Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14/1-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 27 Août 1998

4 L'audience est ouverte à 9 heures 05.

5 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)

6 (L'accusé est introduit).

7 M. le Président. - Bonjour Mesdames, Messieurs. Bonjour à la

8 cabine technique, bonjour aux interprètes. Nous allons reprendre notre

9 affaire.

10 M. Dubuisson - Il s'agit de l'affaire I-T-95-14/1-T, le

11 Procureur contre Zlatko Aleksovski.

12 M. le Président. - Et pour aujourd'hui comme pour hier, qui

13 avons-nous dans le Bureau du Procureur ?

14 M. Niemann (nterprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

15 Messieurs les Juges, je m'appelle Grant Niemann. Je comparais ce matin en

16 compagnie de Me Meddegoda et de Mlle Sutherland pour le Bureau du

17 Procureur.

18 M. le Président. - Merci beaucoup. Et pour le Bureau de la

19 Défense ?

20 M. Mikulicic (interprétation). - Bonjour Votre Honneur. Je suis

21 Mikulicic et avec mon collègue Joka, nous représentons l'accusé

22 Monsieur Aleksovski.

23 M. le Président. - Nous avons accompli cette formalité pour le

24 compte rendu, nous pouvons donc reprendre notre travail. C'est à vous

25 Maître Mikulicic.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Merci votre Honneur, la

2 Défense convie le témoin Anto Pesa.

3 (Le témoin est introduit dans le prétoire)

4 M. le Président. - Bonjour, Monsieur Anto Pesa, vous m'entendez

5 bien ?

6 M. Pesa (interprétation). - Oui, j'entends.

7 M. le Président. - Vous allez lire la déclaration solennelle que

8 M. l'Huissier va vous tendre, s'il vous plaît.

9 M. Pesa (interprétation). - Je déclare solennellement que je

10 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

11 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir.

12 (Le témoin s'exécute).

13 M. le Président. - Etes-vous bien installé ?

14 M. Pesa (interprétation). - Oui.

15 M. le Président. - Pour l'instant, vous allez répondre aux

16 questions que Me Mikulicic qui est à votre gauche, va vous poser.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Merci Votre Honneur. Bonjour,

18 Monsieur Pesa.

19 M. Pesa (interprétation). - Bonjour.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Dans ce procès, je suis avocat

21 de la Défense et je me propose de vous poser plusieurs questions en vous

22 demandant aimablement d'y répondre comme vous le dictent vos souvenirs.

23 Dîtes-nous Monsieur Pesa, quand est-ce que vous êtes né et où ?

24 M. Pesa (interprétation). - Je suis né le 27 mai 1948 au village

25 Orasac, commune de Travnik.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - De quelle nationalité êtes-

2 vous ?

3 M. Pesa (interprétation). - Croate.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Etes-vous croyant ?

5 M. Pesa (interprétation). - Oui.

6 M. Mikulicic (interprétation). - De quelle confession ?

7 M. Pesa (interprétation). - De confession catholique romaine.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous me dire si vous

9 avez fréquenté des écoles ?

10 M. Pesa (interprétation). - Je n'ai fait que huit années d’école

11 primaire.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Où avez-vous fait vos études

13 primaires ?

14 M. Pesa (interprétation). - Quatre à Han Bila et quatre à

15 Guca Gora.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit que vous étiez né

17 au village de Orasac, à quelle distance se trouve ce village de Travnik ?

18 M. Pesa (interprétation). - A environ 20 kilomètres.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Vous y avez vécu depuis votre

20 naissance ou avez-vous déménagé quelque part ?

21 M. Pesa (interprétation). - Non, j'y ai été depuis ma naissance.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez vécu dans votre

23 propre maison ou dans un immeuble ?

24 M. Pesa (interprétation). - A Orasac, dans ma propre maison.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous une famille ?

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1 M. Pesa (interprétation). - Oui.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous des enfants ?

3 M. Pesa (interprétation). - Oui.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Combien ?

5 M. Pesa (interprétation). - Six enfants.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quel âge

7 ont-ils et leur sexe ?

8 M. Pesa (interprétation). - Trois fils et trois filles.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez tous vécu dans cette

10 maison d'Orasac

11 vers le début de 1993 ou pas ?

12 M. Pesa (interprétation). - Oui, nous y avons de tous temps

13 vécu.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Avec votre famille bien sûr ?

15 M. Pesa (interprétation). - Oui et avec ma mère.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Avec votre mère et avec votre

17 épouse j'imagine ?

18 M. Pesa (interprétation). - Oui, ma mère, mon épouse et les

19 enfants.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous travaillé quelque

21 part ou alors vous avez vécu d'une exploitation agricole ? Où avez-vous

22 travaillé ?

23 M. Pesa (interprétation). - A Nova Bila.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Quelles étaient les tâches que

25 l'on vous avait confiées ?

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1 M. Pesa (interprétation). - J'avais été ouvrier semi qualifié

2 puis j'ai fait une formation sur le tas et j'ai été hautement qualifié par

3 la suite pour travailler sur des machines.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Donc vous avez eu une

5 qualification pour pouvoir travailler à un poste plus complexe ?

6 M. Pesa (interprétation). - Oui avec une machine plus complexe.

7 M. Mikulicic (interprétation). - Est-il exact Monsieur Pesa que

8 vers la première moitié de 1993 vous avez dû quitter votre maison, c'est-

9 à-dire votre résidence ?

10 M. Pesa (interprétation). - C'est exact.

11 M. Mikulicic (interprétation). - A cause de quoi, pour quelles

12 raisons ?

13 M. Pesa (interprétation). - Nous avons dû quitter la maison, car

14 il y a eu une attaque dans la première moitié de 1993 de la part de

15 l'armée de la Bosnie-Herzégovine.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit que l'armée de la

17 Bosnie-Herzégovine a attaqué votre village ou votre maison ?

18 M. Pesa (interprétation). - Cette armée a attaqué toute la

19 population de nationalité

20 croate.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que cela signifie que

22 vous avez été obligé de vous réfugier, de quitter le territoire où vous

23 viviez ?

24 M. Pesa (interprétation). - Oui.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Avec votre famille ?

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1 M. Pesa (interprétation). - Oui.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Ou êtes-vous allés ?

3 M. Pesa (interprétation). - Nous sommes partis vers Nova Bila à

4 travers les collines avec les enfants, mon épouse et ma mère qui est née

5 en 1920. A l'époque, ma mère était en mauvais état de santé et je devais

6 prendre encore compte ce fait-là. Je suis arrivé, nous sommes arrivés à

7 Nova Bila puis j'avais envisagé où aller. J'avais trouvé un moyen de

8 transport, à savoir un tracteur, et je me suis rendu avec ma famille vers

9 Busovaca et je me suis présenté à la Croix-Rouge là-bas. Toutefois, cette

10 fois-là, la Croix-Rouge m'a installé dans une maison privée. Cette maison

11 avait été abandonnée et même de nos jours j'occupe cette maison. Elle

12 était plutôt en piteux état, c'était sale, mais les temps étaient tels

13 qu'il fallait bien s'héberger quelque part et je m'y trouve même de nos

14 jours.

15 M. Mikulicic (interprétation). - Donc vous vivez encore à

16 Busovaca depuis la première moitié de 1993. Est-ce que votre famille vit

17 avec vous ?

18 M. Pesa (interprétation). - Oui.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Pesa, en ce temps-là,

20 sur le territoire de la municipalité de Busovaca, y a-t-il eu des conflits

21 entre les populations musulmanes et croates ? Pouvez-vous vous rappeler de

22 ces événements-là ?

23 M. Pesa (interprétation). - Oui.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Dîtes-nous, Monsieur Pesa,

25 étant donné que vous avez mentionné le fait d'avoir trois fils ?

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1 M. Pesa (interprétation). - Oui.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Quel âge avaient vos fils à

3 l'époque ?

4 M. Pesa (interprétation). - L'un est né en 1968, l'autre est né

5 en 1970 et l'autre en 1972.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Si je compte bien, vos 3 fils

7 avaient un âge où ils étaient conscrits, n'est-ce pas ?

8 M. Pesa (interprétation). - Oui.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Qu'ont fait vos fils lorsqu'ils

10 sont arrivés avec vous à Busovaca ? Est-ce qu’ils se sont présentés au HVO

11 ou sont-ils restés à la maison ?

12 M. Pesa (interprétation). - Etant donné que mes fils et moi-même

13 avons été ressortissants du HVO, à Oraca* déjà ils étaient au HVO, ils se

14 sont présentés au bureau de la défense populaire. Ils s'y étaient donc

15 présentés, ils avaient obtenu des affectations chacun d'entre eux.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Avaient-ils été répartis dans

17 des formations armées ou autre ?

18 M. Pesa (interprétation). - Dans des formations armées.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Dites-nous Monsieur Pesa, si

20 vous vous êtes présenté vous-même à ce bureau de la défense ?

21 M. Pesa (interprétation). - Oui.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Pour quelle raison ?

23 M. Pesa (interprétation). - J'ai une obligation, je suis

24 astreint à la défense jusqu'à l'âge de 65 ans et je me suis présenté pour

25 voir à quel point de vue je pourrais être utile et donc étant donné que

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1 mes enfants sont allés défendre leur pays, je me suis présenté également.

2 En dépit de mon âge je me suis présenté, j'ai eu une affectation à la

3 protection civile.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Par son par conséquent, en

5 votre qualité de

6 conscrit vous n'avez pas été affecté aux forces armées mais dans une unité

7 de travail à Busovaca, n'est-ce pas ?

8 M. Pesa (interprétation). - Oui.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire

10 Monsieur Pesa quelle avait été votre tâche en qualité de membre de cette

11 unité de travail ?

12 M. Pesa (interprétation). - Mon devoir était une fois donc

13 convoqué par un coursier à domicile, je devais me rendre à un endroit

14 donné pour creuser des tranchées, des abris souterrains et ainsi de suite.

15 M. Mikulicic (interprétation). - Si je vous ai bien compris, un

16 coursier venait chez vous et vous indiquait où est-ce qu'il fallait se

17 présenter pour accomplir une certaine tâche ?

18 M. Pesa (interprétation). - C'est exact.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Où alliez-vous d'habitude ?

20 M. Pesa (interprétation). - J'allais creuser des tranchées à

21 Busovaca.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre

23 nous ne nous sommes peut-être pas bien compris où deviez vous présenter ?

24 M. Pesa (interprétation). - Vers l'école secondaire à Busovaca.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Et c'est là que se réunissaient

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1 d'autres particuliers qui étaient membres tout comme vous de cette unité

2 de travail est-ce exact ?

3 M. Pesa (interprétation). - Oui.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Combien à peu près y avait-il

5 de membres de cette unité de travail où vous vous trouviez ?

6 M. Pesa (interprétation). - A chaque fois que l'on se

7 rassemblait nous étions quinze à vingt personnes.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Pesa lorsque vous vous

9 réunissiez sur le site de l'école secondaire à Busovaca, j'imagine que

10 vous vous rendiez vers un site donné est-ce

11 exact ?

12 M. Pesa (interprétation). - Oui c'est exact.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Comment alliez-vous sur le

14 terrain et est-ce que quelqu'un vous accompagnait ?

15 M. Pesa (interprétation). - Oui, nous étions accompagnés par la

16 police militaire et nous avions un camion ou un tracteur comme moyen de

17 transport jusqu'à l'endroit où la route était praticable puis ensuite on

18 continuait à pied pour accomplir nos tâches.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Bien. Donc vous vous

20 rassembliez à Busovaca, la police militaire vous escortait jusqu'au site

21 où vous étiez supposés accomplir vos tâches et à qui vous présentiez-vous

22 là-bas sur le site ?

23 M. Pesa (interprétation). - Au commandant de ce secteur de la

24 ligne de front.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Que se passait-il alors ? Qui

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1 est-ce qui vous indiquait quel est endroit où il fallait travailler et ce

2 qu'il fallait faire ?

3 M. Pesa (interprétation). - Précisément c'est lui-même qui nous

4 disait les endroits où il fallait creuser les abris souterrains, les

5 tranchées et le reste.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous comprends. Je suppose

7 que vous alliez effectuer vos tâches ?

8 M. Pesa (interprétation). - Oui.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Quelle sont les outils que vous

10 aviez à votre disposition ?

11 M. Pesa (interprétation). - Des pics et des pelles.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que ces outils-là vous

13 les avez emportés de vous ou bien vous les obteniez de là-bas ?

14 M. Pesa (interprétation). - On les obtenait au niveau de l'unité

15 de travail.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Pesa, quelles sont les

17 tâches que vous

18 accomplissiez le plus souvent sur le terrain ?

19 M. Pesa (interprétation). - Nous creusions des tranchées et des

20 abris souterrains. C'est là l'essentiel, c'était notre tâche principale.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que ces tranchées et ces

22 abris souterrains étaient destinés au besoin des forces armées ou pour

23 d'autres besoins ?

24 M. Pesa (interprétation). - Pour les besoins des forces armées.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Vous souvenez-vous

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1 Monsieur Pesa, à combien de reprises vous-même au cours de l'année-1993

2 avez eu à vous rendre sur le terrain pour creuser ces tranchées, abris

3 souterrains ?

4 M. Pesa (interprétation). - A vrai dire cela était fonction des

5 besoins mais si je fais l'addition il est difficile de s'en rappeler. On y

6 allait des fois deux fois par semaine, des fois toutes les nuits, des fois

7 il y avait des pauses prolongées. C'était sur besoin, je ne saurais vous

8 dire exactement combien de fois j'y suis allé mais j'y suis allé souvent.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Oui il s'est passé beaucoup de

10 temps aussi ?

11 M. Pesa (interprétation). - Oui.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Pesa vous avez dit que

13 dans une équipe de travail il y avait eu quinze à vingt personnes selon

14 les besoins ?

15 M. Pesa (interprétation). - Oui.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Vous vous souvenez de la

17 nationalité des personnes qui allaient avec vous accomplir des tâches de

18 travail ?

19 M. Pesa (interprétation). - Pour autant que je sache c'était

20 essentiellement des Croates.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que ces autres gens

22 étaient de Busovaca comme vous ou des environs ? D'où venaient-il

23 M. Pesa (interprétation). - A vrai dire, Monsieur, je suis allé

24 tant de fois que je ne

25 sais pas d'où venaient ces gens. Etant donné que j'étais réfugié sur ces

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1 territoires-là, il y avait des réfugiés comme moi qui venaient des

2 municipalités environnantes mais il y avait peut-être aussi des gens de la

3 ville même. Je ne connaissais pas tous ces gens.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

5 de tous les sites oùvous aviez travaillé ?

6 M. Pesa (interprétation). - J'ai creusé à Kula, Prosje, Loncari,

7 Komarevo, Krcevine et Polom.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez peut-être prononcé

9 cela trop rapidement je vous demanderai de répéter ces localités car je

10 crains que tout n'a pas été noté aux transcripts. Je vous prie de répéter

11 donc un peu plus lentement.

12 M. Pesa (interprétation). - J'ai creusé des abris souterrains et

13 tranchées à Kula, Prosje, Loncari, Komarevo ....

14 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit Polom.

15 M. Pesa (interprétation). - Oui, je m'excuse, j'ai dit Polom Il

16 y avait peut-être d'autres sites encore mais c'était il y a longtemps, je

17 n'arrive plus à me rappeler tous ces endroits.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Bien. Lorsque je vous ai

19 demandé de quel nationalité étaient les gens qui avaient creusé avec vous,

20 vous avez dit qu'il s'agissait surtout de Croates. En fonction de quoi

21 avez-vous conclu qu'il s'agissait de Croates ?

22 M. Pesa (interprétation). - Je ne sais pas. Lorsque nous

23 arrivions là-bas je pensais que c'était tous des Croates mais comme je ne

24 connaissais pas tout le monde, il y avait peut-être aussi des Musulmans et

25 des Serbes mais comme personnellement je ne connaissais pas tous ces

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1 gens-là je pensais que c'était des Croates.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Donc c'était une supposition de

3 votre part ?

4 M. Pesa (interprétation). - Oui tout à fait.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez mentionné les sites

6 où vous avez creusé, Monsieur Pesa, je sais que vous n'êtes pas de cette

7 région et que vous vous y êtes trouvé en qualité de réfugié mais vous avez

8 quand même fini par connaître cette région. Pouvez-vous nous dire par

9 rapport à Busovaca où ces endroits se trouvent-ils ? Est-ce près de

10 Busovaca ou un peu plus loin ?

11 M. Pesa (interprétation). - C'est à proximité de Busovaca. Ces

12 endroits ne sont pas dans la ville , c'est dans le cadre de la

13 municipalité de Busovaca, mais sur le terrain. Prosje se trouve déjà plus

14 en élévation.

15 M. Mikulicic (interprétation). - Donc ce sont des endroits à

16 proximité de Busovaca ?

17 M. Pesa (interprétation). - Oui, tout à fait.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Pesa, savez-vous pour

19 quelles raisons il a fallu creuser ces tranchées ? A quelles fins ces

20 tranchée ont-elles étaient creusées ?

21 M. Pesa (interprétation). - Je vous dirai que cela a été creusée

22 pour des fins d'autodéfense. Etant donné que la route de Busovaca a été

23 souvent attaquée par l'armée de la Bosnie-Herzégovine, il fallait protéger

24 cette route et les soldats. Comme nous étions en guerre, il s'agissait de

25 se défendre.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Bien. Monsieur Pesa, pendant

2 que vous travailliez sur ces sites, est-ce que ces sites se trouvaient sur

3 les premières lignes de front ou plus loin ?

4 M. Pesa (interprétation). - Aux premières lignes de front.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que cela signifie qu'il

6 y avait à proximité des membres de l'armée de la Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Pesa (interprétation). - Vers Prosje, sur les auteurs, je me

8 souviens que nous étions sur les premières lignes de front, et nous y

9 étions tous. J'ai vu personnellement que l'armée de la Bosnie-Herzégovine

10 se trouvait à peine à cent mètres de nous. Lorsque nous

11 creusions la nuit, lorsqu'on cognait du pic contre le sol, comme c'était

12 la nuit, le silence était grand, on nous entendait. Il y avait des coups

13 de feu vers nous, alors on nous disait qu'il fallait aller doucement,

14 c'est-à-dire travailler dans le silence afin que l'on ne nous entende pas

15 autant.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Pesa, vous venez de

17 dire que l'on vous disait d'aller silencieusement afin de ne pas faire de

18 bruit ? Qui vous disait cela ?

19 M. Pesa (interprétation). - C'est la police militaire qui nous

20 le disait. Celle qui était chargée d'assurer la sécurité.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que pendant que vous

22 travailliez sur ces sites-là vous aviez à vos côtés la police militaire

23 qui vous gardez, qui prêtez soin à votre sécurité ?

24 M. Pesa (interprétation). - C'est exact.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Dites-nous s'il y avait

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1 beaucoup de fusillades, beaucoup de coups de feu de la part de l'armée de

2 la Bosnie-Herzégovine ? Donc s'il y avait une forte fusillade de la part

3 de l'autre côté de la ligne de front, est-ce que la police militaire vous

4 protégeait ou vous ramenait ?

5 M. Pesa (interprétation). - On était informé que s'il y avait

6 une grosse fusillade la police militaire s'occuperait de nous ramener vers

7 l’arrière, étant donné que nous n'avions pas d'armes et que nous étions

8 venus avec des pics et des pelles pour accomplir des tâches déterminées,

9 c'est-à-dire creuser des abris souterrains et des tranchées, la police

10 militaire nous ramènerait parce que nous ne pouvions pas nous défendre

11 avec des pics et des pelles.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que ce type de situation

13 est survenue quelquefois ?

14 M. Pesa (interprétation). - A vrai dire, lorsque nous creusions

15 à Kula xxx , je ne saurais vous dire la date, vers 3 heures et quart après

16 minuit, il y a eu un conflit tel que nous avons eu du mal à nous retirer.

17 Nous étions 17. L'attaque avait été si violente que nous avons

18 réussi à peine à nous retirer et sur la ligne de front ceux qui nous

19 protégeaient sont restés sur la ligne de front, sur les auteurs et nous

20 nous sommes retirés alors qu'ils sont restés là-bas. Voilà c'est un

21 événement vécu.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous comprends.

23 Monsieur Pesa, vous avez mentionné à plusieurs reprises que vous creusiez

24 la nuit, est-ce que creuser la nuit étaient occasionnels ou réguliers ?

25 M. Pesa (interprétation). - Nous ne creusions que la nuit.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Qu'elle était la durée de

2 travail d'une équipe pour creuser ?

3 M. Pesa (interprétation). - Nous commencions à travailler à la

4 tombée de la nuit et nous travaillons jusqu'à presque l'aube. Dès que le

5 jour commencé à poindre nous revenions chez nous.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que sur le terrain ou

7 vous travaillez vous receviez de la nourriture ?

8 M. Pesa (interprétation). - Oui.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Qui vous apportez à manger ?

10 M. Pesa (interprétation). - C’étaient les soldats ou plutôt ceux

11 qui étaient chargés de la nourriture pour les soldats et la police

12 militaire nous distribuer des denrées alimentaires et de l'eau.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous receviez une

14 nourriture particulière ou vous manger la même chose que les soldats ?

15 M. Pesa (interprétation). - Non, la même nourriture que les

16 soldats, rien de particulier.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Y avait-il suffisamment de

18 nourriture ?

19 M. Pesa (interprétation). - Je dois où dire vous dire que non.

20 Il n'y avait pas assez

21 de denrées alimentaires. On mangeait comme les autres mais nous étions

22 encerclés et nous n'avions pas de lignes d'approvisionnement est ce que

23 l'on avait sur place, à savoir des conserves de poisson, des haricots,

24 enfin, quelque chose de ce type, ce n'étaient pas des denrées alimentaires

25 de très haute qualité mais on mangeait ce qu'il y avait.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous comprends mais je pense

2 que tous les autres étaient dans le même cas, n'est-ce pas ?

3 M. Pesa (interprétation). - C'est exact.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez mentionné le fait

5 qu'il n'y avait pas assez de denrées alimentaires étant donné que vous

6 étiez encerclé, est-ce que vous étiez encerclée pendant que vous creusiez

7 ou est-ce que Busovaca qui était encerclée ?

8 M. Pesa (interprétation). - Nous étions tous encerclés au niveau

9 de cette Bosnie centrale. Nous n'avions pas d'approvisionnements. Nous ne

10 pouvions pas acheter des denrées pour améliorer notre nutrition. Tout ce

11 qui ait Bosnie centrale, la vallée de la Lasva, tout cela était encerclée.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends. Dites-nous

13 Monsieur Pesa, est-ce que personnellement vous avez connu quelque accident

14 lors de l'accomplissement de ces tâches ? Vous est-il arrivé quelque

15 chose ?

16 M. Pesa (interprétation). - Oui, j'ai été blessé à l'occasion de

17 l'accomplissement de ces tâches.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire

19 l'événement ?

20 M. Pesa (interprétation). - Dans la première moitié de 1993 je

21 suis allé vers Krecevina, une localité appelait Minileci et lorsque nous

22 creusions des tranchées j'ai marché sur une mine d'infanterie et je suis

23 resté sans jambe, je porte une prothèse depuis.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Donc à l'occasion de votre

25 travail vous avez été victime d'une mine, n'est-ce pas ?

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1 M. Pesa (interprétation). - Oui.

2 M. Mikulicic (interprétation). - A cette occasion là vous avez

3 été blessé puis emmené vers un hôpital ? Ou vous a-t-on emmené ?

4 M. Pesa (interprétation). - J'ai été emmené à Busovaca et il n'y

5 avait pas de médicaments, j'ai été emmené vers un nouvel hôpital par une

6 voie détournée et je suis arrivé à Nova Bila et j'ai été installé à ...

7 (hors micro). C’étaient des bancs qui ont été pris dans une église est

8 c'est là que j'ai été couché. Ils ont cousu ma blessure ils ont arrêté

9 l'hémorragie mais il n'y avait ni piqûre, ni médicament ni quoi que ce

10 soit d'autre. Je suis resté là-bas un mois est quelque. On m'a transféré

11 vers la Croatie par la suite, à Split et on m'a amputé, on m'a opéré, je

12 ne sais plus ce qu'ils ont fait.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Donc vous êtes invalides en ce

14 moment qu'elle pour pourcentage d'invalidité ?

15 M. Pesa (interprétation). - 70 %.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire

17 Monsieur Pesa étant donné que vous avez mentionné au début que vous veniez

18 du village, que vous aviez votre maison et votre propriété là-bas, que

19 vous avez dû quitter cet endroit, est-ce que suite à votre départ vous

20 avez eu l'occasion de retourner voir votre maison ?

21 M. Pesa (interprétation). - Oui.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Comment cela s'est passé ?

23 M. Pesa (interprétation). - A vrai dire il y avait là Forpronu à

24 Busovaca qui distribuait de la presse, j'ai discuté avec un traducteur, je

25 lui ai demandé si on avait la liberté de se déplacer, j'avais donc aussi

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1 la liberté de me déplacer, d'aller voir ma ville natale et ma maison. A

2 plusieurs reprises je leur ai posé la question lorsque personne ne

3 réagissait, alors j'ai été appelé par un soldat de la Forpronu qui était

4 sur le transporteur et il est venu, je suis parti à Busovaca, il y avait

5 un traducteur qui s'appelait Zoran

6 et je lui avait expliqué ce que je voulais... Je pouvais donc aller voir

7 ma maison. Je ne me souviens plus de la date, je suis allé là-bas, je suis

8 parti sous protection de ces gens-là par des transporteurs de la Forpronu

9 et quand je suis entré dans le village il y avait une armée étrangère.

10 Nous les appelions les Mudjahedine.

11 M. Mikulicic (interprétation). - Lorsque vous dites une armée

12 étrangère mudjahedin, est-ce que c'était des citoyens de la Bosnie Bosnie-

13 Herzégovine ou autres ?

14 M. Pesa (interprétation). - Ce n'étaient pas des ressortissants

15 de la B-H, c’étaient des Mudjahedine, des Arabes. Nous les appelions des

16 Mudjahedine.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Donc ils se trouvaient dans

18 votre village ?

19 M. Pesa (interprétation). - Oui.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Que s’est-il passé avec votre

21 maison, votre terre ?

22 M. Pesa (interprétation). - Sur mon terrain on a construit un

23 immeuble religieux, de 20-25 mètres de long, de large, et en bas il y

24 avait une source d'eau ils s'en servent pour leur hygiène, et en haut je

25 crois qu'ils ont construit des bureaux ou des endroits d'hébergement et

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1 cet immeuble-là se trouve encore sur mon terrain.

2 M. Mikulicic (interprétation). - On ne vous a pas permis de

3 revenir à votre maison ?

4 M. Pesa (interprétation). - Non, mais il n'y a pas que chez moi,

5 mais les autres maisons étaient détruites, brûlées.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends donc. Si je ne me

7 m’abuse, vous êtes encore réfugié à Busovaca ?

8 M. Pesa (interprétation). - Oui.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Une question encore

10 Monsieur Pesa, vous avez dit que lorsqu'il fallait effectuer des tâches

11 qu'un coursier venez vous en informez c'est vrai ?

12 M. Pesa (interprétation). - C'est exact.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que parfois la police

14 militaire venait vous chercher ?

15 M. Pesa (interprétation). - Vous savez je n'ai jamais voulu que

16 l'on m'emmène par force c'est-à-dire que si je n'étais pas à la maison on

17 laissait un message à mon épouse et en général j'y allais donc ce n'était

18 pas la peine de m'en...

19 M. Mikulicic (interprétation). - Parmi vos voisins y avaient ils

20 des gens qui ne voulaient pas répondre à la convocation pour aller

21 travailler ?

22 M. Pesa (interprétation). - Je cherchais à me soucier de ma

23 famille et de moi-même je ne sais pas pour les autres et cela ne

24 m'intéressait pas.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Dans ces moments où vous

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1 travailliez sur le terrain, avez-vous jamais vu près de vous ou à côté de

2 vous des Musulmans travailler, enfin des Musulmans qui avaient été détenus

3 dans les installations de Kaonik ?

4 M. Pesa (interprétation). - Je ne suis pas haut courant de cela.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous été personnellement à

6 Kaonik ?

7 M. Pesa (interprétation). - Non.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous connu le directeur

9 des installations de Kaonik ?

10 M. Pesa (interprétation). - Non.

11 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez une

12 personne répondant au nom de Zlatko Aleksovski ?

13 M. Pesa (interprétation). - Non.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie Monsieur Pesa,

15 la défense n'a plus de questions à vous poser.

16 M. le Président. - Très bien, maître M. Mikulicic. Maître

17 Meddegoda, s'il vous plaît.

18 M. Meddegoda (interprétation). - Effectivement, Monsieur le

19 Président. Bonjour Monsieur Pesa. J'ai quelques questions à vous poser. Je

20 représente ici le Bureau du Procureur. Je vous demanderai d'y répondre du

21 mieux que vous le pourrez.

22 En réponse aux questions posées par M. Mikulicic, vous avez

23 expliqué que vous aviez été forcé de quitter votre village natal au cours

24 du premier semestre, à mi-1993, est-ce exact ?

25 M. Pesa (interprétation). - C'est exact.

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1 M. Meddegoda (interprétation). - Au cours de quel mois avez-vous

2 dû quitter le village ?

3 M. Pesa (interprétation). - Je ne sais pas quel mois c’était, je

4 sais que c'était la première moitié de 1993.

5 M. Meddegoda (interprétation). - Est-ce que cela s'est passé au

6 cours du mois de janvier 1993 ? Ou bien est-ce que vous avez dû quitter le

7 village un peu plus tard ?

8 M. Pesa (interprétation). - A vrai dire je n'arrive pas à me

9 souvenir, je sais que c'était la première moitié mais j'ai eu tant de

10 problème que je ne sais plus de quel mois il s'était agi. Vous-même et

11 d’autres familles vous vous êtes alors rendus à Busovaca, c'est bien

12 exact ?

13 M. Pesa (interprétation). - C'est exact.

14 M. Meddegoda (interprétation). - Vous dites que vous-même et vos

15 fils vous vous êtes rendus au département de la défense ?

16 M. Pesa (interprétation). - Oui.

17 M. Meddegoda (interprétation). - Mais à quel département de la

18 défense vous vous êtes adressés exactement ?

19 M. Pesa (interprétation). - Au bureau de la défense de Busovaca.

20 M. Meddegoda (interprétation). - Est-ce que vous vous êtes

21 adressés à une personne en particulier au sein de ce bureau, est-ce que

22 vous vous êtes adressés au responsable de ce bureau ? Je ne vous demande

23 pas le nom de cette personne mais le poste qu'elle occupait au sein de la

24 défense de Busovaca.

25 M. Pesa (interprétation). - Nous tous réfugiés qui sommes allés

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1 au bureau de Busovaca, nous ne connaissions pas les gens de là-bas.

2 C'était au lendemain de mon arrivée à Busovaca. Je me suis présenté là-bas

3 au lendemain de mon arrivée et je ne connaissais pas les personnes qui y

4 travaillaient.

5 M. Meddegoda (interprétation). - Après avoir signalé votre

6 présence, combien de temps avez-vous attendu avant de recevoir votre

7 affectation ?

8 M. Pesa (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas bien

9 compris, vous avez parlé trop vite.

10 M. Meddegoda (interprétation). - Pardonnez-moi, je vais essayé

11 d'être plus clair. Vous dites que vous vous êtes rendu au bureau de la

12 défense de Busovaca pour y ça que naît votre présence ensuite vous avez

13 reçûmes une affectation c'est bien cela ?

14 M. Pesa (interprétation). - C'est exact.

15 M. Meddegoda (interprétation). - Combien de temps après avoir

16 signalé votre présence vous êtes vous rendu au bureau de la défense ?

17 M. Pesa (interprétation). - Je me suis présenté ce jour-là, je

18 ne sais plus si c'est le lendemain ou le surlendemain que j'ai eu une

19 affectation et donc on m'avait dit que je ferai telle chose lorsque besoin

20 été.

21 M. Meddegoda (interprétation). - Je m'intéresse à votre première

22 affectation, cette première affectation vous l'avez reçue un ou deux jours

23 à près ou une semaine plus tard ?

24 M. Pesa (interprétation). - Ce n'était pas un mois après

25 s'étaient quand même assez rapidement après notre présentation mais je

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1 sais que ce n'était pas un mois à près mais peut-être deux, trois, cinq

2 jours, mettons cinq jours au plus.

3 M. Meddegoda (interprétation). - Qui vous a donné cette

4 affectation ? Comment avez-vous eu connaissance de cette affectation ?

5 M. Pesa (interprétation). - Lorsque je me suis présenté au

6 bureau de la défense on m'a dit : "On vous tiendra haut courant lorsqu'on

7 aura besoin de vous soit par la police militaire soit par un coursier" et

8 c'est ainsi que cela a été fait maintenant de savoir qui aise qui m'a dit

9 cela comme je ne connaissais pas les gens je ne sais pas qui était chargée

10 de tout ceci. Je sais que j'étais chargé d'accomplir des taches. Je ne me

11 souviens pas des journées exactes mais quand on me demandait de faire

12 quelque chose et bien j'accomplissais mais tâche.

13 M. Meddegoda (interprétation). - Je vois. Monsieur Pesa, j'ai

14 bien compris le fait que vous aviez accompli vos taches comme tous

15 citoyens respectueux des lois mais ce n'est pas exactement la teneur de ma

16 question. Ou vous trouviez vous lorsqu'on vous a communiqué votre

17 affectation ? Vous étiez chez vous, vous étiez ailleurs peut-être ?

18 M. Pesa (interprétation). - J’étais parfois chez moi mais

19 parfois je m'absentais. étant donné que je fume beaucoup et que je n'avais

20 pas de cigarette alors j'allais chez les voisins pour demander une ou deux

21 cigarette et en rentrant mon épouse ma main formée du passage de la police

22 militaire ou d'un coursier. C'est ainsi que je savais que l'on avait

23 besoin de mois.

24 M. Meddegoda (interprétation). - Donc, il est arrivé que vous

25 vous trouviez chez vous lorsque les membres de la police militaire ou le

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1 coursier portant votre affectation sont arrivés.

2 M. Pesa (interprétation). - Oui parfois.

3 M. Meddegoda (interprétation). - Et lorsque vous vous trouviez

4 chez vous, lorsque vous receviez ces affectations, quel aspect revêtait

5 hier ?

6 M. Pesa (interprétation). - Vous, Monsieur Anto Pesa, vous

7 effectuez une tâche de

8 travail à terre et tel endroit, le lieu de rassemblement était à côté de

9 l'école second d'air, à telle heure c'est ainsi que l'on m'informait.

10 M. Meddegoda (interprétation). - Donc la personne qui arrivait

11 chez vous vous informer du fait que vous deviez vous rendre à l'école le

12 second d'air à terre ou terre époque air où demander de vous identifier

13 n'est-ce pas ?

14 M. Pesa (interprétation). - C'est exact.

15 M. Meddegoda (interprétation). - Et elle vous faisait part de

16 ces informations oralement c'est bien cela ?

17 M. Pesa (interprétation). - Oui.

18 M. Meddegoda (interprétation). - Et conformément à ces

19 instructions vous vous rendiez ensuite à l'école le second d'air de

20 Busovaca comme vous nous l'avais expliqué tout à l'heure ?

21 M. Pesa (interprétation). - Oui.

22 M. Meddegoda (interprétation). - Vous avez également déclaré en

23 réponse à une question qui vous a été posée par mon collègue qu'il

24 arrivait que quinze et vingt personnes se retrouvent en même temps à ce

25 point de rassemblement de l'école secondaire, c'est bien cela ?

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1 M. Pesa (interprétation). - Oui.

2 M. Meddegoda (interprétation). - Lorsque vous vous rendiez à

3 l'école secondaire, que se passait-il ? A qui deviez-vous vous présenter ?

4 M. Pesa (interprétation). - Comment que se passait-il ? Nous

5 étions censés nous présenter là-bas.

6 M. Meddegoda (interprétation). - Est-ce qu'à ce moment-là

7 quelqu'un vous adressait la parole ? Que vous disait-on à ce point de

8 rassemblement ?

9 M. Pesa (interprétation). - On se rassemblait là-bas, nous,

10 quinze, vingt, vint-cinq. Cela dépendait des fois. Je ne sais plus combien

11 de gens exactement. On venait, on nous disait

12 que la tâche était la suivante. Alors la personne je ne la connaissais

13 pas, bien sûr, on arrivait là-haut, le commandant de la ligne de front

14 nous montrait les endroits où il fallait creuser.

15 M. Meddegoda (interprétation). - Et vous avez déclaré que vous

16 vous rendiez à cet endroit sous escorte. Vous étiez transportés en camion

17 ou en tracteur et ce sont les membres de la police militaire qui vous

18 accompagnaient, j'ai bien compris ?

19 M. Pesa (interprétation). - Oui.

20 M. Meddegoda (interprétation). - Qui commandait votre unité de

21 travail, Monsieur Pesa ?

22 M. Pesa (interprétation). - Je ne sais pas exactement, car en ma

23 qualité de réfugié, je ne savais pas qui était le commandant. Là où les

24 autres allaient, ceux qui étaient de mon groupe, j'allais avec eux et je

25 ne m'intéressais guère de savoir qui était le commandant de l'unité. Ce

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1 qui m'intéressait c'était de faire ma tâche et de rentrer. La

2 préoccupation première était de savoir si l'on rentrerait blessé ou vivant

3 ou...

4 M. Meddegoda (interprétation). - Pardon, je vous ai interrompu,

5 je crois. Donc je comprends, d'après ce que vous venez de dire, que vous

6 n'avez pas eu l'occasion de vous adresser au commandant de votre unité.

7 M. Pesa (interprétation). - Laissez-moi vous dire. Je suis

8 arrivé à Busovaca en ma qualité de réfugié. J'ai dû quitter ma maison, mes

9 terres, mon domaine. Je suis arrivé dans un milieu inconnu, je ne

10 m'intéressais guère à savoir qui était telle personne ou telle autre. Ce

11 qui m'intéressais, c'était de savoir comment je resterais en vie, comment

12 mes enfants resteraient en vie, comment nous allions nous nourrir. Je ne

13 m'intéressais guère quant à savoir qui était commandant à tel endroit.

14 Donc, ce que je pouvais faire en ma qualité d'apte au travail, je voulais

15 le faire, le reste ne m'intéressait guère.

16 M. Meddegoda (interprétation). - Monsieur Pesa, je vous

17 comprends fort bien mais ma question est la suivante : avez-vous jamais eu

18 l'occasion de vous entretenir avec le

19 commandant de votre unité ? Cette possibilité s'est-elle présentée à un

20 moment quelconque ?

21 M. Pesa (interprétation). - Non.

22 M. Meddegoda (interprétation). - Non, fort bien. Vous avez

23 déclaré que l'on vous avait emmené creuser des tranchées en divers

24 endroits. A l'un de ces endroits, de ces emplacements, avez-vous jamais

25 été maltraité, avez-vous fait l'objet de mauvais traitements alors que

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1 vous creusiez des tranchées ?

2 M. Pesa (interprétation). - Non, on ne m'a pas battu, on ne m'a

3 pas maltraité et pas seulement moi, mais les autres non plus. Nous

4 mangions ce que nous avions, nous fumions les cigarettes que l'on avait et

5 l'on travaillait normalement donc c'est à dire que c'était un traitement

6 tout à fait normal.

7 M. Meddegoda (interprétation). - Vous avez été relativement bien

8 traité, n'est-ce pas ?

9 M. Pesa (interprétation). - Oui, autant moi que les autres pour

10 ce qui est du domaine où je me situais.

11 M. Meddegoda (interprétation). - Et lorsque vous acheviez ces

12 tâches, la réalisation de ces tâches, on vous ramenait chez vous en

13 utilisant les mêmes transports qui avaient été utilisés, un camion ou un

14 tracteur, n'est-ce pas ?

15 M. Pesa (interprétation). - Oui, on a été transporté jusqu'au

16 début de la forêt et puis on sortait de la forêt. En repartant, on montait

17 dans le tracteur ou le camion et on rentrait à la maison pour se reposer.

18 M. Meddegoda (interprétation). - Et c'était la procédure adoptée

19 à chaque fois que l'on vous a emmenés réaliser un certain nombre de

20 travaux ?

21 M. Pesa (interprétation). - Oui, voilà. On y allait en camion et

22 puis on revenait. C'était la façon de procéder.

23 M. Meddegoda (interprétation). - Et jamais, lors de ces

24 déplacements, vous n'avez

25 eu l'occasion de vous entretenir avec le commandant de votre unité de

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1 travail ?

2 M. Pesa (interprétation). - Monsieur, je vous répète trois fois.

3 Je ne m'intéressais pas à savoir qui était quoi. Moi, mon problème était

4 de résoudre les préoccupations quotidiennes : c'était d'avoir à manger

5 tous les jours et je ne connaissais pas ces gens-là.

6 M. Meddegoda (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai

7 plus de questions à poser à ce témoin.

8 M. le Président. - Maître Mikulicic, avez-vous des questions

9 supplémentaires ?

10 M. Mikulicic (interprétation). - Votre Honneur, la Défense n'a

11 plus de questions à poser à ce témoin.

12 M. le Président. - Monsieur Anto Pesa, nous n'avons plus

13 d'autres questions à vous poser. Nous vous remercions beaucoup de votre

14 présence et de votre collaboration. Bon retour dans votre pays,

15 Monsieur Anto Pesa.

16 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

17 M. le Président. - Maître Mikulicic, est-ce que l'on pourrait

18 penser à entendre tous les témoins aujourd'hui ? Vous avez les deux autres

19 témoins présents ? Peut-être si l'on va vite et si on ne répète pas les

20 questions on pourrait finir aujourd'hui avec les témoins. Je crois que

21 pour la matinée nous avons trois témoins, on peut s'organiser de cette

22 façon et après chaque témoin on pourrait faire une pause. Peut-être que

23 l'on va faire une pause de vingt minutes. Nous entendrons le deuxième

24 témoin et après nous ferons une autre pause. Ensuite, la Chambre répondra

25 aux questions que nous avons pour répondre à la suite de la conférence de

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1 mise en état. Nous avons déjà préparé des propositions donc si on profite

2 bien du temps, on peut quand même finir aujourd'hui. Donc, vingt minutes

3 de pause.

4 L'audience, suspendue à 10 heures, est reprise à 10 heures 30

5 M. le Président. - Excusez-moi de ce petit retard. Je viens

6 d'apprendre que ..., je viens d'être rappelé parce que nous le savons déjà

7 que Me Mikulicic a quelque document pour présenter et on peut prolonger un

8 peu la séance. Nous avons déjà l'accord des interprètes et je crois la

9 cabine technique pour aller si c'est nécessaire jusqu'à 14 heures 30.

10 En compensation nous aurions un gâteau pour demain. On ne

11 travaillerait pas demain. Je ne sais pas si vous êtes tous d'accord ?

12 C'est bien de travailler dans cet esprit de coopération. Merci beaucoup.

13 Il y a autre chose mais on peut le traiter dans la conférence de mise en

14 état. On peut, Maître Mikulicic, continuer ?

15 M. Mikulicic (interprétation). - Merci Votre Honneur. La défense

16 cite à la barre le témoin Mato Tavic.

17 (Le témoin est introduit dans le prétoire)

18 M. le Président. - Bonjour Monsieur Tavic, vous m'entendez

19 bien ?

20 M. Tavic (interprétation). - Je vous entends.

21 M. le Président. - Vous allez lire la déclaration solennelle que

22 l'huissier va vous tendre.

23 M. Tavic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

24 dirai la vérité, tout la vérité et rien que la vérité.

25 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir Monsieur Tavic.

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1 (Le témoin s'exécute).

2 M. le Président. - Installez-vous confortablement.

3 Pour l'instant vous allez répondre aux questions que

4 Me Mikulicic va vous poser. S'il vous plaît, Maître Mikulicic ...Vous avez

5 la parole.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Merci Votre Honneur. Bonjour

7 Monsieur Tavic

8 M. Tavic (interprétation). - Bonjour.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Je suis l'avocat de la défense

10 dans ce procès, je me

11 propose de vous poser plusieurs questions en vous demandant aimablement de

12 bien vouloir y répondre selon vos souvenirs.

13 M. Tavic (interprétation). - Bien.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Tavic, dites-nous vos

15 date et lieu de naissance ?

16 M. Tavic (interprétation). - Village Maljine, municipalité de

17 Travnik.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Date de naissance ?

19 M. Tavic (interprétation). - Le 12 février 1935.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Tavic quelle est votre

21 nationalité ?

22 M. Tavic (interprétation). - Catholique romain.

23 M. Mikulicic (interprétation). - C'est votre confession, et

24 votre nationalité ?

25 M. Tavic (interprétation). - Croate.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous avez fréquenté

2 une école ?

3 M. Tavic (interprétation). - Non, j'ai fait deux classes. Il y

4 avait un état de guerre en Croatie et mon père n'a pas pu me scolariser et

5 je n'ai pas pu continuer mes classes.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Donc vous n'avez pas eu

7 l'occasion de poursuivre votre formation après la deuxième année de

8 primaire ?

9 M. Tavic (interprétation). - Non, je n'en ai pas eu.

10 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez mentionné que vous

11 êtes né au village Maljine à côté de Travnik ?

12 M. Tavic (interprétation). - Oui.

13 M. Mikulicic (interprétation). - A quelle distance se trouve ce

14 village de Travnik?

15 M. Tavic (interprétation). - A 12 kilomètres.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous avez passé

17 toute votre vie dans ce village jusqu'aux événements de guerre ou est-ce

18 que vous avait vécu ailleurs ?

19 M. Tavic (interprétation). - Rien qu'à Maljine.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous une famille ?

21 M. Tavic (interprétation). - Oui, j'ai sept enfants qui sont en

22 vie. Le premier est né en 1959, l'autre en 1960, le troisième en 1963, le

23 quatrième en 1977, Elza est née en 1978, Vinko en 1972 et Vijeko en 1974.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Si je vous ai bien compris,

25 vous avez quatre fils ?

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1 M. Tavic (interprétation). - Oui.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Et trois filles ?

3 M. Tavic (interprétation). - Trois filles oui.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce qu'avant la guerre en

5 Bosnie-Herzégovine vous avez vécu tous ensemble au village de Maljine ?

6 M. Tavic (interprétation). - Oui.

7 M. Mikulicic (interprétation). - Vous aviez votre propre maison

8 là-bas ?

9 M. Tavic (interprétation). - J'avais trois maisons et il y en a

10 une qui est complètement détruite. J'ai une photo de cette maison.

11 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez chez vous une photo

12 de la maison ?

13 M. Tavic (interprétation). - Oui, j'ai une photo de la maison où

14 je n'ai passé que deux ans et j'ai passé cinq ans avec ma famille à

15 Busovaca.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous des terres, des

17 bêtes ?

18 M. Tavic (interprétation). - Oui, j'avais cent quatre-vingt

19 moutons, deux vaches, deux porcs, deux chevaux. J'avais un chien hongrois

20 bien dressé qui m'obéissait plus qu'à mes propres enfants. J'avais deux

21 bergers de la Cara*.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Aviez-vous des terres ?

23 M. Tavic (interprétation). - J'avais plus de deux cents acres.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Vous dites deux cents acres,

25 cela fait, si je ne me

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1 trompe, 200.000 mètres carrés.

2 M. Tavic (interprétation). - Si vous pouvez comprendre cent

3 acres cela fait un hectare.

4 M. Mikulicic (interprétation). - De toute manière c'est une

5 grande surface.

6 M. Tavic (interprétation). - Oui, pour moi, sûrement.

7 M. Mikulicic (interprétation). - Vous étiez une personne assez

8 riche ?. Vous aviez beaucoup de propriétés ?

9 M. Tavic (interprétation). - Je suis né en 1935, j'ai travaillé

10 comme maçon et j'ai pris des moutons à crédit au niveau de la coopérative

11 agricole et malheureusement j'ai perdu tout cela.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Que s’est-il passé

13 Monsieur Tavic dans la première moitié de 1993 avec votre famille et votre

14 propriété ?

15 M. Tavic (interprétation). - Ma famille est venue avec moi à

16 Busovaca et j'ai un fils aîné qui se trouve encore prisonnier en Serbie.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Par conséquent, votre fils a

18 été fait prisonnier avec la JNA et se trouve toujours emprisonné en

19 Serbie ?

20 M. Tavic (interprétation). - Oui.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Et les autres trois fils et les

22 filles ont vécu avec leurs enfants chez vous au village à Maljine ?

23 M. Tavic (interprétation). - Oui.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Pourquoi avez-vous quitté le

25 village de Maljine ?

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1 M. Tavic (interprétation). - Parce qu'on a été expulsé.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Qui vous a expulsé ?

3 M. Tavic (interprétation). - Les forces de la

4 Bosnie-Herzégovine.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Vous pensez à l'armée de la

6 Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Tavic (interprétation). - Oui, l'armée.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez donc rassemblé votre

9 famille et vous êtes venu à Busovaca en qualité de réfugié ?

10 M. Tavic (interprétation). - Oui.

11 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous trouvé un hébergement

12 quelconque à Busovaca ?

13 M. Tavic (interprétation). - Oui j'ai trouvé une maison vide et

14 ma fille a également trouvé une maison. Elle avait été mariée, elle avait

15 deux enfants et elle a également trouvé un hébergement provisoire. Il en

16 va de même pour mon fils Vinko. Vous êtes donc resté à Busovaca jusqu'à ce

17 jour ?

18 M. Tavic (interprétation). - Oui.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous me dire lorsque

20 vous êtes arrivé à Busovaca qu'ont fait vos fils ? Est-ce qu’ils se sont

21 présentés quelque part ?

22 M. Tavic (interprétation). - Ils ont été au HVO et ils s'y

23 trouvent même de nos jours et étant donné qu'un voisin m'a hébergé il m'a

24 demandé de lui couvrir une étable. J'avais un peu honte. Il m'apportait du

25 lait. Je ne lui ai rien demandé. Quand je suis monté pour lui faire son

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1 toit, Tomo Julijanovic est arrivé. Je lui ai demandé où est-ce qu'il était

2 allé il m'a dit : "j'ai été poursuivi par la police. Pourquoi ?". Ils

3 voulaient des renseignements pour savoir d'où je venais, ce que je

4 faisais, où je me trouvais". Je suis venu chez ma femme qui s'appelait

5 Milka et je lui ai dit que je devais aller me présenter parce que je ne

6 voulais pas que la police me court après et je suis allé me présenter moi-

7 même. Il s'agissait de Vujica Andjelko. Je me suis présenté à la commune,

8 ensuite, nous nous rassemblions au niveau de l'école secondaire.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Laissons un peu l'occasion aux

10 interprètes de traduire, je me propose de vous poser question par question

11 ce sera plus facile peut-être.

12 M. Tavic (interprétation). - Bien.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Revenons aux événements dont

14 vous avez parlé. Si je vous ai bien compris un voisin à Busovaca vous a

15 demandé de lui refaire son toit sur son étable ?

16 M. Tavic (interprétation). - Oui.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Votre voisin pour vous

18 récompenser vous a donné du lait et des denrées alimentaires ?

19 M. Tavic (interprétation). - Oui.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que cela signifie que

21 vous n'aviez pas vos propres denrées alimentaires, vous n'aviez pas de

22 lait ni autre chose ?

23 M. Tavic (interprétation). - Non, on avait très peu mais loin de

24 là à avoir ce qui aurait été suffisant.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Donc il y avait pénurie ?

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1 M. Tavic (interprétation). - Mais mon Dieu, on était en état de

2 guerre !

3 M. Mikulicic (interprétation). - Mais vous avez dit,

4 Monsieur Tavic, qu'un autre voisin est arrivé.

5 (Acquiescement de la tête du témoin)

6 M. Mikulicic (interprétation). - Que vous a-t-il dit ?

7 M. Tavic (interprétation). - Il m'a dit que j'étais recherché

8 par la police et il est rentré chez lui. Je suis rentré le soir chez moi

9 et je suis allé me présenter moi-même.

10 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que ce voisin

11 Tomo Janovic* vous a dit pourquoi il avait été interrogé par la police ?

12 M. Tavic (interprétation). - Il avait été interrogé pour voir

13 s'il pouvait prendre part à l'organisation de l'effort à la Défense, à la

14 Protection Civile, par exemple.

15 M. Mikulicic (interprétation). - Et en vous entretenant avec vos

16 voisins, vous avez appris qu'il fallait se présenter ?

17 M. Mikulicic (interprétation). - Où êtes-vous allez vous

18 présenter ?

19 M. Tavic (interprétation). - Je suis allé à la Protection Civile

20 au niveau de la municipalité.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Commune de Busovaca ?

22 M. Tavic (interprétation). - Oui.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez mentionné un

24 nom : Vujica Andjelko, n'est-ce pas ?

25 M. Tavic (interprétation). - Oui.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - C'est bien la personne à

2 laquelle vous vous êtes présenté ?

3 M. Tavic (interprétation). - Oui.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Qui était cet homme-là, que

5 faisait il ?

6 M. Tavic (interprétation). - Il était commandant de cette

7 Protection Civile.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Que vous a-t-il dit alors ? Où

9 est-ce qu'il vous a affecté ?

10 M. Tavic (interprétation). - Il m'a demandé quand est-ce que

11 j'étais né, je lui ai répondu, il m'a demandé ma profession je lui ai dit

12 que j'étais maçon et, par la suite, il m'a dit que si besoin était,

13 j'aurais à aller creuser des tranchées et j'y suis allé.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Donc il vous a dit... On

15 m'avertit Monsieur Tavic qu'il faudrait que nous parlions plus lentement

16 pour les besoins de l'interprétation, aussi ayons des égards vis-à-vis des

17 interprètes.

18 Par conséquent, ma question suivante serait : cet homme-là,

19 M. Vojta Angelko, vous a dit que vous étiez affecté dans une unité de

20 travail ?

21 M. Tavic (interprétation). - Oui.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Et il vous a dit que vous

23 deviez aller travailler

24 quelque part, n'est-ce pas ?

25 M. Tavic (interprétation). - Oui.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Comment saviez-vous quels

2 étaient les jours où il fallait aller travailler, est-ce que on vous

3 informait ?

4 M. Tavic (interprétation). - Nous étions informés le jour

5 précédent. Si un groupe allait travailler, on me disait : " Toi, c'est ton

6 tour le lendemain". Mais si une grenade venait à détruire une

7 installation, un bâtiment, il arrivait que je sois laissé sur place pour

8 réparer le bâtiment et c'est quelqu'un d'autre qui allait sur le site de

9 travail.

10 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends? Monsieur Tavic.

11 Revenons à cette première partie de votre réponse. Est-ce que quelqu'un

12 venait à votre domicile pour vous informer qu'il fallait se présenter ?

13 M. Tavic (interprétation). - Non, personne.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Mais qui vous disait qu'il

15 fallait aller travailler ?

16 M. Tavic (interprétation). - Un policier venait nous dire Le

17 jour-même que le lendemain, nous étions censés aller travailler.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Donc un ressortissant de la

19 police militaire vous informait quand est-ce qu'il fallait aller creuser

20 des tranchées ?

21 M. Tavic (interprétation). - Oui.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Où alliez-vous ? A Busovaca ?

23 Ou deviez-vous vous présenter ?

24 M. Tavic (interprétation). - A côté de l'école secondaire.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Donc vous alliez là-bas et les

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1 autres gens qui devaient travailler y venait aussi ?

2 M. Tavic (interprétation). - Oui.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Combien de gens y avait-t-il

4 dans une unité de

5 travail de ce type ?

6 M. Tavic (interprétation). - Ecoutez, des fois il nous arrivait

7 d'être vingt-six, dix-sept, cela dépendait des fois.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce qu'on vous donnait du

9 matériel ?

10 M. Tavic (interprétation). - On nous donnait un pic et des

11 pelles.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Et comment vous rendiez-vous

13 sur le terrain pour travailler ? Est-ce qu'on vous transportait jusque là-

14 bas ?

15 M. Tavic (interprétation). - Oui, on avait un véhicule

16 quelconque, on s'entassait dedans, on était accompagné par un policier,

17 enfin, la police militaire. Pendant que l'on travaillait, ils restaient

18 là, c'était près de la ligne de front. S'ils nous entendaient creuser, on

19 nous tirait dessus ! Alors à la fin, on nous recollectait, on comptait si

20 on était bien tous là et on nous renvoyait tous à domicile.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Une fois que vous étiez au

22 niveau de l'école secondaire, vous étiez transporté par un véhicule vers

23 le site où il fallait creuser n'est-ce pas ?

24 M. Tavic (interprétation). - Oui.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Etiez-vous accompagnés par la

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1 police militaire ?

2 M. Tavic (interprétation). - Oui.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Lorsque vous arriviez à ce

4 site-là, à qui deviez-vous vous présenter ?

5 M. Tavic (interprétation). - On se présentait à un commandant.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Qui était compétent pour la

7 zone ?

8 M. Tavic (interprétation). - Oui.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Et ce commandant vous disait ce

10 qu'il fallait faire et où cela devait être fait ?

11 M. Tavic (interprétation). - Oui il nous disait tout cela.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends. Que faisiez-vous

13 le plus souvent sur la ligne de front lorsque vous y étiez amenés ?

14 M. Tavic (interprétation). - On creusait surtout des tranchées,

15 il nous arrivait de creuser des abris souterrains et de rechercher des

16 matériaux pour couvrir les abris.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Dites-nous Monsieur Tavic, est-

18 ce que vous faisiez ces tâches-là notamment la nuit ou le jour ?

19 M. Tavic (interprétation). - C'était toujours la nuit.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Combien de temps durait une

21 équipe ?

22 M. Tavic (interprétation). - Eh bien, nous y allions vers

23 9 heures et nous revenions vers 4 heures du matin avant l'aube.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce qu'on vous donnait à

25 manger ?

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1 M. Tavic (interprétation). - Oui, tout ce que les soldats

2 recevaient à manger, on nous le donnait aussi.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Là où vous creusiez, est-ce que

4 vous vous rappelez les noms de ces sites ?

5 M. Tavic (interprétation). - Je me rappelle de la localité qui

6 s'appelait Prosje.

7 M. Mikulicic (interprétation). - Vous souvenez-vous d'autres

8 localités ?

9 M. Tavic (interprétation). - Oui je me souviens : Polom, Kula,

10 Podjele, Stranje, je me souviens d'un village qui s'appelle Loncari.

11 M. Mikulicic (interprétation). - C'étaient les sites où vous

12 avez réalisé vos tâches de travail ?

13 M. Tavic (interprétation). - Oui.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire combien

15 de fois vous êtes allé creuser des tranchées ?

16 M. Tavic (interprétation). - Je ne saurais vous dire. Je suis

17 allé trois fois à Prosje,

18 puis je suis allé à Podjele, peut-être deux fois, et à Polom, environ

19 quatre fois.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Par conséquent, au total vous y

21 êtes allé une dizaine ou douzaine de fois ?

22 M. Tavic (interprétation). - Oui.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Mais en plus de ces tâches

24 d'exécution de tranchées, vous avez accompli d'autres tâches. Vous avez

25 dit que vous étiez maçon. Vous avez été sollicité pour intervenir lorsque

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1 quelques grenades venaient à détruire des bâtiments à Busovaca, est-ce

2 exact ?

3 M. Tavic (interprétation). - Oui.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez donc également

5 travaillé au niveau des réparations suite aux bombardements ?

6 M. Tavic (interprétation). - Oui.

7 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

8 où vous avez fait cela à Busovaca ?

9 M. Tavic (interprétation). - Oui. Au niveau de l'école, derrière

10 la municipalité, derrière le bâtiment de la mairie, du côté des Karici,

11 enfin je suis assez vieux, je ne me souviens pas de tous les sites mais je

12 sais quand même que j'y ai passé pas mal de temps.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez donc réparé bien des

14 endroits détériorés au niveau du bâtiment de la municipalité et de

15 l'école ?

16 M. Tavic (interprétation). - Oui.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Où se trouve ces bâtiments au

18 niveau de Busovaca. Vers le centre ou vers la périphérie ?

19 M. Tavic (interprétation). - La commune et l'école se trouvent

20 au centre et les autres immeubles se trouvent un peu plus loin du centre.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous avez dû souvent

22 travailler au

23 niveau des réparations des immeubles, dans la ville de Busovaca ?

24 M. Tavic (interprétation). - Oui, cela a été assez fréquent.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que cela signifie que

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1 beaucoup de grenades sont tombées sur Busovaca ?

2 M. Tavic (interprétation). - Oui.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez mentionné,

4 Monsieur Tavic, qu'il arrivait lorsque vous creusiez des tranchées sur la

5 ligne de front que l'on vous tire dessus, est-ce exact ?

6 M. Tavic (interprétation). - Oui, c'est exact, car on nous

7 entendait. Lorsque je tapais avec un pic sur le sol, on nous entendait et

8 on nous tirait dessus. Alors on se tassait, on attendait que cela se passe

9 et on continuait à travailler jusqu'à l'aube.

10 M. Mikulicic (interprétation). - Lorsque vous dites : "ils nous

11 tiraient ", vous pensez à qui, la police militaire ?

12 M. Tavic (interprétation). - La police militaire.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Qui prenait soin de vous ?

14 M. Tavic (interprétation). - La police militaire et aussi le

15 commandant.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Est-il arrivé que quelques

17 collègues aient été blessés ou mortellement atteints ?

18 M. Tavic (interprétation). - Oui, il y a Puseljaj Niko qui a

19 marché sur une mine et il est mort sur le champ.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Aviez-vous quelque arme lorsque

21 vous alliez accomplir ces tâches ?

22 M. Tavic (interprétation). - Non et personne ne pouvait en

23 avoir.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Rien que le matériel nécessaire

25 pour creuser ?

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1 M. Tavic (interprétation). - Oui, rien que ce matériel.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Que receviez-vous à manger ?

3 M. Tavic (interprétation). - Ce n'était pas tout à fait

4 suffisant mais c'était la même chose que pour les soldats.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Que mangeaient les gens à

6 Busovaca, la population civile j'entends ?

7 M. Tavic (interprétation). - On avait ce qu’on avait, ceux qui

8 avaient un peu plus de denrées nous en donnaient pour que nous puissions

9 survivre. J'ai appris à travailler depuis longtemps, et j'avais donc honte

10 de recevoir des denrées pour rien alors je rendais la monnaie en

11 travaillant, en rendant service.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous comprends. Quelles sont

13 les tâches que vous accomplissiez au niveau de l'unité de travail ? En

14 plus des tranchées, des réparations sur le bâtiment, que faisiez-vous

15 encore ?

16 M. Tavic (interprétation). - J'allais à l'usine de contreplaqué,

17 je nettoyais les cuves, c'est aussi l'une des tâches que j'accomplissais.

18 C'est la que j'ai beaucoup travaillé.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Donc au niveau de la protection

20 de l'usine des contreplaqués, c'est une usine qui se trouve à proximité de

21 Busovaca ?

22 M. Tavic (interprétation). - Oui.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Tavic, pendant que

24 vous travailliez aux tranchées, avez-vous remarqué qu’à côté ou à

25 proximité de vous il y a eu des Musulmans de Kaonik ?

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1 M. Tavic (interprétation). - Je n'ai vu personne. Pour être tout

2 à fait franc, je ne sais même pas où se trouve Kaonik et cette prison.

3 Avec moi, il n'y avait que les Croates. Il y avait des Musulmans à

4 Busovaca mais ils ne venaient pas, ils sont encore en vie.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez mentionné le fait

6 qu'il y ait eu des Croates avec vous. Est-ce que cela signifie que dans

7 votre peloton de travail il n'y avait que des

8 Croates ou il y avait d'autres personnes ?

9 M. Tavic (interprétation). - Il y avait aussi des Serbes. Il y a

10 des Serbes qui sont restés et qui y séjournent encore.

11 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit que vous n'êtes

12 jamais allé à Kaonik ?

13 M. Tavic (interprétation). - Non, je n'y suis jamais allé.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Savez-vous ce qui s'y trouve,

15 quelles sont les installations ?

16 M. Tavic (interprétation). - J'ai entendu dire qu'il y avait une

17 prison militaire mais je n'y suis pas allé. Je dois vous dire que je

18 crains les prisons, je n'ai jamais été emprisonné ni gardé à vue, ne

19 serait-ce que pendant une heure.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Tavic, que faites-vous

21 pour vivre à Busovaca ?

22 M. Tavic (interprétation). - Je travaille dans l'entreprise

23 Komonavac. Je nettoie la rue et je ramasse les déchets.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de

25 retourner à dans votre village natal et de revoir votre maison ?

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1 M. Tavic (interprétation). - Oui, j'y suis allé et la première

2 fois où j’y suis allé et que j'ai vu ce qui s'est passé avec la vieille

3 maison et la petite résidence secondaire, quand j'ai vu tout ce qui a été

4 brûlé j'ai pris une photo de ma nouvelle maison, j'ai cette photo sur moi.

5 Cette nouvelle maison a également été détruite et je n'y vais plus. Chaque

6 fois que j'y vais je reviens malade, je dois prendre des comprimés et

7 recevoir des piqûres, je n'ai plus envie d'y aller. J'y suis allé le

8 7 août. Un certain Adem Zarkic est revenu de Jajce. Il avait dit qu'il

9 avait été Hodza. Je me suis dit que j'avais encore de la chance d'avoir

10 gardé ma famille. Je sais que cet homme-là a arraché toutes les

11 installations et a détruit la maison.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Donc il n'est rien resté de

13 votre maison ?

14 M. Tavic (interprétation). - J'ai sur moi une photo de cette

15 maison. J'ai trois fils, chacun d'entre eux aimerait bien revenir au

16 village natal.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que l'on peut demander à

18 l'huissier de bien vouloir mettre cette photo sur le rétroprojecteur.

19 (L'huissier s'exécute)

20 C'est bien la maison dont vous parlez Monsieur Tavic ?

21 M. Tavic (interprétation). - Oui.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Cette maison est celle qui a

23 été détruite ?

24 M. Tavic (interprétation). - Oui.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Nous pouvons enlever cette

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1 photo du rétroprojecteur.

2 Monsieur Tavic, vous avez dit que vous viviez au village de

3 Maljine, n'est-ce pas ?

4 M. Tavic (interprétation). - Oui.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Vous souvenez-vous de vos

6 voisins ? Quelle était la famille qui vivait le plus près de votre

7 maison ?

8 M. Tavic (interprétation). - Mais voisins étaient aussi des

9 Tavic. Plus bas, au village de Maljine, il y avait des Musulmans. Nous

10 étions Croates. Nous nous respections, nous étions mêmes amis de famille

11 et il est survenu ce conflit.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quel

13 était votre voisin musulman qui vivait à proximité de votre maison, vous

14 en souvenez-vous ?

15 M. Tavic (interprétation). - Dautovic.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Donc la famille Dautovic ?

17 M. Tavic (interprétation). - Oui.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez

19 Hamdo Dautovic ?

20 M. Tavic (interprétation). - Certes, c'est également un voisin.

21 C'est le fils de Nedzo et le premier voisin c'est le fils de Osman.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Donc Hamdo Dautovic était un

23 voisin ?

24 M. Tavic (interprétation). - Oui.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Quel genre de personne était-

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1 ce ?

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8 M. Niemann (interprétation). – (expurgé)

9 M. le Président. – (expurgé)

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11 M. Mikulicic (interprétation). - Très bien Votre Honneur.

12 Monsieur Tavic, juste une question encore. Lorsque vous avez

13 séjourné sur la ligne de front en creusant des tranchées, y avez-vous vu

14 des soldats portant des insignes HV de l'armée croate ou alors HVO de la

15 défense croate de Bosnie ?

16 M. Tavic (interprétation). - Je ne connais personne là-bas. Des

17 gens me rencontrent à Busovaca et disent me connaître mais moi je ne les

18 connais pas. J'ai pris de l'âge et je ne me souviens pas de toutes ces

19 personnes.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie. Votre

21 Honneur, je n'ai plus de questions pour ce témoin.

22 M. le Président. - Merci Maître Mikulicic. Maître Niemann ?

23 M. Niemann (interprétation). - Monsieur Tavic , dans le courant

24 de l'année 1992, est-ce que vous avez travaillé sur vos propriété en temps

25 qu'agriculteur ou est-ce que vous y

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1 aviez d'autres activités, donc l'année avant que vous n'alliez à

2 Busovaca ?

3 M. Tavic (interprétation). - J’ai travaillé dans l'agriculture,

4 j'ai travaillé avec nos moutons.

5 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à

6 Busovac, et que vous avez constaté que vous étiez obligé d'effectuer

7 certaines tâches civiles, vous vous êtes porté volontaire je suppose ?

8 M. Tavic (interprétation). - Oui.

9 M. Niemann (interprétation). - Donc, à aucun moment, un membre

10 de la police ne vous a menacé d'emprisonnement puisque dès le moment où

11 vous vous êtes rendu compte qu'il s'agissait là de votre devoir vous vous

12 êtes présenté volontairement ?

13 M. Tavic (interprétation). - Oui.

14 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous avez été envoyé au

15 front pour creuser ces tranchées, est-ce qu'à un moment donné quelqu'un à

16 dû vous forcer à travailler ? Est-ce que la police a dû pointer une arme

17 sur vous, vous menacer, lorsque vous étiez sur place ou est-ce que vous

18 avez travaillé de façon tout à fait volontaire ?

19 M. Tavic (interprétation). - Non, j’y suis allé de mon plein

20 gré, personne ne m'a obligé par la force à y aller.

21 M. Niemann (interprétation). - Je crois que vous avez dit il y a

22 quelque instant dans votre témoignage que lorsque vous étiez au front

23 c'est le commandant qui prenaient la relève, le commandant militaire qui

24 prenait la relève, c'est cela ?

25 M. Tavic (interprétation). - Oui, c'est lui qui nous prenait en

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1 charge, il était près de nous et il nous gardait.

2 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que le policier qui vous

3 amenait là-bas se retirait par la suite et allait rejoindre les véhicules,

4 je parle du policier qui vous encadrait ?

5 M. Tavic (interprétation). - Oui, il se retirait vers son

6 commandement.

7 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quel

8 était le mois pendant lequel vous êtes arrivé à Busovaca en 1993, vous

9 vous souvenez du mois précis ?

10 M. Tavic (interprétation). - Début, je crois...

11 M. Niemann (interprétation). - Au début de l'année, donc au

12 début de l'année 1993 ?

13 M. Tavic (interprétation). - Oui.

14 M. Niemann (interprétation). - Lorsqu’il y avait une unité de

15 travail, donc lorsque vous deviez soit creuser des tranchées, soit

16 effectuer d’autres tâches, y avait-il quelqu'un qui était chargé de votre

17 unité ? Est-ce qu’il y avait un commandant de votre unité particulière ou

18 est-ce qu'il s'agissait systématiquement du commandant militaire qui

19 donnait des ordres ?

20 M. Tavic (interprétation). - Lorsque je réparais des immeubles

21 suite aux grenades tombées, j'avais un commandant : Bartulovic Ivica. Il

22 nous donnait des instructions et on allait vers cet endroit-là pour

23 réparer ce qu'il y avait à réparer puis revenir à la maison.

24 M. Niemann (interprétation). - Alors s'agissait-il d'un

25 policier, d'un militaire ou simplement d'un civil comme vous-même ?

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1 M. Tavic (interprétation). - C'était un simple civil.

2 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous connaîtriez des

3 noms de commandants militaires pour qui vous avez travaillé lorsque vous

4 creusiez des tranchées ?

5 M. Tavic (interprétation). - Je n'ai connu aucun nom.

6 M. Niemann (interprétation). - Les tranchées étaient creusées la

7 nuit parce que c'était plus sûr, parce que l'on vous voyait moins bien en

8 tout cas pendant la nuit ?

9 M. Tavic (interprétation). - Oui.

10 M. Niemann (interprétation). - Et même pendant la nuit si les

11 tirs devenaient trop vifs de la part de la partie adverse, vous vous

12 retiriez du front, c'est correct ?

13 M. Tavic (interprétation). - C’est correct.

14 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus d'autres questions.

15 M. le Président. - Maître Mikulicic, avez-vous des questions

16 supplémentaires ?

17 M. Mikulicic (interprétation). - Votre Honneur, la défense n'a

18 plus de questions supplémentaires, juste une petite intervention au niveau

19 de la traduction dans le transcript, page 52, deuxième rangée. On a

20 constaté au procès-verbal que le témoin travaillait sur son domaine avec

21 son père. Mais il a dit qu'il avait travaillé avec des moutons. En langue

22 croate, ces mots se rapprochent l’un de l'autre. Je crois qu'il faudrait

23 rectifier le procès-verbal, le transcript.

24 Mais je tiens à dire que la défense n'a plus de questions à

25 poser.

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1 M. le Président. - Merci Maître Mikulicic. Moi-même j'ai entendu

2 moutons, donc j'ai compris. Je ne sais pas s'il y a des problèmes pour la

3 traduction anglaise. Très bien.

4 Maître Vohrah ?

5 M. Vohrah (interprétation). - J'ai une question qui s'adresse à

6 la fois à Monsieur Mikulicic et à Monsieur Niemann.

7 La photographie qui a été soumise au témoin va-t-elle être

8 soumise au dossier ou non ?

9 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Juge, je ne demande

10 pas à ce que cette pièce soit versée au dossier. A priori je ne crois pas

11 que ce soit quelque chose de pertinent. Nous ne souhaitions pas soulever

12 le problème. Si Me Mikulicic souhaite la verser au dossier, nous n'avons

13 pas d'objection à soulever.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Votre Honneur, la défense

15 n'avait pas l'intention de verser cette photo au dossier, car la défense

16 n'a savez même pas que le témoin apporterait cette photographie. Le témoin

17 apporte cette photographie comme un souvenir et il n'avait aucunement

18 l'intention de la verser au dossier.

19 M. le Président. - Oui, moi-même j'ai compris que c'était

20 quelque chose d'un peu

21 émotionnelle. Je crois que les témoins ont toujours besoin d’exprimer ces

22 sentiments et j'ai donc compris qu'il s'agissait d'une situation comme

23 celle-ci. Il faudrait quand même verser la photographie pour le procès.

24 M. Dubuisson - Monsieur le Juge, si vous me permettez ?

25 M. le Président. - Oui.

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1 M. Dubuisson - Donc pour la photo qui a été présentée sur le

2 rétroprojecteur, nous pouvons réaliser un instantané, donc une

3 photographie à partir de la cassette vidéo de cette audience. Il n'y a

4 aucun problème et le témoin peut conserver sa photographie.

5 M. le Président. - Non, il n'est pas nécessaire de faire quelque

6 copie ou quelque chose. Nous sommes d'accord que la défense n'avait pas

7 l'intention de présenter cette photographie. C’est une question

8 émotionnelle du témoin, donc on n'a pas besoin d'une photocopie.

9 Monsieur Tavic, c'est le Président qui vous parle, nous n'avons

10 pas d'autres questions à vous poser. Nous vous remercions beaucoup d'être

11 venu et nous vous souhaitons un bon retour dans votre pays. Merci beaucoup

12 Monsieur Tavic.

13 M. Tavic (interprétation). - Je vous remercie également.

14 (Le témoin est reconduit hors du prétoire)

15 M. le Président. - Maître Mikulicic, Maître Niemann, je crois

16 que nous pouvons faire une pause de 15 minutes. Merci.

17 L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à

18 11 heures 30.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Permettez-moi de m'adresser à

20 Monsieur Aleksovski seul à seul. Si vous pouviez vous lever, s'il vous

21 plaît.

22 (L'accusé s'exécute)

23 Du point de vue de votre situation vous pouvez attendre la fin

24 de la séance jusqu'à 14 heures 30 ?

25 M. Aleksovski (interprétation). - Votre Honneur, je vous

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1 remercie. Pendant toute la durée du procès je sens votre attention à mon

2 égard, compte tenu de mon état de santé. Je me sens parfaitement bien. Je

3 suis un peu ému toutefois et j'appuie votre volonté d'aller au plus vite

4 et d'en faire le plus possible. Je vous remercie.

5 M. le Président. - Merci beaucoup, Monsieur Aleksovski. Donc on

6 peut continuer, Maître Mikulicic, s'il vous plaît ?

7 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie Votre Honneur,

8 la Défense appelle à la barre, Monsieur Dusan Lukovic.

9 M. le Président. - Bonjour, Monsieur Lukovic, vous m'entendez

10 bien ?

11 M. Lukovic (interprétation). Bonjour, je vous entends très bien.

12 M. le Président. - Vous allez lire la déclaration solennelle que

13 l'Huissier va vous tendre s'il vous plaît.

14 M. Lukovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

15 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir.

17 (Le témoin s'exécute).

18 M. le Président. - Pour l'instant, vous allez répondre aux

19 questions que Me Mikulicic va vous poser. Maître Mikulicic, vous avez la

20 parole, s'il vous plaît.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie, Votre

22 Honneur. Bonjour Monsieur Lukovic.

23 M. Lukovic (interprétation). - Bonjour.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Au nom de la Défense, je me

25 propose de vous poser plusieurs questions et je vous demanderai

Page 3438

1 aimablement de bien vouloir y répondre

2 conformément à votre souvenir et je vous prierai également de ne pas

3 perdre de vue la nécessité de parler suffisamment lentement afin que les

4 interprètes puissent suivre vos dires. Je vous remercie.

5 Monsieur Lukovic, pouvez-vous me dire vos date et lieu de

6 naissance ?

7 M. Lukovic (interprétation). - Je suis né en 1935, à Banja Luka.

8 Je suis professeur de sociologie de par ma formation et je suis retraité

9 depuis le 1er mai 1996.

10 M. Mikulicic (interprétation). - Quelle est votre date de

11 naissance ?

12 M. Lukovic (interprétation). - Le 22 février 1935 à Banja Luka.

13 M. Mikulicic (interprétation). - De quelle nationalité êtes-

14 vous ?

15 M. Lukovic (interprétation). - Je suis Serbe.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Etes-vous croyant ?

17 M. Lukovic (interprétation). - Je suis athée.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous me dire quelle est

19 votre formation ?

20 M. Lukovic (interprétation). - J'ai fait une étude de l'école

21 pédagogique et j'ai terminé mes études à la faculté de sociologie.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Vous êtes donc sociologue

23 diplômé ?

24 M. Lukovic (interprétation). - Je suis professeur de sociologie.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous fait votre service

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1 militaire au niveau de l'ex JNA ?

2 M. Lukovic (interprétation). - Oui, à Novi Sad de 1955 à 1956.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous eu un grade après

4 votre service militaire ?

5 M. Lukovic (interprétation). - J'ai fait un stage de caporal

6 puis j'ai été promu sergent et par la suite dans ma vie civile j'ai eu une

7 promotion et je suis sergent-major.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Ce sont bien des grades de

9 sous-officier ?

10 M. Lukovic (interprétation). - En effet, parce que je n'ai pas

11 fait une école d'officiers de réserve.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Lukovic, pouvez-vous

13 nous dire quelles ont été vos fonctions durant votre profession ?

14 M. Lukovic (interprétation). - Jusqu'à l'âge de 40 ans, j'ai

15 vécu à Vitez et j'ai travaillé à bien des endroits. Je vais en citer

16 quelques-uns seulement. J'ai été directeur de l'université ouvrière, c'est

17 un établissement de formation des adultes pour le territoire de la commune

18 où je me trouvais.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous prie d'aller quand même

20 un peu plus lentement.

21 M. Lukovic (interprétation). - Certes, puis j'ai été directeur

22 d'un centre scolaire pour la formation professionnelle des ouvriers et

23 j'ai été directeur d'un lycée. Ensuite, j'ai été directeur d'une

24 communauté de travail qui couvrait toute la localité de l'entreprise de

25 Slobodan Princip Seljo, une usine d'armements et d'explosifs et d'une

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1 usine qui s'appelait Sintevit qui produisait des produits plastiques. La

2 communauté de travail couvrait ces tâches-là.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Lukovic, n'allons pas

4 trop dans les détails. Est-ce que vous avez assumé des fonctions

5 politiques ?

6 M. Lukovic (interprétation). - J'ai été maire de la ville de

7 Vitez pendant quatre ans puis j'ai été maire de la commune de Vitez

8 pendant deux mandats de 1982 à 1984 et de 1984 à 1986. En 1985, j'ai été

9 aussi Président de la communauté des municipalités de Travnik,

10 Novi Travnik et Vitez. C'était une fonction à titre volontaire étant donné

11 que je suis resté maire de Vitez pendant ce temps-là.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvons-nous conclure que vous

13 avez été un citoyen respecté et connu à Vitez et dans ses environs ?

14 M. Lukovic (interprétation). - Cela peut paraître peu modeste

15 mais je dois dire

16 oui. Zenica, Novi Travnik, Busovaca, nous avons entretenu une

17 collaboration très étroite avec les autorités de la République.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Pendant les conflits armés, où

19 vous trouviez-vous vers la moitié de l'année 1993 ?

20 M. Lukovic (interprétation). - Etant donné que je vis à Vitez

21 depuis 1958? je me trouvais à Vitez. J'étais dans mon logement avec mon

22 épouse, mon fils, ma belle-fille et deux petits-enfants.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous viviez dans

24 votre maison individuelle ou dans un immeuble ?

25 M. Lukovic (interprétation). - Je n'ai pas de maison

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1 individuelle. J'ai un logement dans un bâtiment où j'ai reçu un logement

2 de fonction pendant que je travaillais dans une usine.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez donc dit que vous y

4 viviez avec votre épouse, votre fils, votre belle-fille et vos petits-

5 enfants.

6 M. Lukovic (interprétation). - Oui.

7 M. Mikulicic (interprétation). - Comment vous rappelez-vous des

8 premières inimitiés entre Croates et Musulmans dans cette région ?

9 M. Lukovic (interprétation). - Ce qui nous a particulièrement

10 troublé, c'était une attaque par des avions de l'armée yougoslave. Il y a

11 eu deux bombardements. Un bombardement qui était dirigé vers les

12 installations de l'usine militaire, il y a eu des dommages, beaucoup de

13 détonations qui ont semé la panique et ensuite, lorsque la guerre a

14 commencé, le 16 avril 1993, la situation était très tendue. Il y a eu

15 beaucoup de fusillades, beaucoup de grenades sont tombées, beaucoup

16 d'explosions que l'on entendait donc une tension psychologique qui nous

17 incitait à nous retirer très souvent dans les caves pour assurer notre

18 sécurité. Cela a été les débuts.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit,

20 Monsieur Lukovic, qu'il y a eu des grenades lancées sur la ville de Vitez.

21 Qui a lancé ces grenades ?

22 M. Lukovic (interprétation). - C'étaient des ressortissants de

23 l'armée de la Bosnie-Herzégovine depuis les régions détenues par les

24 Musulmans et des obus sont tombés à côté de l'immeuble où je vivais. Deux

25 bâtiments ont été extrêmement endommagés et l'immeuble où j'habitais a eu

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1 toutes les fenêtres brisées. Par circonstance heureuse, mes petits-enfants

2 n'ont pas péri, ils ont été blessés par des éclats d'obus et par les

3 éclats de vitre. Un éclat d'obus a traversé le mur, le placard avec des

4 vêtements et est tombé sous le lit. Et mon épouse se trouvait précisément

5 dans cette pièce à ce moment-là... En plus, il est tombé encore d'autres

6 obus, ce qui fait que sur une partie non loin du centre, huit enfants sont

7 morts alors qu'ils jouaient au basket. Un enfant est mort dans la rue. Il

8 y a eu des cas où un parent tenait son bébé et le nourrissait, un obus est

9 tombé et les a tués tous les deux. Le bâtiment de l'école secondaire a

10 également été endommagé.

11 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce qu'on peut en conclure

12 qu'en ville même et dans ces environs, il n'y a pas eu d'endroits sûrs qui

13 n'aient pas souffert d'obus ?

14 M. Lukovic (interprétation). - J'ai discuté avec des amis pour

15 déterminer ce qu'était cette ligne de front. Je crois qu'elle était

16 partout et tous les endroits étaient dangereux. Je me propose d'en parler

17 plus tard. Je crois que l'on était plus en sécurité sur les lignes de

18 front où je creusais des tranchées et des abris souterrains plutôt qu'à

19 Vitez. Sauf un site, je ne sais pas si vous en avez parlé.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Lukovic, vous venez

21 d'entamer un thème que j'aimerais bien approfondir avec vous, il s'agit de

22 votre emploi, de votre engagement dans cette année 1993, dans une unité de

23 travail. Pouvez-vous nous décrire de quelle façon vous vous êtes intégré à

24 la réalisation de ces travaux ? Comment cela s'est passé ?

25 M. Lukovic (interprétation). - Je ne me suis pas présenté en

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1 tant que volontaire.

2 J'avais 60 ans et de par la Loi sur la Défense populaire généralisée, je

3 n'étais pas conscrit. Je connaissais la problématique étant donné que

4 j'avais été maire et que j'avais commandé certains exercices de Protection

5 Civile et nous avions des pelotons de travail à l'époque de constitués.

6 Par conséquent, un matin, il y a la police militaire qui est venue sonner

7 à ma porte, je suis sorti, je leur ai demandé ce qu'ils voulaient, ils

8 m'ont dit qu'ils cherchaient Dusan Lukovic. Je leur ai dit : "Ils sont

9 partis". Je me suis rendu là-bas, j'ai trouvé des gens que je connaissais

10 depuis longtemps.

11 On en tenait compte. Il y avait un jeune coursier et il y avait

12 un certain Stipinovic qui était professeur de sociologie. Ils m'ont dit

13 que j'avais été recruté en fonction de la loi sur la défense généralisée

14 dans une unité de travail et on m'a dit que nous irions sur le terrain

15 pour accomplir des tâches. Par conséquent, j'ai toujours été informé par

16 coursier. Le coursier était souvent quelqu'un de la police militaire.

17 Pendant cette guerre il était difficile de rédiger des convocations avec

18 l'obligation de se présenter dans un délai de 24 heures mais on venait

19 nous dire, nous donner les informations sur les lieux de travail et

20 l'heure de travail.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Vous vous présentiez à tel

22 endroit lorsque vous étiez informé par la police militaire sur les choses

23 à faire et vous étiez informé sur votre répétition dans une peloton de

24 travail, est-ce exact ?

25 M. Lukovic (interprétation). - Oui, c'est exact.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire la

2 procédure pour ce qui est de votre expédition vers les sites de travail ?

3 Où est-ce que vous vous réunissiez, qui est-ce qui vous emmenait vers le

4 site même et qui est-ce qui vous confiait vos tâches de travail ?

5 M. Lukovic (interprétation). - Nous nous réunissions à plusieurs

6 endroits, c'était d'abord la librairie municipale où il y avait un minibus

7 qui nous emmenait jusque là où c'était possible et ensuite on continuait à

8 pied. C'était vers une montagne, là où j'avais une petite résidence

9 secondaire et c'est précisément vers cet endroit où nous allions accomplir

10 des tâches

11 de travail car quelque jours auparavant il y a eu une attaque musulmane.

12 Il a fallu prolonger, approfondir les tranchées et construire des abris

13 souterrains pour fortifier les positions.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que quelqu'un vous

15 accompagnait dans ce minibus ou vous y alliez seul ?

16 M. Lukovic (interprétation). - Le chauffeur du minibus avait

17 pour tâche de nous raccompagner et de nous emmener jusqu'à l'unité

18 c'est-à-dire jusqu'au commandant de l'unité militaire sur cette ligne de

19 front.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Vous vous présentiez donc

21 devant ce commandant militaire ?

22 M. Lukovic (interprétation). - Oui.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que ce commandant

24 militaire vous donnait des instructions pour ce qui était des tâches à

25 accomplir ?

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1 M. Lukovic (interprétation). - A l'arrivée là-bas, le commandant

2 nous disait pourquoi nous étions là et ce qu'il y avait à faire avant

3 d'aller travailler. Des outils avaient déjà été assurés, les pics, les

4 bêches, les haches étaient sur place. Il nous expliquait où nous nous

5 trouvions du point de vue ... enfin, il nous avait expliqué où se

6 trouvaient les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il nous disait par

7 où venait le danger. Il nous disait de faire attention en creusant afin

8 que nous ne pensions pas que nous étions venus ici pour nous promener

9 parce qu'il y avait beaucoup de tireurs avec des fusils à lunettes. Il

10 nous expliquait sur le terrain ce qu'il fallait faire et les dangers que

11 cela sous-entendaient.

12 Etant donné que nous creusions là où il y avait des soldats

13 armés c'est-à-dire des soldats du HVO. Ce sont ces soldats-là qui

14 assuraient la sécurité sur le terrain.

15 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends. Combien

16 étiez-vous dans une unité de ce type comme celle à laquelle vous étiez

17 vous-même ?

18 M. Lukovic (interprétation). - J'y ai été plusieurs fois. Le

19 nombre a varié à Zabrde

20 nous étions entre quinze et vingt.

21 M. Lukovic (interprétation). - Et combien de fois êtes-vous allé

22 travailler comme cela ?

23 M. Lukovic (interprétation). - Je suis allé à Zabrde. Il y a un

24 village Zaselje. C'est là que la situation avait été la plus difficile.

25 Brhani ou le village de Tulovici, puis Barinhaj au-dessus d'Ahmici. C'est

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1 tout ce que j'ai pu faire comme peloton de travail pour ce qui est des

2 tâches de travail physique. Vers novembre 1993 j'ai eu une convocation de

3 la protection civile. J'ai été transféré vers la protection civile et là

4 j'exerçais des tâches de gardien.

5 M. Meddegoda (interprétation). - Excusez-moi de vous

6 interrompre. Monsieur le Président, nous passons à novembre 1993. J'ai

7 l'impression que ceci sort très clairement du champ d'application de

8 l'acte d'accusation alors je crois que nous pourrions faire une objection.

9 Je crois qu'il faudrait constater qu'à plusieurs reprises notre collègue

10 s'était écarté des événements de mai 1993. Ici pour la même raison je

11 m'opposerai à ce que l'on poursuive l'examen dans le sens.

12 M. le Président. - Maître Mikulicic, je pense qu'il n'est pas

13 nécessaire d'aller au-delà des dates de l'acte d'accusation. Vous pouvez

14 continuer Maître Mikulicic.

15 M. Lukovic (interprétation). - Est-ce que je puis dire quelque

16 chose moi-même.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Votre Honneur, je crois que

18 nous n'avons aucun intérêt à sortir du cadre de l'acte d'accusation. Il

19 arrive que le témoin parle spontanément d'une période de temps qui sort

20 des cadres temporels de l'acte d'accusation.

21 M. le Président. - Oui, mais étant donné que sur les faits le

22 témoin a dépassé ... pas de problème je crois que l'on revient aux dates.

23 Je crois que le témoin voudrait dire quelque chose, vous pouvez

24 dire Monsieur, qu'est-ce que vous voulez dire ?

25 M. Lukovic (interprétation). - Je voulais dire, étant donné que

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1 j'ai passé un an dans

2 ces pelotons de travail et dans mon exposé j'ai passé outre les dates

3 limites qui n'ont plus d'importance pour ce témoignage et je m'en excuse.

4 M. le Président. - Il n'y a pas de problème Maître Mikulicic ?

5 Vous pouvez continuer.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Merci Votre Honneur.

7 Monsieur Lukovic, vous avez bien compris que dans votre exposé il s'agit

8 de se situer dans un cadre temporel déterminé et il s'agit là notamment de

9 la première moitié de 1993. Bien, vous avez dit à plusieurs reprises que

10 vous vous êtes rendu pour creuser des tranchées, des abris souterrains en

11 qualité de membre de ce peloton de travail. Combien de temps passiez-vous

12 sur un site pour réaliser une tâche ?

13 M. Lukovic (interprétation). - Une journée, deux, trois, des

14 fois quinze ou dix-huit jours. Les périodes les plus longues se situent en

15 dehors des délais temporels fixés par l'acte d'accusation mais des fois on

16 passait deux ou trois mois avec des interruptions certes.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Lukovic, quelle a été

18 la composition nationale de ces pelotons de travail. Quels étaient les

19 nationalités qui avaient été intégrées à ces pelotons ?

20 Témoin. - étant donné que je parle des peloton où j'ai

21 participé à l'exécution des tâches aucun peloton n'était mono-national ou

22 mono-ethnique. Il y avait des Serbes, des Croates, des Musulmans, des

23 gitans et même des Slovènes parce qu'à Vitez il y avait eu des Slovènes.

24 M. Mikulicic. - Monsieur Lukovic, pouvez-vous nous dire si à

25 l'occasion de l'exercice de ces tâches on vous assurait un hébergement,

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1 des denrées alimentaires ou similaires ?

2 M. Lukovic (interprétation). - Les conditions de guerre ont été

3 dures. J'ai dit que nous avions un moyen de transport, nous avions trois

4 repas, nous mangions les mêmes denrées

5 alimentaires que celles des soldats du HVO. Pour ce qui est de

6 l'hébergement ce n'était pas très approprié, c'était des petites

7 résidences secondaires assez endommagées ou plutôt dévastées. On avait des

8 abris souterrains qui étaient utilisables, ce qui fait que l'hébergement

9 correspondait à un minimum. Nous avions des couvertures, là où il n'y

10 avait pas de plancher nous avions de la paille mais nous avions quand même

11 un hébergement.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Bien, pouvez-vous nous dire

13 Monsieur Lukovic, de quelle façon avait été organisée votre sécurité, vous

14 qui aviez creusé là-bas ?

15 Témoin. - La sécurité avait été assurée par le fait d'avoir sur

16 cette ligne de front des soldats armés qui ne nous ont jamais quittés. Ils

17 avaient pris leur position et ils étaient beaucoup plus éveillés que

18 d'habitude. On nous disait de nous baisser afin de ne pas être touché par

19 des tirs de tireurs d'élite. Par exemple à Zabrde nous sommes restés un

20 deuxième jour et ils ont dit qu'il fallait interrompre à une heure. J'ai

21 demandé pourquoi. Ils nous ont dit qu'ils attendaient une attaque des

22 soldats de l'armée de la Bosnie-Herzégovine. Nous avons laissé nos

23 outils. Ils nous ont raccompagnés c'est-à-dire cinq soldats du HVO nous

24 ont raccompagnés jusqu'à un endroit sûr où nous avons pris l'autocar pour

25 revenir à Vitez.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

2 s'il y a eu des victimes à l'occasion de ces travaux ?

3 M. Lukovic (interprétation). - A Bobasi nous avons travaillé la

4 nuit. Cette ligne de front a succombé et il a fallu creuser d'urgence des

5 tranchées. Le matin les Musulmans ont ouvert le feu. Leur offensive a

6 commencé. Nous avons eu deux Musulmans blessés dans nos rangs, un Croate

7 avait auparavant été tué par un tir de fusil à lunettes. Et au-dessus

8 d'Ahmici, par inadvertance, je crois que c'était un certain Zrnic Anto en

9 montrant où se trouvait son village et sa maison et j'étais présent, il

10 avait été mis en garde par un jeune soldat : "Ne restez

11 pas debout, comme cela vous allez périr." Je m'étais éloigné de quelque

12 quatre-vingt mètres pour élargir une tranchée et en faire un abri

13 souterrain. On m'a dit qu'il avait été abattu. Il a été emmené jusqu'à une

14 voiture en bas mais il était mort avant d'arriver à l'infirmerie.

15 M. Mikulicic (interprétation). - De quelle nationalité était

16 il ?

17 M. Lukovic (interprétation). - Croate.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez mentionné que vous

19 receviez des denrées alimentaires sur la ligne de front. Comment était

20 cette nourriture ? Est-ce que cela suffisait pour vos besoins où était-ce

21 plutôt maigre ?

22 M. Lukovic (interprétation). - C’est relative, vous savez

23 suffisant. J'avais 106 kilos à l'époque et pendant toute cette période de

24 guerre avant de partir creuser des tranchées, en creusant ces tranchées je

25 suis retombé à 86 kilos et tous les membres de ma famille ont maigri. Nous

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1 mangions tout ce que les soldats mangeaient donc nous mangions tout à fait

2 la même nourriture. Nous étions même assis ensemble et nous avons mangé

3 ensemble.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Lukovic,

5 je vois dans la traduction que l'on s'est trompé sur le nombre des kilos,

6 qu'avez-vous dit ?

7 M. Lukovic (interprétation). - 106 et maintenant j'ai 86, il y a

8 donc 20 kilos de moins. J'ai récupéré des kilos entre temps.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur, vous avez un fils

10 n'est-ce pas ?

11 M. Lukovic (interprétation). - Oui.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Que faisait votre fils pendant

13 ces événements ?

14 M. Lukovic (interprétation). - Mon fils est juriste diplômé, il

15 est de nationalité serbe. Il a été recruté, il a dû prendre les armes et

16 il s'est trouvé sur ces lignes de front du début jusqu'à la fin des

17 conflits. A un endroit il a été blessé étant donné qu'il tirait de ce que

18 l'on appelait le LPG, il se trouvait dans une tranchée, il a été blessé au

19 bras gauche. Il est invalide, j'entends par-là, il est invalide à 30 % et

20 il touche une pension d'invalidité.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit qu'il avait fait

22 partie des unités armées ?

23 M. le Président. - 106 kilos, il n'a pas perdu 20 kilos, donc

24 il est arrivé à avoir 86 kilos. Le transcript dit qu'il a perdu

25 120 kilos... Je crois qu'il faut éclaircir... 106 kilos. Il a perdu

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1 20 kilos donc il est resté avec ces 26 kilos... Je suis désolé, je n'ai

2 rien pu entendre.

3 M. Mikulicic (interprétation). - C'est exact. Je vous remercie,

4 Votre Honneur, pour votre intervention. Je n'ai pas remarqué moi-même la

5 disproportion qui est apparue au transcript. Monsieur Lukovic, une petite

6 explication encore : vous avez dit que votre fils avait pris part aux

7 unités armées, pouvez-vous nous dire de quelle armée vous avez parlé ?

8 M. Lukovic (interprétation). - Il avait participé aux unités

9 armées du HVO.

10 M. Mikulicic (interprétation). - C’est clair, je vous en

11 remercie. Vous avez dit qu'il était blessé, qu'il était invalide.

12 Monsieur Lukovic, quand vous alliez sur le terrain pour creuser sur les

13 lignes de front, est-ce qu'il y a eu des mauvais traitements ? Vous a-t-on

14 maltraité, vous a-t-on battu ?

15 M. Lukovic (interprétation). - Vitez est une petite

16 municipalité, nous nous connaissions tous mutuellement et le comportement

17 était correct. Peut-être qu'il y a eu des incidents quelconque.

18 J'ai entendu parler d'un petit incident et je suis intervenu,

19 mais personne ne nous a obligé à nous épuiser au travail. Nous

20 travaillions autant que nous le pouvions. Je suis de nature à avoir fait

21 pression sur les Croates et les Musulmans pour faire plus vite, pour

22 creuser plus rapidement, pour sauver ces jeunes gens qui devaient occuper

23 ces tranchées. Je disais : "la Forpronu finira bien par venir ici aussi et

24 la guerre prendra fin." Je tiens à dire que personne ne nous a maltraité

25 ni moi ni ceux qui étaient avec moi.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit,

2 Monsieur Lukovic, dans votre introduction, que vous ne vous étiez pas

3 présenté à titre de volontaire dans ces unités de

4 travail ?

5 M. Lukovic (interprétation). - C'est cela.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Maintenant que vous revoyez

7 toutes ces activités, tous ces événements, comment interprétez-vous ce

8 devoir d'accomplissement de tâches ?

9 M. Lukovic (interprétation). - J'ai connu une guerre quand

10 j'étais enfant et je sais qu'il est difficile d'aller sur les premières

11 lignes de front, et si votre fils s'y trouve, votre femme reste derrière

12 vous. Je ne me suis pas présenté à titre de volontaire mais, étant donné

13 que j'avais été maire et que je savais ce qu'était la Défense Populaire

14 généralisée, je sais ce qu'étaient les obligations militaires.

15 N'ayant pas encore eu 60 ans, je savais qu'il fallait bien

16 répondre aux convocations parce que si l'on ne répond pas aux

17 convocations, il y a des sanctions qui s'ensuivent. Donc, en tant que

18 citoyen loyal, j'ai accepté les obligations qui découlent de la loi en

19 vigueur et je crois que j'ai honorablement répondu à mes obligations.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie de votre

21 témoignage, Monsieur Lukovic, la Défense n'a plus de questions à vous

22 poser.

23 M. le Président. - Merci, Maître Mikulicic. Je crois que l'on a

24 toujours un problème. Je ne sais pas s'il y a un problème avec les

25 sténotypistes ou les interprètes mais nos observations ne sont pas passées

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1 dans le transcript. Je ne sais pas comment on peut corriger

2 sténotypiquement mais il faut dire que le témoin pesait 106 kilos donc :

3 un, zéro, six et il a perdu 20 kilos donc : deux, zéro et il pèse

4 maintenant 86 kilos donc : huit, six.

5 Maître Meddegoda ?

6 M. Meddegoda (interprétation). - Merci. Bonjour

7 Monsieur Lukovic.

8 M. Lukovic (interprétation). - Bonjour.

9 M. Meddegoda (interprétation). - Monsieur Lukovic, lorsque vous

10 vous êtes porté volontaire pour travailler dans ces unités de travail,

11 vous vous êtes présenté comme volontaire

12 pour les unités de travail de Protection Civile de la municipalité de

13 Vitez ?

14 M. Lukovic (interprétation). - Je ne me suis pas présenté en

15 tant que volontaire, je crois avoir dit dans mon témoignage que je ne me

16 suis pas présenté à la Protection Civile mais j'ai été informé par la

17 police militaire de l'obligation de me présenter à la librairie

18 municipale. Par la suite, j'ai appris qu'il s'agissait d'unités de travail

19 auprès d'unités du HVO. La Protection Civile m'a convoqué par la suite, en

20 novembre. J'avais obtenu des armes et j'avais la garde des installations

21 où il y avait une morgue, où il y avait des entrepôts. C'est là que la

22 Croix-Rouge amenait les victimes.

23 M. Meddegoda (interprétation). - Lorsque vous vous êtes présenté

24 à la bibliothèque municipale, c'était celle de Vitez, c'est bien cela ?

25 M. Lukovic (interprétation). - Oui.

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1 M. Meddegoda (interprétation). - Et y avait-il là une personne

2 qui était chargée de l'unité de travail, un commandant d'unité de

3 travail ?

4 M. Lukovic (interprétation). - Il y avait deux administrateurs,

5 il y en avait un qui était plutôt coursier et j'ai appris par la suite que

6 le commandant des unités de travail s'appelait Vinac. Je ne sais plus si

7 c'était Marijan ou Mirjan. Il nous emmenait en minibus jusqu'à la ligne de

8 front et il obtenait ses ordres de la part du HVO.

9 M. Meddegoda (interprétation). - Est-ce qu'il commandait toutes

10 les unités de travail de la municipalité de Vitez ou est-ce qu'il ne

11 commandait que votre unité de travail, celle à laquelle vous avez été

12 rattaché ?

13 M. Lukovic (interprétation). - Je ne peux pas être certain. Je

14 pense qu'il devait commander d'autres unités parce que dans presque tous

15 les villages cela a été nécessaire. Des pelotons de travail ont été créés

16 en fonction de la position et de la situation sur le terrain avoisinant.

17 Et là où j'allais concrètement, oui il l'était.

18 M. Meddegoda (interprétation). - Comme vous l'avez dit il y a

19 quelques instants

20 dans votre témoignage principal, ni vous ni les autres n'avaient été

21 maltraités ou battus pendant que vous creusiez les tranchées, pendant que

22 vous construisiez les fortifications.

23 M. Lukovic (interprétation). - J'ai lu un engagement solennel et

24 je suis en train de dire la vérité. Je parle de ce que j'ai vécu et des

25 endroits où je suis allé. Je ne puis témoigner que de cela. Je n'ai pas

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1 été maltraité, je puis vous donner un exemple. Lorsque nous avons creusé à

2 Maringaj, le commandant du peloton que je connaissais de l'usine militaire

3 où nous avions travaillé auparavant ensemble, m'a cédé sa propre chambre

4 pour que j'y dorme et sur le lit ou j'étais couché il y avait un Musulman

5 aussi.

6 Je tiens à vous dire que nous étions si amis, que nous avons eu

7 de si bonnes relations que nous avons été confus par les événements qui

8 sont survenus. La situation était telle que nous n'avons pas eu de mauvais

9 traitements mais plutôt une attitude correcte. Les soldats, pendant que

10 nous creusions, venaient aussi nous aider en laissant à certains leurs

11 fusils pendant que d'autres montaient la garde. C'est ainsi que cela se

12 passait dans le peloton plurinational, pluriethnique où j'ai travaillé.

13 M. Meddegoda (interprétation). - Monsieur le Président, je vais

14 devoir corriger le transcript. Ma question était que d'après le témoin ni

15 lui ni d'autres n'avaient été maltraités. Apparemment, les choses n'ont

16 pas été bien notées et j'aimerais que le compte rendu soit rectifié. Ma

17 question au témoin était la suivante : Ni lui ni les autres membres de son

18 unité n'ont été maltraités ou n'ont été battus pendant qu'ils effectuaient

19 leur tâche.

20 Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le Président.

21 M. le Président. - Maître Mikulicic, avez-vous des questions

22 supplémentaires ?

23 M. Mikulicic (interprétation). - Non, Votre Honneur.

24 M. le Président. - Monsieur le Juge Vohrah ?

25 M. Vohrah (interprétation). - Professeur, est-ce que je vous ai

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1 bien compris lorsque j'ai entendu que vous étiez de nationalité serbe ?

2 M. Lukovic (interprétation). - Oui.

3 M. Nieto Navia (interprétation). - A l'époque, est-ce que vous

4 avez vu des soldats de l'armée croate portant l'insigne HV sur

5 l'uniforme ?

6 M. Lukovic (interprétation). - Vous voulez dire à Vitez ?

7 M. Nieto Navia (interprétation). - Oui.

8 M. Lukovic (interprétation). - Je n'en ai pas vu du tout et je

9 crois qu'il serait très difficile pour les membres du HV de venir à Vitez.

10 Il y a une partie de Vitez que l'on appelle Mahala et toute la ville de

11 Vitez avait été encerclée par des Musulmans, c'est-à-dire l'armée de la

12 Bosnie-Herzégovine.

13 Par conséquent, je n'ai vu personne avec un insigne HV sur la

14 manche. Il n'y avait que le HVO ou la police militaire, des jeunes hommes

15 que nous connaissions qui étaient des gens de là. Alors, maintenant non

16 seulement je n'en ai pas vu mais je n'ai pas ouï-dire que sur le

17 territoire de Vitez il y avait eu des ressortissants de l'armée croate.

18 Nous avions le HVO, c'est-à-dire les Croates locaux.

19 M. le Président. - Professeur, en continuant un peu la question

20 du Juge Nieto-Navia, connaissiez-vous bien les insignes HV et HVO ?

21 M. Lukovic (interprétation). - Oui, HVO je connais bien. Le HV,

22 je ne les ai pas vus. Pour le HVO, sur la manche gauche, il y avait le HVO

23 et il y avait l'échiquier blanc et rouge.

24 M. le Président. - Une autre question. Les soldats du HVO

25 portaient toujours les insignes HVO ou il pouvait advenir qu'ils n'aient

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1 pas leurs insignes ?

2 M. Lukovic (interprétation). - Ceux que j'ai vus, ils portaient

3 des insignes et ils avaient des bandes rouges, bleues ou quelques autres

4 pour désigner l'unité à laquelle ils appartenaient. Ils avaient tous des

5 uniformes et ils avaient des insignes. Nous, nous n'avions pas d'uniforme,

6 mais nous n'étions donc pas des civils au sens propre du terme, nous

7 étions des

8 conscrits en vêtements civils.

9 M. le Président. - Oui. Vous êtes allé creuser des tranchées à

10 plusieurs endroits ou dans plusieurs sites. Est-ce que vous avez vu là des

11 prisonniers venus de Kaonik ?

12 M. Lukovic (interprétation). - Là où je suis allé, je n'en ai

13 pas vu.

14 M. le Président. - Mais avez-vous entendu qu'il y avait des

15 prisonniers à Kaonik ?

16 M. Lukovic (interprétation). - On ne me l'a pas dit mais par la

17 suite j'ai appris qu'il y avait cela. Il y a eu des gens de chez nous qui

18 ont commis des erreurs, des infractions, et il y a eu des gens qui ont

19 purgé des peines de trois ou cinq jours. J'ai appris qu'il y avait...

20 Enfin, dans une situation de ce genre, c'est tout à fait normal, je pense

21 qu'il faut qu'il y ait une prison pour tous ceux qui commettent des

22 infractions ou des erreurs majeures.

23 M. le Président. - Bien. Professeur, je crois que nous n'avons

24 pas d'autres questions à vous poser. Nous vous remercions d'être venu et

25 nous vous souhaitons un bon retour dans votre pays. Merci beaucoup.

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1 M. Lukovic (interprétation). - Je vous remercie également et je

2 vous souhaite beaucoup de vos succès dans vos activités.

3 (Le témoin est reconduit hors du prétoire)

4 M. le Président. - Maître Mikulicic, je crois que l'on peut

5 quand même commencer à présenter les documents que vous avez. Je crois que

6 l'on peut faire une pause, on ne coupe pas la dynamique de communication

7 d'un témoin. Si vous êtes d'accord nous pouvons commencer.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Merci Votre Honneur. Je

9 voudrais avant de communiquer ces documents vérifier un fait. Si Votre

10 Honneur se souvient bien, la défense à l'occasion du contre-interrogatoire

11 du Pr Bianchini qui est expert du Tribunal, nous avons proposé de prendre

12 deux documents et de les citer au dossier. On avait dit qu'il fallait les

13 traduire d'abord et compte tenu que cela a été fait maintenant, je

14 voudrais demander à ce

15 Tribunal que ces documents soient cités au dossier. Ils portent les

16 numéros D7 et D11. Il s'agit d'un accord Tudjman-Izetbegovic, c'est le

17 document D7 et le document D11 porte sur un courrier de l'ambassade de la

18 République de Bosnie-Herzégovine à Zagreb.

19 M. le Président. - Donc, Maître Mikulicic, excusez-moi.

20 Maître Niemann, vous connaissez déjà les documents ou bien avez-vous

21 quelque chose à dire ?

22 M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection,

23 Monsieur le Président.

24 M. le Président. - Donc, Maître Mikulicic, vous pouvez

25 continuer.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Votre Honneur, la défense a

2 reçu de l'accusation certains documents, et voudrait les verser au

3 dossier, qui ont été remis à la défense à sa demande conformément au

4 règlement de procédure pour ce qui est du versement de la documentation

5 qui pourrait exclure ou diminuer la culpabilité de l'accusé. Toute fois,

6 la défense a été informée par l'accusation qu'il s'agit de document que

7 l'accusation a obtenu de la part du gouvernement de la République de

8 Croatie sous réserve que ces documents ne soient pas publiées et que ces

9 documents ne soient pas remis à des parties tierces.

10 Compte tenu des avertissements que la défense a reçu de la part

11 de l'accusation je voudrais proposer si mon collègue est d'accord, afin

12 que nous passions à une session sous huis clos aux fins de procéder au

13 versement de ces documents au dossier.

14 M. le Président. - Maître Niemann ?

15 M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection,

16 Monsieur le Président. Si la partie adverse souhaite passer à huis clos,

17 cela ne nous pose pas de problème.

18 M. le Président. - Donc, cabine technique, nous allons passer à

19 huis clos.

20 L’audience se poursuit à huis clos.

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25 L'audience, suspendue à 12 heures 40,.est reprise à 13 heures.

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