Affaire n° : IT-02-60-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Devant :
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen, Juge de la mise en état en appel

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
16 août 2005

LE PROCUREUR

c/

VIDOJE BLAGOJEVIC
DRAGAN JOKIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE MODIFIÉE DE DRAGAN JOKIC AUX FINS DE COMMUNICATION DE DOCUMENTS

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils des Accusés :

Mme Cynthia Sinatra et M. Christopher Staker, pour Dragan Jokic
M. Vladimir Domazet, pour Vidoje Blagojevic

 

NOUS, MOHAMED SHAHABUDDEEN, Juge de la Chambre d’appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU l’Ordonnance portant désignation d’un juge de la mise en état en appel, rendue le 22 octobre 2004, dans laquelle le Président nous a désigné juge de la mise en état en appel en l’espèce,

ATTENDU qu’en l’espèce, la Chambre de première instance I a rendu son jugement oralement le 17 janvier 2005 et par écrit le 24 janvier 2005 (le « Jugement »),

ATTENDU que dans le rapport sur la situation qu’elle a déposé le 16 juin 2005, l’Accusation désigne certains documents qu’elle entend communiquer aux appelants, dont un grand nombre de documents constituant les archives du corps de la Drina qui, selon elle, pourront être consultés via le Système électronique de communication des preuves (EDS) fin septembre 2005,

ATTENDU qu’il a longuement été discuté de ces documents à la conférence de mise en état qui s’est tenue le 17 juin 2005, qu’à cette occasion l’Accusation a assuré qu’elle faisait tout son possible pour les communiquer au plus vite via le système EDS et que l’appelant Dragan Jokic (l’« Appelant ») n’a pas démenti cette affirmation1,

VU la requête modifiée de Dragan Jokic aux fins de communication de documents (Dragan Jokic’s Amended Motion for Disclosure), déposée le 2 juillet 2005 (la « Requête modifiée »), par laquelle l’Appelant demande que le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») lui communique, en application de l’article 68 i) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), les versions anglaise et b/c/s des éléments de preuve suivants : l’ensemble des archives du corps de la Drina, une carte routière de la brigade de Zvornik pendant le conflit (la « Carte »), toutes les déclarations de Vinko Pandurevic, les comptes rendus d’audience des dépositions des témoins B1455 et B1775 recueillies à huis clos dans le procès Milosevic2, tout autre document saisi au quartier général de la brigade de Zvornik en 1999, les déclarations du témoin P130 recueillies depuis le procès en première instance, les déclarations des témoins à charge recueillies dans d’autres affaires portées devant le Tribunal international3, et tout autre document que l’Accusation est tenue de communiquer en application de l’article 68 du Règlement,

ATTENDU que l’Appelant demande également dans la Requête modifiée que l’Accusation lui fournisse, en application de l’article 68 ii) du Règlement, le logiciel informatique permettant d’effectuer des recherches dans les documents communiqués sous forme électronique,

ATTENDU que la Requête modifiée remplace la requête initiale aux fins de communication de documents saisis au quartier général de la brigade de Zvornik (Request for Disclosure of Documents Removed from Zvornik Brigade Headquarters), déposée par l’Appelant le 20 juin 2005 (la « Requête initiale »)4,

VU la réponse de l’Accusation (Prosecution’s Response to Dragan Jokic’s Amended Motion for Disclosure), déposée le 15 juillet 2005 (la « Réponse ») et le corrigendum à la Réponse (Corrigendum to Prosecution’s Response to Dragan Jokic’s Amended Motion for Disclosure), déposé le 18 juillet 2005, dans lesquels l’Accusation fait valoir que « la demande formulée dans la Requête modifiée n’est pas du tout fondée5 », puisque l’Accusation n’a cessé de communiquer des documents à la Défense, qu’elle a répondu à toutes ses demandes à ce sujet, y compris celles contenues dans la Requête modifiée, et qu’il n’y avait pas lieu de soumettre cette dernière à la Chambre d’appel,

ATTENDU que l’Appelant n’a pas déposé de réplique,

ATTENDU que l’Accusation déclare qu’elle ignore tout de l’existence de la Carte – ce que l’Appelant n’a pas contesté – et que si celui-ci a des raisons de croire qu’elle peut se la procurer, il devrait la lui décrire avec précision,

ATTENDU que l’Accusation déclare – ce que l’Appelant n’a pas contesté – que dans la correspondance qu’elle a eue jusqu’à présent avec la Défense concernant la communication des déclarations de Vinko Pandurevic, elle a fait savoir à deux reprises à l’Appelant qu’elle lui avait déjà communiqué l’ensemble desdites déclarations, et que celui-ci ne lui a pas indiqué, comme elle lui avait demandé de le faire, si d’autres informations devaient être communiquées en application de l’article 68 i) du Règlement,

ATTENDU que l’Appelant n’a pas précisé à quel compte rendu il fait référence s’agissant de la déposition du témoin B1455, que l’Accusation affirme avoir communiqué la déposition du témoin B1775 recueillie à huis clos, et que l’Appelant n’a pas répondu à ce sujet,

ATTENDU que l’Accusation affirme avoir communiqué en première instance tous les documents saisis au quartier général de la brigade de Zvornik et que l’Appelant ne lui a pas indiqué s’il existait d’autres documents « dont [le Procureur] sait effectivement qu’ils sont de nature à disculper en tout ou en partie l’accusé ou à porter atteinte aux éléments de preuve de l’Accusation6 »,

ATTENDU que l’Appelant n’a pas contesté l’affirmation de l’Accusation selon laquelle elle a communiqué toutes les déclarations du témoin P130 qu’elle avait en sa possession,

ATTENDU que l’Appelant n’a pas dit quelles sont précisément les déclarations recueillies dans d’autres procès qu’il demande et que l’Accusation lui a communiqué celles dont elle connaît l’existence,

ATTENDU que l’article 68 ii) du Règlement dispose que l’Accusation doit mettre à la disposition de l’Appelant, « sous forme électronique, les collections de documents pertinents qu’[elle] détient et les logiciels qui permettent à la défense d’y effectuer des recherches électroniquement »,

ATTENDU que l’Appelant ne conteste pas que l’Accusation fait tout son possible pour lui communiquer au plus vite, dans les limites du raisonnable, via le système EDS les archives du corps de la Drina,

ATTENDU que le conseil de l’Appelant a reçu le mot de passe et les instructions lui permettant d’utiliser le système EDS,

ATTENDU que l’Accusation a rempli les conditions posées par l’article 68 du Règlement et qu’elle ne semble pas faire preuve de mauvaise volonté pour communiquer les documents demandés, mais qu’elle n’est tout simplement pas certaine de savoir de quels documents il s’agit, et qu’il suffirait peut-être pour résoudre ce problème que les parties continuent à communiquer directement entre elles,

ATTENDU, par conséquent, que la Chambre n’a pas à intervenir sur cette question à ce stade de la procédure,

REJETONS la Requête de l’Appelant aux fins de communication de documents.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 16 août 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Juge de la mise en état en appel
_________________
Mohamed Shahabuddeen

[Sceau du Tribunal international]


1. Compte rendu de la conférence de mise en état du 17 juin 2005, p. 14 à 20.
2. Affaire n° IT-02-54-T.
3. À savoir celles de Dragan Spasojevic, Vinko Stojkic, Miladin Jijatovic, Danilo Lazarevic, Branko Risocic, Drago Stokic, Slavko Bogicevic, Drago Nikolic, Branko Mikic et Semso Muminovic.
4.Comme l’Accusation l’a indiqué dans sa réponse intitulée Response to Jokic Motion Requesting Documents from Zvornik Brigade Headquarters, déposée le 30 juin 2005, la Requête initiale était extrêmement confuse et comportait, semble-t-il, certains passages glissés par erreur. L’Accusation a proposé que l’Appelant dépose à nouveau sa requête, et c’est ce qu’il a fait.
5. Réponse, par. 9.
6. Article 68 i) du Règlement.