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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX- YOUGOSLAVIE
3 Mercredi 1er octobre 1997
4 (L'audience est ouverte à 10 heures 05.)
5 M. le Président - L'audience est reprise, M. le Greffier pouvez-
6 vous faire entrer l'accusé s'il vous plaît.
7 (L'accusé est introduit)
8 M. le Président - Les cabines d'interprétation sont-elles prêtes ? Bonjour.
9 Tout le monde m'entend ? Monsieur Blaskic, vous m'entendez ?
10 M. Blaskic - Bonjour, Monsieur le Président, je vous entends bien.
11 M. Le Président - Nous pouvons commencer. C'est M. Greg Kehoe qui ce matin,
12 représente le bureau du Procureur pour poursuivre l'audition des témoins.
13 M. Kehoe . - Bonjour, Monsieur le Président,
14 bonjour Messieurs les Juges, le témoin suivant sera Cazim Ahmic.
15 M. Le Président - Pendant que nous allons quérir le témoin,
16 Monsieur Kehoe, le Tribunal et les Juges souhaiteraient que vous alliez le
17 plus directement possible aux questions fondamentales pour l'accusation,
18 afin que nous essayons de ne pas partir trop dans des détails, d'abord
19 parce que ceci ouvre un contre-interrogatoire qui sera d'autant plus large
20 et, ensuite, parce que vous avez certainement un objectif en faisant citer
21 ce témoin ou d'autres témoins. Le Tribunal aimerait donc que l'on aille le
22 plus directement possible. Bien entendu, je n'ai pas, et mes collègues non
23 plus, nous n'avons pas à vous contrôler dans vos questions. Ce n'est pas
24 du tout le cas et ce n'est pas du tout l'objectif recherché.
25 L'objectif recherché est que nous allions droit à ce qui est essentiel pour
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1 votre accusation, comme d'ailleurs dans la défense, le moment venu, devra
2 aller également à l'essentiel de sa défense. Comment s'appelle le témoin ?
3 M. Kehoe . - Le témoin s'appelle Cazim Ahmic. C'est un "C"
4 avec un accent et Ahmic est le nom de famille. J'ai prévu deux heures et
5 demie Monsieur le Président, mais je crois en avoir terminé plus rapidement.
6 (Le témoin est introduit dans la salle.)
7 M. Le Président - Merci. Monsieur, m'entendez-vous ?
8 M. Ahmic - Oui.
9 M. Le Président - Pouvez-vous me dire votre nom et votre prénom
10 simplement. M. Ahmic - Je m'appelle Cazim Ahmic.
11 M. Le Président- Monsieur Cazim, vous allez lire debout une
12 déclaration que l'huissier va vous donner, qui est votre déclaration,
13 votre serment en quelque sorte. Allez-y, lisez le document.
14 M. Ahmic - Je déclare solennellement que je
15 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
16 M. Le Président - Merci Monsieur Cazim Ahmic, vous pouvez vous asseoir.
17 Vous avez été cité par le Procureur comme témoin, pour l'accusation, dans
18 le procès qui est intenté devant ce Tribunal Pénal contre le général
19 Blaskic, ici présent. Vous êtes un témoin de l'accusation, le Procureur va
20 donc vous poser toute une série de questions. Ensuite, la défense, les
21 avocats qui défendent le général Blaskic, comme devant toute juridiction,
22 vous poseront ensuite une autre série de questions. Pour le moment,détendez
23 -vous, vous êtes devant des juges, vous n'avez rien à craindre,vous vous
24 détendez et vous répondez le mieux que vous pouvez aux questions de M. Greg
25 Kehoe qui est le Procureur. Monsieur Kehoe vous pouvez commencer.
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1 M. Kehoe . - Merci Monsieur le Président, merci
2 Messieurs les Juges. Monsieur Ahmic, bonjour.
3 M. Ahmic . - Bonjour.
4 M. Kehoe . - Quel âge avez-vous et où êtes-vous né ?.
5 M. Ahmic . - Je suis né à Pirici, dans la
6 municipalité de Vitez. J'ai 55 ans, je suis né en 1941.
7 M. Kehoe . - Avant le 16 avril 1993, viviez-vous dans 'le village de Zume ?
8 M. Ahmic. - Oui.
9 M. Kehoe . - Le village de Zume était quelquefois relié à Santici, parfois
10 à Ahmici ou encore à Pirici. C'est bien exact, n'est-ce pas ?
11 M. Ahmic - Oui.
12 M. Kehoe . - Alors que vous viviez dans ce village, vous travailliez à
13 l'usine de Vitez ?
14 M. Ahmic - Oui. Excusez-moi, il s'agit de l'usine de Vitizit*.
15 M. Kehoe . - Avant le 16 avril 1993, vous aviez
16 passé toute votre vie dans la région de Pirici-Zume, n'est-ce pas ?
17 M. Ahmic - Oui.
18 M. Kehoe . - Voulez-vous nous parler de votre famille, de vos proches, de
19 votre femme et de vos enfants. A ce moment du 16 avril, aviez-vous une
20 femme et des enfants ?
21 M. Ahmic - Oui, j'avais une femme et des enfants. Ma femme a été tuée.
22 Mon fils, ma mère, ma soeur, un neveu, voilà
23 les personnes qui m'étaient les plus proches dans la famille.
24 M. Kehoe . - Et vous aviez une fille qui a survécu, n'est-ce pas ?
25 M. Ahmic - Oui.
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1 M. Kehoe . - Les problèmes qui se sont posés dans la région d'Ahmici
2 ont débuté vers le 20 octobre 1992, est-ce bien exact ?
3 M.Ahmic – Oui.
4 M. Kehoe . - Pourriez-vous dire aux Juges ce qui
5 s'est passé le matin du 20 octobre 1992 lorsque, vous et les membres de
6 votre famille, vous vous trouviez chez vous ?
7 M. Ahmic - Le matin vers 5 heures 30, 5 heures
8 40, devant la maison de Semren, notre voisin, un canon a tiré sur la
9 mosquée d'Ahmici. C'est comme cela que ça a commencé.
10 M. Kehoe . - Poursuivez Monsieur, et qu'avez-
11 vous vu pendant toute cette période ?
12 M. Ahmic - Après que la mosquée ai été prise
13 pour cible, devant la maison de Jozo Covic et de Melica Zelenika* qui sont
14 mes voisins les plus proches... Après cela, en fait, on a tiré de ces
15 maisons-là sur ma maison parce que Semren Ivica et Zoran Covic...
16 M. Kehoe . - Ces hommes étaient-ils des Croates ou des Musulmans ?
17 M. Ahmic - Ils étaient croates, oui.
18 M. Kehoe . - Y a-t-il eu d'autres coups de feu, d'autres tirs ?
19 M. Ahmic - Oui, ailleurs, il y a eu des tirs, mais je ne pourrais pas vous
20 dire exactement qui a tiré sur qui Moi, j'ai vu ces hommes qui tiraient sur
21 ma maison, mais il y avait des coups de feu tirés dans le village.
22 M. Kehoe . - Est-ce que vous avez été surpris par ces tirs?
23 M. Ahmic . - Bien sùr que c'est surprenant ! Quelqu'un tire sur votre
24 maison ! C'est de la maison de Ivica Vidovic. On a aussi tiré sur la mienne.
25 J'ai été, bien sûr, surpris, c'est naturel. Quiconque aurait été surpris.
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1 M. Kehoe . – Après le commencement des tirs,
2 qu'avez-vous fait, vous et les membres de votre famille ?
3 M. Ahmic . - Nous avons essayé de trouver
4 immédiatement un refuge afin d'éviter que quiconque ne soit blessé. Pas
5 loin, il y avait déjà une grange en feu. Nous ne voulions pas être
6 touchés, nous avons donc cherché refuge quelque part.
7 M. Kehoe . – Où êtes vous allés ?
8 M. Ahmic , - Il y avait un bosquet, plus bas en
9 contre-bas de la maison, nous y sommes allés. Il se trouvait le long de la
10 route en contre-bas de la maison. Nous nous y sommes cachés jusqu'au soir.
11 M. Kehoe . - Après cela, où êtes-vous allés ?
12 M. Ahmic . - Dans la soirée, lorsque la nuit est
13 tombée, nous sommes remontés vers Gornje Ahmici, vers le haut du village.
14 M. Kehoe . - Qu'avez-vous fait dans cette partie
15 du village et combien de temps y êtes vous restés ?
16 M. Ahmic . - Nous y sommes arrivés dans la
17 soirée. Nous n'y avons pas passé beaucoup de temps, nous sommes allés vers
18 Rovine qui était plus sûr, car c'est un peu plus haut. Nous étions plus
19 éloignés du village, étant plus en hauteur par rapport au village.
20 M. Kehoe . - Y avez-vous passé un certain temps avant de rentrer chez vous?
21 M. Ahmic . - Oui Nous y sommes restés cinq ou six jours, peut - être une
22 semaine. Je ne pourrais plus vous dire exactement combien de temps nous y
23 sommes restés.
24 M. Kehoe . - S'est-il passé quelque chose qui a provoqué votre retour à
25 votre domicile ? Y a-t-il eu un accord de paix ou quoi que ce soit ?
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1 M. Ahmic . – Un accord a sans doute été passé
2 avec les gens qui se trouvaient en contre-bas. Je le suppose puisqu'il
3 nous a été dit que nous pouvions rentrer chez nous.
4 M. Kehoe . - Ce matin du 20 octobre 1992, avez-
5 vous vu des pièces d'artillerie transportées sur des camions ou bien des
6 pièces d'artillerie des environs qui tiraient sur Ahmici ?
7 M. Ahmic . - Oui.
8 M. Kehoe . – Pourriez-vous dire aux Juges ce que vous avez vu ?
9 M. Ahmic . - De la direction de Donje Rovine, un
10 véhicule est arrivé venant de cette route jusqu'à la route principale.
11 C'était un véhicule assez lourd. Des coups de feu étaient tirés du véhicule
12 alors qu'il était en marche. Ils tiraient à Ahmici et à Gornje Ahmici.
13 M. Kehoe . - Tirait-on aussi de Mrasno sur Ahmici ?
14 Y avait-il aussi des pièces d'artillerie à Mrasno tirant sur Ahmici ?
15 M. Ahmic . - Oui, bien sûr, parce que le
16 véhicule était mobile, mais aussi parce qu'il y avait des tirs
17 d'artillerie sur Ahmici depuis des maisons de Rusici et de Mrasno.
18 M. Kehoe . - Monsieur le Président, pourrais-je m'approcher du témoin et
19 lui demander de se lever ? Nous allons parler de la pièce 50/E qui est pré-
20 numérotée et qui se trouve déjà sur le chevalet. Monsieur Ahmic, je vais
21 vous demander de vous lever. Nous allons voir si le microphone fonctionne.
22 (Le témoin se lève.)
23 Monsieur Ahmic, la pièce 50/E est une carte qui représente la
24 région : Ahmici, Santici, Zume, Pirici, c'est bien exact ?
25 M. Ahmic (interpré1ation). - Oui.
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1 M. Kehoe . - Pourriez-vous nous indiquer où se trouve votre maison à Zume ?
2 M. Ahmic . - Ma maison à Zume se trouve ici.
3 (Le témoin montre sa maison sur La carte.)
4 M. Kehoe . - Est-ce bien l'endroit indiqué par le numéro l?
5 M. Ahmic . – Oui.
6 M. Kehoe – Pour que nous nous orientions sur cette photo.
7 M. le Président. - Excusez-moi, Maüre Hayman, si vous voulez vous approcher
8 pour éviter un cas précédent où la carte était indiquée avec des tirets pré
9 -déterminés- ainsi qu'une nouvelle question que vous pourriez peut-être
10 poser-pour constater que la marque qui a été apposée par le Procureur
11 correspond bien à ce qu'a dit le témoin, si vous le voulez bien évidemment
12 M. Hayman . - Cela a déjà été examiné avant le début de l'audience, merci.
13 M. Kehoe . - Pour aller plus vite, nous avons
14 déjà pré-numéroté cette carte avec l'aide du témoin.
15 M. le Président. - Bonne initiative, merci.
16 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, veuillez nous
17 indiquer Ahmici sur la 3 carte, maintenant que vous y avez marqué Zume ?
18 M. Ahmic. - Ahmici se trouve ici.
19 (Le témoin montre le village sur la carte).
20 M. Kehoe . - Et Santici ?
21 M. Ahmic . - Santici se trouve ici.
22 (Le témoin l'indique sur la carte.)
23 Effectivement, c'est 1h que se trouve Santici Je m'excuse de
24 répéter, mais je crains que vous ne m'entendiez pas.
25 M. Kehoe . - Aujourd'hui, Zume est relié à Santici, n'est-ce pas ?
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1 M. Ahmic . - Oui, c'est exact
2 M. Kehoe . - Ce matin du 20 octobre, vous étiez chez vous. Vous avez dit
3 que les tirs sont passés par-dessus votre maison vers la mosquée. D'où
4 venaient ces tirs ? Pourriez-vous nous l'indiquer sur la carte?
5 M. Ahmic . - Voici la maison de Semrea* ou Semdin. En fait,
6 les tirs venaient de l'avant de sa maison et étaient dirigés vers la
7 mosquée. C'est ici, c'est ici que se trouve la mosquée plus ou moins. C'est
8 devant cette maison de Semrin que se trouvait la pièce.
9 M. Kehoe . - C'est donc le numéro 2 qui a été indiqué sur la carte ?
10 M. Ahmic . - Oui.
11 M. Kehoe . - Ont-ils touché la mosquée ? Ont-ils Rappé la mosquée ?
12 M. Ahmic . - Oui, le dessus du minaret a été touché.
13 M. Hayman . - Le témoin n'indique pas le point mais un emplacement qui se
14 trouve tout à fait à droite du bloc dans lequel est inscrit le numéro 2.
15 M. le Président. - Pour éviter ensuite d'avoir à poser ces question, soyez
16 bien présents. Je vous ai déjà refusé une objection l'autre jour, je m'en
17 souviens bien. Je voudrais qu'on gagne du temps. Par conséquent, le témoin
18 indique -t-il bien, Monsieur Kehoe, personnellement j'ai du mal à le
19 voir d'ici et, sur le moniteur, ce n'est pas très clair non plus .
20 M. Kehoe . - Il indique la maison de Semren et il dit qu'en
21 fait les tirs venaient de l'avant de la maison. Il a indiqué le numéro 2.
22 M. Hayman . - Nous voulons simplement que, lorsque le témoin
23 indique un endroit, ce soit bien répercuté dans le compte rendu.
24 M. le Président. - Répétez pour que le transcript l'indique bien. Continuez.
25 M. Kehoe . - Vous avez dit, outre les tirs tirés
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1 vers la mosquée à partir de la maison de Semren, qu'il y avait aussi des
2 tirs qui étaient tirés de la maison proche de la vôtre.
3 M. Ahmic . - Oui Voici la maison Jozo Covic et Melica Zelenika*, ici. Je
4 vous montre les maisons pas les numéros. Je vous montre directement les
5 maisons.
6 M. Kehoe . - C'est donc le n' 3 ?
7 M. Ahmic . - C'est de la maison de Jozo Covic et de Melica
8 Zelenika. Il y a une autre maison, celle de Ivica-Jevco Vidovic, ce sont de
9 ces maisons-là que l'on a tiré sur ma maison en utilisant des fusils.
10 M. Kehoe . - Vous avez aussi dit qu'un camion
11 transportant une pièce lourde d'artillerie est venu, est descendu de
12 Hrasno, est arrivé de la route et tiré sur Ahmici ?
13 M. Ahmic . - Voici la route. C'est d'ici, de cet
14 direction-ci, que venaient les tirs lorsque le véhicule est arrivé sur la
15 route principale et a poursuivi sa route. Il tirait en direction d'Ahmici.
16 M. Kehoe . - Vous indiquez l'origine, l'endroit d'où venait
17 ce véhicule. Ce que l'on ne voit pas sur la carte, c'est Hrasno.
18 M. Ahmic . - Vous voyez ici les maisons de Rude, ici en
19 haut,et Hrasno serait plutôt de ce côté-ci, dans le coin supérieur droit.
20 M. Kehoe . – Et vous dites que, là aussi, on tirait en direction d'Ahmici?.
21 M. Ahmic . - Oui, c'est exact. C'était des tirs d'artillerie. Je ne suis
22 pas expert en matière d'armes, je ne sais pas exactement quelles armes on
23 utilisait.
24 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, je vous demanderai de vous rasseoir et je
25 retournerai moi-même à ma place pour poursuivre l'interrogatoire.
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1 Monsieur Ahmic, avant que l'on ne tire sur votre maison ce matin
2 du 20 octobre 1992 et avant que l'on ne tire sur la mosquée, avez-vous,
3 vous, participé à des barrages routiers qui auraient été installés sur la
4 route allant de Vitez à Busovaca ?
5 M. Ahmic . - Moi, je n'avais rien à voir avec cela. Je suppose qu'il y a
6 eu,sous une forme quelconque, un barrage routier près du cimetière
7 catholique mais ça ne se passait pas dans mon village, je n'ai fait qu'en
8 entendre parler. J'ai entendu dire qu'il y avait un barrage routier.
9 M. Kehoe . - Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir ce barrage routier?
10 M. Ahmic . - Non, je ne l'ai pas vu, je n'y suis pas descendu.
11 M. Kehoe . - Vous étiez un civil, n'est-ce pas ?
12 M. Ahmic . - Bien sûr, je suis civil.
13 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, après cette attaque
14 le 20 octobre 1992, le HVO a-t-il repris des armes des Musulmans dans
15 votre village et dans les villages avoisinants ?
16 M. Ahmic . - Oui, certains qui avaient des
17 armes les ont rendues ou remises de la région de Zume.
18 M. Kehoe . - Avez-vous, vous, donné votre arme ?
19 M. Ahmic . - Moi, je n'avais pas d'arme, j'avais
20 un fusil de chasse et je ne voyais pas pourquoi je devais le donner.
21 M. Kehoe . - Avant de poursuivre et de passer à
22 avril 1993, si vous me le permettez, Monsieur le Président, je voudrais
23 demander le versement au dossier de la pièce de l'accusation 50E.
24 M. le Président, - Maiîre Hayman ?
25 M. Hapnan . - Pas d'objection. Je ne pense pas
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1 que tous les numéros des différents sites aient été identifiés, mais nous
2 n'avons pas d'objection au versement de cette pièce.
3 M. Kehoe . - Numéro 1 : sa maison. N' 2 : Semren
4 à partir d'où on a tiré sur la mosquée. Numéro 3 : le site d'où on a tiré
5 sur sa maison et n' 4 le lieu sur la rogte où le camion est passé et d'où
6 les tirs sont partis sur Ahmici Ces quatres endroits ont été identifiés.
7 M. le Président. - Je crois que tout ceci a été noté au
8 transcript. Je voudrais que nous continuions avec le témoin. Monsieur le
9 Greffier, c'est donc une pièce qui sera cotée...
10 M. le Greffier - Il s'agit de la pièce 50E.
11 M. le Président. - Continuez Maître Kehoe.
12 M. Kehoe . - Monsieur le Président, avant que nous ne passions à la période
13 autour du 16 avril 1993, nous aimerions parler d'une pièce à conviction qui
14 a été versée au dossier. Je crois qu'il s'agit de la pièce 56D. Avec l'aide
15 l'aide de M. Dubuisson ou de l'huissier, je voudrais voir cette pièce qui
16 se trouve juste en face de la pièce actuellement montrée sur le chevalet.
17 Ensuite, nous discuterons de la période du mois d'avril 1993. Puis-je
18 m'approcher, Monsieur le Président ? Monsieur Ahmic, je vous demanderai de
19 de vous relever et de reprendre le pointeur.
20 M. Ahmic . - Oui.
21 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, vous avez dit que
22 vous aviez passé toute votre vie dans cette région, n'est-ce pas ?
23 M. Ahmic . - Oui, c'est exact.
24 M. Kehoe . - Est-ce que vous connaissez la station d'essence qui se trouve
25 sur la route de Vitez et où il y avait un ours en cage ?
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1 M. Ahmic . - Oui, je la connais.
2 M. Kehoe . - Pourriez-vous nous la montrer ?
3 M. Ahmic . - C'est la station d'essence d'Hazim Kreca*.
4 M. Kehoe . - Hazim Kreca* était-il musulman ou croate ?
5 M. Ahmic . - C'est un Musulman.
6 M. Kehoe . - Pourriez-vous nous montrer sur la
7 carte où se trouve cette station d'essence ?
8 M. Ahmic . - Oui, là voilà, elle est là.
9 M. Kehoe . - C'est donc l'endroit entouré d'un cercle ?
10 M. Ahmic . - Oui, c'est cela. C'est un petit peu
11 après le pont. Il y a d'abord la maison de retraite pour personnes âgées,
12 ensuite la station d'essence d'Hazim Kreca*.
13 M. Kehoe . - Merci beaucoup, Monsieur Ahmic, vous pouvez vous rasseoir, je
14 vous en prie. Monsieur Ahmic, si vous le voulez bien, nous pouvons
15 maintenant passer à la période située aux alentours du 16 avril 1993, le
16 matin de l'attaque. Avant l'attaque, avant le 16 avril 1993, est-ce que
17 vous saviez que vous alliez être attaqué ?
18 M. Ahmic . - Nous ne le savions pas. Si nous
19 l'avions su, nous nous serions sauvés. Nous n'avons rien remarqué. Rien ne
20 nous indiquait que nous allions subir une attaque, en tout cas je parle
21 des gens de mon hameau. Moi non plus, je n'ai rien vu venir.
22 M. Kehoe . - Qui se trouvait chez vous, à la maison, ce soir-là ?
23 M. Ahmic - Vous me demandez qui se trouvait dans la maison ? Les membres de
24 ma famille ?
25 M. Kehoe . - Oui, en effet, les membres de votre famille ?
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1 M. Ahmic . - Il y avait ma femme, mon fils, ma
2 fille, il y avait un de mes neveux Enner Brkic de Busovaca. Il était ce
3 soir-là, chez moi à la maison. Et puis voilà.
4 M. Kehoe . - Avez-vous vu quelque chose
5 d'inhabituel se produire ce soir-là, dans votre village ?
6 M. Ahmic . - Non, moi je n'ai rien remarqué d'inhabituel.
7 M. Kehoe . - Ce soir-lh, est-ce que vous avez reçu un coup de
8 téléphone de votre voisin Senad ? Je parle de la soirée du 15.
9 M. Ahmic . - Ah oui ! Senada. Je ne me souviens pas de son nom de famille,
10 mais elle m'a appelé ce soir-là au téléphone. Elle m'a dit qu'Ivo Vitovic
11 était venu, alors qu'elle se tenait devant la maison. Il était accompagné
12 de deux hommes qu'elle ne connaissait pas et il a dit : "Plus personne ne
13 bouge d'ici la nuit". Maintenant, quelles étaient ses intentions, ce qu'il
14 voulait dire par là ? C'est pour cela qu'elle m'a appelé. Je pense que
15 c'est sans doute à ce moment-là que le HVO est arrivé. Elle m'a appelé pour
16 me demander ce qui se passait et je lui ai dit que je n'en avais pas la
17 moindre idée. Je lui ai demandé d'appeler d'autres personnes
18 éventuellement, mais je lui ai dit que moi, je ne savais rien. Et voilà,
19 c'est comme ~ que cela s'est passé.
20 M. Kehoe . - A quelle heure a eu lieu ce coup de
21 téléphone, le soir, approximativement ?
22 M. Ahmic . - 10 heures et demi. 22 heures 30, je l'ai déjà dit.
23 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, parlons maintenant du matin du 16 avril 1993.
24 Pouvez-vous dire au juge ce qui s'est passé le matin du 16 avril 1993 ?
25 M. Ahmic . - Le 16 avril 1993, le matin, aux alentours de 5 heures
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1 et demi, un obus est tombé dans ma maison, en passant pai la fenêtre, un
2 obus de petit calibre. Si bien que je me suis levé pour voir ce qui se
3 passait, d'où venait cet obus, et j'ai constaté qu'il était arrivé de la
4 maison de Jovic Antic parce que Jozo Covic est sorti en se fiottant les
5 mains, en ayant l'air de dire : "Je m'en suis bien sorti". C'était le fils
6 d'Antic. C'est lui qui avait tiré cet obus d'un calibre inférieur sans
7 doute. Et puis, à partir de ce moment-là, les coups de feu ont
8 commencé un peu partout dans le village.
9 M. Kehoe . -. Qu'est-ce que vous avez fait ? Monsieur Ahmic, vous dites que
10 les coups de feu ont commencé, mais avant d'en arriver 1h, vous avez vu
11 Covic se frotter les mains comme s'il avait fait un bon tir ?
12 M. Ahmic . - Oui en tout cas, c'est ce que je suppose. Il avait l'air
13 content de ce qu'il avait fait et puis que s'est- il passé quand les coups
14 de feu ont commencé ? Tout le monde est sorti de sa maison pour voir ce qui
15 se passait. Moi, j'ai regardé par la fenêtre et j'ai vu que c'était une
16 attaque généralisée. Il n'y avait rien d'autre à dire ; il fallait se
17 sauver,si on pouvait le faire, dans la direction d'Ahmici.
18 M. Kehoe . - Monsieur Ahmici, dans votre région, Zume et Santici, il y
19 avait des maisons croates et des maisons musulmanes, n'est-ce pas ?
20 M. Ahmic . - Oui, c'était une population mixte.
21 De ce que j'ai pu voir personnellement parce que le terrain était plat,
22 j'ai vu que toutes les maisons catholiques, toutes les maisons croates, en
23 tout cas celles qui se trouvaient plus près de ma maison, ont été
24 épargnées parce que je voyais de la fumée qui sortait des cheminées. J'ai
25 donc supposé que cela voulait dire que les maisons avaient été épargnées.
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1 C'est ce que j'ai supposé personnellement, mais il n'y avait pas de fumée
2 qui sortait des maisons musulmanes, des cheminées.
3 M. Kehoe . - Il y avait donc de la fumée qui
4 sortait des maisons croates. A ce moment-là, le matin, il n'y avait pas
5 de fumée sortant des cheminées des maisons musulmanes ?
6 M. Ahmic . - C'est cela.
7 M. Kehoe . - Lorsque vous avez vu le début de
8 l'attaque, est-ce que c'étaient des maisons musulmanes qui étaient
9 attaquées ou des maisons musulmanes ?
10 M. Ahmic (interprétatîon). - Des maisons musulmanes, oui.
11 M. Kehoe . - Et quand vous avez regardé par la fenêtre et que vous
12 avez vu le début de cette attaque, dites aux Juges ce que vous
13 avez constaté, ce qui s'est passé ?
14 M. Ahmic - Ce qui se passait, c'était une attaque. Le hameau était attaqué.
15 Ma maison a été âappée par cet obus et de la maison de Joso Cakic... Les
16 gens sont sortis des maisons en courant. Ils appelaient Halid Pezer et il y
17 avait des coups de feu un peu partout. On entendait des insultes, des
18 injures. Quelqu'un disait : "Ta mère Balja, si tu ne sors pas de là, on
19 va mettre le feu". Et moi j'ai vu un soldat qui montait les marches de la
20 maison de Sefik Pezer. Je le voyais de dos. Comme je le voyais entrer dans
21 la maison, les choses étaient claires. Tout cela s'est passé très vite
22 mais j'ai constaté, sans aucun doute possible, que c'était une attaque
23 généralisée. Nous avons décidé de fuir et nous sommes allés dans la
24 direction d'Ahmici.
25 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, la personne dont
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1 vous parlez, vous avez vu un soldat entrer dans la maison, qui était-ce ?
2 M. Ahmic . - Sefik Pezer.
3 M. Kehoe . - Avez-vous vu les soldats à l'intérieur de sa maison ?
4 M. Ahmic . - Oui, j'ai vu un soldat qui montait les marches.
5 M. Kehoe . - Et ces soldats appartenaient à quelle armée ?
6 M. Ahmic . - Cela, je ne pouvait pas le voir. J'étais quand même un peu
7 trop loin, mais pendant que ma maison était touchée, on entendait des
8 injures. Dans ces injures, il y avait les mots ta mère Balja. On sait bien
9 qui utilisait ce genre d'injures. C'était le HVO.
10 M. Kehoe . - Qu'est-il arrivé à Sefik Pezer et à sa famille ?
11 M. Ahmic . - Sefik Pezer est mort ainsi que son fils.
12 M. Kehoe . - Ibrahim Pezer vivait-il près de la maison de Sefik Pezer ?
13 M. Ahmic . - Oui Ibrahim Pezer et Sakib Pezer. Ils ont tué à ce moment-là
14 Sakib, son fils, Ibrahim, sa femme et son fils.
15 Ils les ont tous tués. Ils sont morts.
16 M. Kehoe - Ont-ils mis le feu aussi à la maison d'Ibrahim Pezer ?
17 M. Ahmie . - Cela, je n'ai pas pu... A ce moment-là, je n'ai pas pu
18 voir ce qui se passait dans la maison d'Ibrahim Pezer.
19 M. le Président. - Monsieur Ahmici, si vous pouvez vous tenir un
20 tout petit peut plus loin du micro, cela faciliterait le travail des
21 interprètes. Vous êtes un petit peu trop sur le micro. Merci bien.
22 Continuez Monsieur Kehoe.
23 M. Kehoe . - Monsieur Ahmici, vous avez dit que vous étiez dans votre
24 maison, ce matin là, avec votre femme, votre fils, votre fille et votre
25 neveu. Où êtes-vous tous partis lorsque les coups de feu ont éclaté ?
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1 M. Ahmic . - Nous sommes sortis de la maison et
2 nous avons pris la direction d'Ahmici. C'est moi qui suis sorti le dernier
3 de la maison. Dès que je suis arrivé jusqu'à la maison d’Esad Ahmic, je
4 suis passé de l'autre côté de la rue. Déjà, à ce moment-là, plus personne
5 n'avait de nouvelles de qui que ce soit. On ne savait plus où étaient les
6 gens que l'on connaissait. Je ne savais plus où était mon fils, ma femme,
7 ma fille, mon neveu. J'ai donc continué à marcher vers Ahmici.
8 Esad Ahmic était dans le jardin, devant sa maison et, moi,
9 j'étais derrière son étable. Un des soldats est arrivé dans son jardin.
10 Moi, je n'ai pas vu ce qu'il tenait à la main, mais je crois que c'était
11 un révolver parce que le coup de feu n'a pas fait énormément de bruit.
12 J'ai entendu sa femme qui appelait qui disait : "AlLez, viens, sauves-
13 toi". Les enfants se sont sauvés. Lui, je suppose qu'il n'a pas voulu
14 courir, se sauver. Il n'est pas sorti de son jardin et le soldat est donc
15 arrivé, j'ai entendu le coup de feu. Elle, elle a commencé à réagir, à
16 crier. Elle disait :"Sauves-toi, sauves-toi". Elle s'est mise à courir sur
17 le chemin à côté de moi. C'est comme cela que je l'ai
18 entendue. A moi aussi, elle a dit : "Sauves-toi parce qu'ils sont là, ils
19 sont en train de tuer tout le monde. " C'est donc ensemble que nous sommes
20 partis dans la direction d'Ahmici, là-haut.
21 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, vous avez dit que la fille d'Esad Ahmic était
22 en train de crier après avoir entendu les coups de feu.
23 M. Ahmic . - Oui, elle disait : "Mais pourquoi vous l'avez tué ? Pourquoi
24 vous le tuez ?". Ce genre de choses, à peu près, c'est ce qu'elle
25 a dit. Mais les choses étaient déjà assez claires à ce moment-là.
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1 M. Kehoe . - Esad Ahmic avait-il aussi une famille ?
2 M. Ahmic - Oui bien sûr, il avait une famille
3 et quand nous sommes arrivés là-bas en contre-bas de la maison de Vladko
4 Uverkici, nous nous sommes fau61és, je ne sais pas trop comment, jusqu'à
5 la maison de Vlatko Uverkici. J'étais avec la femme d'Esad et c'est là que
6 j'ai vu ma femme qui avait r~u une blessure profonde et grave à la tête.
7 La fille d’Esad était morte et son autre fille avait une blessure à la
8 jambe, Besima. Je ne sais pas exactement combien de temps nous sommes
9 restés là, trois ou quatre heures, à peu près. Il y avait une sorte de
10 ravin à cet endroit-là et nous ne savions plus que faire ni où aller. Nous
11 sommes donc restés quelque temps.
12 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, Esad Ahmic avait deux filles ?
13 M. Ahmic - Trois filles.
14 M. Kehoe . - Il avait trois filles et deux de
15 ces trois filles étaient présentes le matin du 16, est-ce exact ?
16 M. Ahmic - Elles étaient toutes présentes là-
17 haut, mais il y en a une qui est morte et l'autre a été blessée. Mais
18 elles étaient là et sa femme aussi était là où se trouvaient ses trois
19 filles et son fils, le petit avec mon épouse et ma fille. Il y avait aussi
20 Senada, Sulejha Osmancevic. C'étaient les femmes qui avaient fuit tout de
21 suite et nous les avons alors rattrapées.
22 M. Kehoe . - Esad Hajra a été tué au moment où vous êtes arrivé à la maison
23 de Vlatko ?
24 M. Ahmic - Oui.
25 M. Kehoe. - Et la fille de Besima Besim, sa fille a-t-elle été blessée ?
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1 M. Ahmic - Oui, elle a été blessée à la jambe.
2 M. Kehoe . - Et vous avez dit que votre femme avait été blessée à la tête ?
3 M. Ahmic - Elle avait été gravement blessée à
4 la tête, elle manifestait encore quelques signes de vie.
5 M. Kehoe . - Et où se trouvait l'impact de la balle qu’elle a reçu dans la
6 tête ?.
7 M. Ahmic - Et bien moi j'ai essayé de lui apporter les premiers soins,
8 de la bander un peu et c'est au-dessus de l’œil gauche que se voyait
9 l'impact, au-dessus du sourcil gauche. On voyait son œil qui était presque
10 sorti de l'orbite. Elle avait été frappée à la tête.
11 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, pendant ces trois ou quatre heures au cours
12 desquelles vous êtes resté dans le ravin qui se trouvait avec vous ?
13 M. Ahmic - Il y avait la femme d'Esad et ses
14 trois filles, le petit garçon, moi-même, ma fille, Senada dont je ne me
15 rappelle pas le nom de famille et Sulejman.
16 M. Kehoe - Etaient-ils des soldats ou des civils ?
17 M. Ahmic - Evidemment des civils, c'était des
18 femmes, des jeunes filles et des enfants.
19 M. Kehoe . - Et d'autres civils ont été tués près de vous, Fata Pezer et
20 Dzona Pezer, n'est-ce pas, dont les corps étaient non loin de vous,
21 mais vous ne les voyiez pas ?
22 M. Ahmic - Aziz Pezer, son beau-père. Cela je ne l'ai pas vu, mais je l'ai
23 appris plus tard. Cela s'est passé tout près, peut-être à trente mètres,
24 mais il y avait une petite pente, alors je ne voyais pas. Quand on est
25 arrivé à Ahauci, on m'a dit : "IL paraît qu'il est mort". Mais je n'ai rien
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1 vu sur le moment.
2 M. Kehoe . - Fata Pezer était-il un Musulman et
3 un civil également ? Une Musulmane, une civile ?
4 M. Ahmic - Evidemment, c'était une femme, une
5 femme malade des reins, évidemment c'était une civile.
6 M. Kehoe . - Et toutes ces personnes qui se
7 trouvaient avec vous, dans le ravin, étaient-elles toutes musulmanes ?
8 M. Ahmic - Elles étaient toutes musulmanes.
9 M. Kehoe . - Toutes ?
10 M. Ahmic - Oui.
11 M. Kehoe . - Vous avez dit que vous êtes arrivé
12 au ravin et que vous avez trouvé Vlatko Kupreskic ? Qui est-ce ?
13 M. Ahmic - Vlatko Kupreskic était le fils de
14 Franjo Kupreskic, un voisin à moi. Il travaillait là-haut. Il appartenait
15 au SPS. Maintenant ce qu'il était exactement, je ne le sais pas.
16 M. Kehoe . - L'usine SPS se trouvait-elle dans
17 le même quartier que votre usine, l'usine Vitezit, n'est-ce pas ?
18 M. Ahmic - Oui, moi je travaillais à l'usine Vitezit et elle se trouvait
19 dans le même quartier. C'était une usine qui a ensuite a été restructurée.
20 Elle est devenue ensuite organisation de travail associé élémentaire et,
21 plus tard, elle a été modifiée structurellement.
22 M. Kehoe . - Pouviez-vous voir ce qui se passait
23 dans la maison de Ulatko Kupreskic depuis le ravin où vous vous trouviez ?
24 M. Ahmic - Je ne le pouvais pas. Non, je ne voyais rien, car c'était un
25 peu dans un trou. Mais on entendait des bruits. Au-dessus de moi, il y avait
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1 une route qui partait de Zume et qui allait à Puza. On entendait donc des
2 gens qui n'arrêtaient pas de courir sur cette route, dans un sens et d'un
3 l'autre, ils n'arrêtaient pas de courir. Il y avait énormément de coups de
4 feu qui venaient d'un peu partout. Et tout à coup, après trois ou quatre
5 heures, je ne sais pas exactement, que nous avons passé couchés au sol,
6 quelqu'un m'a appelé, qui se trouvait devant la maison de Vlatko. Il m'a
7 dit : "Rassemblez-vous, le travail est achevé, c'est fini".
8 Si bien qu'un groupe de soldat du HVO, ils étaient cinq... En
9 face de la maison de Vlatko, il y a une petite forêt et ces cinq soldats
10 sont sortis de cette forêt-là quand ils ont été appelés. Ils nous ont
11 remarqués dans notre ravin. Et tout de suite ils nous ont dit : "Vous les
12 Balijas qu'est-ce que vous faites là ?" Ils se sont approchés de nous et
13 ils ont fouillé nos maisons..Chez Senada, ils ont trouvé trois cents ou
14 quatre cents marks dans son sac. Ils lui ont pris cet argent. Ils n'ont
15 rien trouvé ni chez moi ni chez les autres. Ils n'ont pas complètement
16 fouillé. Ils nous ont alignés en rang. Comme ma femme était allongée au sol,
17 j'étais à côté d'elle, il y en a un qui s'est approché de moi et m'a dit :
18 "Je vais vous descendre tous les deux ". Il nous a insultés et injuriés,
19 nous ainsi que nos mères Balijas. Il a dit qu’ils allaient nous couper la
20 gorge. Ils ont alors discuté pour savoir s’ils allaient nous abattre par
21 balle ou s’ils allaient nous couper la gorge. L’un d’entre eux a dit:
22 "Vous savez, mois je suis de Nereroci, Je n’ai rien à voir avec tout ça. Je
23 connais bien ce coin et je vais vous couper la gorge." Il a remué son
24 couteau devant nous. Et puis un autre de ces jeunes gens a dit: "Ecoutez,
25 voyons ce qu’on va faire avec ces Musulmans. On pourrait peut-être les
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1 abattre avec une balle?". Il y a donc eu des consultations entre eux pour
2 décider de ce qu’ils allaient faire. Et tout d’un coup, la décision est
3 tombée. Ils avaient le visage masqué. Moi, je ne reconnaissais personne.
4 Ils disaient venir de tel ou tel endroit, peut-être que c’était vrai, mais
5 moi, je ne reconnaissais personne. Ils ont finalement décidé de ne pas nous
6 nous liquider. Il y a un qui s’est approché de moi et m’a dit: "D’où viens-
7 tu? Pourquoi es-tu venu ici? Pourquoi n’es-tu pas parti de l‘autre côté,
8 chez les vôtres?" Moi, je lui ai dit: "Je ne sais pas de quoi tu parles,
9 qui sont les nôtres?" Et de la maison de Ibrica Kupreskic, il y avait
10 énormément de coups de feu dans la direction de l’école et de Gornja
11 Ahmici. Et lui il me dit:"Pourquoi tu n’es pas allé en bas, là-bas, vers
12 là-bas?" Que voulait-il dire, je ne sais pas. Je luiai dit: "Je ne suis
13 pas d’ici", et c’est vrai, je connais mieux la région située vers le haut.
14 Je lui ai dit: "Je me suis sauvé avec ma femme et mes enfants. Tu vois
15 bien que ma femme est en train de mourir". Il m’a dit: "Sauves-toi le
16 plus vite que possible parce qu’ici un Musulman n’a pas le droit d’être
17 libre". Si un autre groupe de soldats était arrivé, nous aurions été
18 liquidés sans commentaire. Il m’a dit: "Vous avez bien de la chance
19 d’être tombés sur nous, nous n’allons pas vous liquider. Mais, vous,
20 Musulmans, fuyez! Si quelqu’un apprend que je t’ai laissé en liberté,
21 c’est moi qui vais être liquidé". Alors j’ai demandé à Kupreskic d’aller
22 voir ce qui sepassait un petit peu autour, c’est ce qu’il a fait, et notre
23 petit groupe s’en est sorti comme ça. On a cherché une brouette ou
24 quelque chose qui avait de roues pour pouvoir circuler.
25 M. Kehoe - Qui est ce Kupreskic dont vous parlez?
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1 M. Ahmic . - Franjo.
2 M. Kehoe . - C'était un homme assez âgé ?
3 M. Ahmic . - Oui, un homme assez âgé, le père de Vlatko.
4 M. Kehoe . - Avant que nous ne revenions sur votre conversation avec Franjo
5 Kupreskic, ce soldat du HVO qui vous a dit de partir parce que si d'autres
6 patrouilles du HVO vous rencontraient vous pourriez vous faire tuer, vous
7 paraissait-il être le dirigeant, le chef, de son groupe ?
8 M. Ahmic . - Je le suppose parce qu'il avait
9 dans la main une espèce de talkie-walkie ou un écouteur, quelque chose de
10 ce genre. Il l'avait dans la main, je suppose qu'il était sans doute le
11 chef. C'est lui qui m'a fait savoir que nous resterions libres et que nous
12 pouvions continuer notre chemin vers Ahmici.
13 M. Kehoe . - Il avait un talkie-walkie ou un
14 motorola dans la main pour parler avec d'autres personnes, n'est-ce pas ?
15 M. Ahmic . - Oui Il ne parlait pas avec qui que ce soit devant moi, il
16 s'est mis un peu à l'écart pour le faire. Ils se sont consultés pour savoir
17 ce qu'ils allaient faire de nous et, à ce moment-là, ils se sont un peu
18 éloignés de nous
19 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, vous avez dit que
20 vous êtes allé auprès de Franjo Kupreskic et que vous lui avez demandé de
21 l'aide. Pouvez-vous dire aux Juges ce qui s'est passé à ce moment-là ?
22 M. Ahmic . - Oui Franjo était sorti devant sa maison. Il essayait de voir
23 ce qui se passait. Est-ce qu'il le savait à l'avance, je ne sais pas. Je
24 lui ai dit : "Si tu as une brouette ou quelque chose d'autre, donnes-la
25 moi". Il m'a répondu : "Je n'ai pas de brouette, je n'ai rien". Je lui ai
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1 alors dit : "Donnes-moi au moins une hache pour que je puisse couper deux
2 arbres,que je puisse fabriquer à la main une civière ou quelque chose".
3 Pour aller à Ahmici, ce n'est pas très loin, mais cela monte un petit peu.
4 Je voulais transporter ma femme parce qu'elle manifestait encore des signes
5 de vie. Il ne m'a rien donné du tout. L'un des soldats lui a même dit :"Mais
6 ddonnes-lui une hache, donnes-lui quelque chose". Finalement, le soldat a
7 tellement insisté qu'il m'a donné une hache émoussée. J'ai quand même
8 réussi à couper deux arbres. En passant ces troncs dans les manches de
9 vêtements,j'ai réussi à faire une espèce de civière et j'ai donc transporté
10 ma femme. Avec Senada et Osmancevic, qui m'ont aidé, on l'a transportée
11 jusqu'à Ahmici Quand on y est arrivé, la Forpronu était présente. Deux
12 véhicules de la Forpronu sont arrivés, un petit peu avant une heure, vers
13 midi et demi à peu près. Ils ont donné les premiers soins à ma femme. Ils
14 l'ont emmenée à Travnik. Je suppose qu'une opération a été faite, mais elle
15 n'a pas pu être sauvée, elle est morte.
16 M. Kehoe . - Où votre femme est-elle morte et où est-elle enterrée ?
17 M. Ahmic . - Elle est morte à l'hôpital de
18 Travnik. C'est là qu'elle est enterrée également, à Travnik.
19 M. Kehoe . - Comment Favez-vous identifiée ? Et
20 comment savez- vous qu'elle est morte à Travnik ?
21 M. Ahmic . - Je le sais parce que c'est la
22 Forpronu qui l'a emmenée à Travnik. Lorsqu'il est devenu possible de se
23 rendre à Travnik en passant par les collines, je m'y suis rendu. J'ai fait
24 une demande à l'hôpital et à la morgue, parce qu'elle ne portait aucun
25 papier d'identification sur elle. Mais, en fait, après sa mort une photo
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1 de son corps a été prise. Un code lui a été assigné. Grâce à cette photo,
2 j'ai pu l'identifier et dire que c'était ma femme. Elle a été enterrée le
3 24 avril. Elle a été touchée le 16 avril et enterrée le 24 avril sous le
4 code 03, mais de toute façon cela n'a plus aucune importance.
5 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, votre femme a été enterrée à Travnik.
6 D'autres civils musulmans, qui ont été tués dans la région de Ahmici, Zume,
7 Santici, ont-ils été enterrés dans d'autres endroits que Stari Vitez ?
8 M. Ahmic . - Samir Poculica, et d'autres qui sont morts dans les maisons en
9 flammes de Ahmici - oui Poculica - ont été enterrés à Stari Vitez, mais
10 aussi à ravnik. Et puis, il y a des personnes dont personne ne sait quoi
11 que ce soit, personne ne sait où elles se trouvent.
12 M. Kehoe . - Après que la Forpronu ait emmené
13 votre femme à Travnik, qu'avez vous fait et que s'est-il passé ?
14 M. Ahmic . - Je ne sais pas, je ne me rappelle
15 plus du reste de ma famille, il y avait beaucoup de tirs à Ahmici Je me
16 trouvais déjà en haut de Ahmici Je ne pouvais donc pas bouger. Il fallait
17 attendre que la nuit tombe, je n'osais pas bouger. C'est à la nuit tambée
18 que je suis allé là haut. Tout le monde s'était enfui. Ahmici était une
19 ville vidée de ces habitants. Tout le monde était parti vers Rovine.
20 M. Kehoe . - Quand vous dites que vous vous êtes
21 enfui vers Ahmici, vous parlez du haut Ahmici, n'est-ce pas ?
22 M. Ahmic . - Oui, du haut Ahmici, Gornje Ahmici.
23 M. Kehoe . - Pendant que vous vous trouviez là
24 haut, à Gornje Ahmici, avez-vous pu voir des tirs d'artillerie qui
25 provenaient de zones entourant Gornje Ahmici ?
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1 M. Ahmic . - On tirait de partout. Des tirs d'artillerie étaient dirigés
2 vers Gornje Ahmici Ils venaient des maisons de Rusici et de Hrasno
3 (exactement comme le vin), et de tous les côtés, de chez Buric aussi. On
4 peut très bien voir Ahmici de là haut. Des balles à fragmentation étaient
5 utilisées, des balles très spéciales. Par contre, depuis la zone appelée
6 Borak et Mitez des balles un peu plus réduites étaient utilisées, ainsi
7 que des balles à fragmentation. Cela se passait dans la zone des maisons
8 de Hrasno et de Rusici.
9 M. Kehoe . - Des tirs d'artillerie arrivaient de Hrasno et des deux
10 emplacements qui avaient déjà été utilisés le 20 octobre 1992, n'est-ce pas?
11 M. Ahmic . - Oui, le 20.
12 M. Kehoe . - Avez-vous fini par vous échapper et fuir ?
13 M. Ahmic . - Nous nous sommes tous enfuis du
14 haut Ahmici Personne n'est resté là. Toutes les personnes qui avaient
15 survécu, sont parties. C'est cela, le 20.
16 M. Kehoe - Avez-vous pu finir par vous échapper, par fuir ?
17 M. Ahmic . - Nous nous sommes tous enfuis d'Ahmici-le-haut.Personne n'est
18 resté là. Toutes les personnes qui avaient survécu sont parties. Au cours de
19 la nuit, tout le monde s'est dirigé vers Verovine*. Certaines personnes sont
20 parties vers Zenica. Tout le monde s'est enfui. Moi j'attendais, je ne savais
21 pas ce qui s'était passé, je ne savais pas que ma mère avait été tuée, que ma
22 soeur avait été tuée, je ne savais rien de ce qui était arrivé à mon fils et
23 ce jour-là je n'ai rien appris concernant mon fils. Je ne savais rien du sort
24 de mon neveu, de ma mère, je ne savais pas ce qu'il leur était arrivé.
25 J'attendais donc là-haut, à Verovine*. J'attendais en espérant que l'un
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1 d'entre eux arrive, si j'avais survécu. Mais au fur et à mesure que les
2 personnes arrivaient, j'ai compris qu'ils avaient tous été tués. Au début,
3 je n'avais pas compris que toute ma famille avait été tuée, je n'avais
4 pas compris cela. C'est pourquoi je suis resté à Verovine.
5 M. Kehoe . - Monsieur le Président, pouvons-nous
6 maintenant passer à la pièce suiùante ? Il s'agit de la carte 50F. Elle a
7 été prénumérotée. Il s'agit, là encore, d'une photo de la région Ahmici
8 Santici, Perici. Je vais m'approcher du témoin, si vous le voulez bien.
9 Je vais demander à M. Ahmic de se lever, de se tenir à côté du micro, de
10 prendre le pointeur et de nous indiquer un certain nombre d'emplacements
11 sur la carte, si vous le voulez, Monsieur le Président.
12 M. le Président. - Vous avez compris ce que va vous demander M. le Procureur.
13 Vous sentez-vous bien M. Ahmic ? Voulez-vous que nous fassions une pause ?
14 Nous allons bientôt en faire une. Avez-vous encore quelques questions,
15 Monsieur Kehoe ? Peut-être n'avez-vous pas la traduction.
16 M. Kehoe . - Excusez-moi, Monsieur le Président, je suis sur l'écran car je
17 n'ai pas eu l'interprétation. Monsieur le Président, si vous voulez faire
18 une pause maintenant, c'est comme vous le souhaitez.
19 M. le Président. - Nous pourrions faire une pause et reprendre
20 à 11 heures et demi ou, au con;- ;, Monsieur Kehoe, avez-vous une ou deux
21 questions autour de cette pièce à conviction ' quel cas nous ferions la
22 pause dans cinq ou dix minutes. Monsieur Ahmic, comment vous sentez-vous ?
23 L'évocation de tous ces souvenirs est bien sûr très douloureuse pour vous
24 et le Tribunal le comprend. On va vous demander, je suppose, d'expliquer
25 sur la carte un certain nombre de choses. Vous sentez-vous bien ?
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1 M. Ahmic . - Oui, c'est ce que j'aimerais dire. J'aimerais parler de cela,
2 mais en fait c'est vous qui décidez, c'est vous qui devez me dire ce que je
3 dois faire. C'est vrai qu'il est très douloureux pour moi de reparler de
4 de tout cela, de répéter toutes ces histoires tragiques. Mais c'est à vous
5 de faire votre travail et de me dire ce que je dois faire.
6 M. le Président. - Monsieur Kehoe, peut-être allez-vous poser
7 une ou deux questions encore. Ensuite, nous allons nous arrêter vingt
8 bonnes minutes. D'accord Monsieur Kehoe ? Allez-y.
9 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, si vous voulez bien, une fois encore, vous
10 placer à côté de la carte. Il s'agit de la carte 50F. Pour le compte-rendu,
11 Monsieur le Président, il s'agit précisément de la même carte que la 50E.
12 Simplement,elles portent deux numéros différents : la première c'était pour
13 la période du 20 octobre et maintenant c'est pour la période du 16 avril
14 1993. En observant cette carte, Monsieur Ahmic, vous voyez que
15 l'emplacement de votre maison porte l'indication 1. Est-ce bien exact ?
16 M. Ahmic . - Voici ma maison.
17 M. Kehoe (interprdtation). - Elle porte le n' 1, n'est-ce pas ?
18 M. Ahmic . - Oui, oui On voit le n' 1, c'est ma maison. Vous savez, je ne
19 regarde pas les numéros, je regarde l'emplacement et je dis : c'est ma
20 maison, ici
21 M. Kehoe . - Et ce chiffre 2, cette maison-ci que j'indique ?
22 M. Ahmic . - C'est la maison de Covic Antic*
23 M. Kehoe . - Est-ce la maison d'où provenait le
24 feu qui a atteint votre maison, ce matin du 16 avril 1993 ?
25 M. Ahmic . - Derrière la maison d'Anto Covic*, il y a un petit cabanon et
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1 Jozo a tiré sur ma maison depuis ce cabanon, le 16 avril. Je l'ai vu quand
2 je me suis levé. C'est de là que provenaient les tirs, parce que ma fenêtre
3 fait directement face à cet endroit. J'ai donc vu Jozo quand il est sorti.
4 Je l'ai vu qui se frottait les mains. C'est Jozo Covic.
5 M. Kehoe . - La maison suivante, juste ici, qui
6 porte le n' 3 appartenait à qui ?
7 M. Ahmic . - C'est la maison de Sefik Pezer. Là,
8 c'est la maison de Sakib Pezer et là ceHe de Mustafa Pezer qu'on appelait
9 Ibrahim C'est sa maison. Le n' 3, c'est la maison de Sefik Pezer.
10 M. Kehoe . - Et le n' 4 ? C'est la maison d'Ibrahim ou Mustafa Pezer,
11 n'est-ce pas ?
12 M. Ahmic . - Mustafa Pezer, mais son autre nom, c'était Ibrahim Il a été
13 tué. Sa femme, son fils Fadil ont été tués. C'est sa maison.
14 M. Kehoe . - Et Sefik Pezer et son fils ont été tués également, à
15 l'emplacement n' 3 ?
16 M. Ahmic - Oui, ils ont été tués, eux aussi, et juste à côté, il y a la
17 maison de son oncle, Saki Pezer, qui lui aussi a été abattu, ainsi que son
18 fils.
19 M. Kehoe . - Et Sefik Pezer, la maison n' 3, c'est dans cette maison que
20 vous avez vu les soldats du HVO qui montaient les escaliers ?
21 M. Ahmic . - Oui Il y a des fenêtres près de la cage d'escalier, donc j'ai
22 pu voir les soldats qui grimpaient les escaliers, l'air tout à fait
23 heureux. Ils n'appelaient plus Sefik, en fait ils l'insultaient sa mère,
24 ils la traitaient de Balija. Ils lui disaient : "Sortez de là, si vous ne
25 sortez pas, nous mettons le feu à la maison". J'ai pensé que lui-même ou
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1 que son fils avaient été tués puisque les soldats ne l'appelaient plus.
2 De dos j'ai vu ces soldats qui grimpaient les escaliers, et
3 ensuite j'ai vu de la fumée qui commençait à s'élever de la maison. Cela
4 signifiait qu'ils avaient mis le feu à la maison.
5 M. Kehoe . - Le moment est-il venu de nous
6 interrompre, Monsieur le Président ?
7 M. le Président - Tout à fait, nous reprendrons dans 20 minutes environ.
8 (La séance, suspendue à l 1 heures 15 est reprise à l 1 heures 40)
9 M. le Président. - L'audience est reprise, Monsieur le Greffier,
10 faites entrer l'accusé.
11 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience)
12 Monsieur Ahmic, m'entendez-vous ? Etes-vous reposé ?
13 M. Ahmic . - Oui, oui, je me suis reposé, je me sens un peu mieux.
14 M. le Président. - Nous pouvons reprendre, Monsieur le Procureur.
15 M. Kehoe - Oui, Monsieur le Président, merci Messieurs les juges. Si je
16 puis à nouveau m'approcher de la carte, je reprendrai là où nous nous
17 sommes interrompus juste avant la pause. Je vais une fois encore demander à
18 à M. Ahmic de s'approcher du micro et de prendre le pointeur. Monsieur
19 Ahmic, vous avez déclaré que vous aviez quitté votre
20 maison et que vous vous étiez dirigé vers la maison d'Esad. Pourriez-vous
21 nous indiquer ce déplacement grâce au pointeur ? Pouvez-vous
22 nous indiquer la direction vers laquelle vous vous êtes dirigée ?
23 M. Ahmic . - Voici ma maison. J'ai quitté la maison, j'ai commencé à
24 emprunter cette direction que j'indique. Voici la maison d'Esad Ahmic.
25 M. Kehoe - La maison d'Esad Ahmic porte le n' 5 ?.
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1 M. Ahmic . - Oui, le n' 5, c'est exact.
2 M. Kehoe - Est-ce la maison d'où vous avez
3 entendu la femme d'Esad dire : "Mais pourquoi le tuez-vous ?" Après quoi
4 elle vous a dit : "Pars, iLs sont en train de tuer tout le monde" ?
5 M. Ahmic , - Oui, moi j'étais derrière la
6 grange. Voici la grange. Et puis là, il y a une espèce de haie, de
7 broussaille et je m'y suis caché. L'armée du HVO était déjà dans la cour
8 de la maison. On a entendu un tir. Sûrement que quelqu'ua a tiré un coup
9 de pistolet. Et puis la femme d'Esad a dit : "Mais pourquoi le tuez-vous
10 ?" etc. Et quelqu'un lui a dit : "Fiche le camp, qu'est-ce que tu es en
11 train de dire ?" Elle est partie, elle est sortie sur la route. Nous
12 courions ensemble. Elle m'a dit : "Cours, cours, ils tirent sur tout le
13 monde, toi au moins, essaie de survivre à tout cela".
14 Nous suivions cette route que j'indique... voilh, ici ! Nous
15 avions eu un petit peu de mal à traverser la route à cet endroit-là parce
16 que de là, de la maison d'Ivica Kupreskic, il y avait des tirs qui
17 partaient. Je ne sais pas s'ils avaient une mitraillette ou quelque chose
18 de ce genre. Peut-être était-ce une mitraillette, je ne sais pas, mais en
19 tout cas ils tiraient vers l'école et vers la mosquée. Quand ils
20 s'arrêtaient, quand il y avait une petite pause, alors nous traversions,
21 nous passions de l'autre côté. Il y avait un petit fossé, près de la maison
22 de Vlatko. Maintenant, la maison n'existe plus. C'est là que nous nous
23 sommes cachés et c'est là que nous avons trouvé ma femme. Il y avait les
24 trois filles d'Esad et son jeune fils, Islam Il y avait ma femme et ma
25 fille qui s'y trouvaient. Il y avait également Zuleja Osmansovic et
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1 Sulada...je ne me rappelle pas son nom. de famille parce qu'elle venait
2 d'une autre zone, d'une autre région. Nous nous sommes cachés là, derrière
3 la maison de Vlatko.
4 M. Kehoe - L'endroit oh vous avez vu cette mitraillette, c'est-à-dire
5 la maison d'Ivo Kupreskic, porte l'indication 8 n'est-ce pas ?
6 M. Ahmic . - Oui, 8. C'est la maison.
7 M. Kehoe - Et l'endroit où vous vous êtes caché dans le fossé ? Cet
8 emplacement porte le n' 6 et c'est là que se trouvait votre femme,
9 n'est-ce pas ?
10 M. Ahmic . - Oui, c'est cela.
11 M. Kehoe - Et le n' 7 marque l'emplacefnent de la maison de Vlado
12 Kupreskic, n'est-ce pas ?
13 M. Ahmic . - Vlatko Kupreskic.
14 M. Kehoe - Oui, excusez-moi, Vlatko Kupreskic.
15 Lorsque vous avez été libéré par les cinq soldats du HVO, vous avez
16 déclaré que vous aviez emmené votre femme vers Gornji Ahmici, vers Ahmici-
17 le-Haut. Pouvez-vous nous indiquer la direction que vous avez empruntée ?
18 M. Ahmic . - Depuis ce point-ci, nous avons suivi cette route, jusque là.
19 C'est là le chemin que j'ai suivi C'est la mosquée Metif d'Ahmici-le-Haut.
20 J'ai emprunté la route qui emmène à cette zone, qui se trouve là haut. C'est
21 là que je suis arrivé, avec ma femme.
22 Ma fille se trouvait là, et Suleja Osmanovic*, et puis Senada.
23 La femme d'Esad nous a quittés et ses deux filles également. Son
24 jeune fils se trouvait là également. Une de ses filles a été tuée. Elle
25 s'est dirigée vers Perici, par là.
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10 M. Kehoe - L'emplacement que vous indiquez
11 porte le n' 9, n'est-ce pas Monsieur ?
12 M. Ahmic - Oui, c'est cela. J'ai déjà indiqué
13 cet emplacement.
14 M. Kehoe . - Oui, je sais, c'est simplement pour
15 que tout soit clair.
16 Je répète le chiffre, Monsieur Ahmic. C'est donc là que se trouvaient
17 approximativement les véhicules de la Forpronu qui ont ensuite emmené
18 votre femme ?
19 M. Ahmic - Oui. Ils sont arrivés par cette
20 route, la route que j'avais moi-même empruntée vers Ahmici. Mais alors
21 qu'ils amvaient, je me suis dirigé vers eux, Je leur ai fait des signes,
22 j'ai essayé de leur faire comprendre qu'il y avait des blessés qui se
23 trouvaient là. Sans doute avaient-ils un interprète avec eux de toute
24 faqon. Ils ont dit qu'ils allaient faire demi-tour et ils sont arrivés
25 ici, à cette intersection, à l'endroit que j'indique. Ensuite, ils ont
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1 donné les premiers soins d'urgence à ma femme. Puis ils l'ont amené et je
2 leur ai demandé de l'emmener à Zenica.
3 "Nous ne l'emmenons qu'à Travnik, nous ne pouvons aIler qu'à
4 Travnik". C'est là qu'ils l'ont emmenée.
5 M. Kehoe . - Et la femme d'Esad a, elle aussi
6 emprunté cette route qui descend vers Pirici, cette route que vous venez
7 d'indiquer ?
8 M. Ahmic - Oui, vers Pirici Par ici, au-dessus
9 de la maison de Vlatko. Il y a un petit chemin qui se dirige vers Pirici
10 C'est ce chemin qu'elle a emprunté. Elle nous a donc quittés à ce moment-
11 là.
12 M. Kehoe . - Elle a donc dépassé la maison où
13 vivaient votre mère et votre soeur, n'est-ce pas ?
14 M. Ahmic - Oui EHes sont parties par Ih et
15 voici la maison de feue ma mère et feue ma soeur. Elle m'a dit qu'elle
16 avait vu leurs deux corps qui gisaient devant la maison.
17 M. Kehoe . - La maison où vivaient votre mère et
18 votre soeur est indiquée par le numéro 10, n'est-ce pas ?
19 M. Ahmic - C'est exact.
20 M. Kehoe . - Nous demanderons que la pièce 50F
21 soit versée au
22 dossier, monsieur le Président.
23 M. le Président - Bien, 50F, monsieur le greffier. Poursuivez.
24 M. Kehoe . - Avec l'aide de M. Dubuisson,
25 j'aimerais que nous passions à la pièce suivante, la 53A qui se trouve,
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1 elle aussi, en dessous de cette pièce-ci. Il n'y a pas d'indication
2 apposée à la pièce 53A. Cette carte avait déjà été versée au dossier en
3 tant que pièce 53. On y voit la région d'Ahmici, mais sous un angle plus
4 large.
5 Monsieur Ahmic, vous avez dit, auparavant dans votre
6 déposition, qu'il y avait des tirs d'artillerie provenant de Donje Rovine,
7 pourriez-vous...
8 M. Ahmic - Donje Rovine.
9 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, je vais vous
10 demander d'utiliser ce feutre-ci pour indiquer Donje Rovine-le-bas,
11 l'endroit d'où pravenaient ces tirs d'artillerie.
12 M. Ahmic . - Voilà le sentier venant de Donje
13 Rovine qui aboutit à la rouie principale qui traverse aussi la Lasva.
14 C'est ici qu'on trouve la maison ou les maisons des Ruzic. C'est de là que
15 venaient les tirs.
16 M. Kehoe . - Pourriez-vous entourer cet endroit
17 d'un cercle ? Ce sera peut être un peu dif5cile avec le feutre jaune, mais
18 je vous demande d'entourer cet endroit d'un cercle.
19 M. Ahmic - C'est cet endroit-ci, cette zone-ci.
20 M. Kehoe . - Peut-être pourrions-nous essayer un
21 feutre d'une autre couleur.
22 M. Ahmic - C'est Donje Rovine, Rovine-le-bas.
23 M. Kehoe . - Veuillez utiliser ce feutre pour
24 que ce soit plus visible pour les juges.
25 M. Ahmic - Bien sûr, pas de problème.
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1 M. Kehoe . - Vous avez également parlé d'un
2 endroit d'où venaient
3 d'autres tirs d'artillerie, un endroit qui s'appelait Hrasno. Pourriez-
4 vous entourer cet endroit, lui aussi, d'un cercle ?
5 M. Ahmic - Je pense qu'il faudrait, en fait,
6 déplier davantage la carte, parce qu'ici on ne voit pas Hrasno. Vous ne le
7 verrez peut-être, c'est à peu près ici, grosso modo. C'est à peu près de
8 cet endroit-ci qu'on tirait.
9 M. Kehoe . - Je ne le vois pas très bien. Ah !
10 qa va mieux.
11 M. Ahmic - C'est de cette partie-ci de Hrasno
12 qu'on a tiré sur Ahmici, avec des tirs d'artillerie, aussi bien le 20
13 octobre 1992 que le 16 avril 1993. Je me trouvais à Ahmici et c'est de
14 Hrasno et de Donje Rovine que venaient les tirs d'artillerie.
15 M. Kehoe . - Monsieur Ahmic, je vais peut-être
16 vous demander de marquer, d'indiquer d'une façon plus sombre cet endroit
17 pour que les juges puissent le voir.
18 M. Ahmic - Volontiers. Voilà, c'est cet
19 endroit-ci, Hrasno. Et voilà Donje Rovine. Toute cette partie-ci
20 représente Donje Rovine, mais c'est à peu près d'ici que venaient les tirs
21 d'artillerie.
22 M. Kehoe . - Est-ce qu'il y avait aussi des tirs
23 qui venaient d'autres endroits juste à l'extérieur de Gornje Ahmici,
24 d'Ahmici-le-haut ?
25 M. Ahmic - Je n'ai pas bien compris votre
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1 question. Qu'avez-vous dit ? Excusez-moi.
2 M. Kehoe . - Quand vous vous cachiez dans ces
3 bosquets, le soir du 16, y avait-il des tirs qui venaient vers Ahmici-le-
4 haut, d'un endroit juste à l'extérieur de Gornje Ahmici, d'Ahmici le haut
5 ?
6 M. Ahmic - Je ne peux pas vous le dire avec
7 précision. Je ne le sais pas exactement.
8 M. Kehoe . - Monsieur, vous pouvez vous
9 rasseoir. Nous demanderons le versement de cette pièce 53 au dossier à M.
10 le Président.
11 M. Le Président - Monsieur le greffier ?
12 M. Riad - Où se trouve Vitez sur cette carte ?
13 Pourriez-vous me le dire ?
14 M. Kehoe . - Vitez ne se trouve pas sur cette
15 carte-ci.
16 M. Le Président. - Oui monsieur le Procureur.
17 M. Kehoe . - J'aimerais passer à une série de
18 photographies, monsieur le Président, qui ont déjà été numérotées comme
19 étant la pièce 8. Je vais demander l'aide de M. l'huissier pour le
20 rétroprojecteur afin que soient placées plusieurs photographies sur ce
21 rétroprojecteur.
22 Pourriez-vous les sortir de la chemise ? Nous allons les
23 examiner une à une.
24 Monsieur Ahmic, sur la première photographie, la 108/-1,
25 reconnaissez-vous ces deux hommes ?
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1 M. Ahmic - Oui, c'est Sefik Pezer et son fils
2 Ahmed.
3 M. Kehoe . - Ce sont ces deux hommes qui ont été
4 tués le matin du 16 avril 1993 ?
5 M. Ahmic - Oui, ils ont été tués le matin.
6 M. Kehoe . - Passons à la photographie suivante,
7 marquée 108/-2. Reconnaissez-vous cet homme et cette femme ?
8 M. Ahmic - Il s'agit de Mustafa Pezer, connu
9 sous le nom d'Ibrahim, et de sa femme Cazima.
10 M. Kehoe . - Ces deux personnes ont-elle été
11 tuées elles aussi ?
12 M. Ahmic . - Oui, elles ont été tuées ce jour-
13 là.
14 M. Kehoe . - Nous allons maintenant voir la
15 108/-3, la photographie suivante.
16 M. Ahmic (in1erprétation) - C'est le fils d'Ibrahim, Adil*, qui
17 a été tué lui aussi ce
18 jour-là.
19 M. Kehoe . - Voyons la photographie suivante, la
20 108/-4.
21 M. Ahmic - C'est la famille d'Esad Ahmic.
22 M. Kehoe . - Pourriez-vous, avec l'aide de M.
23 l'huissier, utiliser le pointeur pour la photographie ? Sur le
24 rétroprojecteur, monsieur Ahmic, pas sur l'écran. Pourriez-vous nous
25 montrer sur cette photo Esad Ahmic ?
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1 M. Ahmic - Voici Esad.
2 M. Kehoe . - Est-ce qu'Esad a lui aussi été tué
3 ce matin-là ?
4 M. Ahmic - Oui. J'étais derrière son étable
5 quand il a été tu6.
6 M. Kehoe . - Et vous avez aussi vu une de ses
7 filles tuée et une autre de ses filles blessée, ce matin-là, n'est-ce pas
8 ?
9 M. Ahmic - Voilà sa fille Hajra que nous avons
10 trouvé morte là- haut, et voilà Besima, la petite, qui a été blessée à la
11 jambe, juste en contrebas de la maison de Vlatko. Il faut que je parle
12 dans le micro, sinon vous ne m'entendez pas.
13 M. Kehoe . - Passons à la photographie la 108/-
14 5. Vous avez parlé d'une femme, dénommée Fata Pezer, que vous n'avez pas
15 pu voir, mais qui, elle aussi, a été tuée dans la région. Reconnaissez-
16 vous cette femme sur la photo ?
17 M. Ahmic - C'est Fata Pezer. Quand je suis
18 arrivé près de ce groupe de femmes et d'enfants, il y avait une pente
19 légère, puis un ravin. Elle était de l'autre côté de cette pente, morte ;
20 c'est ce qu'il nous on dit quand nous sommes arrivés près de ce groupe.
21 Ils m'ont demandé ; "As-tu vu Fata ?", j'ai répondu : "Non, je ne l'ai pas
22 vue", Ils m'ont dit qu'elle était juste à quelques mètres, c'était bien de
23 Fata qu'il s'agissait.
24 M. Kehoe . - Elle est donc morte ce matin-là,
25 elle aussi, n'est-ce pas ?
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1 M. Ahmic . - Oui, elle a été tuée.
2 M. Kehoe . - Passons à la photo suivante 108-6.
3 Reconnaissez-vous des personnes figurant sur cette photographie ?
4 M. Ahmic . - Celui-là, c'est mon fils Besim qui
5 a été tué ce jour-là.
6 M. Kehoe . - Cette photo a été prise en des
7 temps plus heureux, n'est-ce pas, Monsieur Ahmic ?
8 M. Ahmic . - Il était avec ses camarades de
9 classe. Ils étaient en quatrième année de chimie, donc en troisième à
10 l'école de Vitez.
11 M. Kehoe . - Y avait-il des Musulmans et des
12 Croates parmi ces amis ?
13 M. Ahmic . - Je ne connais que celui-ci Sulejman
14 Ahmic. Je connais les autres de vue. Celui-1h par exemple est un Croate.
15 Il y avait aussi des Croates parmi eux. En fait, la plupart de ceux qui
16 sont sur cette photo étaient des Croates. C'était une classe mixte, tout à
17 fait courante à l'époque.
18 M. Kehoe . - Votre fils est mort aussi ce matin-
19 là, n'est-ce pas ?
20 M. Ahmic . - Oui. C'est ce que j'ai appris plus
21 tard.
22 M. Kedoe . - Passons à la photo suivante 108-7.
23 Connaissez-vous ce jeune homme ?
24 M. Ahmic . - C'est mon neveu, Enver Brkic, qui a
25 disparu lui aussi ce jour-là. Il a été tué.
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1 M. Kehoe . - Est-ce neveu qui vivait chez vous,
2 dans votre maison, le matin du 16 avril 1993 ?
3 M. Ahmic . - Oui, c'est lui.
4 M. Kehoe . - Photo suivante 108-8.
5 M. Ahmic . - C'est ma soeur, Zulejha Ahmic.
6 M. Kehoe . - La photo suivante 108-9 ?
7 M. Ahmic . - C'est ma mère, Hajra Ahmic.
8 M. Kehoe . - Est-ce que votre mère et votre
9 soeur étaient ensemble lorsqu'elles ont été tuées le matin du 16 avril ?
10 M. Ahmic . - Elles vivaient ensemble. J'ai
11 appris de celle qui a pu s'échapper à Ahmici qu'elle les avait vues, au
12 seuil de leur porte, tuées toutes les deux par des coups de feu.
13 M. Kehoe . - Nous demanderons le versement au
14 dossier de cette pièce 108.
15 Monsieur Ahmic, votre femme, votre fils, votre neveu, votre mère
16 et votre soeur ont tous été tués ce jour-là ?
17 M. Ahmic . - Oui.
18 M. Kehoe . - Votre patronyme est Ahmic. Vous
19 aviez beaucoup de cousins qui vivaient dans la région, n'est-ce pas ?
20 M. Ahmic . - Nous sommes tous plus ou moins liés
21 par des liens de parenté. Près de cinquante membres de ma famille ont été
22 tués ce jour-là.
23 M. Kehoe . - Vous avez donc perdu 50 parents ce
24 jour-là, le 16 avril 1993 ?
25 M. Ahmic . - Oui.
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1 M. Kehoe . - Monsieur le Président, nous n'avons
2 plus de question à poser.
3 M. le Président. - Monsieur Ahmic, les questions du Procureur -
4 qui vous a fait citer devant ce Tribunal pour que vous racontiez tous ces
5 événements douloureux- sont à présent terminées.
6 Il s'agit d'un procès contre un homme qui est accusé, mais qui
7 est présumé innocent. Il a donc deux défenseurs. Maintenant, c'est aux
8 avocats du général Blaskic de vous
9 poser des questions.
10 Vous êtes sous notre protection. Vous pouvez parler sans
11 crainte et répondre le mieux que vous pourrez aux questions que va vous
12 poser l'un des deux avocats. Maître Nobilo, Maîtee Hayman ? Ce sera Me
13 Nobilo, l'un des deux défenseurs du général Blaskic. Il va à présent vous
14 poser toute une série de questions.
15 Si vous avez le moindre problème, vous n'hésitez pas à demander
16 de vous interrompre. Nous en parlerons avec mes collègues et nous ferons
17 en sorte que tout se passe le mieux possible pour vous.
18 Maître Nobilo, c'est à vous.
19 M. Nobilo . - Merci, Monsieur le Président.
20 Monsieur Ahmic, bonjour. M. le Président vient de vous le dire, je
21 m'appelle Anto Nobilo. Je défends le général Blaskic. Je n'aurais que
22 quelques questions à vous poser au nom de la défense. J'espère que vous
23 n'aurez pas à rester trop longtemps parmi nous.
24 La veille du 16 avril 1993, vous avez mentionné plusieurs de vos
25 voisins. Quels étaient les rapports entre les Croates et les Musulmans
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1 avant cette date ? Ces rapports étaient-ils encore ce qu'ils avaient été
2 plusieurs années auparavant ? Ou bien les choses avaient-elles changé ?
3 M. Ahmic . - Bien sûr, les choses avaient changé
4 !
5 M. Nobilo . - Pourriez-vous noas dire quels
6 étaient ces rapports ? Comment avaient-ils changé entre des gens qui
7 autrefois étaient de bons voisins ?
8 M. Ahmic . - Qu'entendez-vous par là ?
9 M. Nobilo . - Avant le 16 avril, avant ces
10 événements malheureux, au cours des semaines et des mois qui ont prbcédé
11 cette date, par exemple avec vos proches voisins croates- aviez-vous de
12 bons rapports de voisinage ? Leur disiez-vous bonjour ? Ou bien y avait-il
13 des tensions entre vous ?
14 M. Ahmic . - J'avais d'excellents rapports avec
15 eux. Je ne vois pas quelle aurait pu être leur raison de m'attaquer.
16 M. Nobilo . - Après le mois d'octobre 1992,
17 avez-vous demandé à ce voisin, qui a tiré sur votre maison, pourquoi il
18 l'avait fait ? Lui en avez-vous parlé ?
19 M. Ahmic . - Qu'aurais-je pu lui demander ? Il
20 n'y a rien à demander ! Comment aurais-je pu dire : "Pourquoi m'avez-vous
21 tiré dessus ~". Quelle question aurais-je pu lui poser ?
22 M. Nobilo . - Après ces événements, vous
23 saluiez-vous ?
24 M. Ahmic . - La plupart du temps, oui.
25 M. Nobilo . - Vous avez parlé de la famille
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1 Kupreskic. Aviez-vous de bons rapports avec cette famille ?
2 M. Ahmic . - Oui, d'excellents rapports, surtout
3 avec le plus âgé, Franjo. Personnellement, j'avais d'excellents rapports
4 avec lui. Quand on se rencontrait, on se saluait.
5 M. Nobilo . - Vous avez parlé de Kupreskic.
6 Pourriez-vous nous aider à comprendre pourquoi ils se sont comportés de
7 cette façon à votre égard ? Pourriez-vous nous expliquer pourquoi, à votre
8 avis, ils se sont comportés de cette faqon-là ?
9 M. Ahmic . - Je vous l'ai déjà dit, je ne vois
10 aucune raison à un tel comportement. Je ne vois aucune cause au fait qu'il
11 m'attaque, qu'il tue ma femme et ma mère, qu'il me tire dessus ! Je ne
12 vois pas de raison, je ne suis pas un homme politique. Pourquoi ceci
13 s'est-il passé, quelle en était la raison, je ne sais pas.
14 M. Nobilo . - Vous dites ne pas être un homme
15 politique. Avez- vous été élu à la présidence de la section du parti
16 d'action démocratique à Ahmici le 16 septembre 1991 ?
17 M. Ahmic . - Non.
18 M. Nobilo . - Avec Ejub et Rasim Ahmic ?
19 M. Ahmic . - Je ne m'en souviens pas.
20 M. Nobilo . - Y a-t-il un autre homme dénommé
21 Cazim ?
22 M. Ahmic . - Je m'appelle Cazim Besim Mais il y
23 a aussi un Cazim Ahmic, non ?
24 M. Ahmic . - Je ne m'en souviens pas.
25 M. Nobilo . - Y a-t-il un autre homme dénommé
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1 Cazim Ahmic ?
2 M. Ahmic . - Moi je m'appelle Cazim Besim, mais
3 il y a aussi un Cazim Jarim Ahmic.
4 M. Nobilo . - Ce barrage routier d'octobre 1992,
5 combien de temps est-il resté en place ?
6 M. Ahmic . - Croyez-moi, je ne le sais pas.
7 M. Nobilo . - Ce qui veut dire que le barrage
8 routier se trouvait à Ahmici, en tout cas sur la route qui menait à Ahmici
9 ?
10 M. Ahmic . - Sur la route principale, en tout
11 cas, c'est ce que j'ai entendu dire, près du cimetière.
12 M. Nobilo (interpré1ation). - Mais pourquoi avez-vous couru en
13 direction d'Ahmici s'il se passait quelque chose dans ce village ? Et si
14 la raison du conflit se trouvait à Ahmici, pourquoi avez-vous pris la
15 fuite vers Ahmici et non pas vers une direction différente ?
16 M. Ahmic . - Qu'entendez-vous par Ahmici ? Moi
17 je parle d'Ahmici- le-Haut et de la route en-deqa. Il y a une grande
18 distance entre les deux.
19 M. Nobilo . - Je ne vous poserai vraiment pas
20 beaucoup de questions. Passons au 16 avriL Je sais que tout ceci est très
21 pénible et douloureux pour vous, mais je vous demanderai un peu de
22 patience. Le matin du 16, lorsque cet obus est tombé chez vous, est-ce que
23 votre fils était déjà levé ?
24 M. Ahmic . - Nous avons tous sursauté, nous nous
25 sommes levés en hâte parce qu'il avait des éclats de verre partout dans la
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1 maison.
2 M. Nobilo . - Est-ce que votre fils avait une
3 arme en main ce matin- là?
4 M. Ahmic . - Personne n'avait d'armes.
5 M. Nobilo . - Est-ce que votre Rs était membre
6 de la Défense territoriale ou de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
7 M. Ahmic . - Oui.
8 M. Nobilo . - Avait-il une arme qu'il gardait à
9 la maison ?
10 M. Ahmic . - Non.
11 M. Nobilo . - Et votre neveu ?
12 M. Ahmic . - Il n'avait pas non plus d'arme, ce
13 jour-là, à la maison, non.
14 M. Nobilo . - Est-il exact qu'une caisse de
15 mines antichar, anti- infanterie et qu'une caisse de mines anti-infanterie
16 et deux fusils automatiques et un fusil de chasse ont été trouvés à votre
17 domicile ?
18 M. Ahmic . - Je ne le sais pas, je ne suis pas
19 au courant, cela ne se trouvait pas là en tout cas, je ne sais pas ce
20 qu'ils ont pu dire.
21 M. Nobilo . - Est-il exact que Jasim, lorsqu'il
22 a été atteint, se trouvait dans ce groupe avec Enver Brkic, Muhamed Zeris,
23 Djidjic, Budo Osmancevic, Ibrahim Karic et son fils Ibrica ? Est-ce bien
24 exact ?
25 M. Ahmic . - Il est possible que ce soit exact.
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1 J'ai entendu Ibrahim dire qu'ils étaient ensemble.
2 M. Nobilo . - Etaient-ils tous des soldats ?
3 Avaient-ils été recrutés, ces hommes que je viens d'énumérer ?
4 M. Ahmic . - Je ne sais vraiment pas.
5 M. Nobilo . - Dites moi, pour autant que vous
6 vous en souveniez, à quelle unité de la Défense territoriale votre fils
7 appartenait-il ?
8 M. Ahmic . - Il était responsable de
9 transmission.
10 M. Nobilo . - Attaché à quelle unité ? Plus
11 exactement, où était le commandement de cette unité ?
12 M. Ahmic . - A Preocica.
13 M. Nobilo . - A Preocica ?
14 M. Ahmic . - Oui.
15 M. Nobilo . - Vous avez énuméré plusieurs noms
16 de personnes que vous avez vu tuer, mortes. Pourriez-vous nous dire ceci :
17 est-ce que vous avez vu le mornent où une de ces personnes auraient été
18 blessés ? Vous les avez vu blessées, mais avez-vous vu le moment où
19 quelqu'un a tiré sur ces personnes et de quelle distance aurait-on tiré
20 sur elles ?
21 Avez-vous vu ces événements ?
22 M. Ahmic . - Non, je n'en aurais pas été
23 capable, je n'ai pas vu exactement qui a tiré sur qui. J'ai vu qui a
24 envoyé ces projectiles sur ma maison.
25 M. Nobilo . - Oui, mais plus tard ?
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1 M. Ahmic . - Je n'ai pas pu voir, j'ai éntendu
2 des cris.
3 M. Nobilo . - Pourrions-nous essayer de nous
4 intéresser au moment où Vlatko Kupreskic a dit : "Voilà, le travail a été
5 fait" ?
6 M. Ahmic . - Je ne sais pas qui l'a dit, mais
7 cela s'est passé devant sa maison.
8 M. Nobilo . - Pourriez-vous nous dire à quel
9 moment approximatif je sais qu'il est difficile de situer ce moment dans
10 le temps- cela s'est passé ?
11 M. Ahmic . - Je ne peux vous donner qu'une idée
12 très
13 approximative du temps que j'ai passé là, peut-être trois, voire quatre
14 heures.
15 M. Nobilo . - Mais à partir de quel moment ?
16 M. Ahmic (interpré1ation). - Je ne sais pas précisément. Vers
17 midi, midi et demi peut-être, mais je n'ai pas regardé ma montre.
18 M. Nobilo . - Je comprends, je comprends.
19 Essayons de situer ce moment dans le temps. A quelle moment avez-vous
20 rencontré le véhicule de la Forpronu ?
21 M. Ahmic . - J'étais déjà dans Ahmici-le-Haut et
22 la Forpronu est peut-être arrivée juste avant 13 heures. Je venais
23 d'arriver au moment où la Forpronu est arrivée. Cela a donc dû être avant
24 13 heures.
25 M. Nobilo . - La Forpronu est donc arrivée avant
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1 une heure, aux alentours d'une heure. Si nous reculons dans le temps,
2 combien de temps avant l'arrivée de la
3 Forpronu quelqu'un a dit devant la maison de Kupreskic : "Le travail est
4 fini" ? Pouvez-vous nous le dire ? Etait-ce une demi-heure avant ? Une
5 heure avant ? Deux heures avant.
6 M. Ahmic . - Jusqu'à l'arrivée de la Forpronu ?
7 M. Nobilo . - Oui.
8 M. Ahmic . - Eh bien peut-être une heure.
9 M. Nobilo . - Si donc la Forpronu est arrivée
10 avant une heure ou aux alentours d'une heure, cela signifie que vers midi
11 vous avez entendu ces mots prononcer. Dites-moi, quand vous étiez allongé
12 au sol devant la maison de Kupreskic, à ce moment-là y avait-il encore des
13 coups de feu ? Ces trois heures où vous êtes resté au sol, y avait-il
14 encore des coups de feu intensifs ou les tirs s'étaient-ils un peu réduits
15 ?
16 M. Ahmic . - Il y avait des coups de feu, mais
17 moins nombreux, de temps en temps, mais je ne suivais plus rien à ce
18 moment-là parce que j'avais déjà trouvé ma femme grièvement blessée et les
19 autres morts. Comment vouliez-vous que je suive tout cela ?
20 M. Nobilo . - Je comprends, mais lorsque ce
21 soldat est arrivé, qui
22 n'était pas un voisin, ce groupe de soldats qui vous a demandé pourquoi
23 vous n'étiez pas au front ?
24 M. Ahmic . - Il m'a demandé pourquoi je n'étais
25 pas avec les nôtres. Moi, je n'avais aucun rapport avec eux.
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1 M. Nobilo . - Vous a-t-il parlé des vôtres qui
2 étaient dans l'école, près de la mosquée ?
3 M. Ahmic . - Moi j'ai parlé des coups de feu, et
4 lui m'a demandé : "Mais pourquoi est-ce que tu n'es pas là-bas ? En bas,
5 on tire très fort dans la direction de l'école et de la mosquée, depuis la
6 maison d'Ivica". En tout cas, j'ai entendu le soldat me dire cela.
7 M. Nobilo . - Mais est-ce que vous regardiez
8 dans la direction de
9 la mosquée et de l'école ?
10 M. Ahmic . - Je ne pouvais pas regarder dans
11 cette direction.
12 M. Nobilo . -. Lorsque vous êtes arrivé à
13 Vehovina*, après être vous être sorti de tout cela, est-ce que la
14 Vehovina* était normale ou est-ce que les habitants s'étaient enfuis ?
15 M. Ahmic . - Les habitants de Vehovina ne
16 s'étaîent pas enfuis.
17 M. Nobilo . - Dites-moi, est-ce que ce village
18 était à population mixte, musulmane et croate ?
19 M. Ahmic . - Non, non, c'était des musulmans.
20 M. Nobilo . - Donc à Vehovina les habitants
21 étaient. musulmans
22 M. Ahmic . - Oui.
23 M. Nobilo . - Bien. J'en arrive à la fin de mes
24 questions. Pouvez- vous me dire à présent quels sont les voisins que vous
25 avez vu agir en tant que soldats, c'est-à- dire tirer, porter des armes,
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1 se comporter de faqon hostile sur le plan armée le 16 avril ?
2 M. Ahmic . - Le 16 avril, j'ai vu Jozo Covic qui
3 a tiré sur moi, sur ma maison et je pense, d'après l'impact sur le mur,
4 que c'était sans doute une arme de faible calibre. La maison de Sefik
5 Pezer et la maison de Sako ont été f'rappées aussi Il y avait des soldats
6 du HVO qui couraient tout autour, mais cela je n'ai pas pu le voir avec
7 beaucoup de précision.
8 M. Nobilo. - Combien de vos voisins avez-vous vu
9 porter des armes ?
10 M. Ahmic . - Le 16 ?
11 M. Nobilo . - Oui.
12 M. Ahmic . - Je viens de vous le dire.
13 M. Nobilo . - Il était le seul ?
14 M. Ahmic . - Oui.
15 M. Nobilo . - Pouvez-vous me dire, le 16,
16 combien de soldats vous avez vu au total, des soldats du HVO ?
17 M. Ahmic . - Au total, sans les identifier ? le
18 nombre ?
19 M. Nobilo . - Oui, je vous demande combien de
20 soldats vous avez vu simplement.
21 M. Ahmic . - Je n'ai pas vraiment compté.
22 M. Nobilo . - A peu près ?
23 M. Ahmic . - Là haut, devant chez Kupreskic, il
24 y en avait cinq et les autres de la maison de Jozo Cokic mon voisin, il y
25 en avait un certain nombre qui couraient.
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1 M. Nobilo . - Combien y en avait-il ?
2 M. Ahmic . - Je ne sais pas, je ne les ai pas
3 comptés.
4 M. Nobilo . - Mon conkère me rappelle une
5 question à vous poser. Celui qui voulait vous tuer, ce soldat, est-ce
6 qu'il vous a dit -je sais qu'il a utilisé des termes
7 Balïja, etc… des termes injurieux- mais est-ce qu'il vous a dit que les
8 Balija avaient tué son frère ?
9 M. Ahmic . - Oui, c'est vrai, il m'a dit : "Les
10 Balija ont tué mon frère".
11 M. Nobilo . - Très bien, Monsieur Ahmic, je vous
12 remercie de votre patience dans les réponses que vous avez apportées à mes
13 questions. Je n'en ai pas d'autres. Merci monsieur le Président.
14 M. le Président. - Merci Maiîre Nobilo. Monsieur le Procureur,
15 voulez-vous exercer votre droit de réplique ?
16 M. Kehoe . - Un éclaircissement simplement. M.
17 Nobilo vient de vous poser une question au sujet d'un soldat du HVO qui a
18 dit que son Qère avait été tué par les Musulmans. C'est bien cela ?
19 M. Ahmic . - Oui, oui.
20 M. Kehoe . - Mais il a dit aussi, n'est-ce pas,
21 qu'il avait été tué avant, dans la région de Busovaca ?
22 M. Ahmic . - Oui, il m'a dit : "Je suis de
23 Neseroci. Tu sais que je suis de Neseroci ?". Je lui réponds : "Mais
24 comment est-ce que je pourrais savoir que tu es de Neseroci ?". Il me dit
25 : "Mais tu connais Busovaca ?". Je lui dis : "Oui, je connais". A ce
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1 moment-lh, il a commencé à m'insulter et à me traiter de balija et à me
2 dire qu'il allait me tuer, moi et ma femme.
3 M. Kehoe . - Mais votre neveu avait été chassé
4 de Busovaca et c'est pourquoi il vivait avec vous, n'est-ce pas ?
5 M. Ahmic . - Il avait été dans un camp, et quand
6 il a été libérée du camp, il est arrivé à Zenica et il est allé chez ma
7 mère et ma soeur. C'est un jeune homme qui faisait ses études à Sarajevo.
8 Il est donc arrivé chez ma mère et ma soeur et c'est par hasard
9 qu'il se trouvait ce soir-là chez moi.
10 M. Kehoe . - Les cinq soldats du HVO que vous
11 avez vus devant la maison de Vlatko Kupreskic portaient des masques sur le
12 visage, n'est-ce pas ?
13 M. Ahmic . - Oui, ce n'était pas un masque, mais
14 ils avaient des peintures sur le visage.
15 M. Kehoe . - Je n'ai pas d'autre question,
16 Monsieur le Président.
17 M. le Président. - Je me tourne à présent vers mes collègues
18 pour savoir s'ils ont des questions à poser. Monsieur le Juge Riad, avez-
19 vous des questions à poser ?
20 M. Riad . - Oui. Bonjour Monsieur Ahmic.
21 M. Ahmic . - Bonjour.
22 M. Riad . - J'essaie de suivre la description
23 des événements tragiques qui vous sont arrivés. Simplement, pour m'assurer
24 que je comprends à quelles conclusions nous pouvons aboutir.
25 Vous avez dit que le soir du 15 avril, votre voisine, Senada -
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1 je crois que vous avez dit qu'elle était mariée à un Croate, c'était une
2 amie - vous a averti.
3 M. Ahmic . - Non, non, non.
4 M. Riad . - Vous a prévenu qu'il ne fallait pas
5 sortir de la maison ?
6 M. Ahmic . - Oui.
7 M. Riad . - Cet homme, ce Vidovic, le
8 connaissiez-vous ? Avait-il un lien avec le HVO ? Etait-il croate ?
9 M. Ahmic . - Vidovic était un Croate,
10 maintenant, est-ce qu'il était membre du HVO ou pas, je ne le sais pas.
11 Mais en tout cas, il faisait parti de cette patrouille ce jour-là.
12 Au moment où il avertissait qu'il était interdit de circuler, il
13 y en avait deux que je ne connaissais pas avec lui, deux autres et j'ai
14 supposé que c'était une patrouille. Maintenant,
15 est-ce que lui était membres du HVO, je n'en suis pas sûr, je ne sais pas.
16 M. Riad . - Le massacre a commencé le lendemain
17 matin ?
18 M. Ahmic . - Oui.
19 M. Riad . - Ce massacre a-t-il été généralisé,
20 organisé ? Parce que vous avez dit qu'après l'attaque de votre votre
21 maison, les coups de feu ont été généralisés, est- ce que on tirait de
22 partout ? hameau.
23 M. Riad . - A peu près au même moment,
24 simultanément, comme s'il s'agissait d'une action planifiée ?
25 M. Ahmic . - Moi, c'est un obus qui m'a
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1 réveillé. Maintenant, est-ce qu'il y a eu des coups de feu tirés avant sur
2 les autres maisons, je ne sais pas mais quand l'obus a traversé la fenêtre
3 et est arrivé dans ma maison, on tirait déjà sur toutes les maisons
4 musuhnanes, oui Maintenant avant, je ne sais pas. Mais moi, c'est l'obus
5 qui est entré dans ma maison qui nous a réveillé.
6 M. Riad . - Vous avez parlé de quelques familles
7 qui ont été totalement massacrées, comme par exemple la famille de Se6k
8 Pezer, la famille Pezei, même les femmes ont été massacrées, votre famille
9 aussi.
10 Ces familles étaient-elles des familles connues dans le village
11 ? Est-ce que vous aviez un rôle particulier au sein de la société ou est-
12 ce que cela faisait partie simplement d'un massacre indiscriminé ?
13 M. Ahmic . - C'est exactement cela. Tout le
14 monde a été attaqué.
15 M. Riad . - Vous avez dit que quelqu'ua est venu
16 vous voir pour vous dire que, vous, Musuhnan, vous n'aviez pas d'endroit
17 où habiter ici, que vous ne devriez pas habiter ici. Qui était cette
18 personne ?
19 M. Ahmic . - C'est ce groupe de cinq soldats du
20 HVO.
21 M. Riad . - C'était donc un soldat ?
22 M. Ahmic . - Oui Quand ils nous ont trouvés
23 devant la maison de Vladko, dans ce trou où nous étions allongés au sol,
24 où il y avait aussi des blessés et des morts ; à ce moment-là, il m'a dit
25 cela. Il m'a dit : "Ici, il n'y a pas de place pour vous, sau ves-toi,
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1 sauves ta peau. C'est fini il n'y a plus de place pour les Musulmans".
2 C'est ça.
3 M. Riad . - Je parle de cette personne qui vous
4 a sauvé la vie. vous avez dit que c'était un soldat. Vous avez dit qu'il
5 vous a demandé de garder le secret parce que sinon lui-même serait exécuté
6 si l'on apprenait qu'il vous avait sauvé.
7 M. Ahmic . - Non, à moi, il m'a dit : "Sauves-
8 toi le plus vite possible parce que le commandant risque d'arriver. Le
9 commandant risque d'arriver sauves-toi le plus vite possible. Sors de
10 cette région". Parce que si les autres voient qu'il m'a sauvé la vie, lui
11 aussi risquait sa peau. Il avait tous des peintures sur le visage. Je ne
12 sais pas de qui il s'agissait exactement, je ne l'ai pas reconnu.
13 M. Riad . - Il a parlé de son commandant. A-t-il
14 mentionné son commandant ?
15 M. Ahmic . - Non.
16 M. Riad . - Est-ce que son commandant était un
17 militaire ? Est-ce que lui même était un militaire, un soldat ?
18 M. Ahmic . - Ces cinq hommes étaient du HVO. Ils
19 avaient l'emblème, ils avaient l'insigne sur le képi Ils étaient habillés
20 en soldat, ils avaient des armes automatiques, c'était des soldats du HVO.
21 M. Riad . - Vous avez parlé de tirs d'artillerie
22 provenant de Hrasno et de Donje Ravno, des tirs sur Ahmici, sur quoi
23 tiraient ces hommes ? Est-ce qu'ils avaient des cibles ? Tiraient-ils sur
24 des sites militaires, sur quoi tiraient-ils ou tiraient-ils simplement sur
25 des gens ?
Page 3133
1 M. Ahmic (interprétotion). - Ils tiraient dans le hameau, là-
2 haut. Maintenant,
3 quelle était leur cible exacte ? Il n'y a aucun site particulier là-haut,
4 mais ce qui importe c'est que l'infanterie ne soit pas entrée à Ahmici, ce
5 jour-là. Ils tiraient avec de l'artillerie. Ils voulaient chasser des
6 gens. Quel était leur objectif ? Je ne sais pas.
7 M. Riad . - Mais est-ce que vous n'avez pas dit
8 qu'ils tiraient sur les corps et la mosquée ?
9 M. Ahmic . - Oui, depuis la maison de Ivica
10 Kupreskic. Moi j'étais en train de traverser le chemin pour arriver vers
11 ma femme qui était blessée et vers ces femmes et ces enfants. J'ai eu du
12 mal à traverser au niveau de la maison de Ivica Kupreskic, dans la
13 direction de l'école et de la mosquée.
14 M. Riad . - Y avait-il des gens qui étaient dans
15 des abris, à l'école ou à la mosquée parce qu'en général les gens courent
16 vers des lieux religieux pour trouver un abri ? Où tiraient-ils pour
17 détruire la mosquée ?
18 M. Ahmic . - Croyez-moi, je ne sais pas, je ne
19 sais pas.
20 M. Riad . – Merci beaucoup.
21 M. le Président. - M. le Juge Shahabuddeen va maintenant vous
22 poser d'autres questions.
23 M. Shahabbudeen . - Monsieur Ahmic, je me
24 demande si vous ne pourriez pas regarder à nouveau la photographie
25 numérotée 108/6 par le Greffe, Je vous demanderai de regarder la rangée du
Page 3134
1 fond. On voit deux garçons qui font le signe "V" avec leurs doigts.
2 (Le le témoin hoche de la tête.)
3 M. Shahabbudeen . - Ce signe, signifie-t-il
4 quelque chose de particulier ?
5 M. Ahmie . - Je ne sais pas.
6 M. Shahabbudeen . - Merci, Monsieur l'Huissier.
7 M. Ahmic . - Je n'ai même pas remarqué cela.
8 M. Shahabbudeen . - J'espère que ceci vous
9 montre que les Juges font attention. Maintenant, vous avez décrit des
10 coups de feu tirés le 22 octobre 1992.
11 M. Ahmic . - Oui.
12 M. Shahabbudeen . - Et M. Nobilo vous a posé une
13 question, il vous a demandé si après cette date, vous-rnême et les
14 responsables de ces coups de feu, vous vous saluiez. Je crois que vous
15 avez répondu : "Oui, la plupart du temps. ", est-ce.exact ?
16 M. Ahmic . - Oui Non, il m'a posé une question
17 générale concernant les Croates de faqon générale.
18 M. Shahabbudeen . - Ah je vois, donc de faqon
19 générale.
20 M. Ahmic . - En tout cas, c'est ce que j'ai
21 compris. J'ai compris qu'il me demandait si je saluais mes voisins et j'ai
22 dit que oui.
23 M. Shahabbudeen . --Mais après ces coups de feu
24 du 22 octobre, est-ce que vous-même et les auteurs des coups de feu, vous
25 vous saluiez, vous vous disiez bonjour?
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1 M. Ahmic . - Ceux qui ont directement tiré sur
2 moi ? Mais lui, il ne me regardait pas de face, il me regardait comme
3 cela, Monsieur.
4 M. Shahabbudeen . - Je vois. Est-ce que vous
5 avez rapporté les incidents survenus le 22 octobre à qui que ce soit, par
6 exemple, au commissariat de police ?
7 M. Ahmic . - Mais comment aurais-je averti qui
8 que ce soit. Je n'ai pas été le seul à être attaqué ; nous étions nombreux
9 à être attaqués.
10 M. Shahabbudeen . - C'est donc votre réponse.
11 Votre réponse est non?
12 M. Ahmic . - Effectivement, ma réponse est non.
13 M. Shahabbudeen . - Le 16 avril 1993, vous-même
14 et les membres
15 de votre famille, avez dû quitter votre maison dans le; circonstances que
16 vous avez décrites ?
17 M. Ahmic . - Oui.
18 M. Shahabuddeen . - Monsieur Nobilo vous a posé
19 une question et je le prierai de m'excuser si je ne me rappelle pas les
20 termes exacts de cette question, mais en tout cas il vous a demandé si
21 vous aviez des mines ou des munitions dans votre maison. Vous vous
22 rappelez cette question ?
23 M. Ahmic . - Je me rappelle.
24 M. Shahabuddeen . - Ce matin-lh, est-ce que
25 quiconque vous a dit que vous aviez des mines et des munitions chez vous à
Page 3136
1 la maison ?
2 M. Ahmic . - Non, personne.
3 M. Shahabuddeen . - Est-ce que quiconque vous a
4 dit cela avant le 16 avril ?
5 M. Ahmic . - Personne ne l'a fait et je ne suis
6 pas au courant de cela, de l'existence de ces objets.
7 M. Shahabuddeen . - Est-ce que quelqu'un vous a
8 dit cela après le 16 avril ?
9 M. Ahmic . - Non, absolument personne.
10 M. Shahabuddeen . - Monsieur Ahmic, je vous
11 remercie.
12 M. le Phhident. - Voilà Monsieur Ahmic, votre déposition est
13 terminée. Le Tribunal vous remercie tout particulièrement d'avoir eu le
14 courage de venir jusqu'à La Haye et d'affronter la souffrance de devoir
15 vous rappeler tous ces événements douleureux.
16 A présent, monsieur le greffier va demander à ce que l’on vous
17 raccompagne avant d'introduire le témoin suivant.
18 M. Ahmic . - Monsieur le Président, je vous
19 remercie de tout coeur car vous venez de mentionner les circonstances. Je
20 comprends donc que vous ressentez ma
21 douleur et je vous remercie, ainsi que vous tous.
22 (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience).
23 M. le Président - Monsieur le Procureur, coulez-vous faire
24 entrer le témoin suivant, même s’il nous reste un quart d’heure. Nous ne
25 pourrons repremdre qu’à 15 heures, mais avons-nous le temps au moins de
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1 présenter le nouveau témoin pendant un quart d’heure afind’essayer de
2 gagner du temps ? Monsieur Harmon, êtes-vous d’accord ?
3
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13 M. Harmon - Oui Monsieur le Président. Mon
14 témoin suivant est M. Sakib Ahmic. Mais au cours de la déposition de M.
15 Cazim Ahmic, une pièce à conviciton quin’avait pas été enregistrée est
16 arrivée. Je vous demanderai s’il serait possible de la placer cinqminutes
17 sur le chevalet, avant que nous commencions à entendre le témoin suivant.
18 J’apprécierais beaucoups.
19 (Les juges se consultent)
20 M. le Président - Compte tenu du temps qui reste, le Tribunal
21 est d’avis que vousfassiez d’abord entrer le témoin. Ensuite, nous
22 parlerons de la pièce à conviction.
23 M. Harmon - Merci beaucoup.
24 (Le Témoin est introduit dans la salle d’audience)
25 M. le Président - Est-ce que vous m’entendez?
Page 3138
1 Le Témoin - Oui
2 M. le Président - Est-ce que vous pouvez m’épeler votre nom et
3 votre prénom. Vous commencez par votre nom de famille.
4 M. Sakib Ahmic - Ahmic Sakib
5 M. le Président - Monsieur Ahmic Sakib, l’huissier va vous
6 donner une déclarationsolennelle que vous allez lire. C’est un serment.
7 Restez debout et lisez la déclaration qui vous est tendue, s’il vous
8 plaît.
9 M. Sakib Ahmic - Je déclare solennellement que
10 je dirai la vérité, toute la vérité en rien que la vérité.
11 M. le Président - Merci monsieur Ahmic. Vous pouvez vous
12 asseoir. Vous avez accepté de témoigner devant ce Tribunal pénal
13 international, dans le cadre du procès que ce Tribunal, à la demande de
14 l'accusation, mène et conduit contre le général Blaskic.
15 Vous êtes un témoin de l'accusation, c'est donc d'abord le
16 Procureur qui va vous poser des questions. Vous êtes sous la protection du
17 Tribunal, vous pouvez parler sans haine et
18 sans crainte.
19 Monsieur le Procureur, dans le temps qui nous reste, peut-être
20 pouvez-vous essayer de condenser un certain nombre de renseignements sur
21 l'identification du témoin et ensuite de vous centrer sur les objectifs
22 que vous poursuivez à travers la demande de témoignage que vous avez
23 sollicitée de M. Ahmic. Monsieur le Procureur c'est à vous.
24 M. Harmon , - Merci monsieur le Président.
25 Monsieur Ahmic, vous avez 64 ans ?
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1 M. Sakib Ahmic . - Oui.
2 M. Harmon . - Vous êtes musulman ?
3 M. Sakib Ahmic . - Je suis musulman de Bosnie,
4 bosnien.
5 M. Harmon . - Et vous êtes né en 1933 à Ahmici ?
6 n'est-ce pas ? Oh pardon ! A Perici.
7 M. Sakib Ahmic . - Oui.
8 M. Harmon . - Et vous aviez passé combien de
9 temps dans le village d'Ahmici, avant le 16 avril 1993 ?
10 M. Sakib Ahmic . - J'ai vécu dans le village
11 d'Ahmici à partir du 17 janvier 1933.
12 M. Harmon . - Est-ce que vous avez déménagé du
13 village de Perici au village d'Ahmici ?
14 M. Sakib Ahadc . - Oui.
15 M. Harmon . - Et quand avez-vous déménagé ?
16 M. Sakib Ahmic . - En 1957.
17 M. Harmon . - Avez-vous construit vous-même
18 votre propre maison au village d'Ahmici en 1957 ?
19 M. Sakib Ahmic . - Oui.
20 M. Harmon . - Monsieur le Président, j'ai une
21 pièce qui n'a pas encore été pré-numérotée. J'aimerais qu'elle recoive un
22 numéro d'identification, et avec votre permission j'ai besoin de placer
23 cette pièce sur le chevalet. M. le témoin a besoin d'un diagramme pour
24 s'orienter, pour déterminer les emplacements. J'ai aussi un agrandissement
25 précis de cette pièce qui indique les pièces dont va parler le témoin.
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1 Si vous me le permettez, je vais veiller à l'aménagement de ces
2 pièces.
3 M. le Président. - Pour l'instant, Monsieur le Gref5er, vous
4 allez noter le numéro que vous allez lui attribuer.
5 M. le Greffier - Ce sera le document 110.
6 M. le Prdsident. - Monsieur le Procureur, vous allez distribuer
7 ces agrandissements à l'attention des juges, et pendant que M. l'huissier
8 installe la photographie...
9 M. Harmon . - Il faut placer la pièce de façon
10 précise pour que le témoin puisse s'orienter. Puis-je aider l'huissier ?
11 M. le Président. - J'allais vous y inviter, monsieur le
12 Procureur. Le mieux est que vous vous approchiez et que vous aidiez
13 l'huissier à installer le diagramme comme vous le souhaitez, avant que le
14 témoin ne soit amené à répondre à vos questions. Allez-y Monsieur le
15 Procureur.
16 Monsieur le greffier, pourriez-vous rectifier la numérotation ?
17 M. le Greffier. - Comme je l'ai mentionné de manière erronée, il
18 s'agit de la pièce 50G et non de la pièce 110.
19 M. Harmon . - Merci.
20 M. le Président. - Vous avez donc installé des pièces. Vous
21 pouvez peut-être commencer vos questions.
22 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, je vous demande
23 d'examiner la pièce
24 de l'accusation 50G. C'est une photographie aérienne qui se trouve sur le
25 chevalet à votre côté. Avant de vous poser des questions plus précises, je
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1 vais vous demander de vous approcher de cette pièce afin que vous nous
2 précisiez tel ou tel bâtiment. Pourriez-vous vous lever et vous approcher
3 du chevalet ?
4 Monsieur Ahmic, pourriez-vous nous indiquer où se trouve votre
5 maison sur la pièce 50G ?
6 M. le Président. - Une seconde s'il vous plaît. Monsieur le Juge
7 ?
8 M. Harmon . - Monsieur le juge Shahabuddeen,
9 nous avons orienté cette pièce, parce que le témoin l'a demandé, pour
10 qu'il reconnaisse bien les lieux. C'est un peu sur le côté, de quincois.
11 M. le Président. - Merci d'avoir répondu obligeamment à M. le
12 juge Shahabuddeen. Nous pouvons reprendre.
13 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, pourriez-vous, à
14 l'aide du pointeur, nous indiquer cette maison que vous avez construite en
15 1957 ?
16 M. Sakib Ahmic . - Oui.
17 M. Harmon . - Est-ce que vous avez maintenant le
18 pointeur sur votre maison ?
19 M. Sakib Ahmic . - Oui, en ce moment précis, je
20 tiens à préciser que c'est bien ma maison qui se trouve ici en dessous du
21 n' 14.
22 M. Harmon . - Monsieur Ahn6c, est-ce que vous
23 voyez d'autres maisons sur lesquelles on a posé un trait de feutre vert ?
24 M. Sakib Ahmic . - Oui, je vois.
25 M. Harmon . - Et c'étaient des maisons qui
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1 appartenaient à des Musulmans ?
2 M. Sakib Ahmic . - Oui.
3 M. le Président. - Monsieur le Procureur, je ne voudrais pas
4 qu'on fasse comme tout à'l'heure, que l'on recommence à faire dire au
5 témoin... La défense est devant la carte. Si vous le voulez bien,
6 profitons-en, la défense est devant la carte. Alors, est-ce que le n' 14
7 correspond bien à la maison du témoin ?
8 M. Harmon . - Tout à fait.
9 M. le Président. - Comme cela, aous n'aurons pas à y revenir.
10 L'étiquette 14, le témoin confirme qu'il s'agit bien de sa
11 maison. La défense est d'accord. Vous pouvez donc passer aux autres
12 étiquettes, avant que nous nous interrompions pour la pause du déjeuner.
13 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, veuillez indiquer
14 les maisons qui appartenaient à des Musulmans et pour lesquelles il y a
15 des étiquettes. Pourriez-vous nous dire qui étaient les propriétaires de
16 ces maisons ? Nous commencerons par le numéro 1 ?
17 M. Sakib Ahmic . - Oui Pour le n 1, c'est la
18 maison de Fuad Berbic.
19 M. Harmon . - Les interprètes demandent que le
20 témoin parle dans le micro. Pourriez-vous utiliser le micro, monsieur
21 Ahmic, micro qui se trouve à votre gauche ?
22 M. le Président. - Monsieur le greffier, pourriez-vous brancher
23 le micro ?
24 M. Sakib Ahmic . - L'étiquette no 1, c'est Fuad
25 Berbic.
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1 M. Harmon . - Prenez la maison suivante et
2 continuez à les citer.
3 M. Sakib Ahmic . - Le no 2, c'est la maison de
4 Redzip Ahmic. Oui, c'est bien cela. Le no 2 est la maison de Redzip Ahmic.
5 Le no 3, c'est la maison de Suad
6 Ahmic. Le no 4, c'est la maison de Enes Hustranovic. Le no 5, celle de
7 Hajra Ahmic, la fille de Zuleja et Cazim. Le no 6, Munib Ahmic. Le no 7,
8 Hasrudin Ahmic.
9 M. Harmon . - Et le no 8, monsieur Ahmic ?
10 M. Ahmic – Numéro 8, Enver.
11 M. Harmon . - Et le no 9 ? Nous pouvons y aller
12 ?
13 M. Ahmic - Numéro 9, Budo.
14 M. Harmon . - Poursuivez, monsieur Ahauc.
15 M. Ahmic - No 10, Ramiz Gradinovic.
16 M. Harmen . - No 11 ?
17 M. Ahmic - No 11, Meho Hrustanovic.
18 M. Harmon . - No 12 ?
19 M. Ahmic - No 12, Krdzalic.
20 M. Harmon . - No 13 ?
21 M. Ahmic - N'o13, Sakib Ahmic.
22 M. Harmon . - Et qui habite au no 14 ?
23 M. Ahmic - Au 14, Sukrija Ahmic.
24 M. Harmon . - Il y a eu une permutation entre le
25 13 et le 14. Manifestement, Monsieur Ahmic, Sukrija Ahmic vivait au D;
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1 M. le Président. - Je suppose que vous le savez Monsieur le
2 Procureur, c'est au témoin de nous dire précisément qui habite la maison
3 13, la maison 14 ou la maison 12. Je ne sais plus exactement, précisez-le.
4 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, recommençons au n'
5 13. Qui habite à la maison portant l'étiquette 13 ?
6 M. Sakib Ahmic - Sakib Ahmic.
7 M. Harmon . - C'est votre maison ?
8 M. Sakib Ahmic - D'après cette carte, à l'est
9 d'abord il y a la maison de Sukrija Ahmic et à l'ouest de cette maison,
10 c'est la maison de Sakib Ahmic. C'est comme cela que c'est représenté sur
11 la carte.
12 M. le Pahident. - Ecoutez, monsieur Sakib Ahmic, nous allons
13 interrompre. Il
14 faudra peut-être effectivement que pendant la pause-déjeuner vous
15 réfléchissiez bien où sont ces aisons 13 et 14. Ce n'est peut-être pas
16 très facile sur la photo aérienne. Nous allons maintenant faire une pause
17 pour le déjeuner. Je crois que la division de protection des témoins se
18 préoccupe de tout cela. Nous allons donc reprendre à 15 heures cet après-
19 inidi.
20 (La séance est suspendue à 13 heures).
21 La séance est reprise à 15 heures 05.
22 M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer
23 l'accusé, s'il vous plaît.
24 (L'accusé est introduit dans Ia salle.)
25 Nous allons donc continuer avec l'interrogatoire de M. Ahmic.
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1 Monsieur le Procureur, c'est à vous.
2 M. Harmon . - Merci Monsieur le Président,
3 merci, Messieurs les Juges. J'aimerais apporter une précision parce qu'à
4 la fin de notre audience, ce matin, quelque hose n'était pas clair. Je
5 vous demanderai de vous approcher, une fois de pius, de la pièce 50 G
6 pour.indiquer aux Juges quels sont les propriétaires des maisons 13 et 14.
7 M. Sakib Ahmic . - Oui. Au no 13, c'est la
8 maison de Sakib Ahmic.
9 M. Harmon . - C'est donc votre maison, Monsieur,
10 c'est bien exact?
11 M. Sakib Ahmic . - Exactement, c'est ma maison.
12 Au no 14, il y a la maison de Sukrija Ahmic.
13 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, j'aimerais attirer
14 votre attention sur le no 15 indiqué en rose. A qui appartient cette
15 maison no 15 ?
16 M. Sakib Ahmic . - La maison no 15 est la maison
17 de Vlatko
18 Kupreskic.
19 M. Harmon . - Et la no 16 ?
20 M. Sakib Ahmic . - La no 16 est la maison de
21 Ivica Kupreskic.
22 M. Harmon . - Merci beaucoup Monsieur Ahmic.
23 Vous pouvez
24 vous rasseoir.
25 M. Sakib Ahmic . - Merci.
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1 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, est-ce que
2 certains de vos voisins immédiats étaient des Croates de Bosnie ?
3 M. Sakib Ahmic . - Oui.
4 M. Harmon . - Et certaines de ces maisons,
5 indiquées en rose sur la pièce 50, appartiennent à des Croates ?
6 M. Sakib Ahmic . - Oui.
7 M. Harmon . - Comment s'appelaient, de leur
8 patronyme, les voisins croates que vous aviez ?
9 M. Sakib Ahmic . - Kupreskic.
10 M. Harmon . - Et au cours de ces décennies que
11 vous avez passées dans ce quartier d'Ahmici, comment étaient vos rapports
12 avec vos voisins croates ?
13 M. Sakib Ahmic . - Excellents. Nous vivions
14 comme si nous ne constituions qu'une seule grande famille.
15 M. Harmon . - Et pourriez-vous nous donner des
16 exemples de cette vie que vous meniez comme si vous étiez une seule
17 famille ?
18 M. Sakib Ahmic . - Oui, je peux vous le dire.
19 Toute notre vie, depuis l'enfance que nous avons partagée, toute
20 notre vie nous la vivions comme un seul ménage. Si un enfant naissait,
21 chez mon voisin, dans sa famille, nous partagions leur joie. Nous allions
22 voir le nouveau-né. On prenait un verre ensemble, café ou
23 pas, pour faire la fête. Et si un enfant naissait chez moi, mes voisins
24 venaient bien sûr pour une tasse de café, un cognac, ainsi de suite. Nous
25 avions d'excellents rapports de voisinage.
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1 M. Harmon . - Est-ce que vous respectiez aussi
2 les jours de fete religieuse de chacune des communautés ?
3 M. Sakib Ahmic . - Un exemple, lorsque mon fils
4 est entré pour faire son service militaire à l'armée, tous nos voisins
5 sont venus, quelle que soit leur origine ethnique, qu'ils soient Serbes ou
6 Musulmans, pour voir ce jeune homme qui partait à l'armée. C'était pareil
7 lorsqu'un de leurs membres allait à l'armée. Nous étions toujours
8 ensemble.
9 M. Harmon . - J'aimerais revenir sur certains de
10 vos voisins.
11 Commençons par Zoran Kupreskic, vous le connaissiez bien ?
12 M. Sakib Ahmic . - Oui. Je le connaissais depuis
13 sa naissance.
14 M. Harmon . - Est-ce que Zoran venait souvent
15 chez vous ? Vos enfants jouaient-ils avec lui ?
16 M. Saldb Ahmic . - Oui, ils étaient tout le
17 temps ensemble. Ils jouaient au ballon ensemble. En fait, ils ont passé
18 toute leur enfance ensemble.
19 M. Harmon . - A combien de mètres, par rapport à
20 votre maison, se trouvait la maison de Zoran Kupreskic ?
21 M. Sakib Ahmic . - Je dirais à 50 mètres.
22 M. Harmon . - Parlons de Mirjan Kupreskic, vous
23 le connaissiez bien lui aussi ?
24 M. Sakib Ahmic . - Aussi bien que je connaissais
25 mes propres enfants, puisque je l'ai connu depuis le jour où il est né.
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1 M. Harmon . - Et à combien de mètres se trouvait
2 la maison de Mirjan Kupreskic par rapport à la vôtre ?
3 M. Sakib Ahmic . - A pratiquement la même
4 distance qu'il y avait
5 entre ma maison et celle de Zoran, parce qu'il vivait avec son père Anto.
6 M. Harmon . - Et parlons de Vlatko, ou Vlado
7 Kupreskic. Vous le connaissiez bien ?
8 M. Sakib Ahmic . - Lui aussi, je le connaissais
9 depuis le moment
10 où il était né.
11 M. Harmon . - Et à quelle distance se trouvait
12 sa maison par rapport à la votre ?
13 M. Sakib Ahmic . - La maison de Vlatko était à
14 40 mètres, je dirais, de la mienne.
15 M. Harmon . - Et parlons d'Ivica Kupreskic.
16 Vous le connaissiez bien ?
17 M. Sakib Ahmic . - Je le connaissais très très
18 bien lui aussi, depuis qu'il était né.
19 M. Harmon . - Et à combien de mètres se trouvait
20 sa maison de la vôtre ?
21 M. Sakib Ahmic . - Soixante-dix, soixante-quinze
22 mètres.
23 M. Harmon . - Avant le. 16 avril 1993, avant
24 l'attaque menée ce jour-là coritre le village, y avait-il des unités
25 militaires cahtonnées dans le village d'Ahmici, d'Ahmija, pour être plus
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1 précis ?
2 M. Sakib Ahmic . - Non.
3 M. Harmoa . - Poumez-vous dire aux Juges ce que
4 vous appeliez la patrouille du village ? A quoi servait-elle ? Que faisait
5 cette patrouille ?
6 M. Sakib Ahmic . - Cette patrouille avait pour
7 but de veiller à ce qu'au cours de la nuit, personne ne s'infiltre dans le
8 village pour y mener des actes de sabotage, d'incendies de maisons,
9 d'étables, de granges, de ce genre de choses.
10 M. Harmon . - Y avait-il une patrouille
11 villageoise mixte au départ se composant de Croates et de Musulmans ?
12 M. Sakib Ahmic . - Oui.
13 M. Harmon . - Et est-ce que cette composition a
14 changé par la
15 suite ? Par la suite, les Musulmans ont-ils eu leur propre patrouille ?
16 M. Sakib Ahmic . - Tout à fait. Les Croates ne
17 voulaient pas de ces patrouilles mixtes. Ils se sont séparés des
18 patrouilles constituées de Musulmans de Bosnie,
19 M. Harmon . - Et s'agissant de ces patrouilles,
20 combien y avait-il d'hommes qui y participaient ?
21 M. Sakib Ahmic . - Deux à la fois.
22 M. Harmon . - Se relayaient-ils pour ainsi dire
23 ? Est-ce qu'il y avait une patrouille relevée par deux hommes à un moment
24 donné ?
25 M. Sakib Ahmic . - Oui.
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1 M. Harmon . - A quelle kéquence changeait-on ?
2 M. Sakib Ahmic . - C'était des services de
3 gardes nocturnes. Il n'y en avait pas dans h journée. On changait donc
4 tous toutes les deux heures. Il n'était pas nécessaire d'avoir des
5 patrouilles pendant 1a journée.
6 M. Harmon . - Il y avait donc quatre équipes de
7 patrouille par nuit?
8 M. Sakib Ahmic . - Oui.
9 M. Harmon . - Est-ce que les membres de la
10 patrouille étaient armés d'une quelconque faqon ?
11 M. Sakib Ahmic . - Non. Cela dépendait de si
12 quelqu'un se trouvait avoir un fusil de chasse ou un pistolet, bien sûr
13 avec port d'arme, dont il soit propriétaire.
14 M. Harmon . - Y avait-il des membres du HVO qui
15 vivaient dans ce village d'Ahmici ?
16 M. Sakib Ahmic . - Oui Il y avait les Kupreskic.
17 Cela fait partie aussi d'Ahmici.
18 M. Harmon . - Avant l'attaque menée le 16 avril
19 1993, avez-vous eu l'occasion de voir un équipement radio portatif dans la
20 maison de Zoran Kupreskic ?
21 M. Sakib Ahmic . - Oui, il y avait un équipement
22 radio dans la maison de Zoran.
23 M. Harmon . - Pouvez-vous nous décrire cet
24 appareil, s'il vous plaît ?
25 M. Sakib Ahmic . - C'est un appareil qui fait
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1 en gros 50 centimètres sur 25 centimètres de hauteur et 25 de largeur, un
2 objet de cette forme là.
3 M. Harmon . - Est-ce que cet objet, cet appareil
4 avait une antenne?
5 M. Sakib Ahmic . - Oui.
6 M. Harmon . - J'attire maintenant votre
7 attention sur les jours qui ont précédé l'attaque du 16 avriL Avez-vous
8 remarqué quoi que ce soit de bizarre dans les environs des maisons des
9 Kupreskic ?
10 M. Sakib Ahmic . - Oui.
11 M. Harmon . - Qu'avez-vous pu observer s'il vous
12 plaft ? Veuillez expliquer cela aux juges ?
13 M. Sakib Ahmic . - Au cours de la soirée, vers
14 21 heures, j'ai remarqué une petite camionnette jaune, une TAM, d'une
15 tonne et demie, qui est arrivée de la cour de la maison d'Ivica Kupreskic.
16 Ce qui m'a frappé, ce qui m'a paru un peu bizarre, c'est que cette nuit-là
17 il n'y avait pas de lampes allumées à l'extérieur de la maison, devant la
18 maison, d'aucune de leurs maisons d'ailleurs. Le camion est resté là ou la
19 camionnette est restée là toute la nuit et le lendemain matin vers 7
20 heures, ce petit camion TAM a quitté la cour de la maison d'Ivica
21 Kupreskic. Il est passé devant la'maison de Zoran et ce faisant, il y a eu
22 un coup de
23 klaxon et ensuite le camion a poursuivi en direction de Vitez,
24 M. Harmon . - Maintenant Monsieur Ahmic, j'attire
25 votre attention sur les faits du 16 avril 1993. Je vais vous demander si
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1 vous pouvez identifier les autres personnes qui se trouvaient dans votre
2 maison au matin du 16 avril 1993.
3 M. Sakib Ahmic . - Oui Moi-même, je me trouvais
4 chez moi S'y trouvait mon fils Naser, il est né en 1963. Il y avait aussi
5 ma belle-fille qui avait exactement le même âge. Donc elle était née elle
6 aussi en 1963. Il y avait mon petit-fils Sejo qui avait trois mois. Et le
7 vendredi matin, il y avait aussi un autre enfant, Elvis, qui avait six
8 ans.
9 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, pouvez-vous nous
10 dire ce qui s'est passé ce matin-là du 16 avril 1993 ?
11 M. Sakib Ahmic . - Oui Le 16 avril 1993 au matin
12 de ce jour-là, à 5 heures et demie, j'ai entendu une violente explosion.
13 Au même moment, deux jeunes hommes sont entrés dans la chambre, dans la
14 pièce. Au même moment, Naser s'est dressé, s'est levé. Les Oustachis, au
15 moment où ils sont entrés, au moment où ils ont passé la porte, ont aperçu
16 Naser et ils l'ont abattu d'une rafale de fusil automatique. L'autre,
17 immédiatement, a jeté de l'essence sur le fauteuil qui se trouvait 1h, y a
18 mis le feu. Et puis à droite également, il a envoyé une balle sur le côté
19 droit. Et puis en même temps, il y a eu une autre rafale dirigée vers
20 Naser, vers ma belle-fille, vers Elvis qui se trouvaient sur le canapé.
21 Moi, je suis tombé, j'ai heurté le mur de ma tête. Pendant un
22 instant j'ai un peu perdu mes esprits, mais très vite j'ai retrouvé toute
23 ma tête. Puis, il y a eu une nouvelle rafale. Il s'est approché du canapé,
24 il a tiré sur moi En fait, les balles sont passées au travers de
25 l'accoudoir du fauteuil. Mais ma tête était dirigée vers le mur. Il y a eu
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1 une première rafale, une deuxième, troisième rafale et les douilles sont
2 tombées sur mon bras droit.
3 Puis ils se sont dirigés vers la porte. L'enfant se trouvait
4 dans son berceau, dans cette direction. Lorsque l'enfant a fait un bruit,
5 il est revenu et il a tiré sur le bébé. Il n'y a plus
6 eu aucun bruit. Tout cela s'est produit en l'espace de quelques secondes ;
7 c'était rapide comme l'éclair.
8 M. Harmon . - Moasieur Ahmic, puis-je vous
9 demander ce qui est arrivé à votre belle-fille ?
10 M. Sakib Ahmic . - A ce moment précis, je me
11 suis levé. J'ai couru, j'ai ouvert une fenêtre, mais les stores étaient
12 encore baissés. Alors j'ai jeté un petit coup d'oeil par la fenêtre en me
13 disant : il faut que je saute par la fenêtre, il faut que j'essaie de
14 m'échapper.
15 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, nous en viendrons
16 à cette partie-là de votre déclaration un peu plus tard. Si vous voulez
17 bien prêter une oreille attentive à ma question, qui est la suivante :
18 qu'est-il arrivé à votre belle-fille à ce moment précis ?
19 M. Sakib Ahmic . - Je l'ai entendu pousser un
20 soupir sous l'impact des balles. Je crois qu'elle était encore vivante. Je
21 crois même qu'elle a été brûlé vive, j'en suis presque sûr.
22 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, avez-vous reconnu
23 la personne qui a tiré sur le berceau et sur votre belle-fille et qui a
24 tiré également sur vos petits-enfants ? .
25 M. Sakib Ahmic . - Oui.
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1 M. Harmon . - Qui était cette personne ?
2 M. Sakib Ahmic . - J'ai immédiatement vu Zoran
3 Kupreskic et son frère Mirjan.
4 M. Harmon . - Qui a tiré sur votre fils Naser,
5 qui a tiré sur votre belle-fille ? Est-ce Zoran ou est-ce Mirjan qui a
6 tiré ?
7 M. Sakib Ahmic . - C'est Zoran, c'est lui qui
8 tirait. Il portait un uniforme noir.
9 M. Harmon . - Est-ce lui qui a mis le feu à
10 votre maison ?
11 M. Sakib Ahmic , - Non, c'est Mirjan qui a mis
12 le feu à la maison.
13 En fait, il a mis le feu en deux endroits.
14 M. Harmon . - Avec quoi a-t-il mis le feu à
15 votre maison ?
16 M. Sakib Ahmic . - Il avait un bidon d'essence.
17 Dès le moment où Zoran est entré dans la pièce, Mirjan a versé un peu de
18 cette essence sur le canapé et il y a mis
19 le feu. Les flammes ont immédiatement commencé à prendre. Près du lit, il
20 y avait un fauteuil ; il y a mis le feu également en y versant de
21 l'essence. Il a allumé l'esence avec une alumette. Deux foyers sont
22 apparus simultanément et se sont mis à brûler. Tout a disparu dans le feu,
23 dans les flammes. Puis il y a eu une détonation générale, si on peut dire.
24 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, tout à l'heure,
25 vous avez utilisé le mot ustasha dans votre déclaration. Qu'entendez-vous
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1 par là ?
2 M. Sakib Ahmic . - J'utilise ce mot pour parler
3 des membres du 4 HVO, de l'armée du HVO ?
4 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, après que
5 l'intérieur de votre maison ait pris feu, qu'avez-vous fait ?
6 M. Sakib Ahmic . - Je me trouvais à côté de la
7 fenêtré. J'attendais de pouvoir sauver ma vie parce qu'en fait le feu
8 progressait. L'incendie progressait et je n'avais pas la force de sauter,
9 parce que l'armée du HVO était là, dans la cour, juste à côté de la maison
10 des Kupreskic, d'abord dans la maison de Vlatko puis de Ivo Kupreskic.
11 Quand je parle d'Ivo, je parle d'Ivica, parce que leurs maisons étaient
12 juste à côté.
13 Je n'osais pas sauter de peur d'être pris par les soldats, je
14 craignais vraiment le pire.
15 Je ne voulais pas être pris vivant. Alors j'ai décidé que c'en était trop,
16 que je n'en pouvais plus, que de toute façon la fin était proche. Soit
17 j'allais brûler, là dans la maison, soit j'allais être pris vivant par les
18 soldats. J'ai donc traversé les flammes, j'ai traversé la cour, j'ai
19 couru, j'ai monté les escaliers dans la grange. J'ai décidé de faire cela
20 parce que juste en face de ma maison, dans la direction de la route, il y
21 avait des matériaux de construction, des briques, des planches de
22 bois et qu'en fait on ne pouvait pas me voir.
23 J'ai réussi à traverser la cour en courant et à rentrer dans la
24 grange. Je me suis caché dans le foin qui se trouvait près du mur et je
25 m'y suis tenu tranquille.
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1 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, excusez-moi,
2 laissez-moi vous
3 poser quelques questions avant que nous n'en arrivions à ce qui s'est
4 passé dans la grange.
5 Avant de quitter votre maison et d'aller dans la grange, avez-
6 vous été brûlé ? Avez- vous subi des brûlures importantes ?
7 M. Sakib Ahmic . - Oui, des brûlures terribles.
8 On en voit encore les cicatrices. Mon pouce et toute ma main ont été
9 brûlés.
10 M. Harmon . - Avez-vous eu des brûlures
11 également au visage ?
12 M. Sakib Ahmic . - Oui, j'étais vraiment en
13 mauvais état, tout était brûlé. J'avais des ampoules, des cloques partout.
14 La peau pendait comme des haillons et mes avant-bras jusqu'au niveau du
15 coude étaient intégralement brûlés.
16 M. Harmon . - Juste avant que vous ne quittiez
17 la maison et que vous ne vous enfuyiez vers la grange, votre belle-fille
18 était-elle encore en vie ?
19 M. Sakib Ahmic. - Ils ont été brûlés alors que
20 je me trouvais encore près de la fenêtre, que j'attendais là. Car, alors
21 que je me trouvais dans le coin près de la fenêtre, tout s'est effondré.
22 M. Harmon . - Avez-vous pu l'entendre avant de
23 quitter la maison ?
24 M. Sakib Ahmic . - Ma belle-fille, oui. Oui, je
25 l'ai entendue. J'ai entendu ce soupir qu'elle a rendu, un soupir de
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1 douleur. En fait, c'était vraiment le soupir de l'agonie. J'ai dit, il y a
2 un instant, que j'avais entendu ce profond soupir au moment où elle est
3 morte. Cela veut dire qu'elle était encore vivante à un moment donné et
4 qu'elle a brûlé vive dans la maison.
5 M. Harmon . - Après vous être caché dans le
6 foin, dans la grange, qu'avez-vous vu ?
7 M. Sakib Ahmic . - Alors que j'étais dans la
8 grange, Franjo Kupreskic est sorti dans la cour et a appelé les poules. Au
9 même moment, Safradin Nikica,
10 qu'on connaît aussi sous le nom de Cico, s'est approché de Franjo
11 Kupreskic. Franjo lui a dit : "Cico, retourne là-bas et regarde ce qui se
12 passe dans la maison de Sakib".
13 Cico a immédiatement fait demi-tour et il est arrivé devant l'entrée de ma
14 maison. Il n'y avait plus rien à voir que cette espèce de torche. Il est
15 retourné vers Franjo Kupreskic et Franjo lui a demandé gentiment :
16 "Qu'est-ce que tu y as. vu, Cico ?". Cico a dit, de ce ton de voix-là et
17 avec ces termes-là : "Il n'y a rien. Tout est mort". Il a dit cela d'une
18 voix très haut perchée. Il a utilisé le mot qu'on utilise d'habitude pour
19 parler de la mort des animaux. Moi, j'étais dans la grange, j'entendais
20 tout cela, je voyais tout cela. Je me disais : "Cico, tu ne sais pas, tu
21 ne sais pas que Sakib te voit, qu'il te voit de ses propres yeux, qu'il
22 t'observe depuis la grange, qu'il entend ce que tu es en train de dire".
23 Mais j'étais incapable de faire quoi que ce soit à ce moment précis.
24 M. Harmon . - De l'endroit où vous étiez,
25 pouviez-voir la maison de votre fils ?
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1 M. Sakib Ahmic . - Oui.
2 M. Harmon . - Qu'avez-vous vu ?
3 M. Sakib Ahmic (iriterprétation). - La maison était en feu.
4 Toute la maison n'était plus qu'une torche, et puis la maison de Sukrija;
5 la maison de nombre d'autres personnes, et puis encore la maison des
6 Hrustanovic. Je ne peux plus me rappeler de certains noms.
7 M. Harmon . - Avez-vous vu la femme de Sukrija ?
8 M. Sakib Ahmic . - Non.
9 M. Harmon . - Monsieur le Président, avec l'aide
10 de l'Huissier, j'aimerais que nous placions deux photographies sur le
11 rétroprojecteur. Tout d'abord la
12 première photographie 109-1, de la pièce 109 et enfin la photographie 109-
13 2, s'il vous plaît.
14 Monsieur Ahmic...
15 M. Sakib Ahmic . - Oui.
16 M. Harmon . - Sur cette photo 109-1, on voit un
17 homme et une
18 femme. Pouvez-vous les identifier ?
19 M. Sakib Ahmic . - Oui, je le peux. On voit mon
20 fils, Naser, et à côté de lui ma fille Suhreta.
21 M. Harmon . - Naser, c'est le jeune homme qui a
22 été assassiné au matin du 16 avril, dans votre maison, n'est-ce pas ?
23 M. Sakib Ahmie . - Oui.
24 M. Harmon . - Et Suhra, votre fille, ne se
25 trouvait pas dans la maison en cette occasion, n'est-ce pas ?
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1 M. Sakib Ahmic . - Non. Elle ne vivait pas avec
2 moi Elle avait sa propre maison, elle y vivait avec son mari.
3 M. Harmon . - Monsieur l'Huissier, pouvez-vous
4 placer la pièce de l'accusation 109-2 sur le rétroprojecteur, s'il vous
5 plaît.
6 Monsieur Ahmic, qui est le jeune homme que l'on voit sur la photographie
7 109-2 ?
8 M. Sakib Ahmic . - C'est Sukrija Ahmic qui a
9 été tué devant son atelier.
10 M. Harmon . - C'était tout près de chez vous,
11 n'est-ce pas ?
12 M. Sakib Ahmic . - Oui.
13 M. Harmon . - Je vous remercie.
14 M. Sakib Ahmic . - A quinze mètres.
15 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, alors que vous
16 étiez dans la grange, avez-vous vu Cazim Ahmic transporter une civière ?
17 M. Sakib Ahmic . - Oui, je l'ai vu transporter
18 une personne sur une civière de fortune. Cazim marchait devant et il
19 tenait cette civière des deux mains. Derrière, il y avait deux personnes
20 qui portaient la civière de part et d'autre. Ils empruntaient la route qui
21 va à Stari Ahmici. Ils allaient dans cette direction.
22 M. Harmon . - Alors que vous vous trouviez dans
23 la grange, est-ce que vous avez vu un certain nombre de jeunes hommes se
24 faire tuer, et si c'est le cas, pouvez-vous nous décrire ce que vous avez
25 vu ?
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1 M. Sakib Ahmic . - Oui J'ai vu, au niveau de la
2 maison de Sulejman Pezer, Smajin Pezer. Le chemin passait tout près de
3 leur maison et ensuite atteignait la route principale. On arrivait près de
4 la maison de Vlatko Kupreskic. C'est là que ce petit chemin rejoignait la
5 route principale vers Ahmici J'ai vu un certain nombre de jeunes hommes
6 sortir de la maison de Sulejman Pezer.
7 Ils sont arrivés à cette clairière, à cet endroit dégagé devant
8 la maison de Vlatko.C'était des soldats du HVO. Ils sont allés sur la
9 droite, dans un petit bosquet, et ils sont arrivés à un petit ravin. En
10 sortant de ce ravin, ils sont arrivés sur le petit plateau et je les ai
11 vus, juste en face de moi; à la distance de mes doigts. Je les ai vus se
12 déplacer et puis il y a eu une rafale provenant de la maison de Vlatko et
13 les hommes sont tombés, tout simplement. Ils sont tombés sur le sol.
14 Au même moment, trois soldats du HVO ont traversé la rue et sont
15 allés vers ces hommes qui venaient d'être tués, Ils les ont fouillés, ils
16 ont regardé dans leurs vêtements et puis
17 ils ont rebroussé chemin et ils se sont tenus devant la maison de Vlatko
18 Kupresldc.
19 M. le Président. - Voulez-vous prendre un petit moment de repos
20 ?
21 M. Sakib Ahmic . - Non, non, je veux bien
22 continuer à travailler, j'ai encore la force de faire cela.
23 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, ces jeunes hommes
24 que vous avez
25 vus, combien étaient-ils tout d'abord ? Combien de jeunes hommes se sont
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1 fait tuer sous vos yeux ?
2 M. Sakib Ahmic . – Quatre, cinq ou six à peu
3 près, pour autant que je puisse voir ce qui se passait à ce moment-là.
4 M. Harmon . - Ces jeunes hommes étaient-ils
5 armés ou non ?
6 M. Sakib Ahmic . - Non.
7 M. Harmon . - Non, ils n'étaient pas armés ?
8 Est-ce cela que vous dites ?
9 M. Sakib Ahmic . - Non, ils n'étaient pas armés.
10 C'étaient des civils, de jeunes garçons qui portaient des habits civils.
11 M. Harmon . - Pendant que vous étiez dans cette
12 grange, avez-vous entendu des tirs d'armes lourdes, des tirs qui
13 provenaient de la zone des maisons des Kupreskic ?
14 M. Sakib Ahmic . - Oui, j'ai entendu un fusil
15 semi-automatique ou quelque chose, je ne sais pas de quoi il s'agissait,
16 mais c'étaient des armes lourdes. Les tirs étaient dirigés vers la mosquée
17 de Gornje Ahmici.
18 M. Harmon . - Alors-que vous vous trouviez dans
19 cette grange, avez-vous vu des tanks, des blindés de la Forpronu qui
20 arrivaient près de l'endroit où vous aviez trouvé refuge ?
21 M. Sakib Ahmic . - Oui.
22 M. Harmon . - Avant que ces blindés n'arrivent à
23 cet endroit-là, y avait-il beaucoup de tirs d'armes lourdes, beaucoup de
24 tirs de fusil ?
25 M. Sakib Ahmic . - Oui, oui, c'était tout à fait
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1 le cas, jusqu'.au moment où les blindés sont arrivés. Quand ils sont
2 arrivés de la route principale, lorsqu'ils sont entrés sur le territoire
3 d'Ahmici, alors tout s'est arrêté. Le silence a régné. Il n'y avait plus
4 de
5 coups de feu. Les blindés entraient dans Ahmici Un tank s'est dirigé vers
6 la gauche, face à la maison d'Ivica Kupreskic et l'autre tank blindé est
7 amvé dans ma cour, en face de ma maison. Ils se tenaient là, devant ma
8 maison. Ils ont ouvert la tourelle et un jeune homme en est sorti J'ai
9 juste vu son thorax. Il a regardé à gauche, à droite, il est remonté dans
10 le blindé, il a fermé
11 la petite écoutille, puis le blindé qui se trouvait devant la maison
12 d'Ivica Kupreskic est revenu.
13 Ensuite, ils sont remontés sur la route, en direction de Gornje Ahmici.
14 A ce moment-là, le blindé qui se trouvait devant ma maison s'est
15 rangé derrière le premier blindé et les deux véhicules se sont dirigés
16 vers Gornje Ahmici Très rapidement, ils en sont revenus et ils se sont
17 dirigés vers la route principale qui va de Sarajevo à Travnik.
18 Ils sont arrivés vers Vitez et alors qu'ils arrivaient près du
19 café Picen, le HVO a utilisé toutes les armes qui se trouvaient à sa
20 disposition. C'était comme s'il y avait un remblement de terre, parce
21 qu'ils tiraient avec toutes les armes qui étaient en leur possession. Puis
22 tout s'est arrêté, tout est redevenu silencieux et on n'a plus entendu un
23 seul coup de feu. A ce moment-lh, quand les tirs se sont arrêtés, on
24 a pu entendre une sirène, ou disons plutôt le klaxon d'une voiture qui se
25 trouvait devant la maison de Vlatko Kupreskic et puis une autre voiture
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1 devant la maison d'Ivica Kupreskic. Au même moment, la sirène des pompiers
2 s'est déclenchée. Moi, j'étais toujours dans la grange et je me disais :
3 c'est sûrement pour saluer le succès de cette opération, le succès de ce
4 massacre et du nettoyage ethnique du village d'Ahmici. Je suis sûr que ces
5 sirènes se sont déclenchées pour célébrer cette opération couronnée de
6 succès qu'ils ont menée à bien.
7 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, pourquoi avez-vous
8 quitté la grange, et quand vous l'avez fait, pourquoi ?
9 M. Sakib Ahmic . - Je dois dire que tandis que
10 j'étais dans la grange, je n'ai pas entendu un homme entrer ou grimper les
11 escaliers, mais devant les escaliers il y avait deux pneus de voiture,
12 l'un sur l'autre. Sur le pneu de dessus, il y avait ce type de foin
13 que les vaches ne peuvent pas manger. On le laissait donc sur ce pneu.
14 J'ai senti que quelqu'un prenait le pneu et le posait par terre. Je l'ai
15 senti J'ai entendu le pneu tomber par terre. Ensuite, j'ai pris conscience
16 du fait que la grange était en feu. J'ai entendu le bruit du feu, j'ai
17 senti l'odeur du foin qui brûle.
18 Je ne pouvais faire aucun bruit. J'avais peur que quelqu'un se
19 trouve en bas dans la grange. Moi j'étais en haut et j'avais peur qu'ils
20 ne me trouvent.
21 J'ai tout doucement levé la tête, juste pour pouvoir jeter un
22 coup d'oeil autour de moi et voir ce qui se produisait, et il y avait du
23 foin partout, une couche de foin de 70 centimètres répandus sur tout le
24 sol de la grange.
25 J'ai donc regardé. Tout autour de m4i il n'y avait personne.
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1 J'ai regardé dans l'autre cour, je n'ai vu personne non plus là-bas. Je me
2 suis dit qu'il fallait réfléchir vite : comment me sauver dans une
3 situation pareille ? Ou est-ce que je dois aller ? Est-ce que je dois
4 courir, descendre, est-ce que je dois prendre une fourche ? Est-ce que je
5 dois courir dans cette direction-là, vers le trou de purin, ou bien est-ce
6 que je dois simplement me cacher dans ce trou de purin et me cacher dans
7 le purin ?
8 J'ai également pensé au toit. Je sais que la grange est située
9 est-ouest et je savais que si le toit tombait sur le trou de purin, alors
10 j'allais brûler vif parce quc j'allais être coincé. Donc je n'osais pas
11 descendre les escaliers non plus, parce que j'avais peur que quelqu'un me
12 voie et me prenne vivant. Très vite, j'ai décidé de faire la chose
13 suivante : je pouvais prendre une planche en bois, la détacher. C'est ce
14 que j'ai fait. Je l'ai posée par terre, très doucement. J'avais peur de
15 faire le moindre bruit et je me demandais où se trouvaient les autres. Ils
16 avaient tous des semelles élastiques sous leurs chaussures. On ne les
17 entendait donc pas se déplacer. On ne pouvait que les voir, pas les
18 entendre. J'ai atlrapé cette planche, j'ai sauté dans le trou de purin.
19 Il y avait plein de bois de chauffage à côté. Pendant 1Kiver,
20 quand les femmes
21 apportaient le bois de chauffage dans la maison pour se chauffer, elles
22 creusaient ne espèce de trou dans cette grande pile de bois de chauffage.
23 Et moi, je me suis glissé dans ce tas de bois de chauffage. Il y avait
24 également des morceaux de carrosserie, parce qu'en fait, cela se trouvait
25 devant l'atelier de réparation de Sukrija. Je me suis glissé dans ce tas
Page 3165
1 de bois et je m'y suis
2 caché avec deux morceaux de carrosserie. J'y suis resté toute la journée.
3 Sans cesse, il y en avait qui rentraient et sortaient de
4 l'atelier. Chaque fois que quelqu'un rentrait, j'entendais des mots qui
5 étaient prononcés. La porte du garage était de très bonne qualité et on
6 n'entendait plus rien une fois qu'elle était fermée mais je suis resté là.
7 Je m'attendais, à chaque instant, à ce que quelqu'un jette les yeux sur
8 cette pièce de carrosserie, la repousse et me trouve vivant, caché
9 derrière cette pièce de carrosserie.
10 Je priais Dieu que la nuit tombe et que cette circulation de
11 personnes devant moi s'arrête parce que, vraiment, je craignais à chaque
12 instant que quelqu'un me découvre. La nuit a fini par tomber. Il n'y a
13 plus eu d'allées et venues devant moi Je suis resté lh, sur place, en
14 réfléchissant à la faqon dont je pouvais me tirer de cet endroit et à
15 l'endroit où je pouvais aller parce que tout était en feu. Partout, il y
16 avait de h lumière et, justement, je voulais aller vers Pirici, Vrhorvino
17 ou Zenica et, dans cette direction, tout était illuminé. J'ai donc encore
18 attendu et puis j'ai entendu des chansons, des gens chantaient et moi, je
19 pensais qu'à ce moment, il était 2 heures du matin à peu près.
20 A 2 heures du matin, je jette encore un coup d'oeil Je vois que
21 les lieux sont encore illuminés. Je n'ai pas encore le courage de sortir
22 parce que je crains toujours qu'on mette la main sur moi Il y avait, à
23 gauche, à droite, autrement dit aussi bien à l'est qu'à l'ouest, des
24 gardes du HVO.
25 A un moment, j'ai décidé que dès qu'ils arrêteraient de chanter,
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1 je partirais parce que vraiment je ne pouvais pas attendre le jour. Si
2 j'attendais le jour dans cet endroit, je n'avais aucun doute sur le fait
3 qu'ils allaient mettre la main sur moi et que je terminerais exactement
4 comme les autres. Ils ont fini par s'arrêter de chanter. A ce moment-là,
5 je me suis fau61é derrière cette pièce de voiture et j'ai dû m'arrêter.
6 Que vous me croyez ou non, je n'arrivais pas à me relever. J'avais un
7 problème dans le dos, une crampe ; il ne faut pas oublier que j'étais
8 parti pratiquement nu de chez moi; je n'étais pas habillé.
9 Finalement, j'ai réussi à me redresser. Devant moi, il n'y avait
10 pas âme qui vive. Le silence était profond. J'ai alors commencé à marcher
11 et, devant l'atelier, il y avait la voiture de Semija Sukrija qui était
12 garée. En passant devant cette maison, je vois Sukrija allongé devant sa
13 propre voiture, mais allongé dans cette position, c'est-à-dire un peu en
14 biais. Je suis passé devant lui J'ai essayé de le ramener sur le sol pour
15 qu'il soit allongé à plat. J'ai donc mis les mains sous ses aisselles et,
16 à ce moment-là, j'ai constaté que je n'avais plus de force, que je ne
17 pouvais même plus soulever un verre d'eau. Je l'ai laissé là où il était.
18 J'ai abandonné mes efïorts. Je suis sorti sur la route. Il y avait une
19 clôture en face.
20 M. Harmon . - Monsieur Ahmic...
21 M. Sakib Ahmic . - Oui.
22 M. Harmon . - Quand vous êtes sorti et que vous
23 vous êtes trouvé devant la maison de Sukrija, quelle était la situation
24 des autres maisons ? Je parle plus précisément des maisons que vous avez
25 identifiées sur la carte en les numérotant de 1 à 14. M. Sakib Ahmic
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1 . - Elles étaient toutes incendiées. En fait, j'attendais
2 que les braises s'éteignent un petit peu. J'ai attendu toute la nuit pour
3 qu'il n'y ait plus autant de lumière et que je puisse soitir de l'endroit
4 où j'étais dans l'obscurité pour aller vers le village où je voulais
5 aller.
6 M. Harmon . - Quel était l'état des maisons des
7 Croato-bosniaques qui se trouvaient autour de votre maison ?
8 M. Sakib Ahmic . - Intactes. Mais je vous prie
9 de m'excuser, je voudrais vous poser une question. Est-ce que vous me
10 posez la question au sujet des maisons
11 croates qui se trouvaient dans le voisinage de la mienne ?
12 M. Harmon . - Oui c'est exact.
13 M. Sakib Ahmic . - Intactes. Encore aujourd'hui,
14 elles sont entières, absolument intactes.
15 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, après votre départ
16 de la grange, vous avez fui dans la direction de Pirici et vous êtes
17 arrivé à la maison de votre mère, n'est-ce pas ?
18 M. Sakib Ahmic . - Oui.
19 M. Harmon . - Quel âge avait votre mère en 1993
20 ?
21 M. Sakib Ahmic . - En 1993, ma mère avait 84
22 ans.
23 M. Harmon . - Vivait-elle seule ?
24 M. Sakib Ahmic . - Oui.
25 M. Harmon . - Dites aux Juges, je vous prie, ce
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1 qui s'est passé à partir du moment où vous êtes arrivé dans la maison de
2 votre mère.
3 M. Sakib Ahmic . - Oui Quand je suis arrivé dans
4 la maison de ma mère, j'ai frappé à la fenêtre. Elle était déjà réveillée.
5 Elle ne dormait,pas. Comment aurait-elle pu dormir avec tout ce qui se
6 passait en contre-bas de sa maison ? Tout doucement, à travers la fenêtre,
7 je lui ai dit : "Maman, ouvre la fenêtre et n'allume pas la lumière". Sur
8 l'instant, elle a ouvert la fenêtre et m'a dit : "C'est toi ?". J'ai dit :
9 "Oui, c'est moi, maman". Je me suis assis sur son lit et je lui ai dit :
10 "Maman, s'il te plaît, le plus vite possible, si tu peux allumer le fëu et
11 me faire un thé parce que je suis véritablernent gelé". Et très
12 rapidement, elle a allumé le feu. Elle m'a fait un thé. J'ai dit à ma mère
13 : "Maman, as-tu des cigarettes ? Je n'en ai plus une seule" Elle m'a sorti
14 un paquet de cigarettes, une allumette, j'ai allumé une cigarette et j'ai
15 bu mon thé. Je ne sais même plus d'ailleurs si je l'ai bu jusqu'au bout,
16 mais de l'extérieur, devant la maison, on a entendu une rafale. Dès que
17 je l'ai entendue, j'ai pris ma tasse, je l'ai posée et j'ai
18 regardé la pièce qui se trouvait en face. J'ai vu une autre rafale tirée
19 dans la direction ouest par rapport à la maison de ma mère, à une distance
20 de 200 ou 250 mètres, en dessous.de Pirici. Je l'ai vue par la fenêtre de
21 la pièce d'en face.
22 Je suis donc revenu dans la pièce où j'étais avant avec ma mère.
23 J'ai dit à ma mère :
24 "Ecoute, je m'en vais. Je vais fuir parce que si on m'attrappe, je suis
25 fini". Elle m'a dit : "Ecoute, prend mes chaussures". Elle a enlevé ses
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1 chaussures pour me les donner. J'avais les pieds nus. J'ai essayé de les
2 mettre, mais elles étaient trop petites pour moi Elles ne me couvraient
3 que les orteils. J'ai tout de même pris ses chaussures et je suis sorti de
4 la maison. A ce moment-là, j'étais pratiquement sûr que je
5 n'étais plus menacé, que j'avais fui tous les dangers, tous les risques.
6 Plus haut, il y avait un pylône électrique pour les lignes à très haute
7 tension. Je me suis assis au pied de ce pylône. J'ai allumé une cigarette
8 et j'ai regardé en contre-bas Ahmici, la forêt... Enfin, je voyais tout
9 comme si le paysage était sur ma main et j'ai vu que tout était incendié ;
10 absolument tout, toutes les maisons, du toit jusqu'au sol Je suis reparti.
11 1e suis parti vers Vrhovino. J'ai fini par y arriver.
12 A mon arrivée à Vrhovino, j'ai essayé d'entrer dans la première
13 maison que j'ai trouvée. La porte était ouverte. Il n'y avait personne
14 dans la maison. Ensuite, dans 1a deuxième maison, il n'y avait personne
15 non plus. Vous savez, je connais tous ces gens-là.
16 Dans la troisième maison, la porte était ouverte et personne
17 dans la maison. Je sors sur la route qui va vers Kratinima et je me rends
18 compte que toute la population de Vrhovino a fui ces maisons pour fuir sur
19 la route vers Kosevina, vers le haut. Ce matin-là, ils avaient aussi
20 pilonné Vrhovino. C'est la raison pour laquelle les gens étaient partis de
21 leur maison et avaient essayé de trouver refuge plus loin.
22 Quand Mujedinovic, l'in&mier, m'a examiné plus tard, il m'a dit
23 : "Mais pourquoi est-ce que personne ne t'a mis un pansement sur ces
24 plaies ? "Et j'ai répondu en disant : "Mais vous êtes les premiers êtres
25 humains que je rencontre. Vous êtes le seul qui avez la possibilité
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1 de me panser."
2 Cet homme a pansé mes blessures et il m'a dit : "Sakib, nous
3 avons admis deux blessés, tu es le troisième. Là-bas il y a une voiture au
4 carrefour, cette voiture va arriver, on va vous mettre dans la voiture et
5 on va vous emmener à Zenica à l'hôpital tous les trois". A ce
6 moment-là, je suis rentré dans la maison de Jusef Karajodic. Il n'y avait
7 personne dans la maison, mais la pièce était chauffée, le fourneau
8 marchait encore. Il y avait un meuble à côté du fourneau. Moi, je me suis
9 assis sur ce meubles,.j'ai mis mes pieds sur le fourneau et tout d'un coup
10 la porte s'ouvre et Mufata, la femme et son mari s'arrêtent sur le seuil
11 et me regardent. On se connaissait très bien et lui me dit "Sakib, c'est
12 toi ? "Et je lui ai dit " Oui c'est moi ". Il me dit "Ecoute, la voiture
13 est arrivée, on t'appelle, on va t'emmener à Zenica ". Je suis sorti, j'ai
14 pris place dans la voiture et nous sommes partis dans la direction de
15 Zenica, à l'hôpital.
16 M. Harmon . - Monsieur le Président, avant que
17 nous ne passions aux événements de Zenica, j'ai encore deux questions à
18 poser à Monsieur Ahmic, après quoi, si cela vous convient, nous pourrions
19 avoir la pause de 16 heures, bien sûr. Je n'ai plus que quelques questions
20 sur ce sujet dont nous traitons actuellement.
21 M. Le Président - Allez-y alors, monsieur Harmon.
22 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, vous avez dit
23 qu'il y avait deux blessés. Est-ce que vous avez vu ces deux blessés ?
24 Est-ce que vous avez pu les identifier ? Est-ce que vous pouvez nous
25 donner leurs noms et décrire leurs blessures ?
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1 M. Sakib Ahmic . - Oui, je peux. Ces deux
2 blessés étaient la fille de Esad Ahmic, Besima. Elle avait une blessure à
3 la cuisse, Besima. Et le deuxième blessé était Bilic -c'est son nom de
4 famille- qui était blessé aussi au bas-ventre.
5 M. Harmon . - Merci monsieur Ahmic. Je n'ai pas
6 d'autres questions sur ce sujet, mais j'aurai encore d'autres questions
7 après la pause.
8 M. Le Président - La pause est un peu prématurée, mais compte
9 tenu que le témoin
10 a raconté.... Nous avons commencé à quinze heures, mais d'un autre côté...
11 je me tourne vers mes collègues. Compte tenu de ce qu'a raconté le témoin,
12 est-ce que nous faisons la pause tout de suite ou non ?
13 (Les juges se consuItent.)
14 Oui, mes collègues sont d'avis que nous continuions jusqu'à 16
15 heures 20.
16 M. Harmon . - Très bien Monsieur le Président,
17 je vous remercie. Monsieur Ahmic, après votre arrivée à Zenica vous avez
18 été hospitalisé. Est-ce que vous pouvez décrire d'abord la nature de vos
19 blessures et nous dire combien de temps vous avez séjourné à l'hôpital ?
20 M. Sakib Ahmic . - J'étais en très mauvais
21 état, grièvement brûlé. J'avais les cheveux brûlés, le visage brûlé, les
22 bras complètement brûlés. J'étais dans un état terriblement grave. Mes
23 brûlures étaient très graves. Ils ont entrepris un traitement. Je suis
24 arrivé à l'hôpital le 17 avril dans l'après-midi, aux alentours de 17
25 heures. Je suis sorti de l'hôpital le ler mai 1994.
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1 M. Harmon . - Vous êtes donc resté plus d'un an
2 à l'hôpital, est-ce bien cela ?
3 M. Sakib Ahmic . - Oui Un an et vingt jours.
4 J'avais des problèmes de coeur. J'ai vraiment subi de très lourds
5 traitements, aussi bien pour les blessures que pour lecoeur. J'avais des
6 problèmes d'hypertension, j'étais dans un tel état qu'on ne me donnait pas
7 l'autorisation de circuler seul où que ce soit.
8 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, le village de
9 Pirici où habitait votre mère était-ce un village exclusivement musulman ?
10 M. Sakib Ahmic . - Oui.
11 M. Harmon . - Avez-vous parlé à votre mère une
12 fois que vous avez été hospitalisé ? Est-ce qu'elle vous a raconté ce qui
13 lui est arrivé à elle et à sa maison
14 après votre fuite du village ?
15 M. Sakib Ahmic . - Oui. Au moment où j'ai
16 quitté la maison de ma mère après mon départ, deux soldats du HVO sont
17 arrivés chez elle. Ils lui ont donné l'ordre d'abandonner sa maison. Elle
18 ne l’a pas fait, mais ils ont immédiatement commencé à fouiller
19 sa maison en cherchant ceci ou cela, un petit peu partout, et ils ont mis
20 le feu à sa maison. Elle est donc sortie à ce moment-là de chez elle. Et
21 elle a pris la direction de Zume plus bas. A Zume, elle avait deux fils
22 qui avaient chacun leur maison. Ils y habitaient. Elle avait aussi sa
23 petite-fille, la fille de sa fille, qui avait une maison à Zume aussi.
24 Elle est donc allée doucement vers Zume, elle longeait le ravin et quand
25 elle est passée devant la maison de Vidovic -je ne me rappelle pas son
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1 prénom à l'instant, est-ce que c'était Enka... Enfin ce n'est pas
2 important, mais en tout cas, dans cette maison se trouvaient son gendre et
3 sa petite fille Meira. Quand elle est arrivée ... Ah, c'était la maison de
4 Ljuba Vidovic. Ce 16 avril, Ljuba les a emmenés dans sa maison, elle les a
5 protégés contre les soldats du HVO, elle les a donc mis à l'abri et quand
6 maman est arrivée, elle l'a recueillie aussi.
7 Ljuba avait un fils au HVO, à Vitez-le-haut. Il a appelé un
8 véhicule de la Forpronu. Le véhicule de la Forpronu est arrivé et dans ce
9 véhicule ils ont pris ma mère et Meira et ils les ont transportés à
10 Zenica.
11 M. Harmon . - Cette femme qui a recueilli votre
12 mère était une Croate de Bosnie, n'est-ce pas ?
13 M. Sakib Ahmic . - Je n'ai pas compris la
14 question.
15 M. Harmon . - Cette femme qui a recueilli votre
16 mère était une Croate de Bosnie, n'est-ce pas ?
17 M. Sakib Ahmic . - Une Croate, oui, oui.
18 M. Harmon . - Que vous a dit votre mère au sujet
19 de ce qui était arrivé aux autres maisons du hameau de Pirici ? Est-ce
20 qu'elle vous a dit ce qui était arrivé à ces
21 maisons ?
22 M. Sakib Ahmic . - Ma mère m'a raconté que quand
23 ils l'ont recueillie, c'était un voisin, Covic, et un autre homme qu'elle
24 ne connaissait pas qui sont arrivés et qui ont mis le feu en sa présence à
25 la maison. Et ensuite bien sûr, toutes les maisons de Pirici
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1 ont été incendiées. Tout a brûlé.
2 M. Harmon . - Monsieur Ahmic, suite aux
3 événements du 16 avril, combien de membres de votre famille ont été tués ?
4 M. Sakib Ahmic . - De ma famille, douze membres
5 ont été tués.
6 M. Harmon . - De qui s'agit-il ?
7 M. Sakib Ahmic . - Comment ?
8 M. Harmon . - Qui sont ces personnes ? Comment
9 s'appellent-elles ? Vous en rappelez-vous ?
10 M. Sakib Ahmic . - Oui, je me rappelle. D'abord
11 de ma maison : Sukrija, Medlija, Sejo, Enver... cela fait quatre. Sukrija
12 cinq. Eso et Hajra sept. Musafir huit. Meho neuf. Islam dix, Se6k onze,
13 Suha douze. Ma petite fille, qui s'est trouvée par hasard dans le village
14 de Nadioci... j'ai entendu qu'ils ont tous été abattus.
15 M. Harmon . - Avec -l'aide de l'huissier, je
16 voudrais que les trois photographies 109/3, 4 et 5 soient montrées au
17 témoin en commençant par la photographie sans 109/3.
18 Monsieur Ahmic, pouvez-vous identifier la personne que l'on voit
19 sur la photographie, pièce à conviction 109/3 ?
20 M. Sakib Ahmic . - Oui, je peux. C'est mon frère
21 le plus jeune, Sefik
22 M. Harmon . - C'est une photographie qui a été
23 prise dans les années 60, n'est-ce pas ?
24 M. Sakib Ahmic . - Oui.
25 M. Harmon . - Peut-on maintenant passer à la
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1 photographie 109/4 ?
2 Monsieur Ahmic, ceci est une photographie qui a été prise en 1976. Pouvez-
3 vous identifier l'homme qui est montré sur cette photographie ?
4 M. Sakib Ahmic . - Oui. Sur cette photographie,
5 on voit mon frère Islam avec sa femme et leur enfant.
6 M. Harmon . - La femme de votre frère et son
7 enfant sont vivants. Ils ont survécu, n'est-ce pas ?
8 M. Sakib Ahmic . - Oui, ils sont à Zenica.
9 M. Harmon . - Enfin, monsieur Ahmic, je vous
10 demanderai de consacrer votre attention à la photographie 109/5. Qui est
11 le jeune homme que l'on voit sur cette photographie ?
12 M. Sakib Ahmic . - C'est le gendre, Muzafir
13 Poscul, mari de ma fille Suhara qui était sur la photographie avec mon
14 Sère Naser.
15 M. Harmon . - Merci beaucoup monsieur Ahmic.
16 Monsieur le Président, je demande que la pièce à conviction 50G, c'est-à-
17 dire la photographie aérienne, soit versée au dossier, ainsi que la pièce
18 à conviction de l'accusation n'.109, c'est-à-dire cette série de
19 photographies que nous venons de voir et je n'ai pas d'autre question à
20 poser à M. Ahmic.
21 M. le Président. - Dans ce cas, nous allons prendre une pause de
22 25 minutes pour permettre au témoin de se remettre, de se reposer, de se
23 détendre si tant est que cela soit possible.
24 (L'audience, suspendue à 16 heures 15 est reprise à 16 heures
25 40.)
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1
2 M. Le Président - L'audience est reprise. Faites entrer
3 l'accusé.
4 Monsieur Sakib Ahmic vous êtes dans une enceinte judiciaire,
5 dans un tribunal.
6 Vous m'entendez ?
7 M. Sakib Ahmic . - Oui, je vous entends.
8 M. Le Président - Dans un tribunal ... Vous êtes devant ce
9 Tribunal devant lequel
10 il y a un homme qui est présumé innocent. Il est donc accusé, il a donc
11 des avocats. Maintenant il convient que les avocats du général Blaskic
12 puissent vous poser les questions qu'ils souhaitent vous poser pour, bien
13 entendu, assurer la défense de leur client.
14 Vous êtes sous la protection du Tribunal et des juges qui vont
15 donc écouter le contre-interrogatoire. Si à un moment donné vous avez
16 besoin de vous reposer, n'hésitez pas à le demander au juge qui vous
17 parle. Je me tourne maintenant vers le banc de la défense pour savoir qui
18 assure le contre-interrogatoire. Maître Nobilo ?
19 M. Nobilo . - Merci monsieur le Président.
20 Bonjour Monsieur Ahmic.
21 M. Sakib Ahmic . - Bonjour.
22 M. Nobilo . - Je m'appelle Anto Nobilo, je
23 défends monsieur Blaskic. En mon nom propre, ainsi qu'au nom de mon
24 confrère, j'aurai quelques 8 questions à vous poser pour essayer peut-être
25 d'obtenir quelques informations supplémentaires qui pourraient être utiles
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1 au Tribunal.
2 Zoran, Mirjan, Vlatko et Ivica Kupreskic m'intéresse. Est-ce
3 qu'ils sont allés sur le front, dans une unité quelconque, ou bien est-ce
4 qu'ils montaient la garde simplement autour de leur maison ou bien à
5 Ahmici ?
6 M. Sakib Ahmic . - S'agissant d'Ivica Kupreskic,
7 il a été vu portant l'uniforme du HVO, mais je ne sais pas où il est allé
8 exactement. Est-ce qu'il circulait d'ailleurs dans tel ou tel village, je
9 ne sais pas.
10 M. Nobilo . - Zoran Kupreskic ?
11 M. Sakib Ahmic . - Zoran Kupreskic a été vu
12 aussi portant l'uniforme noir et je ne connais pas non plus les endroits
13 où il a pu aller.
14 M. Nobilo . - Mirjan Kupreskic ?
15 M. Sakib Ahmic . - Mirjan Kupreskic, je ne me
16 rappelle pas
17 comment il était habillé. Est-ce qu'il portait l'uniforme du HVO ou la
18 manière dont il était habillé.
19 M. Nobilo . - Vlatko ?
20 M. Sakib Ahmic . - Vlatko Kupreskic était vêtu
21 en civil, mais il m'est arrivé de le voir circuler avec un fusil Je l'ai
22 vu sortir d'une maison à 10 heures du soir, portant un fusil, avec un
23 autre homme, mais où ils allaient, je ne sais pas.
24 M. Nobilo . - Au cours des mois qui ont précédé
25 ces événements tragiques, est-ce que vous les voyiez tout le temps chez
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1 eux à la maison ? Est-ce qu'ils étaient chez eux tout le temps ou est-ce
2 que, de temps en temps, vous les perdiez de vue ?
3 M. Sakib Ahmic . - On les voyait chez eux. Mais
4 je n'avais pas la possibilité de les voir tous les jours, pour telle ou
5 telle raison, mais enfin il m'arrivait souvent de les voir. A partir de
6 mon jardin, je les voyais dans leur jardin. Enfin, je les voyais assez
7 souvent. M. Nobilo . - Ce Tamic que vous avez vu deux
8 jours avant les événements tragiques, ce Tamic, ce petit camion, était-il
9 vide ou y avait-il à l'intérieur ?
10 M. Sakib Ahmic . - Ce petit camion Tamic, d'une
11 tonne et demi à mon avis, je ne voyais pas bien la nuit ce qu'il contenait
12 ou ce qu'il ne contenait pas. Y avait-il quoi que ce soit à l'intérieur,
13 cela je ne l'ai pas vu. Mais pour l'essentiel, ce petit véhicule Tam
14 n'était pas en dur, il n'y avait pas de toit.
15 M. Nobilo . - S'il y avait quelque chose à
16 l'intérieur vous auriez donc dû le voir ?
17 M. Sakib Ahmic . - Oui, mais c'était la nuit à 9
18 heures du soir à peu
19 près. Compte tenu de la distance qui sépare mon jardin de la route qui
20 passe devant la maison de Zoran pour arriver à la maison d'Ivica
21 Kupreskic, on ne pouvait pas voir s'il y avait quoi que ce soit à
22 l'intérieur de ce véhicule ou pas.
23 M. Nobilo . - Monsieur Ahmic, vous rappelez-vous
24 la déclaration
25 que vous avez faite devant les enquêteurs du Tribunal de La Haye ? Je
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1 parle du moment où vous avez dessiné des plans du village. En page 3, vous
2 avez déclaré que le camion était vide. Est-il exact que vous ayez dit cela
3 aux enquêteurs du bureau du Procureur ?
4 M. Harmon . - Excusez-moi, est-ce que vous
5 pourriez donner la date de cette déclaration, je vous prie, monsieur ?
6 M. Nobilo . - C'est votre déclaration, mais nous
7 n'avons pas de date associée à cette déclaration. En tout cas, c'est la
8 déclaration dans laquelle on voit le dessin du plan du village d'Ahmici.
9 Monsieur Ahmic, est-ce que vous avez dit cela, ce jour-là, aux enquêteurs
10 du bureau du Procureur ?
11 M. Sakib Ahmic . - Que le véhicule TAM était
12 vide ?
13 M. Nobilo . - Oui.
14 M. Sakib Ahmic . - Je doute avoir dit cela parce
15 que je ne sais pas s'il contenait ou s'il ne contenait pas quelque chose.
16 De la distance où je me trouvais, il était impossible de voir.
17 M. Nobilo . - Bien, merci Est-ce que vous avez
18 fait partie des patrouilles qui gardaient le village ?
19 M. Sakib Ahmic . - Oui.
20 M. Nobilo . - Qui était la personne responsable
21 qui déterminait à quel moment vous alliez en patrouille ou à quel moment
22 l'un de vos voisins allait en patrouille ?
23 M. Sakib Ahmic . - Krmo Nermin.
24 M. Nobilo . - Krmo ?
25 M. Sakib Ahmic , - Oui.
Page 3180
1 M. Nobilo . - Etait-il responsable de tout le
2 village ou simplement d'une partie du village ?
3 M. Sakib Ahmic . - Simplement de la partie où
4 nous habitions.
5 M. Nobilo . - Pouvez-vous nous dire les choses
6 plus clairement, nous déterminer avec plus de précision quelle était la
7 partie du village dont était responsable Krmo ?
8 M. Sakib Ahmic . - C'est la partie du village
9 qui correspond à la photo qui se trouve 1à. Et puis, un peu plus loin
10 encore, mais de ce côté de la route, au-dessus vous avez la mosquée
11 d'Ahmici.
12 M. Nobilo . - Pourriez-vous nous montrer sur la
13 photo aérienne cette partie du village, pour que nous sachions avec plus
14 de précision de quel quartier exactement Krmo était responsable ?
15 On va vous apporter un micro. Je vous prierai de nous montrer,
16 en vous fondaat sur la pièce à conviction 50G de l'accusation, quelle est
17 la partie du village concernée.
18 M. Sakib Ahmic . - Eh bien voilà, c'est cette
19 partie-là qui correspond au no 12, ce petit hameau ici, avec ces maisons
20 et puis toute cette partie-ci.
21 M. Nobilo . - Pouvons-nous constater que les
22 maisons qui figurent en vert sur ce plan représentaient pour l'essentiel
23 le quartier qui dépendait de votre groupe s'agissant des patrouilles ? Ou
24 bien le territoire était-il plus réduit encore ?
25 M. Sakib Ahadc . - Je n'ai pas bien compris.
Page 3181
1 M. Nobilo . - Vous avez déclaré que Krmo était
2 responsable d'une partie du village.
3 M. Sakib Ahmic . - Pas du village, mais de ce
4 hameau.
5 M. Nobilo . - Ah ! de ce hameau. Mais est-ce
6 qu'il correspond à toutes les maisons qui figurent en vert ? Ou est-ce
7 qu'il est plus petit ?
8 M. Sakib Ahmic . - Il correspond à toutes les
9 maisons qui sont indiquées en vers sur la photo aérienne.
10 M. Nobilo . - Merci, Monsieur. Vous pouvez vous
11 rasseoir. Monsieur Ahmic, est-ce que votre hameau a un nom particulier qui
12 permet de le distinguer des autres parlies d'Ahmici ? M. Sakib Ahmic
13 . - Smrke, c'est comme cela qu'on l'appelle dans la
14 région.
15 M. Nobilo . - Nous pouvons dire que Krmo était
16 responsable de l'organisation des patrouilles à Smrke, c'est cela ?
17 M. Sakib Ahmic . - Oui.
18 M. Nobilo . - Pouvez-vous nous dire quels sont
19 les autres quartiers où il existait des patrouilles dans Ahmici et dans
20 quelles parties de Ahmici ?
21 M. Sakib Ahmic . - Des patrouilles étaient
22 organisées à Gornji Ahmici, donc en haut de Ahmici, et à Donje Ahmici, en
23 bas de Ahmici, à partir de la première mosquée.
24 M. Nobilo . - Qui était responsable des
25 patrouilles à Gornje Ahmici ?
Page 3182
1 M. Sakib Ahmic . - Croyez-moi, je ne le sais
2 pas.
3 M. Nobilo . - Vous savez peut-être qui était
4 responsable de l'organisation des patrouilles à Donje Ahmici, en bas de
5 Ahmici ?
6 M. Sakib Ahmic . - Pour Donje Ahmici, le village
7 en bas de Ahmici, je ne suis pas sûr rion plus de l'identité du
8 responsable qui assignait les membres des patrouilles, telle ou telle
9 nuit.
10 M. Nobilo . - Dans votre souvenir, Monsieur,
11 combien le village de
12 Ahmici comptait-il au total d'habitants ?
13 M. Sakib Ahmic . - Cela non plus, je ne peux pas
14 vous le dire.
15 M. Nobilo . - Y avait-il des réfugiés qui
16 venaient d'autres régions ?
17 M. Sakib Ahmic . - Oui, il y en avait.
18 M. Nobilo . - Savez-vous quel était leur nombre
19 approximatif ?
20 M. Sakib Ahmic . - Je ne pourrais pas vous citer
21 un chiffre, mais je sais avec certitude qu'il y en avait qui venaient de
22 Bosnie orientale, d'autres de Turbe, Vlahovici, de Krule.
23 M. Nobilo . - Pouvons-nous dire qu'un grand
24 nombre de réfugiés se sont installés à Ahmici ? Vous paraît-il justifié de
25 dire cela ?
Page 3183
1 M. Sakib Ahmic . - Oui.
2 M. Nobilo . - En 1993, quel âge aviez-vous ?
3 M. Sakib Ahmic . - Moi ?
4 M. Nobilo . - Oui.
5 M. Sakib Ahmic , - J'avais 60 ans.
6 M. Nobilo . - Vous faisiez partie des
7 patrouilles ?
8 M. Sakib Ahmic . - Je n'étais pas éngagé en
9 permanence. Mais si quelqu'un s'absentait, si un des membres de notre
10 quartier s'absentait, alors je le remplaqais. M. Nobilo
11 . - Outre ces patrouilles du village, y avait-il aussi des
12 membres des patrouilles qui faisaient partie de la Défense territoriale ou
13 de l'armée de Bosnie- Herzégovine, je veux dire des gens plus jeunes ?
14 M. Sakib Ahmie , - Il y en avait quelques-uns.
15 M. Nobilo . - Si un jeune homme de Ahmici
16 faisait partie d'une unité de Bosnie-Herzégovine, où était son
17 commandement ?
18 M. Sakib Ahmic . - A Preocica ou à Kruscica.
19 M. Nobilo . - Savez-vous où se trouvaient les
20 commandements des pelotons, des bataillons, des compagnies ?
21 M. Sakib Ahmic . - Je ne sais pas.
22 M. Nobilo . - Y avait-il un commandement
23 quelconque à Vrhovine?
24 M. Sakib Ahmic . - Je ne sais pas.
25 M. Nobilo . - Connaissiez-vous Mirsad Ahmic ?
Page 3184
1 M. Sakib Ahmic . - Oui.
2 M. Nobilo . - Etait-il commandant ?
3 M. Sakib Ahmic . - Il a été responsable, pendant
4 quelque temps, del’afffectation des patrouilles et de ce genre de choses.
5 M. Nabilo (interpétation) - Pouvons-nous dire que, pendant un
6 moment, il a été commandant pour la totalité de Ahmici?
7 M. Sakib Ahmic - Je ne sais pas exactement
8 M. Nabilo (interpétation) - Quel était le rôle dans l’armée de
9 votre voisin, Fuad Berbic?
10 M. Sakib Ahmic - A mon avis, Fuad Berbic
11 supervisait, contrôlaitles gens de rangs inférieurs qui faisaient paertie
12 de ces patrouilles
13 M. Nabilo (interpétation) - Il était donc sous le supérieur?
14 M. Sakib Ahmic - Oui, c’est ce que je dirais.
15 M. Nabilo (interpétation - On pourrait donc dire que Fuad Berbic
16 était le supérieur de ceux qui affectaient les patrouilles?
17 M. Sakib Ahmic - Oui
18 M. Nabilo (interpétation - Savez-vous s’il y a eu mobilisation?
19 Ce qui signifie que les jeunes gens n’étaient pas simplement des
20 volontaires, mais que certains ont étémobilisés au sein de la Défence
21 territoriale?
22 M. Sakib Ahmic - Je ne sais pas
23 M. Nabilo (interpétation - Harsudin Bilic, était-il un soldat?
24 M. Sakib Ahmic - Je pense que Harsudin Bilic
25 était l’un descommandants de ces patrouilles, c’est-à-dire l’un des
Page 3185
1 responsables qui affectaient les
2 membres deces patrouilles et leur indiquaient les tâches qu’elles avaient
3 à accomplir
4 M. Nabilo (interpétation - Misrad Bilic, était-il membre de la
5 Défenceterritoriale?
6 M. Sakib Ahmic - Je ne peux pas le dire avec
7 certitude.
8 M. Nabilo (interpétation - Si voud vous vous en souvenez dites-
9 le ,si vous ne vous en rappelez pas cela ne fait rien. L'avez-vous vu en
10 uniforme ?
11 M. Sakib Ahmic . - Non.
12 M. Nobilo . - Connaissez-vous Mirsad Ahmic ?
13 M. Sakib Ahmic . - Oui, je le connais.
14 M. Nobilo . - Quel rôle jouait-il ?
15 M. Sakib Ahmic . - A mon avis, son rôle était
16 identique à celui de Bilic s'agissant d'affecter ces patrouilles.
17 M. Nobilo . - Avez-veus vu Fuad Berbic porter
18 une radio et rentrer en relation par radio avec Vitez ?
19 M. Sakib Ahmic . - Oui, il en avait une.
20 M. Nobilo . - Comment était cette radio ?
21 Pouvez-vous la décrire ?
22 M. Sakib Ahmic . - Oui, je peux la décrire.
23 C'était une radio de 50 à 60 centimètres de haut, avec une antenne.
24 M. Nobilo . - Vous avez confirmé qu'il était en
25 relation avec Vitez. Savez-vous avec quelle personne il était en contact à
Page 3186
1 Vitez ?
2 M. Sakib Ahmic . - Je n'en ai pas la moindre
3 idée. Cet appareil s'est trouvé pendant un certain temps à l'école. Je le
4 sais parce qu'on m'affectait souvent à l'école,
5 avec un ami, quand quelqu'un s'absentait. Un troisièine homme travaillait
6 sur cette radio.
7 M. Nobilo . - Donc, le poste de radio était dans
8 l'école.
9 M. Sakib Ahmic . - Qu'est-ce qu'il y avait dans
10 cette école ? Un quartier général ?
11 M. Sakib Ahmic . - Je ne saurais pas vous le
12 dire.
13 M. Nobilo . - Qui venait dans cette école, où se
14 trouvait le poste de radio, quand vous étiez de permanence ?
15 M. Sakib Ahmic . - Quand j'étais de permanence,
16 personne n'est venu, sauf Hazim Ahmic qui était de permanence avec moi, et
17 un autre homme qui manipulait la radio.
18 M. Nobilo . - Outre la radio, dans cette école,
19 avez-vous vu d'autres équipements militaires ?
20 M. Sakib Ahmic . - Non, j'en suis certain à 100
21 %. Il n'y avait rien d'autre, mais absolument rien d'autre. Les gens
22 étaient mains nues.
23 M. Nobilo . - Simplement le poste de radio ?
24 M. Sakib Ahmic . - Et rien d'autre.
25 M. Nobilo . - Rasim Ahmic (?), le connaissez-
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1 vous ?
2 M. Sakib Ahmic . - Rasim ?
3 M. Nobilo . - Ahmic ?
4 M. Sakib Ahmic . - Ahmic ? Rasim Ahmic, je le
5 connais. Il était d'en bas, de Zume, en contre-bas de la route.
6 M. Nobilo . - Faisait-il lui aussi partie d'une
7 unité de la Défense territoriale ?
8 M. Sakib Ahmic . - Je n'en ai pas la moindre
9 idée.
10 M. Nobilo . - Revenons à cette école où vous
11 avez été de
12 permanence quelquefois. Cela s'est passé quand, vous en souvenez vous ?
13 Est-ce en 1993 ou plutôt en 1992, ou ces deux années-là ?
14 M. Sakib Ahmic . - Cela s'est passé en automne
15 1992.
16 M. Nobilo . - Vous avez dit que Rasim venait des
17 maisons du bas.
18 Vous connaissez Rasim ?
19 M. Sakib Ahmic . - Oui, c'était son Rère.
20 M. Nobilo . - Etait-il membre de la Défense
21 territoriale ?
22 M. Sakib Ahmic . - Je ne sais pas. En fait, je
23 sais qu'il travaillait.
24 M. Nobilo . - Vous connaissiez Rasim Ahmic ? (?)
25 M. Sakib Ahmic. - Je le connais bien. Vous
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1 m'avez posé des
2 questions à propos de trois kères. Il y en avait deux. Celui-là c'était le
3 troisième qui était cordonnier.
4 M. Nobilo . - L'autre Rère, vous le connaissiez
5 aussi ?
6 M. Sakib Ahmic . - Oui.
7 M. Nobilo . - Etait-il soldat ? Etait-il de
8 Pirici ?
9 M. Sakib Ahmic . - Je ne sais pas.
10 M. Nobilo . - Ahamojic, le connaissiez-vous ?
11 Etait-il de'Pirici ?
12 M. Sakib Alunic . - Oui.
13 M. Nobilo . - Etait-il soldat ?
14 M. Sakib Ahmic . - Je ne sais pas.
15 M. Nobilo . - Nazif, le troisième frère, se
16 trouvait-il, lui, dans l'armée ou dans la Défense territoriale ?
17 M. Sakib Ahmic . - Mais vous m'avez déjà posé
18 une questioa à propos de Nazif. Il y a Nazif, Rasim et Hazim, ce sont
19 trois Rères. Je ne sais pas, désolé j'ai oublié.
20 M. Nobilo . - Il se peut que vous vous souveniez
21 en octobre 1992 qu'il y a eu des coups de feu, quand même un aflrontement
22 au-'delà du barrage routier entre le cimetière catholique et la route
23 principale. Vous souvenez-vous de cet événement ?
24 M. Sakib Ahmic . - Non.
25 M. Nobilo . - Vous ne vous souvenez pas du tout
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1 de cet événement ?
2 M. Sakib Ahmic . - Non, je ne m'en souviens pas
3 du tout. 25 En 1992 ?
4 M. Nobilo . - Vous ne vous souvenez pas du tout
5 ? En octobre 1992 ?
6 M. Sakib Ahmic . - Je n'en ai pas la moindre
7 idée.
8 M. Nobilo . - Dites-rnoi, Zikret, votre fils, il
9 était dans la Défense territoriale ?
10 M. Sakib Ahmic . - Oui.
11 M. Nobilo . - Pourriez-vous nous dire quel était
12 son rang parce c'était un homme qui avait fait des études ?
13 M. Sakib Ahmic (interprétatien). - Je ne peux rien vous dire à
14 ce propos.
15 M. Nobilo . -. Vous ne savez pas à quelle unité
16 il appartenait ? Où il travaillait ? A quel poste ?
17 M. Sakib Ahmic . - A Vitez.
18 M. Nobilo . - Et pendant le conflit, il est
19 resté à Vitez ?
20 M. Sakib Ahmic . - Non.
21 M. Nobilo . - Encore une chose : votre fils a
22 quitté Vitez. Où est-il allé de là, à Mahala ou ailleurs ?
23 M. Sakib Ahmic . - A Zenica. Il est venu h
24 Zenica.
25 M. Nobilo . - Il est donc allé à Zenica. Merci
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1 Je ne vais pas vous torturer à nouveau. Vous n'aurez pas à décrire ces
2 actes commis à l'encontre des membres de votre famille, mais cela s'est
3 passé à quel moment ?
4 M. Sakib Ahmic . - Vous parlez du 16 avril ?
5 M. Nobilo . - Quand ceci s'est-il passé ?
6 M. Sakib Ahmic . - Le matin, à 5 heures 30, le
7 16 avril 1993.
8 M. Nobilo . - Est-ce que vous connaissez Hazim
9 Ahmic qui a construit la mosquée ?
10 M. Sakib Ahmic . - Oui.
11 M. Nobilo . - Est-ce qu'il avait une armée
12 privée à la mosquée ?
13 M. Sakib Ahmic . - Pas à ma connaissance.
14 M. Nobilo . - La veille, avez-vous vu une Lada
15 blanche avec des personnes qui venaient voir Hazim* à la mosquée ?
16 M. Sakib Ahmic . - Non.
17 M. Nobilo . - Etiez-vous à proximité de la
18 mosqude ?
19 M. Sakib Ahmic . - Je ne sais même pas où je me
20 trouvais à ce moment-là.
21 M. Nobilo . - Le 16 avril 1993, à quel moment
22 vous êtes-vous trouvé, vous, dans la grange ?
23 M. Sakib Ahmic . - Difficile, je ne me souviens
24 pas de l'heure exacte.
25 M. Nobilo . - Lorsque vous avez vu cette pièce
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1 d'artillerie lourde ou ce fusil semi-automatique qui tirait de la maison
2 des Kupreskic vers la mosquée, vous souvenez- vous de cela ?
3 M. Sakib Ahmic . - Non, je ne me souviens pas de
4 cela. Que s'est-il
5 passé ?
6 M. Nobilo . - Vous avez entendu la détonation en
7 question, mais vous ne l'avez pas vue.
8 M. Sakib Ahmic . - Non, je ne l'ai pas vue de
9 mes propres yeux.
10 M. Nobilo . - Vous avez vu toute cette région
11 entourant la nouvelle mosquée ?
12 M Sakib Ahmic . - Il n'est pas possible de voir
13 cet endroit. Ce n'est pas possible de le voir. De l'endroit où j'étais, on
14 ae pouvait pas le voir de la forêt.
15 M. Nobilo . – Quand avez-vous vu le blindé des
16 Nations unies ?
17 M. Sakib Ahmic . - Je ne me souviens pas de
18 l'heure non plus.
19 M. Nobilo . - Je ne me souviens pas de l'heure
20 précise. Vous imaginez, dans cette situation, étant donné tout ce qui se
21 passait, tout ce qui m'était arrivé, à moi, mes enfants, ma famille.
22 M. Nobilo . - Je comprends, bien sûr. Vous avez
23 parlé des chars ou des blindés qui étaient blancs. Avaient-ils un canon ou
24 pas ?
25 M. Sakib Ahmic . - Oui, ils avaient un canon.
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1 M. Nobilo . - Un gros canon, un canon de fort
2 calibre ou est-ce qu'ils avaient une mitrailleuse ?
3 M. Sakib Ahmic . - Oui.
4 M. Nobilo . - Ce n'était donc pas un char,
5 c'était un blindé qui avait un canon ?
6 M. Sakib Ahmic . - Oui.
7 M. Nobilo . - Est-ce qu'il avait des chenilles ?
8 M. Sakib Ahmic . - Oui Ce sont les mêmes deux
9 véhicules qu'on a trouvés devant chez moi et devant la maison de
10 Kupreskic,
11 M. Nobilo . - Vous avez dit être arrivé à
12 Baringa et que vous vous sentiez en sécurité, pourquoi ?
13 M. Sakib Ahmic . - Je me sentais en sécurité
14 parce que tout, dans la zone d'Ahmici et de Zume, avait été incendié. Tout
15 le monde avait été tué. L'armée du HVO a
16 tué tout le monde. Ce qui veut dire que quand je suis arrivé à la maison
17 de ma mère, ils n'étaient pas encore arrivés à Pirici, ceux du HVO. Non,
18 mais c'est à ce moment-lh, ils sont arrivés à Pirici.
19 M. Nobilo . - Je comprends bien, mais vous
20 pensiez, à Baringaj*, que vous vous sentiez en sécurité... Je comprends
21 que vous vous sentiez en danger à Pirici, mais...
22 M. Sakib Ahmic . - Parce que tout avait encore
23 été laissé intact. J'étais sûr qu'il n'y avait personne à cet endroit. Je
24 me sentais tout à fait en sécurité. Parce que tout s'était produit dans la
25 région d'Ahmici.
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1 M. Nobilo (interprdtation). - A Baringaj*, avez-vous vu l'armée
2 de Bosnie- Herzégovine établir ses positions pour vous défendre ?
3 M. Sakib Ahmic . - Vous n'avez pas vu ces
4 positions de défense ?
5 M. Sakib Ahmic . - Il n'y avait pas âme qui vive
6 à cet endroit.
7 M. Nobilo . - Vous avez dit que Jozo Covic a
8 fait brûler la maison de votre mère en compagnie d'un autre homme. D'où
9 venait-il, où vivait il ?
10 M. Sakib Ahmic . - C'était le fils de Jozo
11 Covic, je ne ine s'ouviens pas de son prénom. Il vivait à Zume. Ma mère
12 m'a dit que lorsqu'ils sont arrivés chez elle, elle a dit : "C’est le fils
13 d’Ana, le petit-fils de Nikola, de Zume"..
14 M. Nobilo . - Vous connaissiez son père ?
15 M. Sakib Ahmic . - Oui, je le connaissais bien.
16 M. Nobilo . - Pourrait-on dire que c'était un de
17 vos voisins ?
18 M. Sakib Ahmic . - Nos maisons étaient distantes
19 de 700, peut-être 800 mètres.
20 M. Nobilo . - Je vous remercie, Monsieur Ahmic,
21 je n'ai plus de questions à poser.
22 M. le Prhident. - Je me tourne à nouveau vers Monsieur le
23 Procureur pour savoir s'il a d'autres questions.
24 M. Harmon . - Non, je n'ai pas de questions.
25 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues. Monsieur le
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1 Juge Riad, vous avez peut-être quelques questions. Les Juges vont vous
2 poser quelques questions complémentaires et cela en sera terminé de votre
3 déposition.
4 C'est M. le Juge Riad qui va vous poser en premier des
5 questions. Monsieur le juge, vous avez la parole.
6 M. Riad . - Monsieur Sakib Ahmic, vous nous avez
7 dit qu'il y avait un camion devant votre maisoa, devant une autre maison
8 aussi Ce camion est parti à un moment donné. Je ne sais pas si c'est un
9 camion, un char... Puis vous avez dit que les tirs ont commencé et que les
10 tirs étaient à ce point intenses que le sol était ébranlé, que l'on
11 sentait les secousses dans le sol.
12 S'il y avait autant de coups de feu tirés, quelles étaient les
13 cibles parce que vous avez dit qu'il n'y avait aucune présence militaire
14 de l'armée à Ahmici ? Alors sur quoi tirait le HVO avec autant de force,
15 d'intensité ?
16 M. Sakib Ahmic . - Ce camion, qui est l'objet de
17 votre question Monsieur le Juge, je n'ai jamais dit qu'il y avait un
18 camion devant ma maison. Tout ce que j'ai dit, c'est que j'avais vu un
19 petit camion jaune, le 13 ou le 14 avril dans la soirée. Il devait être 9
20 heures du soir. Il était devant la maison de Ivica Kupreskic, c'est une
21 première chose.
22 Une seconde chose, j'ai entendu des coups de feu devant la
23 maison de Ivica
24 Kupreskic et je pense qu'il tirait vers la mosquée d'Ahmici-Le bas.
25 M. Jorda . - Et qu'est-ce qui a été détruit dans
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1 la mosquée ? Le minaret ? Qu'avaient-ils pour cible ? Que voulaient-ils
2 détruire à la mosquée ?
3 M. Sakib Ahmic . - Jc ne sais pas. Je ne sais
4 pas ce qu'ils voulaient
5 détruire à ce moment-là. Quoi qu'il en soit, il était manifeste, plus
6 tard, que la mosquée a été tout à fait endommagée, que le minaret touché
7 était tombé.
8 M. Riad . - Y avait-il d'autres mosquées dans la
9 région ?
10 M. Sakib Ahmic . - Oui.
11 M. Riad - Ont-elles été détruites elles aussi ?
12 M. Sakib Ahmic . - Ces mosquées ont été
13 détruites elles aussi.
14 M. Riad - Vous avez dit également que lorsque
15 Ismail et Sulejman Pezer sont sortis et sont allés dans un petit ravin, on
16 leur a tiré dessus, puis que des soldats du HVO sont arrivés à proximité
17 de ces corps et les ont fouillés. Est-ce que cela veut dire qu'il y avait
18 des soldats du HVO à proximité, au moment où ces gens ont été tués. Se
19 contentaient-ils d’observer ou ont-ils participé ces soldats du HVO ?
20 M. Sakib Ahmic . - Excusez-moi, permettez-moi de
21 répéter la question comme moi je l'ai comprise. Est-ce que vous me
22 demandez, posez une question à propos des quatre ou cinq jeunes hommes
23 qu'on trouvait près de la maison de Vlatko Kupreskic ? Est-ce à propos
24 d'eux que vous me posez la question ?
25 M. Riad - Je vous poserai une question de
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1 nature plus générale. La plupart de ces hommes, de ces gens ont été tués
2 par des individus, des particuliers, des soldats du HVO... Si j'ai bien
3 compris, s'il y avait un lien, par exemple, Zoran Kupreskic dont vous avez
4 dit qu'il était habillé de noir et avait une radio, un émetteur-radio.
5 J'aimerais savoir par qui ces gens ont été tués de façon générale.
6 M. Sakib Ahmic . - C'est l'armée du HVO qui a
7 tué ces gens.
8 M. Riad - Je vous poserai une question tout à
9 fait générale. Lorsque vous avez commencé votre déposition, vous avez dit
10 vous aviez d'excellents rapports de voisinage avec vos voisins croates,
11 mais quand est-ce que tout à basculé et que tout a commencé à aller mal, à
12 votre avis ?
13 M. Sakib Ahmic . - A vrai dire, il n'y a pas eu
14 de moment particulier où tout a basculé. Je pense que jusqu'au tout
15 dernier moment, nous avions de bons rapports de voisinage et nous n'avions
16 jamais eu le moindre doute à l'égard de nos voisins. Nous avons toujours
17 été de vrais voisins, de bons voisins. Jamais nous n'aurions pu envisager
18 qu'une telle chose se passe et qu'elle se passe vraiment comme tout ce qui
19 s'est passé le 16 avril.
20 M. Riad - Je vous remercie.
21 M. Le Président - Merci, Monsieur. le Juge. Monsieur le Juge
22 Shahabuddeen.
23 M. Shahabuddeen . - Monsieur Ahmic ?
24 M. Sakib Ahmic . -Oui.
25 M. Shahabuddeen . - Zoran Kupreskic, vous l'avez
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1 vu portant un uniforme noir, le matin du 16 avril ?
2 M. Sakib Ahmic . - Oui. Je l'ai vu dans ma
3 maison.
4 M. Shahabuddeen . - Etait-ce la première fois
5 que vous le voyiez v6tu d'un uniforme noir ?
6 M. Sakib Ahmic . - Non. Je l'avais vu avant
7 également revêtu d'un uniforme noir.
8 M. Shahabuddeen . - Cet uniforme noir, à votre
9 avis, c'était celui de quel groupe militaire ?
10 M. Sakib Ahmic . - Cet uniforme noir était
11 l'uniforme du HOS.
12 M. Shahabuddeen . - Je vois. C'était donc un
13 membre du HOS ?
14 M. Sakib Ahmic . - Oui, à mon avis, à en juger
15 par son uniforme noir. Je l'avais vu dans cet uniforme auparavant.
16 M. Shahabuddeen (in1erprétation). - Pourriez-vous nous expliquer
17 pourquoi vous nous avez dit qu'il y avait des gens du HVO qui était aux
18 alentours ? Cet homme était-il aussi
19 un membre du HVO ?
20 M. Sakib Ahmic . - Comment dire ... Je peux dire
21 que tout ce qui a été fait sur le territoire de Ahmici a été le fait de
22 l'armée du HVO et; ce jour là, le 16 avril 1993, Zoran Kupreskic qui
23 portait un uniforme noir, qui est venu chez moi, je ne sais pas pourquoi
24 il a fait ce qu'il a fait.
25 M. Shahabuddeen . - Saviez-vous à quelle
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1 organisation il appartenait auparavant ? M. Sakib Ahmic .
2 - A mon avis, en fait, je ne sais pas si je peux vraiment répondre à cette
3 question. Est-ce qu'il appartenait vraiment au HOS ou. faisait-il partie
4 de l'armée du HVO parce que quand tout ceci s'est produit le 16 avril, à
5 ce moment-là, le HOS
6 n'existait pas. Du moins à ma connaissance, le HOS avait été incorporé
7 dans l'armée du HVO. Il n'y avait donc qu'une seule armée du HVO.
8 M. Shahabuddeen . - Je vois. A l'instar de Mmtre
9 Nobilo, je ne veux pas vous faire sou5rir davantage en vous posant des
10 questions concernant certaines parties de votre récit. Je vais, dès lors,
11 vous poser une question relative h Ljuda Vidovic qui, je crois, a
12 accueilli votre mère. C'était une Croate, cette dame ?
13 M. Sakib Ahmic . - Oui.
14 M. Shahabuddeen . - Est-ce qu'il y a eu d'autres
15 Croates qui sont venus à la rescousse de Musulmans ?
16 M. Sakib Ahmic . - Personnellement, sur le
17 territoire d'Ahmici, je n'ai pas, à ce jour, entendu parler de quelconques
18 voisins croates qui aurait essayé de sauver la
19 vie de quelques Musulmans que ce soit.
20 M. Shahabuddeea . - Ce qui s'est passé, donc ce
21 secours qui a été apporté, il a été apporté, à l'extérieur, en dehors
22 d'Ahmici, c'est Ce que vous dites ?
23 M. Saldb Ahmic . - Si vous parlez de ma mère
24 c'est bien de ma
25 mère que vous parlez ?
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1 M. Shahabuddeen . - Tout à fait.
2 M. Sakib Ahmic . - C'est exactement ce qui s'est
3 passé. Cela s'est passé en dehors d'Ahmici parce que cette maison est sur
4 le territoire de Santici C'est là qu'elle a été sauvée, accueillie.
5 M. Shahabuddeen . - Une dernière question
6 portant sur les rapports entre Croates et Musulmans. Vous avez dit
7 qu'avant le 16 avril, les rapports entre ces deux communautés étaient
8 bons. C'est bien exact ?
9 M. Sakib Ahmic . - Bons, oui.
10 M. Shahabuddeen . - Vous, personnellement, vous
11 avez encore des amis croates ?
12 M. Sakib Ahmic . - Oui. J'en ai encore.
13 M. Shahabuddeen . - J'aimerais vous poser une
14 autre question à propos de ce camion jaune. Etait-ce h première fois, ce
15 jour-là, que vous voyiez ce camion jaune?
16 M. Sakib Ahmic . - Oui. C'était la première fois
17 que je le voyais.
18 M. Shahabuddeen . - Est-ce quec'était aussi la
19 dernière fois que vous l'avez vu ?
20 M. Sakib Ahmic . - Oui. Ce fut la première et
21 dernière fois.
22 M. Shahabuddeen . - Est-ce que c'était un camion
23 bâché ou est-ce que le camion n'avait rien derrière ? Etait-ce simplement
24 un fond plat ?
25 M. Sakib Ahmic . - Il n'y avait pas de bâche.
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1 C'était un petit camion TAM.
2 M. Shahabuddeen . - Quand ce cámion est-il parti
3 ? A quelle heure ?
4 M. Sakib Ahmic . - Il est arrivé dans la soirée,
5 vers 9 heures du soir, mais pour ce qui est de mes voisins, les Kupreskic,
6 ils avaient l'habitude de laisser une lampe allumée à l'extérieur,
7 partout, ils avaient la lumière toujours allumée dehors.
8 Pourtant, cette nuit-là, lorsque ce petit camion TAM est arrivé,
9 comme je vous disais, vers 9 heures le soir, pas une seule des lumières
10 extérieures n'a été allumée devant aucune des maisons de Kupreski. Le
11 camion s'est garé devant la maison de Ivica. Le lendemain, vers 7 heures,
12 je l'ai vu quitter la cour de la maison de Ivica, passer devant la maison
13 de Zoran. Là, il a klaxonné et puis il est parti vers la route principale
14 de Sarajevo et Travnik.
15 M. Shahabuddeen . - A quelle heure avez-vous
16 constaté que le camion n'était pas bâché, que l'arrière était ouvert ? A
17 l'arrivée ou au départ de ce camion ?
18 M. Sakib Ahmic . - J'ai vu que c'était un camion
19 ouvert le soir, quand il est arrivé, mais je l'ai revu le matin. Si je
20 vous dis aussi qu'il était ouvert ce camion le soir, ce que je veux dire
21 c'est ceci : lorsqu'il est arrivé dans la cour de la maison d'Ivica, le
22 père d'Ivica, ou plutôt sa maison, c'était allumé à l'intérieur, à une
23 fenêtre puis à une autre fenêtre. Ce qui veut dire que lorsque le camion
24 est arrivé dans la cour de la maison d'Ivica. Etant donné la maison
25 éclairée de son père, j'ai vu que le camion n'était pas bâché, c'était
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1 ouvert à l'arrière. Et je l'ai vu aussi le matin.
2 M. Shahabuddeea . - Je vous remercie.
3 M. Sakib Ahmic . - C'est moi qui vous remercie.
4 M. le Président. - Je crois que le juge Riad a encore quelques
5 questions à vous
6 poser.
7 M. Riad . - Monsieur Ahmic, j'aimerais que vous
8 me donniez une réponse précise. Vous avez fait une déclaration à Maitre
9 Nobilo. Vous avez dit que vous vous étiez échappé parce que le HVO, et je
10 vous cite : "paree que le HVO a tué tout le monde". Est-
11 ce que cela veut dire qu'il y a eu une extermination généralisée ?
12 M. Sakib Ahmic . - Oui.
13 M. Riad . - Est-ce bien ce que vous entendez par
14 là ?
15 M. Sakib Ahmic . - Ils ont tué tous ceux qu'ils
16 ont rencontrés. Ainsi, il y a certaines personnes qui ont survécu, des
17 femmes, des enfants, mais la plupart des gens ont été tués et toutes les
18 maisons musulmanes ont été mises à feu.
19 M. Riad . - Je vous remercie.
20 M. le Président. - Voilà, à présent la déposition est terminée
21 Monsieur Ahmic, cela était une journée bien longue pour vous. Est-ce que
22 vous avez le sentiment d'avoir dit tout ce que vous aviez à dire au
23 Tribunal ? Est-ce que vous avez envie d'ajouter quelque chose sinon, si
24 vous n'avez rien envie d'ajouter, la déposition est à présent terminée.
25 M. Sakib Ahmic . - Si vous me donnez cette
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1 permission, je tiens à remercier tout le Bureau, tout le Tribunal Je tiens
2 à remercier tout un chacun pour la faqon tout à fait honnête et équitable
3 dont vous m'avez traité, de la faqon dont vous avez posé les questions. Je
4 vous remercie.
5 M. le Président. - Monsieur le Greflier, nous pouvons faire
6 raccompagner M.Sakib Ahmic tout en souhaitant que le reste de son
7 existence soit empreinte de sérénité et de cahne après ces événements
8 tragiques. Ensuite, nous demanderons au Procureur d'introduire le témoin
9 suivant.
10 M. Sakib Ahmic . - Pour ma part,
11 personnellement, je souhaite à tout le monde justement la meilleure
12 réussite. Merci à toutes ces personnes que j'ai vues ces
13 deux ou trois derniers jours, à La Haye, aux Pays-Bas. Je vous remercie.
14 (Le témoin est conduit hors de la salle par l'Huissier).
15 M. le Président. - Monsieur le Procureur ?
16 M. Harmon . - Notre témoin suivant sera Elvir
17 Ahmic. Nous
18 n'avions pas prévu de commencer l'interrogatoire maintenant, nous
19 aimerions commencer demain, si vous le permettez.
20 M. le Président. - Parce que le témoin n'est pas là, si j'ai
21 bien compris ?
22 M. Harmon . - Monsieur le Président, il vient
23 juste d'arriver. Il se trouve dans le bâtiment.
24 (Les juges se consultent.)
25 M. le Président. - Mes collègues et moi-même sommes d'avis, dans
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1 ces conditions, de reprendre demain matin à 10 heures. Essayez, peut-être,
2 à l'avenir, si possible, Monsieur le Procureur, de faire en sorte qu'il
3 n'y ait pas trop de perte de temps de cette nature. C'est, effectivement,
4 du temps qui peut être consacré au témoignage. Cela étant, nous
5 l'enregistrons comme tel. L'audience est donc suspendue et reprendra
6 demain matin à 10 heures.
7 (L'audience est levée à 17 heures 30).
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