Affaire n° : IT-95-14-A
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL
Devant :
M. le Juge Theodor Meron, Président
Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Ordonnance rendue le :
29 juillet 2004
LE PROCUREUR
c/
TIHOMIR BLASKIC
_________________________________
ORDONNANCE DU PRÉSIDENT RELATIVE À LA DEMANDE
DE LIBÉRATION ANTICIPÉE DE TIHOMIR BLASKIC
_________________________________
Les Conseils de Tihomir Blaskic :
MM. Anto Nobilo et Russel Hayman
- Les conseils de Tihomir Blaskic (ci-après « Blaskic »)
ont déposé devant nous une demande de libération anticipée
faisant suite à la décision rendue aujourd’hui par la Chambre
d’appel1. Celle-ci a, dans son jugement, réformé
la condamnation à 45 ans d’emprisonnement imposée le 3 mars 2000
par la Chambre de première instance et prononcé à son
encontre une peine de 9 ans d’emprisonnement, la durée de la détention
préventive depuis le 1er avril 1996 devant être
déduite de sa peine.
- L’article 28 du Statut du Tribunal international, l’article 123
du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »)
et l’article 1 de la Directive pratique relative à l’appréciation
des demandes de grâce, de commutation de la peine et de libération
anticipée des personnes condamnées par le Tribunal international
(la « Directive pratique »)2 disposent
que lorsqu’un condamné remplit les conditions fixées par le
droit en vigueur dans le pays où il purge sa peine, pour bénéficier
d’une libération anticipée, l’État concerné en
informe le Tribunal international en conséquence. Toutefois, Blaskic
ne purge actuellement pas sa peine dans l’un des pays signataires d’un accord
relatif à l’exécution des peines passé avec le Tribunal
international, mais reste détenu au Quartier pénitentiaire des
Nations Unies (le « Quartier pénitentiaire »).
- Dans une décision que nous avons rendue précédemment
concernant la libération anticipée de Simo Zaric, nous
avons constaté que la procédure de libération anticipée,
dans le cas où le condamné purge sa peine au Quartier pénitentiaire
aux Pays-Bas, n’est pas précisée dans la Directive pratique.
Nous avons cependant conclu dans ladite affaire que la même procédure
devait être appliquée lorsqu’une demande est présentée
par un condamné détenu au Quartier pénitentiaire3.
Par conséquent, cette procédure sera appliquée à
la Demande de Blaskic.
- Les conseils font valoir dans la Demande que Blaskic a purgé 90 %
de la peine infligée par la Chambre d’appel en détention préventive,
pendant laquelle il s’est montré un détenu exemplaire, de même
qu’il a été un Appelant exemplaire devant le Tribunal dans l’attente
du jugement en appel. Il a été séparé de sa famille
pendant plus de huit ans et a trois enfants en bas âge. Il a un
besoin urgent de soins médicaux pour une maladie de longue durée
et devra vraisemblablement être hospitalisé et subir une intervention
chirurgicale.
- Le Greffier adjoint nous a fait savoir, en application de l’article 2
de la Directive pratique, que le comportement de Blaskic a été
exemplaire pendant sa détention. Il confirme également que Blaskic
souffre d’un problème médical sérieux et affirme qu’il
n’existe aucune nécessité de faire effectuer une évaluation
psychologique ou autre rapport. Il ne relève aucun obstacle à
la libération de Blaskic.
- Le Greffier adjoint a également fait état de ses consultations
avec le Procureur, qui affirme que la coopération que lui a fournie
Blaskic n’est pas significative.
- Un délai de dix jours a été octroyé à
Blaskic pour répondre au rapport du Greffe en application de l’article 4
de la Directive pratique. Néanmoins, puisque la demande de libération
anticipée a été déposée par les conseils
de Blaskic, on peut considérer qu’il a implicitement renoncé
à son droit de répondre audit rapport.
- En application de l’article 5 de la Directive pratique, nous avons
consulté les membres du Bureau du Tribunal ainsi que de la Chambre
d’appel qui a prononcé la nouvelle peine à l’encontre de Blaskic,
et aucun n’a relevé d’obstacle à sa libération.
- Nous avons pris en considération l’article 125 du Règlement,
qui est incorporé par référence dans l’article 7
de la Directive pratique, et qui inclut un énoncé des critères
dont il faut tenir compte pour apprécier l’opportunité d’une
demande de libération anticipée, tels que la gravité
de l’infraction commise, la volonté de réinsertion sociale dont
fait preuve le condamné, le sérieux et l’étendue de la
coopération fournie au Procureur, le traitement réservé
aux condamnés se trouvant dans la même situation, et d’autres
critères identifiés dans des ordonnances et décisions
précédentes relatives à des demandes de libération
anticipée.
- Pour les raisons exposées ci-dessus, et nonobstant le rapport du
Bureau du Procureur selon lequel Blaskic n’a pas coopéré avec
lui, nous avons décidé, en application des articles 124
et 125 du Règlement et de l’article 7 de la Directive pratique,
d’accueillir la demande de libération anticipée de Blaskic.
Le Greffe est prié de transmettre la présente décision
au commandant du Quartier pénitentiaire, tandis que les dispositions
nécessaires à la libération anticipée de Tihomir Blaskic
seront prises pour prendre effet à dater du lundi 2 août 2004.
Fait en anglais et en français, la version en anglais
faisant foi.
Le Président du Tribunal international
_____________
Theodor Meron
Le 29 juillet 2004
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]
1. Request for Early Release, 29 juillet 2004
(la « Demande »).
2. IT/146, 7 avril 1999.
3. Ordonnance du Président relative à la demande de libération
anticipée de Simo Zaric, 21 janvier 2004.