Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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5 Lundi 21 juillet 1997

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7 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

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9 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

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11 M. le Président. - Je suppose que le bureau du Procureur est

12 dans la même composition, M. Mark Harmon, de même que le banc de la

13 défense et les juges. Je crois que tout est en place pour que nous

14 puissions commencer.

15 Monsieur le Procureur, notre emploi du temps avait été un peu

16 bouleversé, vous vous en souvenez, puisque le premier témoin ne pouvait

17 pas rester. Nous avions donc décidé de reporter son contre-interrogatoire.

18 M. Simon Leach avait lui-même été interrompu.

19 Où en sommes-nous et quel est l'ordre du jour de nos travaux ?

20 Cest derniers d’ailleurs connaîtront, je le dis à l'intention de la

21 défense comme de l'accusation, un certain nombre d'interruptions dont nous

22 ne sommes pas les maîtres, tant que nous n’avons qu'une seule salle

23 d’audience. Notamment, nous ne pourrons pas siéger vraisemblablement jeudi

24 pratiquement toute la journée et vendredi après-midi.

25 Monsieur le Procureur, comment organisons-nous nos travaux ?

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1 M. Cayley (interprétation).- Monsieur le Président, Messieurs

2 les Juges, bonjour. Nous allons commencer, ce matin, par le contre-

3 interrogatoire de M. Donia. Lorsque cela sera fait, nous poursuivrons avec

4 M. Lach.

5 Nous avons d'autres témoins pour le restant de la semaine et,

6 bien entendu, nous nous adapterons le mieux possible en fonction du

7 calendrier. Mais nous avons des témoins pour toute la semaine.

8 A titre préliminaire, Monsieur le Président, une version

9 traduite abrégée que vous avez reçue en français est disponible maintenant

10 et je voudrais donc demander qu'elle soit versée au dossier. Elle fait

11 partie de la pièce 38 B. Je pense qu'il y avait cinq pièces au total et je

12 les ai maintenant sous leur forme complète.

13 M. le Président. - Pas d'opposition ? Bien.

14 M. Cayley (interprétation).- S'agit-il de pièces qui ont un

15 rapport avec le témoignage de M. Zoran Pajic.

16 M. le Président. - D'accord, merci. Monsieur le Greffier, tenez-

17 vous la comptabilité des pièces à conviction ? Je crois que cela a été

18 publié. Je vous remercie. C’est donc destiné à mon classeur.

19 Peut-on faire entrer le témoin qui est donc M. Robert Donia.

20 Est-ce cela ?

21 M. Cayley (interprétation).- C'est exact, Monsieur le Président.

22 Je vais laisser la parole à mon conseil, M. Kehoe.

23 (Le témoin est introduit à la salle d’audience.)

24 M. le Président. - M'entendez-vous, Monsieur Donia ?

25 M. Donia (interprétation). - Oui, je vous entends.

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1 M. le Président. - Je vous rappelle que vous êtes toujours sous

2 serment. Monsieur le Procureur, voulez-vous introduire le débat.

3 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

4 La dernière audience à laquelle M. Donia était présent était le

5 25 juin. Nous avons terminé l'interrogatoire principal du témoin. C’est

6 donc au tour de la défense de procéder au contre-interrogatoire.

7 M. le Président. - Je l’avais compris, mais comme votre collègue

8 vou a annoncé je ne savais pas si vous vouliez compléter par des

9 questions. Je vois Me Nobilo se lever, c'est donc à lui d'intervenir.

10 Maître Nobilo, M. Donia va répondre à vos questions.

11 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

12 Messieurs les Juges, Monsieur Donia, nous allons revenir un peu en

13 arrière, au début de votre témoignage afin de faciliter le travail de nos

14 collègues et des Juges.

15 Revenons à la page 65 du compte rendu. Afin de gagner du temps,

16 je ne vais pas citer des passages, mais je vais vous donner un résumé.

17 Vous avez dit qu'entre 72 et 76, et plus tard entre 84 et 86, vous avez

18 fait vos recherches dans les archives de Bosnie-Herzegovine. Ce qui

19 m'intéresse, c'est la période située entre 74 et 75. Dans cette période,

20 quelles parties des archives avez-vous travaillé ? Qu’avez-vous trouvé ?

21 Qu'est-ce vous avez exactement fait avec les archives de Bosnie-

22 Herzegovine ?

23 M. Donia (interprétation). - J'ai reçu une bourse Fullbright en

24 1974 afin de consacrer l'année universitaire 74/75 à ces recherches. Le

25 sujet principal de mes recherche, à l'époque, portait sur les mouvements

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1 musulmans en faveur de l'autonomie culturelle et religieuse qui se sont

2 déroulés de 1899 à 1910. Ces recherches m'ont ouvert des collections

3 d'archives qui avaient été réalisées sous l'autorité austro-hongroise au

4 début du XXème siècle. A ce moment-là, j’ai aussi travaillé à la

5 Bibliothèque nationale de Sarajevo. J'ai également travaillé, mais

6 beaucoup moins longtemps, dans les archives de Belgrade, Zagreb, Budapest,

7 Vienne, Londres et Paris.

8 M. Nobilo (interprétation). - Ce qui m'intéresse surtout,

9 Monsieur Donia, bien sûr vous parlez anglais, c’est de savoir quelles sont

10 les autres langues que vous utilisez.

11 M. Donia (interprétation). - Ces recherches se sont

12 essentiellement effectuées en allemand.

13 M. le Président. - Vous vouliez intervenir, Monsieur le

14 Procureur ?

15 M. Kehoe (interprétation). - Cette question particulière n'a pas

16 été traduite, Monsieur le Président. Je n’ai pas entendu la traduction, je

17 m’en excuse.

18 M. le Président. - Il y a un problème de traduction, je me

19 tourne vers la cabine. Allez-y Maître Nobilo, reformulez votre question.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je vais répéter ma question. J'ai

21 demandé à M. Donia, à part sa langue maternelle, l'anglais, quelles autres

22 langues il parle.

23 M. Donia (interprétation). - L'allemand et la langue que l'on

24 appelait auparavant le serbo-croate, et qu'on appelle maintenant le serbe

25 ou le bosniaque selon le cas.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Ensuite Monsieur Donia, à la

2 page 67 du compte rendu, vous avez parlé de vos recherches conduites au

3 mois de novembre 74, lorsque vous vous êtes rendu à plusieurs reprise en

4 Bosnie et en Croatie. A cette époque, vous avez eu beaucoup de contacts

5 avec vos collègues. Vous avez eu plusieurs entretiens et conduit vos

6 recherches. Ce qui m'intéresse c'est de savoir avec quelles institutions,

7 avec quelles personnes vous étiez en contact. Qui avez-vous interviewé ?

8 Pouvez-vous nous préciser cela ?

9 M. Donia (interprétation). - La liste sera assez longue. Mais,

10 pour ce qui est des institutions avec lesquelles j'ai pris contact, j'ai

11 travaillé essentiellement avec l'Institut d'histoire de Sarajevo, la

12 faculté philosophique de l'université de Sarajevo et l'Académie des

13 sciences de la Bosnie-Herzégovine.

14 M. Nobilo (interprétation) - En ce qui concerne les interviews,

15 avez-vous interviewé les personnes qui avaient participé aux événements

16 -et ceci à partir de 1990 jusqu'en 1994 ou 1995- ou avez-vous interviewé

17 plutôt vos collègues, des scientifiques ?

18 M. Donia (interprétation) - Les deux. J'ai rencontré des

19 participants aux événements politiques survenus après 1990. J'ai rencontré

20 le maire de Tuzla, Stefan Kluic, et plusieurs dirigeants politiques, tant

21 à Tuzla qu’à Mostar, et ce, en vue d'articles que j'ai par la suite

22 publiés dans une revue qui s'appelle "Transition".

23 J'ai aussi commencé, mais sans le terminer, un projet qui

24 consistait à rencontrer les anciens maires de Sarajevo.

25 M. Nobilo (interprétation) - Lorsque vous dites Mostar,

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1 Monsieur Donia, pouvez-vous vous souvenir avec qui vous avez parlé à

2 Mostar ?

3 M. Donia (interprétation) - A Mostar, j’ai parlé au recteur et

4 au pro-recteur de l'université de Mostar Ouest. Il s'agit du professeur

5 Cordic, mais je ne me souviens pas du nom du pro-recteur. Cependant, cela

6 se trouve dans mon article.

7 J'ai parlé aussi brièvement au directeur de la Bibliothèque

8 nationale qui venait de s'ouvrir, encore une fois à Mostar Ouest, ainsi

9 qu’au recteur de l’université de Mostar Est, M. Sljepcevic.

10 M. Nobilo (interprétation) - Votre entreprise, celle dans

11 laquelle vous travaillez, est-elle liée d'une certaine manière avec le

12 gouvernement de Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Donia (interprétation) - Non, absolument pas.

14 Nobilo (interprétation) - Pendant l'interrogatoire, vous avez

15 dit que les tribus slaves du Sud arrivaient dans les Balkans. Vous avez

16 également dit que la Croatie actuelle et la Bosnie actuelle avaient été

17 habitées par les Slaves du Sud.

18 Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si ces tribus avaient un nom

19 quelconque. Connaît-on leur nom afin que l’on puisse mieux les cerner ? Je

20 parle donc des tribus des Slaves du Sud qui sont arrivées sur le

21 territoire de la Croatie et de la Bosnie actuelles.

22 M. Donia (interprétation) - Je pense que beaucoup d’entre nous

23 aimeraient connaître ces noms. Je ne peux que dire que les sources sont

24 très rares et en grande partie non fiables.

25 Le document le plus important sans doute que j'ai pu identifier

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1 comprenant des noms de tribus est un manuscrit de Constantin VII qui est

2 mort en 959. Dans ce manuscrit, Constantin VII nous donne deux noms, en

3 tout cas ceux des Croates et des Serbes en tant que tribus qui ont migré

4 depuis les régions que j'ai indiquées.

5 M. Nobilo (interprétation) - Ensuite, vous avez mentionné

6 Cyrille et Méthode, des missionnaires orthodoxes. Pourriez-vous nous

7 rappeler dans quelle période ils vivaient, en quelles années ils

8 travaillaient ?

9 M. Donia (interprétation) - La mission... On accole en général

10 la date de 863 à la mission. Je ne connais pas exactement les dates de

11 naissance et de décès des deux missionnaires, et je ne crois pas qu'aucun

12 scientifique puisse les donner de façon certaine. En tout cas, je ne les

13 ai pas, moi.

14 M. Nobilo (interprétation) - Je vous pose cette question parce

15 que je voudrais savoir comment vous pouvez soutenir votre thèse selon

16 laquelle ce sont des missionnaires orthodoxe alors que le schisme entre

17 l'Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe n'a eu lieu qu'en 1054 !

18 M. Donia (interprétation) - Je crois que vous faites une

19 remarque pertinente. A ce moment-là, l'Eglise était très certainement

20 divisée en deux parties, mais elle ne l'était pas officiellement. Des

21 missionnaires étaient envoyés depuis Constantinople et étaient à cette

22 branche orientale sur les plans religieux et culturel, mais le fait est

23 que l'Eglise à ce moment-là n'était pas officiellement divisée,

24 effectivement.

25 M. Nobilo (interprétation) - Vous avez également parlé de la

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1 période où la Bosnie est tombée sous la Couronne hongroise. Que pensez-

2 vous du "Pacta Conventa" de 1102 ? Connaissez-vous ce document ? Quel est

3 votre avis sur ce document, le "Pacta Conventa" ?

4 M. Donia (interprétation) - L’an 1102 est la date normalement

5 associée au Pacta Conventa. Ce document marque l'accord entre la noblesse

6 croate et la Couronne hongroise.

7 Ante Klaic, professeur et historien qui est mort à la fin des

8 années 80, indiquait que le Pacta Conventa était en réalité beaucoup plus

9 tardif, et pouvait donc avoir des caractéristiques plus propres à la fin

10 du XIIIème qu’au XIIème siècle.

11 Cela étant, ce document traite des événements du XIIème siècle à

12 partir de 1102. Et il y est dit que la noblesse ou les familles nobles de

13 Croatie se sont mises d'accord pour accepter et reconnaître l'autorité de

14 la Couronne hongroise. Par la suite, la Couronne hongroise, le Royaume de

15 Hongrie est devenu le Royaume de Hongrie et de Croatie. C'est ainsi qu'on

16 a dorénavant appelé ce royaume.

17 M. Nobilo (interprétation) - Pouvez-vous le définir ? Pouvez-

18 vous définir la Couronne hongroise de Saint-Etienne en tant que Royaume

19 des Hongrois et des Croates, ou était-ce uniquement un royaume hongrois ?

20 M. Donia (interprétation) - Je ne sais pas.

21 M. Nobilo (interprétation) - Vous avez dit que le titre de Ban a

22 été utilisé pour désigner un gouverneur chez les Slaves du Sud. Pourriez-

23 vous être un peu plus précis ? Chez quelles tribus et dans quelles régions

24 utilisait-on le titre de Ban ?

25 M. Donia (interprétation) - Non.

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1 M. Nobilo (interprétation) - Ma deuxième question : les Serbes

2 ou les Bulgares utilisaient-ils ce même titre de Ban ?

3 M. Donia (interprétation) - Je ne pense pas qu'ils le faisaient.

4 M. Nobilo (interprétation) - Merci. Vous savez peut-être qui

5 était le premier Ban de la Bosnie, le premier dont le nom figure dans les

6 écrits historiques ?

7 M. Donia (interprétation) - Comme je l’ai dit lors de ma

8 déposition, le Ban Kulin est le premier Ban, connu comme tel, le plus

9 important de ces premiers Ban.

10 M. Nobilo (interprétation) - Mais il n'est pas le premier.

11 Connaissez-vous le Ban Boric de 1154 ? C'était le premier Ban de Bosnie.

12 M. Donia (interprétation) - Je connais ce nom, mais que je

13 sache, ce n'est pas quelque chose qui est connu avec certitude. Ce n'est

14 peut-être pas le premier Ban.

15 M. Nobilo (interprétation) - Connaissez-vous le fondateur de la

16 dynastie Kotromanic ?

17 Monsieur Donia, est-ce que vous connaissez le fondateur de la

18 dynastie Kotromanic, le Ban de Prijezda ?

19 M. Donia (interprétation). - Non.

20 M. Nobilo (interprétation). - Merci.

21 Nous passons maintenant à la question des Bogomils. Je voudrais

22 savoir d'où vient ce terme, les Bogomils. Pourquoi l'Eglise bogomile est-

23 elle désignée par ce terme ?

24 M. Donia (interprétation). - Je n'ai pas décrit l'Eglise

25 bosniaque en utilisant le terme "bogomil". De fait, j'ai dit que les

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1 scientifiques étaient en désaccord sur ce point et, pour ma part, je

2 penche pour ne pas tenir compte des sources qui suggéreraient que l'Eglise

3 bosniaque est bogomile.

4 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. En fait, vous avez dit

5 que l'Eglise bosniaque se situe entre les catholiques et les orthodoxes.

6 Dans quel sens ? Qu'avez-vous voulu dire par cela ?

7 M. Donia (interprétation). - C'est une Eglise qui a été fondée

8 pour être indépendante de Rome. Et pourtant, ce n'est jamais devenu une

9 Eglise inféodée à la couronne dans l'Etat bosniaque. Divers scientifiques

10 la décrivent comme étant une Eglise qui avait des pratiques très simples,

11 dont certaines correspondaient au catholicisme habituel et dont d'autres

12 étaient différentes. Mais on en parle essentiellement comme d'une Eglise à

13 l'organisation essentiellement monastique.

14 Sans doute cette Eglise n'a-t-elle jamais eu d'influence très

15 grande sur la population, en tout cas d'après les sources très

16 fragmentaires dont nous disposons.

17 M. Nobilo (interprétation). - Mais pourriez-vous clarifier ce

18 sujet ? Vous avez dit que cette Eglise se situait entre le catholicisme et

19 l'Eglise orthodoxe. Quel était en fait le rapport de cette Eglise avec

20 l'Eglise orthodoxe ?

21 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Juge, si vous me le

22 permettez, s'il est fait référence ici au compte rendu, il serait

23 préférable de donner la référence de la page et de la ligne pour que le

24 témoin puisse retrouver ses propos, afin qu'il ait une référence à ce qui

25 a été dit lors de la déposition.

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1 M. le Président. - Pour l'instant, le témoin ne s'est pas plaint

2 de quoi que ce soit. Il me semble que le témoin a pu répondre, a pu

3 individualiser et qu'il saura dire quand il ne voit pas à quel moment il a

4 pu affirmer ceci ou cela, Monsieur le Procureur.

5 M. Kehoe (interprétation). - Je comprends, Monsieur le

6 Président. C'était plus de mon point de vue, pour que je puisse suivre

7 exactement dans le compte rendu les points sur lesquels le conseil de la

8 défense pose ses questions.

9 M. le Président. - Donc c'est une objection pour vous, Monsieur

10 le Procureur. Peut-être que Me Nobilo pourrait préciser davantage, s'il le

11 juge utile, pour faciliter la compréhension du débat.

12 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Il

13 s'agit de la page 85 du compte rendu, lignes 5 à 7. On parle dans ces

14 lignes plus exactement de l'Eglise bosniaque et de son rapport avec le

15 catholicisme et l'orthodoxie.

16 M. le Président. - Je vous demande une interruption, je voudrais

17 m'adresser à mes collègues.

18 (Les juges se consultent sur le siège.)

19 M. le Président. - Poursuivez, Maître Nobilo.

20 M. Nobilo (interprétation). - On parlait du rapport de l'Eglise

21 bosniaque avec l'orthodoxie. Pouvez-vous être plus précis là-dessus ?

22 M. Donia (interprétation). - Je suis désolé de ne pas disposer

23 d'un exemplaire du procès-verbal d'audience, ce serait utile, mais je

24 crois que vous faites référence à déclaration que j'ai faite selon

25 laquelle l'Eglise bosniaque se trouvait sur cette ligne de fracture entre

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1 l'Est et l'Ouest, entre le monde catholique et le monde byzantin. Est-ce

2 exact ?

3 M. Nobilo (interprétation). - C'est exact. Dans quel contexte

4 situez-vous l'Eglise bosniaque ?

5 M. Donia (interprétation). - Si je vous ai dit cela, c'était

6 pour indiquer que cette Eglise ne se trouve sous aucune de ces deux

7 influences à proprement parler, parce que ses pratiques sont encore assez

8 rudimentaires, pas tout à fait développées.

9 D'abord, j'ajouterai que les sources dont nous disposons sont

10 pratiquement toutes étrangères et qu'elles avaient intérêt à présenter

11 cette Eglise bosniaque comme étant tout à fait radicale parce qu'il y

12 aurait cette croyance en une hérésie dualiste très répandue en Bulgarie.

13 Il y a donc eu une adaptation de cette théorie pour apporter la preuve

14 qu'il y avait des organisations ecclésiastiques séparées qui précédaient

15 la conversion vers l'islam.

16 Pour ce qui est des preuves relatives à l'Eglise bosniaque,

17 quand je vous dis qu'elles sont fort contestées, je ne veux pas entendre

18 par là que c'est une espèce de salmigondis de pratiques orthodoxes ou

19 catholiques puisque nous ne savons pas exactement quelles étaient les

20 pratiques de cette Eglise bosniaque. Si j'y ai fait référence, c'est

21 uniquement pour dire qu'à titre général, vers l'Est, l'orthodoxie tend à

22 se développer alors que du côté de l'Ouest, pour ce qui est de l'Eglise

23 bosniaque, mais aussi, dans une certaine mesure, vers le Sud c'est le

24 catholicisme qui se développe.

25 M. Nobilo (interprétation). - J'ai compris, merci.

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1 Vous avez parlé de l'hérésie dualiste. Pensez-vous que l'Eglise

2 bosniaque avait les caractéristiques de cette hérésie dualiste ou

3 s'agissait-il de quelque chose de différent ?

4 M. Donia (interprétation). - Pour ma part, je ne retiens pas

5 cette notion d'hérésie dualiste. Je ne pense pas qu'elle l’ait été.

6 M. Nobilo (interprétation). - Merci. D'après vos connaissances,

7 pourriez-vous dire, à peu près, le pourcentage de la population je

8 comprends que vous ne puissiez l'indiquer exactement- qui faisait partie

9 de l'Eglise bosniaque au moment où les Turcs sont arrivés sur ce

10 territoire ? S'agissait-il d'une grande partie de la population ou d'une

11 partie peu importante ?

12 M. Donia (interprétation). - La question est difficile. Comment

13 y répondre en termes de pourcentages ?

14 Je pense qu'à l'époque, au moment où les Ottomans sont

15 considérés comme ayant conquis la Bosnie, l'Eglise était déjà en train de

16 péricliter en tant qu'institution. Elle n'avait vraiment de fiefs

17 d'allégeance que dans certaines parties, assez rares, du pays.

18 M. Nobilo (interprétation). - Merci. A plusieurs reprises, comme

19 par exemple à la page 110 du compte rendu, vous parlez de la théorie

20 bosniaque sur les racines bosniaques parmi les Bogomils. Pouvez-vous nous

21 dire si vous acceptez cette théorie et si vous estimez qu'elle est fondée

22 ou non ?

23 M. Donia (interprétation). - Nombreuses sont les versions de ces

24 théories. Je me limiterai, en guise de commentaire, à dire que l'existence

25 d'une hérésie dualiste, répandue en Bosnie avant l'invasion des Ottomans,

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1 n'est pas une théorie qui fait l’unanimité des scientifiques. Ce n'est pas

2 un avis accepté dans le monde entier.

3 M. Nobilo (interprétation). - Merci. A la page 113 du compte

4 rendu, vous parlez des Serbes orthodoxes qui sont arrivés dans les régions

5 de Croatie connues, comme la Krajina. Etant donné qu'au début de votre

6 exposé, vous n'avez pas pu donner les noms de ces tribus, pourquoi parlez-

7 vous de ces migrants en tant que Serbes ? Y a-t-il d'autres termes pour

8 désigner ces migrants à part le terme "Serbes orthodoxes" ?

9 M. Donia (interprétation). - J'entends une hypothèse dans votre

10 question. Vous avez cru comprendre que je ne pouvais pas fournir le nom de

11 certaines tribus, ce que je pourrais faire. Dans les migrations qui se

12 sont produites, quant à connaître l’ethnicité de ces groupes, c'est une

13 question fort contestée parce que les scientifiques sont divisés entre

14 ceux qui caractérisent ces tribus de Serbes et ceux qui considèrent

15 simplement que ce sont des Valaks.

16 M. Nobilo (interprétation). - Page 124 du compte rendu, vous

17 parlez de la notion moderne de la création de la nation. Vous avez dit que

18 la première phase était une communauté culturelle fondée sur une seule et

19 même langue. Savez-vous quelle langue était utilisée sur le territoire

20 actuel de la Bosnie ? Ensuite, que savez-vous sur les dialectes et les

21 patois ? Je parle ici des patois ikaviens, jekaviens et ijekavien et des

22 dialectes ca/sta/sto.

23 Peut-on, en analysant les patois et les dialectes, établir des

24 relations entre les différentes tribus et les nations sur le territoire de

25 la Bosnie ?

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1 M. Donia (interprétation). - J'entends trois questions dans ce

2 que vous venez de me demander. D'abord, vous me demandez le nom que porte

3 cette langue qu'on parlait en Bosnie. J'avoue que, si on ne situe pas ceci

4 dans le temps, il est difficile de vous répondre, sauf de façon

5 hypothétique. La deuxième question porte sur les dialectes, surtout pour

6 l’ikavien ou l’jekavien. Je vous avoue que n’étant pas linguiste moi-même,

7 je ne peux que vous donnez des hypothèses en guise de réponses.

8 La troisième question était de savoir si l’on peut glaner des

9 conclusions à ces informations. Certains scientifiques l'ont fait, mais je

10 n'en fais pas partie.

11 M. Nobilo (interprétation). - Je pourrais peut-être vous aider

12 en ce qui concerne la langue. Pendant l'empire ottoman, je parle de cette

13 période...

14 M. Kehoe (interprétation). - J'objecte quant à la forme de la

15 question. Je demanderai au conseil de poser des questions tout simplement,

16 plutôt que d’offrir des commentaires en préambule à la question qu'il

17 pose.

18 M. Nobilo (interprétation). - Si vous me le permettez, Monsieur

19 le Président, Monsieur Donia, l'expert, a dit qu'il ne pouvait pas

20 répondre à ma première question relative à la langue si je ne lui

21 indiquais pas plus précisément la période. C'est ce que je viens de faire.

22 J'ai dit qu'il s'agissait de la période ottomane.

23 M. Donia (interprétation). - Je crois que la meilleure façon de

24 répondre à cette question est de dire ceci. La langue la plus commune, en

25 Bosnie, pendant la période ottomane était le slave. Plusieurs personnes

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1 ont essayé de qualifier de façon plus concrète la nature de cette langue.

2 Ce que je ferai remarquer est que d'autres langues étaient parlées. On

3 parlait sans aucun doute le turc. C'était le fait de l'élite

4 administrative, surtout au fur et à mesure où l'administration ottomane

5 s'est établie. On parlait aussi espagnol, parmi les communautés sépharades

6 juives, mais je pense que la plupart des personnes parlait une langue

7 slave.

8 M. Nobilo (interprétation). - Merci. J'aimerais savoir à quel

9 moment les Bosniens ou les Musulmans, cela dépend du terme que vous voulez

10 choisir, ont exprimé leurs idées, leur désir de créer un Etat ? Je parle

11 ici de la création de la nation.

12 M. Donia (interprétation). - Vous posez deux questions

13 différentes, la première étant de savoir quand ils ont commencé à

14 concevoir le concept d'Etat. A ce propos, je dirai que des signes se

15 présentent d'un Etat séparatiste musulmano-bosnien au début du

16 XIXème siècle, mais pour ce qui est du mouvement nationaliste des

17 Musulmans et des Bosniens ou des Musulmans de Bosnie, cela apparaît assez

18 tard, vers les années 1960 du XXème siècle par rapport aux autres

19 mouvements nationalistes.

20 Quant à savoir quand les Musulmans de Bosnie sont devenus peu à

21 peu une entité différente, c'est une autre question qu'il faut retracer à

22 une époque antérieure au XIXème siècle, au moment de la domination par les

23 Ottomans.

24 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que le concept

25 d’Etat a fait surface pour la première fois au XIXème siècle. Pouvez-vous

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1 nous préciser un nom particulier, un groupe qui a fait des demandes dans

2 ce sens ? Pouvez-vous nous dire quelque chose de plus concret ?

3 M. Donia (interprétation). - Non.

4 M. Nobilo (interprétation). - A la page 127 du compte rendu,

5 vous parlez des délégués au Parlement de la Yougoslavie en 1920. Vous avez

6 dit que les Bosniens se sont déclarés essentiellement pour la plupart, en

7 tant que Croates. Savez-vous combien il y a eu de délégués et combien,

8 parmi eux, se sont déclarés en tant que Croates ?

9 M. Donia (interprétation). - Il m’est impossible de vous donner

10 des chiffres exacts. Il y avait environ quarante délégués. Pour ce qui est

11 des délégués musulmans qui se sont déclarés croates, cela devrait faire à

12 peine vingt, c'est-à-dire à peine la majorité. J'ai insisté en disant que

13 la notion d'identification de l’association à une nationalité de la part

14 de l’élite politique musulmane de Bosnie était un phénomène très limité,

15 circonscrit à un milieu d'intellectuels et à ceux qui participaient au

16 processus politique. Cela ne traduisait pas une adhésion populaire plus

17 grande. J'ai aussi insisté pour dire que ces identités faisaient l'objet

18 d’un certain nombre de fluctuations parce qu'elles étaient assez

19 éphémères.

20 Quant aux chiffres exacts, le livre de Atif Pulvatra intitulé

21 "Organisation des Musulmans en Yougoslavie" vous les précise. Des chiffres

22 précis y sont fournis, mais je ne les ai pas à portée de main.

23 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Vous avez dit quarante

24 délégués. Parlez-vous du Parlement ou de quarante délégués musulmans ? Je

25 ne vous ai pas bien compris.

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1 M. Donia (interprétation). - J'ai dit environ quarante et ce

2 serait le nombre de délégués musulmans de Bosnie dans l'Assemblée

3 constituante.

4 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Ensuite, nous arrivons au

5 royaume de Yougoslavie. Vous ne nous avez rien dit de plus précis sur les

6 relations entre les différentes nations, au sein du royaume yougoslave.

7 Pouvez-vous nous les décrire brièvement ?

8 M. Donia (interprétation). - De nouveau, c'est une question très

9 difficile que vous me posez là, parce que ce royaume a été constitué avec

10 la dynastie de Karadordevic, et l'appareil administratif et militaire dont

11 l'essentiel se trouvait sous le contrôle des Serbes. On peut donc dire

12 que, pendant toute l'existence de ce royaume, il y a eu une prédominance

13 serbe pour ce qui est de l'administration et des camps militaires. Ceci a

14 donné le ton pour ce qui allait se passer par la suite. La partie croate

15 de l'empire, même si on peut dire que les Croates étaient enthousiastes à

16 l'idée d'adhérer à ce royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes.

17 Beaucoup parmi eux trouvaient que ce n’était pas une solution idéale.

18 Certains attendaient un royaume de Slaves du Sud. C'était le cas des

19 Slovènes. Tout cela a évolué avec le temps, les sentiments aussi. Il est

20 particulièrement difficile de caractériser ces relations, si on reste à un

21 niveau très général. Concernant les dirigeants politiques, les Musulmans

22 de Bosnie étaient favorables à l'idée du royaume et à celle d'une

23 coalition. Puisqu'il y a eu coalition, les Musulmans ont partagé le

24 pouvoir. Mehmed Spaho, jusqu'à sa mort en 1939, a fait partie de nombreux

25 cabinets ministériels, pour ce qui est du Royaume yougoslave.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit bien sûr d'une période

2 longue. N’y a-t-il jamais eu, à aucun moment, dans le Royaume yougoslave

3 une équité nationale ?

4 M. Donia (interprétation). - Non, je ne le pense pas.

5 M. Nobilo (interprétation). - Des incidents, des violences, ont-

6 ils été liés aux rapports entre les différentes nations dans le Royaume

7 yougoslave ?

8 M. Donia (interprétation). - Je crois avoir dit lors de

9 l'interrogatoire principal que Stjepan Radic avait été tué au Parlement.

10 En 1928, il a été victime d'un attentat. Il est mort par la suite.

11 Beaucoup de manifestations, c'est certain, se sont déroulées tout au long

12 de l'histoire de ce Royaume. Cela s'est produit dans toutes les grandes

13 capitales, surtout Zagreb et Belgrade.

14 M. Nobilo (interprétation). - D'autres répressions ont-elles eu

15 pour résultat des morts, notamment les conflits qui ont eu lieu entre les

16 forces de l'armée royale et les membres des autres nations ? Pouvez-vous

17 nous en parler ?

18 M. Donia (interprétation). - Non.

19 M. Nobilo (interprétation). - Passons à la dictature de 1929,

20 appelée aussi la dictature du 6 janvier. Pourquoi le roi a-t-il introduit

21 cette dictature ?

22 M. le Président. - Le "non" de la réponse s'adressait à quelle

23 question très exactement ? Vous avez demandé s'il y avait eu répression

24 par l'armée royale. Vous m'entendez, Maître Nobilo ? Vous avez demandé au

25 témoin s'il y avait eu une répression par l'armée royale. Vous avez

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1 ajouté : "Pouvez-vous répondre ?". Le témoin a répondu : "non". Je ne sais

2 pas, personnellement, si le "non" de la réponse du témoin signifie : "Non,

3 il n'y a pas eu de répression" ou "Non, je ne sais pas répondre".

4 Monsieur Donia, c'était un "non" qui signifiait quoi exactement ? C'était

5 : "Non, je ne sais pas" ou "Non, il n'y a pas eu de répression" ?

6 M. Donia (interprétation). - Je voulais dire que je ne savais

7 pas sur quoi portait la question.

8 M. le Président. - Merci.

9 M. Nobilo (interprétation). - Nous sommes maintenant à la

10 page 134 du compte rendu. On y parle de la dictature du roi qui a commencé

11 le 6 janvier 1929. Pouvez-vous nous dire Monsieur Donia, les raisons pour

12 lesquelles cette dictature a été introduite ?

13 M. Donia (interprétation). - La maison royale en a conclu que le

14 système de confrontation parlementaire ouverte, entre les représentants

15 des différents partis était, en fait un chemin qui ne menait à rien, sinon

16 à la chûte. Le dictateur a entrepris des efforts pour éliminer les

17 conflits nationaux et mettre fin aux aspirations politiques qui se

18 manifestaient dans les programmes politiques. La dictature a interdit le

19 Parti communiste, ainsi que tous les partis ayant une identité nationale,

20 religieuse ou politique. La plupart des formations politiques, existant

21 dans le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, étaient

22 pratiquement bannies. La monarchie espérait manifestement éliminer cette

23 source d'agitation et d'instabilité qu'était le nationalisme.

24 M. Nobilo (interprétation). - Si je vous ai bien compris, le but

25 de la dictature était de sauver la Yougoslavie d'une décomposition. Est-ce

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1 que j’arrive à la bonne conclusion ?

2 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement, je le pense

3 aussi. Elle voulait aussi simplement sauvegarder la position de la famille

4 royale.

5 M. Nobilo (interprétation). - En ce qui concerne l'assassinat de

6 M. Radic, le leader politique croate, quelles étaient les circonstances de

7 cet assassinat ? Qui l’a assassiné ?

8 M. Donia (interprétation). - Il a été assassiné par un

9 ressortissant du Monténégro qu'on décrit, en général, comme un fou.

10 Manifestement, la motivation de cet homme était l’allégeance envers la

11 Serbie.

12 M. Nobilo (interprétation). - Connaissez-vous son sort ? Que lui

13 est-il arrivé ? A-t-il été jugé devant les tribunaux ?

14 M. Donia (interprétation). - Non, je ne sais pas.

15 M. Nobilo (interprétation). - Page 134 du compte rendu, vous

16 dites que M. Radic était une personne très controversée. Pouvez-vous

17 expliquer cela, s'il vous plaît ?

18 M. Donia (interprétation). - C'était un homme qui avait beaucoup

19 de charisme, un orateur qui savait susciter l'émotion des foules, tant

20 parmi ses rangs que parmi ceux qui le critiquaient. On l'a beaucoup

21 critiqué à cause de ses déplacements à l'étranger et de l'intérêt qu'il

22 manifestait envers les Soviets, les Russes. Il avait une tendance assez

23 marquée à passer pas mal de temps à l'étranger, hors du pays et à avoir

24 des contacts avec des étrangers.

25 M. Nobilo (interprétation). - Quels ont été les résultats des

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1 élections ? Quel était le pourcentage remporté par Radic, par exemple

2 juste avant sa mort ?

3 M. Donia (interprétation). - Je ne suis pas en mesure de vous

4 donner un chiffre précis. Le parti paysan croate, dont il était dirigeant

5 jusqu'à sa mort, a enregistré des succès considérables dans les régions à

6 population croate.

7 M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, nous en arrivons à la

8 Banovine de la Croatie. A votre avis, quelle était la raison de la

9 fondation de cette Banovie, si l’on se situe dans le contexte de la

10 création du Royaume yougoslave ? Pour quelles raisons fonder une telle

11 Banovine de Croatie ?

12 M. Donia (interprétation). - On peut invoquer plusieurs raisons

13 qui suscitèrent le début des négociations et l'adoption ultérieure du plan

14 pour les Banovines.

15 La situation internationale intervient, d’abord. Une pression

16 est exercée sur la Yougoslavie par l’Allemagne, pression sans cesse

17 croissante. La monarchie et ses partisans, les milieux qui la soutiennent,

18 tiennent à parvenir à un accord avec les dirigeants croates, ce qui

19 permettrait la survie et le maintien de l’indépendance de la Yougoslavie,

20 et préviendrait toute interférence, voire toute invasion des Allemands.

21 La question sans doute la plus urgente, c'était bien celle-là à

22 l'époque, même s'il y avait beaucoup d'autres raisons. La monarchie

23 voulait par exemple trouver un compromis politique durable pour le pays.

24 C'était important pour apaiser les controverses et les polémiques

25 nombreuses à l'intérieur du pays.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez donné deux raisons pour

2 le roi d’accepter la Banovine. Mais pourquoi les Croates avaient-ils

3 demandé la Banovine ? Quelle était leur raison principale ? Quelle était

4 leur motivation ?

5 M. Donia (interprétation). - Il y en a plusieurs. Il y avait

6 l'espoir de parvenir à un statut d'égalité avec les Serbes au sein du

7 Royaume de Yougoslavie, l'espoir d'obtenir une plus grande autonomie

8 territoriale s'agissant des zones dont ils estimaient qu'elles étaient

9 peuplées de Croates. Pour ce qui est des négociations en tant que telles,

10 on voit Vladko Matcheck, le dirigeant du Parti croate paysan, mener une

11 stratégie très nette. Il était le successeur de Radic et voulait gagner le

12 plus de territoires possible dans l'intérêt de la création de cette

13 Banovine croate. On a parlé d'un plébiscite éventuel permettant d'affecter

14 les différents territoires à telle ou telle entité, mais cela ne s'est

15 jamais produit parce qu'on a vraiment essayé d'oeuvrer en faveur d'un

16 compromis, d'un accord.

17 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Nous sommes maintenant à la

18 page 140 du compte rendu où vous dites que beaucoup de Croates, y compris

19 Fanjo Tudjman, le Président croate, n'ont jamais accepté les frontières

20 de 1945. Maintenant, nous pourrions nous orienter un plus plus vers

21 Fanjo Tudjman. Pouvez-vous dire à quel moment la Croatie a reconnu la

22 Bosnie-Herzegovine ? A-t-elle reconnu les frontières de Bosnie-

23 Herzegovine ?

24 M. Donia (interprétation). - J’aimerais faire remarquer que vous

25 semblez supposer que c'est moi qui ai dit cela. En fait, non, j'ai cité

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1 Lord David Owen qui a dit que Tudjman n'avait jamais accepté cela, comme

2 il le dit dans son livre "L'odyssée des Balkans".

3 Concernant votre seconde question, la Bosnie-Herzegovine a été

4 reconnue par la Croatie le 7 avril 1992.

5 M. Nobilo (interprétation). - Effectivement, c'était une

6 citation de Lord David Owen que j'ai par erreur indiquée comme la vôtre.

7 Pourriez-vous me dire à quel moment la Bosnie a été fondée en tant

8 qu'Etat ?

9 M. Donia (interprétation). - C'était le 6 avril 1992.

10 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais savoir maintenant si la

11 République fédérale de Yougoslavie, à savoir la Serbie et le Monténégro, a

12 reconnu la Bosnie-Herzégovine et ses frontières ?

13 M. Donia (interprétation). - Je ne suis pas sûr de la date. Ils

14 l'ont fait, mais je ne peux pas vous citer la date exacte.

15 M. Nobilo (interprétation). - L'année ?

16 M. Donia (interprétation). - Non, je ne peux pas non plus.

17 M. Nobilo (interprétation). - Merci. A votre avis, la question

18 nationale croate a-t-elle été résolue d'une meilleure manière au sein de

19 la Banovine croate ou au sein de la République socialiste fédérative de

20 Yougoslavie après 1945 ? Est-ce que la situation de la Croatie était

21 meilleure dans le Royaume yougoslave ou plus tard ?

22 M. Donia (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire

23 exactement. Mais, à terme, je ne pense pas qu'une solution satisfaisante

24 ait été obtenue quelle que soit la configuration politique. En tout cas,

25 tout le monde n'en était pas satisfait. Mais si l'on discute de la période

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1 socialiste il faudrait préciser les dates. Au moment de la guerre, il y

2 avait des relations plus favorables entre les nations, entre les

3 différents groupes ethniques.

4 M. Nobilo (interprétation). - Mais en général pouvez-vous nous

5 donner votre avis, donc jusqu'aux élections de 1990, si vous pouvez le

6 faire bien sûr ?

7 M. Donia (interprétation). - Vraiment, je ne peux pas vous

8 répondre. Il m'est très difficile de me prononcer sur ce point.

9 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Vous avez parlé de Matcheck

10 qui a succédé à Radic. Vous avez parlé aussi de ses contacts avec l'Italie

11 de Mussolini. Ce qui m'intéresse, c’est de savoir ce qui s’est passé avec

12 Matcheck après la conquête du Royaume de Yougoslavie par les Italiens les

13 Allemands.

14 M. Donia (interprétation). - Il a joué un rôle dans le coup

15 d'Etat du 27 mars 1941. Il a appuyé le nouveau régime pendant une brève

16 période, régime qui était anti-allemand, mais il s'est engagé en faveur de

17 la résistance aux Nazis. A cette époque, lorsque les Allemands ont envahi,

18 il a été envoyé dans son village pour un certain temps et il s'est

19 finalement retrouvé au camp de Jasenovac. Il est parti pour le Canada et

20 il est mort en 1964.

21 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Ensuite, vous avez déclaré

22 qu’Hitler et l’Allemagne n’étaient pas très contents avec la Yougoslavie

23 et qu'ils l’ont par la suite attaqué le 6 avril. Que s'est-il passé à

24 cette époque ? Que s’est-il passé avec Hitler ? Pourquoi les Allemands

25 ont-ils finalement attaqué la Yougoslavie ?

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1 M. Donia (interprétation). - Le 27 mars, un coup d'Etat a eu

2 lieu, mené par deux généraux de l'armée de l'air yougoslave. Il s'agissait

3 du général Dusan Simovic, notamment. Ce coup d'Etat a été lancé un peu

4 sous la pression populaire. Il a eu pour résultat que le prince Paul, le

5 régent, a fui le pays et que Pierre, le jeune roi de dix-sept ans, est

6 arrivé au pouvoir pour quelques jours seulement. En partie du fait que

7 l'opinion publique, de façon générale, était insatisfaite de l'adhésion de

8 la Yougoslavie au pacte tripartite, l'offensive a eu lieu et des

9 manifestations de masse à Belgrade ont montré qu'il y avait un soutien en

10 faveur de la résistance aux nazis. Hitler, par la suite, a dirigé

11 l'invasion de la Yougoslavie.

12 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous qui avait organisé ces

13 manifestations à Belgrade ?

14 M. Donia (interprétation). - Le parti communiste avait joué un

15 grand rôle là-dedans.

16 M. Nobilo (interprétation). - Concernant les services secrets

17 britanniques, avez-vous des renseignements sur leur éventuelle

18 participation à l'organisation de ces manifestations ?

19 M. Donia (interprétation). - Oui. Certes, différentes personnes

20 ont été rémunérées à cette fin. Il serait exagérer d'appeler cela un coup

21 monté par les Britanniques, car il y avait un soutien populaire très net

22 pour ce coup d'Etat. Mais il est vrai que les Britanniques ont joué un

23 rôle important dans ce processus.

24 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Par rapport à ceci, le

25 parti communiste a déclaré une révolte à l'encontre des Allemands. A quel

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1 moment l’a-t-il fait ? Je parle de la période après l'occupation.

2 M. Donia (interprétation). - Encore une fois, la question est

3 quelque peu controversée, mais la déclaration du parti communiste

4 yougoslave contre l'invasion allemande est tombée, je pense, le

5 21 juin 1941.

6 M. Nobilo (interprétation). - Merci. C'est exact. Ma question

7 suivante : lorsque les Allemands et les Italiens ont attaqué la

8 Yougoslavie, ont-ils rencontré une résistance armée sérieuse ?

9 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement. Comme nous le

10 savons, cette résistance s'est poursuivie tout au long de la guerre. Au

11 départ, cette résistance était organisée par le colonel Mihajlovic et le

12 mouvement est connu sous le nom de chetnik, mouvement monarchiste qui

13 était appuyé par le gouvernement en exil à Londres. Dans le même temps, le

14 mouvement des partisans, dirigé par Tito, a pris de l'ampleur et il est

15 finalement devenu un problème beaucoup plus sérieux pour l'envahisseur.

16 M. Nobilo (interprétation). - Excusez-moi, ma question n'était

17 peut-être pas très claire. J'essaie de savoir ce qui s'est passé au moment

18 de l'attaque sur la Yougoslavie par les forces italiennes et allemandes.

19 L'Armée royale yougoslave a-t-elle opposé une résistance importante au

20 moment de la conquête de la Yougoslavie ?

21 M. Donia (interprétation). - Non.

22 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous donner votre

23 analyse de cette situation ? Pourquoi un Etat s'est-il rendu sans livrer

24 bataille ?

25 M. Donia (interprétation). - Je pense qu'il y a de nombreuses

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1 raisons à cela. Je ne voudrais pas entériner l’une ou l'autre théorie se

2 fondant sur un groupe ou une nationalité pour ce faire. Le fait est que

3 l'armée royale n'a pas opposé une grande résistance, mais cette résistance

4 a pris une grande ampleur plus tard. Elle a reçu un soutien populaire très

5 grand et a eu un impact très fort sur le cours des événements.

6 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous d'accord qu'en fait il y

7 a eu une décomposition de cette armée ou alors, d’une certaine manière,

8 que cette armée s'est retirée, je parle ici de l'armée du roi tout

9 entière ?

10 M. Donia (interprétation). - Je pense que la vérité est un peu

11 entre les deux. Il n'y a pas eu de résistance organisée au départ par

12 l'armée royale. Cela me semble avéré. Cette armée a été rapidement

13 dispersée. Cela n'a pas été le moment le plus glorieux de l'histoire de

14 l'armée royale yougoslave. C'est un fait.

15 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous quelle était la raison

16 principale de ce manque de résistance de l'armée ?

17 M. Donia (interprétation). - Comme je l’ai dit, je pense qu'il y

18 a plusieurs raisons à cela. L'armée n'était pas prête à faire face au

19 défi qui lui était opposé. C'était vrai aussi dans d'autres parties de

20 l'Europe orientale. L'armée n'était ni organisée ni prête pour un

21 mouvement de résistance.

22 M. Nobilo (interprétation). - Ensuite, à la page 143, vous avez

23 dit que les Oustachis, dans le Royaume yougoslave, devenaient un facteur

24 de plus en plus important, ou quelque chose dans ce sens. Pouvez-vous nous

25 préciser la force et l'importance des Oustachis au sein du Royaume

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1 yougoslave avant l'arrivée des Allemands ? Quels étaient leur nombre et la

2 force de leur organisation ?

3 M. Donia (interprétation). - Je n'ai pas le compte rendu sous

4 les yeux et je ne sais pas quels mots précis j'ai prononcés. Mais j'ai dit

5 que cela avait été une force déstabilisante.

6 M. Nobilo (interprétation). - C'est exact. Donc c'était une

7 force de déstabilisation en Yougoslavie et, dans la phrase précédente,

8 vous dites : "La présence de plus en plus importante des Oustachis était

9 un facteur, etc."

10 M. Donia (interprétation). - En 1934, les Oustachis ont eu un

11 appui très grand de l'Italie et après l'assassinat du roi Alexandre, ils

12 ont été essentiellement confinés à une île au large de l'Italie. Je crois

13 qu'ils n'ont pas joué un rôle très grand en tant que mouvements terroriste

14 ou force militaire. Mais c'était une menace potentielle pour la monarchie

15 et la stabilité du régime. Cela étant, je pense qu'on peut dire que,

16 parlant de leur présence de plus en plus grande, j'ai probablement donné

17 une idée erronée de leur force numérique au sein de la Yougoslavie.

18 M. Nobilo (interprétation). - Vous savez peut-être quel était le

19 nombre des Oustachis en 1941 en Italie, au moment de leur arrivée en

20 Croatie ? Combien étaient-ils à venir de l'Italie ?

21 M. Donia (interprétation). - Non, je ne connais pas ce nombre,

22 mais on pourrait parler de centaines.

23 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Je me réfère à la page 145.

24 Après l'arrivée des Oustachis au pouvoir, vous parlez du soutien qui leur

25 est donné et de leur popularité. Qu'est-ce que cela signifie pour vous ?

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1 Qu'avez-vous voulu dire par cela ?

2 M. Donia (interprétation). - Au départ, aux tout premiers jours

3 de la création de l'Etat indépendant de Croatie, il y avait un sentiment

4 général, parmi la population croate, que c'était la première fois qu'un

5 Etat indépendant croate était fondé. Il n'y a pas eu de sondages d'opinion

6 à l'époque, en tout cas, je n'en ai pas connaissance. Sur toute cette

7 période, nous n'avons aucun chiffre qui puisse nous dire ce qu'il en

8 était, mais des analyses, des commentaires et des articles de presse font

9 apparaître qu'il y a eu un bref moment d'enthousiasme et d'appui à l'idée

10 d'un Etat croate indépendant.

11 Cet appui n'a pas duré très longtemps. Tout d'abord, l'Accord de

12 Rome, signé en mai 1941, a énormément discrédité le régime oustachi car,

13 dans cet accord, une grande partie de la côte dalmate était donnée à

14 l'Italie, or la Damaltie est le foyer historique du Royaume de Croatie.

15 Par conséquent, cette cession est apparue, aux yeux de la population,

16 comme étant une indication de l'inféodation des Oustachis aux puissances

17 de l'Axe. Cela explique l'impopularité des méthodes oustachies au sein

18 d'une grande partie de la population croate.

19 M. Nobilo (interprétation). - Il est clair qu'il n'y a pas eu de

20 sondages à cette époque. Mais pouvez-vous nous dire quelle était la

21 popularité du mouvement oustachi et de celui des partisans en Croatie, en

22 vous basant sur le nombre des unités et des partisans, si l'on prend en

23 compte 1942, 1943, 1944 et 1945. Pouvez-vous en tirer certaines

24 conclusions et nous dire quel était le degré de popularité des Oustachis

25 ou des partisans parmi la population croate ?

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1 M. Donia (interprétation). - Les partisans ont gagné. C'est une

2 chose, et ils l'ont fait, comme je l'ai déjà dit, en mettant en place une

3 politique qui insistait sur l'égalité entre les nations et qui consistait

4 aussi à résister aux puissances occupantes. De toute évidence, dès 1941 et

5 jusqu'en 1945, même si ce n'est peut-être pas de façon continue, il y a eu

6 un déclin de la popularité des Oustachis et, au contraire, un

7 accroissement de la popularité des partisans en Croatie et en Bosnie-

8 Herzégovine.

9 M. Nobilo (interprétation). - Si l'on fait une analyse du

10 mouvement partisan en Bosnie-Herzégovine et en Croatie par rapport à la

11 force des partisans dans d'autres parties de la Yougoslavie, pourrait-on

12 en tirer certaines conclusions ou faire certaines comparaisons ?

13 M. Donia (interprétation). - Les partisans étaient puissants en

14 Bosnie et en Croatie. Une grande partie des combats qui ont eu lieu entre

15 les partisans et les occupants allemands se sont déroulés en Bosnie, et la

16 participation des Croates, parmi toutes les nationalités, dans le

17 mouvement des partisans en Bosnie était très forte, sans doute plus forte

18 que dans d'autres parties de la Yougoslavie, en termes de chiffres. Mais

19 il faut souligner que c'est un mouvement qui avait suscité une large

20 participation et un grand appui de la part de toutes les nationalités.

21 M. Nobilo (interprétation). - Merci. A ce propos, j'ai une

22 petite question à poser. Je ne comprends peut-être pas suffisamment bien

23 la langue anglaise, mais à la page 145, vous parlez des brutalités

24 commises par les Oustachis, après quoi vous parlez de Fanjo Tudjman.

25 Pouvez-vous me dire à quel mouvement appartenait l'actuel Président de la

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1 Croatie ?

2 M. Donia (interprétation). - Il était partisan pendant la

3 guerre, donc résistant.

4 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie.

5 Ensuite, en parlant de M. Fanjo Tudjman, vous avez dit qu'il

6 avait donné un nombre de victimes de la deuxième Guerre mondiale et que le

7 nombre donné par Fanjo Tudjman était inférieur à celui donné précédemment.

8 Qu'est-ce que cela veut dire ? A-t-il donné des chiffres qui sont corrects

9 par rapport à ceux qui avaient été donnés précédemment ?

10 M. Donia (interprétation). - Il y a eu de nombreuses tentatives

11 pour parvenir à un chiffre suffisamment précis des victimes de la guerre,

12 tant pour ce qui est des victimes du camp de Jacenovac ou des camps

13 oustachis que pour ce qui est du total des victimes de la guerre en

14 Yougoslavie.

15 Des chiffres ont été avancés, fondés sur des hypothèses et sur

16 des témoignages oculaires, mais d'autres chiffres ont été calculés sur la

17 base des recensements. L'un de ces chiffres a été établi par le

18 professeur Zerjavic et il est sans doute, bien que je ne l'ai pas sous la

19 main, plus proche de la vérité que les chiffres souvent avancés du côté

20 serbe pour ce qui est des pertes en vies humaines pendant la guerre.

21 Ma propre conclusion est que je suis assez proche de Zerjavic et

22 d'un autre historien qui s'appelle Kocevic. Ce sont des chiffres très

23 proches de ceux avancés par M. Tudjman. Cela dit, mes vues sur la question

24 ont quelque peu évolué au cours des dernières années et je suis plutôt

25 favorable aux études plus scientifiques et précises qui ont été accomplies

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1 dernièrement. Cela permet d'établir le nombre de personnes tuées dans les

2 camps de la mort à environ 125 000 et le nombre de victimes civiles à un

3 peu moins de 100 000, le nombre total des victimes de la guerre étant d'un

4 peu plus d'un million.

5 Je souligne cependant qu'il est important, d'un point de vue

6 historique, de disposer de chiffres précis. Ces chiffres émergent des

7 recherches menées depuis quatre ou cinq ans.

8 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Revenons à ce qui a été dit

9 aujourd'hui, à savoir que les Chetniks et les partisans constituaient les

10 deux mouvements de résistance à l'encontre des nazis. Pouvez-vous me dire

11 quelle était cette bataille livrée par les Chetniks à l'encontre des

12 nazis, des Italiens ou des Allemands ?

13 M. Donia (interprétation). - Je suis désolé; je ne peux pas.

14 M. Nobilo (interprétation). - Je ne vous ai pas compris.

15 M. Donia (interprétation). - Je ne peux pas vous donner de nom

16 de bataille.

17 M. Nobilo (interprétation). - Mais savez-vous s'ils ont livré

18 des batailles, s'ils se sont battus contre les Italiens et les Allemands ?

19 M. Donia (interprétation). - En novembre 1991, le mouvement des

20 Chetniks ne faisait plus partie du mouvement de résistance. Il a même

21 conclu de nombreux accords avec les puissances occupantes et essayé de

22 préparer des accords avec les résistants. Vous semblez dire que les

23 Chetniks n'ont jamais vraiment résisté. Je crois qu'ils en ont eu

24 l'intention au début de la guerre mais qu'à la fin de 1941, ils en avaient

25 perdu la volonté. La résistance à l'occupant a été le fait, à partir de

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1 cette date, du mouvement des partisans, de façon presque exclusive.

2 M. Nobilo (interprétation). - Je suis d'accord, mais pourquoi

3 avez-vous dit la dernière fois qu'il y avait deux mouvements de résistance

4 si le mouvement des Chetniks n'était pas un mouvement de résistance ?

5 M. Donia (interprétation). - Cela a commencé de cette manière.

6 M. Nobilo (interprétation). - Nous passons maintenant aux

7 pages 148 et 149, où vous parlez des Allemands qui ont organisé une unité

8 musulmane. A ce propos, je vous pose la question suivante : les Musulmans

9 de cette époque, en Bosnie, ont-ils participé à des unités oustachies

10 régulières, en dehors de cette unité organisée par les Allemands ?

11 M. Donia (interprétation). - Je ne sais pas. J'imagine que cela

12 a eu lieu, oui.

13 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous savez si les

14 Musulmans occupaient des postes importants au sein de la Croatie

15 indépendante de M. Pavelic ?

16 M. Donia (interprétation). - Oui. C'est un Musulman qui a été

17 désigné comme vice-Premier ministre ou deuxième Premier ministre. Il a été

18 désigné à un haut poste dans l'Etat indépendant de Croatie, et il y avait

19 également des Musulmans à d'autres postes importants.

20 M. Nobilo (interprétation). - C'est exact. Connaissez-vous

21 Osman Kulenovic, Dzaferbeg Kulenovic et Ademaga Masic ?

22 M. Donia (interprétation). - Je connais les deux premiers. Ils

23 avaient des postes au sein du gouvernement de Pavelic.

24 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie. Avec l'arrivée

25 des Oustachis au pouvoir, qui était le Président de l'Organisation

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1 musulmane yougoslave ? Le savez-vous ?

2 M. Donia (interprétation). - Non.

3 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé également des

4 violences interethniques depuis 1941 jusqu'à la fin de la guerre. Je

5 voudrais donc savoir si, à partir de l'arrivée au pouvoir de Tito, vous

6 avez des indications de violences interethniques d'une envergure

7 importante.

8 M. Donia (interprétation). - Il y a eu de la violence, mais je

9 n'appelle pas cela "violences interethniques", dans la mesure où un groupe

10 ethnique aurait tenté d'exterminer un autre groupe ethnique ou de se

11 venger de celui-ci. Mais il faut prendre note des événements de mai 1945,

12 lorsque différentes forces, dont des Slovènes, des Croates et même des

13 partisans et quelques Serbes, ont essayé de fuir devant l'avancée des

14 partisans et de se réfugier en Autriche. C'est ce qu'on a appelé le

15 "Massacre de Bleiburg". En gros, ces gens ont été renvoyés par les

16 Britanniques dans les bras des partisans et bon nombre d'entre eux ont été

17 exécutés.

18 Je crois qu'on parle en général de 20 000 personnes exécutées à

19 Bleiburg. C'est donc un nombre assez important. Ce massacre est un acte

20 politique. Encore une fois, je ne veux pas le minimiser, mais ce n'était

21 pas à proprement parler un massacre à motivation ethnique ou nationaliste.

22 M. Nobilo (interprétation). - Vous dites qu'il y a eu

23 20 000 morts à Bleiburg. Pour la plupart, sur le nombre de victimes,

24 combien étaient croates ?

25 M. Donia (interprétation). - Je n'en suis pas sûr, mais beaucoup

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1 d'entre elles étaient croates. Certaines étaient slovènes. Mais la

2 majorité des personnes exécutées étaient sans doute croates.

3 M. Nobilo (interprétation). - Quelle unité a fait cela à

4 Bleiburg ? D'où venait cette unité ? Le savez-vous ?

5 M. Donia (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

6 M. Nobilo (interprétation). - Nous arrivons maintenant à la

7 Yougoslavie de Tito. Vous avez dit que la Yougoslavie de Tito était

8 centralisée.

9 M. le Président. - Nous pourrions peut-être procéder à la pause,

10 après quoi vous pourriez reprendre à 11 h 45.

11

12 La séance, suspendue à 10 h 30, est reprise à 11 h 45.

13

14 M. le Président (interprétation). - L’audience est reprise.

15 Faites entrer l’accusé.

16 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

17 M. le Président. - Maître Nobilo ?...

18 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

19 Monsieur Donia, nous avons donc commencé à parler de la Yougoslavie de

20 Tito. Pendant l'interrogatoire principal, vous avez dit que la Yougoslavie

21 était centralisée pour la plus grande partie pendant le règne de

22 Yocebroc Tito. Est-ce exact ?

23 M. Donia (interprétation). - En fait, au début c'était un Etat

24 centralisé, inspiré du modèle de la Constitution soviétique de 1936 qui

25 s'engageait en faveur d'une administration centralisée. L’Etat est resté

Page 633

1 centralisé jusqu'au début des années 50. Mais des premières amorces de

2 décentralisation ou d'un contrôle moins rigoureux du centre se sont fait

3 sentir après la division avec Staline.

4 M. Nobilo (interprétation). - Jusqu'à quelle année la

5 Yougoslavie est-elle restée décentralisée. Pourrait-on le dire ?

6 M. Donia (interprétation). - Je ne pense pas qu'on puisse situer

7 un point spécifique sur la ligne du temps. C'est une évolution progressive

8 vers la décentralisation qui a été institutionnalisée par la Constitution

9 de 974. Des efforts multiples ont été entrepris en vue de la

10 recentralisation. Certains efforts de décentralisation ont été fructueux

11 et d'autres pas. On peut situer ce processus de décentralisation du début

12 des années 50 jusqu'au milieu des années 70.

13 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que la Constitution

14 de 74 a institutionnalisé la décentralisation, c'est exact. Je vous prie

15 de nous dire quelque chose sur l'influence du Parti communiste en ce qui

16 concerne la centralisation, c'est-à-dire la décentralisation. Pouvez-vous

17 nous dire quelque chose sur l'organisation du Parlement communiste et sur

18 son influence sûr les organes dirigeants ?

19 M. le Président. - Maître Nobilo, posez des questions précises

20 et claires. Pas trop de questions multiples et à tiroirs, comme on dit.

21 Merci.

22 M. Nobilo (interprétation). - C'est un sujet un peu compliqué.

23 Donc indépendamment de la Constitution, que le régime soit centralisé ou

24 décentralisé, pouvez-vous nous dire comment le Parti communiste a

25 influencé les prises de décision ? Est-ce que les décisions étaient prises

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1 au niveau des Républiques ou au niveau d'un organe central ?

2 M. Donia (interprétation). - J'aimerais faire la distinction

3 entre la centralisation et la décentralisation d'un côté, l’Etat

4 monopartite face au pluralisme de l'autre. La Yougoslavie a débuté en tant

5 qu'Etat d'un seul parti, Etat centralisé. Au début des années 50 s’engage

6 un processus progressif mais inégal de décentralisation. On n'a toujours

7 qu'un seul parti en Yougoslavie, pratiquement jusqu'à la fin. Mais on

8 comprend bien que ce parti s'est fragmenté suivant des lignes de fracture

9 républicaines, même dans les années 60. Cela veut dire que le parti reste

10 entier, unique, alors que des composantes républicaines défendant des

11 intérêts très spécifiques se font jour au fur et à mesure du processus de

12 décentralisation. Mais je ne veux pas laisser entendre que le pluralisme

13 politique, en tant que système pluripartie, s'est présenté en Yougoslavie

14 avant la fin des années 80, et même avant 1990.

15 M. Nobilo (interprétation). - Essayons de faire cela d'une autre

16 manière. L’armée yougoslave, la JNA a-t-elle été centralisée ou

17 décentralisée en tant qu'institution jusqu'en 1990 ?

18 M. Donia (interprétation). - La JNA était une institution, un

19 organe centralisé. Jusqu'alors, les dirigeants de l'armée veillaient à la

20 préservation de l'Etat yougoslave.

21 M. Nobilo (interprétation). - Pendant le socialisme d'Etat, et

22 ce essentiellement pendant le régime de Tito, qui était responsable des

23 finances ? Est-ce que c'étaient les Républiques ou est-ce que c'était au

24 niveau fédéral ?

25 M. Donia (interprétation). - Pour l'essentiel, les finances

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1 étaient sous le contrôle des autorités fédérales, à savoir les personnes

2 qui étaient des hauts dignitaires du parti.

3 M. Nobilo (interprétation). - Pendant cette phase étatique du

4 socialiste, c'est-à-dire avant l'époque de l'autogestion, les entreprises

5 d'import-export étaient-elles sous contrôle des autorités fédérales ou des

6 autorités de chacune des Républiques ?

7 M. Donia (interprétation). - Pourriez-vous me préciser la

8 période à laquelle vous pensez quand vous parlez du socialisme d'Etat ?

9 M. Nobilo (interprétation). - Je parle de la période qui précède

10 l'introduction du système autogestionnaire. Je crois que nous pouvons

11 diviser l'histoire de la Yougoslavie titiste entre le socialisme d'Etat et

12 le socialisme autogestionnaire. Donc je parle de cette période du

13 socialisme d'Etat. Il y a eu des entreprises d'exportation et

14 d'importation. Savez-vous qui était à la tête de ces entreprises ?

15 M. Donia (interprétation). - Là aussi, j'aimerais que vous me

16 situiez une année parce que l'autogestion est un concept qui a été

17 introduit en 1949. Je peux vous donner une réponse pour ce qui est de la

18 période 45 à 49.

19 M. Nobilo (interprétation). - Je ne suis pas d'accord pour dire

20 que l'autogestion a été introduite à ce moment-là. Parlons plutôt des

21 années 60 ou de l'année 65.

22 M. Kehoe (interprétation). - Objection. Que Maître Nobilo soit

23 d'accord ou non avec la réponse du témoin n'a rien à voir.

24 M. le Président. - L'objection est accordée, Maître Nobilo.

25 M. Nobilo (interprétation). - D'accord, merci.

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1 Donc disons dans les années 60, entre 45 et 65, qui était à la

2 tête des entreprises d'import-export ?

3 M. Donia (interprétation). - Le gouvernement fédéral.

4 M. Nobilo (interprétation). - Pendant cette même période, qui

5 dirigeait la banque fédérale ?

6 M. Donia (interprétation). - C'était le gouvernement fédéral qui

7 contrôlait les banques.

8 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire exactement

9 s'il y a eu une égalité économique en Yougoslavie ? Je parle ici de la

10 période qui va jusqu'à la Constitution de 1974 et de celle qui suit la

11 Constitution de 1974. Y avait-il égalité entre les Républiques sur le plan

12 économique ?

13 M. Donia (interprétation). - Vous voulez dire jusqu'en 74 ?

14 M. Nobilo (interprétation). - Oui.

15 M. Donia (interprétation). - Je pense que même les spécialistes

16 de l'économie se disputeraient au café du commerce à propos de ces

17 questions. En général, on estime que du côté des supporters de la Croatie

18 et de la Slovénie, ces fonds étaient plutôt disproportionnés et qu'il y

19 avait des République lésées. C'est sans aucun doute le cas quand on pense

20 aux objectifs de développement que poursuivait la République.

21 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous donner votre avis

22 sur la Yougoslavie socialiste ? Y a-t-il eu égalité nationale ou y a-t-il

23 eu domination d'une nation sur les autres ?

24 M. Donia (interprétation). - C'est une question qui appelle une

25 réponse par oui ou par non, ce qui ne me plaît pas beaucoup, parce que la

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1 République fédérale ou fédérative était engagée en faveur de l'égalité

2 entre les nations, entre les différentes nationalités. Elle a mis en

3 oeuvre des mesures tout à fait radicales visant à traduire cela dans les

4 faits. Certaines de ces mesures ont été vraiment très porteuses, et

5 d'autres pas.

6 Cela veut dire que, dans les années 70, il y a eu une

7 frustration certaine dans certaines Républiques, les ressources fédérales

8 étant, à leur avis, mal affectées. Toutefois, en principe, cela se

9 manifeste par République plutôt que par nationalité ou par groupe

10 ethnique.

11 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle était

12 la nationalité qui dominait dans les autorités fédérales, y compris dans

13 l'armée fédérale ?

14 M. Donia (interprétation). - Je l'ai déjà dit, il m'est

15 impossible de répondre à cette question par un simple oui ou non. Je ne

16 peux pas simplement vous citer une nationalité. Je n'accepte pas les

17 prémisses de votre question, à savoir qu'il y ait eu une domination d'une

18 nationalité dans les institutions fédérales pendant cette période.

19 M. le Président. - Parlez-vous de nationalités ou de

20 Républiques, dans votre dernière question, Maître Nobilo ? La question,

21 pour moi, selon la traduction, est : "Quelle était la nationalité

22 dominante ?" Voulez-vous dire la République dominante ou y avait-il une

23 nationalité dominante ?

24 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. En ce

25 moment, je parle des nationalités. Est-ce qu'une nationalité, est-ce

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1 qu'une nation, dominait dans les autorités fédérales ? Peu importe de

2 quelle République venait cette nationalité.

3 M. Donia (interprétation). - Je ne suis pas d'accord avec cette

4 prémisse selon laquelle il y aurait eu une nationale dominante pendant

5 toute cette période du socialisme d'Etat.

6 M. Nobilo (interprétation). - A titre de conclusion, la

7 République socialiste fédérative de Yougoslavie était-elle une République

8 démocratique, un Etat démocratique ?

9 M. Donia (interprétation). - Vous savez que ce terme est chargé

10 et lourd de sens. Il est difficile de vous donner une appréciation pour

11 toute cette période. Je pense que la République fédérative s'est

12 démocratisée au fil du temps. Dans cette mesure, la participation aux

13 organes du parti était meilleure. Les conflits intérieurs au parti ont été

14 portés à l'extérieur et plus ouverts au fil du temps.

15 Donc si, dans la démocratie, on parle d'un mouvement progressif,

16 on peut effectivement dire qu'il y a eu une évolution vers une société

17 plus démocratique. Mais, il n'en reste pas moins que c'est resté un parti

18 d’Etat, un Etat à un seul parti, pendant toute la période du socialisme

19 d'Etat. Les organes centraux ne toléraient pas la sécession ni les

20 mouvements pluralistes. Pour moi, cela fait intrinsèquement partie de ce

21 que j'appelle la démocratie. Il faudrait donc que je nuance ma réponse et

22 que je vous dise qu'il y a eu une tendance progressive à une plus grande

23 démocratisation tout au long de cette période de la Yougoslavie

24 socialiste, mais que ce n'est jamais devenu un Etat parfaitement

25 démocratique.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quelque

2 chose sur le respect des Droits de l'Homme par rapport, bien sûr, à la

3 République socialiste fédérative de Yougoslavie ?

4 M. Donia (interprétation). - Il y a eu des moments meilleurs que

5 d'autres, mais lorsqu'on parle de Droits de l'Homme, là aussi les

6 acceptions sont diverses. Indubitablement, les droits de la personne

7 étaient violés de temps à autres, parfois très fréquemment. C'était le

8 fait de la police secrète yougoslave. Il y a eu beaucoup d'épisodes et

9 d'incidents. L'environnement en matière de droits de l'homme était

10 meilleur, c'est certain, que dans d'autres pays socialistes du bloc

11 soviétique. En termes relatifs, on peut dire qu'effectivement il y a eu

12 des violations des Droits de l'Homme qu'on ne peut pas négliger. Mais on

13 peut dire, de façon générale, que l'environnement était beaucoup plus

14 libéral que ce qu'on rencontré dans beaucoup d'autres pays d'Europe de

15 l'Est.

16 M. Nobilo (interprétation). - Plus concrètement, est-ce qu'on

17 poursuivait en justice ceux qui exprimaient leurs opinions politiques et

18 qui n'étaient pas forcément en accord avec le régime en vigueur ?

19 M. Donia (interprétation). - Maître, je me suis trouvé à

20 plusieurs reprises dans le pays dans les années 60 et 70. Les gens

21 donnaient ouvertement leur avis politique. A mon avis, ils n'ont pas été

22 poursuivis ni persécutés pour ce fait. Certes, des cas se sont produits

23 pour des personnes ayant des activités politiques et qui menaient des

24 actions pour soutenir leurs idées.

25 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. Maintenant, nous pouvons

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1 passer à la page 154 du compte rendu. Vous parlez des motifs qui ont mené

2 vers la décentralisation sous le régime de M. Tito. Il préparait, en fait,

3 sa succession. Vous avez dit qu'il n'était pas dans son intérêt que lui

4 succède un homme fort. Pourriez-vous nous clarifier un petit peu les

5 motivations du Président Tito lorsqu'il a apporté des amendements à la

6 Constitution en 74 ?

7 M. Donia (interprétation). - Vous venez de mettre le doigt sur

8 la motivation première, primordiale : peut-être une certaine paranoïa de

9 la part de Tito, lequel croyait que pour successeur il aurait un homme

10 fort, menant des politiques contraires à sa politique. Il espérait

11 manifestement que l'élément de décentralisation, repris dans la

12 Constitution, permettrait à tous les opposants politiques en Yougoslavie

13 d'avoir plus de liberté dans leurs activités politiques, mais aussi un

14 développement économique, évidemment sous l'égide de la structure

15 fédérative.

16 Tito pensait que ce système décentralisé allait fonctionner

17 d'une façon ou d'une autre. Cela a d'ailleurs été le cas pendant un

18 certain temps après sa mort. Mais des éléments de déstabilisation qui

19 étaient dans ce système sont apparu dès 74.

20 M. Nobilo (interprétation). - Donc le motif principal était une

21 jalousie personnelle de la part de Tito, ou plutôt son désir de sauver la

22 Yougoslavie ?

23 M. Donia (interprétation). - On ne peut pas, bien sûr, éliminer

24 la composante personnelle de la politique qu'il menait. Il s'était adressé

25 à beaucoup de personnes dont il espérait qu'elles pourraient lui succéder.

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1 Il était déçu par l’attrait que ces personnes avaient pour le pouvoir. On

2 ne peut pas faire fi de son expérience personnelle lorsqu'on pense à la

3 détermination qui était la sienne. Il est certain qu'il espérait

4 personnellement que la Yougoslavie durerait plus longtemps que lui. La

5 Constitution de 74 était un peu l'héritage personnel qu’il léguait à son

6 pays. Il a effectivement donné plus de liberté de mouvement aux

7 Républiques, tout en ne réussissant pas à établir une structure durable de

8 succession.

9 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Maintenant, nous arrivons

10 au début des tensions en Bosnie-Herzegovine. Nous arrivons à l'affaire

11 Agro Komerz, l'affaire Vila, à Neum. Je voudrais savoir qui étaient les

12 victimes de ces affaires. C'étaient les représentants politiques de quelle

13 nation ?

14 M. Donia (interprétation). - En règle générale, les victimes

15 furent, en fait, les victimes l’etablishment politique en place. Ils

16 étaient victimes d'un mouvement qui reprenait plusieurs tendances

17 politiques. Sans doute sont-ce les Musulmans qui ont le plus soufert.

18 Effectivement, Dusan Simovic a été écarté de la présidence, poste qui

19 devait lui revenir. On peut dire, de manière générale, que la direction

20 politique musulmane en est sortie avec le plus de frais. Mais, c'est un

21 mouvement de génération aussi. L'alliance socialiste était vraiment le

22 moteur de ce mouvement, du moins dans la partie la plus récente. C'est

23 davantage qu'un coup nationaliste qui se serait opéré dans le parti

24 bosniaque.

25 M. Nobilo (interprétation). - La dernière fois, vous avez parlé

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1 de la Jeunesse socialiste. Cette fois ci, vous parlez de l'Association

2 socialiste. Qui a découvert cette affaire ?

3 M. Donia (interprétation). - Excusez-moi. Effectivement, c'est

4 l'Alliance de la jeunesse socialiste. Je me suis trompé.

5 M. Nobilo (interprétation). - Donc, la dernière fois, vous avez

6 dit que c'était la Jeunesse socialiste et les journalistes. Pensez-vous

7 qu'il y a eu des journalistes indépendants en ex-Yougoslavie et que la

8 jeunesse constituait un facteur politique indépendant ?

9 M. Donia (interprétation). - Vous posez deux questions. Est-ce

10 qu’il y avait des journalistes d'investigation indépendants ? Absolument,

11 il y en avait ! On peut même dire pour quels journaux ils travaillaient.

12 Borba, Nasi Dani, en Bosnie. Ce journalisme d'investigation remonte aux

13 années 70. On commençait à faire des reportages sur des faillites,

14 d'autres sur des questions économiques. Le journalisme d'investigation a

15 joué un rôle majeur dans cette amorce d'une approche plus ouverte, face

16 aux questions politiques. Cela remonte à plusieurs années.

17 Quant à savoir si l'Alliance de la jeunesse socialiste était

18 indépendante, j'hésite à qualifier ce mouvement comme étant inféodé au

19 parti principal ou comme étant au contraire tout à fait autonome de celui-

20 ci. Il est apparu comme une certaine force dotée d'une autonomie vers la

21 fin des années 80. Au même moment, d'autres mouvements de jeunesse,

22 d'autres partis se dégageaient, par exemple le mouvement de Mladost en

23 Slovénie.

24 M. Nobilo (interprétation). - Les personnes qui ont été les

25 victimes de ces affaires, vous l’avez dit vous-même, étaient des

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1 Musulmans. Pensez-vous que c'était des Musulmans qui étaient en faveur

2 d'une plus grande décentralisation ou qu’il s’agissait plutôt de Musulmans

3 qui étaient en faveur d'une centralisation ?

4 M. Donia (interprétation). - Là encore, la réponse est

5 difficile. Je préfère dire que, finalement, je n'en sais rien. Je crois

6 que ce qui se passait en Bosnie était un peu différent de ce qui se

7 passait pour la Yougoslavie. Au sein du parti bosniaque, il y avait

8 certaines questions concernant la cohérence du parti, centralisation

9 contre cohérence interne. En Yougoslavie, il s'agissait plutôt d'une

10 question sur la place des institutions, notamment de la présidence.

11 M. Nobilo (interprétation). - Dans le cadre de ces relations

12 politiques, les victimes de ces affaires étaient en faveur de quel

13 concept ?

14 M. Donia (interprétation). - Je ne peux pas donner de réponse

15 simple à cette question.

16 M. Nobilo (interprétation). - Merci. A votre avis, pourquoi a-t-

17 on vu la décomposition de la République socialiste fédérative de la

18 Yougoslavie ? Quelles en étaient les raisons ?

19 M. Donia (interprétation). - C'est une question très importante

20 et très difficile à la fois. Je crois qu'on peut y répondre de différentes

21 manières. Tout d'abord, il y a eu l'érosion des institutions de l'autorité

22 centrale. A l'intérieur de cette organisation, des personnes souhaitaient,

23 visiblement, cette érosion. Nous avons vu qu'à l'intérieur du Parti

24 communiste, le pouvoir a été saisi par Milosevic. Je crois que c'était un

25 motif principal de cette scission. L'armée nationale yougoslave a changé

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1 de fonction, c'est également une motivation importante.

2 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous donner

3 maintenant une chronologie des événements qui ont marqué l'éclatement de

4 la Yougoslavie ? En regardant en l'arrière, pouvez-vous nous donner la

5 chronologie de ces évènements ?

6 M. Donia (interprétation). - J'ai déjà essayé de le faire en

7 donnant quelques événements. Je suis sûr que j'en ai laissé beaucoup de

8 côté, mais je ne sais pas comment faire pour compléter ce que j'ai déjà

9 dit.

10 M. le Président. - Vous vous souvenez que le témoin nous a déjà

11 donné une présentation, une esquisse de toute une chronologie,

12 Maître Nobilo. Je ne suis pas sûr que cela puisse clarifier la question

13 que de lui redemander de mémoire de faire une chronologie des événements,

14 peut-être à partir des éléments que vous avez et qui sont une pièce à

15 conviction -je ne peux pas vous dicter la question- et peut-être

16 compléter, ou lui demander son commentaire sur éventuellement des dates à

17 compléter.

18 Mais lui demander de refaire une chronologie que le témoin a

19 déjà donnée dans un document me paraît quelque peu difficile et peut-être

20 une source de perte de temps. Voulez-vous reformuler votre question ?

21 Merci.

22 M. Nobilo (interprétation) - Je vous remercie, Monsieur le

23 Président, j'essaierai de reformuler ma question.

24 Quel est votre avis sur la manifestation, l'assemblée qui a eu

25 lieu à Gazi Mestan ? Quelle était son importance ?

Page 647

1 Ensuite, savez-vous quelque chose sur la grève des mineurs au

2 Kosovo, lorsqu'ils se sont retranchés dans leurs mines ?

3 M. Donia (interprétation) - Eh bien, il y a eu effectivement des

4 grèves au Kosovo en 1980 puis en 1989. Je suis désolé mais je ne sais pas

5 ce que vous voulez me faire dire avec cette question.

6 M. Nobilo (interprétation) - J'aimerais savoir quelles étaient

7 les caractéristiques de ces grèves. Que voulaient les mineurs ? Avaient-

8 ils des revendications politiques ou plutôt sur le plan social ?

9 M. Donia (interprétation) - Je dirai que ce mouvement était à la

10 fois économique et politique.

11 M. Nobilo (interprétation) - Savez-vous quelque chose sur les

12 événements au Kosovo, sous la coupe de Miroslav Solevic ?

13 M. Donia (interprétation) - Non.

14 M. Nobilo (interprétation) - Savez vous quelque chose sur les

15 événements au Monténégro, lorsque le pouvoir a changé suite aux

16 manifestations ?

17 M. Donia (interprétation) - Je crois que vous venez de le

18 résumer très bien. Il y a eu effectivement un changement de direction et

19 des manifestations organisées lorsque Milosevic dirigeait. Mais je ne peux

20 pas vous donner de date exacte mais je crois que c'était à la fin de 1988

21 ou au début de 1989.

22 M. Nobilo (interprétation) - Quelles étaient les revendications

23 principales des manifestants ? Quelles étaient leurs revendications

24 poitiques ?

25 M. Donia (interprétation) - Ils demandaient la démission des

Page 648

1 dirigeants politiques de la Ligue communiste du Monténégro.

2 M. Nobilo (interprétation) - Mais pourquoi voulaient-ils que les

3 dirigeants donnent leur démission ?

4 M. Donia (interprétation) - Cela faisait partie de

5 manifestations qui ont eu lieu au Monténégro, dans la Vojvoidine, et

6 également en Slovénie et au Kosovo pour essayer d'installer au pouvoir des

7 dirigeants qui étaient loyaux à Milosvic.

8 La même problématique est apparue également en Bosnie. On

9 considérait à l'époque que les dirigeants politiques n'étaient pas

10 efficace et qu'ils travaillaient surtout pour leurs propres intérêts ;

11 qu'ils ne travaillaient pas suffisamment à améliorer la situation

12 économique.

13 Il faut donc faut remettre ces événements dans leur contexte, à

14 savoir un effort de la part de Milosevic et de la population qui le

15 soutenait afin de forcer les dirigeants du Parti communiste à

16 démissionner.

17 M. Nobilo (interprétation) - Pouvez-vous nous dire, Monsieur

18 Donia, quelque chose sur les manifestations qui demandaient l'arrivée au

19 pouvoir de M. Milosevic ?

20 Dans un sens politique, s'agissait-il de manifestants

21 extrémistes, ou pourrait-on dire que les dirigeants étaient extrémistes ?

22 Peut-on dire que le nationalisme des extrémistes était à la source des

23 changements politiques en Serbie et au Monténégro ?

24 M. Donia (interprétation) - Au départ, ces gens avaient quelques

25 avantages, le déjeuner leur était payé par exemple pour aller manifester.

Page 649

1 Il est assez difficile de caractériser quelles étaient leurs motivations

2 politiques.

3 M. Nobilo (interprétation) - Pouvez-vous nous dire quels étaient

4 les slogans qui étaient utilisés le plus souvent, vu le nationalisme qui

5 régnait en Yougoslavie ?

6 M. Donia (interprétation) - Les gens qui soutenaient Milosevic

7 étaient motivés par une politique anti bureaucratique.

8 M. Nobilo (interprétation) - Qu'est-ce que cela veut dire ?

9 M. Donia (interprétation) - Il faudrait leur demander. C'est un

10 slogan qui pour moi est dénué de sens, de même que pour la plupart d'entre

11 nous.

12 M. Nobilo (interprétation) - Pourrait-on désigner ce mouvement

13 antidémocratique en tant que mouvement des nationalistes serbes ?

14 M. Donia (interprétation) - Oui, tout à fait.

15 M. Nobilo (interprétation) - En passant, vous avez parlé du même

16 genre de mouvement en Voïvoidine. A-t-il abouti au renversement du pouvoir

17 en Voïvoidine également ?

18 M. Donia (interprétation) - Oui.

19 M. Nobilo (interprétation) - Que s'est il passé à Ljubjana avec

20 ce mouvement antidémocratique ?

21 M. Donia (interprétation) - Des manifestations ont été

22 programmées pour Ljubjana. Les manifestants devaient arriver de l'Est en

23 train. Pour éviter que ces manifestations aient lieu - en effet elle

24 auraient eu des conséquences désagréables pour les dirigeants slovènes -

25 ils ont simplement stoppé tous les trains. Par conséquent, ces

Page 650

1 manifestants n'ont pas pu se retrouver à Ljubjana et les manifestations

2 n'ont jamais eu lieu.

3 M. Nobilo (interprétation) - En général, cette révolution anti-

4 bureaucratique a eu lieu en quelle année ? Quand a-t-elle eu lieu ?

5 M. Donia (interprétation) - J'ai parlé de 1988-1989. C'est resté

6 le slogan de M. Milosevic pendant un certain temps après cette date.

7 Il est arrivé au pouvoir dans la partie serbe en 1987, et je

8 pense que c'est à cette date que, pour la première fois, la population a

9 véritablement essayé de changer la structure constitutionnelle en

10 Yougoslavie. Je crois que c'était donc une date de départ très importante

11 au sein de la Ligue communiste.

12 M. Nobilo (interprétation) - Savez-vous quelque chose sur

13 l'embargo économique introduit par la Serbie à l'encontre de la Slovénie ?

14 M. Donia (interprétation) - L'embargo économique a suivi les

15 manifestations qui ont été programmées et dont je viens de parler. L'idée

16 était de forcer les dirigeants slovènes à lâcher du lest au niveau

17 économique. Ils n'étaient pas suffisamment indépendants du point de vue

18 économique et cela aurait eu des conséquences très importantes sur le

19 pays.

20 M. Nobilo (interprétation) - Pouvez-vous nous dire quelle est

21 l'importance du quatorzième congrès du Parti communiste yougoslave qui a

22 eu lieu le 24 janvier 1990 ?

23 M. Donia (interprétation) - Je l'ai déjà dit : ce congrès était

24 extraordinaire parce que l'on pensait qu'il réglerait toutes les questions

25 constitutionnelles en Yougoslavie et que l'on pourrait, à cette occasion,

Page 651

1 établir un mécanisme constitutionnel qui permettrait au Parti de résoudre

2 les problèmes de l'Etat.

3 A cette réunion, ces problèmes n'ont pas été résolus, la

4 délégation slovène a quitté la réunion et la session a été ajournée sine

5 die.

6 En deux ou trois semaines, cela a entraîné la fin de la Ligue

7 communiste de Yougoslavie en tant qu'institution centralisée. Cette ligue

8 a été affaiblie, et c'est généralement la date que l'on associe au

9 démantèlement de cette Ligue communiste.

10 M. Nobilo (interprétation) - Si je vous ai bien compris, après

11 cet évènement, il n'y a plus eu de congrès. Le congrès n'a pas continué.

12 Il n'y a pas eu de suite ?

13 M. Donia (interprétation) - C'est exact.

14 M. Nobilo (interprétation) - Vous n'avez pas mentionné jusqu'à

15 présent le mémorandum de l'Académie serbe des sciences et des arts. Quelle

16 était la signification du mémorandum ?

17 M. Donia (interprétation) - Comme pour de nombreux documents, on

18 considère qu'en fait ce document est sûrement plus important pour ceux qui

19 ont réagi que pour les autres.

20 C'est un projet de document qui a été préparé par certains

21 membres de l'Académie serbe des sciences, c'est une liste de différentes

22 plaintes concernant les désavantages pour les Serbes au sein de la

23 République fédérale. Dans cette liste, il est dit qu'une discrimination

24 s'exerçait de différentes manières contre les Serbes au sein de la

25 Yougoslavie.

Page 652

1 Cette liste est devenue de plus en plus connue, et elle devait

2 sûrement contenir certains éléments importants. Mais le langage qui était

3 employé est beaucoup plus modéré, ou plutôt; la manière dont c'est traité

4 est beaucoup plus modérée que ce que quelques personnes ont voulu nous

5 faire croire.

6 M. Nobilo (interprétation) - Pourriez-vous nous dire à quel

7 moment a été publié ce mémorandum ?

8 M. Donia (interprétation) - Il a été rédigé en 1987 et a été

9 publié deux mois plus tard, je crois. Mais je ne peux pas vous donner la

10 date exacte. Il s'agit de 1986 et non pas de 1987.

11 M. Nobilo (interprétation) - Pouvez-vous dire quelque chose sur

12 les frontières serbes occidentales telles qu'expliquées par Colovic,

13 Draskovic, Cecen (?) ?

14 M. Donia (interprétation) - Je crois que vous posez là trois

15 questions différentes. Je peux vous dire que selon l'opinion générale, les

16 plaintes de la Serbie étaient les suivantes : le territoire serbe devrait

17 être étendu vers l'Ouest, au-delà des frontières de la Serbie ; toutes ces

18 plaintes portaient sur des parties de la Croatie.

19 Ce que vous mentionnez concerne en fait une extension des

20 frontières que vous mentionnez.

21 M. Nobilo (interprétation) - Concernant le plus important de ces

22 hommes politiques, Vuk Draskovic, savez-vous quelle était, pour lui, la

23 frontière occidentale de la Serbie. La frontière passait entre quelles

24 villes selon lui ?

25 M. Donia (interprétation) - Je ne sais pas.

Page 653

1 M. Nobilo (interprétation) - S'agissant de Stipe Mesic, vous

2 connaissez les problèmes qu'il a eus à devenir le Président de la

3 Présidence de la Yougoslavie.

4 M. Donia (interprétation) - Tito avait laissé la situation

5 suivante dans le cadre de la Constitution de 1974 : à sa mort, il devait y

6 avoir une rotation à la Présidence, et les membres de la Présidence

7 devaient se succéder à la tête de la Présidence.

8 En fait, à l'époque la succession était déterminée des années à

9 l'avance. Il y avait un vote nominal de confirmation pour ces successions

10 d'un an. Après la mort de Tito en 1980, et le 15 mai 1991, Mesic devait

11 succéder au Président en titre de la présidence.

12 Mais après différents coups d'Etat au Kosovo, à la Voïvoidine et

13 au Monténégro, il s'est avéré que la Présidence était contrôlée par

14 Milosevic.

15 A cette époque, il y a eu un effort très intense pour parvenir à

16 un accord pour que Mesic soit confirmé à la tête de la présidence. En

17 effet, on considérait que Mesic était un nationaliste croate qui voulait

18 se consacrer à son pays.

19 Finalement, le résultat du vote a été le suivant : 4 voix contre

20 4. A ce moment, pour beaucoup de juristes, la Présidence fédérale avait

21 cessé d'exister.

22 A cette époque, en mai 1991, au moment où commençaient les

23 événements en Croatie et en Slovénie, et au moment où la communauté

24 internationale a commencé à intervenir, un certain compromis a permis de

25 parvenir à un accord selon lequel Mesic deviendrait effectivement

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1 Président de la Présidence.

2 Cela s'est passé en juillet 1991. Il a donc occupé ce poste

3 pendant environ cinq ou six mois. Ensuite, je crois qu'il a démissionné.

4 En fait il n'a pas fait grand-chose au poste de Président de la

5 Présidence.

6 M. Nobilo (interprétation) - Si on met de côté votre réponse sur

7 M. Mesic, tout ce que nous avons dit -les événements du Monténégro, du

8 Kosovo, de Voïvoidine, de Ljubjana, le mémorandum- tout cela a-t-il eu

9 lieu avant ou après l'arrivée de M. Tudjman au pouvoir en Croatie ?

10 M. Donia (interprétation) - Tudjman est arrivé au pouvoir en

11 1990, et les événements dont vous parlez ont eu lieu essentiellement avant

12 qu'il n'arrive au pouvoir.

13 M. Nobilo (interprétation) - Comment peut-on décrire l'année

14 1990, au moment où Tudjman arrive au pouvoir en Croatie et dans le

15 contexte du fonctionnement des organes fédéraux et des relations inter-

16 ethniques ?

17 M. Donia (interprétation) - Je n'ai pas compris votre question.

18 M. Nobilo (interprétation) - Tudjman arrive au pouvoir en 1990.

19 Par conséquent, je vous pose la question suivante : pourriez-vous nous

20 décrire brièvement les circonstances de son arrivée au pouvoir,

21 premièrement, par rapport au fonctionnement des organes fédéraux, et

22 deuxièmement par rapport aux relations internationales en Yougoslavie ?

23 M. Donia (interprétation) - Je vais essayer de répondre à votre

24 première question pour commencer. Il est arrivé au pouvoir, conformément

25 aux élections qui se sont tenues dans chaque République durant l'année

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1 1990.

2 Il était prévu qu'il y ait des élections fédérales cette année-

3 là. Or, ces élections ne se sont jamais tenues. Par conséquent, des

4 élections ont été organisées dans chaque République.

5 En 1990, ces Républiques fonctionnaient de façon très autonome,

6 pour l'essentiel. Il y avait encore des institutions fédérales, mais elles

7 étaient considérablement affaiblies, à l'exception de la JNA, l'armée

8 nationale yougoslave.

9 Je pense que l'on peut dire que M. Tudjman est arrivé au pouvoir

10 en 1990 à un moment où les Républiques étaient presque entièrement

11 autonomes pour ce qui est de la gestion quotidienne des affaires de la

12 République.

13 Cela étant, il y avait des affaires à gérer conjointement, et

14 les Croates ainsi que les Slovènes craignaient que l'autorité fédérale

15 s'exerçât tel que le voulait M. Milosevic.

16 Concernant la deuxième partie de votre question, pour ce qui est

17 des relations entre ethnies -deuxième partie de votre question-, je dirai

18 simplement que certains des partis dans chaque République étaient des

19 partis communistes dont tous les candidats ont gagné. Y compris Tudjman,

20 ils ont souvent gagné sur la base de revendications nationalistes.

21 L'aspect ethnique des choses se tournait très nettement vers un aspect

22 plus nationaliste.

23 M. Nobilo (interprétation). - Passons à la page 167 du compte

24 rendu. Vous nous avez donné quelques citations du livre écrit par

25 M. Tudjman, "Le nationalisme dans l’Europe contemporaine". Avez-vous

Page 657

1 trouvé, dans un passage de ce livre, que Tudjman était en faveur d'une

2 modification par la force des frontières ?

3 M. Donia (interprétation). - Non.

4 M. Nobilo (interprétation). - Tudjman propage-t-il dans cet

5 ouvrage une haine inter-ethnique ou une haine envers un peuple quelconque,

6 notamment envers le peuple bosniaque ?

7 M. Donia (interprétation). - Dans cet ouvrage, non.

8 M. Nobilo (interprétation). - Dans cet ouvrage, Tudjman prône-t-

9 il une migration, un déplacement forcé des populations ?

10 M. Donia (interprétation). - Non, il ne le fait pas dans cet

11 ouvrage. Il a pris certaines positions dans d'autres ouvrages, d'où il

12 ressort qu'il soulève des questions morales, philosophiques et qu'il

13 considère certaines formes de violence comme faisant partie profondément

14 de l'évolution historique. Mais, dans l’ouvrage particulier dont vous

15 parlez, je ne note pas ce genre de choses

16 M. Nobilo (interprétation). - Concernant la violence, est-ce

17 qu’il l’explique dans un contexte historique, ou incite-t-il plutôt à la

18 violence ?

19 M. Donia (interprétation). - Je voudrais redire une chose qu'il

20 dit dans son nouvel ouvrage qui s’intitule "Les horreurs de la guerre".

21 Dans cet ouvrage, il dit ceci : "La violence militaire commune est

22 transformée en extermination génocidaire et en déplacements forcés de

23 populations lorsque le conquérant a pour objectif de conquérir de façon

24 durable des territoires et d'assimiler les populations qui s'y opposent".

25 C’est très proche, je dois le dire, d'une position favorable à la

Page 658

1 violence. En tout cas, M. Tudjman dit que les Etats sont profondément

2 enracinés dans la violence militaire lorsqu'il y a annexion.

3 M. Nobilo (interprétation). - Il explique cette notion, c'est

4 exact. Mais incite-t-il à un tel comportement

5 M. Donia (interprétation). - Il ne se fait pas de façon précise

6 le défendeur d'une politique particulière dans telle ou telle situation.

7 Non, il parle d'un point de vue plutôt philosophique ou historique.

8 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quels

9 étaient les rapports de la Croatie avec la Bosnie-Herzégovine en ce qui

10 concerne les frontières ? La Croatie a-t-elle reconnu les frontières de la

11 Bosnie-Herzégovine ?

12 M. Donia (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, je pense

13 que la République de Croatie a suivi deux voies différentes dans sa

14 politique vis-à-vis de la Bosnie. Première voie : elle était fondée sur

15 une alliance militaire avec la Bosnie, notamment le 7 avril 1992 avec la

16 reconnaissance de la Bosnie, et avec la participation de la communauté

17 internationale dans les affaires de la Croatie. Deuxième voie : il est

18 clair que sur le terrain, pour ce qui est de fonder la communauté de

19 Herceg-Bosna, les frontières de la Bosnie n'ont pas été respectées

20 lorsqu'il s'est agi d'appliquer la politique de la République de Croatie

21 vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine.

22 M. Nobilo (interprétation). - Pages 167, 168 et 169, vous avez

23 cité certains passages du livre de M. Tudjman que nous venons de

24 mentionner. Je voudrais diviser ces passages et avoir votre opinion. Etes-

25 vous d'accord avec Fanjo Tudjman sur le fait que la Serbie et la Voïvodine

Page 659

1 avaient des liens historiques, économiques et culturels très forts ?

2 M. Donia (interprétation). - Oui, je pense que c'est vrai.

3 Encore une fois, je voudrais préciser la période historique pendant

4 laquelle cela a été le plus vrai. Cela a été plus vrai à certaines

5 périodes qu’à d'autres. En tout cas, pour la période qui a suivi 1690, ces

6 liens ont été renforcés pendant plusieurs dizaines d'années. Donc, oui,

7 c'est vrai pour certaines périodes.

8 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Passons à ce que vous avez

9 dit la dernière fois lorsque vous avez cité le livre de M. Tudjman. Vous

10 avez dit qu’une grande partie de la Croatie est revenue à la Bosnie

11 uniquement après l'occupation turque. Dans un sens historique, est-ce

12 exact ?

13 M. Donia (interprétation). - Excusez-moi, peut-être devrais-je

14 me référer au compte rendu.

15 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. Nous regardons la

16 page 169 du compte rendu, ligne numéro 17 : "De grandes parties de la

17 Croatie ont été incorporées par la Bosnie".

18 M. Donia (interprétation). - Excusez-moi un instant, je cherche

19 ce passage.

20 M. Nobilo (interprétation). - Nous sommes à la page 169, ligne

21 numéro 17.

22 M. Donia (interprétation). - Encore une fois, c'est une

23 affirmation qui doit être interprétée de façon prudente. "Il est en partie

24 vrai... etc. Mais l’on pourrait étendre la définition de la Croatie à des

25 points que je jugerais controversés". Donc une grande partie de ce qui a

Page 660

1 été la Croatie a été incorporée dans les frontières militaires. Je dirais

2 que peut-être certaines parties de la Croatie, mais non pas des parties

3 importantes de la Croatie, ont été englobées.

4 M. Nobilo (interprétation). - Connaissez-vous les termes de

5 "Croatie turque" pour parler de la partie occidentale de la Bosnie ?

6 M. Donia (interprétation). - Oui.

7 M. Nobilo (interprétation). - A quel moment cette partie de la

8 Bosnie est-elle devenue partie intégrante de la Bosnie ?

9 M. Donia (interprétation). - Vous l'avez dit vous-même. Cela

10 fait longtemps qu’il en est ainsi, si l'on parle de Jajce et de Bihac.

11 Jajce est une capitale ancienne depuis déjà longtemps. Elle a fait partie

12 de la Bosnie pendant de nombreux siècles.

13 M. Nobilo (interprétation). - Je pensais plutôt à Bihac et à la

14 Bosnie occidentale qui sont communément appelées la Bosnie occidentale.

15 Quand cette partie est-elle devenue partie intégrante de la Bosnie ?

16 M. Donia (interprétation). - Elle est devenue partie de la

17 Bosnie sous la période ottomane.

18 M. Nobilo (interprétation). - Passons à la phrase suivante : "La

19 Bosnie-Herzégovine a eu des liens historiques avec la Croatie, ainsi que

20 des liens géographiques et économiques". Cette affirmation de M. Tudjman,

21 qui est historien, est-elle exacte, selon vous ?

22 M. Donia (interprétation). - Non.

23 M. Nobilo (interprétation). - A votre avis, Monsieur Donia, la

24 forme de la Croatie est-elle une forme commune à des Etats ou plutôt une

25 exception ?

Page 661

1 M. Donia (interprétation). - Je ne connais pas de forme que l'on

2 pourrait qualifier d'habituelle pour un Etat.

3 M. Nobilo (interprétation). - Connaissez-vous un autre Etat

4 ayant une telle forme ou une forme similaire ?

5 M. Donia (interprétation). - Je n'ai pas en mémoire la forme de

6 tous les Etats du monde ou d'un aussi grand nombre d'Etats. Les Etats ont

7 des dimensions et des formes très différentes selon leurs caractéristiques

8 géographiques naturelles, selon leurs frontières historiques aussi.

9 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Passons à la question du

10 référendum en Croatie, le 19 mai 1991. Savez-vous quelle question a été

11 posée lors de ce référendum ?

12 M. Donia (interprétation). - En quelle année ?

13 M. Nobilo (interprétation). - Le 19 mai 1991, un référendum a eu

14 lieu en Croatie. On a posé une question par le biais du référendum. On

15 voulait que les gens répondent par oui ou par non. Connaissez-vous la

16 question qui a été posée lors de ce référendum ?

17 M. Donia (interprétation). - Je pense que cela correspond au

18 référendum qui portait sur l'indépendance en Croatie.

19 M. Nobilo (interprétation). - Connaissez-vous la teneur de cette

20 question ? Que voulait-on savoir ? Voulait-on avoir un avis sur

21 l'indépendance de la Croatie, un avis sur une Croatie qui ferait partie de

22 la confédération ? Savez-vous ce qu'on voulait obtenir par cette

23 question ?

24 M. Donia (interprétation). - Je ne sais pas.

25 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous si cette question

Page 662

1 comportait quelque chose sur la minorité serbe en Croatie ?

2 M. Donia (interprétation). - Non.

3 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie.

4 M. le Président. - Maître Nobilo, il est 13 heures. Nous allons

5 peut-être suspendre.

6 A ce sujet, vous pouvez peut-être nous donner une indication du

7 temps qu'il vous reste -soit vous, soit Me Hayman- pour le contre-

8 interrogatoire. C'est uniquement pour l'organisation des travaux.

9 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je

10 crois qu'il me faut encore une heure. Mais M. Hayman prendra la suite du

11 contre-interrogatoire.

12 M. Haymon (interprétation). - Pour ma part, j'en ai sans doute

13 pour deux heures. C'est la meilleure estimation que je puisse faire du

14 temps nécessaire pour poser mes questions.

15 M. Kehoe (interprétation). - A ce stade, Monsieur le Président,

16 il y aura double contre-interrogatoire. L’accusation objecte résolument à

17 cette pratique du double interrogatoire. Je rappelle que M. Nobilo et

18 M. Hayman ont eu plus de deux semaines, près de trois semaines, entre le

19 25 juin 1997 et ce jour, pour préparer ce contre-interrogatoire. Si l'on

20 en tire une conclusion logique, l’interrogatoire pourra être fait par

21 chacun des substituts du Procureur. Or, nous avons opté pour un

22 interrogatoire unique par personne.

23 M. le Président - Monsieur le Procureur ?

24 M. Kehoe (interprétation). - Je considère que M. Hayman ne

25 devrait pas être autorisé à procéder à un contre-interrogatoire de

Page 663

1 M. Donia en sus de M. Nobilo. Monsieur Nobilo devrait terminer le contre-

2 interrogatoire et le mener d'un bout à l'autre.

3 M. le Président. - Ce sont les Juges qui décideront. L'audience

4 reprendra à 14 heures 30.

5

6 La séance, suspendue à 13 h 05, est reprise à 15 h 05.

7

8 (L'accusé est introduit dans la salle.)

9

10 M. le Président. - Nous nous sommes interrompus ce matin sur une

11 interpellation du Procureur. Le Tribunal a décidé ceci. Au nom de mes

12 collègues, je voulais répondre à la question qui a été posée par

13 M. le Procureur au moment où nous avons suspendu l'audience. Le Tribunal a

14 décidé que chaque fois qu'un témoin sera appelé à la barre, il ne pourra

15 être interrogé ou contre-interrogé que par un seul conseil.

16 Par ailleurs, il se trouve que le principe n'avait peut-être pas

17 été arrêté clairement, d'autant qu'il y a quinze jours, nous avions

18 procédé différemment à l'occasion du passage de l'audition d'un autre

19 témoin. Dans ces conditions, il est légitime que Me Hayman se soit

20 préparé, avec Me Nobilo, à intervenir.En conséquence, le Tribunal décide

21 que, pour la dernière fois aujourd'hui, deux avocats pourront intervenir à

22 l'occasion du contre-interrogatoire. Mais ce sera la deuxième et dernière

23 fois. Désormais, il n'y aura, par témoin, d'interrogatoire et de contre-

24 interrogatoire que par un seul conseil.

25 D'autre part, le Tribunal souhaiterait que l'audition du témoin,

Page 664

1 M. Donia, se termine dans les temps cet après-midi, d'autant que les juges

2 ont eux-mêmes un certain nombre de questions à poser. Je vois que

3 Me Hayman veut intervenir. Maître Hayman, vous avez la parole.

4 M. Hayman (interprétation). - Très rapidement, Monsieur le

5 Président. Nous aurions voulu pouvoir présenter des arguments sur cette

6 question parce que même si, pour bien des témoins, il ne sera pas

7 nécessaire que nous ayons tous deux la possibilité d'intervenir dans le

8 contre-interrogatoire, il y aura peut-être des témoins, tels que celui-ci,

9 dont le savoir et l'audition tombent dans deux mondes linguistiques en

10 même temps. Maître Nobilo connaît bien l'histoire des Balkans puisqu'il a

11 grandi dans ces contrées et que son père a combattu avec les partisans et

12 même si j'étudiais pendant des semaines entières, je ne pourrais pas avoir

13 la connaissance qu'il en a. Cela étant, Me Nobilo a un bon anglais, mais

14 il ne le lit pas rapidement, je peux le dire sans risquer de le vexer,

15 alors que ce témoin, s'il parle le serbo-croate et le bosnien, s'il a

16 travaillé sur le sujet et dans cette culture et s'il a beaucoup publié, il

17 l'a fait en anglais. Demander à Me Nobilo de digérer tous ces éléments

18 dans le cadre du contre-interrogatoire ne serait pas approprié.

19 Je ne veux pas ralentir les débats, mais je demanderai à la Cour

20 de nous laisser la possibilité, à l'avenir -ce serait l'exception plutôt

21 que la règle-, soit à Me Nobilo soit à moi-même, de poursuivre tous deux

22 le contre-interrogatoire parce que nous travaillons dans une situation de

23 contraintes extrêmes.

24 M. Kehoe (interprétation). - La réponse est claire. Les conseils

25 ont opéré un choix. Personnellement, je lis l'anglais. Peut-être pas aussi

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1 bien que Me Hayman, mais peut-être aussi bien que lui. Cependant, je crois

2 qu'il aurait pu, en l'espace de trois semaines, acheter l'ouvrage de

3 M. Donia et faire tout le contre-interrogatoire lui-même. Il aurait pu

4 consulter plusieurs personnes. La question qui se pose ici est claire.

5 La défense voudrait pouvoir faire feu de deux coups face à ce

6 qu'a dit l'accusation. Ils voulaient chacun avoir la possibilité de

7 préparer le contre-interrogatoire de ce témoin. Pour avancer, je crois que

8 la Chambre de première instance, Monsieur le Président, vous et vos

9 collègues, si vous le voulez bien, pourrait autoriser seulement un conseil

10 de la défense pour le contre-interrogatoire. Si l'on en tire la conclusion

11 logique et si on parle de savoir-faire, je suis sûr que Me Harmon et

12 Me Cayley n'ont pas les mêmes connaissances que moi -et l'inverse serait

13 vrai aussi- dans divers domaines.

14 Je ne sais pas ce qui va surgir dans le cadre de ce procès, mais

15 il faut bien sûr tirer un trait, déterminer le moment où on arrête les

16 manoeuvres dilatoires et où on poursuit. Je demanderai que seulement un

17 contre-interrogatoire soit permis et qu'il n'y ait pas la possibilité pour

18 les deux conseils d'intervenir.

19 (Les juges se consultent sur le siège.)

20 M. le Président. - Le Tribunal a tenu à vous écouter, mais ne

21 changera pas sa décision, Maître Hayman. Il se réfère à deux éléments. Il

22 y a certainement eu un malentendu au départ dont je suis certainement le

23 responsable. Veuillez m'en excuser. Mais je crois que le Président avec

24 ses deux collègues ont essayé de faire en sorte qu'il y ait un certain

25 ordre et, bien entendu, une équité parfaite dans les débats.

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1 C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui seulement, parce que

2 vous n'étiez pas averti, vous pourrez vous-même, Maître Hayman,

3 intervenir. Le reste est une question de bonne organisation. Je crois que

4 même si le Tribunal vous presse, en général il vous laisse le temps de

5 vous organiser. Il suffira donc que vous vous organisiez entre vous. La

6 remarque vaut d'ailleurs également pour l'accusation.

7 Donc, à part cet après-midi, du fait que vous ne connaissiez pas

8 la règle, vous serez amené à intervenir, Maître Hayman. Désormais, que les

9 choses soient très claires : lorsqu'un témoin viendra à cette barre, il ne

10 sera interrogé que par un seul membre du bureau du Procureur et il ne sera

11 contre-interrogé que par un seul membre du bureau de la défense. Ceci est

12 fait dans l'intérêt de la Justice, pour que le procès avance dans les

13 conditions les plus harmonieuses et équitables possible. La question étant

14 tranchée, il appartient maintenant à Maître Nobilo de prendre la parole

15 pour continuer son contre-interrogatoire.

16 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

17 Monsieur le Professeur Donia, passons à la page 161 du compte-rendu.

18 J'aimerais vous poser une question précise. Je vous prie de bien vouloir

19 vous rendre à la page 171 du compte-rendu, à la ligne n° 7. Nous

20 commençons par une citation du livre publié par M. Tudjman. Il dit : "Dans

21 la Banovine de Croatie, les Croates avaient une majorité". Est-ce exact ?

22 M. Donia (interprétation). - Oui.

23 M. Nobilo (interprétation). - Vous nous avez indiqué le nombre

24 de Croates qui constituaient, en 1991, la Banovine de Croatie. Page 172,

25 lignes 3 à 7, vous tirez la conclusion que les Croates avaient la majorité

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1 uniquement dans le cas où on leur ajoutait les Musulmans. Est-ce exact ?

2 M. Donia (interprétation). - Oui.

3 M. Nobilo (interprétation). - Ma question est la suivante : est-

4 il correct -eu égard à l'affirmation de M. Tudjman selon laquelle les

5 Croates avaient la majorité dans la Banovine croate- de donner des

6 statistiques datant de 1991 sur la population, alors qu'il existe des

7 données de 1939 ?

8 M. Donia (interprétation). - Les chiffres du recensement 1991

9 sont cités ici. Je ne pense pas qu'il y ait eu un recensement en 1939. Il

10 y en a eu un plus tôt, dans les années 20, vers 1931, mais je ne dispose

11 pas des chiffres.

12 M. Nobilo (interprétation). - Pensez-vous qu'il ait été correct

13 de se référer au recensement de 1991 ? A l'époque, les Croates avaient

14 peut-être la majorité. Qu’en pensez-vous ?

15 M. Donia (interprétation). - J'ai examiné les données du

16 recensement de 1910. Ils montrent une cohérence tout à fait remarquable

17 quant aux pourcentages démographiques. Par exemple, dans la population

18 catholique, dans ces régions, les chiffres sont cités ici. Je vous rejoins

19 pour dire que cela fait pas mal de temps -quatre-vingt un ans en

20 l'occurrence- et qu'il y a les chiffres de 1931 à mi-chemin, mais je vous

21 reçois cinq sur cinq. Effectivement, ces données ne proviennent pas du

22 recensement le plus récent pour ce qui est de la création de la Banovina.

23 M. Nobilo (interprétation). - Donc renoncez-vous à votre

24 affirmation selon laquelle M. Tudjman pensait qu'il fallait ajouter les

25 Musulmans aux Croates pour que les Croates obtiennent la majorité ?

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1 M. Donia (interprétation). - Non. Cependant, il poursuit ses

2 explications et il avance que les Musulmans sont des Croates. C'est

3 uniquement en utilisant cette logique qu'on peut avancer un tel argument.

4 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire,

5 Monsieur Donia, si, lorsque M. Tudjman a dit que les Croates étaient la

6 majorité, il pensait aux Musulmans ou bien si les Croates, effectivement,

7 déjà en 1939, constituaient la majorité ?

8 M. Donia (interprétation). - La citation que vous avez aux

9 lignes 7 à 12, dans la version anglaise, est au présent. L’ouvrage a été

10 publié en 1981. Lorsqu'il dit qu'il y a une majorité très nette de

11 Croates, cela relève d'une époque ultérieure, c’est-à-dire de l'accord

12 de 1939.

13 M. Nobilo (interprétation). - C'est exact, mais vous avez fait

14 un commentaire selon lequel les Croates n'avaient pas la majorité. Vous

15 avez dit qu'en 1939, ils auraient eu la majorité seulement si on avait

16 compté également les Musulmans. Je vous demande si vous êtes d'accord

17 quand je dis que les Croates, en 1939, à eux seuls, constituaient la

18 majorité, donc sans les Musulmans.

19 M. Donia (interprétation). - Je suis prêt à accepter de tels

20 éléments de preuves, mais je n'ai rien vu de tel à ce jour. Je vous ferai

21 remarquer qu'il y avait des projets de plébiscite dont on a discuté et qui

22 ont été négociés avant l'accord de 1939, mais on n'a jamais organisé ces

23 plébiscites. Cet accord a été conclu assez rapidement à l'issue de ces

24 négociations. Personnellement, j'en conclus que je ne dispose d'aucune

25 base me permettant de dire qu'il y avait une majorité croate dans ces

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1 zones particulières et précises en 1939.

2 M. Nobilo (interprétation). - Je fais référence à votre

3 conclusion, page 172, lignes 3 à 7, où vous dites (je cite) : "Aucune de

4 ces régions n'a la majorité croate. En effet, le seul moyen d'obtenir ces

5 chiffres, c'est d'ajouter les Musulmans aux Croates". Mais, vous, vous

6 n'avez pas de données précises. Par conséquent, vous ne pouvez pas tirer

7 de conclusions de ce genre si vous n'avez pas de données statistiques

8 exactes sur ces régions en 1939.

9 M. Donia (interprétation). - Je répète que j’ai examiné les

10 chiffres de 1991 et également de 1910. Il y a vraiment une analogie

11 remarquable entre les pourcentages. Je pense pouvoir parvenir à la

12 conclusion que j'ai établie. Je suis prêt, bien sûr, à recevoir toutes

13 informations contradictoires, mais je ne vois pas de raison de modifier

14 cette conclusion.

15 On ne pourrait parvenir à une majorité absolue dans ces

16 circonscriptions que si l’on rassemble les Musulmans et les Croates, mais

17 ce n'est pas le cas. En Herzégovine, dans plusieurs comtés, il y avait une

18 majorité croate absolue. Pour les circonscriptions bosniaques, il est fort

19 peu probable qu'en 1939 il ait été possible qu'il y ait une majorité de

20 Croates.

21 M. Nobilo (interprétation). - Merci. En tout cas, nous pouvons

22 conclure que vous ne disposez pas des données de 1939.

23 M. Donia (interprétation). - Exact.

24 M. Nobilo (interprétation). - Nous continuons. Vous avez

25 également parlé des affirmations de M. Tudjman publiées dans ces ouvrages

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1 historiques. Pouvez-vous parler de ses idées personnelles en tant qu’homme

2 d’Etat en ce qui concerne la question de Bosnie-Herzegovine ?

3 M. Donia (interprétation). - Je ne fais pas de distinction entre

4 le rôle qu'il jouait en tant qu'historien et en tant qu’homme politique.

5 La cohérence est vraiment remarquable, puisqu'il a traduit dans les faits

6 certaines des idées qu'il avait établies en tant qu'historien et en tant

7 qu’homme politique. Je ne connais pas son avis personnel, je ne sais pas

8 si cet avis personnel diffère de ce qu'il dit comme historien et comme

9 écrivain.

10 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous quelque chose sur

11 l'affirmation selon laquelle Alija Izetbegovic accepterait la division de

12 la Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Donia (interprétation). - Oui, mais pourriez-vous me situer

14 cela dans le temps ou me donnant au moins une fourchette ?

15 M. Nobilo (interprétation). - Le 16 septembre 1993, un accord a

16 été passé entre Izetbegovic et Krajisnik, en présence de MM. Stoltenberg

17 et Owen. Ils se sont mis d'accord sur une union des Républiques, avec un

18 droit à la sécession après deux ans. Savez-vous quelque chose sur cet

19 accord ?

20 M. Donia (interprétation). - Non, pas sur cet accord en

21 particulier.

22 M. Nobilo (interprétation). - D’accord, je vous remercie. A

23 votre connaissance, les facteurs internationaux seraient-ils en faveur

24 d'une division ? Avez-vous des renseignements montrant par exemple que les

25 Etats-Unis, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne auraient été en

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1 faveur d'une division ?

2 M. Donia (interprétation). - Il faudrait considérer que ce sont

3 des propositions en série qui, dans un degré plus ou moins grand,

4 entraînent la séparation de certaines parties de la Bosnie. Des

5 discussions ont eu lieu au niveau de la Communauté européenne en février

6 et en mars 1992. On a parlé évidemment beaucoup parlé de la cantonisation.

7 Toutes les parties prenantes pensaient qu'il y avait peut-être une

8 solution idéale ou idyllique, peut-être le modèle helvétique, préféré au

9 programme de division Albright, mais, lorsqu'on a discuté, sous l'égide de

10 la Conférence de Londres, durant l'été 1992, pour déboucher sur le Plan de

11 paix Vance-Owen, on s'est davantage rapproché de la séparation. Le

12 Président Izetbegovic a participé à ces discussions. A diverses reprises,

13 il a donné son accord sur diverses propositions visant à la séparation de

14 la Bosnie en éléments, y compris les propositions de cantonisation.

15 Il a d'abord été proposé quelque chose à Lisbonne, puis il y a

16 eu le Plan de paix Vance-Owen. Il a donc participé d'emblée à ces

17 discussions, et ceci jusqu'aux Accords de paix de Dayton. Les discussions

18 se sont poursuivies à propos d'une résolution qui permettrait une fin

19 pacifique au conflit. Chacune de ces propositions incluait la division

20 sous une forme ou une autre. Parallèlement, le Président Izetbegovic a

21 souvent dit qu'il croyait à un Etat politiquement indépendant et souverain

22 et en une Bosnie-Herzégovine unifiée, conformément aux termes de la

23 résolution des Nations Unies. Quelque part, il y avait là un certain

24 conflit, non seulement pour ce qui est de la politique menée par le

25 Président Izetbegovic, mais aussi en ce qui concerne la politique que

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1 menait la communauté internationale. Les résolutions des Nations Unies,

2 c'était bien, mais les pourparlers Vance-Owen menaient à une forme de

3 division.

4 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on en conclure que, pendant

5 les négociations, pour essayer de trouver une solution à la guerre en

6 Bosnie, tous les participants débattaient d'une certaine partition de la

7 Bosnie-Herzégovine ?

8 M. Donia (interprétation). - Oui. Tôt ou tard, cela a été le

9 cas.

10 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Vous avez mentionné cinq

11 accords internationaux relatifs à la Bosnie. Peut-on passer d’un accord à

12 l’autre afin de voir quelle est la structure du gouvernement central et

13 régional ? Peut-on les passer en revue, très brièvement, s’il vous plaît ?

14 Quelle est la distribution des pouvoirs entre les entités et le

15 gouvernement central ? Par exemple, en quoi consiste le premier accord du

16 23 janvier 1992 sous l'égide de la Communauté européenne ?

17 M. Donia (interprétation). - Je ne peux pas évoquer les points

18 de Droit constitutionnel. Je me contenterai de qualifier de façon générale

19 le plan Cutiero, l'accord de Lisbonne, puisque celui-ci était en faveur de

20 la cantonisation. Je répète qu'on pensait, ce faisant, à l'établissement

21 d'unités, d'entités politiques, en grande partie autonomes, qui

22 participaient encore de façon vigoureuse à un gouvernement central.

23 M. Nobilo (interprétation). - Je parle ici du plan de la

24 Communauté européenne signée à Lisbonne. Qui a et qui n'a pas signé ce

25 plan de Lisbonne ?

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1 M. Donia (interprétation). - Il a été signé à Sarajevo le

2 18 mars. Toutes les parties étaient signataires : les Croates de Bosnie,

3 le parti croate de Bosnie et le parti du Président Izetbegovic, qui

4 étaient présents pour le gouvernement, et les Serbes de Bosnie.

5 M. Nobilo (interprétation). - Une question s'impose. Pourquoi

6 n'a-t-on pas mis en place ce plan ? Est-ce que vous connaissez la

7 réponse ?

8 M. Donia (interprétation). - Oui. Izetbegovic a résilié cet

9 accord peu de temps après l'avoir signé, à la fin du mois de mars. Un

10 effort de dernière minute a été fait pour arriver à un accord alors que,

11 sur le terrain, les choses évoluaient très rapidement vers la

12 confrontation militaire. Des escarmouches avaient déjà éclaté dans

13 certaines parties de la Bosnie, à ce moment-là.

14 M. Nobilo (interprétation). - Entre qui ?

15 M. Donia (interprétation). - Entre les Serbes de Bosnie et le

16 gouvernement de Bosnie.

17 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Le deuxième accord est le

18 plan Vance-Owen qui date du début du mois de janvier 1993. Pouvez-vous

19 nous donner les caractéristiques essentielles de ce plan ? Qui l'a signé ?

20 M. Donia (interprétation). - Le plan Vance-Owen a résulté de la

21 Conférence du mois d’août 1992. Cette Conférence a permis d'établir

22 certains principes pour les plans de paix, notamment le retour de tous les

23 réfugiés dans leur zone d'origine. Puis cette conférence a spécifié

24 certains accords, notamment la démilitarisation, et certaines dispositions

25 constitutionnelles.

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1 Ces négociations durant l'automne 1992 n'ont pas vraiment mené à

2 l'établissement d'un consensus entre les trois parties, notamment sur

3 l'élaboration d'une carte. Le 3 janvier 1993, Mate Boban a signé ce plan

4 de paix au nom des Croates, et le 25 mars, après trois longues séances à

5 New York, M. Izetbegovic a signé au nom du gouvernement croate cet accord,

6 et les Serbes de Bosnie ont paraphé cet accord. Mais ils ne l'ont jamais

7 ratifié officiellement.

8 M. Nobilo (interprétation) - Que s'est il passé après la

9 signature de M. Alija Izetbegovic ? A-t-il adhéré au Plan Vance/Owen ou

10 quelque chose a-t-il changé entre-temps ?

11 M. Donia (interprétation) - On n'est jamais parvenu à un accord

12 parce que les Serbes de Bosnie n'ont jamais ratifié cet accord.

13 Le Président Izetbegovic, à l'époque de la signature et dans les

14 jours qui l'ont suivi, a indiqué qu'il retirerait sa signature -il se

15 donnait dix à quinze jours- si la communauté internationale ne parvenait

16 pas à persuader les Serbes de Bosnie de ratifier cet accord ou si elle

17 n'employait pas la force pour en assurer l'application.

18 M. Nobilo (interprétation) - La signature de M. Izetbegovic est-

19 elle restée ou a-t-il retiré sa signature ?

20 M. Donia (interprétation) - En fait, il ne l'a jamais retirée.

21 M. Nobilo (interprétation) - Pouvez-vous nous dire quelque chose

22 sur les rapports entre le gouvernement central et les différentes

23 provinces ?

24 Quel était le partage des pouvoirs, la division du pouvoir,

25 selon le plan Vance/Owen, entre le gouvernement central et les provinces ?

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1 M. Donia (interprétation) - Il y avait dix gouvernements locaux,

2 et la relation entre le gouvernement central et ces différents

3 gouvernements devait être relativement faible. Le gouvernement central

4 devait être responsable de la politique étrangère et de certaines

5 questions administratives, et la plupart des autres questions devaient

6 relever de la responsabilité des gouvernements locaux.

7 M. Nobilo (interprétation) - Merci. Ensuite, vient l'accord

8 entre les Croates et les Musulmans en date de mars 1994. C'était le

9 quatrième plan, si je ne me trompe pas ?

10 M. Donia (interprétation) - Je crois que nous avons oublié de

11 mentionner le troisième.

12 M. Nobilo (interprétation) - C'est exact, c'est le plan

13 Owen/Stoltenberg du mois de juin 1993. Vous avez raison.

14 M. Donia (interprétation) - Oui, en fait, différents plans se

15 sont succédés qui ont été appelés en quelque sorte les "Stotenberg/Owen".

16 Mais ce n'était pas la même chose.

17 Il y avait l'union des Républiques, il y avait ce que l'on a

18 appelé les propositions qui ont été établies à bord du croiseur

19 britannique en septembre 1993. Il y avait d'autres plans qui en fait

20 n'étaient que des modifications territoriales du plan d'origine.

21 Pour différentes raisons, ces différents plans n'ont pas été

22 ratifiés par les trois parties durant la dernière moitié de 1993. En fait,

23 du mois de juin 1993 jusqu'au début 1994.

24 M. Nobilo (interprétation) - Peut-on dire qu'un dénominateur

25 commun de tous ces plans serait l'existence de la Bosnie-Herzégovine en

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1 tant qu'Union des Etats ? Je parle ici des plans élaborés par Stoltenberg.

2 M. Donia (interprétation) - Oui. C'est un dénominateur commun,

3 l'autre étant les négociations très difficiles dont le but était de donner

4 au gouvernement bosniaque 30 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine,

5 chiffre qui a été modifié et qui est devenu 33 % par la suite. Il

6 s'agissait donc d'un gain territorial.

7 M. Nobilo (interprétation) - Savez-vous qui a signé ces plans

8 "Stoltenberg-Owen" ? Y a-t-il eu une partie qui a signé tous les plans ?

9 En fait, pouvez-vous nous dire qui a signé quoi ?

10 M. Donia (interprétation) - Non, je ne peux pas vous dire qui a

11 fait quoi. Il y a eu opposition de la part d'Izetbegovic. Il n'a pas voulu

12 signer une partie de ces plans, notamment le plan signé à bord du croiseur

13 dans la mer Adriatique. Et il y a eu évidemment une certaine résistance à

14 l'Union de la République serbe qui avait été proposée.

15 M. Nobilo (interprétation) - Pouvez-vous nous dire quelque chose

16 sur la partie croate ? A-t-elle signé le plan Stoltenberg/Owen ?

17 M. Donia (interprétation) - Je sais qu'ils ont signé les deux

18 premiers. Le premier de juillet 1993 puis celui de septembre.

19 M. Nobilo (interprétation) - Nous passons donc maintenant à

20 l'accord numéro 4 datant du mois de mars 1994. C'est l'accord entre les

21 Musulmans et les Croates. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? De quoi

22 s'agit-il exactement ?

23 M. Donia (interprétation) - Cet accord marquait la première

24 participation directe des services diplomatiques des Etats-Unis. Leur but

25 était de parvenir à un accord, et cela amenait à la création de la

Page 679

1 Fédération de la Bosnie-Herzégovine par un accord conclu entre les Croates

2 et les Musulmans.

3 Tout a débuté avec les accords de Washington -comme on les a

4 appelés. Ces démarches ont commencé par un cessez-le-feu entre les Croates

5 et les Musulmans, ce qui a mené à un accord constitutionnel contenu dans

6 les accords de Washington.

7 M. Nobilo (interprétation) - Ces deux parties ont-elles signé

8 cet accord ?

9 M. Donia (interprétation) - Oui, ils l'ont fait. A l'époque,

10 M. Tudjman a dit qu'il avait été forcé par les puissances occidentales de

11 le signer. Il l'avait déclaré durant une conférence de presse après la

12 signature : "L'Occident nous convainc de signer cet accord et de

13 collaborer avec les puissances musulmanes."

14 M. Nobilo (interprétation) - Mais l'accord a été signé par

15 toutes les parties, si je vous ai bien compris ?

16 M. Donia (interprétation) - Oui. Les Musulmans et les Croates

17 ont signé cet accord.

18 M. Nobilo (interprétation) - D'accord. Nous en arrivons

19 maintenant à l'accord de Dayton. Tout d'abord, pourriez-vous nous dire

20 quelle était la division du pouvoir entre le gouvernement central et les

21 autorités des entités ? Deuxième question : qui étaient les signataires de

22 de l'accord de Dayton ?

23 M. Donia (interprétation) - Je crois que c'est une question à

24 laquelle personne n'a encore répondu jusqu'ici. Mais je vais vous donner

25 une réponse qui englobe à peu près la manière dont la souveraineté a été

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1 divisée.

2 Dans les accords de Dayton, une carte divisait la Bosnie en deux

3 entités différentes : une entité incluant la République Serbe, la deuxième

4 étant la République de Bosnie-Herzégovine.

5 Le gouvernement central qui liait ces deux entités a été établi

6 avec des pouvoirs assez faibles, surtout des pouvoirs de coordination.

7 M. Nobilo (interprétation) - Donc, selon l'accord de Dayton qui

8 est toujours en vigueur, comment voyez-vous la Bosnie-Herzégovine ? Comme

9 une confédération, une fédération ou une union d'Etats ?

10 M. Donia (interprétation) - En fait, c'est une combinaison de

11 trois éléments : c'est une entité politique centrale faible constituée de

12 deux entités très importantes. Chacune s'est engagée à respecter certains

13 principes inclus dans les accords de Dayton, notamment le droit des

14 réfugiés à retourner chez eux, le maintien d'un équilibre des pouvoirs

15 militaires entre les différentes entités dans une Fédération qui, de toute

16 façon, n'allait pas fonctionner, puisque les deux entités ont très peu de

17 choses en commun.

18 Il est difficile de décrire cela très brièvement, les

19 dispositions constitutionnelles de l'accord de Dayton étant suffisamment

20 complexes. Je ne crois pas pouvoir caractériser tout cela en une seule

21 phrase.

22 M. Nobilo (interprétation) - Si l'on prend en considération ces

23 cinq accords ainsi que le temps utilisé pour faire ces négociation, ai-je

24 raison de dire qu'un commerce avec les territoires -en fait une partition

25 des territoires- était à la base de toutes ces négociations et de tous ces

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1 accords qui ont été conclus par la suite ?

2 M. Donia (interprétation) - Il y avait plusieurs éléments. Dès

3 le départ, il y a eu des problèmes constitutionnels, la relation entre les

4 différents éléments. Tout cela a été établi en se fondant sur la

5 Résolution des Nations Unies, sur les proclamations qui mettant en exergue

6 l'indépendance, l'unité territoriale, l'intégrité politique, etc. Des

7 discussions ont eu lieu sur les dispositions de transition qui amèneraient

8 à la paix et sur la carte.

9 Je crois donc que ces négociations ont inclus ces différents

10 éléments, l'élément majeur étant bien entendu de savoir comment arriver à

11 la paix.

12 M. Nobilo (interprétation) - Pensez vous que l'acceptation des

13 cartes proposées était le problème principal ou était-ce plutôt des

14 amendements constitutionnels prenant bien en considération les cinq

15 accords ?

16 M. Donia (interprétation) - Je crois que c'étaient bien entendu

17 des éléments très importants, et la plupart des discussions qui ont eu

18 lieu se sont concentrées sur les cartes. Il s'est avéré que les problèmes

19 constitutionnels étaient beaucoup plus difficiles à résoudre que ce que

20 l'on avait pensé au départ.

21 Je crois donc que plusieurs éléments qui ont été abordés dans

22 ces négociations ont eu un effet. Je ne crois pas que l'on puisse dire que

23 le problème principal résidait dans les cartes. Ce serait trop simplifier

24 les choses

25 M. Nobilo (interprétation) - Je vous remercie.

Page 682

1 Examinons de plus près le plan Vance/Owen, les autres plans

2 Stoltenberg/Owen, et finalement l'accord signé à Washington et celui signé

3 à Dayton.

4 Le fait d'accepter ce plan signifie-t-il accepter l'abolition de

5 Herceg-Bosna ? Je répète : Accepter tous ces plans veut-il dire

6 implicitement accepter l'abolition de la Herceg-Bosna ?

7 M. Donia (interprétation) - Je ne peux pas dire cela. Je ne suis

8 pas un juriste constitutionnel. Je ne sais pas si cela mène ou non à la

9 dissolution de la Herceg-Bosna.

10 Je sais qu'au cours des discussions, la République croate

11 s'était engagée à abolir la Herceg-Bosna. Je ne peux pas vous donner les

12 dates précises mais je sais que cela s'est fait à plusieurs reprises.

13 Propositions qui n'ont pas été appliquées bien sûr.

14 M. Nobilo (interprétation) - .Je vous remercie.

15 Revenons maintenant, revenons à la page 177, lignes 4 à 7 où

16 vous avez cité le livre de Lord Owen, "L'Odyssée des Balkans", où il dit

17 -je cite : "Tudjman montrait très ouvertement son nationalisme et n'avait

18 qu'un but dans la vie : contrôler le territoire qu'il croyait appartenir

19 historiquement à la Croatie."

20 Plusieurs lignes plus haut, on mentionne la période

21 de 1992/1993. C'est donc pendant cette période que Owen parlait de Tudjman

22 dans ces termes. Pouvez-vous nous décrire un peu la situation militaire

23 dans laquelle se trouvait M. Tudjman, c'est-à-dire la Croatie, en 1992 et

24 en 1993 ?

25 M. Donia (interprétation). - La République de Croatie a, comme

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1 je l'ai dit dans mon témoignage précédent, participé à une guerre

2 sanglante en 1991, puis à un cessez-le-feu et à l'établissement d'une

3 mission des Nations Unies dans la République de Croatie. Je ne suis pas un

4 expert militaire et je ne peux dire que, du point de vue des événements

5 politiques que j'ai observés, c'était une période durant laquelle le

6 calendrier politique visait principalement à renforcer les forces

7 militaires de la Croatie.

8 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire,

9 Monsieur Donia, quel était le pourcentage du territoire contrôlé par les

10 Serbes rebelles de Croatie, après l'arrivée des forces des Nations Unies

11 et la création de zones placées sous protection des Nations Unies ?

12 M. Donia (interprétation). - Je ne sais pas.

13 M. Nobilo (interprétation). - En 1992, lorsque les forces des

14 Nations Unies arrivent dans les zones qui devaient être sous leur

15 contrôle, quel pourcentage du territoire était contrôlé par la JNA et par

16 la partie serbe en Bosnie-Herzégovine ?

17 M. Donia (interprétation). - Je ne peux pas vous donner de

18 pourcentage.

19 M. Nobilo (interprétation). - Corrigez-moi si j'ai tort,

20 Monsieur Donia, mais il me semble que vous affirmez que la Bosnie était

21 une société multiculturelle pendant des siècles et qu'il n'y a jamais eu

22 de conflits entre les différentes ethnies en Bosnie. Ma question est la

23 suivante : avant 1991, les peuples vivant en Bosnie-Herzégovine ont-ils eu

24 la possibilité de gouverner indépendamment leur territoire, sans

25 interférence d'une force étrangère ?

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1 M. Donia (interprétation). - Je ne crois pas que vous ayez donné

2 une description précise de mon opinion sur la Bosnie-Herzégovine. Je ne

3 présente pas ce territoire comme un territoire idyllique et sans conflits.

4 J'ai parlé de violence ethnique. J'ai dit que la violence ethnique était

5 relativement absente, dans une grande mesure, sauf durant deux grandes

6 périodes de son Histoire, la première de 1941 à 1945, la deuxième étant

7 celle qui a commencé en 1992. Il y a eu des conflits, des désaccords et il

8 y a eu beaucoup d'autres types de conflits, sociaux ou économiques.

9 Pendant certaines périodes, parfois, les différentes ethnies ont travaillé

10 ensemble, puis se sont séparées et se sont alliées à d'autres.

11 Donc, je ne veux pas que vous croyiez que j'ai dit que cette

12 société ne connaissait aucun conflit. J'ai dit que la violence, dans

13 l'histoire de la Bosnie, n'était pas de nature ethnique, mais qu'elle

14 relevait d'autres domaines.

15 Cette précision faite, je voudrais savoir si vous pourriez

16 reposer votre question.

17 M. Nobilo (interprétation). - Dans l'histoire de la Bosnie avant

18 1991, pendant cette période, y avait-il eu un moment où les peuples vivant

19 en Bosnie décidaient indépendamment de leur sort ? Y avait-il eu une

20 période où la Bosnie ne faisait pas partie d'un royaume ou d'un Etat plus

21 grand ?

22 M. Donia (interprétation). - Il y a deux questions différentes :

23 décider de son avenir et faire partie d'un plus grand empire.

24 Pour la première, je dirai qu'ils ont eu le contrôle de leur

25 destin à certaines périodes. Mais, pour répondre à la deuxième partie de

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1 votre question, la Bosnie a toujours fait partie d'une autre entité, sauf

2 durant le Moyen Age. A l'époque, il y avait une souveraineté nationale.

3 Ensuite, la Bosnie a fait partie de l'Empire ottoman jusqu'en 1878.

4 De 1878 à 1918, ils ont eu un contrôle relativement fort de leur

5 propre destin, peut-être pas autant qu'ils l'auraient souhaité, bien

6 entendu. Ensuite, ils ont fait partie de l'Etat yougoslave, de l'Etat

7 indépendant de la Croatie, etc.

8 M. Nobilo (interprétation). - De quelle façon la Bosnie pouvait-

9 elle, toute seule, prendre des décisions sur son sort sous l'Empire

10 ottoman ?

11 M. Donia (interprétation). - Vous me demandez si le peuple de

12 Bosnie pouvait décider de sa propre destinée ? Je pense qu'il y avait une

13 élite politique musulmane qui a conquis la capacité de prendre son sort en

14 main, à la fin du XVIIIème siècle et au XIXème siècle, jusqu'au moment où

15 certains de ces mouvements ont été entravés par les Ottomans.

16 Il y a eu aussi des périodes où les institutions serbes

17 orthodoxes de Bosnie ont eu la capacité limitée d'exercer un certain

18 contrôle, au niveau local du moins. Dans une moindre mesure, on peut dire

19 la même chose de l'Eglise catholique, mais pas durant la période ottomane

20 en tout cas.

21 M. Nobilo (interprétation). - D'accord, mais pendant l'Empire

22 austro-hongrois, si on parle des institutions, la Bosnie pouvait-elle,

23 d'une manière quelconque, décider de son propre sort ?

24 M. Donia (interprétation). - L'idée de Bosnie comme entité

25 propre me met mal à l'aise. Encore une fois, je pourrais plutôt parler des

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1 gens de Bosnie. Je préférerais répondre sur ce plan. Une autonomie a été

2 accordée, sous l'autorité austro-hongroise, à l'Eglise serbe et aux

3 écoles. Je pense que c'est en 1909 qu'une autonomie a également été

4 accordée aux institutions culturelles et religieuses musulmanes, outre le

5 fait que l'Eglise catholique avait une grande capacité d'exercer une

6 influence sur les événements en Bosnie-Herzégovine sous l'autorité austro-

7 hongroise. Donc une partie au moins de la population, qui se considérait

8 comme croate, avait cette possibilité.

9 Je ne parle pas de la Bosnie en tant qu'entité politique. Je ne

10 discute pas de l'indépendance ou de la souveraineté de la Bosnie. Je dis

11 que différentes couches de la population ont pu exercer un certain

12 contrôle pendant cette période.

13 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé d'une autonomie

14 culturelle, mais je suis plus intéressé par l'autonomie politique. A

15 l'époque de l'empire austro-hongrois, comment les peuples pouvaient-ils

16 décider de leur propre sort ? Au sein de quelles institutions ?

17 M. Donia (interprétation). - Vous voulez me faire parler du

18 Parlement qui a été créé en 1910, j'imagine. C'est une institution qui

19 avait des pouvoirs limités. Il était élu, comme je l'ai dit, sur la base

20 de droits censitaires limités. Le Parlement pouvait faire des lois, mais

21 ce droit était en partie circonscrit par les autorités. Cela étant, les

22 Bosniaques ont pu ainsi, à cette période, exercer un certain contrôle

23 politique.

24 M. Nobilo (interprétation). - Pendant le Royaume yougoslave,

25 excepté la Banovina croate, les peuples vivant sur le territoire de la

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1 Bosnie-Herzégovine actuelle pouvaient-ils décider d'une manière

2 indépendante de leur sort politique ? Pouvaient-ils décider également des

3 rapports entre les différents peuples ?

4 M. Donia (interprétation). - Encore une fois, vous posez deux

5 questions en une. La Bosnie n'avait pas l'autonomie sous le Royaume de

6 Yougoslavie, mais les peuples participaient aux institutions

7 parlementaires. Pour ce qui est du Royaume des Serbes, des Croates et des

8 Slovènes, à partir de 1918 jusqu'au moment de la proclamation de la

9 dictature en 1929, cela se faisait de façon non restrictive, tout comme

10 cela se passe aux Etats-Unis où les citoyens participent aux institutions

11 politiques fédérales. Après 1929, les règles ont été restreintes et la

12 participation a décru, mais elle s'est néanmoins poursuivie lors des

13 élections parlementaires.

14 M. Nobilo (interprétation). - En tout cas, si l'on oublie le

15 Moyen Age, est-il vrai de dire que c'est en 1991 que la Bosnie-Herzégovine

16 est devenue pour la première fois un Etat indépendant ?

17 M. Donia (interprétation). - Oui.

18 M. Nobilo (interprétation). - Merci.

19 Passons maintenant à la guerre en Slovénie. A la page 181, vous

20 avez dit que les Slovènes ont opposé une résistance très forte à laquelle

21 ils ne s'attendaient pas et que, par conséquent, la JNA s'est retirée de

22 la Slovénie. Ma question est la suivante : est-ce que la JNA s'est retirée

23 à cause de cette résistance surprenante des Slovènes ou y avait-il une

24 autre raison ?

25 M. Donia (interprétation). - Je crois qu'il y a plusieurs

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1 raisons. Le degré de résistance a été effectivement une surprise pour les

2 commandants de la JNA et a très certainement facilité la décision selon

3 laquelle la JNA n'avait pas grand chose à gagner en Slovénie. Il est donc

4 difficile de vous donner une réponse simple, mais la résistance

5 surprenante de la part des Slovènes a été un facteur important.

6 Dans le même temps, les commandants de la JNA sont rapidement

7 parvenus, manifestement, à la conclusion que la Slovénie n'était pas un

8 enjeu majeur dans ces plans et que, de plus, la sécession de la Slovénie

9 pouvait même présenter certains avantages.

10 M. Nobilo (interprétation). - Mais pourquoi la guerre a-t-elle

11 duré aussi peu de temps en Slovénie alors qu'en Croatie, elle a duré

12 beaucoup plus longtemps ? Peut-être la JNA agissait-elle d'une manière

13 différente et beaucoup plus violente en Croatie ? Pouvez-vous nous dire

14 quelles sont les raisons de ce changement ?

15 M. Donia (interprétation). - Les circonstances étaient telles en

16 Slovénie que la JNA est rapidement arrivée à la conclusion que ses

17 intérêts stratégiques n'étaient pas en jeu et cette décision a été rendue

18 plus facile encore par la résistance surprenante des Slovènes. Cette

19 conclusion n'a pas été tirée par la JNA en Croatie.

20 Concernant les raisons pour lesquelles elle a conclu dans ce

21 sens en Slovénie et non pas en Croatie et en Bosnie, là aussi, plusieurs

22 facteurs entrent en ligne de compte, notamment un facteur très important

23 qui est la préoccupation de protéger la population serbe qui se trouvait

24 tant en Bosnie qu'en Croatie et, ensuite, les rapports qui se sont noués

25 entre certains officiers de la JNA et les mouvements politiques serbes de

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1 la Krajina, ainsi que les organisations paramilitaires qui avaient été

2 entraînées en Serbie.

3 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez mentionné les intérêts

4 stratégiques de la JNA ainsi que les organisations paramilitaires des

5 Serbes dans la Krajina. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il était d'un

6 intérêt stratégique de la JNA d'entrer dans la guerre en Croatie ?

7 Pourquoi ne s'agissait-il pas également de prévenir la Slovénie de faire

8 sécession avec la Yougoslavie ? En quoi consiste cette différence des

9 intérêts stratégiques de la JNA en Croatie par rapport à la Slovénie ?

10 M. Donia (interprétation). - Je ne suis pas très sûr de que la

11 constitution ait quelque chose à voir avec cela. La JNA était à même de

12 prendre en compte les différentes options, et je ne peux prétendre être

13 expert de ce qui s'est passé au sein de la JNA à l'époque. Je serais assez

14 réticent à parler des intérêts stratégiques de la JNA.

15 M. Nobilo (interprétation). - D'accord, mais vous avez quand

16 même mentionné des intérêts stratégiques. Je vais reformuler ma question.

17 Est-ce que, dans les projets serbes qui déterminent la frontière

18 occidentale de la Serbie, on incluait d'une manière quelconque la

19 Slovénie ?

20 M. Donia (interprétation). - Non.

21 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que ce ne sont pas les

22 raisons de ce désintérêt montré par la JNA envers la Slovénie ?

23 M. Donia (interprétation). - Peut-être.

24 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Selon vous, à quel moment a

25 commencé l'intervention de la JNA en Bosnie-Herzégovine ?

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1 M. Donia (interprétation). - Je ne peux pas fixer de date. La

2 JNA était de toute évidence stationnée en Bosnie dès la Deuxième Guerre

3 Mondiale. Elle avait donc là des installations de production et un grand

4 nombre de troupes sur le territoire de la Bosnie qui s'y trouvaient depuis

5 longtemps. Elle a renforcé sa présence en Bosnie pendant la guerre avec la

6 Croatie, mais je ne peux pas vous donner de date précise concernant cet

7 effort de la part de la JNA.

8 Je pense qu'il est difficile de donner une date à partir de

9 laquelle un groupe aurait commencé à intervenir directement. Je pense

10 qu'il y a eu un processus évolutif qui s'est étendu dans le temps plutôt

11 qu'une date précise qui a marqué le début du processus.

12 M. Nobilo (interprétation). - Peut-être pourrait-on mentionner

13 quelques événements importants. Savez-vous quand la JNA a rayé de la carte

14 le village croate de Ravno, en Bosnie Herzégovine ?

15 M. Donia (interprétation). - C'était au mois d'octobre 1991.

16 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous à quel moment 10 000

17 soldats de réserve serbes venant de Serbie et du Monténégro ont débarqué

18 sur le territoire de la Bosnie Herzégovine ?

19 M. Donia (interprétation). - Non. C'était à l'automne de 1991.

20 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. Savez-vous à quel moment

21 la JNA a arrêté Alija Izetbegovic ?

22 M. Donia (interprétation). - Je ne suis pas absolument sûr de ce

23 que vous voulez me faire dire sur ces questions, mais je peux vous

24 répondre par oui ou par non, et vous verrez si je connais ou non ces

25 événements. Si vous voulez que je vous donne des détails, je crois qu'il

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1 vaut mieux parler de cette suite d'événements. Comme je l'ai dit, la

2 mobilisation de la JNA s'est renforcée en Bosnie à l'automne 1991, et cela

3 a plusieurs aspects : premièrement, la création de ce qu'on a appelé les

4 zones militaires serbes (cela s'est passé en septembre 1991) ;

5 deuxièmement, un contrôle militaire plus grand de certaines zones civiles

6 et des positions qu'a occupées la JNA en Bosnie pour mieux contrôler le

7 cours de la guerre en Croatie.

8 Ce rôle de la JNA le long des frontières croates est devenu très

9 important dans la façon dont la guerre a été menée en Croatie.

10 M. Nobilo (interprétation). - J'essaie de savoir quel est le

11 début des préparations pour les combats militaires, mais je crois que vous

12 avez répondu à ma question.

13 Savez-vous quand a été proclamé l'état de guerre à Sarajevo par

14 le gouvernement de Sarajevo et qui a été désigné en tant qu'agresseur à ce

15 moment-là ?

16 M. Donia (interprétation). - Je pense que l'état de guerre a été

17 proclamé à Sarajevo le 7 avril 1992, mais je ne suis pas absolument sûr de

18 cette date.

19 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous quand a eu lieu la

20 première attaque de la JNA sur Sarajevo ?

21 M. Donia (interprétation). - Encore une fois, il y a plusieurs

22 dates que l'on peut mentionner. Il y a eu des escarmouches au début du

23 mois de mars. L'attaque à proprement parler par des unités paramilitaires

24 serbes s'est déroulée le 6 avril et la première offensive contre Sarajevo

25 a eu lieu juste après.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous quel est le jour

2 officiel de la création de l'armée de Bosnie Herzégovine ?

3 M. Donia (interprétation). - Non.

4 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous dire si c'était avant

5 ou après l'attaque contre Sarajevo ?

6 M. Donia (interprétation). - Non.

7 M. Nobilo (interprétation). - A la page 184 du compte-rendu,

8 vous affirmez que Milosevic s'est séparé d'une partie des Serbes de Bosnie

9 au mois de mars 1993. Ai-je bien retenu vos propos ?

10 M. Donia (interprétation). -.- Oui.

11 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que cela veut dire ? A-

12 t-il complètement arrêté sa coopération avec les Serbes de Bosnie ? Est-ce

13 que la coopération militaire continue avec eux ? Est-ce que l'intervention

14 militaire de la JNA continue après ce moment-là ? Pouvez-vous nous dire

15 quelque chose là-dessus ?

16 M. Donia (interprétation). - Je viens d'entendre quatre

17 questions. Pouvez-vous les poser une à une, si vous le voulez bien ?

18 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. Vous affirmez que

19 Milosevic s'est séparé d'une partie des Serbes de Bosnie au mois de

20 mars 1993. Qu'est-ce que cela veut dire ?

21 M. Donia (interprétation). - C'est en mars 1993 que Milosevic a

22 demandé aux Serbes de Bosnie de signer l'accord Vance-Owen. Il y a eu des

23 pressions considérables exercées sur les Serbes de Bosnie afin qu'ils

24 signent, afin que ce qu'on a appelé l'assemblée signe. L'assemblée a

25 refusé de le faire, et je crois qu'on peut dire qu'à ce moment-là, il y a

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1 eu une divergence de points de vue entre Milosevic et les dirigeants des

2 Serbes de Bosnie.

3 M. Nobilo (interprétation). - Ensuite, après cette date, est-ce

4 que la Serbie a fourni une aide militaire aux Serbes de Bosnie ?

5 M. Donia (interprétation). - Je pense qu'elle l'a fait, oui.

6 M. Nobilo (interprétation). - Après cette date, est-ce que les

7 unités paramilitaires de Serbie ont passé la frontière, sont entrées en

8 Bosnie-Herzégovine et ont lutté du côté des Serbes de Bosnie ?

9 M. Donia (interprétation). - Je dirai qu'elles l'ont fait, oui,

10 au vu des éléments de preuve dont nous disposons.

11 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que, après cette date, la

12 JNA a participé activement à l'un des combats sur le territoire de Bosnie-

13 Herzégovine ?

14 M. Donia (interprétation). - Si je peux préciser votre question,

15 à partir de mai 1992 et par la suite, la JNA s'est manifestée en Bosnie et

16 s'est transformée en armée des Serbes de Bosnie. Je considère cela comme

17 une extension des forces de la JNA sous un autre nom. Elle est devenue une

18 force placée sous un commandement différent, incarné par M. Mladic.

19 S'agissant de savoir si la JNA basée en Serbie et au Monténégro

20 est intervenue, je pense qu'il y a une très grande probabilité pour que

21 des unités supplémentaires soient entrées au moment du combat pour

22 Srebrenica, en mars et avril 1993, mais je n'ai pas les indices suffisants

23 pour l'étayer.

24 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie. Nous en arrivons

25 à Karadordevo...

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1 M. le Président. - Maître Nobilo, nous allons faire une pause de

2 vingt minutes, comme nous le ferons désormais, pour respecter le travail

3 des interprètes.

4 Vous nous avez dit ce matin, Maître Nobilo, que vous pensiez

5 contre-interroger le témoin pendant environ une heure (mais il ne s'agit

6 pas de chronométrer à la minute, bien entendu). Je pense à l'intervention

7 de votre confrère qui va suivre. Normalement, nous devrions terminer vers

8 17 h 30, sans préjudice des questions que pourraient poser mes collègues

9 et moi-même. Comment voyez-vous la suite des événements ? Comment voyez-

10 vous le programme, Maître Nobilo ? C'est vous qui connaissez les questions

11 qui vous restent à poser encore et non pas nous.

12 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai encore

13 seulement trois pages de questions dans mon bloc. J'ai peut-être quatre ou

14 cinq questions avec plusieurs sous-questions, mais je crois qu'une demi-

15 heure au maximum me suffira. Je vais faire de mon mieux pour aller le plus

16 vite possible.

17 M. le Président. - Nous allons reprendre à 16 h 30, en faisant

18 une pause un peu plus longue, ce qui vous permettra de vous mettre

19 d'accord avec Me Hayman. Si vous prenez une demi-heure, nous en arrivons à

20 17 h 00. Maître Hayman, combien de temps pensez-vous qu'il vous faudra ?

21 M. Hayman (interprétation). - J'ai éliminé à peu près un tiers

22 de mes questions, Monsieur le Président, afin que cela aille plus vite,

23 mais j'ai un certain nombre de documents, notamment des ouvrages ou des

24 publications du témoin, et il faudra quelque temps, ne fût-ce que pour

25 distribuer ces documents et en avoir une traduction à vue. Ce sont

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1 quelques extraits que j'ai passés au surligneur fluo. Pour ma part, je

2 pense que j'aurai besoin de deux heures.

3 M. le Président. - Monsieur le Procureur, avez-vous des

4 observations sur ce timing ? Cela veut dire bien entendu que M. Donia

5 devra revenir demain matin.

6 M. Kehoe (interprétation). - Ce sera l'un ou l'autre. C'est

7 aussi une question qui concerne M. Donia, Monsieur le Président.

8 M. le Président. - Monsieur Donia est à la disposition du

9 Tribunal pénal international. Je suppose que c'est ce qu'il va nous

10 répondre. Il doit être fatigué, d'ailleurs.

11 M. Donia (interprétation). - Je suis à votre entière

12 disposition, Monsieur le Président.

13 M. le Président. - Nous allons donc suspendre l'audience et la

14 reprendre à 16 h 30 pour une heure, sachant que nous la reprendrons demain

15 matin. L'audience est suspendue.

16

17 L'audience, suspendue à 16 h 05, est reprise à 16 h 35.

18

19 M. le Président. - L'audience est reprise. Maître Nobilo, vous

20 avez la parole.

21 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

22 Monsieur Donia, nous nous sommes arrêtés à Karadordevo. Vous

23 avez mentionné Karadordevo et les spéculations des journalistes sur

24 l'accord qui aurait été conclu entre Milosevic et Tudjman sur le partage

25 de la Bosnie. Avez-vous connaissance d'une déclaration quelconque des

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1 participants à cette réunion ?

2 M. Donia (interprétation). - Non.

3 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous une source directe quant

4 à la teneur de cette rencontre ?

5 M. Donia (interprétation). - Non.

6 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait eu des

7 spéculations des journalistes sur un accord qui aurait été conclu entre

8 Tudjman et Milosevic sur le partage de la Bosnie. Est-ce que vous acceptez

9 ces spéculations comme étant exactes ou avez-vous une position plutôt

10 neutre ?

11 M. Donia (interprétation). - A ce propos, pour savoir ce qui fut

12 convenu exactement entre Milosevic et les autres, je suis devenu tout à

13 fait agnostique. Je ne pense pas que les participants se soient prononcés

14 avec suffisamment de clarté ni avec suffisamment de conviction pour me

15 permettre de tirer quelque conclusion que ce soit. Je ferai remarquer que,

16 parmi mes collègues universitaires, je me trouve en situation minoritaire

17 sur la question. Si ceux qui ont examiné les entretiens avec les personnes

18 proches des participants en ont conclu cela, c'est qu'il y avait un accord

19 certain.

20 Il y a un article de la plume d'Attila Hore, dans la Revue

21 trimestrielle de d'Europe de l'est, qui parle d'un projet de partage de la

22 Bosnie-Herzégovine entre 1990 et 1994. Cela se fonde sur des entretiens

23 menés par plusieurs publications en Croatie avec des personnes proches des

24 participants ou avec les participants eux-mêmes. C'est là l'exemple d'une

25 personne indépendante qui a conclu qu'il y avait eu un tel accord.

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1 Personnellement, je ne peux pas parvenir à d'autres conclusions que celle-

2 ci : le fait qu'il y avait vraiment beaucoup de spéculations et qu'il y en

3 a encore dans les médias aujourd'hui.

4 M. Nobilo (interprétation). - En tant que personne neutre,

5 comment pourriez-vous expliquer le fait qu'après cet accord, en 1991, on

6 ait assisté aux événements de Vukovar et de Dubrovnik ? Comment peut-on

7 situer ces événements dans le cadre de cet accord qui aurait été conclu

8 entre Tudjman et Milosevic ?

9 M. Donia (interprétation). - Je ne pense pas qu'il y ait

10 nécessairement conflit avec cette réalité. En effet, les deux parties

11 étaient, en puissance, désireux de se trouver dans une partie de la

12 Bosnie, mais chacun avait son programme particulier pour ce qui est de la

13 Croatie. La réunion de Karadordevo (on s'en souviendra) a eu lieu au début

14 de 1991, avant le déclenchement des hostilités en Slovénie et en Croatie.

15 On pourrait donc dire que c'est là l'un des nombreux efforts entrepris

16 pour parvenir à un accord avant que les hostilités n'éclatent.

17 Effectivement, cela aurait pu aussi permettre de prévenir les

18 hostilités, mais j'insiste sur l'impossibilité, pour moi, de tirer des

19 conclusions quant à l'accord qui aurait été conclu à Karadordevo.

20 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Ensuite, à la page 208 du

21 compte rendu, vous dites que la Republika Srpska et la communauté croate

22 de Herceg-Bosna sont très similaires. Donc je me réfère à la page 208,

23 lignes 1 à 5.

24 Pourriez-vous nous dire quelle est la raison principale de la

25 création de la Republika Srpska ? Quel est son but ?

Page 700

1 M. Donia (interprétation). - Soyons clairs. Lors de ma

2 déposition, j'ai dit que la communauté croate s'engageait dans une

3 activité qui était remarquable dans sa ressemblance avec les actes

4 entrepris par les Serbes qui, en même temps, établissaient leur propre

5 communauté sur une base purement territoriale. La question était de savoir

6 à quoi servait la création, à quel but devait servir cette Republika

7 Srpska. Le but était effectivement d'établir une entité territoriale au

8 sein de la Bosnie, et les Serbes de Bosnie pensaient qu'effectivement,

9 cela devait être une entité dominée par les Serbes de Bosnie et habitée

10 uniquement par eux.

11 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que les fondateurs de la

12 Republika Srpska avaient un autre but, à savoir l'union avec la Serbie, ou

13 se contentaient-ils plutôt d'avoir leur propre entité au sein de la

14 Bosnie-Herzégovine ?

15 M. Donia (interprétation). - Je pense que leur but ultime était

16 sans doute l'unification avec la Serbie. Toutefois, ils n'étaient pas en

17 mesure de parvenir à leurs fins à cette époque.

18 M. Nobilo (interprétation). - Mais ont-ils officiellement

19 proclamé que c'était leur objectif ?

20 M. Donia (interprétation). - Je ne sais pas.

21 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quel était

22 l'objectif principal de la création de la communauté croate de la Herceg-

23 Bosna ? Pourquoi a-t-on créé cette communauté croate ?

24 M. Donia (interprétation). - Je pense qu'il y a plusieurs

25 raisons à sa fondation. J'ai fait remarquer que l'objectif explicite était

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1 l'établissement d'une entité territoriale pour les Croates de Bosnie, très

2 semblable à son pendant serbe de Bosnie, à savoir une entité territoriale

3 qui, si elle n'était pas tout à fait et exclusivement habitée par des

4 Croates de Bosnie, devait être dominée par ceux-ci.

5 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que, en élaborant ces

6 faits, vous étiez en contact avec des actes juridiques de la communauté

7 croate de la Herceg-Bosna ? Est-ce que vous avez vu les actes qui

8 constituent cette communauté croate de la Herceg-Bosna ?

9 M. Donia (interprétation). - Oui. J'ai aussi relevé les

10 observations faites par Lord Owen, qui estimait que les objectifs

11 poursuivis par la communauté, non seulement étaient semblables à ceux des

12 objectifs de la Republika Srpska, mais aussi s'en inspiraient.

13 M. Nobilo (interprétation). - Dans l'acte de la constitution de

14 la communauté croate de la Herceg-Bosna, quelle est la raison principale

15 invoquée pour la création de cette communauté ?

16 M. Donia (interprétation). - Je ne dispose pas de ce document

17 devant moi.

18 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous me dire, Monsieur

19 Donia, en regardant les actes juridiques de la communauté croate de la

20 Herceg-Bosna, si cette communauté reconnaissait le fait d'être une partie

21 de la Bosnie-Herzégovine ou non ?

22 M. Donia (interprétation). - Oui.

23 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous donner la date de

24 la création des trois régions autonomes serbes créées en Bosnie ?

25 M. Donia (interprétation). - En septembre 1991.

Page 702

1 M. Nobilo (interprétation). - Quant à la Republika Serbska,

2 quand a-t-elle été fondée ?

3 M. Donia (interprétation). - Je n'ai pas la date exacte en tête.

4 Je pense que cela s'est passé au début de 1992, peut-être en janvier.

5 M. Nobilo (interprétation). - Acceptez-vous le mois de

6 novembre ?

7 M. Donia (interprétation). - D'accord.

8 M. Nobilo (interprétation). - A votre avis, le gouvernement de

9 Sarajevo a-t-il commencé à temps ses préparatifs pour la défense contre

10 l'agression de la JNA ?

11 M. Donia (interprétation). - Oui.

12 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de la double

13 nationalité et, à la page 211 du compte rendu, lignes 17 à 21, vous

14 affirmez que la double nationalité était prévue uniquement pour ceux qui

15 vivaient au sein de la communauté croate de Herceg-Bosna. Est-ce exact ?

16 M. Donia (interprétation). - C'est du moins ce que la presse en

17 a dit à l'époque, lorsqu'on a parlé des deux résolution adoptées à cette

18 réunion du 9 février. Il y avait une résolution sur la double nationalité,

19 sur le territoire de la communauté croate de Herceg-Bosna, et l'autre

20 parlait du référendum imminent pour la Bosnie-Herzégovine.

21 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous vu les originaux des

22 documents auxquels vous faites référence ?

23 M. Donia (interprétation). - J'ai vu les communiqués de presse.

24 Je ne me souviens plus qui en a parlé, quel journal en a parlé. C'étaient

25 peut-être "Sloboda Damalcia" (?) et "Jacik" (?). Ces deux journaux ont

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1 fait un reportage sur les résolutions adoptées à cette réunion.

2 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous que la constitution de

3 la République de Croatie et la loi sur la citoyenneté prévoient que tous

4 les Croates, quel que soit leur domicile, ont droit à la nationalité

5 croate, outre leur autre nationalité ?

6 M. Donia (interprétation). - Oui.

7 M. Nobilo (interprétation). - Ceci est en accord avec la loi et

8 la constitution de la République de Croatie. Donc un Croate de Sarajevo

9 peut-il obtenir la citoyenneté croate tout comme un Croate de

10 Mejugorian* ?

11 M. Donia (interprétation). - Vous me posez là une question

12 d'ordre constitutionnel. J'ai l'impression qu'au titre de la constitution

13 croate et de cette disposition tout à fait extraordinaire, ce soit

14 possible, qu'il serait possible d'être citoyen d'Australie ou de

15 Polynésie.

16 M. Nobilo (interprétation). - A la page 215, vous parlez des

17 objectifs territoriaux du HDZ, au lieu des objectifs culturels du HDZ et

18 d'une communauté culturelle des Croates de Bosnie. A votre avis, en 1991

19 et en 1992, pensait-on plutôt à la création d'une communauté culturelle

20 qu'à la création d'une communauté qui serait à même de défendre son

21 territoire ?

22 M. Donia (interprétation). - Non seulement je pense qu'il était

23 approprié de s'intéresser à la communauté culturelle, mais je vous citerai

24 aussi des entretiens tenus par le chef des Franciscains en Bosnie,

25 M. Andelovic*, et l'évêque Pulic (?) de Sarajevo qui, en mars et en

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1 juillet 1993, tout deux, ont condamné cette politique tout à fait

2 d'exclusion où on mettait l'accent sur le territoire, où l'on abandonnait

3 ces centaines de milliers de Croates en dehors des entités de Herceg-

4 Bosna. Je partage leur avis, je pense que c'était inapproprié en 1992 et

5 cela le serait encore aujourd'hui.

6 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Dans le courant de 1992

7 et 1993, savez-vous combien de Bosniens et de Croates sont partis de

8 Bosnie-Herzégovine au titre de réfugiés ?

9 M. Donia (interprétation). - Vous demandiez combien de Croates

10 ou combien de Bosniens ?

11 M. Nobilo (interprétation). - Les uns et les autres. Je vous ai

12 demandé pour les Bosniens et pour les Croates.

13 M. Donia (interprétation). - Il y a un chiffre qui porte à

14 contestation, mais lorsqu'on parle des réfugiés, on parle de deux

15 millions. Beaucoup de ces deux millions de réfugiés ont été chassés de

16 leur foyer, mais sont restés en Bosnie-Herzégovine.

17 Toutefois, la moitié, sinon plus, d'entre eux ont été aussi

18 chassés des territoires de Bosnie-Herzégovine et ont été accueillis en

19 tant que réfugiés dans les pays voisins.

20 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur Donia. Monsieur le

21 Président, ce sera tout de mon côté.

22 M. le Président. - Maître Hayman ?

23 M. Hayman (interprétation). - Merci, monsieur le Président. Bon

24 après-midi, Monsieur Donia.

25 M. Donia (interprétation). - Bon après-midi.

Page 705

1 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que,

2 lorsque la guerre éclate en Bosnie en mars 1992 -voilà la date-, la JNA et

3 les Serbes de Bosnie avaient un avantage sérieux en équipements, en

4 personnels militaires par rapport aux forces alliées musulmanes et croates

5 de Bosnie ?

6 M. Donia (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - La JNA et les Serbes de Bosnie

8 avaient quelque 90 000 hommes en Bosnie à cette époque, n'est-ce pas ?

9 M. Donia (interprétation). - Oui, c'est à peu près cela. Je

10 crois que votre estimation est bonne.

11 M. Hayman (interprétation). - La JNA contrôlait-elle aussi la

12 plupart des équipements militaires, des arsenaux de munitions et avait-

13 elle aussi des tanks, des centaines de chasseurs, d'avions ?

14 M. Donia (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Par contraste, de combien d'hommes

16 disposait la milice de Croatie ? Combien d'hommes avait-elle sous les

17 drapeaux à cette époque, pour autant qu'elle en ait eu dans cette période

18 qui va de mars à avril 1992 ?

19 M. Donia (interprétation). - Je ne vais pas parler ici des

20 milices croates de Bosnie. Je ne pourrais pas vous avancer un chiffre

21 exact sans autre consultation.

22 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous un exemplaire de votre

23 livre qui s'intitule la "Bosnie-Herzégovine, une tradition trahie" ?

24 M. Donia (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous vous reporter à la

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1 page 239 et vous rafraîchir la mémoire, pour ce qui est du nombre d'hommes

2 dans les milices ?

3 M. Donia (interprétation). - Oui, j'ai parlé de 12 000 dans la

4 partie occidentale de Herzégovine.

5 M. Hayman (interprétation). - Cette partie occidentale de la

6 Herzégovine se trouve à une certaine distance de la Bosnie centrale,

7 n'est-ce pas ?

8 M. Donia (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Il y a là plus de vingt ou trente,

10 même cinquante kilomètres pour arriver à cette partie, n'est-ce pas ?

11 M. Donia (interprétation). - Oui.

12 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous combien d'hommes il y

13 avait en Bosnie centrale qui faisaient partie de la milice croate de

14 Bosnie pendant cette période de mars à avril 1992?

15 M. Donia (interprétation). - Non.

16 M. Hayman (interprétation). - L'armée de Bosnie-Herzégovine

17 disposait d'une supériorité numérique en hommes par rapport aux milices

18 croates de Bosnie. Etes-vous d'accord avec mon hypothèse ? Je parle ici de

19 la période de mars à avril 1992..

20 M. Donia (interprétation). - Les forces territoriales avaient

21 effectivement plus d'hommes que dans les milices croates.

22 M. Hayman (interprétation). - Il y en avait peut-être 50 000,

23 d'accord ?

24 M. Donia (interprétation). - Oui, ils étaient préparés de façon

25 différente et ils étaient équipés à différents degrés.

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1 M. Hayman (interprétation). - Quand vous parlez de forces

2 territoriales, pensez-vous aux forces de réserves locales qu'il y avait

3 dans toute la Yougoslavie avant la guerre de 1992 ou les guerres de 1991

4 et 1992 ?

5 M. Donia (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Sauriez-vous si les milices

7 croates de Bosnie, en Bosnie centrale, étaient aussi nées des forces

8 territoriales, un peu comme l'armée de Bosnie-Herzégovine qui, elle, était

9 née des forces territoriales de la région ?

10 M. Donia (interprétation). - Non, je ne sais pas.

11 M. Hayman (interprétation). - Vous ne connaissez pas la réponse

12 à cette question ? Avez vous des raisons de croire que ces forces croates

13 de Bosnie n'étaient pas nées des forces territoriales de la région ?

14 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais objecter à la forme de

15 la question. Le témoin a dit qu'il ne savait pas.

16 M. le Président. - Maître Hayman, voulez-vous reformuler votre

17 question ou maintenez-vous votre question ?

18 M. Hayman (interprétation). - La question que j'ai posée,

19 monsieur le Président, était de savoir si M. Donia avait des raisons de

20 douter que ces milices croates soient nées de ces forces territoriales,

21 mais je vais reformuler ma question.

22 M. Donia (interprétation). - Je ne sais que très peu de choses

23 sur la formation du HVO en Bosnie, donc je ne peux pas répondre à la

24 question. Je n'ai pas de raison de douter, mais je ne peux pas répondre à

25 la question.

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1 M. Hayman (interprétation). - Les membres des forces

2 territoriales faisaient-il partie d'une armée professionnelle ? Etaient-

3 ils des soldats professionnels ?

4 M. Donia (interprétation). - Non, en fait, c'étaient des soldats

5 de réserve entraînés.

6 M. Hayman (interprétation). - Devaient-ils, par exemple, un mois

7 ou vingt week-ends par an, rester au service ou ne faisaient-ils pas

8 partie de la structure ?

9 M. Donia (interprétation). - Je sais que ce n'étaient pas des

10 forces à temps complet, mais je ne sais pas d'où elles provenaient.

11 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si tous les hommes d'un

12 certain âge faisaient partie des forces territoriales en ex-Yougoslavie ?

13 M. Donia (interprétation). - Je crois que c'était la volonté

14 d'origine, mais en ce qui concerne la réalité des choses, je ne sais pas.

15 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si ces membres des

16 forces territoriales se voyaient remettre des armes ? Avaient-ils leurs

17 propres armes en ex-Yougoslavie ?

18 M. Donia (interprétation). - Je ne sais pas.

19 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous s'ils disposaient de

20 moyens de communication moderne ?

21 M. Donia (interprétation). - ...

22 M. Hayman (interprétation). - Le concept des forces

23 territoriales était-il, à votre avis, qu'ils allaient défendre leur propre

24 territoire local en cas d'attaque de la part d'un agresseur externe ?

25 M. Donia (interprétation) - C'était en tout cas l'intention.

Page 710

1 Oui, tout à fait.

2 Me Hayman (interprétation) - Seriez-vous d'accord avec moi pour

3 dire que ceci n'était pas cohérent avec l'idée d'une force de combat

4 mobile qui allait sortir de son entité territoriale pour aller lutter

5 contre un agresseur sur un autre terrain ?

6 M. Donia (interprétation) - Je crois en effet qu'il y a ici une

7 incohérence. Cela ne fait pas une théorie très homogène.

8 Les forces territoriales, au cas où il y aurait eu une invasion,

9 n'étaient sans doute pas préparées ou ne s'attendaient pas à rester dans

10 un rayon de un à deux kilomètres autour de leur habitation.

11 Me Hayman (interprétation) - Lors de l'interrogatoire

12 principal, vous avez parlé du processus par lequel il était possible de

13 parvenir à davantage de mobilité de combat, mais c'est là un processus qui

14 s'est développé sur quelque trois ans.

15 Si vous voulez examiner votre déposition, il s'agit de la page

16 187, ligne 18. (Le témoin consulte le document). Voyez-vous cette partie

17 de votre déposition ?

18 Cette force supérieure de combat a-t-elle été acquise au fil des

19 trois ans parce que les soldats ont été mieux formés pendant cette période

20 de trois ans ?

21 M. Donia (interprétation) - Je crois qu'en fait, c'était

22 déterminé par plusieurs éléments.

23 M. Hayman (interprétation) - Mais c'était l'un des facteurs !

24 M. Donia (interprétation) -Oui, il fallait plus d'entraînement.

25 Ils ont d'ailleurs acquis plus d'entraînement, plus d'armes. Ils avaient

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1 plus de capacités qu'ils n'avaient pas auparavant. C'est donc en fait un

2 processus progressif qui s'est passé en Bosnie pour ces forces.

3 M. Hayman (interprétation) - Leur puissance se serait-elle

4 améliorée alors qu'ils apprenaient par exemple ce que voulait dire la

5 discipline militaire ?

6 M. Donia (interprétation) - Oui, je crois.

7 M. Hayman (interprétation) - A la fin de cette période de trois

8 ans que vous avez esquissée, vous arrivez donc en 1995 à peu près.

9 Aurait-on pu comparer les armées qui sont nées de ces forces

10 territoriales, en termes de maturité, aux armées occidentales -par exemple

11 l'armée britannique, l'armée américaine ou d'autres armées par exemple- ou

12 y aurait-il encore un certain fossé pour ce qui est de la maturité, du

13 professionnalisme de ces forces ?

14 M. Donia (interprétation) - Dans mon témoignage, j'ai déjà parlé

15 de ces deux questions, de ces différentes armées et il y a quelques

16 différences entre les deux.

17 Les forces croates avaient un meilleur accès à un armement

18 moderne et l'armée croate, au cours d'une campagne très forte pour

19 retrouver sa force, a acquis de plus grandes capacités que l'armée de

20 Bosnie-Herzégovine pour la période dont nous parlons.

21 M. Hayman (interprétation) - Moi, je vous parle de ces éléments

22 qui sont nés et qui se sont développés à partir de ces forces

23 territoriales. Vous avez dit que l'armée de Bosnie-Herzégovine était née

24 pratiquement des forces territoriales de l'ex-Yougoslavie.

25 M. Donia (interprétation) - Oui.

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1 M. Hayman (interprétation) - Vous avez dit que vous ne saviez

2 pas si le HVO, en Bosnie centrale, s'était aussi développé à partir de ces

3 forces territoriales.

4 M. Donia (interprétation) - C'est exact.

5 M. Hayman (interprétation) - Je m'attache pour le moment à

6 cette force, ou à ces forces qui se sont développées à partir des forces

7 territoriales qui se trouvaient en ex-Yougoslavie.

8 Pourriez-vous dire qu'à la fin de cette période de trois ans -

9 nous parlons ici de 1992 qui se termine en 1995- cette force ou ces

10 forces, développées à partir de ce processus, pouvaient être comparées à

11 des armées modernes d'Europe occidentale ou reste-t-il quand même un

12 décalage entre elles ?

13 M. Donia (interprétation) - Non, on ne pouvait pas les comparer

14 à des armées occidentales.

15 M. Hayman (interprétation) - Est-ce dû au fait qu'il y aurait

16 quand même un certain décalage quant à la formation de ces troupes ?

17 M. Donia (interprétation) - Parmi d'autres éléments,

18 effectivement, oui. La formation, l'équipement militaire et différents

19 éléments ont empêché cette armée d'évoluer durant cette période.

20 M. Hayman (interprétation) - Le niveau général de discipline et

21 de professionnalisme n'était pas comparable à ce qu'on peut trouver dans

22 une armée occidentale moderne.

23 M. Donia (interprétation) - (.?.)

24 M. Hayman (interprétation) - Conviendrez-vous avec moi que les

25 routes ont toujours revêtu une importance stratégique énorme et qu'en

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1 fait, cette infrastructure était très importante pour l'occupant

2 allemand ?

3 M. Donia (interprétation) - Oui, elles étaient très importantes,

4 elles l'étaient également pour les forces autrichiennes qui ont envahi le

5 pays en 1878.

6 M. Hayman (interprétation) - C'était aussi important, vu

7 l'éclatement de ce conflit entre Croates et Musulmans en Bosnie centrale ?

8 M. Donia (interprétation) - Oui.

9 M. Hayman (interprétation) - Etes-vous d'accord avec moi pour

10 dire que cette conclusion vaut aussi pour la route qui va de Busovaca à

11 Travnik en Bosnie centrale . A votre avis, est-ce une artère de

12 communication importante entre deux villes d'une importance certaine ?

13 M. Donia (interprétation) - Oui.

14 M. Hayman (interprétation) - Il y a un instant, vous avez dit

15 qu'il y avait à peu près un million de réfugiés en Bosnie, qui sont restés

16 à un moment donné en Bosnie. Je n'ai pas saisi le moment où ils sont

17 restés en Bosnie.

18 A quel moment y aurait il eu à peu près un million de réfugiés ?

19 Pour vous rafraîchir la mémoire, vous parlez de ce phénomène à la page 245

20 de votre ouvrage. Je sais que l'on est à un moment tardif de la journée,

21 on ne se livrera donc pas à une sorte de quizz, un jeu de mémoire.

22 M. Donia (interprétation) - Je suis très heureux que vous ayez

23 lu mon livre.

24 Le flux de réfugiés a augmenté rapidement après avril 1992. J'ai

25 dit qu'à l'automne 1992, il y avait environ 2 millions de réfugiés.

Page 714

1 M. Hayman (interprétation) - Etes-vous d'accord pour dire

2 qu'un million de ces réfugiés sont restés en Bosnie ?

3 M. Donia (interprétation) - A un moment donné, oui

4 effectivement. Ensuite, il y a eu un mouvement progressif. Beaucoup ont

5 fui. Il est très difficile de décrire une situation à un moment

6 particulier.

7 Lorsque j'ai écrit cela dans mon livre, je voulais dire que la

8 Bosna a dû supporter un fardeau très lourd, c'est-à-dire le fardeau des

9 réfugiés.

10 M. Hayman (interprétation) - Effectivement ce fardeau pesait

11 très lourdement sur les services municipaux, par exemple.

12 M. Donia (interprétation) - Oui.

13 M. Hayman (interprétation) - Parce qu'il fallait fournir un

14 minimum de conditions, et cela représentait vraiment quelque chose de très

15 lourd pour les endroits ou arrivaient ces réfugiés.

16 M. Donia (interprétation) - Oui.

17 M. Hayman (interprétation) - Pourriez-vous nous préciser si la

18 Bosnie centrale a accueilli un afflux considérable de réfugiés pendant la

19 dernière partie de 1992 ?

20 M. Donia (interprétation) - Non.

21 M. Hayman (interprétation) - Vous voudrez bien réfléchir avec

22 moi. La Bosnie orientale est entre les mains des Serbes de Bosnie à

23 l'automne 1992, n'est-ce pas ?

24 M. Donia (interprétation) - Oui, cependant, en Bosnie orientale,

25 il y a eu une exception. Il y avait encore de nombreuses enclaves qui

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1 comprenaient une population assez importante de Musulmans qui sont par la

2 suite devenus des réfugiés. Certains d'entre eux étaient déjà réfugiés de

3 villages contrôlés par les forces serbes de Bosnie.

4 M. Hayman (interprétation) - Faisons un pas en arrière. La

5 guerre éclate. En l'espace de quelques semaines, les Serbes de Bosnie

6 occupent, s'emparent de quelque 65 % du territoire de la Bosnie-

7 Herzégovine.

8 M. Donia (interprétation) - Oui.

9 M. Hayman (interprétation) - Cela ne crée-t-il pas

10 inévitablement un grand mouvement de réfugiés du fait même de cette

11 action ?

12 M. Donia (interprétation) - Oui.

13 M. Hayman (interprétation) - Alors que nous sommes au début de

14 la guerre, ces actions portent-elles aussi sur des actions en Bosnie

15 orientale ?

16 M. Donia (interprétation) - Oui, et dans la partie occidentale.

17 M. Hayman (interprétation) - Ainsi que dans la partie du Nord-

18 Ouest. Sous un simple aspect géométrique, il est clair que si vous avez

19 des mouvements de tous les points cardinaux avec des réfugiés, ils tendent

20 à se rendre vers la Bosnie centrale.

21 M. Donia (interprétation) - Cela n'est que spéculation. Je ne me

22 suis pas assez penché sur ces afflux de réfugiés dans cette partie du pays

23 pour pouvoir répondre à votre question.

24 J'ai étudié d'autres régions et j'ai vu que les réfugiés avaient

25 tendance à fuir vers des zones telles que les villes qu'ils connaissaient

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1 bien, par exemple. Par exemple, les gens de Bosnie orientale ont fui

2 beaucoup vers Tuzla, une ville qu'ils connaissaient bien dans cette région

3 du pays.

4 M. Hayman (interprétation) - Je change de sujet. Il nous reste

5 encore un peu de temps dont j'essaierai de tirer le meilleur parti.

6 Lors de l'interrogatoire principal, s'agissant de ce que l'on a

7 appelé un ultimatum, vous l'avez qualifié d'ultimatum qui donnait comme

8 date butoir le 15 avril 1993. Vous souvenez-vous de cette déclaration ?

9 Vous avez également fait lecture de certaines parties de

10 quelques articles de presse. Je crois qu'ils représentaient les pièces

11 n° 25 et 26. Je ne sais pas si cela sera nécessaire, mais peut-être M. le

12 greffier pourrait-il les présenter au témoin s'il a besoin d'y faire

13 référence.

14 Avez-vous un résumé qui nous permettrait de poursuivre alors que

15 les documents se préparent ?

16 M. Donia (interprétation) - Oui, je vous remercie.

17 M. Hayman (interprétation) - Combien de points y avait-il

18 d'après cet article de presse à propos de cet "ultimatum" ?

19 M. Donia (interprétation) - La proposition d'accord contient six

20 points. Je voudrais souligner que les deux documents -un article provenant

21 de "Slobovna Dalmatia", et l'autre provenant de "Ugesnik"- contiennent six

22 points. Une déclaration provenant du Conseil croate de Défense est citée

23 dans les deux documents.

24 M. Hayman (interprétation) - Il y a donc six points d'après cet

25 article.

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1 M. Donia (interprétation) - Tout à fait.

2 M. Hayman (interprétation) - Sur le premier point, seriez-vous

3 d'accord avec moi pour dire qu'il signifie que tous les désaccords ou

4 malentendus entre les nations musulmane et croate à propos des frontières

5 ont été réglées ? Est-ce bien le premier point ?

6 M. Donia (interprétation) - Il est dit que tous les malentendus

7 ont été évités.

8 M. Hayman (interprétation) - La quintessence, c'est qu'il n'y

9 ait plus de malentendu, n'est-ce pas ?

10 M. Donia (interprétation) - C'est cela.

11 M. Hayman (interprétation) - Le point 2 ne revient-il pas à dire

12 que les forces extérieures -je parle donc de forces qui ne sont pas nées

13 dans une région particulière- doivent quitter les régions dans les trois

14 jours ?

15 M. Donia (interprétation) - Oui. Je voudrais préciser la nature

16 de ce document que nous regardons actuellement. C'est un projet d'accord

17 qui a été signé par un parti et pas par l'autre.

18 J'accepte votre façon de commenter le premier et le deuxième

19 point.

20 M. Hayman (interprétation) - Ce deuxième point ne veut-il pas

21 dire que, par exemple, s'il y avait une garnison de troupes cantonnées de

22 manière permanente, par exemple dans la ville de Zenica, et était

23 constituée de personnes originaires de la région, cette garnison ne

24 devrait pas quitter ladite région en vertu du point n° 2 de cet accord ?

25 M. Donia (interprétation) - Oui.

Page 718

1 M. Hayman (interprétation) - Point 3 : êtes-vous d'accord pour

2 dire que ce point prévoit que dans chacune des six provinces prévues par

3 le Plan Vance-Owen, désignées comme étant des provinces musulmanes ou

4 croates, le commandement serait exercé, soit par le HVO, soit par l'armée

5 de Bosnie-Herzégovine, contrôle sur l'ensemble du HVO et l'ensemble des

6 forces armées de Bosnie-Herzégovine dans cette province et canton ?

7 M. Donia (interprétation) - Je suis d'accord.

8 M. Hayman (interprétation) - Il y aurait une unité de

9 commandement unitaire qui aurait été plus efficace pour la coordination

10 des efforts de défense contre les Serbes ?

11 M. Donia (interprétation) - Oui.

12 M. Hayman (interprétation) - Point 4 : Ce point revient-t-il à

13 dire qu'il est fait obligation aux quartiers généraux du HVO et de l'armée

14 de Bosnie-Herzégovine de constituer un état-major unitaire conjoint pour

15 avril 1993 ?

16 M. Donia (interprétation) - Non, ce n'est pas une obligation

17 pour l'armée de Bosnie-Herzégovine parce que cela n'a pas été signé par

18 Izetbegovic.

19 M. Hayman (interprétation) - Aux termes de l'accord, pour

20 autant que l'on reste dans les termes de l'accord. C'est bien la

21 proposition figurant au point 4, n'est-ce pas ?

22 M. Donia (interprétation) - Oui, c'est vrai.

23 M. Hayman (interprétation) - En quintessence, c'est un point

24 qui dit qu'il n'y aura plus de conflit. Le point 6 prévoit la libre

25 circulation des biens et des personnes.

Page 719

1 Alors que cette publication a été faite le 3 avril 1993, le

2 Président Izetbegovic a-t-il pris la parole pour rejeter la proposition ?

3 M. Donia (interprétation) - J'aimerais souligner que ce point

4 n° 6 n'est pas isolé du reste du document. Ce document n'a pas été donné

5 aux médias indépendamment. Il faisait partie d'une déclaration faite par

6 le Conseil croate de la Défense qui incluait différentes étapes pour son

7 application.

8 Le Président Izetbegovic connaissait cette déclaration. On ne

9 sait pas véritablement s'il a eu l'occasion de signer ce document.

10 M. Hayman (interprétation). - S'agissant de l'accord ainsi pris,

11 vous ne pensez pas que ce document ait jamais existé en tant que document

12 unique séparé ?

13 M. Donia (interprétation). - Je ne le sais pas.

14 M. Hayman (interprétation). - Et vous aimeriez l'avoir. L'avez-

15 vous jamais vu ?

16 M. Donia (interprétation). - Non, je n'ai vu que le communiqué

17 de presse.

18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que l'huissier peut

19 présenter cette pièce au témoin ? Il y a aussi une traduction en français.

20 Ces deux pièces pourraient donc être remises, en tout cas être inscrites

21 de façon coordonnée.

22 M. le Président. - Monsieur le Greffier, vous veillerez à la

23 numérotation pour les pièces à conviction.

24 M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce D/6, et la D/6/A est la

25 traduction en français.

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1 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion, avant de

2 venir déposer ici, de rencontrer et discuter avec les représentants du

3 bureau du Procureur ?

4 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement.

5 M. Hayman (interprétation). - Au cours de ces entretiens, avez-

6 vous discuté de cette question du prétendu ultimatum, idée à laquelle vous

7 avez souscrit par le biais de ces pièces 25 et 26 ? Avez-vous discuté de

8 ce sujet ?

9 M. Donia (interprétation). - Oui.

10 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu'à un moment donné, le

11 représentant du bureau du Procureur vous a dit qu'il disposait de ce

12 communiqué conjoint, pièce D/6 ?

13 M. Donia (interprétation). - Cette déclaration conjointe sous

14 cette forme ?

15 M. Hayman (interprétation). - Oui.

16 M. Donia (interprétation). - Non.

17 M. Hayman (interprétation). - Il ne vous l'a pas montrée ?

18 M. Donia (interprétation). - Non.

19 M. Hayman (interprétation). - Ils ne vous ont pas dit qu'ils

20 l'avaient ?

21 M. Donia (interprétation). - Non.

22 M. Hayman (interprétation). - Quand avez-vous conclu pour la

23 première fois que cet ultimatum, cette "date butoir" du 15 avril 1993

24 revêtait une grande importance ?

25 M. Donia (interprétation). - J'en ai d'abord conclu qu'il y

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1 avait un ultimatum d'une grande importance lorsque j'ai consulté les

2 rapports des services d'information étrangers. J'ai retrouvé tout ce qui

3 concernait la période allant de fin mars à la mi-avril 1993. J'ai constaté

4 à cette occasion que des dépêches de presse indiquaient qu'il y avait eu

5 un ultimatum, effectivement, et cela m'a amené à vouloir en vérifier

6 l'existence dans la presse périodique de l'époque. J'ai donc demandé à

7 l'équipe de recherche de l'accusation tous éléments qui confirmeraient

8 l'existence de cet ultimatum.

9 M. Hayman (interprétation). - Je suppose donc que l'accusation

10 vous a remis les pièces 25 et 26 ?

11 M. Donia (interprétation). - Oui.

12 M. Hayman (interprétation). - Ce n'est pas vous qui, du fait de

13 vos recherches, les avez fournies ?

14 M. Donia (interprétation). - J'ai remis l'ultimatum lui-même à

15 la suite de mes recherches et j'ai demandé de façon précise à l'équipe de

16 chercheurs de l'accusation, et en particulier à Milan Andrejevic qui

17 connaît bien la presse périodique de l'époque, de vérifier pour moi

18 l'existence de cet ultimatum.

19 M. Hayman (interprétation). - Est-ce vous qui avez trouvé ces

20 pièces 25 et 26, ou est-ce l'accusation qui vous les a remises ?

21 M. Donia (interprétation). - On me les a données.

22 M. Hayman (interprétation). - Si vous dites avoir trouvé cet

23 "ultimatum", est-ce que vous l'avez trouvé mentionné dans la presse ?

24 M. Donia (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - Votre ouvrage fait-il mention de

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1 cet ultimatum ?

2 M. Donia (interprétation). - Non.

3 M. Hayman (interprétation). - Il fait plus de 300 pages, n'est-

4 ce pas ?

5 M. Donia (interprétation). - Je pense que c'est exact,

6 effectivement.

7 M. Hayman (interprétation). - Et ceci est vrai en dépit du fait

8 que vous dites, dans la préface, que ceci va éclairer les sources du

9 conflit bosniaque qui a commencé en 1992 ?

10 M. Donia (interprétation). - C'était effectivement le but du

11 livre. Malheureusement, ce n'est pas un compte rendu exhaustif, donc il y

12 a de nombreuses omissions dans cet ouvrage. Je peux en convenir.

13 M. Hayman (interprétation). - De fait, dans ce livre, attribuez-

14 vous le conflit qui a éclaté en avril 93 entre les Croates et les

15 Musulmans de Bosnie à d'autres facteurs que ce prétendu ultimatum ?

16 M. Donia (interprétation). - Oui. Je crois que j'ai parlé de

17 plusieurs facteurs dans cet ouvrage.

18 M. Hayman (interprétation). - Et l'ultimatum n'en est pas un ?

19 M. Donia (interprétation). - Effectivement, j'avais connaissance

20 de l'ultimatum à moment-là et j'ai rédigé ces notes pendant l'été 93.

21 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que votre avis a changé et

22 croyez-vous aujourd'hui que cet ultimatum a été un facteur critique dans

23 le déclenchement des hostilité entre les musulmans et les crocs hâte de

24 Bosnie en 1993 ?

25 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement.

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1 M. Hayman (interprétation). - Outre les enquêteurs du bureau du

2 Procureur et les différents représentants du Tribunal, est-ce que vous

3 avez interviewé un participant de la scène politique ou de la scène

4 militaire en Bosnie centrale, sur cette question j'entends, question qui

5 est de savoir si cet accord a été considéré comme un ultimatum ou pas, et

6 s'il a contribué au déclenchement du conflit entre les Musulmans et les

7 Croates de Bosnie ? Est-ce que vous avez interviewé un seul participant à

8 ces événements sur cette question ?

9 M. Donia (interprétation). - Non.

10 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous avez rencontré les

11 représentants du bureau du Procureur, vous ont-ils indiqué qu'ils avaient

12 dit au juge de confirmation de cette affaire que cet accord avait été

13 conclu, celui de la pièce D/6 ?

14 M. Donia (interprétation). - Excusez-moi, voulez-vous répéter

15 votre question ?

16 M. Hayman (interprétation). - Vous ont-ils indiqué qu'ils

17 avaient dit au juge de confirmation de l'acte d'accusation de cette

18 affaire que cet accord avait été conclu et appliqué par le Président

19 Izetbegovic et M. Boban ?

20 M. Donia (interprétation). - Non, non.

21 M. Hayman (interprétation de l'anglais). - Peut-on présenter

22 cette pièce supplémentaire par le truchement de l'huissier ? Il y a une

23 traduction française aussi.

24 (Le document est remis au témoin et aux juges.)

25 M. Hayman (interprétation de l'anglais). - Le greffier peut-il

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1 nous donner le numéro des pièces ?

2 M. le Greffier. - Il s'agit des pièces D/7 et D/7a.

3 M. Hayman (interprétation de l'anglais). - Merci.

4 Monsieur Donia, il s'agit de pièces dont certaines parties ont

5 été expurgées, à savoir les parties non pertinentes. Avez-vous eu la

6 possibilité d'examiner ce qu'il en reste ?

7 M. Donia (interprétation). - Oui.

8 M. Hayman (interprétation de l'anglais). - Avez-vous jamais vu

9 la pièce D/7, précédemment ?

10 M. Donia (interprétation). - Non.

11 M. Hayman (interprétation de l'anglais). - Avez-vous jamais

12 discuté de la teneur de ce document avec quelqu'un du bureau du

13 Procureur ?

14 M. Donia (interprétation). - Non.

15 M. Hayman (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit, lors

16 de l'interrogatoire principal, que vous pensiez que cet accord en six

17 points serait considéré comme entièrement inacceptable aux yeux du

18 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

19 M. Donia (interprétation). - Je voudrais revoir ce que j'ai dit.

20 M. Hayman (interprétation de l'anglais). - Comment l'avez-vous

21 dit ? Je crois que c'est en ce sens que vous avez témoigné, mais je vous

22 laisse formuler vous-même votre opinion sur ce point.

23 M. Donia (interprétation). - On n'a jamais été tout à fait

24 certain de la rédaction initiale de ce document et je ne connaîs pas

25 précisément l'auteur ou la date de ce document.

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1 Je l'ai donc examiné et il m'a semblé que ce document

2 s'inscrivait dans ce que voulait le HVO qui avait une certaine idée quant

3 au règlement à apporter aux questions juridictionnelles à l'époque. Ce

4 n'est pas quelque chose que le gouvernement de Bosnie-Herzégovine ou

5 Alija Izetbegovic défendaient pour leur part.

6 Par ailleurs, s'agissant du point 4 en particulier, celui-ci

7 parle d'un quartier-général conjoint, ce qui est assez conforme à ce

8 qu'avait dit publiquement M. Izetbegovic à Zagreb, quelques jours avant ce

9 communiqué conjoint.

10 M. Hayman (interprétation). - En faveur d'un quartier général

11 conjoint, en vue d'une plus grande coordination et d'une résistance plus

12 efficace contre l'agresseur serbe du côté des Croates de Bosnie et des

13 Musulmans, n'est-ce pas ?

14 M. Donia (interprétation). - Vous lui attribuez des mots qui ne

15 sont pas nécessairement les siens. Lors de cette réunion, M. Izetbegovic

16 ou plutôt le Président Tudjman et Mate Boban ont eu une réunion. Elle a

17 débouché sur l'annonce de cet accord et, très certainement, il y a eu des

18 pressions exercées sur lui, à cette époque, en vue de sa signature, ce qui

19 est un facteur à prendre en compte.

20 M. Hayman (interprétation de l'anglais). - Mais que dites-vous

21 donc du caractère acceptable ou inacceptable aux yeux du gouvernement de

22 Bosnie-Herzégovine, à l'époque ?

23 M. Donia (interprétation). - A mon avis, le point 4 était de

24 toute évidence acceptable et souhaitable. Pour ce qui est des autres

25 points, je pense qu'il y aurait eu un accord rapide sur le point 1, un

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1 accord beaucoup plus difficile sur le point 2 et beaucoup moins

2 d'enthousiasme de la part du gouvernement de Bosnie-Herzégovine quant au

3 point 2. La même chose vaut pour le point 3. Il y aurait un accord, je

4 pense, sur les points 4, 5 et 6.

5 M. Hayman (interprétation de l'anglais). - Monsieur le

6 Président, il est 17 heures 30 et, si vous le jugez utile, nous pourrions

7 peut-être arrêter ici.

8 M. le Président (interprétation). - J'attendais effectivement

9 la césure à ce point-là. Donc, nous reprendrons demain matin à 10 heures,

10 avec la poursuite du contre-interrogatoire de M. Donia. L'audience est

11 levée jusqu'à demain.

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13 L'audience est levée à 17 heures 30.

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