Affaire n° IT-95-14-T
LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE
Mercredi 24 février 1997
SESSION PUBLIQUE
Devant :
Mme le Juge McDONALD
(Juge chargé de la confirmation)
LE PROCUREUR
C/
TIHOMIR BLASKIC
Le Bureau du Procureur :
M. Mark HARMON
M. Gregory KEHOE
Représentant de la Bosnie-Herzégovine :
Mme Vasvija VIDOVIC
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1 (Ouverture de l'audience)
2 (10 h 15)
3 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Nous sommes réunis aujourd'hui pour
4 procéder à une audience
concernant l'ordonnance de soit-communiqué rendue à
5 l'encontre de la Bosnie-Herzégovine et
de M. Ante Jelavic pour l'affaire
6 n° IT-95-14-PT. Est-ce que l'Accusation
est prête ?
7 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Bonjour, Madame le Juge, je m'appelle Mark
8 Harmon et je suis assisté ce matin par
M. Gregory Kehoe. Nous sommes prêts à
9 procéder.
10 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Pour la Bosnie-Herzégovine ?
11 MME VIDOVIC - (interprétation du
serbo-croate) : Je m'appelle Vasvija Vidovic et je suis
12 Ministre Conseiller auprès de
l'Ambassade de Bosnie-Herzégovine, ici, à La Haye. Je
13 suis ici en tant que représentant de
la Bosnie-Herzégovine.
14 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Merci Mme Vidovic. M. Harmon, où en
15 sommes-nous ? L'ordonnance de soit-communiqué
a été rendue le 15 janvier 1997 par
16 moi-même. Ensuite, le 14 février
1997, j'ai rendu une ordonnance aux fins de faire
17 exécuter une ordonnance de
soit-communiqué et nous avons eu une audience à laquelle
18 Mme Vidovic a comparu au nom de la
Bosnie-Herzégovine. Elle a indiqué qu'elle ne
19 contestait pas l'ordonnance aux fins de faire
exécuter une ordonnance de soit-
20 communiqué et qu'elle faisait ce
qu'elle pouvait pour obtenir les documents demandés.
21 Où en sommes-nous donc ?
22 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Madame le Juge, je peux dire à la Cour que
nous
23 n'avons pas reçu un seul document de
la part de M. Jelavic, dépositaire des Archives
24 centrales de ce qui était le Ministère
de la défense de la communauté d'Herceg-Bosna. Je
25 voudrais aussi informer la Cour que j'ai
certains documents que je voudrais présenter
26 pour compléter le dossier. Premier
document, je voudrais que l'huissier vous le
27 transmette, il s'agit d'une lettre de Mme
Vidovic par laquelle celle-ci décrit les mesures
28 qu'elle a prises après que vous ayez
rendu l'ordonnance du 14 février 1997. Elle
29 décrit, notamment, dans sa lettre le
fait qu'une correspondance a été échangée,
en
30 particulier avec M. Jelavic, et que celui-ci
a reçu des copies de l'ordonnance que vous
31 avez rendue. Joint à cette pièce
se trouve un accusé de réception de ladite ordonnance.
32 Voilà donc la première pièce,
Madame le Juge, que je voudrais présenter.
33 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Il s'agit de la pièce 1 ou A du Procureur.
34 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Nous pourrions aux fins de l'audience
35 d'aujourd'hui lui donner la cote A, Madame le
Juge.
36 Et pour chacune de ces pièces, une
fois que vous aurez l'occasion de les
37 examiner, Mme Vidovic répondra sans
doute à vos questions. Deuxième document que
38 je voudrais vous présenter, pièce
B donc, il s'agit d'une lettre reçue de Mme Vidovic
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1 par laquelle celle-ci explique les mesures
supplémentaires qu'elle a prises en outre. Il y a
2 une copie d'une lettre adressée par le
Premier Ministre de la Bosnie-Herzégovine à M.
3 Jelavic, lui demandant de coopérer avec
le Tribunal. Il s'agit de trois documents au total
4 que je vous soumets, Madame le Juge.
5 Dernière chose concernant l'ordonnance
du 20 février 1997, elle a été télécopiée
6 en Bosnie-Herzégovine à M.
Jelavic et j'ai été informé que cela a été
fait le jour même de
7 l'audience. Je voudrais donc que cela figure
dans le dossier. M. Jelavic n'est pas ici
8 aujourd'hui, ni même représenté.
Je voudrais laisser la parole à Mme Vidovic pour
9 qu'elle nous en dise plus sur les documents
que je vous ai présentés.
10 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Ce dernier document auquel vous faisiez
11 référence qui a été
télécopié sera également versé au
dossier en tant que pièce C de
12 l'Accusation, je suppose. J'ai oublié
de dire aussi que j'avais rendu une ordonnance le
13 20 février 1997 après
l'audience à laquelle Mme Vidovic a comparu ainsi que
14 l'Ambassadeur de la Croatie, M. Salaj. J'ai
aussi dit lors de notre dernière réunion que
15 je demanderai aux autres Chambres de première
instance, à la Chambre de première
16 instance I, et donc à M. le Juge
Jorda, de se saisir de l'affaire. Après réflexion, j'ai
jugé
17 qu'il valait mieux pour l'instant que je
continue de traiter de cette question des
18 ordonnances de soit-communiqué puisque
c'est moi qui ai confirmé l'acte d'accusation
19 et que les questions couvertes par ces
ordonnances de soit-communiqué sont liées à
20 l'enquête que mène le Bureau du
Procureur, et à la préparation du Tribunal. Ces
21 procédures sont menées de façon
non contradictoire et, de ce fait, je considère que je
22 suis la personne la mieux placée pour
traiter de ces questions plutôt que de les renvoyer
23 au Juge et à la Chambre de première
instance qui en définitive jugera l'affaire. Je vais
24 donc continuer de traiter cette question.
C'est moi qui vous écouterai. J'espère que cette
25 question pourra être réglée
rapidement car nous avons beaucoup de travail par ailleurs.
26 Vous avez mon entière attention. Je
tiens vraiment à ce cette question soit réglée.
Mme
27 Vidovic, dois-je vous appeler Mme Vidovic,
Juge Vidovic ? Dites-moi comment vous
28 souhaitez que je vous appelle lorsque je
m'adresse à vous.
29 MME VIDOVIC - (interprétation du
serbo-croate) : Je suis effectivement juge de profession
30 mais vous pouvez aussi m'appeler Mme Vidovic.
31 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Et vous ne portez pas de robe aujourd'hui.
32 Nous avons déjà parlé de
ce sujet. Je ne sais pas si vous êtes ici en tant d'avocat ou en
33 tant que ministre conseiller, représentant
de Bosnie-Herzégovine. C'est pour cela que
34 vous êtes habillée de cette manière.
35 MME VIDOVIC - (interprétation du
serbo-croate) : Je comparais ici en tant que ministre
36 conseiller de la République de
Bosnie-Herzégovine. Conformément à la proposition
faite
37 par M. le Procureur, j'essaierai d'expliquer
la position de la Bosnie-Herzégovine ainsi
38 que les efforts déployés par
moi-même afin d'exécuter l'ordonnance de soit-
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1 communiqué aux fins de la comparution
de M. Jelavic ici au Tribunal. Le
2 février 1997, j'ai reçu
l'ordonnance de soit-communiqué. Par cette ordonnance on
3 demandait à la Bosnie-Herzégovine
d'assurer la comparution de M. Jelavic, le Ministre
4 de la défense de la Fédération.
Il devait comparaître devant Madame le Juge Gabrielle
5 McDonald. Si cela n'était pas possible,
on demandait la comparution d'une autre
6 personne qui serait identifiée par M.
Jelavic en tant que successeur du dépositaire des
7 Archives centrales de ce qui était le
Ministère de la défense de la communauté croate
8 d'Herceg-Bosna. Les copies de cette ordonnance
ont été communiquées au Ministère
9 des affaires étrangères de
Bosnie-Herzégovine le 20 février 1997 étant donné
que c'est
10 l'organe compétent pour communiquer
avec les institutions internationales,
11 conformément à la législation
de Bosnie-Herzégovine. Le Ministère des affaires
12 étrangères a donné cette
ordonnance au Premier Ministre de la Fédération de
Bosnie-
13 Herzégovine et au Ministre de la
justice de la Fédération de Bosnie-Herzégovine
aux fins
14 de coopérer avec le Tribunal et aux
fins d'exécuter l'ordonnance du Tribunal. Une copie
15 bien sûr, été adressée
à M. Ante Jelavic, Ministre de la défense de la Fédération
de
16 Bosnie-Herzégovine. Le 20 février
1997, le Ministre des affaires étrangères m'a
17 informée que les copies des
ordonnances ont été signifiées aux adresses
susmentionnées
18 et on m'a également fourni des accusés
de réception, comme je l'ai dit à M. le
19 Procureur. Je voudrais également vous
donner les copies de ces accusés de réception et
20 je vous prie de joindre ces pièces au
dossier. Le Premier Ministre de la Fédération, M.
21 Bicakcic, dans sa lettre du
21 février 1997 m'a informée qu'il
avait demandé à M.
22 Jelavic, Ministre de la défense dans
son gouvernement, de comparaître à l'audience
23 prévue pour le
24 février 1997 afin de répondre
aux questions concernant la non-
24 exécution de l'ordonnance de
soit-communiqué du Tribunal. C'est-à-dire, il devait
25 comparaître ici afin d'aider le
Tribunal, afin d'exécuter l'ordonnance de soit-
26 communiqué. De même, dans cette
lettre, il a été dit que si M. Jelavic ne pouvait pas
27 comparaître devant ce Tribunal, qu'il
devait décider qui allait le représenter. Il devait
28 choisir un représentant qui soit au
courant des lieux et du contenu des archives. Donc, la
29 République de Bosnie-Herzégovine
a pris toutes les mesures nécessaires envers le
30 Gouvernement de la Fédération
de Bosnie-Herzégovine afin d'exécuter cette ordonnance
31 de soit-communiqué. Je voudrais préciser
encore une chose. Vous avez probablement
32 remarqué, et ceci a même été
mis dans le compte rendu, que M. Jelavic m'a adressé une
33 lettre. En lisant cette lettre, vous pouvez
voir qu'il est tout à fait au courant de
34 l'emplacement des archives. Il sait
exactement qui est le dépositaire des Archives
35 centrales et il sait aussi que le dépositaire
des Archives est mort. Ceci veut dire que M.
36 Jelavic est parfaitement au courant de
l'emplacement des lieux de cette documentation.
37 Dans cette lettre, on peut également
lire que M. Jelavic informe que les Archives
38 centrales de Bosnie-Herzégovine sont
le dépositaire de ces archives. En suivant cette
39 trace, j'ai demandé au Ministère
des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine de
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1 vérifier cette information, à
savoir si les Archives centrales de Herceg-Bosna et les
2 Archives du Conseil de la défense
croate qui contiennent les documents demandés par
3 cette ordonnance, font maintenant partie des
Archives centrales de Bosnie-Herzégovine.
4 On m'a répondu qu'aucun des documents
qui étaient dans les Archives centrales
5 d'Herceg-Bosna n'a été transmis
aux Archives centrales de la République de Bosnie-
6 Herzégovine. On m'a également
dit que les archives de l'Armée de la Fédération,
depuis
7 la signature des Accords de Dayton, devaient être
déposées au Ministère de la Fédération
8 de Bosnie-Herzégovine, alors que les
archives qui étaient détenues avant les Accords de
9 Dayton par le HVO et par la communauté
croate de Herceg-Bosna devaient rester au sein
10 des archives de l'Armée de la Fédération.
Par conséquent, les archives du HVO, du
11 Conseil de la défense croate, se
trouvent toujours sous la compétence de M. Jelavic,
12 étant donné qu'il est Ministère
de la défense de la Fédération de Bosnie-Herzégovine
et,
13 en même temps, il est le haut
fonctionnaire du Conseil de la défense croate (HVO).
14 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : M. Jelavic est Ministre de la défense. Qui est
15 son supérieur ? A qui doit-il faire
rapport ? Qui est responsable ou chargé de lui donner
16 des instructions ? Est-ce le Premier Ministre
?
17 MME VIDOVIC - (interprétation du
serbo-croate) : Oui. Le Premier Ministre du
18 Gouvernement de la Fédération, étant
donné que le Ministère de la défense fait partie
du
19 Gouvernement de la Fédération
de Bosnie-Herzégovine. Donc, M. Jelavic, est ministre
20 au sein du Gouvernement de la Fédération,
alors que M. Bicakcic est le Premier Ministre
21 de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
Par conséquent, M. Bickacic est autorisé à
22 adresser une ordonnance à M. Jelavic
afin que celui-ci comparaisse devant le Tribunal.
23 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Où sont ces documents ? Je ne suis pas sûre
de
24 vous avoir compris entièrement. Vous
dites que les archives d'Herceg-Bosna ou du
25 HVO ont été laissées
dans les anciennes archives, mais quel est l'endroit précis de
ces
26 archives ?
27 MME VIDOVIC - (interprétation du
serbo-croate) : Les archives se trouvent dans les archives
28 du HVO. Il est possible que M. le Procureur
ait plus de renseignements sur
29 l'emplacement physique de ces documents. En
ce moment, je ne suis pas en mesure de
30 répondre exactement à votre
question.
31 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Donc, il y a des archives séparées pour
le
32 HVO. Je vais demander ceci au Procureur tout à
l'heure. Avez-vous parlé avec M.
33 Jelavic ?
34 MME VIDOVIC - (interprétation du
serbo-croate) : Non, je n'ai pas parlé avec M. Jelavic.
35 J'ai simplement lu sa déclaration
faite lors d'une conférence de presse. Au cours de cette
36 conférence de presse, il a contesté
qu'il était responsable de ces archives. C'est pour cela
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1 que je voulais expliquer quelle était
sa position par rapport aux Archives centrales. Mais,
2 personnellement, non, je n'ai pas parlé
avec M. Jelavic.
3 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Est-ce que vous avez une copie de ses
4 déclarations faites lors de la conférence
de presse ou est-ce que vous pourriez nous dire
5 comment nous pourrions nous procurer cette
copie ?
6 MME VIDOVIC - (interprétation du
serbo-croate) : Oui. J'ai une copie de cette déclaration. Je
7 l'ai transmise à M. Harmon, au Bureau
du Procureur, et je prie M. Harmon de verser
8 cette pièce au dossier. J'ai également
une copie ici avec une traduction officieuse.
9 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : M. Harmon, savez-vous où se trouvent
10 physiquement ces documents, c'est-à-dire
les archives de Herceg-Bosna et savez-vous
11 où se trouve, effectivement, M.
Jelavic ?
12 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Madame le Juge, je sais où sont les archives
13 matériellement, mais je ne sais pas où
se trouve M. Jelavic.
14 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Voulez-vous que ce communiqué de presse
15 soit versé au dossier comme pièce
officielle ?
16 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Oui.
17 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Ce sera donc la pièce D de l'Accusation.
18 Nous avons donc une ordonnance aux fins de
faire exécuter une ordonnance de
19 soit-communiqué qui a été
rendue et qui dit que le Premier Ministre de la Bosnie-
20 Herzégovine, M. Bicakcic, n'a pas
contesté l'ordonnance de soit-communiqué. De fait,
21 il a donné instruction à M.
Jelavic de produire les documents demandés. M. Jelavic
22 semble être le dépositaire des
archives. M. Jelavic n'est pas présent, ici, aujourd'hui, et
23 nous avons sous les yeux un communiqué
de presse - je ne sais pas exactement ce qu'il
24 contient - mais Mme Vidovic nous indique que
M. Jelavic conteste l'idée selon laquelle il
25 doit remettre ces documents. Comment
voulez-vous que je procède, M. Harmon ?
26 Vous pouvez ajouter ce que vous voulez comme
information concernant l'historique du
27 dossier et ce que vous retenez des propos de
Mme Vidovic.
28 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Oui, merci Madame le Juge. Je pense, Madame
29 le Juge, que tout d'abord la Bosnie-Herzégovine
s'est montrée très coopérante et a
30 demandé la coopération de M.
Jelavic en tant que successeur du dépositaire des archives
31 du HVO. Donc, mes remarques s'adressent à
M. Jelavic plus particulièrement. Cette
32 ordonnance a été rendue le 15
janvier. De toute évidence, nous avons demandé
33 instamment à la Cour et au
destinataire de cette ordonnance que nous soient remis les
34 documents demandés dans l'ordonnance.
La première réaction du dépositaire des
35 archives du HVO a consisté en une
lettre versée au dossier qui informait la Cour que le
36 dépositaire des archives était
décédé, en novembre de l'année dernière.
La Cour a alors
37 ordonné une nouvelle comparution et la
veille de cette comparution nous n'avions
38 toujours reçu aucun document, bien
entendu, mais nous avions également reçu une lettre
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1 nous indiquant que M. Jelavic n'avait pas reçu
copie de l'ordonnance avant le jour de la
2 comparution. Cela n'est pas conforme à
d'autres éléments de preuve indiquant que
3 l'ordonnance a bien été signifiée
plusieurs jours avant la comparution, ce qui contredit
4 donc ce que nous dit M. Jelavic. La
comparution a eu lieu. Il y en a eu une deuxième.
5 C'est aujourd'hui la troisième et,
aujourd'hui, nous n'avons aucune réaction, quelle
6 qu'elle soit, de M. Jelavic, et M. Jelavic
n'est pas ici. Or, l'ordonnance rendue après la
7 dernière audience dit clairement que M.
Jelavic personnellement n'est pas obligé de
8 comparaître s'il envoie un représentant.
Nous pensons qu'il y a donc là une ignorance
9 délibérée et flagrante de
l'ordonnance rendue par le Tribunal. Ce que je demande,
10 Madame le Juge, c'est que vous constatiez
qu'il y a absence de coopération de la part de
11 M. Jelavic, dépositaire des Archives
centrales du HVO et que vous constatiez également
12 que cela représente un fait d'entrave à
la justice dans l'affaire Blaskic. Nous pourrions
13 peut-être tenir une autre audience
jeudi, si cela convient à la Cour, afin que nous
14 entendions les raisons pour lesquelles M.
Jelavic ne doit pas être déclaré coupable
15 d'outrage au Tribunal.
16 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Il y a une chose qui me préoccupe, c'est que
17 l'ordonnance de soit-communiqué énumère
19 demandes, si vous voulez, 19 rubriques,
18 et sous chacune de ces rubriques il y a un
large éventail de documents qui sont
19 demandés. Je ne suis pas à même
de savoir s'il y a des objections légitimes à cette
20 demande si le dépositaire des Archives
ne comparaît pas. Je ne sais d'ailleurs pas si le
21 dépositaire aurait objecté à
cette liste mais, en tout cas, s'il comparaissait nous pourrions
22 l'entendre et il pourrait nous dire quelle
est sa position concernant la détention éventuelle
23 de ces documents. Les détiennent-ils
ou pas; à quoi ressemblent ces documents, quel
24 volume cela représente-t-il, comment
sont-ils organisés, toute une série de questions qui
25 sont normalement examinées lorsqu'un
juge se prononce sur une ordonnance de soit-
26 communiqué. Et, sans ces réponses
de M. Jelavic, je n'ai plus que la demande du
27 Procureur. La connaissance que j'ai de
l'ordonnance de soit-communiqué est la
28 connaissance que j'ai de la question dans la
mesure où j'ai confirmé l'acte d'accusation.
29 Donc, je souhaite vivement que M. Jelavic
comparaisse pour que nous puissions
30 l'entendre concernant au moins la nature des
documents eux-mêmes, si ce n'est que le
31 Premier Ministre de la Fédération
de Bosnie-Herzégovine n'a pas contesté l'ordonnance
32 de soit-communiqué. Ce qu'il dit,
c'est qu'il a ordonné à M. Jelavic d'exécuter
33 l'ordonnance. Quelle est donc la raison de la
non-comparution de M. Jelavic ? Conteste-
34 les documents demandés du fait de leur
volume, du fait de l'état des documents ?
35 Quelles que soient ses raisons, M. Jelavic
n'est pas ici pour nous les expliquer et nous
36 nous retrouvons dans une situation ou l'Etat
coopère mais où un subordonné du Premier
37 Ministre ne coopère pas. J'imagine
qu'il faut que je réfléchisse à la meilleure manière
de
38 régler cette question. Avez-vous
envisagé ou essayé d'avoir une déclaration écrite
de M.
39 Jelavic ? Vous nous dites que vous ne savez
pas où il est mais Mme Vidovic nous dit
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1 que vous savez sans doute où se
trouvent les documents. Avez-vous pensé à cette
2 solution ?
3 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Madame le Juge, c'est une possibilité mais étant
4 donné l'urgence, il faudra envisager la
question de savoir s'il est plus opportun que M.
5 Jelavic comparaisse au Tribunal et il a eu
trois fois l'occasion de le faire. On lui a envoyé
6 une télécopie. Il ne doit pas se
présenter en personne, il peut se contenter d'envoyer un
7 représentant. Il faut donc peser le
pour et le contre, tenir compte de mes propres
8 contraintes en matière de temps. Il me
semble, effectivement, qu'il faudra énormément
9 de temps et que ceci nous distraira des
occupations qui sont les nôtres pour la
10 préparation du procès. Je
pourrais envisager cette option, mais je crois que l'idéal
serait
11 que M. Jelavic désigne nommément
quelqu'un qui soit au fait de l'emplacement de ces
12 documents, des mesures qui ont été
prises pour assurer la production de ces documents.
13 Je crois qu'il est de son ressort de comparaître.
Il lui incombe de le faire. Il a eu trois
14 occasions de le faire. En réponse à
votre question donc, effectivement, j'ai étudié la
15 question mais, à ce stade, il me
semble plus opportun que M. Jelavic se présente. Il ne
16 l'a pas fait à trois reprises. Ils ont
eu le temps depuis le 15 janvier pour faire des
17 objections et toutefois ils ont ignoré
cette possibilité.
18 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Vous me demandez de rendre une ordonnance
19 déterminant que M. Jelavic se trouve
en situation d'outrage à ce Tribunal. Avez-vous
20 pensé à la possibilité
de rendre une ordonnance qui tienne compte de la coopération
dont
21 fait preuve le Premier Ministre de la Fédération
de Bosnie-Herzégovine, qui parle au
22 nom de la Bosnie-Herzégovine,
ordonnance qui pourrait demander que la Fédération de
23 Bosnie-Herzégovine dise que M. Jelavic
a manqué à l'obligation de répondre à
cette
24 ordonnance rendue par ce Tribunal. Donc, ce
serait plutôt demander à la Bosnie-
25 Herzégovine de rendre ce jugement plutôt
que moi-même. Enfin, je réfléchis de vive
26 voix avec vous. Il faudra, bien sûr, y
réfléchir davantage.
27 Il s'agit ici de déterminer la démarche
à suivre. Si je rends une ordonnance qui
28 détermine qu'il y a outrage, que faire
à ce moment-là ? Il faudra, bien sûr, que je fasse
29 exécuter ceci. Il faudrait qu'il y ait
mandat d'arrêt, qu'il soit envoyé à la Bosnie-
30 Herzégovine, alors que le Premier
Ministre a déjà indiqué que M. Jelavic ne
respecte pas
31 les ordres qui lui ont été donnés.
Il faudrait demander à la Bosnie-Herzégovine de faire
32 exécuter ce mandat d'arrêt et
que M. Jelavic soit ici déferré devant ce Tribunal.
Cette
33 procédure a été utilisée
dans le cas de témoins, cela n'a pas été limité
à des personnes qui
34 fassent l'objet d'un acte d'accusation. Qu'en
pensez-vous ?
35 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Moi aussi, je réfléchis à vive
voix mais aussi en
36 mon for intérieur, en même
temps. Il est amplement apparent - le dossier le montre -
37 que M. Jelavic a eu largement l'occasion de répondre
à l'ordonnance qui lui avait été
38 signifiée par ce Tribunal. Je suis
convaincu, et je demanderai instamment à ce Tribunal
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1 de se prononcer pour dire qu'il n'y a pas coopération
de la part de M. Jelavic qui est le
2 successeur au dépositaire des Archives
centrales. Je voudrais aussi demander
3 instamment à ce Tribunal de déterminer
que l'absence de coopération équivaut à
4 obstruction dans l'affaire Blaskic. Ici, nous
arrivons à un point plus délicat, celui de
5 savoir quels sont les recours à notre
disposition s'il est fait fi d'une ordonnance tout à
6 fait légitime. Je crois que c'est une tche
tout à fait épineuse qui est la nôtre parce qu'on
7 ne s'attend pas à ce que des ministres
ignorent une ordonnance rendue par ce Tribunal.
8 Il n'en demeure pas moins, Madame le Juge,
qu'il ne me semble pas non plus opportun
9 qu'un ministre puisse faire l'économie
d'une réponse à cette ordonnance rendue le 20
10 février. Il n'y a même pas eu un
seul mot qui ai été prononcé par M. Jelavic qui
nous
11 soit parvenu pour expliquer pourquoi il ne
s'est pas présenté lui-même ou pourquoi il
12 n'a pas envoyé un représentant.
13 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : J'examine le Règlement pour y chercher
14 quelque secours. Il y a l'article 77 qui
parle d'outrage au Tribunal. Il est certain que cet
15 article a été conçu pour
qu'il puisse vraiment être opérationnel en procès
puisqu'il se
16 trouve dans la section réservée
au procès. Je l'ai déjà dit, il y a l'article 77
mais plus
17 précisément l'alinéa a)
qui parle des dispositions du paragraphe de l'article 90, un
18 témoin qui refuse de répondre à
une question en rapport avec l'affaire dont la Chambre
19 est saisie, et l'alinéa e) parle aussi
d'un autre aspect. Il ne m'est pas difficile de me
20 prononcer sur l'absence de coopération.
Manifestement, il n'y a pas coopération. C'est
21 le cas aussi pour ce qui est de son rapport
avec son Premier Ministre. J'essaie, ici,
22 d'établir la meilleure solution, le
meilleur recours pour qu'il y ait exécution. Je ne veux
23 pas simplement rendre une nouvelle ordonnance
pour qu'elle ne soit pas non plus
24 respectée et je ne vais pas aller en
Bosnie-Herzégovine pour inviter moi-même
25 M. Jelavic. Il faut bien qu'il vienne lui-même
ou que quelqu'un l'amène. J'aimerais
26 établir la meilleure méthode
pour y parvenir. Est-ce que ceci peut être réglé
par un seul
27 juge ou faudrait-il que la Chambre tout entière
siège pour se saisir de cette question ? Il
28 n'y a pas encore eu d'idée émise
pour déterminer quelle serait la Chambre de première
29 instance qui se saisirait de la question,
cela pourrait être la seconde, celle que je préside,
30 qui rendrait une ordonnance, ou y a-t-il une
quelconque différence suivant la Chambre
31 qui pourrait connaître de l'affaire ?
Il faudrait donc que vous m'indiquiez l'article
32 pertinent. Il m'est impossible
personnellement d'en trouver un. C'est un peu comme une
33 audience de l'article 61 où vous avez
un juge unique qui doit rendre certaines décisions
34 mais, ici, nous n'avons pas d'article qui réponde
exactement à la situation que nous
35 connaissons.
36 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Madame le Juge, s'agissant de l'article ayant trait
37 à l'outrage, vous, en tant que juge de
ce Tribunal vous avez parfaitement compétence
38 pour rendre la loi et il y a peut-être
d'autres mesures appropriées que
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1 vous vous voudrez examiner, outre cet article.
Je crois également que l'article 54 vous permet de rendre
2 toute ordonnance considérée nécessaire
pour la bonne préparation au procès et à l'appui
3 de votre ordonnance de soit-communiqué,
je soumettrais que toute ordonnance qui
4 viendra appuyer ceci peut être considérée
comme relevant de l'article 54.
5 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Tout à fait d'accord avec vous. Je suis
6 convaincue que j'ai le droit et la compétence
de rendre cette ordonnance au titre de
7 l'article 54. J'ai donc la compétence,
et je pense que le Tribunal a manifestement
8 compétence pour rendre des ordonnances
et qu'il incombe à l'Etat de coopérer aux fins
9 de l'enquête et aux fins de la
fourniture d'éléments de preuve. Je me demande
10 simplement comment procéder et ceci
porte sur la rédaction de l'ordonnance. Cette
11 ordonnance reviendrait-elle à dire que
je constate qu'il y a non-exécution et j'en
12 conclurais qu'il y a outrage de la part de M.
Jelavic ou qu'il y a absence de coopération,
13 ou les deux. C'est possible aussi. Question
subsidiaire, que faire ? Devrais-je
14 l'enjoindre à l'exécution et je
suppose que ceci restera aussi sans réponse. La seule
15 façon d'obtenir une réponse de
sa part, me semble-t-il, c'est de demander au
16 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine qui
a fait preuve de bonne coopération, à ce
17 stade de l'affaire mais aussi à l'égard
du Tribunal, et si nous n'avions pas cette
18 coopération nous n'aurions pas pu
fonctionner comme Tribunal. Je pense qu'on pourrait
19 peut-être exercer une certaine pression
sur M. Jelavic en passant par l'Etat qui lui
20 demanderait, par le truchement de son Premier
Ministre, de prendre des mesures.
21 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Je ne m'opposerais pas du tout à ce que de
tels
22 termes soient utilisés dans votre
ordonnance
23 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Mais il faut d'abord établir clairement qu'il
y a
24 non-exécution par M. Jelavic de cette
ordonnance. S'agissant de la procédure à adopter
25 pour qu'il y ait exécution, il faudra
y accorder une plus mûre réflexion. Je vous remercie
26 des suggestions faites par l'Accusation ainsi
que par Mme Vidovic en tant que Ministre
27 conseiller de la Bosnie-Herzégovine. Y
a-t-il d'autres questions qui méritent notre
28 attention ?
29 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Non, Madame le Juge. Effectivement, peut-être
30 pourrions-nous soumettre par écrit nos
réflexions.
31 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : C'est votre requête. Vous me demandez de
32 veiller à l'exécution de cette
requête. Je crois que nous avons certaines directives à
33 l'égard des conseils et vous savez
qu'on demande aussi l'aide des conseils sous forme
34 de propositions. Je vous saurais gré
de me fournir ces propositions. Je ne sais pas si
35 Mme Vidovic a un rôle à jouer
ici puisqu'elle a déjà comparu. Elle nous a fait part
des
36 efforts qu'elle a déployés et
je crois que les recours utilisés pour veiller à la
bonne
37 exécution sont épuisés.
Je ne sais pas si elle a donc un rôle à jouer. Je crois
que
38 l'Accusation devra y réfléchir
aussi. Je vous demande que vous me soumettiez une
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1 proposition d'ordonnance. Pourriez-vous le
faire dans les meilleurs délais, dès
2 aujourd'hui ou demain ? J'examinerai lesdites
propositions. Que voudriez-vous que je
3 fasse mercredi ?
4 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Je vous avais suggéré, Madame le Juge,
s'il y
5 avait effectivement ordonnance, qu'il y ait
audience jeudi.
6 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : En fonction de la nature de ce projet
7 d'ordonnance, je pourrai arrêter une
date, si besoin en est, pour avoir une nouvelle
8 audience. A cette fin, je ne sais pas quelle
serait la date exacte. Il faut voir où nous en
9 serons avec cette proposition d'ordonnance.
10 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Y a-t-il d'autres questions ?
11 M. HARMON - (interprétation de
l'anglais) : Non Madame.
12 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Mme Vidovic, d'autres questions ?
13 MME VIDOVIC - (interprétation du
serbo-croate) : Peut-être faudrait-il clarifier encore une
14 chose. M. Jelavic a reçu vos
ordonnances. Il devait comparaître ici ou désigner une
15 personne qui pourrait fournir des
renseignements sur les documents. Donc, il a reçu ce
16 genre d'ordonnance pour comparaître ici
personnellement ou pour désigner une
17 personne qui pourrait aider à l'exécution
de l'ordonnance de soit-communiqué. Je
18 voudrais que ceci soit très très
clair afin qu'il n'y ait pas de malentendu quand on parle
19 de M. Jelavic. Vous allez voir sa déclaration
donnée lors de cette conférence de presse,
20 et c'est pour cette raison que je voulais être
parfaitement claire à ce sujet.
21 LE PRESIDENT - (interprétation de
l'anglais) : Je vais en tenir compte. En d'autres termes, si
22 pour une raison ou une autre il n'est pas la
personne idoine, il lui incombe de désigner
23 cette personne appropriée pour qu'elle
comparaisse. Ceci sera dûment pris en
24 considération dans la rédaction
de l'ordonnance. La meilleure démarche, étant donné
25 l'excellente coopération démontrée
par la Bosnie-Herzégovine, serait de demander que le
26 Premier Ministre rende une ordonnance pour
veiller soit à l'arrestation de M. Jelavic,
27 s'il n'est pas prêt à désigner
un représentant idoine, en vue de comparution, pour que
28 cette personne soit déférée
au Tribunal, pour que M. Jelavic soit déféré. Ce
ne serait
29 donc par une demande directe adressée à
M. Jelavic, ce serait une demande indirecte
30 formulée à l'encontre de la
Bosnie-Herzégovine dans le droit fil de son excellente
31 coopération. La séance est levée.
32 (l'audience est levée)
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