Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14/1-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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4 Mardi 22 septembre 1998

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7 L'audience est ouverte à 9 heures

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9 M. Dubuisson (interprétation). - L'audience du Tribunal pénal

10 international pour l'ex-Yougoslavie est ouverte.

11 M. le Président. - Bonjour, mesdames et messieurs. Nous allons

12 reprendre notre séance et nous avons aussi un nouveau greffier d'audience

13 qui va nous annoncer l'affaire suivante.

14 Mme Le Greffier. - Il s'agit de l'affaire IT-94-14/1 T le

15 Procureur contre Zlatko Aleksovski.

16 M. le Président. - Merci bien et nous avons aujourd'hui pour le

17 ministère public Me Niemann.

18 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

19 Messieurs les Juges, je m'appelle Grant Niemann, je suis présent ce matin

20 en compagnie de Me Meddegoda et M Vas au nom de l'accusation.

21 M. le Président. - Et pour la défense, Maître Mikulicic.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,

23 Messieurs les Juges, je m'appelle Goran Mikulicic. Je représente

24 M. Zlatko Aleksovski en compagnie de mon confrère Me. Serdan Joka.

25 M. le Président. - Nous avons pour cette semaine, au moins que

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1 nous le sachions, nous avons deux témoins pour l'accusation.

2 Maître Niemann, vous avez la parole.

3 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

4 Effectivement, l'accusation souhaite citer deux témoins dans le cadre de

5 son droit de réplique et pour ce qui est de ces deux témoins nous

6 demandons à ce que certaines mesures de protection leurs soient accordées.

7 Nous en avons fait part à Me Mikulicic. Nous demandons pour ces

8 deux témoins l'attribution d'un pseudonyme. Nous souhaiterions qu'un

9 pseudonyme soit utilisé plutôt que leur nom réel. Et nous souhaitons

10 également qu'il y ait déformation des traits de leur visage dans le cadre

11 de leur déposition. Mais nous n'avons aucune autre demande à formuler pour

12 ce qui est des mesures de protection.

13 M. le Président. - Maître Mikulicic, avez-vous des remarques ou

14 des observations ?

15 M. Mikulicic (interprétation). - La défense n'a aucune objection

16 à élever. Je vous remercie Monsieur le Président.

17 M. le Président. - Est-ce qu'on peut savoir quels sont, comment

18 dire, les objectifs de présentation de ces deux témoins ? Est-ce que vous

19 allez présenter des nouveaux faits ou quelque chose comme ça ?

20 M. Niemann (interprétation). - Eh bien, Monsieur le Président,

21 je vais tâcher de vous décrire la situation aussi précisément que

22 possible. Ces deux témoins vont faire des dépositions de nature

23 relativement similaire. Je vais donc traiter leur deux cas conjointement.

24 Leurs dépositions traiteront de sujets qui ont été soulevés par la défense

25 dans le cadre de la présentation de leurs élements à décharge.

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1 Tout d'abord, ces témoins nous décriront les circonstances qui

2 ont prévalu à l'émergence du conflit. Dans le cadre de la présentation de

3 ces élements à décharge, la défense a fait certaines allégations et elle

4 nous a notamment dit que le conflit a été le résultat d'une attaque lancée

5 par les forces musulmanes sur la population croate qui vivait dans la

6 vallée de la Lasva à l'époque des faits concernés. Ces témoins sont des

7 témoins musulmans, ils donneront leur version des faits, ils donneront

8 leur perception de la situation, ils nous diront quelle a été l'évolution

9 de la situation en 1992 et au début de 1993. Ils aborderont également le

10 sujet de leur arrestation aux fins de protection apparemment, c'est ce qui

11 leur a été dit. On les a arrétés apparemment pour des objectifs tout à

12 fait nobles, on les a emmenés dans le camp de Kaonik dans le but d'assurer

13 leur protection, dans le but de les enlever de ce milieu extrêmement

14 dangereux.

15 Nous allons faire en sorte de contredire toutes ces affirmations

16 de la défense, et en fait nous allons prouver que c'est bien la situation

17 contraire qui a prévalu.

18 Ensuite, ces deux témoins traiteront du problème du creusement

19 des tranchées. Ces témoins vous expliqueront, Monsieur le Président,

20 Messieurs les Juges, que les circonstances dans lesquelles les individus

21 devaient creuser des tranchées n'avaient qu'un seul but : assurer la

22 protection de la région, et seuls les musulmans qui étaient prisonniers

23 dans le camp de Kaonik ont été utilisés dans ce cadre. La défense a fait

24 des affirmations allant dans un sens contraire, mais nous vous

25 démontrerons quelle était la situation qui a réellement prévalu.

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1 Voilà, Monsieur le Président, les grands traits des dépositions

2 des deux témoins que nous allons maintenant entendre, témoins qui, je le

3 répéte, ont été placés en détention dans le camp de Kaonik, et qui ont

4 ensuite fait l'objet d'un échange de prisonniers. Voilà ce que je peux

5 vous dire pour le moment. Et ce seront les deux seuls témoins que nous

6 citerons à comparaître dans le cadre de notre droit de réplique.

7 M. le Président. - Merci, Maître Niemann. Nous sommes satisfaits

8 avec vos explications. La Chambre va accorder les mesures de protection

9 demandées, et je demande à la cabine technique pour savoir si nous sommes

10 prêts pour commencer. Oui, donc vous pouvez faire entrer le témoin.

11 M. Niemann (interprétation). - Je pense que pour le premier

12 témoin,... non ce n'est pas le bon témoin, excusez-moi

13 monsieur le Président, mais ce n'est pas le bon témoin qui vient d'entrer

14 dans le prétoire. Pardon, Monsieur.

15 Le pseudonyme Témoin V pourrait-il être attribué au premier

16 témoin, Monsieur le Président ?

17 Et puis, le témoin que nous venons de voir sera le Témoin W.

18 M. le Président. - Bonjour. Vous m'entendez bien ?

19 Témoin V (interprétation). - Je vous entends très bien,

20 Monsieur le Président.

21 M. le Président. - Vous allez lire ce que M. l'Huissier va vous

22 tendre, s'il vous plaît.

23 Témoin V (interprétation). - Je déclare solennellement que je

24 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

25 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Etes-vous confortable,

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1 Monsieur ?

2 Témoin V (interprétation). - Oui, je suis tout à fait à l'aise.

3 M. le Président. - Veuillez répondre aux questions que

4 Maître Niemann qui est à ma gauche va vous poser, s'il vous plaît.

5 Maître Niemann, vous avez la parole, s'il vous plaît.

6 M. Niemann (interprétation). - Merci beaucoup,

7 Monsieur le Président.

8 Interprète - (Me Niemann s'exprime hors micro à

9 M. le Président).

10 Messieurs les Juges, Monsieur le Président, je vous salue à

11 nouveau. Monsieur le témoin, les juges viennent de vous accorder un

12 certain nombre de mesures de protection, votre déposition est donc

13 entièrement protégée. Au cours de cette déposition, nous vous appellerons

14 témoin V, c'est le pseudonyme qui vous a été attribué et d'autre part, les

15 juges sont d'accord pour que les traits de votre visage fassent l'objet

16 d'une déformation durant toute la durée de votre déposition. Je vais

17 maintenant vous faire parvenir une feuille de papier, votre nom y figure.

18 Ne prononcez pas ce nom, mais dites-nous simplement si c'est bien votre

19 nom qui apparaît sur cette feuille de papier.

20 Témoin V (interprétation). - C'est mon nom, effectivement.

21 M. Niemann (interprétation). - Je demande à ce que cette feuille

22 soit communiquée à la défense et je demande à ce qu'elle soit versée sous

23 scellé. Témoin V, tout au long de votre déposition, je vous demanderai de

24 ne pas citer votre nom, je vous demanderai également de ne pas nous

25 communiquer d'informations qui pourraient permettre de vous identifier. Ne

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1 répondez qu'aux questions que je vous poserai directement sur certains

2 points. Quelle est votre date de naissance, Monsieur, s'il vous plaît ?

3 Témoin V (interprétation). - Je suis né en 1948.

4 M. Niemann (interprétation). - Quel est votre lieu de

5 naissance ?

6 Témoin V (interprétation). - Je suis né en Bosnie.

7 M. Niemann (interprétation). - Quelle est votre nationalité,

8 Monsieur ?

9 Témoin V (interprétation). - Je suis Musulman de Bosnie.

10 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous fait votre service

11 militaire alors que vous résidiez en ex-Yougoslavie ?

12 Témoin V (interprétation). - Moi, j'ai servi dans l'ex-JNA.

13 M. Niemann (interprétation). - Quand avez-vous fait votre

14 service militaire ?

15 Témoin V (interprétation). - Je l'ai fait il y a vingt ans de

16 cela aujourd'hui.

17 M. Niemann (interprétation). - Au cours de votre service

18 militaire, est-ce que vous avez reçu une formation spécialisée, est-ce que

19 vous avez suivi une école d'officier, avez-vous reçu une autre formation ?

20 Témoin V (interprétation). - Non.

21 M. Niemann (interprétation). - Après avoir terminé votre service

22 militaire, il y a vingt ans, comme vous nous l'avez dit, est-ce

23 qu'ensuite, vous avez rejoint les rangs des forces armées à partir de

24 cette date et jusqu'en 1993 ?

25 Témoin V (interprétation). - Non.

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1 M. Niemann (interprétation). - Etiez-vous soldat de réserve ou

2 bien aviez-vous un lien quelconque avec les forces armées ?

3 Témoin V (interprétation). - Non. Si un lien existait, c'était

4 le lien qui existait dans le cadre de la Protection Civile. C'était un

5 travail administratif, de planification, etc.

6 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous avez eu un

7 parcours académique normal ?

8 Témoin V (interprétation). - Oui. J'ai fait des études

9 supérieures.

10 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire

11 exactement votre formation académique ?

12 Témoin V (interprétation). - Eh bien, je préfère ne pas répondre

13 à cette question.

14 M. Niemann (interprétation). - Après avoir fait votre service

15 militaire et jusqu'en 1993, avez-vous occupé un emploi ?

16 Témoin V (interprétation). - Oui.

17 M. Niemann (interprétation). - Quel était cet emploi ?

18 Témoin V (interprétation). - Je travaillais dans

19 l'administration.

20 M. Niemann (interprétation). - Et vous avez occupé ce même poste

21 pendant toute cette période de temps, ou bien est-ce que vous avez changé

22 de poste de travail ?

23 Témoin V (interprétation). - Non, j'ai occupé le même poste.

24 M. Niemann (interprétation). - Où travailliez-vous, dans quelle

25 ville ?

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1 Témoin V (interprétation). - Je travaillais à Busovaca.

2 M. Niemann (interprétation). - Et vous avez passé tout ce temps

3 à Busovaca ?

4 Témoin V (interprétation). - Oui.

5 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous preniez part à

6 des activités politiques quelconques au cours de cette période ?

7 Témoin V (interprétation). - Oui, j'étais très actif dans le

8 cadre du parti FDP de la commune. Je ne faisais pas partie des cadres du

9 parti, mais oui, je prenais part à ses activités politiques.

10 M. Niemann (interprétation). - Et à cette époque-là, c'est le

11 parti communiste qui dirigeait la Yougoslavie ?

12 Témoin V (interprétation). - Effectivement, tout à fait.

13 M. Niemann (interprétation). - Par la suite, est-ce que vous

14 êtes devenu membre d'un autre parti, le SDA, le HDZ ou un autre de ces

15 partis politiques qui ont vu le jour par la suite ?

16 Témoin V (interprétation). - Non. d'un point de vue politique,

17 j'ai maintenu les opinions que j'avais toujours eues jusqu'alors.

18 M. Niemann (interprétation). - Très brièvement, pourriez-vous

19 décrire aux juges de cette Chambre, quelle était la nature des rapports

20 qui existaient entre la population musulmane et la population croate dans

21 la région de la Vallée de la Lasva, notamment à Busovaca au cours de la

22 période s'étendant de 1992 à 1993 ? Quelle était la nature des rapports

23 qui existaient entre ces deux communautés ?

24 Témoin V (interprétation). - Pour ce qui me concerne, en 1992 et

25 de façon générale, je dirais que l'année 1992 a marqué un tournant et qu'à

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1 partir de ce moment-là les rapports harmonieux qui avaient prévalus entre

2 les deux communautés ethniques ont subi une évolution. Après les

3 élections, les tensions étaient palpables et les communautés ont commencé

4 à se distancier l'une par rapport à l'autre. Ensuite, le HDZ a essayé de

5 prendre le pas sur la communauté musulmane au sein de l'assemblée locale

6 et ensuite le HVO, le 9 mai a essayé de s'assurer du contrôle d'un dépôt

7 de l'ex-JNA.

8 Il y a eu un échange de coups de feu en cette occasion-là et

9 puis ils ont hissé leur drapeau, le drapeau que nous appelions, nous, le

10 drapeau échiquier, eux l’appelaient le drapeau croate.

11 M. Niemann (interprétation). - Monsieur s'il vous plaît,

12 veuillez ralentir quelque peu, tout ce que vous dites est interprété dans

13 d’autres langues. Je crois que vous allez un tout petit peu trop vite.

14 Témoin V (interprétation). - Excusez-moi, je suis désolé

15 Monsieur.

16 M. Niemann (interprétation). - Ne vous en faites pas. Vous avez

17 dit qu’au mois de mai un certain nombre d’événements se sont produits.

18 C’était en quelle année ?

19 Témoin V (interprétation). - En 1992. Avril ou mai 1992.

20 M. Niemann (interprétation). - Vous avez déclaré qu’il y a eu un

21 conflit qui a découlé du fait qu’un drapeau avait été hissé. C’est bien ce

22 que vous avez dit ?

23 Témoin V (interprétation). - Précisément. Ils ne permettaient

24 pas aux Musulmans de Bosnie de hisser quelque symbole que ce soit, donc il

25 y a eu des manifestations. Il y a eu des échanges de coups de feu et pour

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1 autant que j’ai pu rassembler des informations, parce que je n’ai rien vu,

2 ils ont transporté leurs armes de Kaonik à Tisovac. Et puis, ils ont

3 changé les fréquences d’émission de la télévision locale.

4 M. Niemann (interprétation). - Nous allons essayer de séquencer

5 un petit peu les événements. Je vais poser des questions auxquelles vous

6 répondrez, ce sera peut être un peu plus facile de procéder de la sorte.

7 Qui controlait le gouvernement local ? Qui controlait

8 l’administration à Busovaca en 1992 et 1993 ?

9 Témoin V (interprétation). - C’était le HDZ.

10 M. Niemann (interprétation). - Et en mai 1992, est-ce qu’ils se

11 sont assurés du contrôle de l’administration locale ?

12 Témoin V (interprétation). - Oui.

13 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que cela a fait suite au

14 fait qu’ils ont remporté les élections qui ont eu lieu à cette époque-là ?

15 Témoin V (interprétation). - Moi je n’aime pas beaucoup parler

16 politique, mais ce n’est pas seulement parce qu’ils ont gagné les

17 élections qu’ils ont pris ces mesures. Je crois que de toute façon, ils

18 n’ont pas eu une majorité absolue dans le cadre de ces élections. Je ne

19 sais pas si c’était là l’objet de votre question.

20 Ils ont également eu recours à la force pour s’assurer du

21 contrôle de l’administration, et puis ils ont triché un petit peu.

22 M. Niemann (interprétation). - Et au début lorsque le HDZ a pris

23 les rênes de l’administration locale, est-ce qu’il y a eu une tentative de

24 la part des communautés musulmanes et croates ? Tentatives visant à

25 travailler ensemble ?

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1 Témoin V (interprétation). - Tout au long de cette période, les

2 Croates, les Musulmans, les Serbes ont essayé d’établir un front. Ils ont

3 essayé d’organiser leurs forces armées, je ne sais pas exactement comment

4 appeler cela. Je parle notamment des citoyens de Busovaca, une armée qui

5 serait mixte, qui serait conjointe. Une armée qui permettrait de faire

6 face à l’agression parce que la guerre en Croatie avait déjà commencé et

7 différentes forces essayaient de s’assurer de la domination de la

8 situation. Et je ne sais pas, il y a eu quatre ou cinq réunions dans le

9 gymnase, réunions visant à mettre sur pieds une unité qui serait chargée

10 de la défense de Busovaca.

11 Mais il y a eu des problèmes d’obstruction et les Croates, les

12 Serbes et les Bosniens qui étaient pour une telle initiative ont soit été

13 intimidés, soit ont décidé d’abandonner le sujet. Donc, cette unité n’a

14 jamais été mise sur pieds, n’a jamais vu le jour.

15 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que des listes de noms ont

16 été dressées ? Listes qui indiquaient quelles seraient les personnes qui

17 prendraient part à ces forces conjointes ?

18 Témoin V (interprétation). - Il me semble qu’une liste a été

19 établie, une liste des commandants. Je crois qu’elle a été effectivement

20 dressée, quelqu’un prenait des notes. Moi, j’ai pris part à cette réunion

21 en tant que citoyen qui voulait, qui souhaitait défendre la Bosnie. Je ne

22 sais pas si le Comité chargé de l’organisation de cette réunion disposait

23 vraiment de ces listes ou pas.

24 M. Niemann (interprétation). - Au cours de 1992 et de 1993,

25 pouviez-vous recevoir des émissions télévisées à Busovaca ? Y avait-il

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1 retransmission des émissions à la télévision ?

2 Témoin V (interprétation). - Jusqu’au mois de mai oui, nous

3 recevions les émissions télévisées, mais par la suite, nous ne pouvions

4 recevoir que certains signaux parvenant de certains émetteurs et pas de

5 l’émetteur de Skradno. Et par la suite, nous pouvions recevoir les

6 problèmes locaux qui étaient diffusés en langue croate, donc en fait la

7 télévision croate.

8 Et on sentait bien que c’était des programmes croates. Mais pour

9 ne pas m’énerver, si je peux mettre les choses de cette façon-là, je n’ai

10 pas vraiment regardé ces émissions.

11 M. Niemann (interprétation). - Qui controlait la télévision

12 locale ?

13 Témoin V (interprétation). - C’est le HDZ. Je ne connais pas les

14 noms des personnes responsables.

15 M. Niemann (interprétation). - Quelles types d’émissions étaient

16 télévisées, diffusées sur la télévision locale ? Que vous les ayez vues ou

17 non.

18 Témoin V (interprétation). - Dans la plupart des cas, il

19 s’agissait de nouvelles de ce qui se passait sur le front croate, et puis

20 il y avait également des émissions de divertissements. Et la langue

21 utilisée, la traduction qui était faite nous était parfaitement

22 incompréhensible. Nous n’avions pas appris tous ces termes, et cela nous

23 énervait beaucoup. Nous les regardions très peu toutes ces émissions.

24 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous avez vous-même vu

25 une émission qui était dirigée contre les Musulmans ?

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1 Témoin V (interprétation). - Il me semble qu’en 1992 était un

2 peu trop tôt, il n’y avait pas encore ce genre d’émission. Je crois que

3 ces types d’émissions n’ont été diffusés qu’à partir de 1993, mais à cette

4 période-là je n’étais plus à Busovaca.

5 M. Niemann (interprétation). - Donc vous n’avez vu aucune de ces

6 émissions en 1993 ?

7 Témoin V (interprétation). - En 1992 !

8 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous êtes au courant

9 de combats qui auraient eu lieu entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et

10 le HVO dans le courant de l'année 1992 ?

11 Témoin V (interprétation). - Non.

12 M. Niemann (interprétation). - Etes-vous au courant de luttes ou

13 de conflits qui ont eu lieu entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO

14 en 1993 ?

15 Témoin V (interprétation). - Dans le courant de 1993, moi, j'ai

16 été emmené au camp vers la fin du mois de janvier et même à l'époque, je

17 ne croyais pas au combat en tant que tel et pourtant j'étais dans le camp.

18 Le combat a commencé à ce moment-là dans la vallée de la Lasva, mais moi,

19 je n'avais pas entendu parler de quoi que ce soit d'autre.

20 M. Niemann (interprétation). - Qui a initié les combats dans la

21 vallée de la Lasva ?

22 Témoin V (interprétation). - Je crois que chaque camp aura sa

23 propre interprétation. Moi, personnellement, je crois que c'était le HVO.

24 En effet, si vous étudiez le contexte élargi pendant l'attaque de la HVO

25 contre certaines unités à Busovaca, l'on constate qu'il y a toujours des

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1 régions telles que Zenica où la population pouvait adopter une vie plus ou

2 moins normale. Et si j'ai bien compris, le HVO avait une organisation

3 à Zenica et donc, mon avis, même si je ne suis peut-être pas compétent

4 pour l'affirmer, est que c'était le HVO qui a initié le combat. Le HVO

5 était organisé, était armé et contrôlait les lignes de communications

6 principales, donc le HVO disposait de tout ce dont il avait besoin.

7 M. Niemann (interprétation). - Avant votre arrestation, est-ce

8 que vous avez constaté certains changements dans la ville de Busovaca en

9 tant que telle ?

10 Témoin V (interprétation). - Il y a eu certains changements dans

11 la ville de Busovaca, dans le courant de l'année 1992. Et c'était un

12 changement constant en relation plutôt amicale ensuite nettement plus

13 froide. Un jour, la journée était bonne pour les Musulmans, le lendemain,

14 on leur tirait dessus, ils étaient effrayés. Leurs amis Croates disaient

15 qu'il ne fallait pas trop prêter attention à ces tirs-là. Et c'est ainsi

16 que s'est caractérisée l'année 1992 dont certains événements démontrent

17 peut-être que ces événements ont eu lieu en fonction d'une stratégie, d'un

18 plan et moi je pense qu'à ce stade-là, le drapeau de la république de

19 Bosnie-Herzégovine a été hissé et ensuite des ordres ont été donnés visant

20 à répondre par la force. Et c'est à ce moment-là que les tirs ont commencé

21 de la colline vers la ville. Et nous, dans la ville, nous nous posions des

22 questions. Ces tirs étaient dirigés contre qui ? Nous nous regardions

23 mutuellement, nous nous posions des questions ! Cette démonstration de

24 force a montré que la cible était bien la ville elle-même, mais nous, nous

25 avions pensé que la ville devait se défendre et nous nous sommes rendus

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1 compte que les villages voisins aussi pouvaient être soumis à des tirs

2 d'artillerie. Donc, c'était une grosse démonstration de force !

3 M. Niemann (interprétation). - Qui tirait sur la ville ?

4 Témoin V (interprétation). - Personne ne tirait véritablement

5 sur la ville. Mais en fait, ils voulaient disperser les regroupements de

6 Musulmans et plus particulièrement un regroupement pendant lequel le

7 drapeau de la république de Bosnie-Herzégovine a été hissé sur le bâtiment

8 des pompiers. Et des ordres ont été donnés pour que l'on fasse une

9 démonstration de force, je suppose que les tirs étaient réalisés sans

10 cible précise. Ils tiraient en l'air mais ils voulaient que les Musulmans

11 se dispersent en entendant les coups de feu. Il y avait une vingtaine de

12 soldats portant des longs-rifles autour de ces personnes qui s'étaient

13 regroupées.

14 M. Niemann (interprétation). - Et ces soldats, de quelle origine

15 étaient-ils ?

16 Témoin V (interprétation). - Je crois qu'il s'agissait de

17 soldats croates parce qu'ils portaient des uniformes de camouflage et à

18 l'époque les Musulmans à Busovaca ne pouvaient pas obtenir ce type

19 d'uniformes. En effet, ceci n'était possible que si la personne venait du

20 front croate mais sinon, ils ne pouvaient ni en détenir ni en porter.

21 M. Niemann (interprétation). - Connaissez-vous certains des

22 soldats impliqués personnellement ?

23 Témoin V (interprétation). - Oui, oui, certaines personnes plus

24 âgées, parce que moi, je connais les gens de ma génération. Mais pour ce

25 qui est des plus jeunes, ou des enfants particulièrement en uniforme, non,

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1 je ne les ai pas reconnus, même si il y a avait aussi des personnes plus

2 âgées que je ne connaissais pas.

3 M. Niemann (interprétation). - Et, y avait-il des soldats

4 inconnus dans la ville au mois de janvier 1993 ?

5 Témoin V (interprétation). - Vers Tisovac et dans cette

6 direction, à plusieurs reprises, nous avons vu des soldats inconnus qui

7 portaient d'ailleurs des uniformes différents. Il s'agissait d'un type de

8 parade, de défilé si vous voulez de différentes insignes, de différents

9 uniformes mais je vous avoue que nous ne bougions plus tellement. A

10 certains moments, il y avait, c'est vrai, un certain nombre de personnes

11 que nous ne connaissions pas ou en tout cas qui ne venait pas du cercle de

12 personnes que je connaissais.

13 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que ces personnes

14 semblaient être reliées au HVO ?

15 Témoin V (interprétation). - C'était évident. Oui. C'était

16 évident.

17 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous avez entendu

18 parler des objectifs du HVO à cette époque, au mois de janvier 1993, pour

19 ce qui est de Busovaca ou de la région voisine ?

20 Témoin V (interprétation). - Dans nos conversations au quotidien

21 avec les collègues, avec les amis, nous parlions de la situation

22 politique. Si la Yougoslavie allait survivre ou non. A l’époque qu’allait-

23 il se passer ? Est-ce que l’ex-Yougoslavie allait survivre ou non ?

24 Et dans ce contexte, nous avons appris un certain nombre de

25 choses, en fonction de ce que disaient les Croates aussi. Certains étaient

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1 mieux informés que d’autres, mais ils disaient qu’il fallait parler de

2 Croatie et que même Zenica, à la limite, pouvait appartenir à la Croatie.

3 Et que Zenica ferait donc peut être partie de la Croatie.

4 Tout ceci se disait d’une telle façon qu’il était implicite

5 qu’ils parlaient d’une division. En effet, ils disaient que les Serbes

6 allaient tuer tous les Musulmans, et que donc, les Musulmans devaient se

7 rallier aux Croates. Il y avait pas mal de rumeurs à ce sujet. C’est ainsi

8 qu’on présentait la Croatie.

9 Donc, à l’époque, on sentait déjà ce type de tendance dessinée.

10 La nouvelle langue croate était souvent soulignée. Il y a eu

11 l’introduction du dinar croate également entre temps, alors que le dinar

12 BH a été supprimé. Des cigarettes, des aliments et d’autres biens de

13 consommation ne pouvaient être acquis qu’avec des dinars croates ou des

14 deutsch marks. Et ceci, en fonction d’un taux de change imposé, et imposé

15 par le HVO.

16 En effet, il n’y a que le HVO qui autorisait la circulation des

17 marchandises sur ce territoire.

18 M. Niemann (interprétation). – Au mois de janvier 93, fin

19 janvier 93, est-ce qu’il y a eu des incidents concernant les affaires des

20 Musulmans à Busovaca ? Affaires ou commerces ?

21 Témoin V (interprétation). – Oui, il y a certains événements qui

22 ont eu lieu. Nous avons vu certains cas individuels de pilonnages de

23 magasins individuels, et tout ceci en 1992. Mais en janvier 93, tous les

24 commerces musulmans, des Musulmans de Bosnie à Busovaca ont été pilonnés,

25 et tous ces commerces ont été plastiqués, ils ont sauté.

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1 A l’époque, nous n’avions pas de téléphone. A l’époque… et j’en

2 parlais à mes voisins ou mes amis croates, je ne sais pas comment vous

3 souhaitez les appeler, que en fait, nous avions peur, nous avions peur de

4 communiquer, mais nous n’avons jamais imaginé des événements d’une telle

5 ampleur.

6 M. Niemann (interprétation). – Est-ce que certains commerces

7 croates à Busovaca ont été attaqués de la même façon ?

8 Témoin V (interprétation). – Non, je ne suis pas informé de tels

9 événements.

10 M. Niemann (interprétation). – Savez-vous qui avaient attaqué ou

11 miné ces commerces ?

12 Témoin V (interprétation). – Ceux qui étaient au pouvoir et qui

13 détenaient l’argent. Les Musulmans ne pouvaient pas se déplacer. Certains

14 groupes aussi ne pouvaient pas se déplacer parce que le contrôle était

15 rigoureux, et nous n’avions même pas le droit de quitter la ville. Donc,

16 c’était le gouvernement, le HVO.

17 M. Niemann (interprétation). – Que vous est-il arrivé

18 personnellement, à la fin du mois de janvier 93 ?

19 Témoin V (interprétation). – A la fin du mois de janvier 93, un

20 soir, trois hommes en uniforme ont frappé à la porte et lorsque j’ai

21 ouvert, ils m’ont dit bonsoir et ils m’ont immédiatement attrapé. Ils

22 m’ont dit, donnez-moi vos armes. Moi, je suis resté très calme. Je lui ai

23 dit : " Ecoutez jeune-homme, je n’ai pas d’armes. Si vous voulez vous

24 pouvez perquisitionner la maison, chercher si j’en ai. " Alors ils m’ont

25 dit : " Non, nous n’avons pas l’intention de fouiller la maison, mais

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1 n’ouvrez pas la porte à qui que ce soit. "

2 M. Niemann (interprétation). – Est-ce que vous connaissiez ces

3 personnes ?

4 Témoin V (interprétation). – Je ne connaissais pas l’homme qui

5 est venu chez moi ce soir-là. Bon, il y en a deux qui portaient un bas par

6 dessus le visage, et il y en a un qui se promenait à visage nu. Mais non,

7 je ne le connais pas.

8 M. Niemann (interprétation). – Est-ce que vous connaissez leur

9 nationalité ?

10 Témoin V (interprétation). – Personne n’aurait pu venir à ma

11 maison à cette époque-là sauf un Croate. Parce que dans cette partie-là du

12 bâtiment où moi je vivais à l’époque, j’étais le seul Musulman qui était

13 encore présent.

14 M. Niemann (interprétation). – Y avait-il d’autres appartements

15 occupés par des Croates dans ce bâtiment ? Les Musulmans de Croatie .

16 Pardon, les Croates de Bosnie ?

17 Témoin V (interprétation). – Oui.

18 M. Niemann (interprétation). – Combien d’appartements y avait-il

19 dans le bâtiment ?

20 Témoin V (interprétation). – Il y en avait environ trente deux,

21 et je pense que la distribution était de 50/50. Peut être qu’il y avait un

22 peu plus de Musulmans, mais en gros 50/50.

23 M. Niemann (interprétation). – Que s’est-il passé le lendemain ?

24 Témoin V (interprétation). – Le lendemain matin entre six et

25 sept heures, trois hommes se sont présentés à ma porte. Ils m’ont dit que

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1 la guerre faisait rage à l’extérieur, et ils m’ont dit : " Accompagnez-

2 nous, de cette façon nous allons pouvoir vous protéger. "

3 Alors je leur ai demandés s’il fallait que j’emporte certains

4 éléments personnels, parce que pour moi il n’était pas logique de me

5 rendre dans un abri sans prendre un peu de réserve d’eau, de cigarettes,

6 etc… Et ils m’ont répondu :" Ne vous inquiétez pas, vous serez rendu très

7 vite. "

8 J’ai donc fermé la porte de mon appartement à clé, et je suis

9 parti. Il m’a dit que je devais aller dans le sens du poste de police, et

10 eux se sont cachés derrière la bâtiment. Alors moi, normalement j’ai voulu

11 rentrer dans le poste de police, mais des personnes en uniforme de

12 camouflage m’ont ordonné de monter dans un grand camion qui n’était même

13 pas couvert d’une bâche.

14 M. Niemann (interprétation). – Vous avez rencontré ces personnes

15 pour la première fois à six ou sept heures du matin. Est-ce que vous aviez

16 l’impression qu’ils étaient venus vous chercher, en effet, pour vous

17 protéger ?

18 Témoin V (interprétation). - Lorsqu’ils m’ont dit que je n’avais

19 pas besoin d’effets personnels, j’ai commencé à avoir des doutes.

20 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous avez quitté le

21 bâtiment, lorsque vous êtes sorti du bâtiment, est-ce que vous avez vu

22 certains de vos voisins ?

23 Témoin V (interprétation). - Certains voisins de différents

24 étages du bâtiment assistaient à la scène. Alors, je leur ai jeté un coup

25 d’oeil, et moi j’avais l’impression qu’ils regardaient la scène par

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1 hasard, mais en tout cas, ils ont vu que j’avais été enlevé du bâtiment.

2 M. Niemann (interprétation). - Quelles étaient leur nationalité

3 à ces gens qui vous regardaient ?

4 Témoin V (interprétation). - Ils étaient Croates.

5 M. Niemann (interprétation). - Et est-ce que certains d’entre

6 eux ont aussi été contactés par ces trois hommes en uniforme ? Ou est-ce

7 que vous êtiez le seul ?

8 Témoin V (interprétation). - Oui, en fait, à côté de moi sur le

9 camion, j’ai vu mon voisin, Anto Drazic. Et à Kaonik, lorsqu’il a dit

10 qu’il était Croate, on l’a libéré immédiatement. Bon, je ne peux pas

11 assurer qu’il ait été libéré pour du bon, mais en tout cas il a quitté ma

12 cellule après avoir dit qu’il était Croate.

13 M. Niemann (interprétation). - Aviez-vous l’impression qu’il a

14 été arrêté par erreur ?

15 Témoin V (interprétation). - Je pense qu’il avait été arrêté par

16 erreur, oui. Parce que sinon, je ne comprends pas très bien. Bon en fait,

17 il s’agissait d’un homme qui était une personne tout à fait normale dans

18 ce type de situation. Moi, j’ai l’impression que c’était une erreur, ils

19 ne savaient pas qui il était.

20 M. Niemann (interprétation). - Et toutes les autres personnes

21 qui ont été arrêtées à ce moment-là, donc en même temps que vous, je mets

22 de côté le cas de votre voisin, ils étaient de quelle nationalité ?

23 Témoin V (interprétation). - A ce moment-là, et je parle donc du

24 moment où moi je suis parti, il y avait un autre Musulman avec moi. Et

25 après cela, il y a eu une clameur dans le camp qui… une clameur, des cris,

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1 il y avait des Musulmans qui arrivaient par bus. Il s’agissait de

2 Musulmans qui venaient de Busovaca, mais il n’y avait aucun Croate parmi

3 ces personnes, sauf celui dont je vous ai parlé. C’était une erreur.

4 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à

5 Kaonik, que s’est-il passé ?

6 Témoin V (interprétation). - Ils m’ont mis dans une cellule et

7 j’étais assez surpris parce qu’il s’agissait de hangars militaires. Et moi

8 j’ai constaté qu’on avait changé la destination du bâtiment, et on a, en

9 fait, transformé ces bâtiments en prisons classiques ou en camps. Je ne

10 sais pas comment vous souhaitez appeler ces bâtiments. Je me suis posé des

11 questions : Pourquoi ? Pour qui ? Et ceci a du être fait pendant 1992, et

12 nous Musulmans, nous n’en êtions pas conscients. Moi en tout cas, je

13 n’étais pas au courant. Donc, j’ai été surpris. Ils m’ont emmené dans une

14 cellule et trois hommes m’ont suivi. Deux d’entre eux portaient des bas

15 sur le visage, l’un d’entre eux se promenait à visage nu et il disait, en

16 insultant ma mère, que les Musulmans avaient massacré des Croates, qu’on

17 leur coupait les testicules, le nez, les oreilles et il m’a dit : « Je

18 ferai exactement la même chose avec vous. » J’étais pétrifié évidemment !

19 Je n’y croyais pas que quelque chose puisse se passer, quelque chose de

20 tel puisse se passer, et à moi.

21 Alors il m’a dit de sortir ce que j’avais dans mes poches, tout

22 ce que j’avais dans mes poches. Je l’ai mis devant lui, j’avais un peu

23 d’argent. J’avais environ cinq cents deutsch mark en dinars croates etc…

24 mais l’équivalent de cinq cents deutsch mark. Il a pris les billets de

25 banque, et il est parti. Et les deux hommes portant l’uniforme de

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14 pagination anglaise et la pagination française

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1 camouflage étaient à l’extérieur de la cellule, ensuite ils sont rentrés

2 et ils m’ont posé la question ; est-ce que notre collègue vous a pris

3 quelque chose ? Et j’ai menti, j’ai dit non. Et par la suite, j’étais ravi

4 de l’avoir fait parce que j’ai vu certains cas dans lesquels le prisonnier

5 a répondu oui, et ensuite il se faisait battre.

6 Ensuite, ils ont commencé à amener d’autres personnes. Il

7 s’agissait d’une cellule d’environ douze mètres carrés, pour autant que je

8 m’en souvienne, et nous étions quarante dans cette cellule. Il n’y avait

9 pas assez de place, même pour rester debout. Tout ce hangar était plein,

10 on entendait les gens qui criaient. Et vers midi, on nous a demandé qui

11 voulait prier, qui voulait faire la prière musulmane de midi ? Et ceci

12 était filmé par une caméra vidéo, et j’ai entendu a été utilisée à la

13 télévision. A la télévision on a dit les Musulmans avaient même le droit

14 de faire leurs prières, mais je peux vous dire que dans ma prison, cela

15 n’a jamais été le cas par la suite. Donc, je pense là qu’il s’agissait

16 d’un exercice de propagande.

17 M. Niemann (interprétation). - Combien de personnes environ y

18 avait-il dans votre cellule ?

19 Témoin V (interprétation). - Environ quarante.

20 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous aviez la

21 possibilité de vous coucher, de vous asseoir ?

22 Témoin V (interprétation). - Non sûrement pas ! Même s’asseoir

23 c’était difficile.

24 M. Niemann (interprétation). - Et vous avez été détenu combien

25 de temps dans ces conditions, et avec toutes ces personnes ?

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1 Témoin V (interprétation). - Ils nous ont gardé là jusqu’au

2 moment où ils nous ont envoyés creuser des tranchées, le lendemain.

3 M. Niemann (interprétation). - Y avait-il des sanitaires dans la

4 cellule, ou toilettes ?

5 Témoin V (interprétation). - Non, pas dans la pièce. Il y avait

6 en fait des toilettes communes à l’extérieur et il y avait des problèmes

7 d’eau potable aussi.

8 M. Niemann (interprétation). - Qu’en est-il des denrées

9 alimentaires ? Est-ce qu’on vous donnait à manger ?

10 Témoin V (interprétation). - Nous recevions une assiette de

11 potage, de soupe pour deux ou trois personnes, cela dépendait un peu des

12 personnes qui arrivaient les premières et c'est tout ce que nous recevions

13 et c'était loin d'être suffisant pour que vous n'ayez plus faim, non. De

14 plus, il n'y avait aucune paix dans la salle, il faisait trop chaud. Vous

15 deviez vous dépêcher.

16 M. Niemann (interprétation). - Avant votre arrestation, est-ce

17 que vous étiez malade ?

18 Témoin V (interprétation). - Oui, j'avais quelques problèmes

19 d'estomac. Et l'on m'avait demandé de mener une vie tranquille. Je ne

20 devais pas m'énerver et c'est la raison pour laquelle, je n'étais pas

21 extrêmement actif, je me consacrais surtout à ma famille et donc lorsque

22 je suis arrivé là-bas, ma santé s'est détériorée. J'ai posé la

23 question : "Est-ce que je pourrais voir un médecin ?", j'ai posé la

24 question à deux reprises et je ne sais pas si les soldats ont répercuté ma

25 question, mais en tout cas, ce jour-là, je n'ai pas vu de médecin, alors

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1 le lendemain, j'ai répété ma question, j'ai demandé à pouvoir voir le

2 directeur du site, je leur ai demandé de me permettre de voir le

3 directeur. Mais lorsque j'ai dit le "directeur", le commandant, le garde

4 m'a compris et il m'a emmené voir une personne, un homme qui disposait

5 d'une table au milieu du hangar et qui était debout. Je lui ai parlé des

6 problèmes que je ressentais et il a fait un signe de la main, un geste

7 large et moi, j'ai interprété cela comme étant un refus absolu. Alors j'ai

8 insisté une fois de plus dans le courant de l'après-midi. Une fois de plus

9 le même geste. Pourtant lorsque la nuit tombait, un garde est venu et il

10 m'a dit : "Venez" et j'ai été escorté par deux soldats et un chauffeur

11 pour que je puisse me rendre au centre médical. J'y ai rencontré une femme

12 médecin que je n'avais jamais vue auparavant et c'était une petite ville

13 donc nous nous connaissions tous de façon personnelle. Et donc, moi

14 j'étais assez étonné de voir une nouvelle femme médecin. Elle n'avait

15 jamais travaillé sur place avant, je ne m'attendais pas vraiment à une

16 aide de sa part. Et pourtant, elle m'a fait une piqûre, elle m'a donné

17 certes un médicament et dans le dossier il est écrit que j'avais besoin

18 d'un traitement chez moi, qu'il fallait que je me repose.

19 M. Niemann (interprétation). - Il s'agissait de qui ?

20 Témoin V (interprétation). - Une femme dans le centre médical

21 qui était de garde ce soir-là, je ne la connaissais pas.

22 M. Niemann (interprétation). - Et ce dossier, la note qu'elle a

23 écrite, est-ce que vous l'avez reçue ?

24 Témoin V (interprétation). - Oui, oui, elle m'a donné cette note

25 avec ses commentaires. Elle m'a dit : "Voilà, emmenez ce document, donnez-

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1 le au garde là-bas, je ne sais pas si cela pourra vous aider". Enfin,

2 quelque chose du genre, parce que je vous avoue que je ne suis pas en

3 mesure d'interpréter ses paroles exactes.

4 M. Niemann (interprétation). - Et ensuite, que s'est-il passé ?

5 Témoin V (interprétation). - J'étais tellement heureux de

6 pouvoir montrer cela au chauffeur et au soldat et je leur disais :"Mais

7 je vais rentrer chez moi !". Le chauffeur a pris ce document et a dit

8 qu'il faudra d'abord voir ce qu'en pense le directeur. En même temps, on

9 est passé devant mon appartement, j'ai regardé le balcon et j'ai vu que la

10 lumière était allumée. J'ai vu d'autres personnes sur le balcon et je

11 savais qu'aucun membre de ma famille n'était là. Alors, j'ai vu quelle

12 était la situation. Moi, ils m'ont ramené au camp, ils ont donné mon bout

13 de papier au directeur, il a une fois de plus fait ce geste de la main,

14 comme d'habitude, il a fait demi-tour et il est parti. Moi, je m'attendais

15 à ce qu'il fasse quelque chose, au moins qu'il me transfère vers une

16 cellule où je pouvais m'asseoir ou m'allonger, mais non, rien ! Et le

17 matin, mon nom a été un des premiers à être cité par quelqu'un dans le

18 couloir et ils ont appelé encore un certain nombre d'autres personnes, ils

19 nous ont chargés dans un camion et ils nous ont amenés à Groblje-Busovaca

20 et nous avons reçu des ordres. Nous avons dû creuser des tombes. Il s'agit

21 de la partie musulmane du cimetière de Groblje.

22 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, je voudrais revenir

23 à l'incident avec votre document médical. Est-ce vous étiez présent

24 lorsque votre bout de papier a été donné au directeur du camp ?

25 Témoin V (interprétation). - Oui, oui. Oui, j'étais là. Et il a

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1 regardé ce document, lui, il était à la table, moi j'étais peut-être à

2 trois mètres mais j'ai vu qu'il déposait le document devant lui sur la

3 table.

4 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous pourriez nous

5 dire de façon plus détaillée ce qu'a fait le directeur du camp lorsqu'il a

6 vu cette note ?

7 Témoin V (interprétation). - Il a fait un geste, bon, je vous

8 l'ai dit, moi j'étais à trois mètres de la table, et je voulais entendre

9 ce qu'il allait dire. Mais son comportement a bien montré qu'il a décidé

10 d'ignorer purement et simplement ce qui figurait sur le document. Je ne me

11 souviens pas de ce qu'il a dit mais je me souviens parfaitement de son

12 geste. Ce geste, je l'ai interprété comme une refus absolu, une fin de non

13 recevoir !

14 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que le commandant a gardé

15 ce document ou est-ce qu'il vous l'a rendu ?

16 Témoin V (interprétation). - Non, il ne me l'a pas rendu. Le

17 document est resté là, dans le camp. Il ne m'a pas été rendu, non.

18 M. Niemann (interprétation). - Ce commandant, est-ce que vous

19 avez appris son nom par la suite ?

20 Témoin V (interprétation). - Je sais qu'on l'appelait Zlatko,

21 là-bas. Mais pendant que moi j'étais au camp, j'ai en fait appris que son

22 nom était Aleksovski, et pour moi, c'était assez étrange. Comment se fait-

23 il que cet homme se trouvait là ? Il n'était pas originaire de Busovaca,

24 ça, je m'en souviens.

25 M. Niemann (interprétation). - Et ce Zlatko Aleksovski qui a

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1 pris votre document médical, est-ce que vous l'avez vu à plusieurs

2 reprises pendant que vous étiez à Kaonik ?

3 Témoin V (interprétation). - Je le voyais lorsque nous étions

4 envoyés au travail ou en passant lorsque l'on nous emmenait quelque part

5 et après cette date-là, lorsqu'on m'a appelé de ma cellule, non, je n'ai

6 pas eu d'autres contacts avec lui. Et quoi qu'il en soit, je ne lui aurais

7 même pas demandé de l'aide même si j'étais mourant.

8 M. Niemann (interprétation). - Seriez-vous à même de reconnaître

9 cette personne si vous aviez l'occasion de la revoir ?

10 Témoin V (interprétation). - S'il n'a pas trop changé

11 physiquement au cours des dernières six années qui se sont écoulées, je

12 crois que je pourrais le reconnaître.

13 M. Niemann (interprétation). - Regardez autour de vous dans ce

14 prétoire, et dites-nous si vous apercevez cette personne, cette personne

15 dont vous nous avez dit qu'elle s'appelait Zlatko Aleksovski. Si vous

16 l'apercevez, veuillez nous décrire l'endroit où elle se trouve.

17 Témoin V (interprétation). - Je crois que c'est ce monsieur qui

18 est assis à côté du policier.

19 (Le témoin a identifié l'accusé.)

20 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous maintenant me

21 regarder et me montrer le document 18 H ? Pourriez-vous regarder de près

22 ce document et dites-moi si c'est une copie d'un document que vous avez

23 déjà vu ?

24 Témoin V (interprétation). - Je crois que c'est une copie du

25 document que j'ai donné au conducteur de la voiture et ensuite il a été

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1 donné au directeur du camp. Peut-être qu'il était plus petit, mais, vu le

2 texte, j'ai vu le nom du médicament et je me souviens de ces médicaments

3 et j'ai été surpris car après avoir eu une piqûre, on m'a donné quelques

4 médicaments et je me posais la question, pourquoi ne m'avait-on pas

5 relâché ? Et je pensais que cela avait peut-être à voir avec les mots

6 latins qui étaient écrits sur ce papier. Qui sait ce qu'elle avait écrit ?

7 Donc, c'est ce que j'ai cru.

8 M. Niemann (interprétation). - On nous demande de montrer

9 également la version en anglais. Posez ce document là, sur le

10 rétroprojecteur. Pourrait-on placer la version anglaise sur l'écran ? Otez

11 la version en anglais, s'il vous plaît. Passez ces documents aux juges,

12 s'il vous plaît.

13 Pourriez-vous expliquer un peu les symptômes de votre situation

14 médicale ? Peut-être pas donner les détails mais peut-être que vous

15 pourriez expliquer ce qu'il s'est passé à la suite de votre problème de

16 santé ?

17 Témoin V (interprétation). - Je pense que c'était surtout des

18 problèmes psychologiques, j'avais peur, j'étais ébranlé du point

19 psychologique. J'avais très très peur. J'avais des problèmes nerveux,

20 j'étais troublé.

21 M. Niemann (interprétation). - Mise à part la partie

22 psychologique, les faits physiques ?

23 Témoin V (interprétation). - Eh bien, vous avez vu ce document,

24 je préfère ne pas répéter. Je savais que j'avais besoin de soins médicaux.

25 M. Niemann (interprétation). - On a examiné vos selles ?

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1 Témoin V (interprétation). - Oui.

2 M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit que le lendemain,

3 on a appelé votre nom ?

4 Témoin V (interprétation). - Oui.

5 M. Niemann (interprétation). - Vous étiez le seul à être appelé

6 ou il y avait d'autres personnes ?

7 Témoin V (interprétation). - J'étais un des premiers à être

8 appelé et ensuite le reste du groupe a été appelé.

9 M. Niemann (interprétation). - Combien de personnes ?

10 M. le Président. - Maître, ce serait le bon moment pour faire

11 une pause même pour reposer le témoin. Donc, nous allons faire une pause

12 de 20 minutes.

13 (L'audience suspendue à 10 heures est reprise à10 heures 20.)

14 M. Niemann (interprétation). - Monsieur, vous nous avez dit

15 juste avant la pause qu'on vous a appelé pour venir voir, après avoir vu

16 le médecin et vous étiez avec un groupe, combien de personnes étaient avec

17 vous dans ce groupe ?

18 Témoin V (interprétation). - Disons, dix personnes. Oui, dix

19 personnes.

20 M. Niemann (interprétation). - Qu'en était-il de votre condition

21 physique ce jour-là ?

22 Témoin V (interprétation). - Cela ne s'était pas amélioré,

23 c'était une situation, disons, permanente. C'était pas,...ça ne devait pas

24 être réglé par un traitement simple, il fallait stabiliser et la situation

25 mentale et le régime.

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1 M. Niemann (interprétation). - Où avez été vous emmené ? Je me

2 souviens que vous avez été emmené pour creuser des tombes.

3 Témoin V (interprétation). - C'était le cimetière de Busovaca,

4 c'est un cimetière musulman et nous devions creuser des tombes.

5 M. Niemann (interprétation). - Qui vous a donné cet ordre ?

6 Témoin V (interprétation). - Les gardes.

7 M. Niemann (interprétation). - On vous avait informé à l'avance

8 de cela, avant que vous ne quittiez ce centre, on vous avait prévenu de ce

9 que vous alliez faire, de ce qui allait se passer ?

10 Témoin V (interprétation). - Non. On nous a ordonnés de monter

11 dans ce véhicule et, sans autre information, on nous a emmenés là-bas.

12 M. Niemann (interprétation). - Le gardien qui vous a emmené là-

13 bas était-il armé ?

14 Témoin V (interprétation). - Oui, il y en avait plusieurs et ils

15 étaient armés.

16 M. Niemann (interprétation). - Et vous étiez gardé, donc vous ne

17 pouviez pas vous échapper ?

18 Témoin V (interprétation). - Oui.

19 M. Niemann (interprétation). - Et lorsque vous êtes arrivé là-

20 bas, qu'est-ce qu'on vous a ordonné de faire ?

21 Témoin V (interprétation). - Il fallait trouver un endroit pas

22 utilisé dans le cimetière et deux hommes devaient creuser un tombeau donc

23 il y avait cinq groupes de deux hommes qui devaient creuser des tombeaux.

24 M. Niemann (interprétation). - Et que s'est-il passé ensuite ?

25 Témoin V (interprétation). - Eh bien, nous avons creusé. On

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1 entendait tirer et les gardiens nous ont dit que c'étaient des tireurs

2 isolés bosniaques qui tiraient. Cependant, j'ai conclu qu'ils voulaient

3 nous intimider en tirant avec des balles à fragment, cela se...des balles

4 à fragmentation et cela se passait régulièrement. Et lorsque nous avons

5 fini deux Musulmans ont...Je ne me souviens pas vraiment très bien de la

6 taille, ils ont amené deux corps et leurs membres pendaient et j'ai été

7 absolument révulsé, je ne pouvais pas voir une chose pareille. Et j'ai

8 donc continué mécaniquement disons à travailler, à faire ce que je

9 faisais. Il n'y avait pas de rituel religieux, ils ont tout simplement été

10 enterrés comme ça. C'est comme s'il ne s'agissait pas d'êtres humains,

11 c'était extrêmement humiliant, c'était une des scènes les plus horribles

12 que j'ai jamais vue de ma vie.

13 M. Niemann (interprétation). - Vous avez reconnu ces corps ?

14 Témoin V (interprétation). - Oui, il s'agissait de Merdan Nihad,

15 je ne connais pas vraiment son vrai nom, mais c'est comme cela qu'on

16 l'appelait. Il y avait également Novalic et son nom enfin je crois, mais

17 je n'arrive pas à me souvenir de la cinquième personne. Je pense qu'il

18 s'agissait de Hodzic.

19 M. Niemann (interprétation). - Vous savez la nationalité de ces

20 personnes ?

21 Témoin V (interprétation). - Il s'agit de Musulmans. Les

22 habitants de Busovaca avaient des maisons là-bas et c'est là qu'ils ont

23 été assassinés dans cette partie du village.

24 M. Niemann (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des liens

25 avec les militaires ou étaient-ils des civils ?

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1 Témoin V (interprétation). - C'est à la Cour de juger cela.

2 Formellement, ils étaient membres de l'armée peut-être mais ils ne

3 pouvaient rien faire et je ne crois pas du tout qu'il était question de

4 rébellion, cela aurait été complètement absurde. Tout l'endroit était

5 entouré par les forces de la HVO, donc cela aurait été ridicule de tenter

6 quelque chose. Mais vu leur âge, ils auraient pu être en effet membres des

7 forces armées.

8 M. Niemann (interprétation). - Comment étaient-ils habillés ?

9 Témoin V (interprétation). - On les a enterrés en tant que tels,

10 habillés comme des civils. J'ai dit qu'ils étaient peut-être membres de

11 l'armée mais ils portaient des vêtements de civils. Ils ressemblaient à

12 des gens qui n'étaient pas prêts à ce genre de chose. C'était le mois de

13 janvier, ils ne portaient pas de vêtements d'hiver chauds, ils portaient

14 des vêtements beaucoup plus légers.

15 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous avez pu voir

16 comment ils ont été tués ?

17 Témoin V (interprétation). - Etant donné mon état mental, je ne

18 pouvais pas supporter cette vue donc je n'ai pas voulu voir. J'ai vu du

19 sang, c'est tout ce que j'ai vu. Mais je ne me suis pas approché et je ne

20 les ai pas enterrés non plus. Je me suis juste dit, je ne peux pas faire

21 ceci. Je ne pouvais pas les enterrer. J'ai pu les recouvrir de terre mais

22 je n'ai pas pu les enterrer.

23 M. Niemann (interprétation). - Après ceci, qu'en était-il de

24 votre état ?

25 Témoin V (interprétation). - Lorsque j'ai vu que ce camp était

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1 destiné aux Musulmans, ma santé s'est complètement détériorée. C'était

2 trop. Lorsque j'ai vu ces corps, j'étais choqué, je ne pouvais absolument

3 pas m'aider. Je marchais un peu comme un robot.

4 M. Niemann (interprétation). - Et que s’est-il passé ensuite ?

5 Témoin V (interprétation). - Après ceci, on nous a emmenés à

6 Busovaca près de la mosquée. Et il y a eu deux gardiens qui nous ont

7 gardés, et ils nous ont ordonnés de chercher les morts et les blessés dans

8 Busovaca et nous devions le faire seulement dans les maisons musulmanes.

9 Les gardes qui m'escortaient me disaient de marcher lentement,

10 mais j'avais très mal aux oreilles, et j'étais dans un tel état que je

11 n'ai pas bien entendu et à un moment un des gardes m'a insulté, il a dit

12 qu’il allait me tirer dans le dos.

13 Etant donné mon état, je me suis retourné et je lui ai dit :

14 " Eh bien tire ! Je meurs de toute façon à chaque instant, donc tire-moi

15 dessus ! "

16 Ensuite, ils nous ont ordonnés, si les maisons étaient fermées à

17 clé, de rentrer et de perquisitionner. J'ai regardé dans plusieurs

18 maisons. Je n'ai rien cassé. Mais j'ai remarqué que quelqu'un était déjà

19 passé car les objets précieux étaient déjà partis. Des choses avaient été

20 pillées.

21 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

22 Témoin V (interprétation). - Ensuite on nous a ramené au camp,

23 et le soir on a de nouveau dû monter dans un véhicule. En fait, d'abord

24 ils nous ont mis dans des cellules différentes afin que nous ne soyons pas

25 ensemble. Et puis le soir on nous a fait ressortir et on nous a emmenés

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1 dans un endroit qui s'appelait " le bleu 11 ", on nous a donné l'ordre de

2 descendre. Je ne sais pas s'ils étaient habillés en uniforme ou avec des

3 vêtements civils, mais lorsqu'ils formaient une haie, et nous devions

4 passer à travers cette haie, j'étais touché par un objet dur ; une crosse

5 de fusil.

6 M. Niemann (interprétation). - Et ce " bleu 11 " qu'est-ce que

7 c'était ? C’était un restaurant ?

8 Témoin V (interprétation). - Pendant quelques temps c'était un

9 restaurant, et cela a été aussi un magasin pendant quelques temps mais en

10 général c'était plutôt un restaurant ou un café.

11 M. Niemann (interprétation). - Et les personnes qui vous ont

12 accompagné ce soir-là, c'étaient les mêmes personnes qui étaient sortis le

13 jour ?

14 Témoin V (interprétation). - Oui, oui ce sont en effet les mêmes

15 personnes.

16 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes allé là-bas,

17 combien de personnes faisaient la haie ?

18 Témoin V (interprétation). - Il faisait noir, il fallait faire

19 30 à 40 mètres pour arriver là. Je ne sais pas combien de gens il y avait.

20 Nous avons tous été frappés en passant. Les personnes ont eu des coups de

21 crosse.

22 M. Niemann (interprétation). - On vous a dit quelque chose

23 lorsque vous êtes entré là-dedans ?

24 Témoin V (interprétation). - Ils nous insultaient. Dans ma

25 déclaration je ne n’ai pas voulu accentuer ce qu'ils ont dit, mais

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1 c'étaient des insultes adressées à nos mères, c’était des insultes

2 ethniques. Mais cela s'est passé tout le temps. Ces insultes faisaient

3 partie du lot quotidien. Je n'ai pas voulu le souligner explicitement,

4 c’était là tout le temps.

5 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes entré dans ce

6 restaurant, que s’est-il passé ?

7 Témoin V (interprétation). - On nous a ordonnés de nous asseoir

8 par terre, il n'y avait pas d'électricité, il n'y avait pas de lumière. Et

9 ensuite, plusieurs hommes sont arrivés, deux ou trois je ne sais pas très

10 bien. Ils avaient des lampes électriques, ils nous ont éclairés.

11 Et il a dit : " Emmène-le au pont, qu'on leur coupe la gorge et

12 qu'on les jette dans l'eau. " Et puis ensuite un autre est arrivé, il

13 avait aussi une lampe, il nous a aussi éclairé le visage et il a

14 dit : " Je ne sais pas que faire. La meilleure chose serait de les tuer,

15 de les mettre dans un fourneau afin qu'ils soient brûlés. Mais

16 éventuellement, on peut les utiliser comme bouclier humain. " Et puis ils

17 sont partis. Nous sommes restés assis là je ne sais pas combien de temps.

18 Un autre homme est entré, il avait un bas sur la tête. Il a commencé à

19 chanter.

20 Il chantait des chansons traditionnelles musulmanes. Et puis il

21 a demandé s'il y avait un " hodza " parmi nous. Nous sommes restés

22 silencieux. Il a répété la question, il a posé la question deux fois. Et

23 puis, il a dit : "combien de sections y a-t-il" ?

24 M. Niemann (interprétation). - Un " hodza ", c'est une

25 personnalité religieuse n'est-ce pas ?

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1 Témoin V (interprétation). - Oui. Oui c'est l'homme qui dirige

2 une cérémonie religieuse. Et un " haji " a visité Meka, La Mecque et

3 Médine.

4 M. Niemann (interprétation). - Et ensuite, qu’a-t-il posé comme

5 question ?

6 Témoin V (interprétation). - Il a demandé combien de sections y

7 avait-il dans le Coran ? Combien de chapitres dans le Coran ? Et j'ai

8 répondu en disant : "je ne sais pas, je pense que personne ne connaît de

9 réponse". Je pense qu'il n'a pas apprécié qu'il ait été reconnu même s'il

10 était avec un masque.

11 M. Niemann (interprétation). - Vous l'avez appelé par son surnom

12 n’est-ce pas ?

13 Témoin V (interprétation). - Oui c’est juste sorti comme ça, je

14 ne voulais pas en fait lui faire savoir que je l'avais reconnu, mais c'est

15 juste sorti comme ça car je le connaissais.

16 M. Niemann (interprétation). - Son visage était camouflé d'une

17 façon ou d'une autre ?

18 Témoin V (interprétation). - Oui, il avait un bas qui recouvrait

19 son visage. Et il avait aussi une espèce de casquette.

20 M. Niemann (interprétation). - Comment l'avez vous reconnu ?

21 Témoin V (interprétation). - Sur la base de ce qu'il a dit. Je

22 savais qu'il était impliqué, qu'il avait étudié les coutumes musulmanes.

23 M. Niemann (interprétation). - Etait-il Musulman ou Croate ?

24 Témoin V (interprétation). - Croate.

25 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé quand vous

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1 l'avez appelé par son surnom ?

2 Témoin V (interprétation). - Il m'a dit : "Et toi, le malin, si

3 tu connais la réponse à cette question, j'aurai le dernier mot". Donc, il

4 aurait le dernier mot et il m'a demandé ce que voulait dire "Hedija".

5 M. Niemann (interprétation). - Et qu'avez-vous dit ?

6 Témoin V (interprétation). - C'est un mot turc qui veut dire:

7 "don" et je lui ai dit que cela voulait dire : don. Il a dit : "Et moi, je

8 vous donne comme cadeau vos vies, je vous donne vos vies" et ensuite il

9 est sorti de la pièce.

10 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

11 Témoin V (interprétation). - On nous a ramenés au véhicule. Même

12 procédure. J'ai eu de la chance. J'ai eu quelques coups mais pas des coups

13 trop durs. Dans le véhicule, on m'a ordonné de baisser la tête et de ne

14 pas regarder autour de moi. J'ai entendu des cris, des gémissements

15 d'autres personnes, des gens qui montaient dans le bus. Je sais qu'un

16 homme a été très brutalement blessé. Je ne vais pas donner son nom ici.

17 Mais c'était un Musulman. Et s'il le veut, il peut venir éventuellement

18 ici pour témoigner.

19 M. Niemann (interprétation). - Vous avez été ramené à Kaonik ?

20 Témoin V (interprétation). - On nous a ramenés à Kaonik et le

21 matin, à nouveau, le groupe était un petit peu différent, mais la plupart

22 des membres du groupe ont été emmenés au village de Kula. Et là, on nous a

23 ordonnés, sur la ligne de front, nous étions naturellement toujours

24 escortés par les gardes, certains portaient des cagoules, d'autres

25 n'étaient pas cagoulés.

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1 M. Niemann (interprétation). - Ils étaient armés ?

2 Témoin V (interprétation). - Oui, ils avaient des fusils.

3 M. Niemann (interprétation). - Et lorsque ce matin, on vous a

4 appelé, on vous a dit où on vous emmenait ?

5 Témoin V (interprétation). - Non. Je dois dire que c'était la

6 coutume. C'était tout un système. Les gens qui étaient dans le camp

7 devaient creuser des tranchées et devaient faire des fortifications pour

8 le HVO.

9 M. Niemann (interprétation). - Comment saviez-vous que l'on vous

10 emmenait sur la ligne de front ?

11 Témoin V (interprétation). - Je le sais parce que je connais

12 cette région. Je possédais même un terrain là-bas.

13 M. Niemann (interprétation). - Qu'en était-il de votre santé ce

14 matin-là ?

15 Témoin V (interprétation). - La situation empirait, j'avais

16 faim, j'avais peur, j'avais des douleurs à l'estomac mais je n'y pensais

17 plus.

18 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé aux

19 tranchées de Kula, qu'avez-vous vu là-bas ?

20 Témoin V (interprétation). - J'ai vu des soldats armés, j'ai vu

21 de l'artillerie, je ne sais pas s'il s'agissait de canons ou de mortiers,

22 c'était tout près de la propriété de Alija Zulum et à partir de là, on

23 nous a emmenés sur les lignes de front. On pouvait voir l'armée BH, on

24 n'était pas à plus de 500 mètres de là. Et on m'a ordonné de creuser une

25 tranchée dans un domaine qui était complètement ouvert, qui n'était pas

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1 protégé. Et le garde qui me gardait, était lui protégé mais il était

2 honnête et il m'a dit de ne pas trop levé la tête, il m'a parlé plus comme

3 à une personne, mais il m'a quand même obligé à creuser, même si je lui ai

4 dit que je ne me sentais pas très bien.

5 Il m'a dit :" je suis désolé mais on m'a ordonné de dire de

6 creuser et tu dois finir ce travail". Quelqu'un a amené de l'eau, j'en ai

7 demandé un petit peu et lorsque je l'ai goûtée, j'ai réalisé que c'était

8 de l'eau du ruisseau et j'ai demandé à aller à ce ruisseau qui se trouvait

9 entre les deux lignes. Je n'ai pas eu le droit de le faire.

10 M. Niemann (interprétation). - Est-ce qu'il faisait jour ou nuit

11 lorsqu'on vous a emmené creuser ces tranchées ?

12 Témoin V (interprétation). - Non, c'était pendant la journée.

13 M. Niemann (interprétation). - On vous a emmené creuser des

14 tranchées en une seule occasion ou à plusieurs reprises ?

15 Témoin V (interprétation). - Je vais vous expliquer. Ce jour-là,

16 nous avons creusé des tranchées et au crépuscule on nous a emmenés dans

17 une maison. On nous a placés dans une chambre, et on nous a dit qu'il nous

18 fallait nous reposer. Etait-il 23 heures, minuit ? Je ne sais pas très

19 bien. Mais ce même jour, je ne sais pas parce que ce même jour le HVO, un

20 de ses membres nous avait pris, m'avait pris, pardon, ma montre. Je

21 connais cette personne, mais je ne vais pas citer son nom. Donc, nous nous

22 étions rassemblés dans cette maison et quelqu'un, il me semble, a trouvé

23 une conserve de goulash, c'était du goulash au boeuf, c'était une petite

24 boîte de conserve de 150 grammes à peu près et nous avons également trouvé

25 un morceau de pain rassis qui se trouvait là sur le rebord d'une fenêtre.

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1 Je crois que les souris l'avaient déjà attaqué. Nous l'avons réparti

2 équitablement entre nous tous. Et le lendemain matin on nous a emmenés à

3 nouveau pour creuser des tranchées. Moi, je suis allé terminer un travail

4 déjà entamé un peu plus bas. C'était un secteur un peu plus en sécurité,

5 on voyait les membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine se déplacer ça et

6 là mais il n'y a pas eu de tirs. Je crois que ce matin-là les membres de

7 l'armée de Bosnie-Herzégovine savaient que nous étions des Musulmans de

8 Bosnie, ils avaient des ordres qui leurs interdisaient de tirer sur nous.

9 Ils savaient que nous étions des Musulmans de Busovaca.

10 Le HVO nous a fait travailler pour fortifier ces lignes et par

11 la suite d'autres événements se sont produits. Mais ce jour-là, c'est dans

12 ce secteur-là que nous avons creusé et entre-temps un commandant est

13 arrivé sur les lieux et le garde qui se trouvait là lui a dit que j'avais

14 demandé à me rendre au ruisseau. Je n'ai pas entendu le gardien le dire

15 mais il faisait signe dans ma direction et j'en ai donc conclu qu'il était

16 en train de raconter ce qui s'était passé. Par la suite, le deuxième jour

17 donc, au cours de la soirée, nous avons rebroussé chemin, nous avions

18 passé la journée à creuser, nous avions passé une nuit sur place. Nous

19 avons creuser une deuxième journée et au soir de cette journée-là, nous

20 avons rebroussé chemin, nous sommes retournés au camp et nous avons passé

21 la nuit dans les cellules. Nous étions séparés, nous étions toujours

22 placés avec des personnes différentes.

23 J'ai appris que vers Rovna et vers Tisovac un certain nombre de

24 personnes avaient été gravement blessées, et en observant à droite à

25 gauche, j'ai vu que certaines personnes portaient des bandages autour de

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1 la tête et sur les bras. J'ai vu qu'elles avaient des contusions, j'ai

2 observé cela d'un simple coup d'oeil alors que nous nous rencontrions

3 dans le couloir.

4 M. Niemann (interprétation). - Ces personnes blessées, vous

5 pensez qu'elles ont été blessées parce qu'elles avaient emmené pour

6 creuser des tranchées, qu'elles ont été blessées sur place ?

7 Témoin V (interprétation). - Oui, oui, elles ont été frappées,

8 passées à tabac. Ce n'est pas comme si elles avaient été blessées par

9 suite d'un coup de fusil. Je ne crois pas qu'une personne ait reçu une

10 balle.

11 M. Niemann (interprétation). - Pendant que vous creusiez des

12 tranchées, est-ce que vous étiez autorisé à vous interrompre, à vous

13 reposer ?

14 Témoin V (interprétation). - Si vous parlez de pauses

15 régulières organisées, des pauses que tous les membres du groupe prenaient

16 en même temps, oui il y a eu ce genre de pause. Parfois je vous l'ai dit

17 on nous emmenait pour que nous nous reposions. Mais si maintenant vous

18 parlez de ma situation individuelle, je dirais que ce garde ne m'a pas

19 obligé à travailler au-delà de mes forces. Il a bien eu conscience du fait

20 que j'étais malade. Il m'a dit : "creuse, il faut terminer le travail", et

21 puis ensuite il m'a dit : "travaille, repose-toi et puis travaille quand

22 tu t'en sens la force". Il avait vraiment le souci de moi, il était très

23 humain à mon égard.

24 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous savez si l'un des

25 membres de votre groupe a été passé à tabac ou frappé ?

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1 Témoin V (interprétation). - Le secteur où nous nous trouvions

2 était plus étendu. Les lignes de front étaient beaucoup plus longues, plus

3 importantes. J'ai déjà dit que je savez que quelqu'un avait été grièvement

4 blessé mais je crois que la personne en question peut venir témoigner

5 devant ce Tribunal elle-même, alors je ne crois pas que je vais consacrer

6 une partie de ma déposition à parler de cet incident.

7 M. Niemann (interprétation). - Vous avez été emmené pour creuser

8 des tranchées. Que s'est-il passé par la suite, est-ce que vous avez été

9 libéré, est-ce que vous avez pu quitter le camp ?

10 Témoin V (interprétation). - Non. Après tous ces événements qui

11 sont survenus à Kula, après avoir creusé ces tranchées et enfin après être

12 revenu au camp, j'ai reçu l'ordre d'aller dans un autre hangar. Un hangar

13 qui se trouvait à côté de ces bâtiments administratifs. Il devait y avoir

14 environ 150 personnes rassemblées dans cet autre hangar. Nous ne sommes

15 pas allés travailler.

16 Nous pouvions faire nos besoins à l'intérieur du hangar. Il y

17 avait un baquet, pardon il y avait une paillasse en bois et une couverture

18 pour chacun d'entre nous et nous sommes restés là jusqu'à la fin de ma

19 détention, jusqu'au 8 février.

20 Mais pour autant que je m'en souvienne les représentants du CICR

21 ne sont pas venus. Les conditions de détention étaient lamentables. Mais

22 étant donné que nous ne craignions plus pour nos vies, c'était

23 supportable.

24 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous jamais demandé une

25 nouvelle fois à aller voir un médecin ?

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1 Témoin V (interprétation). - Après tout ce qui s'était passé,

2 cela ne m'est même pas venu à l'esprit. Pour vous dire toute la vérité,

3 j'avais peur de faire l'objet de mesures de répression, j'avais peur

4 d'être envoyé dans un endroit pire encore, un de ces endroits où l'on

5 frappait les gens quotidiennement comme Rovna ou Pisovac. Je n'ai même pas

6 envisagé la possibilité de poser la question, je n'ai rien demandé de

7 plus.

8 M. Niemann (interprétation). - Quand avez-vous été libéré ?

9 Témoin V (interprétation). - Le 8 février, on a entendu dire

10 qu'il allait y avoir un échange de prisonniers, qu'on allait en fait nous

11 libérer. Et on nous a donnés la possibilité de partir, de rentrer chez

12 nous à Busovaca. En fait, on nous a dit que ceux qui le souhaitaient

13 pouvaient se rendre à Kacuni ou à Zenica s'ils le préféraient. Et à ce

14 moment-là, les représentants du CICR, je crois que son nom était

15 Gianni Lucca, donc ce représentant en particulier a déclaré que les

16 dirigeants du HVO avaient déclaré que la sécurité de tous les prisonniers

17 serait assurée. Nous pouvions nous rendre à Busovaca, il y avait des bus

18 qui étaient garés non loin de là, et les gens se sont précipités vers ces

19 bus. Et puis un peu en surplomb de ce hangar, il y avait Gianni Lucca qui

20 observait ce qui se passait. Les personnes se sont dirigées vers ces

21 autobus et moi j'étais un peu à la traîne, j'étais un peu en arrière. Et

22 il a dit que, au tout dernier moment, il avait appris finalement que les

23 autorités en place à Busovaca ne pouvaient pas assurer la sécurité des

24 Musulmans de Bosnie. Moi, je suis monté dans un bus qui avait pour

25 destination Zenica, et j'ai donc abandonné mon idée de départ qui était de

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1 me rendre à Busovaca.

2 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, je

3 n'ai plus de questions pour le témoin.

4 M. le Président. - Maître Mikulicic avez-vous des questions ?

5 Vous avez la parole Maître Mikulicic.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

7 Bonjour témoin V, je m'appelle maître Mikulicic, je suis conseil

8 de la défense de M. Aleksovski, je vais vous poser quelques questions je

9 vous demanderais d'y répondre du mieux que vous le pourrez.

10 Témoin V, au début de votre déposition, vous avez déclaré avoir

11 accompli votre service militaire dans les rangs de l'ex-JNA et vous avez

12 précisé qu'après ce service militaire vous ne faisiez pas partie du corps

13 de réserve de la JNA, c'est exact ?

14 Témoin V (interprétation). - C’est exact. Je ne faisais pas

15 partie des corps de réserve. Enfin officiellement. Je n'allais pas suivre

16 de formation militaire mais j'avais effectivement quelques tâches qui

17 m'étaient confiées mais je n'avais rien à voir avec les armes.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Donc si je vous ai bien compris

19 après être rentré de votre service militaire vous n'aviez aucune

20 obligation militaire, vous n'aviez rien à voir avec la manipulation des

21 armes, mais on vous a quand même confié un certain nombre de tâches à

22 accomplir, c'est exact ?

23 Témoin V (interprétation). - C’est exact.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Témoin V, on vous confiait donc

25 certaines tâches. Est-ce que de ce fait votre nom apparaissait dans

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1 certains documents, dans certaines archives ?

2 Témoin V (interprétation). - Eh bien, je suppose que mon nom

3 apparaissait dans les listes du secrétariat de la défense en tant qu'homme

4 en âge de porter des armes.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Et ces documents où se

6 trouvaient-ils ?

7 Témoin V (interprétation). - Je pense qu'ils se trouvaient à

8 Busovaca.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur V, après votre retour

10 du service militaire, et avant que tous ces événements ne se produisent en

11 Bosnie-Herzégovine, vous êtes-vous jamais vu confier une tâche que vous

12 deviez accomplir dans le cadre des fonctions que nous avons décrites tout

13 à l'heure ?

14 Témoin V (interprétation). - Non, pas vraiment. Je devais

15 prendre part à la planification de la défense civile et de la protection

16 sociale. J'en ai parlé mais je n'avais pas de tâches de très grande

17 importance pour autant que je m'en souvienne.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Nous allons brièvement revenir

19 en arrière, aux événements de 1992. Le représentant du bureau du Procureur

20 vous a posé des questions sur cette période, donc moi-même j'ai des

21 questions à vous poser.

22 Monsieur V, vous souvenez-vous si Busovaca a fait l'objet d'une

23 offensive de la part de l'ex-JNA ?

24 Témoin V (interprétation). - Je me rappelle que la ville a été

25 pilonnée pendant une journée. Un pilonnage aérien. Cela s'est passé au

Page 3532

1 cours de la soirée et c'est à ce moment-là que le vieil Hôtel de Ville a

2 été incendié. Et puis il y a également eu un magasin de Tisovac qui est

3 parti en flammes. J'ai moi-même participé à l'extinction de ce feu avec

4 des Croates.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Après ce pilonnage par la JNA,

6 il y a eu des bâtiments endommagés dans la municipalité de Busovaca ?

7 Témoin V (interprétation). - C’est exact.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez parlé de cet incendie

9 qui a entraîné la destruction de certains bâtiments ?

10 Témoin V (interprétation). - Oui ces bâtiments ont été

11 incendiés. Je ne sais pas si par la suite ils se sont effondrés mais je

12 sais effectivement qu'ils sont partis en flammes.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends, vous avez

14 également déclaré qu'en compagnie d'autres personnes, vous aviez pris part

15 à l'extinction des feux, vous aviez essayé de faire en sorte que les

16 dommages ne s'étendent pas trop. Qu'entendez-vous par là exactement ?

17 Témoin V (interprétation). - C'était une intervention spontanée

18 afin que l'incendie ne gagne pas le centre commercial, nous avons ammené

19 une lance à incendie, etc.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Tout ce que vous avait fait,

21 est-ce que cela faisait partie des tâches qui vous avaient été assignées

22 ou bien est-ce que vous l'avez fait dans un autre cadre ?

23 Témoin V (interprétation). - Non, cela n'avait rien d'organisé.

24 Ce n'était pas comme si nous étions une équipe d'extinction des feux

25 organisée. Les pompiers de Zenica ne sont arrivés que plus tard. Ce

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1 n'était pas une intervention organisée, cela partait d'un sentiment

2 civique. J'étais sur place et j'ai essayé d'aider.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous comprends. Monsieur V,

4 au début de 1993 , avez-vous eu l'occasion de vous rendre à Kaonik ?

5 Témoin V (interprétation). - Non. Vous parlez du camp ?

6 M. Mikulicic (interprétation). - Je parle du camp de Kaonik.

7 Est-ce que vous savez ce dont il s'agissait ?

8 Témoin V (interprétation). - Je savais simplement que c'était un

9 ancien entrepôt de la JNA, mais jamais je n'ai eu l'occasion de me rendre

10 sur place. Plusieurs fois, j'ai emprunté la route qui le longeait comme

11 tout le monde mais jamais je n'ai été à l'intérieur.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Donc, il est exact de dire que

13 vous ne saviez pas ce qui se trouvait à l'intérieur de ces bâtiments ?

14 Témoin V (interprétation). - On ne pouvait pas voir ces

15 bâtiments de la route, jamais je ne les ai vus de la route.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous comprends. Témoin V, à

17 plusieurs reprises, vous avez déclaré que vous aviez souffert de certains

18 troubles de santé. A partir de quand avez-vous souffert de ces troubles ?

19 Témoin V (interprétation). - C’est difficile d'être précis mais

20 je crois que j'ai souffert de cet ulcère, que j'en souffre depuis 10 ans,

21 à peu près. Et ça fait six ou sept ans que j'ai découvert que j'avais un

22 ulcère.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez également plusieurs

24 fois dit que l'une des conséquences de ces troubles de santé était un

25 certain nombre de troubles psychologiques. Est-ce que certains des

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1 problèmes dont vous souffriez étaient dus à ces troubles psychologiques ?

2 Témoin V (interprétation). - Bien évidemment. Vous savez, ils

3 nous ont dit toujours, c'est nerveux, c'est ce que l'on dit communément

4 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous suivi un traitement ?

5 Est-ce que vous avez pris des médicaments ?

6 Témoin V (interprétation). - Il n'y a pas vraiment de

7 traitements efficaces pas de médicaments efficaces. J'ai essayé de suivre

8 une vie saine, de ne pas m'énerver, de ne pas me mettre en colère. J'ai

9 essayé de m'alimenter de façon saine mais je n'étais pas un malade à 100 %

10 discipliné.

11 M. Mikulicic (interprétation). - Vous êtes fumeur ?

12 Témoin V (interprétation). - Oui.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Témoin V, vous nous avez parlé

14 des événements qui se sont produits à la fin du mois de janvier 1993. Vous

15 avez été emmené dans le camp de Kaonik. Vous souvenez-vous de ce qui a

16 précédé votre départ pour Kaonik ? Est-ce qu'il y a eu des échanges de

17 tirs, est-ce qu'il y a eu un incident particulier, est-ce que vous vous en

18 souvenez ?

19 Témoin V (interprétation). - Je sais que certains des bâtiments

20 appartenant à des Musulmans de Bosnie ont été détruits quelques jours

21 avant mon départ, mais moi je n'ai pas entendu ces tirs ou ces coups de

22 feu. Alors que je quittais mon immeuble, j'ai entendu qu'il y avait des

23 tirs mais je ne savais pas du tout d'où cela venait. Je l'ai entendu au

24 moment où l'on me faisait sortir de mon immeuble pour m'emmener.

25 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez déclaré que vous

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1 aviez entendu des tirs de pièce d'artillerie qui provenaient des collines

2 entourant Busovaca, je vous ai bien compris ?

3 Témoin V (interprétation). - Vous m'avez parfaitement compris.

4 C'était au mois de mai ou au mois de juin 1992.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Donc, à la mi-1992 ?

6 Témoin V (interprétation). - C'est exact. Mi-1992.

7 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que c'est à ce moment-là

8 que la JNA a lancé cette attaque aérienne sur Busovaca ?

9 Témoin V (interprétation). - Non, cela s'est passé ensuite

10 lorsque les Musulmans de Bosnie n'ont pas eu le droit de hisser sur

11 l'Hôtel de Ville le drapeau de la République de Bosnie-Herzégovine.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Je vois. Nous sommes à la mi-

13 1992. Témoin V, vous aviez déclaré que vous viviez dans un immeuble

14 contenant 32 appartements. C'est exact ?

15 Témoin V (interprétation). - C’est exact.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez déclaré que le jour

17 où l'on vous a emmené, vous étiez le seul Musulman de Bosnie à résider

18 encore dans cet immeuble ?

19 Témoin V (interprétation). - C’est exact. A cet étage-là,

20 j'étais le seul.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Témoin V, où se trouvaient les

22 autres Musulmans de Bosnie qui autrefois vivaient dans cet immeuble.

23 Comment se fait-il que seul vous ayez été emmené ?

24 Témoin V (interprétation). - Comment le savoir ? Nous étions

25 voisins mais chacun se déplace comme bon lui semble. Je sais que j'étais

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1 le seul de cet étage-là à être emmené dans le camp. Je n'ai vu aucun de

2 mes voisins dans le camp.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Et par la suite, avez-vous

4 entendu dire ce qu'il était advenu de vos voisins, est-ce que vous avez

5 appris où ils étaient partis, est-ce qu'ils avaient disparus ?

6 Témoin V (interprétation). - Ils n'ont pas disparu. Une femme

7 qui était ma voisine et qui avait 2 enfants, était partie pour Kacuni.

8 Elle est allée chez sa soeur et puis un autre Musulman de Bosnie avait

9 décidé de louer son appartement à un Croate, il avait pris cette décision

10 au début de 1992. Et au début 1992, ce Croate a emménagé et le Musulman

11 n'est jamais revenu. Donc, on avait l'impression qu'il y avait plein de

12 Musulmans de Bosnie dans cet immeuble, en fait nous n'étions que trois.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Et les membres de votre

14 famille, où se trouvaient-ils ? Avec vous dans votre appartement ?

15 Témoin V (interprétation). - Non. Une de mes filles vivait dans

16 un appartement qui appartenait à un Serbe à Busovaca. Elle partageait cet

17 appartement avec une colocataire qui était une fille croate. A ce moment-

18 là, évidement, à Busovaca la situation était critique. Et puis il y a eu

19 ces magasins qui ont été plastiqués. Quelqu'un a apporté de la nourriture

20 à ma fille parce qu'il était déconseillé de se déplacer dans la ville.

21 Parfois elle passait la nuit dans cet appartement parce que les bus ne

22 circulaient pas forcément de façon régulière. Donc elle est restée dans

23 cet appartement. Et depuis l'appartement de mes voisins croates, je lui ai

24 passé un coup de fil. Au moment où ces magasins musulmans avaient été

25 plastiqués, ma ligne téléphonique avait été coupée et quand j'ai parlé à

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1 ma fille au téléphone, elle m'a dit : "Mais, envoie moi une voiture et je

2 rentrerai !" Mais, moi, je n'avais pas de voiture et puis il n'y avait pas

3 de taxi parce que personne n'acceptait de se déplacer en voiture. Et je

4 lui ai dit : "Eh bien, écoute, on va voir ce qui se passe ".Et il s'est

5 simplement trouvé que moi je ne pouvais pas rentrer à Zenica et elle ne

6 pouvait pas revenir à la maison. C'est ainsi que les choses se sont

7 passées.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Si je vous ai bien compris,

9 votre femme était partie avec votre fille à Zenica avant tous ces

10 événements ?

11 Témoin V (interprétation). - Non. Moi, j'essayais de dire que ma

12 femme a emmené des aliments à ma fille qui se trouvait à Zenica. Et j'ai

13 également dit que ma fille partageait un appartement qui appartenait à un

14 Serbe avec une fille croate.

15 M. Mikulicic (interprétation). - Mais quand cela s’est-il

16 produit par rapport au moment où vous vous avez été emmené à Kaonik ?

17 Témoin V (interprétation). - Tous ces événements se sont

18 produits dans la même semaine.

19 M. Mikulicic (interprétation). - Témoin V, qu'est-il advenu des

20 femmes de vos autres voisins musulmans de Bosnie qui vivaient dans ce même

21 immeuble ? Est-ce que ces femmes sont restées dans cet immeuble ou se

22 sont-elles rendues ailleurs ?

23 Témoin V (interprétation). - Ce n'était pas seulement les

24 Musulmans de Bosnie, ce n'était pas seulement leurs épouses, là n'est pas

25 la question ! Certaines sont restées, d'autres sont parties, certaines

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1 sont parties de Busovaca dans le courant de 1993.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Peut-être n'ai-je pas été

3 suffisamment clair. Moi, je vous pose des questions relatives aux

4 événements qui se sont produits au début de 1993, lorsque votre femme est

5 partie pour emmener des aliments à votre fille à Zenica. Qu'est-il advenu

6 à ce moment-là des autres femmes qui se trouvaient dans ce bâtiment? Les

7 femmes musulmanes.

8 Témoin V (interprétation). - La plupart d'entre elles étaient

9 là. Je ne suis pas particulièrement au fait de ce qui s'est passé mais la

10 plupart des Musulmans de Bosnie résidait à Busovaca à ce moment-là. Ils

11 avaient peur mais ils continuaient à vivre à Busovaca.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Témoin V, nous allons revenir à

13 ce qu'il s'est passé le matin où vous avez dit que trois hommes étaient

14 venus vous chercher. S'agissaient-ils de civils ou de soldats ?

15 Témoin V (interprétation). - Ils portaient des uniformes de

16 camouflage, ce n'étaient pas des civils.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Des uniformes de camouflage.

18 Est-ce que vous avez pu observer qu'ils portaient un insigne quelconque

19 sur ces uniformes ?

20 Témoin V (interprétation). - Pour vous dire toute la vérité,

21 vous savez sans doute qu'en 1992, il y avait toutes sortes d'insignes,

22 toutes sortes d'uniformes à Busovaca et je n'ai pas porté une attention

23 particulière à ces détails-là. On voyait toute sorte de choses.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez déclaré que par la

25 suite, on vous avait fait monter dans un bus et que l'on vous avait

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1 emmener à Kaonik. C'est exact ?

2 Témoin V (interprétation). - C'est exact.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé

4 à Kaonik, est-ce que vous avez été accueilli par quelqu'un ?

5 Témoin V (interprétation). - Absolument pas. On nous a

6 simplement emmené dans ces cellules. Trois hommes sont entrés, deux

7 portaient un bas sur le visage, tandis que le troisième avait le visage

8 découvert.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Témoin V, vous souvenez-vous

10 des gardes qui se trouvaient dans le camp de Kaonik ?

11 Témoin V (interprétation). - Oui je m'en souviens.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Que portaient-ils ?

13 Témoin V (interprétation). - Ils portaient des uniformes de

14 camouflage.

15 M. Mikulicic (interprétation). - Avez-vous remarqué s'ils

16 portaient un insigne particulier sur ces uniformes ?

17 Témoin V (interprétation). - Je n’y portais pas particulièrement

18 attention, mais ils avaient des insignes ordinaires. Enfin, non, vraiment

19 je n'ai pas fait attention à ces insignes, parce que l'on sait très bien

20 après tout ce qu’étaient ces insignes. Enfin, je veux dire je n'ai pas

21 regardé.

22 Moi, si je voyais un insigne en échiquier sur un uniforme je ne

23 regardais pas le sigle qui apparaissait en dessous.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Mais vous personnellement, est-

25 ce que vous pensez que ces personnes qui étaient gardes à Kaonik étaient

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1 membres d'unité militaire ou pas ?

2 Témoin V (interprétation). - Je pense qu'ils étaient membres

3 d'une unité militaire, parce qu'ils travaillaient auparavant pour les

4 chemins de fer et c'est ainsi qu'ils ont obtenu ces postes à la prison. Et

5 je crois que cela faisait parti d’une tâche qui leur avait été assignée.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Mais vous ne savez pas à quelle

7 unité ils appartenaient ?

8 Témoin V (interprétation). - Non je ne sais pas. Mais d’une

9 façon générale, je pense qu’ils appartenaient au HVO, ça c'est mon opinion

10 personnelle.

11 Est-ce que qu'ils avaient un poste particulier ? Je n'en sais

12 rien parce que je ne sais pas exactement comment fonctionnait cette

13 organisaton.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Je vois.

15 Vous avez également déclaré que le lendemain on avait appelé

16 votre nom et que l'on vous avait envoyé au cimetière de Busovaca. Dites-

17 moi… Ah ! D’ailleurs vous avez également ajouté que vous étiez sous

18 l'escorte de gardiens. Bien.

19 Témoin V, au cimetière de Busovaca alors que vous y travailliez,

20 étiez-vous placé sous la surveillance des gardes qui se trouvaient

21 normalement à Kaonik dans la prison ? Ou bien, est-ce que ces gardes

22 étaient différents de ceux qui travaillaient à Kaonik ?

23 Témoin V (interprétation). - C'est difficile pour moi de

24 répondre en toute certitude. J'avais très peur, j'étais malade et par

25 conséquent, je ne faisais pas vraiment attention à ce qui se passait.

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1 Mais, aux vues de leur comportement et des autres contacts que nous avons

2 pu établir avec eux, moi je parle des personnes que j’ai pu voir, je

3 dirais qu'il ne s'agissait pas de ces gardes. Moi je parle des personnes

4 dont je sais qu'ils étaient gardes. Je ne crois pas qu'ils m'escortaient,

5 je crois qu'il s'agissait de personnes différentes.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Pourriez-vous peut-être nous

7 rappeler une chose. Pour les personnes qui vous escortaient lorsque vous

8 alliez travailler, s'agissait-il de membres de l'armée d’une unité

9 précise ? Ou est-ce que vous ne vous en souvenez pas ?

10 Témoin V (interprétation). - Il s'agissait de membres de

11 l'armée. C'était des membres du HVO et ils portaient des uniformes de

12 camouflage, des armes donc, c'était de vrais soldats.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Témoin V, vous avez

14 déclaré aussi que l'on vous avait amené à Kula.

15 Est-ce que là-bas, vous étiez surveillé par les gardes de Kaonik

16 ou par d'autres personnes ?

17 Témoin V (interprétation). - J'ai déjà dit que les gardes que je

18 connaissais au camp de Kaonik, ceux qui travaillaient à l’intérieur du

19 camp, je ne les ai pas vus à l'extérieur. Ils ne m'ont pas escorté

20 ailleurs.

21 M. Mikulicic (interprétation). - Je vois, je vous suis mieux

22 maintenant. Je n'étais pas sûr que votre réponse portait aussi sur Kula.

23 Dans votre témoignage, vous avez également signalé qu'un jour,

24 on vous avait emmené au restaurant appelé le " Bleu 11 ", c'était un

25 restaurant ?

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1 A l'époque où l'on vous y a emmené, est-ce que vous saviez

2 qu'elle était la destination de ce bâtiment ? S'agissait-il toujours d'un

3 restaurant ? Ou est-ce qu'il s'agissait d'un autre site ?

4 Témoin V (interprétation). - Non, c'était un bâtiment utilisé

5 exclusivement par le HVO. Je ne sais pas pour combien de temps pour la

6 période totale ou non, mais le bâtiment était utilisé exclusivement par le

7 HVO, sauf peut-être pour certains fourneaux. Bon, il y avait quelques

8 fourneaux mais s'il n'avait pas eu cela, rien n'aurait pu indiquer que ce

9 bâtiment, un jour, avait servi de restaurant.

10 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez également fait

11 allusion à une personne que vous avez reconnue, et vous avez utilisé le

12 surnom de cette personne pour lui parler.

13 Alors, est-ce que vous connaissez son nom complet, prénom et nom

14 de famille ?

15 Témoin V (interprétation). - Oui je connais son nom mais je

16 préférerais ne pas vous le donner. Je pense avoir dressé un tableau

17 complet, et je pense que cette personne est morte. Et d'après mes

18 informations, il aurait été tué par le HVO mais je ne sais pas pourquoi ?

19 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends que vous ne

20 souhaitiez pas révéler l'identité de cette personne, mais permettez-moi de

21 reformuler la question ?

22 Témoin V (interprétation). - La personne dont nous parlons a-t-

23 elle quelque chose à voir avec Kaonik ? Je ne crois pas.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Comme vous connaissez

25 l'identité de cette personne, pensez-vous que cette personne souffrait de

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1 problèmes mentaux ?

2 Témoin V (interprétation). - Oui c’est possible, c’est très

3 possible.

4 M. Mikulicic (interprétation). - Pourriez-vous nous donner

5 davantage d'informations à ce sujet ?

6 Pardonnez-nous, mais est-ce que le témoin pourrait répéter sa

7 réponse s'il vous plaît ?

8 M. le Président. - Excusez-moi Maître Mikulicic, mais la

9 traduction n’a pas entendu la traduction du témoin. Est-il possible de

10 répéter la question et la réponse ?

11 M. Mikulicic (interprétation). - Merci. Merci d'être intervenu

12 Monsieur le Président.

13 Alors, Monsieur le Témoin V, peut-être que nous parlons un rien

14 trop vite et que les interprètes ont eu du mal à interpréter ce dernier

15 échange. Alors je répète ma question.

16 La question que je vous adresse est la suivante : avez-vous des

17 informations plus précises concernant la personne que vous ne souhaitez

18 pas identifier, et qui vous a parlé au " Blue 11 " ? Est-ce que cette

19 personne a des problèmes mentaux ?

20 Témoin V (interprétation). - Vous savez je ne suis pas médecin,

21 je ne puis donc pas juger de l'état mental d'une personne. Mais je sais

22 que de temps à autre, cette personne avait tendance à beaucoup boire, et

23 je sais également qu'il s'agissait d'une personne intelligente.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Donc, vous saviez qu'il y avait

25 une tendance à l’alcoolisme ?

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1 Témoin V (interprétation). - Je ne le savais pas en tant que

2 tel. Ce que je sais, c’est que de temps à autre cette personne buvait.

3 Mais ici non plus je ne peux pas vous expliquer pourquoi cette personne se

4 trouvait sur les lieux à l'époque, ou s'il était alcoolique.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur V, dans votre

6 témoignage, vous avez déclaré que le lendemain, pendant le matin, votre

7 nom a été cité. Est-ce correct ?

8 (Le témoin acquiesse.)

9 M. Mikulicic (interprétation). - Lorsque l’on vous a demandé de

10 travailler au cimetière ?

11 Témoin V (interprétation). - Oui.

12 M. Mikulicic (interprétation). - Qui vous a appelé ? Qui vous a

13 cité ?

14 Témoin V (interprétation). - Cela nous ne l'avons pas vu parce

15 que le garde était dans le couloir et citait un certain nombre de noms à

16 voix haute.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Je vais reformuler ma question.

18 Savez-vous si votre nom a été cité par le garde qui était chargé de vous

19 surveiller à l'intérieur de la prison ? Ou s'agissait-il de quelqu'un qui

20 vous escortait pour sortir de la prison ?

21 Témoin V (interprétation). - Je n'ai pas pu voir de qui il

22 s'agissait.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez également parlé de

24 votre visite médicale à Busovaca, au centre médical, et vous nous avez

25 signalé que lors de cette visite, on vous a fait une piqûre et l'on vous a

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1 donné certains médicaments. Est-ce correct ?

2 Témoin V (interprétation). - Oui c’est correct.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Pendant votre séjour à Kaonik;

4 est-ce que vous avez pu prendre les médicaments ?

5 Témoin V (interprétation). - En fait, on me les donnait. Un

6 garde me les donnait en me disant : " Tiens, prends-en un ! "

7 Mais moi je ne savais pas de quoi il s'agissait comme

8 médicament.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur V, lorsque vous êtes

10 revenu de cette première visite chez le médecin à Busovaca, est-ce que

11 vous vous souvenez vers où on vous a transféré ? Etes-vous retourné dans

12 le bâtiment initial d’où vous êtes parti, ou vers un autre bâtiment ?

13 Témoin V (interprétation). - Le même bâtiment.

14 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez signalé que le garde

15 vous a amené devant une table et que vous étiez à environ trois mètres de

16 cette table.

17 Témoin V (interprétation). - A peu près oui.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire la

19 localisation de cette table ?

20 Témoin V (interprétation). - La table était au milieu du hangar.

21 C'est assez difficile pour moi de me souvenir de tous les

22 détails, mais je pense que cette table était environ au milieu du hangar,

23 légèrement de côté peut-être.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Lorsque vous nous dites au

25 milieu du hangar, je pose la question : s'agissait-il du même bâtiment, du

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1 même hangar que celui de votre cellule ?

2 Témoin V (interprétation). - Oui c'est le même hangar.

3 M. Mikulicic (interprétation). - C'était donc le même hangar ?

4 Témoin V (interprétation). - Oui.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce qu'il y avait de

6 l’électricité dans cette salle ?

7 Témoin V (interprétation). - Non.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur V, vous avez signalé

9 qu'un homme était présent à ce moment-là, et vous êtes parti de

10 l'hypothèse qu'il s'agissait du commandant de la prison ?

11 Témoin V (interprétation). - Oui c'est ce que nous disaient les

12 autres. C'est ainsi que tout le monde l’appelait.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Vous vous souvenez de son

14 habillement ?

15 Témoin V (interprétation). - Non je ne m’en souviens pas, je ne

16 me souviens même pas de la façon dont moi j’étais vêtu ce jour-là.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Etait-il en militaire ou en

18 civil ? Vous souvenez-vous des traits de cette personne ?

19 Témoin V (interprétation). - C'était quelqu'un de relativement

20 petit. Je l'ai vu plutôt de dos, je ne l'ai pas vraiment vu de face. Il

21 était ou il semblait pressé et j'avais l'impression qu'il essayait de

22 m'éviter aussi. C'était quelqu'un de pas très grand et sûrement plus jeune

23 que moi.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez

25 cette personne, vous l'aviez déjà vu ?

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1 Témoin V (interprétation). - Non.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez signalé que pendant

3 votre séjour à Busovaca, même si vous n'étiez pas particulièrement actif

4 dans le domaine politique, vous avez pourtant participé à certaines

5 réunions de la structure municipale à Busovaca ?

6 Témoin V (interprétation). - C'est vrai jusqu'en 1990.

7 M. Mikulicic (interprétation). - Ah, je vois, alors avant les

8 élections.

9 Témoin V (interprétation). - Oui.

10 M. Mikulicic (interprétation). - Témoin V, vous avez dit que

11 dans le bâtiment dans lequel vous étiez logé, il y a une équipe de

12 télévision qui est venue un jour ?

13 Témoin V (interprétation). - Ils ont invité tous ceux qui

14 souhaitaient prier à le faire et par la suite aucune personne partageant

15 ma cellule n'a reçu la même offre les jours suivants. En écoutant la

16 télévision, moi j'ai vu que d'après le reportage, on autorisait à tous les

17 prisonniers de prier tous les jours. Je ne peux m'exprimer que pour les

18 cellules dans lesquelles je me suis trouvé, je n'ai pas de vision globale

19 de la situation.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Mais il s'agissait de qui ?

21 C'était qui cette équipe de télévision ? Est-ce qu'il s'agissait

22 d'étrangers ou de Musulmans ?

23 Témoin V (interprétation). - Il ne s'agissait pas de Musulmans,

24 il ne s'agissait pas d'étrangers. Je ne sais pas de qui il s'agissait mais

25 je peux vous dire qu'il ne s'agissait pas de Musulmans parce que ça,

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1 c'était impossible à ce moment-là. Et donc, j'en ai tiré certaines

2 conclusions.

3 M. Mikulicic (interprétation). - Mais vous nous avez dit que

4 plus tard vous avez entendu que ce reportage, filmé à Kaonik, a été

5 diffusé à Busovaca ?

6 Témoin V (interprétation). - C'est ce que m'ont dit les

7 personnes qui étaient restées à Busovaca.

8 M. Mikulicic (interprétation). - De quel programme s'agissait-

9 il, de quelle station télévisée ?

10 Témoin V (interprétation). - Je ne sais pas, moi j'étais au camp

11 à l'époque. Je ne pouvais pas suivre tout cela, j'ai simplement entendu

12 que ce reportage était passé à la télévision.

13 M. Mikulicic (interprétation). - Et ceux qui ont vu ce reportage

14 à la télévision ne vous ont pas dit à quelle chaîne ?

15 Témoin V (interprétation). - Non, nous ne sommes pas rentrés

16 dans le détail, c'est une information que j'ai entendue en passant.

17 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur V, est-ce que vous

18 avez profité de l'offre de prière qui a été faite à l'époque ?

19 Témoin V (interprétation). - Non. A l'époque je ne l'ai pas

20 fait. Mentalement je ne me sentais pas prêt et les conditions de prières

21 doivent être spéciales et quand on manque notamment d'hygiène personnelle,

22 c'est assez gênant.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur V, vous avez parlé de

24 vos tâches au cimetière et ensuite à Kula où vous avez du creuser des

25 tranchées. Est-ce que, à ces occasions, il y a certains membres de votre

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1 groupe qui ont été blessés ?

2 Témoin V (interprétation). - Sauf l'incident au "bleu 11", je

3 n'ai rien vu, non. J'ai vu que lorsque nous sommes rentrés du creusement

4 des tranchées, il y a certaines personnes qui portaient des bandages mais

5 je ne sais pas de quels types de blessures ces personnes souffraient. J'ai

6 entendu dire que certaines personnes avaient été passées à tabac, qu'elles

7 avaient été frappées par des pics notamment.

8 M. Mikulicic (interprétation). - Mais vous n'avez rien vu à

9 titre personnel ?

10 Témoin V (interprétation). - Non.

11 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur V, vous nous avez dit

12 que lorsque vous avez creusé des tranchées à Kula, vous étiez aussi

13 surveillé et vous avez parlé d'un garde qui vous surveillait mais qui

14 avait une attitude relativement humaine ?

15 Témoin V (interprétation). - Oui, par rapport aux autres gardes

16 et d'après ce que j'ai pu entendre de la part des autres, je crois que

17 j'avais de la chance.

18 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous savez s'il

19 s'agissait d'un membre d'une unité militaire ou est-ce qu'il s'agissait

20 d'un des gardes de Kaonik ?

21 Témoin V (interprétation). - Il n'était pas de Kaonik, c'était

22 un membre d'une unité militaire.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur V, pendant votre

24 séjour à Kaonik, est-ce que vous avez été passé à tabac ?

25 Témoin V (interprétation). - Non.

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1 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez signalé que

2 le 8 février vous avez été libéré, que vous avez quitté Kaonik, est-ce

3 correct ?

4 Témoin V (interprétation). - Oui.

5 M. Mikulicic (interprétation). - Et que, par la suite, vous êtes

6 allé à Zenica en empruntant un bus. C'est là qu'était déjà votre famille ?

7 Témoin V (interprétation). - Ma famille se trouvait à

8 trois endroits différents à Zenica.

9 M. Mikulicic (interprétation). - Après être allée à Zenica ?

10 Témoin V (interprétation). - Excusez-moi.

11 M. Mikulicic (interprétation). - Donc, vous avez dit qu'après

12 votre arrivée à Zenica, vous avez vu un médecin. De quoi vous plaigniez-

13 vous à l'époque ?

14 Témoin V (interprétation). - Mêmes problèmes qu'auparavant,

15 saignements et problèmes de malnutrition.

16 M. Mikulicic (interprétation). - Quel est le type de traitement

17 qui vous a été prescrit à l'époque ?

18 Témoin V (interprétation). - Il s'agissait d'un traitement

19 relativement habituel. Le traitement, en fait, n'était pas très différent

20 de celui dont je bénéficiais à Busovaca. Peut-être que l'on m'a donné

21 d'autres types de médicaments, d'autres marques, mais en gros, c'était la

22 même chose.

23 M. Mikulicic (interprétation). - Vous êtes resté combien de

24 jours à Kaonik ?

25 Témoin V (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne peux pas

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1 vraiment répondre à cette question, mais entre 15 et 20 jours.

2 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie.

3 Messieurs les Juges, la défense n'a pas d'autres questions pour ce témoin.

4 M. le Président. - Merci, Maître Mikulicic. Maître Niemann,

5 avez-vous des questions supplémentaires ?

6 M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

7 M. le Président. - Témoin V, j'ai quelques questions à vous

8 poser. Si j'ai bien compris, vous avez parlé qu'à Busovaca, vous avez vu

9 plusieurs soldats avec plusieurs insignes et uniformes militaires. Est-ce

10 que j'ai bien compris ça ?

11 Témoin V (interprétation). - Oui Monsieur le Président. Vous

12 avez compris. Dans le courant de 1992 à Busovaca, cela ressemblait un peu

13 à un défilé de mode d'uniformes et d'insignes. Il y avait les unités HOS,

14 les unités du Conseil croate et c'est ainsi qu'on les appelait en tout

15 cas. Par la suite, nous nous sommes rendus compte qu'il s'agissait de

16 l'armée croate. Il y avait le HVO, les chemises noires, il y avait des

17 groupes de personnes qui passaient, il y avait certains qui portaient des

18 signes "U" ou qui passaient en parade, portaient des armes. Il y avait

19 toujours des gens de ce type qui passaient. Donc, il s'agissait, si vous

20 voulez, d'un processus de militarisation mais sans qu'ils ne blessent qui

21 que ce soit.

22 M. le Président. - Merci. Ma deuxième question est celle-ci :

23 vous avez dit aussi qu'il était normal que des personnes qui étaient au

24 camp de Kaonik aillent creuser des tranchées. Vous avez dit cela ?

25 Témoin V. - Je n'ai pas dit que c'était normal ou anormal, mais

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1 c'est ainsi que cela fonctionnait. C'était clair. Tout le camp était

2 transféré parce qu'il y avait une ligne de front, plusieurs lignes de

3 front et nous, nous avions quinze jours pour renforcer ces lignes de

4 front. Donc, ce n'était pas quelque chose de normal, nous avons dû le

5 faire et nous n'avions qu'une quinzaine de jours.

6 M. le Président - Est-ce que vous avez vu d'autres personnes qui

7 n'étaient pas au camp de Kaonik creuser des tranchées ?

8 Témoin V.-Je ne l'ai pas vu, parce qu'à l'époque, lorsque

9 j'étais au camp, les Musulmans ne pouvaient pas circuler librement, alors

10 moi, je n'ai vu personne sauf peut-être en passant. En passant, j'ai peut-

11 être vu une ou deux personnes âgées, mais à l'époque, les Musulmans

12 n'avaient pas la liberté de circuler. Ils ne pouvaient pas sortir. Et je

13 n'ai pas vu d'autres personnes qui creusaient, sauf les prisonniers.

14 M. le Président. - Savez-vous si d'autres personnes ont creusé

15 des tranchées aussi ?

16 Témoin V. - Je ne sais pas.. Je ne le sais pas. Je pense que

17 pendant la période de notre séjour au camp, il n'y a que des prisonniers à

18 qui l'on a demandé de creuser, mais je ne peux pas vous dire si une unité

19 de travail a été formée aussi dans la ville. Je vous avoue que je ne le

20 sais pas.

21 M. le Président. - Vous avez dit aussi, à propos de votre retour

22 du centre de Busovaca,, qu'il y avait une personne au milieu du hangar.

23 Est-ce vrai ?

24 Témoin V. - Une personne au milieu du hangar : lorsque nous

25 sommes revenus du centre médical, le garde m'a demandé d'attendre,

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1 d'attendre à une distance d'au moins 3 mètres. Et le garde s'est approché

2 d'une personne et lui a donné le document. Moi, je ne les ai pas en

3 entendus, mais vu la gestuelle -je vous la montre-, je me suis dit que

4 c'était une fin de non-recevoir et qu'il fallait que les prisonniers

5 retournent au travail. Enfin, c'est ainsi que j'ai interprété le geste.

6 M. le Président. - Je crois tout de même avoir entendu que vous

7 avez supposé qu'il s'agissait du directeur. Cette personne qui était au

8 milieu du hangar, à votre avis, était le directeur, et notamment parce que

9 les autres disaient...

10 Témoin V. - ... Oui, que c'était le directeur, oui.

11 M. le Président. - Donc, vous avez reconnu ici

12 M. Zlatko Aleksovski. Il s'agissait de la même personne. C'était

13 Zlatko Aleksovski qui était là, ou non ?

14 Témoin V. - Pour autant que je puisse le voir ici, je n'ai pas

15 voulu lui demander de se lever et de retirer ses écouteurs, mais je l'ai

16 reconnu grâce aux traits du visage, grâce aux yeux. Je ne sais pas si j'ai

17 commis une erreur, je ne le crois pas. Je ne voulais pas lui demander de

18 se lever, de se tourner, je ne lui ai pas demandé, je ne l'ai pas regardé

19 droit dans les yeux; mais je pense me souvenir de lui relativement bien.

20 M. le Président. - Donc vous n'êtes pas sûr que cette personne

21 qui était au milieu du hangar était M. Aleksovski ?

22 Témoin V. - Si, je suis sûr, si.

23 M. le Président. - Donc, Témoin V, nous n'avons pas d'autres

24 questions à vous poser. Vous avez fini votre témoignage pénal au Tribunal

25 pénal international et nous vous remercions vivement d'être venu. Nous

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1 vous souhaitons un bon retour à votre pays.

2 Témoin V. - Merci beaucoup.

3 (Le témoin quitte la salle d'audience)

4 M. le Président. - Je crois que le moment est venu de faire une

5 pause avant d'entendre le témoignage du deuxième témoin.

6 Nous allons faire une pause de vingt minutes.

7

8 (L'audience suspendue à 11 heures 55 est reprise à

9 12 heures 20.)

10 M. le Président. – Maître Niemann.

11 M. Niemann (interprétation). - Je voudrais faire venir le

12 prochain témoin, Témoin W.

13 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

14 M. le Président. – Bonjour Monsieur. Vous m'entendez bien ?

15 Pouvez-vous vous lever ? Merci. Vous allez lire la déclaration

16 solennelle que M. l'huissier va vous tendre s'il vous plaît.

17 Vous pouvez lire.

18 Témoin W (interprétation). - Je déclare solennellement que je

19 dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

20 M. le Président. – Vous pouvez vous asseoir.

21 Vous vous sentez bien confortable ?

22 Donc, pour l’instant vous allez répondre aux questions que

23 M. Niemann qui est à ma gauche va vous poser.

24 Maître Niemann, vous avez la parole.

25 M. Niemann (interprétation). - Nous allons prendre des mesures

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1 de protection. Tout d'abord on vous appellera le " témoin W " et les

2 traits de votre visage seront déformés et comme cela vous ne serez pas

3 reconnu.

4 Je voudrais vous demander de regarder le document que l'on va

5 vous montrer. Ne lisez pas à haute voix ce que vous voyez mais dites tout

6 simplement si le nom qui est sur ce document est bien le vôtre.

7 Témoin W (interprétation). - Oui.

8 M. Niemann (interprétation). - Je demande le versement de ce

9 document au dossier sous scellé, s’il vous plaît.

10 Mme le Greffier. - Il s'agit de la pièce 138.

11 M. Niemann (interprétation). – Témoin W, est-ce que vous pouvez

12 nous dire en quelle année vous êtes né ?

13 Témoin W (interprétation). – Directement ? Ceci sera entendu ?

14 M. Niemann (interprétation). – Dites-nous simplement l’année.

15 Pas besoin de donner le jour ni le mois ?

16 Témoin W (interprétation). - 46.

17 M. Niemann (interprétation). - Dans quelle municipalité êtes-

18 vous né ?

19 Témoin W (interprétation). - Je peux le dire, Busovaca.

20 M. Niemann (interprétation). - Quelle a été votre formation ?

21 Témoin W (interprétation). - 8.

22 M. Niemann (interprétation). - Huitième classe ?

23 Témoin W (interprétation). – Oui.

24 M. Niemann (interprétation). - Vous n'avez pas suivi de

25 formation secondaire ?

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1 Témoin W (interprétation). – Non.

2 M. Niemann (interprétation). - Vous avez vécu à Busovaca ?

3 Jusqu'en 1993 ?

4 Témoin W (interprétation). - J'ai vécu à Busovaca à partir

5 de 1980. J'ai été en Allemagne pendant dix ans et trois mois. Quelque

6 chose comme ça.

7 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous avez un service

8 militaire ? Alors que vous viviez dans l'ancienne Yougoslavie ?

9 Témoin W (interprétation). - Oui. J'ai quitté le 22 en 65 et je

10 suis revenu en 67.

11 M. Niemann (interprétation). - Et vous avez fait le service

12 militaire classique ? Traditionnel ?

13 Témoin W (interprétation). - Oui, dans l'armée nationale.

14 M. Niemann (interprétation). - Ce service militaire a duré

15 combien de temps ?

16 Témoin W (interprétation). – 18 mois.

17 M. Niemann (interprétation). – Avez-vous suivi une formation, un

18 entraînement supplémentaire autre que l'entraînement classique ?

19 Témoin W (interprétation). - Non. J'étais cuisinier à l'armée.

20 M. Niemann (interprétation). - Après avoir fini votre service

21 militaire, avez-vous continué à avoir des contacts avec l'armée ?

22 Témoin W (interprétation). - Non. J'étais travailleur.

23 M. Niemann (interprétation). – En 93, est-ce que vous avez des

24 liens avec l'armée ?

25 Témoin W (interprétation). - Vous voulez dire quand j'étais à

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1 Busovaca ? C'est ce que vous dites ?

2 Non je n'avais pas de lien avec l'armée parce que Busovaca était

3 occupée.

4 M. Niemann (interprétation). - Qui occupait Busovaca ?

5 Témoin W (interprétation). - Le HVO, le Conseil de défense de

6 l’HVO.

7 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé en 93, le

8 25 janvier ? Avant le 25 janvier 93, est-ce que vous étiez impliqué d'une

9 façon politique ?

10 Témoin W (interprétation). - Non.

11 M. Niemann (interprétation). - Le travail que vous faisiez

12 de 1980 jusqu'en 91, était-ce un travail civil ?

13 Témoin W (interprétation). - Eh bien, je travaillais dans la

14 aciérie jusqu'en 91, 92. Je ne me souviens pas du mois exact parce que je

15 devais attendre... J'attends toujours en fait.

16 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous dites attendre,

17 qu'est-ce que que cela veut dire ?

18 Témoin W (interprétation). - Cela veut dire que je n'ai pas de

19 travail. Je suis au chômage.

20 M. Niemann (interprétation). - Quelles étaient les relations

21 entre les Musulmans et les Croates à Busovaca avant janvier 93 ?

22 Témoin W (interprétation). – Eh bien en 91, 92 ces relations

23 étaient bonnes et brusquement, l'armée croate s'est assemblée là et les

24 Musulmans n'avaient plus le droit de s’y promener. Ils n'osaient plus le

25 faire, des choses comme ça parce que c'était occupé.

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1 M. Niemann (interprétation). - L'armée croate dont vous parlez,

2 était-ce l'armée croate de Croatie ? Ou était-ce l'armée croate de

3 Bosnie ?

4 Témoin W (interprétation). - Eh bien en ce qui concerne les

5 Croates de Bosnie, il y avait beaucoup de gens d'Herzegovine. Ils

6 n'étaient pas cagoulés alors que les locaux portaient des cagoules.

7 M. Niemann (interprétation). - Et c'est comme cela que vous

8 faisiez la distinction entre ces personnes locales et les personnes qui

9 étaient étrangères ? Etrangères à Busovaca ?

10 Témoin W (interprétation). – Eh bien, ceux qui n'étaient pas

11 cagoulés, je ne pouvais pas les reconnaître et je ne les avais jamais vus.

12 Mais ceux qui sont cagoulés, naturellement que l'on ne peut pas les

13 reconnaître.

14 M. Niemann (interprétation). – Ces personnes qui portaient des

15 cagoules avaient-elles des uniformes ?

16 Pardon, ces personnes qui n'avaient pas de cagoules étaient-

17 elles en uniforme ?

18 Témoin W (interprétation). - Oui. Oui, oui ils portaient des

19 uniformes de camouflage.

20 M. Niemann (interprétation). - Est-ce qu'ils portaient des

21 insignes sur ces uniformes ?

22 Témoin W (interprétation). – Eh bien, je ne sais pas... HVO ça

23 j'ai pu le voir. HV et HVO.

24 M. Niemann (interprétation). - Vous avez vu donc et le HV et le

25 HVO ?

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1 Témoin W (interprétation). – Oui, oui.

2 M. Niemann (interprétation). - Quelle est votre nationalité ?

3 Témoin W (interprétation). - Musulman.

4 M. Niemann (interprétation). - La situation entre les Musulmans

5 et les Croates s’est détériorée à Busovaca vers la fin de 92, début 93.

6 Témoin W (interprétation). - A partir de 92. A partir du début

7 du mois de janvier, ils ont commencé à s'assembler puis il y a eu des

8 barricades. Il y avait très peu de Musulmans, ils commençaient déjà à fuir

9 de là-bas.

10 M. Niemann (interprétation). - Et vous vous souvenez d’incidents

11 particuliers ? Incidents dirigés contre des Musulmans à Busovaca à cette

12 époque ?

13 Témoin W (interprétation). – Je ne peux que vous dire la vérité,

14 ce que j’ai vu de mes propres yeux, lorsque j’étais supposé être en

15 prison.

16 M. Niemann (interprétation). - Quand avez-vous été arrêté

17 en 1993 ?

18 Témoin W (interprétation). - J'ai été arrêté le 25 janvier.

19 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer dans

20 quelles circonstances vous avez été arrêté ce jour-là ?

21 Témoin W (interprétation). - Le 24, j'étais chez moi, j'ai vu

22 par la fenêtre. J'ai vu qu'il y avait un bâtiment avec des fenêtres et

23 qu'il y avait des fusils qui sortaient de ces fenêtres et j'avais peur.

24 J'ai réalisé qu'il s'agissait de tireurs isolés, j'ai eu peur de rester

25 chez moi avec ma femme. Donc, je me suis retiré à Kadica Strana où il y

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1 avait beaucoup de personnes, beaucoup de femmes. Il y a eu une sirène le

2 matin. C'était une alerte, à mon avis, puis à ce moment-là, il y a eu

3 beaucoup de coups de feu qui étaient tirés à partir de la colline. Au-

4 dessus de chez nous, j'ai vu qu'il y avait des maisons qui étaient en

5 flamme. Nous avons jeté des nappes blanches, des draps blancs pour faire

6 comme si nous voulions nous rendre. Il y avait beaucoup d'explosions ! Un

7 collègue a quitté la maison, il a fait quelque pas et il a été blessé.

8 Nous n'avons pas pu nous approcher de lui pour l'aider. Nous lui avons

9 envoyé une corde, comme cela, il a pu s'attacher à cette corde et on a pu

10 le tirer jusqu'à la porte. Là, on a pu lui donner les premiers soins.

11 Ensuite, il y a eu des ordres qui sont venus d'ailleurs, du centre

12 de Tarsia* et nous devions suivre les femmes et les enfants et nous

13 devions regarder droit devant nous. Nos mains ont été attachées. Nous

14 sommes partis en direction de la ville, du centre-ville et sur le pont

15 j'ai vu un homme qui s'appelait, enfin que j'appelais Carsija, je ne sais

16 pas son vrai nom, il était mort, sur le pont ! Sur la route qui menait

17 vers le centre-ville donc. Et puis, nous nous sommes approchés et un homme

18 en uniforme du HVO hurlait, il a dit : "Tous ces hommes devraient être

19 tués " et ils ont commencé à tirer mais au-dessus de nos têtes. Et puis

20 ensuite, ils ont dit que l'on devait être séparé des femmes et des

21 enfants. C'est ce qui s'est passé, et puis un car est venu et nous a

22 emmenés au camp.

23 M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit que vous avez vu

24 des tireurs isolés. Vous savez de quelle armée, de quelle organisation

25 faisaient partie ces tireurs isolés ?

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1 Témoin W (interprétation). - Eh bien, j'imagine qu'il s'agissait

2 des membres du HVO, car beaucoup de Musulmans étaient partis. C'est ce que

3 je pense.

4 M. Niemann (interprétation). - Et ces personnes qui tiraient sur

5 la maison dans laquelle vous vous étiez réfugiés, vous saviez à quelle

6 organisation elles appartenaient, avec laquelle elles avaient des liens ?

7 Témoin W (interprétation). - Je pense qu'il s'agissait de

8 l'armée du HVO.

9 M. Niemann (interprétation). - Qui a donné ces ordres pour que

10 vous vous rendiez dans le centre-ville ? Qui était responsable ? Qui a

11 donné ces ordres ?

12 Témoin W (interprétation). - Excusez-moi. Les ordres venaient de

13 la ville de Tarsia, du HVO. La ville était remplie par les gens du HVO. Je

14 suis sûr que c'étaient eux qui ont ordonné ceci. Il n'y avait pas d'autre

15 armée sauf le HVO.

16 M. Niemann (interprétation). - Vous avez été emmené avec un bus.

17 Vous avez été emmené à Kaonik. Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivé

18 à Kaonik ?

19 Témoin W (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés

20 à Kaonik, ils nous ont mis dans un hangar. C'était l'endroit où était

21 l'armée de l'ancienne Yougoslavie. C'était un hangar vide et on nous a dit

22 de nous placer contre le mur. Nous devions faire face aux murs et on

23 devait mettre les mains sur le mur. J'ai très bien compris ces ordres.

24 Zlatko a ordonné que quatre fusils devaient être armés. Un garde est venu,

25 il nous a fouillés l'un après l'autre. Et j'ai vu un de mes voisins. Il

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1 avait tellement peur qu'il s'est écroulé ! Il était à ma gauche. Il a

2 peut-être cru qu'ils allaient tirer. Il est tombé, il s'est écroulé. Quand

3 ceci fut fini, nous avons tourné la tête et nous nous sommes retournés

4 vers eux, donc on leur faisait face. Ensuite, on a dû déposer tout ce que

5 l'on avait à l'endroit : des cigarettes, des briquets, etc, tout ce que

6 l'on avait. Ensuite, je crois que c'était à ma gauche, ils ont mis les

7 gens qui souffraient de diabète, les gens devaient dire qu'ils avaient le

8 diabète et ces personnes ont été renvoyées chez elles. Moi, j'avais des

9 problèmes de thrombose dans ma jambe gauche, j'ai toujours ces problèmes-

10 là, mais je suis resté. J'ai passé la nuit là-bas. J'ai dormi sur une

11 paillasse avec un collègue et nous devions partager une couverture. Il n'y

12 avait pas de lumière, il n'y avait que des bougies. Nous avons eu une

13 soupe, une espèce de thé.

14 M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit tout à l'heure

15 que Zlatko a ordonné que ces quatre fusils soient armés. A qui faites-vous

16 référence lorsque vous parlez de Zlatko ?

17 Témoin W (interprétation). - Je fais référence au commandant du

18 camp.

19 M. Niemann (interprétation). - Vous le connaissiez avant

20 d'arriver au camp ?

21 Témoin W (interprétation). - Non.

22 M. Niemann (interprétation). - Comment avez-vous su qu'il était

23 le commandant du camp ?

24 Témoin W (interprétation). - Je l'ai su quand j'ai été emmené du

25 hangar à la cellule, quand j'ai été voir le médecin.

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1 M. Niemann (interprétation). - On y reviendra tout à l'heure.

2 Vous avez dit que les gens qui avaient le diabète était séparés. Avez-vous

3 parlé de votre santé lorsqu'on a demandé aux gens ce qu'il en était de

4 leur santé ?

5 Témoin W (interprétation). - Oui.

6 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous dit ?

7 Témoin W (interprétation). - "J'ai des problèmes de thrombose,

8 j'ai mal à la jambe, puis-je rentrer chez moi" ? Ils m'ont dit : "Non, tu

9 ne peux pas rentrer chez toi".

10 M. Niemann (interprétation). - A qui avez-vous dit cela ?

11 Témoin W (interprétation). - A un garde que je ne connais pas.

12 M. Niemann (interprétation). - Combien de temps avez-vous passé

13 dans ce hangar ?

14 Témoin W (interprétation). - Deux jours. Je ne pouvais plus le

15 supporter car ma jambe faisait horriblement mal, elle avait gonflé à cause

16 du froid. Mes jambes tremblaient et je tremblais et je voulais aller voir

17 un médecin.

18 M. Niemann (interprétation). - Vous avez été voir un médecin.

19 Comment cela s’est-il passé ?

20 Témoin W (interprétation). - Je l'ai dit aux gardes et ils ont

21 écrit que je pouvais aller voir un médecin.

22 M. Niemann (interprétation). - Vous avez reconnu un des gardes ?

23 Témoin W (interprétation). - Oui, son nom est Igor et son surnom

24 est Keba. Je ne connais pas son nom de famille mais tout le monde

25 l'appelait Keba..

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1 M. Niemann (interprétation). - Vous lui avez parlé de votre

2 jambe ?

3 Témoin W (interprétation). - Il était au courant de mes

4 problèmes de jambes. J'ai déjà eu ce genre de problème. Donc, j'avais des

5 béquilles et il savait que j'avais ce problème. Je ne veux rien dire

6 contre lui car il a été bon avec moi. Il m'a aidé pour aller au centre

7 médical à Busovaca. Et j'y suis allé, mais les médecins là-bas, je ne les

8 connaissais pas. Je n'ai pas reconnu un des médecins mais ils m'ont reçu.

9 Ils m'ont donné des médicaments, etc., et le médecin femme m'a donné un

10 document, afin que je puisse suivre une thérapie chez moi, afin que je ne

11 retourne pas dans la cellule, car elle avait examiné ma jambe.

12 Mais lorsque je suis revenu, une personne qui m'appelait Marko,

13 m'a conduit, et puis je suis arrivé au hangar. Près du hangar, il y avait

14 un bureau, le bureau de Zlatko. Et j'ai dit... je lui ai dit : "On m'a dit

15 de suivre une thérapie chez moi". Il a dit : "Ramenez-le dans la

16 cellule 12, c'est plus chaud là-bas, il ne peut pas rentrer chez lui".

17 C'est donc là que je suis resté.

18 M. Niemann (interprétation). - Zlatko ?

19 Témoin W. - Zlatko, oui. C'est là que je l'ai rencontré.

20 M. Niemann (interprétation). - Vous l'avez vu à d'autres

21 occasions, Zlatko ? Vous l'avez vu à d'autres occasions, Zlatko, dans le

22 camp, de temps en temps ?

23 Témoin W. - Oui, je l'ai vu quand il passait dans le couloir.

24 M. Niemann (interprétation). - Vous voyiez que des gens lui

25 adressaient la parole en tant que commandant du camp ?

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1 Témoin W. - Non, car les cellules étaient fermées. Seulement

2 quand on allait aux toilettes.

3 M. Niemann (interprétation). - Vous pensez que vous seriez

4 capable de le reconnaître, si vous le revoyez maintenant ?

5 Témoin W. - Vous voulez dire maintenant ?... Oui, je pense que

6 je pourrais le reconnaître tout de suite, j'en suis sûr.

7 M. Niemann (interprétation). - Regardez autour de vous dans le

8 prétoire. Est-ce que vous reconnaissez la personne à laquelle vous avez

9 parlé. Regardez autour de vous et indiquez-le avec le doigt. Regardez

10 autour de vous dans le prétoire.

11 Témoin W. - Oui, d'accord. Je vais commencer à partir d'ici...

12 Faut-il que je me lève ?

13 (Le témoin se lève, puis se rassied)

14 Il est là, à côté du policier. Il est assis de ce côté-ci, à la

15 droite du policier. Si cela ne suffit pas, je peux l'indiquer avec mon

16 doigt.

17 M. Niemann (interprétation). - Oui, faites-le pour plus de

18 clarté.

19 (Le témoin montre du doigt l'accusé)

20 Témoin W. - C'est la personne là-bas.

21 M. Niemann (interprétation). - Ce document que le médecin vous a

22 donné, vous l'avez lu ?

23 Témoin W. - Non, je ne l'ai pas lu. Je voyais mal et sans

24 lunettes, je ne peux pas lire.

25 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous avez donné ce

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1 document à M. Aleksovski, vous pensez qu'il l'a lu, d'après ce que vous

2 savez, naturellement ?

3 Témoin W. - Il a juste jeté un coup d'oeil et puis il a ordonné

4 aux gardes de m'emmener dans la cellule n° 12.

5 M. Niemann (interprétation). - Et qu'est-il advenu de cette

6 feuille de papier ? Vous l'a-t-il rendue ou l'a-t-il emmenée avec lui ?

7 Que s'est il passé ensuite ?

8 Témoin W. - Cela, cela s'est passé dans la cellule. Un peu plus

9 tard, j'ai été emmené à Kula pour y creuser des tranchées.

10 Il y avait un véhicule -on appelle cela un RAB- et nous avons

11 été tout un groupe à monter dans ce véhicule. Ce RAB ne cessait de faire

12 des allers et venues, en emmenant ou en ramenant des personnes.

13 Il y avait du gravier dans ce véhicule. On nous a emmenés en

14 direction de Kula, et alors que nous suivions la route qui y mène, le

15 chauffeur conduisait très vite, peut-être 100 Km/heure et il faisait des

16 arrêts très brusques, il freinait brutalement. Bien sûr, à ces moments-là,

17 nous nous rentrions les uns dans les autres, nous tombions, nous roulions

18 sur le plancher du véhicule, et à force de recevoir tous ces coups et de

19 tomber sur le gravier, nous étions tous sanguinolants, couverts de bleus

20 et c'est dans cet état-là que nous sommes arrivés sur place pour y creuser

21 des tranchées.

22 M. Niemann (interprétation). - Qui vous a appelés ? Qui vous a

23 dit dit d'aller creuser des tranchées ?

24 Témoin W. - Les gardes. Les gardes nous ont appelés.

25 M. Niemann (interprétation). - Combien de personnes ont été

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1 appelées pour aller creuser des tranchées ?

2 Témoin W. - C'est un peu difficile à dire... Une centaine, 200

3 peut-être même. Tout dépendait des besoins.

4 M. Niemann (interprétation). - Je crois que vous parlez du

5 nombre total de personnes qui ont été emmenées pour creuser des tranchées

6 de façon générale, mais combien de personnes ont été emmenées avec vous

7 dans ce véhicule ? Vous en avez une idée ?

8 Témoin W. - Je ne peux m'en souvenir. Vous savez le véhicule

9 était bondé. Peut-être qu'il y avait 100 personnes dans le couloir, et ces

10 personnes ont été réparties en deux ou trois groupes différents.

11 M. Niemann (interprétation). - Est-ce qu'on vous a expliqué ce

12 qui allait se passer ? Est-ce que l'on vous a expliqué où l'on vous

13 emmenait, ce que vous alliez y faire ?

14 Témoin W. - Absolument rien. On ne nous a rien dit.

15 M. Niemann (interprétation). - Les personnes qui vous ont

16 accompagnés, escortés, étaient-elles armées ?

17 Témoin W. - Oui, elles portaient des fusils.

18 M. Niemann (interprétation). - Et d'après vous, si vous essayiez

19 de vous enfuir, qu'allait-il se passer ?

20 Témoin W. - On nous a prévenus d'entrée de jeu. On nous a dit

21 que si nous essayions de nous enfuir, on nous abattrait.

22 M. Niemann (interprétation). - Vous dites que l'on vous a

23 emmenés à Kula. Que s'est-il passé lorsque vous y êtes arrivés ?

24 Témoin W. - Une fois arrivés sur place, on nous a montré combien

25 de tranchées nous devions creuser, combien d'abris souterrains nous

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1 devions creuser.

2 M. Niemann (interprétation). - Dans quel secteur travailliez-

3 vous par rapport à la position des lignes de front ?

4 Témoin W. - Eh bien, c'était à Kula, je travaillais à Kula, près

5 du village Solokovici. C'était dans ce secteur-là. C'était là que se

6 trouvait la ligne de défense du HVO. J'ai passé deux ou trois jours sur

7 place à creuser. Et j'ai pu observer que l'on obligeait les nôtres à

8 enlever leur manteau, leur veste de cuir, qu'on les obligeait à retirer

9 leurs bijoux, leurs bagues. J'ai remarqué que les nôtres étaient passés à

10 tabac. Mais c'était un peu en contrebas de l'endroit où je me trouvais.

11 Moi, j'étais plus en avant de la ligne de front, et là, il n'y avait pas

12 de passage à tabac.

13 M. Niemann (interprétation). - Etiez-vous proches des lignes de

14 l'armée de Bosnie Herzégovine ? A quelle distance vous en trouviez-vous ?

15 Témoin W. - C’est difficile à dire... Mais qu'entendez-vous par

16 là, exactement ? Quelle était la distance qui séparait les deux

17 lignes ?... Cela, je ne sais pas vraiment, je ne m'en souviens pas.

18 M. Niemann (interprétation). - Pouviez-vous distinguer les

19 lignes de l'armée de la Bosnie-Herzégovine de l'endroit où vous creusiez

20 les tranchées ?

21 Témoin W. - Non, il y avait une forêt, donc c'était difficile de

22 distinguer ce genre de choses.

23 M. Niemann (interprétation). - Etiez-vous surveillés pendant

24 toute la période où vous avez creusé des tranchées ?

25 Témoin W. - Oui. Les gardes se tenaient à un ou deux mètres de

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1 nous.

2 M. Niemann (interprétation). - Et ces gardes, est-ce qu'ils

3 s'abritaient ? Est-ce qu'ils étaient sous abri, alors que vous, vous

4 creusiez des tranchées, ou bien est-ce qu'ils se tenaient là, debout, à

5 proximité de l'endroit où vous étiez ?

6 Témoin W. - Ils se tenaient près de nous. Parfois, ils

7 s'abritaient derrière un arbre ou quelque chose de ce genre.

8 M. Niemann (interprétation). - Vous avez creusé ces tranchées

9 pendant la journée ou au cours de la nuit ?

10 Témoin W. - J'ai creusé des tranchées à la fois pendant la

11 journée et à la fois pendant la nuit. Parfois nous creusions jusque très

12 tard dans la nuit, jusqu'à 20 heures ou 21 heures. Il faisait déjà très

13 sombre à cette heure-là. Nous étions en hiver, rappelez-vous.

14 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vos jambes vous

15 faisaient mal ? Est-ce qu'elles vous faisaient souffrir pendant que vous

16 creusiez des tranchées ?

17 Témoin W (interprétation). - Oui et à ce jour encore j'en

18 souffre beaucoup.

19 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que l'on vous autorisait à

20 prendre des pauses lorsque vous en ressentiez le besoin ?

21 Témoin W (interprétation). - Pendant que je creusais des

22 tranchées, non il n'y avait pas de pause. Il fallait creuser, creuser

23 jusqu'à ce que tout soit terminé.

24 M. Niemann (interprétation). - Et vous creusiez pendant combien

25 d'heures d'affilée ? Est-ce que vous avez une idée ?

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1 Témoin W (interprétation). - Cinq ou six heures d'affilée, après

2 quoi on pouvait se reposer un petit peu. Les hommes qui se tenaient-là

3 disaient : "Creusez, sinon gare à vous !" Et là, c'était clair, il fallait

4 creuser.

5 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous avez reçu de la

6 nourriture ? Est-ce que vous avez pu boire pendant toute cette période de

7 temps ?

8 Témoin W (interprétation). - Oui. Ils nous ont apporté de quoi

9 boire et de quoi manger. Nous recevions une conserve de poisson pour deux.

10 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous avez creusé des

11 tranchées en cette seule occasion ou bien il y eut d'autre fois où vous

12 avez creusé des tranchées ?

13 Témoin W (interprétation). - J'ai passé trois jours à Kula et

14 par la suite je n'y suis jamais retourné. J'ai remarqué que certaines

15 personnes étaient passées à tabac et moi j'avais très peur. J'ai également

16 remarqué que ces personnes étaient couvertes d'hématomes, qu'elles

17 saignaient. J'ai dit : "Mais enfin, qu'est-ce qui se passe "? Et ils m'ont

18 répondu qu'ils étaient passés à tabac. Et moi j'ai fait comme si ma jambe

19 me faisait plus mal encore que cela n'était le cas, et j'ai feint une

20 grande douleur tous simplement pour essayer d'échapper à cela.

21 M. Niemann (interprétation). - Vous avez été emmené à Kula pour

22 y creuser des tranchées. Est-ce que vous avez été emmené en d'autres

23 endroits pour y accomplir ce genre de travaux ?

24 Témoin W (interprétation). - Oui, mais je n'avais pas de montre

25 et donc c'était difficile pour moi de garder une idée précise des dates,

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1 des heures. Je ne sais pas, ils nous ont amenés également à un café qui

2 s'appelait le " 11 bleu" et ils nous y ont amenés à bord de ce même

3 véhicule RAB dont j'ai parlé tout à l'heure et qui nous avait emmené

4 à Kula. L'ordre a été donné, ordre selon lequel toutes personnes qui

5 essayaient de regarder ce qui se passait à l'extérieur du camion aurait la

6 tête tranchée. Il y avait un véhicule devant le RAB et un véhicule

7 derrière. A ce moment-là, je me rappelle que je parlais à une personne qui

8 était à côté de moi et nous nous sommes dits : "eh bien, disons-nous au

9 revoir maintenant", parce que tous les deux, nous pensions que nous

10 allions être tués. Lorsque nous sommes arrivés à ce restaurant, un

11 restaurant que je ne connaissais pas jusqu'alors, ils nous ont injuriés.

12 Ils ont dit : "Nous enculons vos balja de mères, vous allez voir

13 maintenant qui nous sommes". Nous, nous n'avons rien dit, nous sommes

14 restés silencieux. Nous restions assis dans ce véhicule RAB et puis un

15 ordre a été donné : "Sortez de là immédiatement !" Nous sommes descendus

16 tout de suite. Nous avions les mains en l'air. Ils ont dit : "Maintenant

17 croisez les doigts et gardez les mains en l'air !" Moi, j'avais un chapeau

18 sur la tête et les soldats ont formé une haie. Il y avait une rangée sur

19 la droite, une rangée sur la gauche, je ne sais pas ce qu'ils avaient à la

20 main mais certains portaient des matraques et d'autres des barres de fer.

21 Au moment où j'ai commencé à traverser cette haie, j'ai commencé à

22 recevoir des coups sur la tête. Nous sommes entrés dans le restaurant et

23 sur la droite derrière le comptoir, j'ai vu des hommes en uniforme de

24 camouflage, des hommes qui étaient cagoulés également et qui portaient des

25 coûteux aiguisés. Nous sommes passés à côté d'eux et de l'autre côté il y

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1 avait des bancs sur lesquels nous nous sommes assis. Nous gardions

2 toujours la tête penchée et ils ont dit : "Et bien voyons, qui va y passer

3 le premier, à qui allons-nous trancher la gorge en premier ?" Et moi,

4 j'avais l'impression que mes os fondaient sous le coup de la terreur. Nous

5 sommes restés silencieux et j'ai fini par reconnaître Ivo Popovic que l'on

6 surnommait "Isu". Il portait lui aussi un chapeau. Il est venu vers moi et

7 il a dit : "Que Dieu soit avec toi !" Et puis, nous n'avons plus rien dit.

8 Il a continué à parler, il a dit :"Bonsoir", nous n'avons rien dit, il a

9 dit : "Salam Aleikoum", nous n'avons rien répondu. Nous ne savions plus à

10 quoi nous attendre. Et ensuite il a ajouté : "Ces bancs ne sont pas pour

11 vous, ce n'est pas là que vous devez vous asseoir. Vous, c'est par terre

12 que vous allez vous asseoir". Mais moi je ne savais pas quoi faire. Il a

13 continué à nous adresser la parole et je lui ai dit : "Ivo, est-ce que tu

14 me permets d'allumer une cigarette ?" Ensuite il a ajouté : "Pourquoi ne

15 pas allumer une bougie, une bougie pour la Sainte Mère ? Ce serait la

16 dernière". Et pendant ce temps-là, il y avait un homme près du comptoir

17 qui aiguisait son couteau. Et il a dit : "Eh bien voyons, à qui allons-

18 nous trancher la gorge en premier ? Qui allons-nous tuer le premier ?"

19 Moi, je fumais la cigarette, je l'ai brûlée en deux ou trois longues

20 bouffées. Et il a ajouté : "Eh bien, nous n'avons qu'à faire une

21 serpillière de son estomac pour essuyer le sol ". Vous souhaitez que je

22 poursuivre ?

23 M. Niemann (interprétation). - Poursuivez, mais peut-être

24 pourriez-vous ralentir un tant soit peu votre rythme pour que les

25 interprètes vous suivent. Que s'est-il passé ?

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1 Témoin W (interprétation). - Ah oui, pardon, bien sûr, je vais

2 ralentir. Donc, nous sommes restés assis. Et lui continuait à parler. Il

3 s'adressait également à un de ses camarades et il a dit : "Vous savez, je

4 suis supposé vous couper la gorge. Peut-être que je devrais faire ceci ou

5 cela ". Ensuite la bougie que nous avions allumée était sur le point de

6 s'éteindre et il a dit à ce moment-là : "Eh bien, allumons cette autre

7 bougie à la Sainte Mère ". C'est ce qu'ils ont fait et nous avons attendu

8 pour voir ce qui se passait et l'un d'entre eux a déclaré : "Eh bien, nous

9 allons commencer par briser leurs genoux d'un coup de rafale et ensuite

10 nous leurs trancherons la gorge ". Donc, ça a continué comme cela.

11 Je ne sais pas si quelqu'un avait encore une montre, je ne crois

12 pas parce qu'elles avaient été toutes confisquées. Ensuite, un bus est

13 arrivé et j'ai entendu dire que les personnes âgées de Ocenici, un

14 village, étaient arrivées. Et lui a continué, il a dit : "J'encule vos

15 blaja de mères, tu n'as qu'à avaler ce calendrier ". C'est Ibrahim Nuhagic

16 dont je parle. Nous nous sommes tous retrouvés dehors, une fois que nous

17 sommes sortis du restaurant, et un bus est venu nous chercher. Nous sommes

18 montés dans le bus un par un. Nous tenions toujours la tête penchée. On ne

19 pouvait pas regarder ni vers la gauche ni vers la droite et Fehim Mujkic

20 était en train de monter dans le bus. Son surnom était "Borovo". Il était

21 propriétaire d'une boutique de chaussure, une boutique "Bata" et on

22 l'appelait "Borovo" parce qu'en fait c'est un nom qui veut dire magasin de

23 chaussures. Il avait un employé dans cette boutique et c'est cet employé

24 que j'ai remarqué du coin de l'oeil parce qu'en fait, je ne pouvais pas

25 vraiment regarder ce qui se passait. Quelqu'un l'a arrêté et j'ai vu

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1 ensuite comment ils le passaient à tabac, le frappaient avec des crosses

2 de fusils, avec leurs pieds.

3 Je l'ai vu se relever et j'ai dit : "Comment tu as pu te relever

4 aussi vite ". Il a dit : "Mais il fallait bien que je me relève, parce que

5 si j'étais resté au sol trop longtemps, ils auraient continué à me

6 tabasser". Ils l'ont effectivement passé à tabac pendant assez longtemps

7 alors que les bus étaient garés là, et par la suite, lorsqu'il a enfin

8 réussi à monter dans le bus, j'ai vu qu'il était couvert de sang, qu'il

9 gémissait. A l'arrière du bus, il y avait un individu en uniforme de

10 camouflage, il portait un fusil et une cagoule avec des ouvertures pour

11 les yeux. Je m'en souviens bien, il portait un M 48. Je l'ai vu au moment

12 où il montait dans le bus et où il passait à côté du conducteur. Et puis,

13 il y avait un de mes voisins, Hamdija Lusija, qui était là, et cet

14 individu dont j'ai parlé a parlé Hamdija à la tête. Moi, j'ai cru que

15 Hamdija allait perdre connaissance. Et après, l'individu lui a dit : "Mais

16 où est Osman, ton frère ? Parce que je vais le trouver". Hamdija a

17 répondu : "Je ne sais pas". Et l'homme a dit : "Mais si, tu sais où il

18 est". Hamdija a dit : "Je ne sais pas". L'autre a dit : "Ne me parle pas"

19 et Hamdija s'est tu.

20 Puis nous avons fini par atteindre le bâtiment du MUP à Busovaca

21 et l'un a dit : "Mais qu'est-ce que nous allons faire de ces cochons-là ?"

22 C'est ce que j'ai entendu. Ils ont dit : "Emmenez-les à Kaonik". On nous a

23 emmenés à Kaonik, on nous a placés dans les cellules. Lorsque nous sommes

24 arrivés là-bas, il devait être 12 heures ou une heure du matin, ils ont

25 continué à nous passer à tabac jusqu'à 5 heures du matin, et je me

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1 rappelle très bien que Senad Lusija a été appelé. Il a immédiatement

2 commencé à hurler. Et puis d'autres encore ont été appelés. Et les

3 passages à tabac se sont prolongés de minuit à 5 heures du matin environ.

4 Tous ces hommes qui étaient passés à tabac étaient couverts de sang. Je ne

5 me rappelle plus très bien, et je n'en pouvais plus, j'étais bouleversé.

6 J'avais quatre boîtes de médicaments sur moi et je me suis dit : "Je vais

7 les avaler toutes d'un coup, parce que je n'en peux plus ". Et un de mes

8 collègues, Nasic Kermo, a dit : "Tu survivras à tout cela. Ne fais pas

9 cela ". J'ai écouté ce qu'il me disait et j'ai décidé de ne pas avaler

10 tous ces médicaments. Je suis sorti dans le couloir pour me rendre aux

11 toilettes, et là, j'ai trouvé Ivo Kevro, le garde, Ivo Kevro, et je lui ai

12 dit : "Mais Kevro, qu'est-ce qui se passe ?" Je ne veux pas citer de

13 noms.On m'a dit de ne pas citer de noms, mais lui m'a dit : "Tous ces

14 types-là sont des tireurs de Busovaca et c'est pour cela qu'on les passe à

15 tabac". Moi, je me disais : "Mais enfin, de quels tireurs isolés parle-t-

16 il ?", il n'y avait pas un seul soldat de l'armée à Busovaca. Il ne

17 pouvait pas y avoir de tueurs là-bas... de tireurs, pardon.

18 Puis-je prendre une pause. Excusez-moi, mais j'ai besoin de me

19 reposer, de me détendre, si cela est possible ?

20 M. Niemann (interprétation). - Je vous en prie, Monsieur, prenez

21 une gorgée d'eau, détendez-vous, si cela peut vous aider.

22 Témoin W. - Je vous remercie. J'ai un petit peu mal au crâne.

23 M. Niemann (interprétation). - Peut-être que brièvement, nous

24 pouvons en terminer de votre récit.

25 Monsieur le Juge, je ne sais pas ce que vous en pensez...

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1 Monsieur, est-ce que par la suite, vous avez été libéré du camp

2 de Kaonik ?

3 Témoin W. - Oui, j'ai été libéré, oui.

4 M. Niemann (interprétation). - Quand avez-vous été libéré ?

5 Témoin W. - J'ai été libéré le 8 février, autant que je m'en

6 souvienne correctement. A ce moment-là, la Croix-Rouge est arrivée.

7 Certains sont partis pour Zenica, d'autres sont partis pour Kacuni.

8 Moi, je parlais avec mes voisins. Ils m'on dit : "Toi, tu

9 rentres chez toi ?" et moi, j'ai dit : "Oui, je rentre chez moi". Parce

10 que toutes ces horreurs étaient terminées, j'avais envie de rentrer chez

11 moi, je n'avais pas envie de devenir un réfugié, et quand je suis monté

12 dans le bus, j'ai vu qu'il n'y en avait pas beaucoup des nôtres qui se

13 trouvaient déjà à bord, et je suis rentré chez moi.

14 J'étais crasseux, cela faisait déjà un moment que je n'avais pas

15 pu me raser, j'avais l'air vraiment de rien du tout. Je voulais me

16 baigner, me laver, et ma femme a dit : "Mais regarde-moi cela, regarde-moi

17 tous ces problèmes ". Mais quels problèmes ? et elle a dit : "Mais il faut

18 que nous partions ". J'ai dit : "Mais qu'est-ce que tu entends par là ?".

19 Elle a répondu : "Il y a des gens qui viennent tout le temps, qui nous

20 disent de partir ". Elle m'a expliqué que, pendant que je me trouvais dans

21 le camp, trois hommes étaient venus chez moi. Ils ont emmené ma femme dans

22 le grenier. Il y avait deux pièces à l'étage, il y avait une espèce de

23 petite cuisine également, c'était le grenier de ma maison si vous voulez,

24 c'était vide...

25 M. Niemann (interprétation). - Vous n'avez pas besoin d'entrer

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1 dans les détails, poursuivez votre récit.

2 Témoin W. - Très bien.

3 M. Niemann (interprétation). - Donc, vous avez fini par quitter

4 Busovaca ?

5 Témoin W. - Eh bien, oui.

6 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

7 n'ai plus de questions à poser au témoin.

8 M. le Président. - Nous allons faire une pause pour que le

9 témoin puisse se reposer un peu, avant de commencer un éventuel contre-

10 interrogatoire.

11 Je pense qu'une pause de quinze minutes sera suffisante, car il

12 nous reste une heure de travail et peut-être que nous pourrons terminer la

13 déposition de ce témoin aujourd'hui.

14 Témoin W. - Je ne sais pas s'il va se passer quoi que ce soit

15 demain.

16 M. le Président. - Nous ne savons pas non plus. Nous ne pouvons

17 pas vous dire, Monsieur, mais de toute façon, nous allons essayer de faire

18 en sorte que vous ne reveniez pas demain. C'est pourquoi je disais que si

19 nous prenions une pause de quinze minutes, comme il nous reste une heure

20 de travail, peut-être que nous pourrons terminer votre témoignage

21 aujourd'hui. Mais je ne peux pas vous l'assurer.

22 Nous prenons un quart d'heure de pause.

23 Témoin W. - D'accord, merci.

24

25 (L'audience suspendue à 13 heures 15 est reprise à

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1 16 heures 35.)

2 M. le Président. – Maître Mikulicic… Ah non, excusez-moi.

3 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

4 M. le Président. – Etes-vous disponible pour continuer ? Vous

5 vous sentez bien ?

6 Témoin W (interprétation). - Oui.

7 M. le Président. – Vous allez répondre maintenant aux questions

8 que Me Joka va vous poser.

9 M. Joka (interprétation). - Bonjour.

10 Témoin W (interprétation). – Bonjour.

11 M. Joka (interprétation). - Je vais vous poser un certain nombre

12 de questions concernant le témoignage que vous avez présenté aujourd'hui,

13 et je proposerai de suivre le même ordre que le vôtre au moment de votre

14 présentation.

15 Témoin W (interprétation). – D’accord.

16 M. Joka (interprétation). - Après avoir fait votre service

17 militaire à la JNA, dites-moi, est-ce que vous avez fait partie des

18 militaires à Busovaca ?

19 Témoin W (interprétation). – Non. Lorsque je suis rentré de

20 la JNA, je me suis rendu en Allemagne en 1970 et j'y suis resté

21 jusqu'en 1982. J'étais employé temporaire en Allemagne.

22 M. Joka (interprétation). – Et lorsque vous êtes rentré ?

23 Témoin W (interprétation). – Lorsque je suis rentré, en fait je

24 suis rentré le 14 mars 1984, j'ai pris un emploi à l'aciérie.

25 M. Joka (interprétation). - Une action militaire dans

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1 l'aciérie ?

2 Témoin W (interprétation). - Non.

3 M. Joka (interprétation). - Aviez-vous une tâche militaire ?

4 Témoin W (interprétation). – Non.

5 M. Joka (interprétation). - Aviez-vous une tâche civile ?

6 Témoin W (interprétation). – Non.

7 M. Joka (interprétation). – Aviez-vous une tâche de travail

8 précise ?

9 Témoin W (interprétation). – Non. J'étais ouvrier.

10 M. Joka (interprétation). - D'accord. Venons-en maintenant à

11 votre témoignage.

12 Témoin W (interprétation). – D’accord.

13 M. Joka (interprétation). – Vous avez dit qu’à Busovaca, à

14 certains moments, on pouvait également voir d'autres armées. Donc, il y

15 avait des gens du HVO mais également des personnes de Herzégovine.

16 Témoin W (interprétation). – Oui.

17 M. Joka (interprétation). - Comment pouvez-vous l'affirmer ?

18 Témoin W (interprétation). - Je ne connaissais pas ces

19 personnes.

20 M. Joka (interprétation). – Vous ne les connaissez pas ?

21 Témoin W (interprétation). – C’est exact.

22 M. Joka (interprétation). – Alors, est-ce qu'il aurait pu s'agir

23 de Slovènes ? Vous ne connaissiez pas non plus les Slovènes ?

24 Témoin W (interprétation). - Non je ne les connaissais pas.

25 M. Joka (interprétation). - Vous pouvez nous dire où se trouve

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1 l’Herzegovine ? Est-ce en Bosnie ou ailleurs ?

2 Témoin W (interprétation). – En fait, il y a un lien avec la

3 Bosnie, la Bosnie-Herzégovine était reliée. Parce qu’on dit bien Bosnie-

4 Herzégovine.

5 M. Joka (interprétation). - Je voudrais passer maintenant au

6 24 janvier 1993, lorsque vous avez été emprisonné.

7 Témoin W (interprétation). – Oui.

8 M. Joka (interprétation). - Vous avez dit que la veille, vous

9 aviez regardé les fenêtres voisines à partir de votre propre maison, et,

10 si je vous ai bien compris, dans les appartements voisins c'était des

11 Musulmans qui vivaient. C’est bien ça ?

12 Témoin W (interprétation). - Il y avait très peu de Musulmans

13 dans cet autre bâtiment, de l’autre côté de la rue, très peu.

14 M. Joka (interprétation). - Mais est-ce qu'il y en avait ?

15 Témoin W (interprétation). - Ils étaient partis. Ils étaient

16 partis plus tôt.

17 M. Joka (interprétation). – Ah ! Ils étaient partis plus tôt.

18 Vous avez dit que vous aviez vu certains fusils ?

19 Témoin W (interprétation). – Oui, j'ai vu des fusils. J’ai vu

20 des fusils dans les étages supérieurs.

21 M. Joka (interprétation). - Est-ce que vous saviez qui portaient

22 ces armes ? Est-ce que vous savez et est-ce une certitude ou s'agit-il

23 d'une hypothèse ?

24 Témoin W (interprétation). – Moi, je pense qu'il s'agissait

25 du HVO.

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1 M. Joka (interprétation). – Oui, mais ça veut dire quoi : "Je

2 suppose, je crois". Donc, vous avez dit "je crois". Vous supposez à ce

3 moment-là ?

4 Témoin W (interprétation). – Oui, oui.

5 M. Joka (interprétation). - Ou est-ce que vous l'avez vu de vos

6 yeux vu ?

7 Témoin W (interprétation). – J’ai vu des fusils.

8 M. Joka (interprétation). – Oui, mais avez-vous vu des hommes

9 derrière ces fusils ?

10 Témoin W (interprétation). – Vous ne pouvez pas les voir

11 puisqu’ils sont plus loin, ils sont derrière.

12 M. Joka (interprétation). - Ensuite, vous nous avez dit que vous

13 vous êtes abrité avec des femmes et des enfants à Kadica Strana et

14 qu'ensuite des ordres ont été prononcés, si je vous ai bien compris, des

15 ordres du HVO ?

16 Témoin W (interprétation). – Oui.

17 M. Joka (interprétation). - Les femmes et les enfants pouvaient

18 partir et les hommes devaient lever les mains et se mettre à part ?

19 Témoin W (interprétation). – Oui.

20 M. Joka (interprétation). - Comment tout cela s'est-il passé ?

21 Témoin W (interprétation). - Nous étions dans cette maison et il

22 y avait des tirs très nourris à l'extérieur. Il y a toute une série de

23 balles qui sifflaient le long de nos oreilles. J’ai vu des femmes

24 s'évanouir, des enfants…

25 M. Joka (interprétation). – Mais ma question est d'ordre

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1 différent. Vous avez dit que des ordres étaient lancés, alors ces ordres

2 ont été lancés comment ? Est-ce qu’il y avait un messager, un soldat ?

3 Comment ?

4 Témoin W (interprétation). – Non, nous avons montré les draps

5 blancs pour nous rendre.

6 M. Joka (interprétation). – Oui, cela vous nous l’avez dit.

7 Témoin W (interprétation). - Mais je l'ai fait.

8 M. Joka (interprétation). - Ma question est de savoir comment

9 les ordres ont été lancés.

10 Témoin W (interprétation). - Les ordres venaient du centre.

11 Certaines personnes criaient. Il fallait... Ce sont les ordres que j’ai

12 entendus : que nous sortions, que nous allions dans la direction d'une

13 autre rue.

14 M. Joka (interprétation). – D’accord, donc vous ne le savez pas.

15 Vous avez dit qu’à Tarsia* un soldat du HVO a tiré au-dessus de votre tête

16 et a dit qu’il fallait séparer les hommes des femmes et des enfants.

17 Témoin W (interprétation). – Oui.

18 M. Joka (interprétation). - Comment le saviez-vous qu'il

19 s'agissait d'un soldat HVO ?

20 Témoin W (interprétation). - Parce que j'ai vu son insigne, j'ai

21 vu son uniforme à camouflage.

22 M. Joka (interprétation). – Mais vous avez dit aussi que l'on

23 vous avait amené à Kaonik par bus ?

24 Témoin W (interprétation). – Oui.

25 M. Joka (interprétation). - Est-ce que qu'il y avait une escorte

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1 sur ce bus ?

2 Témoin W (interprétation). – Oui, il y avait une escorte à

3 l’avant et une à l’arrière, et ces personnes portaient des fusils.

4 M. Joka (interprétation). – Je vois.

5 M. le Président. – Deux remarques ! La première, il faut

6 ralentir un peu, c’est pour vous et pour le témoin, et faire des pauses

7 après chaque phrase. Parce que je vois qu'il y a quelques difficultés pour

8 la traduction.

9 La deuxième remarque : vous pouvez changer votre micro sur votre

10 droite, je ne sais pas si vous pouvez faire ça… non. Parce que c’était

11 mieux du point de vue de la communication. Excusez-moi, mais je crois que

12 c’est mieux du point de vue de la communication avec le témoin. C’est une

13 petite question de logistique. Merci beaucoup de votre attention.

14 (Me Joka change son micro.)

15 M. Joka (interprétation). - Merci. J'ai pris bonne note de ce

16 qui est de la rapidité, mais c’est vrai que c'est plus facile de cette

17 façon. Vous aviez raison. Ma question était la suivante : qui vous

18 encadrait dans le bus ? Et vous avez répondu qu'il y avait deux hommes qui

19 portaient des fusils, alors je voudrais savoir s'il s'agissait de civils

20 portant ces fusils ou s’il s’agissait de soldats ?

21 Témoin W (interprétation). - Il s'agissait de soldats. Ils

22 portaient des uniformes de camouflage, je les ai vus.

23 M. Joka (interprétation). – S’agissait-il de soldats HVO ?

24 Témoin W (interprétation). - Sans aucun doute oui, c'était des

25 soldats HVO.

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1 M. Joka (interprétation). - Vous nous avez dit également que

2 l'on vous avait emmené au hangar.

3 Témoin W (interprétation). – Oui.

4 M. Joka (interprétation). – Et je cite : "Zlatko a ordonné de

5 faire charger quatre fusils."

6 Témoin W (interprétation). – Oui.

7 M. Joka (interprétation). - Comment savez-vous qu'il s'agissait

8 de Zlatko ?

9 Témoin W (interprétation). - Parce que j'ai entendu l'un des

10 soldats s’adresser à cette personne en disant : "Monsieur Zlatko", je l’ai

11 bien compris.

12 M. Joka (interprétation). – Qui a dit cela ?

13 Témoin W (interprétation). - Un des gardes.

14 M. Joka (interprétation). - Et il faisait référence à qui ? Il

15 faisait référence au commandant du camp et pas à un autre Zlatko ?

16 Témoin W (interprétation). - Je suis parti du principe que

17 c'était lui.

18 M. Joka (interprétation). - Vous nous avez dit que ce n'était

19 que plus tard que vous aviez découvert qui était le directeur de ce camp.

20 Témoin W (interprétation). - Lorsque je suis allé dans les

21 cellules, c'est à ce moment-là que je me suis rendu pleinement compte du

22 fait qu'il s'agissait de Zlatko Aleksovski.

23 M. Joka (interprétation). - Donc, ce n'est que plus tard que

24 vous vous êtes rendu compte que Zlatko était le directeur, mais lorsque

25 vous êtes arrivé, le tout premier jour, vous ne pouviez pas le savoir.

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1 Témoin W (interprétation). - Si, si je pouvais le savoir parce

2 que j'ai entendu la personne dire : "Monsieur Zlatko, Monsieur Zlatko",

3 voilà. Et l'ordre donné, c'était de mettre les hommes contre le mur. Vous

4 savez, nous, c'était notre vie qui était en jeu!

5 M. Joka (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez du nom

6 de Zlatko ?

7 Témoin W (interprétation). - Oui.

8 M. Joka (interprétation). - Quel est son nom de famille ?

9 Témoin W (interprétation). - Aleksovski.

10 M. Joka (interprétation). - Pourriez-vous répéter, s'il vous

11 plaît.

12 Témoin W (interprétation). - Désolé, je n'ai pas mon dentier et

13 je ne peux pas prononcer clairement le nom. "Gloslowski" (nom inaudible).

14 Je n'ai pas mon dentier, "Teoslovski" (nom inaudible).

15 M. Joka (interprétation). - Dites-moi, Monsieur, depuis quand

16 souffrez-vous de thrombose ?

17 Témoin W (interprétation). - Je souffre de thrombose depuis une

18 dizaine d'années.

19 M. Joka (interprétation). - Est-ce que vous avez suivi un

20 traitement régulier ?

21 Témoin W (interprétation). - Oui.

22 M. Joka (interprétation). - Vous nous avez dit aussi que vous

23 aviez vu un médecin à Busovaca?

24 Témoin W (interprétation). - Oui.

25 M. Joka (interprétation). - Un médecin inconnu ?

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1 Témoin W (interprétation). - Oui.

2 M. Joka (interprétation). - Et les personnes qui vous y ont

3 emmené, s'agissait-il de soldats du HVO, oui ou non ?

4 Témoin W (interprétation). - Il s'agissait de soldats du HVO, de

5 gardes. Des gardes du camp.

6 M. Joka (interprétation). - Pour que nous précisions davantage,

7 au moment du retour, vous avez dit qu'il y avait deux soldats, deux ?

8 Témoin W (interprétation). - Oui.

9 M. Joka (interprétation). - Je suppose qu'il s'agissait des

10 mêmes , de gardes , des mêmes soldats HVO ?

11 Témoin W (interprétation). - Oui, il y en a un qui

12 s'appelait Marko, mais je ne connais pas vraiment son nom.

13 M. Joka (interprétation). - Oui, mais s'agissait-il de

14 soldats HVO, c'est cela ma question ?

15 Témoin W (interprétation). - Oui, oui, certainement.

16 M. Joka (interprétation). - Vous nous avez dit également que

17 l'on vous a demandé de creuser des tranchées à Kula.

18 Témoin W (interprétation). - Oui.

19 M. Joka (interprétation). - Qui vous y a emmené ? Des civils ou

20 des soldats ?

21 Témoin W (interprétation). - Des soldats.

22 M. Joka (interprétation). - Des soldats HVO ?

23 Témoin W (interprétation). - Des soldats HVO.

24 M. Joka (interprétation). - Vous nous avez dit également qu'à

25 l'endroit où vous deviez creuser, vous étiez surveillé par des gardes.

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1 Témoin W (interprétation). - Oui.

2 M. Joka (interprétation). - Est-ce que ces gardes étaient

3 de Kaonik ou il s'agissait de soldats ?

4 Témoin W (interprétation). - Il s'agissait de soldats portant

5 des uniformes de camouflage.

6 M. Joka (interprétation). - Des soldats HVO ?

7 Témoin W (interprétation). - Des soldats HVO.

8 M. Joka (interprétation). - Vous nous avez dit également

9 qu'après avoir creusé, on vous avait ramené à Kaonik sous l'escorte

10 d'hommes armés ?

11 Témoin W (interprétation). - Oui.

12 M. Joka (interprétation). - Des soldats ?

13 Témoin W (interprétation). - Oui. Il s'agissait de soldats.

14 M. Joka (interprétation). - Du HVO ?

15 Témoin W (interprétation). - Oui, du HVO.

16 M. Joka (interprétation). - Lorsque vous avez dit que l'on vous

17 emmenait dans un lieu qui s'appelait Nigan Esplave ?

18 Témoin W (interprétation). - Oui.

19 Témoin W (interprétation). - Est-ce que c'étaient des civils qui

20 vous ont emmené ou est-ce que c'étaient des soldats ?

21 Témoin W (interprétation). - Il s'agissait d'un véhicule civil,

22 RAB.

23 M. Joka (interprétation). - Oui, mais qui vous a accompagné, qui

24 vous a escorté, des soldats ou des civils ?

25 Témoin W (interprétation). - Je ne puis pas vous le dire parce

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1 qu'il faisait nuit et il y avait un véhicule derrière nous ainsi qu'un

2 véhicule devant nous. Et nous, on était enfermé dans cette boite dans ce

3 RAB.

4 M. Joka (interprétation). - Les personnes qui se trouvaient-là,

5 étaient-elles des personnes civiles ou des soldats ?

6 Témoin W (interprétation). - Des soldats.

7 M. Joka (interprétation). - Des soldats du HVO ?

8 Témoin W (interprétation). - Des soldats du HVO.

9 M. Joka (interprétation). - Vous avez également parlé d'un

10 certain Ivo Popovic ?

11 Témoin W (interprétation). - Oui.

12 M. Joka (interprétation). - Que l'on appelait Jesus ?

13 Témoin W (interprétation). - Oui.

14 M. Joka (interprétation). - Connaissiez-vous déjà cet homme ?

15 Témoin W (interprétation). - Oui, je le connaissais d'avant.

16 M. Joka (interprétation). - Pourriez-vous dire à la Chambre si

17 cet homme était normal au sens habituel du terme ?

18 Témoin W (interprétation). - Je ne sais pas, qu'entendez-vous

19 par là?

20 M. Joka (interprétation). - Est-ce que, en général, Ivo Popovic

21 appelé aussi Jesus était aussi considéré comme quelqu'un de normal ou

22 d'anormal ?

23 Témoin W (interprétation). - Pour moi, je suis parti du principe

24 qu'il était normal.

25 M. Joka (interprétation). - Vous nous avez parlé de ce qui se

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1 passait dans ce lieu appelé "Bleu 11" et lorsque vous êtes arrivé au MUP

2 en ville, vous nous avez dit qu'au MUP, on avait dit aux autres de vous

3 ramener à Kaonik ?

4 Témoin W (interprétation). - Oui.

5 M. Joka (interprétation). - Qui a donné ces ordres ?

6 Témoin W (interprétation). - Quelqu'un du MUP. Il est sorti

7 parce que nous n'avions pas le droit de regarder. Nous devions regarder

8 droit devant nous et c'est ce que j'ai entendu. Mais lui devait se trouver

9 dans une porte.

10 M. Joka (interprétation). - Revenons maintenant au début.

11 Lorsque vous avez été amené-là, vous nous avez dit que l'on vous avait

12 enlevé toutes propriétés individuelles. Vous nous avez dit que vous avez

13 dû donner vos cigarettes, argents, etc. Est-ce correct ?

14 Témoin W (interprétation). - Oui.

15 M. Joka (interprétation). - Et dites-moi, vous nous avez dit

16 aussi que lorsque vous étiez au "Bleu 11", vous avez allumé une cigarette.

17 Témoin W (interprétation). - Oui, j'ai demandé à Monsieur Ivo,

18 à Jesus, de pouvoir allumer une cigarette.

19 M. Joka (interprétation). - Donc, vous aviez des cigarettes ?

20 Témoin W (interprétation). - C'est lui qui nous en a données,

21 mais certains d'entre nous avaient des cigarettes.

22 M. Joka (interprétation). - Vous nous avez dit également qu'à un

23 moment donné, vous aviez décidé d'avaler quatre boîtes de médicaments.

24 Témoin W (interprétation). - Oui.

25 M. Joka (interprétation). - D'où venaient ces médicaments ?

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1 Témoin W (interprétation). - Je les avais reçus de cette femme

2 médecin lorsque je l'ai vue au centre médical de Busovaca, lors de ma

3 première visite là-bas.

4 M. Joka (interprétation). - Est-ce que vous pouviez librement

5 prendre vos médicaments ?

6 Témoin W (interprétation). - C'est la femme médecin qui m'a

7 donné ces médicaments, elle m'a dit de les prendre et elle m'a donné une

8 certaine posologie, trois fois par jour.

9 M. Joka (interprétation). - D'accord. Dites-moi, que faites-vous

10 aujourd'hui, comment gagnez-vous votre vie, est-ce que vous avez une

11 ferme ?

12 Témoin W (interprétation). - Je suis aujourd'hui un réfugié.

13 M. Joka (interprétation). - Avant de devenir réfugié, est-ce que

14 vous étiez propriétaire terrien ?

15 Témoin W (interprétation). - Oui, j'étais propriétaire de

16 certains terrains.

17 M. Joka (interprétation). - Dans votre introduction, vous avez

18 dit que vous étiez un ouvrier à l'aciérie mais que pour l'instant vous

19 attendiez. Et lorsque mon estimé collègue de l'accusation vous a posé une

20 question à ce sujet, vous lui avez expliqué que vous étiez au chômage ?

21 Témoin W (interprétation). - Oui, je suis aujourd'hui au

22 chômage.

23 M. Joka (interprétation). - Alors, pour être précis, est-ce que

24 cela veut dire que vous n'avez pas d'emploi ou est-ce que vous bénéficiez

25 de certaines cotisations ?

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1 Témoin W (interprétation). - En fait, vous savez, nous recevions

2 des paquets avec de la farine, de l'huile, etc de la part de l'aciérie.

3 M. Joka (interprétation). - Alors pendant que vous attendiez,

4 est-ce que vous avez travaillé vos terres parce qu'il faut bien vivre de

5 quelque chose. Alors, qu'est-ce que vous avez fait ? Parce que vous êtes

6 malade, votre jambe est handicapée ?

7 Témoin W (interprétation). - Vous savez, mes frères sont venus

8 m'aider et moi je travaillais le temps que je pouvais résister à la

9 douleur.

10 M. Joka (interprétation). - Donc, dans une certaine mesure, vous

11 avez pu travailler.

12 Témoin W (interprétation). - Il faut bien travailler ! Il faut

13 vivre !

14 M. Joka (interprétation). - Est-ce que le nom Ivan Brnada vous

15 dit quelque chose ?

16 Témoin W (interprétation). - Ivan ?

17 M. Joka (interprétation). - Ivan Brnada.

18 Témoin W (interprétation). - Je ne me souviens pas.

19 M. Joka (interprétation). - Il vient normalement du village

20 de Putis et apparemment vous avez été voisins pendant un certain temps

21 après votre libération de Kaonik.

22 Témoin W (interprétation). - Ah, Brnada ! Non, non je ne connais

23 pas cette personne. Je ne le connais pas.

24 M. Joka (interprétation). - Est-ce que le nom Husnija Neslanovic

25 vous dit quelque chose ?

Page 3597

1 Témoin W (interprétation). - Husnija Neslanovic ?

2 M. le Président. - Maître Niemann, vous avez quelque chose à

3 dire ?

4 M. Niemann (interprétation). - Oui, merci,

5 Monsieur le Président. Si mes confrères souhaitent poser des questions

6 concernant des noms précis, des noms géographiques. Il faut que nous

7 passions à huis clos.

8 M. le Président. - Maître Joka, vous avez compris que le témoin

9 est protégé. Donc il peut y avoir des références qui peuvent porter

10 atteinte à ces mesures de protection. Si vous voulez utiliser des noms de

11 personnes, des locaux, nous devons siéger en session privée. Qu'en pensez-

12 vous ?

13 M. Joka (interprétation). - Je garderai cet élément à l'esprit

14 et je conclurai mes remarques en disant que je voulais simplement que le

15 témoin réponde par oui ou par non : est-ce qu'il connaît cette personne ou

16 non ? Ceci ne permet pas, me semble-t-il, de révéler l'identité du témoin,

17 quelle que soit la réponse fournie par le témoin. Sinon, je n'aurai pas

18 d'autres questions plus précises. Je voulais simplement savoir s'il

19 connaissait quelqu'un du nom de... Et de cette façon, je pourrai

20 poursuivre mon contre-interrogatoire. Est-ce que vous avez un casier

21 judiciaire ?

22 Témoin W. - Non.

23 M. Joka (interprétation). - Mon collègue me dit que la réponse

24 du témoin n'a pas été notée dans le transcript, lorsque le témoin a dit

25 qu'il ne connaissait pas cet homme.

Page 3598

1 M. le Président. - Maître Joka, pouvez-vous répéter la question

2 et le témoin répétera la réponse.

3 M. Joka (interprétation). - Donc, je repose la même question :

4 connaissez-vous Husnija Neslanovic ?

5 Témoin W. - Il y a pas mal de personnes qui s'appellent Husnija.

6 Mais où travaille cette personne, Husnija ?

7 M. Joka (interprétation). - Je ne sais pas. Vous avez dit que

8 vous n'aviez pas de casier judiciaire.

9 Témoin W. - Non.

10 M. Joka (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions.

11 Merci, Monsieur le Président.

12 M. le Président. - Maître Niemann.

13 M. Niemann (interprétation). - Quelques brèves questions,

14 Monsieur le Président. Témoin W, le 24 janvier 1993, lorsque vous avez vu

15 les tireurs isolés dans les bâtiments, est-ce que vous saviez, à l'époque,

16 s'il y avait certains éléments de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans la

17 région ? Est-ce qu'il n'y avait que la présence de l'armée HVO à

18 l'époque ?

19 Témoin W. - Uniquement, les éléments du HVO. En effet,

20 l'armée BH n'était pas présente .

21 M. Niemann (interprétation). - Et lorsqu'on vous a ordonné de

22 vous rendre dans le centre de Busovaca, connaissiez-vous des Musulmans qui

23 avaient un poste de responsabilité à l'époque et qui auraient pu lancer un

24 tel ordre ?

25 Témoin W. - Non, moi je n'ai pas beaucoup circulé dans la ville

Page 3599

1 parce que j'étais trop effrayé.

2 M. Niemann (interprétation). - Et enfin, la personne que vous

3 connaissiez en tant que commandant du camp. Je vais vous donner deux noms,

4 vous me direz : est-ce que c'est le premier nom ou le deuxième nom qui,

5 d'après vous, correspond à la personne qui commandait le camp ? Est-ce

6 qu'il s'agissait de Zlatko Teleslovski ou est-ce que vous avez compris ce

7 nom comme Zlatko Aleksovski ? Premier ou deuxième nom ?

8 Témoin W. - "Aleskovski"... Vous savez, j'ai beaucoup de mal à

9 prononcer le mot, parce que je vous avoue qu'il me manque certaines dents

10 et donc je ne peux pas le prononcer de façon très claire.

11 M. Niemann (interprétation). - Dites-moi simplement si c'est la

12 première prononciation ou la deuxième. La première : "Teleslovski" ou

13 deuxième solution, Zlatko Aleksovski ?

14 Témoin W. - Je vous avoue que j'ai beaucoup de mal à le

15 prononcer, mais la deuxième option... la deuxième option. Cela, je m'en

16 souviens.

17 M. Niemann (interprétation). - Merci, je n'ai pas d'autres

18 questions, Monsieur le Président.

19 M. le Président. - Témoin W, j'aimerais bien vous poser quelques

20 questions aussi. Il y a un moment, vous avez dit, si j'ai bien compris,

21 que vous avez vu, à Busovaca, des soldats avec les insignes du HV et

22 du HVO. Ai-je bien compris ?

23 Témoin W. - Oui.

24 M. le Président. - Ma question : comment faisiez-vous la

25 distinction ?

Page 3600

1 Témoin W. - En fait, il y avait des HVO et ensuite, il y avait

2 ce qui s'appelait le HOS. Les deux portaient des insignes différents. Plus

3 tard, je n'ai plus vu que des éléments du HVO et j'ai vu l'insigne sur les

4 manches. Voilà.

5 M. le Président. - Merci. Vous avez dit aussi qu'il y avait des

6 soldats avec une cagoule et d'autres soldats qui ne portaient pas de

7 cagoule.

8 Témoin W. - Oui, en effet, ils avaient l'insigne HVO et ils

9 avaient aussi ces cagoules ou ces bas, avec juste les trous pour qu'ils

10 puissent voir, les trous au niveau des yeux.

11 M. le Président. - Peut-on faire cette distinction : les soldats

12 du HVO portaient cagoule ; les soldats du HV n'en portaient pas ?

13 Témoin W. - En fait, ceux qui n'étaient pas connus dans la

14 région n'en avaient pas besoin et ceux, par contre, qui étaient connus

15 dans la région, mettaient ces cagoules pour cacher leur visage.

16 M. le Président. - Pour reprendre vos termes, les soldats qui

17 portaient, selon vous, les insignes du HV, ne portaient pas la cagoule ?

18 Témoin W. - Ceux que les personnes ne connaissaient pas ne

19 portaient pas cette cagoule, ce bas, et ceux qui, par contre, avaient peur

20 d'être reconnus par la population en portaient.

21 M. le Président. - Mais est-il possible de faire une liaison

22 entre les personnes ou les soldats du HV qui n'étaient pas connus et qui

23 ne portaient pas la cagoule ou non ?

24 Témoin W. - Ceux qui n'étaient pas connus dans la région ne

25 portaient pas cette cagoule, mais ceux qui pouvaient être reconnus,

Page 3601

1 portaient ces cagoules. Voilà ce que j'ai remarqué.

2 M. le Président. - Merci. Une autre question : vous avez dit que

3 vous n'avez pas reconnu le médecin, une femme je crois, que vous avez vu

4 au centre médical de Busovaca. Vous avez dit cela ?

5 Témoin W. - Non, non, je ne l'est pas reconnue.

6 M. le Président. - Vous étiez supposé la reconnaître ?

7 Témoin W. - En fait, aucun des médecins femmes qui travaillaient

8 là d'habitude n'était présent. Il y a toute une série d'autres médecins

9 qui étaient arrivés, c'est ce que j'ai constaté et la même chose vaut pour

10 les infirmières. Les infirmières non plus, je ne les connaissais pas.

11 M. le Président. - Il était normal que dans une petite ville,

12 les personnes connaissent bien les médecins qui travaillaient au centre

13 médical ou non ?

14 Témoin W. - Oui.

15 M. le Président. - Une autre question : vous avez dit que vous

16 avez donné le document du médecin à M. Aleksovski. C'est vrai ?

17 Témoin W. - Oui.

18 M. le Président. - Vous avez fait cela directement avec vos

19 mains ou par l'intermédiaire, par le biais d'une autre personne ?

20 Témoin W. - Non, je lui donné directement, donc en mains

21 propres.

22 M. le Président. - Vous avez dit aussi que les gardes vous ont

23 amenés au Bleu 11 ? C'est vrai ?

24 Témoin W. - Oui.

25 M. le Président. - Les gardes qui vous ont amenés au Bleu 11

Page 3602

1 étaient gardes à Kaonik ou gardes ailleurs ?

2 Témoin W. - Cela, je ne puis pas vous le dire. Je sais que l'on

3 a été sorti de nos cellules les uns après les autres, à la fois pour que

4 nous sortions des cellules qui se trouvaient dans ce hangar dont nous

5 avons parlé, et on nous a poussés à monter dans le véhicule Rab.

6 Maintenant, est-ce qu'il s'agissait de civils ou non, je vous avoue que je

7 n'ai pas fait très attention, ni au chauffeur d'ailleurs.

8 M. le Président. - Mais à l'intérieur du bâtiment, de ce

9 Bleu 11, vous avez dit que les gardes avaient des lampes électriques

10 qu'ils allumaient devant votre visage. C'est vrai ?

11 Témoin W. - Oui.

12 M. le Président. - On peut comprendre quand même que si vous

13 avez une lampe électrique devant vous, vous ne pouvez pas bien voir le

14 visage de la personne qui a devant vous la lampe électrique ?

15 Témoin W. - En fait, il s'agissait d'une torche qui avait une

16 lumière relativement forte et qui était dirigée sur nous au sein du

17 Bleu 11.

18 M. le Président. - Oui, et si j'ai bien compris, il n'y avait

19 pas de lumière électrique à l'intérieur du bâtiment. Est-ce vrai ?

20 Témoin W. - Non.

21 M. le Président. - Bien. Monsieur, nous n'avons pas d'autres

22 questions à vous poser. Vous avez donc fini votre témoignage, ici, devant

23 le Tribunal Pénal. Nous vous remercions beaucoup d'être venu et nous vous

24 souhaitons un bon retour dans votre pays. Merci beaucoup, Monsieur. Vous

25 pouvez sortir.

Page 3603

1 (Le témoin quitte le prétoire)

2 M. le Président. - Maître Niemann, je crois que vous n'avez pas

3 d'autres témoins ?

4 M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Voilà

5 la réplique de l'accusation, en effet.

6 M. le Président. - Maître Mikulicic, pour vous ?

7 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Président,

8 Messieurs les Juges, maintenant que la défense a entendu les éléments de

9 réplique de l'accusation, la défense à l'intention de les analyser, ces

10 preuves, et présentera sa propre duplique pour contrer les preuves

11 présentées par l'accusation. A ce stade, par contre, la défense ne peut

12 pas vous dire quels sont les témoins qu'elle souhaite appeler. Mais, après

13 avoir analysé les preuves apportées par l'accusation, nous devrions être

14 en mesure de le faire et cet examen ne devrait pas prendre trop de temps.

15 M. le Président. - Donc, si j'ai bien compris, vous avez

16 l'intention de présenter des témoins. Est-ce que vous pouvez nous dire

17 quand, plus ou moins ?

18 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Président,

19 Messieurs les Juges, la défense respectera le calendrier défini par la

20 Chambre. Donc nous resterons réalistes sur ce point et nous aimerions

21 aussi savoir quelles sont les disponibilités de la Chambre ?

22 M. le Président. - La Chambre est toujours disponible Maître

23 Mikulicic ! Selon le calendrier que nous avons déjà, je crois que nous

24 avions fixé le 5 octobre comme date de dépôt des conclusions écrites. Les

25 parties se sont tout de même entendues pour que les conclusions écrites

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1 soient disposées simultanément et jusqu'au 5 octobre. Nous avions prévu la

2 semaine du 12 au 16 octobre pour les dernières sessions et pour que le

3 Procureur puisse prononcer son réquisitoire et pour que la défense puisse

4 plaider. C'est notre calendrier.

5 Comme vous le savez, la Chambre a toujours été préoccupée du

6 temps et notamment d'un procès rapide. C'est pour cela que j'ai répondu

7 quand même, au nom de mes collègues, que la Chambre est tout à fait prête

8 à répondre à vos disponibilités. De toute façon, nous aimerions finir.

9 Pour traduire tout cela en termes concrets, si vous voulez dire que vous

10 allez présenter vos témoins jusqu'au 5 ou au 12 octobre, nous pouvons

11 maintenir le calendrier, mais si vous nous dites que vous allez présenter

12 les témoins après ces dates, nous devons modifier.

13 J'ai une autre idée. Si vous le souhaitez, nous pouvons faire

14 une pause. Nous pouvons travailler jusqu'à deux heures et demi. Peut-être

15 que l'on pourrait faire une pause de 5 à 10 minutes. Vous pouvez penser à

16 cela et nous reviendrons dans 5 minutes pour régler cela. Etes-vous

17 d'accord Maître Niemann ?

18 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

19 (L'audience est suspendue à 14 heures)

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