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1 Le mardi 5 juillet 2011
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
6 Messieurs les Juges. Bonjour à tout le monde dans le prétoire et autour du
7 prétoire.
8 C'est l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et
9 Stojan Zupljanin.
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
11 Bonjour à tout le monde. Les parties peuvent-elles se présenter.
12 D'abord, l'Accusation.
13 M. HANNIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
14 Messieurs les Juges. Tom Hannis et Crispian Smith pour l'Accusation.
15 M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
16 Messieurs les Juges. Slobodan Zecevic, Eugene O'Sullivan, Mlle Tatjana
17 Savic et Rodolphe Genissel pour la Défense de Stanisic.
18 M. ALEKSIC : [interprétation] Bonjour. Aleksandar Aleksic pour la Défense
19 de Zupljanin.
20 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
21 Avant de faire entrer le témoin qui commencera sa déposition
22 aujourd'hui, il y a un certain nombre de questions que la Chambre voudrait
23 soulever.
24 D'abord, il faut s'occuper de la question concernant les vacances
25 judiciaires qui commenceront après le début des audiences dans cette
26 affaire. Nous confirmons donc que nous allons recommencer nos travaux à la
27 date du 31 août, et non pas le 29 août.
28 Pour ce qui est des e-mails concernant cette affaire, cela a été confirmé
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1 pour ce qui est du programme des audiences, c'est-à-dire les audiences vont
2 se dérouler pendant deux semaines, de lundi la première semaine jusqu'à
3 vendredi, et ensuite la deuxième semaine à partir du 31 août. Nous allons
4 donc cesser de siéger pendant deux semaines, et tout le reste reste
5 inchangé. C'est-à-dire, nous allons recommencer à siéger le 9 septembre.
6 Nous attendons à ce que la Défense Zupljanin commence sa présentation
7 des moyens de preuve le 31 août, et la Défense de Zupljanin doit fournir la
8 liste de témoins dans l'ordre dans lequel les témoins vont être cités à la
9 barre d'ici le 8 juillet, c'est-à-dire à la fin de cette semaine.
10 Hier, la requête a été déposée par l'équipe de la Défense de M.
11 Stanisic pour les autoriser à modifier la liste des documents conformément
12 à l'article 65, et l'Accusation doit y répondre sans délai, puisque nous
13 devons savoir pour ce qui est de deux documents qui ont été communiqués à
14 l'Accusation si l'Accusation a l'intention d'utiliser l'un de ces deux
15 documents avec le témoin qui doit témoigner aujourd'hui.
16 Monsieur Hannis, est-ce que vous êtes en mesure de répondre
17 maintenant ou jusqu'à la fin de l'audience ?
18 M. HANNIS : [interprétation] C'était sur ma liste de réponse pour ce matin,
19 mais l'Accusation n'a pas d'objection pour ce qui est de l'ajout de ces
20 deux documents à la liste des documents.
21 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
22 Est-ce qu'on peut passer à huis clos partiel pour d'autres questions.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
24 [Audience à huis clos partiel]
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25 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Hannis, avant que vous ne
26 commenciez, je dois dire que j'ai été rappelé que par rapport à ce que vous
27 avez déjà dit, nous devons faire droit à la requête de la Défense de
28 Stanisic pour modifier la liste de documents 65. Merci
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1 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Vous avez répondu presque à toutes mes
2 questions, mais j'ai voulu également parler de votre décision concernant
3 notre audience après les vacances judiciaires le 31 août. C'est en fait
4 mercredi, après mardi, qui est un jour férié des Nations Unies.
5 M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est vrai.
6 M. HANNIS : [interprétation] Donc nous allons siégé trois jours et cinq
7 jours après cette semaine jusqu'au 9 septembre ?
8 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.
9 M. HANNIS : [interprétation] Et si j'ai bien compris, pour ce qui est des
10 deux semaines qui suivent, vous et le Juge Delvoie, vous allez donc
11 retourner le 26 septembre ?
12 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Cela a été annoncé précédemment.
13 Donc on va siéger deux semaines, et après, deux semaines on ne va pas
14 siéger.
15 M. HANNIS : [interprétation] La deuxième question concerne la Défense de
16 Zupljanin. La Défense de Zupljanin doit déposer la liste de témoins jusqu'à
17 la fin de cette semaine. L'une de nos requêtes serait de leur demander
18 d'indiquer les témoins qui témoigneront de vive voix sur cette liste et
19 d'autres témoins qui témoigneront selon d'autres modes de déposition.
20 Et c'est tout ce que j'ai voulu soulever comme question.
21 Merci.
22 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.
23 Oui, Maître Zecevic.
24 M. ZECEVIC : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel pour
25 quelques instants, s'il vous plaît.
26 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
28 Monsieur le Président.
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1 [Audience à huis clos partiel]
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3 [Audience publique]
4 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec tout le respect
5 que je vous dois, je dois rappeler à la Chambre trois requêtes en suspens
6 déposées par la Défense de Stanisic. Deux de ces requêtes concernent la
7 modification de la liste de documents 65 ter du 6 mai et du 3 juin et
8 concernent le versement au dossier du rapport de l'expert ainsi que des
9 notes de bas de page, et cette requête a été déposée le 23 juin.
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Zecevic, bon, c'est tout à fait
11 normal que vous deviez rappeler la Chambre. La Chambre est consciente du
12 fait que ces requêtes sont en suspens et vous ne pouvez pas, donc, en finir
13 avec votre présentation de moyens de preuve avant. Donc vous devez rappeler
14 à la Chambre ce point. Est-ce que c'est à la Chambre de le faire ? Oui,
15 c'est le devoir la Chambre.
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE HALL : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions à être
18 soulevées, est-ce qu'on peut faire entrer le témoin dans le prétoire.
19 Entre-temps, je voudrais -- je sais que j'ai noté ceci quelque part,
20 mais j'aimerais que les parties m'indiquent de combien de temps elles ont
21 besoin.
22 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que Me Zecevic a demandé 20
23 heures pour l'interrogatoire principal. Je n'ai rien dit par rapport au
24 temps dont j'aurais besoin, mais je pense entre 12 et 16 heures. Lorsque
25 j'ai reçu les notes de la séance de récolement ce matin, j'ai pu voir qu'il
26 y a eu huit sujets qui ont été discutés en détail, donc moi aussi j'aurais
27 besoin de 20 heures. Peut-être un peu moins. Mais après avoir vu les notes
28 de la séance de récolement, je dirais 20 heures.
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1 Et pour ce qui est de la Défense de Zupljanin --
2 M. ALEKSIC : [interprétation] Me Krgovic va poser des questions à ce
3 témoin. Je pense qu'il va avoir besoin de deux heures pour son
4 interrogatoire.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Maître Aleksic.
7 Monsieur le Témoin, pouvez-vous lire à voix haute la déclaration
8 solennelle.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
11 LE TÉMOIN : GORAN MACAR [Assermenté]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin. Vous
14 pouvez vous asseoir.
15 Puisque vous avez répondu à ma question, je suppose que vous pouvez
16 m'entendre dans une langue que vous comprenez ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vais commencer par vous dire
19 que la déclaration solennelle que vous venez de prononcer vous oblige à
20 dire la vérité et de ne pas induire en erreur la Chambre de première
21 instance. Cette Chambre de première instance fait partie du Tribunal et,
22 d'après la disposition du Statut, a des pouvoirs pour engager des
23 poursuites à votre encontre si vous faites le faux témoignage devant cette
24 Chambre. C'est pour cela qu'au début de chaque audience durant votre
25 déposition, je vais vous rappeler la déclaration solennelle que vous venez
26 de prononcer.
27 D'abord, je vous souhaite la bienvenue devant ce Tribunal, devant
28 cette Chambre de première instance devant laquelle vous comparaissez en
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1 tant que témoin. La première question que je voudrais vous poser est la
2 suivante : avez-vous déjà déposé devant ce Tribunal ou devant une instance
3 judiciaire sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
5 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vais vous expliquer brièvement la
6 procédure qui est appliquée ici pour que vous puissiez comprendre comment
7 votre déposition va se dérouler. Mais avant cela, pouvez-vous décliner
8 votre identité.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Goran Macar.
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle est votre profession, ou quelle
11 était votre profession, et quelle est votre date de naissance ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 14 novembre 1954 à Sokolac, sur
13 le territoire de la municipalité de Sokolac, sur le territoire de la
14 Republika Srpska, Bosnie-Herzégovine.
15 Je suis diplômé en sciences économiques.
16 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Quelle est votre appartenance ethnique ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis serbe. Je suis orthodoxe pour ce qui
18 est de ma religion.
19 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Vous avez été cité à la barre en
20 tant que témoin de la Défense de M. Stanisic, et le conseil de la Défense
21 de M. Stanisic va commencer à vous poser des questions maintenant.
22 Après quoi, le conseil de la Défense du coaccusé de M. Stanisic, M.
23 Zupljanin, pourrait avoir des questions pour vous aussi. C'est ce que vous
24 avez entendu lorsque vous êtes entré dans le prétoire.
25 Et après cela, le conseil de la Défense de M. Zupljanin va vous poser des
26 questions, ensuite le Procureur procédera au contre-interrogatoire, après
27 quoi le conseil de la Défense qui vous a cité à la barre vous posera peut-
28 être des questions supplémentaires.
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1 Les Juges de cette Chambre de première instance pourraient également vous
2 poser des questions à n'importe quel moment de l'audience.
3 Le conseil qui vous a cité à la barre nous a dit qu'il aurait besoin de 20
4 heures pour son interrogatoire principal. Le conseil de l'Accusation a dit
5 qu'il aurait besoin d'à peu près 20 heures aussi, ce qui nous amène à 40
6 heures au total. Et Me Aleksic, pour ce qui est de la Défense de Zupljanin,
7 a dit que pour ce qui est des questions posées par ce conseil de la
8 Défense, il aurait besoin de deux heures.
9 La Chambre de première instance siège soit dans la matinée, soit dans
10 l'après-midi. C'est parce qu'il y a d'autres Chambres de première instance
11 qui siègent dans cette même salle d'audience. Pour ce qui est de notre
12 affaire, nous allons siéger dans la matinée pendant toute la semaine.
13 Donc il y a toujours deux volets dans chaque audience. Si on travaille le
14 matin, on commence à 9 heures et on travaille jusqu'à 13 heures 45. Chaque
15 volet dure une heure et demie, parce que, pour des raisons techniques et du
16 fait que tout est enregistré lors des audiences, il faut changer des bandes
17 d'enregistrement, et c'est pour cela qu'on doit faire les pauses. Cela
18 permettra à vous-même, aux conseils de la Défense et à tout le monde qui
19 est impliqué à cette affaire de se reposer. Si durant les audiences vous
20 avez une raison ou une autre pour qu'on fasse une pause avant la pause
21 habituelle, vous pouvez nous le dire et nous allons essayer de procéder
22 ainsi.
23 Si vous n'avez pas d'autres questions, si j'ai été suffisamment clair dans
24 mes propos, j'aimerais que Me Zecevic, maintenant, commence son
25 interrogatoire principal en tant que conseil principal.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc le -- maintenant j'invite Me
28 Zecevic, qui est le conseil de la Défense principal pour M. Stanisic, à
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1 commencer son interrogatoire principal. Mais avant qu'il ne commence son
2 interrogatoire principal, la Chambre a demandé, et Me Zecevic vous a
3 certainement parlé de cela -- et pour le dire, il faut qu'on passe à huis
4 clos partiel avant le commencement de l'interrogatoire principal.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel
6 maintenant.
7 [Audience à huis clos partiel]
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1 [Audience publique]
2 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Maître Zecevic.
3 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Bonjour, Monsieur Macar.
5 R. Bonjour.
6 Q. Monsieur Macar, dites-nous quelque chose au sujet de votre carrière.
7 Quand avez-vous trouvé un emploi au sein du ministère des Affaires
8 intérieures de la République socialiste fédérale de Bosnie-Herzégovine ?
9 R. Après avoir terminé mes études en 1977, j'ai commencé à travailler le 6
10 juin 1977, dans le secrétariat de la ville des affaires de l'intérieur de
11 la République socialiste fédérale de Bosnie-Herzégovine. Je travaillais
12 dans le cadre de la prévention de la criminalité financière. Je
13 m'acquittais de ces tâches jusqu'en 1982, lorsque je suis devenu chef du
14 département de la répression de la criminalité dans le secrétariat des
15 affaires intérieures municipal de la municipalité de Sarajevo. Je
16 m'acquittais de ces tâches-là jusqu'en 1987, lorsque j'ai regagné le SUP,
17 c'est-à-dire le secrétariat des affaires intérieures de la ville de
18 Sarajevo, dans le cadre de la répression de la criminalité économique.
19 C'est là que j'ai travaillé jusqu'à 1990, lorsque j'ai été nommé chef du
20 département de la répression de la criminalité générale dans le secrétariat
21 des affaires intérieures de la ville de Sarajevo.
22 En 1992, j'ai commencé à travailler comme coordinateur au sein de
23 l'administration de la police criminelle du ministère de l'Intérieur de la
24 Republika Srpska. Ensuite, j'ai été nommé au poste du chef de cette
25 administration, et j'ai continué à exercer ces fonctions jusqu'à la fin
26 1995.
27 Q. Merci. Vous nous avez dit que vous avez regagné le SUP de la ville de
28 Sarajevo en 1992. Dites-moi, jusqu'à quel moment avez-vous travaillé au
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1 sein du SUP de la ville de Sarajevo ?
2 R. J'ai travaillé au poste du chef du département de la répression de la
3 criminalité générale entre 1990 et le 3 avril 1992.
4 Q. Quand avez-vous commencé à travailler dans le ministère des Affaires
5 intérieures de la République serbe de Bosnie-Herzégovine ?
6 R. S'agissant du ministère des Affaires intérieures de la République serbe
7 de Bosnie-Herzégovine, j'ai commencé à y travailler à la deuxième moitié du
8 mois d'avril. Si mes souvenirs sont bons, c'était le 19 avril.
9 Q. Monsieur Macar, quand avez-vous rencontré Mico Stanisic pour la
10 première fois ?
11 R. J'ai rencontré M. Mico Stanisic pour la première fois vers la fin de
12 l'année 1977 ou début 1978, lorsque j'étais stagiaire dans le département
13 dans lequel il travaillait.
14 Q. Merci. Monsieur Macar, au cours de la période 1990-1992, vous nous avez
15 dit que vous avez travaillé au SUP de la ville de Sarajevo ?
16 R. Oui.
17 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que la victoire des partis nationaux
18 aux élections en 1990 avait changé quelque chose pour ce qui est du
19 fonctionnement du ministère de l'Intérieur, et si oui, quoi ?
20 R. Suite à la victoire des partis nationaux, bien sûr que la politique en
21 Bosnie-Herzégovine a changé aussi, et ceci s'est reflété au niveau du
22 ministère de l'Intérieur. Au début, il y a eu une lustration silencieuse du
23 personnel qui était au sommet du MUP au niveau municipal et autre. Un grand
24 nombre de membres de personnel a pris sa retraite conformément à la loi en
25 vigueur ou a commencé à exercer des fonctions en dehors du ministère de
26 l'Intérieur. Automatiquement, ceci s'est reflété au niveau de la qualité du
27 travail. Dès la fin 1991 et début 1992, l'impact de ces partis nationaux
28 sur la manière dont le ministère de l'Intérieur fonctionnait est devenu
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1 très évident, et le ministère a commencé également à s'éclater le long des
2 failles qui suivaient les lignes nationales ou ethniques.
3 Q. Vous avez dit qu'une lustration silencieuse s'est opérée. A quoi
4 faites-vous référence ?
5 R. A l'époque, les dirigeants qui étaient des professionnels dans le cadre
6 de leurs activités, probablement ils avaient géré également des affaires à
7 l'encontre d'un certain nombre de personnes qui --
8 Q. Excusez-moi, c'est le terme "lustration" qui a posé problème. Est-ce
9 que vous pourriez nous expliquer ce que ce terme veut dire ?
10 R. Remplacement du personnel au sommet du ministère de l'Intérieur, que ce
11 soit au niveau du poste de sécurité publique ou au sommet du ministère de
12 l'Intérieur.
13 Q. Dites-moi, en 1991, quelle était la politique du personnel qui a été
14 menée au sein du MUP de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine ?
15 R. Avant de répondre à cette question, puis-je ajouter la chose suivante :
16 au début de l'année 1991, en mars, un recensement de la population de la
17 Bosnie-Herzégovine a eu lieu. Les membres du ministère de l'Intérieur, de
18 la Sûreté de l'Etat et de la sécurité publique, suite au recensement,
19 disposaient des informations indiquant que la direction du Parti de
20 l'Action démocratique, avec un certain nombre de membres de postes de
21 sécurité publique et du sommet du MUP d'origine musulmane, avait accru le
22 nombre de la population sur les listes du recensement lors du recensement
23 et suite à lui. D'après les premières informations dont nous avons disposé,
24 ils ont inséré un grand nombre de membres de la population de Sandzak. Or,
25 il s'agit d'une région qui est dans le sud de la Serbie et au nord du
26 Monténégro. Donc ils ont inséré un grand nombre de Musulmans de Sandzak et
27 un moindre nombre de citoyens du Kosovo. S'agissant de ces informations,
28 les Services de sécurité publique et de la Sûreté de l'Etat en disposaient.
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1 Je pense que ce recensement n'a jamais été vérifié. Les informations ont
2 été transmises également vers le ministère de l'Intérieur.
3 Mais je ne sais pas si -- d'après mes connaissances, personne au sein
4 du ministère n'a vérifié cela et n'a réagi face à ces informations. Et même
5 encore aujourd'hui existe un certain nombre de doutes compte tenu du fait
6 que la partie musulmane de la direction en Bosnie-Herzégovine, ou la partie
7 bosnienne, évite d'être enregistrée, en insistant que ce soient les données
8 et les paramètres du recensement de 1991 qui soient adoptés de nouveau et
9 appliqués. Le Parti de l'Action démocratique, après le dernier recensement,
10 a demandé que les résultats du recensement et les proportions pertinentes
11 s'appliquent au travail et recomplètement [phon] en matière du personnel du
12 ministère de l'Intérieur également.
13 Q. Un instant, s'il vous plaît.
14 Tout d'abord, Monsieur Macar, veuillez parler un peu plus lentement.
15 Ce que vous dites doit être interprété, et ceci n'est pas du tout simple
16 compte tenu du fait que vous mentionnez un grand nombre de données dans vos
17 propos.
18 Dites-moi, s'il vous plaît, d'après ces données que vous avez eues
19 concernant l'ajout prétendu des citoyens d'appartenance ethnique musulmane
20 du territoire de Sandzak lors du recensement sur les listes du recensement
21 de Bosnie-Herzégovine, tout d'abord, dites-nous si le territoire de Sandzak
22 faisait partie de la République de Bosnie-Herzégovine ?
23 R. Non. La région de Sandzak s'étend sur une partie du sud de la Serbie et
24 du nord du Monténégro.
25 Q. Quelle a été la structure ethnique, d'après vos connaissances, sur le
26 territoire de Sandzak ?
27 R. Sandzak est constitué, pour la plupart, de la population musulmane.
28 Q. Dites-nous, s'il vous plaît : les données dont vous disposiez en 1991
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1 concernant l'accroissement de nombre de personnes couvertes par le
2 recensement en 1991, est-ce que vous savez sur combien de personnes ce
3 décalage portait ?
4 R. J'ai pu vérifier les chiffres auprès de mon supérieur, dans le bureau
5 de mon supérieur hiérarchique, et d'après ces données, il s'agissait
6 d'environ 300 à 310 000 personnes.
7 Q. Vous avez mentionné votre supérieur hiérarchique. C'était qui ?
8 R. C'est M. Jozo Leutar qui était mon supérieur hiérarchique. Il était le
9 chef du secteur de la police criminelle au sein du secrétariat de
10 l'intérieur de la ville de Sarajevo.
11 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle était son appartenance ethnique
12 ?
13 R. Croate.
14 Q. Dites-nous, Monsieur, vous avez mentionné le fait que l'on insistait --
15 ou plutôt, dites-nous d'abord combien de citoyens vivaient dans la
16 République de Bosnie-Herzégovine ? Combien de citoyens y avait-il dans
17 cette république à l'époque du recensement, c'est-à-dire en 1991 ?
18 R. Environ 4 millions et quelques centaines de milliers. Peut-être 4
19 millions et 300 ou 400 000, pour autant que je me souvienne.
20 Q. Dites-nous, est-ce que, au sein du ministère de l'Intérieur de la
21 République socialiste de Bosnie-Herzégovine, le principe qui s'appliquait
22 était tel que l'on tenait compte d'un équilibre national lors du
23 recrutement du personnel ?
24 R. Dans la politique du recrutement, on a essayé de respecter la parité
25 nationale, y compris s'agissant de la composition du ministère de
26 l'Intérieur.
27 Cependant, à cette époque-là, surtout s'agissant de la police en
28 uniforme, il y avait environ 40 % de policiers serbes. Les conditions
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1 étaient telles que les personnes qui répondaient au concours de
2 recrutement, surtout s'agissant de la police en uniforme, étaient pour la
3 plupart des Serbes, et c'est la raison pour laquelle cette parité était
4 quelque peu dérangée.
5 Q. S'il vous plaît, encore une fois, veuillez faire une pause après ma
6 question pour permettre aux interprètes d'entendre bien votre réponse et
7 veuillez nous parler lentement.
8 Dites-nous, ces 40 % de Serbes, lorsque vous en parlez, vous faites
9 référence à quelle partie du ministère de l'Intérieur ?
10 R. Il s'agissait de la police, ou plutôt, des agents de police directs,
11 c'est-à-dire des policiers en uniforme.
12 Q. Merci. Revenons de nouveau à ma première question. Quelle a été la
13 politique du personnel qui s'appliquait après ce recensement de la
14 population au sein du ministère de l'Intérieur de la République socialiste
15 de Bosnie-Herzégovine ?
16 R. Suite au recensement, notamment le Parti de l'Action démocratique
17 insistait pour que la parité soit introduite conformément aux résultats du
18 recensement. Cependant, cette parité avait été déstabilisée, surtout
19 s'agissant de la police de réserve, et là je parle du territoire de la
20 ville. Car dans le cadre des postes de sécurité publique, il y avait
21 également la composition de police de réserve. Et il y a eu un déséquilibre
22 dans la plupart des municipalités. C'étaient majoritairement les Musulmans
23 qui ont été admis dans la composition de la police de réserve.
24 Et il est important également de souligner qu'un grand nombre de citoyens
25 musulmans de Sandzak ont été intégrés dans la police de réserve à l'époque.
26 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que les citoyens qui sont venus du
27 territoire de Sandzak, est-ce qu'ils disposaient de la citoyenneté de la
28 République socialiste de Bosnie-Herzégovine ?
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1 R. Non, ils ne l'avaient pas. Ils étaient soit citoyens de la Serbie ou du
2 Monténégro.
3 Mais je veux souligner une autre chose. Déjà en 1990 et début 1991, il y a
4 eu un grand flux de citoyens musulmans de Sandzak et d'Albanais du Kosovo.
5 Au cours de cette période, ils avaient repris pratiquement l'économie grise
6 sur le marché de Sarajevo. Le marché gris était contrôlé par eux. Ils ont
7 commencé à vendre des devises au noir, dans la rue. Ils sont devenus des
8 dealers des devises. Dans chaque quartier de Sarajevo, ces personnes
9 opéraient. Il y avait des dizaines et dizaines d'entre eux qui,
10 littéralement, vendaient de l'argent. Et ils étaient tous dans des trafics
11 plus ou moins illicites sur les marchés de la ville. Ils vendaient des
12 cigarettes au noir, de l'alcool, de la nourriture, des produits chimiques,
13 et ainsi de suite. D'après l'évaluation de la police et des inspecteurs en
14 1991, en 1990 et en 1991 plutôt, il y a eu des dégâts s'élevant à plusieurs
15 centaines de milliers d'euros qui avaient disparu du budget de l'Etat de
16 Bosnie-Herzégovine en raison de ce trafic illicite. Nous avons essayé
17 d'avoir une approche plus ferme par rapport à ce type de criminalité. En
18 1991, nous avons eu plusieurs opérations de la police qui impliquaient un
19 grand nombre de policiers, et des opérations avaient été planifiées par la
20 direction de la police. En principe, il fallait recueillir autant
21 d'informations que possible, mais ceci n'était pas possible car il y avait
22 une fuite d'information. Et la plupart des opérations ont subi un échec en
23 raison de ces fuites. Plusieurs centaines de policiers ont participé à ces
24 opérations. Nous avons essayé de lutter contre ce type de criminalité qui
25 florissait à travers la ville.
26 Et j'ai parlé avec M. Leutar au sujet des Musulmans qui participaient avec
27 nous à la planification et la mise en œuvre de ces opérations, et
28 apparemment -- enfin, il s'est avéré à un moment donné que c'étaient eux
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1 qui étaient la source des fuites.
2 Q. Peut-on clarifier un point : est-ce qu'il était possible, conformément
3 à la loi en vigueur à l'époque, que les citoyens d'une autre république
4 soient admis au sein de la police de réserve d'une autre république --
5 d'une république dont ils n'étaient pas citoyens ?
6 R. Le fondement pour que quelqu'un puisse être membre de la police de
7 réserve était que la personne ait dans cette république son lieu de
8 résidence, ou plutôt, sur le territoire de la ville ainsi qu'un emploi
9 fixe, et que des vérifications, notamment pour ce qui est de la case
10 judiciaire, soient effectuées. Donc l'on engageait, pour la plupart, les
11 citoyens de la République de Bosnie-Herzégovine seulement.
12 Q. Est-ce que l'une des conditions était un emploi fixe ?
13 R. C'était l'un des critères. Il n'était pas directement interdit de les
14 engager sans ce critère, mais pour la plupart l'on engageait les membres
15 qui avaient un emploi fixe déjà.
16 Q. Lorsque vous parlez de ces vérifications s'agissant des membres de la
17 police à travers les dossiers et leur case judiciaire, est-ce qu'il y a eu
18 d'autres catégories de personnes qui ont été admises dans la police à cette
19 époque-là, et si oui, lesquelles ?
20 R. Ce que je peux souligner, c'est que d'après nos observations, nous
21 avons pu constater que l'on admettait des personnes qui avaient un passé
22 suspect dans la police, qu'il y avait un certain nombre de personnes qui
23 avaient commis des actes criminels qui ont été admis, alors que les règles
24 étaient sévères. Ceux qui avaient commis des actes criminels ne pouvaient
25 pas faire partie de la police de réserve. Et ceci se reflétait notamment
26 sur le territoire de la municipalité de Stari Grad et du Centre. Et puis je
27 souhaite vous faire part d'un autre commentaire s'agissant de la police de
28 réserve, avec votre permission.
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1 Sur le territoire de la municipalité du Centre, un nombre énorme était
2 admis sans appliquer les critères en vigueur à l'époque. Et je sais que
3 dans ma rue les citoyens se tenaient eux aussi face à un tel nombre de
4 réservistes présents tous les jours de Sandzak. Il était facile de les
5 reconnaître, car ils avaient un accent différent. Je sais que l'on appelait
6 ma rue petite Novi Pazar, or il s'agissait des personnes en uniforme qui
7 portaient des armes. Or, à l'époque, je ne savais pas à quoi ces armes
8 servaient. Et ils avaient même des fusils à l'époque.
9 Q. Je n'ai pas compris. Lorsque vous avez dit "ma rue", vous avez vécu
10 dans cette rue-là ?
11 R. Excusez-moi. Je vivais à Sarajevo, dans le centre-ville, la rue Slavisa
12 Vejnercici [phon], et le secrétariat de l'intérieur municipal était à
13 environ 2 mètres de l'entrée dans mon immeuble. Il s'agissait d'une petite
14 rue sympathique où on pouvait voir facilement qui entrait dans le poste,
15 qui sortait, qui se regroupait autour. Ce bâtiment était près du bâtiment
16 du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine dans lequel feu mon épouse
17 travaillait, et près de là se trouvait également un jardin d'enfants dans
18 lequel allaient mes enfants.
19 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez me dire, est-ce que cette situation-là
20 provoquait des problèmes dans certains postes de sécurité publique ?
21 R. A la fin de l'année 1991 et début de l'année 1992, les violations des
22 lois régissant le fonctionnement du ministère de l'Intérieur ont escalé,
23 notamment sur le territoire de la municipalité de Stari Grad. La direction
24 de la municipalité de Stari Grad admettait en masse des citoyens musulmans
25 dans la police de réserve et diminuait le nombre de postes dans lesquels
26 c'étaient les Serbes qui étaient les policiers de réserve et changeait les
27 dirigeants. Là où les Serbes étaient chefs de postes de sécurité publique,
28 du jour au lendemain, ils étaient remplacés par des Musulmans.
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1 Et j'ajouterais aussi que dans la municipalité de Stari Grad, souvent
2 les criminels rendaient visite plus souvent aux dirigeants de ce poste que
3 leurs collaborateurs et employés qui avaient besoin de communiquer avec
4 leurs supérieurs hiérarchiques.
5 Q. Alors, dites-moi d'abord, ce poste de sécurité publique de Stari Grad,
6 ou le secrétariat municipal de Stari Grad, donc s'agissait-il d'une
7 municipalité qui faisait partie de la ville de Sarajevo ?
8 R. C'est une municipalité qui, effectivement, fait partie de la ville de
9 Sarajevo et qui était principalement habitée par une population musulmane.
10 Et cette municipalité se trouvait à la frontière également de la
11 municipalité de Pale, pour la majeure partie, et la municipalité Centre.
12 Puis-je ajouter juste quelque chose ?
13 Q. Oui, certainement.
14 R. S'agissant maintenant des dirigeants serbes qui composaient les
15 effectifs de la réserve de la municipalité de Stari Grad, s'agissant du
16 désarmement, puisque les autres postes étaient également équipés d'armes,
17 des dirigeants du secrétariat de l'intérieur de Stari Grad avaient pris les
18 armes aux réservistes. Puisque là où les Serbes étaient principalement
19 policiers, ils ont démis de leurs fonctions les chefs de ces postes de
20 police pour les remplacer avec des personnes de nationalité musulmane,
21 alors que le secrétariat de l'intérieur a été déplacé dans les postes de
22 réserve où les Musulmans étaient principalement majoritaires s'agissant des
23 effectifs de réserve.
24 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que vous savez de quelle façon cette
25 situation concernant la municipalité de Stari Grad a été réglée ?
26 R. Je devrais ajouter, si je puis, ceci : dans la municipalité de Stari
27 Grad, il y avait des criminels parmi les dirigeants, et on voyait également
28 et on entendait de façon quotidienne des menaces par les policiers aussi de
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1 ce poste de police - bon, principalement par des criminels - et ce, à
2 l'endroit de Serbes.
3 Pour ce qui est des tâches régulières, les membres de nationalité serbe
4 recevaient pour mission des tâches pour aller à l'extérieur, alors que les
5 autres, vers la fin de 1991, avaient leurs propres zones de travail. Et
6 ensuite, les Musulmans étaient assignés à ce travail-là.
7 Et lorsque les formations musulmanes paramilitaires ont commencé à
8 venir et à voir les dirigeants politiques réguliers, les officiers de la
9 police serbes ont écrit une lettre ouverte dans laquelle ils ont demandé
10 que ce problème soit réglé. Par contre, les dirigeants du ministère de
11 l'Intérieur au sein de son siège, s'agissant de la direction de la police
12 et du ministre, ainsi que des autres, ne se sont pas efforcés de prendre
13 les mesures nécessaires afin que la situation s'améliore et de sanctionner
14 les personnes ayant causé ce type de situation. C'est pourquoi, au niveau
15 de la ville, on s'était mis d'accord qu'une partie des effectifs serbes
16 passent dans un autre poste de police, et les policiers et les membres de
17 la police judiciaire étaient venus dans mon département. Il y avait donc
18 quatre inspecteurs, et ils devaient également être là jusqu'à ce que la
19 situation ne s'améliore dans la municipalité de Stari Grad.
20 Q. Très bien.
21 M. ZECEVIC : [interprétation] Je demanderais que l'on montre au témoin la
22 pièce 1D132. J'ai préparé un classeur pour le témoin. Je demanderais à Mme
23 l'Huissière de bien vouloir remettre ce classeur au témoin.
24 Q. Pourriez-vous vous rapprocher des microphones, s'il vous plaît, afin
25 que les interprètes puissent mieux vous entendre.
26 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
27 M. ZECEVIC : [interprétation] Voici l'intercalaire numéro 3. Attendez juste
28 quelques instants afin que vous puissiez le trouver dans le classeur.
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1 M. HANNIS : [aucune interprétation]
2 L'INTERPRÈTE : M. Hannis est inaudible.
3 M. ZECEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur, voici un document qui porte l'en-tête : Les travailleurs de
5 nationalité serbe du poste de police de Stari Grad, 5 mars 1990, destiné au
6 ministère de l'Intérieur, CSB de Sarajevo et au SUP de Sarajevo.
7 Dites-moi, s'il vous plaît, si vous êtes en mesure de nous faire des
8 commentaires sur ce document ?
9 R. Ce document est quelque chose que je connais, effectivement. Les
10 membres de la police de Stari Grad de nationalité serbe ont parlé des
11 problèmes qu'ils rencontraient au cours de l'année 1991 et 1992. Au tout
12 début, effectivement, je me souviens de ces commentaires, plus
13 particulièrement puisque les quatre employés dont j'ai parlé sont venus
14 travailler dans mon service à moi, s'agissant du SUP de la ville de
15 Sarajevo.
16 Où l'on mentionne que les membres des Bérêts verts ont établi des
17 échanges avec les dirigeants, après cela on voit que l'on parle d'autre
18 chose ici, mais je voudrais simplement expliciter, si je puis, ceci. Le
19 ministère de l'Intérieur et le service de la sûreté publique, déjà au mois
20 de mai 1991, avaient obtenu pour information que le parti du SDA a formé et
21 organisé des formations armées appelées Ligue des Patriotes, des Bérets
22 verts. Et dans le cadre du travail opérationnel, des employés de la section
23 à la tête de laquelle je me trouvais, nous étions parvenus à l'information
24 qu'un très grand nombre d'auteurs de crimes provenant de la ville de
25 Sarajevo étaient recrutés dans la formation paramilitaire appelée Bérets
26 verts, et certains d'entre eux étaient devenus commandants de ces unités.
27 Je devrais également mentionner certains de ces auteurs de crimes. Il
28 s'agit, par exemple, de Juka Prazina, un auteur de crime très bien connu
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1 qui a été traduit devant la justice à plusieurs reprises; ensuite Ismet
2 Bajramovic, appelé Celo, qui était accusé de crimes graves. Il était accusé
3 d'avoir préparé, organisé la mort. Il avait participé à un complot dans le
4 but de tuer le ministre et plusieurs cambriolages. Il a été --
5 L'INTERPRÈTE : Inaudible.
6 M. ZECEVIC : [interprétation]
7 Q. Excusez-moi, je dois vous dire de ralentir parce que les interprètes
8 n'arrivent réellement pas à vous comprendre.
9 Alors, dites-nous, s'il vous plaît, vous avez parlé de quelqu'un qui a
10 préparé ou qui a comploté de préparer la mort de quelqu'un. C'était Ismet
11 Bajramovic, appelé Celo ?
12 R. Il s'agissait du meurtre du procureur à Sarajevo qui s'occupait de
13 l'affaire contre Bajramovic et contre son groupe qui effectuait des crimes
14 tels que le cambriolage et autres.
15 Q. Alors, dites-moi, s'il vous plaît, si les personnes en question, dont
16 vous parlez, ont des documents officiels ?
17 R. Je sais qu'Ismet Bajramovic, Celo, avait des documents d'identification
18 du MUP de Bosnie-Herzégovine.
19 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que vous saviez qu'en était-il des
20 candidats qui étaient envoyés afin de suivre une formation au MUP en
21 Croatie au cours de l'année 1991 ?
22 R. Si je me souviens bien, au cours de l'été 1991, nous sommes arrivés à
23 certaines informations selon lesquelles le parti SDA envoyait les citoyens
24 musulmans afin qu'ils puissent suivre une formation du MUP à Zagreb. Nous
25 avions trouvé cela quelque peu inusité. D'abord, qu'un parti politique
26 puisse envoyer des candidats afin de suivre une formation pour effectuer
27 des tâches de policiers; et deuxièmement, nous à Sarajevo, nous étions
28 dotés de ce centre de formation et d'entraînement. Ce centre était doté
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1 également d'une école secondaire afin de donner l'éducation aux membres de
2 la police, et c'est dans cette école que l'on organisait des cours pour
3 former de nouveaux policiers, des policiers qui travailleraient dans la
4 police judiciaire ainsi que des experts en matière médicolégale. Et
5 ensuite, nous en avions parlé entre nous, et je pense que M. Leutar, le
6 chef, avait fait des commentaires sur ces politiques. Mais je pense qu'au
7 siège même du ministère, je ne pense pas que quelqu'un ait rédigé des
8 documents à cet effet. Et pour ce qui est du QG, je ne sais pas si l'une
9 quelconque des personnes avait continué de vérifier ce genre de chose pour
10 découvrir quelles étaient les réelles intentions des personnes qui se
11 trouvaient derrière ces opérations. Nous avions également certains citoyens
12 musulmans qui étaient venus poser des questions sur ce phénomène. Ils
13 avaient entendu parler de cela des personnes de Zagreb. Ils se demandaient
14 de quelle façon ceci pourrait être fait. Ils pensaient que le ministère de
15 la République de Bosnie-Herzégovine était derrière ceci.
16 Q. D'après votre information, est-ce que le ministre de l'intérieur était
17 impliqué dans cette opération, et est-ce que c'était effectivement quelque
18 chose qui est organisé par le SDA ?
19 R. Eh bien, vous aviez les dirigeants du SDA d'une part, et le MUP et les
20 Musulmans d'autre part. Donc j'imagine qu'ils étaient réellement impliqués
21 dans tout ceci, plus particulièrement -- enfin, les deux étaient impliqués,
22 puisque personne n'avait entrepris des mesures pour vérifier ces
23 informations. Personne n'a rien fait.
24 Q. Merci. D'un point de vue de la sécurité, de quelle façon pourriez-vous
25 caractériser cette situation à Sarajevo, étant donné que vous travailliez à
26 Sarajevo fin 1991 ?
27 R. La situation relative à la sécurité était très complexe, avec beaucoup
28 de tensions. Le ministère de l'Intérieur était divisé à la verticale. Il y
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1 avait également des déviations dont je vous ai parlé, donc la municipalité
2 de Stari Grad, et cetera, mais je voudrais ajouter quelque chose, et c'est
3 lié d'ailleurs à cette question également.
4 Un très grand nombre d'auteurs de crimes, qui étaient recherchés
5 d'ailleurs, soit à cause d'un soupçon selon lequel ils auraient commis des
6 crimes ou parce qu'il y avait des ordres qui étaient émis afin qu'ils
7 soient arrêtés, se promenaient librement dans la municipalité de Stari Grad
8 et --
9 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que le témoin est très loin
10 du micro et ils l'entendent à peine.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc je dois également mentionner --
12 voilà un nom, M. Sakic, qui était le commandant des Bérets verts dans la
13 municipalité de Bistrik, municipalité de Stari Grad. Lui, il était presque
14 tous les jours chez M. Dahic du SUP. Et nous, au sein de notre département
15 au SUP, nous avions envoyé des informations pour dire qu'il y avait eu des
16 actes d'accusation et que ces personnes étaient recherchées, mais personne
17 n'a essayé d'arrêter. Personne n'a essayé donc d'emmener ces personnes, et
18 c'était ainsi s'agissant de toutes les autres activités politiques. Caco,
19 par exemple, connu par ses actes, était l'adjoint du commandant des Bérets
20 verts. Il allait aussi chez M. Dahic, et il allait voir d'autres dirigeants
21 musulmans de cette municipalité. Les organes municipaux faisaient de moins
22 en moins d'activités afin de contrer le crime, alors que le crime, de façon
23 générale, était à la hausse.
24 Au mois de septembre 1991, nous avons mis en œuvre une opération qui
25 consistait à arrêter les personnes qui s'étaient adonnées aux cambriolages,
26 et nous avions réussi à arrêter Caco, son frère Suro [phon] et d'autres
27 membres de sa famille qui plus tard étaient arrêtés pour le meurtre du fils
28 d'Avdo Hebib. Et plus tard, lors d'un entretien avec lui, lorsque nous
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1 l'avons arrêté, il nous a dit que l'adjoint du commandant des Bérets verts
2 pour la municipalité de Bistrik, Sakic, il nous a parlé de lui. Et donc,
3 c'était une information relative à une compagnie qui était avec leur
4 peloton ou leur section et qui était armée d'armes automatiques et de
5 moyens de transmission. Il ne s'agissait pas du tout d'un secret, ni pour
6 la municipalité de Stari Grad, non plus pour la municipalité de la ville.
7 Je dois dire que c'était tout à fait ouvert. C'était quelque chose qui
8 était vu, et cela influençait le travail de notre service. Et plus tard,
9 nous avons pu parler aux inspecteurs de nationalité serbe de la
10 municipalité de Stari Grad.
11 M. ZECEVIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur, s'agissant de cette situation que vous nous avez décrite,
13 s'agissant de ce mauvais fonctionnement du ministère de l'Intérieur,
14 s'agissant du ministère de l'Intérieur de la République socialiste de
15 Bosnie-Herzégovine, dites-nous si ce dernier faisait quelque chose, et si
16 oui, que faisait-il ?
17 R. Eh bien, voilà. Les dirigeants au sein du siège et la majeure partie
18 des organes municipaux n'ont rien pris. Il y avait effectivement des cas
19 individuels de ce que j'ai pu constater de par mon propre travail. Nous
20 avions essayé de mettre en œuvre les informations que nous recevions. Je
21 vais vous donner un exemple : nous avions une information selon laquelle
22 l'usine Konjic était un endroit duquel on faisait parvenir les armes et les
23 munitions pour Hrasnica, Ilidza et Novi Grad. Les membres de la Ligue des
24 Patriotes et les Bérets verts avaient travaillé avec les mêmes
25 organisations de Konjic et avec également le SDA. Tous, ensemble,
26 travaillaient là-dessus. Et nous avions également l'information selon
27 laquelle il y a eu des escortes par camions par la police musulmane de
28 Hadzici, plus particulièrement l'adjoint du commandant de l'unité de la
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1 police qui était également un Musulman, dans le village de Drozgometva. Il
2 fallait faire attention. En fait, nous avons essayé de faire attention pour
3 que l'information ne coule pas pour les raisons déjà connues. Et s'agissant
4 de ma participation directe dans cette activité, je peux vous dire que le
5 camion que nous suivions a réussi de s'échapper dans des petites rues de la
6 municipalité de Novi Grad, et nous n'avons pas réussi à le trouver avec mon
7 inspecteur. Nous sommes rentrés directement à la maison, chez l'adjoint du
8 chef. Je ne me souviens plus de son nom. Il était très, très maigre. C'est
9 un vieux policier, en fait, qui avait une moustache.
10 Ensuite, c'est là que nous avons vu sa femme, nous l'avons
11 identifiée, et nous lui avions dit que nous avions besoin de son mari pour
12 des activités professionnelles. Nous l'avons attendu, et je sais que
13 lorsqu'il nous a vus, il était très agité, même effrayé. Par la suite, nous
14 avons pris un café. Et je l'ai prié de nous dire ce qu'il faisait, quelles
15 étaient ses activités, et je lui ai transmis l'information suivante selon
16 laquelle je lui disais que nous allions procéder à son arrestation la
17 prochaine fois. L'action que nous menions ne s'est pas bien soldée. Je lui
18 ai dit que d'après une information récente -- avait cessé de suivre ces
19 convois.
20 Q. Monsieur, essayez de vous concentrer sur les questions que je vous
21 pose.
22 Alors, dites-nous, la situation telle que vous nous l'avez décrite --
23 répondez simplement de façon brève. S'agissant de cette situation-là, est-
24 ce que vous vous êtes entretenu avec les dirigeants ou les supérieurs,
25 donc, du chef municipal du SUP ?
26 R. Oui. Je me suis entretenu avec mon supérieur hiérarchique.
27 Q. Est-ce que votre supérieur hiérarchique avait une opinion sur la
28 situation à Sarajevo ? Quelle était son opinion ? Dites-la-nous si vous la
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1 connaissez.
2 R. Eh bien, il était d'avis qu'à cause du mauvais travail du ministère de
3 l'Intérieur, il pensait que la situation deviendrait de plus en plus
4 compliquée et que les mains des policiers étaient liées parce qu'il
5 n'existait pas de coordination entre le ministère en son siège avec le
6 centre de Sécurité du SUP de la ville et le poste de sécurité publique, et
7 ce, à cause de l'influence directe sur certains segments ou certaines
8 parties du ministère et de la sécurité publique le long des lignes
9 ethniques.
10 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je crois que le moment est venu pour
11 prendre la pause, Maître Zecevic ?
12 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Président,
13 Messieurs les Juges.
14 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Alors, nous allons prendre
15 une pause de 20 minutes.
16 [Le témoin quitte la barre]
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.
18 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 [Le témoin vient à la barre]
21 M. ZECEVIC : [interprétation]
22 Q. Monsieur Macar, avant la pause, vous nous avez parlé de la situation à
23 Sarajevo. Concernant le reste du territoire de Bosnie-Herzégovine, dites-
24 nous quelle était la situation qui prévalait sur ce territoire ?
25 M. HANNIS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. J'aimerais
26 avoir plus d'éléments pour savoir comment ce témoin puisse en savoir
27 quelque chose pour ce qui est du reste du territoire de la Bosnie-
28 Herzégovine.
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1 Donc j'aimerais que cette objection soit une objection qui est sous-
2 entendue dans des situations de ce type pour ne pas devoir me lever tout le
3 temps.
4 M. ZECEVIC : [interprétation] J'essaie de montrer quel était le contexte
5 des événements et les connaissances du témoin concernant ce contexte et
6 comment il a vu la situation à l'époque. Donc il s'agit juste des
7 événements que le témoin va décrire.
8 M. HANNIS : [interprétation] Eh bien, dans ce cas-là, je proposerais que
9 vous lui posiez une ou deux questions préliminaires pour savoir ce qu'il
10 sait de la situation dans d'autres parties du territoire et comment il le
11 sait, avant d'entendre sa description détaillée.
12 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Peut-être que j'ai eu tort lorsque j'ai
13 supposé que cela faisait partie de la question de Me Zecevic. Mais M.
14 Hannis à tout à fait raison, de façon formelle.
15 M. ZECEVIC : [interprétation] Je suis d'accord avec vous. Et je suis
16 reconnaissant à M. Hannis pour cette intervention.
17 Q. Monsieur, vous avez entendu la question ? Connaissiez-vous la situation
18 qui prévalait dans d'autres parties de la Bosnie-Herzégovine et comment le
19 saviez-vous ?
20 R. Je connais la situation dans d'autres parties de la Bosnie-Herzégovine,
21 et je vais vous dire pourquoi je suis au courant de cela.
22 Le service opérationnel du SUP de la ville de Sarajevo n'opérait pas
23 seulement sur le territoire de la ville de Sarajevo, mais sur le territoire
24 de la Bosnie-Herzégovine quand il s'agissait de certaines infractions
25 pénales, ou plutôt, quand il s'agissait de la recherche et du fait d'amener
26 les auteurs qui ont commis ces infractions pénales sur le territoire de la
27 ville de Sarajevo. C'est à cette fin qu'on a eu des rapports de coopération
28 avec d'autres services en Bosnie-Herzégovine.
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1 Je savais que, et c'était presque un secret de Polichinelle en
2 Bosnie-Herzégovine, que dans l'Herzégovine occidentale des formations
3 paramilitaires ont été créées, les forces armées croates. Vers la fin de
4 l'année, nous avons eu l'occasion de voir que c'était vrai, puisque nous
5 avions eu à faire un travail pour ce qui est d'un groupe d'auteurs de vol
6 de véhicules dans la région de la ville de Sarajevo qui les acheminaient
7 par la suite en Herzégovine. Ces auteurs étaient de la région de Mostar, de
8 Grude, de Ljubuski. Il s'agit de l'Herzégovine occidentale, où la
9 population est majoritairement croate.
10 Après avoir rassemblé les informations et rédigé des documents
11 concernant ces dossiers, on a commencé à engager des poursuites.
12 Q. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous avez entendu par la mise en
13 œuvre des poursuites ou réalisation de certaines démarches ?
14 R. Je vais expliquer cela. Donc, pour ce qui est de ces quatre
15 municipalités, nous devions amener cinq auteurs au SUP de la ville de
16 Sarajevo pour les entretiens d'information, pour les confronter à des
17 moyens de preuve et pour déposer des plaintes au pénal au parquet
18 compétant.
19 Concernant la ville de Mostar, de Listica, de Grude et de Ljubuski, deux
20 équipes ont été désignées pour y travailler. Ces deux équipes étaient
21 composées de trois inspecteurs chacune, qui, avec deux véhicules de
22 services, étaient partis d'abord au centre des services de Sécurité de
23 Mostar. Là-bas, le chef du secteur de la police judiciaire, Jovo Cokorilo,
24 et le chef du centre était un croate, un homme un peu plus âgé et avec
25 beaucoup d'expérience dans ce domaine de travail. C'est lui qui nous a
26 avertis que certains incidents pourraient se produire à l'occasion de
27 l'arrestation de ces auteurs d'infractions pénales. J'ai appris de sa
28 bouche que des points de contrôle étaient établis aux points d'entrée de
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1 ces municipalités où se trouvaient les membres armés des forces armées
2 croates. Ces deux équipes, à bord de véhicules de service, étaient parties
3 d'abord à Listica, qui s'appelle aujourd'hui Siroki Brijeg. Lorsqu'ils ont
4 vu le point de contrôle, ils ont remarqué à ce point de contrôle les
5 membres des forces armées croates en uniforme de camouflage. Ils portaient
6 des fusils d'infanterie à canons longs. Et lors de l'observation du point
7 de contrôle, puisqu'ils ne se sont pas approchés du point de contrôle dans
8 l'immédiat, ils ont pu remarquer que ces formations armées laissaient
9 passer sans contrôler des véhicules qui ne portaient pas de plaques
10 d'immatriculation. Puisque sur nos véhicules se trouvaient les plaques
11 d'immatriculation de Sarajevo, avec les lettres SA inscrites, les membres
12 de ces deux équipes les ont enlevées et mises dans le coffre. Et ils les
13 ont laissé passer par ce point de contrôle en les saluant par la main.
14 S'ils avaient essayé de passer avec les plaques d'immatriculation de
15 Sarajevo, ils auraient été certainement contrôlés et il y aurait eu
16 certainement des incidents. Ils auraient certainement dû expliquer pourquoi
17 ils se dirigeaient vers Listica.
18 La personne qui était considérée comme suspect a été retrouvée chez lui et
19 a été amenée sans délai au centre des services de Sécurité de Mostar par
20 les inspecteurs. Ceci a été fait pour éviter des problèmes en l'amenant au
21 centre des services de Sécurité de Sarajevo. Le même jour, chose similaire
22 a été faite, après avoir rencontré les mêmes barricades à Grude et à
23 Luboski.
24 Après avoir amené ces personnes dans les locaux du SUP de la ville de
25 Sarajevo, j'ai appelé Rezo, Ivo, chef de la police judiciaire du centre de
26 Sarajevo. Il était croate.
27 Q. Pouvez-vous répéter son nom. Continuez. Ménagez une pause entre ma
28 question et votre réponse.
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1 R. Il s'appelait Rezo, Ivo. Il était chef du secteur de la police
2 judiciaire du centre de sécurité publique de Sarajevo. Il était croate.
3 Je l'ai appelé puisqu'on menait cette action sur le territoire de plusieurs
4 municipalités. J'ai voulu l'informer du dossier. Et après avoir évalué les
5 documents opérationnels, il s'est mis d'accord pour dire qu'il y avait
6 assez de moyens de preuve et de doutes raisonnables pour qu'une plainte au
7 pénal soit déposée à l'encontre de cette personne. Le même jour, ils l'ont
8 mise en détention provisoire d'une durée de trois jours au maximum, et une
9 plainte au pénal a été déposée près du parquet compétent.
10 Cette nuit-là, nous avons fini ces activités, c'était vers 2 heures du
11 matin. Déjà vers 6 heures du même matin, j'ai eu un coup de fil. C'était M.
12 Rezo, Ivo qui m'a appelé. Il était ému et il m'a dit qu'il avait besoin
13 d'informations en urgence, d'informations concernant les activités menées
14 au sujet de cette affaire. C'est parce que le parti du HDZ exerçait une
15 grande pression sur lui, et lui-même il était membre du parti HDZ, du Parti
16 de la communauté démocratique croate. J'ai essayé de le calmer en lui
17 disant que je ne pouvais pas fournir d'informations à un parti politique.
18 Je lui ai dit qu'il devait s'adresser à M. Leutar, mon supérieur, s'il
19 avait besoin d'information.
20 Pour autant que je me souvienne, je pense que vu la pression exercée par la
21 HDZ, il a été démis de ses fonctions, et selon les informations que je
22 détiens, il a été muté à Zagreb.
23 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Je pense que vous avez expliqué en détail
24 comment vous avez appris tout cela.
25 Dites-moi, si vous vous souvenez, quand l'action menée en Herzégovine a eu
26 lieu, à savoir arrestation de ces cinq auteurs d'infractions pénales ?
27 R. Pour autant que je me souvienne, cela s'est passé vers la fin de
28 l'année 1991.
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1 Q. Dites-moi, Monsieur le Témoin, concernant la composition des équipes
2 d'inspecteurs qui étaient parties pour arrêter les auteurs d'infractions
3 pénales en Herzégovine, quelle était leur appartenance ethnique ?
4 R. Ces deux équipes étaient de composition mixte. Il y avait des Croates,
5 des Musulmans et des Serbes au sein de ces deux équipes.
6 Q. Monsieur le Témoin, dites-moi si vous avez des informations concernant
7 la situation prévalant à Bosanski Brod, et si c'est le cas, dites-nous
8 comment vous avez obtenu ces informations et quelles sont ces informations.
9 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève l'objection
10 concernant la pertinence de cette questions puisque cette municipalité ne
11 fait pas partie de nos municipalités. Je ne sais pas comment cela concerne
12 notre thèse. Je pense que c'est cumulatif pour le mieux.
13 M. ZECEVIC : [interprétation] A plusieurs occasions, le bureau du Procureur
14 a insisté à ce que les moyens de preuve soient présentés, des moyens de
15 preuve qui n'entraient pas dans le cadre de l'acte d'accusation, pour ce
16 qui est du territoire couvert par l'acte d'accusation. Ils ont expliqué à
17 ces occasions-là que cela montre quel était donc le modèle appliqué de
18 l'entreprise criminelle commune, et cetera.
19 J'essaie de faire la même chose avec ce témoin. J'essaie d'attaquer la
20 position du bureau du Procureur, et j'essaie de montrer que la situation
21 partout dans la Bosnie-Herzégovine en 1991 et début 1992 était telle.
22 M. HANNIS : [interprétation] C'est vrai. Nous avons présenté des moyens de
23 preuve concernant certaines choses qui ne concernaient pas les
24 municipalités couvertes par l'acte d'accusation pour dire qu'il s'agissait
25 de l'attaque systématique qui est généralisée contre la population civile.
26 Pourtant, Me Zecevic essaie de nous prouver ici qu'il s'agissait de la
27 méthode de tu quoque, généralisée et systématique.
28 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Hannis, je m'attends à ce
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1 qu'une fois les arguments présentés à la fin de l'audience, je m'attends à
2 ce que des bases importantes soient jetées pour ce qui est de l'attaque de
3 l'Accusation contre les moyens de preuve de la Défense. Nous devons donc en
4 continuité parler du contexte et mettre les événements dans le contexte, et
5 à présent je ne vois pas de difficulté par rapport à ce que Me Zecevic a
6 fait en posant la question pour élargir le contexte et pour élargir le
7 contexte de la thèse de la Défense. Je suis certain qu'il est conscient du
8 fait que la liberté qui est la sienne n'est pas la liberté qui lui donne la
9 possibilité de s'égarer à la fin de la journée d'aujourd'hui.
10 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Je comprends ce que vous avez voulu
11 dire. Mais pour ce qui est du fait que certaines choses ont été faites à
12 grande échelle, de façon systématique et généralisée, c'est quelque chose
13 que nous devons prouver, et cela a été contesté par la Défense, et c'est
14 clairement un point important dans cette affaire.
15 Tu quoque, ce principe, nous ne l'avons pas contesté, que le MUP a fait
16 certaines choses et qu'également les Croates et le HDZ, ainsi que les
17 Musulmans et les Serbes ont fait certaines choses pour ce qui est de
18 l'entreprise criminelle commune. Nous n'avons pas contesté ce point.
19 Mais je ne sais pas dans quelle mesure on peut insister là-dessus.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 M. ZECEVIC : [interprétation] Puis-je continuer ?
22 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.
23 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.
24 Q. Monsieur Macar, vous vous souvenez de ma question ?
25 R. Oui. Mais ma réponse ne peut pas être brève. Il est difficile de
26 résumer ma réponse à une phrase.
27 Vu la situation de sécurité complexe dans la ville à l'époque, lors
28 des réunions de travail avec M. Leutar, on nous informait des problèmes
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1 dans d'autres parties de la Bosnie-Herzégovine. Déjà à ce moment-là, vu les
2 documents dont nous disposions au MUP, et on a appris également dans les
3 médias que la situation prévalant en Bosanski Brod était extrêmement
4 complexe, qu'il y a eu des tensions entre les groupes ethniques, que les
5 groupes paramilitaires étaient apparus, les forces armées croates et les
6 forces du HDZ, et il y avait également des doutes pour ce qui est du trafic
7 des armes passant par les forces musulmanes et les forces croates. On a
8 essayé d'apporter solution à cette situation et d'améliorer la sécurité.
9 Une équipe de composition ethnique mixte a été envoyée. Cette équipe était
10 organisée de façon suivante : il y avait des membres du SUP de la ville et
11 du personnel du MUP, ils ont été envoyés à Brod. Avdo Hebib se trouvait à
12 la tête de cette équipe. Il était avant psychologue. Je pense qu'il était
13 un bon psychologue, mais il ne connaissait pas bien les opérations
14 policières. Donc il était à la tête de ce groupe, il devait coordonner
15 l'action menée par ce groupe ensemble avec le personnel du poste de
16 sécurité publique du SUP de la ville. Il y avait Skipina, Nenad, et une
17 autre personne. Skipina, Nenad travaillait en tant qu'inspecteur avec moi,
18 et il y avait Pekic, Petko, mon inspecteur. Il était mon inspecteur pendant
19 que je travaillais au poste de sécurité publique de centre.
20 Lors du départ de ce groupe, j'ai eu l'occasion de parler à Skipina puisque
21 nous travaillions dans les mêmes locaux au même étage, et j'ai appris que
22 lui aussi il devait partir avec ce groupe. Certaines mesures ont été prises
23 lors de cette action puisqu'il a fallu assurer la sécurité de la bande vers
24 la rivière Sava et aider le poste de sécurité publique à s'acquitter des
25 tâches régulières, et il a fallu aider également la police judiciaire du
26 poste de sécurité publique de Bosanski Brod.
27 Tôt dans la matinée le lendemain, du territoire de la Croatie, les forces
28 armées croates ont franchi la rivière Sava et, aidées par les formations
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1 paramilitaires de Bosanski Brod, ont occupé le bâtiment où se trouvaient à
2 l'époque les membres du MUP qui se reposaient là-bas, donc les membres du
3 MUP qui sont venus pour aider. M. Skipina m'a dit, lorsqu'il est retourné,
4 que la veille M. Avdo Hebib n'était pas apparu, même s'il était obligé de
5 coordonner l'action ce jour-là et de s'occuper des préparations pour ce qui
6 est de l'action qui devait être menée le lendemain.
7 Après avoir arrêté les membres du MUP par les formations paramilitaires qui
8 ont fait incursion à Brod, ils les ont malmenés, et j'ai appris que les
9 deux inspecteurs en question ont eu des séquelles psychiques, et pendant
10 cinq ou six mois ils devaient suivre un traitement psychiatrique.
11 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant de poursuivre, Maître Zecevic.
12 Monsieur Macar, peut-être devrais-je vous expliquer, puisque vous n'avez
13 pas déposé jusqu'ici, que lorsqu'un témoin dépose, il y a des choses qui ne
14 sont pas claires dans l'immédiat, et c'est par rapport aux mots pertinents
15 utilisés souvent par les conseils de la Défense. C'est parce qu'il faut
16 bien gérer la procédure, il faut limiter le nombre de moyens de preuve
17 présentés, puisqu'il faut se concentrer sur les allégations citées dans
18 l'acte d'accusation. C'est pour cela que les Juristes qui, entre autres,
19 étaient formés pour bien connaître les dispositions dans notre Règlement de
20 procédure et de preuve posent des questions d'une certaine façon pour
21 obtenir des réponses du témoin, des réponses concrètes, puisqu'il ne faut
22 pas permettre au témoin de se lancer à des narrations des événements, mais
23 d'un autre côté, le témoin voudrait, et c'est tout à fait normal, expliquer
24 pourquoi certaines choses se sont passées.
25 Et c'est pour cela que j'aimerais vous demander, lorsque le conseil
26 de la Défense de M. Stanisic vous posera des questions, ainsi que d'autres
27 parties au procès, d'écouter bien les questions, puisque le conseil de la
28 Défense vous pose une question pour une raison précise, et vous ne devriez
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1 que répondre à la question qui vous est posée.
2 M'avez-vous compris ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
4 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Zecevic, poursuivez.
5 M. ZECEVIC : [interprétation]
6 Q. Monsieur le Témoin, il y a deux questions que je veux vous poser.
7 A la page 38 du compte rendu, vous avez dit que les forces croates, avec
8 les formations paramilitaires de la région de Bosanski Brod, ont pris le
9 bâtiment, et dans le compte rendu cela a été consigné comme étant le
10 bâtiment qui était occupé par les personnes qui étaient en vacances. Je
11 pense que vous n'avez pas dit cela. Vous avez dit quelque chose d'autre, et
12 j'aimerais que mon éminent collègue ainsi que la Chambre me permettent
13 d'occuper un peu plus de cela.
14 Le bâtiment pris était le bâtiment où se trouvaient les membres du MUP qui
15 étaient venus à Brod pour aider le personnel du poste de sécurité publique
16 de Bosanski Brod, et à la tête de ce groupe se trouvait Avdo Hebib, n'est-
17 ce pas ?
18 R. Oui. Avec votre permission…
19 Q. Dites-moi, Monsieur, avez-vous parlé avec les membres ? Vous en avez
20 mentionné deux. Mais est-ce que vous avez parlé avec d'autres membres de ce
21 groupe qui est allé prêter main-forte à Bosanski Brod, suite à leur retour
22 ? Répondez, s'il vous plaît, par un oui ou un non.
23 R. Non.
24 Q. Vous ne leur avez pas parlé après leur retour de Bosanski Brod.
25 R. J'ai parlé seulement avec Nenad Skipina et Petko Pekic.
26 Q. Est-ce que ces deux personnes ont rendu quelqu'un coupable du fait que
27 les forces armées croates et les paramilitaires croates les avaient
28 arrêtées à Bosanski Brod ?
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1 R. Ils disaient catégoriquement que M. Hebib était responsable en raison
2 du fait qu'il n'avait pas pris des mesures pour empêcher cette situation,
3 car, entre autres, ils auraient dû couvrir la région frontalière autour de
4 la Sava et sécuriser le pont sur la Sava avec suffisamment de policiers qui
5 sont venus dans ce but-là dans la municipalité de Brod.
6 Q. Merci. Dites-moi, s'il vous plaît -- maintenant, nous allons passer au
7 début de 1992. Est-ce que vous avez des événements particuliers à nous
8 relater, événements qui se sont déroulés à Sarajevo et qui, à votre avis,
9 étaient importants du point de vue de la situation en matière de sécurité à
10 Sarajevo ?
11 R. Ce qui caractérisait le début de l'année 1992, c'est-à-dire janvier et
12 février, c'était le blocus total du travail des organes municipaux sur le
13 territoire de la ville et --
14 Q. Un instant, s'il vous plaît. Lorsque vous dites "organes municipaux",
15 vous faites référence à quels organes municipaux, s'il vous plaît ?
16 R. Premièrement, le secrétariat municipal des affaires intérieures de
17 Stari Grad, où les fonctions de la police n'étaient pas remplies.
18 Ensuite, je parle du poste de police du secrétariat des affaires
19 intérieures Centar, donc Centre, où une partie du personnel serbe n'était
20 pas intégré dans des affaires et missions régulières.
21 Sur le territoire de la municipalité de Stari Grad, à plusieurs
22 endroits, fonctionnaient des points de contrôle constitués par des
23 policiers d'active du poste de police de Stari Grad, des policiers de
24 réserve et des Bérets verts. Donc c'étaient des équipes mixtes.
25 Et ce que j'ai vu moi-même, c'était un point de contrôle sur la
26 déviation au-dessus de la municipalité de Stari Grad, vers Pale, à l'entrée
27 de la municipalité de Stari Grad et près du poste de police de Stari Grad.
28 Un reproche que l'on entendait constamment, y compris au secrétariat de la
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1 ville, était la désorganisation dans les forces de réserve. Car la
2 direction musulmane essayait, en dehors de tous les critères et de toutes
3 les règles, d'insérer le plus grand nombre de membres musulmans dans les
4 forces de réserve. Et, bien sûr, par le biais de cette force de réserve,
5 ils souhaitaient les armer.
6 Quant à la municipalité du Centre, malgré les informations indiquant
7 que sur le territoire de l'agglomération de Rijeka, qui était
8 majoritairement peuplé par des citoyens originaires de Sandzak,
9 pratiquement pendant la journée l'on y distribuait des armes. Et rien n'a
10 été fait. Aucune mesure n'a été prise par eux.
11 Je me souviens qu'en 1991, vers la fin de l'année, nous avons reçu
12 une information indiquant qu'un camion plein d'armes était arrivé --
13 Q. Merci. Nous parlons maintenant de l'année 1992, et ma question
14 portait sur un certain nombre d'événements. Si vous pouvez nous en parler,
15 et je ne dis pas qu'il faut en parler individuellement - nous en avons
16 beaucoup entendu parler dans le cadre de cette affaire - mais si, à votre
17 avis, il existe des événements que vous pourriez nous relater en tant
18 qu'événements importants.
19 R. Eh bien, au début du mois de mars, je peux mentionner le meurtre
20 pendant un mariage à Bascarsija. Ça, je le dis car l'auteur était connu, et
21 personne du poste de police de Stari Grad couvrant le territoire sur lequel
22 ceci s'est déroulé n'a rien entrepris pour arrêter l'auteur suite à son
23 identification.
24 Et ce qui était encore plus grave, à mon avis, était le blocus du
25 siège de la 2e Région de l'armée, ce qui a eu lieu le 15 mars. Ce jour-là,
26 dans le bureau de M. Leutar, nous avons été informés du fait que le
27 quartier général avait été bloqué. Et en raison des tensions ethniques qui
28 prévalaient dans la ville, nous avons convenu d'y aller personnellement
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1 pour voir l'ampleur de cet incident. Nous y sommes allés vers 11 heures le
2 15 mars. Nous sommes allés sur place donc.
3 Ce que nous avons vu sur place nous a étonnés d'un côté et, d'autre
4 part, ne nous a pas étonnés car nous avions reçu une information concernant
5 les anomalies dans le poste de police de Stari Grad. Nous y avons trouvé
6 plusieurs milliers de personnes autour du commandement, du bâtiment même du
7 commandement. Dans les premiers rangs se trouvaient le commandant du poste
8 de police, Ismet Dahic; ensuite, le chef; puis il y avait Dautbasic, Ismet;
9 il y avait le dirigeant de la Sûreté de l'Etat; un autre policier en
10 uniforme du SUP, je ne me souviens pas de son nom. Et puis un grand nombre
11 de policiers d'active et de réserve, avec des armes, ils étaient mélangés
12 avec les civils. Donc ils ne sécurisaient pas le bâtiment contre les
13 civils. Et puis, s'agissant des bâtiments aux alentours, sur eux, se
14 trouvaient des personnes en civil avec d'autres armes et des moyens de
15 communication. Et ils étaient visibles. Ils ne se cachaient même pas.
16 Avec M. Dahic, il y avait des membres des Bérets verts. S'agissant
17 des personnes dont je me souviens, il y avait : Ismet Bajramovic, surnommé
18 Celo, qui avait même proféré un juron au moment où nous les approchions,
19 nous l'avons entendu; ensuite, Enko Sakic, qui était le commandant de la
20 compagnie du district, et un avis de recherche était lancé contre lui, je
21 l'avais déjà expliqué; et Enver Sahic, qui était le commandant des Bérets
22 verts de la ville. M. Jozo Leutar a essayé de s'adresser directement à
23 Dahic pour recevoir les informations concernant la manière dont le blocus
24 avait été créé et quelles étaient les intentions du poste de police allant
25 dans le sens de l'empêchement de la suite de l'escalade de la situation.
26 Or, Dahic a fait un commentaire plus pour lui que pour tout le monde, et il
27 s'est éloigné à une dizaine de mètres sans vouloir communiquer. C'est là
28 que nous avons passé environ une demi-heure.
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1 Nous sommes rentrés au SUP de la ville, et M. Leutar a pris des mesures
2 pour informer ses supérieurs hiérarchiques. Il était évident que la police
3 du secrétariat de la ville de Stari Grad n'était pas là dans le cadre de la
4 fonction de la sécurisation du bâtiment et pour calmer la situation.
5 Malheureusement, le blocus a continué jusqu'à la tragédie qui est survenue
6 dans la rue Dobrovoljacka.
7 Q. Merci. Toutes ces circonstances que vous nous avez relatées depuis ce
8 matin lorsque nous avons commencé votre interrogatoire, comment se
9 reflétaient-elles sur le fonctionnement du ministère de l'Intérieur, au
10 moins dans le SUP de la ville de Sarajevo, dans lequel vous avez travaillé
11 ? Est-ce qu'il y a eu des commentaires à ce sujet ?
12 R. Jusqu'au 15 mars approximativement, je pense que nous étions le seul
13 service de police criminelle de Sarajevo qui essayait au moins de faire
14 quelque chose au sujet de nos missions de sécurité. Mais à partir du 15
15 mars, lorsque les lignes de communication ont été coupées entre les unités
16 organisationnelles de la police, pratiquement tout le travail sur le plan
17 de la sécurité dans la ville s'est arrêté.
18 Q. Merci. Monsieur, est-ce que vous avez entendu parler de l'intention de
19 procéder à la division du ministère des Affaires intérieures de la
20 République socialiste de Bosnie-Herzégovine, et si oui, qui vous en a
21 informé ?
22 R. Vers la fin du mois de mars 1991, j'ai appris dans le bureau de M.
23 Leutar que les croates, en raison de la situation nouvellement créée,
24 avaient déjà créé leur propre MUP à Mostar et qu'une partie du personnel
25 était parti du coup à Mostar et qu'ils étaient en train d'équiper ce poste.
26 Q. Un instant, s'il vous plaît. Ici, il est écrit que c'était à la fin du
27 mois de mars 1991.
28 R. 1992. C'est moi qui me suis trompé. C'était 1992.
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1 Q. Poursuivez.
2 R. S'agissant de la création du Ministère des Affaires intérieures de la
3 République Serbe de Bosnie-Herzégovine, j'en ai entendu parler le 30 mars.
4 Je vais souligner le fait que mes filles, en raison du fait que les écoles
5 ne fonctionnaient plus, ainsi que les jardins d'enfants --
6 Q. Attendez. Nous y reviendrons.
7 Dites-moi, lorsque vous avez parlé avec M. Leutar dans son bureau
8 s'agissant de la création de ce MUP croate à Mostar, que vous a dit M.
9 Leutar à cette occasion ?
10 R. M. Leutar m'a donc fait connaître la situation. Il m'a dit qu'en raison
11 du blocus des fonctions au sein du ministère et en raison du fait qu'il
12 n'était pas possible de trouver un accord portant sur les activités
13 régulières, et en raison de la tentative lancée par la direction musulmane
14 de dominer la situation, que les Croates avaient décidé de faire en sorte
15 que le siège du ministère des Affaires intérieures croates soit déplacé en
16 attendant que les choses changent et que la situation sur le plan de
17 sécurité soit stabilisée dans les municipalités majoritairement croates.
18 Ils ont décidé donc de créer un ministère des Affaires intérieures croate
19 sur le territoire de l'Herzégovine, avec le siège à Mostar.
20 Q. Est-ce qu'il vous a dit qu'elles étaient les mesures prises allant dans
21 ce sens, et si oui, ceci se référait à quoi ?
22 R. Il m'a fait savoir qu'une partie du personnel croate était déjà passé
23 du côté de Mostar et qu'ils avaient commencé à équiper leur ministère sur
24 le plan technique et matériel.
25 Q. Dites-moi, est-ce que vous étiez au courant d'un certain nombre de
26 tentatives, et est-ce que vous aviez entendu parler de cela au moins dans
27 les médias, si ce n'était pas différemment, des tentatives de la communauté
28 internationale visant à résoudre cette situation en Bosnie-Herzégovine ?
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1 R. Oui. Je le savais d'après les médias et aussi d'après ce que l'on
2 disait lors de nos réunions de travail. Je savais qu'il y avait eu des
3 négociations et que, à la fin, je pense qu'un accord avait été trouvé. Je
4 pense que c'était le 17 mars, qu'à cette date-là le plan de Cutileiro avait
5 été signé, prévoyant la création des ministères des Affaires intérieures
6 pour les trois communautés ethniques.
7 Q. Un instant.
8 Tout à l'heure, vous avez dit que vous étiez au courant de la création du
9 MUP de la Republika Srpska de la Bosnie-Herzégovine et que vous l'avez
10 appris vers la fin du mois de mars. Et puis, vous avez expliqué la
11 situation s'agissant de vos filles.
12 Dites-nous comment l'avez-vous appris et où. Est-ce que vous pouvez
13 nous décrire brièvement les circonstances de cela ?
14 R. Je suis né à Sokolac, comme je l'ai dit. C'est là que mes parents
15 vivaient. Et en raison de la situation en matière de la sécurité dans la
16 ville de Sarajevo, car vers la mi-mars les écoles ne fonctionnaient plus,
17 ni les garderies, et en raison de cela, j'ai conduit mes filles chez mes
18 parents. Je travaillais dix à 15 heures par jours; elles étaient seules à
19 la maison. Et vers la fin du mois de mars, je pense que c'était le 29 mars,
20 ce week-end-là, nous sommes allés, ma femme et moi -- ma femme voulait voir
21 les enfants et nous y avons apporté certaines choses. Et c'est là que j'ai
22 appris que dans un centre sportif de Sokolac, le 30, allait avoir lieu un
23 défilé de la police du MUP de la République serbe de la Bosnie-Herzégovine.
24 Q. Très bien.
25 M. ZECEVIC : [interprétation] La transcription de la vidéo, la
26 transcription est 1D1. La référence, donc, est 2D1, et pour ce qui est de
27 la transcription c'est 1D1.
28 [Diffusion de la cassette vidéo]
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1 M. ZECEVIC : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Arrêtez cela,
2 s'il vous plaît.
3 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, Monsieur Macar, est-ce que vous êtes allé à
4 ce passage en revue à Sokolac ?
5 R. Oui.
6 Q. Pouvez-vous nous dire qui voit-on sur cette image ?
7 R. Moi, je suis à droite, portant un manteau, noir avec une main qui est
8 tendue. Et Milorad Maric, le chef du poste de sécurité publique d'Ilijas,
9 est à mes côtés.
10 Q. Dites-moi, pourquoi êtes vous allé assisté à ce passage en revue à
11 Sokolac ?
12 R. Eh bien, c'était normal, en tant qu'être humain et en tant que
13 policier, que j'aille voir ce qui se passait et que je m'informe.
14 J'espérais aussi avoir l'occasion d'entendre pourquoi et de quelle manière
15 le MUP de la République serbe de Bosnie-Herzégovine était en train d'être
16 créé.
17 Q. Maintenant je vais vous faire visionner cette séquence vidéo. Nous
18 allons voir si vous vous souvenez de cette partie-là et du discours tenu à
19 Sokolac le 30 mars.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
22 "Monsieur le Ministre, la police de la Région autonome serbe de
23 Romanija est prête pour le passage en revue. Deux cent trente policiers,
24 dont 70 prêts pour les missions spéciales, sont alignés."
25 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
26 M. ZECEVIC : [interprétation]
27 Q. Est-ce que vous reconnaissez les personnes que l'on voit ?
28 R. Oui. C'est M. Stanisic, portant un manteau, et dans l'uniforme, nous
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1 voyons Zoran Cvijetic. Et je pense que c'est M. Krunic. Il travaillait dans
2 le Conseil exécutif de la municipalité de Sokolac.
3 Q. Et M. Zoran Cvijetic était ?
4 R. Le chef du poste de police de Sokolac.
5 [Diffusion de la cassette vidéo]
6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
7 "Le texte de la déclaration solennelle sera lu par le ministre des
8 affaires intérieures de la Région autonome serbe de Romanija, Zoran
9 Cvijetic."
10 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
11 M. ZECEVIC : [interprétation] Attendez un instant. Ici, l'intervenant l'a
12 annoncé comme ministre des affaires intérieures de la Région autonome serbe
13 de Romanija, en parlant de Zoran Cvijetic.
14 Q. Est-ce que vous pouvez nous fournir une explication au sujet de cela ?
15 R. Eh bien, par le biais des décisions politiques prises auparavant en
16 Bosnie-Herzégovine, les régions autonomes avaient été créées, et dans le
17 cadre de leur organisation, ils avaient l'exécutif, donc les représentants
18 aussi du ministère des Affaires intérieures. Et pour ce qui est de la
19 région de Romanija, c'est Zoran Cvijetic qui exerçait ces fonctions-là.
20 Q. Merci.
21 M. ZECEVIC : [interprétation] Peut-on continuer à visionner la séquence
22 vidéo.
23 [Diffusion de la cassette vidéo]
24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
25 "Je déclare que je m'acquitterai des devoirs de l'officiel autorisé
26 de manière consciencieuse et responsable, que je respecterai les
27 dispositions de la constitution de la République serbe de Bosnie-
28 Herzégovine et de la Yougoslavie et de la loi, et que j'emploierai toutes
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1 mes forces pour protéger l'ordre établi par la constitution de la
2 République serbe de Bosnie-Herzégovine et de la Yougoslavie, les droits, la
3 liberté et la sécurité, et que je m'acquitterai de ces tâches-là ainsi que
4 des autres tâches et missions de l'officiel autorisé également dans des
5 situations lorsque leur accomplissement mettra ma vie en péril.
6 Les membres de l'unité de la police de la Région autonome serbe de Romanija
7 seront salués par le ministre des affaires intérieures de la République
8 serbe de Bosnie-Herzégovine, Mico Stanisic.
9 A partir d'aujourd'hui, la République serbe de Bosnie-Herzégovine a
10 sa propre police. La légalité de notre existence réside dans la
11 constitution de la République serbe de Bosnie-Herzégovine et la Loi
12 relative aux affaires intérieures qui a été adoptée récemment par
13 l'assemblée. Egalement, notre existence tire sa légalité des résultats des
14 négociations des trois communautés nationales sous l'égide de la Communauté
15 européenne. A partir d'aujourd'hui, nous agissons comme police de la
16 République serbe de Bosnie-Herzégovine qui s'acquittera de ses tâches et
17 missions de manière professionnelle, et non pas de manière politique, comme
18 c'était le cas du MUP de l'ancienne Bosnie-Herzégovine jusqu'à maintenant,
19 afin de protéger les biens, la vie, les corps et d'autres aspects de la
20 sécurité de tous les citoyens également sur le territoire de la République
21 serbe de Bosnie-Herzégovine.
22 Policiers, nous ne menons pas la politique. Nous devons nous acquitter de
23 manière professionnelle de nos tâches et missions. C'est pour cette raison
24 qu'il ne nous appartient pas de tenir des discours, mais de faire notre
25 travail dans le bonheur à partir d'aujourd'hui et dans l'intérêt de tous
26 ceux qui vivent sur le territoire de la République serbe de Bosnie-
27 Herzégovine. Merci."
28 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
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1 M. ZECEVIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur, avez-vous reconnu ce discours et cet extrait vidéo ? Etiez-
3 vous présent, en d'autres mots, le 30 mars 1992 à Sokolac ?
4 R. Oui, j'étais présent à Sokolac ce jour-là. J'ai participé à ce
5 rassemblement, j'ai entendu le discours prononcé par la personne en
6 question, M. Stanisic, et je crois qu'après le discours, d'ailleurs, le
7 rassemblement était terminé.
8 Q. Très bien.
9 M. ZECEVIC : [interprétation] S'il n'y a pas d'objection, je demanderais
10 que les deux documents, c'est-à-dire l'extrait vidéo ainsi que le document
11 de la Défense, donc D2 et la transcription du discours, D1. Donc je
12 demanderais que les pièces D1 et D2 soient versées au dossier, s'il vous
13 plaît.
14 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zecevic, est-ce que vous avez
16 le numéro de l'intercalaire ?
17 M. ZECEVIC : [interprétation] En fait, il s'agit de l'intercalaire 105 à
18 106.
19 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président, Messieurs
20 les Juges. Ce n'était pas sur la liste originale. J'ai reçu un courriel
21 selon lequel mon éminent confrère m'a dit qu'il souhaitait l'ajouter, mais
22 ce n'était pas une pièce qui figurait sur la liste.
23 M. LE JUGE HALL : [interprétation] On m'apprend que la transcription fait
24 partie du document -- fait partie, en fait, d'une seule et unique pièce.
25 Donc cette pièce est versée au dossier, avec quelle cote ?
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la cote 1D633, Monsieur
27 le Président, Messieurs les Juges.
28 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.
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1 Q. Monsieur Macar, ce jour-là, est-ce que vous avez rencontré les
2 personnes qui ont pris part à ce rassemblement à Sokolac ce jour-là ?
3 R. Oui. Après ce rassemblement, je me suis d'abord approché de M.
4 Stanisic. Enfin, je me suis adressé à lui, et donc je lui ai demandé où
5 seront situés les sièges du ministère et s'il peut nous dire de quelle
6 façon les fonctions relatives à la sûreté et à la sécurité en Bosnie-
7 Herzégovine se feront à l'avenir.
8 Si je ne m'abuse, je crois que M. Stanisic m'a dit à ce moment-là que le
9 siège sera situé au sein du bâtiment du ministère de l'Intérieur de Bosnie-
10 Herzégovine, et qu'il y a eu des discussions structurales quant à la façon
11 dont on établira la coordination du ministère national de l'Intérieur aux
12 fins d'effectuer la coordination au niveau des structures et du niveau de
13 la Bosnie-Herzégovine.
14 Et après ce rassemblement, je suis revenu à Sarajevo pour travailler au SUP
15 municipal.
16 Q. Monsieur, je vais maintenant vous montrer le document P353.
17 M. ZECEVIC : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 4.
18 Je ne vois pas le document dans le prétoire électronique. Ah, oui,
19 très bien. Je le vois. Merci beaucoup.
20 Q. Monsieur, il s'agit là d'une dépêche qui a été envoyée par l'adjoint du
21 ministre, M. Momcilo Mandic. Le document porte la date du 31 mars 1992.
22 Dites-nous si vous avez vu cette dépêche en date du 31 mars ?
23 R. Je n'avais pas personnellement vu cette dépêche, mais je me souviens
24 que le 31 mars, à la réunion avec M. Leutar, effectivement, lors de son
25 briefing, il nous a fait un résumé de la teneur de ce qui a été dit.
26 Puisque je vois ici que le document avait été envoyé au secrétaire du SUP
27 de Sarajevo.
28 Et donc, il a informé ses unités régionales de ceci. Et selon la décision
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1 du rassemblement du peuple serbe et d'après le plan de Cutileiro, on est
2 arrivés à la décision sur la création du MUP. Il nous a également informés
3 que les préparatifs étaient terminés à Mostar pour le ministère du peuple
4 serbe. Et si je ne m'abuse, après cette réunion, alors qu'avant j'étais
5 présent au stade à Sokolac où le rassemblement a eu lieu, j'ai rencontré
6 des travailleurs qui travaillaient au service pour la prévention du crime
7 et je les ai informés de ces faits. J'étais d'ailleurs le supérieur
8 hiérarchique de ce service.
9 Alors, je me suis entretenu avec l'inspecteur et nous nous sommes mis
10 d'accord sur le fait que nous allions continuer de travailler jusqu'à ce
11 que l'on ne procède à une définition de la façon dont nous allons
12 continuer, déterminée au sein des ministères, afin de voir de quelle façon
13 nous allons pouvoir effecteur la coordination du travail eu égard à la
14 spécificité du SUP de la ville, qui couvrait dix municipalités dans la
15 ville. Et nous avons continué à travailler, à nous acquitter des tâches qui
16 étaient les nôtres.
17 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, ceci. Vous dites que dans le
18 cadre de conversations que vous avez eues avec des inspecteurs, vous êtes
19 arrivé à la conclusion à laquelle vous êtes arrivé. Maintenant, lorsque M.
20 Leutar vous a parlé, vous a-t-il donné une instruction quant à la façon
21 dont le ministère allait fonctionner après la réception de cette dépêche du
22 31 mars 1992 ?
23 R. Oui, en fait, j'ai reçu cette information de lui. Il nous a dit que le
24 siège du ministère serbe du MUP sera situé désormais au sein du bâtiment du
25 ministère de l'ex-Bosnie-Herzégovine, eue sur le territoire de ces régions,
26 Banja Luka, Trebinje, Doboj, Sarajevo, Ugljevik, l'on procédera à la
27 création de divers ministères et des centres de la sécurité publique. Que
28 le MUP de la République serbe procédera à la coordination de ces centres,
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1 tout comme le MUP croate effectuera la coordination de la partie
2 occidentale et fonctionnera sur la partie où la population était
3 principalement croate. Il a également dit qu'il y aurait des conversations
4 structurées sur la façon de la coordination avec les trois MUP, et la
5 particularité est qu'il allait aborder la question de la particularité du
6 fonctionnement du MUP relatif aux questions relatives à la sécurité.
7 Mais je peux ajouter qu'aujourd'hui même, au niveau fédéral, nous avons une
8 organisation analogue, c'est-à-dire qu'au MUP fédéral et au sein du MUP
9 cantonal, l'organisation ressemble à celle-ci, à l'organisation qu'on a
10 tenté ou qu'on a souhaité créer ici.
11 Q. Pourriez-vous nous dire si vous avez reçu une instruction, et si oui,
12 dites-nous quels types d'instructions avez-vous reçues, en parlant du type
13 d'instructions qui avaient trait à votre travail à l'époque ?
14 R. L'instruction était la suivante, c'est-à-dire que nous allions
15 poursuivre notre travail jusqu'aux accords finaux quant aux structures, et
16 je vous parle spécifiquement du SUP de la ville. Donc nous nous étions mis
17 d'accord pour que les services continuent leur travail jusqu'à ce que le
18 processus de la création des ministères ne soit terminé, puisqu'il y avait
19 trois ministères.
20 Car, vous savez, le SUP de la ville de Sarajevo était une institution qui
21 couvrait dix municipalités situées sur le territoire de la ville, où la
22 structure nationale était différente.
23 J'ai continué de travailler au sein du service pour la prévention du crime
24 au SUP de la ville de Sarajevo.
25 Q. Ma question était justement celle-là. Après cette réunion que vous avez
26 eue avec M. Leutar lors de laquelle il vous a informé de la teneur de cette
27 dépêche et après la réunion que vous avez eue avec votre département que
28 vous meniez, à la tête duquel vous vous trouviez, est-ce que vous avez
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1 continué d'effectuer votre travail de la façon habituelle, de façon avec
2 laquelle vous vous acquittiez de vos tâches jusqu'à ce moment-là au sein du
3 SUP de Sarajevo ?
4 R. Oui, j'ai continué de m'acquitter de mes tâches habituelles.
5 Mais je dois vous dire que toutes les activités des organes de l'intérieur
6 étaient limitées. Le travail du MUP était rendu minimal, c'est-à-dire qu'il
7 était plus possible d'effectuer des services relatifs à la sécurité.
8 Q. Je vous remercie.
9 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure. Et
10 puisque j'allais passer sur un autre sujet, je crois que nous pourrions
11 peut-être prendre notre pause à ce moment-ci.
12 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, je crois que vous pourriez
13 utiliser les cinq minutes qui vous restent de façon pratique.
14 M. ZECEVIC : [interprétation] Ah, il me restait donc cinq minutes. Excusez-
15 moi, je n'avais pas vu l'heure correctement. Très bien. Merci.
16 Q. Alors, dites-nous, Monsieur Macar, jusqu'à quand avez-vous travaillé de
17 cette façon-ci au cours de ces quelques jours après avoir reçu cette
18 dépêche ?
19 R. J'ai travaillé au SUP de la ville jusqu'au vendredi, le 3 avril.
20 C'était un vendredi, comme je vous le dis. Attendez, permettez-moi de
21 calculer. Je me souviens très bien du vendredi. Donc le 30 c'était un
22 lundi, donc je crois que c'était jusqu'au 3, effectivement, jusqu'au
23 vendredi, j'y suis resté jusqu'au vendredi.
24 Q. Est-ce que vous pouvez me dire ce qui est arrivé ce jour-là, donc en ce
25 vendredi-là ?
26 R. Eh bien, c'était une journée particulièrement intéressante, et ce, à
27 plusieurs niveaux. D'abord, puisqu'en Bosnie-Herzégovine, en 1992, le flux
28 commercial n'était pas normal, et le flux financier non plus. Nous
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1 essayions tous de nous approvisionner quelque peu en nourriture, en denrées
2 alimentaires, pendant une période un peu prolongée. Et donc, j'avais
3 demandé à ce que mon père m'emmène 30 à 40 kilos de viande de Sokolac,
4 puisqu'il était impossible de se trouver de la viande dans les magasins.
5 Donc je suis rentré à la maison pour prendre cette viande et afin de
6 pouvoir placer la viande dans le congélateur. Et c'est quelque chose que
7 j'ai effectué jusqu'à 2 heures à peu près, jusqu'à 14 heures. J'ai emballé
8 la viande, je l'ai placée dans le congélateur, et par la suite je suis
9 rentré travailler au SUP de la ville de Sarajevo.
10 Pendant toute la période du mois de mars, et en partie pendant le mois de
11 février, les employés effectuaient leur travail, et ce, à 90 % du temps
12 dans l'enceinte du bureau de M. Leutar. En fait, la situation relative à la
13 sûreté nous imposait d'être ensemble afin de pouvoir échanger des
14 informations, d'échanger les évaluations de la situation. Donc je suis
15 arrivé de nouveau, je suis rentré au bureau vers 14 heures. Je suis
16 immédiatement allé voir M. Leutar dans son bureau. Chez lui, il y avait M.
17 Stanko Nuic et un autre collègue, mais je ne me souviens pas très bien de
18 son nom. J'ai remarqué à ce moment-là que M. Leutar était fort inquiet. Et
19 par la suite, quelques minutes plus tard, il m'a demandé de passer dans un
20 bureau connexe. En fait, il s'agissait d'un bureau du secrétaire du SUP de
21 la ville de Sarajevo qui était vide. Entre les deux bureaux, il y avait une
22 secrétaire, mais nous nous sommes donc dirigés vers cet autre bureau.
23 Et je sais que, avec une voix tremblante, il m'a dit que les
24 dirigeants du MUP musulman avaient eu une réunion de midi à 14 heures au QG
25 du ministère, et c'est là qu'ils ont pris la décision de procéder à
26 l'arrestation de 14 membres serbes, des cadres en allant des organes
27 municipaux jusqu'aux organes du ministère, et j'étais réellement très
28 étonné. J'attendais de l'entendre me le dire. Enfin, j'attendais d'avoir
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1 d'autres explications.
2 Il m'a énuméré certains noms. Donc je sais qu'il avait parmi ces
3 personnes M. Kovac, M. Kukobat également du centre de la sûreté, moi, et il
4 y avait Dobro Planojevic; 14 noms en tout. En fait, je ne me souviens pas
5 des autres noms. Son commentaire était donc le suivant, il m'a vraiment dit
6 textuellement, et ceci s'est réellement gravé dans ma mémoire. Il m'a dit :
7 Tu vois qu'est-ce que font ces cons ? Alors, nous avons essayé de trouver
8 quel était le fondement juridique d'un tel comportement. Nous étions
9 conscients de l'anarchie qui régnait en ville. Et il y avait également des
10 membres du ministère de l'Intérieur qui prenaient ce genre de décision,
11 mais de prendre la décision d'arrêter les policiers de nationalité serbe
12 était complètement inusitée.
13 Q. Très bien. Merci. Nous allons continuer plus tard, mais c'est
14 l'heure de la pause.
15 M. ZECEVIC : [interprétation] Je suis réellement désolé, Monsieur le
16 Président, je n'ai pas souhaité prendre une décision de mon propre chef. Je
17 voulais simplement, en fait, informer le témoin. Excusez-moi.
18 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, effectivement. Nous allons
19 maintenant prendre notre deuxième pause matinale, et nous reprendrons nos
20 travaux dans 20 minutes.
21 [Le témoin quitte la barre]
22 --- L'audience est suspendue à 12 heures 07.
23 --- L'audience est reprise à 12 heures 31.
24 [Le témoin vient à la barre]
25 M. ZECEVIC : [interprétation]
26 Q. Dites-nous, s'il vous plaît, après cette conversation que vous aviez
27 eue avec M. Jozo, qui était votre supérieur immédiat, que s'est-il passé
28 ensuite ce 3 avril 1992 ?
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1 R. Après cette conversation, j'ai tenté d'entrer en contact avec M. Kijac.
2 Malheureusement, il n'était pas dans son bureau.
3 Q. Qui était M. Kijac, quelles étaient ses fonctions ?
4 R. Il était secrétaire du SUP de la ville de Sarajevo. Mais je voudrais
5 vous dire ceci : je voulais savoir s'il disposait de ces informations. Il
6 n'était pas là, je suis revenu au bureau de M. Leutar, et j'y suis resté
7 jusqu'à environ 16 heures. Avant cela, j'ai essayé d'entrer en contact avec
8 mon épouse, puisque nous avions l'intention d'aller à Sokolac pour rendre
9 visite à mes parents avec les enfants, afin de pouvoir également leur
10 apporter ce dont ils avaient besoin pour leur séjour à Sokolac. Vous savez,
11 c'était tout à fait normal d'essayer de s'approvisionner en denrées
12 alimentaires. Elle est venue me rencontrer, et par la suite nous sommes
13 allés à Sokolac en voiture.
14 Q. Y avait-il des points de contrôle situés à la sortie de la ville de
15 Sarajevo, et si oui, qui tenait ces points de contrôle ?
16 R. Eh bien, justement c'était la direction que j'avais empruntée pour
17 aller à Sokolac, et il y avait un très grand nombre -- enfin, des colonnes
18 de véhicules. Lorsque je suis arrivé tout près de Bembasa, il y avait un
19 contrôle mixte. Six mois avant, ces points de contrôle avaient déjà été
20 érigés et ils existaient déjà. Ces points de contrôle consistaient à
21 effectuer la fouille de véhicules, à vérifier le passage, et c'étaient les
22 Bérets verts qui s'occupaient en fait de ces points de contrôle et qui les
23 tenaient, ainsi que des policiers de réserve de la ville de Sari Grad et du
24 SJB.
25 Q. Ecoutez, vous devez ralentir réellement, puisque vous parlez beaucoup
26 trop vite et les interprètes n'arrivent pas à saisir tout ce que vous
27 dites. Enfin, moi aussi, j'ai du mal à vous suivre.
28 R. Je suis désolé. Excusez-moi.
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1 Q. Dites-moi alors, s'il vous plaît, ce point de contrôle dont vous nous
2 avez parlé, il se trouvait où ? Vous avez dit qu'il était situé sur la
3 route vers Bembasa, mais à côté à de quel bâtiment à Sarajevo ?
4 R. Le point de contrôle était situé tout près du bâtiment de la mairie.
5 Q. Et qui tenait ce point de contrôle ?
6 R. Le point de contrôle était tenu par les membres d'active de la police
7 de nationalité municipale émanant du secrétariat municipal de Stari Grad,
8 et il y avait également des membres de réserve du même secrétariat ainsi
9 que des membres des Bérets verts.
10 Q. Est-ce que c'est un des points de contrôle que vous avez déjà
11 mentionnés auparavant ? Et dites-nous, depuis quand ce point de contrôle
12 existait ?
13 R. Ce point de contrôle existait déjà, et, oui, j'en ai déjà parlé
14 auparavant. Il avait déjà été érigé fin septembre, début octobre 1991. Et
15 si je puis -- puis-je ajouter quelque chose ?
16 Q. Oui, certainement.
17 R. Tous les membres qui tenaient ce point de contrôle -- le point de
18 contrôle était divisé en deux parties, la partie gauche et la partie
19 droite. La partie droite contrôlait la sortie. Ils étaient armés de fusils
20 à longs canons, ils portaient des bérets verts. L'un d'entre eux -- enfin,
21 ils avaient tous des armes à canons longs, et avec la police ils
22 fouillaient les véhicules qui se trouvaient devant moi. Et l'un d'eux
23 portait un uniforme de camouflage avec un béret vert, alors que d'autres
24 portaient des vêtements civils avec des bérets verts.
25 Q. S'agissant de cette information que vous nous avez donnée, d'après le
26 règlement en vigueur, ces personnes avaient-elles le droit de vérifier les
27 cartes d'identité, de fouiller des véhicules ainsi que d'appliquer ce type
28 de mesures ou de tenir des points de contrôle de ce type ?
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1 R. Les membres des Bérets verts étaient des formatons paramilitaires qui
2 n'étaient pas censées exister d'après le règlement en vigueur. Et on aurait
3 dû prendre des mesures législatives très sévères contre ces derniers.
4 Q. Dites-moi, étant donné que cette situation, comme vous nous l'avez dit
5 tout à l'heure, existait, qu'il y avait des points de contrôle mixtes
6 situés à la sortie de Sarajevo, et, en fait, pour ainsi dire, ce point de
7 contrôle était placé quasiment en plein centre de la ville, mais puisque
8 cette situation existait depuis le mois de septembre 1991, j'aimerais
9 savoir si à quelque moment que ce soit, donc depuis le mois de septembre
10 allant jusqu'au mois d'avril, a-t-on fait quelque chose pour démanteler ces
11 points de contrôle, les enlever ?
12 R. Non. Aucune action n'a été entreprise. Même lorsque nous en avons
13 parlé au SUP de la ville de Sarajevo, nous avons essayé, enfin nous avons
14 pensé au dialogue que nous pourrions avoir avec les membres de nationalité
15 musulmane, mais cela n'aurait mené à rien. Et le fait de parler aux
16 dirigeants musulmans n'aurait fait qu'enflammer la situation dans cette
17 partie-là de la ville.
18 Q. Merci. Avez-vous réussi à passer par ce point de contrôle ce jour-là ?
19 Est-ce que vous êtes arrivé à Sokolac en fin de compte ?
20 R. Oui, je suis passé par le point de contrôle. Ils ont essayé de
21 m'arrêter, mais pour vous dire la vérité, je ne pouvais pas leur permettre
22 de m'arrêter. Il s'agissait de criminels que j'avais l'habitude d'arrêter,
23 donc je ne pouvais pas permettre que ces derniers m'harcèlent. Même si
24 j'étais armé, j'ai présumé qu'ils n'allaient pas tirer sur moi puisqu'il y
25 avait un très grand nombre de civils qui nous entouraient, et j'avais
26 raison. Je suis passé et j'ai poursuivi mon chemin vers Sokolac.
27 Q. On peut voir ici que vous-même, vous étiez armé. Est-ce que c'est bien
28 ce que vous avez dit ou avez-vous dit autre chose ?
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1 R. Non, je n'étais pas armé. Ce vendredi-là, alors que j'emballais des
2 denrées alimentaires pour les emporter avec moi, j'avais laissé mon gilet
3 pare-balles et mon Heckler policier derrière dans l'appartement. Et
4 normalement, lorsque j'étais accompagné de mes enfants, j'essayais de ne
5 pas avoir d'arme sur moi. Je n'avais qu'un revolver officiel sur moi.
6 C'était un pistolet de service que j'avais toujours sur moi.
7 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, ces personnes qui se trouvaient sur ce
8 point de contrôle, ces personnes-là étaient-elles armées ?
9 R. Toutes les personnes, y compris les membres de la réserve, ainsi que
10 les membres d'active et les membres de la réserve, étaient toutes armées,
11 et j'entends là par des policiers et les membres des Bérets Verts. Ils
12 étaient tous armés, ils avaient des fusils automatiques.
13 Q. Et qu'est-il arrivé lorsque vous êtes arrivé à Sokolac ? C'était un
14 vendredi soir, n'est-ce pas ?
15 R. Oui, c'était vendredi soir, vers 18 heures.
16 C'était une visite familiale. Mes enfants étaient là. Mais j'ai vu
17 également que mes parents étaient quelque peu inquiets puisque dans les
18 médias on pouvait entendre que la situation était inquiétante. Donc, disons
19 que la situation -- les gens étaient inquiets. J'ai passé le week-end à
20 Sokolac avec mes enfants, et j'avais l'intention de revenir à Sarajevo dans
21 la soirée du dimanche. En fait, on avait planifié de rentrer dimanche soir,
22 et non pas lundi matin. J'aimais bien faire cela parce que mon épouse
23 travaillait au sein du ministère des Finances, au gouvernement. Et à 9
24 heures du matin, lundi matin, elle avait une réunion du collège
25 professionnel où elle était chargée de préparer certains documents, en tant
26 que secrétaire du collège.
27 Q. [aucune interprétation]
28 R. Donc samedi, je l'ai passé avec mon épouse et mes enfants. On a essayé
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1 d'acheter quelques vêtements dans des magasins locaux, ainsi que d'autres
2 choses. Le lendemain, c'est-à-dire dimanche matin, je pense qu'il était
3 entre 8 heures et 8 heures 15, j'ai appelé ma voisine, qui avait son
4 appartement à côté du mien à Marin Dvor, puisqu'elle avait la clé de mon
5 appartement. J'ai voulu lui demander qu'elle vérifie si le congélateur
6 était allumé, puisque c'était mon épouse qui s'occupait de cela d'habitude.
7 Elle m'a répondu, et elle était évidemment très émue, elle m'a dit que, je
8 la cite : La police d'active et de réserve du secrétariat à l'intérieur de
9 la municipalité de Centar ont entré dans ton appartement par effraction.
10 J'ai été surpris et je lui ai demandé si elle connaissait quelques-uns de
11 ces policiers. Elle connaissait un policier d'active, Colic, Nihad, qui
12 travaillait depuis dix ans au SUP du Centre. Et je le connaissais en
13 personne pendant que je travaillais en tant que chef du département chargé
14 de la lutte contre la criminalité du SUP du Centre. Colic était policier
15 d'appartenance ethnique musulmane. Et je lui ai demandé comment elle était
16 au courant des policiers de réserve. Elle a dit : Ils étaient de Sandzak,
17 on peut les reconnaître d'ailleurs à leur prononciation, et ils étaient
18 dans notre quartier.
19 Dans cet immeuble, il y a neuf appartements, et la plupart des
20 locataires de cet immeuble se sont opposés à ces policiers en leur
21 demandant ce qu'ils faisaient. Il y avait des locataires d'appartenance
22 ethnique mixte dans cet immeuble, et parmi eux, il y en avait avec qui
23 j'avais des rapports normaux. Et les policiers ont menacé d'utiliser leurs
24 armes, et les locataires, donc, se sont retirés. Cinq minutes après, ils
25 sont entrés par effraction dans mon appartement.
26 J'ai demandé à ma voisine ce qu'elle a pu entendre dans mon
27 appartement et elle m'a dit : On a entendu du bruit. Colic Nihad est en
28 train de prendre un manteau en fourrure de vison de mon épouse que je lui
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1 ai donné pour l'un de ses anniversaires. Les autres ont pris un four à
2 micro-ondes ou d'autres objets électrotechniques, ensuite de la viande dans
3 le congélateur. Ils ont pris un grand tableau, une gravure en cuivre, une
4 vue sur Sarajevo, que j'ai eu comme cadeau de mon ami, un Musulman de
5 Sarajevo. Cette gravure avait six ans.
6 L'un des policiers de réserve, d'après ce qu'elle m'a dit, a pris mon gilet
7 pare-balles, ainsi qu'un Heckler, mon arme de service, et encore d'autres
8 choses. Je ne me souviens plus quelles autres choses.
9 Q. Est-ce qu'ils ont donné une explication pour ce qui est de cette
10 effraction dans votre appartement ?
11 R. Personne n'a fourni aucune explication pour dire pourquoi ils sont
12 entrés dans mon appartement par effraction, pourquoi ils ont fait ceci. En
13 fait, tout cela a confirmé l'information obtenue par M. Leutar. Je me suis
14 rendu compte du fait que cette information était exacte et qu'il s'agissait
15 certainement de la tentative de leur part de m'arrêter, selon la décision
16 qui a été prise le vendredi avant cette date-là.
17 Q. Et ce jour-là, est-ce que, avec quelqu'un d'entre vos collègues du SUP
18 de la ville, vous avez parlé à ce sujet ?
19 R. Ce dimanche-là, j'ai informé mon épouse de ce qui s'était passé. Toute
20 ma famille était émue.
21 Et je me suis couché très tard ce dimanche-là. Le lendemain, entre 9 heures
22 et 10 heures -- je me souviens que je me suis endormi très tard la veille.
23 Donc le lendemain, un collègue m'a appelé. C'était Stanko Nuic. Il était
24 chef du département chargé de la lutte contre la criminalité économique
25 dans le même secteur où je travaillais. Stanko était Croate. On s'est dit
26 bonjour, après quoi je lui ai demandé s'il savait que la police du SUP de
27 Centre est entrée dans mon appartement par effraction et s'il possédait des
28 informations là-dessus. Il m'a répondu par la négative. Et la raison pour
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1 laquelle il m'a appelé était parce que son supérieur hiérarchique lui avait
2 dit d'appeler un certain nombre d'employés d'appartenance ethnique serbe
3 pour vérifier si ces employés avaient l'intention de venir au travail,
4 sinon ils auraient été licenciés.
5 Ce dimanche-là déjà, on a appris dans les médias et en appelant les gens
6 dans la ville, puisque les lignes téléphoniques fonctionnaient toujours,
7 que les voies de communication de Sarajevo et vers Sarajevo étaient
8 coupées. Et je sais que je lui ai posé la question suivante : Stanko, dis-
9 moi quelle route je devrais emprunter pour venir au travail. Et il a ri
10 après cela. Donc les barricades étaient déjà érigées. Je ne sais pas si lui
11 ou l'un de mes inspecteurs m'a dit que du samedi au dimanche, une attaque a
12 été lancée contre le poste de police où se trouvent les policiers en
13 uniforme, le poste de police de la municipalité de Novo Sarajevo, et qu'un
14 policiers a été tué. C'était Pero Petrovic. Ce policier était un bon
15 policier et était aimé par ses collègues policiers. Je ne suis pas tout à
16 fait certain si c'était M. Nuic qui m'a dit cela, mais je sais que ce
17 matin-là j'ai appris cet événement.
18 Q. Dites-nous ce que vous avez fait par la suite.
19 R. Etant donné que les communications étaient coupées, que mon appartement
20 a été dérobé et que la décision prise par les responsables musulmans était
21 en train de se réaliser, les responsables musulmans du MUP, ma tâche
22 principale était de m'occuper de ma famille, d'assurer que mes enfants
23 aient suffisamment de vêtements, mon épouse aussi. Nous nous sommes rendus
24 dans des magasins pour nous acheter des vêtements, du linge, des
25 chaussettes, et cetera. Mais croyez-moi, dans cette petite ville, presque
26 tous les magasins étaient presque vides. Il y avait des réfugiés sur le
27 territoire de la municipalité de Sokolac. Je pense que plusieurs milliers
28 de personnes y ont afflués. Il y avait des membres de ma famille élargie.
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1 Une dizaine de personnes vivaient dans un appartement de 64 mètres carrés.
2 Il y avait des enfants et des personnes âgées, et moi je devais dormir dans
3 le garage pendant une dizaine de jours, et mon père à bord d'un camion. Il
4 y en avait qui partaient et il y avait d'autres qui arrivaient. Cette
5 situation régnait dans presque toutes les familles à l'époque.
6 Donc, vu la situation à l'époque, et la situation dans ma famille,
7 mon épouse et moi-même, nous avons pris la décision -- puisque j'ai pu
8 appeler en Serbie. A Belgrade, j'avais un oncle qui avait un appartement -
9 pas très grand, mais quand même - et nous avons décidé que mon épouse et
10 mes enfants partent pour Belgrade. C'était le 19 avril qu'ils sont partis.
11 Cette date, je l'ai bien retenue.
12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Zecevic, la Chambre voit que
13 le témoin a donc vécu des choses dures. Mais je me demande dans quelle
14 direction vous allez en posant les questions concernant le fait qu'ils sont
15 entrés dans l'appartement par effraction.
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Est-ce que le témoin peut retirer ses
17 casques, s'il vous plaît ?
18 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
19 M. HANNIS : [interprétation] Peut-on confirmer qu'il ne comprend pas
20 l'anglais ?
21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Macar, est-ce que vous
22 comprenez l'anglais ? Je vous testais un peu simplement, Monsieur Macar.
23 Est-ce que vous comprenez l'anglais ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Est-ce que vous pourriez
26 enlever vos écouteurs brièvement.
27 Merci.
28 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il est
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1 important de montrer à quoi ressemblait la situation à Sarajevo le 3 avril,
2 en raison du fait que d'autres témoins vous ont déjà expliqué ce qui s'est
3 déroulé le 4 et le 5.
4 Et surtout pour ce qui est de la situation concrète de ce témoin, et
5 quelles sont les raisons pour lesquelles il est resté à Sokolac et les
6 raisons pour lesquelles, suite à cela, le témoin a rejoint les rangs du MUP
7 de la RS. C'était le seul but de ces questions, c'est-à-dire donc sa
8 situation concrète. Rien d'autre. Et, en réalité, en ce moment, je souhaite
9 passer à la question de son emploi au sein du MUP RS.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci de cette explication. Mais,
11 Monsieur Zecevic, veuillez tenir compte du fait que nous avons, je crois,
12 dépensé 20 minutes à traiter de ces questions-là pour une raison qui ne le
13 justifie pas, car il s'agit de questions qui sont d'importance secondaire
14 par rapport à votre thèse.
15 Donc, veuillez accélérer les choses.
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, je vais m'y efforcer.
17 Q. Monsieur Macar, quand êtes-vous allé au MUP de la Republika Srpska de
18 la Bosnie-Herzégovine ?
19 R. Dès le mois d'avril, sur le territoire de la municipalité de Sokolac,
20 l'on a commencé à mobiliser les hommes aptes à combattre, conformément à la
21 Loi relative à la Défense nationale.
22 Et après avoir expédié ma famille à Belgrade, et compte tenu du fait
23 que même avant avril 1992, mon affectation était au sein du MUP de la
24 Bosnie-Herzégovine, mais le siège était dans la municipalité de Centar, du
25 Centre, à Sarajevo, afin d'éviter des confrontations éventuelles avec la
26 police militaire et tout ce qui en découlait, je suis allé à Pale, dans le
27 bâtiment Buducnost, où je me suis présenté en tant qu'ancien employé des
28 affaires intérieures. Nous y avons été accueillis. M. Planojevic était déjà
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1 là. Je pense qu'il était le premier que j'ai vu là-bas, et Nikola
2 Milanovic, Kovac et je ne sais qui d'autre. Et au cours de la conversation
3 avec M. Radovic, j'ai appris qu'il fallait que je contacte le ministère de
4 la Défense. Lorsque j'ai expliqué que mon livret était dans le centre
5 municipal, on m'a dit qu'il fallait que je contacte le ministère de la
6 Défense, et Radovic a promis qu'il allait régler la situation, chose qu'il
7 a faite. Donc c'était la procédure à suivre entre les deux ministères, et
8 je pense que la décision finale concernant mon affectation de guerre, ou
9 mon emploi, m'a été délivrée le 14 mai.
10 Q. Dites-nous, s'il vous plaît, à quoi ressemblait la situation lorsque
11 vous êtes entré dans le bâtiment Buducnost à Pale, c'est-à-dire au MUP de
12 la République serbe de Bosnie-Herzégovine ?
13 R. Pale c'était une municipalité où il y avait trop peu d'espace de
14 bureaux. Il y avait juste quelques pièces dans ce bâtiment, avec un
15 téléphone, et tous les collègues, tout le personnel du MUP, étaient plus ou
16 moins dans cette même pièce. Nous n'avions presque pas d'équipement
17 technique. Il y avait simplement un bureau et une salle de réunion.
18 M. ZECEVIC : [interprétation] Je souhaite que l'on montre au témoin le
19 document P876.
20 Q. Il s'agit de l'intercalaire 5 dans votre classeur.
21 Peut-être il serait plus facile pour vous de regarder cela sur un grand
22 moniteur.
23 R. Veuillez simplement tourner l'image.
24 M. ZECEVIC : [interprétation] Peut-on juste voir l'image pour que l'image
25 soit horizontale.
26 Q. Veuillez l'examiner. Il s'agit là d'un document qui a été élaboré par
27 l'Accusation pour les besoins de cette affaire. Peut-on agrandir la partie
28 gauche du document où nous voyons l'administration chargée de la répression
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1 de la criminalité. Au numéro 02.
2 Pourriez-vous nous faire un commentaire sur les personnes énumérées ici,
3 et, au mieux de vos souvenirs, est-ce que vous pouvez nous dire à quel
4 moment est-ce que ces personnes ont commencé à travailler pour le MUP de la
5 République serbe de Bosnie-Herzégovine, dans le cadre de l'administration
6 pour laquelle vous avez travaillé ?
7 R. En avril, c'est M. Planojevic qui était le chef de l'administration.
8 J'étais nommé à la fonction de coordinateur des affaires opérationnelles.
9 Parmi les inspecteurs, il y avait M. Milanovic et M. Orasanin. M. Sinisa
10 Karan est venu bien plus tard. Et Ostoja Minic a été engagé seulement au
11 mois d'août 1992, donc cette liste n'est pas exacte.
12 Q. Combien d'employés au total y avait-il dans l'administration chargée de
13 la répression de la criminalité du MUP de la République serbe de la Bosnie-
14 Herzégovine à partir de votre arrivée jusqu'en juillet 1992 environ ?
15 R. Il faudrait y ajouter M. Kovac, qui n'est pas sur la liste.
16 Q. S'il vous plaît, quel est son prénom, car d'autres Kovac ont été
17 mentionnés.
18 R. Ljubomir Kovac, qui était employé de la police criminelle. Orasanin.
19 Milanovic. Et je ne sais pas si Kapetanovic était venu avant juillet. Je ne
20 me souviens pas. C'était cela à peu près la constitution peut-être. Si je
21 me trompe, c'est dans un nom, pas plus.
22 Q. Je vais vous poser la question suivante : combien d'inspecteurs
23 approximativement y avait-il dans la direction chargée de la répression de
24 la criminalité de la République serbe de Bosnie-Herzégovine ? Je souhaite
25 savoir quel était leur nombre, et non pas leurs noms, au cours de la
26 période entre avril et fin juillet 1992.
27 R. Quatre à cinq personnes opérationnelles.
28 Q. Monsieur, avez-vous reçu des missions, et qui vous les a confiées, à
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1 partir du moment où vous avez commencé votre emploi pour le MUP de la
2 Republika Srpska ?
3 R. C'est M. Dobro Planojevic. C'est lui qui m'a fait connaître la
4 situation et les bases. Il m'a expliqué que les activités portant sur la
5 création du ministère relevaient du siège, et automatiquement aussi les
6 activités liées à la répression de la criminalité. Et avec la création du
7 siège, il fallait procéder à la création des centres de sécurité publique,
8 qui n'existaient pas jusqu'en avril 1992. Il s'agissait du centre de
9 Sarajevo, ou de Romanija Birac, comme on l'appelait, et le centre de
10 Trebinje, le centre de Bijeljina, Banja Luka et Doboj existaient déjà. Ces
11 trois centres-là avaient commencé pratiquement de zéro. Et ce qui était
12 caractéristique --
13 Q. Allez-y.
14 R. Ce qui était caractéristique lorsque nous nous sommes assis afin de
15 nous mettre d'accord pour créer un siège du ministère, c'est que nous ne
16 partions pas de zéro, mais de moins que zéro. Pourquoi ? Car Pale est une
17 petite ville, et les conditions de base n'étaient pas remplies. Nous
18 n'avions pas suffisamment de locaux. Nous avions des ressources humaines
19 très limitées, de même que le matériel et les équipements. Il n'y a pas eu
20 de moyens de communication.
21 S'agissant de l'administration de la police criminelle elle-même, l'on a
22 recruté parmi ceux qui étaient disponibles à cette époque-là. Le début de
23 la guerre a laissé des séquelles.
24 Certains des Serbes qui ont travaillé au ministère de l'Intérieur ou dans
25 le centre de services de sécurité publique à Sarajevo, le SUP de Sarajevo
26 et certains des organes municipaux, ils sont allés à d'autres endroits où
27 ils ont pu placer leurs familles, et ils se présentaient à ces autres
28 endroits, aux organes locaux du ministère de l'Intérieur. Nous avons donc
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1 commencé à établir notre administration en utilisant le personnel, les
2 hommes qui avaient une certaine expérience dans le travail, pour les
3 organes municipaux et au sein du SUP de la ville. Tant que nous n'avions
4 pas d'hommes qui avaient des postes au sein du MUP de Bosnie-Herzégovine et
5 qui connaissaient la structure générale des sièges, c'était difficile.
6 Afin d'améliorer la situation, il a fallu adapter les structures
7 existantes aux circonstances qui prévalaient. Nous avions beaucoup de
8 migrations de population à grande échelle. Je parle du début de la
9 situation, du début d'avril et du mois de mai. Nous ne savions pas à quoi
10 ressemblait la situation réelle pour ce qui est des postes de sécurité
11 publique, quel personnel il y avait, quels équipements il y avait là-bas,
12 et notamment pour ce qui est du matériel et des équipements. Tout ceci a
13 été centralisé dans le ministère de l'Intérieur. Toutes les fournitures
14 venaient de Sarajevo, du siège de l'ancien ministère de l'Intérieur.
15 D'autre part, nous avions un manque de lignes de communication. Nous
16 étions dans l'incapacité d'établir la communication en utilisant les
17 équipements existants avec beaucoup de zones extérieures. Nous étions tous
18 incapables de procéder à des évaluations de qualité, non pas seulement pour
19 ce qui est de la gestion de l'organisation, mais aussi pour ce qui est de
20 la communication avec les postes externes dans d'autres zones, afin de
21 savoir quelle était la situation en matière de sécurité là-bas dans ces
22 régions-là.
23 Q. Monsieur, est-ce que, suite à votre arrivée, vous avez pris
24 connaissance d'un certain nombre de documents, documents que le ministère
25 avait rédigés, élaborés avant votre arrivée ?
26 R. Oui. J'étais au courant de cela, car je souhaitais être au courant des
27 activités qui s'étaient déroulées avant mon arrivée pour que nous puissions
28 intégrer la suite du travail du ministère de l'Intérieur de manière plus
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1 facile.
2 Q. Je vais vous montrer quelques documents, et je souhaite vous demander
3 de me confirmer simplement si vous avez vu ces documents, si ce sont les
4 documents auxquels vous avez fait référence.
5 Le premier est 1D61, intercalaire 7.
6 R. Je connais ce document, car, entre autres, une partie de l'ordre porte
7 sur les activités du service criminel.
8 Q. Un instant. Attendons que ceci soit affiché à l'écran. Excusez-moi.
9 Peut-on afficher le document suivant, s'il vous plaît. C'est le document 65
10 ter 4D1, intercalaire numéro 8. Le document porte la date du 16 avril 1992.
11 R. Je connais ce document. Je ne sais pas s'il y a une suite pour ce qui
12 est de ce document.
13 Q. Vous souvenez-vous, Monsieur le Témoin, qu'à l'époque il y a eu un
14 ordre, ordre selon lequel il a fallu prendre des mesures renforcées pour ce
15 qui est du système d'organisation dans la république, la sécurité
16 personnelle des citoyens, la recherche des auteurs d'infractions pénales,
17 et cetera ?
18 R. Oui, j'étais au courant de cela, surtout parce qu'une partie de ces
19 activités concernait le service chargé de la lutte contre la criminalité.
20 Q. Vous souvenez-vous qui vous a montré ce document ?
21 R. Un certain nombre de documents, lorsque je suis arrivé, m'ont été
22 transmis par M. Planojevic, et un certain nombre d'autres documents, je les
23 ai vus dans le département chargé des analyses, à savoir c'est la personne
24 chargée de ces analyses qui me les a montrés.
25 Q. Vous souvenez-vous qui était en charge de ce département des analyses ?
26 R. Petar Vujicic, me semble-t-il. Il y avait une autre personne qui
27 travaillait avec lui, mais je ne me souviens pas de son nom.
28 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, s'il n'y a pas
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1 d'objection, je demande que ce document soit versé au dossier.
2 M. HANNIS : [interprétation] Concernant ce qui figure à l'intercalaire 8,
3 je pense que le témoin a dit, à la page 67, à la ligne 25, il a dit :
4 "Oui, je connais ce document. Je ne suis pas certain s'il y a une suite de
5 ce document."
6 Donc cela m'amène à croire que ce document n'est pas le document intégral.
7 Je peux en conclure que c'est un document incomplet, et, par conséquent, ce
8 document devrait être marqué pour identification.
9 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est le document qui nous a été communiqué
10 par le bureau du Procureur. Vous pouvez donc voir la source du document.
11 Nous n'avons qu'une seule page de ce document. Peut-être que c'est le
12 document du système électronique de données. On -- non, on vient de me
13 rappeler que le document figurait sur la liste 65 ter du bureau du
14 Procureur. C'est un document incomplet. Ce document n'a qu'une page, la
15 première page. Malheureusement, c'est tout ce que nous avons à présent.
16 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est ce que j'ai voulu dire, Monsieur le
17 Président, le fait que ce document provient du bureau du Procureur ne veut
18 pas dire que tout va bien, qu'il n'y a pas eu d'erreur. Il faut savoir
19 comment on a reçu certains documents. Certains documents, on les a obtenus
20 sur demande. Certains autres, on les a reçus des individus, pour des
21 raisons diverses. Donc je maintiens mon objection.
22 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je crois que, Monsieur Hannis, nous
23 avons déjà eu un problème similaire lorsqu'on a pu se rendre compte du fait
24 que le conseil, juste comme les Juges de la Chambre, ne peut travailler
25 qu'avec ce qu'il a. Donc je suppose que si lorsqu'on examine le document
26 dans son intégralité, nous pourrions avoir une impression autre que
27 l'impression qu'on a maintenant. Mais je pense qu'il est juste de verser ce
28 document au dossier puisqu'une partie veut que ce document soit versé au
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1 dossier.
2 M. HANNIS : [interprétation] Cela m'est clair, Monsieur le Président. Mais
3 puisqu'il semble que ce document ne soit pas le document complet, mais
4 plutôt, peut-être, le projet de document, et que le document définitif est
5 peut-être complètement différent, je pense que c'est à la Chambre de
6 décider quel poids elle va donner à ce document à la fin de cette affaire.
7 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Le document sera versé au dossier et
8 annoté.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] En tant que 1D634.
10 M. ZECEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher le
11 document qui se trouve à l'intercalaire 19 et porte le numéro 2D18.
12 Q. Est-ce qu'à l'époque vous avez eu l'occasion de voir les documents
13 provenant du centre des services de Sécurité de Banja Luka ?
14 R. Je ne l'ai pas retrouvé ici.
15 Q. Sous le numéro 9.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et ce n'est pas 19, Maître Zecevic ?
17 M. ZECEVIC : [interprétation] J'ai dit que le numéro du document est 2D18,
18 l'intercalaire numéro 9.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document, je ne l'ai pas vu.
21 M. ZECEVIC : [interprétation]
22 Q. Merci. Je vais vous montrer à présent le document suivant. C'est à
23 l'intercalaire 10, c'est le document P1252.
24 Ce document porte la date du 17 avril 1992. Le document porte la signature,
25 on voit, pour le ministre de l'intérieur de la Republika Srpska, M. Mico
26 Stanisic. Et on voit une signature. Le numéro du document est 10-18.
27 Pouvez-vous nous dire d'abord si vous avez été au courant de l'existence de
28 ce document une fois arrivé au numéro [phon] de la Republika Srpska ?
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1 R. Oui, j'étais au courant de ce document parce que son contenu concernait
2 le fonctionnement du service de la police judiciaire.
3 Q. Pouvez-vous nous expliquer la signification du chiffre 10 qui figure
4 dans le numéro du document ?
5 R. Pour ce qui est du chiffre 10, cela veut dire que c'est le numéro qui
6 désigne l'administration des analyses. Donc, 02 c'est la police judiciaire;
7 01 c'est le ministre; 03 c'est l'administration de la police en uniforme;
8 ainsi de suite.
9 Q. Et pour ce qui est de 01, cela veut dire quoi ?
10 R. Cela veut dire le ministre.
11 Q. A titre d'illustration, j'aimerais -- excusez-moi, votre réponse n'a
12 pas été entendue par l'interprète.
13 R. 01, cela désignait le ministre.
14 Q. Merci. Je vous prie de faire une pause entre mes questions et vos
15 réponses. Monsieur Macar, si vous avez des problèmes, si vous ne sentez pas
16 bien, dites-le-moi. Comme M. le Juge Hall, Président de la Chambre, vous a
17 dit au début de l'audience, si vous ne vous portez pas bien, nous pouvons
18 faire une pause.
19 Pouvons-nous poursuivre ?
20 R. Oui.
21 M. ZECEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher le document 1D72,
22 l'intercalaire 11.
23 Q. Il s'agit également d'un document du mois d'avril 1992. Dans la
24 signature, nous voyons que le nom est indiqué : ministre de l'intérieur,
25 Mico Stanisic. Le numéro est le 01-50, et ce document porte sur
26 l'instruction quant à l'acheminement du bulletin concernant des situations
27 quotidiennes et d'autres renseignements intéressants pertinents.
28 Est-ce que vous connaissiez le teneur de ce document ? Avez-vous déjà
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1 vu ce document auparavant ?
2 R. Oui. Lorsque je suis arrivé à la direction, étant donné qu'il n'y
3 avait pas de système policier qui existait, les communications se faisaient
4 principalement par le truchement des téléphones. Donc on inscrivait les
5 numéros de téléphone.
6 Et je me rappelle que j'ai indiqué ce numéro de téléphone afin que
7 l'on puisse avoir des moyens de communiquer avec le bureau du ministre.
8 Q. Alors, dites-moi, étant donné que vous avez séjourné à Pale et à
9 Sokolac pendant cette période, dites-moi quelle était la situation
10 concernant l'électricité, l'eau et l'approvisionnement de façon générale
11 dans ces deux municipalités au cours des mois d'avril et mai 1992 ?
12 R. Je peux définir la situation en disant qu'elle était
13 catastrophique. S'agissant de l'eau et de l'électricité à Sokolac, il n'y
14 en avait pas.
15 Je me souviens très bien que pour les besoins du service, nous
16 disposions de deux véhicules. Je prenais le carburant de mes réserves
17 personnelles que j'avais à Sokolac. Et ceci a duré jusqu'à la fin mai ou
18 début juin. Par la suite, mon père m'a demandé de ne plus prendre ce
19 carburant car il en avait besoin, car il avait un camion et pour un
20 quartier il devait emmener l'eau d'une source qui se trouvait à 15
21 kilomètres de là. Donc il acheminait trois tonnes d'eau puisqu'il n'y avait
22 pas de l'eau. Afin de pouvoir avoir de l'eau pour l'hygiène personnelle, il
23 était nécessaire d'avoir cette eau. Donc la situation était, en d'autres
24 mots, catastrophique. Et il acheminait une très grande quantité d'eau pour
25 notre famille et nos voisins.
26 Q. Alors, dites-nous, s'il vous plaît, s'agissant des lignes
27 téléphoniques en Bosnie-Herzégovine, à quoi ressemblaient-elles ?
28 R. Les lignes téléphoniques étaient interrompues. Je me souviens
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1 qu'à Vrace, tout de suite après mon arrivée à Pale, nous avons été
2 transférés à Vrace avec le QG du ministère. Les forces musulmanes avaient
3 deux ou trois lignes, puisque les lignes téléphoniques passaient par la
4 poste centrale de Sarajevo. Il restait peut-être deux à trois lignes
5 téléphoniques que l'on pouvait également écouter et dont on se servait lors
6 de nos communications.
7 Et s'agissant des communications entre les municipalités, il était
8 absolument impossible d'établir des moyens de communication téléphoniques.
9 Il était encore moins possible d'appeler l'Herzégovine, et c'était
10 effectivement --
11 Q. Les trois derniers lieux que vous avez mentionnés, les interprètes
12 n'ont pas réussi à vous entendre. Moi non plus, je n'ai pas très bien saisi
13 les noms que vous avez donnés, les noms de lieux. Alors, veuillez les
14 répéter, s'il vous plaît.
15 R. Nos communications téléphoniques étaient interrompues, plus
16 particulièrement lorsqu'il s'agit de la Krajina et de l'Herzégovine, mais
17 également pour la plupart des municipalités qui se trouvaient dans Sarajevo
18 et au centre de Romanija-Birac. Ceci nous empêchait de travailler, et il
19 nous a fallu passer à la façon ancienne, c'est-à-dire d'avoir recours aux
20 services d'estafette. Donc, si quelque chose se déplaçait, soit dans le
21 cadre de leur travail, nous entendions dire, par exemple, si cette personne
22 s'en va à Vlasenica, nous leur donnions du matériel afin qu'ils puissent
23 l'acheminer. Mais le pire c'était lorsque, par exemple, nous avions des
24 documents à faire communiquer, et nous ne pouvions pas le faire parce qu'il
25 fallait attendre dix jours que quelqu'un se déplace. Mais je me souviens
26 très bien d'un incident. Il nous a fallu aller à Belgrade, je devais aller
27 rendre visite à ma famille, mais mon épouse a oublié d'apporter son
28 portefeuille avec l'argent. Donc je ne veux pas vous fatiguer avec les
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1 détails, mais j'avais apporté des documents avec moi qui étaient censés
2 être envoyés -- ou devaient passer par les postes de Milici, Vlasenica,
3 Bratunac et Zvornik. Et heureusement que j'ai décidé de remettre ces
4 documents au poste de Milici, chez le chef qui s'appelle Bilanovic, et je
5 l'ai prié d'acheminer ces documents aux postes. Sur la route, il y avait
6 des camions. En fait, il y avait une colonne. J'ai tourné pour aller voir
7 M. Bilanovic. Donc j'ai viré, et 15 à 20 minutes plus tard, nous avons reçu
8 l'information qui nous disait qu'à Konjevic Polje, de dix à 15 kilomètres
9 de Milici, qu'une embuscade avait été entendue et que les chauffeurs
10 avaient été tués, ainsi que certains civils. Donc, heureusement, grâce à ce
11 courrier et ce problème de courrier, donc ce courrier que je voulais
12 acheminer personnellement, j'ai évité la mort.
13 Q. Merci.
14 R. J'ai essayé de me remémorer de la date exacte, mais je ne me souviens
15 pas très bien. Donc j'ai pu éviter cet incident.
16 Q. Ecoutez, je ne sais pas si je vous ai bien compris. J'avais
17 l'impression que vous aviez dit tout à l'heure que vous étiez en douleur,
18 que vous avez mal quelque part.
19 R. Oui, j'ai des douleurs à la colonne vertébrale et à l'estomac.
20 M. ZECEVIC : [interprétation] J'ai demandé au témoin tout à l'heure s'il
21 voulait que l'on termine tout de suite. Nous pourrions peut-être lever
22 l'audience, Monsieur le Président, eu égard à l'état de santé du témoin.
23 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Certainement. Alors, nous allons
24 maintenant lever l'audience.
25 Monsieur, j'aimerais vous demander de ne pas parler de la teneur de votre
26 déposition avec qui que ce soit, ni de la teneur des dépositions que vous
27 avez faites jusqu'à maintenant, ni de la déposition que vous avez faite
28 aujourd'hui ou que vous êtes sur le point de faire. Alors, la séance est
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1 levée. Nous allons maintenant vous permettre de lever, et nous reprendrons
2 nos travaux demain.
3 Merci.
4 [Le témoin quitte la barre]
5 --- L'audience est levée à 13 heures 34 et reprendra le mercredi 6
6 juillet 2011, à 9 heures 00.
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