Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 20 août 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

5 M. le Président. - Veuillez vous assoeir. Monsieur le Greffier,

6 veuillez faire entrer l'accusé.

7 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)

8 Tout le monde m’entend. Monsieur Blaskic, vous m'entendez ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

10 Je vous entends bien.

11 M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

12 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

13 Bonjour, Messieurs les Avocats.

14 Je voudrais appeler à la barre le Docteur Muhamed Mujezinovic,

15 qui est mon prochain témoin.

16 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

17 M. le Président. - Bonjour, Monsieur. Est-ce que vous

18 m'entendez ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, je vous entends,

20 Monsieur le Président.

21 M. le Président. - Pouvez-vous vous lever et dire au Tribunal

22 votre nom et votre prénom ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - Je m'appelle

24 Docteur Muhamed Mujezinovic de Vitez, spécialiste en médecine interne et

25 en médecine du travail.

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1 M. le Président. - Vous allez lire la déclaration qui vous a été

2 tendue. Vous devez avoir devant vous un texte dans votre langue qui est la

3 déclaration solennelle, votre prestation de serment. Pouvez-vous la lire

4 au Tribunal à haute voix ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Je déclare solennellement que

6 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 M. le Président. - Le Tribunal vous remercie. Maintenant, vous

8 allez vous apprêter à répondre aux questions du Procureur. Vous pouvez

9 vous asseoir.

10 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur Muhamed

11 Mujezinovic.

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Bonjour.

13 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous épeler votre nom de

14 famille pour le compte rendu, je vous prie ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Je m'appelle Docteur

16 Muhamed Mujezinovic.

17 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous épeler votre nom de

18 famille, s'il vous plaît ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Mu-je-zi-no-vic.

20 M. Harmon (interprétation). - Merci. Quel âge avez-vous,

21 Docteur Mujezinovic ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Je suis né le 18 mai 1949,

23 dans la municipalité de Vitez, dans le village de Vrhovine.

24 M. Harmon (interprétation). - Quelle est votre profession ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Je suis médecin, spécialiste

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1 de médecine interne et de médecine du travail.

2 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire votre

3 niveau d'enseignement ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai achevé mes études

5 primaires à Vitez et mes études secondaires également à Vitez en 1964.

6 J'ai poursuivi mes études dans une école médicale secondaire. Après quoi,

7 je suis entré à la faculté de médecine de Sarajevo.

8 Je suis entré dans l'armée yougoslave en 1975-1976. A mon retour

9 du service militaire, j'ai obtenu mon diplôme de la faculté de médecine de

10 Sarajevo. Mon premier travail en tant que médecin s'est déroulé au centre

11 médical de Boboj.

12 A partir de 1979, j'ai travaillé avec le Dr Franjo Tibold. Je

13 suis retourné à Vitez plus tard, pour y travailler en tant que médecin.

14 Depuis ce moment-là, j'ai tout le temps travaillé au centre médical de

15 Vitez et ce jusqu'aujourd'hui.

16 M. Harmon (interprétation). - Outre vos responsabilités

17 professionnelles en tant que médecin d'un centre médical, avez-vous eu des

18 fonctions de médecin volontaire au sein de la communauté de Vitez ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Dans la municipalité de

20 Vitez, après un an de travail, je suis devenu directeur du centre médical.

21 J'ai été envoyé faire ma spécialité en tant que médecin

22 interniste. J'ai obtenu cette spécialité en 1984. Après quoi, j'ai

23 travaillé au centre médical de Vitez et à l'hôpital général de Travnik.

24 En 1979, j'ai achevé des études de spécialité en médecine du travail. Je

25 suis devenu spécialiste des maladies du travail. J'ai obtenu ce diplôme de

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1 Sarajevo.

2 Outre mes activités professionnelles en tant que médecin, j'ai

3 travaillé dans des clubs sportifs de Vitez, également en tant que médecin.

4 J'ai également, de temps en temps, travaillé pour la Croix-Rouge

5 internationale, notamment en donnant des conférences aux donneurs de sang

6 potentiels.

7 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, puisque vous

8 avez vécu dans la communauté de Vitez la plus grande partie de votre vie,

9 j'aimerais vous demander de décrire ce qu'était la vie dans la

10 municipalité de Vitez, avant le début de la guerre, notamment l'état des

11 relations entre les différents groupes ethniques, au sein de la

12 communauté.

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Vitez est une petite

14 localité. 5500 habitants vivaient au centre de Vitez. Les villages

15 environnants, qui sont reliés à Vitez par des routes asphaltées qui ont

16 l'électricité et le téléphone, abritaient au total 28000 habitants.

17 8600 personnes avaient un emploi à Vitez, ce qui est un taux relativement

18 élevé. Je dois dire que, dans la ville de Vitez, le niveau de vie était

19 relativement élevé par rapport à nos conditions d'existence. J'ai

20 travaillé en tant que médecin à Vitez depuis 1979 jusqu'à 1991 et je n'ai

21 entendu parler d'aucun incident inter-ethnique pendant cette période.

22 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé de coexistence

23 pacifique entre les différentes communautés. Est-ce que c'était également

24 vrai de la municipalité de Busovaca et de Kiseljak ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Je crois que c'était

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1 effectivement le cas. Je n'ai pas entendu parler d'incidents inter-

2 ethniques entre les différentes communautés. A Vitez, nous avions un grand

3 nombre de techniciens, d’ingénieurs de Macédoine, de Serbie, de Croatie.

4 Il y avait également un grand nombre de professionnels, d'experts issus de

5 la région. Donc je n'ai pas entendu, dans la totalité du territoire de

6 Bosnie centrale, parler d'incidents inter-ethniques.

7 M. Harmon (interprétation). - J’aimerais que nous parlions

8 maintenant de la fin des années 1980 et du début des années 1990. Est-ce

9 que des partis politiques ont vu le jour en Bosnie durant cette période ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Jusqu'en 1990, nous n'avions

11 qu'un seul parti. En 1990, un certain nombre de partis politiques ont vu

12 le jour et notamment des partis nationaux. Il existait à Vitez l'Union

13 démocratique croate, le Parti démocratique serbe, le Conseil des réformes

14 serbes, le Mouvement du changement serbe, le Conseil des transformations

15 démocratiques, le Conseil des socialistes, ainsi que le SDA. Il y avait

16 également un arti croate qui n'a pas participé aux élections de 1990 pour

17 autant que je le sache, le Parti du droit. Donc il y avait en 1990 à Vitez

18 huit partis différents.

19 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous donner les noms

20 des principaux partis nationaux qui fonctionnaient à Vitez à cette

21 époque ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Les principaux partis

23 nationaux étaient l'Union démocratique croate, le Parti démocratique serbe

24 et le Parti d'action démocratique, ainsi que le Parti croate du droit.

25 M. Harmon (interprétation). - J’aimerais que nous nous

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1 concentrions sur le parti HDZ. Est-ce que c’était le parti des Croates de

2 Bosnie ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Le HDZ était effectivement le

4 parti des Croates de Bosnie, mais son siège se trouvait en Croatie à

5 Zagreb. Je crois que le HDZ dépendait en fait du Parti démocratique croate

6 de Croatie.

7 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, pourriez-vous

8 nous donner simplement le nom des principaux dirigeants politiques du

9 parti HDZ ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - A Vitez ?

11 M. Harmon (interprétation). - A Vitez, oui.

12 M. Mujezinovic (interprétation). - En 1990, le président du

13 Parti démocratique croate était Anto Valenta, technologue diplômé. Puis,

14 il y avait Pero Skopljak, professeur de théologie. Ensuite,

15 Marijan Skopljak, Ivica Santic, technologues diplômés. Je crois que tels

16 étaient les noms des principaux responsables politiques de ce parti à

17 Vitez, du Parti démocratique croate de Vitez.

18 M. Harmon (interprétation). - Le SDS, est-ce que c'était le

19 parti des Serbes de Bosnie ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, c'était le parti des

21 Serbes de Bosnie. Le président était Jovica Mijatovic, technicien

22 mécanicien de Vitez. Slobodan Zero étant le vice-président, qui je crois

23 était un juriste.

24 M. Harmon (interprétation). - Passons maintenant au SDA. Est-ce

25 que c'était le parti des Musulmans de Bosnie ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, le Parti de l'action

2 démocratique était le parti des Musulmans de Bosnie. Son président était

3 Hajrudin Karic. Après un an, il y a eu des élections internes au sein du

4 SDA à Vitez. Le deuxième président a été Munib Kajmovic, professeur

5 d'histoire de Vitez.

6 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, vous avez

7 parlé également de partis politiques de moindre importance qui existaient

8 au sein de la communauté de Vitez. Est-ce exact ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous nous donner les noms

11 de ces partis et les noms de leurs dirigeants ? En même temps,

12 docteur Mujezinovic, je vous demanderais de nous dire si ces partis

13 avaient un rapport quelconque avec l'un des groupes ethniques ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Le Conseil des communistes,

15 Parti des transformations démocratiques, Neven Karajic(?) était le

16 président de ce parti à Vitez. Le Conseil de la jeunesse socialiste,

17 Conseil démocratique, son président était Asim Sibro. Le Conseil des

18 transformations et des réformes, le président de ce parti était

19 Suad Salkic, ingénieur diplômé en électrotechnique. Le Conseil

20 démocratique des socialistes, son président était Josip Silic, professeur

21 de Vitez. Ces partis étaient des partis qui n'étaient pas des partis

22 nationaux et qui, en fait, prolongeaient la tradition des partis d'avant-

23 guerre dans une plus ou moins grande mesure.

24 M. Harmon (interprétation). - Aviez-vous un rôle au sein du

25 parti politique appelé le SDA ? Si tel était le cas, pourriez-vous nous

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1 décrire ce rôle ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Jusqu'en août 1991, je n'ai

3 joué aucun rôle du Parti d'action démocratique. Lors des élections au mois

4 d'août 1991, j'ai été élu au Conseil suprême du Parti d'action

5 démocratique et j'ai été élu au poste de premier vice-président du SDA de

6 Vitez. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à participer à l'activité de

7 ce parti. Jusqu'à cette date-là, je ne m'étais jamais occupé de politique.

8 M. Harmon (interprétation). - Quelles étaient vos tâches et

9 responsabilités dans le cadre de vos fonctions en tant que vice-président

10 du Conseil exécutif suprême ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - J'étais l'adjoint du

12 président, je le remplaçais dans un certain nombre de tâches. Puis, à

13 Vitez, j'étais chargé de m'occuper, en 1990, du groupe culturel de Vitez

14 et des groupes humanitaires. Nous avons créé le groupe des Musulmans

15 Merhamet qui était un groupe humanitaire, et le groupe Preporod qui était

16 un groupe culturel.

17 En dehors de ce que j'ai déjà dit, je participais activement aux

18 activités des associations culturelles et humanitaires qui venaient de se

19 créer.

20 M. Harmon (interprétation). - Occupiez-vous un poste officiel au

21 sein de l’Association Merhamet ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - J'étais vice-président de

23 l'Association Merhamet. J''étais également vice-président de l'Association

24 culturelle des Musulmans.

25 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer, en

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1 quelques mots, ce qu’était l'Association Merhamet ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - L’Association Merhamet était

3 une association humanitaire chargée d'apporter une aide aux vieillards,

4 aux personnes démunies, aux réfugiés, aux personnes déplacées, donc de

5 leur apporter une aide du point de vue de l'équipement vestimentaire, de

6 l'alimentation, du logement. Tels étaient les principes de base de

7 Merhamet. L’Association faisait partie d'un réseau d'associations Merhamet

8 qui existait dans l’ensemble de la Bosnie-Herzégovine, et même au-delà des

9 frontières de la Bosnie-Herzégovine. Il y avait une Association Merhamet à

10 Split, à Zagreb, à Rijeka(?), à Maribor, en Allemagne, en Autriche, en

11 Suisse, toutes étant des organisations humanitaires.

12 M. Harmon (interprétation). - J’aimerais attirer votre attention

13 sur l’association culturelle et artistique. Pouvez-vous dire en quelques

14 mots, au Tribunal, quelles étaient les activités de cette association ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - A Vitez, notre objectif

16 consistait à réactiver la culture des Musulmans de Bosnie, à réactiver le

17 folfkore, la poésie, la littérature, par le biais des moyens

18 d’informations publiques. Cette association a agi pendant une période très

19 brève et nous avons, dans cette période très brève, organisé deux

20 spectacles où ont été entendu des poètes et des écrivains bosniaques. Nous

21 avions aussi une coopération avec l'association culturelle croate, dont

22 j'étais également membre.

23 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, je voudrais

24 passer à un autre sujet. Est-ce que les Croates de Bosnie possédaient les

25 mêmes organisations caritatives et culturelles ? Et ,si oui, quels étaient

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1 leurs noms ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, l'organisation Caritas.

3 L’organisation caritative existait, ainsi que l’organisation culturelle

4 Napredak qui était l'organisation des Croates.

5 Pour autant que je le sache, leurs activités étaient les mêmes

6 que celles des associations humanitaires et culturelles musulmanes. Nous

7 avons coopéré avec Caritas et avec Napredak.

8 M. Harmon (interprétation). - Etiez-vous menbre d'une de ces

9 organisations caritatives ou culturelles croates ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, j'étais membre de

11 l'association culturelle Napredak des Musulmans et des Croates, présidée

12 par Zvonimir Cilic.

13 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des réunions entre les

14 deux associations culturelles et caritatives ? Y avait-il une

15 collaboration ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai travaillé à Vitez pour

17 le président de Napredak. Il y avait également l'Association Preporod.

18 Nous avions les mêmes activités, dans le domaine sportif notamment nous

19 nous mettions d'accord sur des actions à mener en commun. Malheureusement

20 nous n’avons pu en organiser qu'une seule à Vitez.

21 Dzamahudin Lazic et Zelko Ivandic, des chanteurs bien connus à

22 Sarajevo, sont venus à Vitez se produire, mais faute de temps nous n'avons

23 pas eu à Vitez les conditions nécessaires pour une collaboration plus

24 intense et plus durable.

25 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, j’aimerais

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1 maintenant passer au sujet des élections qui ont été organisées dans la

2 municipalité de Vitez. D’abord pouvez-vous nous dire quand ces élections

3 ont eu lieu ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Je n'étais pas engagé

5 activement dans ce travail, mais lorsque j'avais du temps à ma disposition

6 je prenais la parole dans les réunions publiques de tous les partis. Les

7 élections se sont tenues en novembre 1990.

8 M. Harmon (interprétation). - Quels ont été les résultats de ces

9 élections ? Pouvez-vous nous dire combien chacun des partis politiques,

10 qui avaient mené campagne, a obtenu de sièges à l’issue de ces élections ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - Le parlement municipal, nous

12 l’appelions l’assemblée municipale, comptait soixante délégués. Elle avait

13 soixante sièges. L'Union démocratique croate, le Parti croate, a obtenu le

14 plus grand nombre de sièges au sein de cette assemblée, soit vingt trois

15 sièges. Le Parti d’action démocratique, le parti des Musulmans de Bosnie,

16 a obtenu seize sièges. Le Parti démocratique serbe a obtenu deux sièges.

17 Le Conseil des communistes, Parti des transformations démocratiques, a

18 obtenu neuf sièges. Le Parti des transformations et des réformes a obtenu

19 sept sièges. Le Conseil démocratique de la jeunesse socialiste a obtenu

20 deux sièges. Le Conseil démocratique socialiste a obtenu un siège. Au

21 total, il y avait soixante représentants élus au sein de l'assemblée

22 municipale.

23 M. Harmon (interprétation). - Donc les élus composaient le corps

24 législatif de la municipalité, n'est-ce pas ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

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1 M. Harmon (interprétation). - Quelles étaient les fonctions de

2 l'assemblée ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - L'assemblée municipale avait

4 un pouvoir étendu. Son président, issue du Parti démocratique croate,

5 Ivan Santic, présidait le parlement qui agissait en fonction des besoins

6 du parlement. Toutes les autres institutions travaillaient en fonction des

7 ordonnances, des décisions, des arrêt, de l'assemblée municipale. Tous les

8 autres organes des pouvoirs municipaux, aussi bien que la police,

9 l'industrie, la défense, tous les canaux de l'existence à Vitez

10 dépendaient de l'assemblée municipale, c'est-à-dire de ce parlement de la

11 municipalité.

12 M. Harmon (interprétation). - Qui était le chef de l'assemblée

13 municipale ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Il y avait un représentant du

15 Parti démocratique croate, M. Ivan Santic, diplômé en technologie, à la

16 tête de l'assemblée municipale de Vitez.

17 M. Harmon (interprétation). - C'était un Croate, n’est-ce pas ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, c’était un Croate.

19 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il un un conseil exécutif

20 ou une présidence du gouvernement ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - J’ai déjà dit que le

22 parlement ou l’assemblée municipale était l'organe suprême, l'organe

23 exécutif et le pouvoir exécutif étaient mis en œuvre par un conseil

24 municipal dont le Président était issu du parti de l'action démocratique,

25 M. Fuad Kaknjo, un ingénieur.

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1 M. Harmon (interprétation). - M. Kaknjo était Musulman, n’est-ce

2 pas ?

3 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer

5 brièvement les rapports qui existaient entre l'assemblée municipale et le

6 gouvernement ?

7 M. Mujezinovic (interprétation) - La nouvelle assemblée, ou

8 plutôt le nouveau pouvoir, a commencé à travailler au début de

9 l’année 1991 seulement. Au cours de la première année d'activité, je n'ai

10 eu connaissance d'aucun problème dans les rapports entre le parlement et

11 le gouvernement, à savoir que le parlement faisait son travail et le

12 gouvernement le sien. Bien entendu, il y avait quelques petits désaccords

13 habituels, mais les décisions du parlement étaient relativement bien mises

14 en oeuvre. Il y avait une bonne coopération entre le président de

15 l'assemblée municipale et le président du gouvernement dans la

16 municipalité de Vitez.

17 M. Harmon (interprétation). - Cette assemblée se réunissait-elle

18 souvent ?

19 M. Mujezinovic (interprétation) - Je n'étais pas membre de

20 l'assemblée municipale moi-même. Le président de l’assemblée municipale

21 réunissait l’assemblée lorsque cela était nécessaire, mais je ne pourrais

22 pas vous donner la fréquence de ces réunions. Je ne prenais pas activement

23 part à cette assemblée, je ne faisais pas partie de ce parlement

24 municipal.

25 M. Harmon (interprétation). - Messieurs les Juges, sur le

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1 chevalet se trouve une photocopie de la pièce 45. Je voudrais que ce soit

2 enregistré aux fins d'identification sous la cote 45B. pour l’accusation.

3 M. le Président. - Elle est différente de la pièce 45, Monsieur

4 le Procureur ?

5 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

6 vais l'utiliser avec le témoin, y faire quelques annotations et ensuite

7 demander à ce qu'elle soit enregistrée sous la cote 45B.

8 Monsieur Mujezinovic, veuillez, s’il vous plaît, vous approcher

9 de cette grande photographie qui se trouve sur le chevalet et avec un

10 crayon entourer les immeubles dans lesquels se retrouvait l'assemblée

11 municipale.

12 (Le témoin entoure les immeubles de l'assemblée municipale.)

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Voilà le bâtiment de

14 l'assemblée municipale à Vitez.

15 M. Harmon (interprétation). - Veuillez, s'il vous plaît,

16 l'encercler en vert. Où se trouve l'immeuble de l'assemblée municipale par

17 rapport à l’Hôtel Vitez, s'il vous plaît ?

18 M. Mujezinovic (interprétation) - Eh bien, de l'autre côté de la

19 rue il y a l'hôtel Vitez. Voulez-vous que je l'encercle également ?

20 M. Harmon (interprétation). - Oui, s'il vous plaît. Vous pouvez

21 vous rasseoir, Monsieur Mujezinovic, je vous remercie.

22 M. Mujezinovic (interprétation) - Excusez-moi, voici l'hôtel et

23 voici la poste de Vitez, l'hôtel est là, en face de la poste.

24 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, vous pouvez

25 vous rasseoir. Précédemment, vous avez donné les noms de certains

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1 individus importants qui ont joué un rôle dans le parti HDZ, parmi

2 lesquels Anto Valenta. Après les élections, quel rôle Anto Valenta a-t-il

3 joué, que ce soit au sein du parti ou au sein du gouvernement ?

4 M. Mujezinovic (interprétation) - Anto Valenta est diplômé en

5 technologie. Il était enseignant au lycée de Vitez et il était également

6 président du parti HDZ à Vitez.

7 M. Harmon (interprétation). - Plus tard, n'a-t-il pas joué des

8 fonctions plus importantes au sein de la Communauté croate de Herceg Bosna

9 et dans la gestion des affaires de cette communauté ?

10 M. Mujezinovic (interprétation) - En effet. Par la suite, je

11 crois que c'était dans la deuxième moitié de l'année 1992, Anto Valenta a

12 quitté son poste de président du HDZ. Il l’a confié à Pero Skopljak et il

13 est devenu président adjoint du HDZ pour la Herceg Bosna.

14 M. Harmon (interprétation). - Quel rôle Pero Skopljak jouait-il

15 dans les affaires politiques et civiles de Vitez après que les élections

16 ont été tenues dans cette ville ?

17 M. Mujezinovic (interprétation) - Pero Sklopljak était à la tête

18 de la police municipale à Mupulasup(?) de Vitez, c'était son emploi, et il

19 faisait également partie du comité exécutif du HDZ pour Vitez. Je ne sais

20 pas quel autre poste il a pu occuper.

21 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, quand êtes

22 vous devenu conscient de la création de la Herceg Bosna, pouvez-vous

23 expliquer cela au Tribunal, s’il vous plaît ?

24 M. Mujezinovic (interprétation). - A la fin du mois de

25 novembre 1991, au sein de l'assemblée municipale, il a été dit qu'une

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1 communauté culturelle des Croates de Bosnie était en train d'être créée.

2 Un club des membres du parlement du SDA nous l'a dit lors d'une réunion du

3 comité exécutif du HDZ, à Vitez.

4 M. Harmon (interprétation). - Mais que vous a-t-on dit à vous,

5 Monsieur Mujezinovic ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - On nous a dit que le

7 président de l'assemblée municipale, M. Ivan Santic, avait déclaré, dans

8 le cadre du parlement municipal, que la communauté croate de Herceg-Bosna

9 venait d'être créée et était la communauté culturelle des Croates de

10 Bosnie.

11 M. Harmon (interprétation). - A-t-on dit que la municipalité de

12 Vitez allait faire partie du Herceg-Bosna ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Les délégués du parti SDA —du

14 moins c'est ce que l'on m'a dit— ont demandé ce que cela signifiait.

15 Ivan Santic a simplement dit qu'il s'agissait d'une communauté culturelle

16 des Croates de Bosnie ; qu'en aucun cas, cela ne menacerait les autres

17 groupes ethniques de Bosnie-Herzégovine ou l'Etat même de Bosnie-

18 Herzégovine.

19 En outre, les délégués du SDA ont déclaré qu'au cours de

20 l'assemblée municipale, vers le mois de mars 1993, ils avaient reposé

21 cette question de savoir ce qu'était exactement cette communauté croate de

22 Herceg-Bosna . Ils sont arrivés à une décision selon laquelle le statut de

23 la communauté de Vitez pourrait être modifié, seulement si l'assemblée

24 municipale votait une telle décision par une majorité des deux tiers ;

25 cela ne serait le cas que si cela était voté par l'assemblée municipale.

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1 On nous a dit que cela avait été effectivement voté à l'unanimité.

2 M. Harmon (interprétation). - Il y a un instant,

3 Monsieur Mujezinovic, vous avez dit que les délégués du SDA ont déclaré,

4 en mars 1993, dans l'assemblée municipale, qu'ils avaient posé la question

5 de savoir ce que représentait la communauté croate de Herceg-Bosna. Etait-

6 ce en mars 1993 ou en mars 1992 ?

7 M. Mujezinovic (interprétation). - En 1992, je m'excuse pour ce

8 glissement ; c'était en mars 1992.

9 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mujezinovic, combien de

10 temps cette assemblée municipale est-elle restée active, a-t-elle continué

11 à travailler ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Pour autant que je sache,

13 nous avons demandé avec insistance au comité exécutif du SDA que

14 l'assemblée reste en place. Et, pour autant que je sache, la dernière

15 assemblée municipale de Vitez a eu lieu au début de mars 1992; à partir de

16 cette date, elle n'a plus jamais été réunie.

17 M. Harmon (interprétation). - C'est donc en mars 1992 que

18 l'assemblée générale a cessé de fonctionner ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - C'est exact.

20 M. Harmon (interprétation). - Et elle a été remplacée par

21 quelque chose d'autre ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Dans le comité exécutif du

23 parti SDA, le président du SDA à Vitez, M. Munib Kajmonovic, et le

24 président du comité exécutif de Vitez nous ont déclaré que la communauté

25 croate avait proposé qu'un comité de crise soit créé pour la municipalité

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1 de Vitez : en effet, il fallait gérer beaucoup de problèmes qui avaient

2 surgi, notamment par l'arrivée de beaucoup de réfugiés ; et puis, il y

3 avait la guerre tout autour de nous.

4 Nous avons accepté qu'un organe soit créé, un organe plus

5 efficace, qui puisse travailler plus rapidement, qui soit plus petit et

6 qui puisse prendre des décisions au nom de l'assemblée. Mais ce comité de

7 crise, cet organe devrait être supervisé de façon officielle par

8 l'assemblée municipale. Cela a été décidé au mois de janvier ou au tout

9 début de 1992.

10 M. Harmon (interprétation). - Quand j'emploie les termes :

11 "comité de crise", cela signifie-t-il personnel de crise ou état-major de

12 crise ? Je vais reposer la question : les termes "comité de crise" et

13 "état-major de crise" sont-ils synonymes ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne sais pas ce qu'il en

15 est pour le comité de crise. Moi je n'ai entendu parler que d'un état-

16 major de crise. Mais je pense qu'ils peuvent être synonymes.

17 M. Harmon (interprétation). - Les Musulmans de Bosnie ont-ils

18 été d'accord pour créer cet état-major de crise ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Les représentants du parti

20 SDA ont été tout à fait d'accord pour qu'un état-major de crise soit créé

21 à Vitez.

22 M. Harmon (interprétation). - Voulez-vous nous décrire la

23 composition ethnique de cet état-major de crise, s'il vous plaît ?

24 M. Mujezinovic (interprétation). - Dans l'état-major de crise,

25 au tout début, il n'y avait que des représentants du parti SDA et du HDZ.

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1 Il y avait un nombre égal des représentants de ces deux partis :

2 cinq Croates et cinq Musulmans.

3 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des Serbes de Bosnie

4 représentés au sein de cet état-major de crise ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, mais, de temps en temps,

6 nous les invitions à participer à cet état-major.

7 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous donner les noms

8 des membres du HDZ qui faisaient partie de l'état-major de crise ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Le Président était

10 Ivan Santic ; il y avait également Ante Valenta, Pero Skopljak. Ils

11 étaient Croates.

12 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il d'autres personnes que

13 vous pouvez identifier ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Non. Il y avait Josip Silic,

15 Pero Skoplak, Anto Valenta, Vlado Santic ; Marijan Skopljak ne faisait pas

16 partie de l'état-major de crise. Le président était Ivan Santic.

17 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous donner les noms

18 des membres du SDA, les Musulmans de Bosnie, qui faisaient partie de

19 l'état-major de crise ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Du SDA, il y avait

21 Mumb Kainovic, le président du SDA, Fuad Kaknjo, le président du comité

22 exécutif pour Vitez ; moi-même, j'en faisais partie. Et puis, il y avait

23 Sulejman Haseli et Hakija Cengic.

24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que l'état-major de crise

25 s'est progressivement étendu jusqu'à compter parmi ses membres, par la

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1 suite, des représentants importants des usines et des entreprises

2 principales de la ville ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Absolument. Par la suite,

4 l'état-major de crise a compté parmi ses membres les directeurs des plus

5 grandes usines : il y avait M. Nikola Krizanovic et également

6 M. Vlado Diskovic. Il y avait aussi Zfikret Hajdarovic, un ingénieur de

7 Vitez .

8 M. Harmon (interprétation). - Quel était votre rôle au sein de

9 l'état-major de crise ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Mon rôle était de mettre en

11 place un comité médical qui serait prêt à réagir en cas de situation de

12 guerre.

13 M. Harmon (interprétation). - Et qu'avez-vous fait pour répondre

14 à la mission qu'on vous avait confiée ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - D'abord, je me suis adjoint

16 l'aide d'un assistant, Bruno Buzuk(?), un dentiste ; je lui ai demandé de

17 travailler avec moi. Et, si nécessaire, nous pouvions également demander à

18 d'autres médecins et à d'autres assistants médicaux de nous aider. A ce

19 moment-là, à Vitez, nous avons créé une réserve ou un emplacement dans

20 lequel nous pouvions travailler en cas de guerre. Nous avons également

21 rénové la cave d'un motel qui se trouve à Kruscica. Ainsi, ces locaux

22 pouvaient être utilisés pour prendre soin de blessés ou de personnes

23 victimes de blessures.

24 J'étais également chargé de donner des conférences dans de

25 petites communautés locales sur les soins d'urgence, sur les soins à

Page 1627

1 apporter aux personnes victimes de blessures graves. Je faisais cela par

2 le biais d'organisations d'ouvriers à Vitez ou plutôt des associations

3 humanitaires à Vitez. Nous l'avons fait régulièrement.

4 M. Harmon (interprétation). - Quelle était la fréquence des

5 réunions de l'état-major de crise ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - L'état-major de crise se

7 réunissait dès que nécessaire, parfois très très souvent, parfois

8 quotidiennement même. En cas de problème, les réunions étaient fréquentes.

9 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous vous réunissiez, est-

10 ce que tous les membres du parti SDA et du HDZ, c'est-à-dire les Croates

11 et les Musulmans de Bosnie, se rencontraient également quotidiennement ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, absolument. Nous étions

13 en contact quotidiennement. C'est une toute petite ville, évidemment, mais

14 nous nous réunissions à titre officiel dès que c'était nécessaire. D'une

15 façon générale, nous étions tous présents à ces réunions. Si quelqu'un

16 n'assistait pas à une réunion, il y avait toujours un remplaçant qui

17 pouvait exercer les fonctions de la personne absente.

18 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps duraient à peu

19 près ces réunions quotidiennes ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Oh, cela dépendait des

21 problèmes qui se posaient. Parfois, une heure ; parfois quatre ou cinq

22 heures.

23 M. Harmon (interprétation). - Comment l'état-major de crise

24 fonctionnait-il, comment arrivait-il à mettre en oeuvre les décisions

25 prises ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - L'état-major de crise était

2 chargé des fonctions de l'assemblée municipale. En fait, c'était l'organe

3 principal de la municipalité, l'organe de pouvoir principal.

4 M. Harmon (interprétation). - Donc les décisions prises par

5 l'état-major de crise pouvaient être liées, par exemple, aux activités de

6 la police. Dès lors, les autorités de la police étaient-elles informées de

7 ces décisions et essayaient-elles de les mettre en application ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, absolument.

9 M. Harmon (interprétation). - Peut-on dire la même chose des

10 autres branches du gouvernement : la finance, l'éducation, etc.

11 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, absolument.

12 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps l'état-major de

13 crise a-t-il fonctionné ? Quant a-t-il cessé de fonctionner en tant

14 qu'état-major de crise ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - L'état-major de crise a

16 continué à travailler jusqu'à la mi-juin, disons jusqu'au 18 juin 1992.

17 M. Harmon (interprétation). - Revenons aux réunions qui

18 rassemblaient les Musulmans et les Croates de Bosnie. Au cours de

19 certaines de ces réunions, les Croates de Bosnie ont-ils lancé des menaces

20 aux Musulmans de Bosnie ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Lors d'une réunion de l'état-

22 major de crise, qui s'est tenue en avril ou peut-être au début du mois de

23 mai —je ne me souviens plus très bien— M. Anto Valenta, en tant que

24 président du HDZ de Vitez, a fait savoir au représentant des Musulmans de

25 Bosnie, au représentant du parti SDA, qu'il faudrait qu'à Vitez, ils se

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1 placent sous l'autorité de la communauté croate de Herceg-Bosna.

2 A la suite de cela, il a averti les représentants des Musulmans

3 de Bosnie qu'il ne fallait pas qu'ils résistent en aucune manière. Les

4 Croates de Bosnie de Vitez étaient armés pour 90 % d'entre eux. Quant aux

5 Musulmans, selon lui, ils étaient armés, mais seuls 10 % d'entre eux

6 étaient armés. Il a déclaré qu'il y avait également le HOS qui existait à

7 Vitez à ce moment-là, mais il avait un rôle vraiment négligeable.

8 A ce moment là, nous n’avons pas pris les choses sérieusement.

9 J'avais l’impression que les autres représentants ne les prenaient pas

10 plus sérieusement que moi, les représentants du HDZ.

11 Lors de cette réunion, M. Ivan Sandic a fait le commentaire

12 suivant : il a déclaré que M. Anto Valenta faisait souvent ce type de

13 plaisanterie, mais Anto Valenta a dit : "Je parle très sérieusement et je

14 vous avertis" et c'est ainsi que la réunion s'est achevée.

15 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que cette réunion

16 avait eu lieu en avril ou en mai. Etait-ce en 1992 ou 1993 ?

17 M. Mujezinovic (interprétation) - En 1992.

18 M. Harmon. (interprétation) - Cette menace dont vous venez de

19 parler à été formulée par M. Valenta. Est-ce que la situation entre les

20 Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie est restée aussi conviviale

21 ou est-ce que les rapports se sont peu à peu envenimés ?

22 M. Mujezinovic (interprétation) - Très franchement, nous étions

23 extrêmement préoccupés par tout cela à Vitez, mais au cours de la première

24 quinzaine du mois de mai il n'y a eu aucun incident vraiment grave.

25 Le premier incident réel s'est produit le 20 mai lorsqu'un

Page 1630

1 soldat de l'armée de Bosnie-Herzégovine à été tué devant l’hôtel Vitez et

2 que deux soldats ont été capturés. Ils ont d'ailleurs été sévèrement

3 battus. C'était le premier incident grave à se produire entre le HVO et ce

4 qui était alors la Défense territoriale à Vitez.

5 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion d'examiner

6 ces soldats qui avaient été victimes de passages à tabac. ?

7 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, absolument. J'ai examiné

8 des soldats qui n'avaient pas vraiment été passés à tabac, mais qui

9 avaient vraiment souffert de mauvais traitements. Ils avaient des bleus

10 sur le corps, les jambes, le dos. Ils avaient des ecchymoses, dès

11 hématomes qui ne formaient qu'une plaque. Ce n'étaient pas des ecchymoses

12 isolées, c'étaient vraiment des plaques. Voilà les blessures dont ils

13 souffraient.

14 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que les Musulmans de Bosnie

15 ont demandé qu’une enquête soit tenue sur ce qui s'était passé ?

16 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui. Ivan Santic a rassemblé

17 une réunion d'urgence de l'état-major de crise, il m'a appelé après minuit

18 et lorsque nous sommes arrivés sur place, il nous a dit qu'un soldat de la

19 Défense territoriale avait été abattu et que deux soldats avaient été

20 faits prisonniers.

21 Nous lui avons demandé d'être un peu plus précis, de nous

22 expliquer ce qui était en train de se passer et c'est le commandant du HVO

23 de Vitez, Mario Cerkez, qui nous a donné ces explications. Trois soldats

24 ses trouvaient dans l’hôtel Vitez, ils sont entrés dans le restaurant qui

25 se trouvait dans la cave au sous-sol de cet hôtel. Apparemment, ils

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1 avaient provoqué des passants qui se trouvaient-là, et au moment où ils

2 sortaient, ils ont était abattus par le garde qui se tenait devant l'hôtel

3 et qui s’appelait Miro Vukadinovic.

4 Lors de la réunion, il a été décidé que les soldats capturés

5 seraient confiés à la police militaire de la Défense territoriale et

6 qu'une enquête serait menée sur la mort de ce soldat. Nous avons également

7 décidé que les familles des soldats concernés seraient informées de ce qui

8 s'était passé.

9 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous informé les familles des

10 soldats décédés de ce qui s'était passé ?

11 M. Mujezinovic (interprétation) - Etant médecin, j'ai demandé à

12 Ivan Santic, qui avait une influence certaine et qui était assez populaire

13 à Vitez, de m'accompagner pour informer les familles de la mort de ce

14 soldat, mais il a refusé de le faire. Il a dit qu'il fallait qu'on se

15 débrouille entre nous, Musulmans. J’ai donc attendu devant l'hôtel avec

16 M. Fuad Kaknjo et le commandant de la police Saban Mahmutovic.

17 J'attendais que les soldats faits prisonniers soient ramenés et

18 remis à la police militaire du HVO. J'ai demandé au commandant de la

19 police militaire du HVO à Vitez comment cela s'était produit. Il m’a dit

20 très rapidement cecla : "Docteur, vous ne voyez pas que Mario Cerkez est

21 saoul". Au cours de la réunion, Mario Cerkez était à moitié saoul. Il

22 était sorti, il avait tiré sur un soldat, je ne sais pas pourquoi il

23 l'avait fait. En tout état de cause, nous avons placé cet homme dans la

24 voiture, il était déjà mort, mais nous l’avons quand même emmené à

25 l’hôpital de Travnik.

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1 Par la suite, nous avons informé la famille de ce qui s'était

2 passé dans le courant de la nuit, vers 3 heures du matin. Nous avons dit

3 que ce soldat avait perdu la vie et nous avons demandé à nouveau si les

4 soldats faits prisonniers avaient été amenés. Ceux-ci n’ont été remis en

5 liberté que le lendemain alors qu'ils avaient été victimes de très mauvais

6 traitements.

7 M. Harmon (interprétation). - On vous a donc informé que

8 Mario Cerkez, Croate de Bosnie, était responsable de la mort de ce

9 soldat ?

10 M. Mujezinovic (interprétation) - C’est exact, c’est ce que l’on

11 m’a dit. C'est le commandant de la police militaire, Ivan Budimir qui me

12 l’a dit. C'était lui l'entraîneur du club de football. Il était enseignant

13 en éducation physique. C’était un homme très gentil, très populaire, à

14 Vitez.

15 M. Harmon (interprétation). - Et quel jouait Mario Cerkez pour

16 ce qui est de la communauté de Vitez au niveau militaire ?

17 M. Mujezinovic (interprétation) - Il nous a été présenté comme

18 étant le commandant du HVO des formations militaires à Vitez. Je parle ici

19 de la brigade du HVO à Vitez.

20 M. Harmon (interprétation). - A-t-on jamais ouvert une enquête

21 sur les circonstances ayant abouti à la mort de ce soldat musulman ?

22 M. Mujezinovic (interprétation) - Pas à ma connaissance. Le Juge

23 d'instruction de Travnik a dit au Procureur Vlado Miscovic de Vitez

24 d'ouvrir une enquête, mais cette enquête n'a jamais été terminée.

25 M. Harmon (interprétation). - Je suppose que Mario Cerkez n'a

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1 jamais été poursuivi pour ce meurtre.

2 M. Mujezinovic (interprétation) - Non, effectivement. Le soldat

3 Miro Vukadinovic -qui était garde à l'hôtel à cette époque-là- a tout

4 simplement disparu de Vitez. Nous avons entendu dire qu'il se trouvait

5 quelque part en Croatie.

6 M. Harmon (interprétation). - Monsieur, vous avez dit que

7 l'état-major de crise a cessé d'exister le 18 juin 1992. Pourriez vous

8 expliquer ce qui s'est passé précisément ce jour-là à l'intention des

9 Juges ?

10 M. Mujezinovic (interprétation) - Le 18 juin, dans l'après-midi,

11 il y avait de l'agitation dans la population. J'ai demandé à mon voisin ce

12 qui se passait. Le 18 juin des formations militaires du HVO se sont

13 emparées de l'état-major à Vitez et du bâtiment de l'assemblée municipale.

14 Ils ont hissé le drapeau de la Communauté croate de Herceg-Bosna

15 et le drapeau de l’Etat de Croatie. J'ai demandé à M. Fuad Kaknjo s'il

16 savait ce qui se passait. Je lui ai passé un coup de fil, nous étions

17 voisins, nous habitions dans le même immeuble, mais il n'était au courant

18 de rien m'a-t-il dit. Nous sommes partis ensemble en direction de

19 l'endroit où se trouvait l’état-major. Le commandant de la Défense

20 territoriale était Gengic Hakija.

21 En route, nous avons vu un groupe de soldat du HVO vraiment

22 équipés pour le combat ; ils avaient des casques. Un des soldats

23 travaillait au centre médical et je lui ai demandé : "Miro, qu'est-ce qui

24 se passe ?". Il m’a dit : "Docteur, prenez la fuite ! C'est la guerre ! Il

25 y a des tireurs embusqués, on va vous tuer !".

Page 1634

1 Puis j’ai demandé au commandant Gengic de la Défense

2 territoriale, s’il savait ce qui se passait. Il m'a dit simplement que des

3 formations militaires s'étaient emparées du bâtiment où était la police,

4 du bâtiment de l’assemblée municipale, qu’ils avaient hissé les drapeaux

5 de la Communauté croate de Herceg-Bosna notamment, mais aussi de l’Etat de

6 Croatie, sans pour autant hisser le drapeau de la Bosnie-Herzégovine.

7 A ce moment-là, Ivan Santic, président de l'état-major de crise,

8 ne se trouvait pas à Vitez. Il était aussi président de l’assemblée

9 municipale. Il était en voyage il avait quelque chose à faire quelque

10 part.

11 Trois jours plus tard, à la réunion du conseil exécutif du SDA,

12 Kaknjo Fuad, le premier ministre, nous a dit que Ivan Santic l'avait

13 invité à s'acquitter de ses fonctions de premier ministre, qu’il avait

14 promis de baisser les drapeaux, que l'armée se retirerait des bâtiments de

15 la police et de l’assemblée municipale qu’ils avaient occupés, que les

16 officiers de police musulmans qui travaillaient auparavant récupéreraient

17 leurs postes et que tout ce qui leur avait été confisqué leur serait

18 restitué.

19 M. le Président. - Je n'aime pas interrompre, mais on a

20 traduit : "Kakjno Fuad, premier Ministre". C’est la première fois que je

21 vois apparaître cette fonction de premier Mmnistre. Pouvez-vous donner une

22 précision ?

23 M. Harmon (interprétation). - Dans le transcript, les termes de

24 "premier Ministre" sont utilisés. Je crois qu’ils sont apparus deux fois à

25 propos de M. Kakjno. Mais il n'était pas premier ministre, n’est-ce pas ?

Page 1635

1 Il y a sans doute eu une petite erreur de traduction.

2 M. Mujezinovic (interprétation) - Si, si, il était premier

3 ministre, il était président du gouvernement.

4 M. Harmon (interprétation). - Donc pour dire la même chose, vous

5 utilisez ces deux termes, président du gouvernement et premier ministre.

6 Est-ce plus clair pour vous, Monsieur le Président ?

7 M. le Président. - Tout à fait. Merci.

8 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit, Monsieur, qu'une

9 promesse avait été faite trois jours plus tard lors d'une réunion par

10 M. Santic selon laquelle les officiers de police musulmans, qui avaient

11 été désarmés et avaient perdu leur emploi, le récupéreraient et se

12 verraient restituer leurs armes d'officiers de police. Est-ce que cela

13 s'est passé véritablement ?

14 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, tout à fait. Quelques

15 jours plus tard, ils ont pu retourner au travail, ils ont reçu leurs armes

16 et ils ont pu recommencer à travailler.

17 M. Harmon (interprétation). - Et combien de temps ont-ils

18 conservé cet emploi ?

19 M. Mujezinovic (interprétation) - Jusqu'aux 20 octobre à peu

20 près, en 1992.

21 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'à ce moment-là ils ont

22 perdu à tout jamais leur emploi ?

23 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous poser quelques

25 petites questions. Le bâtiment de l’assemblée municipale où avait été

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1 hissé les drapeaux de Herceg-Bosna et de l'Etat de Croatie, est cet

2 ensemble de bâtiments que vous avez entourés en vert sur la pièce 45B,

3 n’est-ce pas ?

4 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - C'est de l'autre côté de l’endroit

6 où se trouve l’hôtel Vitez, n'est-ce pas ?

7 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Après le 18 juin, lorsque le HVO

9 s'est emparé du pouvoir à l’assemblée municipale de Vitez, y a-t-il eu des

10 annonces à la radio pour parler de ce qui s'était passé ?

11 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, cela a été annoncé à la

12 radio et aussi à la télévision, mais lors de la réunion officielle des

13 membres de l'état-major de crise nous avons posé la question. Nous avons

14 demandé ce qui se passait parce que nous étions dans l’ignorance la plus

15 complète. Et puis, à ce moment-là, Anto Valenta, en tant que président de

16 la Communauté démocratique croate, nous avait dit que ceci était le fait

17 d'un groupe armé informel.

18 M. Pero Skopljak, qui faisait fonction de chef de la police à

19 titre intérimaire, a fait le commentaire suivant : il a dit que les

20 Croates de Vitez n'avaient pas la patience d'attendre qu'on trouve une

21 solution au problème et qu'ils commençaient à prendre les choses en main

22 eux-mêmes.

23 Par la suite, il a été dit que ce n'était pas l'état-major de

24 crise, le parlement, le gouvernement municipal qui avait été élu en

25 novembre 1992, qui devaient continuer à gouverner, à exercer leurs

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1 fonctions, mais qu'il fallait instituer un nouveau gouvernement, un

2 gouvernement du HVO, le Conseil croate de la Défense.

3 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que ceci a fait l'objet de

4 répétitions, est-ce que cela a été répété au gouvernement à la radio, à

5 savoir que le HVO constituait désormais le gouvernement de la municipalité

6 de Vitez ?

7 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que les dirigeants des

9 autres partis politiques, comme le HDZ par exemple, ont fait des

10 présentations publiques à la radio, à la télévision pour annoncer la même

11 chose ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Je n'ai pas regardé ce genre

13 de choses à la télévision.

14 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'on a fait des

15 commentaires ? Est-ce qu'il y avait des discussions selon lesquelles Vitez

16 faisait de nouveau partie du territoire croate imposé par l'histoire ?

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui. C'était surtout

18 Anto Valenta qui avait dit que la Communauté croate de Herceg-Bosna avait

19 été constituée déjà auparavant et que ce n'était pas simplement une

20 communauté culturelle rassemblant les Croates, que c'était en fait une

21 zone englobant quelque trente municipalités, que c'était aussi une

22 communauté politique, économique, culturelle, chargée également de la

23 défense des Croates de Bosnie, que cette partie précise de la Bosnie-

24 Herzégovine se trouvait en fait sur la zone d'influence des Croates de

25 Bosnie et que c'était là un droit historique revenant aux Croates, que des

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1 intérêts capitaux étaient en jeu, que les représentants des Croates

2 utiliseraient tous les moyens à leur portée pour réaliser cet objectif qui

3 était le leur.

4 Ils ont demandé aux représentants des Musulmans qui avaient été

5 élus lors des élections libres de novembre 1990 de participer à ce nouveau

6 gouvernement récemment constitué d'une seule nation, ce que nous avons

7 refusé de faire.

8 Nous avions en effet le sentiment à l'époque que seuls les

9 organes démocratiquement élus avaient le droit de fonctionner et qu'aucun

10 gouvernement imposé par la force n'avait le droit de le faire.

11 Nous avons fait comprendre que la souveraineté, que la

12 légitimité des organes municipaux, avaient été violées, mais aussi la

13 légitimité des autorités de l'Etat et qu'étant donné qu'il n'y avait aucun

14 insigne qui avait été affiché de la République de Bosnie-Herzégovine, et

15 qu'au contraire c'étaient les drapeaux de l'Etat de Croatie et de Herceg-

16 Bosna qui avaient été hissés, c'était là une insulte à l'intégrité

17 territoriale de la Bosnie-Herzégovine et que c'était une forme d'annexion

18 à la Croatie.

19 M. le Président. - Nous allons faire une pause et nous pourrions

20 reprendre à 11 heures 40. L'audience est suspendue.

21 L’audience, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 45.

22 M. le Président. - L'audience est reprise. Asseyez-vous.

23 Monsieur le Greffier,

24 pouvez-vous faire rentrer l'accusé.

25 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)

Page 1639

1 M. le Président. - Nous poursuivons donc avec le

2 Docteur Mujezinovic. Monsieur le Procureur continuez, s'il vous plaît.

3 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

4 Monsieur Mujezinovic, avant la pause, je vous ai posé une

5 question à propos d'une déclaration faite à propos de ce pays historique

6 de la Croatie, et vous parliez de ces déclarations faites par

7 Anto Valenta. Pourriez-vous poursuivre votre témoignage à ce propos ?

8 M'entendez-vous, Monsieur Mujezinovic ? Fort bien.

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Quelle était donc cette

10 question que vous me posiez ?

11 M. Harmon (interprétation). - Avant l'interruption, vous parliez

12 des déclarations faites par Anto Valenta. Veuillez poursuivre votre

13 déposition. M. Mujezinovic (interprétation). - Volontiers.

14 Lors de réunions conjointes auxquelles participaient surtout les

15 anciens représentants de l'état-major de Pero Skopljak a exigé que les

16 revendications de la Communauté démocratique croate soient réalisées et

17 qu'un organe de pouvoir civil conjoint soit établi, avec une participation

18 au gouvernement qui soit telle qu’elle tienne compte des résultats des

19 élections démocratiques de 1990.

20 Il fallait selon lui que les formations militaires de Vitez se

21 placent sous le commandement du HVO. Il fallait aussi selon lui que les

22 structures de commandement du HVO incluent le même nombre de représentants

23 de la communauté musulmane que les autres et cela en fonction de la partie

24 qu'ils représentaient dans les différentes unités. Il a dit aussi que les

25 unités de la police civile devraient être placées au service du

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1 gouvernement récemment formé. Il disait aussi qu'il ne fallait pas suivre

2 les instructions données par le MUP de la République, qu'il fallait plutôt

3 respecter les instructions données par la Communauté croate-bosniaque

4 récemment créée.

5 Pero Skopljak a bien fait comprendre que 50.000 hommes du HVO

6 bien armés étaient favorables à cette idée, que toute la Croatie se

7 rangeait aussi derrière cette idée. Et comme il l'a dit, l'opinion

8 démocratique favorable aux idées de la démocratie occidentale était aussi

9 favorable à ces décisions.

10 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous poser cette

11 question-ci : au moment où ces commentaires étaient émis, y avait-il aussi

12 d'autres commentaires qui avaient été formulés par d'autres dirigeants du

13 HVO et de la Herceg-Bosna qui soient des menaces pour les Musulmans ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - (Hors micro.)

15 M. Harmon (interprétation). - Pourriez vous nous expliquer

16 ceci ? M. Mujezinovic (interprétation). - En Bosnie centrale, dans

17 d'autres endroits comme Travnik, Busovaca, Novi Travnik, on rencontrait

18 des problèmes similaires.

19 Il y avait des négociations qui se poursuivaient au niveau local

20 mais, parallèlement il y avait des négociations au niveau de la région de

21 Travnik. A Busovaca, à Travnik, à Novi Travnik, j'ai participé à ces

22 négociations. Une déclaration de Dario Kordic qui avait été présenté comme

23 étant le vice-président de la Herceg-Bosna et comme un colonel du HVO, et

24 ces déclarations faites par Kordic, voulaient dénoncer la politique

25 pratiquée par Izetbegovic et les autres dirigeants musulmans.

Page 1641

1 Je me souviens même d'une émission à la télévision au cours de

2 laquelle Dario Kordic a fait une déclaration. Cela a dû se passer vers le

3 début du mois de mars 1993. Il avait déclaré que les Musulmans allaient

4 disparaître de la Bosnie. Il avait dit également que la Bosnie-Herzégovine

5 allait disparaître grâce à la politique menée par Alija Izetbegovic et les

6 dirigeants musulmans. Dans le même sens, Ignjac Kostroman, lors de ces

7 réunions et aussi en se servant des médias au niveau local, a émis des

8 menaces. Il disait que c'était là des territoires qui appartenaient

9 historiquement à la Croatie. Il disait que les Croates étaient prêts à

10 corriger les erreurs historiques qui avaient été commises, que les Croates

11 avaient été exploités dans ces régions, avaient été humiliés, et que

12 désormais ils avaient le pouvoir, la force nécessaire, pour retrouver en

13 fait leurs droits historiques.

14 M. Harmon (interprétation). - Qui est Ignjac Kostroman ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Il nous a été présenté comme

16 étant le secrétaire-général de la Communauté croate de Herceg Bosna.

17 M. Harmon (interprétation). - Au cours de cette même période,

18 moment où le HVO a pris le pouvoir dans la municipalité de Vitez, est-ce

19 que Mario Cerkez a proféré quelque menace que ce soit ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Nous avons eu des pourparlers

21 conjoints et les formations du HVO à Vitez y étaient toujours représentées

22 par l'intermédiaire de Mario Cerkez pendant un certain temps, mais au

23 cours de la première moitié de 1992, participait aussi, de temps en temps,

24 à ces réunions M. Filip Filipovic qui s'est trouvé à Vitez pendant les six

25 premiers mois de 1992.

Page 1642

1 En fait, Mario Cerkez avait promis et avait dit que le HVO

2 disposait de suffisamment de pouvoir pour mettre en oeuvre ce qui était

3 attendu de sa part, et que, ce faisant, il ne ménagerait aucun effort pour

4 réaliser ss objectifs.

5 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mujezinovic, après le 18

6 juin 1992, moment où le HVO est devenu le seul organe exécutif dans la

7 municipalité de Vitez, qu'est-ce que les Musulmans ont fait pour se

8 protéger ?

9 M. Hayman (interprétation). - Objection, question tendancieuse,

10 Monsieur le Président.

11 M. le Président. - Objection refusée. Poursuivez, Monsieur le

12 Procureur.

13 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Lors des élections libres et

15 démocratiques de 1990 réalisées à Vitez, seuls 60 % des Musulmans avaient

16 voté pour le SDA et, lors d'une réunion du conseil exécutif du parti, nous

17 avons eu le sentiment que nous n'avions pas le droit, au nom de toute la

18 communauté musulmane de Vitez, de décider en leur nom à tous.

19 Nous avons donc convoqué une réunion rassemblant tous les

20 dirigeants politiques, des gens qui avaient un certain prestige à Vitez

21 qui étaient de nationalité bosnienne et nous leur avons demandé ce que les

22 autres pensaient de cette situation et, lors de cette réunion qui s'est

23 tenue le 12 juillet, la politique de l'union démocratique de la Communauté

24 démocratique croate a été dénoncée, de même que l'idée d'avoir un

25 gouvernement par un seul parti.

Page 1643

1 Nous avons adopté une conclusion selon laquelle les Bosniens de

2 Vitez n'allaient pas respecter les ordres donnés par un tel gouvernement

3 et que seules serait appliquées les décisions qui étaient légales,

4 conformes aux décisions prises par l'assemblée municipale. Ils

5 respecteraient les décisions prises par la présidence de la République.

6 Il a été décidé d'établir une entité, un organe qui soit chargé

7 de voir ce que faisait le gouvernement récemment constitué de Vitez et

8 nous l'avons intitulé comité de coordination pour la protection des

9 intérêts musulmans. C'était une association qui se composait de dix neuf

10 membres, dont treize ont reçu des missions précises, aux fins de défense

11 des intérêts et aux fins de relever toutes violations à ces intérêts

12 commises dans la région. Nous nous sommes mis d'accord pour faire une

13 déclaration à l'intention de l'opinion publique.

14 Cette entité et cette association n'avaient pas, bien sûr, les

15 caractéristiques propres à un gouvernement. Nous avons cherché à trouver

16 un accord pour établir un organe de pouvoir conjoint au niveau de la

17 municipalité et nous avons pris l'initiative d’organiser une réunion à une

18 échelle plus large, au niveau des conseils municipaux du HDA et du SDA

19 pour essayer de régler ces problèmes. Nous avons tenu une réunion de ce

20 genre.

21 M. Harmon (interprétation). - Avant d'arriver à cette réunion,

22 Monsieur Mujezinovic, pourriez-vous nous dire de façon précise quels

23 étaient les secteurs d'activité à Vitez qui étaient suivis par ce comité

24 coordination de protection des musulmans ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Comme je l'ai dit, il y avait

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1 dix neuf membres dans ce comité. C'étaient des personnalités qui voyaient

2 ce qui se passait au niveau de la finance, de l'éducation, de la santé,

3 des impôts, en fait aussi au niveau des activités sportives, culturelles,

4 humanitaires, des activités de défense ; tout cela était suivi.

5 M. Harmon (interprétation). - Ces observateurs, ceux qui étaient

6 chargés de la surveillance, qu’étaient-ils censés faire en fonction de ce

7 qu'ils observaient ou des informations qu'ils recevaient ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Ils étaient censés en faire

9 rapport lors de ces réunions, et nous étions censés faire connaître notre

10 avis par les médias au niveau local et au niveau de la République.

11 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que, vous-même, vous avez

12 été sélectionné pour être un des observateurs ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai été élu pour m'occuper

14 de la santé, étant donné que j'étais médecin. Je m'intéressais aux

15 questions de santé pour voir comment les Bosniens étaient traités par les

16 médecins, le genre de médicaments qu'on leur administrait, comment les

17 personnes âgées étaient traitées par les médecins. C’est le genre de

18 choses dont je m’occupais.

19 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que ce comité de

20 coordination pour la protection des Musulmans avait un dirigeant

21 quelconque ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, le président de ce

23 comité de coordination de la protection des intérêts des Musulmans

24 s'appelait Fuad Kaknjo. Il était président du conseil exécutif du

25 gouvernement municipal. Fuad Kaknjo, ainsi que d'autres représentants

Page 1645

1 officiels des Musulmans qui avaient des fonctions dans les structures

2 municipales, ont reçu des instructions pour poursuivre ces activités au

3 gouvernement, gouvernement qui avait été élu en novembre 1990. Ces

4 personnes allaient au travail tous les jours, régulièrement.

5 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que ce comité de

6 coordination avait des contacts avec le gouvernement de la Bosnie, au

7 niveau de la République de Bosnie ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Nous nous sommes contentés de

9 rédiger des déclarations, de les faire connaître. Fuad Kaknjo, en sa

10 qualité de premier ministre, avait pour mission d'établir des contacts au

11 niveau de la République avec le gouvernement.

12 M. Harmon (interprétation). - Ce comité de coordination pour la

13 protection des Musulmans a-t-il reçu des instructions de la part des

14 dirigeants qui avaient été élus au niveau de la République ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Non. Nous écrivions des

16 déclarations, nous leur demandions aussi ce qu'il fallait faire, car nous

17 avions beaucoup de difficultés. C'est la raison pour laquelle nous nous

18 adressions à l'opinion publique locale, mais aussi internationale par la

19 Forpronu, le HCR. C'était en fait les destinataires de nos déclarations.

20 Nous nous adressions pratiquement à tout le monde par le moyen

21 de ces déclarations, mais nous n'avions aucune instruction des organes du

22 pouvoir républicain. Nous voulions résoudre les problèmes qui s'étaient

23 accumulés à ce niveau-là, il y avait vraiment une prolifération de ces

24 problèmes au niveau de l'organisation.

25 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous avez rassemblé ces

Page 1646

1 informations sur ce que signifiait la vie quotidienne des Musulmans dans

2 la municipalité de Vitez, faisiez-vous part de ces problèmes au

3 gouvernements du HVO à la recherche d'une solution ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Comment cela a-t-il fonctionné ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Je vous donne ceci en guise

7 d'exemple : pendant un certain temps, j'ai été président de la

8 Domslavnia(?) à Vitez parce que mon prédécesseur était parti, c'était le

9 Dr Balka(?). Il voulait faire un geste en partant, car il disait qu'il ne

10 pouvait pas travailler dans ces conditions. En général, c'était le conseil

11 des travailleurs qui désignait le directeur. J'ai été prié d'assurer cette

12 fonction en attendant qu'on élise un nouveau directeur. J'avais une

13 voiture de fonction et, un jour, la police militaire du HVO est arrivée et

14 m’a dit : "Bonjour", j'ai répondu : "Bonjour. On nous a dit qu'il fallait

15 confisquer les clefs de votre voiture".

16 Voici donc un exemple concret. Le Docteur Muhamed Mujezinovic,

17 directeur intérimaire de ce centre, s'est vu confisquer les clefs de sa

18 voiture de fonction par la police militaire du HVO. Voilà le type de

19 déclaration ou de communiqué que nous donnions.

20 Autre exemple : un médecin en médecine vétérinaire qui

21 travaillait à Vitez depuis vingt cinq ou trente ans, était un homme âgé

22 qui avait subi plusieurs pontages, trois pour être exact. Il est allé

23 travailler dans un village à proximité de Vitez et il a été passé à tabac

24 par des soldats du HVO. Je l'ai examiné par la suite ; puis, nous avons

25 parlé à la radio, à la télévision, télévisions de Travnik et de Sarajevo.

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1 Nous avons dit qu'un vétérinaire avait été passé à tabac par un soldat du

2 HVO, à tel ou tel endroit.

3 M. Harmon (interprétation). - Vous-même, avez-vous directement

4 alarmé les dirigeants du HVO à Vitez ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui. Lorsque je les ai

6 alertés de ce genre de choses, ils répondaient chaque fois que c'étaient

7 des groupes armés qui avaient commis ces actes et qu'eux-mêmes n'avaient

8 aucun contrôle sur eux ; il s'agissait de groupes incontrôlés.

9 M. Harmon (interprétation). - Ce comité de coordination pour la

10 protection des Musulmans était-il un groupe qui essayait de susciter des

11 conflits dans la municipalité de Vitez ou, au contraire, essayait-il de

12 rétablir l'harmonie dans cette communauté ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Ce comité de coordination

14 pour la protection des Musulmans essayait vraiment de créer un climat

15 d'harmonie à Vitez. Lors d'une des réunions du comité de coordination, le

16 président de ce comité, le premier ministre, a fait écho de ce que pensait

17 M. Alija Izetbegovic : qu'il nous fallait éliminer les difficultés que

18 nous avions avec les Croates à Vitez ; qu'il ne fallait pas qu'un conflit

19 éclate à Vitez.

20 "A Vitez, comme dans les autres municipalités, disait-il, la

21 force ne devrait être utilisée que si l'on portait atteinte à l'intégrité

22 physique des habitants." C'est dans ce sens que nous avons oeuvré.

23 Personnellement, j'ai rencontré beaucoup de problèmes avec les Musulmans

24 armés, avec les Croates musulmans, lorsque j'exerçais mon métier.

25 M. Harmon (interprétation). - Après le 18 juin 1992, est-ce que

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1 la vie est devenue plus difficile pour les Musulmans de la communauté

2 musulmane de Vitez ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous nous expliquer en

5 quoi consistaient ces difficultés ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Le nouveau gouvernement a mis

7 en place une nouvelle organisation, une nouvelle structure qui devrait

8 valoir pour la municipalité. Ceux qui étaient membres du personnel de la

9 municipalité ont dû signer une déclaration d'allégeance au nouveau

10 gouvernement et quiconque refusait de le faire perdait son emploi ; cela

11 s'est passé le 25 novembre 1992. Nous avons pensé que cela s'appliquait

12 aussi à d'autres structures : à l'instruction, à la santé.

13 Le nouveau gouvernement a également introduit de nouveaux

14 impôts. En fait, ils se sont emparés de toutes les ressources financières

15 qui constituaient le budget de la municipalité. Je ne vous donnerai qu'un

16 exemple : un chef d'entreprise, un homme d'affaires devait livrer du bois

17 à Split à un de ses partenaires ; pour pouvoir le faire, il a demandé au

18 HVO d'obtenir un laissez-passer, mais il ne l'a pas reçu. Je suis allé

19 voir M. Anto Valenta avec M. Dzidic, un enseignant —ces deux hommes

20 avaient déjà travaillé ensemble auparavant— : notre conversation a duré

21 trois heures.

22 A la suite de cette conversation, Anto Valenta nous a dit ceci :

23 "Il n'y a pas de problème : cette personne peut fort bien effectuer sa

24 livraison de bois à Split, mais il faudra accepter la nouvelle structure

25 d'organisation imposée par le gouvernement du HVO à Vitez. Faute de quoi,

Page 1649

1 cette personne ne pourra pas obtenir ce laissez-passer". Nous n'avons pas

2 obtenu ces documents pour ce chef d'entreprise qui n'a pas pu faire sa

3 livraison. C'est pourtant un homme d'affaires bien connu qui a une

4 entreprise à Vitez.

5 Mais cette situation était vraie pour d'autres personnes aussi

6 qui n'avaient pas de documents pour franchir les barrages établis par le

7 HVO : impossible de passer. En fait, il n'y avait qu'une route qui menait

8 vers l'extérieur : elle passait par la Bosnie Centrale pour aller à

9 Posusje ; elle passait par Novi Travnik, par exemple. Les routes étaient

10 barrées.

11 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des problèmes de plus

12 en plus nombreux pour les Musulmans au franchissement de ces barrages

13 établis par le HVO ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai vu de mes yeux des

15 membres de la police civile du HVO et des membres de la police militaire

16 du HVO —je ne parle pas de deux ou trois hommes, mais d'un groupe entier

17 de douze à quinze hommes— qui se trouvaient à des endroits où étaient

18 stationnés des canons et qui étaient donc très bien armés. J'ai vu une

19 femme arriver qui portait deux paquets de cigarettes dans ses mains ; eh

20 bien, ils lui en prenaient un et il lui en rendaient un seul. Ce qui se

21 passait à ces barrages routiers, c'était du vol officiel. L’argent était

22 volé, des coups étaient distribués, tous les biens de valeur pouvaient

23 être volés. Des véhicules étaient fouillés et tout ce qu'ils contenaient

24 pouvait être volé. Nous, dans le cadre du comité de coordination pour la

25 défense des intérêts des Musulmans de Vitez, nous faisions toujours

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1 connaître ce genre d'événement lorsque nous en apprenions l'existence.

2 A ces barrages routiers, les habitants de Vitez se faisaient

3 piller, mais aussi des gens des environs qui passaient par là, de Doboj,

4 de Sarajevo ou d'ailleurs, et ces gens-là nous demandaient notre aide,

5 notre intervention auprès du gouvernement de Vitez pour qu'on leur rende

6 leurs armes parfois ou leurs biens. Quelques fois, nous réussissions.

7 Quelques fois, nous ne réussissions pas. Au fils du temps, il est devenu

8 de plus difficile d'obtenir la restitution des biens qui avaient été

9 saisis.

10 Je ne sais pas s'il y avait auprès du HVO, au sein du

11 gouvernement du HVO, quelqu'un qui était responsable de ce genre d'actes,

12 qu'ils soient civils ou militaires.

13 M. Harmon (interprétation). - Que s'est il passé aux barrages

14 routiers après que vous ayez porté plainte auprès du gouvernement du HVO

15 au sujet de ces incidents ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Pour vous parler franchement,

17 j'ai acquis le sentiment qu'ils se moquaient de nous. Je vais vous

18 raconter une histoire, l'histoire du jour où on m'a confisqué ma voiture

19 personnelle.

20 Mes enfants sont arrivés pour me dire que des membres du HVO

21 m'avaient confisqué ma voiture personnelle. Je suis immédiatement parti en

22 tant que citoyen de la région au siège du HVO pour faire connaître ce

23 fait, et les gens qui étaient là, les hommes du HVO qui étaient là, m'ont

24 regardé en riant, comme s'ils se disaient : "Mais quel imbécile ! Qu'est-

25 il venu faire ici ?"Je suis ensuite allé auprès de la police militaire et

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1 ils ont également enregistré ma plainte. Les hommes de la police civile,

2 après sept jours, des soldats croates du HVO m'ont abordé et m'ont pris ma

3 voiture en me promettant qu'elle me serait restituée, mais elle ne m'a

4 jamais été rendue. Je peux vous dire le nom et le prénom de certains

5 d'entre eux.

6 J'ai entendu dire de la bouche d'un homme qui m'a parlé qu'un

7 groupe de membres du HVO avait emporté ma voiture et qu'elle me serait

8 rendue, mais elle ne l'a jamais été. Des cas de ce genre étaient assez

9 fréquents à Vitez.

10 M. Harmon (interprétation). - Après le 18 juin 1992, qu'est-il

11 arrivé aux commerces et aux entreprises de Vitez ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - En octobre, des conflits ont

13 éclaté à Travnik et à Novi Travnik et, à Vitez, la situation s'est

14 extraordinairement compliquée.

15 J'étais de permanence à l'hôpital général de Travnik le week-

16 end, les 17 et 18 et, le matin du 19, des blessés sont arrivés de

17 Novi Travnik. Je suis allé à Vitez pour faire ce que j'avais à faire sur

18 le plan professionnel et, ensuite, je suis rentré chez moi.

19 Le matin, en arrivant chez moi, devant la maison, j'ai vu

20 Anto Omeric, mon voisin, qui m'a dit : "Des soldats du HVO vont arriver.

21 Ne prenez pas votre voiture. Ils vont vous l'enlever." J'ai demandé

22 pourquoi. Il m'a dit qu'il y avait un conflit dans le village d'Ahmici. Je

23 suis allé au travail et, alors que j'étais au centre médical, on m'a dit

24 que les soldats du HVO, Mario Cerkez et les dirigeants de l'armée de

25 Bosnie-Herzégovine, n'avaient pas réussi à s'entendre au sujet d'un

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1 certain nombre de problèmes militaires et qu'il y aurait un conflit entre

2 eux.

3 Nous nous sommes retirés en un certain point du centre médical

4 et nous avons commencé à attendre et, ce jour-là, à Vitez, quatre ou cinq

5 blessés sont arrivés au centre qui étaient des Musulmans de Kolonija.

6 Le docteur Bruno Buzul qui était mon collègue, mon adjoint au

7 centre médical, avertissait toujours le personnel médical en disant : "Ne

8 sortez pas parce qu'il y a des gens qui tirent depuis les toits." mais

9 nous, nous recevions des blessés musulmans au centre médical. Et au moment

10 où la rupture s'est produite, un peu après la rupture, des bâtiments de

11 Vitez ont été complètement détruits et des habitants se sont fait passer à

12 tabac.

13 Un jour, j'ai reçu en consultation un habitant qui avait été

14 passé à tabac, Ibrahim Hodzic. Stipo Ruzic, son voisin, l'accompagnait et

15 il m'a simplement dit : "Ecoutez, des soldats du HVO sont arrivés, ils

16 sont entrés dans son café -parce que ce monsieur avait un café-, ils ont

17 démoli le café et l'ont passé à tabac."

18 Plus tard, puisque c'était un petit village, j'ai pu voir qu'il

19 y avait pas mal de cafés, d'établissements qui avait été démolis et j'ai

20 demandé ce que faisaient les responsables de la sécurité publique parce

21 qu'en deux jours, une dizaine d'établissements tenus par des Musulmans de

22 Vitez avaient explosé.

23 Nous sommes intervenus. Nous n'arrêtions pas de poser toujours

24 la même question en essayant de la formuler de façon différente pour

25 tenter de savoir, de déterminer quelles pouvaient être les conditions de

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1 la restauration du calme à Vitez. Il y avait en jeu le commandement

2 militaire, les autorités civiles et, dans cette période, pour autant que

3 je me souvienne, il a même été dit que pour calmer le jeu à Vitez, pour

4 restaurer le calme, c'est M. Tihofil Blaskic, commandant de la zone

5 opérationnelle de Bosnie centrale qui était chargé de ce travail.

6 Un certain nombre de conditions ont été posées, présentées,

7 toujours les mêmes, pour que le calme revienne. La période dont je parle

8 était celle de la fin du mois d'octobre et du début du mois de novembre.

9 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mujezinovic, voudriez-

10 vous bien regarder la photographie sur le chevalet, pièce à

11 conviction n° 45 et utiliser un feutre jaune pour tracer un cercle autour

12 du bâtiment où vous habitiez ?

13 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous tracer un cercle au

14 feutre jaune autour de ce bâtiment, je vous prie, Docteur Mujezinovic ?

15 C'est dans ce bâtiment que se trouvait votre appartement, c'est

16 bien cela ?

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

18 M. Harmon (interprétation). - Vous pouvez vous rasseoir,

19 Docteur Mujezinovic, pour quelques instants. A partir du bâtiment où vous

20 habitiez, est-ce que vous avez vu des commerces détruits ?

21 M. Mujezinovic (interprétation) - A ce moment-là au mois

22 d'octobre ? Non.

23 M. Harmon (interprétation). - Je parle de n'importe quelle date

24 après le 18 juin 1992.

25 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui.

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1 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous expliquer au Tribunal

2 ce que vous avez vu ?

3 M. Mujezinovic (interprétation) - Une nuit, autour de 1 heure ou

4 2 heures du matin, nous avons entendu une détonation ; mon père se

5 trouvait chez nous à ce moment-là. Ma femme et moi nous sommes levés pour

6 voir ce qui se passait et un groupe de soldats - je crois que c’était le

7 20 janvier - a tout simplement tirés des coups de feu et jeté des grenades

8 contre des vitrines qu'ils endommageaient avec leurs fusils.

9 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, pourriez-vous

10 prendre le feutre rouge et inscrire un cercle sur la photographie autour

11 des bâtiments que vous avez vu se faire endommager ?

12 M. Mujezinovic (interprétation) - C'est ici. Là, il y avait la

13 pharmacie de la ville est puis plus tard dans la matinée, ils ont continué

14 le long de cette rue et ont aussi attaqué un bâtiment qui se trouvait là.

15 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'une boucherie a

16 également été détruite ?

17 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, mais pas au même moment,

18 voyez-vous, ceci s'est passé la nuit aux alentours de 2 heures du matin.

19 M. Harmon (interprétation). - Très bien.

20 M. Mujezinovic (interprétation) - Alors que la boucherie se

21 trouvait dans ce bâtiment qui a été détruit je ne sais plus exactement

22 quand, je crois que c'était la veille, mais dans l'après-midi ; nous avons

23 tous pu voir cela de nos yeux, tous les voisins.

24 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais reprendre les

25 premières observations que vous avez faites, Docteur Mujezinovic. Vous

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1 avez dit que vous aviez vu des soldats jeter des grenades à l'intérieur

2 des bâtiments, c'est bien cela ?

3 M. Mujezinovic (interprétation) - Nous avons entendu des

4 détonations, je n'ai pas pu voir, c'était la nuit, jusqu'au moment où ils

5 sont arrivés au pied de mon immeuble. A ce moment-là nous avons pu voir ce

6 qui se passait nous étions tous debout, tous les habitants de l'immeuble.

7 M. Harmon (interprétation). - Et le lendemain vous avez vu en

8 ville des dommages qui n'étaient pas présents la veille ?

9 M. Mujezinovic (interprétation) - Un soir de cette même période

10 du mois de janvier, aux alentours de 10 heures du soir, nous avons entendu

11 une terrible explosion et le matin j'ai vu que la banque de Travnik avait

12 été détruite. Elle se trouve là sur la carte. Dans la soirée, aux

13 alentours de 10 heures la banque avait été détruite et le matin nous avons

14 vu que toutes les vitres du bâtiment étaient brisées. L'explosion a été

15 extraordinaire, tous les voisins sont sortis de tous les bâtiments

16 avoisinants.

17 M. Harmon (interprétation). - Quelle était l'importance de cette

18 banque ?

19 M. Mujezinovic (interprétation) - La banque commerciale de

20 Travnik utilisait la devise officielle de Bosnie-Herzégovine. Pour ce qui

21 nous concerne, si je me souviens bien, nous avions déjà commencé à

22 percevoir des coupons, des bons, en lieu et place d'argent, alors que

23 cette banque continuait à utiliser le dinar qui était l'ancienne devise de

24 Yougoslavie.

25 M. Harmon (interprétation). - Etait-ce la seule banque en Bosnie

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1 qui traitait avec la devise yougoslave, le dinar ?

2 M. Mujezinovic (interprétation) - C'était la seule banque de

3 Vitez, à l'exception peut-être de la banque de Zagreb, la banque croate,

4 qui, si je me souviens bien, n'était pas encore ouverte à ce moment-là.

5 M. Harmon (interprétation). - Docteur, vous avez déclaré avoir

6 vu une boucherie se faire démolir. Pouvez-vous nous dire à quel moment de

7 la journée cela s'est passé et où se situait cette boucherie ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - La boucherie appartenait à

9 une entreprise d'état, une entreprise de Zenica, elle se trouvait en face

10 de mon immeuble. Vers 5 heures de l'après-midi, je rentrais du travail,

11 une de nos voisines m'a appelé à venir dans la chambre à coucher pour voir

12 cette boucherie qui avait été détruite par des soldats du HVO. Ma voisine

13 a reconnu un autre de nos voisins qui s'appelait Drago Crnic et qui, avec

14 d'autres, détruisait tout ce qui se trouvait sous sa main, les étals, les

15 réfrigérateurs, les porte-couteaux, tout ce qu'il y 'avait dans la

16 boucherie.

17 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, au moment du

18 début du conflit, en avril 1993, combien de commerces ou d'entreprises

19 gérés par des Musulmans étaient encore intacts à Vitez ? Je parle de la

20 partie de Vitez contrôlée par le HVO.

21 M. Mujezinovic (interprétation) - Pour autant que je le sache,

22 il est resté un café intact dont le propriétaire était Amo Selimic, si je

23 me souviens bien de son nom. Son café était un peu plus élégant et il n'a

24 pas été détruit. Mais le SUP nous a informés que le café de Amo Selimic

25 était le seul commerce qui était resté intact jusqu'au 16 avril dans la

Page 1657

1 partie centrale de Vitez, seul commerce géré par un Musulman.

2 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, est-ce que la

3 majeure partie des destructions infligées aux bâtiments à été le fait de

4 grenades ?

5 M. Mujezinovic (interprétation) - Après la mise en place du

6 gouvernement du HVO, nous avions une mission qui consistait à essayer de

7 rétablir la situation et cette partie de Vitez était absolument sous le

8 contrôle de la police civile, de la police militaire et des unités du HVO.

9 Lorsque nous avons pris contact avec le gouvernement du HVO, c'est-à-dire

10 avec la police civile, pour tenter de mettre en place des équipes

11 d'inspection mixtes communes, cela n'a pas été possible. L'autorisation

12 n'a pas été délivrée aux policiers musulmans, aux bosniens, sous le

13 contrôle du MUP de la République de procéder à ces tournées d'inspection.

14 Par exemple, après l'explosion de la banque, après l'explosion d'un autre

15 bâtiment, un garçon a été tué. Cet incident était très regrettable mais

16 malgré cela, l'autorisation n'a jamais été délivrée. C'est ce que ce Saban

17 Mahmutovic nous a dit, ainsi que Salem Topcic qui était chargé de cette

18 responsabilité. L'un d'entre eux était dirigeant de la police et l'autre

19 chef du département d'enquête criminelle de la police.

20 M. Harmon (interprétation). - A votre avis, Docteur Mujezinovic,

21 était-il possible d’entendre les explosions qui ont causé les dommages

22 infligés à ces commerces musulmans que vous venez de décrire depuis

23 l’hôtel Vitez ?

24 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, l’hôtel Vitez se trouvait

25 à 300 mètres, d’ailleurs je ne sais même pas s’il y avait 300 mètres,

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1 l'hôtel était vraiment très près de l'endroit où ces explosions on eu

2 lieu. Je ne connais pas le nombre exact de mètres mais c’était vraiment

3 tout près. Ces explosions ont pu être entendues partout à Vitez.

4 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, la vie était-

5 elle également difficile pour les Croates de Bosnie qui n'étaient pas en

6 accord avec la politique du HVO ?

7 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, il y en a pas mal qui se

8 plaignaient, vous savez. J'ai vu personnellement des Croates passés à

9 tabac par des membres du gouvernement par des membres du HVO. Un jour,

10 j'étais dans les bureaux du SDA avec des collaborateurs et Cadic,

11 président du SDP, et sa secrétaire sont accourus dans le bureau et nous

12 ont demandé notre aide. Nous sommes sortis et nous avons vu des soldats du

13 HVO qui tenaient des armes à la main et qui avaient arrêté Stipo Brkan et

14 Mijo Ivanic, deux membres du SDP. J'ai examiné ces hommes. Après cela,

15 Stipo Brkan ne se comportait plus normalement en ville ; d'autres

16 également ont vu leur comportement se modifier. En fait, ou vous étiez

17 avec eux ou vous étiez contre eux : dans ce cas, vous saviez que vous

18 alliez être passé à tabac.

19 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous un troisième membre du

20 parti SDP se faire passer à tabac également ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Zdravco Livancic a demandé à

22 me voir en consultation : il avait été passé à tabac. Je connaissais bien

23 cet homme : je lui ai donc demandé ce qui s'était passé. Il était

24 capitaine de réserve de première classe et travaillait au sein de la

25 Défense territoriale au quartier général. C'était un homme de forte

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1 stature. A ma demande sur ce qui lui était arrové, il m'a dit qu'il avait

2 été passé à tabac par des soldats du HVO.

3 M. Harmon (interprétation). - Vous a-t-il dit pourquoi il avait

4 été passé à tabac par des soldats du HVO ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, il m'a simplement dit

6 qu'il avait critiqué ouvertement ce qui s'était passé à Vitez. Il a été

7 passé à tabac à plusieurs reprises. Je crois même qu'il a été arrêté, mis

8 en détention, mais je n'en suis pas tout à fait sûr. En tout cas, ce jour-

9 là, il m'a demandé à me voir en consultation et a été durement frappé.

10 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, le comité de

11 coordination pour les intérêts des Musulmans, combien de temps a-t-il

12 existé, quand a-t-il cessé d'exister ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Vers la fin de l'année 1992,

14 un décret de la présidence de la république a été adopté, qui portait sur

15 la création des districts. La présidence de guerre a été mise en place

16 dans ce cadre. Comme nous avions déjà eu un certain nombre de réunions

17 avec des représentants du HVO, nous avions fait connaître notre avis quant

18 à la façon dont les organes municipaux du pouvoir à Vitez devaient être

19 organisés. Un Croate de Vitez, Josip Silica, avait proposé que soit mis en

20 place le conseil de la défense croato-musulman. A l'époque, cette

21 proposition avait été acceptée par tous.

22 Après trois ou quatre jours, Fuad Kaknjo, président du

23 gouvernement, ainsi que le président du parti SDA nous ont fait savoir que

24 cette décision n'avait pas été appliquée parce que le gouvernement du HVO

25 n'avait pas reçu l'accord des autorités supérieures.

Page 1660

1 Ensuite, il y a eu le jour où il a été décidé un gouvernement de

2 guerre à Vitez ; le principal problème consistait à rédiger le préambule

3 du texte portant créaion de cet organisme. Nous ne voulions pas que ce

4 gouvernement soit celui d'une seule nationalité, nous ne voulions qu'il y

5 ait une coloration ethnique dans ce gouvernement. Mais nous ne sommes pas

6 parvenus à nos fins : une initiative a alors été lancée qui a abouti à la

7 constitution de la présidence de guerre à Vitez.

8 M. Harmon (interprétation). - Quand cette présidence de guerre

9 a-t-elle été créée ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Elle a été créée le

11 15 juillet.

12 M. Harmon (interprétation). - Le 15 janvier 1993, en étaient

13 membres tous les représentants de tous les partis, le commandant de la

14 défense civile, un représentant de l'armée également. A la réunion,

15 personne d'entre nous ne s'est proposé pour siéger à la présidence de

16 guerre. Certains m'ont contacté à ce sujet, mais je n'ai pas accepté. Ils

17 ont essayé de me convaincre que je devais accepter ce poste, que j'avais

18 de bons contacts à Vitez —ce qui était vrai—, que nous parviendrions ainsi

19 à ramener le calme à Vitez et à prévenir toute autre confrontation. J'ai

20 finalement accepté ce poste, le 2 février 1993, même si certains Croates

21 qui avaient de bons contacts avec moi m'avaient mis en garde en me disant

22 que c'était une bêtise et que j'y perdrais la vie.

23 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, je voudrais

24 un élcaircissement au sujet de ce que vous venez de nous dire : les

25 Croates participaient-ils à la présidence de guere ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

2 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps la présidence de

3 guerre a-t-elle continué à exister ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - La présidence de guerre a

5 existé jusqu'en octobre 1994.

6 M. Harmon (interprétation). - Quelle a été la base légale qui a

7 permis de créer la présidence de guerre ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Un décret d ela présidence de

9 la république.

10 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, cette

11 présdience de guerre était-ce une forme de gouvernement parallèle à la

12 structure gouvernementale du HVO ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

14 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous nous expliquer quels

15 étaient ses pouvoirs ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Elle avait le droit d'émettre

17 des ordres, de tirer des conclusions des événements, de donner des

18 instructions aussi bien à l'armée qu'à la police, ainsi qu'aux organes

19 civils.

20 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des ministres ou des

21 équivalents, c'est-à-dire quelqu'un qui s'occupait du portefeuille de la

22 santé, quelqu'un chargé du portefeuille de l'éducation, de la défense ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, c'était un organe assez

24 restreint. Mais il y avait également un gouvernement de temps de guerre

25 qui avait ces portefeuilles et était chargé de leur gestion. La présidence

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1 d eguerre est un organe plus limité. Les ordres, les décisions, les

2 conclusions émis par la présidence de guerre étaient mis en application

3 par le gouvernement et par les ministres —si l'on peut dire— adéquats.

4 M. Harmon (interprétation). - Donc, la présidence de guerre

5 pouvait émettre des ordres à l'intention des forces militaires ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, absolument. Des ordres

7 étaient émis à l'intention d'une partie de l'armée.

8 Un exemple de ses compétences : à Vitez, une brigade avait été

9 formée à la fin de l'année 1992, constituée des soldats qui se trouvaient

10 à Vitez, mais le commandement principal de cette brigade, dans le cadre de

11 la structure militaire se trouvait à Zenica : c'était le 3ème Corps de

12 Zenica. Il y avait donc un groupe de défense à Vitez, mais son

13 commandement se trouvait dans le personnel de district, à Zenica.

14 L'autorité dont était revêtue la présidence de guerre signifie qu'il

15 fallait qu'elle désigne un commandant et ce commandant avait le droit de

16 désigner les membres de son état-major. Pour tous nos ordres, il fallait

17 qu'il s'en réfère au commandement hiérarchique supérieur. Nous avions

18 également pouvoir sur la police.

19 M. le Président. - Excusez-moi, Monsieur le Procureur. Pouvez-

20 vous faire répéter, en m’excusant auprès du témoin, juste la dernière

21 question, s’il vous plaît ?

22 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mujezinovic, je vous ai

23 demandé si la présidence de guerre pouvait émettre des ordres à

24 l’intention des forces de guerre. Pouvez-vous répéter, s’il vous plaît,

25 votre réponse à cette question ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui. La réponse est oui, mais

2 il fallait qu’ils obtiennent l’autorisation de leur propre commandement

3 militaire, dont la base était à Zenica. Il s’agit donc du 3ème Corps qui

4 se trouvait à Zenica.

5 M. Harmon (interprétation). - Donc la présidence de guerre si

6 elle émettait un ordre à l’intention des forces militaires, cet ordre

7 devait toutefois être approuvé par le 3ème Corps qui se trouvait à Zenica,

8 c’est exact ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - C’était exactement cela.

10 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que les membres de la

11 présidence de guerre, dont vous-même, aviez des réunions auxquelles

12 participaient des membres du gouvernement du HVO ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

14 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi aviez-vous ces réunions

15 avec les membres du gouvernement du HVO ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Nous continuions à insister

17 sur le fait que nous voulions que soient créés des organes conjoints.

18 M. Harmon (interprétation). - Quelle était la fréquence de vos

19 réunions avec les représentants du gouvernement du HVO ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - En tant que médecin, j’étais

21 quotidiennement avec Ivan Santic, avec Pero Skopljak, avec Valenta, avec

22 Marian Skopljak, et tous les autres. Quand j’ai occupé le poste de la

23 présidence de guerre, à ce moment-là des conflits avaient éclatés à

24 Busovaca. Vitez était assiégée à la fin du mois de janvier. Nous nous

25 sommes mis d’accord, avec les représentants du HVO, pour respecter toutes

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1 les décisions prises au niveau supérieur. Ainsi, par le biais de la

2 médiation des organisations internationales, le Haut-Commissariat aux

3 régufiés, la Forpronu, la mission de vérification de la Communauté

4 européenne qui dépendait des Nations Unis, des réunions ont été planifiées

5 qui réunissaient le commandant de la zone opérationnelle de Bosnie

6 centrale et le commandant du 3ème Corps.

7 Nous nous sommes mis d'accord pour dire que tout accord conclu

8 serait respecté. Un ordre conjoint a été émis, je crois que c’était vers

9 le 15 février. Une commission a été mise sur pied. Mais tout cela était

10 fort bien rédigé sur le papier, voyez-vous. Pendant dix ou quinze jours

11 tout était plus calme, et puis cela reprenait comme avant.

12 M. Harmon (interprétation). - Vous dites : "Cela reprenait comme

13 avant". Qu’est-ce que ces termes recouvrent exactement ?

14 M. Mujezinovic (interprétation) - Eh bien, je pense aux

15 incidents, aux mauvais traitements, aux pillages, à la confiscation des

16 biens, aux effractions dans les maisons, aux personnes qui ont été

17 frappées, aux vols d’argent, à l'arrestation de Musulmans qui avaient un

18 certain statut dans la municipalité. Je pense aux actes d'intimidation,

19 aux plastiquages des maisons dans la ville, à la mise à feu de certaines

20 maisons. Je pense aux tueries, à toutes ces personnes, tous ces notables,

21 ces hommes d'affaires.

22 L'un des hommes d'affaires musulmans les plus influents de la

23 ville a été abattu devant sa maison et sa maison a été pillée. Un autre

24 homme a été abattu alors qu'il sortait de Vitez. Ils m'ont appelé, ils

25 m'ont demandé de mener une enquête.

Page 1665

1 Mon collègue qui était croate et qui venait de Zenica à Vitez de

2 temps en temps pour y travailler, lorsqu'il est rentré après avoir mené

3 l'enquête, m'a dit que ce qu'il avait vu était absolument atroce : une

4 personne avait été abattue, puis une grenade avait été jetée sur elle, son

5 corps avait été entièrement déchiqueté et la maison avait explosé. Il m'a

6 dit qu'il n'avait pu voir que des membres éparpillés sur le sol.

7 Voilà de quoi je parle quand je dis : "Cela a continué". Par

8 exemple, à Vitez nous avions un ingénieur en électricité très qualifié.

9 C'était un citoyen d'honneur de la ville de Zagreb. Il avait remporté des

10 questionnaires lors d’émissions télévisées. Un jour, un groupe de soldats

11 du HVO sont entrés dans sa maison. Il avait trois petites filles, ils

12 l'ont battu et ils ont pillé la maison. Ils ont dit : "Vous avez beaucoup

13 d'argent parce que vous avez remporté ce titre à Zagreb".

14 Et puis, il y a eu également cet ingénieur qui était l'ingénieur

15 le plus qualifié de l'entreprise d'explosifs et de poudre de la ville.

16 Pendant la journée, un groupe de soldats du HVO qui portaient des bas sur

17 le visage l’ont fait sortir de sa maison devant ses enfants et l'ont

18 ramené chez lui ; il avait été tabassé.

19 Par exemple, en plein milieu de la nuit ont faisait sortir des

20 gens de leur maison ont les tabassait, on les menaçait.

21 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que le HVO a jamais apporté

22 une solution satisfaisante pour les Musulmans à ces problèmes ?

23 M. Mujezinovic (interprétation) - Non, pas que je me souvienne.

24 Vous savez, à ce moment-là, j'avais l'impression que c'était le contraire,

25 que l’on essayait d'envenimer la situation. Il y avait des documents

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1 écrits qui disaient que la sécurité des gens allait être garantie, mais la

2 condition première était qu'il fallait qu'une autorité conjointe soit

3 créée sous le contrôle de la Communauté croate Herceg-Bosna. Il fallait

4 qu'il y ait une force de police conjointe qui respectait les décrets de la

5 Communauté croate de Herceg-Bosna. Il y avait eu toutes ces réunions,

6 toutes ces discussions.

7 C'était à la fois le début et la fin, mais la promesse qui avait

8 été faite c'était que les choses allaient s'arranger, que ces pillages et

9 ces mauvais traitements des Musulmans allaient prendre fin, qu'il n'y

10 aurait plus de pillage des maisons, des entreprises, que les réfugiés

11 n'allaient plus être expulsés.

12 Personne ne choisissait qui arrivait chez lui. Dix-sept

13 personnes sont arrivées d'une partie de la Bosnie chez moi ; je ne les ai

14 pas invitées mais elles sont restées chez moi.

15 A la télévision locale du HVO, des commentaires ont été émis par

16 Ante Marijanovic. Ce dernier a déclaré qu’en fait, les Musulmans de Vitez

17 agissaient de façon sournoise, qu'ils établissaient des gens en Bosnie

18 centrale afin de remporter les prochaines élections. Et c'est la raison

19 pour laquelle il fallait expulser tous ces gens de Vitez afin de ne pas

20 changer la proportion de la population. Chaque réfugié devait avoir une

21 carte de la Croix-Rouge pour pouvoir être inscrit sur une liste et

22 recevoir une aide humanitaire. Je peux vous donner un exemple si vous

23 voulez.

24 Je crois que c'était le 12 ou le 13 avril 1993. J'ai déjà dit

25 que j'étais vice-président de l'association caritative Merhamet à Vitez.

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1 Les représentants de la Croix-Rouge internationale sont venus nous voir et

2 nous ont demandé pourquoi 400 réfugiés avaient quitté Vitez en l'espace de

3 trois jours. Et cela ce produisait quotidiennement : on volait les gens et

4 les personnes de la Croix-Rouge internationale nous demandaient : "Mais,

5 pourquoi ces réfugiés quittent-ils Vitez ?". Comment dire ?... Je ne sais

6 pas...

7 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, une

8 question encore avant la pause. Vous avez parlé d'Ante Marijanovic, qui

9 est-il ?

10 M. Mujezinovic (interprétation) - A l’époque, Ante Marijanovic

11 était le rédacteur en chef de la télévision locale.

12 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

13 Président, plus de questions pour l’instant. Nous poursuivrons après la

14 pause du déjeuner.

15 L’audience, suspendue à 13 heure, est reprise à 14 heures 35.

16 M. le Président. - L'audience est reprise. Veuillez vous

17 asseoir. Faites entrer l'accusé.

18 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)

19 Monsieur le Procureur, nous reprenons la poursuite de votre

20 interrogatoire.

21 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie,

22 Monsieur le Président.

23 J'aimerais demander pour commencer à Monsieur Dubuisson de

24 prendre la pièce n° 80 ,et je vais demander à l'Huissier de poser deux de

25 ces photographies sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

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1 Monsieur Dubuisson, s'il vous plaît, si vous pouviez prendre la

2 pièce Z2/456 et la placer sur le rétroprojecteur.

3 Monsieur Mujezinovic, sur votre droite, il y a une photographie

4 posée sur le rétroprojecteur. Veuillez vous pencher sur cette photo et me

5 donner le nom des personnes que vous reconnaissez sur cette photographie.

6 Si vous le voulez bien, prenez le pointeur et indiquez-nous les personnes

7 que vous reconnaissez. Monsieur Mujezinovic, s'il vous plaît, indiquez-

8 nous cela sur la machine qui est à votre droite.

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Voilà Ignjac Kostroman,

10 secrétaire du comité de la Communauté croate de Herceg-Bosna, le

11 secrétaire général...

12 M. Harmon (interprétation). - Si vous voulez, indiquez chaque

13 individu avec votre pointeur pendant un certain temps, s'il vous plaît,

14 Monsieur.

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Voici M. Kostroman, le

16 secrétaire général de la Communauté démocratique croate.

17 M. Harmon (interprétation). - Fort bien.

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Voici Dario Kordic.

19 Ignjac Kostroman. Ignjac Kostroman, secrétaire général de la Communauté

20 croate de Herceg-Bosna. Pour autant que je sache, il vient de Vares en

21 Bosnie-Herzégovine. Voici Dario Kordic, vice-président de la Communauté

22 croate de Herceg-Bosna. Je répète, Dario Kordic, vice-président de la

23 Communauté croate de la Herceg-Bosna. Je crois qu'il était colonel dans

24 l'armée.

25 M. Harmon (interprétation). - Veuillez passer à une autre

Page 1669

1 personne que vous reconnaissez sur la photo.

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Voici Anto Valenta, premier

3 président de la Communauté croate démocratique pour Vitez et, plus tard,

4 président de la Communauté croate de Herceg-Bosna. Il est né dans une

5 petite ville près de Travnik, il a travaillé pendant un certain temps à

6 Vitez, pendant trente ans environ.

7 M. Harmon (interprétation). - Si nous pouvions passer à la photo

8 suivante Z2/457 et la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît. Non,

9 il nous faut la photographie 457. Veuillez nous donner, s'il vous plaît,

10 Monsieur, le nom des personnes que vous reconnaissez sur cette photo.

11 M. Mujezinovic (interprétation). - Voici Anto Valenta qui était

12 diplômé en technologie, il travaillait à Vitez au lycée en tant

13 qu'enseignant, premier président de la Communauté croate démocratique à

14 Vitez et, par la suite, vice-président de la Communauté croate de Herceg-

15 Bosna.

16 Voici Pero Skopljak. Il était diplômé en théologie. Il

17 travaillait à Vitez pendant un certain temps. Il était prêtre. Il est

18 revenu à Vitez dans les années 1990. Je ne le connaissais pas

19 personnellement. Quand il travaillait comme prêtre, je ne le connaissais

20 pas, mais je connaissais sa famille, ses frères et le reste de la famille

21 Skopljak. Il était à la tête de la police, le MUP, à Vitez et ce pendant

22 la première moitié de l'année 1991 et la première partie de l'année 1992.

23 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président,

24 M. Mujezinovic nous indique un homme qui se trouve au centre de la photo,

25 qui porte une chemise à manches courtes de couleur kaki.

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1 Monsieur Mujezinovic, veuillez, si vous le pouvez, identifier

2 une autre personne se trouvant sur la photographie.

3 Il me semble qu'il faut recentrer cette photographie afin que

4 nous voyions un peu mieux les détails.

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Voici Ivan Santic. A Vitez,

6 ils l'appelaient Ivica. C'était un ingénieur en technologie à Vitez, une

7 figure fort connue dans la région, quelqu'un qui aimait beaucoup le sport,

8 qui le pratiquait beaucoup. C'est lui qui a créé le club de ping-pong à

9 Vitez. Il jouissait d'une grande popularité dans la ville de Vitez. A

10 Vitez, il a été également élu président de l'assemblée municipale ;

11 Ivan Santic, donc aussi connu sous le nom de Ivica.

12 M. Harmon (interprétation). - Sur la photo, le témoin indique

13 une personne portant un T-shirt bleu, qui se trouve sur le côté droit de

14 la photographie. Monsieur Mujezinovic, je vous remercie, nous n'avons plus

15 besoin de ces photos ; je demande à l'Huissier de les ranger.

16 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mujezinovic, alors que

17 vous faisiez partie de la présidence de guerre et lors de vos réunions

18 avec des membres du parti HDZ, personnes dont vous avez donné le nom et

19 qui se trouvaient sur ces photographies, avez-vous continué, en tant que

20 représentant de la communauté musulmane, à recevoir ou à être l'objet de

21 menaces émises par les représentants du HVO ?

22 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, absolument, lors de

23 réunions officielles.

24 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire quels

25 types de menaces vous avez reçues ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation) - A plusieurs reprises,

2 Anto Valenta, le vice-président de la Communauté croate de Herceg-Bosna,

3 nous a menacés en nous disant que Vitez se trouvait à l'intérieur de cette

4 Communauté croate de Herceg-Bosna, qu'il s'agissait là du territoire

5 historique des Croates et qu'ils s'empareraient de cela par la force ou

6 par tout autre moyen. Il a déclaré qu'il y avait 50.000 hommes armés au

7 sein du HVO et que la Croatie était également de leur côté, prête à les

8 appuyer.

9 Puis, à titre privé, lorsque nous nous rencontrions, il disait

10 toujours que nous devions accepter les propositions que le HDZ nous avait

11 faites, c'est-à-dire qu'il fallait que nous acceptions que le gouvernement

12 du HVO s'installe à Vitez. Pero Skopljak a déclaré lui aussi, à plusieurs

13 reprises, que les décisions prises par le gouvernement du HVO à Vitez

14 devaient être absolument mises en oeuvre, sinon, comme il l'a dit : "Nous

15 nous battrons".

16 Au cours du deuxième semestre de 1992, Ivan Santic a déclaré

17 lors d'une réunion : "Que vous acceptiez cela ou non, ce sont les plus

18 forts qui prendront le pouvoir à Vitez".

19 Une fois, en avril 1993, Santic ma invité à me rendre chez lui

20 et il a déclaré que sa femme était malade. Je suis allé chez lui avec mon

21 épouse, je me suis rendu dans son appartement à Vitez qui était tout près

22 du mien. Je lui ai demandé de faire jouer son influence, car quelqu'un

23 comme moi pouvait-il s'attendre à autre chose qu'au chaos à Vitez. Eh

24 bien, en cette occasion-là, Ivan Santic nous a dit à mon épouse et à moi-

25 même : "Si seulement je pouvais exercer ce type d'influence et empêcher ce

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1 chaos, mais je n'ai aucun pouvoir !".

2 Voilà tout ce que je peux dire.

3 M. Harmon (interprétation). - Fort bien. Avez vous jamais vu

4 Anto alenta portant un uniforme du HVO ?

5 M. Mujezinovic (interprétation) - Anto Valenta portait le plus

6 souvent un uniforme du HVO. Je ne l’ai pratiquement jamais vu dans des

7 habits civils, contrairement à Santic qui était toujours en tenue civile ;

8 jamais je n'ai vu Santic dans un uniforme du HVO. Quand à Pero Skopljak,

9 je le voyais souvent revêtu d'un uniforme de camouflage quand il était à

10 la tête de la police, du MUP, mais il portait souvent, lui aussi, des

11 habits civils.

12 M. Harmon (interprétation). - Lors de votre discussion avec les

13 représentants du HDZ, ceux que vous avez identifiés, ont-ils jamais fait

14 des remarques ou des commentaires concernant des ordres qu'ils auraient pu

15 recevoir de Zagreb ou de Grude ?

16 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, absolument. Un jour,

17 quand il a proposé d'établir un gouvernement de guerre pour la

18 municipalité de Vitez, Ivan Santic a aussi proposé que nous envoyions des

19 documents à Sarajevo portant la mention : "République de Bosnie-

20 Herzégovine, présidence de guerre de Vitez", et il a proposé que nous

21 envoyions à Grude des documents portant l'en-tête : "République de Bosnie-

22 Herzégovine, Communauté croate d'Herceg-Bosna, présidence de guerre de la

23 municipalité de Vitez". Bien évidemment, rien de tout cela n'a été fait.

24 Nous nous étions mis d'accord sur quelques éléments, mais rien de tout

25 cela n'a eu lieu.

Page 1673

1 M. Harmon (interprétation). - Monsieur, j'aimerais maintenant

2 passer à un autre aspect de ces événements, les réfugiés arrivés dans la

3 municipalité deVitez avant le 16 avril. Pourriez-vous dire à ce Tribunal

4 quelle était la situation des réfugiés au sein de votre communauté avant

5 que le conflit n'éclate le 16 avril 1993 ?

6 M. Mujezinovic (interprétation) - Nombre de réfugiés sont

7 arrivés à Vitez, comme je l’ai dit précédemment. Vitez comprenait à peu

8 près 5500 habitants. Quant à la municipalité au sens plus large,

9 28000 personnes environ l'habitaient. Les premiers réfugiés qui sont

10 arrivés à Vitez venaient de Croatie, de Vukovar, de Sir, ils étaient tous

11 croates. Ils étaient inscrits sur les registres de la Croix-Rouge

12 municipale. Pour la plupart ils sont restés dans la maison de leurs

13 proches ou chez des amis.

14 La deuxième vague de réfugiés provenait de Bosnie orientale et

15 occidentale, de villes telles que Rogatica ou d'autres villes encore, des

16 villes de la Bosnie occidentale, de Sanski Most, de Sana, de Sanitsa, de

17 Kljuc. Nous avons inscrit ces personnes sur des registres, sur les

18 registres de la Croix-Rouge. Par le biais de Caritas et de Merhamet, les

19 organisations humanitaires, elles ont reçu des vêtements, de la

20 nourriture, des médicaments, des chaussures et nous avons essayé de leur

21 trouver un endroit où vivre. Nous les avons envoyées dans des familles qui

22 se portaient volontaires et qui étaient prêtes à les accueillir.

23 Nous avons demandé à des personnes de Zenica, de Vitez, de

24 Travnik, qui avaient des maisons de week-end, comme nous les appelons,

25 d'accueillir ces réfugiés précisément dans ces maisons de week-end.

Page 1674

1 Une vague très importante de réfugiés est arrivée de Jajce, des

2 Croates et des Musulmans, je crois que c’était au mois de novembre.

3 Anto Valenta leur a adressé la parole dans le stade. Je ne sais pas

4 combien ils étaient, peut-être 7000 Croates, mais il y avait aussi des

5 Musulmans parmi eux. On avait un petit peu de mal à inscrire ces réfugiés

6 sur des registres parce qu’à un moment donné le HVO a tout simplement

7 interdit au président de la Croix-Rouge, M. Cajnic, et à son secrétaire,

8 d'entrer dans les locaux dont ils avaient besoin. Ils se sont saisis de

9 leurs clés et le gouvernement du HVO a déclaré que M. Krizanac devait être

10 le président de la Croix-Rouge de Vitez. Les clefs ont été retirées de

11 l'ancien président de la Croix-Rouge, celui qui était président

12 jusqu'alors. A cause de Stipo Krizanac, tout cela s'est produit. Comme il

13 nous l'a dit, par la suite, les Musulmans, les réfugiés musulmans, ne

14 pouvaient plus être inscrits sur les registres. Lui a continué à le faire,

15 mais pas pour tous.

16 Nous avons enregistré 4200 à 4500 réfugiés ; je n'ai plus idée

17 du nombre exact. Je crois que c'était vers le mois de mars ou le mois

18 d’avril. A ce moment-là, les gens commençaient à quitter Vitez et même au

19 mois de janvier parce qu’ils se sentaient de plus en plus menacés. Il y

20 avait eu des provocations, des passages à tabac, des pillages, des vols.

21 Les soldats du HVO —je ne sais pas d'où ils débarquaient— mais ce sont eux

22 qui se livraient à ce type d'opération. En tout cas, ils ne venaient pas

23 de Vitez.

24 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, j'aimerais

25 maintenant que nous en venions au conflit qui a éclaté en avril 1993,

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1 notamment à ce qui c’est passé le 15 avril 1993, à la veille du conflit.

2 Je voudrais vous demander si vous vous êtes rendu sur votre lieu de

3 travail ce jour-là ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Vous vous êtes livré à vos

6 occupations quotidiennes, comme d'habitude ?

7 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé le 15 avril,

9 alors que vous étiez en train de travailler ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Certains des malades dont je

11 m'occupais depuis longtemps déjà ont été très surpris de me voir au

12 travail, ils m'ont dit : "Mais, Docteur, la situation est très

13 préoccupante. Il faut absolument que vous quittiez Vitez !".

14 Personne ne m'a dit pourquoi la situation était si préoccupante.

15 J'ai demandé à ce que la présidence de guerre se réunisse ; j'ai aussi

16 demandé à ce que la commission...

17 M. Harmon (interprétation). - Je vous interromps un instant.

18 Concernant les malades dont vous vous occupiez, dont vous venez de parler,

19 s'agissait-il de personnes musulmanes ou croates ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - C'étaient des Croates.

21 M. Harmon (interprétation). - A quelle heure avez-vous terminé

22 de travailler au centre médical, le 15 avril ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - Je dirai que j'ai quitté le

24 centre médical vers 13 heures.

25 M. Harmon (interprétation). - Au vu de ce que vous saviez et de

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1 ce que ces malades croates vous ont dit, qu'avez-vous fait ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Je me suis rendu dans les

3 bureaux de la présidence de guerre. J'ai demandé qu'il y ait une réunion

4 d'urgence de la présidence de guerre. J'ai demandé à ce que la commission

5 chargée de la surveillance des incidents qui pouvaient surgir se réunisse

6 également.

7 Il y avait des représentants bosniaques et trois représentants

8 croates dans cette commission. Les membres de la présidence de guerre ont

9 assisté à cette réunion, ainsi que les membres de la commission. Il y a eu

10 une réunion de ce même genre du côté croate, dans l'immeuble de

11 l'assemblée municipale. Là, ils m'ont montré le compte rendu de cette

12 réunion.

13 M. Harmon (interprétation). - Qui assistait à ces réunions ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Moi-même, Kaknjo,

15 M. Suad Salkic, Sefkija Dzidic, Nijaz Sivro et Sefid Sivro étaient

16 également présents. Il y avait également Fuad Zeco.

17 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des membres du HVO à

18 ces réunions ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

20 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé d'une commission.

21 De quoi s'agissait-il exactement ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Un peu avant cela, suite aux

23 ordres émis par Blaskic, le commandant de la communauté croate de Herceg-

24 Bosna, et suite aux ordres émis par le commandant du 3ème Corps, à

25 l'initiative de grandes organisations internationales comme le Haut-

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1 Commissariat aux réfugiés et à la Forpronu, les observateurs européens et

2 les Nations Unies, trois commissions ont été mises sur pied, des

3 commissions conjointes qui devaient travailler sur le terrain afin

4 d'essayer d'apaiser les choses, de les calmer.

5 La première commission du côté bosnien était constituée de chef

6 Sefkija Dzidic, Nijaz Sivro et Saban Mahrmutovic. Du côté croate, je crois

7 qu'il y avait Marijan Skopljak, Samirja Mirko... Je ne sais plus très bien

8 qui était la troisième personne. Ils ont fait part de leur opinion.

9 Cette commission a donc présenté ses points de vue à la

10 présidence de guerre qui a déclaré qu'il y avait beaucoup d'incidents,

11 qu'il y avait encore des pillages aux postes de contrôle —on désarmait les

12 gens, on confisquait leur voiture— que la situation s'envenimait à Vitez.

13 Ils ont demandé qu'une réunion soit organisée d'urgence avec les

14 représentants du côté croate, Ivan Santic, Skopljak, Anto Valenta et le

15 commandant du HVO de Vitez. Nous avons accepté cette réunion qui a été

16 fixée au 16 avril, à midi. Nous avons également veillé à ce que cette

17 convocation soit envoyée à l'hôtel de Busovaca où travaillait une

18 commission mixte du HVO et de l'armée, sous le contrôle des observateurs

19 européens et des Nations Unies. La réunion s'est terminée aux alentours de

20 15 heures.

21 M. Harmon (interprétation). - A la fin de cette conclusion,

22 étiez-vous rassuré quant au fait que rien n'allait se produire le

23 16 avril 1993 ?

24 M. Mujezinovic (interprétation). - Et Midhat Faruk était

25 également présent à cette réunion ; j'avais oublié de le mentionner. En

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1 tant que juriste, il avait pour tâche d'appeler son collègue Dragan Rados

2 et de lui dire que nous avions accepté la tenue de cette réunion. Nous

3 nous étions mis d'accord pour que la réunion se déroule à midi le

4 16 avril. Cette réunion devait nous permettre de déterminer la nature des

5 problèmes et de voir s'il était possible de modifier l'état des choses.

6 M. Harmon (interprétation). - Après la réunion,

7 Docteur Mujezinovic, où êtes-vous allé ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Comme je n'avais pas ma

9 voiture personnelle, je suis allé à pied jusque chez moi et, devant la

10 maison, m'attendait Zvonko Bekavac qui était l'un des membres du

11 gouvernement du HVO à Vitez.

12 Il m'a demandé si je pouvais aller examiner sa mère malade qui

13 habitait dans le quartier de Vitez appelé Rijeka. Je ne suis pas entré

14 dans la maison, mais j'ai immédiatement pris place dans sa voiture. Je

15 connaissais bien sa mère, je l'avais suivie en tant que médecin pendant

16 des années. Nous avons procédé à l'examen. J'ai prescrit des médicaments à

17 Zvonko, pour sa mère. Il pouvait se les procurer auprès de l'organisation

18 Merhamet dont j'avais la clef.

19 Après cela, Vinko Kolac est arrivé. Il était accompagné d'un

20 homme âgé qui portait un papier pour l'hôpital et une radiographie. Il m'a

21 demandé de me rendre au centre de santé pour examiner une femme. J'ai

22 terminé l'examen ensuite, et Zvonko m'a ramené à la maison.

23 Au cours de la nuit, j'étais avec les membres de ma famille. De

24 nombreux Musulmans de Vitez m'ont appelé au téléphone pour que je les

25 informe au sujet de ce qui se passait. La situation n'avait pas l'air

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1 normale dans la rue. J'ai dit à tout le monde que nous avions prévu une

2 réunion le lendemain à midi, qu'il n'y avait pas de problème, que ce qui

3 se passait était assez normal. Certains m'ont dit : "Non, ce n'est pas

4 normal". J'ai continué à dire à tout le monde que cette réunion était

5 prévue et qu'il n'y avait rien à craindre.

6 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous ensuite rentré chez vous

7 dans la soirée ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Que s'est il passé ensuite ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Le matin, aux alentours de

11 5 heures et demie, entre 5 et 6 heures du matin, en tout cas, des

12 explosions terribles nous ont réveillés. Les enfants, ma femme, mon beau-

13 père, ma belle-mère, nous nous sommes tous levés.

14 J'ai appelé Sefkija Dzidic pour lui demander ce qui se passait.

15 Il m'a dit au téléphone qu'une attaque avait été lancée, qu'à Stari Vitez

16 des maisons étaient déjà en feu et que des combats se déroulaient autour

17 de ces maisons. Je lui ai demandé ce qu'il convenait que je fasse. Il m'a

18 dit : "Reste là où tu es ; ne bouge pas." Et nous avons interrompu la

19 conversation.

20 A ce moment-là, quelqu'un a sonné à la porte. J'ai jeté un coup

21 d'oeil et j'ai vu mon voisin Marinko Katava. J'étais à la porte, sur le

22 seuil, avec ma femme. Nous avons ouvert la porte et, à ce moment-là, il

23 m'a dit : "Je vous ai mis en garde. Je vous ai averti qu'il ne fallait pas

24 que vos enfants crient des mots d'ordre de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

25 Vous n'avez pas obéi, vous êtes en grave danger. Je suis venu simplement

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1 pour vous dire de ne pas être surpris quand cela vous arriva ".

2 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous êtes resté dans

3 votre appartement toute la journée du 16 avril ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez vous pu voir depuis les

6 fenêtres de votre appartement le 16 avril ?

7 M. Mujezinovic (interprétation). - Je suis resté dans mon

8 appartement. De très nombreuses personnes m'ont appelé au téléphone pour

9 me demander ce qui se passait. Pas seulement des gens de Vitez, mais aussi

10 de Travnik et de Zenica. Les gens de Vitez parfois me lançaient des

11 provocations au téléphone en me disant : "Pourquoi est-ce que tu ne te

12 défends pas ? Où était mon armée ?"

13 L'épouse d'un de mes collègues m'a appelé à un certain moment

14 pour me dire que des soldats du HVO avaient tué Midhat Varupa, un juriste

15 de Vitez, et qu'elle l'avait vu de son balcon.

16 D'autres personnes ont appelé pour dire qu'un couple avait été

17 tué également, Nedim Zlotrg et sa femme Mira, dans son appartement et,

18 puis, au milieu de la rue, un policier, membre de la police civile, un

19 Bosnien avait été égorgé. Il s'agissait de Salem Topcic.

20 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu quelqu'un se faire

21 arrêter ou être emmené de son appartement non loin de votre immeuble ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, je n'ai pas vu cela, je

23 n'osais même pas regarder. Il y a eu des explosions terribles et, depuis

24 mon salon et depuis la cuisine aussi, j'ai vu les obus tomber sur le

25 village de Novaci, mais je suis resté sur place. J'ai attendu.

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1 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté

2 dans votre appartement avant d'aller ailleurs ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Au alentours de 20 heures 30,

4 21 heures, Marinko Katava, mon voisin, est revenu chez moi et m'a demandé

5 de l'accompagner dans une pièce qui, à ce moment-là, était vide et il m'a

6 demandé ce que j'avais fait, ce que j'avais rendu comme service aux gens

7 pour que ma vie soit épargnée. Pour moi, tout cela était tout, sauf clair.

8 Il m'a donné deux paquets de cigarettes et m'a dit : "Tout cela va se

9 terminer d'ici à lundi". Cela allait donc durer samedi, dimanche et lundi,

10 et à ce moment-là il me dirait qui m'avait sauvé la vie, mais que lui

11 aimerait bien savoir quel service j'avais rendu à ces gens pour qu'ils

12 interviennent pour me sauver la vie.

13 A ce moment-là, Dragan Safradin, un ingénieur, un voisin croate,

14 est arrivé, il pleurait et il a dit : "Toi, tu es sauvé. Alors, reste

15 tranquille". J'ai demandé à Dragan ce qui se passait. Il m'a dit : "Toi,

16 reste tranquille, tu es sauvé".

17 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, est-ce que

18 vous êtes resté dans votre appartement jusqu'au 19 avril 1993 ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, je suis resté dans mon

20 appartement jusqu'au lundi, aux alentours de 10 heures. A ce moment-là, un

21 officier de police du HVO, Dragan Calic de Vitez est arrivé et m'a dit de

22 le suivre.

23 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, avant que

24 nous n'arrivions au 19, je voudrais vous poser quelques questions au sujet

25 de ce que vous avez pu voir depuis les fenêtres de votre appartement entre

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1 le 16 et le 19 avril. Dites-moi d'abord, si vous voulez bien, si vous avez

2 vu des destructions depuis les fenêtres de votre immeuble.

3 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai vu les obus tomber sur

4 le village de Novaci. On voyait bien les obus qui tombaient sur les

5 maisons et les explosions qui suivaient. Le lendemain, j'ai vu de la

6 fumée.

7 M. Harmon (interprétation). - Quel jour cela se passait-il ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - A Vitez, on voit depuis mon

9 salon le 17, le 18, je ne sais plus, je crois que c'était le 17...

10 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez-vous vu ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai vu de la fumée, des

12 maisons en feu.

13 M. Harmon (interprétation). - Je vous prierai maintenant de vous

14 diriger vers la carte qui est la pièce à conviction de l'accusation 45B et

15 d'utiliser un feutre pour nous montrer le quartier d'où provenait la

16 fumée. Très bien. Combien de quartiers avez-vous encerclés,

17 Docteur Mujezinovic ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai inscrit un cercle pas

19 loin du quartier où j'habitais, où des maisons étaient en feu, sur la

20 droite de Vitez et, puis, là, le bâtiment de l'ancien comité Central et,

21 puis, ce quartier où habitaient Faik Jadran et Edin Mujkic, et ici vivait

22 la famille Koca. Enfin, dans cet alignement, il y avait dix à quinze

23 maisons où habitaient des familles musulmanes.

24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez les

25 propriétaires, les occupants de ces maisons, Docteur Mujezinovic ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, c'étaient des habitants

2 de Vitez. Moi, je connaissais beaucoup de monde à Vitez et, ces habitants-

3 là, je les connaissais.

4 M. Harmon (interprétation). - Comme vous l'avez dit, il

5 s'agissait de maisons musulmanes, n'est-ce pas ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

7 M. Harmon (interprétation). - A un certain moment, alors que

8 vous vous trouviez dans votre appartement, avez-vous reçu un avertissement

9 de quelque nature que ce soit ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, le lundi vers 5 heures,

11 Marinko Katava nous a mis en garde. Il nous a dit qu'il nous était

12 interdit de sortir pour aller où que ce soit parce que, devant l'immeuble,

13 des habitants armés se tenaient debout, certains en civil, d'autres en

14 uniforme. Nous n'avons donc pas bougé. Marinko Katava m'a mis en garde et

15 a mis en garde également mes voisins, ma femme, mes enfants avec lesquels

16 il avait parlé, et il a également averti mes beaux-parents et a dit : "Ne

17 soyez pas surpris : des explosions très fortes vont être entendues".

18 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que Marinko Katava était

19 musulman ou croate ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Il était croate, du village

21 de Kacuni, je crois, municipalité de Busovaca, et il avait déménagé à

22 Vitez. Cela faisait déjà pas mal de temps qu'il habitait à Vitez avec son

23 épouse.

24 M. Harmon (interprétation). - Etant donné cet avertissement,

25 est-ce que vous-même ou votre famille avez fait quoi que ce soit par

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1 rapport à l'appartement ?

2 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, nous avons essayé de

3 calfeutrer les fenêtres pour que les vitres ne se brisent pas. La fenêtre

4 s'ouvre dans ce sens-là et dans l'autre sens, c'est-à-dire verticalement

5 et en biais. Donc nous les avons mises en biais parce que mon beau-père

6 m'a dit que si des explosions importantes se produisaient, ce serait plus

7 sage.

8 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous entendu ces fortes

9 explosions ?

10 M. Mujezinovic (interprétation) - La nuit commençait à tomber et

11 il y a eu tout d'un coup de fortes vibrations et de très fortes

12 détonations. Nous ne savions pas du tout ce qui se passait.

13 Marinko Katava nous a dit : "N'ayez pas peur, nous avons touché

14 l'arsenal de munitions". Dzevada Topcic, surnommé Djuda, tenait un canon à

15 Stari Vitez et il affirmait que la détonation que nous avions entendue

16 était due à l'explosion d'un dépôt de munitions à Stari Vitez.

17 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous entendu plus tard que ce

18 n'était pas la véritable nature de cette explosion ?

19 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, plus tard. En fait, nous

20 l’avons appris le lundi quand je suis allé au travail.

21 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez-vous appris le lundi ?

22 M. Mujezinovic (interprétation) - Que c'était un camion citerne

23 qui avait explosé à Stari Vitez et que pas mal de maisons avaient été

24 touchées ainsi que des morts et des blessés. J’ai appris cela du personnel

25 du centre de santé.

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1 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez

2 quitté votre appartement le matin du 19 avril. Est-ce que quelqu'un est

3 venu vous chercher dans votre appartement ?

4 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, un membre de la police

5 militaire, du HVO, Dragan Calic. Les membres de la police militaire

6 portaient des ceinturons blancs.

7 Ma belle-mère lui a demandé : "Où l’emmenez-vous ?" et je lui ai

8 dit : "Ne t'inquiète pas" parce que je connaissais cet homme. Lui m'a

9 dit : "Ne t'inquiète pas, tu es médecin je t’emmène travailler". J'ai donc

10 emporté mon équipement de médecin et je l'ai suivi.

11 M. Harmon (interprétation). - Où êtes-vous allé ?

12 M. Mujezinovic (interprétation) - Je suis arrivé au centre de

13 santé qui était organisé pour répondre aux besoins liés à la guerre.

14 J'avais participé à l'organisation de ce centre particulier. En fait,

15 j'étais l'organisateur principal. J'avais apporté sur place les

16 médicaments, j'avais fait venir des lits, une table et tout l'équipement

17 nécessaire.

18 M. Harmon (interprétation). - Cet hôpital de guerre était-il

19 très loin de votre immeuble, de l'endroit ou vous habitiez,

20 Docteur Mujezinovic ?

21 M. Mujezinovic (interprétation) - Non, il était tout près, à

22 200/300 mètres, 250 mètres.

23 M. Harmon (interprétation). - Et quand vous êtes arrivé à

24 l'hôpital de guerre, avez-vous eu quelque conversation que ce soit avec

25 les membres de votre personnel ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation) - Les infirmières qui se

2 trouvaient sur place ont exprimé de la surprise à me voir vivant. Il y en

3 a une Ruzica Botic, que je connaissais, qui s'est levée et qui est venue

4 m'embrasser. Les autres regardaient.

5 Il y avait vraiment de très nombreux blessés. J'ai mis ma

6 blouse. Ceux qui travaillaient sur place étaient des médecins très jeunes,

7 très inexpérimentés. Nous avons donc organisé l'accueil et la distribution

8 des soins aux patients, nous avons organisé une procédure de tri pour

9 décider qui devait être transporté à Travnik, à Zenica ou à Split. J'ai

10 proposé un certain nombre de choses et Bruno Buzuk a mis en oeuvre les

11 décisions prises en ce qui concerne le transport des blessés.

12 M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous vous trouviez à

13 l'hôpital de guerre, Docteur Mujezinovic, y a-t-il eu un moment où le

14 sujet d'Ahmici a été évoqué ?

15 M. Mujezinovic (interprétation) - Le 20 ou le 21 octobre, je me

16 trouvais au même dispensaire et ils ont demandé d'envoyer une ambulance.

17 Cette demande provenait d'Ahmici. Le conducteur de l'ambulance qui est

18 allé à Ahmici a dû y retourner trois fois parce qu’il n'a pas réussi à

19 passer.

20 Je suis allé à la maison, j'avais faim et une doctoresse, Enisa,

21 a demandé que je revienne vite. J'ai vu le Dr Bruno Buzuk, cette femme

22 médecin également, des infirmières. J’ai vu aussi trois soldats du HVO qui

23 était en train de frapper un civil, un homme blessé aux jambes, auquel ils

24 donnaient des coups de pieds et qu'ils essayaient d'emmener avec eux. Ils

25 voulaient le tuer dans la rue. C'était un homme de 55 ans, un homme

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1 d'affaires qui avait sa propre entreprise, et grâce à Bruno Buzuk, nous

2 avons réussi à empêcher cela.

3 L'épaule gauche de cet homme était blessée, il avait le bras

4 immobilisé. Nous lui avons donné des sédatifs. Ensuite, nous l’avons

5 traité à Zenica, mais nous avons dû nous battre pour lui environ vingt

6 minutes.

7 M. Harmon (interprétation). - Revenons, si vous le voulez bien,

8 au 19 avril 1993. Le sujet d'Ahmici a-t-il été évoqué le 19 avril 1993.

9 M. Mujezinovic (interprétation) - A ce moment-là, je n'étais pas

10 au courant de ce qui se passait à Ahmici. Il y avait deux infirmières

11 d'Ahmici dont l'une, Ankica Tudja, travaillait avec moi à l'hôpital de

12 Travnik. Je l'ai emmenée avec moi au centre de santé de Vitez pour qu’elle

13 travaille dans mon cabinet de spécialiste. Il y avait une autre infirmière

14 que je ne connaissais pas par le passé et qui ne travaillait pas au centre

15 de santé de Vitez ; elle s'appelait Vidovic Santic et elle était mariée à

16 Ahmici. Je connaissais son père, Mate. Nous connaissions toute cette

17 famille Santic.

18 Ankica et cette autre infirmière m'ont demandé si je savais ce

19 qui s'était passé à Ahmici. J'ai dit que non et elles m'ont raconté que :

20 vers 1 heure du matin les soldats du HVO avaient expulsé tous les

21 habitants musulmans d'Ahmici et les avaient chassés dans la direction de

22 la Lasva, et qu'elles avaient participé à cela en tant qu'infirmières.

23 Elles ont commencé à pleurer et elles m'ont dit que c'était tout à fait

24 terrible.

25 M. le Président. - D’après le transcript, ce sont tous les

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1 Musulmans d'Ahmici qui ont été chassés. Je voudrais que ce soit précisé.

2 M. Mujezinovic (interprétation) - Non, j'ai dit la chose

3 suivante : ces infirmières m’ont mis au courant du fait que les soldats du

4 HVO d'Ahmici avaient fait partir tous les habitants croates d'Ahmici,

5 femmes, hommes et enfants, vers la zone de Dona Lasva, et qu'à un certain

6 moment, il ne s’est plus trouvé un seul habitant croate dans Ahmici.

7 Le lendemain, vers 5/6 heures, l'attaque d'Ahmici a eu lieu et à

8 ce moment-là toute personne qui passait se faisait tuer, homme, femme,

9 enfant, animal, vache. On m'a dit que c'était vraiment un spectacle atroce

10 avec ces corps un peu partout.

11 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic, ces deux

12 infirmières qui vous ont informé étaient-elles musulmanes ou croates ?

13 M. Mujezinovic (interprétation) - Croates.

14 M. Harmon (interprétation). - Quel était leur comportement, leur

15 attitude, lorsqu’elles vous ont raconté tout cela ?

16 M. Mujezinovic (interprétation) - Ces infirmières pleuraient.

17 M. Harmon (interprétation). - A un certain moment, le 19 avril,

18 un homme appel Darko Krajevic, est-il arrivé à l'hôpital de guerre ?

19 M. Mujezinovic (interprétation) - Quand le membre de la police

20 militaire du HVO m'a amené avec lui, au bout d'une demi-heure,

21 Darko Krajevic est arrivé. Il était accompagné de trois ou quatre soldats

22 et il portait un uniforme de camouflage et un couteau de cette taille.

23 M. Harmon (interprétation). - Connaissiez-vous Darko Krajevic à

24 ce moment-là ?

25 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, je connaissais toute la

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1 famille Krajevic à Vitez : sa mère, son père, son grand-père, ses oncles.

2 M. Harmon (interprétation). - Ce 19 avril, alors qu'il se

3 trouvait à l'hôpital de guerre, qu'est-ce que Darko Krajevic a fait ?

4 M. Mujezinovic (interprétation) - Il m'a salué, il m'a demandé

5 comment j'allais, et il s'est adressé à ceux qui l'accompagnaient en les

6 informant que j'étais le chef et qu'il fallait m’obéir. Il m'a donné deux

7 numéros de téléphone que je pouvais appeler au cas où j’aurais besoin de

8 personnels supplémentaires. Après quoi, il a quitté l’enceinte du centre

9 de santé.

10 M. Harmon (interprétation). - Docteur Mujezinovic,

11 Darko Krajevic était-il membre du HVO ?

12 M. Mujezinovic (interprétation) - Darko Krajevic avait reçu la

13 charge d'une unité très tôt le matin. C'était une unité que l'on appelait

14 unité du HOS et qui dépendait du parti croate qui s'appelle le Parti

15 croate du droit.

16 En juin, l’un de mes collègues, le Dr Franje Tibold, et le Dr

17 Kajic étions là, assis, le matin, nous prenions notre premier café. Une

18 infirmière est arrivée en courant et les a appelés. Ils sont revenus au

19 bout d'une heure et m'ont dit que Darko Krajevic avait eu un infarctus et

20 qu'il faudrait que je l'examine. Franje Tibold m'a dit : "Mujezin (nous

21 étions collègues, donc il m'appelait par ce nom raccourci) il faut que tu

22 y ailles parce que les leurs sont arrivés. Tu sais comment ils sont, ils

23 vont t'y emmener de force".

24 Je suis allé chez Darko Krayevic, je l’ai examiné, je lui ai

25 fait une piqûre pour permettre la décantation de l'alcool et une autre

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1 pour le détendre. Après cela, il s'est senti mieux et je l'ai laissé.

2 Une dizaine de jours plus tard, j'ai reçu Darko Krajevic en

3 consultation pour cette même injection. Il m'a dit qu'il avait été

4 remplacé, qu'il n'était plus commandant, qu'il allait prendre des congés

5 parce que Pero Skopljak et Anto Valenta ne cessaient de lui conseiller de

6 mettre le feu aux maisons musulmanes et de semer le chaos.

7 Après quelques jours, il m'a dit qu'il était de nouveau

8 commandant, qu'il était désormais commandant au sein du HVO, que le nom de

9 son unité avait changé, qu'elle ne s'appelait plus HOS mais Vitezovi,

10 qu'il était donc sous commandement du HVO et que ses forces n'étaient pas

11 très importantes, que lui n'était pas très fort et qu'il n'avait pas pu

12 résister au HVO de Vitez.

13 M. Harmon (interprétation). - Lorsqu'il vous a dit

14 qu'Anto Valenta et Pero Skolpljak ne cessaient de lui conseiller de mettre

15 le feu aux maisons musulmanes et de provoquer le chaos, a-t-il donné le

16 nom de qui que ce soit ?

17 M. Mujezinovic (interprétation) - Il a dit : "et les autres", il

18 n'a pas cité de nom. Tous les jours, il venait recevoir cette piqûre. Il

19 était accompagné par d'autres hommes qui restaient sur le seuil pendant

20 que je lui faisais la piqûre, et il lui arrivait très souvent de rester

21 assez longtemps, jusqu'à une heure d'affilée avec moi à parler. A deux ou

22 trois reprises sa femme est venue aussi, elle a parlé avec moi et elle m'a

23 demandé ce que je pensais de la situation, elle-même disant qu'elle

24 souhaitait partir parce que la situation ne lui plaisait pas du tout.

25 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté à

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1 l'hôpital de guerre avant d'être emmené en un autre lieu ?

2 M. Mujezinovic (interprétation) - Je suis resté à Vitez, à cet

3 hôpital de guerre, jusqu'au 19 mai 1993.

4 M. Harmon (interprétation). - Alors que vous y étiez occupé à

5 traiter des malades, quelqu'un est-il venu pour vous emmener à un autre

6 endroit ?

7 M. Mujezinovic (interprétation) - La situation à Vitez s'était

8 calmée. A l'exception des sept ou huit premiers jours, il n'y avait plus

9 de combat. De temps à autre, avec l'approbation de Dragan Petrovic, je

10 faisais ma tournée, j'allais voir mes patients, mes patients âgés.

11 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi un instant, est-ce

12 qu'à un moment donné vous avez été emmené au quartier général de

13 Mario Cerkez alors que vous vous trouviez toujours à l'hôpital de guerre

14 ou juste après ?

15 M. Mujezinovic (interprétation) - Le 19, oui. Deux soldats du

16 HVO sont venus après 20 heures. C’étaient deux hommes de la police

17 militaire, Anto Kovac, appelé Zabac par les habitants de Vitez, il jouait

18 au football à Vitez et il est aussi arbitre de football. Il y avait aussi

19 Anko, également de Vitez, qui travaillait à l'usine SPS. Je connaissais

20 bien ces deux hommes. Ils ont demandé à me voir. Je les ai accompagnés à

21 Vitez à la Donkultura, le centre culturel, ce que l'on appelait

22 l'université ouvrière. Il y avait aussi une salle de cinéma, des bureaux

23 et le quartier général. Le siège de tous les partis politiques se trouvait

24 également dans ce bâtiment.

25 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous indiquer sur la

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1 pièce 45B cet endroit où vous avez été emmené et l'entourer d'un cercle

2 vert. Y a-t-il une lettre à l'intérieur du cercle que vous venez de

3 tracer ? Si effectivement il y a une lettre, pourriez-vous nous dire

4 exactement ce que c'est aux fins du procès-verbal ?

5 M. Mujezinovic (interprétation) - C'est la lettre B qui est

6 inscrite.

7 M. Harmon (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur, vous

8 pouvez vous rasseoir. Monsieur, lorsque vous êtes arrivé à cet endroit,

9 qui s'y trouvait ?

10 M. Mujezinovic (interprétation) - Dans un des bureaux il y avait

11 Mario Cerkez. Il était assis avec Zvonko Cilic, Boro Jozic, Stipo Gigojna,

12 Zeljko Rebac, Zeljo Sajevic.

13 M. Harmon (interprétation). - Ces personnes que vous venez de

14 citer étaient-elles toutes des membres du HVO ?

15 M. Mujezinovic (interprétation) - En tout cas, ils étaient tous

16 en uniforme et arboraient des insignes du HVO. Je connaissais bien chacune

17 de ces personnes, personnellement.

18 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous m'entendez ? Vous

19 semblez à voir des difficultés avec le casque.

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Cela ira.

21 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce qui

22 s'est passé à votre arrivée ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - Mario Cerkez, que je

24 connaissais bien, était le commandant des forces du HVO à Vitez. Il m'a

25 demandé si j'étais conscient de la situation dans laquelle je me trouvais.

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1 J'ai répondu par l'affirmative. Il a alors ajouté : "Alors, il faudra que

2 tu respectes les ordres".Il m'a demandé si j'avais entendu parler

3 d'Ahmici. J'ai répondu que oui.

4 Mario Cerkez a alors répété que je devais faire ce qu'il

5 m'ordonnait de faire. Tout d'abord, il a dit que les lignes du HVO à Vitez

6 avaient été interrompues dans le village de Dubravica dans la direction de

7 Zabrde, avaient été enfoncées dans la direction aussi de Zabrde et que

8 l'armée de Bosnie-Herzégovine avançait, qu'elle entrait dans la ville du

9 côté de l'usine de produits chimiques. Elle entrait dans la ville.

10 Il m'a dit que je devais appeler le commandement du 3ème Corps,

11 que je devais appeler Alija Izetbegovic, Silajdzic et toutes les personnes

12 que je connaissais afin que je dise à ces personnes que, si l'armée de

13 Bosnie-Herzégovine progressait encore en direction de la ville, ils

14 avaient 2223 Musulmans qu'ils avaient fait prisonniers. Et il a insisté en

15 disant qu'il y avait des femmes et des enfants parmi eux et qu'ils les

16 tueraient tous.

17 Il m'a dit également que je devrais passer à la télévision

18 locale afin de lancer un appel à l'intention des Musulmans de Stari Vitez

19 pour qu'ils rendent leurs armes.

20 Il a terminé en disant que je devrais établir une commission.

21 Zvonko Cilic m'a mis le téléphone en main et m'a dit : "Appelle". Je

22 connaissais le numéro de Ramiz Dugalic qui était vice-commandant du

23 3ème Corps.

24 M. Harmon (interprétation). - Je me permets de vous interrompre,

25 Monsieur. Lorsque Mario Cerkez vous a menacé de la sorte, vous avez

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1 reconnu d'autres hommes, cinq hommes qui étaient en uniforme, qui étaient

2 présents ? Etaient-ils présents lorsqu'il a dit qu'il allait tuer ces

3 2223 prisonniers ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également cité plusieurs

6 noms que vous étiez, a-t-il dit, censé appeler. Il y avait notamment le

7 commandant du 3ème Corps, n'est-ce pas, que vous deviez appeler ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Il y avait aussi

10 Alija Izetbegovic, Président de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

12 M. Harmon (interprétation). - Quelles sont les autres personnes

13 qu'il vous a demandé d'appeler ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - A ce moment-là, pour autant

15 que je m'en souvienne, Eljub Granic était un membre de la présidence de la

16 Bosnie-Herzégovine. Il y a aussi le Dr Silajdzic. Quant à savoir s'il

17 était ministre des affaires étrangères ou quel autre poste il occupait

18 dans le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, je ne sais pas.

19 M. Harmon (interprétation). - Puis, à un moment donné, alors

20 qu'un téléphone vous était placé entre les mains, avez-vous passé

21 plusieurs communications téléphoniques ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Mario Cerkez a dit à

23 Zvonko Cilic de s'asseoir à une table avec moi et d'exécuter ses ordres.

24 Il exécutait ses ordres. Je connaissais le numéro de Ramiz Dugalic parce

25 qu'il était de Vitez. C'était un ancien officier de la JNA et il était né

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1 à Vitez. Cet officier avait travaillé aussi à la Défense territoriale de

2 Vitez et je connaissais tous les membres de sa famille. Je l'ai appelé ;

3 il se trouvait au 3ème Corps. Je lui ai fait part de ce que Mario Cerkez

4 et son commandement de Vitez exigeaient. J'ai répété que, si l'armée de

5 Bosnie-Herzégovine continuait sa progression, les prisonniers seraient

6 tués par Mario Cerkez et les autres. J'ai demandé à parler au commandant

7 du 3ème Corps d'armée que je ne connaissais pas. Ramiz Dugalic m'a promis

8 de me rappeler après avoir parlé avec le commandant. Une demi-heure s'est

9 écoulée et il m'a rappelé. J'ai alors parlé au général Hadsihasanovic,

10 commandant du 3ème Corps d'armée, à qui j'ai rapporté les propos de

11 Mario Cerkez.

12 On m'a suggéré d'accepter tout ce le HVO m'ordonnait de faire.

13 S'il fallait signer un document, eh bien, que je le signe. C'est ce qu'il

14 m'a été dit. J'ai dit cela à Zvonko Cilic qui, lui-même, l'a dit à

15 Mario Cerkez. Une heure plus tard, Abdulah Sehic m'a appelé et je l'ai

16 informé lui aussi de ce qui m'avait été dit. Il m'a alors suggéré de

17 rester en contact avec le commandement, l'état-major du 3ème Corps

18 d'armée. Il m'a dit que je devais signer, même si c'était un document

19 officiel et que je devais accepter de dire que l'armée n'entrerait pas

20 dans Vitez. Puis, j'étais censé de trouver un groupe de Bosniens qui

21 soient susceptibles de négocier avec les représentants du gouvernement du

22 HVO. Ils m'ont dit que j'avais fait une liste des personnes qui devaient

23 constituer cette équipe de négociation et Mario Cerkez m'a dit : "Mais il

24 y a du monde en bas. Il y a plus de 300 personnes au sous-sol".

25 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous allé alors dans ce sous-

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1 sol, dans ces caves ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, effectivement, j'y suis

3 allé, bien sûr, avec la police militaire. J'avais encore ma blouse sur moi

4 et j'ai été vraiment surpris à la vue de tous ces gens qui étaient dans la

5 salle de chaufferie.

6 La plupart de ces gens étaient de Vitez. C'étaient pour certains

7 des retraités qui étaient malades. Parmi eux, j'ai choisi Sivro Baktija,

8 ingénieur en électricité. Il était membre du SDA pour Vitez, Dzidic Kadir,

9 un enseignant, du comité municipal du SDA, Mulahalilovic Nuraga, qui est

10 enseignant et directeur de l'école secondaire de Vitez, Fuad Kaknjo,

11 président du gouvernement à Vitez, qui avait été élu en novembre 1990.

12 J'ai alors dit qu'il fallait aussi emmener ce jeune homme parce qu'il

13 avait reçu une implantation cardiaque, une valve. Il s'appelait

14 Zijad Puric et il devait sortir, à mon avis.

15 Nous sommes sortis des caves et nous avons été emmenés dans un

16 autre bureau. Nous nous trouvions dans le bureau de Muazer Gerim, utilisé

17 à des fins privées, pour son entreprise privée. Cet homme se trouvait là

18 aussi et il était ancien directeur de l'usine SPS, ingénieur en

19 électricité de formation ; deux ou trois hommes nous accompagnaient.

20 M. Harmon (interprétation). - Avant de poursuivre ce récit, pour

21 ce qui s'est passé dans ce bureau, pourriez-vous nous donner davantage de

22 détails à propos de ce que vous avez pu observer dans ces caves où l'on

23 gardait les prisonniers ?

24 M. Mujezinovic (interprétation). - C'était donc le sous-sol, les

25 caves. En général, on y gardait le charbon et il y avait les chaudières

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1 pour le chauffage, pour l'alimentation de tout l'immeuble. Tous les

2 hivers, on apportait de grosses réserves de charbon et les gens y étaient

3 tout simplement sur le charbon, soit ils étaient en mesure de rester

4 debout, soit ils étaient assis.

5 M. Harmon (interprétation). - Combien d'hommes ou de personnes

6 avez-vous vues à cet endroit ?

7 M. Mujezinovic (interprétation). - On m'a dit, parce que je n'ai

8 pas fait le décompte précis, qu'il y avait quelque trois cents personnes

9 dans ces caves. On m'a dit que je pouvais opérer un choix, que je pouvais

10 sélectionner certaines personnes qui pourraient négocier avec moi.

11 M. Harmon (interprétation). - Quelles étaient les conditions ?

12 Les personnes étaient-elles entassées les unes sur les autres ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Absolument.

14 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il aussi, parmi ces 300

15 rsonnes, des malades que vous auriez connus et dont vous auriez pris

16 soin ?

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui. En effet, Zvonimir Cilic

18 était assistant social à Vitez auparavant. J'avais dressé à son intention

19 une liste de vingt patients souffrant de maladies chroniques —coeur,

20 asthme— pour dire que ces personnes devaient être libérées sur le champ,

21 car les conditions étaient impossibles, surtout pour des personnes

22 souffrant d'asthme. Il a pris cette liste et il a dit qu'il allait voir ce

23 qu'il pourrait faire. Je ne sais pas si ces personnes ont été libérées.

24 M. Harmon (interprétation). - Quand vous êtes sorti de la cave,

25 vous aviez cette liste remise à M. Cilic qui faisait partie du HVO ?

Page 1698

1 M. Mujezinovic (interprétation). - C’est exact.

2 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit à M. Cilic qu’il

3 fallait mettre ces personnes en liberté, étant donné leur état de santé ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Revenons, si vous le voulez bien,

6 à ce groupe de personnes que vous avez sélectionnées et que vous avez

7 amenées à un autre endroit du bâtiment où se trouvait le cinéma. Qu'est-ce

8 qui s'est passé, qu'est-il advenu de ce groupe de personnes ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - En présence de ces personnes,

10 nous étions dans un bureau où il y avait Cilic et Borivoje Jozic. De ces

11 deux hommes, je ne sais pas lequel d'entre eux a dit à ces gens ce qu'ils

12 étaient censés faire. Mais on leur a dit qu'il y avait ces

13 2223 prisonniers et que la tâche qui incombait à ces personnes était de

14 téléphoner à toutes leurs connaissances pour leur dire que, si l'armée de

15 Bosnie- Herzégovine continuait sa progression vers Vitez et à l'intérieur

16 de Vitez, toutes ces personnes allaient être tuées. Ces personnes ont

17 commencé à téléphoner.

18 Moi, j'avais convenu avec Zvonko Cilic que je passerais à la

19 télévision locale de Vitez vers une heure du matin. C'est ce que j'ai

20 fait : je suis passé à la télévision. En fait, les studios de la

21 télévision étaient dans le même bâtiment, mais plus haut, à un autre

22 étage. Et j'ai lancé un appel, aux Croates comme aux Musulmans, afin

23 qu'ils ne tirent pas les uns sur les autres, parce que cela nuisait aux

24 deux communautés. J'ai dit littéralement que, seuls, les chetniks de

25 Karadzic pourraient en tirer profit ; c'est tout ce que j'ai dit. Cela a

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1 été diffusé à de nombreuses reprises au cours des jours suivants, à la

2 télévision locale.

3 M. Harmon (interprétation). - Le fait que vous soyez passé à la

4 télévision locale, était-ce quelque chose que vous avez fait de votre

5 plein gré ou pas ?

6 M. Mujezinovic (interprétation) - Non, on m'a dit que je devais

7 le faire.

8 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'on vous a également dit

9 ce que vous deviez dire ?

10 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui.

11 M. Harmon (interprétation). - Que deviez-vous dire ? Et qui vous

12 l'a dit ?

13 M. Mujezinovic (interprétation) - Mario Cerkez.

14 M. Harmon (interprétation). - Que vous a-t-il dit de dire ?

15 M. Mujezinovic (interprétation) - Il m'a dit de lancer un appel

16 aux Musulmans de Stari Vitez pour qu'ils rendent leurs armes. J'en ai

17 parlé avec Cilic et j'ai dit que personne n'écouterait ce que j'avais à

18 dire. J'ai donc dit les propos que je vous ai relatés ; si vous le voulez,

19 je peux répéter.

20 M. Harmon (interprétation). - Ce n'est pas nécessaire. Monsieur

21 le Président, il est 16 heures. Est-ce une bonne heure pour notre pause de

22 l'après-midi ?

23 M. le Président. - L’audience est suspendue à 16 heures. Nous

24 reprendrons à 16 heures 20.

25 L’audience est suspendue à 16 heures 30.

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1 M. le Président. - L'audience est suspendue, il est 16 heures.

2 Elle reprendra à 16 heures 20.

3 M. le Président. - Monsieur le Procureur.

4 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

5 Président. Monsieur Mujezinovic, après l'émission télévisée où vous êtes-

6 vous rendu ?

7 M. Mujezinovic (interprétation) - Je suis retourné dans la pièce

8 dans laquelle j'avais été emmené, où se trouvaient les gens qui avaient

9 été élus pour participer aux négociations.

10 M. Harmon (interprétation). - Et que s'est il passé par la

11 suite ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Vers 14 heures,

13 Zvonimir Cilic et Boro Jozic ont dit aux personnes présentes que, si elles

14 avaient terminé, elles pouvaient rester dans cette pièce, y passer la nuit

15 ou bien retourner à la cave. Nous sommes tous restés dans cette pièce, à

16 l'exception de Kakanj qui, lui, est retourné dans la cave. On nous a dit

17 que, le lendemain matin, vers 6 heures, Ivan Santic et Pero Skopljak

18 viendraient s'entretenir avec nous.

19 M. Harmon (interprétation). - Sont-ils de fait venus

20 s'entretenir avec vous, le lendemain matin ?

21 M. Mujezinovic (interprétation) - Ils sont venus non pas à

22 6 heures, mais à 5 heures du matin. Il y avait M. Ivan Santic,

23 M. Pero Skopljak.

24 M. Harmon (interprétation). - Veuillez nous décrire votre

25 rencontre avec ces deux personnes.

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1 M. Mujezinovic (interprétation) - Je peux vraiment revivre cette

2 matinée et vous raconter exactement ce qui s'est passé. M. Ivan Santic

3 s'est adressé aux personnes qui étaient présentes et leur a dit que le

4 gouvernement du HVO, c'est-à-dire le conseil de la défense croate, avait

5 pris la décision dont Zvonimir Cilic et Boro Jozic m’avaient informé,

6 décision selon laquelle ils allaient tuer les prisonniers si l'armée de

7 Bosnie-Herzégovine continuait à avancer.

8 Ivan Santic a déclaré qu'il était désolé que les choses en

9 soient arrivées là, qu'il y avait eu beaucoup de tués et de blessés. Mais

10 il a dit également qu'il n'en était absolument pas responsable, qu'il

11 fallait plutôt en accuser Alija Izetbegovic et les autres dirigeants

12 musulmans, car c'étaient eux qui désiraient un état unique et, comme il

13 l’a dit lui-même, la dissolution de la Bosnie-Herzégovine avait

14 effectivement eu lieu.

15 "Moi, de façon répétée, j'avais averti les représentants du

16 parti du SDA à Vitez que c'était le parti le plus fort qui allait

17 s'emparer du pouvoir à Vitez", c'était Ivan Santic qui disait cela et

18 Pero Skopljak était tout à fait d'accord avec ce qu'il disait. Lui aussi a

19 dit qu'il était désolé que les choses en soient arrivées là, mais que la

20 politique menée par les dirigeants musulmans était tout à fait irréaliste,

21 déraisonnable. Il a également ajouté qu'il avait répété à plusieurs

22 reprises qu'il y aurait des combats à Vitez à cause du fait que les

23 décisions prises par la communauté croate devaient être respectées. Il a

24 dit qu'il s'agissait là de territoires croates et que la Bosnie-

25 Herzégovine, à cause de ces politiques irréalistes et déraisonnables,

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1 avait poussé le peuple bosnien à une situation désastreuse et à une

2 annihilation quasi absolue. Voilà ce que l'on a dit aux personnes

3 présentes.

4 M. Harmon (interprétation). - Pero Skopljak a-t-il également

5 répété la menace selon laquelle 2000 prisonniers civils allaient être

6 tués ?

7 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, je viens de dire qu'il

8 était d'accord avec ce que disait l'orateur précédent et avec les

9 exigences de Mario Cerkez. Mario Cerkez me l’a dit et c'est Zvonimir Cilic

10 et Boro Jozic qui ont dit ces choses-là aux autres personnes.

11 M. Harmon (interprétation). - Que s'est il passé ensuite,

12 Monsieur, s'il vous plaît ?

13 M. Mujezinovic (interprétation) - Ivan Santic a suggéré qu'une

14 déclaration publique soit faite concernant la réunion. Il a sorti un

15 morceau de papier et il a dit : "Voilà quelque chose que nous avons

16 rédigé. Etes-vous d'accord avec ce qui est écrit ?" Il a lu ce document et

17 il a déclaré que je devais le signer, que lui aussi allait le signer et

18 qu'ainsi la situation allait pouvoir être apaisée, que la confusion qui

19 régnait à Vitez pourrait être éclaircie.

20 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais verser au document un

21 exemplaire de cette pièce. Je pense que ce sera la pièce 86. Une

22 traduction en anglais et en français y est jointe, Monsieur le Président.

23 Monsieur Mujezinovic, reconnaissez-vous ce document, la pièce de

24 l'accusation n° 86 ?

25 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, je reconnais là ma

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1 signature.

2 M. Harmon (interprétation). - Ce document, qu'est-ce

3 exactement ?

4 M. Mujezinovic (interprétation) - C'est la déclaration commune

5 que m’a proposée Ivan Santic et qui a été également proposée aux personnes

6 qui étaient avec moi dans le bâtiment où se trouvait le commandement du

7 HVO à Vitez.

8 M. Harmon (interprétation). - En bas de ce document, vous voyez

9 deux signatures qui ont été apposées.

10 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui, absolument.

11 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit qu'il s'agissait

12 bien de votre signature, n’est-ce pas ?

13 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui.

14 M. Harmon (interprétation). - De qui est l'autre signature ?

15 M. Mujezinovic (interprétation) - C'est la signature

16 d’Ivan Santic.

17 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

18 que cette pièce soit reconnue comme élément de preuve. La source de ce

19 document est la mission de vérification de la Communauté européenne.

20 Monsieur Mujezinovic, voulez-vous bien lire ce document pour le compte

21 rendu, s'il vous plaît ? Lisez-le en entier.

22 M. Mujezinovic (interprétation) - Je dois le lire ?

23 M. le Président. - C’est une question que l'on a déjà soulevée.

24 Dans le but de l’accélération des débats, est-il absolument nécessaire que

25 ce soit lu ?

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1 Dans la mesure où les parties sont d'accord, où le transcript

2 individualise bien cette pièce et où nous aurons peut-être des centaines

3 de pièces à lire durant tout ce procès, je propose, si vous le voulez

4 bien, que les documents ne soient pas lus. En revanche, le jour où il y

5 aurait désaccord à propos d'une pièce, nous procéderions à la lecture.

6 Est-ce que tout le monde est d'accord ?

7 M. Harmon (interprétation). - Je suis d'accord, mais j'aimerais

8 que certaines parties de ce document soient lues. Je voudrais que le

9 témoin émette des commentaires sur ces points-là. Je vous remercie,

10 Monsieur le Président. Je vous en prie, Monsieur Mujezinovic, lisez-nous

11 la deuxième disposition de ce document.

12 M. Mujezinovic (interprétation) - "Les représentants civils des

13 peuples croates et musulmans déclarent de façon unanime qu'aucun conflit

14 n'aurait éclaté à Vitez sans l'influence d'intérêts politiques mondiaux et

15 sans l'influence d'opérations militaires lancées de l'extérieur de notre

16 municipalité".

17 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mujezinovic, pouvez-vous,

18 s'il vous plaît, émettre vos commentaires sur la disposition que vous

19 venez de lire ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - La deuxième disposition

21 concerne des interventions extérieures, mais la Communauté démocratique

22 croate et le HVO étaient en fait des institutions locales. Elles étaient

23 très engagées et ont pris une part active à tous ces événements.

24 M. Harmon (interprétation). - Je vois. Monsieur Mujezinovic,

25 s’il vous plaît, lisez-nous la troisième disposition pour le transcript.

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - "En raison du nombre de

2 morts, de blessés et de prisonniers, nous demandons aux commandants

3 militaires de respecter, dès que possible, les normes humanitaires

4 internationales".

5 M. Harmon (interprétation). - D’après vous, est-ce que les

6 commandants militaires du HVO ont respecté les normes humanitaires

7 internationales dès qu’ils l’ont pu ?

8 M. Mujezinovic (interprétation) - Non.

9 M. Harmon (interprétation). - Veuillez expliquer votre réponse.

10 M. Mujezinovic (interprétation) - Je n'étais pas présent lors

11 des discussions qui se sont tenues à Vitez, le commandant des forces

12 armées de l'armée de Bosnie-Herzégovine, Sefer Halilovic, et le chef

13 d'état-major du HVO, M. Milivoi, sont arrivés à Vitez et il y a eu un

14 accord concernant l'échange des personnes blessées et tuées. Mais le HVO

15 n'a pas respecté sa partie de l'accord. Cela dit, 13 musulmans,

16 d'importantes personnalités de Vitez, ont été transportés et transférés à

17 la prison de Busovaca, parmi eux le Président du gouvernement de Vitez,

18 M. Fouad.

19 M. Harmon (interprétation) - Parmi les personnes transférées y

20 avait-il également des intellectuels qui faisaient partie de la communauté

21 musulmane de Vitez ?

22 M. Mujezinovic (interprétation) - Les autres ont quitté Vitez

23 par la suite ou ont été déplacées et, pour autant que je sache, ils ont

24 été emmenés, ont dû creuser des tranchées et ont dû être emmenés pour

25 fortifier les lignes de défense du HVO.

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1 M. Harmon (interprétation) - Ma question est la suivante : est-

2 ce que ces 13 personnes dont vous avez parlé étaient des membres éminents

3 de la communauté musulmane de Vitez.

4 Vous avez dit que treize personnes n'ont pas été immédiatement

5 relâchées par le HVO mais transférées à la prison de Busovaca. Ces treize

6 personnes étaient-elles des dirigeants de la communauté musulmane de

7 Vitez, des intellectuels, des cadres ?

8 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Et en quoi les commandants

10 militaires du HVO n'ont-ils pas respecté les normes humanitaires

11 internationales dès qu'ils l'ont pu. En quoi d'autre n’ont-ils pas agi de

12 la sorte ?

13 M. Mujezinovic (interprétation) - Quand j'ai demandé de l'aide

14 sur mon lieu de travail, je savais qu'il y avait un médecin qui était

15 spécialiste des interventions chirurgicales, M. Pavkovic, un spécialiste

16 en anesthésie, et j'ai demandé qu'Amar Mulahalilovic, un étudiant en

17 médecine, soit libéré. Je demandé aussi que le Dr Bruno fasse cela. Ces

18 trois personnes ont été amenées de leur lieu de détention et les mains de

19 l'étudiant qui était en dernière année de médecine étaient sanglantes

20 parce qu'il avait passé beaucoup de temps à creuser des tranchées. Il m'a

21 dit que les personnes qui étaient capturées étaient emmenées sur les

22 lignes de front et devaient creuser des tranchées.

23 M. Harmon (interprétation). - Des personnes ont-elles été

24 expulsées de la municipalité de Vitez par le HVO après la signature de ce

25 document ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mujezinovic, veuillez

3 vous pencher sur le paragraphe 4 de ce document et le lire, s'il vous

4 plaît pour le transcript.

5 M. Mujezinovic (interprétation). - « Les deux parties

6 conviennent qu'à Vitez et dans la province 10, le plan de paix Vance-Owen

7 devrait être mis en oeuvre avant même sa signature par la partie serbe. En

8 outre, les commandements de l'armée devraient garder leurs structures

9 actuelles qui reflètent la composition ethnique de la province et de la

10 municipalité. »

11 M. Harmon (interprétation). - Quels sont vos commentaires sur ce

12 paragraphe ?

13 M. Mujezinovic (interprétation) - Ce paragraphe a fait l'objet

14 d'un accord à Genève et au niveau local, nous n'avions aucun droit, nous

15 n'avions pas du tout l'obligation de signer cette disposition avant qu'un

16 accord soit conclu car nous ne savions pas quels étaient les résultats de

17 ces négociations.

18 M. Harmon (interprétation). - Quelle utilisation a été faite de

19 ce document ?

20 M. Mujezinovic (interprétation) - Ce document à été à de

21 multiples reprises montré lors d’émissions télévisées de la station locale

22 de Vitez.

23 M. Harmon (interprétation). - Après avoir signé ce document,

24 qu'est il arrivé à MM. Santic et Skopjak ?

25 M. Mujezinovic (interprétation) - Eh bien, ils ont quitté la

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1 pièce et Boro Jozic nous a dit que nous devions tous descendre à la cave.

2 Ensuite, Svonimir Cilic est revenu et m'a dit que moi, je ne devais pas

3 descendre dans la cave, qu'il y avait nombre de blessés et qu’il fallait

4 que j’aille m'occuper d'eux au centre médical, et la police militaire m'a

5 emmené au centre médical.

6 M. Harmon (interprétation). - Dernière question concernant ce

7 document, la pièce 86 de l'accusation, avez-vous signé ce document de

8 votre plein gré ?

9 M. Mujezinovic (interprétation) - On m'a ordonné de signer tout

10 ce qui m’était présenté. En fait, il a fallu que je le fasse sous la

11 menace et, au téléphone, le commandant du Troisième Corps m’a dit qu'il

12 fallait que je signe tout ce qui m’était présenté.

13 M. Harmon (interprétation). - Après avoir signé ce document,

14 Monsieur Mujezinovic, est-ce que l'on vous a ramené au centre médical ?

15 M. Mujezinovic (interprétation) - Oui.

16 M. Harmon (interprétation). - Veuillez me dire brièvement ce qui

17 s'est passé au centre médical.

18 M. Mujezinovic (interprétation) - Il y avait beaucoup de travail

19 là-bas. Je vous ai déjà dit que j'avais demandé au Dr Bruno d'amener des

20 médecins en renfort et c'est bien ce qu'il a fait d'ailleurs. Et les trois

21 personnes que j'ai citées tout à l'heure sont venues travailler. Le

22 personnel qui travaillait sur place, et notamment les médecins, étaient

23 extrêmement jeunes et n'avaient aucune expérience. Nous avons travaillé de

24 la meilleure façon possible. Nous nous sommes occupés des personnes

25 blessées, nous avons apporté des soins médicaux aux personnes qui en

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1 avaient besoin. Personnellement, j'ai fait des choix, s'il fallait que

2 quelqu'un soit transféré à Travnik ou Zenica, je le disais. Et puis,

3 d'autres personnes ont également été transférées vers Split. C'est moi qui

4 émettait les propositions concernant ces personnes et ces personnes ont

5 été transférées par hélicoptère.

6 M. Harmon (interprétation). - Parmi les médecins que vous aviez

7 demandés en renfort se trouvait un étudiant en médecine.

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Comment s'appelait-il ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Amar Mulahalilovic.

11 M. Harmon (interprétation). - Que faisait-il quand il est arrivé

12 pour travailler au centre médical avec vous et les autres médecins ?

13 Je ne reçois plus l'interprétation, Monsieur le Président.

14 Excusez-moi.

15 M. Hayman (interprétation). - La question a été posée et on y a

16 répondu.

17 M. Harmon (interprétation). - Pourrais-je avoir la question et

18 l'interprétation ?

19 M. le Président. - Nous sommes en train de régler les problèmes

20 techniques. Vous n'avez pas entendu.

21 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai pas eu l'interprétation de

22 la question.

23 M. le Président. - Reposez la question et vous aurez la réponse.

24 M. Harmon (interprétation). - Quelle était la fonction de

25 l'étudiant en médecine qui vous a rejoints au centre médical pour

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1 travailler avec vous-même et les autres médecins ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Ce jeune homme s'appelle Amar

3 Mulahalilovic et il se consacrait aux blessés. Je lui ai demandé pourquoi

4 il passait autant de temps avec les blessés, il m'a alors montré ses mains

5 et il m'a dit que cela provenait du fait qu'il avait beaucoup creusé de

6 tranchées, il n'avait jamais creusé auparavant et toutes ses paumes de

7 mains étaient couvertes d'ampoules sanglantes.

8 M. Harmon (interprétation). - Fort bien. Avez-vous pris soin des

9 soldats qui n'appartenaient pas directement à la municipalité de Vitez ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

11 M. Harmon (interprétation). - Veuillez expliquer cela brièvement

12 s'il vous plaît.

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Au centre médical, il y avait

14 des troupes qui arrivaient, je ne les connaissais pas du tout ; les hommes

15 qui constituaient ces troupes ne venaient pas de Vitez. Grosso modo, je

16 connaissais à peu près tous les habitants de la municipalité. Je ne leur

17 ai pas demandé d'où ils venaient. Ils avaient un accent différent de celui

18 des habitants de Vitez. J'ai dit que nous étions des professionnels et que

19 nous prenions soin de tout un chacun. Si quelqu'un avait besoin d'une

20 intervention chirurgicale, il était envoyé à Travnik, à Zenica ou à Split.

21 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous posé des questions

22 concernant des soldats du HVO avant le 16 avril, le soldat n'appartenant

23 pas à la municipalité de Vitez ?

24 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, une fois dans le centre

25 médical.

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1 M. Harmon (interprétation). - Et quand était-ce ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Je pense que c'était au cours

3 du mois de janvier, mais je ne sais pas exactement quand. Un jeune homme,

4 membre du HVO est venu me voir pour que je l'examine. Trois soldats

5 l'accompagnaient. Ils avaient un accent différent et je lui ai demandé :

6 "Mais qui sont-ils ?" Il m'a répondu : "Ne vous en occupez pas". Nous

7 venons d'un peu partout, de Daruvar, de Virovitica et il m'a montré sa

8 carte d'identification. Il m'a dit : "Mon commandement est à Split". Je

9 n'ai pas vérifié la carte.

10 M. Harmon (interprétation). - Split est dans quel pays ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - En Croatie.

12 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je veux

13 absolument continuer mon interrogatoire du témoin, mais je voudrais que

14 nous passions en séance à huis clos pour un instant, car je vais aborder

15 des questions qui sont extrêmement délicates.

16 M. le Président. - Session à huis clos, s'il vous plaît.

17

18 M. le Président. – Nous passons en audience à huis clos.

19 Audience à huis clos partiel

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6 M. le Président. - Nous rétablissons l'audience publique. Merci.

7 Monsieur le Procureur, pas d'observation.

8 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Nous

9 vous remercions de nous faciliter le travail. Je serai le premier à mener

10 ce contre-interrogatoire et, quand j'en aurai fini, Me Hayman prendra le

11 relais.

12 Docteur Mujezinovic, revenons à l'année 1990, si vous le voulez

13 bien. Avant 1990, était-il possible, en Yougoslavie et en Bosnie,

14 d'exprimer ses opinions politiques en toute liberté, en-dehors des mots

15 d'ordre lancés par le parti communiste ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Ce n'était pas souhaitable.

17 M. Nobilo (interprétation). - Etait-il possible d'exprimer ses

18 opinions politiques et de s'organiser librement ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, selon les règles du

20 parti.

21 M. Nobilo (interprétation). - Donc, des partis pouvaient être

22 créés ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - De quels partis parlez-vous ?

24 M. Nobilo (interprétation). - De n'importe quel parti.

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Pouvons-nous donc dire qu'en 1990,

2 ont eu lieu les premières élections libres ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

4 M. Nobilo (interprétation). - Le HDZ de Bosnie-Herzégovine

5 avait-il son assemblée municipale ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Probablement, oui.

7 M. Nobilo (interprétation). - Cette assemblée élisait-elle son

8 président et ses organes exécutifs ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Probablement, oui ; je n'y

10 participais pas.

11 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous s'il était enregistré

12 sur le territoire de Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Pour autant que je le sache,

14 oui. Mais je n'ai pas vu l'enregistrement.

15 M. Nobilo (interprétation). - Vous rappelez-vous ce référendum

16 qui a donné lieu à l'indépendance ?

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, il a eu lieu à Vitez

18 également.

19 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire, en tant

20 qu'habitant de Vitez, quels ont été les résultats de ce référendum ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Les habitants de Vitez, de

22 nationalités bosnienne et croate, ont voté à une très forte majorité pour

23 une Bosnie-Herzégovine souveraine et indépendante.

24 M. Nobilo (interprétation). - Nous en arrivons aux cellules de

25 crise. Pouvez-vous me dire quel est l'organe qui a créé les cellules de

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1 crise ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Deux partis nationaux :

3 l'Union démocratique croate et le Parti d'action démocratique.

4 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous quelle était la base

5 légale qui a permis de créer ces cellules de crise ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - A l'époque, M. Midhat Varupa,

7 juriste, a dit qu'il n'y avait pas de base légale pour créer un organe de

8 ce genre. Mais il a poursuivi en expliquant que, dans des conditions de

9 guerre, la constitution de Bosnie-Herzégovine permet de créer une

10 présidence de guerre, mais pas une cellule de crise. C'est ce qu'il a

11 expliqué.

12 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, les Serbes et les

13 Croates de Vitez considéraient-ils cette cellule de crise comme un organe

14 légal ou illégal ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Comme un organe légal.

16 M. Nobilo (interprétation). - Rappelez-vous : ce matin, vous

17 avez parlé de l'assassinat d'un membre de l'armée de Bosnie-Herzégovine à

18 l'hôtel Vitez. Vous avez dit que des ordres était arrivés de Travnik pour

19 qu'une enquête soit menée. Ce qui m'intéresse que vous me disiez, c'est

20 qui a soumis le rapport criminel.

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Le rapport a été remis à la

22 cellule de crise qui a conclu qu'une enquête devrait être menée au sujet

23 de ce meurtre.

24 M. Nobilo (interprétation). - Y a-t-il eu une enquête ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Pour autant que je sache,

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1 c'est Vladomir Miskovic, le procureur du tribunal municipal, qui a été

2 chargé de l'enquête. Vlado Miskovic venait de Kovacevo Selo, si je ne

3 m'abuse ; il était procureur au tribunal de Travnik et a reçu cette

4 directive.

5 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de Cengic,

6 commandant de la Défense territoriale au début. Quand a-t-il cessé

7 d'occuper le poste de commandant de la défense territoriale de Vitez ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Il a cessé au mois

9 d'août 1992.

10 M. Nobilo (interprétation). - Savez vous pour quelle raison il

11 n'a plus été commandant ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui

13 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez vous nous dire quel était

14 le motif de ce licenciement ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Il était professeur de

16 physique au lycée et capitaine de réserve dans l'ancienne armée et il m'a

17 demandé en tant que médecin de faire en sorte qu'il puisse obtenir un

18 travail plus facile, moins pénible. Je l'ai donc envoyé subir des examens

19 auprès du Dr Skrabalo dans un institut très connu de Zagreb. Il s’agit

20 d’un institut spécialisé et très connu pour soigner le diabète et les

21 troubles du métabolisme. M. Granic, le président du gouvernement de

22 Croatie actuel y travaillait également. On lui a proposé un traitement à

23 l'insuline. Peut-être ne devrais-pas dire quelle était sa maladie, mais

24 des preuves, des documents existent qui montrent qu'il a été patient suivi

25 à Zagreb et quelles propositions lui ont été faites. Physiquement, il

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1 était en assez mauvais état et j'ai proposé au conseil exécutif du parti

2 de désigner un nouveau candidat et il m'a remercié personnellement pour

3 cela.

4 M. Nobilo (interprétation). - Je ne m'attendais pas à autant de

5 détails médicaux. Je vous prie de me dire la chose suivante : quel est

6 l'organe qui l'a relevé de ses fonctions ?

7 M. Mujezinovic (interprétation). - L'état-major de district de

8 la Défense territoriale.

9 M. Nobilo (interprétation). - Sur la proposition de qui ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Sur la proposition du conseil

11 exécutif du SDA de Vitez, car lui-même était membre de cet organe.

12 M. Nobilo (interprétation). - Qui a été élu à sa place ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - M. Sefkija Djidic a été élu à

14 sa place. A l'époque, il était le chef de la Défense territoriale de

15 Vitez.

16 M. Nobilo (interprétation). - Qui a proposé M. Djidic et qui l’a

17 élu ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Le conseil exécutif SDA de

19 Vitez. Sefkija Djidic était capitaine de réserve à l'époque, il avait donc

20 les qualifications professionnelles. C'est un homme né à Vitez et qui

21 connaissait très bien Vitez. Il était professeur d'éducation physique

22 également. Nous pensions à cette époque que Sefkija Djidic allait réussir

23 à faire ce qu'il fallait pour éviter le conflit, car il connaissait très

24 bien les habitants et la ville.

25 M. Nobilo (interprétation). - Ce sont les membres du conseil

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1 exécutif qui ont fait la proposition ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Simplement, la proposition.

3 M. Nobilo (interprétation). - Qui l’a élu ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - L'état-major exécutif de la

5 Défense territoriale.

6 M. Nobilo (interprétation). - Après l'incident au cours duquel

7 des soldats sont tombés dans une embuscade, vous vous rappelez en avoir

8 parlé, vous avez dit que Ivica Cantic avait demandé à Fuad Kaknjo de

9 reprendre ses fonctions en tant que président du conseil de direction.

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, effectivement.

11 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que Fuad Kaknjo a répondu à

12 cette invitation à poursuivre son travail ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, il l’a fait.

14 M. Nobilo (interprétation). - Quand cet incident est survenu,

15 quand les drapeaux ont été hissés et que l'armée est intervenue, vous avez

16 aussi dit que Santic était absent.

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui. C'est ce que l’on nous a

18 dit, c’est ce que Fuad Kaknjo nous a dit. A l'époque, il n'était pas

19 présent.

20 M. Nobilo (interprétation). - Ce qui m'intéresse, c'est ce soir-

21 là, cette nuit-là, lorsque l'incident a eu lieu, est-ce que Fuad Kaknjo a

22 appelé l'état-major ? Est-ce que vous étiez présent à cette réunion ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, je n'y étais pas.

24 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous qui est rentré dans ce

25 commissariat de police ? Et dans le bâtiment de la municipalité ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Des soldats des armées nous

2 ont dit que c'étaient des membres du HVO qui portaient les insignes du

3 HVO.

4 M. Nobilo (interprétation). - Revenons sur Valenta. Il a parlé,

5 lors de la première réunion, des motifs qui avaient présidé à la création

6 de la Communauté croate d’Herceg Bosna, vous nous l’avez dit. Il

7 m'intéresserait de savoir s'il a dit également que la Herceg Bosna allait

8 se séparer de la Bosnie-Herzégovine.

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Si elle allait se séparer ?

10 M. Nobilo (interprétation). - Oui, est-ce qu’il l’a annoncé en

11 tant qu'objectif ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne m’en rappelle pas.

13 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, il existait une cellule

14 de crise, comme nous l'avons dit pour la municipalité de Vitez. Existait-

15 il des cellules de crise dans les communautés locales, dans les villages,

16 c'est-à-dire à un niveau d'organisation inférieure ?

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, il y avait quelque chose

18 de ce genre qui était développé au niveau des communautés locales.

19 M. Nobilo (interprétation). - Vous rappelez-vous combien il y

20 avait de communautés locales et de cellules de crise ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, vraiment, je ne m’en

22 rappelle pas.

23 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire, en 1992, au

24 moment où les cellules de crise ont été créées, si la cellule de crise

25 d'une communauté locale pouvait utiliser ses propres unités, ses propres

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1 soldats à sa discrétion ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Non

3 M. Nobilo (interprétation). - Donc, des événements de ce genre

4 ne se sont jamais produits ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, car l'armée avait son

6 propre commandement. La cellule de crise pouvait les utiliser.

7 M. Nobilo (interprétation). - Vous voulez dire la municipalité,

8 personne d'autres ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

10 M. Nobilo (interprétation). - Ce qui m'intéresse, c’est la chose

11 suivante : comment le gouvernement municipal du HVO s'est-il créé ? Quel

12 est l'organe qui a créé le gouvernement du HVO à Vitez ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Cela, je ne sais pas.

14 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que le HVO civil

15 ou le HDZ vous avait proposé à Vitez, je veux dire, avait proposé à vous,

16 les représentants du peuple musulman, une répartition du pouvoir

17 conformément au résultat des élections de 1990 et que toutes les forces

18 armées devraient être soumises à une autorité conjointe et que donc

19 l'armée serait une armée mixte dont les effectifs seraient proportionnels

20 au nombre d’habitants, conformément au décret de la Communauté croate de

21 Herceg-Bosna.

22 Pourquoi ces termes vous ont-ils paru inacceptables et pourquoi

23 étaient-il acceptables aux yeux de certains et pas aux yeux d'autres ?

24 M. Mujezinovic (interprétation). - Ils étaient inacceptables à

25 nos yeux à cause du titre lui-même : nous pensions que Vitez ne pouvait

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1 pas avoir un gouvernement dépendant d'une seule nationalité.

2 M. Nobilo (interprétation). - Mais ce gouvernement n'aurait-il

3 pas été multinational, puisque les résultats des élections de 1990

4 auraient été respectés ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Dans le nom même, il

6 s’agissait d’un gouvernement mononational : conseil croate de la défense.

7 M. Nobilo (interprétation). - Passons aux organes de

8 coordination pour la protection des Musulmans. Pourriez-vous nous dire qui

9 a lancé cette initiative de créer ces comités de coordination des intérêts

10 des Musulmans ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - Le comité exécutif du parti

12 SDA a convoqué une réunion de tous les membres des autres partis

13 parlementaires, ainsi que de toutes les personnalités en vue, des

14 commerçants de nationalité bosnienne de Vitez. A cette réunion, qui a été

15 très suivie, une décision a été prise de créer un comité de coordination

16 pour la défense des intérêts des Musulmans de Vitez.

17 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous vous rappeler qui a

18 élu les membres de ce comité de coordination, ces 19 membres ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Le président du comité de

20 coordination pour la défense des intérêts des Musulmans était Fuad Kaknjo.

21 Le président était Munib Kaimovic.

22 M. Nobilo (interprétation). - Vous rappelez-vous quelle était la

23 mission exacte de Munib Kaimovic ?

24 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne me rappelle pas

25 exactement. Personnellement, j'étais responsable de la santé, mais je ne

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1 me rappelle pas exactement des autres.

2 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous donner les noms

3 des autres membres ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Un économiste, Suad Salkic,

5 ingénieur en électrotechnique, Fuad Seco, vétérinaire, Nusret Kalzo,

6 machiniste ingénieur, membre du SDP. Fuad Seco était membre du parti

7 réformiste, Hasim Sivro, membre du conseil exécutif du parti des

8 transformations démocratiques.

9 M. Nobilo (interprétation). - Sivro Hasim ou Sivro Baktija ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Les deux. Fadir Zenerovic,

11 commerçant privé, Halil Kovacevic entrepreneur, Sulejman Vetic

12 entrepreneur privé, Cazim Ahmic ingénieur d'une organisation de travail,

13 Sulejman Ahmic économiste. Je ne me rappelle plus les autres noms.

14 (Les interprètes prient de les excuser pour la mauvaise

15 prononciation éventuelle des noms.)

16 M. Nobilo (interprétation). - Je voudrais vous poser une

17 question plus précise. Nusret Kalco était-il responsable de l'économie ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

19 M. Nobilo (interprétation). - En dehors de cela, quel était son

20 métier ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Il était machiniste diplômé

22 et était l'adjoint du directeur général dans une grande entreprise de la

23 région.

24 M. Nobilo (interprétation). - Hasam Salibasic était-il chargé

25 des finances ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - C’est un économiste diplômé.

2 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact qu'il était chargé

3 des finances ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Je crois, effectivement.

5 M. Nobilo (interprétation). - Quel était son métier ?

6 M. le Président. - Est-ce si important pour vous,

7 Maître Nobilo ?

8 M. Nobilo (interprétation). - Oui, tout à fait.

9 M. le Président. - Concernant le comité de coordination des

10 intérêts musulmans et sa composition, je crois qu'on avait déjà abordé le

11 problème. Mais, allez-y, si vous estimez que c’est important pour vous. Je

12 vous rappelle d’ailleurs qu’il est 17 heures 30. Nous terminerons juste

13 après vos questions sur ledit comité.

14 M. Nobilo (interprétation). - Je propose que nous nous arrêtions

15 maintenant, parce que j'aurai d'autres questions à poser au sujet de ce

16 comité de coordination.

17 M. le Président. - Simplement, dans ce cas, réfléchissez sur le

18 temps qu'il vous faudra, compte tenu du temps qu'a pris le Procureur qui,

19 semble-t-il, a respecté les obligations qu'il s'était imposées. Vous nous

20 direz demain matin, à peu près, combien de temps il vous faut pour votre

21 contre-interrogatoire, Maître Nobilo et Maître Hayman.

22 L'audience est levée à 17 heures 30

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