Affaire n° IT-02-60-T

Le Procureur c/ Blagojevic et consorts

DÉCISION

LE GREFFIER,

 

VU le Statut du Tribunal adopté par le Conseil de sécurité en application de la résolution 827 (1993), et en particulier son article 21,

VU le Règlement de procédure et de preuve adopté par le Tribunal le 11 février 1994, tel qu’ultérieurement modifié (le « Règlement »), et en particulier ses articles 44 et 45,

VU la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense, telle qu’ultérieurement modifiée (la « Directive »),

VU le Code de déontologie pour les avocats exerçant devant le Tribunal international (le « Code de déontologie »),

VU l’« Ordonnance portant désignation d’un conseil indépendant » (l’« Ordonnance »), rendue le 9 mai 2003 par la Chambre de première instance saisie de la présente affaire (la « Chambre de première instance »),

ATTENDU qu’après avoir examiné la demande de l’accusé, M. Michael Karnavas a été commis d’office par le Greffier pour représenter M. Vidoje Blagojević (l’« accusé ») à compter du 31 août 2001,

ATTENDU qu’à la demande du conseil principal, et conformément à l’article 16 C) de la Directive, le Greffier a commis d’office Mme Suzanna Tomanović en tant que coconseil, le 25 septembre 2002,

ATTENDU que, par une lettre datée du 22 octobre 2002, l’accusé a informé le Greffe qu’il avait « des doutes sur le caractère judicieux et exhaustif de l’évaluation faite par M. Karnavas en ce qui concernait le choix de Mme Tomanović comme coconseil »,

ATTENDU qu’à une conférence de mise en état convoquée le 27 novembre 2002, l’accusé a informé le juge de la mise en état qu’il ne souhaitait pas que son procès se déroule avec Mme Tomanovic continue d’agir en tant que coconseil dans son procès, a précisé que Mme Tomanović n’avait pas été retenue conformément à ses souhaits et a demandé qu’un nouveau coconseil de son choix soit commis d’office pour assister le conseil principal, M. Michael Karnavas,

VU la « Décision relative à la requête orale aux fins de remplacement d’un coconseil », rendue le 9 décembre 2002, par laquelle la Chambre de première instance a estimé que le conseil principal comme le coconseil avaient été nommés par le Greffier conformément aux dispositions pertinentes, qu’il n’y avait aucun autre élément, soit présenté par l’accusé soit constaté par la Chambre de première instance après avoir entendu les parties, qui puisse justifier la révocation de la commission d’office du coconseil, et a donc maintenu la décision du Greffier nommant Mme Tomanović en tant que coconseil, rejeté la requête orale de l’accusé, et décidé que Mme Tomanovic pouvait continuer d’assumer ses fonctions de coconseil,

ATTENDU qu’à une conférence de mise en état s’étant tenue le 27 mars 2003, l’accusé a formulé de nouveau des objections concernant l’équipe de la Défense, réitéré sa demande de révocation de la commission d’office de Mme Tomanovic en tant que coconseil, et exprimé sa défiance envers son conseil principal, résultant du refus de M. Karnavas de respecter ses souhaits quant au choix du coconseil,

ATTENDU que lors de cette même conférence de mise en état, le juge de la mise en état a relevé en premier lieu qu’il appartenait au « Greffier de se prononcer sur le bien-fondé de la demande », a précisé en second lieu que le Greffier devait décider s’il fallait ou non remplacer Mme Tomanović et, dans la négative, s’il devait ętre fait droit à la demande concomitante de l’accusé de remplacer l’équipe de la Défense dans son ensemble,

ATTENDU que, le 8 avril 2003, le Greffier a rendu une décision (la « Décision du Greffier »), rejetant à la fois la demande de l’accusé visant à la révocation de la commission d’office du coconseil et sa demande subsidiaire de remplacement de toute l’équipe de la Défense, au motif qu’aucun changement important de circonstances ne s’était produit depuis que la Chambre de première instance avait rendu sa « Décision relative à la requête orale aux fins de remplacement d’un coconseil » le 9 décembre 2002, que l’accusé ne pouvait subir aucun tort du fait que Mme Tomanovic soit maintenue dans ses fonctions de coconseil, et que le remplacement du coconseil à ce stade de la procédure pouvait porter préjudice à l’accusé en occasionnant notamment un retard dans le déroulement de cette dernière ce qui nuirait à son droit à être jugé rapidement,

ATTENDU que, le 10 avril 2003, il a été remis copie à l’accusé, dans une langue qu’il comprend, de la Décision du Greffier datée du 8 avril 2003,

ATTENDU que, le 14 avril 2003, un représentant du Greffe a rencontré l’accusé afin de l’informer des effets juridiques de la Décision du Greffier de rejeter à la fois sa demande de révocation de la commission d’office du coconseil, et sa demande subsidiaire de remplacement de l’équipe de la Défense, et l’a informé que conformément à l’article 19 D) de la Directive, il avait le droit de former un recours auprès du Président dans les deux semaines de la notification de la décision du Greffier,

VU que, pendant le temps imparti, l’accusé n’a pas introduit un tel recours,

ATTENDU que, bien que la présence du conseil soit consignée dans le procès-verbal de la conférence préalable au procès tenue le 5 mai 2003 (la « conférence préalable au procès »), l’accusé a déclaré qu’il « n’a pas eu d’avocat présent aujourd’hui pour [le] représenter en tant que conseil de la Défense », a demandé que « la Chambre, en tant que garante et protectrice des droits de l’accusé, [le] protège aussi dans ce sens », et a indiqué en outre « je pense que cela suffit si je dis que je ne place absolument aucune confiance en M. Karnavas et qu’il serait désastreux pour lui de continuer à me représenter dans cette affaire et d’assurer ma défense. Cela peut être établi de plusieurs façons, mais s’il vous plaît ne me poussez pas à bout », et a demandé que la Chambre comprenne « je ne sais pas ce que je peux dire de plus ; je ne sais pas quelles nouvelles raisons vous voudriez que je vous donne »,

ATTENDU qu’à la conférence préalable au procès, le Bureau du Procureur a soulevé la question de savoir qui protégerait convenablement les droits de l’accusé pour interjeter appel d’une décision dans le cas où cet appel présenterait une incompatibilité avec les fonctions du conseil de l’accusé,

ATTENDU qu’à la même conférence, le conseil de l’accusé qui apparaît dans le procès-verbal, M. Karnavas, a informé la Chambre de première instance que, sauf décision de révocation de sa commission d’office en tant que conseil principal, il pensait qu’il continuait à relever de ses obligations professionnelles de représenter l’accusé devant le Tribunal,

ATTENDU qu’après avoir entendu l’accusé et les parties concernées, le Président a informé l’accusé que la Chambre de première instance chargerait le Greffier de commettre d’office un conseil indépendant pour consulter l’accusé relativement à la situation de l’équipe de la Défense et à ses précédentes demandes de révocation de ladite équipe,

ATTENDU que, dans l’Ordonnance susmentionnée du 9 mai 2003, la Chambre de première instance a confirmé que l’actuelle équipe de la Défense continuerait d’assurer la défense de l’accusé, et a demandé que le Greffier nomme un conseil indépendant pour conseiller l’accusé sur ses droits par rapport à la commission d’office des conseils, et pour l’aider à préparer un dossier, s’il y a lieu, suite à leurs délibérations sur cette question,

ATTENDU que le Règlement et la Directive prévoient que dans les situations où soit il est impossible de définir clairement les souhaits de l’accusé soit il n’est pas possible, d’après le Règlement, de les concrétiser, le Greffier peut désigner un conseil remplissant les conditions visées à l’article 45 B) du Règlement, pour assurer la défense d’un accusé de manière à ce que les intérêts de l’accusé soient protégés,

ATTENDU que le nom de M. Jan Sjöcrona, avocat à La Haye, figure sur la liste des conseils tenue en application de l’article 45 du Règlement, et a été auparavant membre du Conseil consultatif du Tribunal international, constitué afin de conseiller le Greffier ou le Président sur des questions portant sur la commission d’office des conseils de la défense,

ATTENDU, en outre, que M. Sjöcrona n’a jamais exercé les fonctions de conseil de la défense devant le Tribunal international et que sa commission d’office en tant que conseil indépendant à la défense de l’accusé ne provoquerait aucun conflit d’intérêt potentiel,

ATTENDU que, conformément à l’article 1er du Code de déontologie, toute personne qui a été commise d’office par le Greffier pour représenter un client doit respecter les règles déontologiques et accepter les conditions énoncées dans le Code de déontologie,

ATTENDU que la mission du conseil indépendant n’inclut pas de seconder l’accusé dans la préparation de sa défense mais que, pour les besoins de l’article 1er du Code de déontologie, ledit conseil sera commis d’office par le Greffier pour représenter un client et sera donc tenu de respecter les dispositions du Code de déontologie,

ATTENDU que l’article 27 D) du Code de déontologie dispose que le conseil s’abstient de communiquer avec le client d’un autre conseil si ce dernier n’y consent pas, à moins que le Règlement, le présent Code ou toute autre règle applicable ne l’y autorise,

ATTENDU que, le 21 mai 2003, l’accusé a informé un représentant du Greffe qu’il serait disposé à rencontrer un conseil indépendant afin d’obtenir un avis juridique relatif à la commission d’office des conseils,

ATTENDU que, le 23 mai 2003, M. Karnavas a informé le Greffe par écrit qu’il n’aurait pas d’objection à ce que, pendant son absence, un conseil indépendant rencontre à cette fin l’accusé,

DÉCIDE de commettre d’office M. Jan Sjöcrona, avocat à La Haye, en tant que conseil indépendant, aux fins de conseiller l’accusé sur ses droits concernant la commission d’office des conseils, et de l’aider à préparer un dossier, s’il y a lieu, suite à leurs délibérations sur cette question.

 

Pour le Greffier,
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Hans Holthuis

Fait le 23 mai 2003
La Haye (Pays-Bas)