Chambre
9 décide que le général Milovanovic sera cité à comparaître de vive voix.
10 Le général Milovanovic déposera quant à l'authenticité des carnets,
11 mais uniquement dans la mesure où il a une connaissance de première main
12 des entrées se trouvant dans ces carnets et qui concernent des événements
13 s'étant produits pendant la période couverte par l'acte d'accusation.
14 La Chambre ordonne à l'Accusation de citer à comparaître le général
15 Milovanovic avant la vacation judicaire d'hiver et alloue trois heures à
16 son interrogatoire principal. La Défense se voit également enjointe
17 d'informer la Chambre du temps dont elle souhaite bénéficier pour le
18 contre-interrogatoire dudit témoin.
19 Avant de lever l'audience, est-ce que le bureau du Procureur a des éléments
20 nouveaux à signaler concernant la question soulevée avant la dernière pause
21 ?
22 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.
23 Je me suis entretenu avec Mme Pidwell, et nous avons procédé à certains
24 aménagements concernant le Témoin ST-228. Concernant les Témoins 263 et 264
25 que nous avons également souhaité ajouter, il y a également des questions à
26 résoudre, mais ce à quoi nous nous attendons à ce stade, c'est que nous
27 aurons sans doute à demander à la Chambre des injonctions de comparaître
28 pour ces deux témoins, et compte tenu de la vacation judiciaire, j'ai
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1 estimé nécessaire de le signaler dès maintenant.
2 Nous souhaitons entendre la décision qui sera celle de la Chambre
3 concernant ces deux témoins avant de nous prononcer définitivement sur le
4 Témoin ST-228.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Hannis, s'agissant du Témoin
7 228, je vais vous dire comment j'ai compris le problème. J'ai cru
8 comprendre que si l'Accusation souhaite entendre ce témoin durant la
9 première semaine qui fera suite aux vacances judiciaires, c'est-à-dire dans
10 la semaine commençant le lundi 10 janvier 2011, la seule façon d'entendre
11 ce témoin pendant cette semaine consisterait à l'entendre le lundi 10
12 janvier.
13 Et eu égard aux problèmes qui concernent les autres témoins dont vous venez
14 de parler, bien, ces autres témoins devraient être entendus dans les autres
15 jours de la semaine en question, en tout état de cause. Je ne suis pas en
16 train de vous donner une position de la Chambre sur le fait de savoir si
17 oui ou non elle va autoriser les témoins à être entendus, mais même si ces
18 témoins devaient être entendus, ils ne pourraient l'être que durant la
19 semaine suivante.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur Le Juge, je comprend qu'il y a
22 hypothétiquement une possibilité d'entendre le Témoin
23 ST-228 le mardi 11. Et nous avons deux parties d'audience le 12, si j'ai
24 bien compris, à notre disposition. Nous avons donc le lundi, le mardi, et
25 deux parties d'audience du mercredi. Il y existe donc une possibilité, s'il
26 est fait droit à notre requête pendante, d'entendre un ou deux autres
27 témoins qui pourraient comparaître le lundi et d'entendre ST-228 le mardi.
28 Mais tout cela, ce ne sont que des hypothèses de ma part. Je ne
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1 connais pas les circonstances exactes qui présideront à la décision. Ce
2 sont simplement des renseignements que j'ai obtenus ici ou là dans mes
3 conversations avec Mme Pidwell.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc s'agissant du Témoin 228, s'il
6 est décidé de l'entendre, il devrait se trouver ici soit le lundi, soit le
7 mardi, respectivement 10 et 11 janvier.
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 Donc notre objectif c'est de terminer l'audition de ST-228 pendant la
14 semaine des 10, 11 et 12 janvier, et notre autre objectif consiste à
15 terminer l'audition de tous les témoins qui nous restent avant la fin de la
16 semaine suivante, celle du 17 au 21 janvier.
17 Et on m'informe que même s'il est fait droit à notre requête et si
18 nous entendons tous les autres témoins prévus, il nous est demandé de
19 terminer leur audition dans le cadre de 15 jours, deux semaines, commençant
20 le 10 janvier.
21 M. LE JUGE HARHOFF : [hors micro]
22 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.
23 Donc suspension de l'audience, et nous reprendrons nos débats demain
24 à 9 heures.
25 --- L'audience est levée à 13 heures 18 et reprendra le vendredi 26
26 novembre 2010, à 9 heures 00.
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