Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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5 Vendredi 26 septembre 1997

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9 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

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12 M. le Président. - L’audience est ouverte. Faites entrer

13 l’accusé.

14 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

15 Monsieur le Procureur, bonjour. Tout le monde m'entend ?

16 Monsieur Blaskic, m'entend ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

18 Je vous entends parfaitement.

19 M. le Président. - Nous allons donc reprendre l'audition du

20 Dr Zeco qui ne bénéficie pas de mesures de protection particulières. Nous

21 pouvons le faire entrer et commencer l'interrogatoire puisque nous

22 n'avions fait que la partie préliminaire.

23 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

24 Bonjour, Messieurs les Juges. Je salue également mes collègues du banc de

25 la défense.

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1 (Le témoin, M. Zeco, est introduit dans la salle d'audience.)

2 M. le Président. - Bonjour, Docteur. Vous m'entendez ?

3 M. Zeco (interprétation). - Bonjour. Je vous entends fort bien.

4 M. le Président. - Donc, vous êtes sous serment. Vous êtes

5 reposé et en bonne forme ?

6 M. Zeco (interprétation). - Oui, je me sens tout à fait bien. Je

7 vous remercie, j'ai bien dormi, tout va bien.

8 M. le Président. - Allez-y, Maître Harmon.

9 M. Zeco (interprétation). - Excusez-moi, je n'entends pas très

10 bien l'interprétation. Est-ce que on peut me donner un peu plus de volume,

11 s'il vous plaît ? Juste un peu plus fort, s'il vous plaît. A présent, tout

12 va bien.

13 (Intervention technique.)

14 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur Zeco.

15 M. Zeco (interprétation). - Bonjour.

16 M. Harmon (interprétation). - Hier, lorsque nous avons terminé

17 la première partie de votre déclaration, vous acheviez de nous raconter

18 votre histoire, votre arrivée dans la municipalité de Vitez et votre

19 installation.

20 Je voudrais maintenant que vous décriviez les conditions qui

21 régnaient dans la municipalité de Vitez avant le début du conflit,

22 notamment les rapports entre les différents groupes ethniques.

23 M. Zeco (interprétation). - Je me suis déplacé dans l'ensemble

24 de la région de la vallée de la Lasva et dans la municipalité de Vitez. La

25 vie était extrêmement agréable, je dirais même que la vie était

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1 paradisiaque. Les différents groupes ethniques vivaient réellement

2 ensemble. La vie était extraordinaire dans cette région de la vallée de la

3 Lasva et notamment sur le territoire de la municipalité de Vitez.

4 M. Harmon (interprétation). - Donc, les rapports entre les

5 groupes ethniques étaient tout à fait harmonieux. C'est ce que vous êtes

6 en train de dire, Monsieur Zeco ?

7 M. Zeco (interprétation). - Absolument. Les rapports inter-

8 ethniques étaient tels qu'il n’existait aucune distinction entre les

9 voisins croates, serbes ou musulmans. Moi-même, qui me suis beaucoup

10 déplacé au sein de cette région, j'étais le bienvenu partout où j'allais.

11 J’avais la sensation d’être considéré comme un invité de marque.

12 M. Harmon (interprétation). - Les rapports entre les Musulmans

13 et les Croates ont-ils subitement commencé à changer ?

14 M. Zeco (interprétation). - Après les élections de 1991, les

15 rapports ont commencé, d’une certaine façon, à changer. Des changements

16 ont effectivement eu lieu dans les rapports issus du système d’Etat

17 précédent et dans celui de l'époque présente.

18 Au fur et à mesure que le temps passait, les rapports n'ont

19 cessé de se détériorer. Ils sont devenus de plus en plus complexes, puis,

20 par la suite, franchement difficiles pour enfin complètement se

21 désintégrer.

22 M. Harmon (interprétation). - Le HVO s'est-il emparé ou a-t-il

23 pris le contrôle de la municipalité de Vitez ?

24 M. Zeco (interprétation). - Oui, absolument. Début 1992, lors de

25 l'agression des Chetniks serbes contre la Bosnie-Herzégovine, et c'était

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1 juste à côté de la région de la vallée de la Lasva, à ce moment-là les

2 rapports étaient déjà très difficiles avec les Serbes. Le HDZ était déjà

3 très engagé politiquement, très actif. Par la suite, lorsque le HVO, en

4 tant qu’élément militaire, a été créé, la situation est devenue

5 extrêmement compliquée. Des problèmes critiques ont commencé à se poser

6 dans la municipalité de Vitez.

7 M. Harmon (interprétation). - Après que le HVO ait pris le

8 contrôle de la municipalité de Vitez, la vie est-elle devenue plus

9 difficile pour les Musulmans ?

10 M. Zeco (interprétation). - Oui. Absolument. Les Musulmans qui

11 vivaient sur le territoire de la municipalité de Vitez, et notamment ceux

12 qui travaillaient dans les transmissions, dans les communications et qui

13 étaient au courant de tout ce qui se passait, étaient la cible de

14 certaines menaces physiques de la part des membres du HVO. Ils ont été

15 l'objet d'agressions physiques. On leur a pris de l'argent ; certains

16 objets leur ont été pris, dont leurs autos. Ils étaient vraiment sous leur

17 contrôle. Telle était la situation des Musulmans sur le territoire de la

18 municipalité de Vitez.

19 M. Harmon (interprétation). - Les Musulmans de la municipalité

20 de Vitez, suite à ce que vous venez de nous décrire, ont mis en place un

21 organisme de coordination pour la protection des Musulmans, n'est-ce pas ?

22 M. Zeco (interprétation). - En effet. C'était précisément le

23 point que j'allais aborder. Dans la région de Rijeka, où nous habitions,

24 les Croates et les Musulmans vivaient ensemble. Moi, j'avais de bons

25 rapports avec mes voisins, du moins avec certaines des notables de la

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1 région de Rijeka, qu'ils soient Croates ou Musulmans, et je leur ai

2 demandé que nous nous rencontrions. Ils ont accepté. Il s'agissait

3 vraiment des notables de la région.

4 Nous nous sommes mis d'accord pour nous retrouver chez moi, au

5 poste vétérinaire. Il y avait une quinzaine de personnes. Peut-être que

6 les Croates étaient un peu plus nombreux que les Musulmans. C'étaient des

7 intellectuels. Nous avons soulevé la question suivante : que se passait-il

8 et que pouvions-nous faire ?

9 Quel devait être notre comportement face à une telle situation ?

10 Cependant, nous n'avons pas pu apporter une réponse précise à toutes ces

11 questions, car, à ce moment précis, ce sont les Croates —qui étaient mes

12 amis— qui ont dit qu'ils allaient voir ce qu'il allait advenir. Mais ils

13 ne se pouvaient pas dire quoi que ce soit de plus précis. Ils espéraient

14 que tout finirait par s'arranger.

15 Mais cela n'a abouti à rien du tout. La situation n'a fait que

16 se détériorer et, par la suite, une invitation a été lancée. Le parti de

17 l'Action démocratique a demandé au peuple musulman, à tous les Musulmans

18 respectés de la région, à tous les notables musulmans de la municipalité

19 de Vitez, d'assister à une réunion et d'essayer de voir ensemble ce qui

20 pouvait être fait, quelle que soit leur appartenance idéologique.

21 Cela s'est produit vers la mi-1992. Moi-même, j'ai répondu à

22 cette invitation ; je l'ai fait. Les problèmes ont été exposés, on a parlé

23 de la situation générale qui prévalait et un organe civique a été créé

24 lors cette réunion. Il était chargé d'une mission relativement précise ;

25 on l'a appelé Organisme de coordination pour la protection du peuple

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1 musulman. Moi-même, j'ai été élu comme membre de cet organisme.

2 M. Harmon (interprétation). - Quel a été votre rôle au sein de

3 cet organisme de coordination, Docteur Zeco ?

4 M. Zeco (interprétation). - Pour ce qui me concerne, j'avais des

5 tâches très précises. Tout le temps durant lequel je suis resté dans la

6 municipalité de Vitez en tant que directeur du poste vétérinaire, dès le

7 départ et pendant toute cette période de temps, j'étais membre du

8 personnel de défense civile municipale. J'étais chargé de suivre

9 l'évolution du bétail ; j'avais donc un certain nombre de missions à

10 effectuer au sein de cet organisme de coordination, notamment pour ce qui

11 était de l'agriculture.

12 Je devais résoudre les questions qui se posaient dans le cadre

13 de l'agriculture et dans le cadre de l'élevage de bétail ; j'étais

14 également chargé des problèmes de la défense civile. Voilà les tâches qui

15 m'étaient assignées dans le cadre de cet Organisme de coordination pour la

16 protection des Musulmans.

17 M. Harmon (interprétation). - Vous avez déclaré que vous étiez

18 chargé des questions agricoles. Mais quels étaient les problèmes que vous

19 essayiez de résoudre dans ce cadre ?

20 M. Zeco (interprétation). - Malgré tous les problèmes qui

21 surgissaient, dans les structures gouvernementales, quant au

22 fonctionnement de certains services, la vie continuait ; malgré tous ces

23 problèmes, il fallait continuer à vivre.

24 Dans la région de la municipalité de Vitez, donc dans la région

25 de la vallée de la Lasva, l'agriculture était l'activité-clé. Le printemps

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1 arrivait et il fallait absolument apporter une solution à tous les

2 problèmes agricoles. Moi, je prenais une grande part à la gestion de ces

3 problèmes.

4 Déjà, il y avait une certaine division du pouvoir. Tout le monde

5 sait bien qu'un gouvernement croate a été créé dans cette région, le

6 gouvernement du HVO, c'est-à-dire la communauté croate d'Herzeg-Bosna. Un

7 organisme de coordination pour la protection des Musulmans a été mis en

8 place, et cet organisme essayait de fonctionner et de faire en sorte que

9 la vie puisse continuer sans trop de problèmes. Puis, par la suite, une

10 présidence de la municipalité de Vitez a été mise en place, mais les

11 activités agricoles devaient continuer.

12 En ce qui me concerne, je prenais part à différentes commissions

13 qui s'occupaient de ces problèmes, à la fois dans le cadre du comité de

14 coordination et également dans le cadre du HVO. En effet, des commissions

15 conjointes devaient être créées pour les récoltes et les plantations de

16 printemps et d'automne. Cette commission conjointe devait agir à une

17 échelle plus importante, en liaison avec la Chambre de commerce. Je

18 participais donc à toutes ces activités.

19 L'organisme de coordination et, par la suite, la présidence de

20 guerre m'a chargé personnellement d'un certain nombre de choses, m'a donné

21 des instructions spécifiques. Il fallait que je fasse bien attention à la

22 répartition, par exemple, des semences. Il ne fallait pas que les Croates

23 soient lésés de quelque façon que ce soit. Il fallait que les semences

24 soient distribuées de façon équitable entre chacun. Tous ceux d'entre nous

25 qui ont pris part à ces missions ont essayé de travailler au meilleur de

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1 leurs possibilités.

2 M. Harmon (interprétation). - Dans le cadre de vos activités de

3 cette organisation, avez-vous pris part à des activités qui réunissaient

4 les bouchers et les éleveurs de bétail ? Si vous en êtes conscient, y

5 avait-il des problèmes et pouvez-vous nous les expliquer ?

6 M. Zeco (interprétation). - Oui. En une occasion, j'ai été

7 confronté à un problème extrêmement sérieux. Dans Vitez même -et c'était

8 caractéristique de cette ville-, il y avait 14 ou 15 bouchers qui étaient

9 propriétaires de leur propre commerce.

10 Peut-être pourrais-je informer ce Tribunal éminent du fait que

11 Vitez était une région de transit entre les régions rurales et urbanisées,

12 entre des villes comme Banja Luka et Sarajevo. Beaucoup de viande et de

13 produits dérivés de la viande passaient donc par Vitez. Le commerce de la

14 viande y était donc extrêmement prospère. Il y avait 14 ou 15 boucheries

15 individuelles. Ces bouchers achetaient leurs têtes de bétail à Busovaca, à

16 Travnik ou Bogojno et, une fois, ils se sont rendus également au marché de

17 Busovaca, et toutes les têtes de bétail qu'ils ont achetées au marché,

18 leur ont été prises par les soldats du HVO, donc par la police militaire.

19 Ces bouchers sont venus me voir, ils ont fait part de leurs

20 doléances. Moi, j'étais chargé de l'inspection vétérinaire également. Ils

21 m'ont demandé de les aider à trouver une solution à ce problème parce

22 qu'ils avaient acheté un certain nombre de têtes de bétail à ce moment-là.

23 Je me suis rendu à la municipalité. C'était en fait le

24 gouvernement du HVO à ce moment-là. Je leur ai tout raconté et ils m'ont

25 dit : "On va s'occuper de cela."

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1 Je sais que quelques jours plus tard -il y a toujours un marché

2 le samedi à Busovaca- quelques-uns des bouchers ont reçu l'information

3 selon laquelle ils devaient se rendre à Busovaca et prendre leur bétail.

4 Ils s'y sont rendus, mais aucun d'entre eux n'a obtenu toutes ses têtes de

5 bétail. Quelques bêtes, peut-être. Ils ont peut-être eu leurs boeufs mais,

6 en tout cas, certainement pas leurs brebis ou d'autres types de bétail.

7 Ils n'ont pas tout obtenu. Voilà le rôle que j'ai pu jouer dans cette

8 affaire.

9 Tout cela, je l'ai fait dans le cadre de mes responsabilités,

10 dans le cadre de l'organisme de coordination.

11 M. Harmon (interprétation). - Tous ces bouchers étaient-ils des

12 bouchers musulmans ?

13 M. Zeco (interprétation). - Je ne vous ai pas compris.

14 M. Harmon (interprétation). - Ces bouchers au nom desquels vous

15 interveniez, étaient-ils tous des bouchers musulmans ?

16 M. Zeco (interprétation). - Oui. Ils étaient tous Musulmans. Je

17 dois préciser que lorsque je leur ai posé la question, ils m'ont dit qu'il

18 y avait quelques Croates également qui s'étaient vu saisir leurs têtes de

19 bétail et qui, par la suite, s'étaient rendus aux casernes militaires de

20 Kacuni.

21 Par la suite, j'ai découvert que ces Croates -en tout cas, c'est

22 ce que m'ont dit les bouchers musulmans, s'étaient beaucoup mieux tirés de

23 l'affaire et que certains d'entre eux avaient même pu faire des bénéfices.

24 Voilà ce que je sais de la question et c'est ce que l'on m’a dit

25 à l'époque.

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1 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, ces têtes de bétail

2 qu'avaient achetées les bouchers musulmans, où ont-elles été emmenées ?

3 M. Zeco (interprétation). - Elles ont été emmenées sur la base

4 de l'armée qui se trouvait à Kacuni. Ces têtes de bétail ont été confiées

5 à l'armée qui se trouvait là. Ce sont les boucher qui me l'ont dit car par

6 la suite, ils se sont rendus à Kacuni, où se trouvaient les casernes

7 militaires. Il s'agissait donc bien, comme ils me l'ont dit, de casernes

8 militaires.

9 M. Harmon (interprétation). - Un peu plus tard, Monsieur Zeco,

10 n'êtes-vous pas devenu un membre de la présidence de guerre ? Si oui,

11 pouvez-vous nous dire brièvement quel était votre rôle au sein de cette

12 présidence de guerre ?

13 M. Zeco (interprétation). - Oui. En janvier 1993, lorsque la

14 présidence de guerre a été mise sur pied, j'ai été nommé membre de la

15 présidence de guerre, commandant du personnel de la défense civile pour la

16 municipalité de Vitez. Je suis resté à ce poste jusqu'au 10 octobre 1995.

17 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, avez-vous servi dans

18 les rangs de la JNA ?

19 M. Zeco (interprétation). - J'ai servi dans les rangs de la JNA.

20 Mais ensuite, j’ai été démobilisé en 1953. Juste après avoir été

21 démobilisé, je suis allé à l'université pour étudier la médecine

22 vétérinaire. Par la suite, j'ai reçu mon diplôme et je suis devenu

23 vétérinaire. Après cela, je n'ai plus jamais eu quoi que ce soit à voir

24 avec l'armée.

25 M. Harmon (interprétation). - Vous ne faisiez pas partie de la

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1 défense territoriale de Vitez ?

2 M. Zeco (interprétation). - Non. Je n'étais pas membre de la

3 défense territoriale de la municipalité de Vitez. En revanche, j'étais

4 membre du personnel municipal chargé de la défense et de la protection

5 civile. Un certain nombre de séminaires étaient organisés, des sessions de

6 formation pour ce qui est de la protection civile. Toutes les activités

7 qui touchaient à la protection civile, que ce soit des sessions de

8 formation sur la guerre atomique, biologique ou autres. J'ai appris

9 beaucoup de choses sur ces différentes questions. J'ai participé à ces

10 séminaires. A cette époque, dans toute la Yougoslavie, même à Belgrade,

11 des séminaires de ce type étaient organisés.

12 Je me suis rendu moi-même à ces séminaires à Belgrade. Je

13 voulais prendre part à toutes ces activités qui pouvaient aider les

14 personnes qui en avaient besoin.

15 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous viviez dans la

16 municipalité de Vitez, avez-vous connu Anto Valenta ?

17 M. Zeco (interprétation). - Oui. J'ai souvent eu l'occasion de

18 le rencontrer. Nous n'étions pas très proches, mais nous nous saluions

19 tous les deux. Nous échangions quelques mots lorsque nous nous

20 rencontrions. Nous avons parfois même discuté de certains types de sujets.

21 D’ailleurs, si cet éminent Tribunal souhaite avoir davantage

22 d'informations, peut-être devrais-je ajouter qu'il savait que je

23 participais à différentes activités politiques. Donc il me présentait

24 certaines opinions, il me posait certaines questions et nous entrions dans

25 un débat.

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1 A un moment donné, en particulier, alors que nous étions dans le

2 bureau de la municipalité dans lequel ma femme travaillait -elle étudiait

3 les problèmes de géométrie-, j'ai rencontré souvent M. Valenta là-bas,

4 parce qu'il avait souvent besoin de cartes.

5 Lorsqu'il était là, nous commencions à discuter de certaines

6 choses concernant ces cartes. Il cherchait différents endroits sur ces

7 cartes et il disait qu'il était bon éventuellement d'avoir des Musulmans

8 dans une zone, des Croates dans une autre et les Serbes dans une autre

9 zone.

10 A un moment donné, cela m’a semblé vraiment exagéré. Il m'avait

11 pourtant dit que c'était une chose qui devait être faite. Il ajoutait

12 toutefois tout le temps que cela devait être fait de façon humaine. Mais

13 je ne comprenais pas bien ce qu'il voulait dire, quelle était cette

14 manière humaine de déplacer et de replacer les gens dans d'autres zones,

15 de les faire partir d'une zone où ils habitaient et les emmener dans une

16 autre zone où il ne voulait pas vivre. Donc j'ai pu discuter à plusieurs

17 reprises avec Anto Valenta.

18 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu la possibilité de

19 voir ces différentes personnes à la télévision : Anto Valenta, M. Kordic,

20 Tihomir Blaskic, M. Kostroman ?

21 Les avez-vous vu à la télévision lorsque vous étiez à la

22 municipalité Vitez, avant le 16 avril 1993 ?

23 M. Zeco (interprétation). - Oui. Au cours de 1992, ou plutôt en

24 1991, 1992 et 1993, les chaînes de télévisions locales ont été mises en

25 place par le HVO local, ou plutôt par le HDZ, le Parti démocratique

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1 croate, qui est devenu ensuite la communauté croate de Herceg-Bosna. Il y

2 avait une chaîne radio locale et une chaîne de télévision à Busovaca, à

3 Kiseljak et également à Vitez.

4 A la télévision de Vitez, on les voyait sans arrêt. Il

5 s'agissait je le répète d'une chaîne locale de télévision. Il n'y avait

6 que des personnes croates qui y travaillaient, des rédacteurs croates. Il

7 s'agissait de leur moyen de communication qui émettait dans toute la zone.

8 De 1992 au 16 avril 1993, date bien triste, ces médias ont

9 entamé une grande campagne dans toute la zone. Comme l'a dit Monsieur le

10 Procureur, on voyait très souvent M. Tihomir Blaskic, Dario Kordic, Anto

11 Valenta, Kostroman et d'autres personnes à la télévision.

12 M. Harmon (interprétation). - Comment était présenté M. Tihomir

13 Blaskic ? Pourriez-vous le décrire lorsque vous le voyiez à la

14 télévision ? Comment était-il présenté ?

15 M. Zeco (interprétation). - Monsieur Blaskic portait toujours

16 son uniforme. Il était commandant, je crois, des unités de Bosnie

17 centrale, dans la région de la Bosnie centrale, donc il portait toujours

18 l'uniforme. C'est ainsi qu'on le voyait à l'écran.

19 M. Harmon (interprétation). - Vous avez mentionné Dario Kordic.

20 Quel type d'opinion émettait-il lorsqu'il apparaissait à la télévision ?

21 M. Zeco (interprétation). - Dario Kordic n'était qu'un homme

22 politique et il n'avait que des opinions politiques. Il se présentait

23 comme représentant du peuple croate. Très fréquemment, il s'en est pris

24 aux autorités officielles de Bosnie-Herzégovine. Et très fréquemment, il

25 critiquait certaines actions de M. Izetbegovic, Président de Bosnie-

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1 Herzégovine. Il disait que tous les dirigeants qui représentaient la

2 population musulmane faisaient mal les choses, qu'ils ne travaillaient pas

3 dans l'intérêt de la population musulmane, qu'à plus ou moins long terme,

4 cela allait retomber sur cette population, qu'ils auraient dû s'allier au

5 peuple croate, qu'ils devraient se soumettre à l'autorité croate et

6 qu'alors cela serait mieux pour eux.

7 A plusieurs reprises, il a également proféré des menaces. Je me

8 rappelle d'ailleurs une déclaration qu'il a faite sur cet chaîne locale de

9 télévision. Il a dit "que, si les Musulmans ne faisaient pas cela, ils

10 disparaîtraient littéralement de cette région". J'étais sidéré, lorsque

11 j'ai entendu cette déclaration. Parce que je connaissais très bien la

12 famille de Kordic, son père notamment qui était également vétérinaire ;

13 c'était donc un de mes collègues. Et je connais aussi sa mère. Nous étions

14 très proches, de très bons amis. Nous nous sommes même rendu visite

15 mutuellement, à plusieurs reprises, lorsque je travaillais à la

16 municipalité de Vitez. Donc je leur rendais visite. Je le remplaçais même

17 parfois lorsqu'il partait en vacances, par exemple. Il était vétérinaire

18 dans la municipalité de Busovaca et c'est moi qui le remplaçais lorsqu'il

19 partait.

20 M. Harmon (interprétation). - Vous rappelez-vous à peu près la

21 date de la déclaration de M. Kordic, selon laquelle les Musulmans devaient

22 disparaître ?

23 M. Zeco (interprétation). - Je crois que c'était à peu près dans

24 la deuxième moitié de 1992. Peut-être en septembre.

25 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais maintenant me

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1 concentrer sur Tihomir Blaskic. Quel type de déclarations faisait

2 M. Blaskic et quels sujets abordait-il ?

3 M. Zeco (interprétation). - Tihomir Blaskic, pour autant que je

4 m'en souvienne, a également dit ou mentionné que le peuple croate devait

5 s'armer, avoir une puissance militaire afin d'être préparé à se défendre,

6 afin de lutter pour leurs droits si c'était nécessaire et d'utiliser une

7 force militaire pour cela.

8 M. Harmon (interprétation). - A-t-il fait d'autres remarques sur

9 des territoires croates ou sur les buts des Croates ?

10 M. Zeco (interprétation). - En fait, c'étaient des sujets

11 militaires et je n'ai pas véritablement concentré mon attention sur ce

12 qu'il disait, mais il a effectivement souligné la nécessité d'armer le

13 peuple croate, de se défendre, la nécessité d'une organisation militaire.

14 C'était à peu près tout ce qu'il disait dans ses déclarations. Mais je

15 répète que je n'étais pas très intéressé par les sujets militaires. Je

16 n'ai donc pas véritablement écouté avec grande attention ce qu'il disait.

17 Mais il a demandé au peuple croate de s'organiser afin qu'il puisse

18 défendre et faire valoir leurs droits historiques, si c'était nécessaire,

19 peut-être même en utilisant des moyens militaires.

20 M. Harmon (interprétation). - Quel type de déclarations a faites

21 Anto Valenta ? Vous en souvenez-vous ? Bien sûr, à la télévision.

22 M. Zeco (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

23 M. Anto Valenta a proféré des menaces envers les Musulmans, la population

24 musulmane et il a également fait des comparaisons. Il a dit que la

25 population croate était armée alors que la population musulmane ne l'était

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1 pas. Il a également dit qu'ils avaient leur propre armée, qu'ils pouvaient

2 se sentir en sécurité et qu'ils devraient se placer sous le contrôle du

3 HVO ou être placés.

4 M. Harmon (interprétation). - A-t-il fait des déclarations

5 publiques sur l'incapacité des Musulmans et des Croates à vivre ensemble ?

6 M. Zeco (interprétation). - Oui, il l'a fait. A plusieurs

7 reprises, il a dit qu'il serait bon de créer des zones réservées -et

8 différentes bien entendu- aux Musulmans, aux Serbes et au Croates. Pour

9 lui, c’était la meilleure solution et le fil conducteur de ses

10 déclarations.

11 M. Harmon (interprétation). - Enfin, dernière personne,

12 M. Kostroman. Quel type de déclaration faisait-il ?

13 M. Zeco (interprétation). - Monsieur Kostroman disait des choses

14 tout à fait similaires à celles d’Anto Valenta. Ils abordaient les mêmes

15 sujets.

16 M. Harmon (interprétation). - Vous souvenez-vous de la fréquence

17 et du nombre de fois où vous avez vu ces différentes personnes à la

18 télévision ? Etait-ce une fois par semaine ? Etait-ce plus ou moins

19 fréquemment ?

20 M. Zeco (interprétation). - C'était très fréquent. Ces émissions

21 télévisées passaient tous les jours. On les voyait très souvent à la

22 télévision. On pouvait voir toutes ces personnes au moins une fois par

23 semaine à la télévision.

24 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, je vous demande

25 maintenant de vous concentrer sur une personne qui s'appelle

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1 Darko Kraljevic. Vous le connaissiez, n’est-ce pas ? Comment l'avez-vous

2 connu et comment avez-vous connu sa famille ?

3 M. Zeco (interprétation). - J’ai connu Darko Kraljevic quand il

4 était enfant. Il a grandi avec mes enfants. Je l'ai connu dès son plus

5 jeune âge, je l'ai vu grandir. Je connaissais très bien sa famille, nous

6 étions voisins. Son père était directeur du comité forestier. Nous vivions

7 très proche les uns des autres.

8 Nous nous rencontrions dans des réunions officielles, puisque

9 nous gérions tous les deux les problèmes touchant à l'exploitation

10 forestière et à l'agriculture. La mère de Darko était une collègue de ma

11 femme, puisqu'elle travaillait au bureau du cadastre. J’ai maintes fois

12 accompagné Darko et son frère, avec ma voiture. Nos enfants se voyaient

13 souvent. Nos femmes se rencontraient également. Donc, en fait, nous étions

14 des amis à Vitez.

15 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

16 attirer votre attention sur la pièce 103. La Chambre se concentrera sur

17 cette pièce, en même temps que le témoin, si vous le voulez bien.

18 M. le Président. - Monsieur le Greffier, qu’est-ce que la

19 pièce 103 ? Vous l’avez ? C'est une carte, un plan ? Elle est déjà

20 identifiée, je suppose. Très bien.

21 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, s'il vous plaît,

22 voulez-vous regardez la pièce 103. Je vais m'approcher de vous et vous

23 poser quelques questions sur cette carte. Je vous prie de vous approcher

24 de la pièce 103, Docteur Zeco.

25 Hier, vous nous avez montré l'emplacement du poste vétérinaire

Page 2768

1 et de votre propre maison. Pourriez-vous maintenant nous montrer, à l'aide

2 du pointeur, l'emplacement de la maison du Dr Kraljevic ?

3 M. Zeco (interprétation). - Darko Kraljevic vivait ici ; à

4 l'emplacement indiqué par la flèche, au n° 3.

5 M. le Président. - Excusez-moi, il n'y a pas de traduction ?

6 M. Harmon (interprétation). - Il n'y a pas d'interprétation

7 provenant de la cabine anglaise.

8 Monsieur Zeco, pourriez-vous dire quelque chose, s'il vous

9 plaît ?

10 M. Zeco (interprétation). - Je viens juste de montrer

11 l’emplacement.

12 M. Harmon (interprétation). - D’accord. Excusez-moi, je suis

13 désolé.

14 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, vous avez dit que le

15 n° 3 est le bâtiment où vivait Darko Kraljevic ?

16 M. Zeco (interprétation). - Oui. Il habitait là avec sa femme et

17 un enfant qu'ils avaient eu. C'est effectivement là qu'ils habitaient, à

18 l'endroit indiqué par la flèche.

19 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous maintenant nous

20 montrer la maison des parents de Darko Kraljevic ?

21 M. Zeco (interprétation). - Il s'agit du n° 4. La flèche indique

22 très précisément l'emplacement de ce bâtiment. Ce bâtiment appartenait aux

23 parents de Darko Kraljevic ; je m'y suis rendu fréquemment.

24 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer le bureau

25 du comité forestier et nous dire si cela se trouve dans la zone de

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1 Rijeka ? A quel endroit de la zone de Rijeka cela se situe-t-il ?

2 M. Zeco (interprétation). - C'est le n° 1 : la flèche montre

3 précisément le bâtiment du comité forestier. Très fréquemment, des unités

4 du HVO et des unités militaires s'y trouvaient. En fait, ils ont occupé ce

5 bâtiment.

6 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, vous avez dit qu'il

7 s'agissait du n° 1. Et hier, vous nous avez dit que le n° 1 se référait au

8 poste vétérinaire. Pourriez-vous regarder plus attentivement la carte et

9 nous dire où se trouvait le bâtiment du comité forestier ?.

10 M. Zeco (interprétation). - Il s'agit du n° 5, excusez-moi. Le

11 n° 5 est le bâtiment du comité forestier. Je ne sais pas si on m'a

12 entendu ? Donc je répète qu'il s'agit du n° 5. Veuillez m'excuser.

13 M. Harmon (interprétation). - Parce qu'en fait, le n° 5, c'est

14 le bâtiment du comité forestier et le n° 1, c'est le poste vétérinaire,

15 n'est-ce pas ?.

16 M. Zeco (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - Pour finir, voudriez-vous montrer

18 sur cette carte l'emplacement de l'hôtel Vitez ?

19 M. Zeco (interprétation). - L'hôtel Vitez se trouve au n° 6. La

20 flèche pointe directement vers le bâtiment qui abritait l'hôtel Vitez.

21 M. Harmon (interprétation). - Merci, Docteur Zeco. Vous pouvez

22 vous rasseoir.

23 Docteur Zeco, est-ce que Darko Kraljevic faisait partie du HVO ?

24 M. Zeco (interprétation). - Oui. Darko Kraljevic a d'abord été

25 membre du HOS et portait l'insigne du HOS, au début de sa carrière

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1 militaire, si je puis dire. Par la suite, je crois que c'était à la mi-

2 1992, les unités du HOS ont été absorbées au sein des unités du HVO. Il

3 est donc devenu membre des unités du HVO. On les connaissait sous le nom

4 des "Chevaliers noirs".

5 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu Darko Kraljevic

6 portant l'uniforme et à quelle occasion ?

7 M. Zeco (interprétation). - Oui. Je me souviens même l'avoir vu

8 à la télévision. Dans cette émission, on voyait, d'une façon un peu

9 pompeuse, comment les unités du HOS avaient été absorbées par le HVO. Tout

10 le monde était mis en lignes ; il y avait une cérémonie de transition du

11 HOS vers le HVO, en quelque sorte. Ensuite, on a appelé ses membres les

12 "Chevaliers noirs".

13 M. Harmon (interprétation). - Je regarde le compte rendu de ce

14 que vous avez dit : l'interprétation dit que vous avez vu une émission

15 télévisée qui montrait d'une façon assez pompeuse comment les unités du

16 HVO avaient été absorbées par le HVO. Voulez-vous plutôt dire que

17 c'étaient les unités du HOS qui avait été absorbées par les unités du

18 HVO ?

19 M. Zeco (interprétation). - Oui. Bien sûr : les unités du HOS

20 sont ensuite devenues les unités du HVO. C'est ce que montrait l'émission

21 télévisée.

22 M. Harmon (interprétation). - Ces "Chevaliers noirs" étaient-ils

23 également connus sous le nom de Vitezovi ?

24 M. Zeco (interprétation). - Oui.

25 M. Harmon (interprétation). - Quel rôle Darko Kraljevic a-t-il

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1 joué au sein des Vitezovi ? Si vous le savez ?

2 M. Zeco (interprétation). - Il en était le dirigeant, il était

3 commandant de cette unité. Je l'ai vu très fréquemment. Il était toujours

4 escorté par des soldats ; je pense qu'ils le protégeaient, que c'étaient

5 ses subordonnés. Je pense que c'étaient ses gardes du corps, en quelque

6 sorte.

7 M. Harmon (interprétation). - L'avez-vous vu portant l'insigne

8 du HVO ?

9 M. Zeco (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quand vous

11 l'avez vu porter un uniforme du HVO et si vous l'avez vu souvent portant

12 cet uniforme ?

13 M. le Président. - Excusez-moi. La question que vous posiez,

14 Maître Harmon, portait sur l'insigne ; ensuite, on est passé à l'uniforme.

15 C'est pourquoi je ne comprenais pas. Excusez-moi.

16 M. Harmon (interprétation). - Je vais poser une autre question,

17 Monsieur le Président. Après que les unités du HOS eurent été absorbées

18 par les unités du HVO, avez-vous vu Darko Kraljevic portant un uniforme

19 avec les insignes du HVO ? Si c'est le cas, pouvez-vous dire quand ?

20 M. Zeco (interprétation). - Darko Kraljevic portait un uniforme

21 de camouflage avec l'insigne du HVO sur cet uniforme. Vous me demandez si

22 je l'ai vu fréquemment ?

23 M. Harmon (interprétation). - Oui.

24 M. Zeco (interprétation). - En fait, je le rencontrais souvent.

25 A une occasion particulière, j'avais emmené mon véhicule au garage pour

Page 2772

1 réparation. Je l'ai emmené là-bas et j'ai vu que Darko Kraljevic était

2 aussi dans son véhicule.

3 C'était en fait un garage privé. On s'est occupé de la voiture

4 immédiatement. Nous nous sommes salués. Il me saluait de la tête

5 seulement. Ma voiture a donc été emmenée. Ils ont sorti à ce moment-là une

6 mitraillette avec plusieurs cartouches de balles et il m'a dit qu'il

7 fallait qu'il aille sur le terrain et il y avait là à ce moment-là des

8 gens qui portaient des insignes du HVO.

9 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, je voudrais que nous

10 parlions maintenant d'un autre événement. Est-ce que vous pouvez expliquer

11 à cette Chambre l'incident qui s'est produit lorsque vous avez été attaqué

12 en novembre 1992 ?

13 M. Zeco (interprétation). - Je passais la plupart de mon temps

14 sur le terrain et, une fois, en revenant du village de Krizanec et en

15 passant précisément à côté de l'école de Dubravica -une unité du HVO était

16 stationnée dans cette école-, une voiture est partie derrière moi. Il y

17 avait des soldats du HVO dedans. Comme la route était très étroite, je

18 n'ai pas pu me mettre à l'écart et, un peu plus bas, à cent mètres de là,

19 il y a un embranchement principal, il y a un endroit où la route est un

20 peu élargie. J'ai un peu accéléré, mais pas trop pour ne pas déboucher

21 trop rapidement sur la route principale.

22 Alors, eux, ce qu'ils faisaient, c'est qu'ils me rattrapaient en

23 cognant à chaque fois ma voiture avec la leur. Je me suis arrêté, leur

24 véhicule m'a dépassé, il est sorti de cette route et, une cinquantaine de

25 mètres plus loin, ils m'ont arrêté.

Page 2773

1 Trois ou quatre soldats sont descendus de la voiture. Il faut

2 dire que l'un d'eux était en face de mon siège. La portière de la voiture

3 était fermée à clef. Je me suis penché un peu pour l'ouvrir et, lui, il a

4 pris la portière comme ça avec les mains et, avec les deux jambes, il

5 s'est projeté à l'intérieur et, avec la semelle de ses chaussures, il m'a

6 cogné le visage et le nez. J'étais couvert de sang. Je savais que le nez

7 venait d'être cassé parce que je pouvais bouger mon nez en le touchant.

8 Un autre soldat du HVO est descendu, il a pris son fusil

9 automatique. Un autre l'a pris par derrière et lui a dit : "Mais laisse

10 tomber", il a fermé la portière et il m'a dit : "Va-t-en". J'ai fermé la

11 portière et je suis parti en direction de Vitez. Je me suis demandé où

12 aller et j'ai décidé d'aller au commissariat de police.

13 En arrivant devant le bâtiment de la police -j'étais couvert de

14 sang-, à la porte du commissariat de police, j'ai vu le chef du poste de

15 police, Mirko Samija, que je connaissais vraiment très bien. On était

16 vraiment très proche. Il m'a demandé ce qui m'était arrivé. Je lui ai

17 répondu ce qui s'était passé, que j'avais été attaqué par des soldats du

18 HVO, à la suite de quoi il a décidé de se mettre dans ma voiture et on est

19 reparti, au dispensaire cette fois-ci.

20 Il a ordonné à deux policiers de se rendre sur-le-champ à

21 l'endroit où cela s'était produit pour établir ce qui s'était passé. Je

22 suis donc parti en sa compagnie au dispensaire et c'est là qu'on m'a

23 pansé. Puis, je suis rentré chez moi.

24 Une fois arrivé chez moi une demi-heure plus tard, le même chef

25 du poste de police est arrivé en compagnie de deux policiers, il est

Page 2774

1 arrivé chez moi et il m'a demandé d'accepter ses excuses. Il m'a dit que

2 pour le moment, il ne pouvait rien faire, qu'il s'agissait de l'armée, que

3 lui n'avait aucune ingérence, que c'était un peu dangereux, mais qu'un

4 jour peut-être... Il m'a demandé explicitement de me rendre dès le

5 lendemain à l'hôpital de Travnik pour faire des examens et pour lui

6 apporter le résultat des analyses, pour avoir un certificat objectif de la

7 blessure.

8 Vu mon expérience précédente et son état de désarroi, je m'en

9 suis tenu là. Voilà.

10 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais qu'on éclaircisse un

11 ou deux points. Mirko Samija, le policier à qui vous avez raconté

12 l'incident où vous avez été blessé, était-ce un policier du HVO ?

13 M. Zeco (interprétation). - Pourriez-vous me répéter la

14 question, s'il vous plaît ? Je n'ai pas bien entendu.

15 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous demander,

16 Docteur Zeco, à quelle organisation appartenait Mirko Samija ?

17 M. Zeco (interprétation). - Mirko Samija était le chef du

18 commissariat de police. Je le sais très bien. Au moment où on devait se

19 mettre d'accord entre les représentants du peuple musulman et du

20 gouvernement du HVO qui a été formé à cette époque, quand on a essayé de

21 constituer des pouvoirs communs, j'ai fait partie de ceux qui souhaitaient

22 et qui soutenaient la proposition que Mirko Samija soit nommé chef devant

23 cet organe de coordination, qu'il soit donc nommé chef de ce poste de

24 police. C'était donc sa fonction.

25 M. Harmon (interprétation). - Etait-il un membre de la police du

Page 2775

1 HVO ?

2 M. Zeco (interprétation). - Non. Il était la police civile.

3 M. Harmon (interprétation). - Autant que vous sachiez,

4 Docteur Zeco, y a-t-il eu des arrestations des soldats du HVO qui vous ont

5 attaqué ?

6 M. Zeco (interprétation). - Non.

7 M. Harmon (interprétation). - Autant que vous sachiez,

8 Docteur Zeco, un seul de ces soldats du HVO a-t-il été poursuivi pour

9 cette attaque contre vous ?

10 M. Zeco (interprétation). - Non, absolument pas. C'est justement

11 Samija Mirko qui m'a dit qu'il était impuissant, qu'il ne pouvait rien

12 entreprendre et que les temps étaient tels qu'ils ne lui permettaient pas

13 de faire quoi que ce soit. Il m'a présenté ses excuses et m'a dit que,

14 malheureusement, pour le moment, on ne pouvait rien faire.

15 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce que

16 nous pouvons faire la pause maintenant ?

17 M. le Président. - Oui. Nous allons faire la pause et nous

18 reprendrons dans vingt minutes, à 11 heures 35.

19

20 L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à 11 heures 45.

21

22 M. le Président. - L’audience est reprise. Faites entrer

23 l’accusé.

24 (L'accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

25 Nous pouvons reprendre, Monsieur le Procureur.

Page 2776

1 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

2 Docteur Zeco, je voudrais vous poser encore une question dans

3 cette dernière catégorie de questions. Mirko Samija était-il musulman ou

4 croate ?

5 M. Zeco (interprétation). - Mirko Samija était croate.

6 M. Harmon (interprétation). - D'accord. Permettez-moi toutefois

7 d'attirer votre attention, Docteur Zeco, sur la date du 16 avril 1993. Où

8 vous trouviez-vous le matin du 16 avril 1993 ?

9 M. Zeco (interprétation). - Le 16 avril 1993, j'étais chez moi,

10 dans ma maison. C'est là que j'ai passé la nuit. Le matin du 16 avril, à

11 5 heures 30, on a entendu des explosions et des coups de feu. Le matin en

12 question nous étions seuls, mon épouse et moi, à la maison. Ce fut une

13 grande surprise pour nous. Nous nous sommes levés rapidement.

14 Par la suite, c’était comme dans un film. Le rythme était rapide

15 et accéléré. C'était très rapide. Je me suis levé à 5 heures 30, à

16 6 heures 30 j'étais déjà arrêté. J'ai été emmené au poste vétérinaire.

17 Le matin, quand on s'est levé, j'étais encore en pyjama. Des

18 soldats sont arrivés devant ma maison, ils ont frappé à la porte et mon

19 épouse a ouvert. Deux soldats sont entrés, ils m'ont dit de m'habiller.

20 Ils étaient en tenue de combat. Ce qui était surprenant, c'est qu'ils

21 avaient tous des couleurs noires sur le visage ; je pense que c'était de

22 la suie. Ils m'ont dit d'aller me préparer et de m'habiller.

23 Deux soldats sont entrés. Trois ou quatre sont restés autour de

24 la maison. Je me suis donc préparé et habillé. J'ai vu qu'ils étaient

25 armés et je suis sorti. Ils m'ont entouré et m’ont emmené ainsi en

Page 2777

1 direction du poste de vétérinaire.

2 M. Harmon (interprétation). - Permettez moi de vous poser une

3 question, Docteur Zeco. S’agissait-il de soldats du HVO ?

4 M. Zeco (interprétation). - Oui, de soldats du HVO. Ils

5 portaient des insignes sur les manches, des insignes HVO.

6 M. Harmon (interprétation). - Leur avez-vous demandé où ils vous

7 emmenaient ?

8 M. Zeco (interprétation). - Oui, je leur ai demandé : "Où

9 m'emmenez-vous ?" Ils m'ont dit que j'allais le voir. J'ai compris que je

10 n'allais pas avoir de réponse concrète et qu'il était inutile de continuer

11 à leur poser la question. Je les connaissais cependant. Alors je me suis

12 laissé emmener par eux et j'ai fait ce qu'ils m’ont demandé.

13 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit qu'il vous ont

14 emmené au poste vétérinaire. Ont-ils permis à votre femme de rester à la

15 maison ou bien l’ont-ils emmenée aussi ?

16 M. Zeco (interprétation). - Non. Mon épouse est restée à la

17 maison. En fait, je dois maintenant rapporter les paroles de ma femme ;

18 elle a dit : "N’emmenez pas Fouad, emmenez-moi plutôt". Ils lui ont dit

19 qu'il n'en était pas question, qu'ils n'avaient rien à faire avec elle et

20 qu'il avait reçu l’ordre de m'emmener.

21 M. Harmon (interprétation). - Votre femme est-elle restée à la

22 maison pendant toute la durée de votre captivité ?

23 M. Zeco (interprétation). - Oui. Elle est restée à la maison

24 pendant toute cette période. Moi, j'ai été emmené au poste vétérinaire qui

25 se trouve à 100 mètres. Elle avait l'occasion de venir au poste

Page 2778

1 vétérinaire, quand on lui a permis de m’apporter de la nourriture. En

2 fait, elle est restée dans notre maison pendant que j'étais au poste

3 vétérinaire. Plus tard, quand on m'a emmené à l'école de Dubravica, elle y

4 est toujours restée.

5 M. Harmon (interprétation). - Donc, on vous a emmené au poste

6 vétérinaire. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé là-bas ?

7 M. Zeco (interprétation). - Au poste vétérinaire, quand nous

8 sommes arrivés, nous avons trouvé un homme que je connaissais et qui était

9 en uniforme. Il s'appelait Matkovic Zeljo. Il a dit que c'était lui qui

10 décidait et que c'était à lui qu'il fallait s'adresser. Il y avait deux ou

11 trois autres soldats, en uniforme du HVO ; également des hommes que je

12 connaissais.

13 Quand je suis arrivé au poste vétérinaire, j'y ai trouvé une

14 dizaine ou une quinzaine de personnes, je ne peux pas dire exactement leur

15 nombre. Elles étaient dans le couloir, dans les bureaux et dans le cabinet

16 où l’on examinait les animaux. D'autres personnes arrivaient. Toutes

17 étaient des Musulmans.

18 M. Harmon (interprétation). - Il n’y avait que des hommes ?

19 M. Zeco (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Finalement, combien de personnes

21 ont été détenues au poste vétérinaire pendant que vous y étiez ?

22 M. Zeco (interprétation). - Nous avons compté. A un moment, on

23 est arrivé au chiffre de 76 Musulmans détenus au poste vétérinaire.

24 Beaucoup d’entre eux étaient dans la cave avec vraiment très peu de

25 confort. La cave était en sous-sol.

Page 2779

1 En hiver, il y avait des infiltrations d'eau. Heureusement, lors

2 de notre détention, il n'y avait pas d'eau, mais c'était très humide ; on

3 était obligé de mettre des planches pour s'asseoir. Au-dessus, il y avait

4 deux petits bureaux. C'est là que se trouvait essentiellement les membres

5 du HVO, qui venaient de temps en temps.

6 Il y avait également quelques détenus dans ces pièces. Moi,

7 j'avais le privilège de pouvoir rester dans ces bureaux. Les autres

8 détenus étaient soit dans les couloirs, soit dans la salle d'examen et

9 même dans le cabinet. C'était vraiment exigu. Il y avait très peu de

10 place. Nous y avons passé trois nuits entières. Ce n'est que le quatrième

11 jour que nous avons quitté le poste vétérinaire.

12 M. Harmon (interprétation). - Quels étaient les âges des

13 détenus ?

14 M. Zeco (interprétation). - S’agissant du quartier de Rijeka,

15 tous les hommes, pas à 100 % mais la grande majorité, avaient de 16 à

16 70 ans. Ils étaient tous enfermés dans ce poste vétérinaire.

17 M. Harmon (interprétation). - Après votre arrivée au poste

18 vétérinaire Docteur Zeco, avez-vous été interrogé sur les armes ?

19 M. Zeco (interprétation). - Oui, le lendemain de notre arrivée.

20 L’homme, qui était le chef de cet endroit, Matkovic Zeljo donc, nous a

21 fait venir et nous a dit que tous ceux qui avaient des armes chez eux, des

22 munitions également, devaient le dire.

23 Il a ajouté que des soldats du HVO allaient venir et qu'ils

24 allaient nous emmener un par un à la maison pour prendre ces armes. Mais

25 il a particulièrement insisté sur le fait qu'il ne fallait surtout pas

Page 2780

1 qu'on ne remette pas les armes, si l'on en avait, parce que des unités

2 spéciales allaient venir, des soldats venant de Herzégovine, des

3 Herzégovins particulièrement entraînés pour cela.

4 Il a ajouté qu’ils étaient en mesure de trouver des armes

5 cachées et qu'il n'était absolument pas possible d'en dissimuler, qu'ils

6 allaient brûler ces maisons et que celui qui aurait cachées des armes

7 subirait toutes les conséquences de son acte.

8 Par la suite, après ces avertissements, certains ont dit qu'ils

9 avaient des armes. Cinq ou six soldats les ont emmenés dans leur maison et

10 ils ont rapporté quelques armes ; il y en avait très peu ; c'était

11 vraiment insignifiant et il y avait peu de munitions. Il me semble qu'il y

12 avait un fusil, une carabine, quelques grenades à main, quelques

13 pistolets. Je pense qu'il y avait aussi quelques fusils de chasse.

14 Quand on les a réunies, elles pouvaient toutes tenir dans un

15 panier à linge. Ces armes étaient donc dans un panier à linge. En voyant

16 cela, il a dit : "Qu'est-ce que c'est ? c’est tout ? Ce sont là toutes

17 les armes des Musulmans ?" Et on en est resté là. Ensuite, il nous a dit

18 qu'il fallait faire attention, parce que des Herzégovins spécialement

19 entraînés allaient venir.

20 M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous étiez détenu au

21 poste vétérinaire, qu'est-il arrivé à votre voiture, Docteur Zeco ?

22 M. Zeco (interprétation). - En fait, il y a avait deux voitures.

23 J'étais propriétaire de ces deux véhicules. Nous utilisions la nôtre

24 lorsque nous étions de service ; mais nous recevions des compensations en

25 cas d'utilisation de son propre véhicule. J'avais une autre voiture que

Page 2781

1 j'utilisais uniquement pour des raisons familiales.

2 L'autre, la R 4, je l'utilisais uniquement pour le travail. Le

3 lendemain, un soldat du HVO est venu. Il m'a demandé de lui remettre mes

4 clefs de voiture. Et il m'a dit que ma femme………

5 Tout fonctionne-t-il bien ?

6 Des soldats étaient d'abord allés à mon domicile et avaient

7 demandé à ma femme de remettre les voitures. Elle a dit qu'elle n'avait

8 pas les voitures et que j'étais au poste vétérinaire ; ce qui fait qu'un

9 soldat est venu me demander les clefs pour la voiture.

10 J'ai donné les clefs à ce soldat parce que l'expérience d'autres

11 m'avaient montré que la voiture de ces personnes avait été confisquée. Ce

12 soldat a pris les clefs, est allé au garage qui n'était qu'à une vingtaine

13 de mètres du bâtiment et est revenu peu de temps à près. Il a dit : "Je ne

14 peux pas la démarrer". Il m'a demandé si je savais ce qui se passait, s'il

15 y avait une panne. J'ai dit que je ne le savait pas, alors que je le

16 savais : en fait, j'avais débranché l'un des câbles.

17 En effet, au cours de la nuit, il n'était pas rare que des

18 voitures musulmanes disparaissent, à cette époque-là. C'était donc une

19 précaution élémentaire que j'avais prise. Alors, il m'a dit : "Fort bien".

20 Ils ont poussé la voiture pour la sortir du garage ; moi, je regardais par

21 la fenêtre, un peu comme par hasard, et j'ai vu deux ou trois soldats qui

22 utilisaient ma voiture ou, du moins, qui la poussaient. Ils s'étaient

23 rendus compte de la raison de la panne et ils y avaient remédié.

24 Le lendemain, ils sont venus pour emmener l'autre voiture que

25 j'avais, pour la prendre. Ce que j'ai dit —et c'était la vérité—, c'est

Page 2782

1 que cette voiture que j'utilisais à des fins professionnelles était

2 vraiment en panne, qu'elle ne fonctionnait pas. Et je n'étais pas d'accord

3 avec le mécanicien qui était censé passer la réparer. Je leur ai dit que

4 la voiture ne servait à rien, qu'elle était inutilisable. Le soldat m'a

5 menacé et a dit : "On vous connaît, vous allez payer pour tout cela". Mais

6 quand ils se sont rendus sur place pour examiner la voiture, ils se sont

7 rendus compte qu'elle était en partie démontée et ont renoncé à l'emmener.

8 M. Harmon (interprétation). - Après avoir été libéré, plusieurs

9 jours plus tard —nous y arriverons par la suite, au cours de votre

10 déposition—, le HVO vous a-t-il rendu la voiture qu'il vous avait

11 confisquée ? Le HVO vous l'a-t-il jamais rendue, cette voiture ?

12 M. Zeco (interprétation). - Non.

13 M. Harmon. - Ont-ils essayé de vous donner un certain

14 dédommagement, vous ont-ils donné de l'argent pour cela ?

15 M. Zeco (interprétation). - Jamais je n'ai reçu quoi que ce soit

16 en guise de compensation, quoi que ce soit pour ce qui est de la voiture.

17 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, j'aimerais attirer

18 votre attention sur un événement qui s'est produit alors que vous étiez

19 détenu au poste vétérinaire : une forte explosion que vous avez entendue.

20 Pouvez-vous expliquer aux Juges si vous avez reçu des avertissements de la

21 part de ceux qui assuraient votre garde à propos de cette explosion ?

22 M. Zeco (interprétation). - Oui. A l'endroit où nous étions

23 détenus, nous avons essayé, bien sûr, de nous adapter à la situation dans

24 laquelle nous nous trouvions, de nous entraider. Mais à ce moment précis,

25 cette même personne est revenue, Zeljko Matkovic, qui était responsable de

Page 2783

1 notre détention. Il nous a dit : "Chacun d'entre vous doit se rendre dans

2 la cave, au sous-sol. Il va se passer quelque chose". Il nous a dit de

3 nous rendre au sous-sol. Nous étions surpris et donc curieux. Nous nous

4 demandions ce qui allait se passer, parce que ce n'était pas clair du

5 tout. Mais il nous a dit de façon précise qu'il nous fallait nous presser

6 pour nous rendre au sous-sol.

7 L’escalier qui menait au sous-sol était étroit. Puis, ceux qui

8 se trouvaient déjà au sous-sol devaient faire un peu de place pour les

9 autres. Nous n'avons pas pu agir aussi vite que nous le devions, mais nous

10 avons quand même réussi à nous retrouver dans la cave. Nous nous sommes

11 serrés. La pièce faisait peut-être 3 mètres sur 5 ou 7.

12 Peu de temps après être arrivés au sous-sol, nous avons entendu

13 une explosion vraiment très forte. Il y avait déjà eu des explosions

14 auparavant, mais il n'empêche qu'aucune n'avait été de cette intensité.

15 Outre qu’elle ait duré longtemps, elle fut très forte.

16 D'après ce que nous avons pu établir, elle s'était déjà produite

17 à une distance assez considérable de l'endroit où nous étions, mais elle

18 était très forte.

19 Ensuite, nous nous sommes rendus compte que c'était cela qui

20 était censé se produire. Comme nous sortions, cette même personne, Zeljko

21 Matkovic nous a dit : "Voilà, c'en est fini des Musulmans." Une fois de

22 plus, cela n'était pas très clair dans notre esprit. Il nous a dit :

23 "Voilà, c'en est fini des Musulmans".

24 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous découvert quelle était

25 la source de l'explosion par la suite ?

Page 2784

1 M. Zeco (interprétation). - Oui, nous en avons découvert

2 l'origine par la suite lorsque nous avons été transférés à l'école de

3 Dubravica. Quand ma femme et mes enfants, notre famille est venue nous

4 apporter de la nourriture, il nous a été dit qu'à Stari Vitez, une

5 explosion s'était produite. On nous a dit que le HVO avait rempli un

6 camion de carburant dont les conducteurs avaient été liés et que ce

7 camion, chargé d'explosifs, avait été envoyé à Stari Vitez. Cette

8 explosion avait causé la mort de plusieurs personnes et en avait blessé

9 beaucoup d'autres et il y avait beaucoup de dégâts matériels provoqués par

10 l'explosion.

11 Par la suite, nous avons découvert tous les détails et toutes

12 les conséquences. Nous avons découvert que c'était bien ce qui nous avait

13 été dit.

14 M. Harmon (interprétation). - Vous dites être resté trois nuits

15 au poste vétérinaire et que vous avez quitté cet endroit le quatrième

16 jour. Au cours de cette période de temps passée là, avec les autres

17 codétenus, pourriez-vous nous dire si des hommes détenus avaient été

18 emmenés pour creuser des tranchées ? Pourriez-vous nous le dire en

19 l'espace de quelques minutes, de façon concise ?

20 M. Zeco (interprétation). - Dès le premier instant de notre

21 détention, il arrivait de temps à autre que des soldats du HVO viennent,

22 notamment pour voir le commandant, le responsable, M. Matkovic et lui

23 demander d'avoir cinq ou six, voire dix détenus qu'ils allaient emmener.

24 Nous avons découvert par la suite que ces hommes étaient censés creuser

25 des tranchées.

Page 2785

1 Cela s'est passé tout au long de ces trois jours. Peut-être

2 aussi le quatrième, mais je n'en suis plus aussi sûr.

3 Nous avons été emmenés à midi, ce quatrième jour, mais les

4 prisonniers sortaient tous les jours. On les emmenait creuser des

5 tranchées. Nous savions où ils allaient. Nous étions curieux. Nous

6 voulions savoir ce qui se passait, quelle était la situation qui

7 prévalait. Nous savions que ces prisonniers allaient à Rijeka pour creuser

8 ces tranchées.

9 Situées le long de front, des opérations de guerre qui se

10 produisaient là-bas.

11 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que l'un quelconque de ces

12 détenus, qui ont dû aller creuser des tranchées, ont-ils été blessés ou

13 tués ?

14 M. Zeco (interprétation). - Oui, malheureusement. Certains

15 d'entre eux ont été tués et d'autres blessés. D'après ce que nous ont dit

16 ceux qui ont été creuser des tranchées, certains ont été tués par des

17 coups de feu tirés. Par quelles factions ? Ils ne le savaient pas. Ils

18 savaient seulement qu'ils avaient été tués par une balle.

19 Alors que Jusuf Ibrakovic, lui, a été tué par un membre du HVO.

20 Des soldats du HVO l'ont emmené là où ils étaient censés creuser des

21 tranchées sur la ligne de front. C'est là que Hurem a été tué aussi.

22 Hurem, je le connaissais très bien. C'était un de mes voisins lui aussi.

23 Il avait un cheval que je connaissais bien et souvent, il

24 transportait des marchandises avec la charrette tirée par son cheval.

25 C'est de cela qu'il vivait. Il avait quatre enfants et il subvenait à

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1 leurs besoins. Son cheval n'était pas en très bonne santé. J'ai donc dû

2 souvent m'en occuper. Lui aussi a été tué.

3 Pour autant que je m'en souvienne, Salko Salibasic a lui aussi

4 été blessé. Après que la guerre se soit terminée, j'exerçais mes fonctions

5 bien sûr, j'ai fait de mon mieux pour m'assurer que cette personne

6 bénéficie d'un bon traitement à l'hôpital à Tuzla. Il a subi cinq ou six

7 opérations.

8 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, voulez-vous ajouter

9 quelque chose à cette partie de votre déposition avant que je vous pose la

10 question suivante ?

11 M. Zeco (interprétation). - Oui. D'autres personnes ont aussi

12 été blessées et ont été transportées à l'hôpital. Certaines avaient des

13 blessures légères, mais jamais ces personnes ne sont revenues. J'ai appris

14 par la suite que ces personnes avaient été emmenées dans un autre camp de

15 prisonniers situé lui aussi à Vitez, proche de la clinique. C'est là

16 qu'ils ont été soignés. Ils y sont restés. Ils ne sont pas revenus là où

17 nous nous trouvions.

18 M. Harmon (interprétation). - Quand avez-vous quitté le poste

19 vétérinaire ?

20 M. Zeco (interprétation). - Nous avions été capturés le 16, nous

21 avons passé trois nuits, donc le quatrième jour cela nous donne le

22 20 avril, date à laquelle nous avons été chargés de nous préparer et de

23 nous aligner pour aller au centre forestier qui n'était pas très éloigné

24 de l'endroit où nous nous trouvions.

25 Il était à peu près à cent mètres, mais nous ne savions pas

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1 exactement où nous allions être emmenés. Nous avons marché en file

2 indienne. Nous sommes arrivés au centre forestier, dans la cour. Il y

3 avait un petit bus qui s'y trouvait.

4 M. Harmon (interprétation). - Où avez-vous était emmené, docteur

5 Zeco.

6 M. Zeco (interprétation). - Nous avons été emmenés à l'école de

7 Dubravica. Plus tard, alors que nous y avons été emmenés, les autres qui

8 étaient restés au poste y sont arrivés aussi. Nous étions tous assemblés,

9 dans la cour de l'école de Dubravica, proche de la gare.

10 Nous connaissions bien ce quartier à Vitez comme étant le

11 quartier de la gare.

12 M. Harmon (interprétation). - Vous êtes resté en captivité

13 jusqu'au 30 avril 1993 ?

14 M. Zeco (interprétation). - Oui.

15 M. Harmon (interprétation). - Combien de personnes étaient-elles

16 détenues à l'école de Dubravica ? Pouvez-vous estimer ce nombre ?

17 M. Zeco (interprétation). - A notre arrivée à cette école, nous

18 avons trouvé sur place un autre groupe assez important. Il y avait des

19 hommes, mais aussi quelques femmes et quelques enfants.

20 Il s'agissait manifestement de quelques familles. Il y avait

21 donc des femmes et des enfants de la famille des hommes qui se trouvaient

22 là. Mais ils étaient tous d'Ahmici. Il n'y avait pas d'hommes. C'étaient

23 tous des gens d'Ahmici. Ils venaient de Stanici, de Novaci, de Buhine, de

24 Kuce, en d'autres termes, de Krizancevo Selo, Sivrino Selo, donc des

25 environs.

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1 A côté, il y avait la scierie qui travaillait par équipes,

2 24 heures sur 24. Il y avait donc des gens qui sortaient de la pause, des

3 gens de l'équipe de nuit. Il y avait des gens des régions environnantes.

4 On y trouvait donc aussi les ouvriers de la scierie qui, eux, étaient

5 aussi détenus à l'école de Dubravica. Il y avait en outre certains

6 réfugiés provenant d'autres municipalités à la suite de l'agression par

7 les Chetniks serbes et la JNA, des personnes qui avaient trouvé à se

8 réfugier. Ils venaient de Jajce et de Mrkonjic.

9 M. Harmon (interprétation). - Après votre arrivée à l'école de

10 Dubravica, avez-vous eu l'occasion d'entendre le bruit provoqué par des

11 armes légères à proximité ?

12 M. Zeco (interprétation). - Oui. Lorsque nous sommes arrivés à

13 l'école, au cours de la première nuit, nous avons entendu des coups de feu

14 provenant de tous les côtés dans ce quartier. C'étaient des coups de feu

15 sporadiques qu'on entendait à proximité ou plus loin. Nous nous sommes

16 rendus compte qu'il y avait donc des combats qui se déroulaient entre

17 l'Armija et le HVO. En fonction du lieu des combats, on entendait des

18 bruits éloignés ou plus proches.

19 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous entendiez ces coups

20 de feu, est-ce que vous ou d'autres détenus avez entendu des menaces qui

21 auraient été proférées par le HVO, s'agissant du traitement, du sort qu'on

22 allait réserver aux détenus ?

23 M. Zeco (interprétation). - Oui. Nous espérions que la chance

24 allait tourner et que l'Armija nous permettrait d'être libérés. A un

25 moment donné, les coups de feu se sont vraiment rapprochés. C'était

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1 notable. On pouvait aussi s'en rendre compte par le comportement différent

2 des soldats du HVO qui se trouvaient dans l'école. Ces soldats sont venus

3 nous dire, de façon expresse, que nous ne devions pas quitter l'école, en

4 aucune façon, parce que des mines avaient été placées tout autour. Ils

5 nous ont dit...

6 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, poursuivez,

7 Docteur Zeco.

8 M. Zeco (interprétation). - Les soldats du HVO nous disaient :

9 "Ne vous réjouissez pas trop vite parce que, même si les soldats de

10 l'Armija arrivent, cela ne sera pas nécessairement bon pour vous : là-bas,

11 nous avons un camion-citerne rempli de carburant que nous allons faire

12 sauter. Votre sort ne sera donc pas nécessairement amélioré."

13 Nous avons tout de suite commencé à nous poser des questions,

14 entre nous, et c'est ainsi que nous avons appris de certains, qui avaient

15 vu le camion-citerne, qu'il y avait effectivement un tel camion à

16 proximité, rempli de carburant, de 2000 litres de carburant, qui était

17 utilisé pour chauffer les locaux de l'école. Moi, je participais à la

18 protection civile et j'ai tout de suite commencé à penser aux mesures que

19 nous pourrions prendre s'il y avait effectivement une telle explosion.

20 Nous avons commencé à prévoir cette éventualité. Qu'allions-nous

21 faire ? Nous allions essayer de rompre certains des barreaux qui se

22 trouvaient là. Nous avons affecté telles et telles personnes à des tâches

23 précises afin qu'en cas d'explosion, nous ayons quand même un certain

24 ordre et que la panique n'éclate pas.

25 M. Harmon (interprétation). - Dans le transcript, il est fait

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1 référence à un camion-citerne. Est-ce ce qui a été décrit par le soldat du

2 HVO se trouvant à proximité ? Etait-ce un camion avec du carburant ou un

3 camion-citerne ?

4 M. Zeco (interprétation). - Oui, c'est comme un camion-citerne.

5 M. Harmon (interprétation). - Maintenant que tout est clair, aux

6 fins du compte rendu, sans entrer trop dans le détail quant au plan vous

7 permettant de sortir du bâtiment s'il se passait quelque chose, pourriez-

8 vous nous donner une description assez ramassée des événements qui se sont

9 produits après que ces menaces eurent été proférées à votre égard et à

10 l'égard des autres détenus ?

11 M. Zeco (interprétation). - Oui. Lorsque les coups de feu se

12 sont véritablement rapprochés, nous avons senti que nous étions seuls, que

13 les soldats qui avaient pour mission de nous surveiller avaient déguerpi.

14 Les coups de feu se sont arrêtés, les soldats sont réapparus et nous avons

15 appris que l'armée de Bosnie-Herzégovine avait progressé et que les

16 soldats avaient battu en retraite. Mais les coups de feu s'étaient

17 arrêtés. Les soldats sont revenus et nous étions surpris et déçus, bien

18 sûr, parce que nous n'avions pas vu les soldats de l'armée de Bosnie-

19 Herzégovine et n'avions pas été libérés.

20 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous découvert par la suite

21 pourquoi l'Armija avait arrêté la progression qu'elle avait entreprise en

22 direction de l'école de Dubravica ?

23 M. Zeco (interprétation). - Oui. Les menaces dont nous avions

24 été l'objet étaient les suivantes : si l'Armija venait, ils allaient faire

25 sauter toute l'école grâce à ce camion-citerne et au carburant qu'il

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1 contenait. Lorsque nous avons été chassés, par la suite, j'ai pris contact

2 avec le commandement de l'Armija pour demander pourquoi ils ne nous

3 avaient pas libérés, pourquoi ils avaient arrêté cette progression. Ce à

4 quoi ces officiers m'ont répondu qu'ils avaient reçu confirmation de la

5 part du HVO selon laquelle, s'ils poursuivaient leur progression en

6 direction des bâtiments de l'école, le HVO allait faire sauter les

7 Musulmans qui s'y trouvaient détenus. C'est ce que nous ont dit les

8 officiers de l'armée de Bosnie-Herzégovine, invoquant par là la raison

9 pour laquelle ils ne nous avaient pas libérés. Cela a été vérifié par le

10 commandement, par la suite.

11 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous dire

12 approximativement quand cette progression que vous venez de décrire a été

13 enrayée ?

14 M. Zeco (interprétation). - Cela s'est passé le 22 avril.

15 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention

16 sur un autre sujet : le fait de creuser des tranchées. Les détenus de

17 l'école de Dubravica devaient le faire, n'est-ce pas ? Pourriez-vous nous

18 dire ce que vous avez vu à ce sujet ?

19 M. Zeco (interprétation). - Oui. L'un des gros problèmes que

20 nous avons rencontrés au cours notre détention à l'école de Dubravica,

21 c'était précisément le fait que les soldats du HVO posaient des exigences.

22 Ils exigeaient d'avoir le plus grand nombre possible de prisonniers qui

23 aillent creuser des tranchées. Les soldats entraient, accompagnés de ceux

24 qui nous gardaient, et c'est eux qui opéraient le choix. Ils choisissaient

25 dix ou quinze prisonniers, ils sélectionnaient ceux qui semblaient avoir

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1 la meilleure forme physique. C'est ainsi qu'un groupe de soldats,

2 accompagnés de prisonniers, partaient, suivis d'un autre groupe de

3 soldats. En l'espace d'une heure, trois groupes de prisonniers différents

4 étaient emmenés pour creuser des tranchées. Ils revenaient un peu plus

5 tard. Mais, étant donné que de plus en plus souvent les soldats venaient

6 chercher des prisonniers, si un groupe rentrait, souvent il devait faire

7 demi-tour et retourner creuser des tranchées. Il y en avait qui avaient

8 l'air en bonne forme physique, mais qui en réalité étaient malades. La

9 situation était donc particulièrement éprouvante pour ceux-là. Et certains

10 ont réussi à ne pas aller creuser. Nous nous sommes donc rendus compte que

11 tout n'était pas correct. Alors nous avons discuté entre nous.

12 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre,

13 mais à quelle fréquence les détenus civils étaient-ils emmenés par le HVO

14 chaque jour et combien d'hommes étaient emmenés, en général ?

15 M. Zeco (interprétation). - Je pense ne pas commettre d'erreur

16 en disant qu'à peu près un tiers des hommes étaient absents ou bien

17 emmenés. Il faut dire qu'il y avait des hommes âgés et aussi des femmes,

18 et donc que cette proportion était emmenée pour aller creuser des

19 tranchées.

20 M. Harmon (interprétation). - Vous est-il arrivé, à vous,

21 d'aller creuser des tranchées, Docteur Zeco ?

22 M. Zeco (interprétation). - Non, on ne m'a jamais emmené creuser

23 des tranchées et je ne l'ai jamais fait.

24 M. Harmon (interprétation). - Vous avez commencé à décrire ce

25 que d'autres détenus et vous avez vu comme problèmes. Pouvez-vous nous

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1 expliquer de quels problèmes il s'agissait et comment vous avez essayé de

2 les résoudre ?

3 M. Zeco (interprétation). - Oui. Justement, il y avait un

4 problème et nous avons vu que certains détenus se sont trouvés vraiment en

5 très mauvais état, vraiment épuisés. Et, en même temps, ils risquaient

6 d'être emmenés à nouveau pour creuser des tranchées.

7 Pour résoudre le problème, nous nous sommes mis d'accord pour

8 constituer une délégation ; j'en faisais partie. Il y avait un autre

9 homme, Mujanovic Pasaga et Odijc Midhat, qui avait été Président de la

10 municipalité de Vitez avant d'être remplacé par Ivica Santic. Nous trois

11 avons été désignés comme délégation, au nom des détenus musulmans, et nous

12 sommes allés voir le commandant Marinko Plasvic, qui était le commandant

13 de ce lieu de détention. Nous lui avons soumis notre problème.

14 Nous avons dit que certains hommes n'étaient plus en état de

15 travailler, alors qu'on les emmenait pour creuser des tranchées, et que

16 nous avions une proposition concrète à lui soumettre. Nous lui avons fait

17 part de nos préoccupations et nous lui avons dit que nous allions établir

18 une liste avec les noms des personnes qui pouvaient se rendre au

19 creusement des tranchées. Et que s'il tenait absolument à avoir un nombre

20 déterminé de personnes, nous allions faire en sorte que tous soient

21 engagés de manière un peu plus équilibrée, qu'il n'y en ait pas qui

22 travaillent trop, qui soient vraiment surchargés. Donc que nous allions

23 faire une liste d'hommes jusqu'à l'âge de 50 ans, compte tenu de leur état

24 de santé et de leur condition physique.

25 C'est ce que nous avons fait. Nous avons donc constitué une

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1 liste et composé un groupe d'hommes. Mujanovic Pasaga a été chargé de

2 dresser cette liste. Ainsi, quand il fallait envoyer un groupe, lui, il

3 savait déjà quels hommes devaient partir, à qui était le tour. Quand le

4 HVO en demandait dix, les dix concernés venaient tout de suite se

5 présenter pour partir. Voilà. Telle était notre suggestion et elle a été

6 acceptée par le commandant de ce lieu de détention.

7 M. Harmon (interprétation). - Ce commandant du camp, qu'a-t-il

8 dit ? S'est-il opposé à ce que des civils soient envoyés pour creuser des

9 tranchées ?

10 M. Zeco (interprétation). - Oui, oui. C'est justement quand nous

11 sommes venus, quand nous avons dit que la situation était vraiment très

12 difficile, que les hommes étaient en très mauvais état, que des gens n'en

13 pouvaient plus, qu'ils étaient complètement épuisés, qu'on lui a dit qu'il

14 fallait qu'il aide, qu'il y avait des gens malades, à ce moment-là, il a

15 dit : "Il s'agit d'une tâche qu'il faut accomplir parce que j'ai reçu un

16 ordre". Il a reçu l'ordre de trouver des détenus pour creuser des

17 tranchées. Et il fallait qu'il exécute cet ordre.

18 M. le Président. - Je me tournais vers mon collègue et je n'ai

19 pas bien compris dans la traduction si le commandant du camp avait accepté

20 la suggestion ou s'il ne l'avait pas acceptée ?

21 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, après avoir entendu

22 votre suggestion, le commandant du camp l'a-t-il acceptée ou l'a-t-il

23 rejetée ?

24 M. Zeco (interprétation). - Il l'a acceptée, parce que cela lui

25 a permis de résoudre le problème qui était de trouver des détenus pour

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1 aller creuser des tranchées. Mais il a dit explicitement —et c'est ce que

2 nous avions demandé : qu'il y ait un minimum de gens qui soient engagés—,

3 il nous a répondu que ce n'est pas possible, que nous avions une tâche à

4 accomplir, que nous devions le faire : "C'est bien que vous ayez proposé

5 de dresser la liste, mais vous devez répondre à ce que je vous demande et

6 me donner autant d'hommes que j'en demande pour creuser des tranchées".

7 Parce qu'il avait reçu l'ordre et il devait l'exécuter.

8 M. Harmon (interprétation). - Si j'ai bien compris,

9 Docteur Zeco, c'est ainsi que les détenus ont été sélectionnés pour

10 creuser des tranchées sur les demandes du HVO ?

11 M. Zeco (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas compris

12 votre question. Pouvez-vous la répéter ?

13 M. Harmon (interprétation). - Le système, le modèle, que vous

14 avez proposé au commandant, a-t-il été appliqué les jours suivants,

15 pendant que vous étiez détenu là-bas ?

16 M. Zeco (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - Lorsque les détenus revenaient de

18 creuser des tranchées, vous est-il arrivé de discuter avec eux de ce

19 qu'ils ont vécu là-bas, de ce qu'ils ont fait, de ce qui leur est arrivé ?

20 Pouvez-vous répondre par oui ou non ?

21 M. Zeco (interprétation). - Oui.

22 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, à quel endroit vous

23 ont-ils dit qu'ils avaient été emmenés creuser des tranchées ? Pouvez-vous

24 les localiser ?

25 M. Zeco (interprétation). - Oui. Je commence par la limite du

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1 territoire de la municipalité, à la frontière -endroit où il y avait des

2 opérations militaires- il s’agit de la région de Kuber, ensuite de

3 Nadioci, de Pirici, de Sivrino Selo, de Krizancevo Selo, de Tolovici, de

4 Krcevine, de Gornja Dubravica.

5 M. Harmon (interprétation). - Et Rijeka ?

6 M. Zeco (interprétation). - Oui, Rijeka également.

7 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

8 que l'Huissier retourne la photographie et que le témoin regarde la pièce

9 à conviction 29/I ?

10 (Intervention de l’Huissier.)

11 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, je vais vous

12 demander de vous approcher de la carte. Vous avez un feutre rose à votre

13 disposition. Pouvez-vous indiquer, en rose, les endroits de ces régions où

14 les détenus ont été emmenés pour creuser des tranchées ?

15 M. Zeco (interprétation). - Voilà la région de Nadioci. Voilà la

16 région de Kuber.

17 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco...

18 M. Zeco (interprétation). - Oui ?

19 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous couvrir un peu mieux

20 (de couleur rose) chaque région afin qu'on puisse voir celle que vous

21 indiquez. Pouvez-vous donner, en même temps, le nom de chaque région, car

22 il convient que nous puissions voir la région que vous indiquez ?

23 M. Zeco (interprétation). - Voilà la région de Kuber à la

24 frontière de la municipalité de Busovaca et de Zenica. Ici, on a le

25 territoire de Loncari, de Jelni. La région vers Zenica au nord. Puis la

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1 région vers Vrhovine. Ce sont exactement les zones dont je parle. Là, on

2 voit les extrémités de la municipalité de Vitez ; zone où ils allaient

3 creuser des tranchées.

4 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, dans votre

5 déposition, vous avez indiqué que les témoins vous ont dit que les détenus

6 sont allés dans la zone de Nadioci. Avez-vous indiqué cette zone sur la

7 carte ?

8 M. Zeco (interprétation). - Voilà, ici c’est la région de

9 Nadioci précisément.

10 M. Harmon (interprétation). - Ensuite, vous avez parlé de

11 Kuber ?

12 M. Zeco (interprétation). - Ici c’est Kuber, au nord de Nadioci.

13 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également parlé de

14 Pirici. Pouvez-vous marquer cette région ?

15 M. Zeco (interprétation). - Voilà.

16 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé de

17 Krizancevo Selo. Pouvez-vous marquer cette zone ?

18 M. Zeco (interprétation). - Cela devrait être par ici. Attendez,

19 je ne vois pas bien. C'est ici.

20 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé de Krcevine.

21 Pouvez-vous la marquer ?

22 M. Zeco (interprétation). - Oui, c'est cette zone.

23 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé de Sivrino Selo.

24 Pouvez-vous la marquer également ?

25 M. Zeco (interprétation). - Oui, voilà.

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1 M. Harmon (interprétation). - Vous avez mentionné également

2 Gornja Dubravica. Pouvez-vous la marquer ?

3 M. Zeco (interprétation). - Voilà.

4 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé de Tolovici.

5 Pouvez-vous la marquer ?

6 M. Zeco (interprétation). - Voilà Tolovici.

7 M. Harmon (interprétation). - Enfin, la zone de Rijeka. Pouvez-

8 vous la marquer ?

9 (Le témoin s'exécute.)

10 Merci, Docteur Zeco. Vous pouvez vous rasseoir, s’il vous plaît.

11 Docteur Zeco, ce sont des zones où les détenus vous ont dit

12 qu'ils avaient été emmenés pour creuser des tranchées. Ce ne sont pas

13 forcément les endroits où se trouvaient effectivement des tranchées,

14 n'est-ce pas ?

15 M. Zeco (interprétation). - Oui.

16 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

17 que la pièce à conviction 29/I soit versée au dossier.

18 M. le Président. - Il n'y a pas d'objection. Elle sera donc

19 versée au dossier, Monsieur le Greffier.

20 M. Harmon (interprétation). - Peut-on placer sur le

21 rétroprojecteur la pièce à conviction 29/C, s'il vous plaît ?

22 (Intervention de l’Huissier.)

23 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, pouvez-vous prendre

24 le pointeur et indiquer l'endroit où se trouvent les zones suivantes. Tout

25 d’abord, Nadioci.

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1 M. Zeco (interprétation). - (Le témoin montre Nadioci sur le

2 rétroprojecteur.)

3 M. Harmon (interprétation). - Pour votre information, Docteur,

4 au centre du premier cercle se trouve l’hôtel Vitez. En regardant cette

5 pièce à conviction, pouvez-vous nous dire à combien de kilomètres se

6 trouve Nadioci de l’hôtel Vitez?

7 M. Zeco (interprétation). - A 6 ou 7 kilomètres.

8 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'on peut montrer une

9 partie plus grande de la carte ? Très bien. Vous avez parlé également de

10 Kuber. Pouvez-vous nous montrer où cela se trouve ?

11 (Le témoin en donne l'indication.)

12 Et à combien de kilomètres se trouve Kuber par rapport à l'hôtel

13 Vitez sur la pièce à conviction 29 C ?

14 M. Zeco (interprétation). - A 8 kilomètres.

15 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous maintenant nous

16 montrer Pirici et nous dire à combien de kilomètres se trouve Pirici par

17 rapport à l'hôtel Vitez ?

18 M. Zeco (interprétation). - A 5 kilomètres.

19 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, pouvez-vous montrer

20 Krcevine Selo ??

21 M. Zeco (interprétation). - Sivrino Selo.

22 M. Harmon (interprétation). - D'accord. A combien de kilomètres

23 se trouve Sivrino Selo ?

24 M. Zeco (interprétation). - Sivrino Selo est à 3 kilomètres.

25 M. Harmon (interprétation). - Et la zone de Krizancevo Selo ?

Page 2800

1 (Le témoin donne l'indication sur la carte.)

2 A quelle distance se trouve-t-elle ?

3 M. Zeco (interprétation). - A 2 kilomètres.

4 M. Harmon (interprétation). - Et la zone de Tolovici est à

5 quelle distance de l'hôtel Vitez ?

6 M. Zeco (interprétation). - A 4 kilomètres.

7 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous maintenant nous

8 indiquer Gornja Dubravica ?

9 (Le témoin donne l'indication sur la carte.)

10 A quelle distance est-ce par rapport à l'hôtel Vitez ?

11 M. Zeco (interprétation). - A 3 kilomètres.

12 M. Harmon (interprétation). - Enfin, pouvez-vous indiquer

13 Rijeka ?

14 (Le témoin donne l'indication sur la carte.)

15 Sur cette pièce à conviction, à quelle distance cela se situe

16 par rapport à l'hôtel Vitez ?

17 M. Zeco (interprétation). - A 2 kilomètres.

18 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, Docteur.

19 Monsieur l'huissier, j'en ai terminé avec cette pièce à conviction.

20 Docteur Zeco, permettez-moi de vous poser une question sur le

21 creusement des tranchées. Parmi les hommes qui ont creusé des tranchées et

22 qui étaient dans l'école de Dubravica, certains ont-ils été tués ou

23 blessés ?

24 M. Zeco (interprétation). - Il y a eu et des gens qui ont été

25 tués, et des gens qui ont été blessés. Je ne peux pas vous le dire

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1 exactement, mais je sais qu'il y a eu et des tués, et des blessés. Les

2 blessés ne revenaient pas blessés à l'école. Vraisemblablement, ils ont dû

3 être renvoyés directement pour qu'on leur procure des soins. Quant aux

4 morts, je ne sais pas du tout ce qu'on en faisait, mais je sais qu'il y a

5 eu aussi bien des tués que des blessés.

6 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, permettez-moi de

7 passer à un autre sujet, à savoir votre libération de ce lieu de

8 détention, à l'école de Dubravica. Pouvez-vous nous dire comment s'est

9 déroulée votre libération ?

10 M. Zeco (interprétation). - On nous a dit, c'est-à-dire ceux qui

11 nous gardaient, qu'on allait nous libérer mais qu'il fallait dire

12 clairement que si on voulait quitter Vitez, on pouvait le faire, qu'ils

13 allaient trouver des cars qui allaient partir en direction de Zenica, que

14 ceux qui voulaient partir étaient libres de le faire et que ceux qui

15 voulaient rentrer chez eux pouvaient également dire qu'ils préféraient

16 rentrer chez eux, mais que nous devions tous nous rendre au bureau qui

17 était prévu à cet effet.

18 Il y avait deux ou trois tables prévues, avec des hommes qui

19 devaient prendre nos noms. Il y avait aussi des femmes qui avaient des

20 listes déjà établies. Nous devions donc nous prononcer sur notre choix et

21 dire ce que nous voulions faire. Nous devions dire si nous voulions rester

22 ou partir.

23 On nous a dit qu'il fallait nous mettre en rang et qu'à

24 quelques-uns, nous devions nous rendre à une table ou une autre, s'il y

25 avait de la place. C'est ainsi que nous avons fait.

Page 2802

1 En ce qui me concerne, j'ai dit que je voulais rentrer chez moi,

2 et je tiens à souligner que tous les jeunes, tous ceux qui sont allés

3 creuser des tranchées (c'était manifeste), jusqu'au dernier, quelles que

4 soient leurs obligations familiales ou autre, ont dit qu'ils voulaient

5 partir pour Zenica, alors que, parmi les personnes plus âgées, notamment

6 moi, nous avons dit que nous voulions rentrer chez nous. C'est ce que nous

7 avons fait le jour en question.

8 On nous a dit que les cars allaient arriver, qu'ils allaient

9 partir pour Zenica et qu'il y aurait également un car qui allait partir en

10 direction du quartier de Rijeka, alors que ceux qui se trouvaient très

11 près de Dubravica, à Novaci, à Krizancevo Selo ou à Stanice pouvaient

12 repartir à pied, tandis que ceux qui habitaient à Rijeka ou à Vitez

13 pouvaient attendre l'arrivée du car s'ils le souhaitaient. Moi, je suis

14 sorti...

15 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, est-ce que l'on a

16 vraiment donné la liberté, aux gens qui étaient libérés, de choisir entre

17 le retour à la maison ou le fait d'aller ailleurs, en dehors de la

18 municipalité de Vitez ? Est-ce qu’il y a eu des suggestions sur le choix à

19 faire ?

20 M. Zeco (interprétation). - En ce qui me concerne,

21 personnellement, un membre du HVO m'a averti. Il m'a dit : "Docteur, il

22 vaudrait mieux que tu quittes Vitez". Je le connaissais, et j'ai compris

23 que c'était vraiment un avertissement qu'il ma donné en ami, mais je lui

24 ai quand même répondu non. Je lui ai dit : "non, je rentre chez moi".

25 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, vous êtes arrivé

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1 enfin chez vous, le 30 avril ?

2 M. Zeco (interprétation). - Oui. Je suis parti avec quelques

3 autres personnes. En fait, nous attendions de partir en groupe. J'ai

4 attendu le car et, sur le côté, on voyait des soldats du HVO. Ils avaient

5 des caisses de bière et nous étions vraiment très près d'eux. Ils avaient

6 déjà bu pas mal, et ils ont commencé...

7 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, Docteur Zeco, nous

8 allons essayer d'accélérer un peu. Permettez-moi de vous poser la question

9 suivante. Quand vous êtes rentré chez vous, s'est-il produit quelque chose

10 la première nuit après votre retour à la maison où bien ne s’est-il rien

11 produit ? Etait-ce une nuit très calme ?

12 M. Zeco (interprétation). - Il ne s'est rien produit. Je suis

13 rentré chez moi. J'ai passé la soirée sans aucun problème, sans y être

14 dérangé. Pendant la nuit, j'ai reçu mes voisins, non pas des hommes, mais

15 quelques femmes du voisinage, parce qu'il y a des hommes qui ne sont pas

16 rentrés de leur détention de l'école de Dubravica.

17 On m'a demandé ce qui s'était passé. J'ai dit qu'on nous a dit à

18 tous qu'on pouvait partir. Que je ne savais pas ce qui s'était passé.

19 Qu'il fallait attendre le car. S'ils sont arrivés plus tard, il devait y

20 avoir une raison. Je sais que le lendemain, tous jusqu'au dernier avaient

21 quitté ce camp à l'école de Dubravica.

22 Rien de significatif ne s'est passé durant la soirée en

23 question.

24 M. Harmon (interprétation). - Docteur Zeco, je vais terminer mon

25 interrogatoire, avant de reprendre sur les événements qui se sont produits

Page 2804

1 le deuxième jour. Monsieur le Président, serait-ce un moment opportun

2 pour terminer avant de passer à un autre domaine d'interrogation ?

3 M. le Président. - C'est certainement un moment opportun. Je me

4 permets de vous rappeler ce qui a été dit l'autre jour en conférence de

5 mise en état et que je ne veux pas rappeler devant le témoin, mais vous

6 savez très bien à quoi je fais allusion.

7 M. Harmon (interprétation). - Tout à fait, Monsieur le

8 Président.

9 M. le Président. - Et cela notamment par rapport à votre propre

10 liste, Monsieur le Procureur. Je profite de cette occasion pour remercier

11 fortement le témoin pour la patience et le calme avec lequel il répond à

12 toutes ces longues questions, qui lui rappelle des événements qui sont

13 très souffrants.

14 Je me permets toutefois de vous rappeler vos propres

15 engagements, Monsieur le Procureur. Si ces engagements ne pouvaient pas

16 être tenus, la Chambre serait amenée à prendre d'autres dispositions.

17 La séance est suspendue, elle reprendra à 14 heures 30.

18

19 L'audience est suspendue à 12 heures 55.

20

21 L'audience est reprise à 14 heures 35.

22

23 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

24

25 M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

Page 2805

1 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

2 Merci, Messieurs les Juges.

3 Monsieur Zeco, la deuxième nuit après avoir été libéré de

4 l'école de Dubravica, pouvez-vous nous dire ce que les soldats du HVO vous

5 ont fait ?

6 M. Zeco (interprétation). - Cette deuxième nuit, vers 21 heures

7 ou 21 heures 30, deux soldats du HVO sont arrivés. Ils ont déclaré qu'il y

8 avait des informations selon lesquelles il y avait une radio dans la

9 maison. Moi, j'ai répondu que non. Eux ont déclaré qu'ils allaient

10 chercher dans la maison pour chercher cet émetteur. Ils ont fouillé

11 partout dans la maison ; ils ont fouillé pendant un quart d'heure à peu

12 près. Puis, ils sont partis. Et puis, vers 23 heures, quelqu'un a frappé

13 encore une fois à la porte. Des lampes, des torches ont été allumées ; ils

14 nous ont demandé d'ouvrir la porte. Ma femme l'a fait et deux soldats du

15 HVO sont entrés. Ils portaient des insignes à l'épaule, mais ils portaient

16 également des masques sur leur figure, comme des bas tirés sur leur

17 visage, des cagoules. Ils m'ont dit de me préparer, qu'il fallait que je

18 les accompagne. Ils m'ont passé des menottes, ils m'ont attaché les mains

19 derrière le dos avec les menottes et il m'ont emmené.

20 Un autre soldat attendait dehors. Ils m'ont emmené sur un

21 plateau qui domine ma maison vers Kruscica. On entendait des tirs. Sur ce

22 plateau, il y avait quelques maisons en cours de construction et nous

23 avancions entre ces maisons. Nous étions à peu près à un kilomètre, ou un

24 peu moins, par rapport à ce plateau. Entre-temps, ils ont reçu un message

25 selon lequel il fallait qu'ils s'arrêtent. Un soldat est venu leur parler

Page 2806

1 et ils m'ont dit de retourner sur mes pas ; nous sommes allés vers une

2 petite maison qui servait, je crois, d'abri temporaire tandis qu'une

3 maison plus grande était en cours de construction. Ils m'ont dit d'entrer.

4 Je l'ai fait et, alors que je regardais autour de moi et que je

5 me demandais ce qui se passait et ce qui allait m'arriver, j'ai vraiment

6 été surpris : les murs était éclaboussés de sang. Il y avait des canettes

7 de bière vides partout sur le sol. Il y avait une table, un lit, deux

8 chaises. Lorsque je suis entré, l'un deux m'a frappé immédiatement ; il

9 m'a dit que je me souviendrai toujours d'eux. Il jurait.

10 Pendant ce temps-là, il m'a dit de m'asseoir, ce que j'ai fait.

11 Très rapidement, il m'a dit de me lever à nouveau. Il m'a frappé et m'a

12 dit de ne pas me retourner ; moi, je me suis automatiquement retourné. Il

13 m'a frappé avec son fusil et m'a dit de m'allonger sur un sofa ; il m'a

14 couvert d'un tissu et je dois préciser que ce tissu avait une odeur très

15 particulière que je connais bien du fait de mon emploi : je connais bien

16 l'odeur du sang.

17 Je peux dire que ce tissu sentait le sang. Je me suis allongé

18 sur ce canapé. Juste au-dessus de moi, j'ai entendu, juste au-dessus de

19 moi, éclater un coup de feu. Je me suis demandé si l'on m'avait tiré

20 dessus, si j'étais touché. En fait, non. Il avait juste tiré, mais pas sur

21 moi. Il m'a dit que, si je bougeais encore une fois, c'est ce qu'il allait

22 faire : il allait me tirer dessus. Pendant que cela se produisait,

23 quelqu'un a frappé à la fenêtre.

24 J'ai entendu une discussion et ils ont fait entrer mon voisin,

25 Mira Dordic. C’était un de mes voisins les plus proches et, en même temps,

Page 2807

1 il présidait la municipalité avant que Ivica Santic ne devienne président

2 à son tour en tant que membre du HVO. Il était malade. Il avait un rhume

3 et il a été frappé. Ils l'ont frappé avec leurs poings alors qu'ils le

4 faisaient entrer dans la maison.

5 Ils nous ont dit à tous les deux de nous asseoir sur les chaises

6 qui se trouvaient là. Ils nous ont donné des feuilles de papier et nous

7 ont dit tout d'abord d'écrire tout ce qui nous concernait : les dates de

8 naissance, etc. et de stipuler la date et l'heure et de faire une

9 déclaration. Ils nous ont posé les mêmes questions et n'ont pas quitté

10 leur cagoules. Ils étaient masqué pendant tout le temps que cela a duré.

11 Parfois, lorsqu'ils parlaient, ils mettaient même des mouchoirs dans leur

12 bouche et, ensuite seulement, ils se mettaient à parler.

13 Comme nous traversions Stari Vitez régulièrement, ils nous ont

14 demandé de décrire quelles étaient les positions à cet endroit. Ils nous

15 ont demandé d'indiquer où se trouvaient les mitraillettes, les soldats.

16 J'ai dit que je ne le savais pas, que je ne connaissais rien à toutes ces

17 questions d'ordre militaire. Ils m'ont demandé qui était qui et qui

18 faisait des donations bénévoles afin que l'armée de Bosnie-Herzégovine

19 puisse avoir des fusils. Mais je ne disposais pas de ces éléments

20 d'information et je n'étais pas du tout en mesure de les leurs donner.

21 A chaque fois que nous répondions à leurs questions, ils nous

22 frappaient. Ils nous frappaient moi et mon voisin. Ils n'étaient pas du

23 tout satisfaits de nos réponses. Parfois, ils nous demandaient qui étaient

24 ceux qui commandaient certaines unités ? Ni moi ni Mira Dordic pouvions

25 fournir ce type d'information strictement militaire.

Page 2808

1 Après qu'un certain temps se soit écoulé -je savais qu'il était

2 2 heures 30-, ils m'ont demandé combien d'argent j'avais chez moi. Moi,

3 j'ai dit que chez moi, je n'avais pas plus de 400 deutsche mark. Ils ont

4 dit : "Eh bien, nous irons voir ensemble."

5 Ils nous ont fait sortir. Ils ne m'ont pas mis les menottes

6 cette fois-là, mais ils ont mis les menottes à Mira Dordic. Nous sommes

7 redescendus et, à un moment donné, Mira Dordic est tombé. Ils lui ont

8 enlevé ses menottes et nous avons enfin atteint nos maisons.

9 Nous sommes d'abord entrés chez moi et, à ce moment-là, j'ai dit

10 à ma femme d'aller chercher les deutsche marks que nous avions en notre

11 possession. Cet argent se trouvait dans une enveloppe. Elle est allée la

12 chercher, elle la leur a donnée. Ils m'ont déclaré qu'il fallait que nous

13 ayons bien à l'esprit la chose suivante, qu'à 17 heures le jour suivant,

14 nous ne devions plus nous trouver à la maison. Il fallait que nous ayons

15 quitté les lieux avant 17 heures le lendemain.

16 Bien évidemment, nous n'avons pas du tout dormi cette nuit-là,

17 nous étions terriblement préoccupés. Le lendemain matin, ma fille est

18 arrivée accompagnée de ses enfants. Elle vivait dans le centre-ville. Elle

19 est arrivée et je lui ai dit de se rendre au poste de police immédiatement

20 pour expliquer à la police ce qui s'était passé et pour demander à la

21 police de venir. Il fallait qu'elle leur dise que j'attendais que la

22 police intervienne, qu'elle fasse une enquête.

23 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Zeco, est-ce que la

24 police du HVO a répondu à votre appel. Est-ce qu'elle est venue après que

25 votre fille soit allée les voir ?

Page 2809

1 M. Zeco (interprétation). - La police est venue. Deux policiers

2 sont arrivés et ils m'ont demandé de leur raconter ce qui s'était passé.

3 J'ai tout dit et j'ai insisté sur le fait qu'il fallait qu'ils me disent

4 s'il fallait que je reste chez moi ou pas et, si je restais, allaient-ils

5 m'accorder une protection ou pas ?

6 Ils ont répondu qu'ils étaient la police civile, alors que là on

7 parlait de l'armée. Donc, je leur ai demandé d'aller voir Sumaria, de

8 l'autre côté de la rue où se trouvait le poste vétérinaire. C'est là que

9 se tenait le commandement local du HVO. Donc je leur ai dit d'aller voir

10 les responsables, les commandants, pour qu'ils leur disent ce qui c'était

11 passé et pour qu'ils leur demandent si moi-même et ma femme aurions une

12 protection si nous restions chez nous.

13 Ils m'ont répondu qu'ils le feraient. Ils m'ont dit qu'il

14 fallait que je reste chez moi. Mais, alors que je les observais

15 s'éloignant par la fenêtre, j'ai bien vu qu'ils n'allaient pas vers

16 Sumaria, vers le poste du HVO. J'ai vu qu'ils allaient vers le centre-

17 ville. J'ai compris que cette demande de protection ne me serait jamais

18 accordée, et là j'ai vraiment été très préoccupé. Voilà ce qui s'est

19 passé.

20 A un moment donné, un de nos amis est arrivé en voiture, un

21 Croate. Il a dit qu'il avait entendu dire que j'avais été libéré du camp.

22 Il voulait simplement passer me dire bonjour. C'était le frère de

23 Ivica Santic, le responsable de la municipalité de Vitez.

24 Il est venu chez nous. Quand il a entendu ce qui s'était

25 produit, il a déclaré que ma femme et moi-même devions le suivre et aller

Page 2810

1 chez lui où nous serions placés sous sa protection. Il m'a indiqué que

2 s'ils m’avaient dit de partir de chez moi, il était beaucoup mieux que

3 nous partions. Nous pouvions aller chez lui, car sa famille était partie à

4 Zagreb.

5 Nous avons essayé de réunir quelques objets. Il a dit : "Non,

6 n’emportez rien, nous reviendrons demain et nous rassemblerons vos

7 affaires". Nous nous sommes rendus chez lui. Le jour suivant, avec ma

8 femme, ils ont pris la voiture et sont allés à notre domicile. Ils sont

9 revenus peu de temps, n’ayant rien pu faire.

10 M. Harmon (interprétation). - Que s’est-il passé ? Que vous ont-

11 ils dit qu’il s’était produit dans votre maison le jour suivant ?

12 M. Zeco (interprétation). - Quand ils sont revenus, ils ont dit

13 que des Croates avaient déjà investi les lieux, qu'ils s'étaient installés

14 chez nous. Ces Croates ont dit à ma femme quelque chose d'assez étrange.

15 Ils lui ont dit : "Ne venez pas ici et ne nous volez pas !". Elle a

16 répondu : "Mais, enfin, comment pourrais-je voler mes propres affaires ?"

17 Notre ami est intervenu. Ma femme a pu entrer et elle a emporté le minimum

18 de vêtements et d'objets. Entre-temps, elle s'est rendue au bureau de la

19 gestion forestière, le Sumaria. Des soldats sont arrivés peu de temps

20 après et les en ont chassés. Ils ont chassé ma femme et notre ami. Ils se

21 trouvaient devant la maison. Notre ami a dit qu'il n'y avait plus rien à

22 faire et qu'il valait bien mieux pour nous que nous partions.

23 M. Harmon (interprétation). - Donc, lorsqu'ils sont revenus vous

24 voir, c'est eux qui vous ont dit qu’ils étaient partis de chez vous et

25 qu'ils s'étaient rendus à la maison de M. Santic où vous vous trouviez ?

Page 2811

1 C'est bien cela ?

2 M. Zeco (interprétation). - Oui, c’est cela.

3 M. Harmon (interprétation). - Une question sur ce que vous venez

4 de dire. Lorsqu'on vous a interrogé dans cette petite maison, dont vous

5 avez parlée, vous avez dit qu'il y avait là un homme qui s'appelait

6 Midhat Hodzic qui lui aussi a été interrogé. Est-ce qu’il était musulman ?

7 M. Zeco (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Vous êtes retourné à la maison de

9 Zvonko Santic, à quel moment ont eu lieu vos contacts avec le HVO ?

10 M. Zeco (interprétation). - Nous sommes restés dans la maison ce

11 jour-là, le jour suivant et le troisième jour. Le premier jour, nous

12 sommes arrivés. Le second jour, ma femme a essayé de prendre des affaires

13 chez nous, le troisième jour nous étions encore dans cette maison. Le

14 matin, Zvonko Santic est arrivé et il a dit : "Il faut que je parte. Vous

15 pouvez rester dans mon appartement. Mais il est évident dans quelqu'un

16 n'est pas du tout d'accord avec le fait que je vous ai aidés". Il a

17 déclaré qu'il fallait qu'il se rende sur la ligne de front.

18 Nous sommes restés chez lui. Puis, six ou sept jours plus tard,

19 des policiers militaires sont arrivés. Ils portaient des badges, des

20 insignes de la police militaire. Ils m'ont dit de me préparer parce qu'il

21 fallait que je les accompagne. J’ai quitté ma femme. Ma femme est restée

22 dans la maison. Ils m'ont emmené à l'hôtel.

23 M. Harmon (interprétation). - L'hôtel Vitez ?

24 M. Zeco (interprétation). - Je n'ai pas bien compris la nature

25 de votre question.

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1 M. Harmon (interprétation). - Quel était le nom de l'hôtel où

2 ils vous ont emmené ?

3 M. Zeco (interprétation). - Oui, c'était l'hôtel Vitez, l'hôtel

4 qui se trouve à Vitez et qui était géré par le traiteur Kruscica.

5 M. Harmon (interprétation). - Qu’est-il arrivé ?

6 M. Zeco (interprétation). - Ils m'ont fait entrer dans l'hôtel.

7 Nous sommes passés par le café-restaurant. Je connais bien cet hôtel et sa

8 disposition. Ils m'ont emmené dans une pièce qui se trouve juste à côté du

9 café-restaurant. Il y avait là une personne que je ne connaissais pas,

10 revêtue d'un uniforme. Je me suis rendu dans cette pièce. C'est un des

11 policiers militaires qui m’y a fait entrer. J'y suis resté 10 à

12 15 minutes, personne ne m'a rien demandé.

13 Ils m'ont demandé quel type de plans militaires avaient été

14 trouvés dans ma maison. J'ai répondu : "mais je n'ai pas du tout de plans

15 militaires. Si j'en avais eux, c'étaient plutôt des plans qui visaient à

16 protéger la population civile, et notamment un projet protection civile.

17 Un programme de protection civile, parce que cela relevait de mes

18 fonctions". D'ailleurs c'était à ma propre initiative que je m'étais

19 décidé à établir ce projet de protection de la population civile en cas

20 d'attaque du HVO. J'ai déclaré que je ne prenais pas parti et que c'était

21 exclusivement en vue de la protection civile, en cas d'attaque ou

22 d'offensive.

23 Cinq ou six minutes se sont écoulées sans qu'on me pose

24 d'autres questions. Puis, il a fini par appeler un policier et lui a dit

25 de m'emmener au poste de police.

Page 2813

1 On m'y a emmené. Ils m'ont amené dans un bureau et là il m'a

2 encore interrogé sur ces projets, ces plans. Une fois encore, je leur ai

3 répété que les plans qu'il avait trouvés quand il avait pris ma voiture

4 n'étaient que des plans qui touchaient à la protection de la population

5 civile, des plans qui prévoyaient les soins à donner aux femmes, aux

6 enfants, les mesures qui permettaient de protéger la propriété de chacun.

7 C'étaient des mesures de protection pour la population civile.

8 Après cet interrogatoire, ils m'ont mis dans une cellule isolée

9 et ce pendant 48 heures. Ensuite, ils m'ont fait sortir et m'ont emmené

10 une fois de plus à la maison de Svonko Santic accompagné d'une escorte.

11 J'y ai retrouvé ma femme. Ils m'ont dit que j'étais sous surveillance,

12 qu'il ne fallait pas que je quitte la maison pour quelque raison que soi.

13 Par la suite, avec mon épouse, nous nous sommes demandés ce que

14 nous pouvions bien faire. Je lui ai dit d'essayer d'entrer en contact avec

15 le Dr Mujezinovic afin que nous puissions voir quelles étaient les

16 possibilités qui s'offraient à nous. Pour ma part, je souffrais de

17 troubles cardiaques. Je suis cardiaque.

18 Je me demandais quelles étaient les possibilités qui s'offraient

19 à moi et qui me permettraient de quitter Vitez. Je me suis bien aperçu

20 qu'il fallait faire quelque chose de ma propre initiative parce que

21 personne ne viendrait à mon secours. Nous nous sommes mis d'accord. Il a

22 été décidé que ma femme se rende à la clinique, qu'elle dise que j'avais

23 une attaque cardiaque. Il fallait qu'elle mente en disant cela, car ce

24 n'était pas le cas.

25 C'est ce qui fut fait. Elle s'est rendue à la clinique et elle a

Page 2814

1 dit que j'avais eu une attaque cardiaque. Ils ont envoyé une ambulance le

2 matin du 13 mai. Nous sommes montés dedans et avons traversé les villages,

3 les collines en direction de Travnik. L'ambulance m'a emmené directement à

4 l'hôpital de Travnik.

5 Quand nous sommes arrivés, je leur ai expliqué que je n'étais

6 pas malade, mais que j'avais été obligé de mentir. Je connaissais la

7 plupart des médecins qui se trouvaient là.

8 Voilà ce que je peux dire pour ce qui est de cette période

9 fatidique du 16 avril au 13 mai, période que j'ai passée à Vitez.

10 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous jamais retourné chez

11 vous, Docteur Zeco ? Répondez par oui ou par non.

12 M. Zeco (interprétation). - Non.

13 M. Harmon (interprétation). - Votre maison est-elle occupée à

14 l'heure actuelle par des Croates ?

15 M. Zeco (interprétation). - Il y a 15 jours, j'ai reçu des

16 informations. Ce sont des amis croates qui m'en ont fait part. Ils m'ont

17 dit que la famille qui a occupé ma maison pendant la guerre a déménagé,

18 qu'elle est partie pour les Etats-Unis. Ils m'ont dit qu'avant de partir,

19 ils ont tout vendu et qu'il y a même un nouveau propriétaire. Ils ont

20 vendu la maison à un nouveau propriétaire.

21 Puis, le 13 de ce mois-ci, ma femme et moi-même sommes allés au

22 bureau de gestion forestière, nous y sommes allés pour voter. Nous avons

23 rempli notre devoir civique. Ma femme était bouleversée. Ce jour-là, elle

24 n'a pu que jeter un bref coup d'oeil sur sa propre maison qui se trouve à

25 100 ou 150 mètres de l'endroit où nous sommes allés voter. Jusqu'alors,

Page 2815

1 elle n'avait pas eu l'occasion de se trouver à proximité de notre maison.

2 Après que les combats aient cessé, souvent je suis passé près de

3 la maison, mais jamais je ne suis rentré dedans.

4 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais verser la pièce 103 au

5 dossier, Monsieur le Président.

6 M. Hayman (interprétation). - De quelle pièce s'agit-il ?

7 M. le Président. - Je n'ai pas entendu la traduction.

8 M. Harmon (interprétation). - C'est la dernière pièce que le

9 témoin à commentée.

10 M. le Président. - Pas d'objection ?

11 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, il ne

12 s'agit pas d'informations extrêmement importantes du point de vue des

13 faits, mais, pour le principe, la défense voudrait faire une objection à

14 ces deux pièces pré-numérotées. La légende a été fournie au témoin et je

15 crois que ces informations seraient plus valables si c'était le témoin

16 lui-même qui identifiait les différents emplacements qui se trouvent sur

17 ces cartes. Le témoin a eu affaire à des documents pré-numérotés, qui

18 avaient déjà une légende. C'est juste pour le principe.

19 M. le Président. - Il me semble que le témoin s'est rendu près

20 de la carte ce matin et, effectivement, les endroits sont pré-identifiés,

21 mais il me semble qu'il les a reconnus, qu'il les a confirmés. C'est dans

22 le compte rendu, me semble-t-il.

23 M. Hayman (interprétation). - C'est une manière de guider le

24 témoin, Monsieur le Président. Bien entendu, on peut faire tout le travail

25 pour le témoin et mettre les légendes, etc. mais nous pensons que le

Page 2816

1 témoignage sera plus fiable si c'est le témoin qui indique lui-même les

2 différents emplacements sur les cartes, leur signification, etc. Je dis

3 que, d'un point de vue de l'information, ce n'est pas très important, mais

4 c'est juste pour le principe.

5 M. le Président. - Non, ce n'est pas très important,

6 Maître Hayman. Le témoin est venu près de la carte. Effectivement, la

7 carte est pré-identifiée, ce qui fait gagner du temps qui, vous le savez,

8 est une préoccupation constante du Tribunal. Le témoin a formellement

9 identifié les étiquettes marquées. On ne va donc pas imposer au témoin de

10 revenir près de la carte et de l'identifier. Le Tribunal est parfaitement

11 informé de ce qu'a fait le témoin. Objection refusée.

12 Avez-vous d'autres questions, Monsieur le Procureur ?

13 M. Harmon (interprétation). - Non, je voudrais que les choses

14 soient bien claires. La raison pour laquelle cette pièce a été pré-

15 numérotée, c'est parce que nous voulions établir un ordre et que des

16 exemplaires de cette carte ne sont pas arrivés à temps. Pour cette raison,

17 cette photo n'a pas été marquée : nous n'avions pas un exemplaire sur

18 lequel le témoin aurait pu lui-même placer différentes remarques.

19 M. le Président. - Le Tribunal a tranché la question.

20 L'interrogatoire est terminé.

21 Qui prend le contre-interrogatoire ? C'est Maître Nobilo ou

22 Maître Hayman ? Maître Nobilo, vous passez au contre-interrogatoire.

23 Avez-vous encore une objection, Maître Harmon ? Je le dis très

24 nettement : la procédure doit être menée dans un certain délai ; le

25 Tribunal y veillera. Tout ce qui est superfétatoire sera, en principe,

Page 2817

1 rejeté. Monsieur le Procureur, avez-vous terminé votre interrogatoire ?

2 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai plus de question. Je

3 voulais simplement remercier le témoin pour toutes les informations qu'il

4 nous a apportées.

5 M. le Président. - C'est fait.. Dont acte.

6 Maître Nobilo, veuillez commencer votre contre-interrogatoire.

7 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

8 Monsieur. Zeco, bonjour. Je suis Anto Nobilo, le conseil du

9 général Blaskic. En mon nom et au nom de la défense, je voudrais vous

10 poser quelques questions.

11 M. Zeco (interprétation). - Bien sûr.

12 M. Nobilo (interprétation). - A plusieurs reprises, vous avez

13 parlé du HVO. Faites-vous une différence entre le HVO en tant qu'armée et

14 le HVO en tant que pouvoir civil ?

15 M. Zeco (interprétation). - Du point de vue militaire, il y a

16 une différence. Et je fais une différence entre les unités

17 opérationnelles, les unités militaires du HVO, à travers toute la période

18 où j'ai eu des contacts, toutes les occasions où j'ai eu des contacts. Il

19 y avait tant de liens entre le HVO et un certain nombre de personnalités

20 responsables sur le plan civil, sur le plan du pouvoir civil. C'étaient

21 des individus bien précis, mais tous sous la même dénomination : le HVO.

22 En effet, les autorités civiles et le gouvernement portaient aussi le nom

23 de HVO. Je pense que c'est une organisation complexe. C'est ainsi que moi,

24 je vois les choses.

25 M. Nobilo (interprétation). - Le gouvernement du HVO était-ce un

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1 pouvoir civil ou un pouvoir militaire avec Santic à sa tête ?

2 M. Zeco (interprétation). - Sur le territoire de la

3 municipalité, c'était un pouvoir civil.

4 M. Nobilo (interprétation). - Ivica Santic, était-il un

5 fonctionnaire civil ou militaire ?

6 M. Zeco (interprétation). - C'était un fonctionnaire civil.

7 M. Nobilo (interprétation). - Donc, comme vous dites que le HVO

8 a pris le pouvoir dans la municipalité, voulez-vous dire que c'est le

9 gouvernement du HVO en tant que pouvoir civil qui a pris le pouvoir ?

10 M. Zeco (interprétation). - Le gouvernement, en tant que pouvoir

11 civil, donc le gouvernement du HVO qui représentait les autorités, le

12 pouvoir sur le territoire de la municipalité de Vitez, qui a organisé,

13 dirigé les structures civiles, était en même temps en contact permanent

14 avec des représentants militaires.

15 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Vous avez dit qu'il y avait

16 eu des problèmes à un certain nombre de barrages, qu'il y avait de plus en

17 plus de tension entre les Musulmans et les Croates et que c'était pour

18 cela qu'au milieu de l'année 1992, un bureau de coordination a été formé,

19 un bureau musulman. Pouvez-vous nous dire, quels incidents ont éclaté

20 entre les Musulmans et les Croates, pendant la première moitié de 1992,

21 dont vous vous souvenez, et qui étaient la raison pour laquelle il a fallu

22 fonder ce bureau de coordination ?

23 M. Zeco (interprétation). - Je peux vous raconter cela d'après

24 mes expériences personnelles.

25 M. Nobilo (interprétation). - On parle bien de la première

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1 moitié de 1992 ?

2 M. Zeco (interprétation). - Oui, de la première moitié. J'étais

3 vétérinaire, donc souvent en déplacement sur le terrain avec ma voiture. A

4 plusieurs endroits, dans plusieurs villages, on pouvait voir des barrages

5 installés, des points de contrôle. J'étais souvent arrêté par des soldats

6 du HVO :. ils me demandaient de m'arrêter et ils fouillaient. Tous, ils

7 savaient que je devais être en déplacement, que je devais travailler aussi

8 bien avec les Musulmans que les Croates, mais ils cherchaient des armes

9 chez moi. Je leur disais que je n'avais jamais été engagé sur le plan

10 militaire et que je ne faisais qu'exercer ma profession.

11 Voilà. Telles étaient mes expériences personnelles. Mais, à

12 l'époque, j'avais un technicien vétérinaire. Il y avait aussi mon collègue

13 vétérinaire qui est venu de Travnik pour m'aider. Et il a vécu des

14 situations semblables.

15 M. Nobilo (interprétation). - C'étaient donc les raisons ?

16 M. Zeco (interprétation). - C'était une des raisons pour

17 lesquelles il a fallu fonder le bureau pour la protection des intérêts des

18 Musulmans.

19 M. Nobilo (interprétation). - Pour continuer sur le même sujet,

20 une question supplémentaire : quand on parle de points de contrôle, est-il

21 exact qu'en février 1993, dans Jardol, au moment où vous avez été en

22 déplacement en tant que vétérinaire, avec votre voiture de fonction, on a

23 trouvé dans votre voiture une grande quantité de munitions qui étaient

24 destinées aux membres de l'Armiya de Bihac, de Vranjska et de

25 Gornja Povna ? Est-ce exact ?

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1 M. Zeco (interprétation). - Oui, j'ai entendu la question. Non,

2 ce n'est pas exact. Je sais chez qui on a trouvé cela. Mais moi, je ne

3 faisais pas ce genre de choses et ce n'est pas exact.

4 M. Nobilo (interprétation). - Et chez qui a-t-on trouvé cela ?

5 M. Zeco (interprétation). - Cela a été trouvé chez le technicien

6 vétérinaire. Lui, il était membre de l'Armiya de Bosnie-Herzégovine.

7 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce votre véhicule ?

8 M. Zeco (interprétation). - Non. C'était la voiture qui

9 appartenait à ce technicien qui, lui, était membre de l'Armiya. Comme je

10 l'ai dit, je ne me suis jamais aventuré à faire ce genre de choses. Et je

11 n'ai jamais eu ce type d'activité.

12 M. Nobilo (interprétation). - Etiez-vous dans le même véhicule

13 au moment où cela a été trouvé ?

14 M. Zeco (interprétation). - Non. Je n'en sais pas plus que ce

15 que vous venez de me dire. C'est tout ce que je savais au sujet de cet

16 incident.

17 M. Nobilo (interprétation). - Bien. Revenons au bureau de

18 coordination pour la défense des intérêts des Musulmans. Vous aviez dit

19 que vous étiez chargé de l'agriculture et de l'élevage. Est-il exact que

20 Djidic Sefkija a été chargé des questions de défense, de l'armée ?

21 M. Zeco (interprétation). - Oui.

22 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact que Mahmutovic Saban

23 était chargé de la police ?

24 M. Zeco (interprétation). - Oui.

25 M. Nobilo (interprétation). - Et ainsi de suite, pour ne pas

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1 tout énumérer.

2 M. Zeco (interprétation). - Oui.

3 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous dire que ce bureau de

4 coordination avait des caractéristiques d'un gouvernement, avec un certain

5 nombre de ministères ?

6 M. Zeco (interprétation). - Je peux vous dire qu'à l'époque,

7 l'activité du bureau de coordination était une activité où l'on assumait

8 pleinement toutes nos responsabilités et que personne n'avait aucune

9 ambition de devenir une instance de pouvoir. Notre seul objectif était que

10 nous tous, qui étions des hommes responsables et compétents pour certaines

11 choses, nous voulions agir par rapport aux pouvoirs civils qui étaient

12 suspendus.

13 Il fallait résoudre des problèmes. Nous avions des choses à

14 faire. C'était une initiative à la fois des structures politiques qui

15 étaient actives à ce moment-là à Vitez et dans la région, et à

16 l'initiative du parti SDA. Il y avait aussi le parti HDZ. L'objectif était

17 simplement de constituer un groupe informel et de se mettre à la

18 disposition de la population.

19 Souvent, j'ai été en contact avec M. Ivica Santic. A une

20 occasion, je lui ai demandé en tant qu'ami et collaborateur proche : "A-t-

21 on vraiment besoin de quelqu'un de l'extérieur pour résoudre nos

22 problèmes ?"

23 Il y a donc eu beaucoup de raisons qui ont fait qu'il y a eu la

24 constitution de ce bureau. Voilà mon analyse de la situation. C'est ainsi

25 que j'ai réfléchi.

Page 2822

1 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous dites que le pouvoir

2 civil était suspendu, qui l'a suspendu ? C'était le pouvoir élu ?

3 M. Zeco (interprétation). - Les organes de pouvoir au niveau de

4 la municipalité avaient une nouvelle composition. Il y avait la Communauté

5 croate d'Herzeg-Bosna dans tous les actes officiels de la municipalité, en

6 plus du Parlement, le Comité exécutif et tous les autres organes. Ils

7 devaient porter en préambule, en intitulé "Communauté croate de

8 Herzeg-Bosna", ce qui était une entité para-étatique, logiquement et aussi

9 parce qu'ils demandaient à tous les employés qui étaient Musulmans de

10 signer explicitement leur loyauté à la Communauté croate de Herzeg-Bosna.

11 Tous les actes de nomination de fonctionnaires municipaux ont été annulés

12 et on a commencé à demander à ce que tout le monde signe désormais cette

13 loyauté, cette déclaration de loyauté, sans quoi ils allaient être

14 licenciés.

15 Bientôt, il y a eu des soldats qui sont venus s'installer à

16 l'intérieur des bureaux de la municipalité et cela a été suspendu.

17 M. Nobilo (interprétation). - Mais au milieu de l'année 1992 et

18 après, n'y avait-il pas une cellule de crise mixte avec des Musulmans et

19 des Croates ? Quel a été le partage de pouvoir entre cette cellule de

20 crise et le bureau de coordination qui, lui, était exclusivement composé

21 de Musulmans ?

22 M. Zeco (interprétation). - A l'époque, tous les problèmes qui

23 surgissaient, étaient résolus par la cellule de crise, mais il faut dire

24 que pendant toute cette période, tous ces problèmes n'ont pas pu être

25 résolus et il y en avait de plus en plus. Il y avait une accumulation de

Page 2823

1 problèmes. En résultat de tout cela, on a constitué le Bureau de

2 coordination pour la protection des Musulmans.

3 M. Nobilo (interprétation). - Rapidement, je donnerai quelques

4 noms. Est-ce qu’il y avait Kalco Nusret, chargé de l'agriculture dans ce

5 bureau ?

6 M. Zeco (interprétation). - Oui.

7 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi juste "oui" ou "non".

8 Salihbasic Hasan, chargé des finances ?

9 M. Zeco (interprétation). - Oui.

10 M. Nobilo (interprétation). - Chargé de l'éducation, Dzjidic

11 Kadir ?

12 M. Zeco (interprétation). - Oui.

13 M. Nobilo (interprétation). - Chargé des affaires sociales,

14 Ahmic Sulejman ?

15 M. Zeco (interprétation). - Oui.

16 M. Nobilo (interprétation). - Approvisionnement,

17 Viteskic Suljo ?

18 M. Zeco (interprétation). - Oui.

19 M. Nobilo (interprétation). - Salkic Sua, chargé de

20 l'information ?

21 M. Zeco (interprétation). - Oui.

22 M. Nobilo (interprétation). - Affaires de santé, logistique,

23 Mujez Inovic, Cazim Ahmic.

24 M. Zeco (interprétation). - Oui.

25 M. Nobilo (interprétation). - C'étaient les membres du bureau de

Page 2824

1 coordination pour la défense des Musulmans ?

2 M. Zeco (interprétation). - Oui.

3 M. Nobilo (interprétation). - Imaginons que vous preniez une

4 décision, quelque soit le domaine -dans le domaine de la police, par

5 exemple-, comment appliquait-on ces décisions ?

6 M. Zeco (interprétation). - Ces décisions devaient être

7 appliquées, mises en oeuvre en contact avec des représentants du

8 gouvernement du HVO.

9 M. Nobilo (interprétation). - On devait donc se mettre d'accord

10 avec les organes de pouvoir croate ?

11 M. Zeco (interprétation). - Oui.

12 M. Nobilo (interprétation). - Si vous pouviez mettre en

13 application ces décisions grâce à des fonctionnaires uniquement musulmans,

14 est-ce que vous le faisiez ?

15 M. Zeco (interprétation). - Non, pas du tout, parce qu'on nous a

16 demandé de manière très explicite, très express à chacun de rester en

17 contact avec les Croates et de trouver un terrain d'entente avec les

18 Croates.

19 M. Nobilo (interprétation). - On m'indique qu'il faut ralentir

20 un peu le rythme.

21 Peut-on en déduire qu'il existait deux organes de pouvoir, l'un

22 croate et l'autre musulman, qui essayaient de coopérer et de rester en

23 contact ?

24 M. Zeco (interprétation). - Ce que je peux affirmer, c'est que

25 ce n'est pas vrai. Je peux affirmer qu'en aucun cas, le bureau de

Page 2825

1 coordination n'a jamais rien fait en tant qu'organe de pouvoir, instance

2 de pouvoir.

3 M. Nobilo (interprétation). - Quelle était cette présidence de

4 guerre ?. Qui l'a fondée ?

5 M. Zeco (interprétation). - La présidence en temps de guerre a

6 été fondée de manière tout à fait légale, d'après une recommandation de la

7 République, des organes de l'Etat, et en vertu d'une loi. Je ne connais

8 pas exactement l'intitulé de cette loi, mais il y avait une loi en vertu

9 de laquelle cette présidence a été constituée et je pense que c'était de

10 manière tout à fait légale.

11 M. Nobilo (interprétation). - Mais quel organe est censé fonder

12 la présidence de guerre ?

13 M. Zeco (interprétation). - C'est l'assemblée municipale, les

14 représentants de l'assemblée. C'était des représentants officiels du

15 Parlement. Ils devaient nommer les membres de la présidence de guerre. Ils

16 étaient députés au sein de l'assemblée municipale. Ces délégués, du côté

17 musulman, siégeant au sein de l'assemblée municipale, ont procédé à la

18 nomination des membres de la présidence de guerre.

19 M. Nobilo (interprétation). - Si j'ai bien compris, corrigez-moi

20 si ce n'est pas le cas, les députés musulmans se sont réunis à part et ont

21 fondé cette présidence de guerre ?

22 M. Zeco (interprétation). - Ce sont eux qui ont nommé les

23 membres de la présidence de guerre.

24 M. Nobilo (interprétation). - Quand la présidence de guerre a

25 été constituée, a-t-elle représenté un organe de pouvoir ?

Page 2826

1 M. Zeco (interprétation). - Oui, elle devait être un organe de

2 pouvoir. Elle devait représenter officiellement les Musulmans, Musulmans

3 qui ont été suspendus et qui à ce moment-là n'avaient plus accès à rien.

4 C'est pourquoi nous avons fondé un organe de pouvoir musulman. Donc, les

5 deux parties étaient représentées.

6 M. Nobilo (interprétation). - On peut en conclure qu'à partir de

7 ce moment-là il y avait deux organes de pouvoir : bosniaque/croate et

8 musulman, sur le même territoire ?

9 M. Zeco (interprétation). - Oui.

10 M. Nobilo (interprétation). - La présidence de guerre était-elle

11 une autorité politique exécutive de la police ?

12 M. Zeco (interprétation). - La présidence de guerre, comme vous

13 venez de le dire, a été constituée comme une instance de plus qui devait

14 être une instance de pouvoir, et dans la même région.

15 Justement, parlons-en du pouvoir politique, du pouvoir de

16 l'organe qui a été constitué par cette politique ! Quand il prenait

17 certaines décisions, il tentait, à tout prix, quelle que soit la décision

18 qui devait être prise, de le faire en coordination avec les représentants

19 du gouvernement du HVO, qui étaient donc sur le même plan que cette

20 présidence de guerre. Elle essayait toujours, dans toutes les situations,

21 de trouver un terrain d'entente sur tous les problèmes qui surgissaient ;

22 c'est ainsi qu'elle a agi.

23 Du moins en ce qui me concerne, quand on m'assignait une tâche,

24 j'essayais de discuter avec les représentants des Croates, d'agir en

25 commun, de prendre des décisions communes, pour les appliquer ensuite.

Page 2827

1 M. Nobilo (interprétation). - Vous n’avez pas répondu à ma

2 question. La présidence de guerre avait-elle une autorité politique sur la

3 police ou sur l'état-major de la Défense territoriale, sur la partie

4 musulmane de ces organes ?

5 M. Zeco (interprétation). - Non. Au moment où la présidence de

6 guerre a été fondée, il n'y avait pas de police musulmane. Il n'y avait

7 que Mahmutovic Saban qui avait été nommé en tant que représentant. Mais au

8 sein de la police, dans le commissariat de police, il était avec les

9 Croates.

10 Je crois qu'à l'époque où on a désarmé les Musulmans qui étaient

11 dans la police, quand ils ont dû quitter les rangs de la police, après des

12 négociations et accords politiques, il a été décidé que les Croates

13 allaient choisir parmi eux le chef de la police, ce fut Samia Mirko, et

14 les Musulmans le commandement des unités de police, Sabanovic. L'objectif

15 était de le trouver ensemble.

16 Au sein de la présidence, l'ordre était explicite. Il ne fallait

17 en aucun cas arriver à un conflit avec les Croates. Il fallait surtout

18 trouver toujours un terrain d'entente !

19 M. Nobilo (interprétation). - S'agissant de la police, vous avez

20 mentionné Mirko Samija. C'était un ami ? Il était Croate ?

21 M. Zeco (interprétation). - Oui.

22 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous dire à quel moment il

23 a été nommé ? Est-ce que vous vous en souvenez ? Début 1991 ou en 1993 ?

24 M. Zeco (interprétation). - Il a été nommé en 1992.

25 M. Nobilo (interprétation). - A quel moment ?

Page 2828

1 M. Zeco (interprétation). - A peu près à la deuxième moitié

2 de 1992.

3 M. Nobilo (interprétation). - Jusqu'à quel moment est-il resté à

4 ce poste ?

5 M. Zeco (interprétation). - Il est resté après le 16 avril.

6 C'est-à-dire le 13 mai quand je suis parti.

7 M. Nobilo (interprétation). - Qui l’a précédé à ce poste. ?

8 M. Zeco (interprétation). - Oui, je peux, c’était Pero Skopljak.

9 M. Nobilo (interprétation). - A quel moment a-t-il quitté ses

10 fonctions ?

11 M. Zeco (interprétation). - Vraisemblablement, au moment où il a

12 été remplacé par l'autre.

13 M. Nobilo (interprétation). - A plusieurs reprises, vous avez

14 dit que vous étiez membre, puis d'une manière différente que vous étiez

15 commandant du bureau de la défense civile. Si vous étiez commandant, à

16 quel moment l’êtes-vous devenu ? Pouvez-vous le dire ?

17 M. Zeco (interprétation). - Je le peux de manière tout à fait

18 exacte.

19 Je peux vous donner la date. J'étais membre du bureau de la

20 défense civile de la municipalité de Vitez et cela à partir de mon arrivée

21 sur le territoire de la municipalité de Vitez.

22 Au moment où un certain nombre de problèmes se posaient déjà, en

23 1992, la deuxième moitié de 1992, nous nous sommes réunis au niveau du

24 Bureau municipal où nous continuions à travailler ensemble. Dans ce

25 bureau, nous avons travaillé de concert, en tant que bureau officiel de

Page 2829

1 défense, avec toutes les ingérences normales. Il a été décidé de nommer un

2 bureau un peu plus opérationnel de défense civile qui, lui, devait assurer

3 certaines options militaires aussi bien que civiles.

4 Du côté du gouvernement du HVO, pour des questions militaires,

5 du côté des Croates, on a nommé Krezic Marko et Strbac Rudo, pour ce qui

6 est des structures civiles.

7 Du côté des Musulmans, c'est une appellation que je n'aime pas

8 et je n'aime pas faire une distinction selon les critères ethniques,

9 j'étais nommé pour des structures civiles et Kalco Sulejman devant l'armée

10 de Bosnie-Herzégovine.

11 Tel était le bureau commun de défense civile. Nous en avions

12 besoin dans tous les cas. Mais du point de vue opérationnel, il n'a jamais

13 vraiment commencé à fonctionner. De manière officielle, si j'ai bien

14 compris votre question, c'était la partie où j'étais membre du Bureau.

15 Le 14 janvier 1993, j'ai été nommé, devant la présidence de

16 guerre, commandant du Bureau municipal de défense civile et ce par la

17 décision du ministre de la République de Bosnie-Herzégovine.

18 M. Nobilo (interprétation). - Le Bureau municipal, vous m'avez

19 dit que c'était lors d'une réunion de la présidence, était-il intégré dans

20 une structure militaire. Qui était votre supérieur immédiate ?

21 M. Zeco (interprétation). - Non.

22 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous l'expliquer ?

23 M. Zeco (interprétation). - Non. Le Bureau municipal de défense

24 civile ne fonctionnait que comme un organe représentant des pouvoirs

25 civils. D'après les conventions de Genève, il devait agir en vertu des

Page 2830

1 conventions de Genève.

2 Je peux toutefois vous dire qu'après les opérations militaires,

3 j'ai subi un certain nombre de pressions de la part de l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine. J'ai toujours fait valoir l'existence des conventions de

5 Genève et la nécessité de les respecter. Un organe de défense civile ne

6 pouvait pas être utilisé à des fins militaires. On avait une quantité

7 colossale de travail à faire.

8 J'ajoute que nos membres étaient des gens qui n'étaient pas en

9 très bonne santé, en très bonne condition physique compte tenu de la

10 difficulté de la situation. Il était parfois vraiment très mal venu d'être

11 membre de la défense civile.

12 M. Nobilo (interprétation). - On parle du mois d'octobre 1992.

13 C'est à ce moment-là que s'est produit ce conflit à Travnik et c'est ce

14 qui a créé un certain nombre de tension à Vitez, à l'époque où vous étiez

15 membre du bureau de coordination pour la défense des Musulmans.

16 Pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances les soldats du

17 HVO ont-ils été arrêtés devant Ahmici ?

18 M. Zeco (interprétation). - Pouvez-vous répéter la question.

19 M. Nobilo (interprétation). - Je répète. Au mois d'octobre 1992,

20 il y a eu un certain nombre de tensions à la suite d'un événement qui

21 s'est produit près du village de Ahmici où la TO a arrêté des unités du

22 HVO qui passaient par là.

23 A l'époque, vous étiez membre du Bureau dehors ordination pour

24 la défense des Musulmans. Par conséquent, je vous demande ce que vous

25 pouvez nous dire au sujet de cet incident.

Page 2831

1 M. Zeco (interprétation). - A cette époque, effectivement, un

2 barrage a été installé et des unités du HVO se sont dirigées vers ce

3 barrage, barrage qui bien entendu les a empêchés de passer. Je le sais

4 parce que juste après que ce conflit ait éclaté, il y a eu certains dégâts

5 qui ont été provoqués ainsi que des victimes.

6 Une fois la communication rétablie, je ne peux pas vraiment vous

7 donner de détails, je ne sais pas quand véritablement tout cela a

8 commencé. En fait, je suis arrivé là-bas quand tout cela était terminé. Je

9 suis arrivé là-bas pour régler les problèmes, faire ce que je pouvais afin

10 de gérer au mieux la situation et essayer de gérer tous les dégâts qui

11 s'étaient produits. C'est tout ce que je peux dire devant cet éminent

12 Tribunal.

13 Nous avons également collecté des fonds. C'était l'une des

14 tâches qui m'étaient assignées afin de trouver des moyens financiers et

15 des matériaux et afin d'indemniser toutes les personnes qui avaient subi

16 ces dégâts.

17 Vingt-sept lieux avaient été affectés, différentes entreprise :

18 Jebrenica, Calvatia, etc., donc c'étaient toutes ces personnes et toutes

19 ces organisations que je voulais aider.

20 M. Nobilo (interprétation). - Peut-être que vous savez, en tant

21 que membre du bureau de coordination, pourquoi ce parage était là ?

22 M. Zeco (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

23 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de différentes

24 personnes qui sont apparues à la télévision, des personnes de nationalité

25 croate. Pouvez-vous répondre à la question suivante : quand vous avez dit

Page 2832

1 que Tihomir Blaskic était apparu à la télévision pour s'élever en faveur

2 du droit historique croate, qu'il fallait le défendre même s'il devait

3 employer des moyens militaires, vous souvenez-vous de la date à laquelle

4 ce discours a été prononcé ?

5 M. Zeco (interprétation). - Je l'ai vu tellement de fois à la

6 télévision, Monsieur Blaskic, qu'il est extrêmement difficile pour moi de

7 vous dire quel est le jour exact où je l'ai vu à la télévision.

8 M. Nobilo (interprétation). - Vous souvenez-vous des personnes

9 qui l'entouraient lorsqu'il a prétendument prononcé cette déclaration ?

10 M. Zeco (interprétation). - Je ne pourrais que faire des

11 suppositions.

12 M. Nobilo (interprétation). - Vous rappelez-vous des conditions

13 dans lesquelles ce discours a été prononcé ? Est-ce qu’il s'agissait du

14 conflit avec les Serbes ou du conflit avec les Musulmans ? Est-ce que vous

15 vous en souvenez ?

16 M. Zeco (interprétation). - En fait M. Tihomir Blaskic parlait

17 en tant que commandant du HVO pendant la période du conflit avec la JNA,

18 l'armée yougoslave. C'est la seule chose que je peux vous dire.

19 Monsieur Tihomir Blaskic, d'une certaine façon, a demandé aux

20 Croates et à la population croate de se former, de se préparer d'un point

21 de vue militaire.

22 M. Nobilo (interprétation). - Quelle a été votre impression en

23 voyant Tihomir Blaskic à la télévision ? Vous semblait-il un extrémiste

24 croate ou un soldat d'opposition modérée ?

25 M. Zeco (interprétation). - Tout d'abord, je le voyais comme un

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1 soldat.

2 M. Nobilo (interprétation). - Vous souvenez-vous de la radio de

3 Novi Travnik ? Est-ce que les Bosniens avaient des stations radio telles

4 que celle de Novi Travnik ou la Station 325 Vitez ?

5 M. Zeco (interprétation). - Je n'écoutais jamais la radio de

6 Novi Travnik, pas plus que Radio Vitez.

7 J'ai une seule fois pris la parole à Radio Vitez, en tant que

8 commandant du Bureau de coordination pour la protection des civils

9 musulmans.

10 J'ai informé le bureau de la protection des civils que, si

11 jamais il y avait une attaque ou un conflit, il devrait protéger la

12 population civile et tous les biens et que nous travaillerions ensemble,

13 que nous remplirions nos tâches, notre mission. C'est ce que j'ai dit à la

14 radio. Mais, à ce moment-là, j'étais commandant du bureau de coordination.

15 M. Nobilo (interprétation). - Revenons à la télévision et à la

16 radio. Vous souvenez-vous lorsque le HOS a été absorbé par le HVO ?

17 L'avez-vous vu personnellement ou vous l'a-t-on raconté ?

18 M. Zeco (interprétation). - J'ai vu à la télévision une émission

19 montrant que le HOS avait rejoint le HVO.

20 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous avez répondu aux

21 questions du bureau du Procureur, vous avez dit qu'au matin du 16, vous

22 aviez été surpris par l'attaque. Donc, ma question est la suivante : vous

23 attendiez-vous à une attaque, le 16, ou étiez-vous véritablement surpris ?

24 M. Zeco (interprétation). - Je peux vous donner une information

25 très précise afin de confirmer ce que j'ai déjà dit, à savoir que j'ai été

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1 vraiment surpris. Dans ma voiture, on a trouvé des plans dont le but

2 était, bien entendu, la protection des civils musulmans. Le 15 avril, j'ai

3 eu une réunion en ma qualité de Président de la mission pour les semences

4 et plantations du printemps. J'étais donc Président du comité conjoint,

5 qui était composé de Croates et de Musulmans ; nous devions réunir cette

6 commission et nous devions nous présenter devant la Chambre de commerce.

7 Nous avions donc eu une réunion, à midi, dans les locaux de la

8 municipalité de Vitez. La réunion était à peu près à 2 heures. Je suis

9 allé à une réunion de la présidence de guerre —j'y suis retourné— qui

10 était sur le point de se terminer. J'ai demandé à la fin de la réunion ou,

11 plutôt, j'ai posée un ultimatum : j'ai dit qu'une réunion de la présidence

12 de guerre devait se réunir le lendemain et ne devait traiter que d'un seul

13 point, c'est-à-dire l'élaboration d'un plan pour protéger la population

14 musulmane au cas où il y aurait une attaque du HVO. Ce soir-là, je faisais

15 un projet de plan et ce sont ces papiers qui ont été trouvés dans mon

16 véhicule lorsqu'on m'a arrêté et qu'on a pris mon véhicule. Il s'agissait

17 de ces plans-là, qui m'ont causé beaucoup de problèmes. Ce sont bien ces

18 plans-là qui ont été trouvés dans mon véhicule.

19 M. Nobilo (interprétation). - Puis-je vous poser la question

20 suivante : durant la réunion de la présidence de guerre, vous n'avez pas

21 parlé, vous ne vous attendiez pas à une attaque le 16 ?

22 M. Zeco (interprétation). - Non, absolument pas. Je n'en avait

23 aucune raison.

24 M. Nobilo (interprétation). - Donc, lors de cette réunion, est-

25 ce que vous avait reçu un ultimatum du HVO ou de la communauté croate

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1 d'Herzeg-Bosna vous disant que si vous ne faisiez pas telle ou telle chose

2 avant le 15 avril, vous en subiriez les conséquences ?

3 M. Zeco (interprétation). - Non.

4 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous étiez membre de la

5 présidence : vous auriez dû le savoir, ce qui allait se passer ?

6 M. Zeco (interprétation). - Non. Je ne sais pas.

7 M. Nobilo (interprétation). - A combien de reprises, votre femme

8 vous a-t-elle amené de la nourriture pendant que vous étiez prisonnier ?

9 Tous les jours ?

10 M. Zeco (interprétation). - Lorsque j'étais à la station

11 vétérinaire, ma femme n'avait aucun problème pour venir. Mais je n'avais

12 pas tellement d'appétit ; je ne mangeais que très peu, quelques pommes.

13 Mais d'autres prisonniers avaient faim et d'autres femmes venaient leur

14 apporter à manger., Donc, en ce qui concerne la nourriture pendant ces

15 quelques jours, il n'y a eu aucun problème.

16 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Pouvez-vous nous dire quels

17 bâtiments de Vitez étaient des bâtiments publics importants, par exemple,

18 le siège de la mairie, les bâtiments municipaux ? Je ne parle pas des

19 bâtiments résidentiels.

20 M. Zeco (interprétation). - Oui, je comprends. Nombre de ces

21 bâtiments publics se trouvaient dans des bâtiments résidentiels, mais si

22 l'on analyse la structure générale, il y avait d'abord les bâtiments

23 municipaux ; à côté, il y avait le poste de police. Tout d'abord, on a

24 appelé cela le bâtiment du SUP, ensuite, le bâtiment du MUP. Puis, il y

25 avait l'école secondaire, puis, le bureau de poste.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que le cinéma était un

2 bâtiment municipal ?

3 M. Zeco (interprétation). - Oui. Le cinéma et le centre

4 culturel.

5 M. Nobilo (interprétation). - Et le centre vétérinaire ?

6 M. Zeco (interprétation). - Oui, aussi.

7 M. Nobilo (interprétation). - Et l'école ?

8 M. Zeco (interprétation). - Oui, aussi.

9 M. Nobilo (interprétation). - Quels membres des unités du HVO

10 ont-ils pris le véhicule avec les plans qui étaient à l'intérieur ?

11 M. Zeco (interprétation). - Je sais que, dans le bâtiment qui

12 abritait le comité forestier, qui est également un bâtiment municipal, se

13 trouvait le quartier général du HVO de Rijeka et Grbavac. Karlo était le

14 commandant de ce quartier général. Les "Chevaliers noirs", dont le

15 commandant était Kraljevic, étaient également stationnés là-bas.

16 M. Nobilo (interprétation). - Connaissiez-vous la personne qui a

17 emporté votre voiture ? Savez-vous de quelle unité elle faisait partie ?

18 M. Zeco (interprétation). - Je ne sais pas de quelle unité elle

19 faisait partie.

20 M. Nobilo (interprétation). - Zeljko Matkovic, dont vous avez

21 parlé et dont vous avez dit qu'il était commandant d'une unité, savez-vous

22 de quelle unité il était le commandant ?

23 M. Zeco (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

24 M. Nobilo (interprétation). - Et ceux qui vous ont frappé et

25 cassé votre nez, savez-vous à quelle unité ils appartenaient ?

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1 M. Zeco (interprétation). - Ils portaient un uniforme et ils

2 portaient l'insigne du HVO. Peut-être que je connais un nom de famille,

3 celui du soldat qui m'a cassé le nez. Je sais que son nom était Gribavac.

4 J'ai obtenu cette information et je sais qu'il a été tué.

5 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous à quelle unité il

6 appartenait ?

7 M. Zeco (interprétation). - Non, je ne sais pas à quelle unité

8 du HVO il appartenait.

9 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous avez rencontré

10 Samija, vous l'avez rencontré à l'entrée du poste, n'est-ce pas ? Que vous

11 a-t-il dit ?

12 M. Zeco (interprétation). - Je lui ai dit que j'avais été frappé

13 par des soldats du HVO.

14 M. Nobilo (interprétation). - Ensuite, vous avez dit que Samija

15 était venu vers vous et qu'il s'était excusé. Que vous a-t-il dit

16 exactement ?

17 M. Zeco (interprétation). - Il m'a escorté jusqu'au dispensaire.

18 Avant d'y arriver, il a été à ma voiture. Là-bas, il a ordonné à deux

19 personnes de la police, dont l'un est Ramljak, d'aller à cet endroit et de

20 vérifier la situation. Ensuite, nous sommes allés à la clinique est c'est

21 là que j'ai reçu des soins. Je suis reparti à la maison. Mirko Samija m’a

22 dit : "Très bien. Tu vas à Travnik demain, quoi qu'il arrive. Apportes-moi

23 des analyses médicales". Il m’a demandé si j'avais besoin d’être

24 transporté jusqu'à Travnik. J'ai dit que je le ferai le lendemain et je

25 suis rentré chez moi.

Page 2838

1 Une demi-heure après environ, Mirko Samija est venu avec deux

2 policiers. Il s'est excusé ; il a dit -qu'au moment où cela m'était

3 arrivé- il ne pouvait rien faire, que la situation était difficile à gérer

4 et qu'il n'était pas conseillé pour certaines raisons de faire quoi que ce

5 soit. Il m'a demandé de partir le lendemain, d'aller me faire faire une

6 radio et de lui en ramener les résultats.

7 M. Nobilo (interprétation). - Durant votre témoignage, vous avez

8 dit que la raison pour laquelle il n'avait rien fait, c'était que les

9 autres étaient des soldats et lui un policier civil. Mais, maintenant,

10 vous nous dites quelque chose de différent.

11 A votre avis, quelle était la raison pour laquelle il vous a dit

12 qu'il ne pouvait pas intervenir ?

13 M. Zeco (interprétation). - Il a dit qu’il était la police

14 civile et eux des militaires. S’il entamait une enquête, il y aurait des

15 menaces. Des moyens différents existaient pour obtenir des résultats, que

16 je ne devais rien faire, mais simplement partir.

17 M. Nobilo (interprétation). - Donc la raison c'est parce qu'il

18 n'était pas militaire, c’est cela ?

19 M. Zeco (interprétation). - Il ne me l’a jamais véritablement

20 expliqué. Je ne lui ai pas posé la question. Il m'a simplement dit de

21 laisser les choses telles qu'elles étaient et de continuer ainsi, qu'il

22 allait s'occuper de tout.

23 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

24 présenter un document, mais si vous pensez qu'il serait opportun de faire

25 la pause maintenant je n'y verrez aucun inconvénient.

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1 M. le Président. - La pause intervient toujours aux alentours de

2 16 heures 15 / 16 heures 20. On a le temps de voir ce document.

3 M. Nobilo (interprétation). - Docteur Zeco, avez-vous fait des

4 déclarations à toute autre personne avant aujourd’hui, déclarations

5 relatives aux événements d’avant la guerre dont vous nous avez parlés ?

6 M. Zeco (interprétation). - J'ai effectivement fait une

7 déclaration au MUP de la municipalité de Zenica.

8 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous fait une déclaration à

9 l'enquêteur du Tribunal de La Haye ?

10 M. Zeco (interprétation). - Ah, c'était la même chose ?

11 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous fait une ou deux

12 déclarations ?

13 M. Zeco (interprétation). - A deux reprises.

14 M. Nobilo (interprétation). - A deux reprises, il s'agit de

15 déclarations faites à l'enquêteur ?

16 M. Zeco (interprétation). - Oui.

17 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous fait une déclaration à

18 des autorités de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

19 M. Zeco (interprétation). - Non. J'ai dit que j'avais fait cette

20 déclaration dans les bâtiments du MUP, mais en fait je l'ai donnée à

21 l'enquêteur de ce Tribunal.

22 M. Nobilo (interprétation). - Qui vous a dit que vous pouviez

23 faire cette déclaration ?

24 M. Zeco (interprétation). - Ils sont venus personnellement. On

25 m'a dit que le représentant du Tribunal était là, qu'il allait m'attendre

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1 et que je pourrais faire ma déclaration.

2 (Concertations sur le banc de la défense.)

3 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous

4 aimerions lire un compte rendu de la déclaration du témoin. Je voudrais le

5 lire en anglais.

6 M. le Président. - Il s'agit de quelle déclaration ?

7 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit de la première

8 déclaration de M. Zeco qui a été faite au représentant du Bureau du

9 Procureur de ce Tribunal, le 14 juillet 1995. Nous avons reçu ce

10 témoignage. Le Bureau du Procureur nous l’a communiqué. Je vais vous le

11 lire en anglais.

12 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, avant de le lire,

13 pourriez-vous m'indiquer la page ? J'ai un exemplaire de ce texte et je

14 voudrais que le conseil de la défense m'indique la page qu'il va lire,

15 s’il vous plaît.

16 M. Hayman (interprétation). - J’ai indiqué le paragraphe au

17 marqueur, vous devriez le voir.

18 M. Harmon (interprétation). - Merci.

19 (L’interprète : les interprètes pourraient-ils également avoir

20 la page ?)

21 M. Nobilo (interprétation). - C'est le quatrième paragraphe en

22 partant du haut. Il est surligné en jaune et je vais le lire :

23 "Après avoir été battu par les soldats, on m'a emmené à

24 l'hôpital. M. Samija Mirko, chef de la police, m’y a emmené. Il est revenu

25 me voir et il s’est excusé parce qu'il n'avait rien pu faire. Il ne

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1 pouvait rien faire à ce moment-là parce que les soldats de Darko s'étaient

2 regroupés, avec Darko lui-même, dans un café à Vitez et que c’était trop

3 dangereux" (fin de citation).

4 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que ce sont les mots que

5 vous avez utilisés pour décrire la raison pour laquelle Mirko Samija n'a

6 rien pu faire ?

7 M. Zeco (interprétation). - A cette époque, oui effectivement ;

8 je ne dirais pas le contraire. J'ai dit que c'étaient les soldats de Darko

9 parce que je considérais que ses soldats (les siens) étaient des soldats

10 du HVO. Ils étaient dangereux, oui c'est un fait. Des soldats qui ont fait

11 tout cela, je pensais que c'étaient les soldats de Darko.

12 M. Nobilo (interprétation). - Donc, vous confirmez ce que vous

13 avez dit en 1995 au Bureau du Procureur. Vous confirmez que les faits que

14 vous avez mentionnés sont corrects ?

15 M. Zeco (interprétation). - Oui.

16 M. Nobilo (interprétation). - Je voudrais vous lire à la page 6

17 le texte suivant, également surligné en jaune :

18 "Le 19 avril 1993 des soldats de Kraljevic sont venus me voir.

19 Ils m'ont dit qu'ils voulaient prendre ma voiture et que je devais leur

20 remettre les clefs".

21 Avez-vous déclaré cela, en 1995, au Bureau du Procureur ? Avez-

22 vous déclaré que les soldats de Darko avaient pris votre voiture ?

23 M. Zeco (interprétation). - Je n'ai pas fait la différence à

24 l'époque, entre eux et le HVO. Il y avait des soldats de Darko, mais aussi

25 des unités du HVO. En ce qui me concerne, il n'était pas impossible que

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1 certains membres du HVO ne soient pas des soldats de Darko et inversement.

2 M. Nobilo (interprétation). - Ce que je viens de lire, est-ce

3 exact ?

4 M. Zeco (interprétation). - Oui, il est possible que j'ai

5 déclaré quelque chose comme cela.

6 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce exact ?

7 M. Zeco (interprétation). - Oui.

8 M. Nobilo (interprétation). - A la même page, il est également

9 marqué en jaune, -je vous lis le texte suivant- : "Matkovic Zeljko qui

10 était un des hommes de Kraljevic". Matkovic Zeljko était le chef pendant

11 cette détention. Ici, vous l'identifiez comme homme à Kraljevic, est-ce

12 exact ?

13 M. Zeco (interprétation). - Non, je crois que Matkovic Zeljko

14 n'était pas dans l'unité de Kraljevic. Cela ne pouvait être qu'un lapsus.

15 Je sais qu'il n'était pas membre de l'unité de Darko Kraljevic, qu'il

16 était membre de l'armée et que c'était également une armée, mais que ce

17 n'était pas l'unité de Kraljevic. Il ne faisait pas partie des soldats qui

18 étaient avec lui.

19 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous admettez que c'est ainsi

20 qu'on a pu comprendre ce que vous avez dit.

21 M. Zeco (interprétation). - Oui, c'est possible, mais j'affirme

22 maintenant qu'il n'était pas sous le commandement de Kraljevic ni dans son

23 unité.

24 M. Nobilo (interprétation). - Quelle unité était stationnée à

25 l'école de Dubravica. Qui était le commandant là-bas ?

Page 2843

1 M. Zeco (interprétation). - C'était une unité du HVO. Elle

2 portait les insignes du HVO. Il n'y avait pas d'appellation particulière

3 ou, du moins, je ne la connais pas. Là, il y avait des soldats qu'on

4 appelait des soldats du HVO.

5 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce là qu'était situé le

6 commandement de Darko Kraljevic ?

7 M. Zeco (interprétation). - Non.

8 M. Nobilo (interprétation). - Vous étiez voisin de

9 Darko Kraljevic ?

10 M. Zeco (interprétation). - Oui.

11 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle était

12 l'opinion des Croates et des Musulmans à son égard, ce qu'on pensait et

13 disait de lui à la fin de la guerre ?

14 M. Zeco (interprétation). - Je pense qu'on parlait de

15 Darko Kraljevic comme de quelqu'un qui n'était pas très discipliné, comme

16 de quelqu'un qui avait un peu tendance à boire de l'alcool. Je le sais,

17 j'en suis sûr parce qu'à une occasion, un ami à moi, le Dr Mujezinovic,

18 suite à une intervention chez Darko Kraljevic, est venu me voir et boire

19 un café chez moi à la maison et il m'a dit que Darko était vraiment dans

20 un état critique et qu'il était drogué, et il m'a dit que c'était donc

21 quelqu'un qui était influençable, qu'on pouvait l'entraîner à faire des

22 choses et exercer une grande influence sur lui. C'était notre opinion à

23 nous, une opinion très personnelle.

24 Darko Kraljevic était le fils d'un ami. Ses parents étaient mes

25 amis, mais j'avais l'impression qu'il avait un peu perdu ses repères,

Page 2844

1 qu'il avait besoin d'aide, qu'il aurait eu besoin d'un peu de

2 surveillance, de plus de contrôle. Il a pris l'uniforme et il faut dire

3 que, peut-être bien à cause de cela, il est devenu dangereux. C'est ainsi

4 que je le voyais.

5 M. Nobilo (interprétation). - Les hommes qui l'entouraient dans

6 cette unité, que disait-on d'eux par rapport à la drogue, à l'alcool,

7 etc. ?

8 M. Zeco (interprétation). - Ils étaient très mal vus.

9 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelque

10 chose de plus concret ? Que faisaient-ils ?

11 M. Zeco (interprétation). - Ils avaient tendance à être

12 violents, à se comporter de manière très étrange.

13 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que les gens avaient peur

14 de Darko Kraljevic ?

15 M. Zeco (interprétation). - Notamment pendant la deuxième moitié

16 de 1992, les Musulmans avaient peur de toutes les unités armées, de toutes

17 les unités croates. Les Musulmans avaient réellement peur et ils avaient

18 raison d'avoir peur parce qu'ils devaient traverser des situations

19 vraiment très difficiles.

20 M. Nobilo (interprétation). - Et Darko, à votre avis, était-il

21 parmi ceux qui leur faisaient subir ces choses-là le plus ?

22 M. Zeco (interprétation). - Il n'était pas différent des unités

23 qui sont arrivées de Herzégovine. Il y avait d'autres unités également. Il

24 n'était pas différent des unités qui étaient à l'école secondaire de

25 commerce. On avait peur de ces soldats également et, d'une certaine façon,

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1 les Musulmans devaient subir vraiment des choses très désagréables aussi

2 bien par ceux qui étaient avec Darko que par les autres.

3 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'on peut dire que toutes

4 ces unités étaient caractérisées par la consommation d'alcool et de

5 drogues, par des actes violents, par tout ce que vous venez de dire au

6 sujet de Darko et ceux qui lui étaient proches ? Ou bien, étaient-ils une

7 exception ?

8 M. Zeco (interprétation). - On ne peut pas dire qu'ils étaient

9 tous pareils.

10 M. Nobilo (interprétation). -Pendant que vous étiez détenu dans

11 ce poste vétérinaire, peut-on dire que parmi les détenus, il y avait des

12 hommes qui portaient l'uniforme de l'Armija de Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Zeco (interprétation). - Je ne pense pas. Je ne m'en souviens

14 pas.

15 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'il y a eu une

16 menace disant que des unités spéciales allaient arriver de Herzégovine

17 pour fouiller des maisons et chercher des armes. Est-ce que ces unités

18 sont arrivées pendant que vous étiez détenu ? Est-ce qu'elles ont fouillé

19 des maisons ?

20 M. Zeco (interprétation). - Non.

21 M. Nobilo (interprétation). - Vous nous avez parlé de

22 Ibrakovic Jusuf, qui est mort au moment où il a creusé des tranchées.

23 Pouvez-vous nous dire quelles sont les circonstances de sa mort ?

24 M. Zeco (interprétation). - Ce jour tragique, le téléphone

25 fonctionnait dans le poste vétérinaire, et Matkovic Zeljko m'a demandé de

Page 2846

1 m'approcher du téléphone en disant qu'une femme m'appelait et il a insisté

2 sur le fait que je devais venir. J'ai pris le combiné et j'ai entendu la

3 mère d'Ibrakovic qui m'a demandé : "Mon Jusuf, est-il là, Docteur, s'il

4 vous plaît ?"

5 Il faut dire qu'Ibrakovic Jusuf était quelqu'un de très

6 puissant, physiquement très fort, qui devait certainement avoir un bon

7 appétit. On a pu le voir nous-mêmes parce que, comme ma femme apportait de

8 la nourriture, il mangeait très bien. Elle essayait donc d'en apporter

9 assez.

10 Sa mère m'a donc dit : "Il y a cinq minutes, on a appris

11 qu'Ibrakovic Jusuf" -je pense que son nom était Jusuf, mais on l'appelait

12 Jusok*- "venait d'être tué."

13 J'ai été très secoué à cause de sa mère, etc. Et on m'a dit

14 qu'il a été tué par des membres du HVO, les mêmes qui l'emmenaient

15 creuser.

16 M. Nobilo (interprétation). - Et Jusan, était-il détenu au même

17 endroit que vous ou ailleurs?

18 M. Zeco (interprétation). - Au poste vétérinaire.

19 M. Nobilo (interprétation). - Hurem, que vous avez mentionné

20 également, était-il détenu au même endroit?

21 M. Zeco (interprétation). - Oui, au poste vétérinaire.

22 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé d'autres personnes

23 qui auraient été tuées ; vous n'arriviez pas à vous rappeler leurs noms.

24 Pouvez-vous nous dire si vous avez dressé des listes : quelqu'un qui ne

25 revenait pas, quelqu'un qui avait été tué. C'était suffisamment important

Page 2847

1 pour qu'on en parle.

2 M. Zeco (interprétation). - Pendant ce temps, à cette époque, on

3 n'avait pas de liste. C'est simplement de mémoire que nous avons su ce qui

4 s'était passé pendant que nous étions au poste vétérinaire et quand nous

5 étions dans le camp de Dubravica. Donc, la liste des tués et des victimes

6 des deux côtés était déjà bien longue. Mais, de mémoire, par coeur, je ne

7 peux pas vous dire qui a été tué et où. Mais les listes existent. On sait

8 maintenant qui a été tué, où et comment.

9 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous, personnellement, vous

10 ne vous souvenez pas exactement des hommes qui auraient été tués alors

11 qu'ils étaient détenus à l'école de Dubravica, comme vous?

12 M. Zeco (interprétation). - Non.

13 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'on était à

14 l'école de Dubravica et qu'on emmenait des hommes creuser des tranchées à

15 Kuber ?.

16 M. Zeco (interprétation). - Oui, à Kuber.

17 M. Nobilo (interprétation). - Mais savez-vous que l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine a pris Kuber avant que vous n'arriviez à l'école de

19 Dubravica ?

20 M. Zeco (interprétation). - Kuber, c'est une région plus large :

21 c'est Gola Kosa, des régions au-dessus de Nadioci, Loncari, la partie

22 jusqu'à Loncari. Et c'est pour cela que ceux qui étaient emmenés, quand

23 ils revenaient, disaient : "On est allé à Kuber". Moi, j'emploie le même

24 nom, Kuber, mais pour couvrir toute cette région. C'est là qu'était la

25 ligne de confrontation.

Page 2848

1 A l'époque où j'étais membre de la défense civile, Kuber n'était

2 pas considérée comme étant sur le territoire de la municipalité de Vitez ;

3 plus tard, je n'ai pas eu l'occasion de le voir concrètement. Mais Kuber,

4 c'est toute cette zone à la frontière de la municipalité de Zenica et de

5 Busovaca, à l'endroit où se touchent trois municipalités : donc, une

6 partie de Kuber pouvait avoir être prise par l'armée de Bosnie-

7 Herzégovine.

8 M. Nobilo (interprétation). - Kuber a été prise dans son

9 ensemble le 19, mais quand vous dites Kuber, cela peut comprendre

10 plusieurs choses.

11 M. Zeco (interprétation). - Oui, Nadijozi et le reste.

12 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé également de

13 Vrhovine. Vrhovine a été également prise par l'armée ?

14 M. Zeco (interprétation). - Moi, je le sais parce que je

15 travaillais dans cette région. J'y ai travaillé dans mon rôle de membre de

16 la défense civile. Je sais que la ligne passait par la zone de Vrhovine.

17 C'est là que se trouvaient les lignes du HVO, là où est la forêt. Là,

18 c'est Vrhovine.

19 M. Nobilo (interprétation). - Mais Vrhovine a été nettoyée,

20 ethniquement, des Croates ?

21 M. Zeco (interprétation). - Oui. Le village, oui, mais pas tout

22 le territoire qui s'étend jusqu'à Pirici.

23 M. Nobilo (interprétation). - Jusqu'à Pirici?

24 M. Zeco (interprétation). - Oui, jusqu'à Pirici.

25 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé aussi de

Page 2849

1 Sivrino Selo. Mais le village était tout le temps tenu par l'Armiya de

2 Bosnie-Herzégovine?

3 M. Zeco (interprétation). - Oui, mais il était sous le contrôle

4 du HVO, la Mahala, la partie supérieure ; une partie de Sivrino Selo était

5 sous le contrôle du HVO. C'étaient les lignes du HVO. C'était une partie

6 de Sivrino Selo.

7 M. Nobilo (interprétation). - Autour de l'école de Dubravica,

8 avez-vous pu voir une partie des combats qui se déroulaient ou bien avez-

9 vous simplement entendu des tirs ? Voyiez-vous les positions de l'armée de

10 Bosnie-Herzégovine et du HVO autour de l'école?

11 M. Zeco (interprétation). - Je ne sais pas où se trouvaient les

12 unités, que ce soit d'un côté ou de l'autre. Mais quand je suis arrivé à

13 l'école de Dubravica, dans la cour de l'école, il y avait un nid de

14 mitrailleuse. C'était au bord de la cour. Je ne pouvais que supposer,

15 pendant qu'on entendait des échanges de coup de feu et des tirs, où se

16 trouvaient les unités, que ce soit d'une partie ou de l'autre. Parce qu'on

17 entendait des coups de feu et on pouvait localiser l'origine du tir. Mais

18 moi, personnellement, je ne les ai pas vus.

19 M. le Président. - Maître Nobilo nous allons peut-être faire la

20 pause, sauf si vous avez encore une question autour de l'école de

21 Dubravica ?. Sinon, nous allons faire la pause.

22 M. Nobilo (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

23 M. le Président. - Nous faisons donc une pause d'une vingtaine

24 de minutes et nous reprendrons à 16 heures 35.

25

Page 2850

1 L'audience, suspendue à 16 heures 15, est reprise à 16 heures 45.

2

3 (L'accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d'audience.)

4

5 M. le Président. - L'audience est reprise.

6 Je prie les interprètes de m'excuser, mais effectivement -et

7 Me Nobilo ne s'était pas trompé- la pause aurait dû intervenir un peu plus

8 tôt. Veuillez m'excuser.

9 L'interprète. - Volontiers, Monsieur le Président.

10 M. le Président. - Nous pouvons donc reprendre jusqu'à

11 17 heures 30. Allez-y, Maître Nobilo.

12 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

13 Docteur Zeco, j'aurai encore quatre ou cinq questions à vous poser, cinq

14 au maximum, puis nous en aurons terminé.

15 Je crois que nous avons manqué de précision au niveau

16 l'interprétation. Je vous avais demandé des précisions à propos des

17 apparitions de Tihomir Blaskic à la télévision, s'agissant des droits

18 historiques revenant aux Croates, droit qu'on pourrait faire valoir par

19 des moyens militaires.

20 A ce propos, je vous avais demandé si ceci avait été dit dans le

21 contexte de la lutte des combats contre les Serbes qui étaient les ennemis

22 principaux. Qu'avez-vous dit en guise de réponse ?

23 M. Zeco (interprétation). - Lorsque j'ai répondu à cette

24 question que vous m'aviez posée, je parlais de la situation telle qu'elle

25 se présentait lorsqu'il y avait des opérations directes dans la région

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1 contre les Serbes également. Je connais, à cet égard, aussi les activités

2 menées par Tihomir Blaskic. Je sais également que M. Blaskic est une

3 personne qui lutte pour son peuple, le peuple croate et qu'il a effectué

4 toutes ces activités en tant que représentant de la branche militaire ou

5 de l'option militaire par rapport à l'agression serbe. Plus tard, pour ce

6 qui était de faire valoir les droits des Croates en Bosnie centrale.

7 Dans ce sens-là, il est le représentant des Croates, commandant

8 militaire. C'est à ce titre-là que je le qualifiais.

9 M. Nobilo (interprétation). - Je sais ce que vous avez dit, mais

10 dans l'intérêt des minutes du procès, je vous avais demandé s'il était

11 possible que cette émission de télévision se fasse dans le contexte de

12 l'agression des Serbes. Que m'avez-vous dit ?

13 M. Zeco (interprétation). - J'y réfléchissais à l'instant même.

14 Monsieur Blaskic est souvent apparu à la télévision. Je ne peux rien vous

15 affirmer de tout à fait certain. Je peux tout au plus essayer de me

16 remémorer le moment où cela s'est passé.

17 M. Nobilo (interprétation). - Vous êtes-vous souvenu aussi du

18 moment où Merdanit est apparu en même temps que Blaskic à la télévision ?

19 M. Zeco (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

20 M. Nobilo (interprétation). - Que pensiez-vous alors de la

21 présence de Tihomir Blaskic à la télévision ?

22 M. Zeco (interprétation). - Je pensais que c'était une personne

23 qui s'efforçait de trouver des problèmes communs s'agissant de la défense

24 de l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

25 M. Nobilo (interprétation). - Vous souvenez-vous qu'il ait dit

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1 quoi que ce soit de précis contre les Musulmans à la télévision ? Vous

2 souvenez-vous de quoi que ce soit de précis ?

3 M. Zeco (interprétation). - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

4 M. Nobilo (interprétation). - A nouveau, je vous demanderais de

5 répondre par oui ou par non.

6 Est-ce que Tihomir Blaskic s'est jamais prononcé contre les

7 Musulmans en tant que groupe ethnique ?

8 M. Zeco (interprétation). - Non.

9 M. Nobilo (interprétation). - Il faut être précis aux fins de

10 l'interprétation. Quand vous avez dit que vous étiez commandant du groupe

11 de la protection civile et que vous obteniez vos ordres du ministre, de

12 quel ministre s'agissait-il ?

13 M. Zeco (interprétation). - Du vice-ministre des affaires de la

14 Défense pour la République de Bosnie-Herzégovine.

15 M. Nobilo (interprétation). - Qu'y avait-il dans ce plan qui

16 vous a posé problème. Je ne suis pas un expert militaire en matière de

17 protection civile, mais qu'est-ce que cela veut dire ?

18 M. le Président. - Pardonnez-moi de vous interrompre. Vous ne

19 pouvez pas demander à la fois à un témoin de répondre par oui ou par non,

20 encore que je conteste quelque peu le principe que ce soit vous qui le

21 demandiez au témoin. Le témoin attend votre question et essaye de savoir

22 comment y répondre.

23 Mais dans ce cas précis, indépendamment de ce problème de

24 principe, vous lui demandez de répondre par oui ou par non, puis vous

25 posez des questions qui, a priori, autoriseraient le témoin à ne pas

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1 forcément répondre par oui ou par non. Je vous demande d'y faire

2 attention.

3 On répond par oui ou par non, me semble-t-il, dès lors qu'on

4 donne une liste de noms, par exemple "est-ce que cette personne était à

5 tel endroit ? oui ou non". Là, on comprend. Mais vos dernières questions

6 peuvent éventuellement appeler des réponses plus développées. Je vous

7 demande donc d'y faire attention.

8 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

9 pense qu'il y a une certaine confusion malgré tout. En effet, j'avais

10 demandé de répondre par l'affirmative ou la négative, s'agissant des

11 apparitions de M. Blaskic à la télévision, notamment sur le point de

12 savoir s'il s'était prononcé contre les Musulmans. C'était la seule

13 question pour laquelle je lui demandai de répondre par oui ou par non.

14 Mais maintenant, nous sommes passés à une autre question.

15 Voilà la question que je voulais poser. Ce plan, quel était-il ?

16 Qu'aviez-vous prévu ? Qu'est-ce que la population était censée faire dans

17 le cadre de ce plan ?

18 M. Zeco (interprétation). - Ce plan affectait certaines zones et

19 nous parlons surtout des parties habitées de Vitez, notamment des

20 quartiers où vivaient des Musulmans.

21 Certaines personnes étaient chargées de certaines

22 responsabilités, elles avaient sous leurs responsabilités tel ou tel

23 bâtiment, tel ou tel site. Je m'explique. Ils devaient par exemple

24 s'occuper des femmes, des enfants, veiller à leur protection, trouver un

25 refuge pour ces personnes, s'il y avait tout à coup des actions

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1 militaires. Voilà le type de participations prévues par ce plan.

2 Même si l'armée devait faire une percée, la population civile

3 était censée se déplacer là où elle pouvait assurer sa survie. Voilà en

4 quintessence en quoi consistait ce plan.

5 M. Nobilo (interprétation). - Vous souvenez-vous, par exemple,

6 des Musulmans de Rijeka ? Où ont-ils été envoyés ?

7 M. Zeco (interprétation). - Je peux répondre précisément : ils

8 devaient aller dans la direction de Kruscica.

9 M. Nobilo (interprétation). - Pour ce qui concerne les Musulmans

10 de Kolonija, où étaient-ils censés aller ?

11 M. Zeco (interprétation). - De Kolonija à Gradina.

12 M. Nobilo (interprétation). - Pour Gacice ?

13 M. Zeco (interprétation). - Oui, dans cette direction, vers

14 Gacice.

15 M. Nobilo (interprétation). - Les Musulmans qui se trouvaient à

16 Nadiozi et Santici, où étaient-ils censés aller ?

17 M. Zeco (interprétation). - Les Musulmans de Santici devaient

18 aller à Pirici. C'était une espèce d'abri, de refuge naturel. Il suffit de

19 voir le relief du terrain. On a donc tiré parti des ressources naturelles

20 se présentant. Ce ne sont pas vraiment des cibles militaires classiques,

21 typiques. Il n'y a pas vraiment de cibles militaires à cet endroit.

22 M. Nobilo (interprétation). - Voilà donc l'endroit où était

23 censée se déplacer la population civile. Est-ce que ce plan inclus aussi

24 les civils croates de ces quartiers que je viens de mentionner ?

25 M. Zeco (interprétation). - Les dirigeants avaient déjà opéré

Page 2855

1 une division. La population civile croate disposait de son plan propre de

2 protection civile. Des personnes avaient été désignées à telle ou telle

3 tâche et étaient censées s'acquitter de celles-ci.

4 M. Nobilo (interprétation). - Donc ce plan dont vous parlez

5 visait à la protection des Musulmans civils en cas d'une attaque menée par

6 le HVO ?

7 M. Zeco (interprétation). - Oui. Les civils d'Ahmici étaient là

8 dans leur propre région ! Ils avaient leurs ressources naturelles. Leur

9 protection devait être assurée tout près de chez eux.

10 M. Nobilo (interprétation). - Concernant la présidence de guerre

11 de janvier à avril 1993, y avait-il des forces de police bosniaques, par

12 exemple à Mahala ?

13 M. Zeco (interprétation). - A Mahala, je pense qu'il y avait

14 deux ou trois membres bosniens des forces de police.

15 M. Nobilo (interprétation). - Envers qui étaient-ils

16 redevables ? A qui devaient-ils rendre des comptes ? A la présidence de

17 guerre ?

18 M. Zeco (interprétation). - Ils étaient censés assurer l’ordre

19 public et veiller à la sécurité. Il n'y avait pas de raison particulière.

20 M. Nobilo (interprétation). - Sefkija Djidic était membre de la

21 Défense territoriale. Etait-il aussi membre de la présidence de guerre ?

22 M. Zeco (interprétation). - Oui, il était membre de la

23 présidence de guerre.

24 M. Nobilo (interprétation). - Il était donc membre de la

25 présidence de guerre. Avez-vous jamais vu personnellement Tihomir

Page 2856

1 Blaskic ?

2 M. Zeco (interprétation). - Personnellement, une seule fois. On

3 m'a dit que M. Blaskic se trouvait dans un hôtel et je n'ai vu que son

4 visage.

5 M. Nobilo (interprétation). - Vous n'avez jamais parlé avec

6 M. Blaskic ? Jamais participé à une réunion où il était présent ?

7 M. Harmon (interprétation). - Je demande simplement que l'on

8 permette au témoin de terminer sa réponse avant que ne soit posée la

9 question suivante.

10 M. le Président. - Accordé. Maître Nobilo, laissez répondre le

11 témoin.

12 M. Nobilo (interprétation). - Effectivement, j'accélère peut-

13 être un peu trop le débit, excusez-moi, mais c'est ma dernière question au

14 témoin. Avez-vous jamais participé à une réunion où était présent

15 M. Blaskic et où il s'agissait de résoudre des problèmes d'envergure

16 locale ?

17 M. Zeco (interprétation). - Je n'ai pas participé à une seule

18 réunion où était présent M. Blaskic.

19 M. Nobilo (interprétation). - Ce sera tout.

20 M. le Président. - Merci, Maître Nobilo. Monsieur le Procureur,

21 voulez-vous exercer un droit de réplique ?

22 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai pas de question

23 supplémentaire, Monsieur le Président.

24 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues. Monsieur le

25 Juge Riad, avez-vous des questions complémentaires ? Oui, alors allez-y.

Page 2857

1 M. Riad (interprétation). - Docteur Zeco, je voudrais vous poser

2 quelques questions pour tirer quelques éléments au clair, du moins dans

3 mon esprit.

4 Vous avez dit, et j'essaie de citer vos propres paroles, que le

5 général Blaskic avait coutume de parler des droits historiques. Revenons

6 aux Croates. Quelle était exactement la dimension, la place que prenait

7 cet aspect des droits croates par rapport aux droits musulmans ? Je parle

8 aussi du territoire dans lequel vivaient ces deux groupes.

9 M. Zeco (interprétation). - Les déclarations faites par les

10 dirigeants les plus importants du HDZ, y compris les représentants des

11 structures militaires, mettaient toujours en exergue le fait que dans les

12 territoires habités par les Croates ceux-ci disposaient de droits

13 historiques. Ils étaient supposés organiser la forme du gouvernement et

14 tout ce qui en découle dans le même ordre d’idée. C’était leur droit ! Ces

15 droits devaient se réaliser à cette époque-ci. Ils devaient s’exprimer

16 dans des activités allant de soi. Si le besoin s'en faisait sentir, ils

17 devraient avoir recours aux moyens militaires pour y parvenir. Cela a

18 souvent été présenté ainsi à la télévision.

19 M. le Président. - Vous avez terminé votre réponse, Docteur ?

20 Oui, Maître ?

21 M. Hayman (interprétation). - Désolé de vous interrompre et

22 d'interrompre le témoin, mais je fais objection à la réponse parce qu'elle

23 ne répond pas vraiment et elle est vague quant à l’auteur de ces paroles.

24 M. le Président. - Je ne sais pas s'il est convenable que ce

25 soit une des parties qui fasse une objection à la place du Juge qui a posé

Page 2858

1 la question. Monsieur le Juge ?

2 M. Riad (interprétation). - Je vais poursuivre ma question pour

3 la clarifier. Ne vous en faites pas, je vais obtenir les renseignements

4 que je recherche.

5 Quand vous êtes rentré chez vous et avez trouvé une famille

6 croate installée chez vous, quand d'autres Musulmans ont retrouvé leur

7 domicile occupé par des Croates, était-ce la raison de l'application de ce

8 principe selon lequel les Croates avaient des droits historiques ?

9 M. Zeco (interprétation). - En pratique, je dis bien en

10 pratique, ces structures ont commencé à chercher une solution aux

11 problèmes et à régler la situation de cette façon. La situation évoluant,

12 leur souhait s’est manifesté ainsi. Nous en avons fait l'expérience dans

13 les camps. Nous avons été maltraités, victimes de sévices physiques et

14 autres.

15 J'ai bien compris votre question, Monsieur le Juge. J'espère

16 avoir répondu, cette fois-ci.

17 M. Riad (interprétation). - A votre avis, d'où venaient les

18 ordres qui visaient à remplacer les habitants de Vitez par des Croates

19 venant d'autres territoires ?

20 M. Zeco (interprétation). - S'agissant de ce qui s'est fait,

21 d'ailleurs il me l’a dit directement, M. Anto Valenta a participé

22 directement à de telles activités. Il était président du comité exécutif

23 du HDZ pour la Bosnie centrale.

24 M. Riad (interprétation). - A qui devait-il lui-même rendre des

25 compte ? De qui recevait-il des ordres ?

Page 2859

1 M. Zeco (interprétation). - Seules des structures qui étaient

2 organisées par la communauté croate de Herceg-Bosna.

3 M. Riad (interprétation). - Vous entendez le HVO ou parlez-vous

4 d'autre chose ?

5 M. Zeco (interprétation). - Au sein du HVO également. Ou parce

6 que la situation étant ce qu'elle était, il était impossible de faire une

7 distinction entre l'option militaire du HVO et la structure civile, le HDZ

8 en l'occurrence. Parce qu'elles travaillaient main dans la main.

9 M. Riad (interprétation). - J'ai une seconde question à vous

10 poser. Vous avez parlé de l'attaque dont vous avez été l'objet, au cours

11 de laquelle ils ont cassé votre nez. Et vous avez dit que lorsque des

12 personnes étaient attaquées par des militaires du HVO, personne n'avait

13 été poursuivi ni châtié. Aucun châtiment n'avait été infligé. Connaissez-

14 vous d'autres cas que votre cas personnel de ce genre de traitement ?

15 M. Zeco (interprétation). - Oui. Je suis au courant d'autres cas

16 de ce genre. Et je ne suis au courant d'aucun de ces cas où les auteurs de

17 l'incident aient eu à assumer les conséquences de leurs actes. Je ne suis

18 au courant d'aucun cas.

19 M. Riad (interprétation). - Dans la même veine, vous avez dit

20 que Darko Kraljevic, lorsqu'il était saoul, brutalisait les gens,

21 inspirait la peur. Vous avez même ajouté que d'autres militaires du HVO

22 avaient l'habitude de se saouler. Etait-ce là quelque chose de fréquent ?

23 Etait-il fréquent qu'ils s'enivrent et brutalisent les gens ?

24 M. Zeco (interprétation). - Au cours des six derniers mois de

25 l'année 1992, au fil du temps, alors qu'on s'approchait de la date

Page 2860

1 tragique du 16 avril 1993, il est devenu de moins en moins souhaitable que

2 des Musulmans se trouvent à proximité de membres des unités du HVO. En

3 effet, on ne savait jamais ce qu'on allait subir, dans quelle situation on

4 allait se trouver.

5 Personnellement, je me déplaçais beaucoup et j'ai souvent été

6 provoqué, insulté et j'essayais d'éviter toute rencontre avec eux. Et

7 surtout vers la fin, lorsque des unités venant d'autres territoires,

8 d'autres régions ont été affectées à la municipalité de Vitez, comprenant

9 des soldats d'autres territoires et non des gens de la municipalité de

10 Vitez, parce que ces soldats ne me connaissaient pas et ne connaissaient

11 pas les autres résidents, les Musulmans de Vitez et évitaient tout

12 contact avec eux.

13 M. Riad (interprétation). - En bref, en guise de conclusion,

14 diriez-vous, au vu de cette attaque menée contre vous et au regard de tous

15 les autres incidents et brutalités, pensez-vous qu'il n'y avait aucune

16 discipline stricte dans le HVO et que les membres du HVO pouvaient agir en

17 toute impunité par rapport à la population civile ?

18 M. Zeco (interprétation). - Je ne pourrais pas dire que ces

19 soldats étaient sans discipline. On avait le sentiment qu'ils

20 connaissaient bien et appliquaient la discipline militaire. Mais, en tout

21 état de cause, ils avaient une certaine discipline, en tout cas,

22 s'agissant des Musulmans. Et j'ai eu l'occasion de me trouver aussi en

23 compagnie de Croates.

24 Mais ces membres du HVO, ces soldats qui ne nous connaissaient

25 pas, ils réagissaient de telle sorte que je sentais bien que j'étais un

Page 2861

1 intrus. Mais ils avaient une discipline militaire en ce qui concerne leur

2 attitude à l'égard des Musulmans. Je crois qu'on ne les a pas empêchés de

3 faire certaines choses qu'ils ont faites. C'est l'impression qu'on en

4 retirait.

5 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que, lorsqu'on a donné

6 aux détenus un certain choix, au moment de leur libération, on leur a

7 dit : "Vous pouvez quitter Vitez ou vous pouvez partir". Qu'est-il advenu

8 de ceux qui ont décidé de rester à Vitez ? Le savez-vous ?

9 M. Zeco (interprétation). - Oui, je suis au courant. Tous ceux

10 qui sont restés, après avoir été libérés du camp, tous ceux qui sont

11 restés dans les quartiers de la ville, au départ, ont quitté la ville. A

12 l'exception de 90 ou 100 personnes qui sont restées dans la partie plus

13 urbanisée de la ville. Tous les Musulmans ont fini par partir de leur

14 plein gré ou ils ont été forcés de le faire. Mais je crois qu'après, il

15 n'y a plus eu que 90 ou 100 personnes. Je pense que 96 Musulmans seulement

16 sont restés sur place, à Vitez, après que les Musulmans aient été chassés

17 de la municipalité de Vitez, en tout cas, dans les quartiers où opéraient

18 le HVO, après le conflit avec l'Armiya.

19 M. Riad (interprétation). - En d'autres termes, pourrait-on

20 donner un pourcentage du nombre de Musulmans qui sont restés à Vitez par

21 rapport au pourcentage de Musulmans qu'il y avait au départ pour autant

22 que vous soyez au courant ?

23 M. Zeco (interprétation). - Je ne peux pas vraiment vous le

24 dire, parce que c'est la partie plus urbanisée. Mais, à mon avis

25 personnel, je dirais qu'au maximum 5 % des Musulmans de la ville de Vitez

Page 2862

1 sont restés. Et quand je parle de la partie urbanisée, j'inclus aussi

2 Rijeka et Blankic, la partie de la ville vers Kruscica et celle vers

3 Gacice. Par rapport au nombre total de Musulmans, c'était peut-être moins

4 que 5 %.

5 M. Riad (interprétation). - Par rapport aux Musulmans qu'il y a

6 eus avant les événements ?

7 M. Zeco (interprétation). - Au centre même de la ville, les

8 Musulmans, les Croates et les Serbes, en vertu du recensement de 1991,

9 donnait environ 40 % de Musulmans dans cette partie-là. Il y avait une

10 population mixte au centre de Vitez. On y retrouvait les trois groupes

11 ethniques qui étaient représentés plus ou moins à part égale. Mais je

12 dirais que de 40 à 50 % de la population du centre de la ville étaient

13 composés de Musulmans, de la partie centrale.

14 M. Riad (interprétation). - Un avertissement vous a été donné à

15 propos de l'explosion à Stari Vitez. Apparemment, il vous avait été dit la

16 veille que vous deviez aller vous protéger, et vous avez découvert le

17 lendemain qu'il y avait une forte explosion du fait de ce camion

18 plastiqué. Mais qui vous a donné cet avertissement ?

19 M. Zeco (interprétation). - On nous a dit que quelque chose

20 allait se produire. C'est l'organisateur, la personne qui était à la tête

21 des Musulmans et qui se trouvait dans le poste vétérinaire, qui nous a

22 informés de cela et c'est lui qui nous a dit de nous rendre tous à la cave

23 parce que quelque chose allait se produire. A ce moment-là, comment

24 aurions-nous pu le savoir ? Nous n'avions aucune source d'information

25 quant à ce qui pouvait se produire. Nous y sommes donc allés et nous

Page 2863

1 essayions de deviner ce qui allait se produire. Nous en parlions entre

2 nous et, après environ une heure, nous avons entendu une forte détonation,

3 une violente détonation, et nous nous demandions ce qui avait bien pu se

4 produire. C'était tout à fait inhabituel quant à ce que nous avions pu

5 entendre au cours de cette journée et aux autres explosions que nous

6 avions pu entendre.

7 Après un peu de temps, la même personne est arrivée et a dit

8 d'une voix haute et claire : "A présent, c'en est fini des Musulmans." Au

9 cours de la journée, alors que nos familles venaient, nous avons découvert

10 qu'il s'agissait d'une explosion et qu'un camion avait été plastiqué, un

11 camion à Stari Vitez.

12 M. Riad (interprétation). - Vous l'avez dit déjà, je vous

13 remercie. Mais vous avez dit que tout cela avait été préparé à l'avance et

14 que le chef des personnes détenues était au courant et savait qu'il y

15 avait eu ce projet, ce plan de faire exploser le camion à Stari Vitez.

16 C'est ce que vous êtes en train de nous dire ? C'est la conclusion qu'on

17 peut en tirer ?

18 M. Zeco (interprétation). - Absolument. C'est précisément ce qui

19 s'est passé. Il savait ce qui se passait. Les soldats qui se trouvaient

20 là, avaient l'air tout à fait heureux après avoir pris connaissance de cet

21 événement.

22 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie beaucoup.

23 M. le Président. - Le juge Shahabuddeen.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Docteur Zeco, vous avez dit

25 que vous-même et votre épouse aviez trouvé refuge dans la maison du frère

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1 d'Ivica Santic qui, par la suite, est mort. Est-ce que d'autres Musulmans

2 ont également pu trouver refuge chez des familles croates ?

3 M. Zeco (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, si j'ai

4 parlé du frère d'Ivica Santic, Zvonko Santic, il n'a pas été tué, mais il

5 m'a vraiment aidé. Il m'a apporté une aide précieuse et sincère.

6 Une quantité non négligeable d'autres Croates ont vraiment aidé

7 les Musulmans. Ceci étant dit, il est vrai aussi que certains Musulmans

8 ont demandé de l'aide aux Croates, et les Croates disaient ouvertement

9 qu'ils seraient heureux de les aider et qu'ils n'osaient pas le faire. Je

10 pourrais donner quelques exemples de Croates qui ont effectivement aidé

11 les Musulmans. Je sais que ces Croates en ont subi les conséquences, des

12 conséquences assez sérieuses. Ce sont des unités militaires qui les ont

13 punis, ces Croates qui ont aidé des Musulmans. D'une certaine façon, je

14 pense donc que peut-être, ils ont eu à souffrir des conséquences plus

15 violentes et plus brutales que les Musulmans eux-mêmes dans certains cas.

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous-même avez-vous encore

17 des amis croates à Vitez à l'heure actuelle ?

18 M. Zeco (interprétation). - Oui. J'ai un certain nombre d'amis

19 croates à Vitez et mon grand espoir, c'est que nous soyons toujours amis.

20 Il y a des Croates qui ont essayé de m'aider tout au long cette période,

21 mais ils m'ont fait savoir qu'ils ne pouvaient pas m'aider. J'avais des

22 amis et ces amis-là, je ne les choisissais pas sur des bases ethniques.

23 C'étaient tous de braves gens. C'étaient mes amis.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Venons-en à ces émissions

25 télévisées auxquelles le général Blaskic a pris part. Nous ne savons pas

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1 quelle parole il a employée, quels mots il a employés. Nous ne connaissons

2 que vos opinions quant à ce qu'il a pu prononcer au cours de ces émissions

3 mais, d'après vous, le point de vue qu'il a adopté lorsqu'il parlait de

4 questions militaires uniquement, ce point de vue était-il le suivant :

5 l'idée qu'il se faisait de ses responsabilités, c'était qu'il fallait

6 utiliser tout l'appareil militaire qui était placé sous ses ordres pour

7 mettre en oeuvre les politiques du HVO, quelles que soient ces

8 politiques ?

9 M. Zeco (interprétation). - D'après moi, pour ce qui est des

10 déclarations faites par Tihomir Blaskic, c'est qu'il disait qu'il était

11 soldat, un soldat qui faisait son devoir. Il était très attaché aux idéaux

12 qui étaient exposés. C'était un soldat au sens professionnel du terme, un

13 soldat de carrière, et je crois qu'il exerçait ses responsabilités de

14 façon très professionnelle. Ses déclarations étaient telles qu'en tant que

15 commandant.... Dans le cadre de ses déclarations, il demandait en tant que

16 commandant que tout soit fait pour que les missions qui étaient confiées

17 aux unités militaires puissent être menées à bien, pour que les objectifs

18 militaires prévus soient atteints.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Par qui ces objectifs dont

20 vous venez de parler auraient-ils été fixés ?

21 M. Zeco (interprétation). - Ce sont les politiques du HDZ qui

22 fixaient ces objectifs. C'était la politique qui était en place à ce

23 moment-là. Tous les responsables, parmi lesquels la République de Croatie

24 et ses représentants à Vitez, y prenaient part. Par exemple, lorsque le

25 gouvernement local a été suspendu, que la communauté croate de Herceg-

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1 Bosna a été mise en place et que le poste de police et le bâtiment de

2 l'assemblée municipale ont été pris, c'est le drapeau de l'Etat croate qui

3 a été hissé sur ces bâtiments, de sorte que tout ce qui se produisait sur

4 le territoire de Vitez était le résultat de ce qui se passait au niveau le

5 plus élevé et non pas de ce qui se passait au niveau local, c'est-à-dire

6 de la municipalité.

7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Excusez-moi de vous

8 interrompre, mais je ne vous demande qu'une chose : quelle est votre

9 impression sur ce qu'il pensait, lui, être la source de ces objectifs ?

10 D'après lui, qui fixait ces objectifs ?

11 M. Zeco (interprétation). - Je ne suis pas à même de dire si

12 quelqu'un, en particulier, lui a confié cette mission. Ce qui est certain,

13 c'est que tout cela revenait à une chose : il fallait faire valoir les

14 droits du peuple croate, et c'est dans ce contexte que se produisaient ces

15 apparitions à la télévision.

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Précisément, revenons sur

17 ces apparitions à la télévision. Vous savez que parfois, à la télévision,

18 il peut y avoir une espèce de débat au cours duquel chaque intervenant

19 parle et s'exprime, et puis il y a d'autres types d'émission dans le cadre

20 desquelles un groupe de personnes fait état d'un programme commun.

21 Vous avez dit que vous avez vu le général Blaskic à de

22 nombreuses reprises accompagné d'un groupe de personnes. Vous avez vu tout

23 cela à la télévision. Est-ce que chaque membre de ce groupe parlait en son

24 nom propre et de façon individuelle, ou bien est-ce que chaque membre du

25 groupe présentait un des aspects de la politique commune du groupe ?

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1 M. Zeco (interprétation). - Absolument. Ce n'étaient pas des

2 débats à proprement parler. On faisait état de certaines opinions, de

3 certaines positions, des opinions qui étaient très claires. L'objectif

4 était de faire état d'une opinion qui était l'un des éléments de la

5 politique qui prévalait à ce moment-là. Ce n'étaient pas des débats qui

6 réunissaient ces différents représentants, qu'ils soient civils ou

7 militaires. Simplement, ils faisaient état de leur opinion.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Une dernière question

9 relative à M. Kraljevic et au HOS. Je crois que vous avez dit qu'à un

10 moment donné, le HOS a été intégré dans le HVO. Vous rappelez-vous avoir

11 dit cela ?

12 M. Zeco (interprétation). - Oui, absolument, je m'en souviens.

13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que le HOS a été

14 intégré au HVO avant le 15 avril 1993 ?

15

16 M. Zeco (interprétation). - Oui. Il y a eu une émission

17 télévisée qui a montré que le HOS devenait partie intégrante du HVO. Je

18 crois que c'était au cours du deuxième semestre de 1992. C'est alors

19 qu'ils ont rejoint les unités du HVO.

20

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Une petite question

22 complémentaire qui va venir préciser la question que je viens de vous

23 poser : après que le HOS soit devenu une partie intégrante du HVO, est-ce

24 que les membres du HOS se sont mis à porter certains types d'insigne ou

25

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1 une marque qui puisse les identifier comme faisant partie du HVO ?

2

3 M. Zeco (interprétation). - Oui, en effet. Ils portaient

4 également d'autres types d'insigne, mais pour la plupart d'entre eux, ils

5 portaient l'insigne du HVO.

6

7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie.

8

9 M. le Président. - Docteur, j'ai une seule question à vous

10 poser, sachant que vous devez être fatigué, ce que comprend aisément le

11 Tribunal. Vous qui avez été un témoin, hélas, privilégié (et quand je dis

12 "privilégié", vous me comprenez bien, puisque, à la fois, vous avez

13 souffert, mais en même temps, vous étiez un notable, quelqu'un en qui on

14 avait confiance, avant la guerre, aussi bien du côté croate que du côté

15 musulman ; voilà ce que je voulais dire, évidemment), vous qui avez été ce

16 témoin, je souhaite vous poser une seule question : avez-vous le sentiment

17 que le niveau de souffrance infligé, le niveau de dévastation et le niveau

18 de haine qui en a résulté ou qui en a été la cause auraient pu être

19 atténués ou amoindris, soit par les militaires, soit par les politiques,

20 dans le cadre même des revendications historiques et politiques que vous

21 avez bien voulu préciser au juge Riad tout à l'heure ?

22

23 Autrement dit, je vais vous demander un petit effort. Même en

24 admettant comme valables les revendications croates, est-ce que, avec le

25

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1 recul du temps, vous estimez que, sur le terrain, le niveau de souffrances

2 endurées par la population aurait pu être amoindri ?

3

4 M. Zeco (interprétation). - Je crois que la réponse la plus

5 précise que je puisse apporter à votre question peut être apportée en vous

6 donnant un exemple et, avec votre permission, c'est ainsi que je vais

7 procéder pour vous répondre. Je vais donc vous donner un exemple.

8 A Mali Mosunj, une communauté exclusivement composée de Croates,

9 deux cochons sont tombés malades ; ils ont contracté une infection. Je me

10 suis donc rendu dans cette communauté et je leur ai fait des piqûres. Je

11 me suis occupé d'eux, et j'ai dit à la femme à qui ils appartenaient que

12 je reviendrais le lendemain parce qu'ils se pouvait bien qu'ils aient

13 besoin d'autres soins.

14

15 Le lendemain, lorsque je suis retourné là-bas, les deux bêtes

16 que j'avais soignées étaient en pleine forme alors que, la veille, elles

17 avaient beaucoup de température, refusaient de se nourrir et étaient

18 complètement épuisées. La propriétaire est donc venue vers moi et elle

19 était très heureuse. Elle m'a remercié chaleureusement et a alors ajouté :

20 "Vous voyez, docteur, ils nous disent d'être contre vous, mais comment

21 puis-je être contre vous alors que vous nous aidez tant ?"

22

23 Ma réponse a été la suivante : "Tout ce qui était fait, tout ce

24 qu'on disait de faire, c'étaient en fait des ordres qui étaient donnés

25

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1 pour que les choses se passent ainsi. C'était quelqu'un qui donnait des

2 ordres pour que les choses se passent ainsi".

3

4 Je lui ai dit que je me sentais très heureux qu'elle m'ait dit

5 cela et, aujourd'hui, je dois dire que je me sens très privilégié d'avoir

6 eu l'occasion d'apporter ma petite pierre, ma contribution à votre

7 mission. Je vous souhaite tout le succès possible dans votre entreprise

8 afin que de tels événements ne se reproduisent pas et que d'autres

9 générations n'aient pas à en souffrir. Tout ce qui a pu se passer, tout ce

10 que les trois groupes ethniques ont pu souffrir dans cette région

11 (Croates, Serbes et Musulmans) ne doit pas se reproduire. Je vous

12 remercie.

13

14 M. le Président. - Merci, docteur. Ce témoignage prend fin, et

15

16 cela va correspondre d'ailleurs à la fin de notre journée d'audience et de

17 notre semaine. Le Tribunal vous remercie. Il a été très sensible à votre

18 venue et il vous souhaite beaucoup d'apaisement pour la suite de ce qui va

19 se passer. Monsieur l'Huissier, pouvez-vous raccompagner le témoin, s'il

20 vous plaît ?

21

22 (Le témoin est reconduit en dehors de la salle d'audience.)

23 Les audiences reprendront lundi à 14 h 30, puisque la matinée

24 est consacrée à une autre affaire qui est pendante devant le Tribunal.

25 L'audience est levée à 17 h 40.