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1 Le lundi 25 avril 2005

2 [Audience d'appel]

3 [Audience publique]

4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 10 heures 02.

6 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Bonjour. Madame la Greffière

7 d'audience, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de

9 l'affaire IT-03-72-A, le Procureur contre Milan Babic, audience consacrée à

10 l'appel.

11 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie. Je veux m'assurer

12 que les interprètes sont en mesure de nous entendre, et que nous pouvons

13 les entendre.

14 L'INTERPRÈTE : Oui, Madame la Présidente.

15 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie. Je vais demander aux

16 parties de se présenter. Tout d'abord pour la Défense, au nom de

17 l'appelant.

18 M. MUELLER : [interprétation] Bonjour, Madame la Présidente, Messieurs les

19 Juges. Maître Robert Fogelnest et Me Peter Michael Mueller, moi-même.

20 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Merci. Au nom de l'Accusation.

21 M. McKEON : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Le

22 bureau du Procureur est représenté par moi-même, Monsieur McKeon, M. Xavier

23 Tracol et Mme Kristina Carey. Nous avons également Susan Grogan qui est

24 notre commis à l'affaire.

25 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie. J'aimerais savoir si

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1 l'appelant M. Milan Babic peut suivre les débats dans une langue qu'il

2 comprend.

3 L'APPELANT : [interprétation] Oui, je vous remercie, Madame la Présidente.

4 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

5 rasseoir.

6 J'aimerais vous expliquer comment nous allons mettre en place notre

7 audience. Nous avons ici l'affaire le Procureur contre Milan Babic. Il

8 s'agit d'un appel. M. Milan Babic est l'appelant. L'appelant interjette

9 appel d'une décision d'un jugement rendue le 29 juin 2004.

10 Il y a eu une audience consacrée au plaidoyer qui s'est tenue le 27

11 janvier 2004. M. Babic a plaidé coupable d'un chef de persécution découlant

12 d'événements qui se sont produits en Croatie, où il a participé à une

13 entreprise criminelle commune qui a vu le jour à partir du 1er août 1991,

14 et s'est poursuivie au moins jusqu'au mois de juin 1992. Elle avait pour

15 objectif le transfert forcé et permanent de la majorité de la population

16 croate et non-serbe d'à peu près un tiers du territoire de Croatie afin que

17 ceci devienne partie d'un état dominé par les Serbes par la commission de

18 crimes en violation de l'Article 3 et de l'Article 5 du Statut du Tribunal.

19 Ceci a été mentionné par les autorités serbes comme étant le district

20 autonome serbe de Krajina, celui de la Slavonie occidentale et du Baranja

21 et du Srem occidental.

22 Après le 19 décembre, c'est devenu connu sous le nom de la République serbe

23 de Krajina. Le 26 février 1992, le district autonome serbe de la Slavonie

24 occidentale, celui de la Slavonie du Baranja et du Srem occidental ont

25 rejoint la RSK ainsi que la République de Dubrovnik.

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1 Le 28 janvier 2004, à partir d'un accord sur le plaidoyer qui été déposé en

2 janvier, le 22 janvier 2004, la Chambre de première instance a présenté un

3 jugement portant condamnation en application de l'Article 5(H) et de

4 l'Article 7 (1) du Statut du Tribunal. Je voulais savoir si nous avions un

5 problème. Le Juge Guney dit qu'il y a un problème technique.

6 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Apparemment, le compte rendu

7 d'audience ne fonctionne pas sur l'écran du Juge Guney.

8 Est-ce que le problème persiste ? Monsieur Juge Guney.

9 M. GUNEY : [interprétation] Non, c'est réglé.

10 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Apparemment, le micro fonctionne, nous

11 pouvons poursuivre.

12 L'INTERPRÈTE : Pouvez-vous ralentir pour les interprètes ? Merci.

13 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vais reprendre.

14 Le 28 janvier 2004, à partir d'un accord sur le plaidoyer déposé le 22

15 janvier 2004, la Chambre de première instance a prononcé un jugement

16 portant condamnation en vertu de l'Article 5 (H) et de l'Article 7 (1) du

17 Statut au détriment de M. Babic, le chef 1 de l'acte d'accusation délivré

18 le 6 novembre 2003 pour persécution pour des raisons politique, raciale et

19 religieuse, un crime contre l'humanité sanctionné pour avoir participé en

20 tant que co-auteur à une entreprise criminelle commune. La Chambre de

21 première instance a condamné M. Babic à 13 ans d'emprisonnement le 29 juin

22 2004. M. Babic a maintenant interjeté appel.

23 Ce matin, nous allons être saisis d'arguments présentés par les deux

24 parties. Avant de donner la parole aux parties, je vais faire un bref

25 résumé des motifs de l'appelant tels qu'il les a présentés dans ses

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1 conclusions écrites. Il a déposé un acte d'appel le

2 3 septembre 2004. Au départ, M. Babic a soulevé 12 motifs d'appel. Le 15

3 novembre 2004, il a retiré le motif numéro 12.

4 Le premier motif d'appel est que la Chambre a abusé de son pouvoir

5 discrétionnaire, en obligeant M. Babic à se déclarer coupable en tant que

6 co-auteur et en refusant d'accepter le premier accord sur le plaidoyer dans

7 lequel il plaidait coupable en tant que personne ayant encouragé et aidé à

8 la commission des crimes.

9 Deuxième motif, la Chambre aurait commis une erreur de droit et de fait en

10 ne donnant pas un avis motivé comme le requiert

11 l'Article 23 du Statut.

12 Troisième motif, M. Babic argue du fait que la Chambre n'a pas tenu du fait

13 qu'il avait une participation limitée en tant que circonstances

14 atténuantes.

15 Quatrième motif, la Chambre aurait commis une erreur de droit et de fait en

16 n'accordant pas suffisamment de poids au fait que l'appelant et les membres

17 de sa famille doivent continuer de vivre en tant que témoins protégés.

18 Cinquième motif d'appel, M. Babic fait valoir que la Chambre de

19 première instance a commis une erreur de droit et de fait, en ne tenant pas

20 compte de sa bonne moralité avant les faits.

21 Sixième motif d'appel, M. Babic affirme que la Chambre n'a pas tenu

22 compte de son comportement ultérieur à la commission des crimes.

23 Septième motif d'appel, l'appelant fait valoir que la Chambre a abusé de

24 son pouvoir discrétionnaire, en concluant qu'il a tenu une position de

25 dirigeant et en estimant que c'était là une circonstance aggravante.

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1 Huitième motif d'appel, la Chambre de première instance aurait mal

2 interprété le rôle joué par M. Babic et sa participation à l'entreprise

3 criminelle commune.

4 Neuvième motif d'appel, M. Babic fait valoir que la Chambre a commis

5 une erreur en appuyant sa décision sur des faits qui se sont produits en

6 dehors de la période couverte par les faits d'un acte d'accusation.

7 Dixième motif d'appel, la Chambre n'aurait pas donné le point qu'il

8 fallait à la totalité des circonstances atténuantes qu'elle a retenues.

9 Enfin, onzième motif d'appel, M. Babic fait valoir que la Chambre a

10 commis l'erreur de lui imposer la charge de la preuve pour la convaincre du

11 fait qu'il aurait reconnu l'importance du rôle qu'il a joué en Croatie au

12 cours de la période concernée.

13 Maintenant, j'aimerais que les parties s'expriment sur les critères

14 juridiques à appliquer. Les dispositions pertinentes sont l'Article 23 et

15 l'Article 24 du Statut ainsi que les Articles 100 à 106 du Règlement de

16 procédure et de preuve. En vertu de l'Article 25 du Statut, un appel n'est

17 pas un jugement de novo; un procès de novo. La Chambre d'appel se contente

18 de corriger des erreurs de droit qui auraient invalidé la décision.

19 La Chambre de première instance dispose d'un pouvoir discrétionnaire

20 important lorsqu'elle exerce ses pouvoirs de sanction pour ce qui est de la

21 nécessité de lier les circonstances personnelles et particulières à un

22 accusé et de la gravité de son crime.

23 Le Règlement veut que la Chambre d'appel ne révise pas une décision,

24 un jugement, à moins qu'on ait prouvé que la Chambre de première instance

25 ait commis une erreur manifeste dans l'exercice de son pouvoir

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1 discrétionnaire. La Chambre -- la décision rendue par la Chambre de

2 première instance peut voir son jugement modifié en appel si l'appelant a

3 prouvé que la Chambre a commis une erreur dans l'exercice d'appréciation,

4 en ne tenant pas compte de ce qu'elle aurait dû prendre en compte ou en

5 prenant compte des éléments qu'elle n'aurait pas dû considérer.

6 Nous allons poursuivre, mais je vais demander aux parties d'être

7 précises et concises dans les conclusions qu'elles présentent, en

8 respectant les délais impartis. Conformément à l'ordonnance portant

9 calendrier qui a été délivrée il y a un certain temps, l'appelant dispose

10 d'un maximum de 30 minutes pour présenter ses arguments en appel. Le même

11 temps sera réservé à l'Accusation pour répondre aux conclusions de

12 l'appelant. L'appelant, s'il le désire, disposera de 10 minutes pour

13 répondre à la réponse fournie par l'Accusation, s'entend.

14 En absence de questions, d'emblée, nous allons entendre les parties.

15 Auparavant, j'aimerais dire clairement à l'appelant, qu'à la fin des

16 conclusions présentées par les conseils, il peut s'adresser personnellement

17 à la Chambre pendant 10 minutes s'il le désire. Il peut soulever toutes

18 questions relatives aux conditions de détention ainsi qu'à son état de

19 santé.

20 J'aimerais savoir si mes collègues veulent déjà poser des questions.

21 Ce n'est pas le cas. Je vais donc donner la parole au conseil de

22 l'appelant.

23 M. MUELLER : [interprétation] Madame la Présidente, Messieurs les

24 Juges, estimés collègues de l'Accusation, d'emblée, j'aimerais dire que

25 j'ai lu avec beaucoup d'intérêt et de soin la dernière ordonnance portant

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1 calendrier rendue par la Chambre d'appel, qui reprenait -- il est donc

2 superflu de dire ce qui a déjà été dit par écrit, De plus, ce serait manqué

3 de courtoisie, car ceci laisserait entendre que les conclusions écrites

4 n'ont pas été prises en compte.

5 A cela j'ajouterais, Madame et Messieurs les Juges, que je ne vais pas

6 utiliser tout le temps qui m'est imparti en tant que conseil de l'appelant.

7 J'aimerais tout d'abord dire une chose qui me frappe dès le début de cette

8 audience, lorsque j'ai lu le compte rendu d'audience qui s'est affiché à

9 l'écran, la toute première page, ligne 8. Je me permettrais de suggérer que

10 le libellé que j'y trouve - on dit que l'entreprise criminelle commune a vu

11 le jour le 1er août 1991 et s'est poursuivi au moins jusqu'au mois de juin

12 1992. Je voudrais que ce libellé soit modifié pour qu'on parle de février

13 1992, parce que c'est à cette date-là qu'il est fait référence dans l'acte

14 d'accusation dressé contre M. Babic. Il s'agit du paragraphe 7 de l'acte

15 d'accusation incidemment.

16 Je souhaiterais, Madame la Présidente, Messieurs les Juges --

17 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Avant que vous ne commenciez, je

18 voudrais prendre acte de cela, parce que l'acte d'accusation est bien clair

19 en ce qui concerne la période sur laquelle porte l'Accusation. La

20 description des événements peut différer. En tous les cas, l'acte

21 d'accusation est clair en ce qui concerne la période considérée.

22 M. MUELLER : [interprétation] Oui, l'acte d'accusation est clair comme il

23 est dit au moins jusqu'en février 1992.

24 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Oui.

25 M. MUELLER : [interprétation] Si vous considérez que ceci est suffisant, je

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1 suis d'accord, Madame la Présidente.

2 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Oui, vous pouvez poursuivre.

3 M. MUELLER : [interprétation] Je vous remercie. Je voudrais également

4 traiter de l'argument présenté par le bureau du Procureur en date du 20

5 décembre 2004, d'une façon très rapide. L'appelant et l'Accusation ont

6 présenté très clairement les différents points. Les seuls points que je

7 voudrais évoquer maintenant à cette occasion sont les suivantes.

8 L'Accusation est d'accord avec l'appelant en ce qui concerne les motifs

9 d'appel numéro 3, 5 et 6. L'appelant joint ses arguments en outre, en plus

10 de ceux qu'il présente lui-même dans ce contexte. Tout le reste des motifs

11 présentés l'appelant, on a demandé qu'ils soient rejetés. Je dois admettre

12 très franchement que je serais très heureux si l'Accusation avait pu

13 accepter la position prise par l'appelant en ce qui concerne les motifs

14 d'appel 7 et 9 de façon plus favorable. En ce qui concerne les motifs 1, 2,

15 4, 8, 10 et 11, les arguments de l'Accusation sont reçus et appréciés avec

16 le plus grand respect. Il est compréhensible qu'ils sont présentés sine ira

17 et studio, et évidemment la position de l'appelant est un peu différente.

18 Revenons sur les motifs 7 et 9 d'appel. Je voudrais essayer d'en traiter

19 dans un ordre non séquentiel en commençant par le numéro 9 mais très

20 brièvement.

21 L'Accusation conclut dans son argument au paragraphe 3.86, en commençant à

22 la quatrième ligne en comptant du bas, et que dans son ensemble, la Chambre

23 de première instance était tout à fait renseignée en ce qui concernait les

24 limites géographique et temporelle de la participation de l'appelant, et

25 s'est prononcée en conformité de cela. Selon la Chambre de première

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1 instance, elle n'a pas commis d'erreur manifeste. Ma remarque à cette

2 occasion est simplement celle-ci : l'impression de l'appelant est que le

3 libellé du jugement suggère le contraire. La portée de -- l'influence de

4 l'appelant dans son domaine, dans le domaine qu'il contrôlait, n'a jamais

5 couvert un tiers du territoire de la Croatie. Par conséquent, la décision

6 contenue dans le jugement reste tout au moins peu claire, et manque de ce

7 niveau de clarté qui est nécessaire pour prononcer et rendre un jugement.

8 En ce qui concerne le septième motif d'appel, je voudrais me référer au

9 paragraphe 3.68 et 3.50 de la réponse du Procureur. L'Accusation est

10 arrivée à la conclusion que l'appelant - je cite le paragraphe 3.68 : "Que

11 l'appelant n'a pas qualifié correctement la conclusion de la Chambre de

12 première instance en ce qui concerne le rôle de direction de l'appelant."

13 La Chambre de première instance aurait dit que "la Chambre de première

14 instance n'a jamais conclu que l'appelant avait un rôle de dirigeant dans

15 l'entreprise criminelle commune."

16 Une note de bas de page, la note de bas de page 131, dans cette conclusion

17 de l'Accusation, et -- s'attache à cette conclusion. Cette note de bas de

18 page a trait au paragraphe 79 du jugement portant condamnation, qui se lit

19 comme suit : cette source est à la quatrième ligne commençant par le bas,

20 paragraphe 79 du jugement : "Le rôle de Babic dans l'entreprise criminelle

21 commune, a permis à l'entreprise criminelle commune de fonctionner. Sa

22 participation a favorisé l'objectif de l'entreprise criminelle commune." Je

23 ne lis pas ici que Babic ait eu un rôle de dirigeant politique de haut

24 niveau, qui aurait permis ainsi à l'entreprise criminelle commune de

25 fonctionner. Le libellé est comme je l'ai cité tout à l'heure. Il doit être

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1 clair, Madame la Présidente, Messieurs les Juges, qu'en appliquant un

2 argument a contrario, ce libellé du jugement très clairement ne veut rien

3 dire de plus que sans Babic, l'entreprise criminelle commune n'aurait pas

4 fonctionné comme elle a fonctionné. Qu'est-ce que ceci insinue de plus,

5 Madame la Présidente, Messieurs les Juges ? Ceci voudrait dire que Babic

6 était un facteur essentiel, un facteur-clé dans l'entreprise criminelle

7 commune, ou qu'il avait effectivement un rôle de dirigeant ? Si la réponse

8 soit la -- c'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas suivre les

9 conclusions présentées par l'Accusation dans ce contexte. Comme conséquence

10 de cela, ce que nous avons maintenant placé devant la Chambre, c'est que

11 l'on doit parvenir aux conclusions suivantes à mon avis. Premièrement, il

12 n'est pas exact lorsque l'Accusation souligne que la Chambre de première

13 instance n'a jamais conclu que l'appelant avait un rôle de dirigeant dans

14 l'entreprise criminelle commune, et deuxièmement, ce qui est plus important

15 encore, la façon dont la Chambre de première instance a traité des

16 conclusions antérieures présentées initialement par les parties,

17 l'évaluation de ces conclusions telles que les déclarations de fait, les

18 mémoires concernant la sentence qui avaient été présentée par le bureau du

19 Procureur et la Défense à la Chambre de première instance aurait pu être

20 erroné. J'utilise volontairement le subjonctif "aurait pu être erroné,"

21 "aurait pu constituer une erreur" parce que dans l'argumentation actuelle,

22 je me sens obligé d'introduire ici, une observation de caractère général

23 sur la question de la clarté et l'élimination d'erreur potentielle en ce

24 qui concerne le jugement. Dans le cas où le libellé d'un jugement pouvait

25 laisser place à une interprétation, on ne saurait le caractériser comme

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1 étant dépourvu d'ambiguïté. Par conséquent, il lui manque un certain niveau

2 de clarté essentielle, ultime qui est, néanmoins, nécessaire de façon à

3 pouvoir écarter le risque d'erreur potentielle pour ce qui est de la

4 décision de la Chambre de première instance. L'incertitude est ainsi l'un

5 des différents niveaux de ce qu'il faut entendre par le terme "erreur." Je

6 voudrais vous prier de me permettre de me référer à mon expérience

7 personnelle que j'ai dans ce contexte en Allemagne, qui est le pays d'où je

8 viens.

9 Des libellés qui ne sont pas clairs qu'on décide toujours, la cour

10 fédérale a annulé les jugements qui sont attaqués, les raisons étant qu'on

11 ne peut pas établir au-delà de tout doute possible si, oui ou non, une

12 Chambre agit de façon erronée, a décidé de façon erronée ce manque de

13 clarté.

14 Madame la Présidente, Messieurs les Juges du jugement rendu par la

15 Chambre de première instance a déjà fait l'objet d'un examen dans la

16 mémoire de l'appelant, mémoire en appel et dans les arguments que je

17 présente verbalement aujourd'hui devant votre Chambre. C'est encore cette

18 question de manque de clarté qui a été également décrit en partie par des

19 arguments pertinents contenus dans la réponse de l'Accusation. Je voudrais

20 souligner plus particulièrement le paragraphe 3.46 de la réponse du

21 Procureur de l'Accusation dans ce contexte. Je n'ai pas l'intention de la

22 citer.

23 Madame la présidente, Messieurs les Juges, je voudrais vous demander

24 la permission de demander à votre Chambre d'appel de, par conséquent,

25 accepter les motifs qui vous sont présentés afin de réviser la décision qui

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1 a été rendue par la Chambre de première instance. Comme vous le voyez, je

2 m'en suis tenue très exactement au temps imparti et je vous remercie

3 beaucoup de votre attention.

4 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

5 conseil. Je vais voir s'il y a des questions de la part de mes collègues.

6 Le Juge Guney souhaiterait poser une question.

7 M. LE JUGE GUNEY : Merci, Madame la Présidente. J'ai une question au

8 conseil de Défense dans le cadre du motif d'appel 11. Considérez-vous que

9 la déclaration faite par la Chambre de première instance au paragraphe 98

10 du jugement portant condamnation selon laquelle l'appelant n'avait pas

11 toujours reconnu toute l'importance du rôle qu'il avait joué en Croatie, a

12 été considéré par la Chambre de première instance comme une circonstance

13 justifiant l'aggravation de la peine ? Si oui, comment expliquez-vous que

14 la Chambre de première instance n'ait pas mentionné cet élément dans la

15 section du jugement portant condamnation consacré aux circonstances

16 aggravantes ? Merci.

17 M. FOGELNEST : [interprétation] Permettez-vous de répondre ? Il s'agit de

18 mon co-conseil. Je ne vous vois pas, malheureusement, Monsieur le Juge. Je

19 vais voir si je peux me déplacer -- est-ce que cela va mieux.

20 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Oui, il va peut-être falloir que vous

21 parliez de l'autre pupitre.

22 M. FOGELNEST : [interprétation] Le problème, c'est qu'il y a, là, beaucoup

23 de confusion. On dit qu'il n'a pas complètement reconnu le rôle qui était

24 le sien. Cependant, si vous voyez toutes les déclarations faites dans

25 l'exposé des faits, si vous voyez toutes les déclarations fournies à la

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1 Chambre de première instance par le bureau du Procureur, vous constaterez

2 que M. Babic a effectivement bien reconnu ce rôle et a fait preuve de

3 remords. Il a accepté que c'était sa responsabilité. En effet, il s'est

4 présenté au Tribunal avant même d'être mis en accusation. Il a coopéré, il

5 a déposé en tant que témoin contre Milosevic et je pense que sa déposition

6 a duré 18 jours avant d'être mis en accusation. Tout ceci, il l'a fait

7 alors qu'il faisait l'objet de sécurité, vu son statut de témoin, alors

8 qu'il savait qu'il pouvait être mis en accusation. Il a déposé après s'être

9 déclaré coupable. Il a exprimé son remord à l'époque où il a présenté son

10 plaidoyer de culpabilité. Autant de choses qui sont contraires à la

11 conclusion tirée par la Chambre qui serait que M. Babic n'a pas reconnu

12 l'importance des actes qui étaient les siens. Je n'ai pas d'explication

13 pour vous dire pourquoi la Chambre de première instance a dit ce qu'elle a

14 dit. Est-ce que j'ai ainsi répondu à votre question, Monsieur le Juge ?

15 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Oui, merci beaucoup.

16 M. FOGELNEST : [interprétation] Je vous remercie.

17 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Juge Shahabuddeen ?

18 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Fogelnest.

19 M. FOGELNEST : [interprétation] Oui, je m'appelle Fogelnest. Vous avez une

20 autre question à me poser ?

21 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui. Ma question s'adresse

22 à vous, maître Fogelnest. Je suis assez perplexe. Je m'interroge sur la

23 raison pour laquelle la Chambre de première instance n'a pas fait référence

24 où que ce soit dans son jugement portant condamnation à la participation de

25 l'appelant pour parler en faveur de la paix. Là, je parle de votre sixième

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1 motif d'appel.

2 M. FOGELNEST : [interprétation] Oui, effectivement, les conversation qu'il

3 a eues avec Peter Galbraith.

4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Effectivement. Je ne crois pas

5 qu'on fasse référence dans le jugement portant condamnation sur cet aspect-

6 là. Je m'interroge véritablement, je me demande pourquoi cela n'a pas été

7 repris. J'ai sous les yeux votre mémoire relatif à la fixation de la peine

8 que vous avez déposée devant la Chambre de première instance et dans ce

9 mémoire, au paragraphe 65 qui évoque le comportement ultérieur à la

10 commission du crime, là, je me serais attendu à avoir une mention de ce

11 fait. Mais aucune référence n'y est présente, dans ce paragraphe. Je ne

12 parle que de vos conclusions écrites, celles que vous avez déposées devant

13 la Chambre de première instance. Je constate que dans le mémoire déposé par

14 l'appelant devant la présente Chambre d'appel, le 15 janvier 2004, vous

15 dites, au paragraphe 132, que la Chambre de première instance s'est vu

16 saisie d'éléments de preuves montrant que Peter Galbraith, l'ambassadeur

17 des Etats-Unis en Croatie a rencontré l'appelant en 1955, en rapport avec

18 le plan de négociation de la paix Z-4 et à la note de bas de page 99, vous

19 faites référence aux mémoires consacrés à la fixation de la part de

20 l'Accusation où l'Accusation, sans doute, étend son propos, ce volet-là.

21 Mais j'ai l'impression que l'appelant, lui-même, dans les arguments qu'il a

22 déposés par écrit devant la Chambre de première instance, n'a pas fait

23 référence à ce plan de paix, à ces négociations en vue de la paix, ni à sa

24 participation, à sa négociation. Est-ce que vous pourriez me l'expliquer ?

25 M. FOGELNEST : [interprétation] Franchement, je pense que cela a été une

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1 négligence de notre part.

2 JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui.

3 M. FOGELNEST : [interprétation] Nous aurions dû l'inclure dans le mémoire,

4 nous ne l'avons pas fait. Cependant, la Chambre de première instance s'est

5 vue saisie de tous les comptes rendus du procès Milosevic, y compris ceux

6 de Peter Galbraith. Je pense que l'Accusation le dit, le mentionne dans son

7 mémoire. Je le confesse, j'avoue que nous avons été négligents car nous

8 n'avons pas mentionné cet élément parce que la tâche était assez ardue, je

9 m'en excuse, mais voilà une réponse franche à votre question.

10 JUGE SHAHABBUDDEN : [interprétation] Ceci correspond et répond à tous les

11 éléments du critère mentionné par votre confrère qui disait qu'il fallait

12 la clarté absolue. J'accepte que vous disiez que c'était une omission.

13 M. FOGELNEST : [interprétation] Y a-t-il d'autres questions ?

14 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Oui, Juge Schomburg.

15 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui, juste pour faire suite à ce

16 qui vient d'être dit. Apparemment, la Chambre de première instance traite

17 de cette question aux paragraphes 95, 96 lorsqu'elle examine la conduite

18 ultérieure de l'appelant en indiquant que "la Chambre de première instance

19 n'est pas satisfaite qu'il y ait une preuve que Babic ait allégé les

20 souffrances des victimes et qu'immédiatement après la commission des crimes

21 ou après la fin du conflit armé, son comportement ultérieur concernait les

22 questions telles que la coopération et l'acceptation des responsabilités

23 qui aurait déjà été examiné.

24 "La Chambre de première instance avait rejeté les allégations de la

25 Défense selon lesquelles le comportement de Babic, après le conflit,

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1 constituait une circonstance atténuante."

2 Le Juge Shahabuddeen a déjà parlé de cette question, mais pourriez-

3 vous, s'il vous plaît, me donner quelques éléments de plus sur les points

4 dans lesquels la Chambre de première instance aurait pu conclure

5 lorsqu'elle a rendu son jugement portant condamnation des arguments

6 supplémentaires, soit en ce qui concerne la transcription, le compte rendu

7 et l'accord de plaidoyer de son comportement après les crimes ?

8 M. FOGELNEST : [interprétation] Si je comprends votre question,

9 Monsieur le Juge Schomburg, je pense qu'il y a répondu dans le mémoire;

10 c'est un argument en deux parties. La première partie est que M. Babic doit

11 fournir des éléments de preuve concluant qu'il y a des éléments de cette

12 circonstance atténuante, mais ceci par des éléments de preuve prépondérants

13 et non pas [inaudible] concluants. Le deuxième élément, c'est que le fait

14 d'avoir allégé les souffrances des victimes est seulement un facteur dans

15 ce domaine qui peut-être être pris en considération. Le problème, c'est que

16 la Chambre n'a pas du tout apprécié la participation de M. Babic dans les

17 entretiens consacrés au plan Z-4 avec l'ambassadeur Galbraith. J'espère que

18 ceci répond à votre question, Monsieur le Juge Schomburg.

19 JUGE SCHOMBURG : Je vous remercie et je voudrais poser deux autres

20 questions que, normalement, je ne devrais pas vous poser à vous-mêmes

21 puisqu'elles sont hypothétiques dans leur nature. Mais permettez-moi de

22 vous poser la question. Lorsque vous avez eu les premières réunions avec

23 l'Accusation et où l'Accusation vous a offert un accord de plaidoyer

24 décrivant la conduite criminelle de l'appelant comme étant un co-auteur et

25 non pas comme un complice, est-ce que ceci constituait un obstacle pour

Page 34

1 vous, pour rentrer dans un accord de plaidoyer ?

2 M. FOGELNEST [interprétation] C'est une question très difficile, Monsieur

3 le Juge. Je ne suis pas certain. Voici le problème tel qu'il se présente :

4 la distinction à faire entre un complice et un co-auteur du niveau 3 est

5 difficile à comprendre, très sincèrement. Mais si vous me le permettez --

6 je demande votre indulgence un instant pour que je retrouve le passage.

7 Dans l'affaire Tadic, il y avait 3 catégories différentes de mens rea et

8 ceci engendrait une culpabilité en tant que co-auteur dans une entreprise

9 [inaudible]. Cette troisième catégorie découle du fait qu'il y a un état

10 d'esprit d'une personne qui n'avait pas l'intention de parvenir à un

11 certain résultat, mais était consciente du fait que les actions du groupe

12 pourraient très probablement conduire à ce résultat et néanmoins, a bien

13 voulu prendre ce risque.

14 Dans l'appel de l'affaire Blaskic et dans l'affaire -- il y avait

15 dans le cas justement d'être complice, l'élément mental nécessaire et "la

16 connaissance du fait que les actes qui sont accomplis par le complice

17 pourront aider à commettre un crime, le crime qui est spécifique de

18 l'auteur du crime." Il est très difficile de discerner quelle est la

19 différence. Est-ce que ceci aurait présenté un problème ? Probablement,

20 mais je ne peux pas le dire avec certitude.

21 Voilà la situation telle qu'elle se présentait, Monsieur le Juge

22 Schomburg : Babic s'est présenté lorsqu'il a vu son nom cité dans l'acte

23 d'accusation de Milosevic, a coopéré avec le Tribunal, il a coopéré avec le

24 bureau du Procureur. C'était un fait accompli qu'il serait accusé et qu'il

25 plaiderait coupable. Aurait-il dû plaider coupable en tant que complice ou

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1 en tant que co-auteur, vu ces définitions ? Je ne peux pas vous le dire.

2 JUGE SHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie beaucoup de cette

3 réponse très honnête parce que j'aurais aussi des difficultés, moi-même, à

4 voir les distinctions très claires entre ces deux chefs de responsabilité,

5 mais la question finale est la suivante : si, dès le début, l'accord de

6 plaidoyer avait été fondé sur suggestion de l'accusation qu'il y avait

7 cette qualification de complice pour ce qui est du résultat qui a été 13

8 ans; la question est également une question du remords, d'acceptation de la

9 culpabilité et de faire voir à tous que votre client se sent responsable de

10 ces crimes. Je ne veux pas minimiser deux ans, deux années de la vie de

11 quelqu'un, c'est quelque chose d'important. Est-ce qu'à ce moment-là, ceci

12 aurait constitué un obstacle pour que vous entriez dans un accord de

13 plaidoyer si le résultat avait été différent, c'est-à-dire, très

14 différent ?

15 M. FOGELNEST : [interprétation] Là encore, il m'est difficile de répondre à

16 cette question parce que, maintenant, sachant ce que je sais aujourd'hui,

17 en ce qui concerne l'effet d'un accord de plaidoyer ne sert à rien; il est

18 probable nous ne l'aurions pas fait pour être honnêtes avec vous. Mais à

19 l'époque, nous pensions qu'un accord de plaidoyer signifiait vraiment

20 quelque chose et que la Chambre serait guidée par un accord de plaidoyer,

21 notamment, qu'elle suivrait les recommandations qui étaient faites. Nous

22 comprenons que le Statut prévoit que la Chambre n'est pas obligée. Mais

23 nous pensions qu'au moins, s'il y avait eu une violation de l'accord de

24 plaidoyer, on n'utilisait pas le terme qui convient, mais si l'accord de

25 plaidoyer était rejeté, à ce moment-là, on espérait que la Chambre, au

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1 moins, expliquerait sa motivation d'une façon qui soit compréhensible, qui

2 est ait un sens qui soit clair.

3 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie.

4 M. FOGELNEST : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. Y a-t-

5 il d'autres questions ?

6 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je n'en vois pas.

7 M. FOGELNEST : [interprétation] Je vous remercie, Mme le Juge Mumba.

8 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vais, maintenant, demander à

9 l'Accusation de répondre et elle a 30 minutes pour ce faire.

10 M. McKEON : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Dans

11 la mesure où ceci sera nécessaire, pour ce qui est des conclusions à vous

12 présenter à l'audience, Mme Carey va évoquer le premier, le troisième, le

13 septième et le neuvième motif d'appel.

14 M. Tracol, lui, va parler des quatrième, cinquième, sixième, dixième et

15 onzième motifs d'appel, alors que moi, je vais me consacrer au deuxième

16 motif d'appel. Là où nous ne présentons pas de conclusions orales, nous

17 sommes, bien sûr, prêts à répondre à d'éventuelles questions que vous

18 souhaiteriez nous poser sur ces motifs.

19 Avant d'entrer au cœur du sujet, je voudrais tirer au clair une partie de

20 notre mémoire qui a laissé une question sans réponse : si la Chambre

21 d'appel accueille notre conclusion, à savoir qu'il y a certaines erreurs

22 dans certains motifs d'appel, qu'est-ce que l'Accusation recommande

23 aujourd'hui et quelle serait la bonne peine à affecter pour M. Babic ? Nous

24 n'en avons pas parlé dans notre mémoire. Vous le savez, nous avons

25 recommandé à la Chambre de première instance une peine de moins de 11 ans.

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1 Nous avons souligné que cette peine devrait être inférieure à 11 ans.

2 Vous l'avez dit au début de la présente audience et nous le disons dans nos

3 conclusions écrites, le seul fait que la Chambre de première instance n'a

4 pas retenu nos recommandations ne signifie pas qu'il y aurait eu une erreur

5 manifeste et qu'il faudrait réviser le jugement. Par conséquent, c'est avec

6 beaucoup de soin que nous avons étudié les arguments présentés par

7 l'appelant, que nous avons indiqué notre désaccord là où c'était

8 nécessaire, lorsque nous pensons qu'il y avait une erreur de droit et nous

9 avons marqué notre accord là où nous pensions que c'était nécessaire, où

10 nous pensions que la Chambre de première instance était fourvoyée. Nous

11 faisons valoir que si vous êtes d'accord avec l'appelant et avec nous qu'il

12 y avait une erreur de droit au troisième, cinquième et sixième motif

13 d'appel ou dans d'autres motifs d'appel, effectivement, la bonne peine à

14 fixer serait une peine que nous avions recommandé en première instance qui

15 est inférieure à 11 ans.

16 Je donne maintenant la parole à Mme Kristina Carey.

17 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Madame Carey, vous avez la parole.

18 Mme CAREY : [interprétation] Bonjour, Madame la Présidente, Messieurs les

19 Juges. Brièvement, avant de passer à mes motifs d'appel, je voudrais

20 traiter certains points évoqués par mes confrères pour l'appelant.

21 En ce qui concerne le motif 7, je voudrais souligner le fait que le

22 paragraphe 79, qui a été évoqué dans notre mémoire, ne traite pas des

23 circonstances aggravantes qui se posaient, mais il s'agissait des

24 circonstances atténuantes. Egalement, au paragraphe 79, il est dit que la

25 Chambre de première instance comprenait que l'appelant n'allait pas, pour

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1 citer le jugement : "L'instigateur dans cette campagne de persécutions." Je

2 voudrais, également, faire remarquer à la Chambre d'appel que les

3 paragraphes 54 et 62 traitent des circonstances aggravantes et que dans ces

4 paragraphes, la Chambre de première instance s'est centrée sur sa position

5 de dirigeant politique de haut niveau. Je voudrais traiter de ce motif de

6 façon un peu plus approfondie, à moins que vous n'ayez des questions à

7 poser maintenant.

8 En ce qui concerne le neuvième motif, je voudrais tout d'abord faire

9 remarquer que mon confrère a dit quelque chose qui aurait pu être une

10 erreur et que la Chambre devrait annuler le motif numéro 9. Il ne s'agit

11 pas d'un critère d'appel de réexamen. L'appelant doit simplement démontrer

12 qu'il y a eu une erreur discernable en l'espèce et ils ne l'ont pas fait.

13 En ce qui concerne les arguments supplémentaires sur le

14 neuvième motif, il y a une différence très claire faite dans l'acte

15 d'accusation entre l'objectif de l'entreprise criminelle commune proprement

16 dite et la portée dans le temps et la portée géographique, la participation

17 de l'appelant, lui-même, à l'entreprise criminelle commune.

18 En cas d'espèce, la Chambre de première instance a adopté les termes mêmes

19 qui étaient employés dans l'acte d'accusation, en ce qui concerne la portée

20 de l'entreprise criminelle commune et la portée de la participation de

21 l'appelant. Ceci, dans l'acte d'accusation pour laquelle l'appelant a

22 plaidé.

23 Dans une lecture complète du jugement, on peut voir que la Chambre de

24 première instance parle, également, de la conduite effective, de la place

25 limite au domaine de la Krajina, à l'époque allant du 1er août 1991 au 15

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1 février 1992. Je voudrais, plus précisément, faire remarquer les

2 paragraphes du jugement portant condamnation, les paragraphes -- vous

3 n'avez pas besoin de les lire maintenant, il s'agit des paragraphes 14, 15,

4 50 et 51.

5 Maintenant, je souhaiterais passer aux motifs que j'ai préparés pour ce

6 matin. Une des questions essentielles dans cet appel est de savoir si la

7 Chambre de première instance a fait une erreur en ce qui concerne la

8 qualification de la conduite criminelle générale de l'appelant. L'appelant,

9 à cet égard, a évoqué quatre motifs d'appel pour tenter d'identifier une

10 erreur. Ce sont les motifs 1, 3, 7 et 8. Comme mon co-conseil l'a dit et

11 comme nos confrères ont dit, il y a un motif sur lequel nous sommes

12 d'accord; c'est le troisième. L'Accusation estime que c'est sur ce motif-là

13 qu'on peut indiquer, on peut voir une erreur de la Chambre de première

14 instance qui a eu un impact sur la condamnation, sur la peine et ceci doit

15 être caractérisé comme étant -- en ce qui concerne la gravité de

16 l'infraction. L'Accusation n'est pas d'accord, en se basant simplement sur

17 le droit, sur les trois autres motifs présentés par l'appelant en ce qui

18 concerne cette question, qui sont les motifs 1, 7 et 8. Je souhaiterais,

19 d'abord, parler du motif numéro 3, de celui sur lequel nous sommes d'accord

20 avec l'appelant.

21 La Chambre de première instance a fait une erreur de droit en ce qui

22 concerne la gravité de l'infraction. La Chambre de première instance n'a

23 pas examiné, comme il convenait, la forme et la nature de la participation

24 de l'appelant aux crimes dont il est accusé. Ceci les a conduit à imposer

25 une condamnation excessive.

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1 La gravité de l'infraction est le point de départ pour déterminer quelle

2 est la décision. Elle exige que la Chambre de première instance considère

3 la forme et le degré de participation de l'accusé au crime. En l'espèce, la

4 Chambre de première instance a déterminé que la participation de l'appelant

5 était suffisante pour le considérer comme un co-auteur, plutôt qu'un

6 complice. La Chambre de première instance, comme nos collègues l'ont dit

7 pour l'appelant, n'était pas d'accord, ni avec l'Accusation, ni avec la

8 Défense, lors de la première instance au point de savoir si sa

9 participation était suffisamment limitée pour constituer des circonstances

10 atténuantes. La Chambre de première instance n'a pas considéré sa

11 participation à la lumière de l'ensemble de la portée de la criminalité de

12 -- le caractère criminel de l'entreprise criminelle commune en l'espèce ou

13 en comparaison avec la participation avec les co-auteurs. La participation

14 de l'appelant était beaucoup moins étendue que ce n'était le cas des co-

15 auteurs en l'espèce. Il n'a pas matériellement ou physiquement commis l'un

16 des crimes qui sont à la base de cette affaire. Il n'a pas non plus

17 commandé -- il ne commandait pas ceux qui étaient les auteurs matériels de

18 ces crimes. Il a également indiqué dans l'accord de plaidoyer dans la

19 déclaration de facte qu'il avait été marginalisé par des protagonistes de

20 haut niveau dans l'entreprise criminelle commune, ce qui diminuait sa

21 responsabilité et ses possibilités de prendre des mesures. L'Accusation

22 voudrait dire que pour les raisons qui sont exposées ici, et également dans

23 notre mémoire, la Chambre de première instance a commis une erreur en ne

24 prenant pas en considération ces faits essentiels, parce qu'elle n'a pas

25 pris en considération de façon adéquate la participation de l'accusé

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1 lorsqu'elle est parvenue à une conclusion concernant la gravité de

2 l'infraction.

3 A moins que vous n'ayez des questions à poser, Madame la Présidente,

4 Messieurs les Juges, je souhaiterais passer maintenant au premier motif

5 d'appel.

6 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Il n'y a pas de questions. Vous pouvez

7 poursuivre.

8 M. CAREY : [interprétation] En ce qui concerne le premier motif d'appel, la

9 Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a indiqué

10 que la qualification juridique de M. Babic, en tant que complice, était

11 incompatible avec certains des faits qui étaient présentés dans le

12 déclaration concernant les faits. A tout moment, la Chambre de première

13 instance a agi dans les limites du rôle essentiel décrit à l'Article 62

14 bis. Ceci exige que la Chambre de première instance soit satisfaite de la

15 totalité -- en ce qui concerne la totalité de la conduite criminelle de

16 l'accusé. Ceci figure dans l'accord de plaidoyer tel qu'il a été fait avant

17 d'être présenté en l'espèce là où les parties ont été d'accord. La Chambre

18 de première instance doit elle-même s'assurer que l'accusé est coupable des

19 crimes dont il est accusé dans l'acte d'accusation, et ceci comprend la

20 totalité de sa conduite criminelle. En l'espèce, la Chambre de première

21 instance a bien indiqué qu'il y avait des faits dans l'exposé des faits qui

22 l'avait amené à conclure que la complicité n'était pas la bonne

23 qualification juridique à donner. A ce moment important, il est important

24 que l'a Chambre soit assurée que la condamnation en tant que co-auteur est

25 une condamnation solide. Cela veut dire que l'appelant s'est déclaré

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1 coupable, et a fait un accord de plaidoyer de plein gré, connaissant les

2 chefs retenus contre lui et conscient des différences qui pourraient y

3 avoir entre les différentes infractions dont il pouvait être accusé. En

4 l'espèce, la Chambre première instance a demandé à l'appelant s'il

5 comprenait la modification opérée entre le premier accord de plaidoyer et

6 le second, s'il comprenait les incidences qu'avait cette modification au

7 cours de la nouvelle comparution initiale. L'appelant a répondu par

8 l'affirmative.

9 Au cours de l'accord de plaidoyer, l'appelant a confirmé qu'il n'allait pas

10 contester cette déclaration de plaidoyer. L'Accusation comprend aujourd'hui

11 que ce n'est pas là l'intention de l'appelant, mais il semble indiquer

12 qu'il y avait un problème au niveau de la compréhension entre la différence

13 entre complicité et le fait d'être co-auteur, et que ceci intervient dans

14 la question essentielle de savoir s'il comprenait les chefs, les charges

15 retenues contre lui. Ici, cela n'entraînerait pas une diminution de la

16 peine, ce qui est demandé, mais un procès de novo.

17 Autre chose mentionnée dans le premier motif de l'appelant, c'est que la

18 Chambre s'est trompée en ne permettant pas à M. Babic de prononcer un

19 plaidoyer de culpabilité ouvert. Ce n'est pas prévu par le Statut, ce n'est

20 pas approprié. Une Chambre de première instance ne peut accepter un

21 plaidoyer que si l'accusé comprend parfaitement la nature et les

22 conséquences de ce plaidoyer de culpabilité et l'objet précis de ce

23 plaidoyer. Si cela avait été un plaidoyer ouvert, cela n'aurait pas été

24 possible en l'espèce.

25 Motif 7, je veux simplement rappeler que l'appelant, s'agissant de ce

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1 motif-ci, l'appelant n'a pas bien interprété ce qu'a fait la Chambre. La

2 Chambre n'a pas appuyé cette circonstance aggravante sur le rôle de

3 dirigeant qu'il avait dans l'entreprise criminelle commune. En fait, la

4 Chambre s'est basée pour déclarer cette circonstance aggravée sur son rôle

5 de dirigeant politique régional; décision tout à fait confortée par la

6 jurisprudence de ce Tribunal, qui dit que ce fait est souvent considéré

7 comme aggravant, notamment pour Biljana Plavsic, Simic, Deronjic and

8 Kordic, notamment. C'est un élément bien accepté par la jurisprudence. La

9 Chambre d'appel a également dit que c'était un élément qui peut intervenir

10 comme circonstance aggravante.

11 Rapidement le motif 9. En fait, non, je ne vais pas parler du

12 neuvième motif, parce que j'ai le sentiment que j'en ai déjà parlé dans mes

13 déclarations liminaires. Je ne sais pas si vous avez des questions à me

14 poser. Si ce n'est pas le cas, j'en ai terminé, et je donnerai la parole à

15 mon collègue M. Tracol.

16 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Non, je vous remercie, il n'y pas de

17 questions.

18 Mme. CAREY : [interprétation] Merci.

19 M. TRACOL : Madame la Présidente, Messieurs les Juges, je vais maintenant

20 répondre à cinq motifs d'appel, à savoir, le quatrième motif d'appel

21 relatif à la vie en tant que témoin protéger; le cinquième motif d'appel

22 relatif à la bonne moralité de l'appelant avant les faits; le sixième motif

23 d'appel relatif au comportement ultérieur à la commission des crimes par

24 l'appelant; le dixième motif d'appel relatif aux points insuffisants

25 accordés selon la Défense à la totalité des circonstances atténuantes;

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1 enfin brièvement, le onzième motif d'appel soulevé par l'appelant. La

2 plupart de ces motifs d'appel sont relatifs aux circonstances atténuantes.

3 Mon collègue Mark Mckeon vous l'a indiqué tout à l'heure, l'Accusation a

4 concédé certains de ces motifs d'appel de la Défense. Ce que je voudrais

5 maintenant, c'est revenir sur les raisons pour lesquelles l'Accusation a

6 concédé certains motifs d'appel. En effet, ces raisons sont parfois

7 différentes de celles qui ont été exprimées par les conseils de la Défense

8 dans cette affaire.

9 S'agissant tout d'abord du quatrième motif d'appel relatif à la vie en tant

10 que témoin protégé, l'Accusation relève tout d'abord que ce motif d'appel

11 concerne seulement l'appréciation du poids qui a été accordé par la Chambre

12 de première instance aux circonstances atténuantes et non la question

13 distincte qui se situe en amont de l'identification de ces circonstances

14 atténuantes. L'Accusation reconnaît volontiers que l'appelant est le

15 premier accusé. C'est également un témoin protégé qui a été réinstallé avec

16 les membres de sa famille. Il est pour ainsi dire un accusé protégé. En

17 cela, sa situation est littéralement extraordinaire; elle sort tout à fait

18 de l'ordinaire. Selon l'Accusation, l'appelant n'a pas rempli sa charge de

19 la preuve que la Chambre de première instance a commis une erreur

20 manifeste, en prenant en considération des éléments dont elle n'aurait pas

21 dû tenir compte ou en refusant à l'inverse de tenir compte d'éléments

22 qu'elle aurait dû prendre en considération. C'est la raison pour laquelle

23 l'Accusation demande à la Chambre d'appel de rejeter le quatrième motif

24 d'appel.

25 D'une part, la Chambre de première instance a dûment pris en

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1 considération les conséquences de la coopération de l'appelant pour lui-

2 même et pour les membres de sa famille. Je me réfère en particulier aux

3 paragraphes 3, 74, 87 et 88 du jugement. Ces arguments ont été développés

4 par l'Accusation au paragraphe 3.51 de son mémoire. D'autre part, les

5 Chambres de première instance ne sont pas tenues de qualifier juridiquement

6 les circonstances atténuantes de substantielles ou non. Bien que les

7 Chambres de première instance ne soient pas tenues de qualifier

8 juridiquement les circonstances atténuantes de substantielles, c'est

9 précisément ce que la Chambre de première instance a fait dans cette

10 affaire, en particulier au paragraphe 75 que je cite : "La Chambre de

11 première instance a accordé un point substantiel à la coopération de Milan

12 Babic avec le Tribunal." Or, cette coopération comprend précisément son

13 statut de témoin protégé.

14 La Chambre de première instance avait pris en considération le statut

15 de témoin protégé de l'appelant à deux reprises dans le jugement, à savoir

16 lorsqu'elle a examiné sa coopération avec le Tribunal d'une part, et

17 d'autre part, lorsqu'elle a examiné sa situation personnelle et familiale.

18 Dans ces conditions, l'appelant est selon l'Accusation pour le moins

19 malvenu de se plaindre que la Chambre de première instance n'a pas accordé

20 suffisamment de poids à cette circonstance atténuante.

21 S'agissant maintenant du cinquième motif d'appel relatif à la bonne

22 moralité de l'appelant avant les faits. Selon l'Accusation, la bonne

23 moralité de l'accusé peut constituer une circonstance atténuante, mais le

24 poids accordé à cette circonstance atténuante est généralement limité en

25 l'absence de circonstances exceptionnelles. En l'espèce, la Chambre de

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1 première instance, au paragraphe 91 du jugement, indiquait la chose

2 suivante, je le cite : "La bonne moralité d'une personne reconnue coupable

3 avant les faits, ne peut pris isolément être retenue comme circonstance

4 atténuante même si elle peut l'être dans des circonstances exceptionnelles

5 qui n'ont pas été établies en espèce."

6 Selon l'Accusation, la Chambre de première instance a conclu

7 qu'aucune valeur ne peut être accordée à la bonne moralité avant les faits,

8 sauf circonstances exceptionnelles. Or, d'après une jurisprudence constante

9 des Chambres de première instance, cette circonstance atténuante se voit

10 accorder une importance limitée, sauf circonstance exceptionnelle. C'est

11 donc tout à fait différent. En cela, la conclusion de la Chambre de

12 première instance dans cette affaire, diverge de la jurisprudence constante

13 des Chambres de première instance. Selon l'Accusation, cette divergence de

14 jurisprudence et surtout, bien entendu, son application au fait de l'espèce

15 constitue une erreur manifeste de la Chambre de première instance.

16 C'est la raison pour laquelle l'Accusation vous demande de réviser le

17 jugement qui a été rendu et de réduire la peine prononcée à l'encontre de

18 l'appelant sur le fondement du cinquième motif d'appel.

19 S'agissant maintenant du sixième motif d'appel, ce, relatif au

20 comportement ultérieur à la commission du crime. En premier lieu, la

21 Chambre de première instance a considéré au paragraphe 94 du jugement que

22 je cite : "Le comportement de l'accusé après le crime, est un élément dont

23 il a été tenu compte dans d'autres affaires portées devant le Tribunal

24 lorsque la personne reconnue coupable immédiatement après le crime fait en

25 sorte d'atténuer les souffrances des victimes." M. Juge Schomburg s'est

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1 référé à ces conclusions de la Chambre de première instance tout à l'heure.

2 Selon l'Accusation, la Chambre de première instance a considéré que

3 le comportement de l'accusé après le crime est seulement pertinent, à

4 condition qu'il fasse en sorte d'atténuer les souffrances des victimes. Ce

5 faisant, la Chambre de première instance a appliqué un critère juridique,

6 un test erroné au fait de l'espèce. C'est la raison pour laquelle

7 l'Accusation demande également à la Chambre d'appel de réviser le jugement

8 et de réduire la peine prononcée à l'encontre de l'appelant sur le

9 fondement du sixième motif d'appel.

10 En second lieu, la Chambre de première instance a également mal

11 interprété le jugement portant condamnation dans l'affaire Plavsic. Dans le

12 jugement Plavsic, la Chambre de première instance III a examiné le

13 comportement ultérieur au conflit en tant que circonstance atténuante à la

14 lumière de la réconciliation plutôt que de l'atténuation des souffrances

15 des victimes. Je me réfère en particulier au paragraphe 87 du jugement dans

16 l'affaire Plavsic. L'appelant, dans cette affaire, a agi de manière tout à

17 fait comparable à Biljana Plavsic après le conflit armé. La Chambre de

18 première instance n'a pas même mentionné ces actions de l'appelant, M. le

19 Juge Shahabuddeen l'a relevé tout à l'heure. Par exemple, l'appelant a été

20 le seul à tenter une réconciliation avec les Croates. Il a négocié avec eux

21 pour tenter de trouver une solution pacifique. Il a travaillé activement

22 pour la paix dans la région. Je relève que les parties en première instance

23 ont dûment versé au dossier des éléments pour le prouver. Je me réfère en

24 particulier aux pièces PS5 et PS6, qui renvoient au témoignage de M.

25 l'ambassadeur Galbraith dans l'affaire Milosevic, également au compte rendu

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1 d'audience du témoignage de M. Babic dans l'audience Milosevic.

2 Ces éléments ont été développés par l'Accusation dans son mémoire

3 devant la Chambre d'appel, en particulier au paragraphe 3.64. Je le répète,

4 ces éléments ont été devant la Chambre de première instance déjà. Or

5 effectivement, la Chambre de première instance ne s'est pas référé, n'a

6 même pas mentionné ces éléments qui étaient pourtant devant elle.

7 Le fait que la Chambre de première instance ait passé ces éléments

8 sous silence, laisse à penser qu'elle ne les a pas considérés comme un

9 comportement ultérieur qui atténue la peine. La seule déduction possible,

10 est que la Chambre de première instance n'a pas examiné ces preuves; ils

11 les a simplement, purement et simplement passées sous silence. La Chambre

12 de première instance, dans cette affaire, a reconnu que le comportement

13 similaire de Biljana Plavsic, constituait une circonstance atténuante.

14 Selon l'Accusation, la Chambre de première instance a commis une erreur

15 manifeste en distinguant le comportement de Biljana Plavsic après le crime

16 du comportement de l'appelant.

17 S'agissant maintenant du dixième motif d'appel qui est relatif au

18 poids insuffisant accordé à la totalité des circonstances atténuantes.

19 Selon l'Accusation, l'appelant n'a pas apporté la preuve que la Chambre de

20 première instance a abusé de son pouvoir discrétionnaire en n'accordant pas

21 suffisamment de poids aux circonstances atténuantes, que celle-ci soient

22 prises isolément ou en totalité. C'est la raison pour laquelle l'Accusation

23 demande à la Chambre d'appel de rejeter le dixième motif d'appel de

24 l'appelant.

25 S'agissant plus particulièrement du remords auquel M. Schomburg s'est

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1 référé tout à l'heure, l'appelant, selon l'Accusation, n'a pas démontré que

2 la Chambre de première instance n'a pas accordé suffisamment de poids aux

3 remords qu'il a exprimé. Ce étant, l'Accusation reconnaît bien volontiers

4 que le cas de l'appelant est unique dans la mesure où il exprimé son remord

5 alors que l'Accusation poursuivait encore ses enquêtes. L'appelant est le

6 seul témoin protégé réinstallé qui a été mis en accusation après avoir

7 témoigné dans le cadre d'un procès.

8 S'agissant du sérieux de l'étendue de la coopération, l'Accusation

9 note que Chambre de première instance a accordé au paragraphe 75 du

10 jugement que je cite : "Un poids substantiel à la coopération de Milan

11 Babic avec le Tribunal lors de la fixation de la peine."

12 S'agissant ensuite de la reddition volontaire, la Chambre de première

13 instance a expressément pris cette circonstance atténuante en compte au

14 paragraphe 86 du jugement. L'appelant n'a pas démontré que la Chambre de

15 première instance n'a pas accordé suffisamment de poids à cette

16 circonstance atténuante.

17 Cela étant, l'appelant savait pertinemment qu'il serait condamné à

18 une peine d'emprisonnement lorsqu'il a exprimé son accord pour témoigner

19 dans le cadre du procès Milosevic et pour être réinstallé en tant que

20 témoin protégé. Cela distingue clairement le cas de l'appelant de celui

21 d'accusés qui sont mis en accusation, puis arrêtés, puis plaident

22 coupables. La chronologie dans cette affaire est tout à fait différente.

23 S'agissant enfin de circonstances personnelle et familiale, la Chambre de

24 première instance les a dûment prises en compte également. Je me réfère en

25 particulier aux paragraphes 87 et 88 du jugement.

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1 Enfin, et j'ai indiqué que je serai bref, s'agissant du onzième

2 motif d'appel auquel M. Juge Guney s'est référé tout à l'heure, je pense

3 qu'il faut revenir au mémoire de l'appelant dans cette affaire. Ce qui a

4 été prétendu devant votre Chambre, c'est que la Chambre de première

5 instance aurait considéré que l'appelant n'a pas dit la vérité. Ce n'est

6 pas tout à fait ce que la Chambre de première instance a considéré dans

7 cette affaire. La Chambre de première instance n'a jamais indiqué qu'elle

8 considérait que l'appelant n'a pas dit la vérité. En revanche, ce qu'elle a

9 considéré, c'est qu'elle n'était pas convainque, et c'est au paragraphe 98

10 à la fin comme l'indiquaient les conseils de la Défense, que l'appelant, et

11 je cite : "A toujours reconnu toute l'importance du rôle qu'il a joué en

12 Croatie." C'est tout à fait différent que de conclure que l'appelant

13 n'aurait pas dit la vérité en première instance. La Chambre de première

14 instance n'a jamais indiqué que l'appelant avait menti, ce n'est pas ce

15 qu'elle a considéré dans les faits d'espèce.

16 J'en ai fini avec mon réquisitoire. Je me tiens, bien entendu, à la

17 disposition de la Chambre pour toute question éventuelle.

18 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Il n'y a pas de questions pour

19 vous. Y a-t-il des questions pour le réquisitoire final ?

20 M. McKEON : [interprétation] Merci, Madame la Présidente, Messieurs

21 les Juges. Je suis conscient de l'heure, et je serai très bref en ce qui

22 concerne le deuxième motif qui soutient que la Chambre de première instance

23 n'a pas donné une opinion motivée sur certains points. Elle n'aurait pas

24 résolu notamment certaines questions sur des questions de fait qui étaient

25 incontestées, et deuxièmement pourquoi elle n'a pas donné les motifs

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1 lorsqu'elle a rejeté la recommandation de l'Accusation en ce qui concernait

2 l'appel impliqué.

3 Deuxième point, ce que je voudrais faire, c'est de faire remarquer à la

4 Chambre d'appel qu'après le dépôt de notre mémoire, il y a eu un

5 développement dans le droit sur cette deuxième question, notamment, en ce

6 qui a été décidé en appel dans l'affaire Nikolic. Dans l'affaire Nikolic,

7 la Chambre d'appel a jugé que si la peine doit s'écarter substantiellement

8 de la recommandation faite dans l'accord à plaidoyer, la Chambre de

9 première instance devrait donner les motifs pour lesquels elle s'en écarte.

10 Dans l'affaire Nikolic, je voudrais remarquer cette divergence, puisqu'il

11 s'agissait de 23 ans par rapport à 15 ans, par rapport à cette affaire-ci

12 dans laquelle il y a eu 13 ans infligés, par rapport au 11 demandés. Je

13 voudrais demander, tout d'abord, s'il n'y a pas eu d'écart substantiel par

14 rapport à l'accord de plaidoyer en l'espèce, mais deuxièmement, même si

15 cela avait été le cas, les raisons, les motifs donnés par la Chambre de

16 première instance avaient expliqué, de façon suffisante, pourquoi ils

17 avaient rejeté la recommandation de l'Accusation, à savoir, qu'ils étaient

18 d'un avis différent en ce qui concernait l'ensemble des circonstances

19 atténuantes et d'un avis différent en ce qui concernait le rôle de

20 l'appelant par rapport aux infractions commises. Même si la règle de

21 l'arrêt Nikolic ne s'appliquait pas en l'espèce, même si on l'appliquait,

22 maintenant, dans la présente affaire, le critère de l'affaire Nikolic a été

23 appliqué, a été satisfait.

24 En ce qui concerne la première partie de l'argumentation qui est de savoir

25 si la Chambre de première instance doit indiquer des conclusions de fait

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1 sur les questions contestées, ce que je pense est le thème commun des

2 quatre domaines qui ont été identifiées, ceci nous ramène au paragraphe 79,

3 dans laquelle la Chambre de première instance indique que, dans sa

4 participation, l'appelant n'avait pas un rôle aussi limité que les parties

5 ont suggéré qu'il l'était. Je pense que si la Chambre d'appel examine le

6 paragraphe 79 du jugement, vous verrez qu'il cite deux points incontestés

7 en ce qui concerne les faits, en ce qui concerne le rôle de l'appelant, le

8 rôle qu'il a joué dans cette entreprise criminelle commune. Nulle part dans

9 ce paragraphe, les faits ne sont contestés par rapport à ce qui a été dit

10 précédemment et à savoir, une structure parallèle et que M. Babic avait été

11 influencé par la propagande et que M. Babic n'était pas conscient, à

12 l'époque, du fait que des crimes se commettaient sur une aussi grande

13 échelle et une aussi grande portée. Voilà tout simplement la situation,

14 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, en ce qui concerne les points

15 qui ne sont pas contestés entre les parties et ces différents facteurs et

16 ces conclusions qui ne sont pas contestées.

17 Je conclus ainsi mes réquisitions et je suis prêt à répondre à des

18 questions, si vous en avez à me poser.

19 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Il n'y a pas de questions, Monsieur le

20 Conseil. Je vous remercie beaucoup.

21 M. McKEON : [interprétation] Merci, Madame la Présidente.

22 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] M. Guney a quelques questions pour le

23 conseil.

24 M. FOGELNEST : [interprétation] Très rapidement, j'aimerais d'abord,

25 corriger une erreur au niveau des faits. Mon confrère a dit que M. Babic

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1 avait témoigné dans un procès, mais il a déposé dans deux procès, dans les

2 procès Milosevic et Krajisnik.

3 Pour ce qui est des écarts, des divergences essentielles ou substantielles,

4 c'est deux ans dans la vie d'un homme, au moins. Moins de 11 ans, c'est ce

5 qu'on avait demandé. Alors, comment dire ce qui était important et ce qui

6 ne l'est pas ? Est-ce que c'est 50 % ? 15, 20 % ? C'est quand même deux ans

7 de la vie d'un homme.

8 Mon confrère vous a dit que la Chambre de première instance avait estimé

9 que le rôle de dirigeant de M. Babic était une circonstance aggravante, vu

10 les fonctions qu'il a exercées. Mais si vous estimez que ce raisonnement

11 doit se maintenir, quiconque est mis en accusation et qui occupait de

12 hautes fonctions, quel que soit le rôle qu'aurait joué une telle personne

13 dans l'entreprise criminelle commune, doit estimer que ce rôle ou ces

14 fonctions constituent une circonstance aggravante. Est-ce là, l'intention

15 poursuivie par la loi, par le droit ? Ou est-ce que la loi veut qu'une

16 personne soit considérée comme ayant une plus grande culpabilité, si ces

17 personnes exerçaient des fonctions élevées lorsque ces fonctions s'exercent

18 dans une entreprise criminelle commune ? Je pense que c'est là, l'élément

19 essentiel, le gravamen de la question qui n'a pas encore été tranchée par

20 la Chambre d'appel. Effectivement, vous avez eu des gens, des hauts commis

21 de l'état, à propos de qui on a estimé qu'il fallait, effectivement, leur

22 accorder des circonstances aggravantes. Mais ce sont aussi des dirigeants

23 de l'entreprise criminelle commune. Ici, nous avons une situation tout à

24 fait unique, quelqu'un ayant exercé une fonction politique élevée. Mais du

25 fait des faits qui sont repris dans l'exposé des faits, faits concédés, il

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1 est accepté qu'il n'ait pas été dirigeant dans cette entreprise criminelle

2 commune. Je pense que c'est la question dont vous devez vous saisir.

3 Je vous remercie. Je suis prêt à répondre à toutes questions.

4 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Il n'y a pas de questions, je pense.

5 Je vous remercie.

6 Excusez-moi, le Juge Guney voulais poser une question.

7 M. FOGELNEST : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

8 M. LE JUGE GUNEY : Je demandais des éclaircissements sur un point que j'ai

9 plus de difficultés à comprendre.

10 M. FOGELNEST : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

11 M. LE JUGE GUNEY : Je voudrais demander certains éclaircissements sur un

12 point que j'éprouve des difficultés à comprendre. Dans le mémoire d'appel,

13 vous mentionnez pour la première fois que M. Babic a tenté d'alléger, en

14 d'autre termes, d'atténuer les problèmes régnant dans les centres de

15 détention, en affectant du personnel carcéral professionnel. Toutefois,

16 vous n'expliquez, cependant, pas en quoi cela a effectivement amélioré les

17 conditions de détention. Pourriez-vous développer cet argument ? Merci.

18 M. FOGELNEST : [interprétation] Je vous demande un moment, s'il vous plaît.

19 Monsieur le Juge, d'après ce que je comprends, à un moment donné, M. Babic

20 a fait venir de nouveaux gardes et a réussi à faire partir ceux qui étaient

21 brutaux et à faire alléger les brutalités qui étaient perpétrés. Est-ce que

22 j'ai raison, Monsieur Babic ? Oui ?

23 L'INTERPRÈTE : L'accusé opine.

24 M. FOGELNEST : [interprétation] Je n'aurais pas d'objection. Monsieur le

25 Juge, si vous voulez que cette question fasse l'objet d'une réponse de M.

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1 Babic qui est, je pense, mieux qualifié pour y répondre que je ne le suis

2 moi-même, je présente mes excuses, mais sur cette base, je sais qu'il a

3 fait venir des nouveaux gardes.

4 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Ce sera à votre convenance. Merci.

5 M. FOGELNEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

6 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Merci, Monsieur le Conseil. Il n'y a

7 pas d'autres questions ?

8 Je m'adresse maintenant, à l'appelant M. Milan Babic pour lui demander s'il

9 souhaite s'adresser à la Chambre d'appel.

10 L'APPELANT : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Présidente,

11 Messieurs les Juges. La seule chose que je souhaite dire, c'est que je suis

12 très vivement préoccupé par la sécurité de ma famille. J'en ai déjà parlé à

13 des Conférences de mise en état et rien n'a changé jusqu'à présent. C'est

14 la seule chose qui compte pour moi; rien d'autre.

15 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Merci, Monsieur Milan Babic. Vous

16 pouvez vous rasseoir. Nous voici maintenant arrivés à la fin de la présente

17 audience. Je souhaite remercier les conseils de l'appelant, les

18 représentants de l'Accusation et tout le personnel qui nous a aidé.

19 Je lève la séance.

20 --- L'audience d'appel est levée à 11 heures 25.

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