Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Jeudi 21 novembre 2002.) 

  2   (Procédure d'appel.)

  3   (L'audience est ouverte à 14 heures 27.)

  4   (Audience publique.)

  5   M. le Président (interprétation): Bonjour à tous.

  6   Madame la Greffière d'audience, veuillez identifier l'affaire inscrite au

  7   rôle?

  8   Mme Atanasio (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  9   les Juges.

 10   Affaire IT-95-14-A, le Procureur contre Tihomir Blaskic.

 11   M. le Président (interprétation): Merci. Maintenant, je vais demander aux

 12   parties de se présenter.

 13   Pour l'accusation?

 14   M. Farrell (interprétation): Bonjour. L'accusation est représentée par

 15   Norman Farrell, M. Mark Harmon, Mme Sonja Boelaert-Suominen, Mme Kelly

 16   Howick, et Mme Nikki Bonfield, notre assistante aujourd'hui.

 17   M. le Président (interprétation): Merci. Et du côté de l'appelant?

 18   M. Hayman (interprétation): Bonjour. Je m'appelle Russell Hayman. Je suis

 19   ici avec mon coconseil Anto Nobilo, ainsi que, plus loin à ma gauche, M.

 20   Andrew Paley. Nous représentons les intérêts de l'appelant.

 21   M. le Président (interprétation): Merci.

 22   Nous allons maintenant pouvoir entamer cette audience. Je vais faire un

 23   certain nombre de remarques préliminaires au sujet de l'audience de ce

 24   jour qui a été convoquée par la Chambre d'appel, suite à l'ordonnance

 25   portant calendrier du 31 octobre 2002.


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  1   Dans cette ordonnance portant calendrier, comme vous le savez, la Chambre

  2   d'appel s'est penchée sur les trois requêtes présentées au titre de

  3   l'Article 115 du Règlement, qui avaient été déposées à cette date ou avant

  4   cette date par l'appelant.

  5   La Chambre d'appel a constaté qu'un grand nombre de pièces à conviction

  6   présentées par la première et la deuxième requête, ainsi que par la

  7   troisième étaient clairement admissibles en appel.

  8   S'agissant des autres éléments de preuve dont l'appelant demandait

  9   l'admission, la Chambre d'appel avait réservé sa décision. Elle a estimé

 10   que, vu l'abondance des moyens de preuve clairement admissibles, la

 11   probable présentation des moyens de preuve en réputation, l'éventualité du

 12   rappel de témoins ayant déposé au procès et la possibilité que les moyens

 13   supplémentaires justifient un nouvel examen des faits de l'espèce

 14   constituent autant de raisons de laisser pareil examen à une Chambre de

 15   première instance.

 16   La Chambre a donc décidé d'entendre les arguments des parties oralement.

 17   C'est pourquoi l'objet de la présente audience est limitée par

 18   l'ordonnance portant calendrier aux éléments de preuve clairement

 19   admissibles qui sont identifiés dans l'ordonnance portant calendrier, pour

 20   savoir si ceci justifie un nouveau procès par la Chambre de première

 21   instance sur certains des chefs d'accusation ou tous les chefs

 22   d'accusation.

 23   Dans l'ordonnance portant calendrier, les parties se sont vu donner pour

 24   instruction de s'abstenir de discuter de l'admissibilité des éléments de

 25   preuve supplémentaires soumis jusqu'à ce jour à la Chambre d'appel et pour


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  1   lesquels elle a réservé sa position.

  2   Il ne s'agit pas ici de s'entretenir sur l'admissibilité des éléments de

  3   preuve supplémentaires aux termes de l'Article 115. Cette audience est

  4   destinée à fournir aux parties la possibilité de présenter à la Chambre

  5   d'appel leurs positions sur le fait de savoir si un nouveau procès est

  6   justifié ou non.

  7   Pour faciliter la discussion, nous avons demandé aux parties de nous

  8   présenter des registres, des sources juridiques sur lesquels elles vont

  9   s'appuyer. Et nous avons à notre disposition ces sources juridiques.

 10   Conformément au Statut et au Règlement du Tribunal, l'audience de ce jour

 11   se tiendra en audience publique. S'il apparaît nécessaire de passer à huis

 12   clos partiel, par exemple si l'on traite de documents qui ont été versés

 13   sous scellés, eh bien, nous pourrons passer à huis clos. Et je demanderai

 14   au conseil concerné de signaler la chose au moment approprié. Ensuite,

 15   nous statuerons sur ce type de requête.

 16   Une deuxième ordonnance portant calendrier a été rendue le 14 novembre

 17   2002. Vous en connaissez la teneur. Je vous rappelle que l'accusation

 18   dispose de 75 minutes pour présenter ses arguments.

 19   Après la pause, les conseils de l'appelant auront également 75 minutes

 20   pour présenter leurs arguments.

 21   Ensuite, nous ferons une nouvelle pause. Et nous nous réunirons à nouveau

 22   pour entendre la réplique de l'accusation qui aura 30 minutes. A ce

 23   moment-là, l'appelant aura lui aussi 30 minutes pour répondre.

 24   Comme c'est d'usage, à la fin des arguments, les Juges de la Chambre

 25   d'appel pourront, s'ils le souhaitent, poser des questions.


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  1   Et je vais demander à tout le monde de s'en tenir à ces limites de temps,

  2   de les respecter.

  3   Si tout est bien clair, s'il n'y a aucune difficulté, nous allons

  4   immédiatement commencer par la première intervention du côté de

  5   l'accusation, à qui je donne, d'ores et déjà, la parole.

  6   (Arguments de l'accusation, présentés par M. Farrell.)

  7   M. Farrell (interprétation): Merci. Monsieur le Président, Messieurs les

  8   Juges, aux termes de l'ordonnance portant calendrier du 31 octobre, ce

  9   dont il convient de discuter aujourd'hui, c'est de savoir si les documents

 10   admis, ces 47 documents admis, ainsi que les deux déclarations de témoins

 11   justifient un nouveau procès.

 12   Avec tout le respect que je dois à la Chambre, il me semble que l'on part

 13   ici du principe que vous avez l'autorité de ce faire à ce stade. Et vous

 14   demandez aux parties de répondre, de vous dire si cela est justifié ou

 15   pas.

 16   Je vais commencer mon intervention en disant que, aux termes de la

 17   jurisprudence de ce Tribunal, aussi bien dans Kupreskic que dans les

 18   décisions rendues aux termes de l'Article 115 et aux termes de l'Article

 19   115 lui-même, le Tribunal n'a pas autorité à ordonner un nouveau procès.

 20   Après avoir présenté des arguments à l'appui de ce point, je me pencherai

 21   ensuite sur la question de savoir si, oui ou non, il est justifié

 22   d'ordonner la tenue d'un nouveau procès et quelles sont les conséquences

 23   pratiques de cela, et quels sont nos arguments. Et nous, bien entendu,

 24   nous affirmons que ceci n'est pas justifié.

 25   Premièrement, la question de savoir si la Chambre d'appel a l'autorité


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  1   d'ordonner un nouveau procès.

  2   Il y a cinq arguments que je souhaiterais vous présenter pendant toute mon

  3   argumentation, mais je vais essayer d'ores et déjà de vous les résumer.

  4   En premier lieu, la procédure telle qu'elle est déterminée par la Chambre

  5   d'appel et telle qu'elle l'a été dans la dernière affaire où l'on a évoqué

  6   cette question, à savoir Kupreskic, la Chambre d'appel a donc estimé que

  7   ce n'était pas le stade approprié pour ordonner la tenue d'un nouveau

  8   procès.

  9   En deuxième lieu, l'Article 115 du Règlement, tel qu'il a été modifié et

 10   tel qu'il se présente aujourd'hui, prévoit une procédure avant que la

 11   Chambre ne se décide aux termes de l'Article 115. On n'envisage absolument

 12   pas la possibilité d'un nouveau procès au stade de la détermination de

 13   l'admissibilité des nouveaux éléments de preuve.

 14   Troisièmement, la norme qui doit être respectée pour ordonner un nouveau

 15   procès aux termes de l'Article 25 du Statut n'est pas celle de

 16   l'admissibilité. Si bien, si c'est uniquement de l'admissibilité que l'on

 17   décide à ce stade de la procédure, qu'il n'y a aucun fondement qui

 18   permette de faire ici le lien logique avec la norme qui veut qu'il y ait

 19   une erreur de fait et qui, elle, est importante, est essentielle pour

 20   déterminer qu'il doit y avoir un nouveau procès.

 21   Quatrièmement, la possibilité d'ordonner un nouveau procès une fois qu'on

 22   a déterminé que des éléments de preuve supplémentaires étaient

 23   admissibles, n'est pas mise en pratique, n'est pas adoptée par le Tribunal

 24   de la Yougoslavie ni par le Tribunal du Rwanda. Il y a deux affaires que

 25   je pourrais vous citer à ce sujet.


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  1   Et enfin, nous avançons que cette possibilité n'a pas été à la base de

  2   l'appel et de la façon dont nous avons procédé. Nous avons estimé que,

  3   même si ces éléments de preuve montraient qu'un nouveau procès n'était pas

  4   justifié, cela ne devait pas être examiné au moment de déterminer

  5   l'admissibilité des éléments de preuve. Ceci, on le retrouvera aux

  6   paragraphes 9 à 11 de la réponse du Procureur à la deuxième requête 115,

  7   et ces arguments ont été repris dans Kupreskic. L'accusation n'a jamais

  8   reçu d'indications contraires à ce qui avait été décidé dans Kupreskic.

  9   Nous avons adopté la logique de Kupreskic, à savoir que les éléments de

 10   preuve seraient mis à l'épreuve avant qu'une décision définitive ne soit

 11   prise. Et enfin, nous sommes partis du principe de la décision de la

 12   Chambre d'appel du 24 septembre selon laquelle des éléments

 13   supplémentaires, des arguments supplémentaires devaient être déposés avant

 14   que les éléments de preuve supplémentaire ne soient admis. Si bien que

 15   nous avons adopté la logique qui était celle de la Chambre d'appel, dans

 16   Kupreskic notamment, jusqu'à l'ordonnance portant calendrier.

 17   Ce qui doit se passer, c'est que la Chambre d'appel doit continuer à être

 18   saisie de l'affaire, elle doit continuer à examiner les éléments de preuve

 19   nouveaux. Et, si la Chambre l'estime absolument nécessaire, on voit dans

 20   Kupreskic que la Chambre peut, à ce moment-là, renvoyer l'affaire devant

 21   une Chambre de première instance, non pas pour ouvrir un nouveau procès

 22   mais pour examiner les éléments de preuve supplémentaires. A ce moment-là,

 23   la Chambre d'appel pourra examiner ces éléments de preuves supplémentaires

 24   et toutes les conclusions de la Chambre de première instance et se baser

 25   sur l'arrêt Kupreskic pour déterminer s'il convient de renverser le


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  1   verdict.

  2   Or nous estimons que cette procédure a été adoptée au TPIR dans l'affaire

  3   Musema ainsi que dans l'affaire Kambanda. Vous le savez sans doute: dans

  4   l'affaire Musema, la Chambre d'appel fait référence à la procédure et aux

  5   normes qui ont été déterminées. Dans Kupreskic, la Chambre a entendu des

  6   éléments de preuves présentés et ensuite, elle s'est prononcée.

  7   Je vais maintenant passer à la question de savoir si vous avez l'autorité

  8   ou non d'ordonner un nouveau procès, et en particulier dans les

  9   circonstances du cas d'espèce.

 10   Une dernière observation, avant que je ne passe au jugement Kupreskic ou à

 11   l'arrêt Kupreskic: je ferai deux références à l'arrêt Kupreskic. Je vous

 12   dirai à quels passages je fais référence, si vous en disposez.

 13   Si on regarde l'affaire Kupreskic, on voit qu'il y a deux procédures à

 14   respecter, deux stades à respecter.

 15   La Chambre d'appel, aux termes de l'Article 115, a la possibilité

 16   d'entendre des éléments de preuve supplémentaires. Nous avançons quant à

 17   nous que la Chambre ne peut se voir conférer l'autorité d'être le juge des

 18   faits, et ensuite de décliner de mener à bien cette tâche.

 19   Le seuil d'admissibilité est extrêmement bas, c'est un des arguments de

 20   l'accusation pour savoir si effectivement les conditions sont remplies

 21   pour avoir un nouveau procès, alors qu'en fait la seule question à

 22   laquelle on va répondre dans ce cas, c'est de savoir si les éléments de

 23   preuve sont admissibles ou non.

 24   Nous avançons que, d'après l'arrêt Kupreskic, il faut mettre à l'épreuve,

 25   il faut tester ces éléments de preuve. C'est pour ça que la Chambre


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  1   d'appel est désignée.

  2   Au paragraphe 70 de la décision Kupreskic, de l'arrêt Kupreskic,

  3   paragraphe 70 de l'arrêt Kupreskic, on traite du fait de mettre à

  4   l'épreuve ou de tester les éléments de preuve présentés. Et la Chambre

  5   d'appel a déclaré –je cite-: "Lorsque les éléments de preuve acceptés au

  6   titre de l'Article 115 le sont, ce qui s'est passé c'est que la Chambre

  7   d'appel a estimé que ces éléments étaient suffisamment importants pour

  8   dire que, s'ils avaient été présentés à la Chambre de première instance,

  9   ceci aurait pu entraîner une nouvelle décision".

 10   A ce stade de la procédure, les nouveaux éléments de preuve n'ont pas été

 11   soumis à un examen contradictoire. Il est possible qu'il n'y ait pas de

 12   contestation entre les parties sur ce point. Cependant, il est probable

 13   que la partie contradictoire va contester la véracité des éléments de

 14   preuve supplémentaires.

 15   La Chambre d'appel est confrontée à un choix: soit elle conteste les

 16   éléments de preuve elle-même pour déterminer leur véracité, soit elle

 17   demande à une Chambre de première instance de se pencher sur la véracité

 18   de ces éléments de preuve. Il n'y a pas de troisième voie qui est ouverte

 19   à la Chambre d'appel et qui permette à la Chambre d'appel de décider qu'il

 20   y a eu erreur de faits aux termes de l'Article 25 du Statut et qui

 21   justifie un nouveau procès de plus. Il n'est pas également dit que les

 22   éléments de preuve qui doivent être mis à l'épreuve doivent avoir un

 23   volume tel que cela permet de réduire la norme, le seuil qui permet de

 24   garantir un nouveau procès.

 25   Si on regarde l'Article 115, sa nouvelle formulation permet que les


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  1   parties présentent des éléments de preuve par la partie concernée.

  2   De plus, dans la dernière modification de l'Article 115, on retrouve ce

  3   que je viens de citer dans Kupreskic à l'Article 70. Au B) de l'Article

  4   115 on peut lire "La Chambre d'appel autorise la présentation de ces

  5   moyens de preuve, peut considérer les éléments de preuve supplémentaire et

  6   tout élément en réplique conformément à l'Article 117."

  7   (L'interprète de la cabine française invite les Juges à bien vouloir

  8   prendre connaissance du Règlement.)

  9   La norme de l'Article 115 est différente de celle qui est utilisée pour

 10   annuler un verdict. Si la norme était la même à ce moment-là le processus

 11   n'est pas le même.

 12   Comment la Chambre d'appel peut-elle conclure qu'il y a eu erreur de

 13   faits, comme c'est nécessité par Tadic et Kupreskic sur la base d'éléments

 14   de preuve qui n'ont pas été mis à l'épreuve, qui n'ont pas été contestés

 15   ou il n'y a pas eu d'argumentation présentée. Comment la norme

 16   d'admissibilité peut-elle être acceptée? Mais encore plus préoccupant,

 17   c'est de savoir comment la Chambre d'appel peut ordonner un nouveau procès

 18   sur la base d'éléments de preuve qui semblent être dignes de foi. Or ce

 19   n'est pas même le cas des éléments de preuve qui vous ont été présentés!

 20   Nous avons, après tout, un procès qui en première instance a pris 25 mois,

 21   170 témoins. Et on ne peut pas annuler ce procès sur la base simplement

 22   d'éléments de preuve qui a priori paraissent crédibles. La réponse à cette

 23   question, c'est tout simplement que la Chambre d'appel, à ce stade, n'a

 24   pas l'autorité au titre de Kupreskic ou au titre de l'Article 115

 25   d'ordonner un nouveau procès.


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  1   Les éléments de référence juridique qui vous sont présentés, ces affaires

  2   qui vous sont présentées dans les sources juridiques, je vous demande d'en

  3   tenir compte. Vous constaterez que nous sommes là pratiquement toujours

  4   dans le même cas de figure.

  5   Je peux également vous dire que toutes ces questions ont été débattues de

  6   manière approfondie dans Kupreskic.

  7   Le conseil de la défense dans Kupreskic a argué du fait que cette norme

  8   -qui a été proposée et adoptée- était une norme trop exigeante et que la

  9   Chambre d'appel devait adopter une norme conditionnelle si ces éléments de

 10   preuve pouvaient.

 11   La Chambre d'appel a refusé cet argument. Si la Chambre d'appel adopte une

 12   norme conditionnelle, à ce moment-là, il faudrait que les éléments de

 13   preuve soient rejetés. Maître Clegg a présenté des arguments dans ce sens

 14   et l'on voit que la Chambre d'appel a répondu à ses arguments, et elle n'a

 15   pas accepté qu'au stade de la détermination de l'admissibilité on pouvait

 16   ordonner un nouveau procès ou contester le verdict.

 17   La question de la mise à l'épreuve des éléments de preuve a fait l'objet

 18   de longues plaidoiries dans l'affaire Kupreskic. Je peux m'en porter

 19   garant et j'en suis le témoin.

 20   La Chambre pourrait dire que si ces éléments de preuve sont crédibles

 21   d'une manière ou d'une autre, à ce moment-là, on pourrait avoir un nouveau

 22   procès. Or c'est une norme qui n'a pas été acceptée pour justifier un

 23   nouveau procès, mais uniquement pour savoir si les éléments de preuve

 24   étaient admissibles ou pas. Mais même en partant du principe que vous

 25   acceptiez la norme selon laquelle l'admissibilité suffit à garantir un


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  1   nouveau procès, il faudrait cependant mettre à l'épreuve, tester ces

  2   éléments de preuve. On ne peut pas décider qu'ils sont crédibles sans les

  3   avoir contestés, sans les avoir mis à l'épreuve, sans les avoir vérifiés.

  4   Aucun tribunal ne pourrait le faire. C'est ce que nous avons plaidé dans

  5   Kupreskic. Je souhaiterais vous renvoyer au paragraphe 63 de l'arrêt de la

  6   Chambre d'appel dans Kupreskic.

  7   Je vais vous donner le paragraphe 63, lecture du paragraphe 63. Ce qui

  8   s'est passé, c'est que l'accusation a indiqué qu'elle avait des documents

  9   qu'elle souhaitait déposer et qui pouvaient se révéler déterminants pour

 10   décider s'il fallait ordonner un nouveau procès. Certains avaient trait à

 11   la crédibilité, et d'autres sur l'impact de la crédibilité sur le verdict.

 12   La Chambre d'appel a statué très clairement en disant que ce n'était pas

 13   le moment de le faire. Elle a dit: "Faites-le plus tard et nous

 14   l'entendrons. Plus tard, si nous entendons vos arguments et vos éléments

 15   de preuve, nous pourrons très bien décider que nous nous sommes trompés,

 16   que notre première impression était la fausse."

 17   Ce qu'ils disent, au paragraphe 63, c'est que l'élément de crédibilité est

 18   lié au danger de voir les procédures d'appel faire l'objet d'abus de la

 19   part d'une partie qui présente des éléments de preuve à une Chambre

 20   d'appel, des éléments de preuve qui semblent avoir un caractère essentiel,

 21   mais n'ont pas été mis à l'épreuve, qui n'ont pas été testés, contestés,

 22   vérifiés pendant un véritable procès.

 23   En l'espèce, cependant, la Chambre d'appel est également préoccupée par

 24   une chose, c'est-à-dire à un stade assez précoce de l'appel où ces

 25   requêtes aux fins d'éléments de preuve supplémentaire avaient été


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  1   présentés, il ne fallait pas que la procédure principale de l'appel soit

  2   prolongée, soit retardée par l'examen de ces éléments de preuve

  3   supplémentaires demandés au stade de l'Article 115.

  4   Il n'aurait pas été efficace de la part de la Chambre d'appel de demander

  5   aux parties de présenter des volumes considérables de nouveaux éléments de

  6   preuve pour prouver leur véracité. Tout ceci pour décider, en fin de

  7   compte, que ces éléments de preuve supplémentaires ne pouvaient en aucun

  8   cas avoir une influence sur le verdict.

  9   Il a été estimé, à ce moment-là, que le mieux c'était d'avoir un seuil

 10   faible pour la crédibilité et d'admettre ces éléments de preuve

 11   supplémentaires. Le test, c'était de savoir: ces éléments de preuve

 12   supplémentaires ont-ils l'apparence de crédibilité?

 13   La pratique à la Chambre d'appel, c'est que tous les éléments de preuve de

 14   l'accusation qui tendent à prouver la véracité des documents, leur impact,

 15   etc., tout ceci doit être fait au deuxième stade de la procédure.

 16   Nous estimons que, si ceci est fait maintenant, ceci ne va pas aller dans

 17   le sens de l'arrêt Kupreskic, ni dans la démarche adoptée par l'accusation

 18   suite à l'arrêt Kupreskic.

 19   L'arrêt Kupreskic est tout à fait logique et la Chambre d'appel ne

 20   souhaiterait pas entendre des éléments de preuves supplémentaires relatifs

 21   à l'impact ou la véracité des éléments de preuve à ce stade. C'est trop

 22   précoce. Si la Chambre estime que ceci n'est pas admissible plus tard…

 23   Dans l'affaire Kupreskic, 25 requêtes aux fins d'éléments de présentation

 24   d'éléments de preuve supplémentaires ont été présentées, 113 ou quelque

 25   114 éléments ont été présentés, on a entendu 36 témoins; on a entendu


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  1   parfois des témoins déposer pendant quatre jours; on a entendu des

  2   dépositions venant d'autres procès.

  3   L'accusation avait déclaré son intention de contester la véracité de

  4   certains de ces éléments de preuve. Mais la Chambre lui a répondu: "Non.

  5   Non. Vous aurez la possibilité de le faire plus tard".

  6   Il est intéressant également de constater que la nécessité de mettre à

  7   l'épreuve les éléments de preuve supplémentaires a été invoquée par

  8   l'appelant en l'espèce.

  9   Lorsque l'appelant a présenté ces trois nouvelles déclarations de témoins,

 10   l'accusation s'y est opposée en disant que ces déclarations étaient

 11   inadmissibles, qu'elles ne pouvaient être acceptées par la Chambre d'appel

 12   ni par aucune Chambre du Tribunal. Sauf si l'on disait que l'Article 92bis

 13   s'appliquait à l'appel, ce qui a été constaté par la Chambre d'appel dans

 14   Kupreskic. Mais ces éléments de preuve supplémentaires n'auraient pas été

 15   admissibles au niveau de l'instance.

 16   Dans sa réponse, la défense a dit: "Nous ne présentons pas ces éléments en

 17   tant qu'éléments de preuve, mais pour montrer qu'ils devraient être

 18   admissibles". La défense reconnaît qu'il ne s'agit pas d'éléments de

 19   preuve en tant que tels, et elle demande à la Chambre d'appel de citer des

 20   témoins afin de permettre qu'il y ait un contre-interrogatoire. Compte

 21   tenu de la procédure telle qu'elle est appliquée ici, ceci ne sera pas

 22   accordé.

 23   Avant de passer à la deuxième partie de mes arguments, je souhaiterais

 24   simplement noter qu'il y a un grand nombre de systèmes nationaux qui ont

 25   été invoqués et explicités, présentés par les parties aux Juges de la


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  1   Chambre d'appel. Comme nous l'avons déjà indiqué, ces décisions, ces

  2   arrêts ont déjà été examinés, et la Chambre d'appel s'est prononcée sur la

  3   question dans Kupreskic, dans son arrêt Kupreskic.

  4   Si la norme qui est présentée et qu'on retrouve dans ces affaires

  5   auxquelles nous faisons référence et qui permet à une Chambre d'appel

  6   d'ordonner la tenue d'un nouveau procès au stade de l'examen de

  7   l'admissibilité des éléments de preuve, la plupart de ces affaires

  8   stipulent que ces éléments de preuve doivent être mis à l'épreuve.

  9   Même si vous acceptez qu'une norme s'appliquant dans une juridiction

 10   nationale s'appliquerait ici, cela ne signifie pas pour autant qu'on va

 11   tout de suite ordonner un nouveau procès. Il va falloir que ces éléments

 12   de preuve soient mis à l'épreuve. Donc si l'on fait cela, on ne suit pas

 13   la jurisprudence Kupreskic.

 14   Si vous examinez les diverses affaires que nous présentons, Stolar, Clegg,

 15   etc., les différentes affaires que nous indiquons dans nos documents,

 16   auxquels je vous demande de vous référer, tout montre qu'avant de se

 17   prononcer, il faut que les éléments de preuve soient mis à l'épreuve,

 18   soient testés.

 19   Maintenant, je voudrais passer à la deuxième partie de l'argumentation de

 20   l'accusation qui est la suivante. A savoir que si, effectivement, on admet

 21   qu'aux termes du droit du Tribunal, vous avez la possibilité d'ordonner un

 22   nouveau procès à ce sujet, eh bien, nous avançons quant à nous que, même

 23   si l'on part de ce principe, les éléments de preuve présentés ne

 24   justifient pas ceci, à ce stade de notre affaire.

 25   J'ai cinq arguments à vous présenter à l'appui de cette thèse et je vais


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  1   vous les préciser brièvement maintenant. Et ceci, dans l'esprit de

  2   l'ordonnance portant calendrier.

  3   Première chose: c'est de savoir sur la base des éléments de preuve qui lui

  4   ont été présentés à ce stade, la Chambre d'appel est fondée à ordonner un

  5   nouveau procès, si cela est justifié? En partant du principe que ces

  6   éléments de preuve n'ont pas été mis à l'épreuve, puisque c'est la

  7   procédure que nous avons suivie.

  8   La deuxième question, c'est de savoir si le volume, ces 47 documents et

  9   ces 2 déclarations de témoins, est-ce que cela justifie un nouveau procès?

 10   La troisième question à laquelle il est fait référence dans l'arrêt, c'est

 11   de savoir si la complexité de l'affaire à ce stade justifie un nouveau

 12   procès?

 13   Quatrième volet de mon argumentation: c'est de savoir s'il vaut mieux que

 14   ce soit une Chambre de première instance et non pas la Chambre d'appel qui

 15   entende la présentation de ces éléments de preuve.

 16   Et le cinquième argument, qui n'est pas explicite, c'est de savoir s'il

 17   est justifié de réentendre la totalité de l'affaire.

 18   Je commence par le premier argument: la justification d'ordonner un

 19   nouveau procès sur la base des éléments de preuve qui vous ont été

 20   présentés.

 21   Je souhaiterais, s'il vous plaît, vous passer, vous faire examiner un

 22   certain nombre de documents qui vous ont été présentés. Et je vais faire

 23   référence aux documents qui ont été fournis par la Chambre et auxquels on

 24   a demandé à l'accusation de faire référence pendant l'audience.

 25   Je n'ai pas indiqué ici les cotes du Greffe, mais une brève référence des


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  1   documents cependant.

  2   Rassurez-vous, cela ne sera pas très long. Je veux simplement vous

  3   indiquer quel sera notre type d'argumentation.

  4   Je commence par la pièce 146, une pièce qui a été admise. Page du Greffe

  5   16.796. Vous suivrez: si vous regardez la notation, c'est la page 107,

  6   page 107 dans les documents que nous vous avons distribués.

  7   La pièce 146 a été déposée par l'appelant afin d'apporter la preuve que

  8   l'appelant Blaskic rappelle à ses commandants qu'ils sont tenus de

  9   respecter les principes du droit international. Il s'agit d'un ordre qui

 10   émane du 24 avril 1993. Et il s'agit de la zone de responsabilité de

 11   Kiseljak. Le nom qui apparaît à la fin, à savoir le commandant Bozic, est

 12   le subordonné direct de Blaskic dans la zone opérationnelle. Si vous

 13   compulsez ce document, vous voyez qu'au premier paragraphe, il est fait

 14   mention que cet ordre, cette instruction découle de deux ordres.

 15   Et je vous invite à regarder le deuxième ordre: il s'agit de l'ordre qui

 16   porte la référence 014546/93; il est daté du 24 avril 1993 et il émane de

 17   Blaskic.

 18   Il s'agit de documents qui permettent de montrer que Blaskic a informé ses

 19   commandants à Kiseljak qu'il était nécessaire pour eux de respecter les

 20   principes du droit international humanitaire. Et la signification de ce

 21   document tient au fait que l'ordre de Blaskic doit être respecté et a été

 22   admis comme document qui n'était pas encore disponible au moment de la

 23   phase de première instance.

 24   Si vous vous tournez à présent et que vous compulsez les deux pages, à la

 25   page 109 vous verrez là un ordre qui émane de Blaskic, qui demande trois


Page 62

  1   choses. Et si vous regardez au sommet à gauche, l'ordre qui apparaît est

  2   le n°0104546/93. Il s'agit d'un ordre qui figure également dans l'ordre

  3   adressé au commandant Bozic. Il s'agit donc d'instructions qui sont

  4   adressées aux subordonnés du général Blaskic et qui permettent de montrer

  5   qu'un ordre a été donné, et que voilà la teneur de cet ordre. Donc il

  6   s'agit là d'un élément à décharge qui est encore plus important. Il s'agit

  7   là de la pièce à conviction qui a été présentée par la défense sous la

  8   cote 362B.

  9   L'accusation a quelque difficulté à comprendre comment une pièce qui a été

 10   admise afin de démontrer que Blaskic avait donné l'ordre, permet de

 11   justifier la tenue d'un nouveau procès, alors que l'ordre a déjà été

 12   présenté par la défense.

 13   Je vous invite à présent à tourner quelques pages et à vous arrêter sur la

 14   page 112. Il s'agit d'un document qui porte la cote (sic) quant à la page

 15   16791. Il s'agit de la pièce à conviction de la défense 147. Une fois de

 16   plus, il s'agit d'un document qui est présenté par l'appelant en qualité

 17   de document qui montre que Blaskic a émis un ordre et qu'il a été

 18   respecté.

 19   Si vous regardez le premier paragraphe de ce document, il est dit que ce

 20   document est une conséquence logique de l'ordre qui porte la référence

 21   014560/93 du 24 avril 1993. Une fois de plus, ce document a été présenté

 22   afin de montrer que l'ordre de Blaskic visait simplement à respecter les

 23   dispositions du droit international humanitaire.

 24   Par conséquent, la conclusion est claire, à savoir que si un ordre émane

 25   directement du général Blaskic et qui demande le respect du droit


Page 63

  1   international humanitaire…

  2   Je vous invite à présent à tourner deux pages supplémentaires. Il s'agit

  3   de la page 114, dans le côté droit inférieur. Vous verrez qu'il s'agit là

  4   d'un ordre et si vous tournez la page, vous pourrez constater que la

  5   version française y figure. Il s'agit de l'ordre qui porte le numéro 01-4-

  6   560/93. Une fois de plus, cet ordre est un élément à décharge parce que

  7   cet ordre émane du général Blaskic. En fait, c'est un ordre qui s'adresse

  8   à la zone de Kiseljak, en date du 24 avril; et dans cet ordre, il leur

  9   demande de respecter les dispositions du droit international humanitaire.

 10   Par conséquent, ce document porte un poids plus important. Il s'agit là de

 11   la pièce à conviction qui a été présentée par la défense sous la cote D78.

 12   Une fois de plus, l'accusation ne comprend pas comment ces documents

 13   doivent être examinés au niveau de la Chambre d'appel sur la base de

 14   documents qui avaient déjà été mis à la disposition de la Chambre de

 15   première instance.

 16   Enfin, j'aimerais à présent parler de deux autres documents et vous faire

 17   une observation à ce sujet.

 18   La défense de Blaskic, lors de la phase de première instance, a expliqué

 19   qu'il avait été retiré de la zone de Kiseljak et que, par conséquent, il

 20   ne pouvait plus être en communication ni exercer un contrôle quelconque

 21   dans la région de Kiseljak. Et ceci émane plus particulièrement des ordres

 22   qu'il a adressés à Bozic pour démontrer, en fait, qu'il avait donné des

 23   instructions. Et ceci, ce dont des données dont disposait clairement la

 24   Chambre de première instance.

 25   Par conséquent, nous sommes à présent en possession de documents qui n'ont


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  1   aucune valeur de décharge s'agissant de la conclusion prise par la Chambre

  2   de première instance, qui montre qu'il s'agissait d'ordres qui avaient été

  3   reçus par le commandement des opérations de la zone de Kiseljak les deux

  4   jours situés au milieu du mois d'avril, lors des combat qui étaient

  5   engagés. Ces documents, en fait, sont incriminatoires et ils réfutent

  6   l'argument avancé par la défense.

  7   Je voudrais à présent vous appeler à regarder la pièce n°14. Il s'agit

  8   d'un document qui a été présenté par la défense à la page 51 des documents

  9   auxquels il est fait allusion par l'accusation. Il s'agit de la page du

 10   Greffe qui porte le numéro 16852.

 11   Il s'agit là d'un rapport qui date de mars 1994, à savoir presque une

 12   année après les événements qui se sont déroulés à Ahmici. Il s'agit d'un

 13   rapport qui émane du service du renseignement, sur lequel ne figure aucune

 14   source et qui ne contient aucun élément de preuve concernant les

 15   allégations qui y figurent.

 16   Il y a de nombreuses références dans ce document et, si vous le souhaitez,

 17   je pourrais m'arrêter sur un aspect plus particulier. A la page qui suit,

 18   vous pourrez voir un texte intégral qui y figure; et au début du deuxième

 19   paragraphe qui figure dans sa totalité, il est fait allusion à Mario

 20   Cerkez.

 21   La théorie de la défense est que Blaskic ne peut pas être responsable des

 22   événements d'Ahmici, pour plusieurs raisons. Parmi ces raisons, figure

 23   notamment le fait que la Brigade de Vitez n'était pas présente à Ahmici.

 24   La Brigade de Vitez relève du commandement de Mario Cerkez et les rapports

 25   étaient directement adressés au général Blaskic. Il s'agit là d'une des


Page 65

  1   unités régulières.

  2   Ceci n'a jamais été contesté lors de la phase de première instance et

  3   Blaskic, lui-même, a indiqué qu'il s'agissait là d'une unité régulière qui

  4   relevait de son commandement.

  5   L'appelant a été condamné, lors de la phase de première instance, sur le

  6   fait que la Brigade de Vitez était présente à Ahmici.

  7   Cet élément de preuve supplémentaire est étayé par un journal de guerre;

  8   et dans ce journal figure une observation qui émane de Mario Cerkez. Il

  9   s'agit d'une observation et il s'agit donc d'une phrase qui précise que

 10   Mario Cerkez n'était pas impliqué dans le massacre à Ahmici. Il s'agit là

 11   d'un nouvel élément de preuve concernant la Brigade de Vitez en mars 1994.

 12   J'aimerais à présent passer à un autre élément de preuve. Je vous invite à

 13   présent à tourner quelques pages et à vous arrêter à la page n°55.

 14   Vous verrez là un rapport daté du 16 avril, à 10 heures du matin, qui est

 15   adressé à Blaskic. Vous verrez qu'il s'agit du commandant de la zone

 16   opérationnelle de la Bosnie et du Centre. Il s'agit là en l'occurrence de

 17   Blaskic et vous verrez au bas de la page qu'il s'agit là d'un document qui

 18   émane du commandant de brigade, à savoir Mario Cerkez.

 19   Vers le milieu de la page, on voit: "Nos forces sont en train d'avancer."

 20   Et vous pouvez voir là que "Les forces avancent sur Donja Veceriska dont

 21   la chute est imminente et sur Ahmici." (Fin de citation.)

 22   Il s'agit là d'un événement qui s'est déroulé à 10 heures du matin; il

 23   s'agit d'un ordre qui émane de Mario Cerkez de la Brigade de Vitez; et cet

 24   ordre était adressé au général Blaskic.

 25   Je voudrais à présent vous inviter à tourner deux pages supplémentaires et


Page 66

  1   à vous arrêter à la référence n°57. Il s'agit là d'un ordre daté du 16

  2   avril à 10 heures 35, c'est-à-dire 35 minutes après l'ordre précédent. Il

  3   s'agit d'un ordre de M. Blaskic qui est adressé au commandant de la

  4   Brigade de Vitez. Dans cet ordre, il est précisé que les activités

  5   suivantes seront prises suite au rapport qui figure avec le nom, le

  6   chiffre. Il s'agit là d'une référence claire à l'ordre que je viens de

  7   vous montrer.

  8   Et, dans ce texte, il est précisé: "Prise des villages de Donja Veceriska,

  9   d'Ahmici, Crveno Selo et de Vrhovine dans sa totalité". Donc à 10 heures

 10   35 du matin, le général Blaskic -qui a dit qu'il ne savait absolument rien

 11   des événements qui s'étaient déroulés à Ahmici, qui a précisé qu'il ne

 12   savait rien des crimes qui ont été perpétrés à ce moment-là, qui affirme

 13   qu'il était le commandant de la Brigade de Vitez, mais que la Brigade de

 14   Vitez n'était pas présente- a donné une instruction, un ordre à la Brigade

 15   de Vitez pour complètement s'emparer d'Ahmici à 10 heures 30 le matin.

 16   Je vous invite à présent à tourner trois pages supplémentaires et vous

 17   arrêter au n°60, chiffre qui apparaît en bas à droite. Il s'agit là, comme

 18   vous pouvez le voir dans la partie supérieure gauche, d'un rapport daté du

 19   16 avril 1993. L'heure ne figure pas sur ce document. Mais, suite à

 20   l'ordre qui précède et suite à l'ordre que je vous montrerai par la suite,

 21   ceci est un ordre qui a dû être délivré entre 10 heures du matin et 14

 22   heures de l'après-midi. Il s'agit d'un rapport qui émane du commandant de

 23   la Brigade de Vitez et est adressé à Blaskic.

 24   Sous le point n°1, il est précisé -début de citation au deuxième

 25   paragraphe-: "Le village d'Ahmici a été pris à concurrence de 70%." (Fin


Page 67

  1   de citation.)

  2   Une fois de plus, il s'agit là d'un élément de preuve concluant qui permet

  3   de dire que le général Blaskic a procédé à des activités mettant en jeu la

  4   Brigade de Vitez dans l'attaque lancée contre Ahmici.

  5   Et je vous rappelle également que le général Blaskic a précisé une fois de

  6   plus que la Brigade de Vitez n'avait pas participé. C'était du moins là la

  7   défense qu'il avait soulevée.

  8   Je vous invite à présent à consulter le dernier document. Il s'agit de la

  9   page 63. Il s'agit d'un ordre qui émane de Blaskic, qui est adressé au

 10   commandant de la Brigade de Vitez et qui fait référence au rapport

 11   antérieur. Au paragraphe 2, il est précisé: "Poursuivez les activités

 12   décrites au point 1 de votre rapport."

 13   Et si vous retournez en arrière et vous consultez le document antérieur,

 14   vous verrez qu'il s'agit là de l'attaque lancée contre Ahmici. Il était

 15   fait mention du fait que "70% de cet endroit avaient été pris".

 16   Je ne vais pas continuer avec ces documents étant donné qu'ils sont déjà

 17   présentés dans la pièce à conviction n°14.

 18   L'accusation avance que si l'on permet de déposer ces documents à cet

 19   égard, compte tenu du fait que ce document permet d'étayer le fait que

 20   Mario Cerkez n'était pas impliqué, un rapport qui a été déposé en mars

 21   1994, la Chambre disposait déjà de ces données. Voilà pourquoi je pense

 22   que la Chambre d'appel pourra conclure qu'il n'y a aucun doute quant au

 23   fait que nous ne disposons pas d'éléments de preuve suffisants pour

 24   ordonner la tenue d'un nouveau procès.

 25   Je voudrais à présent vous inviter à consulter la pièce n°88.


Page 68

  1   Il s'agit là -je vous renvoie à la page 74 des documents-, il s'agit ici

  2   de l'Unité appelée "Vitezovi".

  3   Cette unité était une unité spéciale qui relevait de la structure spéciale

  4   sous le commandement du général Blaskic et qui assistait tous les combats

  5   dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

  6   La position de l'appelant dans sa première requête est la suivante: à

  7   savoir que l'Unité des Vitezovi était commandée depuis Mostar. Par

  8   conséquent, il s'agissait là d'une chaîne de commandement parallèle qui se

  9   situait en dehors de sa propre chaîne de commandement. Et qu'outre le fait

 10   que cette unité était commandée depuis Mostar, il s'agissait là d'un

 11   argument de jure, une position qui figure et qui précise en fait qu'il

 12   exerçait un contrôle de facto sur l'Unité des Vitezovi.

 13   Ce document figure parmi un jeu de six documents qui ont été déposés pour

 14   montrer que l'Unité des Vitezovi ne relevait pas du commandant Blaskic.

 15   Nul besoin pour moi d'énumérer les autres documents qui ont déjà été

 16   versés au titre du dossier et qui figurent parmi les 47 autres documents.

 17   Je me suis arrêté sur ce document, étant donné la date. Il s'agit d'un

 18   document qui fait apparaître la date du 17 avril 1993. La défense a

 19   insisté sur ce point parce qu'il s'agit d'une date essentielle.

 20   Le 16 et le 18 avril, l'Unité des Vitezovi a participé à l'attaque contre

 21   Stari Vitez. Et le 20 avril, l'Unité des Vitezovi a participé à l'attaque

 22   contre Gacice.

 23   L'appelant ne nie pas le fait que certaines attaques ont eu lieu. Ce qu'il

 24   avance, c'est que ces attaques ne relevaient pas de son commandement ni de

 25   son contrôle et que Kraljevic, à savoir le chef de l'Unité des Vitezovi,


Page 69

  1   n'était pas contrôlable et qu'il rendait directement compte à Mostar. A

  2   présent, l'appelant avance ce fait, et ce document a été admis. En fait,

  3   comme vous pouvez le voir, il s'agit ici d'un ordre qui est adressé

  4   directement à l'état-major principal à Mostar.

  5   Comme vous pouvez le voir au début de ce document, c'est un document qui

  6   est adressé au chef de l'état-major principal, puis au colonel Primorac.

  7   L'argument est le suivant, à savoir que ces éléments de preuve permettent

  8   de démontrer que l'Unité des Vitezovi ne relevait pas du général Blaskic.

  9   J'aimerais vous faire part d'une observation, avant de poursuivre avec

 10   d'autres documents, que le Procureur souhaite vous présenter. Si vous

 11   regardez au début de cette page, il est fait mention de la République de

 12   Bosnie-Herzégovine, de la communauté croate. Et puis, ensuite, il est fait

 13   mention du commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale de

 14   Vitez, donc du poste de commandement avancé de Vitez.

 15   L'argument de l'appelant est le suivant, à savoir que ceci a été fait à

 16   l'insu du général Blaskic et que ceci émanait directement de Mostar. Le

 17   commandement avancé est Blaskic. Et le poste de commandement avancé, à

 18   cette époque-là, était l'hôtel Vitez, à savoir le QG du général Blaskic.

 19   Par conséquent, c'est un ordre qui émane directement du quartier général

 20   du général Blaskic.

 21   Je vous invite à présent à consulter la page n°76. Il s'agit de la pièce à

 22   conviction qui porte la référence P666. En fait, ce document montre que

 23   l'Unité des Vitezovi relevait du général Blaskic en janvier 1993. Des

 24   témoignages ont été faits devant la Chambre et, en fait, cette unité n'a

 25   jamais été retirée du domaine d'action de Blaskic.


Page 70

  1   Je vous invite à présent à consulter la pièce qui porte la page 79. Il

  2   s'agit là également d'un document qui a été soumis à la Chambre de

  3   première instance. Il est question de la date du 15 avril. Il s'agit là

  4   d'un ordre de commandement qui émane directement du général Blaskic et qui

  5   s'adresse directement à l'Unité des Vitezovi. Et à la fin de la page, au

  6   paragraphe 2, il est précisé "tâche qui incombe à nos forces"; et à la

  7   page suivante, il est précisé que cette tâche concerne l'Unité des

  8   Vitezovi.

  9   Je vous invite à présent à tourner et à vous arrêter à la page 83. Une

 10   fois de plus, pour resituer le contexte, il s'agit d'une pièce qui a été

 11   présentée à la Chambre de première instance en date du 15 avril 1993, au

 12   même moment où le général Blaskic a donné un ordre. Le deuxième paragraphe

 13   se lit comme suit: "L'Unité des Vitezovi, comme l'indique le nom, est une

 14   unité spéciale qui relève du système unifié de commandement et de contrôle

 15   de la zone opérationnelle de Bosnie centrale." (Fin de citation.)

 16   Il s'agit là de documents qui avaient été présentés à la Chambre de

 17   première instance. Il s'agit là du contexte général dans lequel les ordres

 18   ont été donnés, donnant l'ordre aux unités Vitezovi; et ces ordres

 19   émanaient du général Blaskic.

 20   S'agissant du document dont vous êtes saisis, y compris la pièce à

 21   conviction 88, il s'agit là de documents très importants qui permettent

 22   d'étayer la nature pénale des activités mettant en jeu les unités

 23   Vitezovi.

 24   Je vous invite à présent à tourner et à vous arrêter à la page 90. Il

 25   s'agit là d'un document dont vous devriez disposer et sur lequel vous


Page 71

  1   devriez vous pencher avant de statuer. Il s'agit d'un rapport qui émane du

  2   chef des unités Vitezovi à Mostar; il s'agit là d'un rapport qui émane de

  3   Darko Kraljevic, adressé à l'état-major principal de Mostar et qui est

  4   daté du 22 avril 1993.

  5   Je vous invite à consulter le paragraphe n°1: "Dans une attaque lancée

  6   contre l'armée de Bosnie-Herzégovine, en d'autres termes les forces

  7   musulmanes, sur ordre du commandant de la zone opérationnelle de Bosnie

  8   centrale, le colonel Tihomir Blaskic, j'ai procédé aux opérations

  9   suivantes de combat." (Fin de citation.)

 10   Si vous regardez, vous verrez plusieurs dates: celles du 16, du 17, du 18,

 11   19, 20, 21, 22 jusqu'au 25 avril. Or, vous vous rappellerez que les

 12   attaques qui ont été lancées à Stari Vitez remontent au 16 et au 18 et au

 13   20 avril.

 14   Ce rapport, bien évidemment, indique un lien avec Mostar puisqu'il

 15   présentait ces rapports à Mostar. Et ceci indique qu'en fait, il suivait

 16   les instructions de Blaskic dans l'exécution des opérations de combat.

 17   Je vous invite à présent à vous arrêter à la page 93 de ce même document.

 18   Vous verrez que vers le milieu de la page, au dernier paragraphe, la

 19   dernière phrase du paragraphe se lit comme suit: "S'agissant des Vitezovi,

 20   il est souhaitable que vous lisiez les félicitations qui émanent du

 21   commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, Tihomir Blaskic,

 22   que je vous adresse.". (Fin de citation.)

 23   Il est quelque peu étrange qu'une personne qui ne soit pas investie d'une

 24   autorité et qui n'a aucune idée de ce qui se passait adressait une lettre

 25   de félicitations au milieu du mois d'avril, au plus fort du conflit.


Page 72

  1   A présent, je vous invite enfin à vous arrêter à la page 98. Il s'agit

  2   d'un rapport qui émane du général Blaskic et qui est adressé à l'état-

  3   major principal de Mostar. Il s'agit d'un rapport daté du 22 juin 1993 et

  4   il est question, là, des activités des Vitezovi.

  5   Si vous tournez et vous arrêtez à la deuxième page de ce rapport, il est

  6   précisé au milieu, au début du quatrième paragraphe: "Je dois dire que le

  7   Bataillon des Vitezovi a, en fait, procédé à toutes les activités de

  8   combat qui avaient été confiées à ce Bataillon." (Fin de citation.)

  9   Il est quelque peu étrange que le général Blaskic fasse un rapport sur les

 10   activités de combat alors qu'il précise qu'il ne pouvait pas donner de

 11   telles instructions.

 12   Vers le bas de la page, il continue: "Je sais que cette unité est

 13   constituée d'hommes jeunes, mais je sais que le commandement de cette

 14   unité contrôle la situation et contrôle toute la formation de l'unité. Et

 15   je précise que la zone opérationnelle de Bosnie centrale, par le

 16   truchement de ses commandants, exerce tous les ordres qu'il a reçus". (Fin

 17   de citation.)

 18   Par conséquent, j'estime pour ma part que, s'agissant de l'existence de

 19   ces documents, on ne peut rien trouver qui justifie la tenue d'un nouveau

 20   procès sur la base des documents dont vous êtes saisis et qui figurent

 21   dans le jeu de 47 documents.

 22   En fait, ce document sur lequel je viens de faire fond émanait de l'état-

 23   major principal. Dans ces documents, il est également fait allusion à des

 24   fournitures logistiques. Vous verrez qu'il y a plusieurs rapports, qu'il y

 25   a plusieurs ordres dans lesquels on leur demande de fournir des moyens


Page 73

  1   logistiques.

  2   Et si vous regardez la pièce à conviction D250, vous verrez également à ce

  3   moment-là qu'il est question de demande de moyens logistiques. Et, sur la

  4   base de ces documents, je pense pour ma part que les éléments déposés par

  5   l'appelant ne justifient pas la tenue d'un nouveau procès.

  6   Si vous me le permettez, dans les 15 minutes qui me restent, j'aimerais à

  7   présent passer en revue les autres éléments auxquels j'ai fait allusion au

  8   début de mon intervention.

  9   Parmi les différentes questions que j'ai abordées et auxquelles il est

 10   fait allusion dans l'ordonnance portant calendrier, il est question

 11   notamment de l'abondance des documents qui justifieraient la tenue d'un

 12   nouveau procès.

 13   Je tiens respectueusement à faire remarquer que ces éléments ne sont pas

 14   aussi volumineux que ça. Il s'agit de 47 documents et de 2 déclarations de

 15   témoins. Bien évidemment, je comprends qu'il puisse y avoir d'autres

 16   documents -mais, pour le moment, il s'agit simplement de 47 documents et

 17   de 2 déclarations de témoins-, vu la complexité du dossier. Je pense que

 18   la Chambre d'appel a déjà été saisie de dossiers dont la complexité est

 19   autrement plus difficile: dans l'affaire Celebici notamment, les

 20   procédures étaient plus intenses et beaucoup complexes; ceci a été

 21   également le cas dans l'affaire Tadic, où il s'agissait de traiter 80

 22   déclarations de témoins; dans l'affaire Kupreskic, à laquelle j'ai déjà

 23   fait allusion; dans l'affaire Kambanda, où l'on a également dû entendre le

 24   témoin lui-même, M. Kambanda, pendant toute une journée.

 25   La Chambre de première instance n'est pas dans une position différente de


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  1   vous-même s'agissant des documents. Vous examinez les documents, vous

  2   déterminez s'ils correspondent aux documents qui ont déjà été présentés

  3   dans le dossier de l'affaire. S'il y a des éléments qui peuvent avoir un

  4   impact sur la crédibilité, s'il faut qu'ils soient présentés à des

  5   témoins, la Chambre d'appel peut le faire; il y a uniquement deux témoins

  6   à ce stade dont on nous dit qu'il faudrait les citer à la barre. Et même

  7   si l'accusation devait appeler, mettons, huit témoins en réplique, ça ne

  8   fait en tout que dix témoins, dix témoins seulement. Et même si l'on

  9   ajoute deux documents de l'accusation pour chaque témoin de la défense, ça

 10   nous fait en tout 100 documents. Donc je ne vois pas absolument pourquoi

 11   la Chambre d'appel ne pourrait pas se pencher sur une centaine de

 12   documents, 10 témoins pendant trois ou quatre semaines au lieu d'ordonner

 13   un nouveau procès qui nous prendrait 25 mois.

 14   La Chambre d'appel peut également prendre en compte le fait que sa

 15   fonction n'est pas d'entendre des éléments de preuve, de statuer sur les

 16   faits; ceci a déjà été dit. Cependant, l'Article 115 lui donne ce pouvoir

 17   et la Chambre d'appel l'a déjà fait à de nombreuses reprises par le passé.

 18   La Chambre d'appel dans Kupreskic permet de renvoyer à une Chambre de

 19   première instance la tâche d'examiner les éléments de preuve

 20   supplémentaires si la Chambre d'appel ne peut le faire. Mais Kupreskic ne

 21   donne nullement la possibilité, l'autorité d'ordonner un nouveau procès

 22   sur la base de l'Article 25 du Statut en arguant qu'il y a eu erreur. Et

 23   les faits n'ont nullement permis de montrer qu'il y a eu erreur. Et on

 24   semble partis du principe qu'il faudrait réentendre la totalité de

 25   l'affaire; ceci a été sous-entendu. Or nous estimons que ce n'est


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  1   absolument pas le cas.

  2   J'ai remis au juriste hors classe, qui n'a pas besoin de vous le remettre

  3   maintenant -et je l'ai remis également au conseil de l'appelant-, j'ai

  4   remis donc un tableau de cinq pages des chefs d'accusation et des parties

  5   des chefs d'accusation qui ne sont pas affectées par les éléments de

  6   preuve supplémentaires.

  7   Il faut se souvenir que nous avons ici une affaire qui a trait à une

  8   campagne de 14 mois, 20 villages, 3 municipalités, avec toutes sortes de

  9   crimes commis pendant dans cette période et dans cette région. Et dans ce

 10   tableau dont je viens de vous parler, nous avons uniquement des exemples:

 11   des exemples de chefs d'accusation ou de parties de chefs d'accusation qui

 12   ne sont nullement affectées par les nouveaux éléments de preuve fournis.

 13   Et nous estimons, quant à nous, qu'il faudrait que des arguments soient

 14   présentés par l'accusation sur la manière dont les chefs d'accusation sont

 15   influencés par les nouveaux éléments de preuve.

 16   Enfin, nous estimons qu'il y a des chefs d'accusation qu'il ne faudrait

 17   pas rejuger, même si on accepte des éléments de preuve supplémentaires. Et

 18   nous estimons que vous devriez, en réplique, entendre les éléments de

 19   preuve de l'accusation, qu'il faut examiner ces éléments de preuve avec

 20   attention. Il y a un de ces chefs d'accusation qui a trait à la

 21   municipalité de Vitez et a trait à Gacice.

 22   Nous avons les victimes, les civils de Gacice qui ont été amenés à l'hôtel

 23   Vitez, le quartier général de Blaskic. On les a placés autour de l'hôtel

 24   Vitez pendant trois heures pour empêcher le pilonnage du quartier général

 25   du général Blaskic. Au procès, en première instance, on a entendu que,


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  1   pendant 20 heures, la veille, le 19, l'hôtel Vitez avait été pilonné et

  2   Vitez même avait été pilonné. C'est pourquoi ces victimes, ces 247

  3   personnes, ont été placées autour du quartier général du général Blaskic

  4   pour cette raison. Et ce qu'on nous a dit, au cours du procès, c'est qu'il

  5   est parti pendant l'après-midi se rendre à une réunion à Zenica.

  6   Les nouveaux éléments de preuve admis par la Chambre, le nouveau journal

  7   de guerre, ces nouveaux éléments de preuve donc tendent à montrer qu'il

  8   faudrait arriver à une conclusion différente au sujet de cet incident.

  9   Or, dans le journal de guerre, on nous dit que Blaskic a quitté Vitez à 5

 10   heures moins 10; c'est exactement ce qu'a constaté la Chambre de première

 11   instance, elle n'a pas constaté qu'il n'était allé à Zenica, elle a

 12   constaté qu'il était là pendant l'après-midi et qu'ils sont partis tard

 13   dans l'après-midi.

 14   Il est vrai que le nouveau journal de guerre est pertinent pour l'un des

 15   chefs de l'accusation, mais nous estimons, quant à nous, que cela ne fait

 16   aucune différence et qu'il serait important que la Chambre de première

 17   instance entende des arguments à ce sujet avant de passer à un stade

 18   ultérieur.

 19   Pour finir, nous estimons quant à nous qu'il est prématuré, à ce stade,

 20   d'ordonner la tenue d'un nouveau procès.

 21   Comme la procédure du Tribunal le requiert, comme le demande le bon sens,

 22   ce qu'il faut faire, c'est que la Chambre d'appel examine ces éléments et

 23   elle peut tout à fait rendre une décision justifiée.

 24   Je me demande si la Chambre de première instance en ferait de même si

 25   c'était un acquittement qui était contesté, sur la base d'éléments de


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  1   preuve qui sont présentés après un procès de 25 mois, des éléments de

  2   preuve qui n'ont pas été contestés. Est-ce que, s'il y avait eu

  3   acquittement, la Chambre demanderait un nouveau procès sur la base de 47

  4   éléments de preuve, de 2 témoins? Nous estimons que, dans ces conditions,

  5   il serait manifeste que ce ne serait pas la voie à adopter.

  6   Si vous estimez que les éléments de preuve doivent être traités comme

  7   l'estime l'accusation, en suivant la logique de l'arrêt Kupreskic, vous en

  8   conclurez qu'il y a eu un bon nombre de contradictions dans les éléments

  9   présentés, dans les déductions présentées à l'appui de la demande d'un

 10   nouveau procès, et qu'un nouveau procès, s'il devait avoir lieu,

 11   montrerait que tout ceci ne repose sur rien.

 12   J'en ai terminé de mes arguments, Monsieur le Président, Messieurs les

 13   Juges. Il me reste encore huit minutes; je suis prêt à répondre à vos

 14   questions si vous en avez.

 15   M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Farrell.

 16   Je me tourne vers mes collègues, je voudrais savoir s'ils ont des

 17   questions?

 18   M. Hunt (interprétation): Vous nous dites qu'aux termes de l'Article 115,

 19   nous avons l'autorité de renvoyer à une Chambre de première instance les

 20   éléments qui découlent de l'application de cet Article. Or cela ne figure

 21   pas dans l'Article en question, mais vous vous appuyez sur la décision

 22   Celebici. Pouvez-vous être précis?

 23   M. Farrell (interprétation): Non, je parlais de l'arrêt Kupreskic,

 24   paragraphe 70, où il est dit que "la Chambre d'appel peut elle-même

 25   examiner les éléments de preuve ou demander à une Chambre de première


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  1   instance d'examiner ces éléments de preuve".

  2   M. Hunt (interprétation): Je suis reconnaissant de voir que vous

  3   manifestez votre approbation pour l'arrêt Celebici, qui a pourtant été

  4   contesté de forte manière.

  5   M. Farrell (interprétation): Oui.

  6   M. Hunt (interprétation): L'autre question que j'ai à vous poser, c'est de

  7   savoir s'il s'agit des mêmes documents qu'au procès en première instance?

  8   M. Farrell (interprétation): Non.

  9   M. le Président (interprétation): Vous parlez de sources.

 10   M. Farrell (interprétation): Cela vient des archives de Zagreb.

 11   M. Hunt (interprétation): Donc c'est la même source à laquelle fait

 12   référence l'appelant?

 13   M. Farrell (interprétation): Je ne sais pas s'il les a obtenues à Zagreb.

 14   M. Hunt (interprétation): Donc vous vous basez sur les mêmes sources?

 15   M. Farrell (interprétation): Non, nous n'avons pas présenté nos arguments

 16   de cette manière, nous ne sommes pas les requérants. Mais, si vous dites

 17   qu'il s'agit de la même source, pourquoi n'étaient-ils pas disponibles à

 18   ce moment-là? On en arrive à la question de savoir: si les éléments de

 19   preuve n'étaient pas disponibles au moment de l'instance et sont ensuite

 20   découverts, est-ce que cela justifie un nouveau procès?

 21   M. Hunt (interprétation): Mais cela paraît essentiel pour l'affaire qui

 22   nous concerne. Ce qui m'intéresse, moi, c'est de savoir si tout cela vient

 23   de la même source?

 24   M. Farrell (interprétation): Oui.

 25   M. le Président (interprétation): Je ne sais pas s'il y a d'autres


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  1   questions. Quant à moi, je n'en ai pas à poser au Procureur.

  2   Nous pourrions peut-être faire une pause d'une demi-heure maintenant et,

  3   ensuite, nous entendrons les arguments de l'appelant.

  4   M. Farrell (interprétation): L'accusation vous remercie, Monsieur le Juge

  5   Pocar.

  6   M. le Président (interprétation): L'audience est suspendue.

  7   (L'audience, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 16 heures 12.)

  8   M. le Président (interprétation): Nous reprenons nos débats. Je donne

  9   maintenant la parole au conseil de l'appelant, il a 75 minutes.

 10   Vous avez la parole.

 11   (Arguments de la défense, présentés par Me Hayman.)

 12   M. Hayman (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 13   Juges. Merci de me donner la possibilité d'évoquer ces questions

 14   aujourd'hui devant la Chambre d'appel.

 15   Le problème fondamental qui se pose en l'espèce, c'est un problème dont

 16   l'accusation est responsable. Ils ont, en effet, choisi et décidé de

 17   présenter leur Acte d'accusation en l'espèce à un moment où ils n'avaient

 18   pas accès aux archives du HVO ou de l'armée de la HV. Ils ont choisi de

 19   présenter des charges pour responsabilité de commandement, responsabilité

 20   de supérieur hiérarchique contre celui qui, à l'époque, était le colonel

 21   Blaskic et qui était responsable de la zone de compétence de l'armée

 22   bosno-croate en Bosnie centrale. L'accusation l'a fait sans avoir accès

 23   soit à l'intégralité des archives du HVO ou des archives de l'armée de

 24   Bosnie-Herzégovine qui a été le successeur de la Défense territoriale en

 25   Bosnie-Herzégovine.


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  1   Si bien que, si vous voulez, l'accusation est partie en campagne en

  2   n'ayant pas accès aux éléments de preuve les plus importants dans cette

  3   affaire, car quand il y a accusation au titre de la responsabilité du

  4   supérieur hiérarchique, il est très important de voir quels sont les

  5   ordres qui viennent du sommet de la voie hiérarchique et les éléments qui

  6   remontent cette voie hiérarchique, il est important de voir ce qui se

  7   trouve dans les journaux de guerre pour savoir les informations dont

  8   disposait le commandant. Or l'affaire a été jugée sans qu'on bénéficie de

  9   ces éléments, de ces informations, et ceci du fait de l'accusation.

 10   La conséquence, c'est cette procédure d'appel extrêmement complexe,

 11   extrêmement longue, extrêmement laborieuse. On a vu peu à peu arriver de

 12   nouveaux documents. Nous avons déposé trois requêtes au titre de l'Article

 13   115. Nous continuons à recevoir, aux termes de l'Article 68, des éléments

 14   supplémentaires de la part de l'accusation. Ils nous ont dit avoir passé

 15   en revue plus de 1,4 million de pages de document, ceci figure dans le

 16   dossier. Ils vous l'ont fait savoir et ils estiment que 25.000 pages sur

 17   ces éléments peuvent avoir une pertinence directe avec le général Blaskic

 18   et sa zone de commandement pendant la guerre civile.

 19   Donc voilà où nous en sommes. Et pendant ce temps le général Blaskic est

 20   en prison. Il est en prison depuis maintenant six ans et demi.

 21   L'accusation estime qu'il est prématuré de demander la tenue d'un nouveau

 22   procès. Or nous estimons que ce n'est pas prématuré, et nous demandons à

 23   la Chambre d'appel de bien vouloir agir avec la célérité requise et

 24   d'ordonner l'ouverture d'un nouveau procès en l'espèce.

 25   Mon éminent confrère a posé au départ la question de savoir si la Chambre


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  1   d'appel avait l'autorité de renvoyer l'affaire devant une nouvelle Chambre

  2   de première instance. Je ne suis pas d'accord avec lui. Aussi bien

  3   l'Article 25 du Statut que l'Article 117C) du Règlement donne à la Chambre

  4   d'appel la possibilité de renvoyer une affaire devant une Chambre de

  5   première instance pour un nouveau procès. Cette autorité a été reconnue

  6   dans l'arrêt en appel Jelisic, au paragraphe 73, où l'on reconnaît

  7   expressément que "les membres de la Chambre d'appel ont le droit de

  8   demander un nouveau procès". L'Article 117 ne limite nullement ce pouvoir

  9   et j'avance, quant à moi, que l'Article 115 ne limite pas non plus cette

 10   capacité.

 11   Si vous examinez l'Article 115, les affaires dans lesquelles il a été

 12   appliqué, jamais on a dit que la Chambre, en acceptant l'Article 115 aux

 13   fins de production d'éléments de preuve supplémentaire, se trouve coincée

 14   dans une sorte de procédure qu'elle est contrainte de suivre pendant des

 15   mois et des mois sans en arriver à une décision définitive dans une

 16   affaire. Surtout ici, nous avons des mémoires en appel qui ont été déposés

 17   depuis des mois. Vous avez notre mémoire en appel. Vous avez sous les yeux

 18   nos requêtes au titre de l'Article 115. Vous avez statué sur 50 éléments

 19   qui figurent dans ces requêtes de l'Article 115. Vous disposez d'un grand

 20   volume d'informations. Ceci a fait l'objet d'un travail considérable.

 21   Nous estimons donc que l'accusation n'a pas raison et qu'il serait

 22   prématuré de demander l'ouverture d'un nouveau procès.

 23   Nous estimons que l'arrêt Kupreskic ne s'éloigne pas de cette analyse.

 24   L'Article 70 de cette opinion stipule qu'une fois qu'une Chambre d'appel

 25   estime que des moyens présentés au titre de l'Article 115 sont pertinents,


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  1   il y a deux possibilités pour la Chambre d'appel: soit d'examiner les

  2   éléments elle-même, soit de renvoyer devant une Chambre de première

  3   instance.

  4   Peu importe l'objectif pour lequel on renvoie ces éléments de preuve, peu

  5   importe cet objectif. Nous, nous estimons, nous avançons que l'on peut

  6   renvoyer ces éléments pour un nouveau procès. Et ceci, on peut le voir à

  7   l'Article 70 de l'arrêt Kupreskic.

  8   C'est tout ce que j'aurais à dire au sujet de votre autorité. Vous avez

  9   l'autorité de le faire et nous en appelons à vous pour que vous agissiez

 10   en fonction de ce pouvoir qui est le vôtre.

 11   Si vous ordonniez la tenue d'un nouveau procès sur la base des éléments de

 12   preuve admis au titre de l'Article 115, si vous deviez le faire: pourquoi,

 13   pourquoi devriez-vous le faire? C'est à cette question que vous nous avez

 14   demandé de répondre.

 15   Moi, je pense que vous devez le faire pour trois raisons. Je vais les

 16   traiter dans l'ordre.

 17   Premièrement: la teneur, le fond des éléments de preuve nouvellement admis

 18   exige la tenue d'un nouveau procès.

 19   En deuxième lieu: l'équité procédurale en l'espèce exige qu'un procès

 20   équitable soit tenu. Le premier procès n'a pas été un procès équitable

 21   pour des raisons que je vais énumérer. Donc pour des raisons d'équité,

 22   nous avons besoin d'un nouveau procès.

 23   En troisième lieu, il faut qu'il y ait un nouveau procès au titre de

 24   l'efficacité du processus d'administration de la justice.

 25   Premièrement, s'agissant des nouveaux éléments de preuve et de leur


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  1   substance. Dans l'arrêt Jelisic, il est stipulé qu'une Chambre d'appel

  2   peut renvoyer une affaire devant une Chambre de première instance pour un

  3   nouveau procès, si cela est dans l'intérêt de la justice. L'arrêt en appel

  4   dans Jelisic donne un certain nombre de facteurs à ce sujet, mais cette

  5   liste n'est pas exhaustive.

  6   Et je vais vous expliquer pourquoi il est dans l'intérêt de la justice

  7   qu'il y ait un nouveau procès en l'espèce.

  8   Pour comprendre l'importance la signification des nouveaux éléments de

  9   preuve, il faut s'éloigner de la logique adoptée par mon collègue. Il a

 10   examiné un certain nombre d'ordres, fait des commentaires très

 11   intéressants auxquels je répondrai plus tard.

 12   Mais moi, je vous demande de prendre un petit peu de recul, d'examiner les

 13   éléments de preuve nouveaux dans leur globalité. Et ce que vous disent ces

 14   nouveaux éléments de preuve, il faut que vous l'examiniez, les éléments de

 15   preuve au sujet du massacre atroce d'Ahmici, au cours duquel plus de cent

 16   femmes, enfants et hommes ont perdu la vie, au petit matin du 16 avril

 17   1993.

 18   La Chambre de première instance était dans une situation où il n'y avait

 19   pas d'ordres illégaux rendus par l'accusé.

 20   Comment la Chambre de première instance a-t-elle rendu son jugement? J'ai

 21   une certaine compréhension pour la Chambre de première instance, vu le

 22   vide d'éléments de preuve dans lequel elle était contraint de se décider,

 23   du fait de l'accusation.

 24   Le raisonnement de la Chambre de première instance a été le suivant: le

 25   colonel Blaskic disposait du contrôle effectif de la totalité des troupes


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  1   du HVO dans la vallée de la Lasva. Des crimes ont été commis par ces

  2   troupes, qui étaient organisés; des crimes organisés qui avaient dû être

  3   orchestrés par une instance supérieure quelconque. En conséquence, la

  4   Chambre de première instance en a déduit que le colonel Blaskic avait dû

  5   organiser, orchestrer, planifier ces crimes parce que c'était lui qui

  6   détenait l'autorité supérieure, que c'était lui qui incarnait à lui seul

  7   l'autorité supérieure dans la vallée de la Lasva. Voici l'essentiel des

  8   motifs du jugement.

  9   La Chambre a ensuite évalué les éléments de preuve sur la base de ce cadre

 10   que je viens de vous définir. La Chambre a conclu, étant donné qu'elle ne

 11   disposait pas de tous les ordres donnés par le colonel Blaskic, la Chambre

 12   a estimé que certains des ordres qui manquaient étaient probablement des

 13   ordres illégaux aux fins de commettre des crimes; ceci se trouve aux

 14   paragraphes 589 et 590 du jugement. Or les Juges n'avaient pas accès aux

 15   archives; ils n'ont pas été en mesure de voir quels étaient les ordres qui

 16   avaient été délivrés; entre jeudi et samedi, s'il avait été possible de le

 17   faire, ils auraient pu examiner ces ordres et voir qu'il n'y avait pas

 18   d'ordres illégaux.

 19   D'autre part, la Chambre de première instance a également estimé que,

 20   s'agissant de cet élément essentiel, de cet incident essentiel d'Ahmici,

 21   lorsqu'il fallait savoir s'il avait ordonné ces crimes et, ensuite, essayé

 22   de mettre en oeuvre une enquête pour savoir qui avait commis ces crimes,

 23   eh bien, la Chambre a conclu que le colonel Blaskic n'était pas en mesure

 24   de fournir un exemplaire d'un rapport d'enquête du service de sécurité des

 25   Croates de Bosnie, le SIS, alors qu'il avait affirmé qu'il avait demandé


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  1   au SIS de mener une enquête sur Ahmici.

  2   La Chambre de première instance, étant donné que le colonel Blaskic n'a

  3   pas été en mesure de fournir ce rapport, et ce rapport, la Chambre de

  4   première instance l'a qualifié d'élément de preuve le plus important que

  5   le colonel Blaskic aurait pu produire pour laver sa réputation, eh bien,

  6   la Chambre de première instance a estimé que le fait qu'on n'ait pas

  7   trouvé ce rapport faisait planer le doute sur l'existence même du rapport.

  8   Paragraphe 493 du jugement. Je reviendrai à l'existence ou à la non-

  9   existence de ce rapport dans quelques instants.

 10   Voici donc le cadre dans lequel a été prononcé le jugement. Nous, notre

 11   thèse, c'est que les éléments de preuve qui viennent des archives

 12   remettent complètement en question la logique de la Chambre de première

 13   instance, et à plusieurs égards.

 14   Revenons d'abord à ce rapport. Nous avons le rapport du SIS, nous avons ce

 15   rapport d'enquête menée au sujet des crimes d'Ahmici. Ce rapport confirme

 16   que non seulement il y a eu une enquête, qu'il y a eu un rapport, un

 17   rapport qui est daté de novembre 1993, ce qui correspond à la période de

 18   temps et aux tentatives répétées de l'appelant de faire mener une enquête,

 19   mais ce rapport exonère l'appelant de toute responsabilité. On identifie

 20   les auteurs d'Ahmici. Imaginez quelle tournure aurait pris le procès si

 21   nous avions été en mesure de mettre la main sur ce rapport et de le

 22   fournir à la Chambre de première instance.

 23   Au lieu d'en déduire que le fait que M. Blaskic n'ait pas trouvé se

 24   rapport indiquait qu'il était coupable, la Chambre aurait pu se convaincre

 25   qu'il avait demandé une enquête, que cette enquête avait permis


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  1   d'identifier les auteurs, mais que les résultats de cette enquête

  2   n'avaient pas été communiqués à lui, mais aux dirigeants politiques des

  3   Croates de Bosnie à Mostar et que ça avait été également communiqué au

  4   Président Tudjman à Zagreb, qui n'a rien fait pour traduire ces personnes

  5   en justice. Seul ce Tribunal a pris des mesures réalistes et véridiques

  6   pour traduire ces criminels en justice.

  7   Mais quelle est la conséquence de ces éléments de preuve? J'abandonne le

  8   rapport du SIS et je vais procéder de manière plus analytique dans ma

  9   discussion.

 10   Tout d'abord, ces nouveaux éléments nous indiquent que le colonel Blaskic

 11   ne jouissait pas du contrôle effectif sur deux unités essentielles qui

 12   étaient dans la vallée de la Lasva, le 4e Bataillon de la police militaire

 13   et les Vitezovi, les unités des Vitezovi. Pourquoi est-ce que cela est

 14   essentiel? C'est essentiel parce que la plupart des unités, la plupart des

 15   brigades qui se trouvaient dans les villes étaient composées d'habitants

 16   de villages qui avaient bénéficié d'une formation militaire très

 17   succincte, qui avaient peu d'armes. Cela se rapprochait plus,

 18   s'apparentait plus à des milices de villages qu'à des véritables armées

 19   comme nous les imaginons ici en Occident.

 20   Or, par contraste, le 4e Bataillon de la police militaire, en particulier

 21   les Jokeri et les Vitezovi, étaient, eux, des jeunes hommes qui avaient

 22   une solde spéciale, qui avaient des armes bien spéciales, qui avaient

 23   bénéficié d'une formation spéciale et qui relevaient directement

 24   d'éléments, de personnes qui se trouvaient à l'extérieur de la vallée de

 25   la Lasva. L'unité de la police militaire relevait de l'administration de


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  1   la police militaire à Mostar; et les Vitezovi, eux, relevaient du

  2   ministère de la Défense à Mostar. C'est de cela qu'ils obtenaient leurs

  3   armes, leur paie, leurs conditions de formation bien spécifiques.

  4   Voici donc quelles étaient les unités armées les plus compétentes dans la

  5   région. Il n'empêche que ces unités étaient constituées de jeunes hommes

  6   et qu'à leur tête se trouvaient des criminels. Darko Kraljevic, qui était

  7   à la tête des Vitezovi, était un homme qui a agi de son propre chef, de

  8   manière indépendante, et je me réfèrerai à un certain nombre d'incidents;

  9   mais c'était quelqu'un qui échappait à tout contrôle, si je puis employer

 10   des termes du langage commun.

 11   La police militaire, et particulièrement le 4e Bataillon de la police

 12   militaire, puisque je parle des Jokeri, avait un lien avec la police

 13   militaire et son administration à Mostar, mais en fait elle était très

 14   étroitement liée avec une figure politique de Busovaca. La plupart des

 15   hommes dans l'unité des Jokeri dans la police militaire provenaient de

 16   Busovaca, et cet homme, cette figure politique était Dario Kordic.

 17   Donc quels sont les éléments de preuve? Quels sont les nouveaux éléments

 18   de preuve au sujet de la capacité qu'avait le colonel Blaskic d'exercer un

 19   contrôle effectif sur la police militaire? Eh bien, les rapports de

 20   renseignement que nous avons fournis montrent que la police militaire a

 21   agi de son propre chef.

 22   Par exemple, par la pièce n°10 de notre première requête -conformément à

 23   l'Article 115-, là, nous voyons deux autres témoins parler de manière tout

 24   à fait claire à ce sujet; ces témoins ont déposé pour le Procureur pendant

 25   l'affaire Kordic.


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  1   Le général Mrdan, le général de l'armée croate a déposé en disant que le

  2   colonel Blaskic n'était pas en mesure de contrôler Darko Kraljevic, pas

  3   plus que les Vitezovi. Il était considéré comme quelqu'un qu'on pouvait

  4   tourner en dérision, si je me rappelle bien; donc sans aucune importance.

  5   L'officier chargé des renseignements pour les Vitezovi a déposé dans

  6   l'affaire Kordic également. Son nom est Ante Bergas; il a dit que

  7   Kraljevic recevait tout ce dont il avait besoin, et que s'il y avait une

  8   opération militaire que le colonel Blaskic voulait poursuivre, il

  9   poursuivrait même si le colonel Blaskic estimait qu'il ne devait pas le

 10   faire.

 11   Nous avons donc le général Mrdan, M. Braljas, les rapports de

 12   renseignement et tout ceci nous montre que, même si à certains moments les

 13   Vitezovi ont agi de concert avec d'autres unités du HVO, la Chambre de

 14   première instance n'était pas en position d'assumer que le colonel Blaskic

 15   exerçait un contrôle effectif sur les Vitezovi à tout moment, pendant

 16   toute la période. C'est une supposition qu'ils ont faite conformément à

 17   une logique en trois étapes que j'ai déjà esquissées.

 18   Eh bien, mon collègue a fait quelques commentaires au sujet des Vitezovi

 19   plus précisément et je pense qu'il a fourni à la Chambre, dans l'une de

 20   ses écritures, quelques nouveaux éléments et nouveaux documents concernant

 21   les Vitezovi. Il s'agit entre autres d'un rapport de Kraljevic, qui était

 22   à la tête des Vitezovi, disant que pendant cette période, il a dit tout

 23   cela en agissant selon les ordres émanant du colonel Blaskic.

 24   Je ne voudrais pas passer beaucoup de temps à répondre à ces documents en

 25   particulier, mais je dois quand même répondre à ces quelques documents.


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  1   Premièrement, ces rapports ont été envoyés à l'état-major à Mostar. Que

  2   disent les Vitezovi à l'état-major de Mostar, s'ils sont réellement

  3   subordonnés au colonel Blaskic de Vitez?

  4   L'un de ces documents est une protestation adressée à l'armée de Bosnie-

  5   Herzégovine. Monsieur Kraljevic envoie ses propres protestations aux

  6   forces ennemies, en s'adressant directement à ces forces. Ceci ne se passe

  7   pas à travers une structure de commandement quelle qu'elle soit, que ce

  8   soit à Mostar ou Vitez. Donc il discute directement avec l'ennemi.

  9   Ceci serait un acte d'insubordination dans toute armée normalement

 10   constituée.

 11   Egalement, si vous vous penchez sur ces documents dont l'auteur est M.

 12   Kraljevic, qui se trouve à la tête des Vitezovi, vous verrez que le

 13   colonel Blaskic ne figure dans aucun de ces documents, donc il n'était pas

 14   au courant de ces communications. Monsieur Kraljevic considérait qu'il

 15   n'avait absolument aucune importance. Monsieur Kraljevic s'est engagé dans

 16   ce dialogue avec son commandement supérieur de Mostar, avec des forces

 17   ennemies, etc.

 18   Donc les nouveaux éléments de preuve montrent qu'il n'y a pas de contrôle

 19   effectif exercé par Blaskic sur la police militaire et sur les Jokeri.

 20   Cela montre donc qu'il n'a pas de contrôle sur les Vitezovi.

 21   Cela montre également quelle est la situation à Kiseljak. Vous n'avez pas

 22   vu la carte, mais elle parle d'elle-même: pendant cette période pertinente

 23   de la guerre, il y avait une petite enclave autour de Vitez d'un périmètre

 24   d'environ un peu plus d'un kilomètre; il y avait une plus grande enclave

 25   autour de Kiseljak et il y a une route qui les relie. Donc de quelques


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  1   centaines de mètres d'un côté ou de l'autre de la route, le HVO exerçait

  2   son contrôle. Il s'agit en fait d'une route qui mène à Kiseljak et, entre

  3   les deux, il y a un troisième petit cercle; essentiellement, c'est

  4   Busovaca. La route pour Kiseljak a été coupée par l'armée de Bosnie-

  5   Herzégovine; par conséquent, le colonel Blaskic ne pouvait pas se rendre à

  6   Kiseljak sans que la Forpronu ne l'aide.

  7   Mon collègue vous a montré quelques rapports, des rapports additionnels,

  8   et je pense que nous avons, nous, communiqué des documents montrant que,

  9   malgré le fait qu'il a été coupé, le colonel Blaskic a continué à envoyer

 10   des ordres concernant le droit humanitaire à Kiseljak. Nous avons fourni

 11   des éléments qui se présentent dans la suite de cela, qui montrent qu'il y

 12   avait des ordres qui étaient des ordres réels émanant du colonel Blaskic.

 13   Il ne s'agissait pas d'ordres qui étaient émis pour la forme simplement;

 14   il s'agissait d'ordres tout à fait conséquents. Apparemment, ils ont été

 15   répétés.

 16   Il n'empêche, si vous vous penchez sur des éléments de preuve

 17   supplémentaires, que nous avons fournis, concernant Kiseljak avant tout,

 18   qu'il y a un observateur de la Communauté européenne qui s'appelait

 19   "témoin AO" ou "AD" -je pense que c'était le témoin AD- qui a déposé

 20   encore une fois dans l'affaire Kordic, en disant que Blaskic n'avait pas

 21   d'informations fiables au sujet d'événements de Kiseljak et au sujet

 22   d'autres enclaves qui se trouvaient loin, et qu'il ne pouvait pas

 23   contrôler les forces du HVO puisqu'il s'agissait d'enclaves qui étaient

 24   coupées.

 25   Les nouveaux éléments de preuve montrent également que la personne qui est


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  1   devenue commandant à Kiseljak, à savoir Ivica Rajic, répondait directement

  2   à l'état-major de Mostar puisqu'il pouvait se rendre à Mostar; il pouvait

  3   se déplacer, tandis que ceux qui se trouvaient dans la vallée de la Lasva,

  4   tel le colonel Blaskic, ne pouvaient pas voyager par voie terrestre à

  5   Mostar.

  6   Donc les nouveaux éléments de preuve abordent la question de savoir si le

  7   colonel Blaskic exerçait le contrôle effectif sur les troupes du HVO de

  8   Kiseljak. Et les éléments de preuve montrent clairement qu'il ne pouvait

  9   pas exercer ce contrôle. Mais ce n'est qu'un début.

 10   Monsieur le Président, non seulement les nouveaux éléments de preuve

 11   montrent que ces unités, et en particulier la police militaire et les

 12   Vitezovi, ont agi de leur propre chef et sur leur propre initiative, mais

 13   d'autres éléments qui sortent de la chaîne de commandement de jure

 14   montrent qu'il y avait quelqu'un qui exerçait le contrôle sur la police

 15   militaire, en particulier les Jokeri; là, je parle de Dario Kordic.

 16   De quels éléments de preuve suis-je en train de parler? Eh bien, les

 17   pièces à conviction 4 et 5 de notre requête au titre de l'Article 115. Là-

 18   bas, vous trouverez des rapports dont l'auteur est le Président Tudjman de

 19   Croatie. En fait, il s'agit de rapports émanant des services de

 20   renseignement croates, rédigés en février 1994. En février 1994, c'est

 21   bien avant que le colonel Blaskic n'ait jamais reçu les responsabilités,

 22   quelles qu'elles soient, qu'il n'ait été accusé de quoi que ce soit qui

 23   nous intéresse dans cette affaire.

 24   Ces rapports de renseignement citent des déclarations qui ont été prises

 25   de la part des témoins et qui montrent, de manière tout à fait claire, qui


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  1   est responsable des crimes d'Ahmici. Il est dit que c'est Dario Kordic et

  2   un autre homme, qui s'appelle Ignas Kostroman -qui est également une

  3   figure politique dans la zone de Busovaca, en Bosnie centrale-, que ce

  4   sont eux qui étaient responsables d'avoir dirigé, d'avoir donné des ordres

  5   de commettre ce massacre.

  6   Il est également là-dedans que le colonel Blaskic exerçait peu d'influence

  7   -si toutefois il en avait une- sur les opérations militaires conçues par

  8   Kordic et Kostroman.

  9   Au lieu de parler d'Ahmici et de l'influence de ces nouveaux éléments de

 10   preuve sur Ahmici, à savoir qui a effectivement ordonné ces crimes, le

 11   Procureur se moque de la déclaration dans ce rapport disant que la Brigade

 12   de Vitez n'était pas à Ahmici. Eh bien, c'est un point important pour le

 13   Procureur, puisque la police militaire a agi sur les ordres des autres; et

 14   la Brigade de Vitez était plutôt une brigade de village s'il n'y avait pas

 15   cette relation avec une figure politique de Busovaca.

 16   Si vous vous penchez sur les rapports que mon collègue a cités, il s'agit

 17   en fait de rapports de manière générale, émanant de la Brigade de Vitez et

 18   qui sont des rapports montrant quelles sont les activités qui se déroulent

 19   dans l'ensemble de la zone géographique, à savoir la municipalité de

 20   Vitez.

 21   Il est question, dans l'un de ces rapports, de 15 localités différentes où

 22   il y a des combats qui sont en cours. La Brigade de Vitez ne se trouvait

 23   pas à tous ces endroits. Ils ont rédigé un rapport sur la zone

 24   géographique de la municipalité de Vitez et ce rapport s'adressait à leur

 25   commandant.


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  1   Et je me permets de remarquer que, même s'il est intéressant que le

  2   Procureur continue à affirmer que la Brigade de Vitez se trouvait à

  3   Ahmici, dans l'affaire Kordic la Chambre a constaté qu'ils ne se sont pas

  4   trouvés à Ahmici avant l'après-midi du 16 avril 1993, donc bien après la

  5   commission du massacre. Et le commandant de la Brigade de Vitez, Mario

  6   Cerkez, a été acquitté de toute implication dans le massacre d'Ahmici.

  7   Donc il est un peu troublant de voir pourquoi le Procureur insiste là-

  8   dessus et défend cette condamnation de l'accusée fondée sur le fait que la

  9   Brigade de Vitez a pris part d'une manière quelconque au massacre

 10   d'Ahmici, qui s'est produit de toute évidence entre 5 heures 30 et 7

 11   heures ou 7 heures 30 dans la matinée du 16 avril 1993.

 12   Enfin, si vous vous penchez sur le journal de guerre que le Procureur

 13   propose, tous les rapports émanant de la Brigade de Vitez dans la matinée

 14   du 16 proviennent des zones de la ville de Vitez ou d'autres zones où ils

 15   ont été affectés selon les ordres de défense qui ont été émis avant le 16.

 16   Il n'y avait pas de rapports qui sont reflétés dans le journal de guerre

 17   pour la zone opérationnelle de Vitez, pour Ahmici dans la matinée du 16.

 18   Je vous parlais donc du rapport du HIS -Hrvatska… Services de

 19   renseignements Hrvatska, c'est-à-dire les service de renseignement

 20   croates- qui a été préparé pour le Président Tudjman en février 1994. Il

 21   s'agit là d'éléments de preuve très importants, estimons-nous.

 22   Mais il y a encore des choses encore plus parlantes puisque, si vous

 23   examinez la première pièce à conviction présentée dans notre deuxième

 24   requête au titre de l'Article 115, vous avez un élément qui vous fournit

 25   des détails très importants et détaillés au sujet de la planification et


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  1   de la mise en oeuvre du massacre d'Ahmici. Il s'agit d'un rapport qui a

  2   été préparé par le MUP, ministère de l'Intérieur en Croatie.

  3   Ce rapport nous indique que, dans la soirée du 15 au 16 avril, il y a eu

  4   une réunion clandestine au domicile de Dario Kordic, à Busovaca. Il y

  5   avait là les dirigeants des Jokeri et de la police militaire. Et lors de

  6   cette réunion, il a été décidé de perpétrer un massacre à Ahmici pour

  7   faire fuir la population musulmane de la vallée de la Lasva; il semble que

  8   cela ait été le motif pervers à l'origine de ce massacre.

  9   La décision telle qu'elle apparaît dans ce rapport, la décision a été

 10   prise sans que le colonel Blaskic en ait connaissance, sans qu'il soit

 11   impliqué. Le colonel Blaskic était à son QG à Vitez. Il n'a pas participé

 12   à cette réunion, il n'y est pas mentionné, il n'a aucun lien avec cette

 13   réunion.

 14   Notre thèse, donc, c'est que ces nouveaux éléments de preuve remettent

 15   complètement en question la logique qui a été adoptée par la Chambre de

 16   première instance, malheureusement parce qu'elle manquait d'éléments de

 17   preuve supplémentaires, qu'elle a été contrainte de travailler dans une

 18   sorte de vide documentaire, si je puis dire.

 19   Est-ce que ces éléments de preuve supplémentaires justifient un nouveau

 20   procès? Je me suis déjà exprimé en disant que, pour nous, la jurisprudence

 21   du Tribunal l'autoriserait sans doute; c'est indéniable, si l'on regarde

 22   l'arrêt Jelisic.

 23   Nous avançons d'autre part que le mieux, c'est de présenter ces éléments

 24   devant une Chambre de première instance, car les Chambres de première

 25   instance sont destinées à rendre des conclusions sur les faits, dont il


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  1   convient que la Chambre d'appel tienne compte. C'est la raison pour

  2   laquelle les Chambres de première instance sont là pour se pencher en

  3   détail sur les faits.

  4   D'autre part, il faut préserver le droit d'appel et j'y reviendrai plus

  5   longtemps.

  6   Le Traité de Rome prévoit la possibilité d'un nouveau procès aux termes

  7   des Articles 83 et 84. Dans les pays de droit romano-germanique, on

  8   prévoit la possibilité d'un nouveau procès. En Allemagne, par exemple, le

  9   Code de procédure pénale, dans son paragraphe 354, stipule que lorsque des

 10   questions de faits sont soulevées, lorsqu'il y a des éléments de preuve

 11   qui le justifient, on peut avoir un nouveau procès. La loi du Royaume-Uni

 12   sur l'appel en matière d'affaires criminelles le stipule également,

 13   stipule que lorsque la Chambre d'appel estime qu'une déclaration de

 14   culpabilité n'est pas justifiée, on peut soit prononcer un acquittement,

 15   soit demander un nouveau procès. Et les affaires McNamee et Clegg en

 16   apportent un exemple, s'agissant du volume d'éléments nécessaires pour

 17   justifier un nouveau procès.

 18   Nous estimons que le volume d'éléments de preuve supplémentaires à

 19   décharge, avec ces 50 pièces, dépasse le volume qui avait été celui

 20   accepté dans les deux affaires que je viens de mentionner.

 21   L'accusation présente objection à cet argument. L'accusation nous dit:

 22   "Oui, mais ces éléments de preuve n'ont pas été prouvés, n'ont pas été

 23   examinés, donc c'est prématuré; on ne peut pas agir parce ces éléments de

 24   preuve n'ont pas été examinés suffisamment en détail.".

 25   Alors, que sont ces nouveaux éléments de preuve? En premier lieu, la


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  1   plupart, voire la totalité des nouveaux documents sont des documents qui

  2   émanent des archives de guerre de la Croatie à Zagreb. En haut à droite,

  3   sur ces documents, on peut voir le cachet des archives.

  4   La Chambre d'appel, dans Kupreskic, a déjà déterminé que des documents

  5   venant de sources officielles comme de ces archives, par exemple, elle

  6   estimait que de tels documents avaient la fiabilité qui est celle de

  7   documents provenant de telles sources.

  8   Je me hâte de conclure que si l'accusation avait le moindre doute quant à

  9   la crédibilité de la provenance de ces documents que nous avons fournis,

 10   si elle pensait que ces documents ne venaient pas vraiment des archives,

 11   je pense qu'elle vous en aurait fait part, qu'elle vous aurait fait part

 12   de ses doutes il y a déjà bien longtemps.

 13   D'autre part, je me permettrai de faire valoir que vous êtes des Juges

 14   professionnels et, lorsque vous examinez des nouveaux documents, lorsque

 15   vous lisez les déclarations venant de nouveaux témoins, lorsque vous

 16   constaterez que ces documents, ces éléments, ces dépositions se

 17   corroborent, sont imbriqués, se confirment parfois sur des points

 18   extrêmement importants, parfois sur des points de détail tellement infimes

 19   que personne ne pourrait y songer… Si on avait essayé de falsifier les

 20   documents, de les inventer de toutes pièces, vous, donc, en tant que Juges

 21   professionnels, pouvez avoir le sentiment, à la lecture de ces documents,

 22   à la lecture des déclarations de témoins, qu'il est impossible que ces

 23   documents aient été inventés par quelqu'un, mais que plutôt ces éléments

 24   de preuve sont fiables.

 25   Et si vous en arrivez à cette conclusion, eh bien, j'estime que les


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  1   éléments de preuve en question, ils ont été mis à l'épreuve, ils ont été

  2   examinés. Par qui? Par vous-mêmes.

  3   Nous estimons donc que ces nouveaux éléments de preuve justifient un

  4   nouveau procès.

  5   Nous estimons, d'autre part, qu'il convient de tenir un procès équitable.

  6   Or cela n'a pas été le cas. Et ça c'est une raison essentielle qui

  7   justifie le renvoi devant une Chambre de première instance et la tenue

  8   d'un nouveau procès.

  9   En premier lieu, deux Etats ont pris des mesures, des démarches délibérées

 10   pour s'ingérer dans la défense de cet accusé.

 11   L'Article 29 du Statut du Tribunal stipule que les Etats doivent aider le

 12   Tribunal. Or cela n'a pas été le cas en l'espèce. Et je parle des Etats de

 13   Croatie et de Bosnie-Herzégovine.

 14   Exemple: pendant le procès, la Chambre de première instance a rendu une

 15   ordonnance de production à l'intention de la Bosnie-Herzégovine pour

 16   obtenir le journal de guerre de la zone opérationnelle de la Bosnie

 17   centrale. Les autorités de Bosnie-Herzégovine n'ont pas fourni le

 18   document. Plus tard, tout le monde l'a obtenu, tout le monde l'a obtenu ce

 19   document dans les archives de guerre. Nous l'avons obtenu, l'accusation

 20   l'a obtenu. Et ce document est essentiel. Il confirme qu'il n'y a pas eu

 21   d'ordres illégaux donnés par l'accusé. Ce document montre qu'il n'avait

 22   aucune connaissance de cette réunion illégale, clandestine dans la nuit du

 23   15 au 16, au domicile de Kordic, quand on a planifié Ahmici. Ce document

 24   est très important, car il apporte des éléments de preuve à décharge. Mais

 25   le plus important c'est que la Bosnie-Herzégovine n'a pas fourni ce


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  1   document lorsqu'elle a reçu une injonction de produire par la Chambre de

  2   première instance. Et ça c'est complètement injuste, parce que le colonel

  3   Blaskic était en droit d'avoir ce document ici pendant son procès.

  4   En deuxième lieu, la Chambre de première instance a produit une injonction

  5   de produire à l'intention de la Croatie pour obtenir les dossiers de

  6   guerre du HVO. Nous estimions que c'était important. La Croatie ne nous a

  7   pas donné ces documents, elle ne nous a pas donné les documents que nous

  8   sommes en mesure de vous donner aujourd'hui, et qui émanent des archives,

  9   tout ceci pour protéger le Président Franjo Tudjman qui a eu son mot à

 10   dire, qui travaillait de concert avec les dirigeants politiques en

 11   Herzégovine, avec les Croates de Bosnie.

 12   Bien que Me Nobilo et moi-même ayons travaillé sans relâche pour obtenir

 13   les documents nécessaires à la défense de notre client, nous faisions face

 14   à fortes parties, deux services secrets: les services secrets croates -le

 15   SIS- et les services secrets de la Bosnie-Herzégovine qui ont mis des

 16   obstacles à la bonne marche de notre travail, qui nous ont mis des bâtons

 17   dans les roues. Ceci est injuste.

 18   D'autre part, l'accusation a omis de nous communiquer des éléments de

 19   preuve à décharge essentiels. Dans l'affaire Dario Kordic, dans le cadre

 20   de cette enquête, l'accusation a obtenu des éléments de preuve très

 21   importants qui montraient que Dario Kordic avait exercé un pouvoir

 22   militaire, une autorité militaire. Il s'agissait là d'éléments qui avaient

 23   un caractère de preuve à décharge pour notre client.

 24   Or ces éléments ne nous ont pas été communiqués. Un certain nombre de ces

 25   éléments, que vous avez admis, venaient du procès Kordic. Aucun nom n'a


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  1   été communiqué à l'accusé par l'accusation avant le jugement.

  2   Nous avons dû nous rendre dans les archives du Greffe pour obtenir ces

  3   documents après le jugement. Quel est l'impact de ces éléments de preuve?

  4   Ce ne sont pas des éléments de preuve triviaux. Il y a une déposition d'un

  5   (expurgé) qui a déposé dans

  6   l'affaire Kordic, en disant que les unités Jokeri de la police militaire

  7   étaient les instruments des dirigeants politiques des Croates de Bosnie.

  8   Le témoin AD, dont j'ai déjà parlé, l'observateur de l'Union européenne,

  9   il a déposé en disant que le colonel Blaskic n'avait pas le contrôle

 10   effectif du HVO de Kiseljak, parce qu'il en était isolé. J'ai déjà parlé

 11   de M. Braljas, de Mrdan, des gens qui ont déposé dans Kordic. Si on nous

 12   avait donné à temps leur déposition, nous aurions pu présenter ces

 13   éléments essentiels à la Chambre de première instance, mais cela n'a pas

 14   été possible. D'ailleurs, à ce jour, nous n'avons pas encore obtenu les

 15   déclarations de ces témoins, car l'accusation a refusé de nous les

 16   fournir.

 17   D'autre part, l'accusation dans cette affaire a même employé un tableau

 18   émis par le général Mrdan où on voyait l'organisation hiérarchique,

 19   l'organigramme de la chaîne de commandement des Croates de Bosnie et le

 20   colonel Blaskic se trouve tout en bas à gauche en dessous des Vitezovi, de

 21   la police militaire et du HVO de Kiseljak.

 22   On voit bien sur ce tableau, sur cet organigramme que le colonel Blaskic

 23   ne commandait aucune de ces unités. Et l'accusation a utilisé ce tableau,

 24   cet organigramme dans l'affaire Kordic pour obtenir la déclaration de

 25   culpabilité à l'encontre de M. Kordic, mais nous, nous n'avons pas eu la


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  1   possibilité d'utiliser ce document pour défendre notre client, et ça c'est

  2   injuste.

  3   Dans le document où nous répertorions les diverses sources juridiques sur

  4   lesquelles nous nous appuyions, nous avons fourni des exemples d'affaires

  5   dans lesquelles on a décidé qu'il était nécessaire d'organiser un nouveau

  6   procès, parce que des informations à décharge n'avaient pas été

  7   communiquées à la défense. Je pense à l'affaire Kyles devant la Cour

  8   suprême des Etats-Unis, à l'affaire Pelullo.

  9   Cette jurisprudence pose également la question de savoir s'il faut évaluer

 10   chaque élément de preuve isolément pour savoir s'il y a eu préjudice

 11   envers l'accusé, s'il n'a pas eu droit à un procès équitable ou s'il faut

 12   évaluer les faits cumulatifs de ces éléments.

 13   Dans Kyles, on estime que c'est l'effet global de tous ces éléments qui

 14   doit être pris en compte. Bien entendu, ce n'est pas une affaire qui lie

 15   le Tribunal, mais nous estimons qu'il convient de s'en inspirer. Enfin, si

 16   le procès avait été équitable, il aurait fallu que l'accusé ait accès à

 17   tous les éléments de preuve à décharge qui venaient aussi bien des

 18   archives que des dossiers de l'accusation. Et si nous avions eu ces

 19   éléments, nous aurions pu confronter des témoins qui sont venus déposer

 20   contre le colonel Blaskic. Un exemple, nous avons eu un témoin, un

 21   scandinave, Lars Baggesen, un moniteur de l'Union européenne, il a déposé,

 22   ici même, le 22 août 1997. J'étais présent, je m'en souviens très bien.

 23   Monsieur Baggesen a dit notamment -d'ailleurs je souhaiterais signaler

 24   qu'il a passé trois mois en Bosnie en tant qu'observateur- il a donné son

 25   opinion, il a dit que -d'après lui- le colonel Blaskic contrôlait la


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  1   police militaire en Bosnie centrale. Nous lui avons demandé: "Sur quoi

  2   vous appuyez-vous pour prononcer cette conclusion?" Il a répondu: "Eh

  3   bien, j'ai été arrêté par la police militaire, par le HVO et avec le

  4   général Mrdan de la Bosnie-Herzégovine et, après un coup de téléphone de

  5   Blaskic, eh bien, j'ai été libéré. Donc il est manifeste qu'ils ont suivi

  6   l'ordre de Blaskic pour me libérer. J'en déduis donc que Blaskic les

  7   contrôlait."

  8   Eh bien, le général Mrdan -comme je l'ai dit- a déposé dans l'affaire

  9   Kordic.

 10   Qu'a déclaré le général Mrdan au sujet de ce même incident, il était

 11   présent, il était présent avec M. Baggesen, l'observateur. Le général

 12   Mrdan qui parlait le vernaculaire et qui comprenait au moins la moitié de

 13   la conversation téléphonique qu'il a suivie, il a déposé en disant que la

 14   police militaire n'a pas tenu compte de l'ordre donné par Blaskic de

 15   libérer Mrdan et l'observateur. Et il a dit que la police militaire

 16   attendait d'avoir des ordres venant de quelqu'un d'autre et non pas de

 17   Blaskic.

 18   Donc, pour qu'il y ait procès équitable, il ne faut pas simplement qu'on

 19   entende une dizaine de témoins de plus. Il faut faire revenir des gens

 20   comme M. Baggesen parce qu'il va revenir sur sa déposition; il va nous

 21   dire: "Je m'excuse, je n'ai pas entendu ce qui avait été dit lors de cette

 22   conversation téléphonique. J'ai tiré une conclusion erronée de cette

 23   conversation et je m'en excuse".

 24   Et beaucoup de témoins en l'espèce ont donné, dans leur déposition, leurs

 25   opinions uniquement et la Chambre s'est beaucoup appuyée sur ces


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  1   dépositions. Un grand nombre de témoins donc doivent être rappelés. Et la

  2   question maintenant est de savoir si ces témoins doivent être entendus par

  3   vous ou s'ils doivent être entendus par une Chambre de première instance

  4   pour que l'accusé ait le droit d'interjeter appel du jugement qui serait

  5   rendu par la Chambre de première instance.

  6   Il y a une troisième raison pour laquelle il faut qu'il y ait un nouveau

  7   procès: c'est que l'administration de la Justice le justifie,

  8   l'administration efficace et véritable.

  9   Je suis en désaccord avec mon confrère de l'accusation s'agissant du

 10   volume d'éléments de preuve qu'il convient d'examiner en l'espèce.

 11   Qu'avons-nous en l'occurrence? Cinquante éléments de preuve qui ont déjà

 12   été admis par vous-mêmes. Nous avons 200 éléments de preuve et plus, sur

 13   lesquels vous ne vous êtes pas encore prononcés. Il y a également des

 14   éléments qui nous ont été remis par l'accusation aux termes de l'Article

 15   68, que nous sommes en train d'examiner, car il y a des traductions à

 16   faire notamment. Il y a également quelque 25.000 documents, une partie

 17   seulement des 1,4 million de pages de documents que nous sommes en train

 18   d'examiner; il va sans doute se trouver dans ces 25.000 documents des

 19   documents qui nous intéresseront.

 20   Ce n'est qu'en septembre de cette année, d'autre part, que nous avons eu

 21   accès aux documents présentés à huis clos dans l'affaire de la vallée de

 22   la Lasva, qui nous ont été fournis par le Greffe. Nous sommes en train

 23   d'étudier ces documents.

 24   D'autre part, il y a les deux déclarations de témoins que nous avons

 25   versées au dossier; vous avez accepté d'entendre ces deux témoins. Il y a


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  1   les témoins dans Kordic. J'ai parlé de Carter, Braljas, le témoin D, etc.

  2   Et puis, il y a des témoins clés du procès Blaskic qu'il faut rappeler à

  3   la barre, à qui il faut donner la possibilité de modifier leur opinion,

  4   l'opinion qu'ils ont présentée s'agissant de la structure de commandement

  5   dans la vallée de la Lasva.

  6   Cela représente beaucoup de documents, cela représente beaucoup de

  7   témoins.

  8   De surcroît, pour que, en l'espèce, il y ait véritablement un procès

  9   équitable, cet ensemble de documents doit être évalué dans le cadre des

 10   éléments de preuve présentés lors du procès en tant que tel. Nous ne

 11   demandons nullement que les éléments de preuve présentés au procès soient

 12   passés sous silence, soient ignorés.

 13   Nous sommes confiants. Nous pensons que, même si nous n'avons pas eu accès

 14   au journal de guerre, il y a eu beaucoup d'éléments véridiques importants

 15   présentés lors du procès en première instance. Il faut donc que les

 16   nouveaux éléments et les éléments déjà présentés soient comparés, soient

 17   évalués. Le procès a été long. Je crois que nous avons eu 60 jours de

 18   témoignage, l'accusation 75 jours, et le nombre d'éléments de preuve

 19   s'élève à plus d'un millier. Beaucoup d'éléments de preuve devront donc

 20   être évalués.

 21   Quelle est la meilleure façon, la façon la plus efficace de procéder à

 22   cette évaluation, à cette synthèse?

 23   Nous estimons, et je ne suis pas sûr que l'accusation soit en désaccord

 24   avec nous, que ce n'est pas quelque chose que vous puissiez faire dans vos

 25   bureaux. Vous pourrez certes empiler tous les documents, mais d'eux-mêmes,


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  1   ils ne se mélangeront pas. Il n'en sortira pas une vérité absolue. Il faut

  2   qu'il y ait un processus qui soit mis en œuvre et ce processus, c'est

  3   celui du contradictoire où les parties essaient de déterminer quelle est

  4   la vérité, interrogent, contre-interrogent les témoins, montrent des

  5   documents aux témoins. Et cela ça s'appelle "un procès".

  6   Ce n'est pas une audience aux termes de l'Article 115. Ce ne sont pas des

  7   écritures soumises au Chambre, c'est un procès. Et nous allons avoir

  8   besoin d'un nouveau procès pour que les Juges des faits puissent analyser,

  9   puissent passer en revue, puissent prendre connaissance des documents et

 10   en arriver à un verdict juste, à un verdict équitable.

 11   Et, comme je l'ai dit précédemment, nous estimons que ce procès doit être

 12   conduit devant une Chambre de première instance pour une raison

 13   supplémentaire dont j'ai à vous faire part: c'est qu'il convient de

 14   préserver le droit de l'accusé à interjeter appel. Si vous, vous tenez une

 15   sorte de mini procès ou même un procès qui durerait quelque six mois,

 16   comment l'accusé pourrait-il faire appel? L'accusé n'aurait plus la

 17   possibilité de faire appel.

 18   Nous vous faisons bien entendu toute confiance. Je ne veux nullement dire

 19   que nous sommes préoccupés, du point de vue pratique, par cette

 20   perspective, mais nous estimons que, si l'on va examiner de manière

 21   approfondie les éléments de preuve, si l'on a une procédure qui va durer

 22   six mois, il faut que cela soit fait devant une Chambre de première

 23   instance pour que le droit d'appel de l'accusé soit garanti.

 24   J'aimerais à présent traiter de deux questions supplémentaires dans le

 25   temps qui me reste. Peut-être qu'il ne s'agit, en fait, que d'une seule


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  1   question. Non, il s'agit de deux.

  2   Je pense qu'il est nécessaire de procéder à un nouveau procès pour tous

  3   les chefs de l'Acte d'accusation; ce nouveau procès devrait se dérouler

  4   devant une nouvelle Chambre.

  5   Permettez-moi, tout d'abord, de parler de la première question. L'absence

  6   de procédure équitable dans la phase de première instance a été entachée

  7   par un manque d'équité. Le fait que nous n'avons pas eu accès aux

  8   documents pertinents, le fait que les services du renseignement ont

  9   travaillé à notre encontre, le fait que nous n'avons pas pu disposer de

 10   tous les matériaux, de tous les éléments de preuve à décharge, tout cela

 11   signifie qu'il faut écarter tous les chefs d'accusation.

 12   Par ailleurs, de nombreux moyens de preuve sont directement liés à

 13   l'allégation selon laquelle le colonel Blaskic exerçait un contrôle

 14   efficace sur l'ensemble des forces du HVO de la vallée de la Lasva.

 15   Et si vous acceptez -et je pense que vous devriez le faire- qu'il y ait un

 16   doute raisonnable qui se fonde sur les anciens éléments de preuve et les

 17   nouveaux éléments de preuves présentés -en effet, il y a un doute

 18   raisonnable que le colonel Blaskic n'exerçait pas de contrôle efficace sur

 19   l'ensemble de ses troupes-, à ce moment-là, la preuve d'un acte précis

 20   fait par lui, un acte quelconque qu'il aurait accompli, un ordre qu'il

 21   aurait pu donner ou une omission qu'il aurait peut-être faite, à ce

 22   moment-là, quelque chose de cette nature sera nécessaire: parce que sinon

 23   la Chambre de première instance ne pourrait pas conclure qu'il exerçait un

 24   contrôle.

 25   Et nous devons tout mettre en œuvre lors du prochain procès, de telle


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  1   sorte que ces nouveaux éléments de matériel puissent être présentés. Et

  2   ceci a une répercussion sur l'ensemble des chefs d'accusation. Si vous

  3   examinez le jugement, il n'y a pas de chefs à propos desquels le Tribunal

  4   pourrait s'écarter et dire qu'effectivement, il y avait un contrôle

  5   efficace.

  6   C'est la raison pour laquelle nous pensons que l'absence de contrôle

  7   efficace et réel se répercute sur tous les chefs d'accusation. Je vois

  8   qu'un tableau a été présenté par mon collègue et je n'ai pas encore eu

  9   l'occasion de l'examiner ni d'y répondre.

 10   J'ai cru comprendre que, Monsieur le Président et vous-mêmes, les Juges,

 11   vous ne vouliez pas discuter l'ensemble de ces documents, que vous vouliez

 12   simplement disposer d'une liste de références sur laquelle nous nous

 13   étions appuyés et que vous vouliez simplement que nous examinions les

 14   différents points pour lesquels il est nécessaire de procéder à un nouveau

 15   procès. C'est la raison pour laquelle je vous demanderais de bien pouvoir

 16   bénéficier d'un peu de temps afin de pouvoir passer en revue l'ensemble

 17   des éléments qui figurent sur cette liste de références de source

 18   juridique.

 19   Je ne serais pas en mesure d'aborder cette question dès à présent;

 20   j'aimerais le faire, si vous me le permettez, lors de la phase de la

 21   réplique. C'est la raison pour laquelle je propose de passer à présent à

 22   la dernière question: il s'agit plus particulièrement de savoir s'il est

 23   nécessaire d'envisager un nouveau procès, non pas devant l'ancienne

 24   Chambre de première instance, mais qu'il faudrait envisager de constituer

 25   une nouvelle Chambre de première instance.


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  1   Notre position est la suivante: nous pensons, pour notre part, qu'il

  2   serait nécessaire d'envisager une nouvelle constitution de Chambre de

  3   première instance. Nous ne voulons pas attaquer pour autant l'ancienne

  4   Chambre de première instance, nous ne les accusons pas d'un préjugé

  5   quelconque; nous pensons simplement que la Chambre de première instance a

  6   commis une erreur étant donné qu'elle ne disposait pas de toutes les

  7   informations les plus pertinentes au moment où elle a dû statuer et

  8   prononcer un verdict.

  9   Si l'on examine à présent les différents éléments sur lesquels la Chambre

 10   de première instance devrait s'arrêter, nous pensons qu'il serait peut-

 11   être bon de citer l'exemple suivant: il s'agit de "l'affaire Etats-Unis

 12   contre Robin"; nous pensons ici plus particulièrement à l'entrée n°15 de

 13   notre liste de références. Il identifie dans ce document un élément

 14   particulièrement intéressant, à savoir si le procès doit se dérouler

 15   devant l'ancien juge ou devant un nouveau juge. Ceci figure sur notre

 16   tableau à la ligne 15.

 17   La première question qui était posée était la suivante: peut-on imaginer

 18   de recommencer à envisager un procès ou non? Deuxième question: est-ce

 19   qu'il serait bon d'envisager une nouvelle constitution de la Chambre? En

 20   troisième lieu: est-ce que ceci aurait des répercussions et est-ce qu'on

 21   utiliserait à mauvais escient les ressources?

 22   Permettez-moi de revenir sur la première question. Est-ce que l'ancienne

 23   Chambre de première instance peut raisonnablement être en mesure de dire

 24   qu'elle a commis une erreur, qu'elle est parvenue à des conclusions

 25   erronées, que les témoignages peuvent être modifiés à partir du moment où


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  1   de nouveaux témoins viendraient déposer ou que l'on rappellerait d'anciens

  2   témoins?

  3   Nous pensons que ceci serait particulièrement difficile. Des centaines de

  4   témoins ont été entendus; il est difficile de tout suivre pas à pas. Il y

  5   aura également les témoignages ou les comptes rendus d'audience qui ont

  6   été recueillis à partir de dépositions de témoins dans l'affaire Kordic.

  7   Certains de ces témoins ont témoigné dans l'affaire Kordic, etc. Par

  8   conséquent, la mesure dans laquelle un nouveau procès nous permettrait de

  9   jeter un nouveau regard sur les éléments de preuve, nous pensons qu'il

 10   incombe à une nouvelle Chambre de première instance de s'acquitter de

 11   cette tâche.

 12   En deuxième lieu, nous pensons que le fait de confier à une nouvelle

 13   Chambre de première instance permettrait d'aller de l'avant, cela

 14   permettrait de veiller au respect de la justice et d'assurer le respect du

 15   Tribunal.

 16   En troisièmement lieu, si l'on affecte à ce moment-là une nouvelle Chambre

 17   de première instance, est-ce que ceci ne signifie pas pour autant qu'il y

 18   aurait duplication de l'utilisation des ressources? Nous pensons que la

 19   réponse est négative parce que la Chambre de première instance d'origine

 20   ne peut pas être reconstituée: les membres de cette Chambre de première

 21   instance ne sont plus membres de ce Tribunal.

 22   Par conséquent, par définition, je pense qu'il est nécessaire de

 23   réexaminer l'ensemble de ces éléments de preuve. Si un Juge doit entendre

 24   quelque chose de nouveau, à ce moment-là, l'ensemble des membres de la

 25   Chambre devra les examiner.


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  1   Il est nécessaire d'examiner à cet égard les exemples de jurisprudence;

  2   Nous avons examiné de façon plus proche les jurisprudences en Allemagne,

  3   en France et Italie, notamment en ce qui concerne la procédure du Code

  4   pénal. Ainsi, par exemple, dans les sections 354, 610 et 623.

  5   En ce qui concerne à présent les autorités du common law, nous avons

  6   trouvé des sources aux Etats-Unis d'Amérique, notamment concernant deux

  7   cours d'appel de circuit, qui ont décerné des décisions ou qui ont publié

  8   des pratiques pour essayer de statuer au sujet d'affaires au pénal, et

  9   ceci devant un nouveau juge.

 10   Si vous me le permettez, j'aimerais à présent marquer une légère pause

 11   afin de pouvoir conférer avec mes collègues.

 12   Je n'ai pas d'autre observation à formuler et je me tiens à votre

 13   disposition pour répondre à d'éventuelles questions que vous auriez.

 14   M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Hayman.

 15   Je m'adresse à mes collègues. Juge Güney, souhaitez-vous prendre la

 16   parole?

 17   M. Güney (interprétation): Lors de votre intervention, vous avez insisté

 18   sur le fait que l'autorité n'était pas incarnée par le colonel Blaskic,

 19   mais que l'autorité résidait à Mostar. Et vous concluez en disant que le

 20   colonel Blaskic n'exerçait pas de contrôle effectif sur les forces.

 21   J'aimerais, si vous me le permettez, avoir une réponse à la question

 22   suivante: pensez-vous que le fait qu'il existe différentes autorités de

 23   commandement permette de conclure que l'autorité de commandement n'était

 24   pas exercée dans les faits? Je vous remercie.

 25   M. Hayman (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président. Telle


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  1   était, en effet, notre position lors de la phase de première instance.

  2   Il y a plusieurs niveaux de commandement, plusieurs niveaux d'autorité.

  3   Permettez-moi de vous donner l'exemple de la police militaire, en parlant

  4   plus particulièrement de l'Unité des Jokeri. Il y avait une ligne de

  5   commandement de jure qui faisait qu'ils devaient rendre des comptes à

  6   Mostar. Ils ont reçu des instructions afin de rendre, de présenter des

  7   rapports au colonel Blaskic pour leurs activités quotidiennes. Par

  8   conséquent, il y avait une ligne en tirets (sic) qui les reliait au

  9   général Blaskic.

 10   Et puis, nous pensons également qu'il y a eu des éléments de preuve qui

 11   ont été présentés et qui ont été portés à votre attention et qui

 12   précisaient qu'en fait, il y avait un lien de commandement de facto qui

 13   les reliait à Dario Kordic. Par conséquent, l'Unité des Jokeri et la

 14   police militaire étaient en fait soumis à trois niveaux de commandement,

 15   et tout dépendait des activités auxquelles se livraient ces unités.

 16   Ceci ne signifie pas pour autant qu'il est impossible que le général

 17   Blaskic exerçait un contrôle efficace sur ces unités à un moment donné;

 18   telle n'est pas notre affirmation. Nous prétendons, pour notre part, que

 19   s'il y a trois niveaux, à ce moment-là la Chambre de première instance ne

 20   peut pas conclure qu'il y a un seul niveau. En fait, il faut tenir compte

 21   des faits, savoir ce qui s'est produit, quels ont été les événements,

 22   examiner les rapports, savoir qui connaissait quoi et savoir si telle ou

 23   telle unité avait commis un crime, est-ce que ce crime avait été commis de

 24   leur propre gré, est-ce qu'ils avaient suivi des ordres de Dario Kordic,

 25   est-ce qu'ils avaient suivi des instructions de la police militaire de


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  1   Mostar ou est-ce qu'ils avaient suivi des instructions du général Blaskic,

  2   en supposant qu'à cette époque il y avait un lien de subordination?

  3   Voilà notre position. Je pense qu'il faut tenir compte de tous ces

  4   éléments et on ne peut pas écarter deux niveaux de commandement.

  5   M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Monsieur.

  6   M. Gunawardana (interprétation): L'accusation fait valoir que vous essayez

  7   de demander un nouveau procès sur la base d'éléments de preuve qui n'ont

  8   pas été contestés et que, par conséquent, vous demandez un nouveau procès?

  9   M. Hayman (interprétation): Les documents, Monsieur le Juge, et je n'ai

 10   pas consulté l'ensemble de ces documents… Je peux simplement essayer de

 11   vérifier cela avant de faire la réplique, mais l'ensemble de ces documents

 12   relèvent des archives militaires. Ce sont des documents qui ont été créés

 13   au fur et à mesure, mais il faut examiner ces documents pour voir d'où ils

 14   émanent.

 15   Et lorsque vous avez un journal de guerre, il s'agit à ce moment-là d'un

 16   secrétaire qui remplit, jour après jour, minute par minute, ce qui s'est

 17   passé. Et si vous avez un rapport du service du renseignement, à ce

 18   moment-là vous pouvez également déterminer ce qui s'est passé.

 19   Est-ce que vous savez qui a été interviewé? Est-ce que, sur la base de ce

 20   rapport, on sait d'où il émane?

 21   Nous pensons, pour notre part, que ces documents relèvent des archives

 22   officielles. L'accusation ne peut pas s'en inspirer pour statuer d'une

 23   manière ou d'une autre.

 24   Nous pensons que l'accusation a voulu utiliser certains éléments dans

 25   l'affaire Kordic. Il s'agit, dans la plupart des cas, de leurs témoins. Il


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  1   s'agit par exemple (expurgé) ou il s'agit de M. Braljas, et

  2   je ne pense pas qu'ils vont vous dire, pendant leurs réponses, que ces

  3   témoins ne bénéficiaient pas d'une crédibilité ou d'un manque de

  4   fiabilité. Ils les ont trouvés suffisamment crédibles et fiables pour les

  5   présenter dans l'affaire Kordic.

  6   En outre, nous avons deux témoins qui ont indiqué qu'ils étaient disposés

  7   à entendre ces éléments. Ils ont prononcé une déclaration solennelle et…

  8   Dans un cas, du moins, il s'agit d'une déclaration dans laquelle la

  9   personne s'incrimine elle-même; il s'agit là d'une déclaration qui va à

 10   l'encontre des intérêts de cette personne parce que dans le système

 11   juridique d'où j'émane, il s'agit là de quelque chose de particulièrement

 12   sérieux. Il s'agit là d'un élément qui doit être pris avec sérieux.

 13   Enfin, je vous fais remarquer, Messieurs les Juges, que s'agissant des

 14   informations, des nouveaux éléments de preuve qui émanent de différentes

 15   sources, vous pouvez, à ce moment-là, procéder à une comparaison rapide de

 16   ces données et vous trouverez par exemple que ces témoignages qui ont été

 17   donnés par ces témoins dans l'affaire Kordic et que nous aimerions pouvoir

 18   présenter. Il y a notamment les déclarations des deux témoins sur

 19   lesquelles nous aimerions pouvoir revenir, et nous vous invitons à vous

 20   prononcer en votre qualité de Juges des faits.

 21   Donc il s'agit là d'éléments qui corroborent ces nouveaux éléments de

 22   preuve.

 23   M. Gunawardana (interprétation): Par conséquent, vous êtes en train de

 24   montrer qu'il y a des preuves qui établissent l'authenticité de ces

 25   documents?


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  1   M. Hayman (interprétation): Oui. En fait, ces documents figurent au sein

  2   des archives officielles. Nous pouvons demander à un dépositaire de ces

  3   archives de se déplacer.

  4   Les témoins pensent qu'il est nécessaire de témoigner et de déclarer

  5   solennellement qu'ils s'engagent à faire une déclaration et ils pourraient

  6   ensuite faire l'objet d'un contre-interrogatoire, mais je ne pense pas que

  7   l'accusation pense qu'il soit nécessaire de les mettre à l'épreuve avant

  8   que les Juges ne prennent une décision.

  9   Nous sommes tout simplement en train de dire que ces témoins doivent être

 10   mis à l'épreuve, doivent être soumis à un contre-interrogatoire parce que

 11   je pense que vous connaissez déjà suffisamment de faits.

 12   M. Gunawardana (interprétation): Je vous remercie.

 13   M. le Président (interprétation): Juge Hunt?

 14   M. Hunt (interprétation): Monsieur Hayman, un des facteurs que nous devons

 15   examiner a trait à l'affaire que vous avez citée; il s'agit de l'affaire

 16   aux Etats-Unis.

 17   Vous avez parlé d'une perte des ressources ou d'un gaspillage des

 18   ressources dont il serait question si on envisage un nouveau procès. La

 19   durée du premier procès constitue un facteur d'alerte, dans le cadre de ce

 20   procès. Et, en fait, je pense qu'il serait peut-être bon de simplement

 21   envisager de déposer les comptes rendus d'audience.

 22   M. Hayman (interprétation): Bien sûr, mais je devrais m'entretenir au

 23   sujet de cette question.

 24   Toutefois, je pense qu'une grande partie de ces témoignages pourraient

 25   être utilisés. Par exemple, nous avons passé presque une année au niveau


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  1   de phase de la première instance en entendant les victimes de différents

  2   villages, y compris les survivants du massacre d'Ahmici, et ils ont

  3   témoigné à concurrence de 98%. Il s'agit en fait de preuves qui ne peuvent

  4   pas être mise en doute.

  5   Je pense par ailleurs qu'une partie importante de ces témoignages doit

  6   être acceptée en se fondant sur le compte rendu d'audience.

  7   Mais je pense également que des villages ont été incendiés, que des civils

  8   sont morts à Ahmici et que les témoignages qui ont été apportés émanent de

  9   personnes qui s'étaient entretenues avec le colonel Blaskic et les membres

 10   de la communauté internationale qui ont prononcé des témoignages et qui se

 11   sont exprimés au sujet de la chaîne de commandement au sein du HVO. Tous

 12   ces témoins devraient être rappelés et devraient de nouveau être

 13   confrontés à ces nouveaux éléments de preuve.

 14   Je ne sais pas si cela signifie que le procès serait tout aussi long. Je

 15   sais que le procès antérieur s'était écoulé sur une période de 24 mois et

 16   qu'il y avait simplement 135 jours de procès.

 17   Par conséquent, je vous rappelle également que nous avons simplement une

 18   salle.

 19   M. Hunt (interprétation): Vous comprenez donc ma question, je pense!

 20   Lorsqu'on lit ces documents ou une partie de ces documents, on voit par

 21   exemple qu'il y a un certain nombre de choses qui n'ont pas été révélées

 22   pratiquement jusqu'au moment où votre client a commencé à déposer, donc la

 23   thèse générale de la défense c'est à cela que je fais référence. Et il me

 24   semble que s'il y a un nouveau procès, il faudrait que les conditions dans

 25   lesquelles se déroulent ce procès soient précisées de manière assez


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  1   stricte et rigoureuse.

  2   J'accepterais, pour ma part, un certain nombre de qualifications que vous

  3   avez prononcées; en effet, il ne faudrait pas revenir à une année entière

  4   de dépositions. Mais vous comprenez qu'il devrait y avoir des conditions

  5   prononcées pour un nouveau procès.

  6   M. Hayman (interprétation): Oui, je suis entièrement d'accord avec vous,

  7   Monsieur le Juge. Et s'il devait y avoir un nouveau procès, les deux

  8   parties devraient se réunir.

  9   Un certain nombre d'entre nous sont engagés dans cette affaire depuis déjà

 10   un certain temps, c'est depuis 1996, je pense que nos visages le

 11   traduisent. Donc il faudra nous réunir et voir de manière tout à fait

 12   franche comment on peut réduire un certain nombre de choses, avoir des

 13   points de d'accord, ou simplement verser un certain nombre de dépositions,

 14   ou simplement résumer des dépositions pour que la Chambre ne soit pas

 15   appelée à lire des piles et des piles de documents redondants; donc c'est

 16   dans ce sens-là que nous devrions travailler ensemble. Ce qui nous

 17   permettra de ne pas gaspiller les journées de notre vie, ainsi que la vie

 18   de l'accusé.

 19   M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

 20   Nous en avons conclu avec cette partie de l'audience.

 21   Nous allons reprendre à 17 heures 45.

 22   (L'audience, suspendue à 17 heures 24, est reprise à 17 heures 49.)

 23   M. le Président (interprétation): Nous avons entendu les arguments des

 24   parties et, à présent, nous pouvons entendre les réponses. Je donne la

 25   parole à l'accusation.


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   1   (Réplique de l'accusation, présentée par M. Farrell.)

  2   M. Farrell (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,

  3   Messieurs les Juges.

  4   Pour commencer, je ferai une observation de nature générale. Je ne sais

  5   pas encore où se trouve l'erreur qui exigerait que l'on organise un

  6   nouveau procès. Il se peut que je m'abuse en interprétant les réactions de

  7   la défense, mais je n'ai pas entendu où se situent les erreurs de la

  8   Chambre et je ne vois pas non plus où se trouvent les éléments de preuve

  9   et les faits où il y aurait eu une mauvaise évaluation des faits, comme

 10   cela a été exigé dans l'affaire Tadic.

 11   S'agissant de la jurisprudence de ce Tribunal et de la procédure telle

 12   qu'elle est appliquée de ce Tribunal, elle ne peut pas être détournée

 13   simplement parce qu'il y a un document de nature très extensive. La loi de

 14   ce Tribunal exige, comme ceci a été dit dans l'affaire Kupreskic, que l'on

 15   teste les éléments de preuve et qu'on détermine si cela a une influence ou

 16   non au point que l'on démontre qu'il n'est pas raisonnable, qu'il n'y a

 17   pas eu de jugement raisonnable de faits sur la base des éléments de preuve

 18   qui ont été entendus.

 19   Si cette Chambre entend une requête sur le déni de justice, comment

 20   pourriez-vous garantir l'ouverture d'un nouveau procès parce que

 21   l'appelant n'a pas eu droit à cela, à l'époque? Ceci est un point tout à

 22   fait séparé. Et ceci a à voir avec la norme au titre de l'Article 115.

 23   Les trois arguments que nous avons entendus de la part de mon collègue qui

 24   en a fait toute une série, eh bien, je pense qu'il conviendrait que je ne

 25   parle que de ces trois arguments qui étayent son allégation de déni de


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  1   justice ou de l'omission de communiquer des documents à la défense.

  2   Il a déclaré, tout d'abord, que les archives de l'armée de Bosnie-

  3   Herzégovine n'ont pas été communiquées à la défense, en dépit de demandes

  4   de la défense. Et je suis sûr que vous savez que les archives de l'armée

  5   de Bosnie-Herzégovine ne se sont pas trouvées entre les mains de

  6   l'accusation jusqu'à il y a quelques mois, ou plutôt quelques mois après

  7   le début de la fin de ce procès. Donc il n'y a pas eu d'omission ou

  8   d'erreur, pour ce qui est des archives de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  9   Les archives qui ont été découvertes par le Procureur à l'automne de

 10   l'année 2000 ont été communiquées immédiatement, conformément au

 11   Règlement.

 12   J'insiste sur le fait qu'aucun des documents reçus par cette Chambre ou

 13   admis par cette Chambre n'émanait des archives de l'armée de Bosnie-

 14   Herzégovine. Sur les 47 documents, il n'y en a aucun qui émanait des

 15   archives. Donc il n'y a pas, ici, d'argument fondé au sujet d'erreurs dans

 16   le comportement de l'accusation, donc quelque chose qui peut être évoqué

 17   durant une procédure d'appel.

 18   Un deuxième point qui concerne les archives croates. Il y a eu beaucoup

 19   d'arguments au sujet de la disponibilité de ces archives et je ne ferai

 20   pas de commentaire à ce sujet. Un seul point: à savoir, le Procureur a

 21   essayé de procéder sans l'ensemble des éléments de preuve; c'est ce

 22   qu'allègue l'autre partie, la défense.

 23   Or la défense, durant le procès, n'a jamais présenté de requête demandant

 24   accès aux archives croates. Le Procureur en a présenté de nombreux, et

 25   jamais il n'a été dit par la défense qu'elle n'avait pas accès à ces


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  1   documents. Donc s'ils souhaitent argumenter cela, ils peuvent le faire

  2   pendant l'appel.

  3   Enfin, la défense affirme que nous n'avons pas communiqué des documents et

  4   je pense qu'il cite trois exemples. Ceci peut faire partie de leur appel,

  5   mais il n'a pas été démontré que ces allégations sont vraies et j'estime

  6   que la Chambre ne devrait pas estimer que ceci constitue une base

  7   suffisante pour un argument permettant donc de lancer une procédure

  8   d'appel.

  9   S'agissant des commentaires qui ont été dits au sujet des éléments de

 10   preuve, je ne voudrais pas aborder cela en détail. Concernant les

 11   documents auxquels je me suis référé, à savoir les documents des Vitezovi,

 12   eh bien, il s'agit de documents spécifiques. Le commandant des Vitezovi a

 13   dit qu'il se trouvait sous les ordres de Blaskic au moment pertinent; et

 14   la défense dit que si vous vous penchez sur l'ensemble de ces documents,

 15   vous verrez que le nom de Blaskic ne figure pas sur l'un quelconque de ces

 16   documents.

 17   Le Procureur a présenté aujourd'hui l'ordre émanant de Blaskic et adressé

 18   aux Vitezovi. Eh bien, cet ordre est bien signé par Blaskic. Et un autre

 19   rapport émane de Blaskic, adressé à l'état-major au sujet des Vitezovi.

 20   Donc la question de savoir s'il y a une copie n'est pas pertinente. Et un

 21   troisième rapport est celui de Kraljevic à l'état-major où il dit qu'il se

 22   trouve sous les ordres de Blaskic.

 23   Donc je dois dire que cette allégation n'est pas fondée. Mon collègue

 24   s'est référé à Rajic; cela figure dans les documents complémentaires, à la

 25   fin des documents. Et il a dit que cela montrait qu'ils ont été coupés,


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  1   isolés et que Rajic répondait directement à Mostar.

  2   Si vous vous rappelez les documents qui ont été reçus, ils sont en

  3   relation directe à la correspondance de Rajic et de Mostar, et la partie

  4   X, Y, à savoir la partie serbe. Et cela a à voir avec la question si, oui

  5   ou non, ils avaient moyen d'obtenir une aide logistique de la partie

  6   serbe.

  7   Si vous vous penchez sur les deux documents qui ont été fournis, dans les

  8   documents c'est Blaskic qui a rédigé l'ordre, la demande à l'état-major

  9   sur ce point précis, et il a dit que c'était à un niveau très élevé entre

 10   l'armée serbe et les officiers supérieurs du HVO, donc que c'était à ce

 11   niveau-là que cela devait être traité par l'état-major de Mostar. Puis il

 12   est dit que Blaskic est coupé, isolé, qu'il n'a pas accès à la zone serbe,

 13   que Rajic en revanche a accès; et vous verrez dans les documents qui ont

 14   été déposés qu'il y a un deuxième document dans lequel il est question de

 15   Blaskic. Il est impliqué dans la correspondance entre Rajic et l'état-

 16   major et sur ce point précis.

 17   Le reste de mes documents, à mon avis, n'est pas suffisant pour exiger un

 18   nouveau procès et ne n'appuie pas sur les arguments qui ont été avancés.

 19   Mon collègue se réfère au fait que l'accusation essaie d'impliquer Cerkez

 20   dans les crimes d'Ahmici et que la Chambre de première instance dans

 21   l'affaire Kordic/Cerkez a pu établir que les Vitezovi ne se sont pas

 22   trouvés sur place.

 23   Premièrement, tous les documents qui ont été présentés à la Chambre ne se

 24   sont pas retrouvés devant la Chambre de première instance.

 25   Deuxièmement, mon collègue s'appuie sur des déterminations de l'affaire


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  1   Kordic. Eh bien, moi, je m'appuierai sur les déterminations disant que

  2   Blaskic a été impliqué et est impliqué dans l'affaire Ahmici. Et je dois

  3   dire que les ordres de défense, en fait, n'avaient aucun poids; et je suis

  4   heureux de constater qu'il a travaillé de concert avec Kordic pendant

  5   toute cette époque.

  6   Pour ce qui est du journal de guerre en relation avec la Brigade de Vitez,

  7   il affirme qu'il n'y a rien dans le journal de guerre au sujet de la

  8   Brigade de Vitez se trouvant à Ahmici. Eh bien, il est difficile

  9   d'imaginer que cette Chambre demanderait une réouverture du procès sur la

 10   base de cela, sur la base de quelque chose qui ne s'y trouve pas. Et ce

 11   qui est encore plus important -si vous vous penchez sur le journal de

 12   guerre ainsi que sur les ordres que j'ai présentés aujourd'hui- eh bien,

 13   l'un des ordres a été délivré à 2 heures et il demande que Cerkez fasse

 14   rapport et c'est une entrée au 13.55 demandant à Cerkez de contacter

 15   Blaskic.

 16   Il y a également une entrée entre deux et trois ordres demandant à Cerkez

 17   de contacter Blaskic et de faire un rapport sur la situation sur le

 18   terrain. A la lumière de ces ordres, il est tout à fait clair qu'il fait

 19   rapport à Blaskic. L'autre partie se réfère au rapport du MUP.

 20   Eh bien, je pense qu'il est assez difficile de comprendre pourquoi. La

 21   partie à laquelle elle se réfère précisément est la réunion clandestine

 22   qui s'est tenue chez Dario Kordic où on a décidé de tuer les gens

 23   d'Ahmici. Eh bien, à moins que je ne m'abuse, et je suis prêt à être

 24   corrigé là-dessus, il n'y a pas d'éléments de preuve indépendants dans les

 25   documents là-dessus.


Page 121

  1   Si vous vous penchez sur le rapport du MUP, ce passage émane d'une

  2   interview menée par le conseil de la défense Anto Nobilo. Je suis très

  3   étonné qu'il se fonde sur une interview du conseil de la défense bien

  4   après les événements qui se sont produits. A moins que M. Nobilo souhaite

  5   se retrouver ici comme témoin et nous l'expliquer.

  6   Donc je pense que le rapport du MUP n'a que très peu de valeur et c'est le

  7   moins qu'on puisse dire. Ensuite, la défense demande de réagir de la

  8   manière la plus juste et la plus efficace et elle estime qu'il convient

  9   d'organiser un nouveau procès. La chose sur laquelle vous devez décider

 10   aujourd'hui est de savoir -me semble-t-il- est de voir que faire des

 11   éléments de preuve additionnels.

 12   Cette Chambre d'appel a l'autorité de ramener cette affaire devant une

 13   Chambre de première instance si elle décide qu'elle n'est pas en position

 14   de traiter les éléments de preuve additionnels. Celle-ci n'implique pas

 15   automatiquement un nouveau procès. Comme je l'ai déjà dit, il y a ici une

 16   jonction entre la norme d'admissibilité et la norme imposant un nouveau

 17   procès. Et il me semble que ce ne serait pas une manière correcte de

 18   procéder. Je n'accepte pas ce que vient de dire mon collègue lorsqu'il

 19   s'agit du paragraphe 70 du jugement Kupreskic. Il y est dit: "Mais dans le

 20   cas plus probable où la partie adverse conteste la valeur des moyens de

 21   preuve supplémentaires, la Chambre d'appel est face à une alternative: ou

 22   examiner elle-même ces moyens pour décider de leur valeur, ou renvoyer

 23   l'affaire devant une Chambre de première instance, soit la Chambre

 24   initiale, soit une nouvelle Chambre à charge pour celle-ci d'examiner les

 25   nouveaux éléments."


Page 122

  1   Et je ne pense pas qu'il y ait ici une ambiguïté quelle qu'elle soit. A un

  2   moment, mon collègue a indiqué -et je pense que c'était en réponse à la

  3   question qui a été posée par M. le Juge Güney-, il a répondu au sujet des

  4   chaînes de commandement et d'autorité. Il a dit qu'il y a eu plusieurs

  5   chaînes de commandement, par exemple pour les Jokeri. Et vous ne pouvez

  6   pas, sur la base du fait qu'il y en ait plusieurs, supposer qu'il y en a

  7   un qui mène en dernière instance à Blaskic. Il estime que vous devez vous

  8   pencher sur tous les faits, les examiner tous. Là, je serais d'accord. Je

  9   pense que vous devriez examiner tous les faits et ceci comprend les faits

 10   que le Procureur vous a présentés ainsi que les faits que le Procureur

 11   vous présenterait à ce sujet afin de vérifier les éléments de preuve.

 12   Ceci ne concerne pas Ahmici, même s'il y a beaucoup de choses à dire à ce

 13   sujet. Cela concerne un comportement sur 14 mois, de nombreux chefs

 14   d'accusation, de nombreuses localités d'un point de vue géographique, et

 15   l'accusation estime que de nombreux chefs d'accusation n'ont rien à voir

 16   avec les nouveaux éléments d'évidence et que le plan, le diagramme vous a

 17   été fourni. Et nous serons prêts à le fournir également à la défense.

 18   Une partie de l'argument de la défense au sujet des éléments de preuve

 19   concerne tous les chefs d'accusation, à savoir le fait que les éléments de

 20   preuve concernent son contrôle effectif sur l'ensemble des forces du HVO.

 21   J'attire votre attention sur un point, le point qui concerne Grbavica. Il

 22   s'agit du pillage des biens aux Chefs allant de 11 à 13, l'un des chefs

 23   concernant la municipalité de Vitez en septembre 1993. C'est donc la

 24   localité appelée Grbavica. La Chambre de première instance a condamné

 25   l'appelant pour l'attaque menée sur Grbavica, et ce, pour les raisons


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  1   suivantes, à savoir "les forces qu'il a utilisées pour participer à cette

  2   attaque ont été sélectionnées par lui, personnellement". Et je cite cela

  3   sur la base du jugement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

  4   Lui-même a pris part à cette attaque, les unités qui ont participé à

  5   l'attaque étaient directement subordonnées à Blaskic, comme cela nous a

  6   été dit lors de la déposition d'un des témoins. C'était un des membres des

  7   Jokeri et de la police militaire; le chef de la police militaire en

  8   septembre n'était pas Ljubicic, c'était un commandant qui a été choisi au

  9   hasard par Blaskic qui a déposé pendant le procès et qui a indiqué qu'il a

 10   agi directement sous les ordres de Blaskic.

 11   La Chambre de première instance a constaté son implication à ces attaques

 12   et a considéré qu'il s'agissait d'une participation criminelle. Il n'y a

 13   pas d'éléments de preuve nouveaux qui ont quoi que ce soit à voir avec ce

 14   chef d'accusation. Je dois dire que vous devriez vous pencher sur les

 15   arguments des parties sur ce point et examiner sérieusement la question de

 16   savoir si effectivement, oui ou non, tout a été effectivement concerné par

 17   cela.

 18   La défense accepte le fait qu'elle respecte énormément les déterminations

 19   de la Chambre et, bien sûr, ceci ne conteste pas de nombreuses

 20   déterminations de fait, telles qu'elles ont été conduites. Ceci est peut-

 21   être le cas, mais si nous lançons une procédure d'appel proprement dite,

 22   je leur demanderai de savoir s'ils ont l'intention de continuer dans ce

 23   sens pour ce qui est des faits, puisque l'appelant a contesté chacune des

 24   déterminations factuelles qui figurent dans le jugement. Ils ont même

 25   contesté le nombre de victimes d'Ahmici. Donc j'ai l'impression qu'ils ne


Page 124

  1   peuvent pas demander les deux choses à la fois.

  2   Le point essentiel qui est devant la Chambre en ce moment est l'étendue

  3   des documents et sa capacité à entendre cette affaire. Il me semble qu'il

  4   y a une différence entre un nouveau procès où tous les témoins viendraient

  5   déposer, où certains devraient venir re-déposer, et la question

  6   relativement limitée qui concerne les documents et les deux témoins dont

  7   la déposition modifierait le jugement.

  8   La question est de savoir si, oui ou non, le fondement de l'ensemble des

  9   éléments de preuve vous permettrait de prendre une décision éclairée, si

 10   cela devrait donner lieu à un nouveau jugement. La manière d'agir est bien

 11   sûr la suivante: la Chambre d'appel a l'autorité de le faire ou de rendre

 12   l'affaire à une Chambre de première instance pour le seul point qui

 13   concerne les nouveaux éléments de preuve. Pour ce qui est de l'audience

 14   sur des éléments de preuve supplémentaires, ce qu'il convient de vérifier,

 15   c'est la véracité des témoins ou tout ce qui concerne leur déposition au

 16   sujet du jugement. Il s'agit d'un point très restreint et ceci a été

 17   limité par cette Chambre dans toutes les affaires Kupreskic, Musema et

 18   Kambanda.

 19   Il me semble que l'appelant fusionne les deux points. L'appelant nous dit

 20   que l'accusation n'a pas fourni un certain nombre de documents, que cela

 21   justifie un nouveau procès. D'autre part, il y a des éléments de preuve

 22   qu'il convient d'examiner de manière contradictoire. Je pense que j'ai

 23   montré clairement que ceci n'était pas valable.

 24   S'agissant de la deuxième question, j'ai déjà présenté mes arguments à

 25   l'appui de ma position et je n'ai pas besoin de me répéter. Je suis prêt à


Page 125

  1   répondre à vos questions.

  2   M. Meron (interprétation): Tout d'abord, félicitations à vous-même et à Me

  3   Hayman pour votre présentation éminemment professionnelle.

  4   Deux questions pour vous, Monsieur Farrell. Premièrement, vous vous

  5   souviendrez que M. Hayman a parlé aujourd'hui de 25.000 pages de documents

  6   supplémentaires qui doivent encore lui être communiqués. Avez-vous des

  7   informations à ce sujet? Qu'en est-il du chiffre exact?

  8   M. Farrell (interprétation): Merci. Conformément à ses obligations en

  9   matière de communication des pièces, l'accusation est en train de passer

 10   en revue un certain nombre de documents qui lui ont été fournis. Il y a

 11   éventuellement 25.000 documents concernés. Vous connaissez parfaitement

 12   les procédures mises en place par l'accusation pour ce type de recherches.

 13   Ce que nous faisons au départ, c'est que nous faisons des recherches par

 14   noms, par toponymes, ce qui permet à l'équipe chargée de la recherche de

 15   trouver un certain nombre de documents. Mais les critères de recherche

 16   sont tellement vastes que cela donne un nombre très important de

 17   documents. La première partie de la recherche est donc très générale; elle

 18   sera forcément rendue plus pointue par la suite. On ne peut donc pas

 19   s'appuyer sur ce chiffre pour estimer le nombre de documents qui vont être

 20   communiqués; c'est simplement pour donner une idée à la Chambre du type de

 21   travail que nous entreprenons pour fournir des documents pertinents. Donc

 22   ces 25.000 documents, certes, il y en a qui pourraient être pertinents

 23   mais, à ce stade, nous n'en sommes qu'au début de cette procédure de

 24   vérification.

 25   M. Meron (interprétation): Mais qu'en est-il de l'affaire qui nous


Page 126

  1   intéresse ici?

  2   M. Farrell (interprétation): S'agissant du rapport original qui a été

  3   fourni aux Juges de l'appel, il y a environ un mois, nous avons estimé

  4   qu'il nous faudrait quelque trois mois pour passer en revue ces documents.

  5   Mais vu nos obligations en matière de communication des pièces, il va

  6   peut-être falloir proroger un peu ce délai.

  7   M. Meron (interprétation): Merci.

  8   Deuxième question: vous avez insisté sur le fait de la nécessité

  9   d'examiner en détail les nouveaux éléments de preuve. J'aurais besoin de

 10   précisions à ce sujet: que signifie l'examen de tels documents de preuve

 11   en dehors de la présentation de documents que vous fourniriez en réplique?

 12   M. Farrell (interprétation): Oui, s'agissant des documents, il y a deux

 13   choix: soit on a un témoin qui peut parler de ces documents, qui peut

 14   déposer au sujet de ces documents; sinon, ça peut se présenter sous la

 15   forme de documents en réplique, de documents qui précisent les documents

 16   présentés. La question à se poser, à ce moment-là, c'est de savoir si les

 17   documents présentés d'une part et d'autre sont compatibles. Or nous

 18   estimons qu'aussi bien la Chambre de première instance que la Chambre

 19   d'appel peuvent se livrer à cet exercice; cela ne nécessite pas

 20   l'ouverture d'un nouveau procès. Pour des raisons pratiques, bien entendu.

 21   Bien entendu, cela prend du temps mais ça ne nécessite pas l'ouverture

 22   d'un nouveau procès.

 23   M. Meron (interprétation): Merci.

 24   M. le Président (interprétation): Merci. Mais justement, à ce sujet, si

 25   vous avez à présenter des éléments en réplique à cette Chambre d'appel, de


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  1   combien de temps aurez-vous besoin, vu ces 25.000 documents dont vous

  2   venez de parler? Mais en dehors de cela, en dehors de ces trois mois?

  3   M. Farrell (interprétation): S'agissant de ces documents, les 25.000

  4   documents doivent être communiqués; mon confrère de la défense a le droit

  5   de les voir. Pour ces documents, je crois qu'il faudrait trois à quatre

  6   semaines, un mois, un mois et demi, disons, peut-être pas autant; les

  7   documents ont déjà été travaillés en préparation de la présente audience.

  8   M. le Président (interprétation): Merci. Monsieur le Juge Hunt?

  9   M. Hunt (interprétation): Je voulais revenir sur ce que vous avez dit au

 10   sujet de Kupreskic, le critère qui a été appliqué dans cette affaire, dans

 11   l'affaire Kupreskic. Je crois que le test était qu'aucun Juge des faits

 12   raisonnable n'aurait pu prononcer un acquittement, au vu des éléments de

 13   preuve supplémentaires présentés.

 14   Effectivement, c'est le critère qui a été mis en oeuvre. Mais vous

 15   remarquerez que l'arrêt a vu, a connu un changement de cap parce que dans

 16   d'autres parties du jugement, de l'arrêt, on évoque un autre critère, le

 17   critère qui est le suivant: "pourrait", "pourrait affecter la décision des

 18   Juges des faits", à opposer à "affecterait".

 19   Donc est-ce que cela pourrait ou est-ce que cela affecterait la décision

 20   des Juges des faits?

 21   Je ne veux pas dire ici que le critère Kupreskic doit s'appliquer

 22   universellement, mais il a trait à la suffisance ou non d'éléments de

 23   preuve au moment du procès. Et en dépit de toute les recherches

 24   entreprises jusqu'à maintenant, il n'a pas été montré que cette question a

 25   fait l'objet d'écritures de la part des parties devant la Chambre d'appel.


Page 128

  1   M. Farrell (interprétation): Excusez-moi, je n'ai pas compris.

  2   M. Hunt (interprétation): Les parties ne sont pas intervenues, n'ont pas

  3   présenté d'argumentation devant la Chambre de première instance,

  4   s'agissant du critère à appliquer.

  5   M. Farrell (interprétation): Excusez-moi, je ne comprends toujours pas. Si

  6   vous nous dites que personne n'a dit que c'était là le critère à

  7   appliquer, vous avez sans doute raison.

  8   M. Hunt (interprétation): Oui. Et je ne veux pas que vous ayez

  9   l'impression que cela est maintenant gravé dans le marbre, que c'est un

 10   critère qui doit être universellement appliqué. C'est un critère qui sort

 11   de l'ordinaire, on peut le dire, puisque toute partie souhaitant produire

 12   des éléments de preuve supplémentaires, une fois que ces éléments sont

 13   présents, cette partie serait vouée à l'échec dans la plupart des cas. Or

 14   cela, on ne peut pas dire que cela soit juste.

 15   M. Farrell (interprétation): Si vous me le permettez, ceci a été plaidé,

 16   cette question a été plaidée, a été argumentée. Maître Clegg a présenté le

 17   même argument que vous-même, Me Clegg pour la défense; il a dit que cela

 18   serait injuste si c'était considéré comme un critère universel, et que

 19   cela n'était pas juste pour un accusé qui devrait se conformer au critère

 20   du "pourrait".

 21   M. Hunt (interprétation): Mais justement… Je vous interromps, je m'en

 22   excuse, mais dire que "cela affecterait" ne revient pas à dire la même

 23   chose que "aucun Juge des faits raisonnable n'aurait acquitté". C'est bien

 24   différent, le critère est bien différent.

 25   M. Farrell (interprétation): Si c'est votre argument…


Page 129

  1   M. Hunt (interprétation): Ce n'est pas mon argument, c'est ce que je vous

  2   suggère.

  3   M. Farrell (interprétation): Je vous prie de m'excuser; c'est moi qui

  4   présente les arguments.

  5   Avec tout le respect que je vous dois, cette question a été plaidée; la

  6   Chambre a entendu les arguments au sujet de la différenciation à faire et

  7   du choix à faire entre "pourrait" et "affecterait", "pourrait affecter" et

  8   "affecterait". Et on voit la motivation de la décision de la Chambre dans

  9   son jugement, dans son arrêt.

 10   On voit bien que la Chambre n'essaie pas de se conformer à la procédure

 11   d'un système national, mais avec la pratique du Tribunal pénal

 12   international. La Chambre se conforme à l'Article 25 du Statut; elle a

 13   estimé que c'était le critère approprié en examinant les éléments de

 14   preuve supplémentaires. Elle examine les éléments de preuve

 15   supplémentaires, elle les examine dans le contexte des autres éléments de

 16   preuve pour décider si le verdict rendu en première instance est

 17   raisonnable ou pas.

 18   L'objectif, c'est toujours un objectif de cohérence dans le cadre de la

 19   jurisprudence. Et, aux termes de l'Article 25, le critère qui doit être

 20   rempli, c'est une erreur au niveau des faits qui entraîne une erreur

 21   judiciaire. Cela est différent de ce qui a été entendu dans cette affaire

 22   au sujet du doute.

 23   La Cour, le Tribunal a estimé, dans Tadic et dans Kupreskic, qu'il fallait

 24   respecter un certain critère, aux termes de l'Article 25, avant de pouvoir

 25   renvoyer l'affaire aux termes de l'Article 117. Et le critère,


Page 130

  1   effectivement, a été appliqué; c'est le critère qui est certes exigeant,

  2   mais qui a été présenté, identifié par la Chambre. Si ce n'est pas le

  3   critère que la Chambre souhaite adopter, elle doit avoir des raisons

  4   valables pour le faire. Si la Chambre estime que ce critère doit être

  5   modifié et qu'il faut déterminer s'il existe des circonstances dans

  6   lesquelles un nouveau procès est justifié, je ne pense pas que cela

  7   signifie que tout ce qui a été dit dans Kupreskic doive être passé sous

  8   silence. Il convient, malgré tout, d'examiner les éléments de preuve avant

  9   de pouvoir se prononcer.

 10   Le seul élément qui viendrait à l'appui de votre suggestion selon laquelle

 11   on pourrait trouver, dans le jugement Kupreskic, autre chose, c'est la

 12   chose suivante.

 13   Paragraphe 69: lorsque la Chambre d'appel se penche sur la question de

 14   "pourrait affecter" ou "affecterait", la Chambre le fait à l'Article 69.

 15   Elle estime que le critère "aurait", probablement… , "le critère 'aurait',

 16   probablement, reste fondamentalement valable pour décider en dernier

 17   ressort s'il y a eu une erreur judiciaire qui appelle annulation de la

 18   décision".

 19   La Chambre y réfléchit et, ensuite, décide du critère qu'elle va

 20   appliquer.

 21   M. Hunt (interprétation): Mais aussi bien Tadic que Kupreskic se sont

 22   passés de telle manière que la Chambre d'appel a décidé de se pencher à

 23   nouveau sur les faits.

 24   M. Farrell (interprétation): Oui, dans Musema oui, et dans Kambanda.

 25   M. Hunt (interprétation): Et il y a eu renvoi de l'affaire pour un nouveau


Page 131

  1   procès.

  2   M. Farrell (interprétation): Non, je n'ai pas été assez clair. Non, on a

  3   décidé de renvoyer l'affaire devant une Chambre de première instance

  4   uniquement pour statuer sur les éléments de preuve supplémentaires, pas

  5   pour un nouveau procès.

  6   M. Hunt (interprétation): Cela, c'est aller un peu loin dans

  7   l'interprétation de Kupreskic. Ce qu'on dit là, c'est que rien ne prévient

  8   la Chambre d'appel, aux termes de l'Article 117, de dire qu'il serait plus

  9   approprié d'ordonner un nouveau procès.

 10   Avant de vous laisser répéter à nouveau vos argumentations, veuillez, s'il

 11   vous plaît, adopter l'hypothèse suivante: mettons que tout l'examen des

 12   éléments de preuve doit être renvoyé devant une nouvelle Chambre de

 13   première instance. Ce que vous nous dites -et cela ne figure pas dans

 14   Kupreskic-, c'est que la Chambre d'appel n'a pas le pouvoir de demander un

 15   nouveau procès sur la base de nouveaux éléments de preuve présentés, mais

 16   que tous les témoins, tous les éléments de preuve doivent être examinés

 17   par la Chambre d'appel.

 18   M. Farrell (interprétation): La nature, la structure du critère appliqué

 19   dans Kupreskic se présente en quatre étapes. Premièrement, l'étape de

 20   l'admissibilité; deuxièmement, examen contradictoire des éléments de

 21   preuve; troisièmement, conclusions sur les faits rendus par la Chambre

 22   d'appel; et enfin, l'application du critère.

 23   Dans les cas simples, Musema, Kupreskic, etc., la Chambre d'appel -mais ce

 24   ne sont pas des affaires simples-, mais la Chambre peut rendre sa décision

 25   elle-même. Je pense que c'est uniquement dans les cas où cette conclusion


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  1   sur les faits ne peut pas être rendue après l'examen des moyens de preuve

  2   par la Chambre d'appel ou par la nouvelle Chambre de première instance,

  3   c'est uniquement quand cela n'est pas possible que l'on peut demander

  4   l'ouverture d'un nouveau procès. Mais ça, c'est uniquement après que

  5   toutes ces étapes ont été franchies, pas au moment où l'on décide si ces

  6   éléments de preuve sont admissibles ou non.

  7   M. Hunt (interprétation): Ce n'est pas ce que je vous disais. Ce que je

  8   vous disais, et je veux que cela soit très clair, c'est qu'il n'y a rien

  9   dans Kupreskic qui empêche notre Chambre d'appel d'ordonner un nouveau

 10   procès. Or vous, vous me dites que je me trompe. Dites-moi où, dans

 11   l'arrêt, on peut trouver cela? Soyez précis.

 12   Je prie les interprètes de nous excuser: nous allons un peu vite.

 13   M. Farrell (interprétation): J'accepte votre observation. Ma position est

 14   la suivante: si vous examinez nos arguments, si vous partez du principe ou

 15   si vous acceptez qu'ils auraient pu ordonner un nouveau procès en l'espèce

 16   et qu'ils ont dit qu'ils avaient deux options: soit examiner eux-mêmes les

 17   éléments, soit demander un examen par une Chambre de première instance.

 18   Voilà donc la façon dont j'envisage les choses. Donc moi, je ne veux pas

 19   dire que ce soit impossible pour la Chambre d'appel d'en décider ainsi,

 20   mais pas au moment où l'on décide de l'admissibilité des éléments de

 21   preuve.

 22   M. le Président (interprétation): Merci.

 23   M. Farrell (interprétation): Merci, Monsieur le Juge.

 24   M. le Président (interprétation): Monsieur le Juge Gunawardana?

 25   M. Gunawardana (interprétation): Vous acceptez que les 47 pièces à


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  1   conviction et les 2 témoins de la défense soient admissibles?

  2   M. Farrell (interprétation): Admissibles, oui. Nous en avons déjà débattu,

  3   nous avons perdu, nous acceptons maintenant qu'ils soient admissibles aux

  4   termes de l'Article 115 et du seuil extrêmement bas qui est appliqué en

  5   l'espèce.

  6   Je comprends peut-être mal votre question. Mais s'agissant des 47 pièces

  7   et des 2 témoins, je crois que nous devons nous en tenir à la décision de

  8   la Chambre. Ces éléments de preuve sont admissibles aux termes de

  9   l'Article 115, de manière limitée.

 10   M. Gunawardana (interprétation): S'il en est ainsi, est-ce qu'il convient

 11   de maintenir le verdict de la Chambre intact, sur la base de ces éléments?

 12   M. Farrell (interprétation): Absolument. Dans Kupreskic et dans Musema, la

 13   Chambre n'a pas décidé, même après l'admission des éléments de preuve,

 14   qu'il convenait de remettre en question l'issue du procès.

 15   M. Gunawardana (interprétation): Donc, en demandant un nouveau procès,

 16   vous pensez que la défense souhaite faire modifier le verdict rendu en

 17   première instance?

 18   M. Farrell (interprétation): Oui, je pense. Et je pense qu'on ne peut

 19   l'autoriser et que ce n'est pas approprié.

 20   M. Gunawardana (interprétation): Merci.

 21   M. le Président (interprétation): Merci. S'il n'y a plus de question, je

 22   vais donner tout de suite la parole à Me Hayman.

 23   (Réplique de la défense, présentée par Me Hayman.)

 24   M. Hayman (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 25   Juges.


Page 134

  1   Il est frappant d'entendre l'accusation nous dire que le procès n'avait

  2   pas trait à Ahmici, parce que ce n'est pas la façon dont l'accusation a

  3   présenté ses moyens; elle a présenté ses moyens avec Ahmici au centre de

  4   sa cause. La plupart des victimes étaient des victimes d'Ahmici. Nous

  5   avons entendu des dizaines, une cinquantaine de victimes qui venaient de

  6   cette région dans ce prétoire.

  7   L'essentiel du procès a eu trait aux événements de ce petit matin du 16

  8   avril 1993. Et je pense que les nouveaux éléments de preuve qui ont

  9   maintenant vu le jour pourraient entraîner une modification du verdict,

 10   lorsqu'il convient de se poser la question de savoir si c'est l'accusé qui

 11   a ordonné le massacre d'Ahmici. Parce qu'il a été condamné à ce titre

 12   parmi d'autres choses.

 13   Il y aurait donc manifestement une modification du verdict. Cela a été

 14   essentiel, le massacre d'Ahmici, quand on a prononcé sa déclaration. Cela

 15   expliquait l'essentiel de sa peine de 45 ans. Il n'a pas été condamné à sa

 16   peine de 45 ans, il n'a pas été condamné à 45 ans de prison parce qu'il a

 17   autorisé à ce que des personnes soient forcées à creuser des tranchées

 18   ailleurs dans la région. Il a été condamné parce que, ce matin-là, des

 19   centaines de civils sont morts dans ce village, un crime odieux, mais dont

 20   nous affirmons qu'il n'était absolument pas responsable et pour lequel il

 21   a été condamné à tort.

 22   Mon confrère demande où est l'erreur. On a l'impression que les mémoires

 23   d'appel n'ont pas été déposés en l'espèce. Or ils l'ont été: vous disposez

 24   de notre mémoire d'appel. Les erreurs que nous avons identifiées figurent

 25   dans notre mémoire; l'accusation a répondu. Nous avons travaillé


Page 135

  1   longuement à cette procédure d'appel. Nous ne sommes pas au début de la

  2   procédure d'appel, nous sommes plutôt -je l'espère- à la fin de cette

  3   procédure d'appel.

  4   Je crois que mon collègue ne m'a pas véritablement compris lorsque j'ai

  5   expliqué pourquoi nous estimons que le procès en première instance a été

  6   injuste, lorsque j'ai parlé des archives du HVO, des archives de la

  7   Bosnie-Herzégovine et des documents communiqués au titre de l'Article 68.

  8   Les seules infractions au titre de l'Article 68, nous les évoquons dans

  9   notre mémoire: ce sont les documents dont disposait l'accusation, par

 10   exemple les documents relatifs à l'affaire Kordic.

 11   Mes arguments au sujet des autres archives sont les suivants. La Chambre

 12   de première instance a enjoint l'armée de Bosnie-Herzégovine de fournir

 13   des documents; l'accusé a enjoint la Bosnie-Herzégovine de fournir des

 14   documents. Or cela n'a pas été fourni d'effet. L'accusation a produit des

 15   injonctions de produire pour la Croatie, s'agissant des documents du HVO.

 16   Nous avons participé à ces audiences, nous avons été présents. Et nous

 17   étions en droit de pouvoir nous appuyer sur ces documents.

 18   Et que s'est-il passé? Les autorités de Bosnie-Herzégovine, les autorités

 19   de Croatie ont mis des bâtons dans les roues dans ce processus de

 20   communication des documents. De surcroît, nous n'avons pas obtenu les

 21   documents Kordic. Si l'on réunit tous ces éléments, on peut en déduire que

 22   le procès en instance, non seulement n'a pas été un procès équitable, mais

 23   en plus a été un procès non crédible, un procès non fiable. Parce qu'on ne

 24   peut pas avoir un procès digne de ce nom lorsque des documents aussi

 25   cruciaux manquent.


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  1   On a parlé des Vitezovi. Je ne veux pas alourdir encore les débats en

  2   faisant référence à des nouveaux documents, mais j'ai oublié de le faire

  3   et je souhaiterais le faire uniquement pour ce document. L'un des nouveaux

  4   documents que vous avez accepté de verser au dossier, c'est le document

  5   96, présenté dans notre première requête au titre de l'Article 115; il a

  6   trait aux Vitezovi et à ce M. Kraljevic.

  7   Je ne vais pas m'appesantir sur cette question. Cependant, si l'on se met

  8   à la place pendant quelques instants de la Chambre de première instance

  9   qui a rendu le jugement en instance et si l'on adopte l'état d'esprit qui

 10   a été exprimé par l'accusation aujourd'hui, c'est quoi? C'est Blaskic qui

 11   contrôlait toutes les forces en présence, y compris les unités de

 12   Vitezovi, des hommes jeunes, agressifs bien armés, etc. Alors, à ce

 13   moment-là, se pose la question de la pièce 96, un nouveau rapport en date

 14   de 7 mai, c'est-à-dire moins de trois semaines après le massacre d'Ahmici.

 15   Il s'agit d'un message qui émane du colonel Blaskic, adressé à l'état-

 16   major principal de Mostar et qui pose des questions au sujet du

 17   propriétaire d'une station-service.

 18   Dans ce message, le colonel Blaskic précise que les Vitezovi se sont

 19   emparés d'une station-service et qu'ils vendent l'essence et se mettent

 20   les bénéfices dans les poches.

 21   Au paragraphe 5, on peut lire la chose suivante: "Etant donné que le

 22   commandant des Vitezovi, Darko Kraljevic, vous est directement subordonné,

 23   aidez-nous à résoudre cette question qui devient de plus en plus

 24   complexe."

 25   Lui, il n'arrivait pas à obtenir d'essence pour les troupes régulières du


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  1   HVO, à la différence de ces Vitezovi qui étaient des PPN, à savoir des

  2   unités spéciales. Les Vitezovi sont en train de vendre l'essence sur le

  3   marché noir et Blaskic ne peut rien y faire, parce qu'il ne contrôle pas

  4   les Vitezovi. Il doit faire référence à l'état-major principal qui se

  5   trouve à des centaines de kilomètres de là, à Mostar, pour essayer de

  6   résoudre cette crise provoquée par ce qui se passe dans cette station-

  7   service.

  8   Ceci vous donne une idée assez précise de ce qui se passait à l'époque,

  9   une idée véridique de ce qui se passait véritablement dans cette région, à

 10   l'époque.

 11   J'aimerais à présent parler des événements de Grbavica. Je me rappelle le

 12   témoignage qui avait été fait au sujet de Grbavica. Et mon éminent

 13   collègue fait référence à ce lieu en disant que le chef d'accusation à

 14   Grbavica est maintenu et que cela n'a rien à voir avec le contrôle

 15   effectif.

 16   L'attaque contre Grbavica était une attaque légitime sur l'armée militaire

 17   de Bosnie-Herzégovine. Ceci figure clairement dans le jugement. L'ordre de

 18   passer à l'attaque était légal. Le colonel Blaskic avait émis cet ordre.

 19   Ce qui s'est passé après l'attaque, à savoir les pillages, les incendies,

 20   les forces, les éléments qui sont intervenus? La question était de savoir

 21   si le colonel Blaskic avait exercé un contrôle effectif sur les pilleurs

 22   ou non? Etait-il responsable au pénal pour les faits qui se sont produits

 23   à la fin, après l'action militaire?

 24   Je vous affirme pour ma part que ceci est un bon exemple de l'ensemble des

 25   documents qui ont été déposés comme éléments de preuve et qui ont


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  1   contribué à créer la confusion, les différents niveaux de responsabilité,

  2   l'incapacité du colonel Blaskic à punir des groupes tels que la police

  3   militaire, les groupes des Vitezovi. Et tout ceci a fait en sorte qu'en

  4   fait, à Grbavica, c'est-à-dire en septembre 1993, il exerçait un certain

  5   contrôle effectif, mais ceci ne peut pas être invoqué lorsqu'il s'agit

  6   d'analyser les événements qui se sont produits après l'action militaire.

  7   Les nouveaux éléments de référence ne renvoient pas uniquement aux

  8   événements d'Ahmici. Il s'agit également de lieux, tel que Kiseljak, de

  9   manque de contrôle effectif. Il y a de nombreux éléments de preuve au

 10   sujet de Busovaca et l'escadron de la mort qui fonctionnait là-bas sous

 11   les instructions spéciales de Kordic et de Sliskovic. Il y a de nouveaux

 12   éléments de preuve concernant les attaques contre Stari Vitez par les

 13   Vitezovi, des initiatives qu'ils ont prises eux-mêmes, si je me rappelle

 14   correctement les éléments de preuve.

 15   Par conséquent, les nouveaux éléments de preuve ont des répercussions sur

 16   tous les chefs d'accusation. Et Grbavica ne constitue pas une exception.

 17   Il ne serait pas approprié pour ce Tribunal de dire: "Bien. Il est vrai

 18   que la situation a évolué, que ces nouveaux éléments de preuve sont

 19   particulièrement importants, étant donné qu'il faut tenir compte de tous

 20   les éléments." Nous ne pensons pas que la Chambre de première instance

 21   peut conclure au-delà de tout doute raisonnable.

 22   Si vous ne renvoyez pas cette affaire à une nouvelle Chambre de première

 23   instance, qu'est-ce qu'il va se produire pour nous? Je ne pense pas que

 24   l'image qui soit ainsi dressée soit particulièrement encourageante. Il

 25   faudra passer en revue tous les autres éléments, à savoir les éléments qui


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  1   ont trait à l'Article 115, il faudra passer en revue les 25.000 documents

  2   restants, déposer d'autres requêtes en application de l'Article 115 pour

  3   essayer de déceler tout ce qu'il y a comme moyens de preuve à décharge; il

  4   faudra déposer d'autres requêtes au titre de l'Article 115; peut-être

  5   qu'il faudra également envisager des sessions à huis clos pour tout ce qui

  6   a trait à la vallée de la Lasva.

  7   Par conséquent, il y aura donc toute une série de mémoires qui seront

  8   déposés en application de l'Article 115 et le Procureur souhaite déposer

  9   d'autres mémoires en appel, qui se fondent sur les éléments qui ont déjà

 10   été admis au titre de l'Article 115. A ce moment-là, il faudra que les

 11   témoins soient entendus, réexaminés, qu'ils soient re-cités à la barre.

 12   Et je me demande dans quelle mesure il est nécessaire de procéder ainsi.

 13   Est-ce que nous ne pouvons pas nous en remettre aux dispositions de

 14   l'Article 117 et de l'Article 25? Il est temps pour nous de passer à un

 15   nouveau procès.

 16   Il faudrait essayer d'enjoindre aux parties, d'enjoindre à la Chambre de

 17   première instance de faire cela de la façon la plus efficace qui soit afin

 18   de ne pas entraver ou de porter atteinte aux droits d'une quelconque des

 19   parties impliquées.

 20   Je suis à présent à votre disposition pour répondre à des questions.

 21   M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Hayman.

 22   M. Hunt (interprétation): Maître Hayman, je crois me souvenir que l'année

 23   dernière, à ce stade, l'appelant a été invité à déposer son mémoire en

 24   appel, avant qu'on ne puisse mettre la main sur ces nouveaux éléments de

 25   preuve.


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  1   Ayant eu le temps à présent d'examiner les nouveaux éléments de preuve, je

  2   pense qu'il serait bon effectivement que vous invitiez votre appelant à

  3   présenter un nouveau mémoire de la même façon que cela a été fait dans

  4   l'affaire Kordic. Il s'agit là de la pratique générale qui est retenue par

  5   la Chambre d'appel.

  6   A présent, vous êtes en train de préciser que, compte tenu de l'absence de

  7   ces éléments lors de la phase de première instance et compte tenu des

  8   conclusions auxquelles est parvenue la Chambre de première instance, vu

  9   l'absence de ces événements et de ces informations lors de la phase de

 10   première instance, qu'à ce moment-là ceci peut avoir des conséquences

 11   négatives à l'égard de votre client.

 12   Est-ce que ceci figure également dans le mémoire de l'appelant?

 13   M. Hayman (interprétation): Oui, Monsieur le Juge. Effectivement, je tiens

 14   à vous rappeler les arguments que j'ai évoqués ce matin. Et nous savons

 15   que la Chambre de première instance a conclu que, suite à l'absence

 16   d'ordonnance et suite à l'absence du rapport du SIS qui a donc procédé à

 17   une enquête sur les événements d'Ahmici, il doit y avoir d'autres ordres

 18   illégaux auxquels la Cour n'a pas eu accès.

 19   M. Hunt (interprétation): Je sais de quoi il s'agit. Mais est-ce que vous

 20   avez mis ou inséré une référence à ces documents?

 21   M. Hayman (interprétation): Mon collègue a opiné et je pense qu'il s'agit

 22   donc d'une réponse affirmative.

 23   M. Hunt (interprétation): Je dois vous avouer que, lorsque j'ai consulté

 24   ces documents, je ne me souviens pas avoir vu cela, et je voulais

 25   simplement m'assurer que ceci y figurait. Je pense que votre adjoint a


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  1   répondu par l'affirmative et je pense que je peux l'accepter.

  2   M. Hayman (interprétation): Je pense que nous avons effectivement déposé

  3   notre mémoire en appel, après avoir déposé la troisième requête en

  4   application de l'Article 115. Je suis désolé si, après avoir déposé notre

  5   deuxième requête en application de l'Article 115, nous n'avions pas encore

  6   déposé la troisième requête. Mais, par contre, il est fait référence au

  7   rapport du SIS.

  8   M. Hunt (interprétation): Je vous remercie.

  9   M. le Président (interprétation): Il y a d'autres questions pour vous,

 10   Maître Hayman.

 11   M. Hayman (interprétation): Bien sûr.

 12   M. le Président (interprétation): J'aimerais soulever un point qui, peut-

 13   être, est mineur. Vous avez expliqué de façon très claire que, si nous ne

 14   donnons pas l'ordre de la tenue d'un nouveau procès par une Chambre de

 15   première instance, ceci constituerait une infraction au droit d'appel dont

 16   bénéficie votre client.

 17   A présent, si votre position est que les nouveaux éléments de preuve dont

 18   est saisie la Chambre de première instance impliquent nécessairement un

 19   nouvel examen ou une nouvelle détermination des faits en l'espèce, à ce

 20   moment-là, il faudrait également que la Chambre d'appel elle-même puisse

 21   re-déterminer les faits. Ou est-ce que, simplement, vous souhaitez que

 22   nous nous fondions sur les éléments dont nous disposons en l'espèce?

 23   M. Hayman (interprétation): Je pense qu'il s'agit de voir comment on met

 24   en pratique les dispositions qui figurent dans l'Article 115, et comme

 25   vous l'avez vous-même fait remarquer, je pense qu'il est nécessaire


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  1   d'envisager un certain nombre de documents; je pense que cet Article ne

  2   précise pas cela en des termes aussi clairs, mais on peut en déduire cela.

  3   Et si l'on s'écarte de ce paradigme pour essayer d'envisager une autre

  4   solution, à ce moment-là, je pense que la Chambre refuse à l'appelant son

  5   droit d'interjeter appel de la décision ou du verdict définitif.

  6   Et d'après ce que j'ai vu, je pense que nous sommes plus près d'un nouveau

  7   procès que ce qui était envisagé par l'Article 115; c'est la raison pour

  8   laquelle nous pensons qu'il est ici question du droit d'interjeter appel.

  9   M. le Président (interprétation): Je pense qu'il est, ici, simplement

 10   question du critère de la quantité.

 11   M. Hayman (interprétation): Je crois qu'il s'agit effectivement de la

 12   quantité et de la nature. Il est ici question d'une peine de 45 années

 13   pour le massacre d'Ahmici. Je pense, du moins pour ma part, que 40 de ces

 14   45 années doivent être réexaminées. Il s'agit là de ma position.

 15   M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

 16   Dans la négative, je pense que nous pourrions mettre un terme à nos

 17   travaux.

 18   L'audience est levée.

 19   (L'audience est levée à 18 heures 44.)

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