Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 21 août 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures 10.

5 M. le Président. - Monsieur le Greffier, faites entrer l'accusé.

6 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)

7 Monsieur le Greffier, nous pouvons faire entrer le témoin, le

8 Docteur Mujezinovic, pour poursuivre le contre-interrogatoire qui sera

9 mené ou par Me Nobilo ou par Me Hayman.

10 (Le Docteur Mujezinovic est introduit dans la salle d’audience.)

11 Docteur Mujezinovic, est-ce que vous nous entendez ?

12 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

13 M. le Président. - Je vous rappelle que vous êtes toujours sous

14 serment et qu'à présent, Me Nobilo va poursuivre. son contre-

15 interrogatoire. Maître Nobilo, bonjour. Poursuivez votre contre-

16 interrogatoire.

17 M. Nobilo. (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

18 Bonjour, Messieurs. les Juges.

19 Docteur Mujezinovic, nous parlions du comité de coordination

20 pour la défense des intérêts musulmans ; j'ai encore une ou deux questions

21 à vous poser. Les membres de ce groupe étaient-ils Saban Mahmutovic et

22 Sefkija Dzidic, responsables de la police ?

23 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui.

24 M. Nobilo. (interprétation). - Dites-moi, si la Commission de

25 coordination décidait que certaines décisions du gouvernement du HVO

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1 nuisaient aux Musulmans ? Ces deux membres de la commission, chargés de la

2 police et de la défense nationale —en admettant que ces décisions

3 concernent la police ou la défense nationale— accepteraient-ils de mettre

4 en oeuvre les décisions du gouvernement du HVO en envoyant une lettre de

5 protestation ou mettraient-ils en oeuvre les décisions du comité de

6 coordination pour la défense des intérêts musulmans ?

7 M. Mujezinovic. (interprétation). - Dans ce cas-là, si le chef

8 de la police, informé quotidiennement de tout ce qui se passait dans la

9 région de Vitez, nous informait, nous utilisions des communiqués.

10 Hier, je vous ai dit que nous organisions, de temps en temps,

11 des réunions élargies et que nous avions décidé de ne pas accepter un

12 gouvernement mononational à Vitez.

13 Un jour, nous avons eu le sentiment qu'une attaque avait été

14 faite contre les autorités légales de Vitez et que la légalité de toutes

15 les autorités avait été remise en cause. Le seul moyen que nous avions à

16 notre disposition constituait donc, dans ce cas, à émettre des communiqués

17 rédigés par M. Sefkija Dzidic ou par M. Saban Mahmutovic, les deux

18 personnes que vous avez mentionnées, qui signaient donc ces communiqués

19 pour le comité de Ccordination des intérêts des Musulmans de Vitez.

20 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que ces deux hommes

21 auraient mis en oeuvre les décisions du gouvernement du HVO ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Ils n'étaient pas obligés de le faire.

23 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Est-ce que vous vous rappelez la

24 première parade de la Défense territoriale qui est ensuite devenue l'armée

25 de Bosnie-Herzégovine à Vitez ? Est-ce que vous étiez présent ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, je suis arrivé vers la

2 fin de cette manifestation.

3 M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il une tribune, un endroit

4 plus solennel lors de cette manifestation ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Rien de particulier, pour

6 autant que je me rappelle. Je suis arrivé vers la fin. Les choses étaient

7 déjà presque terminées. Cela se passait à l'école secondaire de Vitez et

8 M. Sefkija Dzidic avait passé les unités en revue. Tout cela était déjà

9 fait. Je n'y ai pas passé beaucoup de temps.

10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que Sefkija Dzidic a rendu

11 compte à qui que ce soit, à cette occasion ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne me rappelle pas.

13 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit : "J'ai personnellement eu

14 beaucoup de problèmes causés par des Musulmans et des Croates armés.

15 Ils me posaient des problèmes dans l'exercice de mes fonctions".

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

17 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous expliquer ce que vous

18 vouliez dire ? Vous avez parlé des problèmes que vous aviez avec des

19 Croates armés, mais pouvez-vous nous dire maintenant quels étaient les

20 problèmes que vous posaient les Musulmans armés ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Hier, j'ai dit que nous

22 avions pour mission d'empêcher tout abus à Vitez, d'éviter toute

23 confrontation de quelque nature qu'elle soit. Je vais vous donner un

24 exemple de ce qui s'est passé à Vitez en novembre. Deux soldats de l'armée

25 de Bosnie-Herzégovine ont été tués, l'un d'entre eux a été blessé, après

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1 quoi les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont arrêté deux soldats

2 du HVO, six soldats du HVO. Ils leur ont enlevé leurs armes et les ont

3 passés à tabac. Moi, je n'ai pas été informé. Cela s'est passé la nuit et,

4 le matin, je participais à une réunion. A cette réunion, M. Sefkija Dzidic

5 a déclaré qu'il fallait remettre en liberté les soldats du HVO qui avaient

6 été arrêtés, car M. Blaskic menace son quartier général et sa personne au

7 cas où ces soldats ne seraient pas libérés.

8 Je suis parti à Kruscica, le village où se trouvaient les

9 soldats du HVO arrêtés. J'ai dit qu'il fallait les remettre en liberté.

10 Malheureusement, ils avaient été passés à tabac très sévèrement et on m'a

11 dit qu'une caisse d'objets en or avait été trouvée chez l'un de ces

12 soldats, une caisse remplie de colliers, de bracelets, de bagues, et que,

13 sur une boucle d'oreille, on avait trouvé des traces de sang. Ce soldat

14 s'appelait Dragan Butic. On m'a dit ce jour-là qu'un soldat du nom de

15 Kavazovic appartenant à l'armée de Bosnie-Herzégovine, l'avait

16 terriblement passé à tabac. Après cela, ces soldats ont été remis en

17 liberté et je crois savoir qu'ils ont ensuite été arrêtés par l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine et mis en prison.

19 J'ai été menacé par d'autres soldats de l'armée de Bosnie-

20 Herzégovine qui m'ont dit : "Docteur, vous les soignez, vous les aidez

21 alors qu'ils nous tuent". Le commandant de cette formation de l'armée de

22 Bosnie-Herzégovine, Hakija Dzelilovic, m'a dit à de nombreuses reprises :

23 "Les gens ne savent pas ce que vous faites. Ils vont vous tuer, ils vont

24 tirer sur vous". Mais j'étais souvent en compagnie de soldats du HVO,

25 notamment quand nous avons travaillé à la réorganisation de l'hôtel pour le

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1 transformer en hôpital de guerre. Des menaces m'ont été faites

2 personnellement.

3 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez, au cours de

4 l'interrogatoire principal, énuméré un certain nombre d'incidents dus à

5 des membres du HVO et dirigés contre des habitants de Vitez.

6 Pouvez-vous me dire si des membres de l’armée de Bosnie-

7 Herzégovine ont aussi provoqué de tels incidents

8 M. Mujezinovic (interprétation) - Je peux vous dire franchement

9 qu'il a été dit, de temps en temps, que si un soldat du HVO enlevait ses

10 armes à un soldat de Bosnie-Herzégovine, les soldats de Bosnie-Herzégovine

11 enlèveraient leurs armes aux soldats du HVO. Des événements de ce genre on

12 eu lieu. Par exemple, si une voiture avait été prise aux soldats de l'armée

13 de Bosnie-Herzégovine, ils agissaient de la même manière en sens inverse.

14 M. Nobilo (interprétation). - Ces incidents ont-ils parfois

15 impliqué l'utilisation d'armes à feu des deux côtés ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Je vous ai simplement raconté

17 un incident au cours duquel quelques personnes ont été tuées et blessées,

18 je n'en sais pas plus, c'est tout ce que je pouvais vous dire.

19 M. Nobilo (interprétation). - A part cet incident isolé que vous

20 avez décrit, ce phénomène s'est-il répété ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Je vous ai dit ce que je

22 savais, je ne sais pas ce que je peux dire de plus. Mais nous avons

23 toujours essayé de régler ces problèmes, nous avons émis des communiqués

24 officiels disant aux soldats qu'il fallait arrêter de s'enlever les armes

25 les uns aux autres et autoriser les convois à passer à travers les

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1 barrages routiers par exemple. Tout cela était annoncé à l'avance, il

2 était indiqué qu'il ne fallait pas maltraiter les gens aux barrages

3 routiers, ne pas les voler. Mais après cela, je ne sais pas ce qui était

4 fait dans la réalité des deux côtés.

5 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit, s'agissant du communiqué signé

6 par vous et des circonstances dans lesquelles vous l'avez signé, que des

7 soldats extérieurs à la région étaient impliqués. Savez- vous s'il y avait

8 des unités de Herzégovine dans votre municipalité au début de 1993 ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Je sais qu'une unité est

10 arrivée, elle a été cantonnée à l'école primaire de Dubravica. Un jour,

11 j'avais été appelé à soigner un homme âgé, un Croate, Ivica Marjanovic ;

12 je pense que cela se passait en janvier, dans la deuxième quinzaine de

13 janvier, je n'en suis pas tout à fait sûr. Cet homme s'est plaint du fait

14 que des soldats l'avaient malmené. Il s'était approché d’eux et leur avait

15 demandé : « Pourquoi tirez-vous ? » et ils avaient répondu : « Nous tirons

16 sur les oiseaux ». Lorsque ces hommes sont arrivés à Vitez, l'enfer a

17 vraiment commencé. On ne m'a rien dit officiellement mais j'ai entendu

18 dire que c'était une unité qui venait de l'extérieur ; d’où, je ne sais

19 pas, mais je sais qu’elle n’était pas de Vitez.

20 M. Nobilo (interprétation). - Et ce Marjanovic était un Croate ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

22 M. Nobilo (interprétation). - Ai-je bien compris que l'intensité

23 des incidents s’est considérablement accrue dès lors que cette formation

24 s'est trouvée à Vitez ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Je peux vous dire que

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1 lorsqu'ils sont arrivés, j'ai vu des membres de cette formation se joindre

2 à des soldats du HVO et détruire des magasins et la pharmacie de la ville

3 de Vitez. Je l'ai vu de mes yeux et j'ai dit hier, dans ma déposition, que

4 cela s'est passé un jour après minuit.

5 M. Nobilo (interprétation). - Les membres de cette unité

6 portaient-ils des insignes particuliers sur les manches qui les

7 distinguaient des soldats de la localité ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, ils portaient une

9 feuille de chêne, je crois. On les voyait l'après-midi dans les rues. Je

10 ne me déplaçais pas beaucoup parce que je n'osais pas le faire. Je me suis

11 déplacé dans ma voiture jusqu'au moment où on me l’a prise.

12 M. Nobilo (interprétation). - Hier, vous avez également parlé de

13 vols aux barrages routiers, de pillages. Pouvez-vous me dire si ces

14 pillages avaient une orientation ethnique ou si tout le monde se faisait

15 voler, Musulmans et Croates, tous ceux qui avaient des objets de valeur ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Les Musulmans de la localité,

17 de la région, se faisaient effectivement voler, mais les Croates qui

18 n'étaient pas de Vitez se faisaient voler également ; ils se sont plaints

19 à moi. C’étaient, par exemple, des gens qui voyageaient avec des Musulmans

20 qui venaient de régions voisines. Un jour, j'ai participé à une émission

21 de la télévision locale en octobre. Des jeunes gens s'étaient fait saisir

22 leur voiture et m'ont demandé de l’aide. Ils étaient dans un groupe mixte

23 qui comptait des Musulmans et des Croates. Ils sont venus au dispensaire

24 et m'ont demandé mon aide.

25 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous si des magasins de

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1 Croates locaux ont explosé ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Je sais que dans la région,

3 dans le district de Rijeka, le magasin de Nikica Gotovac a explosé.

4 M. Nobilo (interprétation). - C'était un Croate ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, et Ivica Santic m'a

6 demandé si j'étais au courant de cette affaire. Le village se trouve dans

7 la banlieue de Vitez. J'ai entendu des gens de la région dire qu'un soldat

8 du HVO avait proféré des menaces dans la soirée et avait exigé

9 10.000 marks du propriétaire de l'établissement. C’est ce qu’Ivica Santic

10 m'a dit. Il était assez agressif, il ne se comportait pas normalement. Il

11 était très agressif, notamment lorsqu'il avait des armes et je lui ai dit

12 que certains affirmaient que ce jeune homme avait jeté une grenade dans

13 l’établissement.

14 M. Nobilo. (interprétation). - Est-ce que qu'il y a eu d'autres

15 cas d'établissements croates qui ont sauté ?

16 M. Mujezinovic. (interprétation). - En janvier, il a été dit que

17 le magasin de Nikola Cvitanovic avait été bombardé, avait explosé. Je ne

18 me rappelle pas d'autres incidents.

19 M. Nobilo. (interprétation). - Avez-vous eu connaissance de

20 l'existence de groupes composés uniquement de délinquants ?

21 M. Mujezinovic. (interprétation). - Voyez-vous, pour moi, un

22 soldat est un soldat ; si c'est un soldat, il répond à des commandants.

23 Lorsqu'un soldat porte un uniforme, il doit être responsable devant son

24 commandement. Anto Valenta nous disait souvent, lors des réunions que nous

25 avions avec lui : "Cet acte a été commis par un groupe d'hommes informel".

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1 A Vitez, le HVO avait des troupes qui étaient très bien organisées et très

2 bien armées. Et moi, j'étais étonné personnellement de voir tant de gens

3 porter des armes, tant de particuliers porter des armes, alors qu'il y

4 avait des formations militaires armées en très grand nombre.

5 M. Nobilo. (interprétation). - Comment distinguez-vous un

6 militaire d'un civil ? Quel est votre mode de différenciation ?

7 M. Mujezinovic. (interprétation). - Les militaires portent des

8 uniformes, les civils sont habillés en vêtements civils. Chez nous, les

9 militaires portaient des uniformes noirs ou des uniformes de camouflage du

10 HVO ; les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine portaient le plus

11 souvent des uniformes de camouflage avec des insignes particuliers ;

12 d'autres portaient un uniforme noir, mais ils étaient très rares.

13 M. Nobilo. (interprétation). - Dites-moi, à cette époque,

14 en 1993 et au début 1994, lorsque vous circuliez dans les rues de Vitez,

15 notamment dans les quartiers où habitaient les Croates, les hommes

16 étaient-ils majoritairement en uniforme ou étaient-ils minoritaires à

17 porter l'uniforme ? Comment faisiez-vous la distinction entre les civils

18 et les militaires parmi les hommes, les jeunes gens dans la rue ? Qui

19 étaient en plus grand nombre ?

20 M. Mujezinovic. (interprétation). - Dans ma déposition, j'ai dit

21 qu'à Vitez, la situation était pratiquement normale le matin,. Lorsque

22 j'allais au travail, j'y allais à peu près normalement. Mais, l'après-midi

23 ou au début de la soirée, la situation empirait. Il arrivait qu'il y ait

24 des coups de feu tirés, que des grenades soient lancées. En général, les

25 gens se terraient dans leurs maisons. Dans la partie centrale de Vitez, il

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1 n'y avait pas de quartier spécialement réservé aux Croates ou spécialement

2 réservé aux Musulmans. Par exemple, dans les immeubles, les habitants

3 étaient mixtes. D'une maison à l'autre, il y avait mixité également, dans

4 la partie de Vitez qui était sous le contrôle du HVO. Sauf pour le village

5 de Rijeka, par exemple, qui était habité à 90 % par des Croates. Mais je

6 vous répète que, le matin, la situation était à peu près normale. C'est

7 donc seulement ultérieurement que nous pouvions, de temps en temps,

8 constater les résultats de ce qui s'était passé la nuit, en voyant des

9 destructions, des bâtiments endommagés, des vitres cassées, des

10 établissements pillés.

11 M. Nobilo. (interprétation). - Moi, en fait, je vous demandais si les

12 hommes étaient majoritairement en uniforme ou en civil ?

13 M. Mujezinovic. (interprétation). - Il y en avait en civil et en uniforme.

14 M. Nobilo. (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui était en majorité?

15 M. Mujezinovic. (interprétation). - Il y en avait beaucoup plus

16 en uniforme.

17 M. Nobilo. (interprétation). - Donc, il y avait plus de soldats

18 que de civils ?

19 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui.

20 M. Nobilo. (interprétation). - Pouvez-vous vous rappeler, en

21 octobre 1992, le conflit qui a éclaté à Novi Travnik et les barrages qui

22 ont été érigés à Ahmici ? Vous en avez parlé brièvement. Que s'est-il

23 passé exactement à Novi Travnik, en octobre 1992 ?

24 M. Mujezinovic. (interprétation). - Dans ma déposition, hier,

25 j'ai dit que j'étais de permanence dans la section de médecine interne de

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1 l'hôpital. Donc, j'avais dix heures à effectuer pendant le week-end. Le

2 lundi, ma permanence s'est prolongée : des blessés ont commencé à affluer

3 qui venaient de Novi Travnik.

4 A l'hôpital, j'ai donc appris qu'un conflit avait éclaté entre

5 l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, à Novi Travnik. J'ai fait mon

6 travail à Vitez et, ensuite, je suis rentré chez moi pour dormir. Le

7 matin, quand je suis reparti au travail, j'ai voulu prendre ma voiture,

8 car j'avais pas mal d'endroits à visiter. Mon voisin m'a dit : "Ne prends

9 pas ta voiture, car les soldats du HVO vont te la prendre". J'ai dit :

10 "Pourquoi ?" Il m'a répondu : "Un conflit a éclaté". J'ai dit : "Où ?" Il

11 m'a répondu : "A Ahmici". Je suis allé au centre de santé ; j'y ai trouvé

12 un groupe de membres du personnel militaire, très effrayés. Comme le

13 centre médical est un bâtiment avec beaucoup de vitres, j'ai dit qu'il

14 fallait que nous déménagions, que nous allions dans un endroit plus sûr.

15 Nous nous sommes donc déplacés dans la journée. Plus tard, dans la

16 journée, on a entendu des coups de feu. Ce jour-là, à Vitez, nous avons

17 accueilli quatre ou cinq civils musulmans.

18 Le Dr Bruno Buzuk, mon collègue stomatologue, qui exerçait les

19 fonctions de ministre de la santé au sein du gouvernement du HVO, à ce

20 moment-là, a averti le personnel de ne pas sortir dans la rue, car des

21 tireurs embusqués musulmans étaient en train de tirer. Je lui ai demandé :

22 "Bruno, qu'est-ce que tu veux dire ? Pourquoi parles-tu de tireurs

23 embusqués musulmans alors que ce sont des civils musulmans qui arrivent,

24 blessés, à l'hôpital ?" Il m'a donné une réponse vague.

25 Dans le courant de la journée, nous n'avons pas eu beaucoup de travail et,

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1 au début de l'après-midi, un de mes amis, un Croate, est venu voir et m'a

2 dit que l'armée de Bosnie-Herzégovine lui avait confisqué sa voiture.

3 M. Nobilo (interprétation). - Je voulais vous demander si vous avez reçu de

4 corps de soldats d'Ahmici ce jour-là appartenant à une armée ou à l'autre ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

6 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous êtes allé au

7 barrage routier d'Ahmici ce jour-là ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, j'ai simplement envoyé les

9 chauffeurs parce qu'on nous a dit qu'il y avait des personnes blessées.

10 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez mentionné votre collègue

11 de Zenica, qui avait travaillé à l'enquête au moment de l'explosion qui

12 avait fait plusieurs morts. Il avait analysé les corps décédés. Est-ce que

13 vous savez qui était l'auteur de cet acte ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne sais vraiment pas, mais

15 on m'a appelé en tant que médecin pour établir les causes de la mort et

16 mon collègue qui venait d'arriver de Zenica, qui était un jeune assez

17 inexpérimenté, a travaillé avec nous et je lui ai demandé d'y aller.

18 M. Nobilo (interprétation). - Oui, vous avez expliqué cela. Vous

19 avez dit dans votre déposition que le gouvernement du HVO avait affirmé

20 par écrit que la situation se calmerait si vous acceptiez le pouvoir

21 exercé par ce gouvernement. Est-ce que j'ai bien compris ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Il a été dit oralement,

23 verbalement que nous, Musulmans de Vitez, devions accepter le nouveau

24 gouvernement du HVO et qu'au sein de ce gouvernement, les fonctionnaires

25 de nationalité musulmane devaient donc prendre leur fonction au sein de ce

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1 gouvernement, notamment, au sein des instances civiles, la police.

2 M. Nobilo (interprétation). - J'avais compris cela, mais je vous

3 demande si vous aviez accepté ce nouveau gouvernement ? Est-ce que vous

4 pensez que la situation se serait calmée ou que les choses auraient

5 continué comme par le passé ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Ecoutez, pour vous dire la

7 vérité, cela ne dépendait pas de moi. Il ne m'appartenait pas de décider,

8 je n'étais qu'un membre du SDA, et l'avis des gens était le suivant, à

9 savoir que la légitimité de la République, la légitimité nationale avait

10 été violée puisque les drapeaux de la République croate de Herceg-Bosna

11 avaient été hissés. C'était une attaque contre l'Etat.

12 M. Nobilo (interprétation). - Excusez-moi, mais je vous

13 demandais simplement de répondre à la question suivante : si vous aviez

14 accepté le nouveau gouvernement, est-ce que la situation se serait apaisée

15 ou pas, ou n'avez-vous pas d'avis ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne peux

17 pas dire ce qui se serait passé dans ces conditions.

18 M. Nobilo (interprétation). - Dans ce contexte, alors que le HVO

19 voulait vraiment vous prendre sous sa coupe, savez-vous quoi que ce soit

20 du commandement conjoint de la Bosnie centrale entre l'armée de Bosnie-

21 Herzégovine et le HVO ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai entendu parler de cela, mais je ne

23 connais pas les personnes qui étaient impliquées dans cela. On m'a dit que

24 dans ce cadre-là, il y avait une réelle coopération. On a mentionné Ante

25 Prkacin et Ante Mrkajic. Oui, je crois qu'ils coopéraient vraiment bien.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Connaissez-vous un peu plus de

2 détails sur la question ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

4 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de Cerkez et vous

5 avez dit qu'il était le commandant du HVO dès 1992 à Vitez et il y avait

6 également Marijan Skopljak.

7 M. Mujezinovic (interprétation). - Marijan Skopljak a été

8 désigné après les élections en tant que tête de la MUP ou du SUP à Vitez

9 et c'était son rang durant tout le courant de 1990 et une partie de

10 l'année 1991 jusqu'à ce qu'il devienne président du parti HDZ à Vitez.

11 M. Nobilo (interprétation). - Marijan Skopljak ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, Pero Skopljak.

13 M. Nobilo (interprétation). - Mais moi, je vous demande ce qu'il

14 en est de Marijan Skopljak.

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Marijan Skopljak, je ne sais

16 pas exactement. Je crois qu'il prenait partie aux affaires de la défense.

17 Stipo Krizanac a été élu à ce poste lors des élections officielles, mais

18 il a pris le poste en 1992.

19 M. Nobilo (interprétation). - Etait-il un supérieur hiérarchique de Cerkez?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Je n'en sais absolument rien,

21 je ne connais pas la structure hiérarchique du HVO.

22 M. Nobilo (interprétation). - Très brièvement, Monsieur, s'il

23 vous plaît, vous nous avez donné les noms, des photos de l'accusation,

24 Anto Valenta, Kostroman, d'autres personnes qui portaient des uniformes.

25 S'agissait-il de représentants militaires ou civils ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Pour ce qui est de

2 Dario Kordic, il était toujours revêtu d'un uniforme militaire. Jamais je

3 ne l'ai vu porter d'habits civils.

4 M. Nobilo (interprétation). - Que faisait-il ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - On nous a simplement dit

6 qu'il était président de la Communauté croate de Herceg-Bosna, mais il

7 était commandant-colonel, il occupait donc ces deux postes à la fois. Il

8 avait vraiment un grade militaire important. Je ne sais pas exactement

9 quel était son rôle, mais c'est ainsi qu'on nous l'a présenté.

10 M. Nobilo (interprétation). - Qu'en est-il d'Anto Valenta ?

11 Jouait-il un rôle dans les structures militaires ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Anto Valenta portait le plus souvent un

13 uniforme. Au cours du deuxième semestre de 1992, nous a été présenté comme

14 étant également l'un des vice-présidents e Herceg-Bosna. Quel était son

15 rôle exact dans les rangs supérieurs de la hiérarchie, je n'en sais rien.

16 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer cela en détail ?

17 M. Mujezinovic (interprétation). - C'était simplement pour

18 traiter les blessures légères, par exemple s'il y a une blessure à

19 l'estomac ou à la tête. Nous n'avions pas exactement le bon équipement.

20 M. Nobilo (interprétation). - Vous n'aviez pas vraiment un bloc

21 opératoire à part entière ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Nous n'avions pas

23 d'anesthésiants, par exemple.

24 M. Nobilo (interprétation). - Après le début du conflit, est-ce

25 que votre immeuble a été surveillé par des membres de la police du HVO ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Mais quel conflit, de quel

2 conflit parlez-vous ?

3 M. Nobilo (interprétation). - Après le début de la guerre, après

4 le 16 avril 1993, est-ce que votre immeuble a été placé, votre appartement

5 plutôt, a-t-il été placé sous surveillance ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - D'après ce que j'ai pu voir

7 depuis mon appartement, il y avait à l'entrée de mon immeuble des

8 personnes armées, pas des policiers, mais des habitants locaux qui étaient

9 armés, et nous n'avions pas le droit de nous déplacer.

10 M. Nobilo (interprétation). - Pour vous, c'était plus de la

11 protection ou de la surveillance ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Le premier matin, mon voisin,

13 le voisin d'à-côté, est venu me dire que moi-même et ma famille allions

14 être exécutés parce que nous n'avions pas obéi aux ordres qui avaient été

15 émis. Ma famille et mes voisins faisaient l'objet de pressions extrêmes,

16 ils avaient vraiment très peur.

17 M. Nobilo (interprétation). - Vous sentiez-vous plus en sécurité

18 avec les personnes armées qui se trouvaient à l'entrée de l'immeuble ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - J'aurais préféré qu'il n’y

20 ait personne d'armée à cet endroit-là parce que je pensais que nous

21 n'avions pas besoin d'avoir des personnes armées qui se promenaient dans

22 la ville. Voilà l'opinion que j'avais. Seule la police militaire pouvait

23 avoir des armes, la police civile pouvait avoir des armes.

24 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque la guerre a éclaté, avez-

25 vous pensé cela pouvait apporter un plus grand degré de sécurité ou non ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - J’ai ressenti cela comme

2 quelque chose qui enfreinait notre liberté de mouvement, comme une sorte

3 d’arrestation et je ne parle pas seulement pour moi. Je pense que c'était

4 le cas pour toute la population.

5 M. Nobilo (interprétation). - Le fait qu'on vous accompagne à

6 votre lieu de travail, qu’on vous raccompagne chez vous, est-ce que

7 c'était quelque chose qui limitait votre liberté de mouvement, quelque

8 chose de contraignant ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne sais pas qui a pris la

10 décision de m'accompagner partout, mais on me conduisait partout. C’est

11 Dragan Petrovic qui me conduisait partout, c'était mon voisin. Je le

12 connaissais vraiment bien. C’est quelqu’un qui a adopté un comportement

13 tout à fait cordial à mon égard.

14 M. Nobilo (interprétation). - D’après vous, c'était plutôt un

15 service qu'on vous rendait ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - J’étais heureux que quelqu'un

17 me parle de façon normale. Voyez-vous, en tant que médecins, nous avons

18 des taches extrêmement pénibles à accomplir, nous ne pensions pas à tout

19 cela. Je voulais surtout sauver le plus de vies possible.

20 M. Harmon (interprétation). - Il faudrait que Me Nobilo laisse

21 le témoin achever sa réponse avant de poser la question suivante, Monsieur

22 le Président.

23 M. le Président. - J'en profite pour dire que j'adhère à ce que

24 vient de dire le Procureur. Je signale que certains de ces aspects ont été

25 traités à la demande du Procureur, en audience à huis clos, hier. Je le

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1 signale à l’intention du Procureur, certains aspects de ces questions-là.

2 Poursuivez, plus lentement peut-être pour laisser le témoin répondre

3 M. Nobilo (interprétation). - D’accord. Monsieur le Président,

4 je sais très bien ce qui a été dit au cours de l’audience à huis clos.

5 Pour ce qui est du chauffeur, il s'agissait simplement

6 d'accompagner le médecin à son lieu de travail et de le raccompagner.

7 Effectivement, j’ai interrompu le témoin parce que j’essaie d'accélérer un

8 peu le processus,c’est tout. Merci, Monsieur le Président.

9 Monsieur Mujezinovic, essayons de résumer un peu les choses.

10 Quand ont commencé vos activités politiques dans le cadre de la

11 municipalité de Vitez et quand ont-elles pris fin ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai commencé mes activités

13 politiques en septembre 1991. J'y ai mis fin le 1er novembre 1995. Depuis

14 lors, je n'ai pris par à aucune activité de quelque sorte que ce soit. Je

15 n'ai exercé qu'en tant que médecin, mais à Vitez.

16 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous avez dit que quand vous avez

17 quitté Vitez vous avez cessé de prendre part à des questions politiques !

18 M. Mujezinovic (interprétation). - J'étais toujours sur le

19 territoire de la municipalité de Vitez.

20 M. Nobilo (interprétation). - Mais dites-moi, si nous nous

21 limitons au début de vos activités politiques dans la municipalité de

22 Vitez jusqu'au jour ou vous avez quitté votre appartement, peut-être

23 jusqu'à l'éclatement du conflit, le 16 avril, combien y a-t-il eu de

24 réunions entre vous et les représentants des peuples croates, alors que

25 vous essayez de calmer un peu la situation ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Il y a eu beaucoup de ces réunions.

2 M. Nobilo (interprétation). - Mais combien de réunions, à peu

3 près, par semaine, ou par mois ? Donnez-moi une approximation.

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Je n'ai pas pris part à

5 toutes ces réunions. Je devais me rendre à trois lieux de travail

6 différents, au moins deux fois par semaine, si ce n'est plus souvent, et

7 je n'ai pas pris part à toutes les réunions.

8 M. Nobilo (interprétation). - En outre, vous avez dit qu'il y

9 avait... Non, je vous en prie, Monsieur, poursuivez.

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Par exemple, le comité de

11 coordination pour la défense des intérêts musulmans à Vitez, il a été dit

12 que Kaknjo et Munir Kajnovic, en tant que président du parti du HDZ à

13 Vitez, devaient prendre part quotidiennement, être en contact

14 quotidiennement avec Ivan Santic, collaborer avec lui, avec Anto Valenta

15 et avec Pero Skopljak. Il fallait qu'ils soient en contact quotidien.

16 M. Nobilo (interprétation). - Donc peut-on dire qu'au cours de

17 cette période il y avait des contacts à la fois officiels et à titre

18 privé, et qu'il y a eu des centaines de rencontres ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Mais privées ?

20 M. Nobilo (interprétation). - Privées, mais aussi officielles ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Comment dire les choses de façon exacte.

22 Essayez de me comprendre. Je ne pouvais pas aller de mon lieu de travail à

23 mon appartement sans rencontrer cinq ou six personnes différentes qui

24 commençaient à me parler. Il y avait 600 mètres à couvrir, c'était

25 simplement pour atteindre mon appartement . Quand il y avait 1000/2000

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1 mètres à parcourir, combien de personnes ai-je rencontrées, je ne sais pas.

2 M. Nobilo (interprétation). - En toute sincérité, Monsieur,

3 pouvez-vous nous dire, qu’en tant que citoyen, qu’en tant qu’homme

4 politique, si je peux utiliser ce terme, si vous avez essayé de parler à

5 toutes les personnes qui ont occupé une certaine position, en essayant de

6 calmer la situation qui régnait à Vitez ?

7 M. Mujezinovic (interprétation). - Je suis avant tout un médecin

8 et un citoyen. Ensuite, je suis un homme politique. Je vous dirai que je

9 me suis exposé totalement au danger. J'aurais pu mourir en de nombreuses

10 occasions, mais j'ai essayé de m'exposer le plus possible afin d’essayer

11 d’empêcher que ces événements ne se produisent à Vitez.

12 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie. Combien de fois,

13 vous êtes-vous adressé à Tihomir Blaskic ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - A titre officiel, je n'ai

15 jamais rencontré M. Tihomir Blaskic.

16 M. Nobilo (interprétation). - Vous le reconnaissez, ici, aujourd'hui ?

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Je me rappelle l’avoir vu à

18 la télévision et dans les rues. Mais je ne l’ai jamais rencontré à titre

19 officiel, je ne lui ai jamais adressé la parole.

20 M. Nobilo (interprétation). - Et au téléphone, même pas ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

22 M. Nobilo (interprétation). - A titre personnel ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

24 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous déjà vu des ordres émis par lui ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

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1 M. Nobilo (interprétation). - De quels ordres s’agissait-il ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - C’était lors d’une réunion en octobre.

3 On nous a montré un document qui montrait que nous étions soutenus par

4 Blaskic, le commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

5 M. Nobilo (interprétation). - Mais qu'entendez-vous par soutien, par

6 par soutenir ?

7 M. Mujezinovic (interprétation). - Par le biais de ces ordres,

8 il interdisait qu'il y ait des pillages, des vols aux postes de contrôle,

9 qu'il faisait tout pour mettre fin à la mise à feu de certaines maisons

10 des Musulmans. C’est ce qu’on nous a dit lors d'une réunion officielle.

11 Personnellement, nous ne nous sommes jamais adressé la parole, au

12 téléphone ou ailleurs. Je l’ai aperçu, à Vitez oui. J'ai dû le voir pour la

13 première fois avec l'armée du HVO. Lorsque l'armée prêtait allégeance, des

14 soldats s’étaient évanouis lors de cette occasion. Je m'y étais rendu,

15 c'est la première fois que je l'ai vu pour de vrai, en face à face.

16 M. Nobilo (interprétation). - Vous ne savez rien d'autre à son propos ?

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

18 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, j’en ai

19 terminé avec mon contre-interrogatoire. C'est maintenant Me Hayman, mon

20 confrère, qui va reprendre.

21 M. le Président. - Allez-y, Maître Hayman.

22 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président,

23 Messieurs les Juges, Monsieur Mujezinovic, si à tout moment du contre-

24 interrogatoire vous préférerez répondre à une question dans le cadre d'une

25 audience à huis clos, veuillez s'il vous plaît m'en faire part. Est-ce que

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1 nous nous comprenons bien ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). Oui, je vous comprends fort bien.

3 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie. Messieurs les

4 Juges, je vais poser les premières questions. Peut-être que le greffe

5 pourrait se munir de la pièce n° 50-45, dont je vais avoir besoin.

6 En ce qui concerne les photographies qu'on vous a montrées, photos montrant

7 MM. Valenta, Kordic et Skopljak, qui portaient tous un uniforme, et vous

8 en avez également parlé à mon confrère, Me Nobilo, lors de l'examen de

9 ces photographies vous avez déclaré que quand vous avez rencontré

10 M. Kordic il vous a été présenté comme étant un colonel. Est-ce exact ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - Mais qu'entendez-vous par

12 là ? Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît ?

13 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit, dans votre déposition, quand

14 une occasion vous aviez rencontré M. Kordic. N’est-ce pas ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - J’ai dit dans ma déposition

16 qu'à plusieurs reprises j'étais présent lors de réunions officielles, au

17 niveau de la région de Travnik ou de Busovaca à Travnik. Dario Kordic

18 prenait part également à ces réunions.

19 En une occasion, c'est moi qui ait été chargé d'organiser les

20 services de santé à Vitez, d’organiser les services de santé en cas

21 d'éclatement de la guerre. J'étais assisté du Dr Bruno Buzuk.

22 Je me suis rendu à Busovaca parce qu’il m'en avait donné l'idée.

23 Il m'avait dit que nous avions besoin d'un certain nombre de choses afin

24 de pouvoir lancer ces services médicaux. Il m'a dit que la seule personne

25 qui pouvait nous aider se trouvait à Busovaca. Nous sommes à l’hôtel Tisa.

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1 Il m'a dit alors que Dario Kordic était un colonel. Je ne savais

2 pas que sa mère était médecin. Je ne savais pas non plus qu'il avait été à

3 l'école à Vitez, qu’il avait été au lycée à Vitez. Il m'a demandé :

4 "Alors, Docteur, qu'est-ce qui se passe ? " Je lui ai dit pourquoi j'étais

5 venu. Il a pris un papier qu'il a signé. Il m'a dit : "Prenez ce document,

6 allez à Grude et là vous pouvez créer un hôpital de guerre". Après cela,

7 par la suite je n'ai eu aucun contact personnel avec Dario Kordic, sauf

8 lors de réunions officielles. Et puis, je l'ai vu à la radio, je l’ai

9 entendu à la télévision, lors de réunions officielles quand nous étions

10 les personnes qui prenaient part aux réunions.

11 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie. La plupart de

12 mes questions ne réclament qu'une réponse affirmative ou négative. Si vous

13 souhaitez dire plus de choses, vous le pouvez, mais je vous demande

14 d'essayer de limiter vos réponses à mes questions, et de ne pas ajouter

15 d'informations que je ne vous ai pas demandées. Je suis sûr qu'après mon

16 contre-interrogatoire, si vous avez l’impression que vous n'avez pas eu

17 l'occasion de dire tout ce vous voulait, l'accusation vous donnera

18 l'occasion de le faire. Vous comprenez ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j’aimerais

21 qu’on permette au témoin de répondre aux questions de façon complète et

22 d’une manière avec laquelle il se sente à l'aise.

23 M. Hayman (interprétation). - Ses réponses doivent être de

24 réelles réponses, Monsieur le Président. Nous avons des difficultés.

25 M. le Président. - Vous n'allez pas vous quereller sur des

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1 réponses qui n'ont pas encore été données. Maître Hayman, vous posez la

2 question. Le Procureur jugera, le moment venu, si on dépasse, et puis

3 surtout le Président et les Juges.

4 Pour l'instant, vous posez les questions. Vous pouvez souhaiter

5 une préférence et que la réponse soit brève, mais cela étant le témoin est

6 libre de répondre comme il l'entend. Maître Hayman, poursuivez.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on jamais présenté à M. Kordic ?

8 Donnez-moi une réponse affirmative ou négative, si vous le pouvez.

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, je l'ai déjà dit.

10 M. Hayman (interprétation). - La réponse à ma question est oui,

11 n'est-ce pas ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie. En cette

14 occasion, vous l’a-t-on présenté comme étant un colonel ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui. Bruno Buzuk, comme je

16 vous l’ai dit. Je viens de vous raconter cet événement. Pourquoi devrais-

17 je le répéter ? Je vous ai dit que je l'ai rencontré à l'hôtel Tisa. C’est

18 le Dr Bruno Buzuk qui m’a présenté à Dario Kordic et il m’a dit : "C’est

19 un colonel". Il était vraiment tôt et moi j’étais très surpris.

20 M. Hayman (interprétation). - Connaissiez-vous le grade de

21 Tihomir Blaskic au sein du HVO ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, je crois qu'il était

23 lieutenant-colonel ou colonel. Je ne connais pas très bien quels sont les

24 grades du le HVO. Je crois que c'était un colonel ou un lieutenant-

25 colonel. Non, vraiment, je ne sais pas qu'elle était la structure

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1 hiérarchique. Je crois qu'il occupait ce rang.

2 M. Hayman (interprétation). - Donc pouvez-vous nous dire quoi

3 que ce soit concernant les rapports entre Dario Kordic et Tihomir Blaskic

4 dans le cadre de la structure de commandement du HVO, s'il vous plaît ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire des

6 choses de façon absolument certaine, je ne peux que donner mon opinion.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous dites ce que vous voulez, je

8 vous demande votre opinion à ce sujet.

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Eh bien, selon moi, Kordic occupait un

10 poste beaucoup plus important, à la fois un poste politique et militaire,

11 dans la hiérarchie militaire du HVO. Je ne sais pas lequel des deux

12 occupait le poste le plus important, lequel étaient subordonné à l'autre.

13 M. Hayman (interprétation). - Etiez-vous absolument certain que

14 Kordic occupait ce poste extrêmement important, qu'il était à même

15 d’émettre des ordres très importants pour toute la structure du HVO, en

16 êtes-vous absolument certain ?

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Il pouvait émettre des ordres

18 directement. Je ne sais pas exactement quelle était sa marge de manoeuvre

19 mais je répète que je ne suis pas un expert de la structure militaire et

20 de la hiérarchie qui prévalaient au sein des rangs du HVO. Je ne sais pas.

21 Je ne connais rien à la hiérarchie militaire du HVO, je n’en sais rien.

22 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie. Si vous n'avez pas la

23 réponse à une question, faites-en nous part je vous prie. Sur le chevalet,

24 Monsieur Mujezinovic, se trouve la pièce de l'accusation n° 45, sur

25 laquelle un transparent a été apposé. Je vais d'abord essayer de placer

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1 ce transparent de façon précise et ensuite je vais vous demander

2 d'indiquer un certain nombre de choses sur ce transparent.

3 Monsieur le Président, si vous me permettez de prendre quelques

4 instants, je vais inscrire un certain nombre de choses sur le transparent

5 pour que tout soit bien précis.

6 (Me Hayman inscrit des caractères en rouge sur le transparent.)

7 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Mujezinovic, vous avez cette carte

8 et le transparent que j'ai marqué pour pouvoir le replacer par la suite.

9 Vous voyez tout ceci ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Dans les années 1980 et au début

12 des années 1990 vous habitiez à Vitez ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - Vous connaissiez bien tous les

15 quartiers de Vitez ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Connaissiez-vous le quartier de Kolonija ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais d'abord vous demander s'il vous est

20 possible de délimiter le périmètre de ce quartier qu'on appelle Kolonija.

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Je peux vous dire ceci en

22 guise de réponse : à Vitez, ont appelait les immeubles des kolonija quand

23 il y avait plusieurs appartements dans chaque immeuble. Si vous aviez une

24 maison individuelle on ne l'appelait pas kolonija, c’étaient seulement les

25 immeubles avec des appartements que l'on appelait ainsi, les maisons

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1 familiales individuelles n'étaient jamais appelé kolonija. Par exemple à

2 Stari Vitez, dans ces quartiers-là il n'y avait pas de kolonija. Vous

3 voulez vraiment que je vous indique sur la carte où se trouvaient les

4 immeubles ?

5 M. Hayman (interprétation). - Je parle de tout le quartier de Vitez qui

6 part vers l'est et où il y avait surtout des immeubles assez importants.

7 M. Mujezinovic (interprétation). - Je peux vous le montrer.

8 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous capable de répondre à la

9 question ou préférerez-vous l'indiquer sur la carte ? Avant de travailler

10 au chevalet, pourriez-vous nous dire ce que vous avez l'intention de faire?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - Je peux vous montrer les

12 immeubles d'appartements que l'on appelait Kolonija à Vitez ?

13 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il un quartier ? Ici, je

14 ne parle pas d'un immeuble ou même de plusieurs immeubles, y avait-il un

15 quartier que l'on surnommait Kolonija ? J'aimerais que vous répondiez à

16 cette question avant de vous mettre à l'ouvrage.

17 M. Harmon (interprétation). - Je crois que le témoin n'avait pas

18 son casque lorsque vous avez posé la dernière question.

19 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie.

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

21 M. Hayman (interprétation). - Avant d'inscrire quoi que ce soit,

22 pourriez-vous nous dire ce que vous avez l'intention de faire ?

23 M. le Président. - Vous avez peur qu'il y ait distorsion entre

24 la question que vous posez et ce que va écrire le témoin. Alors, il faut

25 que vous choisissiez, Maître Hayman : ou bien vous demandez -ou bien vous

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1 ne le lui demandez pas- au témoin de montrer sur la carte ce que vous

2 estimez être le quartier Kolonija et il le fera, ou bien vous lui demandez

3 de répondre à une question sur le quartier Kolonija. Mais si vous lui

4 demandez d'indiquer le quartier Kolonija sur la carte, laissez-le faire et

5 s'il se trompe, vous referez une carte Maître Hayman.

6 M. Hayman (interprétation). - Je vais le faire, Monsieur le Président.

7 Je posais cette question avant que vous n'inscriviez quoi que ce

8 soit. Pourriez-vous nous indiquer un quartier appelé Kolonija ? Pourriez

9 vous le faire à notre intention ? Avant d'inscrire quoi que ce soit

10 pourriez-vous répondre à ma question, Monsieur Mujezinovic ? Je vous

11 demanderai d'utiliser le micro pour ce faire, puisqu’il y a désormais un

12 micro près du chevalet, c'est plus facile.

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Que voulez-vous que je fasse ? Je ne

14 comprends pas bien. Vous voulez que je vous indique où se trouve le

15 quartier Kolonija ? Vous voulez que je l'entoure d'un cercle rouge ?

16 M. le Président. - Vous demandez au témoin d'indiquer sur cette

17 carte le quartier Kolonija. Docteur, pouvez-vous indiquer sur la carte ce

18 que vous estimez être le quartier Kolonija, et nous passerons à la

19 question suivante.

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Voilà la communauté locale de

21 Kolonija ,c'est cette partie-ci de Vitez, et cela descend par ici. Je

22 crois que c'est à peu près cela... et je crois que cela va par ici

23 aussi... Voilà ce que serait à peu près le quartier Kolonija, c'est là où

24 l'on trouve beaucoup de grands immeubles à appartements, c'est ce que nous

25 appelons une communauté locale. J'espère que vous comprenez.. Tout

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1 relevait de la communauté locale mais nous avions coutume d'appeler

2 Kolonija cette partie-ci où l’on avait le centre administratif municipal,

3 je ne connais pas tous les autres éléments... Il y a aussi Gradina,

4 Kruscica qui est plus au nord et qui relève aussi de la communauté locale.

5 M. Hayman (interprétation). - Merci. J'espère que vous avez fait

6 un trait lisible. Je vais le vérifier si vous me le permettez.

7 (Me Hayman va vérifier sur le chevalet)

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Voilà. Pour moi c'est Kolonija.

9 M. Hayman (interprétation). - Ai-je bien retracé les lignes que

10 vous aviez inscrites pour qu'elles soient plus visibles ?

11 M. Mujezinovic. (interprétation). - Est-ce que vous m'avez posé

12 une question à propos de la communauté locale de Kolonija ou bien avez-

13 vous posé une question à propos du quartier Kolonija ?

14 M. Hayman (interprétation). - J'ai posé une question à propos du

15 quartier. Est-ce bien ce que vous avez indiqué ?

16 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Alors, c'est exact. Puis vous

18 parlez de la communauté locale de Kolonija ; c'est différent ?

19 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui.

20 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire la

21 communauté locale de Kolonija pour autant que cela diffère du quartier. Il

22 n'est pas nécessaire d'inscrire quoi que ce soit : des mots suffiront.

23 Est-ce plus grand ou plus petit que le quartier Kolonija ?

24 M. Mujezinovic. (interprétation). - Plus grand.

25 M. Hayman (interprétation). - Plus grand ?

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1 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation). - La communauté locale est plus grande et vous,

3 vous avez délimité le pourtour de ce quartier qui est plus petit ?

4 M. Mujezinovic. (interprétation). - Ouï.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous voyez : j'ai repassé sur les

6 lignes que vous aviez tracées sur le transparent .

7 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui.

8 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que j'ai été précis ? est-

9 ce que j'ai bien retracé les lignes que vous aviez inscrites ?

10 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Veuillez me regarder, parce que je vais vous

12 reposer la même question, une fois que j'aurai terminé tout le périmètre.

13 M. Mujezinovic. (interprétation). - Cela ne passe pas par là :

14 il y a aussi tous les immeubles à appartements. C'est cela que nous

15 appelions Kolonija. Ce sont donc les immeubles à appartements à Vitez.

16 M. Hayman (interprétation). - Ai-je été précis dans cet exercice

17 auquel je me suis livré pour avoir des lignes plus visibles ?

18 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui, c'est ce qu'on appelait

19 Kolonija. Je ne sais pas quel était le nom officiel, mais nous, les gens

20 du coin, nous l'appelions Kolonija.

21 M. Hayman (interprétation). - Merci. Avez-vous été présent lors

22 d'une réunion qui s'est tenue en octobre 1992 et qui portait sur les

23 barrages routiers qui avaient été établis sur la route menant de Busovaca

24 à Vitez, près de Ahmici ? Lors de cette réunion, M. Cerkez et M. Santic

25 sont venus rencontrer plusieurs représentants des autorités musulmanes,

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1 civiles et militaires.

2 M. Mujezinovic. (interprétation). - En tant que médecin, c'est moi qui ai

3 organisé cette réunion par le truchement de M. Ivica Santic. Je crois

4 qu'Anders Levison était le nom du responsable du HCR, le Haut- Commissariat

5 aux Réfugiés. Je suis allé à Stari Vitez : je voulais remettre une voiture

6 à un Croate. Je me suis rendu au commandement de la Défense territoriale, à

7 l'école secondaire, et là, j'ai appris qu'il y avait eu des échanges de

8 coups de feu, au cours de la nuit précédente, et que le bureau de l'état-

9 major du commandement de la Défense territoriale avait été touché. Il ne

10 se trouvait pas là, mais au bâtiment de réserve de Stari Vitez.

11 Kipo Kristo(?), le chauffeur de l'ambulance qui m'a amené là, était

12 Croate. J'ai trouvé Sefkija Dzidic à cet endroit. ; je lui ai dit la

13 raison de ma visite et il m'a demandé de rendre la voiture particulière.

14 Il fallait que je rende les clefs : il m'a dit qu'il avait reçu des

15 ordres, verbalement, par téléphone, de Dzemal Merdan, selon lesquels il

16 fallait établir des barrages routiers au village de Ahmici. Il m'a dit que

17 l'armée changeait, que le front était assez dégarni, qu'il avait peu de

18 forces à Ahmici. Il m'a dit de prendre contact avec M. Santic puisque

19 j'avais les meilleurs rapports avec Ivan Santic parmi toutes les personnes

20 présentes. J'ai dit que je ferais de mon mieux. J'ai appelé Ivan Santic

21 dès mon retour ; je lui ai dit ce que demandait Sefkija Dzidic, qu'il

22 demandait qu'il y ait une autre réunion, une nouvelle réunion, le

23 lendemain. Etait-ce le lendemain ? je ne me souviens pas très bien. En

24 tout cas, il y a eu une réunion le lendemain. Je me suis rendu à cette

25 réunion. Mais alors que nous entrions dans les locaux, nous nous sommes

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1 d'abord rendus dans le bureau de M. Anders Levison, puis, nous sommes

2 allés aux PTT. Je suis revenu parce que, depuis Gradina —ce que je viens

3 de vous indiquer—, on entendait beaucoup de détonations sans savoir ce que

4 cela signifiait. J'ai dit que je ne pouvais pas être présent à un endroit

5 où des coups de feu étaient tirés. Je suis donc rentré ; j'étais peut-être

6 à cent mètres des PTT.. Donc, je n'ai pas assisté à cette réunion-là, mais

7 j'étais à la réunion du lendemain, dans le bureau d'Ivan Santic.

8 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu'à un moment donné, en

9 octobre 1992, on vous a dit pourquoi Ahmici avait été sélectionné comme

10 emplacement destiné à établir ce barrage routier ?

11 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui, il m'a été dit qu'il y

12 avait un conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, à

13 Travenik, et que les unités de Busovaca, de Kiseljak et Novi Travnik

14 allaient vers Novi Travnik et que des ordres avaient été donnés aux fins

15 d'arrêter ces troupes. C'est Sefkija Dzidic qui me l'a dit.

16 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on dit pourquoi Ahmici

17 avait été sélectionné pour qu'on y établisse ce barrage routier pour

18 empêcher ce déplacement de troupes vers Novi Travnik ?

19 M. Mujezinovic. (interprétation). - Non. Ahmici se trouve tout

20 simplement sur le principal axe de communication. C'est quelque part entre

21 les municipalités de Busovaca et de Vitez ; c'est tout ce que je sais.

22 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous également assisté à une

23 réunion au cours de laquelle M. Cerkez et M. Santic étaient présents et

24 ont parlé de cette question du barrage routier ?

25 M. Mujezinovic. (interprétation). - J'ai dit avoir assisté non à

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1 la première réunion, mais j'étais à la seconde réunion. A cette occasion,

2 plusieurs conclusions ont été adoptées, notamment celle-ci : il fallait

3 prévoir une émission télévisée en vue de calmer le jeu ; c'était l'une des

4 conclusions de cette réunion. Nous voulions aussi, lors de ce programme

5 télévisé, présenter les conclusions de notre réunion. Je suis passé à la

6 télévision avec Pero Skopljak, avec un pope de la municipalité et aussi

7 avec un prêtre musulman.

8 M. Hayman (interprétation). - A ce moment-là, au moment de la réunion, le

9 barrage routier était-il toujours en place ou bien l'avait-on démantelé ?

10 M. Mujezidovic (interprétation). - Lorsque je prévois,

11 j'organise des réunions. Quand je pense à ce qui a été organisé,

12 Bruno Buzuk nous a dit que l'armée avait déjà franchi cette partie de la

13 route. On nous a dit qu'il y avait des blessés à Ahmici. Nous avons envoyé

14 une ambulance à trois reprises. C’est Dusko Bulajic qui la conduisait.

15 Cette ambulance était censée ramener les blessés. Le chauffeur a amené

16 notamment Nasib Kajmakovic, âgé de 56 ans, et moi j'étais parti déjeuner.

17 Quand je suis revenu, j'ai trouvé cet homme qui gisait là. Un soldat

18 l'avait frappé et c'est uniquement grâce au Docteur Bruno Buzuk et au

19 personnel médical qu'il a pu être emmené à l'hôpital pour subir une

20 intervention à l'épaule qui avait été tout à fait écrasée. Moi, j'ai été

21 appelé. Munir Kaimovic le chef du parti SDA et moi-même, étions censés

22 apparaître à la télévision locale pour expliquer ce qui se passait.

23 M. Hayman (interprétation). - Et ce passage à la télévision,

24 c'était pour essayer de calmer la situation qui régnait à Vitez ?

25 M. Mujezidovic (interprétation). - Oui.

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1 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous participé à une réunion, quelle

2 qu'elle soit, où M. Santic et M. Cerkez soient venus pour lancer un appel

3 aux représentants des autorités musulmanes civiles et militaires pour que

4 ce barrage routier disparaisse et pour éviter que la situation s'envenime ?

5 M. Mujezidovic (interprétation). - Je vous ai déjà dit qu'à

6 l'époque j'étais de garde comme médecin à l'hôpital général de Travnik au

7 service de médecine interne et je n'ai pas participé à cette réunion dont

8 vous parlez, mais lorsque je suis venu travailler, il m'a été dit au

9 centre médical que, sur l'initiative de Franjo Tibold, Mario Cerkez et

10 Sefkija Dzidic étaient venus au centre médical, qu'ils ne s'étaient mis

11 d'accord sur rien du tout et qu'il y aurait bientôt la guerre.

12 M. Hayman (interprétation). - On ne vous a pas dit à ce moment-

13 là qu'à cette réunion Cerkez avait formulé une demande ?

14 M. Mujezidovic (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai

15 participé à aucune réunion officielle, mais veuillez répéter la question.

16 M. Hayman (interprétation). - On vous avait dit certaines choses

17 à propos de la réunion qui s'était déjà tenue ?

18 M. Mujezidovic (interprétation). - Oui, c'est le personnel qui

19 travaillait au centre médical qui m'a informé.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous ont-ils dit si Cerkez ou

21 Santic avait demandé lors de cette réunion que l'on démantèle le barrage

22 routier pour éviter effectivement que le conflit s’aggrave?

23 M. Mujezidovic (interprétation). - Je précise que c'étaient des

24 infirmières, des médecins qui travaillaient au centre médical ; ils ne

25 connaissaient sans doute rien à toute cette histoire. Ils m'ont dit que

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1 MM. Dzidic et Cerkez s'étaient rendus au centre médical. Voilà ce qu'ils

2 m'ont dit à ce moment-là. C'est plus tard que j'ai appris par d'autres

3 qu'il y avait eu des réunions précédemment, mais moi je n'ai jamais été

4 présent à ces réunions car j'étais de garde. Je travaillais à l'hôpital de

5 Travnik, je devais travailler tout le week-end. Je travaillais aussi au

6 centre médical. Je n'avais aucune connaissance de cette réunion. J'étais

7 vraiment épuisé, je suis rentré chez moi pour dormir. Je pense que cette

8 réunion s'est tenue le 19 dans l'après-midi ; je ne le savais pas sinon

9 j'y serais allé.

10 M. le Président. - Nous pourrions peut-être faire une pause à

11 moins que le Procureur ait une objection.

12 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, cette

13 question a déjà été posée et a reçu des réponses à plusieurs reprises. Le

14 témoin ne peut pas répéter toujours les mêmes réponses.

15 M. Hayman (interprétation). - Il a dit qu'il n'était pas

16 présent, que le personnel du centre médical l’a informé de certaines

17 choses mais il a aussi ajouté que d'autres personnes lui avaient dit

18 d'autres choses.

19 Je me permets de suggérer à mon confrère que j'ai pratiquement

20 terminé, mais j’essaie de trouver mon chemin et de ne pas toujours répéter

21 les mêmes questions.

22 M. le Président. - Le tribunal vous remercie et vous convie à

23 une pause de vingt minutes, jusqu'à 11 heures 40.

24

25 L’audience, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 45.

Page 1765

1

2 M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer

3 l'accusé.

4 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

5 Maître Hayman, combien de temps avez-vous prévu

6 approximativement pour votre contre-interrogatoire ?

7 M. Hayman (interprétation). - Je terminerai sûrement vers

8 13 heures, Monsieur le Président; Si les échanges restent relativement

9 brefs, j'espère en avoir fini en 40 ou 45 minutes.

10 M. le Président. - Parfait. Poursuivez.

11 M. Hayman (interprétation). - Docteur, je vais vous poser la

12 question suivante : en octobre 1992, avez-vous vu des soldats du HVO

13 blessés en raison du conflit de Novi Travnik ?

14 M. Mujezinovic. (interprétation). - J'ai déjà dit que j'étais de

15 permanence dans la section de médecine interne. Au moment où je suis sorti

16 de l'hôpital...

17 M. Hayman (interprétation). - Excusez-moi, je n'entends pas

18 l'interprétation anglaise.

19 M. le Président. - Reprenez, Docteur.

20 M. Mujezinovic. (interprétation). - J'ai déjà dit que, lorsque

21 j'ai quitté l'hôpital de Travnik, on m'a dit que des blessés arrivaient en

22 chirurgie. Je n'ai pas regardé s'il s'agissait de soldats du HVO ou de

23 l'armée de Bosnie-Herzégovine ; réellement, je n'ai pas fait attention à

24 cela, car je devais retourner à Vitez.

25 M. Hayman (interprétation). - Donc, vous n'avez pas vu de

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1 blessés, en cette occasion ?

2 M. Mujezinovic. (interprétation). - J'ai vu l'arrivée de

3 brancards sur le point d'entrer dans la section de chirurgie, voyez-vous.

4 Des gens accueillaient ces personnes, mais je ne pouvais pas m'arrêter :

5 je devais travailler à Vitez. Je ne travaillais pas en chirurgie, moi,

6 mais en médecine interne.

7 M. Hayman (interprétation). - Ces individus, ces personnes qui

8 sortaient d'ambulances ou d'autres véhicules portaient-ils des uniformes ?

9 M. Mujezinovic. (interprétation). - Quand je suis parti de

10 l'hôpital avec ma voiture personnelle, il y avait beaucoup de monde dans

11 la section de chirurgie. J'ai demandé ce qui se passait ; on m'a dit que

12 des blessés arrivaient à l'hôpital. Et ce que j'ai dit ici, c'est que je

13 n'ai vraiment pas fait attention à cela : je n'avais pas de responsabilité

14 en tant que médecin. Simplement, les membres du personnel militaire m'ont

15 dit qu'il s'agissait de blessés qui venaient de Novi Travnik. Il y avait

16 beaucoup de voitures, plusieurs ambulances devant l'hôpital.

17 M. Hayman (interprétation). - Docteur, vous avez dit que vous

18 les avez vus arriver à l'hôpital. Vous rappelez-vous si, oui ou non, ils

19 étaient en uniforme ?

20 M. Mujezinovic. (interprétation). - J'ai dit qu'ils arrivaient.

21 Je vous ai dit que j'ai vu des ambulances qui amenaient des blessés de

22 Novi Travnik. Mais je n'ai pas décrit qui j'avais vu et je n'ai pas

23 demandé de qui il s'agissait. J'ai simplement demandé ce qui se passait à

24 l'hôpital. On m'a dit : "Ce sont des blessés de Novi Travnik" et on m'a

25 dit qu'un conflit avait éclaté à Novi Travnik. Dans ma déposition, je n'ai

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1 pas dit s'il s'agissait de civils, de soldats, de membres du HVO ou de

2 membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Je n'ai pas dit cela.

3 Simplement, quand j'ai vu cet attroupement, l'arrivée de nombreuses

4 ambulances et de nombreux véhicules privés, j'ai eu des difficultés à

5 sortir avec ma voiture, à quitter l'hôpital. J'ai donc posé simplement la

6 question.

7 M. Hayman (interprétation). - Donc, je suppose que vous n'avez

8 pas vu de blessés ce jour-là ? Est-ce exact ?

9 M. Mujezinovic. (interprétation). - J'ai vu des ambulances ; je

10 l'ai dit. Et j'ai vu des gens dans les ambulances. Je n'ai pas fait

11 particulièrement attention : j'ai simplement demandé de quoi il

12 s'agissait.

13 M. Hayman (interprétation). - Au cours du conflit d'avril 1993,

14 avez-vous vu des soldats blessés faire du travail dans une installation

15 médicale ?

16 M. Mujezinovic. (interprétation). - Quel mois ?

17 M. Hayman (interprétation). - En avril 1993.

18 M. Mujezinovic. (interprétation). - Est-ce que j'ai vu des

19 soldats blessés ?

20 M. Hayman (interprétation). - Oui, des soldats blessés du HVO.

21 M. Mujezinovic. (interprétation). - Des soldats blessés du HVO

22 venaient, mais pas des soldats blessés de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

23 Il y avait des Bosniens civils qui venaient, mais pas un seul soldat de

24 l'armée de Bosnie-Herzégovine n'est venu chez moi ; en tout cas, pas en

25 uniforme. Il y avait des blessés qui, d'après leur âge, leur état de

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1 santé, auraient pu être des soldats, mais ils n'étaient pas en uniforme.

2 M. Hayman (interprétation). - Quel jour, au singulier ou au

3 pluriel, avez-vous vu des soldats du HVO blessés, en avril 1993 ?

4 M. Mujezinovic. (interprétation). - Le 19 avril, j'ai dit qu'un

5 membre de la police militaire du HVO, Dragan Calic, m'avait amené. Il est

6 venu me chercher dans mon appartement pour m'emmener travailler au centre

7 de santé : il avait été réorganisé pour être utilisé dans des conditions

8 de guerre. Ce jour-là, j'ai beaucoup travaillé et j'ai accueilli de très

9 nombreux soldats du HVO qui souffraient de toutes sortes de blessures,

10 depuis des blessures légères jusqu'aux blessures les plus graves. On m'a

11 amené, ce jour-là, un soldat décédé qui venait du village de Gacice, près

12 de Vitez. Je le connaissais personnellement : c'était un gardien de but

13 dans le club de football du village de Jardol. Donc, nous avons accueilli

14 des blessés en grand nombre ; je ne sais pas combien exactement. Mais il

15 existe un registre médical qui indique le nom de toutes les personnes qui

16 ont été hospitalisées, qui indique également quel a été le diagnostic

17 porté et le traitement prescrit.

18 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous estimer le nombre de

19 soldats blessés que vous avez vus dans ce centre médical, en avril 1993, à

20 Vitez ?

21 M. Mujezinovic. (interprétation). - Je ne sais pas quoi vous

22 dire. Simplement qu'il en est venu beaucoup. J'ai travaillé toute la

23 journée, ce jour-là ; je n'ai même pas pu consigner les données dans le

24 registre. Simplement, je disais ce qu'il convenait de faire avec les

25 blessés : un tel doit être envoyé à Travnik, à Zenica, à Split. Les

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1 capacités de notre hôpital... Vous savez, dans cette partie de la Bosnie,

2 je savais très bien de quoi il retournait : si un homme était blessé au

3 visage, il n'y avait pas à Travnik les équipements ou les hommes

4 nécessaires pour le soigner. Donc, je devais l'envoyer à Split ou à

5 Zenica. Il y en a eu beaucoup, je ne peux dire combien : j'ai travaillé

6 toute la journée et je n'ai pas été le seul. Nous avons tous travaillé

7 dur.

8 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous estimer s'il y en a eu

9 plus de cent ?

10 M. Mujezinovic. (interprétation). - Je pense que oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Y en a-t-il eu plus de

12 deux cents ?

13 M. Mujezinovic. (interprétation). - Je ne sais pas. Je vous en

14 prie : ne me demandez pas d'imaginer, d'inventer des nombres. Vous pouvez

15 avoir accès au registre. Toute personne hospitalisée, accueillie à

16 l'hôpital, est enregistrée. Ne me demandez pas, je vous en prie. Je peux

17 vous dire 5000, mais je n'en sais rien. Le nom de chaque personne

18 hospitalisée a été enregistré, du moment qu'on lui a apporté un

19 traitement, même s'il s'agissait d'une blessure très légère. Tout ce que

20 je sais, c'est que j'ai énormément travaillé et j'étais extraordinairement

21 fatigué ; que c'était le cas de tout le monde.

22 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous estimer quelle

23 proportion des soldats du HVO blessés que vous avez vus en avril 1993,

24 appartenait à l'unité des Vitezovi ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne peux pas estimer cela,

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1 je n'ai absolument pas fait attention. Voyez-vous, chez nous, dans les

2 services médicaux, il y a une caractéristique tout à fait importante :

3 nous examinons la personne et nous nous demandons immédiatement ce que

4 nous pouvons faire pour lui apporter une aide qui va assurer sa survie,

5 arrêter l'effusion de sang, placer un cathéter, prodiguer les soins

6 médicaux nécessaires. J'ai très peu fait attention. Je voyais si un homme

7 était en civil ou en uniforme mais quel type d'uniforme la personne

8 portait... Vraiment je ne regardais pas cela et je ne crois pas que les

9 autres le regardaient non plus. Pour nous, ce n'était pas important, ce

10 qui était important c'était de sauver la vie de cet homme. Tout

11 simplement, je ne faisais pas attention à cela et je ne crois pas que les

12 autres y faisaient attention non plus car nous avions beaucoup de travail.

13 Il y avait énormément de travail.

14 M. Hayman (interprétation). - Dans votre déposition vous dites

15 que vous êtes incapable de dire si vous avez traité un quelconque soldat

16 appartenant à l'unité des Vitezovi en avril 1993.

17 M. Harmon (interprétation). - Objection, Monsieur le Président,

18 la question a été posée et elle a reçu réponse. Il a dit qu'il n'avait pas

19 fait attention que son seul objectif était de sauver la vie des hommes qui

20 étaient reçus à l'hôpital.

21 M. le Président. - Changez votre question, Maître Hayman.

22 M. Hayman (interprétation). - Je demanderai à l'Huissier de

23 remettre au témoin la déclaration préalable qu'il a fournie sur ce sujet

24 et, Monsieur le Président, j'ai des copies pour les Juges, les membres de

25 l'accusation et le Greffe.

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1 M. Hayman (interprétation). - D 30. Docteur, cette déclaration

2 est en anglais. Je vous demanderai de prendre la dernière page.

3 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous attendre que nous

4 recevions la copie qui nous est destinée ?

5 M. Hayman (interprétation). - Docteur, je vous demanderai de

6 prendre la dernière page de cette déclaration. Avez-vous trouvé la

7 dernière page de cette déclaration, Docteur ? Je ne vous demande pas de la

8 lire, mais si vous l'avez trouvée ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, j'ai trouvé la dernière

10 page mais elle est en anglais.

11 M. Hayman (interprétation). - Effectivement, reconnaissez-vous

12 votre signature sur cette page ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - Cette déclaration vous a-t-elle

15 été lue dans votre langue ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Quand j'ai signé cette

17 déclaration, il s'agissait d'une version en langue bosniaque et j'ai fait

18 remarquer que la traduction était très mauvaise.

19 M. Hayman (interprétation). - C’est une version en langue

20 bosniaque et une version écrite que l'on vous a montrée ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, pour le

23 compte rendu on ne nous a pas remis cet exemplaire de la déclaration du

24 témoin. Donc, je présente une requête officielle auprès du bureau du

25 Procureur et du Tribunal.

Page 1772

1 Docteur, cette déclaration vous a-t-elle été lue ou avez-vous lu

2 une version écrite en langue bosniaque avant de la signer ?

3 M. le Président. - Quelle est la requête ? Vous demandez au

4 bureau du Procureur ? Au Tribunal ? Que demandez-vous exactement ?

5 Monsieur le Greffier pouvez-vous bien prendre en note : il s'agit d'une

6 déclaration qui a été traduite en anglais à partir d’une déposition du

7 Dr Mujezinovic le 3 février 1997.

8 Qu'est-ce vous n'avez pas eu, Maître Hayman ? La déclaration

9 originale ?

10 M. Hayman (interprétation). - Je fais inscrire officiellement au

11 compte rendu, Monsieur le Président, que par le passé, on nous a dit qu’il

12 n’existait pas de déposition en langue bosniaque, on nous a dit qu’il

13 n’existait qu’une déposition en langue anglaise et qu’elle avait été

14 interprétée au témoin.

15 Le témoin vient de dire qu'il a vu et lu une déposition écrite

16 en langue bosniaque ; c’est cette déposition que l’on ne nous a jamais

17 remise si elle existe. Donc, avant d’écrire une lettre au bureau du

18 Procureur, je souhaite signaler officiellement au compte rendu que l'on ne

19 nous a pas remis ce document et je pense que c’est contraire au règlement.

20 Je ne demande pas de suspension d'audience, je ne demande pas que le

21 problème soit réglé dans l’immédiat, je souhaite poursuivre.

22 M. Harmon. (interprétation) - Monsieur le Président, pour le

23 compte rendu, je ne connaissais pas l'existence d'une version en bosniaque

24 de cette déposition. Je vais procéder à une enquête en cours de suspension

25 et si elle est disponible, je la fournirai à Me Hayman.

Page 1773

1 M. le Président. - On peut peut-être demander aussi à M. Kehoe,

2 puisqu’il a recueilli cette déclaration si j’ai bien compris. On peut

3 peut-être essayer d’accélérer les incidents.

4 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

5 entendu l'interprétation en anglais de ce que vous avez dit.

6 M. le Président. - Je disais qu’avant de faire des enquêtes,

7 puisque M. Kehoe a recueilli cette déclaration, il peut peut-être nous

8 apporter quelques précisions, ce qui rendrait les débats plus rapides. A

9 moins que M. Kehoe préfère que l’enquête soit faite. Je ne vais pas me

10 substituer au pouvoir d’enquête du procureur bien entendu, je voulais

11 simplement essayer de régler l’incident le plus rapidement possible.

12 Monsieur Kehoe, vous souvenez-vous de ce qui a été pris ? Je

13 suppose qu’au départ, la déclaration était en serbo-croate ou en

14 bosniaque.

15 M. Kehoe (interprétation). - Oui, effectivement Monsieur le

16 Président, la déclaration a été recueillie et j'étais présent au moment de

17 l'interrogatoire par M. Bajawa qui est enquêteur ici. A ma connaissance,

18 il n'y a jamais eu de déclaration en bosniaque ou de traduction de ce

19 document particulier. Une déclaration a été recueillie préalablement ; je

20 ne sais pas s'il y est fait référence ici. Il est dit : « Moi, Muhamed

21 Mujezinovic, comprend... mais il s'agit d'un complément de ma déposition

22 précédente destiné à clarifier un certain nombre de points qui étaient

23 contenus dans ma première déposition ». Voilà ce qui est dit.

24 Quant à la traduction éventuelle de cette déclaration

25 antérieure, Monsieur le Président, tout ce que je peux dire c’est que je

Page 1774

1 ne sais pas. J'ai simplement vu ceci qui a été tapé à la machine, signé

2 par M. Mujezinovic. Je n'étais pas là lorsque la déclaration antérieure a

3 été recueillie, je ne sais pas s'il existe une traduction de cette

4 déclaration antérieure et c'est à ce sujet que Me Harmon a dit qu'une

5 enquête serait faite.

6 M. Hayman (interprétation). - Puis-je continuer, Monsieur le

7 Président ?

8 M. le Président. - Monsieur Mujezinovic, vous reconnaissez en

9 tout cas cette déclaration puisque vous l'avez signée ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

11 M. le Président. - Retranscrite dans votre langue avant que vous

12 ne signiez. Vous n'avez pas signé de l'anglais qui n'est pas votre langue

13 maternelle, nous sommes d'accord ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai

15 signé une déclaration préalable en langue bosniaque. Je l'ai signée malgré

16 le fait que je n'avais pas de temps, mais j'ai fait valoir que la

17 traduction était très mauvaise et ceci ne m'a été traduit qu'oralement.

18 Cette déclaration ne m'a pas été montrée en langue bosniaque. Pour la

19 déclaration antérieure, j'avais fait remarquer que la traduction était

20 très mauvaise mais je l'ai tout de même signée.

21 M. le Président. - Je ne parle pas de la déclaration antérieure,

22 je vous parle de ce document-ci. Il est signé de vous. Reconnaissez-vous

23 votre signature ? Il se trouve qu'il est en anglais. Est-ce qu'au moment

24 où vous l'avez signé quelqu'un était là pour vous le lire dans votre

25 langue ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

2 M. le Président. - Et vous avez fait observer, je suppose, que

3 l'on traduisait mal votre pensée.

4 Je propose de clore l'incident pour l'instant et de redonner la

5 parole à Me Hayman et vous aurez l'occasion de préciser votre pensée à

6 l'occasion des questions que vous posera Me Hayman dans son contre-

7 interrogatoire.

8 Maître Hayman, poursuivez, je considère l'incident comme clos.

9 M. Hayman (interprétation). - Je demanderai l'aide de

10 l'Huissier. Je lui demanderai de se diriger près du témoin, de prendre la

11 page 3 et de placer sur le rétroprojecteur le dernier paragraphe de cette

12 page qui commence par les mots : « Au cours du conflit du mois d’avril ».

13 M. Hayman (interprétation). - Docteur, je vais lire deux ou

14 trois phrases qui sont tirées de ce paragraphe. Après quoi, les

15 interprètes pourront interpréter ces phrases dans les diverses langues du

16 Tribunal. Puis, je vous poserai des questions au sujet de ces phrases.

17 C'est la page 3 dont nous avons besoin, et pas la page 4. En

18 haut, à droite, vous voyez les numéros des pages. Le paragraphe que je

19 souhaite voir sur le rétroprojecteur, si possible agrandi, est l'avant-

20 dernier paragraphe qui commence par les mots : "Au cours du conflit du

21 mois d'avril... "

22 Il faut monter la page sur le rétroprojecteur, Monsieur le

23 Président, pour que ce paragraphe puisse être bien vu, encore plus haut

24 s'il vous plaît. Serait -l possible maintenant d'agrandir le texte. Merci.

25 Je lirai deux ou trois phrases tirées de ce paragraphe,

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1 Docteur : "Au cours du conflit du mois d'avril, les soldats Jokeri, les

2 soldats Vitezovi et d'autres soldats du HVO, qui avaient été blessés au

3 cours du conflit, ont été amenés à l'hôpital".

4 Ensuite je saute une première phrase, je saute une deuxième

5 phrase, et je lis : "J'entendais les membres du personnel croate de

6 l'hôpital dire : voici les soldats de Anto Furundzija, les Jokeri, ou bien

7 voici les soldats Vitezovi. La plupart des soldats Vitezovi et Jokeri

8 avaient des peintures sur le visage. Ils portaient des uniformes de

9 camouflage ou des uniformes noirs, et avaient des couteaux qui pendaient à

10 la ceinture, ou qui étaient enfoncés dans leurs bottes, avec des révolvers

11 et d'autres armes". (Fin du paragraphe.)

12 M. Mujezinovic (interprétation). - C'est ce que j'ai dit, mais

13 la question concrète que vous me posiez portait sur les blessés et pas sur

14 les personnes qui venaient à l'hôpital.

15 M. Hayman (interprétation). - Donc les parties du texte que je

16 viens de lire, correspondent bien à ce que vous avez dit dans votre

17 déposition.

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai dit

19 dans ma déposition. Mais la question que vous m'avez posée, concrètement

20 portait sur le nombre des hommes blessés. Je vous ai répondu que

21 s'agissant des blessés nous ne prêtions pas attention en ce genre de

22 choses. Mais dans la déposition que nous venons de voir, j'ai dit ce qui

23 est écrit dans ce texte.

24 Anto Furundzija, l'un des commandants des Jokeri, est même venu

25 me voir. Il m'a donné l'ordre de sortir. Il a exigé que je lui donne les

Page 1777

1 clefs de ma voiture. Je lui ai répondu que ma voiture avait été volé,

2 qu'il pouvait le vérifier auprès de la police civile et militaire du HVO

3 où je l'avais signalé. Il m'a dit : "Docteur Mujezinovic, je sais où est

4 votre garage et si je trouve votre voiture dans votre garage, je

5 reviendrai ici et je vous tuerai".

6 Il venait. Nous avions une partie dispensaire infirmerie.Il y

7 avait des lits. Et il venait là, pas en tant que blessés.

8 M. Hayman (interprétation). - Docteur, je ne pense pas qu'il y

9 ait d'autres questions. Je pourrais reprendre la parole en interrogatoire

10 complémentaire, mais je ne pense pas qu'il y est d'autres questions sur ce

11 point.

12 M. le Président. - Pas d’autres questions, sur ce point ?

13 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, objection.

14 Je pense que le témoin doit être autorisé à finir sa réponse.

15 M. Hayman (interprétation). - Je pense qu’il faut autoriser le

16 témoin à poursuivre son récit, mais pas au moment de l'interrogatoire qui

17 est le mien lorsque je n'ai pas posé de question à ce sujet.

18 M. le Président. - Je n'ai pas entendu votre objection,

19 Monsieur le Procureur.

20 M. Harmon (interprétation). - Mon objection, Monsieur le

21 Président, c’est que le témoin n'avait pas terminé sa réponse. Il disait :

22 "Il venait" et Me Hayman lui a coupé la parole. Je demande donc qu'on

23 autorise le Dr Mujezenovic à finir ses réponses.

24 M. le Président. - Complétez vos réponses comme vous le

25 souhaitez.

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur le Président, la

2 défense m'a demandé quels étaient les blessés que j'ai accueillis. J'ai

3 répondu que nous ne prêtions pas attention aux uniformes, mais que nous

4 regardions l'endroit où le blessé été blessé de façon à essayer de lui

5 sauver la vie.

6 Dans ma déposition, dans ma déclaration, j'ai dit que des

7 soldats blessés venaient en visite et que les infirmières disaient : "Ah,

8 ce sont les membres de l'unité de Kraljevic, les membres de l'unité de

9 Furundzija". Mais ils ne venaient pas en tant que blessés, ils venaient en

10 tant que visiteurs. Je crois que j'ai été clair. Mais si je dois le

11 répéter, je vous en prie.

12 M. Hayman (interprétation). - Merci. Je vais vous redonner

13 lecture du premier paragraphe.

14 M. le Président. - Vous n'avez pas terminé ce document, cette

15 déclaration ?

16 M. Hayman (interprétation). - Non, Monsieur le Président et il y

17 aura d'autres déclarations de ce document auxquelles nous ferons référence

18 avant que j'en ai terminé, je pense.

19 Je vais redonner lecture de ce paragraphe. Je vous demanderai

20 d’y faire très attention et de nous dire ce qui ne correspond pas. Je

21 cite : "Au cours du conflit du mois d’avril, les soldats Jokeri, les

22 soldats Vitezovi et d’autres soldats du HVO qui avaient été blessés au

23 cours du conflit ont été amenés à l'hôpital". (Fin de citation.) Est-ce

24 que c'est cela que vous avez dit dans votre déposition ou pas ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai dit dans ma déposition

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1 que tous les blessés du HVO avaient été amenés. Et j'ai dit que nous

2 n'avions pas chez nous de soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine

3 blessés. Mais au sein du HVO, il y avait les Vitezovi et les Jokeri. Pour

4 vous dire la vérité, pour moi -tout cela- c'était du HVO. Mais il avait

5 chacun leurs noms spécifiques.

6 M. Hayman (interprétation). - J'en déduis donc que la phrase que

7 j’ai lu, est bien de vous, que c'est bien ce que vous avez déclaré.

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Je vous ai dit que tous les

9 soldats blessés avaient été amenés, les soldats du HVO. Et, pour moi,

10 toutes ces formations faisaient parties du HVO, qu’il s’agisse des

11 Vitezovi ou des Jokeri.

12 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que ce que j’ai élu est

13 exact, est-ce précis ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie. A Vitez, au

16 début de l'année 1993, y avait-il des bandes armées qui terrorisaient,

17 toute la population de Vitez, à la nuit tombée ?

18 M. Harmon (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.

19 M. Nobilo a déjà posé cette question au témoin. Si nous revenons sur ce

20 qu’a dit M. Nobilo, cela ne va pas cesser, tout cela cela va se

21 poursuivre.

22 M. le Président. - La longueur des débats n'est pas totalement

23 dépendante de la volonté du Président et des Juges. Pour l'instant, je ne

24 pense pas qu'on puisse dire que la question a été posée exactement dans

25 ces termes par Me Nobilo. Il y a eu énormément de questions. Je ne suis

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1 pas sur qu'elle ait été posée exactement dans ces termes-là. Je me

2 souviens effectivement que des questions sur les bandes armées ont été

3 posées. Je vous en prie, laissez poser à Me Hayman ces questions.

4 Poursuivez Maître Hayman, sur ce plan-là.

5 M. Hayman (interprétation). - Monsieur, êtes vous d'accord pour

6 dire qu'en 1993 des bandes armées terrorisaient la population de Vitez et

7 que, à la nuit tombée, elles se livraient à des vols ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que Marijan Skopljak a

10 constitué sa propre unité de soldats privés à un moment quelconque ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne sais pas si c'était une

12 idée privée, mais il a été dit que Marijan Skopljak était à la tête de ce

13 groupe constitué de trente personnes à peu près. Mais je ne crois pas que

14 c'était une unité privée. Marijan Skopljak était le ministre de la

15 défense, au cours du deuxième semestre 1992. Donc dire que s'était privé,

16 je crois que rien à Vitez n'était privé, à l'exception de quelques

17 établissements.

18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que Marijan Skopljak a

19 constitué une unité spécifique de soldats de sa propre initiative ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Cela, je n'en sais rien.

21 M. Hayman (interprétation). - Avec l'aide de l'Huissier,

22 Monsieur le Président, nous allons faire passer un nouveau document. Je

23 pose la question pendant ce temps là. Comment appelait-on cette unité,

24 s'il vous plaît ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - C'était l'unité de

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1 Marijan Skopljak. A Vitez, parmi la population, courrait l'histoire

2 suivante. On disait que Marijan Skopljak avait constitué un groupe connu

3 sous le nom des groupes SS. Je n’ai jamais vu aucun document officiel

4 déclarant qu'une telle unité existait et je n'ai jamais vu d'autre

5 document de ce type. Mais la population appelait cette unité : SS.

6 M. Hayman (interprétation). - Et est-ce que qu'on l’appelait

7 aussi l'unité de Marijan Skopljak ? Est-ce que c’était le nom qu'on lui

8 donnait également ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Je répète une fois encore que

10 c'est l'histoire qui courrait. On disait que le chef de cette unité

11 c’était Marijan Skopljak.

12 M. Hayman (interprétation). - Voulez- vous jeter un coup d'oeil

13 sur le document qu’on vient de vous faire parvenir. Il est en anglais.

14 Veuillez regarder la dernière page et nous dire si vous reconnaissez votre

15 signature sur ce document.

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, il s’agit bien de ma

17 signature.

18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce une déclaration que vous

19 avez faite devant les enquêteurs du bureau du Procureur ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Cette déclaration, je l’ai

21 faite devant l'enquêteur du Tribunal international et c'est bien ma

22 signature.

23 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais que l’Huissier m'aide,

24 s'il vous plaît, qu'il passe la première page de cette déclaration sur le

25 rétroprojecteur et qu'il centre le rétroprojecteur de façon à ce qu'on

Page 1782

1 voie le bas de la dernière page, dix lignes à partir du bas. Cela doit

2 être surligné en jaune. Je vais la lire et je vais vous demander s'il

3 s'agit bien de votre déclaration.

4 C'est parfait, je vous remercie, Monsieur l’Huissier.

5 Je vais lire la partie suivante -je cite- : "Marijan Skopljak a

6 formé une unité constituée de trente hommes que l'on appelait généralement

7 les "SS" comme au cours de la seconde guerre mondiale". Puis, la phrase

8 poursuit :"Par la suite, une autre unité a été formée par Anto Furundzija,

9 unité appelée les Jokeri".

10 Monsieur, êtes-vous d'accord avec cette déclaration ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, Anto Furundzija faisait

12 partie de la Défense territoriale jusqu'en septembre, et cette unité a été

13 constituée après le mois de septembre 1992. Quant à l'unité de

14 Marijan Skopljak, connue sous ce nom, a commencé ses activités beaucoup

15 plus tôt.

16 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que Darko Kraljevic a

17 également constitué sa propre unité d'hommes armés ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai déclaré que

19 Darko Kraljevic, j'ai dit qu'en Bosnie, il y avait des armées appartenant

20 aux partis. Chaque partie avait donc son unité militaire à Vitez et

21 Darko Kraljevic avait la sienne. On l'appelait le HOS.

22 J'ai dit précédemment que cette unité a été démantelée vers le

23 mois de juin ou le mois de juillet et qu'elle s'est placée sous le

24 commandement du HVO parce que Darko Kraljevic lui-même m'a déclaré cela

25 alors que je m'occupais de lui. Pendant un moment, il a été démis de ses

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1 fonctions, il est entré dans une véritable crise psychologique. Par la

2 suite, l'unité a changé de nom. Ce n'étaient plus les Vitezovi, mais les

3 HOS.

4 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que c'était en

5 juillet 1993, Monsieur, s'il vous plaît ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Je crois que c'était en

7 juin 1993, mais je n'en suis pas absolument certain.

8 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que c'était en juin 1993 ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, 1992. Darko Kraljevic

10 lui-même me l'a dit et c'est ce que je viens moi-même de vous dire. Il m'a

11 dit donc qu'il avait traversé cette crise et c'est la raison pour laquelle

12 je suis allé m'occuper de lui et il m'a dit que pendant un mois à peu

13 près, il n'avait pas pris part à ce type d'activités. Par la suite,

14 l'unité ne s'appelait plus le HOS, mais s'appelait les Vitezovi. Certains

15 ont gardé l'insigne HOS mais, officiellement, ils s'appelaient les

16 Vitezovi.

17 M. Hayman (interprétation). - Marijan Skopljak, est-ce qu'il

18 habitait à Vitez, y avait-il grandi, y avait-il vécu pendant un certain

19 temps ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Marijan Skopljak est né à

21 Vitez. Il travaillait à l'usine SPS, l'usine Slovodan Princip Selio.

22 Ensemble, nous sommes allés à l'école élémentaire. Nous nous connaissons

23 fort bien. Je connais toute sa famille. Son oncle, c'est Pero Skopljak.

24 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que Anto Furundzija

25 appartenait aussi à la région de Vitez ?

Page 1784

1 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai rencontré

2 Anto Furundzija lorsqu'il faisait partie de la police militaire de la

3 Défense territoriale. On m'a dit qu'il était un ex-soldat mais,

4 auparavant, je ne le connaissais pas du tout.

5 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que la famille de

6 M. Kraljevic habitait dans la municipalité de Vitez ?

7 M. Mujezinovic (interprétation). - Les Kraljevic sont

8 originaires de Siriko Brijeg. Avant, cela s'appelait Listica. Mais pendant

9 un certain temps, trois des frères de cette famille ont vécu à Vitez : le

10 plus âgé, c'est Stanko Kraljevic, et Darko et son fils. Je les connaissais

11 fort bien. Je connaissais également la famille Granic et la femme de

12 Stanko et de cette famille. Je les connais bien. Darko Kraljevic est né à

13 Vitez.

14 M. Hayman (interprétation). - Tihomir Blaskic n'a pas grandi à

15 Vitez, n'est-ce pas ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Comme je vous l'ai déjà dit,

17 je n'avais pas rencontré M. Tihomir Blaskic auparavant. Je l'avais

18 simplement aperçu en un certain nombre d'occasions.

19 M. Hayman (interprétation). - Au cours de la guerre, c'est là où

20 vous l'avez rencontré ou aperçu, n'est-ce pas ?

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne l'ai jamais rencontré à

22 titre personnel. Je n'ai fait que l'apercevoir de temps en temps.

23 M. Hayman (interprétation). - Vous avez décrit il y a quelques

24 instants une conversation avec Darko Kraljevic au cours de laquelle il

25 disait que son unité avait été démantelée, le HOS avait été démantelé.

Page 1785

1 Vous vous rappelez cela ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

3 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une date ?

4 Quel jour, cet entretien a-t-il eu lieu ? La date la plus précise que vous

5 pouvez nous fournir, si vous plaît ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Je crois que c'était la

7 première moitié du mois de juin. A ce moment-là, je crois que cela s'est

8 passé. Je n'en suis pas absolument certain.

9 M. Hayman (interprétation). - Juin 1992 ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Revenons aux documents qui se

12 trouvent devant vous, la pièce 31, où il s'agit de dix pages, interligne

13 simple. Cette déclaration, combien de temps a-t-elle duré ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - De quoi parlez-vous ? Je ne

15 m'en souviens pas. Je veux dire que je ne me rappelle pas la première

16 déclaration. Je me rappelle vraiment pas. C'est très difficile de m'en

17 souvenir. L'interprète au cours de cette première déclaration n'était

18 vraiment pas un très bon interprète. Je crois que cela a peut-être duré

19 deux heures ou peut-être plus. Je ne sais vraiment pas du tout.

20 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que cela a duré plus d'une

21 journée ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Je dirais cinq ou six heures.

23 L'interprète n'était vraiment pas très bon.

24 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu'ensuite, on vous a lu la

25 pièce D31 et est-ce que qu'on vous a demandé si c'était là un reflet

Page 1786

1 fidèle de ce que vous aviez dit ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui mais, moi, je n'étais pas

3 du tout content de la traduction.

4 M. Hayman (interprétation). - Mais vous l'avez signée, n'est-ce

5 pas ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne sais pas si je l'ai

7 signée, peut-être que oui, mais je ne m'en souviens pas.

8 M. Hayman (interprétation). - Veuillez vous reporter à la

9 dernière page de la pièce D 31 et nous dire si vous reconnaissez votre

10 signature au-dessus de la date du dimanche 16 juillet 1993, en bas à

11 droite de la page numérotée 10, qui est la dernière page du document D 31.

12 Il s'agit de la déclaration la plus longue : elle se trouve peut-être sur

13 le rétroprojecteur qui est l'appareil qui se trouve à votre droite.

14 Veuillez vous porter sur la dernière page de ce document : c'est le

15 document le plus long des deux qui se trouvent devant vous.

16 Portez-vous sur la dernière page. Avez-vous signé cette

17 déclaration, Monsieur ?

18 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous parlé aux enquêteurs du

20 tribunal de cette déclaration, dont vous nous avez parlé aujourd'hui et

21 hier, au cours de laquelle Darko Kraljevic avait déclaré que son unité

22 avait été démantelée ?

23 M. Mujezinovic. (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Il

24 me semble que non ; il me semble bien que non, mais je ne m'en souviens

25 pas. Peut-être que j'en ai parlé.

Page 1787

1 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que les enquêteurs vous ont

2 demandé de leur faire part de ce que vous saviez concernant

3 l'organisation, la structure du HVO et de toutes les unités qui en

4 dépendaient ?

5 M. Mujezinovic. (interprétation). - On m'a posé des questions

6 concernant les formations militaires qui avaient lancé des activités à

7 Vitez. J'ai déclaré qu'au cours du deuxième semestre de 1992, seul le HVO

8 opérait ; les autres unités, qui avaient pu être mises en place et qui

9 avaient certains noms, avaient peut-être effectivement décidé de s'appeler

10 ainsi. En fait, elles étaient toutes placées sous le commandement du HVO.

11 M. Hayman (interprétation). - Dans votre déclaration de

12 juillet 1995, vous avez déclaré aux enquêteurs que l'unité HOS avait été

13 placée sous le commandement du HVO au cours du deuxième semestre de 1992.

14 C'est bien ce que vous avez déclaré ?

15 M. Mujezinovic. (interprétation). - Non, je ne sais pas. On m'a

16 demandé —pour autant que je m'en souvienne— quelles étaient les unités qui

17 lançaient des opérations. Je ne crois pas qu'on m'ait demandé quand le HOS

18 avait été démantelé ou avait cessé de fonctionner. Je me rappelle qu'on

19 m'a demandé ce qu'était le HOS avant qu'il ne commence à harceler les

20 Musulmans, etc. Je me rappelle qu'on m'a posé ce type de question. Et j'ai

21 dit que les Musulmans à Vitez n'avaient pas fait l'objet de harcèlement

22 auparavant par les Vitezovi, dans la première moitié de 1992. C'est ce

23 qu'ils m'ont demandé et ce que j'ai répondu.

24 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu'on vous a demandé quel

25 était le rapport qui existait entre HVO et HOS ? Est-ce que les

Page 1788

1 enquêteurs, dans le cadre de l'une ou de l'autre déclaration, vous ont

2 posé cette question ?

3 M. Mujezinovic. (interprétation). - Je crois avoir répondu à

4 cette question ; je crois avoir répondu. Qu'est-ce que vous voulez

5 exactement ?

6 M. Hayman (interprétation). - Je vous demande d'essayer de vous

7 rappeler si, dans le cadre de l'une ou l'autre de ces déclarations, les

8 enquêteurs...

9 M. Harmon (interprétation). - Le témoin essaye de répondre aux

10 questions depuis un certain temps déjà. Je crois qu'il n'y a plus aucune

11 raison de continuer à poser cette question au témoin. La déclaration dont

12 parle M. Hayman porte la date de 1995 ; elle a eu lieu il y a deux ans.

13 Le témoin dit qu'il ne se souvient pas de ce qu'il a dit à cette occasion.

14 M. Hayman (interprétation). - C'est exact, Monsieur

15 le Président, mais il n'est pas fait état de cet entretien dans l'une ou

16 l'autre des déclarations écrites. Il est important de savoir pourquoi.

17 M. le Président. - Il faudrait introduire un peu de raison dans

18 ce débat. Nous tournons un petit peu en rond. Je vous ai laissé

19 volontairement poursuivre. Ces déclarations ont été faites il y a un

20 certain nombre de mois. Nous déciderons, les Juges et moi-même, si nous

21 devons les accepter dans leur totalité comme pièces à conviction. Nous ne

22 prendrons pas la décision sur la pièce 6.

23 J'attire simplement votre attention, Maître Hayman : je ne pense

24 pas que vous puissiez faire l'instruction de l'instruction faite par le

25 Procureur. Le Procureur a fait son travail comme il l'a entendu. Vous avez

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1 le droit de poser au témoin toutes les questions que vous voulez ; il vous

2 y répond. Vous avez le droit d'exploiter les contradictions éventuelles,

3 s'il en existe, dans les déclarations. Mais je crois qu'il faut avancer.

4 Je vous prierai donc, maintenant, de conclure sur ce point et de passer à

5 une autre question. Sinon, je crois qu'il faudra que le Tribunal —je le

6 dis très gravement— envisage éventuellement de limiter. J'ai demandé le

7 temps des interventions ; j'ai demandé cela au Procureur et, le moment

8 venu, nous vous le demanderons aussi à vous, la défense. Mais n'oubliez

9 pas l'essentiel. Votre stratégie, c'est la vôtre ; celle du Procureur,

10 c'est la sienne. Mais, de grâce, essayons d'avancer. Quand le témoin vous

11 a répondu, que vous trouviez qu'il était en contradiction ou pas, c'est à

12 vous d'exploiter ces éléments-là. Veuillez continuer maintenant,

13 poursuivre et accélérez, s'il vous plaît.

14 M. Hayman (interprétation). - J'essaie vraiment, Monsieur

15 le Président, j'essaie vraiment d'accélérer le rythme des débats. Je crois

16 que le compte rendu reflétera bien que mes demandes sont extrêmement

17 brèves et qu'il fera état du fait qu'elles n'exigent que des réponses très

18 courtes également.

19 Cette conversation dont vous avez parlé, cet entretien avec

20 Darko Kraljevic, concernant le démantèlement du HOS, en avez-vous parlé

21 avec un enquêteur du tribunal ? En avez-vous discuté avec l'un des

22 enquêteurs du tribunal avant de donner votre déclaration devant ce

23 Tribunal ?

24 M. Mujezinovic. (interprétation). - J'ai dit aux enquêteurs du

25 tribunal que je m'étais occupé de Darko Kraljevic à titre médical. Mais

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1 leur ai-je dit autre chose ? Je ne crois pas. Je leur ai dit ce que

2 Darko Kraljevic m'avait dit à moi. Dans ma déclaration, j'ai dit que,

3 pendant dix jours, Darko Kraljevic venait devant mon immeuble, ses soldats

4 venaient, m'emmenaient à la voiture, puis nous nous rendions au centre

5 médical où il recevait son injection. Puis, il me gardait dans sa voiture

6 pendant deux ou trois heures pour s'entretenir avec moi. Nous avons abordé

7 quantité de sujets. Et cela, je l'ai dit. Darko Kraljevic, entre autres

8 choses, a déclaré que le HVO —notamment Pero Skopljak et Anto Valenta—

9 essayaient de le convaincre de détruire les établissements tenus par des

10 Musulmans. Moi, c'est ce que j'ai dit. Alors, je ne sais pas ce que vous

11 voulez exactement ; je ne comprends pas. Je ne sais pas. Il me semble être

12 très clair.

13 J'ai dit aux enquêteurs du tribunal ce qu'il en était : ils

14 m'ont demandé qui était Darko Kraljevic ; je leur ai dit qu'il était de

15 Vitez, que son père était de Herzégovine, que c'était une grande famille,

16 que les trois frères vivaient à Vitez, que c'était un jeune homme que je

17 connaissais depuis sa petite enfance. J'ai dit que je connaissais son

18 père, que son père était à la tête du club de football de Vitez ; moi,

19 j'étais l'adjoint du président , je connais sa mère, son grand-père.

20 Qu'attendez-vous de moi ? Vraiment, je n'en ai aucune idée.

21 M. Hayman (interprétation). - Ma question est la suivante :

22 avez-vous parlé de cette question aux enquêteurs ? (répondez à cette

23 question et je vous laisserai tranquille sur ce point), c’est-à-dire de la

24 conversation au cours de laquelle Darko Kraljevic vous avait dit que le

25 HOS avait été démantelé ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation). - Vous l'avez dit ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, non, non.

4 Darko Kraljevic m'a dit qu'il avait été remplacé. Il m’a dit effectivement

5 qu'il avait été remplacé, mais pas que le HOS avait été démantelé. Je ne

6 sais pas si j'ai dit cela aux enquêteurs. Il m'a dit qu'il avait été

7 remplacé et qu'il avait confié ses responsabilités à une autre personne.

8 Mais, je ne sais pas de qui il s'agissait.

9 M. le Président. - Docteur, Maître Hayman vous a posé une

10 question précise. Vous dites oui ou non si vous avez parlé de cette

11 question-là aux enquêteurs. Vous répondez par oui ou par non et nous

12 passons à la question suivante. Il n'est pas possible de continuer à

13 tourner en rond de cette façon-ci. Je le demande pour la sérénité des

14 débats et pour la poursuite du bon débat.

15 La question est très simple, répétez-la, Maître Hayman, pour la

16 dernière fois. Vous répondez : " je ne sais pas ", " je ne veux pas

17 répondre ", " oui c'est vrai ", " non, ce n'est pas vrai ". Il y a 4 types

18 de réponses à faire.

19 Le Président et les Juges vous écoutent. Maître Hayman, pour la

20 dernière fois, vous posez cette question très clairement, très brièvement.

21 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous dit aux enquêteurs du

22 Tribunal dans l’une ou l'autre des deux déclarations que vous avez

23 fournies que vous aviez eu cette conversation à titre privé avec

24 Kraljevic, selon laquelle le HOS avait été placé sous le commandement du

25 HVO ?

Page 1792

1 M. le Président. - Docteur, répondez très clairement à cette

2 question.

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne me souviens pas.

4 M. le Président. - Nous passons à la question suivante.

5 Merci, Docteur, merci Maître Hayman.

6 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

7 Président.

8 Maître Hayman, hier, vous a posé la question suivante :

9 s'agissant du point 3 de la pièce 86, cette pièce c'était la déclaration

10 que vous avez signée sous la contrainte, avez-vous dit, à propos du

11 conflit du mois d'avril, voici la question :

12 A votre avis, est-ce que les commandants militaires du HVO ont

13 agi dans le respect des normes du droit humanitaire et ceci dans les

14 meilleurs délais ? Vous souvenez-vous de la question qui vous a été

15 posée ?

16 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Et vous avez répondu non. Vous

18 souvenez-vous de cette réponse que vous avez fournie ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui

20 M. Hayman (interprétation). - En donnant cette réponse,

21 pourriez-vous nous dire quels sont les commandants ou quel est le

22 commandant du HVO qui n'aurait pas respecté les normes du droit

23 international humanitaire après signature de la pièce par vous-même, de la

24 pièce 86 ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne sais pas qui a donné

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1 les ordres. Je ne sais véritablement pas qui donnait les ordres. Il m'est

2 impossible de vous dire quel est le commandant, quels sont les

3 commandants. Je vous ai fait part de ce que j'avais vécu. Quant à savoir

4 qui a donné, par exemple, parmi les commandants, des ordres écrits, je ne

5 sais pas.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous un avis sur la question

7 de savoir si Tihomir Blaskic a agi dans le respect des normes du droit

8 international humanitaire dans les meilleurs délais dès qu'il a pu, comme

9 ceci est prévu par la pièce 86 ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - A mon avis, en qualité de

11 médecin, en vertu des conventions de Genève, les malades, les femmes, les

12 enfants ne devraient pas subir de mauvais traitements, les femmes

13 enceintes non plus, alors que ceci s'est passé à Vitez. Quant à savoir qui

14 a signé les ordres, je ne sais pas.

15 M. Hayman (interprétation). - Ma question était la suivante : à

16 votre avis, Tihomir Blaskic a-t-il manqué à l'obligation de respecter les

17 normes du droit international humanitaire dans les meilleurs délais ?

18 M. le Président. - Il y a été répondu. Maintenant, passez à une

19 autre question, vous venez de la poser. Je vous rappelle que, sur le

20 communiqué, vous avez voulu demander au témoin sur le paragraphe 3 quel

21 était le commandant militaire, puis vous avez continué en disant : est-ce

22 que, à votre avis, Tihomir Blaskic pouvait faire partie de ces

23 commandants ? Le témoin vous a répondu très précisément, il a dit : « moi,

24 je constate que les conventions de Genève prévoient qu'il n'y ait pas de

25 blessés ou de morts parmi les populations civiles, les enfants, les

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1 vieillards, etc, c'est tout ce que je peux constater ».

2 Posez une autre question maintenant.

3 M. Hayman (interprétation). - Ce que le témoin a dit quant à

4 savoir qui a signé les ordres, «je ne sais pas », fin de citation. Et ceci

5 diffère de la question que je lui avais posée, je lui ai demandé s'il

6 avait un avis particulier quant à savoir si l'accusé avait ou n'avait pas

7 respecté...

8 M. le Président. - Il vous a donné la réponse, il vous a dit

9 qu'il ne connaissait pas le rôle du Général Blaskic là-dedans, il vous a

10 dit qu'à son avis les femmes, les enfants, d'après les conventions de

11 Genève, ne devraient pas être blessés et qu'à son avis, il a pu constater

12 qu'il y avait des blessés. Excusez-moi d'intervenir de cette façon-là, je

13 voudrais que le débat avance. Maître Hayman, vous avez eu la réponse, elle

14 ne vous satisfait peut-être pas, ce n'est pas le problème directement

15 concerné par la question.

16 Vous poursuivez une autre question, s'il vous plaît.

17 M. Hayman (interprétation). - Je vais poursuivre, je passe à

18 autre chose, Monsieur le Président. Je tenais à préciser que le témoin

19 n'avait pas répondu à la question.

20 J'aimerais que 3 documents soient présentés au témoin.

21 M. Hayman (interprétation). - M. Mujezinovic, on vous montre 3

22 documents. Ce sont les pièces 32 , 33 , 34 , pièces de la défense. La

23 première est en anglais, je vais me contenter de la décrire, ceci vous

24 permettra de vous rafraîchir la mémoire : c'est un ordre signé par

25 Tihomir Blaskic qui date du 18 avril 1993.

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1 Le second document est un document en bosno-serbo-croate.

2 Le troisième document est une traduction en anglais du deuxième

3 document de la pièce de la défense 33 et cette traduction montre que

4 c'est un ordre conjoint de Hadzihasanovic, commandant, et de

5 Tihomir Blaskic, donné le 22 avril 1993.

6 J'aimerais appeler votre attention sur une disposition qu'on

7 retrouve dans chacun de ces ordres et je vous poserai une question sur

8 l'ensemble.

9 Le premier document, il s'agit de la pièce D32 , dit au point 2

10 ceci : « il est ordonné de procéder à l'échange des soldats détenus et des

11 civils sur-le-champ ».

12 La pièce portant la cote D34 , et plus exactement la partie

13 inférieure, dit que les membres désignés de cette commission sont

14 autorisés à prendre tous les ordres nécessaires, à donner toutes les

15 instructions et à affecter toutes les tâches nécessaires conformément à

16 l'accord signé. Il s'agit donc de l'accord visant à établir un centre

17 opérationnel conjoint au niveau de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du

18 3ème corps d'armée et de la zone opérationnelle du HVO en Bosnie centrale.

19 Voici la question que je vous pose : est-ce qu'on vous a montré

20 l'un quelconque de ces documents avant que vous ne veniez témoigner devant

21 cette cour ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

23 M. Hayman (interprétation). - Je ne pense pas que les

24 interprètes aient entendu votre réponse, veuillez la répéter.

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Je n'ai pas examiné, je n'ai

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1 pas vu ce document auparavant. En avril, en tant que Président de la

2 présidence de guerre, j'ai reçu les documents d'organisations

3 internationales comme la Forpronu, comme le HCR. Ces documents disaient

4 qu'au niveau de la zone opérationnelle de Bosnie centrale et du 3ème corps

5 d'armée, et c'était signé par le colonel ou lieutenant-colonel Blaskic et

6 par Hadzihasanovic, c’est sur la base de ces ordres que nous avons proposé

7 la constitution de 3 groupes de travail.

8 Et il était également dit qu'un troisième groupe avait aussi été

9 constitué et qu'il travaillerait à l'hôtel Tisa à Busovaca sous les

10 auspices d'observateurs européens. Un groupe conjoint au niveau du 3ème

11 corps d'armée et des zones opérationnelles de Bosnie centrale. Cependant,

12 ce document-ci que vous me montrez, j'ai même peine à le lire, à le

13 comprendre.

14 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que des représentants du

15 bureau du Procureur vous ont dit, avant votre déposition, qu'il allait

16 vous demander votre avis en cours de déposition pour savoir si les

17 commandants du HVO auraient violé le point 3 de la pièce 86 ? Est-ce que

18 ceci vous a été dit avant que vous n'entriez dans le prétoire ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur, je suis venu ici

20 pour déposer en tant qu'être humain et en tant que médecin. Mon épouse, ma

21 famille étaient opposées à l'idée que je vienne. Pourtant je suis venu.

22 Moi, je ne m'intéresse pas à la politique ; cela ne m'intéressait pas

23 avant et cela ne m'intéresse pas aujourd'hui. J'ai fourni une déclaration

24 aux enquêteurs du Tribunal de La Haye et ils m'ont invité. Ils m'ont

25 demandé si j'étais prêt à venir faire le récit de ce que j'avais vécu.

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1 J'ai dit que j'étais prêt à le faire et je ne sais pas que vous répondre

2 face à ce document.

3 Je vous ai dit, en toute simplicité et à plusieurs reprises, ce

4 que j'ai fait et comment je l'avais fait.

5 M. Nobilo (interprétation). - J'ai dit que j'étais informé de

6 l'existence de cette commission et du fait qu'il y avait une commission

7 conjointe et je me souviens que le général Maveracic de Vitez était

8 présent aussi. Il faisait partie de cette commission parmi d'autres. Mais

9 je ne connais pas ces autres personnes.

10 M. Hayman (interprétation). - Je serai le premier à vous

11 remercier, monsieur, d'être venu déposer devant ce Tribunal. Nous vous

12 sommes reconnaissants et nous sommes reconnaissants aux personnes telles

13 que vous qui sont prêtes à venir déposer, mais ma question était tout à

14 fait simple : avant que vous veniez déposer, vous a-t-on informé sous une

15 forme quelconque, par exemple par un échange d'idées, du fait que

16 Me Harmon allait demander votre avis pour savoir si les commandants du HVO

17 avaient violé le point 3 de la pièce 86.

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Non. Me Harmon m'a demandé de

19 faire le récit de ce que j'avais vécu. Il m'a dit de vous dire la vérité

20 et que l'arme la plus forte est effectivement la vérité.

21 Je vous ai dit la vérité. Au cours de ces derniers jours, c'est

22 la seule chose que Me Harmon m’ait demandé de faire : dire la vérité.

23 M. Hayman (interprétation). - Et vous n'avez jamais eu de

24 discussion avec Me Harmon quant aux questions qu'il allait vous poser et

25 quelles seraient vos réponses ?

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1 M. Harmon. (interprétation) - Objection !

2 M. Hayman (interprétation). - Pour quelle raison ?

3 M. Harmon. (interprétation) - Ceci est sans aucun intérêt. C'est

4 un contre-interrogatoire sans pertinence. J'ai, bien sûr, eu des

5 conversations avec le témoin comme je le fais avec tous les témoins. Si Me

6 Hayman estime que j'ai influencé les réponses du témoin, il devrait s’en

7 plaindre auprès de vous.

8 M. Hayman (interprétation). - Je ne me plains pas de ce genre de

9 chose mais le témoin a dit qu'il n'avait pas « répété » son témoignage

10 avec Me Harmon et Me Harmon dit que, bien sûr, il s'entretient auparavant

11 avec tous les témoins.

12 Ce que je veux faire comprendre, c'est que l’accusation avait

13 peut-être l’intention de poser la question et n'avait pas à montrer

14 délibérément ces documents alors qu'il y a ces documents D32, 33, 34, nous

15 les avons obtenus du bureau du Procureur.

16 M. le Président. - Je vous demande un moment, je voudrais

17 consulter mes collègues.

18 (Le Président et les Juges se consultent sur le siège.)

19 M. le Président. - Maître Hayman, Monsieur le Procureur, le

20 Tribunal s'est penché sur cette question qui concerne les investigations

21 de la défense, en l'occurrence, sur ce qui a pu se passer entre le

22 Procureur et le témoin. Le Tribunal est d'avis qu'il n'a pas à se

23 préoccuper de cette question. Il s'agit de relations entre le bureau du

24 Procureur et son témoin. Que, vous, Maître Hayman, à l'occasion de vos

25 questions, vous constatiez sur tel ou tel point que, peut-être, le témoin

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1 n'a pas été initié sur tel ou tel document, vous pouvez le faire, mais,

2 soumettre la question comme un policier, comme un juge d'instruction, pour

3 savoir ce qui s'est passé dans le secret des relations entre le Procureur

4 et le témoin, ce n'est pas convenable. C'est comme si le Procureur vous

5 demandait à vous Maître Nobilo, à vous Maître Hayman, lorsque vous aurez

6 un témoin, ce qui s'est passé exactement dans les relations entre le

7 témoin que vous citez et vous-même. Que vous en tiriez des conclusions,

8 par exemple, de la méconnaissance de ces documents par le témoin, c'est

9 votre problème, c'est votre affaire, mais le Tribunal n'a pas à se pencher

10 sur cette question-là. Il ne le redira pas une autre fois.

11 Donc poursuivez votre questionnaire avec les documents que vous

12 produisez, ce sont vos documents et vous verrez ce que vous répondra le

13 témoin.

14 L’incident est clos. Il est 13 heures. Nous reprendrons à

15 14 heures 30.

16

17

18 L’audience est reprise à 14 heures 30.

19

20 M. le Président. - L'audience est reprise. Monsieur le Greffier,

21 faites entrer l'accusé.

22 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

23 Maître Hayman, poursuivez.

24 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie,

25 Monsieur le Président. Monsieur Mujezinovic, est-il exact que vous aviez

Page 1800

1 des contacts avec des membres des unités des Vitezovi, dans la mesure où

2 vous soigniez ces personnes, en avril 1993 ?

3 M. Mujezinovic. (interprétation). - Effectivement, j'ai procuré

4 des soins à des soldats croates, qu'ils soient du HVO ou d'une autre

5 unité. Ceux qui venaient, je les soignais, qu'ils viennent des Vitezovi ou

6 d'autres unités.

7 M. Hayman (interprétation). - Dans le cadre de ces activités,

8 avez-vous procédé à des examens médicaux de ces soldats ?

9 M. Mujezinovic. (interprétation). - Je n'étais pas seul à le

10 faire. Nous étions nombreux à le faire : tous ceux qui sont arrivés

11 blessés chez nous ont été examinés, que ce soient des civils ou des

12 militaires.

13 M. Hayman (interprétation). - Ce qui veut dire que vos confrères

14 et vous avez examiné ces personnes ?

15 M. Mujezinovic. (interprétation). - Oui.

16 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que

17 les membres des unités des Vitezovi étaient toujours sous l'effet de

18 stupéfiants ?

19 M. Mujezinovic. (interprétation). - Cela, je ne le sais pas.

20 M. Hayman (interprétation). - Veuillez retrouver —peut-être avec

21 l'aide de l'Huissier— la pièce de la défense n° 31 et, plus précisément la

22 page 3. Je demanderai que cette troisième page soit placée sur le

23 rétroprojecteur. Je vais attirer l'attention du témoin sur les lignes 3

24 et 4, au sommet de la troisième page. Il nous faut les quelques premières

25 lignes qui seront placées sur le rétroprojecteur. C'est numéroté page 3,

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1 mais il s'agit en fait de la deuxième page de la déclaration. Nous sommes

2 donc au verso de la première page et au sommet de cette deuxième page.

3 Pourrait-on agrandir quelque peu ou baisser le document pour voir plus

4 clairement ? Je veux remercie.

5 Il y a une phrase sur laquelle j'attire votre attention. C'est

6 en anglais, je le concède, mais je vais en faire lecture pour que ceci

7 soit interprété dans votre langue. Ensuite, je vous poserai une question.

8 Troisième phrase complète ; je cite : "Les unités des Vitezovi

9 avaient coutume de piller des appartements, des maisons et étaient tout le

10 temps sous l'effet de stupéfiants" Avez-vous déclaré cette phrase que je

11 viens de lire ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Ce ne sont pas exactement les

13 mots que j'ai employés, pas de la façon dont ceci vient d'être interprété

14 à mon intention. J'ai dit aux enquêteurs de La Haye que les unités qui

15 s'appelaient HOS et, puis Vitezovi, se sont elles-mêmes appelées par ces

16 termes, que des rumeurs circulaient à Vitez selon lesquelles ces unités

17 étaient toujours sous l'effet de stupéfiants.

18 Lorsque je suis intervenu en tant que médecin pour traiter

19 Darko Kraljevic, me confrère Zvonko, et Franjo Tibolt, pensaient que

20 Kraljevic avait été victime d'une crise cardiaque ou encore qu’il était

21 sous l'effet de stupéfiants. En route, ils m'ont dit que c'était le

22 diagnostic qu'ils avaient établi. Moi, je n'ai pas vu les unités en train

23 d'utiliser des stupéfiants, des drogues, mais on racontait qu'ils se

24 droguaient et utilisaient beaucoup d'alcool.

25 M. Hayman (interprétation). - Qui racontait ces histoires ?

Page 1802

1 M. Mujezinovic (interprétation). - Les gens racontaient ce genre

2 de choses.

3 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce une remarque très

4 répandue ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - On en faisait souvent état,

6 c'était dit communément. On disait qu'ils se droguaient et même qu'ils

7 faisaient du trafic de stupéfiants, surtout parmi les jeunes.

8 Excusez-moi mais, moi, personnellement, je n'ai pas été le

9 témoin oculaire de ce genre de choses.

10 M. le Président. - Excusez-moi, je voudrais consulter mes

11 collègues.

12 (Le Président et les juges se concertent sur le siège.)

13 Poursuivez, Maître Hayman.

14 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

15 Avez-vous pris connaissance de cette déclaration ou plutôt vous

16 l’a-t-on donné lecture, l’a-t-on traduite à votre intention avant que vous

17 ne la signiez ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, mais même alors, je

19 n'étais pas d'accord. Je l'ai déjà dit, je n'étais pas d'accord avec la

20 traduction qui avait été faite. Je l'estimais de mauvaise qualité. Il n'y

21 a pas que cela que j'ai constaté, mais il y a d'autres endroits qui sont

22 tout à fait dénués de sens. Je l'ai précisé mais, finalement, j'ai quand

23 même signé.

24 M. Hayman (interprétation). - Lorsqu'on vous a donné lecture de

25 la teneur de cette déclaration, est-ce que l'interprète a lu cette

Page 1803

1 déclaration selon laquelle : "Cette déclaration m'a été lue en langue

2 bosniaque et elle correspond à la vérité pour autant que je m'en

3 souvienne" ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous saviez que cette déclaration

6 risquait d'être utilisée lors d'une procédure pénale et que quelqu'un

7 pourrait être emprisonné si ces propos n'étaient pas corrects ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Je vous l'ai dit et je vous

9 le répète, je n'étais pas d'accord avec la traduction qui avait été faite

10 oralement à mon intention.

11 Ce que j'ai alors affirmé et que je continue d'affirmer, c'est

12 qu'on racontait dans les cafés, dans les restaurants, que ces unités

13 consommaient des drogues et les vendaient aussi. Il m'est arrivé une fois

14 de devoir intervenir en tant que médecin et deux de mes confrères m'ont

15 dit : "Ces gens-là sont sous l'effet de stupéfiants. Tu verras ce que tu

16 vas faire. Nous estimons que c'est un problème coronaire". Moi,

17 personnellement je n'ai jamais vu ces hommes en train de prendre des

18 stupéfiants, je ne m'asseyais pas avec eux au café, je n'avais pas de

19 rapports sociaux avec eux.

20 M. Hayman (interprétation). - Au moment où vous avez signé cette

21 déclaration, avez-vous dit à qui que ce soit qu'à votre avis, certaines

22 parties étaient incorrectes ou incomplètes ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, j'ai dit aux enquêteurs

24 du Tribunal de La Haye que c'était le cas. Est-ce que je dois le dire,

25 Monsieur le Président ?

Page 1804

1 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous le nom de

2 l'enquêteur ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Je crois que c'était M. Greg.

4 M. le Président. - Les Juges ne sont pas là pour faire des

5 enquêtes sur la manière dont sont faites les enquêtes. Le Président et les

6 Juges sont là pour déclarer, au cours des débats et à la suite des débats,

7 si M. Tihomir Blaskic est coupable ou non de ce dont l'accuse le

8 Procureur.

9 Je crois, Maître Hayman, que vous avez les questions qui

10 convenaient. Le témoin vous a répondu. Je voudrais savoir si le Procureur

11 veut faire un commentaire sur cet aspect de ses propres enquêtes ou s'il

12 ne souhaite pas faire de commentaire. Monsieur le Procureur ?

13 Monsieur Kehoe ?

14 Ce n'est pas une enquête que fait le Président, c'est simplement

15 pour savoir si vous avez des observations à formuler sur ce qui vient

16 d'être dit.

17 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai déjà

18 soulevé une objection au sujet de la façon dont on a posé des questions,

19 sur la façon dont les enquêtes étaient menées. J'ai reformulé une telle

20 objection. Je crois que cela risque de survenir à nouveau. Je redis donc

21 que je fais objection à toute cette série de questions.

22 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que l'on peut m'entendre ?

23 M. le Président. - Maître Hayman ?

24 M. Hayman (interprétation). - Un instant, je vous prie. La

25 question qui se pose consiste à savoir si le témoin a fait une déclaration

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1 à l'intérieur de sa déclaration et à qui il a fait cette déclaration.

2 Moi, je ne peux pas citer l'enquêteur pour qu'il puisse dire au

3 Tribunal si le témoin a fait une déclaration à l'intérieur de la

4 déclaration. Je peux identifier l'enquêteur. C'est certainement mon droit

5 de citer cet enquêteur pour récuser les propos du témoin au cas où cela

6 serait convenable. C'est une information très délicate.

7 Je n'ai pas d'objection à ce que le témoin écrive sur un morceau

8 de papier le nom de cet enquêteur et le fournisse au Tribunal sous scellé.

9 Je n'essaie pas de faire divulguer quelque chose de confidentiel, mais

10 simplement d'apprendre, dans le cadre d'une question, juste ce qu'il me

11 faut.

12 M. le Président. - Monsieur le Procureur, ce que soulève

13 Me Hayman est quand même différent de ce matin. Ce matin, nous l'avons,

14 les Juges et moi, interrompu parce que nous estimions qu'il y avait un

15 côté inquisitorial dans la manière dont le conseil de la défense

16 interrogeait le témoin à propos des enquêtes.

17 Ici, il s'agit de quelque chose de légèrement différent, mais

18 qui peut être très important pour la défense. Il s'agit de savoir si, une

19 déclaration en fin de compte faite par le témoin et sur laquelle il semble

20 revenir, cela est important ou non pour la défense. Il semble que ce soit

21 important pour la défense.

22 D'autre part, le Tribunal ne désire pas faire une enquête dans

23 l'enquête. Ce n'est pas son rôle. Je crois donc que nous allons résumer la

24 situation de cette façon-ci : les questions de la défense sont tout à fait

25 légitimes ici en la matière. Celles de ce matin étaient de nature

Page 1806

1 différente.

2 Si le témoin désire déposer de façon anonyme sur un papier sur

3 le bureau du Tribunal pour montrer en quelque sorte sa bonne foi, il peut

4 tout à fait le faire.

5 D'une façon générale, le Tribunal a entendu ce qui a été dit.

6 Tout cela est acté au procès-verbal. Le Tribunal conclura le moment venu

7 de ce dont il doit tenir compte ou non, de ce qui doit être dit dans la

8 présente audience.

9 Monsieur le Procureur, vous voulez rajouter quelque chose ?

10 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je suis

11 tout à fait prêt à fournir à la défense le nom de l'enquêteur ou des

12 enquêteurs qui ont recueilli cette déclaration. Je ne suis pas sûr que le

13 témoin s'en souvienne. S'il le fait, il peut donner les noms, sinon je

14 peux fournir le nom de l'enquêteur ou des enquêteurs qui ont recueilli la

15 déclaration et les fournir à la défense.

16 M. Mujezinovic (interprétation). - M. Greg est assis ici.

17 M. le Président. - Cet incident se renouvellera de toute façon.

18 Les déclaration des témoins, lorsqu'elles sont recueillies, le

19 sont en serbo-croate. Elles sont retranscrites ensuite dans une des

20 langues du Tribunal, généralement, la langue anglaise. Bien entendu,

21 lorsque le témoin dépose, il dépose dans sa langue maternelle.

22 Les Juges ont décidé d'améliorer le système du recueil des

23 dépositions en accord avec le Procureur. Pour l'instant, nous allons clore

24 cet incident, si le témoin désire dire, encore qu’il l’a fait d’ores et

25 déjà, ou déposer par écrit des éléments de cette information, il le fera

Page 1807

1 ou il ne le fera pas.

2 Ce qui est très important pour le Tribunal, c'est qu'en fin de

3 compte, on sache quelle est la déclaration finale, ce qui représente la

4 vérité pour le témoin aujourd'hui en répondant aux questions de Me Hayman.

5 Cela a été clair. Donc, nous pouvons passer à une autre question

6 maintenant.

7 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

8 Avez-vous jamais vu un exemplaire de cette déclaration, je parle de la

9 longue déclaration de dix pages en langue bosniaque ou est-ce que la seule

10 copie que vous ayez vue était en langue anglaise ?

11 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai lu une déclaration en

12 langue bosniaque et j'ai dit que la traduction n'était pas bonne, qu'il y

13 avait de très nombreuses contradictions. En fait, la traduction était

14 vraiment très mauvaise. Vous m'avez déjà posé cette question.

15 M. Hayman (interprétation). - Oui, je l'ai posée, mais au sujet

16 de la deuxième déclaration, celle de quatre pages et j'essaie seulement de

17 comprendre quelle est la déclaration que le témoin a vue par écrit de

18 façon à ce que nous puissions vérifier quel est le témoignage plus exact.

19 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai vu les deux documents,

20 vous savez, celui-ci et celui-là. La première version que j’ai reçue était

21 une traduction de la version bosniaque et lorsqu'on me l’a traduite, j'ai

22 dit que la traduction était mauvaise. Moi, je connais très peu l'anglais.

23 M. Hayman (interprétation). - Donc, pour que les choses soient

24 parfaitement claires, vous avez vu les deux exemplaires de votre

25 déclaration : la déclaration de quatre pages, pièce à conviction de la

Page 1808

1 défense n°30 et la déclaration de dix pages, pièce à conviction n°31 , en

2 langue bosniaque et par écrit.

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, pas les deux, mais

4 seulement la première version.

5 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous dites la première,

6 vous faites référence à l'exemplaire de quatre pages ou celui de dix

7 pages ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Je parle de la première

9 déclaration, celle de dix pages.

10 M. Hayman (interprétation). - Donc, il s'agit de la version de

11 dix pages, la pièce à conviction de la défense D31. Merci, Monsieur le

12 témoin. Combien de fois avez-vous traité Darko Krajevic, pour des

13 blessures, ou pour lui faire une piqûre, ou autre, en tant que médecin ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - J’ai déjà répondu à cette

15 question, je ne l'ai vu qu'une seule fois. Je n’ai traité Darko Krajevic

16 qu'une seule fois. Cette question m’a déjà été posée, je ne sais pas si je

17 dois y répondre de façon plus longue.

18 M. Hayman (interprétation). - Je n’ai pas besoin d'une réponse

19 plus longue.

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Les soins ont duré dix jours.

21 M. Hayman (interprétation). - Pendant cette période de dix

22 jours, combien de fois l'avez-vous vu ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - Tous les jours.

24 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu des conversations

25 avec lui pendant ces dix jours ?

Page 1809

1 M. Mujezinovic (interprétation). - Je vous ai déjà dit que, tous

2 les après-midi, il venait, parfois avec sa femme. Il arrivait en voiture,

3 il m'emmenait au centre de santé. J'étais obligé d'attendre dans la salle

4 de consultation pendant que l'infirmière administrait la piqûre et après

5 la piqûre, il lui arrivait de me retenir quelquefois, sa femme était

6 présente, une heure, une heure et demie pour discuter de diverses

7 questions.

8 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que Darko Krajevic abusait

9 de drogues ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne l’ai pas vu en

11 utiliser.

12 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que à la fin du traitement

13 que vous lui avez administré, vous êtes parvenu à la conclusion qu'il

14 avait subi une overdose de cocaïne ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, j'ai dit dans ma

16 déclaration que les collègues qui sont venus me chercher m’ont demandé

17 d'intervenir parce qu'ils craignaient qu'il s'agisse d'un infarctus ou

18 d'une toxicomanie. Le Dr Franjo Tibolt m'a prié de me rendre au domicile

19 de Darko Krajevic et il m'a dit : "Mujezinovic, tu dois y aller, si tu n'y

20 vas pas de ton plein gré, tu vois les soldats sont là et ils attendent

21 pour t’emmener". J'ai emporté cette injection que l’on donne en cas d'abus

22 d'alcool. C'est cette injection-là que je lui ai administrée et, suite à

23 cette injection, il s'est senti mieux. C'est la même injection que je lui

24 ai administrée pendant dix jours. D'ailleurs, des documents existent, à

25 Vitez, au centre médical où tout cela figure noir sur blanc.

Page 1810

1 M. Hayman (interprétation). - Pourrait-on allumer le

2 rétroprojecteur, je vous prie. J'aimerais lire les deux phrases qui

3 suivent la phrase que j’ai lue il y a quelques instants. Elles sont tirées

4 de la page 2, même si elle est numérotée comme étant la page 3 de la pièce

5 à conviction de la défense 31.

6 Je cite : "Un jour, j'ai réussi à faire sortir Krajevic d'une

7 crise due à des drogues, à une overdose de drogues, et je pense qui

8 s'agissait de cocaïne". (Fin de citation.) Avez-vous jamais fait cette

9 déclaration, Docteur ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Non, en fait, je ne suis pas

11 d'accord avec le contenu de la déclaration, car j'ai dit la chose

12 suivante. J'ai dit qu'il existait un doute quant au fait que cet homme

13 avait subi une crise due soit à la drogue, soit à un infarctus, parce que

14 des bruits couraient quant au fait que cet homme prenait des drogues, à

15 Vitez.

16 M. Hayman (interprétation). - La phrase que je vous ai lue, a-t-

17 elle été traduite à votre intention par l’interprète qui vous a lu la

18 déclaration avant que vous la signiez, de la même façon que

19 l’interprétation se fait aujourd’hui ?

20 M le Président. - Nous ne comprenons pas, Maître Hayman, je

21 crois que les Juges et moi-même vous ont dit que ce qui est important,

22 c'est la vérité. La question est très simple. Il ne s’agit plus de savoir

23 si c’est la déclaration qui a été faite, si le témoin est en contradiction

24 avec celle d'aujourd'hui, vous en déduirez cela, vous l’exploiterez si

25 vous voulez, mais, pour l'instant, le problème me paraît simple.

Page 1811

1 Je voudrais exiger que l'on revienne dans la simplicité de la

2 question. Vous demandez au témoin s’il a administré un traitement, après

3 constatation de l’overdose, telle qu'il l'avait mentionnée dans sa

4 première déclaration, si oui ou non il a fait cela. Il va vous répondre

5 ,oui ou non, et vous constaterez que la déclaration diverge.

6 Nous n'allons pas revenir à nouveau sur les enquêtes concernant

7 la première déclaration. Continuez.

8 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous êtes parvenu à

9 faire sortir Krajevic d'une crise due à une overdose de cocaïne ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Je ne peux pas affirmer qu'il

11 s'agissait de cocaïne, car en l'absence d'examens de laboratoire, il est

12 impossible de l'affirmer et vous le savez très bien. Sur place, lorsqu'on

13 arrive pour vérifier ce genre de choses, il faut des examens en

14 laboratoire particuliers qui peuvent déterminer la nature du poison

15 utilisé.

16 Moi, je vous ai dit ce que je lui avais administré. Maintenant,

17 le diagnostic est-il exact ou pas ? C'est une question un peu différente

18 qui porte tout de même ur une hypothèse. Il faut que la preuve soit

19 apportée par des moyens objectifs en cas de nécessité. Chez nous, en

20 médecine, c'est comme cela que l'on travaille, voyez-vous. Mais nous

21 pouvons faire une supposition.

22 M. Hayman (interprétation). - Le patient était-il conscient

23 lorsque vous l'avez vu ce jour là ?

24 M. Mujezinovic (interprétation). - Le patient était conscient,

25 il était très psychotique, très troublé.

Page 1812

1 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il dit s'il avait ingéré

2 ou s’il s'était injecté une substance quelconque ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - Je l’ai examiné, je ne lui ai

4 même pas posé de questions et je lui ai fait cette injection, car il

5 s’étouffait et il était terriblement excité. Je lui ai donné cette piqûre

6 de désintoxication contre l’alcool et il s'est calmé au bout de cinq

7 minutes.

8 Je l'ai dit dans ma déclaration et vous pouvez interroger mes

9 collègues qui vous diront que j’ai réglé le problème en cinq minutes, et

10 qu'il nous insultait pendant ce temps-là. Je vous en prie, je peux vous

11 expliquer la médecine, mais je ne sais pas quoi faire.

12 M. Hayman (interprétation). - Docteur, s'il n'était pas capable

13 de vous parler, vous pouvez simplement me le dire et tout va bien, je ne

14 vous demande pas de détails complémentaires.

15 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai dit que cet homme était

16 conscient, qu’il n'était pas dans le coma, qu'il était terriblement

17 agressif, qu'il nous insultait, qu'il n'arrêtait pas de bouger, qu'il

18 lançait des jurons, mais qu'après la thérapie que je lui ai administrée il

19 s'est calmé en cinq minutes. Je ne sais pas quoi vous dire d’autre à ce

20 sujet.

21 M. Hayman (interprétation). - Vous avez répondu à notre

22 question, je vous remercie. Sur la base des traitements que vous lui avez

23 administrés, des rencontres que vous avez eues avec Darko Kraljevic,

24 seriez-vous d'accord pour admettre qu'il n'était pas psychiquement

25 stable ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Je vous ai dit que c'était

2 quelqu'un de très faible sur le plan psychique, qu'il était très émotif,

3 qu'il réagissait trop vite. Chez un homme de ce genre, il est impossible

4 de prévoir les réactions. Cela se constatait dans son comportement. Chez

5 nous, on dit "qu'il roulait des mécaniques". Je ne sais pas comment vous

6 le dire autrement. En société, il se faisait toujours passer pour

7 quelqu'un de très important, pour le premier, le meilleur. Voilà comment

8 il était. Les gens l'évitaient parce qu'il était très fort, très puissant,

9 et qu’il lui arrivait de frapper.

10 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire qu'il

11 était psychologiquement instable ?

12 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi : le témoin a déjà

13 répondu à cette question.

14 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais une réponse directe,

15 Monsieur le Président.

16 M. Harmon (interprétation). - Il a fourni une réponse directe au

17 Tribunal.

18 M. le Président. - Répondez rapidement, Docteur, s'il vous

19 plaît. Rapidement et brièvement.

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, il était labile sur le

21 plan psychique, explosif.

22 M. Hayman (interprétation). - Sur le transparent placé sur la

23 pièce à conviction n° 45 de l'accusation, vous avez inscrit l'endroit où

24 se trouvait le quartier Kolonija. Je voudrais à nouveau attirer votre

25 attention sur cette photo. Au cours du conflit d'avril 1993, à Vitez, est-

Page 1814

1 ce que Darko Kraljevic contrôlait le secteur de Vitez répondant au nom de

2 Kolonija ?

3 M. Mujezinovic (interprétation). - J'ai dit, dans ma déposition,

4 qu'il m'a donné deux numéros de téléphone lorsqu'on m'a amené au travail,

5 le 19 avril. Ceux-là m'ont dit qu'il avait son commandement dans un

6 bâtiment ; je peux vous montrer dans lequel, à Kolonija. Si cela vous

7 intéresse, je peux vous le montrer.

8 M. Hayman (interprétation). - Je serai d'accord pour faire cela

9 dans quelques instants, mais je vous repose la question : à votre avis, au

10 cours du conflit du mois d'avril 1993, à Vitez, Darko Kraljevic avait-il

11 le contrôle du quartier appelé Kolonija ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Cela, je ne le sais pas. Je

13 ne sais pas qui contrôlait quoi et dans quel secteur telle ou telle

14 personne exerçait son commandement : je n'ai pas eu la possibilité de le

15 voir personnellement.

16 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je

17 demanderai l'aide de l'Huissier pour qu'il place la pièce à

18 conviction D30, la déclaration de quatre pages du témoin, sur le

19 rétroprojecteur, car j'aimerais attirer l'attention du témoin sur une

20 partie de cette déclaration qui commence au bas de la page 3 et se

21 poursuit au sommet de la page 4. Donc, pour commencer, nous allons lire le

22 bas de la page 3 et nous poursuivrons par le haut de la page 4 de cette

23 déclaration. Est-ce qu'on peut encore remonter un peu la page et peut-être

24 agrandir un peu ?

25 Je vais vous lire les deux premières phrases de façon à vous

Page 1815

1 donner le contexte, Docteur. Il s'agit du début du bas du dernier

2 paragraphe. Je cite : "Comme je l'ai dit dans ma déclaration précédente,

3 Darko Kraljevic m'a rendu visite à l'hôpital de guerre, le 18 avril 1993.

4 Je n'ai plus eu aucun contact avec Darko par la suite".

5 Ensuite, la phrase suivante sur laquelle j'aimerais attirer

6 votre attention, je cite : "Toutefois, je sais qu'au cours du conflit du

7 mois d'avril à Vitez, Darko contrôlait le secteur de Vitez".

8 Nous passons au haut de la page suivante : je vous demanderai de

9 bien vouloir nous montrer le haut de la page suivante, Monsieur

10 l'Huissier ; il faut baisser un peu la page. Merci. Je continue : "Darko

11 contrôlait le secteur de Vitez —nous commençons la page 4— appelé Kolonija

12 et était cantonné avec ses soldats dans le bâtiment appelé Banjolucanka

13 qui correspond à la marque n° 4 sur la photo aérienne". (Fin de

14 citation.)

15 Etes-vous d'accord avec la première déclaration : "Je sais

16 que ... Darko Kraljevic contrôlait la partie de Vitez appelée Kolonija au

17 cours du conflit" ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - D'abord, j'ai déclaré que

19 l'on m'avait emmené le 19 et, vraiment, je n'ai pas vu Darko Kraljevic

20 après cette date. Et puis —cela se passait en face de mon immeuble—, il y

21 avait des soldats et certains soldats avaient deux petits cafés dans ce

22 bâtiment. Par exemple, un jour, je suis allé chez Zoran Markovic avec le

23 Dr Tibold pour me faire enlever une dent.

24 Le Dr Markovic est un dentiste et on m'a dit : "Voilà les

25 soldats de Darko Kraljevic qui sont dans le petit café. Donc il n'arrivera

Page 1816

1 rien, n'aie pas peur". Car nous avions parfois peur de circuler. Ils m'ont

2 donc confirmé qu'il était bien dans ce bâtiment quand je suis allé me

3 faire enlever une dent. On racontait même qu'il y avait des caméras à

4 l'entrée de ce bâtiment. Moi, on m'a emmené le 19 avril 1993 et pas le 18.

5 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous remettre ce stylo

6 rouge et vous pourriez peut-être l'utiliser pour mettre une marque sur le

7 bâtiment appelé Banjolucanka sur la photo aérienne.

8 (Le témoin inscrit une marque sur la photographie.)

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Voilà le bâtiment de

10 Banjolucanka. Là, il y avait les petits cafés. Donc, l'immeuble entier,

11 c'est celui qui s'appelle Banjolucanka. Là, il y avait les petits cafés.

12 Je n'étais pas dans le bureau, mais le Dr Tibold et le Dr Markovic m'ont

13 dit que Darko était dans le bâtiment avec son commandement.

14 M. Hayman (interprétation). - Pouvons-nous donc mettre la

15 lettre K sur ce bâtiment comme signe distinctif, la lettre K pour

16 Kraljevic.

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Je n'entends pas

18 l'interprétation.

19 M. le Président. - Reprenez votre question, Maître Hayman.

20 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que je puis placer une

21 lettre K sur le bâtiment que vous avez indiqué qui correspond au quartier

22 général de Kraljevic ?

23 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur, j'ai dit que le

24 Dr Franjo Tibold et le Dr Zoran M arkovic m’ont montré où était le

25 quartier général de Darko Kraljevic, mais je vous ai dit que je ne suis

Page 1817

1 jamais rentré dans cet immeuble et que je n'ai jamais vu Darko Kraljevic

2 assis dans un bureau. C'est ce que j'ai dit aux enquêteurs.

3 On m'a dit : "N'aies pas peur" parce que le Zoran Markovic

4 m’avait enlevé une dent. J'avais très mal ce jour-là.

5 J’ai déjà mis un signe sur ce bâtiment et les petits cafés où

6 j’ai vu des soldats dont on m’a dit qu'ils appartenaient à l'unité de

7 Darko Kraljevic.

8 M. Hayman (interprétation). - Je crois donc comprendre que,

9 selon votre déposition, la déclaration que j'ai lue en bas de page 3 et en

10 haut de la page 4 dans cette pièce à conviction D30 de quatre pages, vous

11 dites que vous n'avez jamais fait cette déclaration, n'est-ce pas ?

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Je n'ai pas dit que je

13 n'avais pas dit cela, j’ai simplement dit que je n'avais pas dit cela de

14 cette façon.

15 M. le Président. - Tout ce qui est dit sera acté, c'est cela la

16 réponse qu’essaie de vous faire le témoin depuis déjà de nombreuses

17 minutes, donc c’est cela qui doit être acté. Maître Hayman, poursuivez..

18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous nous avez dit tout

19 ce que vous pouviez nous dire concernant ce que vous aviez déclaré aux

20 enquêteurs s'agissant du contrôle exercé par M. Kraljevic sur le secteur

21 de Kolonija ?

22 M. Mujezinovic (interprétation). - Je vous en prie, c'est déjà

23 la deuxième fois que je vous dis que je ne savais pas qui commandait quoi,

24 qui avait quelle responsabilité. Véritablement je ne le savais pas,

25 vraiment je ne le savais pas ! Je vous ai simplement dit que le Dr Tibold

Page 1818

1 et le Dr Zoran Markovic m'ont affirmé que Darko Kraljevic était cantonné

2 dans ce bâtiment avec les membres de son quartier général. Nous avons vu

3 les petits cafés, où je vous ai dit que l'on m'a dit qu’il y avait des

4 soldats de Darko Kraljevic. Mais dans quel secteur commandait-il, vraiment

5 je ne le sais pas.

6 Rendez-vous compte tout de même que cela faisait à peu près

7 trois jours que j'attendais que quelqu'un me tue et vous exigez de moi que

8 dans ces conditions je joue les juges d'instruction, et que j'essaie de

9 savoir qui était dans quelle partie de la ville et qui était responsable

10 de quoi, ça vraiment !...

11 M. le Président. - Docteur, sachez que le Tribunal est très

12 conscient des efforts que vous faites. Le Tribunal essaie, et c'est son

13 rôle, de faire en sorte que la Justice s'exerce de façon sereine. Je me

14 doute bien que pour vous, l’ensemble de ces questions, qu’elles viennent

15 de l’accusation qui vous a cité, ou de la défense, soient complexes et

16 difficiles, surtout après plusieurs années de ces événements. Il faut donc

17 que vous compreniez les questions que vous pose la défense qui est en

18 charge des intérêts du général Blaskic.

19 Le Tribunal est également là pour rappeler à l’ordre en

20 permanence le Procureur et la défense sur le fait qu'il y a un point

21 limite qui ne saurait être toléré. Maître Hayman, quand vous posez une

22 question, essayez de ne pas répéter la même question. Le témoin vous à dit

23 ce qu’il avait à dire. Je vais vous aider à synthétiser puisqu’il faut que

24 le Président vous aide à le faire.

25 Je crois que nous avons à peu près acquis maintenant la

Page 1819

1 certitude que le témoin à bien fait ces déclarations une première fois à

2 l'accusation, et qu'aujourd'hui, plusieurs mois après, il ne se retrouve

3 pas tout à fait, parfois même assez largement, avec ces déclarations.

4 Tirez-en les conclusions, faites-lui dire ce qui représente très

5 exactement sa pensée aujourd'hui, puis vous en tirerez les conclusions.

6 Par contre, le Tribunal ne peut pas accepter que l'on repose

7 deux fois, trois fois, quatre fois, les mêmes questions sous des angles

8 différents. Nous sommes très vigilants, mes collègues et moi, sur cette

9 question-là. Il faut que vous y fassiez attention.

10 Je vous rappelle que, de surcroît, vous aviez dit qu’en

11 45 minutes vous feriez votre contre-interrogatoire. Certes, il y a eu des

12 incidents, mais le Tribunal est là pour faire progresser le présent

13 procès.

14 Docteur, voulez-vous une suspension ? Voulez-vous prendre un peu

15 de repos ? Le Tribunal est tout à fait prêt à vous accorder un peu de

16 repos pour que vous retrouviez la sérénité qui semble commencer à manquer

17 dans ces débats et que les Juges vont contribuer à restaurer.

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Moi ? Non, non, non, je

19 voudrais en finir, mais je ne comprends pas bien. Vous voyez, je vous

20 parle, mais je ne peux pas affirmer que Darko Kraljevic a été commandant,

21 car comment pouvais-je savoir, par exemple, si tel ou tel homme commandait

22 au village de Rijeka, et c'est très exactement ce que l’on est en train de

23 me demander. Le général Blaskic ne m'a pas donné la liste de ses

24 commandants. Comment pourrais-je savoir cela ? Je ne sais pas.

25 M. le Président. - Le Tribunal vous dit simplement

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1 qu’effectivement des déclarations ont été faites et qu’il est tout à fait

2 normal que la défense essaie de savoir quelle est celle qui recouvre très

3 exactement votre pensée. Donc, dites très simplement ce que, aujourd’hui,

4 vous estimez et répondez si cette déclaration correspondait à l’époque à

5 ce que vous avez dit ou si, au contraire, vous estimez que vous ne vous y

6 retrouvez pas.

7 Il y a eu des problèmes d’interprétation et des problèmes de

8 traduction, donc retrouvez votre calme, répondez aux questions et dites

9 très exactement ce que vous pensez aujourd'hui. Et s'il y a eu une

10 contradiction avec la déclaration précédente, vous le direz très

11 simplement.

12 Donc, poursuivons, nous avons perdu cinq minutes, mais le

13 Tribunal tenait à faire cette admonestation aux différentes parties.

14 Maître Hayman, poursuivez..

15 M. Hayman (interprétation). - Docteur, y a-t-il une part de

16 vérité dans la déclaration que je viens de vous lire ou est-ce que vous

17 réfutez intégralement ce que je viens de dire ici ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - S'il vous plaît, je dis et je

19 vous répète une fois de plus que je n'étais pas d'accord avec

20 l'interprétation qui avait été faite de ce que j’avais dit.

21 Deuxièmement, je n'ai pas dit que Darko Kraljevic se trouvait au

22 poste de commandement à Kolonija. Je répète, et c'est la troisième fois,

23 je n'ai jamais rien dit de tel à qui que ce soit.

24 J'ai dit que Darko Kraljevic avait un poste de commandement,

25 ainsi que me l'on dit mes collègues, dans l'immeuble qui se trouvait là et

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1 qui s'appelait Banjalucanka. Que pourrais-je ajouter d'autre ? Qu'il soit

2 commandant de tout Kolonija... Eh bien, je n'en sais rien

3 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, les pièces

4 qui ont été utilisées sont les pièces D30.

5 M. le Greffier. - Le document D30 est la déclaration de quatre

6 pages.

7 M. le Président. - Numérotée 472 958, en haut ? Celle qui

8 commence en caractères gras : "Moi, Muhamed Mujezinovic... "

9 Nous allons numéroter ces pièces : la D30 serait la pièce

10 déposition de témoin (Witness Statement). C'est cela ? De quatre pages.

11 C'est cela, Maître Hayman ?

12 M. Hayman (interprétation). - Exactement, Monsieur le Président.

13 M. le Président. - La D31 c’est la même, mais elle se termine à

14 la page dix.

15 M. Hayman (interprétation). - Absolument, Monsieur le Président.

16 M. le Président. - Ensuite, la D32 serait la pièce signée du

17 général Blaskic.

18 M. Hayman (interprétation). - C'est exact.

19 M. le Président. - La D33 est une pièce en serbo-croate et la

20 D34 est manuscrite. Cinq pièces.

21 M. Hayman (interprétation). - Il y a également le transparent,

22 Monsieur le Président. J'aimerais qu'il soit indiqué et qu'il soit versé

23 aussi comme pièce à conviction.

24 M. le Président. - Comment allons-nous numéroter les

25 transparents ?

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1 M. le Greffier. - Il s'agit d'une pièce exactement comme les

2 autres, qui sera numérotée D35.

3 M. le Président. - Elle sera numérotée D35, si vous n'y voyez

4 pas d'inconvénient, Maître Hayman.

5 M. Hayman (interprétation). - Absolument, Monsieur le Président.

6 M. le Président. - Monsieur le Procureur, pas d'observations ?

7 Maître Hayman, vous avez terminé ?

8 M. Hayman (interprétation). - Absolument, Monsieur le Président.

9 Monsieur Mujezinovic, je vous remercie d'avoir été aussi patient.

10 M. le Président. - Monsieur. le Procureur, vous avez un droit de

11 réplique.

12 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions à

13 poser. Je vous remercie.

14 M. le Président. - Monsieur le Juge Riad ?

15 M. Riad. - Monsieur Mujezinovic, je voudrais avoir quelques

16 clarifications concernant certains points de votre déposition d'hier et

17 d'aujourd'hui. Ce matin, dans votre réponse à une question posée par le

18 conseil de la défense, concernant la position...

19 Est-ce que vous m'entendez bien, Monsieur Mujezinovic ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, je vous entends fort

21 bien.

22 M. Riad. - Dans votre réponse à une question posée par le

23 conseil de la défense, ce matin, concernant la position hiérarchique de

24 M. Kordic par rapport à M. Blaskic, j'ai pu comprendre que vous avez dit

25 que M. Kordic était d'un rang supérieur à M. Blaskic.

Page 1823

1 Cela pose une question précise quant à la responsabilité dans la

2 région de Vitez : est-ce que Kordic était le responsable de la région de

3 Vitez ou non ? La question devient plus importante à cause de l'acte

4 d'accusation qui contient les noms de MM. Kordic et Blaskic.

5 L'acte d'accusation les classifient sur deux plans différents :

6 M. Kordic est mentionné comme étant : "influencial member of a bosnian-

7 croate national political party..."

8 (L'interprète s'excuse : M. Riad a lu l'acte d'accusation

9 exprimant le fait que M. Kordic occupait un poste politique très important

10 dans la région. Parlant de M. Blaskic, le Juge Riad a dit qu'il occupait

11 le rang de colonel et qu'il se trouvait à la tête de la zone

12 opérationnelle de Bosnie Centrale, commandant du HVO.)

13 M. Riad. - Vous verrez que Kordic était hiérarchiquement le

14 supérieur qui pouvait commander aussi la région de Vitez. Cette

15 clarification sera peut-être importante, si vous avez la possibilité de la

16 donner.

17 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur le Juge,

18 Dario Kordic était dans la structure hiérarchique de Herceg-Bosna, plutôt

19 du côté politique : il était vice-président de la Communauté croate de

20 Herceg-Bosna. Du moins, c'est ce que je crois savoir. Mais il occupait

21 également le rang de colonel, c'est-à-dire qu'il avait un poste double et

22 un double rôle.

23 Qui était le supérieur hiérarchique ? Je n'en sais rien : je

24 sais simplement qu'il avait un rôle politique. Il s'agit bien de Kordic.

25 Il avait également un grade militaire. Il est assez inhabituel dans cette

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1 région du monde, notamment en Bosnie-Herzégovine, de donner à des hommes

2 politiques un grade militaire. Qui était le supérieur de qui, je serais

3 incapable de vous le dire.

4 M. Riad. - Vous avez été résident de Vitez, n'est-ce pas ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

6 M. Riad. - Dans l'opinion générale de la région de Vitez, à qui

7 s'adressait-on pour des doléances ou des requêtes ?

8 (Hors micro.)

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Je n'ai pas entendu, ni

10 compris la question. Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît ?

11 M. Riad. - Dans la région de Vitez...

12 M. Mujezinovic (interprétation). - Je n'entends pas

13 l'interprétation. Voilà, à présent, je peux entendre. Pourriez-vous

14 répéter la question ?

15 M. Riad. - Dans la région de Vitez, à qui s'adressait-on quand

16 il s'agissait de requêtes, de doléances, de plaintes, de demandes

17 adressées aux supérieurs ? Etait-ce au général. Blaskic ou à Kordic ?

18 M. Mujezinovic (interprétation). - Nous avions l'habitude de

19 nous adresser à la police pour tout ce qui était délit, etc. A ce moment-

20 là, je ne sais pas à qui les gens s'adressaient à ce moment précis.

21 Lorsque le gouvernement du HVO a été créé à Vitez, je sais que ce type de

22 plaintes...

23 Lorsque les gens, par exemple, perdaient leur emploi, ils

24 essayaient d'obtenir une aide d'autorités juridiques, d'organes légaux.

25 Mais ni moi ni personne de ma famille n'a jamais demandé quoi que ce soit,

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1 ni à Blaskic ni à Kordic. Je veux dire par là qu'il y avait un centre

2 administratif qui était le centre municipal.

3 Kordic, lui, vivait à Busovaca ; il venait à Vitez, mais

4 seulement de temps en temps. Je ne sais pas exactement ce qu'il était ni

5 quel poste il occupait à Busovaca. Je sais simplement qu'il s'est présenté

6 comme le vice-président de la Herceg-Bosna. Quelle était sa position

7 exacte à Busovaca, je ne le sais pas.

8 M. Riad. - Il ne résidait pas à Vitez ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

10 M. Riad. - Hier, dans votre déposition, vous avez parlé à

11 plusieurs reprises d'attaques contre des civils musulmans de Vitez. Vous

12 avez mentionné des cas de meurtres, d'arrestations, de confiscations, de

13 destructions de banques et de magasins (la boucherie et d'autres

14 magasins).

15 Selon vous, y avait-il une certaine sélection, un plan sélectif

16 de destruction de classes particulières ou de fronts particuliers ? Ou

17 était-ce fait au hasard, par une population qui n'avait aucune

18 discrimination ?

19 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur le Juge, on pourrait

20 peut-être présenter cela de la façon suivante : à Vitez, dans cette

21 partie-ci, indiquée comme étant le quartier de Kolonija —comme présentée

22 par la défense tout à l'heure— il n'y avait qu'un immeuble appartenant aux

23 Musulmans de Bosnie et tout a été détruit. A Vitez, durant la nuit, des

24 Musulmans de Bosnie qui occupaient des postes d'importance ont été

25 victimes de pillages ou ont été tués.

Page 1826

1 Dans ma déclaration, j'ai dit qu'au mois de janvier, à

2 Staro Bila, dans un village qui se trouve sur la voie principale qui mène

3 à Vitez, l'un des hommes d'affaires les plus influents de cette région a

4 été tué, M. Skopljak. Il a également été victime d'un vol.

5 Dans un autre village, Nadioci, près de Vitez, un autre homme

6 d'affaires a été abattu. J'ai également déclaré —je ne fais que répéter ce

7 que j'ai déjà dit— que nous avions autrefois un système communiste

8 d'entreprises d'Etat. Par exemple, l'entreprise Krivja(?) a été détruite,

9 la banque commerciale de Travenik a été détruite, ainsi que la boucherie

10 qui est en fait une chaîne de magasins dont l'entreprise-mère est à

11 Zenica, tout cela a été détruit. J'ai également déclaré que seul un

12 commerce dans le quartier de Rijeka, à Vitez, appartenait à un Croate ;

13 cet établissement a été détruit.

14 Cet établissement-là a été détruit et tous les autres commerces,

15 tous les autres établissements sont passés sous le contrôle du HVO, que ce

16 soit la branche militaire ou la police. Enfin 48 personnes sont restées à

17 Vitez : des Musulmans, des femmes, des enfants, des hommes. 5000 personnes

18 ont été expulsées. Pas une seule de ces personnes n'est revenue dans la

19 région. Selon moi, c'est une action bien organisée de nettoyage ethnique.

20 Moi, j'ai travaillé vingt-deux ans en tant que spécialiste, en

21 tant que médecin. Ma femme, qui est économiste, également. Tout ce que

22 nous avions se trouvait là. Les gens sont arrivés et ont tout embarqué.

23 J'ai demandé à un ami à moi, un ingénieur, son prénom Jozo. J'ai

24 dit : "Jozo, mais qu'est-ce que c'est que tout cela ? Qu'est ce qui se

25 passe ?" . Il m'a dit : "Voilà, c'est un territoire qui, historiquement,

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1 appartient à la Croatie". J'ai dit : "Mais c'est ma maison", et il m'a

2 dit : "Mais tu as mal choisi. C'est croate". Moi, je ne comprends pas. En

3 tant qu'être humain, je ne comprends cela. Je lui ai dit : "Mais Jozo

4 enfin, tu peux dire ce que tu veux concernant ta maison, mais pour ce qui

5 est de ma maison tu ne peux pas dire ce que tu es en train de dire". Il a

6 dit : "Mais non, pas du tout. Nous sommes en train de réparer des erreurs

7 historiques qui ont été commises". Je ne sais si je suis clair.

8 M. Riad (interprétation). - Une précision aussi concernant le

9 massacre de Ahmici. Vous avez fait référence à ce massacre et je me

10 souviens que vous avec dit qu'on a même tué les animaux. On a massacré les

11 êtres humains et même les animaux. Quelle était la dimension de ce

12 massacre et a-t-on pu, plus ou moins, savoir de qui cela provenait ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur le Juge, dans le

14 village de Ahmici, il y a une partie en haut du village qui est

15 ethniquement pure et l'autre partie basse du village est un quartier plus

16 mixte où il y a des Musulmans, des Croates, peut-être même des Serbes

17 parce que cette partie du village appartenait à la municipalité qui

18 attribuait des lots, des terrains à des personnes pour qu'elles y

19 construisent des maisons.

20 Dans ma déclaration, j'ai rapporté ce que m'avaient dit deux

21 infirmières, à savoir qu'à 1 heure du matin, un jour, tous les Croates ont

22 été sortis de Ahmici, où il y avait donc ce quartier mixte. De telle sorte

23 que le matin, à 4 heures du matin, tout ce qui pouvait bouger dans ce

24 quartier a été abattu. Dans la partie haute du village de Ahmici, il ne

25 s'est rien passé.

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1 C'était en novembre.

2 La Communauté démocratique croate dans la partie basse de Ahmici

3 a proposé aux personnes de rendre leurs armes. Ils ont dressé une liste.

4 Ce sont les soldats du HVO qui ont fait cela parce que l'armée du HVO est

5 en fait la Communauté cémocratique croate.

6 Dans la partie basse du village, il y avait un homme qui

7 s'appelait Santic et il a rassemblé les armes des personnes qui en

8 possédaient. Ils ont promis que les personnes ne seraient absolument pas

9 menacées. Il s'agit de Sefkija Dzidic. Dzidic a dit que ces personnes

10 étaient revenues à Vitez pour savoir quelles étaient les tâches qu'elles

11 devaient accomplir.

12 Lors d'un entretien, (?) a dit : "Pourquoi faut-il que nous

13 donnions nos armes ? Nous sommes pour une coexistence pacifique, nous ne

14 voulons pas entrer en guerre avec les Croates, et d'ailleurs les Croates

15 nous l'ont garanti- la sécurité".

16 Monsieur le Juge, pas une seule de ces personnes n'a survécu au

17 massacre de Ahmici. Ils ont tous rendu leurs armes, ils ont tous rendu les

18 armes dont ils disposaient. Selon les rapports que j'ai reçus à titre

19 officiel, à Ahmici, 118 femmes et enfants ont été tués.

20 L'idée principale, c'est que l'armée ne se trouvait pas là.

21 C'étaient seulement des civils qui se trouvaient là.

22 Toutes les maisons des Musulmans, toutes les étables, toutes les

23 fermes ont été détruites. C'est un village, vous savez. Deux mosquées

24 locales ont également été détruites.

25 Je me suis donc rendu là-bas parce que je m'y rendais

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1 régulièrement, deux fois par semaine, pour y travailler en tant que

2 spécialiste à Busovaca. J'y suis arrivé après une semaine. Je ne pouvais

3 pas croire que des personnes pouvaient se livrer à de tels actes. Je ne

4 sais pas si je suis clair, Monsieur le Juge.

5 M. Riad (interprétation). - Vous dites que des personnes se sont

6 livrées à ces actes. Est-ce qu'on a pu déterminer quelles personnes ont pu

7 se livrer à ces actes ? A-t-on pu savoir si c'étaient des militaires ou

8 des civils qui ont commis ce massacre ? Qui est celui qui, par exemple, a

9 ramassé les armes des citoyens, avant que les actes soient commis ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - Nenad Santic et un autre

11 individu ont rassemblé les armes détenues par les personnes qui vivaient-

12 là. C'est ce que Sefkija Dzidic nous a déclaré.Ces personnes se sont

13 également rendues à un endroit pour demander quelles étaient les tâches

14 qu'elles devaient accomplir.

15 Monsieur le Juge, je n'ai vu qui a fait cela, je n'ai pas vu qui

16 a abattu ces personnes. Dans ma déclaration, j'ai dit que deux infirmières

17 m'ont déclaré, elles m'ont expliqué ce qui s'était passé à Ahmici. Moi, je

18 suis arrivé à Ahmici après qu'une semaine se soit écoulée. J'étais dans

19 une ambulance, il y avait un chauffeur, qui s'appelle Vujica je crois, et

20 il m'a emmené travailler dans la municipalité voisine de Busovaca.

21 M. Riad (interprétation). - Merci.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - M. Mujezinovic, tout comme

23 le Président, je comprends fort bien quels sont les sentiments qui vous

24 assaillent mais, comme lui, je vous demande de bien comprendre qu'il

25 s'agit d'un tribunal et nous remplissons des responsabilités qui relèvent

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1 des tribunaux.

2 Il y a un instant, vous avez déclaré à mon collègue, le

3 Juge Riad, que l'armée ne se trouvait pas là. Vous parliez d'Ahmici. Afin

4 que tout soit bien clair, voulez-vous dire que l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine ne se trouvait pas là ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ce n'est pas cela que vous

8 vouliez dire ? Alors, à quelle armée vous référiez-vous quand vous disiez

9 que l'armée ne se trouvait pas là ?

10 M. Mujezinovic (interprétation). - A Ahmici, dans ce village, il

11 n'y avait pas de soldats, pas de formations militaires, pas de formations

12 armées. Il n'y avait pas d'unités de l'armée qui se trouvaient en poste à

13 Ahmici. Il est possible que des soldats se trouvent là en permission à

14 cette époque-là et les soldats devraient laisser leurs armes dans leur

15 caserne. Dans le village d'Ahmici, il n'y avait pas l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois. Revenons-en à la

18 partie de votre déclaration dans laquelle vous abordiez le sujet de

19 certaines allégations selon lesquelles des unités informelles armées

20 s'étaient peut-être livrées à certains actes. Vous vous rappelez avoir dit

21 cela ?

22 Et je me souviens également que vous avez dit quelque chose

23 comme quoi il serait étrange que de tels groupes informels armés se soient

24 trouvés là. Avec de nombreux soldats sous le contrôle du HVO, il est

25 bizarre qu'ils se trouvent là alors qu'il y avait également des soldats du

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1 HVO sur place. Vous vous rappelez avoir dit cela ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous dit à qui que ce

4 soit à ce moment-là qu'il était étrange de voir circuler des groupes armés

5 non officiels en même temps que la région fourmillait de soldats du HVO ?

6 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur le Juge, voyez-vous,

7 vers la fin du mois d'avril ou peut-être au début du mois de mai,

8 M. Anto Valenta qui était l'un des vice-présidents de la Herceg-Bosna nous

9 a affirmé en cellule de crise que le peuple croate ou plutôt le HVO de

10 Vitez était très bien armé, à 95 %, et que selon son évaluation, les

11 Musulmans n'étaient armés qu'à 10 % et que le HOS était une force tout à

12 fait insignifiante à Vitez.

13 Il affirmait que 90 % de l'armée du HVO étaient armés fortement

14 et il a exigé de nous n'opposions aucune résistance car il nous a dit que

15 nous n'avions aucune chance.

16 Moi, j'ai dit dans ma déclaration ce que j'ai déclaré plusieurs

17 fois en réunion de la cellule de crise. Chaque fois qu'un incident se

18 produisait, et c’est arrivé à plusieurs reprises, Anto Valenta nous

19 disait : "Vous savez, ce sont des groupes absolument non officiels,

20 incontrôlables, que personne ne peut diriger".

21 Pour moi, c'était une insanité complète avec tant de soldats et

22 une telle armée. Selon moi, il s'agissait d'un plan et d'un plan tout à

23 fait global parce que ce travail se faisait de façon systématique comme

24 dans le cadre d'un plan. Voyez-vous, en octobre par exemple, ou plutôt au

25 début du mois de novembre, dix bâtiments ont été démolis. A ce moment-là,

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1 on convoque une réunion pour parler de la façon dont la situation peut

2 s’apaiser, et puis vous avez des gens qui vous disent : "Vous voyez ce qui

3 va se passer si vous n’acceptez pas telle ou telle chose".

4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que je vous ai bien

5 compris si je pense que vous avez dit que selon vous, à l'époque, il eût

6 été stupide de laisser entendre que des groupes armés non officiels

7 pouvaient se trouver dans la région sans l'approbation du HVO. Etait-ce

8 bien votre avis à l'époque ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, oui, oui.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ma deuxième question est la

11 suivante. Avez-vous exprimé cet avis d'une façon ou d'une autre à

12 l'intention de quelque personne au pouvoir ?

13 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, j'ai dit cela, mais la

14 réponse était toujours la même.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Permettez-moi de vous poser

16 maintenant une question un peu secondaire.

17 Une question vous a été posée, par Me Hayman ou Me Nobilo au

18 sujet du personnel militaire. Je crois qu’ils vous ont parlé de la venue

19 éventuelle dans la région de personnel militaire provenant de l'extérieur

20 de la région et ce aux alentours du 15 ou du 16 avril 1993. La question

21 qui vous a été posée consistait à vous demander si vous aviez vu quelque

22 insigne dénotant le régiment d’où provenaient ces hommes sur leur

23 uniforme, et vous avec répondu avoir vu des feuilles de chêne. Vous vous

24 souvenez de cela ?

25 Avez-vous vu d'autres éléments sur ces insignes qui, à votre

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1 avis, pouvaient ou ne pouvaient pas relier ces hommes au HVO ?

2 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur le Juge, une unité

3 est arrivée à Vitez, je ne sais pas d'où elle venait. Il me semble qu'elle

4 s'appelait l'unité Dominik Pavlovic. On racontait qu'elle venait de

5 l'ouest de la Herzégovine.

6 Elle est arrivée dans la première quinzaine du mois de janvier

7 et elle a vraiment provoqué le chaos. Vous savez, c’était de la

8 destruction ; ce que les autres n'avaient pas terminé, ce qui n’avait pas

9 été fait au début du conflit, ils l'ont terminé. Ils arrivaient dans les

10 appartements, accompagnés par des soldats du HVO, en pleine nuit. A mon

11 avis, c’est dans le cadre d'un plan et d'un programme qu'ils ont été

12 amenés à Vitez pour semer le chaos et terrifier les gens. A ce moment-là,

13 les gens quittaient leur domicile, les gens partaient, ils avaient peur de

14 rester à Vitez.

15 Mon épouse, mes enfants... Moi, je connaissais pratiquement 90 %

16 des habitants de toute la municipalité. Ma femme a demandé que l’on parte

17 de Vitez parce qu'elle avait peur pour les enfants. Vous savez, je peux

18 vous affirmer qu'aucun médecin croate n'a apporté son aide aux habitants

19 de Vitez. Je parle des Croates.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Nous arrivons dans un

21 domaine un peu différent, Docteur. Je vais vous dire les choses de la

22 façon suivante : certains hommes extérieurs à la région sont arrivés dans

23 la région au mois de janvier et ont semé le chaos. Est-ce que, selon la

24 façon dont vous avez estimé la situation, le personnel militaire du HVO de

25 la région savait ou ne savait pas ce que ces hommes faisaient ?

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1 M. Mujezinovic (interprétation). - Je peux vous dire ce que je

2 pense moi, à savoir qu’ils constituaient une armée, exactement comme ceux

3 qui constituaient l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ils avaient leur

4 hiérarchie, leur commandement. Il est quand même impossible d'arriver

5 comme cela, dans un coin, lorsque l'on est une formation militaire et

6 d’agir de cette façon.

7 J’ai fait l'armée et je pense que pour faire ce qui a été fait,

8 dans ces circonstances, un soldat doit avoir un ordre. Donc à mon avis ces

9 soldats ont reçu des ordres, mais il y avait aussi certains membres du HVO

10 local, pas tous, mais certains oui.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vais vous poser une

12 question reliée à la précédente. Avez-vous jamais vu l'un quelconque des

13 soldats du HVO local tenter d'arrêter cette unité extérieure à la région

14 et l'empêcher de faire ce qu’elle faisait ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - A Vitez, la politique était

16 la suivante : "Si quelqu'un est contre untel, il est contre nous".

17 Je vous ai dit que des Croates ont été passés à tabac ; je peux

18 vous affirmer que pas mal d'entre eux ont été passés à tabac à Vitez. Je

19 peux affirmer également la chose suivante : quand, à partir du

20 19 avril 1993, j'ai commencé à travailler au centre de santé, un grand

21 nombre de Croates venaient me voir puisque j'étais médecin. Ils me

22 mettaient 50, 100 ou 150 marks allemands dans la poche et me disaient :

23 "C'est très difficile pour vous, Musulmans, donc voilà, je vous donne

24 cela". Mais aujourd’hui, ils n'osent pas le dire parce qu'ils se feraient

25 passer à tabac.

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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Revenons à la remarque que

2 vous avez faite à propos de votre service militaire. Vous avez déclaré

3 l’avoir fait pendant un an vers la fin de votre formation médicale, n’est-

4 ce pas ?

5 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, je suppose que vous

7 avez quelques connaissances des modes d’organisation de l’armée, n'est-ce

8 pas ?

9 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je n'ai pas le procès-verbal

11 sous les yeux donc, si je fais une erreur, je vous prierai de me

12 l’indiquer. Est-ce que ma mémoire est fidèle si je vous dis que je me

13 rappelle vous avoir entendu décrire le général Blaskic comme étant le

14 commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale ?

15 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur le Juge, j'ai dit

16 deux fois que je n'ai jamais fait la connaissance de M. Blaskic.

17 Personnellement je n'ai eu que sa signature sous les yeux. Comme l'endroit

18 est très petit, on savait qui était commandant du HVO à Vitez, Filipovic.

19 On savait que M. Blaskic était arrivé à Vitez au cours du deuxième

20 semestre de 1992, je ne sais pas exactement. Je n'ai jamais parlé avec

21 Blaskic, je connais l’homme d'après les photos que j'ai pu voir et d'après

22 les fois où je l'ai vu dans la rue. On disait qu'il était commandant du

23 HVO et c'est seulement plus tard, à l’automne, que l’on a entendu dire que

24 la zone opérationnelle de Bosnie centrale avait été créée et que

25 M. Blaskic qui, à l'époque, était lieutenant-colonel, était devenu

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1 commandant de cette zone opérationnelle de Bosnie centrale. Je crois que

2 cela s'est passé à l'automne 1992.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Maître Hayman a versé au

4 dossier, un document, pièce à conviction D32 que vous avec vu, je crois,

5 et qui porte la signature de l'accusé, colonel Blaskic et la date est

6 celle du 18 avril 1993 . Avez-vous vu ce document ? Voulez-vous le

7 revoir ?

8 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui, je l'ai vu.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vais me contenter de lire

10 l’introduction générale à ce document et ce sera l’introduction à la

11 question que je souhaite vous poser.

12 Le texte commence comme suit : "Sur la base des ordres provenant

13 du chef d'état-major du HVO, Communauté croate de Herceg-Bosna, numéro de

14 bureau 02G48/93 en date du 18 avril et afin de lui obéir complètement, je

15 commande". Et ensuite suit une série de lignes.

16 Avez-vous vu ce texte avec ce terme : "Je commande" signé de

17 M. Blaskic ? Est-ce que ma mémoire me sert fidèlement, si je dis que vous

18 avez vu dans des émissions de télévision des hommes déclarer que des

19 actions seraient entreprises par M. Blaskic, si des abus étaient commis ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Au début du mois de novembre,

21 lors d’une réunion, j'ai dit dans ma déposition que des représentants du

22 HVO du gouvernement croate de Vitez nous avaient déclaré que le commandant

23 de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, le général Blaskic allait

24 empêcher les pillages, les vols et assurer la libre circulation des

25 convois et qu'il interdirait l'enlèvement des armes des soldats de l’armée

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1 de Bosnie-Herzégovine. Je l'ai dit dans ma déposition.

2 Je ne sais pas quelle était exactement l'influence de M. Blaskic

3 dans l'armée, mais si quelqu'un impose sa signature en tant que

4 commandant, je suppose qu'il doit être obéi et j'ai rappelé il y a une

5 dizaine de minutes que 5000 musulmans ont été expulsés de Vitez après

6 cela. Je ne sais pas si M. Blaskic avait la puissance, la force nécessaire

7 pour empêcher cela, je ne le sais pas. Je ne sais vraiment pas quelle

8 était la hiérarchie militaire au sein du HVO.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Permettez-moi de vous poser

10 la question suivante : avez-vous eu connaissance d'une quelconque

11 déclaration publique visant à dénier le fait que le colonel ou le

12 général Blaskic avait l'autorité nécessaire pour émettre des ordres

13 destinés à empêcher que ce genre de choses ne se produise ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Non.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Au cours de votre

16 déposition, en réponse aux questions posées en contre-interrogatoire par

17 Me Hayman, vous avez parlé du problème de savoir qui contrôlait le secteur

18 de Kolonija. Vous étiez interrogé plus particulièrement au sujet d'un

19 homme répondant au nom de Darko Kraljevic. L’ai-je bien prononcé ?

20 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez également mis un

22 signe distinctif avec l'aide de Me Hayman sur le transparent qui est

23 actuellement placé sur le chevalet, un signe distinctif sur Kolonija. Est-

24 ce que l'hôtel Vitez s'inscrit dans ce quartier de Kolonija ?

25 M. Mujezinovic (interprétation). - Oui.

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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Saviez-vous par hasard où

2 M. Blaskic résidait à cette époque, c'est-à-dire au cours de la période

3 qui commence au 15 avril 1993 ?

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Qui commence au 15 avril

5 1993 ?

6 Monsieur le Juge, Monsieur Blaskic est connu à Vitez. Lors de

7 ces visites, en tant que commandant, il organisait d'abord son séjour à

8 l'hôtel Vitez.. Moi, ce que j'ai déterminé sur le transparent, c'est le

9 centre de Vitez. C’est à partir de ce centre de la ville qu'il commandait

10 son armée. J'ai aussi rencontré Mario Cerkez à Kolonija qui était

11 également commandant d'une unité. Vous savez qu’une armée ne peut pas être

12 commandée à partir d'un endroit unique.

13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pouvez-vous être bref ?

14 M. Mujezinovic (interprétation). - Ici, il est apparu que

15 Darko Kraljevic était commandant. Personnellement, je ne connais pas bien

16 la hiérarchie du HVO.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ma question était simple,

18 elle consistait à vous demander si le secteur de Kolonija était le secteur

19 dans lequel se trouvait l’hôtel Vitez et si le colonel Blaskic habitait à

20 l’Hôtel Vitez.

21 M. Mujezinovic (interprétation). - Cela, je ne le sais pas, je

22 ne l'ai pas vu, je ne le savais pas.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - En réponse à une question

24 posée par Me Hayman, vous avez dit : "le général Blaskic ne m’a pas donné

25 une liste de ses commandants". Devrais-je comprendre vos propos comme

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1 signifiant que, dans votre esprit, le général Blaskic avait le pouvoir de

2 publier une telle liste, le problème résidant dans le fait que vous

3 n'aviez pas cette liste entre vos mains.

4 M. Mujezinovic (interprétation). - Si le commandant de la zone

5 opérationnelle de Bosnie centrale est M Blaskic, alors, en tant que

6 commandant, il doit savoir ce que font les commandants des autres unités

7 de la région.

8 M. le Président. - Docteur Mujezinovic, le Tribunal vous

9 remercie. Il est conscient de l'effort que cela a représenté pour vous et

10 aussi de la souffrance que cela a constitué de refaire vivre tout ce passé

11 et de répondre à toutes ces questions. Je ne reviendrai pas sur ce qui

12 vous a été dit par mes collègues sur ces points-là. Je ne vous poserai pas

13 d'autres questions.

14 Je voudrais simplement que vous ayez le sentiment en venant

15 devant ce Tribunal pénal international d'avoir dit tout ce que vous aviez

16 à dire sur l'ensemble de la question qui concerne les graves

17 incriminations, les graves crimes qui sont imputés au colonel Blaskic.

18 Je ne vous pose aucune question. Je vous demande simplement :

19 avez-vous une déclaration ou des points que vous aimeriez apporter en

20 complément, sinon vous allez retourner dans votre pays, en espérant que

21 vous y retrouverez toute la sérénité souhaitable.

22 Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez dire et que vous n'avez

23 pas dit ou des questions qui ne vous ont pas été posées ?

24 M. Mujezinovic (interprétation). - Monsieur le Président,

25 Messieurs les membres du bureau du Procureur, Messieurs les avocats de la

Page 1840

1 défense, je suis venu ici pour raconter ce que j'avais à raconter. Cela me

2 satisfait. Je ne suis pas venu pour davantage. Comme Me Harmon l’a dit, je

3 serai heureux et satisfait si la vérité se fait devant ce Tribunal et que

4 de tels faits soient empêchés à l'avenir.

5 M. le Président. - Merci. Monsieur l’Huissier, veuillez

6 raccompagner le témoin. L’audience est suspendue.

7

8 L’audience est suspendue à 16 heures 35.

9

10

11 L’audience est reprise à 16 heures 45.

12

13 M. le Président. - L'audience est reprise. Monsieur le Greffier,

14 veuillez faire entrer l'accusé.

15 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)

16 Monsieur le Procureur, à vous.

17 M. Cailey (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

18 les Juges, chers confrères, bon après-midi. Avec votre permission,

19 Monsieur le Président, nous aimerions citer M. Lars Baggesen.

20 M. Hayman (interprétation). - Avant l'entrée du témoin,

21 j'aimerais informer la Chambre du fait que nous avons reçu? il y a une

22 minute ou deux de cela? un document intitulé :"Journal de Guerre de

23 Bosnie". On dit que c'est là une version écourtée, abrégée de ce journal

24 du champ de bataille. Je ne sais pas d'où cela vient, si l'accusation le

25 détenait ou si c'est le témoin qui l'a envoyé par courrier. Mais il y a

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1 quand même trente-trois pages de lecture dense.

2 M. le Président. - D'abord, nous avons nous-mêmes une

3 correspondance émanant, si j'ai bien compris, de Mme Vidovic.

4 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit d'un document

5 différent.

6 M. le Président. - Beaucoup de documents différents.

7 Maître Hayman, procédons par ordre. Vous avez reçu un document émanant

8 d'où ? C'est un document qui n'est adressé qu'à vous ?

9 M. Hayman (interprétation). - Le Greffier d'audience a eu la

10 gentillesse de me le remettre, ainsi qu'à Me Nobilo. Me Nobilo a une

11 version en croate. Moi, j'en ai une en anglais. Nous en savons gré au

12 Greffe. Je voulais informer la Chambre que nous allons étudier cela bien

13 sûr le plus rapidement possible mais, pour le moment, il faut d'abord

14 entendre le témoin, ce qu'il a à nous dire, et je ne sais pas si nous

15 avons d'autres objections. Il faut d'abord lire le document ce soir.

16 M. le Président. - Vous êtes au courant de ce document,

17 Monsieur Cailey ?

18 M. Cailey (interprétation). - Il s'agit donc du Journal de

19 Guerre que tenait le témoin, ce témoin qui va bientôt comparaître devant

20 vous, Monsieur le Président, et cela a été signifié à la défense en la

21 langue originale, le danois, en septembre 1996. Il est resté en langue

22 danoise, si j'ai bien compris, pendant une période considérable. Je crois

23 comprendre -et c'est peut-être à la demande de la défense que ceci a été

24 fait- qu'on a demandé que ce document soit traduit en croate. Cela a été

25 fait. Le Procureur n'a rien fait de ce document. Et, finalement, il y a

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1 très peu de temps de cela, je peux vous l'assurer, au cours des deux ou

2 trois dernières semaines, il y a eu une traduction en anglais à partir de

3 la traduction en croate.

4 Le document qu'on vient de remettre à l'instant à Me Hayman est

5 une version corrigée de la traduction en anglais. C'est donc nouveau pour

6 nous également dans ce sens-là. Mais c'est en fait une traduction en

7 anglais d'un document dont l'original était en danois.

8 M. le Président. - C’est une situation paradoxale : l'échange du

9 document s'est fait avant même que la Chambre ne rende sa décision -elle

10 sera rendue de façon imminente- sur la communication des pièces et sur

11 l'exclusion des cinquante-trois témoins qui avait été demandée par la

12 défense ; cette situation est d'autant plus paradoxale que, si je

13 comprends maintenant, la défense dispose d'un document qui devrait être à

14 nouveau communiqué à l'accusation dans la version nouvellement traduite en

15 anglais. C'est cela, Monsieur le Greffier ?

16 M. le Greffier. - En fait, c'est presque cela.

17 M. le Président. - Ecoutez, je crois que nous en prenons acte.

18 Nous n'allons pas retarder plus avant les débats et nous allons introduire

19 le témoin suivant.

20 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

21 M. le Président. - Est-ce que vous m'entendez ?

22 M. Baggesen (interprétation). - Oui, tout à fait,

23 Monsieur le Président.

24 M. le Président. - Vous dites aux Juges et moi-même votre nom et

25 votre prénom.

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1 M. Baggesen (interprétation). - Je m'appelle Lars, Borho,

2 Baggesen.

3 M. le Président. - Monsieur Baggesen, vous allez lire la

4 déclaration qui vous est tendue. C'est une déclaration solennelle qui est

5 un serment. Allez-y.

6 M. Baggesen (interprétation). - Je déclare solennellement que je

7 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

8 M. le Président. - Merci, Monsieur Baggesen. Vous vous asseyez.

9 M. Baggesen (interprétation). - Merci.

10 M. le Président. - Vous avez été cité devant la Chambre de

11 première instance dans le cadre des incriminations portées contre le

12 colonel Blaskic. Vous êtes un témoin du Procureur. C'est donc le Procureur

13 qui va d'abord vous interrroger et, ensuite, vous serez contre-interrogé

14 par la défense.

15 Monsieur le Procureur, vous avez prévu combien de temps pour cet

16 interrogatoire ?

17 M. Cailey (interprétation). - Je pense qu'il faudra quelque cinq

18 heures pour l'interrogatoire principal de ce témoin.

19 M. le Président. - Bien. Allez-y, commencez.

20 M. Cailey (interprétation). - Monsieur Baggesen, pourriez-vous

21 dire à la Chambre de première instance quelle est la nature de votre

22 profession actuelle ?

23 M. Baggesen (interprétation). - Je suis officier de l'armée

24 danoise.

25 M. Cailey (interprétation). - Quel grade occupez-vous ?

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1 M. Baggesen (interprétation). - Je suis chef de bataillon.

2 M. Cailey (interprétation). - En quelle année avez-vous rejoint

3 l'armée danoise ?

4 M. Baggesen (interprétation). - En 1976.

5 M. Cailey (interprétation). - Et je suppose que vous étiez dans

6 la Home Garde pendant que vous étiez à l'école supérieure ?

7 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.

8 M. Cailey (interprétation). - Puis, vous êtes passé à l'armée.

9 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

10 M. Cailey (interprétation). - Est-ce que, de 1976 à 1977, vous

11 avez fréquenté l'école danoise de combat à Oxbol au Danemark ?

12 M. Baggesen (interprétation). - Oui, c'est exact.

13 M. Cailey (interprétation). - Ce cours était censé former des

14 jeunes officiers de l'armée danoise ?

15 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

16 M. Cailey (interprétation). - Quelle est la nature de la

17 formation que vous avez subie à cet endroit ?

18 M. Baggesen (interprétation). - Les tactiques d'infanterie et de

19 blindé.

20 M. Cailey (interprétation). - Cette école ne formait que les

21 officiers de combat pour l'armée danoise ?

22 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

23 M. Cailey (interprétation). - Qu'est-ce qu'elle entend par

24 "armée de combat" ou "officiers de combat" ?

25 M. Baggesen (interprétation). - Nous étions formés pour assurer

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1 le commandement d'unités et pour lutter, pour combattre.

2 M. Cailey (interprétation). - Quand êtes-vous devenu officier de

3 l'armée danoise ?

4 M. Baggesen (interprétation). - En 1978.

5 M. Cailey (interprétation). - A ce moment-là, vous avez rejoint

6 le bataillon royal danois, n'est-ce pas ?

7 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.

8 M. Cailey (interprétation). - Quel type de régiment est-ce ?

9 M. Baggesen (interprétation). - C'est un régiment de cavalerie,

10 je pense. Maintenant, c'est un régiment avec des blindés.

11 M. Cailey (interprétation). - C'est donc, au départ, un régiment

12 à cheval et, puis, c'est devenu un régiment blindé ?

13 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

14 M. Cailey (interprétation). - Quelle a été votre première

15 occupation au sein de ce régiment royal ?

16 M. Baggesen (interprétation). - Pendant les deux premières

17 années, j'ai formé de jeunes soldats professionnels. J'avais un autre

18 emploi aussi pendant cette époque parce que c'était un emploi à temps

19 partiel ; et mon travail en temps de guerre, c'était d'être officier de

20 renseignements à la deuxième brigade danoise.

21 M. Cailey (interprétation). - Au Danemark ?

22 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

23 M. Cailey (interprétation). - En tant qu'officier responsable

24 des renseignements, que faisiez-vous ?

25 M. Baggesen (interprétation). - Nous nous occupions aussi

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1 d'analyser la situation du bloc soviétique, du Pacte de Varsovie.

2 M. Cailey (interprétation). - C'est donc une situation qui se

3 présentait alors qu'il y avait encore un esprit de confrontation ?

4 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

5 M. Cailey (interprétation). - Est-ce que vous avez été formé à

6 cette fin ?

7 M. Baggesen (interprétation). - Oui, nous avions une école

8 spécialisée pour la formation en renseignements.

9 M. Cailey (interprétation). - Vous avez donc un oeil exercé pour

10 ce qui est des questions et des renseignements ?

11 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

12 M. Cailey (interprétation). - Quel était votre grade à

13 l'époque ?

14 M. Baggesen (interprétation). - J'étais deuxième

15 sous-lieutenant, puis, je suis devenu lieutenant.

16 M. Cailey (interprétation). - De 1980 à 1986, je crois que vous

17 avez été commandant d'un peloton de reconnaisance de ce régiment danois ?

18 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

19 M. Cailey (interprétation). - Quel est le rôle que jouait ce

20 peloton dans l'armée danoise ?

21 M. Baggesen (interprétation). - Nous étions formés à déceler la

22 ligne de front de l'ennemi, parvenir à la ligne de front et faire des

23 opérations de reconnaissance au-delà de cette ligne de front.

24 M. Cailey (interprétation). - C'est donc un rôle de recherche de

25 renseignements ?

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1 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

2 M. Cailey (interprétation). - Je pense que vous avez eu une

3 certaine interruption : vous avez fait du travail pour les Nations Unies,

4 n'est-ce pas ?

5 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

6 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous en parler à la

7 Chambre ?

8 M. Baggesen (interprétation). - J'ai été affecté à Chypre où il

9 y avait des forces des Nations Unies qui étaient stationnées et j'ai aussi

10 travaillé à l'état-major danois.

11 M. Cailey (interprétation). - Je pense que vous avez aussi

12 participé à la formation de soldats danois à Chypre, n'est-ce pas ?

13 M. Baggesen (interprétation). - Oui, mon travail consistait à

14 coordonner tous les vols d'hélicoptère dans la région et je devais former

15 tous les soldats danois à se servir des hélicoptères ; ce genre de

16 formation.

17 M. Cailey (interprétation). - D'après les grades que je vois à

18 votre poitrine, vous êtes aussi formé dans l'aviation, officier

19 d’aviation ?

20 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

21 M. Cailey (interprétation). - Je pense que, de 1986 à 1990, vous

22 étiez l'officier des opérations pour la garde nationale de la région 5, et

23 vous étiez second dans le commandement de cette garde nationale du

24 district 92, basé à Roskil au Danemark, n'est-ce pas ?

25 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.

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1 M. Cailey (interprétation). - Quel était votre grade, à cette

2 époque ?

3 M. Baggesen (interprétation). - Je crois que j'étais lieutenant

4 et, par la suite, j'étais devenu capitaine.

5 M. Cailey (interprétation). - Qu'est-ce que vous faisiez ?

6 M. Baggesen (interprétation). - J'étais officier responsable des

7 opérations : j'étais chargé de former les unités pour l'exécution

8 d'opérations et j'étais aussi responsable de la planification des

9 opérations. En tant que deuxième responsable dans les structures de

10 commandement, je devais aussi pouvoir suppléer s'il y avait, par exemple,

11 un problème pour le commandant. Par exemple...

12 M. Cailey (interprétation). - Si le commandant était tué ?

13 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.

14 M. Cailey (interprétation). - Cette garde nationale, que

15 représente-t-elle dans le cadre de la défense nationale au Danemark ? De

16 quoi est-elle constituée ?

17 M. Baggesen (interprétation). - Ce sont des forces qui font

18 partie des forces armées danoises, elles se composent aujourd'hui de

19 soixante mille personnes qui sont toutes des civiles, qui font des

20 périodes de formation lors des week-ends, pendant les vacances, pour

21 réaliser ces activités.

22 M. Cailey (interprétation). - Vos soldats sont donc des soldats

23 à temps partiel ?

24 M. Baggesen (interprétation). - Oui, ce ne sont pas des soldats

25 de carrière.

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1 M. Cailey (interprétation). - Vous avez quand même, parmi les

2 commandants, des soldats de carrière ?

3 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

4 M. Cailey (interprétation). - De 1990 à 1995, je pense que vous

5 avez travaillé pour l'officier le plus haut gradé de l'armée danoise ?

6 M. Baggesen (interprétation). - Oui, c'est celui qui commande

7 les forces armées danoises.

8 M. Cailey (interprétation). - C'est au cours de cette période

9 que vous avez désiré travailler en tant que vérificateur dans le cadre de

10 la mission de vérification de la Communauté européenne ?

11 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

12 M. Cailey (interprétation). - Nous y reviendrons. Mais, avant

13 cela, si vous le voulez bien, pour arriver aux activités que vous exercez

14 aujourd'hui, je pense qu'en 1995, vous êtes devenu chef de bataillon.

15 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

16 M. Cailey (interprétation). - Puis, vous avez été chargé du

17 commandement de votre district 53, situé aux casernes Ringsted, au

18 Danemark ?

19 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

20 M. Cailey (interprétation). - Quelles sont vos responsabilités

21 en tant qu'officier de commandement de cette unité ? Combien d'hommes

22 aviez-vous sous vos ordres ?

23 M. Baggesen (interprétation). - 1600 hommes et femmes qui sont

24 constitués en 17 compagnies avec un état-major de compagnie, deux

25 compagnies de police, une compagnie de reconnaissance, et les autres sont

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1 des compagnies d'infanterie.

2 M. Cailey (interprétation). - Ce district est donc subdivisé en

3 compagnies ? Ce sont les éléments constitutifs de ce bataillon ?

4 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

5 M. Cailey (interprétation). - Vous allez utiliser cette

6 terminologie fréquemment au cours de votre déposition ?

7 M. Baggesen (interprétation). - Sans doute.

8 M. Cailey (interprétation). - Vous aviez donc deux compagnies de

9 police sous votre commandement. Ce n'est pas inhabituel au Danemark ?

10 M. Baggesen (interprétation). - Non.

11 M. Cailey (interprétation). - Vous enseignez, vous formez des

12 officiers de l'armée danoise responsables des renseignements ?

13 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

14 M. Cailey (interprétation). - Après votre retour au Danemark,

15 après avoir servi en ex-Yougoslavie, vous avez effectivement formé ceux

16 qui allaient devenir des vérificateurs de la mission européenne ?

17 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

18 M. Cailey (interprétation). - Je crois que l'année dernière, le

19 centre danois des droits de l'homme vous a demandé de former ceux qui

20 allaient être des vérificateurs des droits de l'homme. Où ?

21 M. Baggesen (interprétation). - En Tchétchénie.

22 M. Cailey (interprétation). - Est-il exact que vous avez été

23 officier de cavalerie dans l'armée danoise pendant plus de vingt ans ?

24 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

25 M. Cailey (interprétation). - Vous avez servi tant dans l'armée

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1 danoise que pour les forces européennes, n'est-ce pas ?

2 M. Baggesen (interprétation). - Oui

3 M. Cailey (interprétation). - Quel est votre degré de

4 connaissance des tactiques de la formation blindée d’infanterie ?

5 M. Baggesen (interprétation). - Je crois très bien connaître le

6 sujet.

7 M. Cailey (interprétation). - Et vous connaissez sans doute

8 excellemment la formation, les tactiques en matière d'infanterie et de

9 blindés de ce qui était l'ancien bloc de l'Est ?

10 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

11 M. Cailey (interprétation). - Connaissez-vous bien le terme

12 FIBUA ou combats dans des zones de combat ?

13 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

14 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous expliquer à la

15 Chambre si c'est une doctrine militaire bien établie ?

16 M. Baggesen (interprétation). - C'est une opération qu’il est

17 particulièrement difficile d'accomplir lorsqu'on lutte dans des zones

18 urbanisées. Il est très difficile de mener ces combats, non seulement

19 parce qu'il y a beaucoup de bâtiments, mais aussi parce qu’il y a beaucoup

20 de civils qui y vivent. Et, en général, les unités militaires évitent de

21 s'avancer dans de telles zones.

22 M. Cailey (interprétation). - Puis-je vous ramener quelques

23 années en arrière ? C'est la partie vraiment qui compte dans votre

24 déposition après avoir tracé votre itinéraire. Je vous demanderai

25 d'adresser vos réponses aux juges, si vous le voulez bien.

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1 M. Baggesen (interprétation). - Volontiers.

2 M. Cailey (interprétation). - Ai-je raison de croire qu’en 1992,

3 le gouvernement danois a formulé une requête générale à l'intention de

4 volontaires et aussi à l'intention des soldats des forces armées pour

5 qu'ils participent à cette mission de vérification, l’ECMM, et vous l'avez

6 fait, n'est-ce pas ?

7 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

8 M. Cailey (interprétation). - Et pour quels mois, pour quelle

9 année vous êtes-vous porté volontaire ?

10 M. Baggesen (interprétation). - En 1993. Je suis arrivé fin

11 mars, j'ai été là en avril, mai et juin.

12 M. Cailey (interprétation). - Je comprends que ces événements

13 remontent à quelques années ; ce n'est pas ici un exercice pour tester

14 votre mémore. Mais je crois comprendre que vous avez tenu un journal des

15 événements qui se sont produits, un journal intime.

16 M. Baggesen (interprétation). - C’est exact.

17 M. Cailey (interprétation). - Vous avez un exemplaire de ce

18 journal ?

19 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

20 M. Cailey (interprétation). - Je vais vous demander de

21 l'utiliser uniquement pour vous rafraîchir la mémoire, si c’est

22 nécessaire, lorsque vous répondez aux questions posées soit par

23 l'accusation, soit par la défense. Si vous voulez le sortir de votre sac,

24 vous pouvez le faire.

25 M. Baggesen (interprétation). - Je vais le faire.

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1 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous expliquer, à

2 l'intention des Juges, ce qu’était l’ECMM : Mission de vérification de la

3 communauté européenne.

4 M. Baggesen (interprétation). - C'est une mission qui a été

5 établie après qu'il y ait eu un accord d'entente, un protocole d'entente,

6 en 1991. L'idée était d'assurer la vérification du retrait des forces,

7 après le premier cessez-le-feu, une fois que les premiers combats ont été

8 terminés en ex-Yougoslavie.

9 M. Cailey (interprétation). - C'est lorsqu'il y a eu création de

10 la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, à Brindisi, que

11 ceci s’est constitué.

12 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

13 M. Cailey (interprétation). - Comme vous l'avez dit, l'idée

14 était de vérifier qu'il y avait retrait de la JNA et de ses armes lourdes

15 qui étaient retirées dans les casernes, après les événements en Slovénie.

16 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

17 M. Cailey (interprétation). - Tout ceci a changé, n'est-ce pas ?

18 M. Baggesen (interprétation). - Effectivement. Lorsqu’il a

19 commencé à y avoir une recrudescence de la tension en Bosnie, il a été

20 convenu d'envoyer une mission de vérification en Bosnie pour suivre la

21 situation dans cette région et, à l'époque, c'est avant que les forces de

22 protection des Nations Unies y soient arrivées.

23 M. Cailey (interprétation). - Quel était le rôle de l’ECMM en

24 Bosnie et en Croatie ?

25 M. Baggesen (interprétation). - Il fallait essayer d'établir des

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1 liaisons avec les autorités civiles et militaires pour tenter d'obtenir un

2 cessez-le-feu et essayer de rétablir la paix dans cette région.

3 M. Cailey (interprétation). - Je pense que vous portiez un

4 uniforme particulier, n'est-ce pas ?

5 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

6 M. Cailey (interprétation). - Je vous demanderai d'attendre un

7 instant.

8 M. le Président. - Pouvez-vous nous donner la traduction de

9 ECMM ?

10 M. Baggesen (interprétation). - C’est la mission de vérification

11 de la communauté européenne.

12 M. Cailey (interprétation). - C'est donc la mission de

13 vérification de la commission européenne, c'est bien exact ?

14 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

15 M. Cailey (interprétation). - Je vous ai demandé si vous portiez

16 un uniforme particulier ?

17 M. Baggesen (interprétation). - Oui, nous étions habillés en

18 blanc, ce qui avait pour effet que tout le monde nous reconnaissait,

19 toutes les parties. Nous avions aussi un casque ou une casquette bleue et

20 nous avions, bien sûr, l'emblème de la communauté européenne à l'épaule ou

21 sur le bras. Nous ne portions par d'armes.

22 M. Cailey (interprétation). - Est-il exact que vous êtes arrivé

23 à Zagreb le 30 mars 1993 ?

24 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.

25 M. Cailey (interprétation). - Et je pense qu'on vous a donné un

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1 briefing de la situation, de la disposition des forces militaires en

2 Bosnie centrale et des autorités compétentes ou pertinentes ?

3 M. Baggesen (interprétation). - C’est exact. Lorsque de nouveaux

4 vérificateurs arrivent à l'état-major de la Communauté européenne à

5 Zagreb, nous avons un briefing pour faire le point sur ce qui se passe et

6 voir quelles sont les forces en présence dans la région. Nous avons aussi

7 discuté de la façon d'utiliser le matériel de transmission dont nous

8 disposions.

9 M. Cailey (interprétation). - Et où alliez-vous être cantonnés

10 en Bosnie ?

11 M. Baggesen (interprétation). - Le lendemain de notre arrivée à

12 Zagreb, nous avons été informés qu’avec deux autres vérificateurs danois,

13 j'allais être envoyé à Zenica, au centre régional de Zenica, qui avait

14 sous sa responsabilité la Bosnie centrale.

15 M. Cailey (interprétation). - Et lorsqu'on vous a informés des

16 factions en présence, que vous a-t-on dit ?

17 M. Baggesen (interprétation). - On nous a dit qu'il y avait les

18 Croates et les Musulmans de Bosnie.

19 M. Cailey (interprétation). - Vous a-t-on informé des forces

20 militaires qu'elles avaient ?

21 M. Baggesen (interprétation). - On nous a parlé du HVO et de la

22 Bosnie-Herzégovine.

23 M. Cailey (interprétation). - On vous a dit que les Croates,

24 c’était le HVO et que les Musulmans, c’était l’armée de Bosnie-

25 Herzégovine.

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1 M. Cailey (interprétation). - Vous a-t-on parlé du degré

2 d'armement, vous a-t-on dit si ces deux forces étaient bien équipées et

3 bien organisées ?

4 M. Baggesen (interprétation). - Au cours de ce briefing à

5 Zagreb, on nous a dit que le HVO était mieux équipé que l'armée de Bosnie-

6 Herzégovine, qu'il avait plus d’armes et plus d’hommes que l’armée de

7 Bosnie-Herzégovine.

8 M. Cailey (interprétation). - J'aimerais vous montrer un

9 diagramme que vous avez établi à mon intention et qui va permettre aux

10 juges de comprendre la structure de l’ECMM, la mission de vérification de

11 la Communauté européenne que votre interprète intitulera ECMM, et ceci

12 pourra être montré au témoin. Il y a aussi des exemplaires pour les juges

13 et la défense.

14 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous le placer sur le

15 rétroprojecteur à votre droite ?

16 M. Baggesen (interprétation). - Comme ceci ?

17 M. Cailey (interprétation). - Oui.

18 Monsieur le Greffier, quelle sera la cotation apportée à cette

19 pièce ?

20 M. le Greffier (interprétation). - Il s'agit de la N 87.

21 M. Cailey (interprétation). - Je vous remercie. Monsieur

22 Baggesen, pourriez-vous nous expliquer ce que représente ce diagramme ?

23 M. Baggesen (interprétation). - Volontiers. Nous avions le

24 quartier général de l’ECMM, à Zagreb, mais il avait sous ses ordres

25 plusieurs quartiers généraux régionaux qui couvraient tout le territoire

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1 de l’ex-Yougoslavie. Je vous parle donc du centre régional de Zenica où

2 j'ai été affecté.

3 Ce centre régional était divisé en trois centres de coordination

4 et au centre régional de Zenica. Il y avait trois responsables qui

5 faisaient rapport directement au centre régional de Zenica. La première

6 équipe avait pour zone de responsabilité Cecez ; l'autre équipe, Z2, était

7 responsable pour Vares et l'équipe Z3 pour Kakanj. Le centre régional

8 avait aussi un officier de liaison de la Communauté européenne auprès des

9 forces de la Forpronu à Kiseljak. Cet officier de liaison était le lien

10 entre la Forpronu et l’ECMM en Bosnie centrale.

11 Le centre régional avait sous ses ordres trois centres de

12 coordination qui chacun disposaient de deux ou trois équipes de

13 vérificateurs, chacune ayant sa propre zone de responsabilité. Et toutes

14 ces équipes des centres de coordination faisaient rapport quotidiennement

15 aux centres de coordination qui établissaient un résumé des événements

16 dans la région et faisaient rapport au centre régional de Zenica.

17 M. Cailey (interprétation). - Donc, ceci ressemble beaucoup à

18 une structure de commandement militaire ?

19 M. Baggesen (interprétation). - Oui. L'une des raisons en est

20 que tous les vérificateurs étaient des officiers chevronnés. Même s'il

21 s'agissait d'une organisation civile, elle était composée d'officiers des

22 pays de la Communauté européenne et aussi des pays de l'Organisation pour

23 la sécurité et la coopération en Europe.

24 M. Cailey (interprétation). - Dans quelle équipe avez-vous passé

25 ces trois mois de service en Bosnie ?

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1 M. Baggesen (interprétation). - Dans les trois équipes Z1, Z2,

2 Z3 et aussi dans l'équipe V1.

3 M. Cailey (interprétation). - Vous étiez donc responsable pour

4 Zepce, Vares, Kakanj et Vitez ?

5 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

6 M. Cailey (interprétation). - Sur une période de trois mois ?

7 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

8 M. Cailey (interprétation). - Mais pas toutes en même temps ?

9 M. Baggesen (interprétation). - Non.

10 M. Cailey (interprétation). - S'il n'y a pas d'objection de la

11 part de la défense, Monsieur le Président, j'aimerais que la pièce 87 soit

12 versée au dossier.

13 M. Cailey (interprétation). - Est-il exact de dire que vous êtes

14 arrivé à Zenica le 2 avril 1993 ?

15 M. Baggesen (interprétation). - C’est exact.

16 M. Cailey (interprétation). - Et, à l'époque, ce centre régional

17 de Zenica avait à sa tête un diplomate de carrière français, l'ambassadeur

18 Jean-Pierre Thebault, n’est-ce pas ?

19 M. Baggesen (interprétation). - C’est exact.

20 M. Cailey (interprétation). - Quel était le second homme ?

21 M. Baggesen (interprétation). - C’était Juan Valentin, un

22 officier espagnol et il y avait aussi, comme officier des opérations,

23 Dimitrios Dagos de Grèce.

24 M. Cailey (interprétation). - Il y a une carte à votre gauche.

25 Je vous demande de nous dire et de nous montrer où se trouve Zenica par

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1 rapport à d'autres villes de Bosnie centrale. Ceci nous permettra de nous

2 familiariser avec la région dans laquelle vous avez passé ces trois mois

3 de service. Où se trouve Vitez ?

4 M. Baggesen (interprétation). - Vitez est ici.

5 M. Cailey (interprétation). - Et Kiseljak ?

6 M. Baggesen (interprétation). - Kiseljak est là, entre Zenica et

7 Sarajevo.

8 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous placer le pointeur

9 sur Sarajevo ?

10 M. Baggesen (interprétation). - Voilà.

11 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous nous montrer la

12 municipalité de Busovaca ?

13 M. Baggesen (interprétation). - C'est ici.

14 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous nous montrer la

15 municipalité de Travnik ?

16 M. Baggesen (interprétation). - Ici.

17 M. Cailey (interprétation). - Je vous demanderai de vous

18 rasseoir. Est-il exact de dire que les trois équipes opérant à partir de

19 Zenica, Z1, Z2, Z3, étaient actives dans toutes ces municipalités ?

20 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.

21 M. Cailey (interprétation). - A votre arrivée à Zenica, vous a-

22 t-on donné un autre briefing, outre celui que vous aviez reçu à Zagreb ?

23 M. Baggesen (interprétation). - Oui. On nous a informés de ce

24 qui se passait en Bosnie centrale, on nous a informés qu'il y avait deux

25 parties dans la région, on nous a dit qui était le commandant du HVO, qui

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1 était le commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

2 M. Cailey (interprétation). - Qui vous a-t-on indiqué comme

3 commandant de l'armée de la Bosnie-Herzégovine ?

4 M. Baggesen (interprétation). - Hadzi Hasanovic.

5 M. Cailey (interprétation). - Vous entendez par là les forces

6 musulmanes ?

7 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

8 M. Cailey (interprétation). - Et qui était le commandant du HVO,

9 vous a-t-on dit ?

10 M. Baggesen (interprétation). - Le général Blaskic.

11 M. Cailey (interprétation). - Avez-vous rencontré ces deux

12 hommes pendant votre service ?

13 M. Baggesen (interprétation). - Certainement.

14 M. Cailey (interprétation). - Et combien de fois avez-vous

15 rencontré Hadzi Hasanovic ?

16 M. Baggesen (interprétation). - Je ne me souviens pas du nombre

17 exact, mais je dirai dix ou quinze fois.

18 M. Cailey (interprétation). - Combien de fois avez-vous

19 rencontré le général Blaskic ?

20 M. Baggesen (interprétation). - Dix ou quinze fois.

21 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous jeter un coup d'oeil

22 dans le prétoire et voir si vous reconnaissez le général Blaski ?

23 M. Baggesen (interprétation). - Oui, je le vois : il est assis

24 là-bas.

25 M. Cailey (interprétation). - Merci. Ces zones, dont ces hommes

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1 étaient responsables, vous ont-elles été identifiées au cours de ce

2 briefing à Zenica ?

3 M. Baggesen (interprétation). - Oui. 0n nous a dit quels

4 territoires ils couvraient avec leurs forces.

5 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous vous lever et

6 montrer, sur la carte de la municipalité ou des obstinas de Bosnie

7 centrale, quelles zones étaient, à votre avis, sous la responsabilité

8 d'Hadzi Hasanovic ?

9 M. Cailey (interprétation). - Il était responsable pour les

10 forces de l’armée de Bosnie-Hezégovine à Zenica, Travnik, une partie de

11 Vitez, Kakanj, Zepce, Zadidovici (et une dernière localité que

12 l’interprète n’a pas comprise) et aussi, au sud, près de Zenica,

13 Gorni Vakuf.

14 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous répéter, à

15 l'intention du procès-verbal, les municipalités pour lesquelles celui qui

16 était alors le colonel Blaskic était responsable ?

17 M. Baggesen (interprétation). - Une partie de Zenica, Travnik,

18 Vitez, Novi Travnik, Busovaca, Fojnica, Kresevo, Kiseljac, Visoko, Kakanj

19 et Gorni Vakuf.

20 M. Cailey (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez vous

21 rasseoir. Tout cela se fondait sur des informations qui avaient été

22 rassemblées au cours d’un certain nombre de mois, n’est-ce pas ?

23 M. Cailey (interprétation). - Et au cours de votre séjour en

24 Bosnie, pensez-vous que cette information était exacte, d'après ce que

25 vous avez vu ?

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1 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

2 M. Cailey (interprétation). - D'après ce que j'ai compris,

3 l’ECMM avait également mis au point une organisation : la commission de

4 Busovaca, comme on l’appelait. Est-ce exact ?

5 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

6 M. Cailey (interprétation). - Pouvez-vous expliquer au Tribunal

7 ce qu’était cette commission conjointe de Busovaca ?

8 M. Baggesen (interprétation). - Cette commission conjointe de

9 Busovaca était une commission créée au début de l'année 1993 ; elle se

10 trouvait dans le village de Busovaca. C’est la raison pour laquelle elle a

11 été baptisée : commission conjointe de Busovaca. Par la suite, avant mon

12 arrivée, la commission conjointe de Busovaca a été déplacée de Busovaca à

13 une maison louée par l’ECMM qui se trouvait à Vitez, tout près du

14 bataillon britannique de la Forpronu.

15 Cette commission était constituée de représentants du HVO et de

16 l’armée de Bosnie-Herzégovine et des représentants de l’ECMM. Lorsque je

17 suis arrivé, il y avait trois membres du HVO. Les représentants les plus

18 importants étaient M. Franjo Nakic, qui était en fait dépendant de

19 M. Blaskic ; il y avait également deux hauts représentants, deux hauts

20 officiers, le haut représentant de l'armée de la Bosnie-Herzégovine,

21 M. Djeman Mrdan, qui était également l’adjoint du général Hadzi Hasanovic.

22 Il y avait également deux hauts représentants de la Bosnie-

23 Herzégovine. Il y avait trois vérificateurs de l'ECMM et un vérificateur

24 de l'ECMM, qui était en fait président de la commission.

25 M. Cailey (interprétation). - Quelle était la mission de cette

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1 commission ?

2 M. Baggesen (interprétation). - Cette commission avait pour

3 mission de faire en sorte que les deux parties en présence coopèrent et

4 essaient d'aplanir les problèmes qui surgissaient. Il y avait généralement

5 une réunion tous les matins ; nous nous tenions assis autour d'une table

6 verte et nous discutions des événements qui s'étaient produits au cours

7 des dernières vingt-quatre heures. Après avoir discuté des événements,

8 nous nous séparions en un certain nombre d'équipes, constituées chacune

9 d'un représentant de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

10 M. Cailey (interprétation). - Veuillez faire une petite pause :

11 peut-on montrer au témoin la pièce 86, s'il vous plaît ? Pas 86,

12 mais 80 "6". Je l'ai à ma disposition, si cela peut vous éviter de

13 fouiller un peu partout. Il s'agit d'une photographie déjà versée au

14 dossier. Peut-on la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

15 Reconnaissez-vous les personnes qui se trouvent sur cette photo ?

16 M. Baggesen (interprétation). - Je reconnais ici le colonel

17 Blaskic et M. Franjo Nakic.

18 M. Cailey (interprétation). - Une fois de plus, qui est

19 Franjo Nakic, s'il vous plaît ?

20 M. Baggesen (interprétation). - Il s'agit de l'adjoint de

21 M. Blaskic.

22 M. Cailey (interprétation). - C'est ainsi qu'il s'est présenté à vous ?

23 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.

24 M. Cailey (interprétation). - Je vous remercie. Vous alliez

25 parler de la mission de cette commission conjointe de Busovaca ?

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1 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

2 M. Cailey (interprétation). - Pourriez-vous nous expliquer quel

3 était le travail quotidien de cette commission ? Cela dit, une question :

4 est-ce que cette commission était un organe créé par l'ECMM ?

5 M. Baggesen (interprétation). - C'était le résultat d'un accord

6 conclu entre les diverses parties pour créer cette commission.

7 M. Cailey (interprétation). - Quand a-t-elle été créée ?

8 M. Baggesen (interprétation). - Au début de l'année 1993.

9 M. Cailey (interprétation). - Pouvez-vous expliquer au Tribunal

10 quel était le travail quotidien de cette commission ?

11 M. Baggesen (interprétation). - Notre travail quotidien consistait en ceci:

12 nous nous rencontrions le matin et, durant la réunion, nous discutions

13 des événements s'étant produits au cours des dernières vingt-quatre heures.

14 Puis, parfois, une des parties concernées avait des plaintes à formuler

15 concernant ce qu'avait fait l'autre partie. Nous en parlions. Beaucoup de

16 rumeurs circulaient ; il fallait que nous nous penchions sur ces rumeurs.

17 Généralement, ensuite, toutes les heures, nous nous divisions en équipes,

18 chaque équipe étant constituée d'un vérificateur de l'ECMM, d'un

19 représentant du HVO et d'un représentant de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

20 Ensuite, nous nous déplacions dans la région concernée pour mener une

21 enquête et savoir ce qui s'était produit. Nous consacrions énormément de

22 temps à savoir si les rumeurs qui circulaient été exactes ou non.

23 M. Cailey (interprétation). - En fait, vous essayiez d'établir

24 une réelle confiance entre les parties ; vous essayiez de rétablir la paix

25 en Bosnie, n'est-ce pas ?

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1 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.

2 M. Cailey (interprétation). - Vous avez dit que vous vous

3 déplaciez beaucoup avec les parties concernées. Etiez-vous libres de vous

4 déplacer où vous le souhaitiez avec les représentants du HVO et de l'armée

5 de Bosnie-Herzégovine ?

6 M. Baggesen (interprétation). - Généralement, oui. Parfois, c'était assez

7 difficile : il y avait beaucoup de points de contrôle dans la région.

8 Parfois, lorsque nous nous rendions dans une région en particulier, où l'on

9 nous avait dit qu'un événement s'était produit, nous arrivions à un point

10 de contrôle que nous n'étions pas autorisés à franchir.

11 M. Cailey (interprétation). - Comment réussissiez-vous à franchir cet

12 obstacle, ces postes de contrôle que vous n'étiez pas autorisés à franchir?

13 M. Baggesen (interprétation). - Nous allions à Vitez, là où

14 était le quartier général du colonel Blaskic. Un des représentants du HVO

15 avait un entretien avec lui pour obtenir un autorisation écrite pour

16 pouvoir franchir le poste de contrôle.

17 M. Cailey (interprétation). - Quel était ce représentant du HVO ?

18 M. Baggesen (interprétation). - Cela dépendait de qui se

19 trouvait dans l'équipe. Mais, par exemple, si c'était M. Nakic, cela ne

20 suffisait pas. Il fallait souvent qu'il y ait un ordre écrit du général

21 Blaskic lui-même.

22 M Cailey (interprétation). - Les avez-vous vus vous-même ces ordres écrits?

23 M. Baggesen (interprétation). - Oui, j'en ai vu un.

24 M. Cailey (interprétation). - Avez-vous vu par qui avait-il été signé ?

25 M. Baggesen (interprétation). - Oui, par le colonel Blaskic.

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1 M. Cailey (interprétation). - Quand vous aviez ces documents en votre

2 possession, était-il alors difficile de passer ces points de contrôle ?

3 M. Baggesen (interprétation). - Non.

4 M. Cailey (interprétation). - En allait-il de même pour franchir

5 les postes de contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

6 M. Baggesen (interprétation). - Que je sache, nous n'avons pas

7 eu de problème dans cette région-là. Nous avons eu des problèmes par la

8 suite, mais c'était au nord de Zenica : ce n'était pas dans la région où

9 opérait la commission conjointe.

10 M. Cailey (interprétation). - Vous n'avez donc pas vraiment eu

11 de problème en ce qui concerne le franchissement des postes de contrôle de

12 l'armée de Bosnie-Herzégovine, dans la région de Bosnie Centrale ?

13 M. Baggesen (interprétation). - Non, pas que je me souvienne.

14 M. Cailey (interprétation). - J'aimerais maintenant aborder la

15 question des communications militaires. Savez-vous qui avait le contrôle

16 des liaisons téléphoniques dans la région de Bosnie Centrale ? Voulez-vous

17 me donner, s'il vous plaît et si vous le pouvez, les noms des

18 municipalités concernées ?

19 M. Baggesen (interprétation). - Je peux apporter une réponse à

20 une partie de votre question : je sais que l'armée de Bosnie-Herzégovine

21 contrôlait les Télécommunications à Zenica.

22 M. Cailey (interprétation). - Quand vous dites les PTT, vous parlez bien sûr

23 des entreprises qui étaient chargées des communications téléphoniques ?

24 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

25 M. Cailey (interprétation). - Poursuivez, je vous prie.

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1 M. Baggesen (interprétation). - L’armée de Bosnie-Herzégovine

2 était responsable des PTT à Zanica. Et nous savions que le HVO était

3 responsable des PTT à Vitez, Travnik et Kiseljak.

4 M. Cailey (interprétation). - Et cela, comment le saviez- vous ?

5 M. Baggesen (interprétation). - Nous l'avons appris parce qu'à plusieurs

6 reprises, nous n'avons pas été capables d'établir le contact avec notre

7 correspondant de notre maison à Vitez. Un des interprètes nous a dit qu'il

8 était tout à fait habituel, lorsqu'il n'y avait pas d'opérateurs qui

9 pouvaient travailler aux PTT de Vitez, que la ligne soit fermée.

10 M. Cailey (interprétation). - Quand vous dites les lignes du

11 téléphone, vous parlez bien sûr des lignes téléphoniques ?

12 M. Baggesen (interprétation). - Oui, bien sûr.

13 M. Cailey (interprétation). - Pourquoi était-il nécessaire que

14 des opérateurs parlent anglais à l'entreprise de téléphone de Vitez ?

15 M. Baggesen (interprétation). - Il fallait absolument qu'ils

16 puissent comprendre notre conversation.

17 M. Cailey (interprétation). - Qui vous a dit cela ? Un de vos interprètes ?

18 M. Baggesen (interprétation). - Oui, un interprète croate.

19 M. Cailey (interprétation). - Avez-vous fait quoi que ce soit

20 après avoir appris cela ?

21 M. Baggesen (interprétation). - Nous avions déjà pris des mesures, car nous

22 n'avions pas le droit de discuter de sujets secrets au téléphone, mais

23 après cela nous avons fait plus attention à ce que nous faisions.

24 M. Cailey (interprétation). - Dans la région de Zenica, vous

25 avez dit que c'était l'armée de Bosnie-Herzégovine qui contrôlait les

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1 liaisons téléphoniques, est-ce exact ?

2 M. Baggesen (interprétation). - Oui, c'est exact.

3 M. Cailey (interprétation). - Avez-vous jamais eu de problèmes en ce qui

4 concerne les communications à l'intérieur de la municipalité de Zenica ?

5 M. Baggesen (interprétation). - Pas à l'intérieur de Zenica,

6 mais généralement, nous n'étions pas à même d’appeler à l'extérieur de

7 Zenica, parfois, nous n'étions pas vraiment capables d'établir une liaison

8 téléphonique avec l'extérieur de Zenica.

9 M. Cailey (interprétation). - Pourquoi cela ?

10 M. Baggesen (interprétation). - Parce que les lignes

11 téléphoniques entre Zenica et les autres régions étaient fermées.

12 M. Cailey (interprétation). - Par qui étaient-elles fermées ?

13 M. Baggesen (interprétation). - Je pense que c’était par le HVO.

14 M. Cailey (interprétation). - Vous avez déclaré que vous aviez

15 fait beaucoup de déplacements, que vous vous étiez rendu au quartier

16 général de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO, lors de votre séjour

17 en ex-Yougoslavie. Est-ce exact ?

18 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.

19 M. Cailey (interprétation). - Avez-vous fait des observations

20 concernant les communications militaires et l'équipement de communications

21 militaires qui se trouvait dans les quartiers-généraux ?

22 M. Baggesen (interprétation). - Nous l'avons fait, car nous

23 étions particulièrement conscients de cela. Ils nous ont dit qu'ils

24 n'avaient pas d’équipements radio.

25 M. Cailey (interprétation). - Qui vous a dit cela ?

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1 M. Baggesen (interprétation). - Les deux parties en présence.

2 Par conséquent, à chaque fois que nous nous rendions dans des quartiers

3 militaires, nous utilisions nos propres yeux pour voir s'il y avait

4 effectivement des équipements de communication dans la région.

5 M. Cailey (interprétation). - Nous parlons maintenant plus

6 précisément des quartiers généraux du HVO. Quel type d'équipements de

7 communication y avait-il en dehors des téléphones ? Qu'avez-vous aperçu

8 dans les quartiers généraux ?

9 M. Baggesen (interprétation). - Dans les quartiers généraux,

10 il y avait des machines, des fax et, dans certains états-majors, nous

11 avons été à même de voir des équipements de radio. Mais je ne me rappelle

12 pas toujours. Nous avons vu un équipement de télécommunication radio dans

13 un certain nombre de baraquements, mais, dans certains autres baraquements,

14 nous avons vu aussi des antennes. Quand nous voyions ces antennes, nous en

15 tirions la conclusion qu'il y avait un équipement radio dans la région.

16 M. Cailey (interprétation). - Vous avez déjà dit que, sur les

17 deux côtés, vous n’aviez pas d'informations concernant leurs équipements

18 de commuunication et on comprend cela, car il s’agit de forces militaires.

19 Quant au HVO, vous ont-ils jamais caché le fait qu'ils avaient des

20 équipements de communication ?

21 M. Baggesen (interprétation). - Ils ont essayé de nous le

22 cacher. Ils essayaient de ne pas nous montrer qu'ils avaient cet

23 équipement de communication.

24 M. Cailey (interprétation). - Maintenant, nous parlons de

25 l’hôtel Vitez qui se trouvait à Vitez. Combien de fois vous êtes-vous

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1 rendu dans cet établissement ?

2 M. Baggesen (interprétation). - Je ne m'en souviens pas

3 exactement, mais je m’y suis rendu un certain nombre de fois.

4 M. Cailey (interprétation). - Vous savez où il se trouve ?

5 M. Baggesen (interprétation). - Oui.

6 M. Cailey (interprétation). - Y avez-vous vu une antenne ?

7 M. Baggesen (interprétation). - Oui, j'ai vu des antennes dans

8 cette partie de la ville, mais je n'ai pas vraiment vu d'équipement radio.

9 Un jour, je regardais à travers une porte ouverte, à l'intérieur de la

10 pièce ; j'ai vu un homme qui avait un micro. Je pense qu'il parlait dans

11 une radio, qu'il émettait avec une radio.

12 M. Cailey (interprétation). - Vous êtes un militaire de

13 carrière et, par conséquent, quel type de conclusions avez-vous tiré en

14 voyant le réseau de communication du HVO ?

15 M. Baggesen (interprétation). - D'après moi, en me fondant sur

16 mon expérience, je peux dire que leur équipement de radio était tel qu'ils

17 pouvaient tout à fait avoir des communications régulières avec leur

18 commandement.

19 M. Cailey (interprétation). - Avez-vous des exemples que vous puissiez nous

20 donner concernant le fonctionnement de ce réseau de communications ?

21 M. Baggesen (interprétation). - Oui, une fois, je me suis

22 rendu dans le quartier général de guerre du HVO qui se trouvait près du

23 front de l'armée des Serbes de Bosnie et j'ai vu comment cela

24 fonctionnait. Cela se trouvait au nord de Travnik.

25 M. Cailey (interprétation). - Qu'est-ce qui vous a fait penser

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1 que ce réseau de communications fonctionnait ?

2 M. Baggesen (interprétation). - Parce que j'étais capable de

3 voir l'opérateur qui s’occupait de l'équipement radio et j’étais à même

4 d'écouter sa conversation, conversation qu'il entretenait avec un certain

5 nombre de postes, de stations de radio.

6 M. Cailey (interprétation). - Pouvez-vous nous donner des exemples de

7 visites que vous auriez rendues ? Savez-vous aussi si, lors de vos

8 déplacements, on savait que vous arriviez grâce à des liaisons

9 établies par radio ?

10 M. Baggesen (interprétation). - Oui, généralement. Quand nous

11 arrivions dans une région, notamment quand nous avions dû nous rendre à

12 Vitez pour avoir une autorisation écrite du colonel Blaskic et, quand nous

13 arrivions, nous nous apercevions que les gens savaient que nous arrivions.

14 M. Cailey (interprétation). - Est-ce que c'était la seule façon pour ces

15 personnes d'apprendre que vous arriviez, par l'utilisation de liaisons

16 radio ?

17 M. Baggesen (interprétation). - C’est exact, par téléphone et par radio.

18 M. Cailey (interprétation). - Je demande si c’est le moment de faire la

19 pause.

20 M. le Président. - Je peux vous dire que vous allez très vite

21 dans vos questions. D’abord, j'ai peur que le témoin ait de la difficulté

22 à répondre et, surtout, les interprètes ont quelques difficultés. Donc,

23 demain matin, si vous pouviez aller plus lentement, ce serait bien.

24 M. Cailey (interprétation). - C'est promis, Monsieur le Président.

25 L'audience est levée à 17 heures 30.