Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL   AFFAIRE N° IT-95-14-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Mardi 11 novembre 1997

  4   L'audience est ouverte à 10 heures.

  5   M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

  6   vous pouvez faire rentrer l'accusé s'il vous plaît.

  7   La cabine d'interprétation est-elle prête ?

  8   L'interprète. - Oui. Bonjour, Monsieur le Président.

  9   M. le Président. - Tout le monde m'entend ? Est-ce que le

 10   Procureur m'entend ? La défense ?

 11   Monsieur Blaskic, m'entendez-vous ?

 12   M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Messieurs les Juges. Je

 13   vous entends fort bien.

 14   M. le Président. - Nous allons poursuivre avec le contre-

 15   interrogatoire du colonel Brian Watters.

 16   Monsieur le Greffier, pouvez-vous faire introduire le témoin

 17   pour le contre-interrogatoire ?

 18   Monsieur le Procureur ?

 19   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, pouvons-nous

 20   passer en session privée pour revenir sur le problème que nous avons

 21   abordé hier et pour tout ce que le bureau du Procureur a déclaré au cours

 22   de l'après-midi d'hier ?

 23   M. le Président. - Vous ne voulez pas que l'on termine ce

 24   contre-interrogatoire ?

 25   Maître Hayman, qu'en pensez vous ? Il ne faut quand même pas


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  1   bouleverser en permanence. Il me semblait que nous étions interrompus à un

  2   moment du contre-interrogatoire. Maître Hayman, quel est votre point de

  3   vue sur la question ?

  4   M. Hayman (interprétation). - Je ne sais absolument pas de quoi

  5   il s'agit exactement ? S'agit-il des interprètes ? Quels sont les

  6   problèmes qui vont être abordés ?

  7   M. le Président. - Pour savoir quels sont les problèmes qui vont

  8   être abordés, je vais demander au greffier de passer en session privée.

  9   (Passage en session privée.)

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 19   (L'audience se poursuit en session privée.)

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  1   (expurgée)

  2   (Fin de la session privée.)

  3  

  4   (L'audience se poursuit en séance publique.)

  5   M. Hayman (interprétation). - Pour mettre les juges au courant,

  6   je pense en avoir terminé avec mon contre-interrogatoire après la pause de

  7   la matinée, avant la pause déjeuner en tout cas.

  8   M. le Président. - Merci. Peut-être pourrions-nous faire entrer

  9   maintenant le témoin.

 10   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

 11   M. le Président. - Colonel Watters, m'entendez-vous ?

 12   M. Watters (interprétation). - Oui.

 13   M. le Président. - Vous êtes-vous reposé ?

 14   M. Watters (interprétation). - Oui merci.

 15   M. le Président. - Nous allons commencer le contre-

 16   interrogatoire du colonel. Maître Hayman, vous avez la parole.

 17   M. Hayman (interprétation). - Bonjour, colonel Watters.

 18   M. Watters (interprétation). - Bonjour, Monsieur.

 19   M. Hayman (interprétation). - Pour commencer, lors de la

 20   préparation de votre témoignage, avez-vous eu l'occasion de revoir

 21   certains documents, des journaux, des notes, des archives, des rapports,

 22   ce type de documents ?

 23   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

 24   M. Hayman (interprétation). - Quel type de documents avez-vous

 25   consulté ?


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  1   M. Watters (interprétation). - Je me suis penché sur les

  2   rapports militaires d'information qui avaient été établis par notre agence

  3   d'information, par notre unité d'information dans le régiment du Cheshire.

  4   Je suis revenu sur les rapports qui étaient établis quotidiennement et

  5   j'ai également consulté les carnets radio de certaines unités de bataille.

  6   M. Hayman (interprétation). - Les exemplaires des documents que

  7   vous avez

  8   consultés avaient-ils été expurgés ou censurés, ou bien

  9   s'agissait-il d'exemplaires complets ?

 10   M. Watters (interprétation). - Ils étaient complets.

 11   M. Hayman (interprétation). - La consultation de ces documents

 12   vous a-t-elle permis de vous rafraîchir la mémoire concernant les

 13   événements que nous étudions en ce moment ?

 14   M. Watters (interprétation). - J'ai réussi à rétablir une 

 15   certaine chronologie parce que j'avais un peu de mal, quatre ans après, à

 16   rétablir l'ordre dans lequel les événements s'étaient produits.

 17   M. Hayman (interprétation). - Donc au moment de déposer ici,

 18   vous vous êtes appuyé sur ce que vous aviez trouvé dans ces documents.

 19   M. Watters (interprétation). - En effet.

 20   M. Hayman (interprétation). - Quel type de documents radio avez-

 21   vous consulté ?

 22   M. Watters (interprétation). -  J'ai surtout consulté les

 23   transmissions qui avaient été établies à partir du 16 avril et jusqu'au

 24   21 avril.

 25   M. Hayman (interprétation). - Et pour ce qui est des rapports


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  1   d'information militaires, etc., est-ce que vous avez consulté tous les

  2   rapports qui avaient été établis pendant votre séjour dans le théâtre des

  3   opérations ?

  4   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet, mais j'ai

  5   également consulté les documents ayant trait à des événements qui se sont

  6   passés avant mon arrivée. Mais quatre ans après, il est naturel que nombre

  7   d’informations disparaissent de la mémoire d'un individu.

  8   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez également eu

  9   la possibilité de consulter ce type de documents avant de faire vos

 10   déclarations aux représentants du bureau du Procureur  ?

 11   M. Watters (interprétation). - Oui, parce que nous, en tant que

 12   bataillon, nous

 13   avons des exemplaires des originaux de ces documents.

 14   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez pu recevoir

 15   ces déclarations, l’une ou plusieurs de vos déclarations avant de venir

 16   déposer devant le Tribunal ?

 17   M. Watters (interprétation). - Aujourd'hui non, mais hier oui.

 18   M. Hayman (interprétation). - Merci.

 19   Je vais maintenant vous poser un certain nombre de questions

 20   pour ce qui est du contrôle des routes qui étaient en place en Bosnie

 21   centrale. Connaissez-vous la colline près de Dubravica qui surplombe la

 22   route Vitez-Travnik ?

 23   M. Watters (interprétation). - Oui effectivement, je la connais.

 24   Nous l'appelions la route de montagne. C'est la route qui va de Dubravica

 25   à Zenica.


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  1   M. Hayman (interprétation). - En fait, je parle de la route qui

  2   va de Vitez à Travnik.

  3   M. Watters (interprétation). - Je la connais très bien cette

  4   route, oui.

  5   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que Dubravica trouve au

  6   nord de cette route et à l'ouest, au nord-ouest de la base de la FORPRONU

  7   à Bila ?

  8   M. Watters (interprétation). - Il faudrait que je m'en assure en

  9   consultant la carte.

 10   M. Hayman (interprétation). - Je suis désolé de vous demander de

 11   vous lever dès le début de votre témoignage, mais veuillez vous lever et

 12   consulter la carte, s'il vous plaît.

 13   (Le témoin consulte la carte.)

 14   Cet emplacement n'apparaît pas sur la carte de l'accusation,

 15   Monsieur le Juge. Avez-vous trouvé cette colline ?

 16   M. Watters (interprétation). - S'il s'agit de la montagne qui se

 17   trouvait derrière Stari Bila, oui, je connais cet emplacement.

 18   M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous nous dire où se

 19   trouve cette montagne par rapport au camp ?

 20   M. Watters (interprétation). - Juste à l’est de notre base.

 21   M. Hayman (interprétation). - Fort bien. Diriez-vous donc que

 22   cette montagne surplombe la route qui va de Vitez à Travnik à ce moment-

 23   là ?

 24   M. Watters (interprétation). - Oui en effet.

 25   M. Hayman (interprétation). - Et diriez-vous que cette route qui


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  1   va de Vitez à Travnik est une route qui a importance stratégique militaire

  2   très notable pour le HVO aussi bien que pour l'armée de Bosnie

  3   Herzégovine.

  4   M. Watters (interprétation). - En effet.

  5   M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé sur le

  6   théâtre des opérations, vous a-t-on informé des efforts déployés par

  7   l'armée de Bosnie-Herzégovine pour s'assurer d'un contrôle de cette

  8   colline près de Gorbavica ?

  9   M. Watters (interprétation). - Je n'ai jamais vu quoi que ce

 10   soit qui me permettait de dire qu'il y avait un contrôle de l'armée sur la

 11   colline. Nous-mêmes, nous surveillions cette colline, puisque nous

 12   établissions une route d'hélicoptères pour pouvoir évacuer nos blessés.

 13   Effectivement, cette montagne a un emplacement assez stratégique dans la

 14   région, mais je ne me souviens pas avoir observé des positions de l'armée

 15   de Bosnie-Herzégovine sur cette montagne.

 16   M. Hayman (interprétation). - Je vais demander l'assistance de

 17   l'huissier et placer un document devant le témoin. Mais j'ai l'impression

 18   que notre huissier est sorti pour le moment. Je vais donc me permettre de

 19   procéder à cette préparation moi-même.

 20   Monsieur le Président, il s'agit d'un document de quatre pages.

 21   Certaines parties de ce document ont été expurgées avant communication à

 22   la défense. Ce qui m'intéresse pour les travaux d'aujourd'hui, c'est la

 23   dernière page. Je vais tout lire si le bureau du Procureur le souhaite.

 24   Sinon, je propose que nous mettions les trois premières pages de côté et

 25   que nous nous concentrions sur la quatrième. Est-ce que le rétroprojecteur


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  1   peut être allumé, s'il vous

  2   plaît ? J'aimerais que l'on place la première page sur le

  3   rétroprojecteur, notamment la partie du haut.

  4   Colonel, j'attire votre attention sur ce qui est écrit en haut

  5   de cette page, la partie manuscrite. Je parle de la partie manuscrite qui

  6   se trouve tout en haut du document. On y lit : "Cheshire Mil Infos, 090,

  7   28 janvier 1993".

  8   Maintenant, si nous pouvons passer à la quatrième et dernière

  9   page de ce document, s'il vous plaît. Je vous remercie colonel. Je vais

 10   lire : "Les troupes de l'armée de Bosnie-Herzégovine continuent à établir

 11   un certain nombre de positions de défense sur la ligne Gorbavica-Buldo (?)

 12   GR 2 0 9 9 5 4 qui surplombe l’école de Bila. Commentaire : cet

 13   emplacement domine la route principale allant de Travnik à Vitez".

 14   En ce premier lieu, êtes-vous d'accord pour dire que ce

 15   document, bien qu'ayant été expurgé, est bien un rapport de la cellule

 16   d'informations militaires de votre régiment

 17   M. Watters (interprétation). - Oui en effet.

 18   M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que

 19   cette référence qu'il est fait à la quatrième page est une référence à la

 20   montagne qui se trouve près de l'école de Gorbavica ?

 21   M. Watters (interprétation). - Oui.

 22   M. Hayman (interprétation). -  Avez-vous jamais pu observer ces

 23   positions de défense auxquelles il était fait référence ici ?

 24   M. Watters (interprétation). - Le rapport avait été établi avant

 25   mon arrivée. En fait, il couvrait la période des combats qui ont eu lieu


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  1   dans la vallée de Kiseljak et près de Busovaca, si je me rappelle bien.

  2   Pour autant que je m'en souvienne, il n'y a eu aucun combat

  3   vraiment important auprès de l'école de Bila à ce moment-là. Il me semble

  4   également qu'il faut que je replace ces rapports de la cellule

  5   d'information en contexte. Par exemple, le commentaire est tout à fait

  6   important. Ces rapports établissaient une synthèse de toutes les

  7   informations que nous obtenions lors de nos patrouilles et de nos contacts

  8   avec la population locale. Ces informations étaient rassemblées par un

  9   caporal qui faisait partie du service d’information de notre régiment et

 10   ce commentaire est formulé soit par le capitaine, soit par le sergent, et

 11   il porte sur la pertinence de certaines informations.

 12   La fiabilité de l’information était généralement établie par le

 13   fait que l'on stipulait qu'il s'agissait d'une information obtenue par une

 14   source, sans préciser de quelle source il s'agissait. Mais généralement,

 15   lorsque ce type d'indications apparaissait, cela signifiait que

 16   l’information ne pouvait pas absolument être vérifiée. Une source à peu

 17   près fiable, c'est-à-dire une source d’information à laquelle on pouvait

 18   par la suite faire référence pour s'assurer de la qualité de

 19   l'information, était stipulée comme étant uen source d'information précise

 20   et pertinente. Il était possible de vérifier l'information qui était

 21   donnée.

 22   Par exemple, c'était peut-être un de nos propres officiers qui

 23   avait fourni cette information. Il faut absolument lire chaque rapport

 24   quotidien parce qu'en fait chaque partie des rapports peut refléter ou

 25   contredire une autre partie de rapport. Donc ce n'est pas forcément une


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  1   image très fidèle des faits. Souvent, il s'agit simplement d'un résumé de

  2   ce que nous avions vu ce jour-là.

  3   L'interprète. - Est-ce que le témoin pourrait ralentir ?

  4   M. Watters (interprétation). - Je m’excuse. Les commentaires et

  5   le contenu de ces rapports étaient souvent, en fait, faux. On s'en

  6   apercevait lorsqu'on procédait à une vérification de l'information. Je ne

  7   dis pas que cet extrait en particulier est faux ou est inexact. Je veux

  8   simplement dire que dans le contexte de l'époque, tous les rapports

  9   établis par la cellule d'informations militaires n'étaient pas absolument

 10   dignes de foi, ou étaient crédibles.

 11   M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie.

 12   Est-ce que vous seriez d'accord et est-ce que vous partagez le

 13   commentaire qui est

 14   fait sur ce document selon le lequel cette montagne ou cet

 15   emplacement domine la route ?

 16   M. Watters (interprétation). - Oui, elle domine la route, mais

 17   cela ne domine pas toute la route.

 18   M. Hayman (interprétation). - Je comprends, d'après ce que vous

 19   avez dit à l'instant, que comme ce rapport d’informations militaires a été

 20   très expurgé, il est difficile de déterminer l'importance réelle et la

 21   pertinence de ce document, n'est-ce pas ?

 22   M. Watters (interprétation). - Il faudrait que je puisse lire

 23   tout le rapport d’informations militaires pour savoir quelle était la

 24   situation qui prévalait ce jour-là.

 25   M. Hayman (interprétation). - Et c'est naturellement ce que


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  1   ferait toute personne qui se pencherait sur un rapport d’informations

  2   militaires et qui esssaierait d'en tirer des informations utiles, n'est-ce

  3   pas ?

  4   M. le Président. - Je vous signale que le débit des questions-

  5   réponses est très rapide et que notamment les transcripteurs français ne

  6   peuvent pas suivre. Non seulement, les interprètes mais les

  7   transcripteurs, ce qui fait que le compte rendu prend du retard et parfois

  8   même un retard qu'il est difficile de combler.

  9   M. Hayman (interprétation). - Nous allons essayer de ralentir le

 10   rythme, Monsieur le Président. Je vous remercie.

 11   Je vais continuer à examiner le reste de ce rapport

 12   d'informations militaires avec le témoin, mais tout d'abord je voudrais le

 13   verser ou verser tout ce que nous avons à étudier pour le moment.

 14   M. Watters (interprétation). - Puis-je ajouter quelque chose ?

 15   M. Hayman (interprétation). - Je vous en prie.

 16   M. Watters (interprétation). - Lorsque je suis arrivé dans

 17   l'école de Vitez, il y avait des preuves ou des traces de positions de

 18   défense sur la colline. Elle n'était pas occupée au

 19   moment où moi je me trouvais près de l’école de Vitez. En fait,

 20   les seuls moments où ces positions de défense ont été occupées, c'est dans

 21   la période allant du 16 au 25 avril.

 22   Des mortiers avaient été établis tout autour de cette zone et

 23   des mortiers sont tombés sur l’école et près de cet emplacement. Nous

 24   n'avons jamais établi qui avait tiré ces mortiers.

 25   M. Hayman (interprétation). - Mais des mortiers ont été tirés


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  1   sur cette montagne de Grbavica pendant la période à compter du 16 avril ?

  2   M. Watters (interprétation). - En effet. Il n'y avait personne

  3   sur la colline.

  4   M. Hayman (interprétation). - Je demande le versement au dossier

  5   de ce document.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que le conseil de la défense

  7   demande le versement au dossier de l'intégralité du dossier, y compris les

  8   parties qu'il n'a pas abordées ?

  9   M. Hayman (interprétation). - Je demande le versement au dossier

 10   de l'intégralité du document, mais pour l'instant... Non, je demande le

 11   versement au dossier de l'intégralité du document.

 12   M. Kehoe (interprétation). - C'était simplement pour que tout

 13   soit clair. Je vous remercie.

 14   M. le Président. - Vous demandez donc le versement de

 15   l'intégralité du document ?

 16   M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 17   M. le Président. - Je ne sais plus très bien où nous en sommes,

 18   j’ai en tout cas un peu perdu le fil, sur cette question de savoir si nous

 19   versons l'intégralité des documents lorsqu'en fin de compte l'une des

 20   parties ne cite qu'une partie des documents a déjà été abordée. J'observe

 21   que, pour l'instant, les deux parties sont d'accord pour verser

 22   l'intégralité du document. Je crois d'ailleurs que c'était la position

 23   qu'avaient adoptée les deux juges, donc nous versons l'intégralité des

 24   documents.

 25   Monsieur le Greffier ?


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  1   M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce D 62, la pièce D 61

  2   étant le film transparent qui se trouve actuellement sur le chevalet.

  3   M. le Président. - Merci.

  4   M. Hayman (interprétation). - Hier, vous avez parlé de réfugiés

  5   à un moment donné.

  6   M. Watters (interprétation). - En effet.

  7   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez entendu

  8   parler de réfugiés provenant de la région de la Krajina qui seraient

  9   arrivés dans la région de la vallée de la Lasva ?

 10   M. Watters (interprétation). - Non, pas particulièrement, cela

 11   ne me dit pas grand-chose.

 12   M. Hayman (interprétation). - Au cours de vos patrouilles, avez-

 13   vous entendu parler de la première brigade de la Krajina de l'armée de la

 14   Bosnie-Herzégovine ?

 15   M. Watters (interprétation). - Aujourd’hui, je ne m'en  souviens

 16   pas. Je suis désolé.

 17   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous entendu parler de la

 18   septième ou de la vingt-septième brigade de la Krajina au cours de vos

 19   patrouilles ?

 20   M. Watters (interprétation). - J'ai entendu parler de la défaite

 21   de la Krajina, mais de là à me souvenir de brigades en particulier, non.

 22   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que cela comprendrait la

 23   305ème brigade Jajce qui faisait partie de la brigade de la Krajina ?

 24   M. Watters (interprétation). - Je me rappelle d'une brigade

 25   Jajce qui se trouvait dans les environs de Gornji Vakuf. Je me rappelle


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  1   que c’était un élément gênant, une présence gênante et nous avons essayé

  2   de les déloger.

  3   M. Hayman (interprétation). - Sa présence était gênante parce

  4   qu'il s'agissait de forces extérieures ?

  5   M. Watters (interprétation). - Dans le cadre des efforts

  6   déployés par le bataillon britannique pour établir un cessez-le-feu à

  7   Gornji Vakuf, l'une des objections élevées par le HVO était précisément

  8   une objection à la présence de cette brigade de Jajce parce que, d'après

  9   eux, cette présence de la brigade faussait l'équilibre de pouvoirs qui

 10   existait dans la région de Gornji Vakuf. Ils voulaient, comme ils l'ont

 11   écrit, que cette brigade extérieure soit déplacée hors du secteur de

 12   Gornji Vakuf, parce qu'en fait  le HVO déclarait que cela l'empêchait

 13   d'établir un cessez-le-feu.

 14   M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre patrouille, est-

 15   ce que vous avez appris que le quartier général de réserves du Troisième

 16   corps se trouvait à Preocica ?

 17   M. Watters (interprétation). - Non.

 18   M. Hayman (interprétation). - Hier, parfois vous avez parlé

 19   d'une minorité musulmane dans la vallée de la Lasva. La composition de la

 20   population dans cette vallée avant le début du conflit ou avant 1993

 21   était-elle d’environ 50/50.

 22   M. Watters (interprétation). - Je suis désolé, je ne peux pas

 23   répondre à cette question. Je ne sais pas. Peut-être que c'était cela,

 24   mais je ne suis pas sûr. Il faudrait définir les limites de la vallée de

 25   la Lasva.


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  1   M. Hayman (interprétation). - Très bien. Hier, vous avez parlé

  2   de mortiers.

  3   M. Watters (interprétation). - Oui.

  4   M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que

  5   certains mortiers étaient contrôlés par une unité d'artillerie ou par un

  6   groupe d'artillerie, alors que d'autres mortiers étaient des mortiers

  7   d'infanterie ?

  8   M. Watters (interprétation). - Oui, c'est exact.

  9   M. Hayman (interprétation). - Et quelle taille, quel était le

 10   calibre des mortiers

 11   contrôlés par l'infanterie ?

 12   M. Watters (interprétation). - C'est assez difficile à dire.

 13   Peut-être 60 millimètres ou moins. Mais il faudrait contrôler cela. Peut-

 14   être que c'était ce type de calibre qui était contrôlé par l'infanterie.

 15   En tout cas, c'est le cas au sein de l'armée britannique. Entre 60 et

 16   90 millimètres, ce type de mortier serait alors classé comme pièce

 17   d'artillerie et serait contrôlé par les unités d'artillerie.

 18   M. Hayman (interprétation). - Donc les 60 à 80 millimètres

 19   pourraient être contrôlés soit par l’infanterie, soit par l'artillerie,

 20   n'est-ce pas ?

 21   M. Watters (interprétation). - . Oui, en tout cas dans l'armée

 22   britannique.

 23   M. Hayman (interprétation). - Et savez-vous ce qui se passait

 24   dans l'ex-JNA ? A qui ces mortiers seraient-ils attribués ?

 25   M. Watters (interprétation). - Je pense que dans la JNA, ce


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  1   serait à peu près la même chose que dans l'armée britannique.

  2   M. Hayman (interprétation). - Quant aux grenades et aux obus, à

  3   votre avis seraient-ils plutôt contrôlés par l'infanterie ?

  4   M. Watters (interprétation). - Oui, j'en ai vu effectivement qui

  5   étaient contrôlés par l'infanterie au sein de l'armée de Bosnie-

  6   Herzégovine et du HVO en Bosnie.

  7   M. Hayman (interprétation). - Hier, vous avez parlé de

  8   M. Kordic.

  9   M. Watters (interprétation). - Oui.

 10   M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous donner un exemple

 11   d'une situation dans laquelle le colonel Blaskic n'a pas pu résoudre les

 12   problèmes et à l'occasion de laquelle vous vous êtes adressé à M. Kordic ?

 13   M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement. Il y avait un

 14   convoi qui venait de la direction d'un dépôt d'aide humanitaire à Zenica

 15   et qui allait vers Travnik. Le convoi a été arrêté au carrefour de la

 16   route, à un point de contrôle de la route allant de Busovaca à Vitez et

 17   le jeune officier qui commandait le convoi n'a pas pris les

 18   mesures nécessaires. Il transportait des mines antichars et, en fait, il a

 19   mal manoeuvré son Warrior et il a bloqué le mouvement du convoi. Les

 20   soldats du HVO sont montés dans le véhicule, ont menacé les personnes et

 21   ont même blessé le chauffeur avec leurs armes. Ils lui ont ordonné

 22   également de contourner le Warrior. En fait, ces véhicules ont été emmenés

 23   à Busovaca et ils ont été laissés là-bas.

 24   M. Hayman (interprétation). - Donc ils ont été détournés en

 25   fait ?


Page 3491

  1   M. Watters (interprétation). - Oui, c’est un peu cela. Oui.

  2   C'est la description que nous avons reçue. Et l'officier qui commandait le

  3   convoi à ce moment-là a déclaré que ce convoi avait reçu l'autorité de

  4   faire cela du commandant régional du HVO, c'est-à-dire de M. Blaskic,

  5   qu'il avait reçu l'autorisation de traverser cette zone en toute sécurité.

  6   Le commandant a répondu à ce moment-là : "Nous ne recevons pas nos ordres

  7   de Blaskic. Nous recevons nos ordres de Kordic".

  8   M. Hayman (interprétation). - Les personnes qui vous ont dit

  9   cela étaient-elles en uniforme ?

 10   M. Watters (interprétation). - Oui.

 11   M. Hayman (interprétation). - Quelle sorte d'uniformes ?

 12   M. Watters (interprétation). - Là encore, je n'assistais pas à

 13   la scène. On m'a dit simplement qu'ils portaient des uniformes noirs.

 14   M. Hayman (interprétation). - Et vous les a-t-on décrits comme

 15   des soldats du HVO ?

 16   M. Watters (interprétation). - Nous décrivions tout le monde

 17   comme des personnes du HVO, toutes les personnes qui étaient croates. Nous

 18   savions qu'il y avait d’autres unités du HVO, des unités HOS par exemple,

 19   qui portaient une tenue un peu différente de celle des soldats du HVO.

 20   Mais pour que les choses soient simples, quand nous expliquions les

 21   choses à nos jeunes officiers, nous parlions des Musulmans en

 22   tant que soldats du BIH et des Croates en tant que soldats du HVO.

 23   M. Hayman (interprétation). - Et les informations que vous

 24   receviez ou que vous avez reçues sur cet incident en particulier étaient

 25   que les troupes du HVO portaient un uniforme noir, n'est-ce pas ?


Page 3492

  1   M. Watters (interprétation). - Oui.

  2   M. Hayman (interprétation). - Concentrons-nous maintenant sur le

  3   16 avril. Ce matin-là, vous vous êtes rendu à Vitez, n'est-ce pas ?

  4   M. Watters (interprétation). - Oui.

  5   M. Hayman (interprétation). - Et là, vous avez vu certains

  6   cadavres, n'est-ce pas ?

  7   M. Watters (interprétation). - Oui.

  8   M. Hayman (interprétation). - Vous avez vu certains cadavres

  9   dans une zone de Vitez que vous caractérisiez comme étant la partie

 10   musulmane de Vitez ?

 11   M. Watters (interprétation). - Oui.

 12   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu également cinq corps

 13   dans ce que vous diriez être la partie croate de Vitez ?

 14   M. Watters (interprétation). - Je ne savais pas très bien si ces

 15   cinq corps étaient au-delà de Vitez, c'est-à-dire dans les environs de

 16   Vitez. Lorsqu'on sortait de Vitez, on tournait à droite et ces corps

 17   étaient sur la gauche. En tout cas, c'était à l'extérieur des deux zones

 18   définies que nous connaissions comme étant croate ou musulmane, donc je ne

 19   pouvais pas faire de commentaire, je ne pouvais pas dire si ces corps

 20   étaient des corps de Musulmans ou de Croates.

 21   M. Hayman (interprétation). - Et ce matin-là, vous êtes allé à

 22   Stari Vitez et vous avez rencontré Sefkija Dzidic, n'est-ce pas ?

 23   M. Watters (interprétation). - Oui.

 24   M. Hayman (interprétation). - Que vous a-t-il dit ?

 25   M. Watters (interprétation). - Il ne comprenait pas très bien la


Page 3493

  1   situation. Il était dans un combat défensif et il tenait à ce qu'un

  2   cessez-le-feu soit conclu. Il voulait lui-même venir à Vitez afin de

  3   négocier ce cessez-le-feu.

  4   M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des soldats à son

  5   quartier général ?

  6   M. Watters (interprétation). - Eh bien, maintenant que j'y

  7   pense, c'est étrange parce qu'il y avait très peu de soldats dans son

  8   quartier général. Ils occupaient sans doute des positions sur les sommets

  9   musulmans de la ville.

 10   M. Hayman (interprétation). - Combien en avez-vous vu là-bas ?

 11   M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas. Très peu. Deux,

 12   trois ?

 13   M. Hayman (interprétation). - Armés ?

 14   M. Watters (interprétation). - Oui.

 15   M. Hayman (interprétation). - Quels types d'armes ?

 16   M. Watters (interprétation). - Des fusils A 47 normaux.

 17   M. Hayman (interprétation). - Et Djidic vous a dit clairement

 18   qu'il défendait la ville de Stari Vitez, n'est-ce pas ?

 19   M. Watters (interprétation). - Oui.

 20   M. Hayman (interprétation). - Et vous a-t-il dit que, jusque-là,

 21   ces attaques avaient été couronnées de succès ou plutôt sa défense contre

 22   les attaques du HVO ?

 23   M. Watters (interprétation). - Oui.

 24   M. Hayman (interprétation). - Et vous savez personnellement que

 25   cette offensive a été couronnée de succès le 16 ?


Page 3494

  1   M. Watters (interprétation). - Oui.

  2   M. Hayman (interprétation). - Le 17 ?

  3   M. Watters (interprétation). - Oui.

  4   M. Hayman (interprétation). - Et jusqu'à la fin de votre

  5   présence là-bas en mai 1993 ?

  6   M. Watters (interprétation). - Oui.

  7   M. Hayman (interprétation). - Vous avez également visité l'hôtel

  8   Vitez le matin du 16 avril 1993, n'est-ce pas ?

  9   M. Watters (interprétation). - Je ne me rappelle pas, je ne

 10   crois pas. Peut-être que je l'ai fait, mais peut-être que je n'ai pas pu

 11   trouver la personne à qui je devais m'adresser. Je suis allé à un bâtiment

 12   qui abritait un cinéma, un peu à l'arrière du village, qui était le

 13   quartier général du HVO de Vitez, contrairement à l'hôtel Vitez qui était

 14   le quartier général du commandement régional de Bosnie centrale.

 15   M. Hayman (interprétation). - Et vous êtes allé au moins jusqu'à

 16   l'hôtel Vitez le matin du 16 avril ?

 17   M. Watters (interprétation). - Oui.

 18   M. Hayman (interprétation). - A l’extérieur de l'hôtel Vitez,

 19   avez-vous vu des soldats du HVO armés et occupant des positions armées ?

 20   M. Watters (interprétation). - Oui.

 21   M. Hayman (interprétation). - Et visaient-ils Stari Vitez ?

 22   M. Watters (interprétation). - Oui.

 23   M. Hayman (interprétation). - Et seriez-vous d'accord pour dire

 24   que, le 16 avril 1983, Stari Vitez représentait une menace militaire pour

 25   l’Hôtel Vitez, le quartier général du HVO ?


Page 3495

  1   M. Watters (interprétation). - Qu'est-ce que vous voulez dire,

  2   une menace militaire ?

  3   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que des tireurs isolés à

  4   Stari Vitez auraient pu attaquer et toucher l’Hôtel Vitez ?

  5   M. Watters (interprétation). - Oui.

  6   M. Hayman (interprétation). - En fait, plus tard dans la

  7   journée, toujours le 16, vous avez rencontré deux soldats du  HVO,

  8   MM. Prskalo et Pilisic, n'est-ce pas, dans cette réunion à 12 h 30 ?

  9   M. Watters (interprétation). - Oui.

 10   M. Hayman (interprétation). - Après être revenu, vous avez fait

 11   un rapport à l’Hôtel Vitez ?

 12   M. Watters (interprétation). - Ils ont été ramenés par

 13   l'officier de liaison qui était responsable de la zone Vitez-Busovaca.

 14   M. Hayman (interprétation). - Et ensuite vous avez été informé

 15   qu'ils ont été touchés par un tireur isolé l'après-midi du 16, après avoir

 16   raccompagné ces deux personnes ?

 17   M. Watters (interprétation). - C'est exact.

 18   M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que ces tirs

 19   provenaient de Stari Vitez ?

 20   M. Watters (interprétation). - Je ne connaissais pas la position

 21   exacte de ces tireurs isolés, mais c'étaient sûrement des tireurs isolés

 22   musulman. Etant donné l'angle de tir, c'est-à-dire à l'arrière, les tirs

 23   provenaient vraisemblablement de Stari Vitez, mais je ne peux pas vous

 24   donner de détails quant à la position exacte ; je n'étais pas là-bas.

 25   M. Hayman (interprétation). - Quand vous êtes allé à


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  1   l’Hôtel Vitez, avez-vous vu si les fenêtres avaient été brisées par des

  2   balles, des grenades ou des obus ?

  3   M. Watters (interprétation). - Je ne me rappelle pas.

  4   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous êtes vraiment

  5   rentré dans le bâtiment ce matin-là ? Vous en souvenez-vous ?

  6   M. Watters (interprétation). - Je crois que oui, mais c'est

  7   assez difficile. Je ne me rappelle pas très bien ce que j'ai fait ce

  8   matin-là. Je me rappelle très bien être allé au bâtiment

  9   du cinéma et je me rappelle vaguement entrer dans le bâtiment de

 10   l'hôtel. Je ne sais pas si c'était le matin ou l'après-midi du 16, ou le

 11   17 ou le 18 . Cela, je ne peux pas vous dire.

 12   M. Hayman (interprétation). - Je comprends. Lorsque vous êtes

 13   sorti de Stari Vitez le 16 avril 1993 , le matin, avez-vous vu des

 14   tranchées ou des fortifications autour de Vitez ou à l'intérieur de Vitez

 15   ou dans la partie musulmane ?

 16   M. Watters (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas. Je

 17   pense que les personnes défendaient leurs positions de leur maison.

 18   M. Hayman (interprétation). - Etait-il normal, en l'absence de

 19   ce type de structure, que tous les bâtiments disponibles soient utilisés

 20   pour assurer les défenses ?

 21   M. Watters (interprétation). - Oui.

 22   M. Hayman (interprétation). - Plus tard, au cours de votre

 23   visite, les tireurs isolés à Stari Vitez ont continué d'être un problème,

 24   n'est-ce pas ?

 25   M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement. Des deux


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  1   côtés, à la fois les tirs provenant de Vitez et de Stari Vitez, tout cela

  2   était un problème.

  3   M. Hayman (interprétation). - Durant la période où vous avez

  4   servi en Bosnie, connaissez-vous le nombre de personnes qui ont été tuées

  5   par des tireurs isolés qui ont tiré de Stari Vitez en direction de Vitez ?

  6   M. Watters (interprétation). - Non.

  7   M. Hayman (interprétation). - Connaissez-vous une personne ou

  8   savez-vous qui aurait pu avoir de telles informations ?

  9   M. Watters (interprétation). - Nos dépêches militaires, nos

 10   rapports militaires auraient pu refléter ce type d'informations obtenant

 11   les informations de différentes sources et ces informations seraient

 12   probablement venues du commandant des forces du HVO à Vitez et auraient

 13   été transmises à notre officier de liaison. Je pense que ces informations

 14   figurent dans nos rapports militaires. Mais il faudrait que je vérifie la

 15   précision de ces rapports militaires en

 16   les lisant tous.

 17   M. Hayman (interprétation). - Etes-vous également d'accord que

 18   les mortiers et les roquettes provenant de Stari Vitez auraient menacé

 19   toute la zone et les environs de Vitez ?

 20   M. Watters (interprétation). - Oui.

 21   M. Hayman (interprétation). - Parlons maintenant de votre visite

 22   à Kruscica dans la même journée mais plus tard, c'est-à-dire le 16  avril 

 23   1993. Kruscica se trouve en bas, lorsqu'on regarde la carte 29 J, au sud

 24   de Vitez.

 25   M. Watters (interprétation). - Oui.


Page 3498

  1   M. Hayman (interprétation). - Et vous y étiez allé environ à

  2   5 heures 30 de l'après-midi ?

  3   M. Watters (interprétation). - Oui.

  4   M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre visite, avez-

  5   vous conclu que l'armée de la Bosnie-Herzégovine tirait des mortiers de

  6   Kruscica vers Vitez le 16 avril ?

  7   M. Watters (interprétation). - Non, il n'y avait aucun signe de

  8   cela.

  9   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous dit cela lors d'une

 10   déclaration au bureau du Procureur ? Que l'armée de Bosnie-Herzégovine

 11   tirait peut-être des mortiers de Kruscica le 16 avril 1993 ?

 12   M. Watters (interprétation). - Non, ce n'est pas la question que

 13   vous m'avez posée. Vous m'avez demandé s'il y avait des signes, j'ai dit

 14   non. Mais effectivement Vitez aurait été dans le cercle qu'auraient pu

 15   atteindre les mortiers qui auraient été tirés de Kruscica.

 16   M. Hayman (interprétation). - Entre les forces des Nations Unies

 17   et l'armée de Bosnie-Herzégovine, avant que vous vous rendiez à Kruscica,

 18   a-t-on parlé d'une demande des Nations Unies selon laquelle l'armée de

 19   Bosnie-Herzégovine devait arrêter ces attaques sur Poculica ?

 20   M. Watters (interprétation). - Parlez-vous de notre réunion de

 21   12 heures 30 ?

 22   M. Hayman (interprétation). - Je parle des négociations et des

 23   conditions qui ont été posées par l'armée de Bosnie-Herzégovine dont l'une

 24   des demandes était que la FORPRONU vienne à Kruscica et évacue les civils,

 25   c'est-à-dire les femmes blessées.


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  1   M. Watters (interprétation). - C'était une des conditions, oui.

  2   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que la FORPRONU voulait que

  3   la Armiya fasse cela, ou bien était-ce une condition qui avait été fixée

  4   par la Armiya ?

  5   M. Watters (interprétation). - Non, nous voulions juste faire en

  6   sorte qu'ils arrêtent leurs tirs indirects et qu'ils arrêtent de tirer

  7   dans les environs de Vitez.

  8   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous parlez aussi des

  9   combats dans la zone de Poculica ?

 10   M. Watters (interprétation). - Oui, on parlait de toutes les

 11   zones.

 12   M. Hayman (interprétation). - Et vous parliez également de

 13   Poculica ?...

 14   M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement, Poculica

 15   aussi. Mais nous n'avions pas donné d’informations spécifiques. Nous

 16   parlions de tous les combats.

 17   M. Hayman (interprétation). - Et après être allé à Poculica,

 18   avez-vous constaté que toutes les personnes blessées étaient des hommes et

 19   non des femmes ?

 20   M. Watters (interprétation). - Oui, je crois que c'est exact. Il

 21   y avait effectivement des hommes et des femmes. Pas seulement des femmes,

 22   contrairement à ce qu'on nous avait dit.

 23   M. Hayman (interprétation). - Combien de personnes avez-vous

 24   vu ?

 25   M. Watters (interprétation). - Il y avait cinq ou six personnes


Page 3500

  1   qui étaient des hommes et peut-être trois ou quatre qui étaient des

  2   femmes.

  3   M. Hayman (interprétation). - Et combien de soldats de l'armée

  4   de Bosnie-Herzégovine avez-vous vu dans le quartier général de l'armée de

  5   Bosnie-Herzégovine à Kruscica l'après-midi du 16 avril ?

  6   M. Watters (interprétation). - Douze à peu près.

  7   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu d'autres soldats de

  8   l'armée de Bosnie-Herzégovine dans des tranchées ou d'autres

  9   fortifications à Kruscica ?

 10   M. Watters (interprétation). - Non, il faisait nuit lorsque nous

 11   avons traversé le village.

 12   M. Hayman (interprétation). - Là encore en rapport avec

 13   Stari Vitez, pensez-vous que les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine

 14   à l'époque étaient dispersés et occupaient des positions défensives et

 15   qu'ils n'étaient pas rassemblés au quartier général de Kruscica ?

 16   M. Watters (interprétation). - Oui.

 17   M. Hayman (interprétation). - Puisqu'il n'y avait pas de

 18   tranchées, pourrions-nous également dire qu'ils utilisaient tous les

 19   bâtiments disponibles à Kruscica pour constituer leur défense ?

 20   M. Watters (interprétation). - Oui.

 21   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que Kruscica a été pris par

 22   le HVO le 16 avril 1993 ?

 23   M. Watters (interprétation). - Non.

 24   M. Hayman (interprétation). - Le 17 ?

 25   M. Watters (interprétation). - Non.


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  1   M. Hayman (interprétation). - Ce village est-il tombé avant

  2   votre départ en mai 93 ?

  3   M. Watters (interprétation). - Non.

  4   M. Hayman (interprétation). - Donc on peut dire, n'est-ce-pas,

  5   que l'armée de Bosnie-Herzégovine a défendu avec succès Kruscica contre

  6   l'attaque du HVO qui a débuté le 16 avril.

  7   M. Watters (interprétation). - Oui. Mais cette nuit-là, en ce

  8   qui concerne les

  9   positions, je pensais qu'ils étaient en danger. J'étais assez

 10   surpris qu'ils parviennent à se défendre comme cela.

 11   Le lendemain matin, nous sommes retournés sur les lieux pour

 12   voir ce qui s'était passé et notre route avait été bloquée par des mines

 13   antichars. Donc nous sommes retournés au quartier général de l'armée de

 14   Bosnie-Herzégovine et ils étaient encore en train de défendre la ville.

 15   M. Hayman (interprétation). - Donc c'était une bataille violente

 16   que vous avez vue le 16 avril à Kruscica, n'est-ce pas ?

 17   M. Watters (interprétation). - Eh bien, je ne me rappelle pas

 18   avoir vu qui que ce soit quitter Kruscica en termes de pièces d'artillerie

 19   ou de mortiers, mais je me rappelle d'une quantité très importante de

 20   lance roquettes légers et d'armes qui venaient à Kruscica. J'ai dit que

 21   c'était comme un chaudron puisqu'il y avait du feu partout.

 22   M. Hayman (interprétation). - Je crois que vous avez dit que

 23   Kruscica se trouve sur une route qui aurait pu être utilisée comme un lien

 24   entre Vitez et des lieux qui se trouvent au sud de la Herzégovine.

 25   M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement.


Page 3502

  1   M. Hayman (interprétation). - Donc vous seriez d'accord avec moi

  2   pour dire que Kruscica était d'une importance stratégique et militaire

  3   très importante à la fois pour le HVO et pour l'armée de Bosnie-

  4   Herzégovine, n'est-ce pas ?

  5   M. Watters (interprétation). - C'était important du point de vue

  6   opérationnel. Je ne dirais pas que c’était important du point de vue

  7   stratégique.

  8   M. Hayman (interprétation). -  Seriez-vous d'accord pour dire

  9   que Kruscica aurait pu être utilisée pour pilonner la ville de Vitez ?

 10   M. Watters (interprétation). -  C'était dans la portée de Vitez,

 11   effectivement.

 12   M. Hayman (interprétation). - Et cela s’est-il produit durant

 13   votre visite là-bas ?

 14   M. Watters (interprétation). - Peut-être. Encore faudrait-il que

 15   je vérifie dans nos rapports militaires.

 16   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce que

 17   l'huissier pourrait placer un nouveau document devant le témoin ?

 18   M. le Président. - Allez-y.

 19   M. Hayman (interprétation). - Pourrait-on placer cela sur le

 20   rétroprojecteur ?

 21   Colonel Watters, c'est à nouveau une partie expurgée d'un

 22   document. Je voudrais vous le lire :

 23   "1 PWO Mil Infos, (? inaudible) numéro 0 9 8 en date du

 24   4 juillet 1993. Vitez. 2. Les frictions habituelles entre Stari Vitez,

 25   Kruscica et les parties contrôlées par les Croates de la ville continuent"


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  1   -"comptent" (?) dans le texte- avec l'armée de Bosnie-Herzégovine à

  2   Kruscica, admettant la responsabilité de ATK (?)" -l'attaque, n'est-ce

  3   pas, l'attaque de mortiers- "hier qui a blessé 5 x Croates".

  4   Est-ce que cela veut dire cinq Croates ?

  5   M. Watters (interprétation). - Oui.

  6   M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que

  7   signifie "PWO" dans le titre ?

  8   M. Watters (interprétation). - Oui, il s'agit du premier

  9   régiment de Yorkshire du Prince de Galles, qui a remplacé le bataillon du

 10   Chershire. Et ceci date du 4 juillet, donc il s'agit d'une attaque de

 11   mortiers qui a eu lieu le 3 juillet.

 12   M. Hayman (interprétation). - Donc après que vous ayez quitté

 13   les lieux des opérations, n'est-ce pas ?

 14   M. Watters (interprétation). - Deux mois après, oui.

 15   M. Hayman (interprétation). - Et s'agit-il là du format d'un

 16   document ou d'une dépêche militaire préparée par un bataillon

 17   britannique ?

 18   M. Watters (interprétation). - Je crois que c'est le format de

 19   document utilisé par le régiment 1 WPO. Je pense.

 20   M. Hayman (interprétation). - Je voudrais verser cette pièce au

 21   dossier.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, j'objecte à

 23   ce document parce que ce n'est pas un document que connaît ce témoin. Ce

 24   témoin a quitté les lieux, je crois, vers le 11 mai 1993 et des témoins

 25   provenant du régiment qui a rédigé ce document viendront témoigner devant


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  1   cette Cour. Donc, je pense que ce document devra être identifié à ce

  2   moment-là. Ce témoin ne connaît pas les éléments qui sont inclus dans ce

  3   document.

  4   M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous savez, je trouve

  5   cette querelle sur l'identification des documents en grande partie un peu

  6   stérile. Nous allons demander au colonel Watters s'il a des éléments lui

  7   permettant d'identifier ce type de document. Ce n'est peut-être pas un

  8   document qu'il a vu lui-même, il n'était plus en fonction au

  9   4 juillet 1993, mais peut-il quand même identifier ce document où est-ce

 10   que, pour lui, c'est un document qui n'évoque rien ? Il est quand même

 11   colonel, il a vu des documents militaires de cette nature pendant toute sa

 12   carrière, notamment pendant les 90 jours où il était sur le territoire.

 13   Je me tourne vers le colonel Watters : pouvez-vous identifier ce

 14   document ou ne l'identifiez-vous pas du tout ?

 15   M. Watters (interprétation). - Ce n'est pas le format des

 16   dépêches militaires que nous produisions ni le format que le régiment PWO

 17   a produit en notre nom pendant la période de transition, mais je ne peux

 18   vraisemblablement pas faire de commentaires sur ce document et sur les

 19   éléments qui y sont inclus.

 20   M. le Président. - Je propose qu'on l'admette comme pièce à

 21   conviction avec toutes les réserves qui ont été faites par le bureau du

 22   Procureur et par le témoin.

 23   C'est une doctrine que nous essaierons d'appliquer le plus

 24   souvent possible. Ce document n'est donc pas formellement identifié par le

 25   témoin. Le témoin n'y était plus en


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  1   juillet 1993. Cela étant, les Juges apprécieront l'évaluation de

  2   ce document.

  3   Nous l'admettons comme pièce à conviction avec les réserves qui

  4   viennent d'être faites par le bureau du Procureur et par le témoin.

  5   Monsieur le Greffier, sous quelle cotation prenons-nous ce

  6   document ?

  7   M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce D63.

  8   M. le Président. - Bien. Vous écrirez "D63, avec réserves bureau

  9   du Procureur".

 10   M. le Greffier. - Très bien.

 11   M. le Président. - Le Tribunal appréciera.

 12   M. Hayman (interprétation). - Colonel Watters, passons

 13   maintenant au 17 avril 1993. Vous nous avez dit hier que vous vous êtes

 14   rendu à un hôpital de guerre à Vitez et que vous y avez vu deux corps.

 15   M. Watters (interprétation). - Oui, c'est exact.

 16   Lors de la visite à Kruscica, le commandant de Kruscica n'avait

 17   pas de personnel médical et les deux médecins qui géraient la zone de

 18   Kruscica de la clinique de Vitez n'étaient pas revenus au village de

 19   Kruscica où ils étaient basés. Il nous a demandé, par l'intermédiaire de

 20   l'officier du HVO, si nous pouvions trouver ces deux médecins et rassurer

 21   les personnes compétentes sur leur état ou sur leur situation et si nous

 22   pouvions assurer qu'ils reviennent jusqu'au village.

 23   M. Hayman (interprétation). - Etes-vous allé jusqu'à cette

 24   clinique pour vérifier la sécurité de ces deux médecins ?

 25   M. Watters (interprétation). - Nous sommes d'abord allés au


Page 3506

  1   quartier général de Mario Cerkez à Kruscica, qui n'avait pas la moindre

  2   idée du sort subi par ces deux médecins. Mais ils nous ont dit que nous

  3   devrions aller en ville. Nous les avons informés que nous allions au

  4   centre médical nous informer au sujet de ces médecins.

  5   M. Hayman (interprétation). - Vous ont-ils dit qui dirigeait le

  6   centre médical ?

  7   M. Watters (interprétation). - Non, ils ne l'ont pas fait.

  8   M. Hayman (interprétation). - Ils n'ont pas mentionné le nom de

  9   Krayevic ?

 10   M. Watters (interprétation). - Je n'ai aucun souvenir de cela.

 11   M. Hayman (interprétation). - Donc vous êtes allé au centre

 12   médical. Est-ce que vous avez posé des questions au sujet de la sécurité,

 13   de ce qui était arrivé à ces deux médecins ?

 14   M. Watters (interprétation). -  Il n'y avait personne au centre

 15   médical. Le centre médical subissait le tir de tireurs embusqués. Il n'y

 16   avait personne à l'intérieur.

 17   M. Hayman (interprétation). - Tirs de tireurs embusqués qui

 18   venaient d'où ?

 19   M. Watters (interprétation). - C'était très difficile à dire.

 20   Lorsque vous subissez les coups de feu d'un tireur embusqué, vous avez

 21   uniquement une impression auditive dans un environnement urbain. Vous

 22   entendez le bruit de la balle, mais il est très difficile de savoir d'où

 23   elle peut provenir, notamment lorsque vous êtes entouré de murs. Nous

 24   étions donc très désorientés quant à l'origine des coups de feu.

 25   M. Hayman (interprétation). - La clinique était-elle dans un


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  1   lieu tel qu'elle était exposée à des tireurs embusqués de Stari Vitez

  2   éventuellement ?

  3   M. Watters (interprétation). - Je pense que c'était probablement

  4   le cas. J'aurais dû regarder une photo aérienne et essayer de me

  5   réorienter, je le crains. Je n'y ai pas réfléchi.

  6   M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on donné le nom des

  7   médecins au sujet desquels vous vous informiez ?

  8   M. Watters (interprétation). - Oui.

  9   M. Hayman (interprétation). - Quels étaient leurs noms ?

 10   M. Watters (interprétation). - Je ne me les rappelle pas.

 11   M. Hayman (interprétation). - Après le centre médical et après

 12   avoir assisté à cette attaque ?

 13   M. Watters (interprétation). - C'étaient des coups de feu tirés

 14   par des tireurs

 15   embusqués, pas une attaque.

 16   M. Hayman (interprétation). - Bien. Après avoir subi le feu de

 17   ces tireurs embusqués, avez-vous entrepris d'autres investigations pour

 18   tenter de déterminer quel était le problème de sécurité ou le sort

 19   qu'avaient subi ces deux médecins ?

 20   M. Watters (interprétation). - Nous avons regardé par la

 21   fenêtre ; nous avons contourné le centre médical. Il y avait deux hommes

 22   portant des blouses blanches et morts, allongés sur le sol à l'intérieur,

 23   mais personne d'autre dans le centre médical, personne d'autre à qui nous

 24   aurions pu poser une question. Donc nous avons rebroussé chemin. Nous

 25   avons dit au siège du HVO que nous n'avions pas réussi à trouver les


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  1   médecins, que nous avions trouvé deux hommes dans le centre médical

  2   portant des blouses blanches et que c'étaient peut-être ces deux médecins.

  3   Notre enquête s'est arrêtée là, bien que j'aie appris que l'armée de

  4   Bosnie-Herzégovine l'a poursuivie. Mais je ne sais pas exactement quelle

  5   en a été la conclusion.

  6   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez...

  7   M. Watters (interprétation). - Je suppose que ces deux hommes

  8   dans le centre médical étaient les deux médecins mais qu'ils étaient

  9   morts.

 10   M. Hayman (interprétation). - Outre vos impressions visuelles,

 11   avez-vous confirmé ou infirmé le fait que ces médecins avaient subi un

 12   sort défavorable ?

 13   M. Watters (interprétation). -  Je ne me rappelle pas si ces

 14   médecins ont jamais réapparu, mais comme je l'ai dit, le problème a été

 15   ensuite débordé par des questions plus importantes.

 16   M. Hayman (interprétation). - Vous n'êtes pas allé à Zenica les

 17   chercher, je suppose ?

 18   M. Watters (interprétation). - Non.

 19   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que le nom de ces deux

 20   médecins se trouvait dans des rapports, des renseignements radio ou

 21   d'autres documents en possession de la

 22   FORPRONU ou du premier régiment du Cheshire ?

 23   M. Watters (interprétation). -  Peut-être. Il se peut qu'ils se

 24   soient trouvés dans un bulletin d'information militaire. Je n'ai aucun

 25   souvenir de ces noms. Je me rappelle simplement avoir fait référence aux


Page 3509

  1   deux médecins.

  2   M. Hayman (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention

  3   sur le 19 avril. Vous avez parlé hier du fait qu'un groupe je crois

  4   composé de femmes et d'enfants bloquait la route.

  5   M. Watters (interprétation). - Egalement un certain nombre

  6   d'hommes âgés.

  7   M. Hayman (interprétation). - Merci. Ils bloquaient donc la

  8   route entre Vitez et Busovaca autour de Nadioci.

  9   M. Watters (interprétation). - Pas entre Vitez et Busovaca,

 10   c'était au carrefour qui va vers la route de Zenica.

 11   M. Hayman (interprétation). - Donc au carrefour de Kaonik, dans

 12   la direction de Zenica ?

 13   M. Watters (interprétation). - Je le crois. Encore une fois, je

 14   devrais vérifier sur la carte. Je crois que c'est à peu près là

 15   effectivement.

 16   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que la pièce à

 17   conviction 53B pourrait être reprise, Monsieur le Président, pour montrer

 18   au témoin ce qu'il a dit hier ?

 19   M. Watters (interprétation). - Quand vous dites la route de

 20   Vitez, je pense à la route qui va à Kaonik et qui descend vers Busovaca.

 21   Ce n'était pas cette route, c'était sur la route de Vitez à Zenica.

 22   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que c'était proche de ce

 23   que l'on appelle "le chalet suisse" ?

 24   M. Watters (interprétation). - Oui.

 25   M. Hayman (interprétation). - Dans la région de Nadioci, n'est-


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  1   ce pas ?

  2   M. Watters (interprétation). - Oui.

  3   (Intervention du Président hors micro.)

  4   M. Hayman (interprétation). - Mes excuses.

  5   Savez-vous qui occupait le chalet suisse à ce moment-là ?

  6   M. Watters (interprétation). - Dans mon souvenir, c'était une

  7   unité du HOS. Nous aurions pu l'identifier grâce au bulletin

  8   d'informations militaires mais je ne me rappelle pas exactement leur

  9   dénomination. C'était une unité qui restait dans sa base la plupart du

 10   temps.

 11   M. Hayman (interprétation). - Et vous avez parlé à quelqu'un qui

 12   s'est présenté comme un commandant n'est-ce pas ?

 13   M. Watters (interprétation). - Oui.

 14   M. Hayman (interprétation). - Savez-vous de qui il s'agit ?

 15   M. Watters (interprétation). - Je ne connais pas son nom. En

 16   fait, il n'a pas voulu donner son nom.

 17   M. Hayman (interprétation). - Connaissez-vous son grade ?

 18   M. Watters (interprétation). - Je ne me rappelle pas son grade.

 19   Il faisait environ 6,2 pieds, 6,3 pieds, il était très blond.

 20   M. Hayman (interprétation). - Sur la base des soldats qu'il

 21   dirigeait, pouvez-vous estimer s'il commandait une section, une compagnie,

 22   une unité de dix hommes ?

 23   M. Watters (interprétation). - Je n'ai aucun souvenir de son

 24   grade ni du nombre de soldats qu'il dirigeait.

 25   M. Hayman (interprétation). - Donc, je suppose que vous ne


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  1   pouvez pas nous dire qui était son supérieur immédiat ?

  2   M. Watters (interprétation). - Non.

  3   M. Hayman (interprétation). - Le 22 avril 1993, vous êtes allé à

  4   Jelinak, puis à Ahmici, n'est-ce pas ?

  5   M. Watters (interprétation). -  Exact.

  6   M. Hayman (interprétation). - Avant cette visite du 22, le

  7   16 avril avez-vous reçu des rapports concernant votre unité, les Warriors

  8   de la FORPRONU concernant le fait que votre unité se soit rendue à

  9   Ahmici ?

 10   M. Watters (interprétation). - Oui, à Ahmici et dans d'autres

 11   villages également, Santici et d'autres villages de la vallée de la Lasva.

 12   M. Hayman (interprétation). - Savez-vous combien de membres des

 13   Warriors ont pénétré dans Ahrmici le 16 avril 1993 ?

 14   M. Watters (interprétation). - Je ne connais pas exactement le

 15   nombre exact des Warriors qui l'ont fait ce jour-là, je n'y ai pas fait

 16   particulièrement attention. Je sais que plusieurs véhicules y sont allés.

 17   M. Hayman (interprétation). - Donc, plusieurs véhicules.

 18   M. Watters (interprétation). - Oui. Soit une fois plusieurs

 19   véhicules, soit un véhicule à plusieurs reprises.

 20   M. Hayman (interprétation). - Donc, neuf ou dix Warriors, les

 21   mêmes ou des Warriors différent à chaque fois sont entrés dans Ahrmici à

 22   plusieurs reprises le 16 avril. Est-ce exact ?

 23   M. Watters (interprétation). - Les Warriors se déplacent par

 24   groupes de quatre ou de deux et un signe d'appel se composait de quatre

 25   Warriors. Je ne me rappelle pas combien de Warriors y sont allés, mais je


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  1   sais qu'il y a eu plusieurs signaux d'appel. Je ne connais pas les détails

  2   exacts de cette mission.

  3   M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous les rapports

  4   que vous avez pu recevoir dans la journée du 16 avril 1993 de la part des

  5   Warriors qui sont allés à Ahmici au sujet de victimes civiles à Ahmici ?

  6   M. Watters (interprétation). - Il ne fait aucun doute qu'il y a

  7   eu des victimes

  8   civiles à Ahmici. Je me rappelle que l'un de nos Warriors a

  9   évacué des femmes et des enfants d'Ahmici qui subissaient le feu de

 10   l'ennemi. Mais dans un Warrior il est très difficile de déterminer où vous

 11   vous trouvez de façon précise, vous savez simplement que vous êtes dans un

 12   complexe urbanisé ou dans un village.

 13   Nous avons reçu pas mal de rapports qui évoquaient des

 14   destructions, des dommages importants et des victimes. Je me rappelle

 15   cela.

 16   M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous le nombre de

 17   victimes civiles qui vous ont été communiquées de la part des Warriors qui

 18   se sont rendus à Ahmici le 16 avril 1993 ?

 19   M. Watters (interprétation). - Précisément à Ahmici, non.

 20   M. Hayman (interprétation). - Ce n'est pas un fait qui vous a

 21   marqué l'esprit ?

 22   M. Watters (interprétation). - Vous savez, à cette époque, en

 23   milieu de matinée, nous avions la plus grande réticence à citer le nombre

 24   des victimes parce que nous ne cessions de recevoir des rapports nous

 25   parlant de victimes couchées le long de la route. Donc nous avions peur de


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  1   les additionner à tort et nous prenions grand soin des chiffres.

  2   Donc je citerai peut-être le chiffre de 30 à 50, 50 à 100. Je ne

  3   sais pas exactement.

  4   M. Hayman (interprétation). - Dans toute la vallée de là Lasva ?

  5   M. Watters (interprétation). - Oui.

  6   M. Hayman (interprétation). - C'étaient des morts ou des

  7   blessés ?

  8   M. Watters (interprétation). - C'étaient des corps, pas des

  9   blessés.

 10   M. Hayman (interprétation). - Des morts ?

 11   M. Watters (interprétation). - Oui.

 12   M. Hayman (interprétation). - Les unités qui se sont rendues à

 13   Ahmici le 16, vous ont-elles dit quant ont commencé les combats à Ahmici

 14   ce jour-là ?

 15   M. Watters (interprétation). - Les combats ont commencé le matin

 16   du 16 et il

 17   apparaissait que les destructions étaient déjà très nombreuses

 18   assez rapidement dans le village.

 19   M. Hayman (interprétation). - Vos unités vous ont-elles dit

 20   quand les combats se sont achevés à Ahmici le 16 avril ?

 21   M. Watters (interprétation). - Je ne me le rappelle pas. Le 16,

 22   il n'y avait aucune raison de se concentrer particulièrement sur Ahmici. A

 23   ce moment là, à notre connaissance, Ahmici n'était pas dans une situation

 24   pire que celle de Santici ou des autres villages de la vallée de la Lasva.

 25   Vitez, en fait, était le centre de notre intérêt.


Page 3514

  1   M. Hayman (interprétation). - Pendant que je pose les quelques

  2   questions suivantes, Monsieur le Président, j'aimerais prier l'huissier de

  3   m’apporter son aide en plaçant la photo aérienne d'Ahmici, c'est-à-dire la

  4   pièce à conviction 50, je crois, à portée de ma main.

  5   Monsieur, vous nous avez dit hier que vous vous étiez rendu à

  6   Ahmici. Vous avez identifié un certain nombre de photographies qui ont été

  7   prises dans trois visites que vous avez faites. Vous le rappelez-vous ?

  8   M. Watters (interprétation). - Oui, je me le rappelle, cela

  9   s'est passé le 22 avril.

 10   M. Hayman (interprétation). - Oui, le 22 avril. Je vous prierai

 11   maintenant de bien vouloir regarder la pièce à conviction 50 avec moi pour

 12   me dire si vous êtes en mesure d’identifier les trois maisons dans

 13   lesquelles vous vous êtes rendu.

 14   M. le Président. - Allez-y. Monsieur le Procureur aussi,

 15   approchez vous.

 16   M. Hayman (interprétation). - Maître Nobilo va rechercher un

 17   film transparent que l'on pourrait placer sur la photo au cas où le témoin

 18   reconnaîtrait les maisons.

 19   Colonel, sur la base de cette pièce à conviction 50, est-ce que

 20   vous êtes en mesure d'identifier les premières maisons dans lesquelles

 21   vous avez pénétré ?

 22   M. Watters (interprétation). - C'est très difficile. Elles se

 23   trouvaient dans cette zone ici.

 24   M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous vous déplacer sur le

 25   côté de façon que les juges puissent voir le témoin.


Page 3515

  1   M. Watters (interprétation). - Dans cette zone ici, je crains

  2   fort de ne pas pouvoir les reconnaître précisément, mais si je devais

  3   faire le maximum, je dirais que c'est peut-être la maison qui se trouve

  4   ici. Mais je n'en suis pas sûr. Nous n'utilisions pas de photographies,

  5   nous n'utilisions que des cartes lors de notre visite dans le village ce

  6   matin-là.

  7   M. Hayman (interprétation). - Mais vous pouvez de façon tout à

  8   fait précise nous dire la zone dans laquelle se trouvaient ces maisons.

  9   M. Watters (interprétation). - Je le dis sans précision. C'était

 10   la partie supérieure du village.

 11   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous pouvez dire avec

 12   précision si c'était la moitié supérieure ?

 13   M. Watters (interprétation). - J'ai déjà dit que c’est sans

 14   précision.

 15   M. Hayman (interprétation). - D'accord. Et cet alignement de

 16   corps dans la cave, dans quelle maison se trouvait-il ?

 17   M. Watters (interprétation). - La première maison est celle

 18   nous avons trouvé le plus grand nombre de cadavres. Je crois que celle

 19   nous avons trouvé le crâne isolé se trouvait dans la partie inférieure du

 20   village. Mais, encore une fois, notre visite a été très rapide.

 21   M. Hayman (interprétation). - Etes-vous en mesure d’identifier

 22   au mieux de vos capacités les autres maisons dans lesquelles vous avez

 23   pénétré, c'est-à-dire celles où se trouvait l'alignement de corps ou de

 24   squelettes dans la cave et les deux autres maisons avec une certaine

 25   précision ?


Page 3516

  1   M. Watters (interprétation). - Non

  2   M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur. Vous pouvez vous

  3   rasseoir.

  4   Je crains de vous avoir demandé de vous asseoir un peu trop tôt.

  5   Vous avez déclaré

  6   que lors de votre visite à Ahmici le 22 avril, vous avez trouvé

  7   un certain nombre d'endroits où l'herbe avait été aplatie, piétinée et

  8   vous avez vu des douilles également.

  9   M. Watters (interprétation). - Oui, dans la partie inférieure du

 10   village.

 11   M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer cela sur

 12   la carte. Je vous demande pardon de vous redemander de vous lever.

 13   M. Watters (interprétation). - Encore une fois, je vous répète

 14   que ce ne sera pas une localisation précise. Il y avait des positions de

 15   tireurs embusqués dans cette zone ici qui surplombait la route d'accès à

 16   Ahmici. On nous a tiré dessus ce matin-là à partir de ces endroits et

 17   l'après-midi aussi.

 18   Nous sommes arrivés à peu près ici et nous avons commencé notre

 19   patrouille à pied à peu près ici, avec l'aide des Warriors.

 20   M. Hayman (interprétation). - Vous indiquez l'endroit où se

 21   trouve une marque au-dessus de la mosquée d'Ahmici.

 22   M. Watters (interprétation). - Oui. Je pense que les positions

 23   que nous avons identifiées se trouvaient dans cette zone ici où nous

 24   sommes descendus de nos Warriors, mais encore une fois, je dis bien que

 25   c'est sans précision, car, quatre ans plus tard, il est difficile de


Page 3517

  1   retrouver ce genre de choses sur une photographie. Je vous prie de

  2   m’excuser.

  3   M. Hayman (interprétation). - Nous comprenons que c’est

  4   difficile. Mais je suppose donc que, sur la base de votre déposition, nous

  5   pouvons comprendre que l'herbe piétinée, sur laquelle il y avait un

  6   certain nombre de douilles, se trouvait dans la portion centrale d'Ahmici,

  7   là où vous pensez être descendus de vos Warriors. Est-ce exact ?

  8   M. Watters (interprétation). - C'est ce que je peux dire au

  9   mieux de ma mémoire. Je pourrais me tromper, mais c'est ce dont je me

 10   souviens.

 11   M. Hayman (interprétation). - Pour que les choses soient claires

 12   pour le compte rendu, la portion centrale que vous avez indiquée sur la

 13   carte jouxte la grande zone blanche ici

 14   qui pourrait être un terrain vague, une zone blanche qui se

 15   trouve à peu près à la moitié de la route d'Ahmici sur la pièce à

 16   conviction 50, n'est-ce pas ?

 17   M. Watters (interprétation). - Au mieux de mes souvenirs, oui.

 18   M. Hayman (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous rasseoir.

 19   J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le 24 avril.

 20   Lors de la réunion qui s'est tenue ce matin-là à l'hôtel Vitez entre

 21   l'ambassadeur Thebault, le colonel Blaskic et le colonel Stewart, est-ce

 22   que vous avez été informé de l'existence de cette réunion ce matin-là

 23   entre ces trois hommes ?

 24   M. Watters (interprétation). - Il y a eu plusieurs réunions. Je

 25   crains de ne pouvoir me rappeler exactement les détails concernant chacune


Page 3518

  1   d'entre elles.

  2   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous été informé par le

  3   colonel Stewart ou par qui que ce soit d'autre des discussions qui ont eu

  4   lieu à cette réunion pour savoir si une commission mixte devrait être

  5   créée, commission donc multiethnique, comprenant des représentants

  6   d’organisations internationales pour enquêter sur les événements d’Ahmici.

  7   M. Watters (interprétation). - Nous avions déjà une commission

  8   mixte. J'essaie de séparer mes souvenirs. Je ne me rappelle pas

  9   précisément que le colonel Stewart ait discuté de cette question avec moi

 10   et je ne me rappelle pas qu'une commission mixte ait été créée dans le but

 11   que vous venez d'indiquer.

 12   M. Hayman (interprétation). - Les forces de la FORPRONU, avec

 13   d'autres organisations internationales, avaient, vous en conviendrez,

 14   rassemblé un certain nombre d’informations au sujet des victimes et des

 15   survivants d'Ahmici. Est-ce exact ?

 16   M. Watters (interprétation). - La Croix-Rouge, certainement.

 17   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous discuté avec le colonel

 18   Stewart si cette information pouvait être partagée avec le HVO pour

 19   favoriser son enquête au sujet des événements d’Ahmici ?

 20   M. Watters (interprétation). - Le CICR ne voulait pas partager

 21   cette information avec nous.

 22   M. Hayman (interprétation). - A votre connaissance, il ne

 23   souhaitait pas non plus partager cette information avec le HVO, n’est-ce

 24   pas ?

 25   M. Watters (interprétation). - Je ne pense pas.


Page 3519

  1   M. Hayman (interprétation). - Donc, à votre connaissance, le HVO

  2   n'a jamais jamais reçu aucune information au sujet des victimes ou des

  3   survivants d'Ahmici sur la base de laquelle il aurait pu poursuivre son

  4   enquête. N'est-ce pas ?

  5   M. Watters (interprétation). - Je pense que c'est exact.

  6   M. Hayman (interprétation). - Je vais passer à une nouvelle

  7   série de questions, Monsieur le Président. Je peux continuer, mais je

  8   voulais en informer simplement les Juges.

  9   M. le Président. - Continuez jusqu'à 11 heures 20.

 10   M. Hayman (interprétation). - Merci. Le 17 avril 1993, vous

 11   rappelez-vous avoir reçu des rapports quant au fait que l'armée de Bosnie-

 12   Herzégovine avançait en provenance de la montagne Kuber et en direction de

 13   l'enclave croate, à savoir l'enclave de Vitez/Busovaca ?

 14   M. Watters (interprétation). - Oui, je me rappelle cela.

 15   M. Hayman (interprétation). - Je demanderai l'aide de

 16   l'huissier, Monsieur le Président.

 17   Je demanderai que ce document soit placé sur le rétroprojecteur

 18   sous les yeux du témoin. C'est un document court.

 19   (Le document est placé sur le rétroprojecteur.)

 20   M. le Président. - Pardon, Maître Hayman. Colonel Watters, je

 21   souhaiterais qu'il n'y ait pas d'incidents sur les éléments

 22   d'identification, comme il y en a régulièrement. Colonel Watters, est-ce

 23   que, a priori, vous identifiez ce document, avant que nous ne traitions du

 24   fond de ce document ?

 25   M. Watters (interprétation). - Il a le format de nos documents.


Page 3520

  1   Ce n'est pas un document complet, mais il a le format de nos documents.

  2   M. le Président. - Donc, sur le plan formel, a priori, sous

  3   d’autres réserves que vous-même ou l'accusation pourrait faire, vous

  4   identifiez ce document.

  5   Poursuivez, Maître Hayman.

  6   M. Hayman (interprétation). - Avant de poursuivre, je vous

  7   demanderai si c'est un document qui a été élaboré au cours de votre

  8   travail en Bosnie centrale.

  9   M. Watters (interprétation). - Oui, apparemment, ce peut être un

 10   de nos documents.

 11   M. Hayman (interprétation). - En haut à gauche, on lit :

 12   "Cheshire, informations militaires 169, 17 avril 1993" et, dans le corps

 13   du texte sans expurgation, nous lisons :

 14   "Paragraphe 1.124, 12 heures 40. Le Maire de Vitez prétend que

 15   le village croate de Poculica, référence de grille 27.94, a été attaqué et

 16   qu’en conséquence un soldat du HVO et 2 civils ont été grièvement blessés.

 17   "Paragraphe J, 13 heures 06. Il a été rapporté que le village de

 18   Donja Veceriska, référence de grille 20.92, a subi une attaque du HVO.

 19   "Paragraphe K, 13 heures 56. Il a été rapporté que le village de

 20   Kuber, référence de grille 30.94 (croate) a subi une attaque des forces de

 21   l'armée de Bosnie-Herzégovine."

 22   Est-ce que cette dépêche d'informations militaires, colonel,

 23   correspond au rapport que vous avez reçu le 17 avril 1993 ?

 24   M. Watters (interprétation). - Oui, Monsieur.

 25   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je demande


Page 3521

  1   le versement de ce document au dossier.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Pas d'objection, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. le Président. - Monsieur le greffier, cette pièce sera la

  5   D ?...

  6   M. le Greffier. - D 64.

  7   M. le Président. - D 64 sans aucunes réserves.

  8   A présent, nous pouvons procéder à la pause, Maître Hayman, s'il

  9   n'y a pas d'autres questions sur ce présent document.

 10   L'audience reprendra à 11 heures 40.

 11   Suspendue à 11 h 20, l'audience est reprise à 11 h 40.

 12   M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer

 13   l'accusé.

 14   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience).

 15   M. le Président. - Maître Hayman.

 16   M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 17   Monsieur le Président, j'ai encore trois extraits de dépêches

 18   d'informations militaires courtes que j'aimerais montrer au témoin. J’en

 19   ai des copies pour les juges et les membres de l'accusation.

 20   Colonel, je vous prierai de prendre la première de ces dépêches

 21   avec l'aide de l’huissier datée du 19 avril 1993. Nous la placerons sur le

 22   rétroprojecteur.

 23   En en-tête du document, nous lisons : "Dépêche d'informations

 24   militaires du régiment du Chershire, 171, 19 avril 1993".

 25   Puis, nous passons au corps du texte : "Paragraphe F, 11 H 06.


Page 3522

  1   Colonel Blaskic, HVO Bosnie centrale, prétend qu'il y a eu une offensive

  2   de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans la zone située au nord de Busovaca

  3   qui va à l'encontre de l'accord de cessez-le-feu".

  4   D'abord, Colonel, convenez-vous que cette référence porte sur

  5   l'accord de cessez-le-feu qui a fait l'objet d'une dépêche d'informations

  6   militaires que vous avez vue hier au cours de votre déposition ?

  7   M. Watters (interprétation). - Oui, c'est une référence à un

  8   accord de cessez-le-feu du HVO que nous n'avons jamais vu ratifié par

  9   l'armée de Bosnie-Herzégovine. C'était une initiative du HVO à l'époque.

 10   M. Hayman (interprétation). - Vous pensez que c'est une offre

 11   jamais acceptée par l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

 12   M. Watters (interprétation). - Nous n'avons jamais vu la moindre

 13   preuve du fait que l’armée de Bosnie-Herzégovine avait accepté cet accord

 14   sur le terrain. D'autres dépêches d'informations militaires du même type

 15   nous ont permis de constater que cet accord n'a jamais été mis en pratique

 16   par le HVO sur le terrain non plus. C'est un document assez illusoire à

 17   notre avis.

 18   M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si les représentants de

 19   l'armée de Bosnie-Herzégovine ont jamais signé cet accord de cessez-le-feu

 20   le 18 avril 1993 ? .

 21   M. Watters (interprétation). - Je n'ai jamais vu une copie de

 22   cet accord. Je n'ai vu qu'une copie d’un accord signé par le

 23   Colonel Blaskic.

 24   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous un sentiment dans un

 25   sens ou un autre ?


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  1   M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas vraiment. Nous

  2   avons entendu des rumeurs quant au fait qu'un accord avait été accepté le

  3   18 par M. Izetbegovic et M. Boban.

  4   La première preuve de la possibilité que cela ait effectivement

  5   eu lieu nous a été donnée par un document que nous avons vu hier dans le

  6   cadre d'une dépêche d'informations militaires. Nous en avons discuté. Il y

  7   a eu des négociations entre le Colonel Stewart, le Colonel Blaskic et

  8   M. Hadzi Hasanovic, mais aucune de ces négociations ne s'est manifestée

  9   par quoi que ce soit de concret sur le terrain.

 10   A notre avis, c'étaient des négociations qui devenaient

 11   dépourvues de sens, rien ne s'est passé jusqu'à ce que le 20 une rencontre

 12   ait lieu entre le général Morillon et le Colonel Blaskic ainsi que

 13   M. Hadzi Hasanovic à Zenica.

 14   A la suite de cette rencontre, s'est tenue la conférence du 21,

 15   mais rien n'a suivi sur le terrain bien que le HVO ait montré sa volonté

 16   de cessez-le-feu à partir du 18 .

 17   M. Hayman (interprétation). - Revenons au texte. Je lis dans le

 18   texte : "Des rapports concernant l'attaque parlent d'une attaque

 19   concentrée sur les villages de Kuber, référence de grille 29.93, Jelinak,

 20   référence de grille 30.92 et Kaonik, référence de grille 302.903".

 21   Pensez-vous que ces informations correspondent aux autres

 22   rapports et autres dépêches que vous pouviez recevoir à l'époque ?

 23   M. Watters (interprétation). - Oui, cela se passait pendant

 24   l'offensive de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Maintenant est-ce que les

 25   objectifs de cette offensive ont été atteints ? Je ne peux pas le


Page 3524

  1   confirmer. Mais cela correspond bien au fait qu'il y a eu contre-offensive

  2   de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine le 19 .

  3   M. Hayman (interprétation). - Passons à la deuxième page, je

  4   vous prie. C’est là encore un bref paragraphe dont je vais donner lecture.

  5   Il commence par le chiffre 2 002 et se poursuit par les mots

  6   suivants : "Il est intéressant de remarquer que l'hôpital gardé par les

  7   soldats du HVO a évacué les victimes croates et musulmanes. Les victimes

  8   musulmanes ont également été autorisées à être évacuées vers l'hôpital de

  9   Travnik par les signaux d'appel des Nations Unies".

 10   Considérez-vous cette dépêche comme signifiant que les soldats

 11   du champs de bataille blessés, les soldats musulmans blessés, de même que

 12   les civils ont été évacués vers l'hôpital croate de Nova Bila ? Est-ce ce

 13   que vous comprenez dans la première phrase de ce paragraphe ?

 14   M. Watters (interprétation). - Je suppose que c'est bien le cas

 15   car l'hôpital croate ou l’hôpital du HVO se trouvait à Nova Bila. Je n'ai

 16   aucune possibilité de savoir à quoi cela fait exactement référence, mais

 17   c'était l'hôpital principal des forces du HVO dans la région de

 18   Vitez.

 19   M. Hayman (interprétation). - Etait-ce le seul hôpital dans

 20   l'enclave de Vitez Busovaca ?

 21   M. Watters (interprétation). - Oui.

 22   M. Hayman (interprétation). - Et la deuxième phrase fait-elle

 23   référence à l'évacuation ou à ce qui apparaît comme l'évacuation, donc le

 24   passage des lignes de front de Bila vers l'hôpital de Travnik des victimes

 25   musulmanes ?


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  1   M. Watters (interprétation). - Oui, sans doute. Pourriez-vous

  2   placer cela dans le contexte, je vous prie. De quelle date parlons-nous ?

  3   M. Hayman (interprétation). - Il s'agit d'une dépêche

  4   d’informations militaires datée du 19 avril 1993.

  5   M. Watters (interprétation). - C'est une portion de la même

  6   dépêche d’informations militaires qu'avant.

  7   M. Hayman (interprétation). - Elle a été fournie à la défense

  8   comme faisant partie du même document effectivement. Cela correspond-il

  9   avec les rapports que vous avez reçus à l'époque quant au fait que

 10   l'hôpital croate de Nova Bila aidait les blessés indépendamment de leur

 11   groupe ethnique ?

 12   M. Watters (interprétation). - Je dois avouer que cela n'a

 13   certainement pas été mon sentiment. Nous avons évacué les victimes, les

 14   blessés, Croates de Nova Bila, et les blessés musulmans vers Travnik. Les

 15   deux parties ont accepté de nous aider dans l'évacuation des blessés.

 16   Je ne connais pas l'origine du rapport selon lequel les blessés

 17   musulmans se trouvaient dans l'hôpital. Cela ne correspond certainement

 18   pas à mon souvenir. Je dois être franc à ce sujet, mais cela est possible.

 19   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu la moindre

 20   information qui ait justifié

 21   un doute quelconque dans votre esprit quant à ce rapport en page

 22   2 de ce document, la dépêche d'informations militaires du 19 avril 1993 ?

 23   M. Watters (interprétation). - Non.

 24   M. Hayman (interprétation). - Pourrions-nous passer au document

 25   suivant avec l'aide de l'huissier ?


Page 3526

  1   M. le Président. - Ces documents, vous voulez les verser ?

  2   M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,

  3   j'allais m'occuper de ces trois documents en même temps, mais nous pouvons

  4   les prendre un par un.

  5   M. le Président. - Y-a-t-il des objections de la part du bureau

  6   du Procureur ?

  7   M. Kehoe (interprétation). - Pas d'objection, Monsieur le

  8   Président.

  9   M. le Président. - C'est D 65, D 66, Monsieur le Greffier ?

 10   M. le Greffier. - C'est bien cela, Monsieur le Juge.

 11   M. le Président. - Allez-y, Maître Hayman.

 12   M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 13   Colonel, nous nous penchons maintenant sur la pièce D 66 qui

 14   commence au départ par une indication manuscrite. On y voit : "Rapport

 15   d'informations militaires de Chershire 174, 22 avril 1993 .

 16   1 - Vitez. La ville de Vitez et les villages environnants

 17   semblent être, d'une façon générale, assez calmes, à l'exception des

 18   villages de Sadovace, référence de grille 21-96 et Brdo, référence de

 19   grille 22-97".

 20   M. Kehoe (interprétation). - "V.K (?)". Est-ce une référence à

 21   une patrouille de reconnaissance ?

 22   M. Watters (interprétation). - Oui.

 23   M. Kehoe (interprétation). - "R.K (?). Des signaux d'appel ont

 24   été arrêtés à un CP (poste de contrôle) de l’armée de Bosnie-Herzégovine

 25   comptant de nombreux hommes,


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  1   référence de grille 21-49-59. Il y avait à peu près trente à

  2   quarante soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine bien équipés, armés de

  3   lance-roquettes TG 7, et le commandant, une femme, a déclaré que..."

  4   C'est là que s'arrête ce paragraphe.

  5   Puis, nous passons à la seconde page de ce document, toujours en

  6   haut de la page : "Reconnaissance signée d'appel, a fait part que deux

  7   postes de contrôle du HVO au nord et au sud de Busovaca se sont effondrés

  8   ou ont été éliminés".

  9   Qu'est-ce que cela signifie ?

 10   M. Watters (interprétation). - Cela veut dire que les deux

 11   postes de contrôle qui avaient empêché les mouvements dans la ville de

 12   Busovaca à partir du 16 avril et jusqu'à ce jour-là avaient été enlevés.

 13   L'armée de Bosnie-Herzégovine a établi deux postes de contrôle

 14   sur la route qui va de Kacuni à Kiseljak, à la référence de grille 39-08-

 15   03 -il y a peut-être un "3" dans la marge- et à la ligne

 16   suivante 40-77-94. Les soldats de la grille de référence précitée ont

 17   placé un lance-roquettes TG7 en position de tir et l'ont dirigé vers le

 18   signet d'appel de reconnaissance. L'armée de Bosnie-Herzégovine a déclaré

 19   qu'aucun véhicule des Nations Unies ne serait autorisé à passer ces postes

 20   de contrôle pendant les dix à quinze jours à venir.

 21   M. Hayman (interprétation). -  Est-ce que ce paragraphe 2, cette

 22   dépêche d'information militaire, signifie que l'armée de Bosnie-

 23   Herzégovine était en train de faire monter la pression sur Kiseljak à

 24   partir de Kacuni ?

 25   M. Watters (interprétation). - Cela fait référence à la période


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  1   de 24 heures qui s'est écoulée après la signature de l'accord de cessez-

  2   le-feu intervenu le 21 avril. Lorsque le général Halilovic est revenu, il

  3   a demandé un délai de 24 heures de plus parce que, du fait de la position

  4   de ses forces et parce qu'elles s'étaient battues sans trêve depuis les

  5   derniers jours, il aurait été très difficile d'intervenir sur le champ de

  6   bataille et d'arriver à un arrêt des combats

  7   avec les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  8   Ces rapports sont tout à fait dans la droite ligne des combats

  9   que menait l'armée de la Bosnie-Herzégovine au matin du 22 avril parce que

 10   le Troisième corps avait été incapable d'obtenir ou de faire passer leurs

 11   ordres.

 12   Nous avons pris le général Halilovic dans l'un de nos véhicules

 13   et nous l'avons nous-mêmes mené de point en point pour qu'il donne

 14   directement ses ordres.

 15   M. Hayman (interprétation). - Je demande le versement au dossier

 16   de la pièce D66, Monsieur le Président.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Pas d'objection, Monsieur le

 18   Président.

 19   M. le Président. - Cette pièce comporte les deux pages ?

 20   M. le Greffier. - Oui, c'est bien cela.

 21   M. Hayman (interprétation). - Ce processus qui s'est rallié les

 22   soutiens des uns et des autres à l'accord de cessez-le-feu s’est-il

 23   poursuivi après le 22 avril 1993 ?

 24   M. Watters (interprétation). - Oui, il y a eu des combats des

 25   deux côtés au cours des jours suivants au niveau tactique et en fait, la


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  1   région où il était le plus difficile de mettre un terme aux combats était

  2   celle de Kiseljak.

  3   M. Hayman (interprétation). - J'attire votre attention sur le

  4   troisième document qui porte la cote D67, du moins je le crois. Ces

  5   documents portent l'indication manuscrite "Rapport d'informations

  6   militaires 180-28 avril 1993". Je le lis : "Signal d'appel. Warrior

  7   patrouillant sur la route Busovaca à Kiseljak a fait rapport qu'il y avait

  8   des combats très soutenus dans la zone de Kazagici. Référence de

  9   grille 62-79. Le village est à présent sous le contrôle de l'armée de

 10   Bosnie-Herzégovine. Le HVO avait occupé des positions tout autour du

 11   village hier (cf. dépêche informations militaires n°179). Cependant,

 12   l'armée de Bosnie-Herzégovine semble avoir repris Kazagici au cours des

 13   dernières vingt-quatre heures. Il a été déclaré que le village avait

 14   grandement souffert des combats et presque toutes les maisons ont été

 15   incendiées. Le

 16   commandant du groupe d'opération centrale, le colonel Blaskic, a

 17   demandé que le bataillon britannique déploie des efforts plus soutenus

 18   dans leur effort pour rétablir la paix ce matin".

 19   Ce rapport correspond-il à ceux que vous receviez à l'époque,

 20   qui portaient sur les difficultés rencontrées lorsqu'il s'agissait de

 21   mettre en place l'accord de cessez-le-feu qui avait été signé le

 22   21 avril 1993 ?

 23   M. Watters (interprétation). - Oui, il y avait sans arrêt des

 24   combats entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine dans la vallée de

 25   Kiseljak, notamment pour certains villages. En fait, c'étaient, si je puis


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  1   dire, des restes de combats qui avaient commencé dès le mois de janvier et

  2   je me rappelle précisément, parce que ce message provenant du

  3   colonel Blaskic m'a un peu ennuyé, qu'il a lui aussi redoublé d'efforts

  4   pour essayer de faire en sorte que ses soldats arrêtent de combattre. Nous

  5   avons fait la même chose avec l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  6   M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que

  7   des villages étaient pris puis repris, puis encore repris par la première

  8   partie qui s'en était saisie par des forces militaires opposées ? A la fin

  9   de ce type d'opérations militaires il était évident que ces villages

 10   étaient fortement endommagés, n'est-ce pas ?

 11   M. Watters (interprétation). - En effet.

 12   M. Hayman (interprétation). - Et ceci est reflété dans ce

 13   rapport qui porte sur Kasagici, n'est-ce pas ?

 14   M. Watters (interprétation). - Oui, je me rappelle que ce

 15   village avait été très endommagé.

 16   M. Hayman (interprétation). - Je demande le versement au dossier

 17   de la pièce 167, Monsieur le Président.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Pas d'objection, Monsieur le

 19   Président.

 20   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le colonel, vous avez sur

 21   le chevalet un

 22   ensemble de feuilles blanches. Je vais vous poser un certain

 23   nombre de questions. Je vais dessiner certaines choses et je vais vous

 24   demander si ce que je fais est précis et exact. Je vais essayer

 25   d'expliquer au Tribunal tous les niveaux de commandement à partir de la


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  1   zone opérationnelle jusqu'aux unités de combat sur le terrain, toutes les

  2   unités de commandements qui ont pu participer au combat, par exemple le

  3   16 avril 1993.

  4   Puis-je m'approcher du chevalet, Monsieur le Président ?

  5   M. le Président. - Allez-y. Si elle le souhaite, l'accusation

  6   peut s'approcher également du chevalet.

  7   M. Kehoe (interprétation). - Un commentaire pourtant. Est-ce

  8   Maître Hayman qui va tout écrire et qui va tout faire ?

  9   M. le Président. - Nous avons tout essayé depuis le 23 juin :

 10   tantôt c'est la défense qui écrit, tantôt l'accusation, tantôt le témoin.

 11   Maître Hayman que nous préparez-vous ? Est-ce vous qui allez tracer les

 12   niveaux de commandement ?

 13   M. Hayman (interprétation). - Il y a un certain nombre de

 14   niveaux de commandement et je voudrais m'assurer avec le témoin du nom de

 15   ces niveaux de commandement. Je voudrais simplement répéter les noms qu'il

 16   me donne et les lister sur le papier. Je crois que c'est la façon la plus

 17   efficace de procéder.

 18   M. le Président. - C'est vous-même qui allez inscrire sur le

 19   chevalet ?

 20   M. Hayman (interprétation). - Oui, c'est ce que je me propose de

 21   faire. Je pense que c'est plus efficace ainsi.

 22   M. le Président. - Puisque vous parlez d'efficacité, il eût été

 23   plus efficace de préparer un document où vous auriez établi ce qui, à

 24   votre avis, représente la chaîne de commandements, de le soumettre au

 25   rétroprojecteur et de demander au témoin de faire ses observations. Là,


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  1   nous allons vous voir dessiner pendant un moment ; c'est très agréable

  2   mais cela va nous faire perdre un peu de temps. Ne pouvez-vous pas faire

  3   passer ce document sur le

  4   rétroprojecteur ?

  5   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je fais

  6   objection à ce que Me Hayman écrive quoi que ce soit. S'il s'agit d'une

  7   pièce que Me Hayman pense éventuellement pouvoir utiliser, je suggère que

  8   ce soit le témoin qui écrive et non pas le conseil de la défense.

  9   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, Me Kehoe

 10   fait objection à ce que j'écrive, mais je suis sûr qu'il ne ferait pas

 11   objection à une pré-préparation du document. Avec tout le respect que je

 12   lui dois, voilà ce que je voudrais dire.

 13   M. le Président. - Son objection est refusée. Ce qui est

 14   important pour le Tribunal, c'est d'avoir la vision claire de la question

 15   posée par Me Hayman et de la réponse que va y apporter le témoin. Je

 16   m'étais simplement contenté de suggérer pour l'avenir des méthodes plus

 17   rapides d'examen de ces témoignages. Là, Me Hayman va écrire, poser une

 18   question, réécrire... C'est un peu long. Si nous ne pouvons pas le faire

 19   autrement, faisons-le de cette façon mais je déplore cette perte de temps.

 20   Pour ce qui concerne l'écriture par Me Hayman, personnellement

 21   je n'y vois aucun inconvénient. Maître Hayman, écrivez ; ce sera versé

 22   comme pièce à conviction et tout le monde saura que c'est Me Hayman qui

 23   l'a rédigé. Par contre, il faudra bien noter les réponses du témoin et vos

 24   contre-questions.

 25   Maître Hayman, si vous n'avez pas de document à produire,


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  1   essayez de faire rapidement la description de ces niveaux de commandement

  2   pour que nous allions à l'essentiel, c'est-à-dire les réponses du

  3   colonel Watters. Allez-y.

  4   M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

  5   Colonel Watters, tout d'abord, êtes vous d'accord pour dire que

  6   le niveau de commandement auquel se trouvait le colonel Blaskic en 1993 se

  7   trouvait au niveau de la zone opérationnelle de Bosnie Centrale ?

  8   M. Watters (interprétation). - Oui, de Bosnie Centrale.

  9   M. Hayman (interprétation). - Donc, je peux indiquer "zone

 10   opérationnelle" ?

 11   M. Watters (interprétation). - Oui.

 12   M. Hayman (interprétation). - Et en-dessous de ce niveau de la

 13   zone opérationnelle, êtes-vous d'accord sur le fait que le prochain

 14   chaînon de la chaîne de commandement était celui du groupe opérationnel ?

 15   M. Watters (interprétation). - En effet. C'est ce que j'ai

 16   expliqué hier.

 17   M. Hayman (interprétation). - Et sous ce groupe opérationnel, il

 18   y a la brigade ou un certain nombre de brigades, n'est-ce pas ?

 19   M. Watters (interprétation). - Oui en effet.

 20   M. Hayman (interprétation). - Puis, sous les brigades, viennent

 21   les bataillons, n'est-ce pas ?

 22   M. Watters (interprétation). - Nous n'en avons jamais été

 23   vraiment sûrs, parce que certains groupes de village étaient appelés

 24   "brigades" ou alors des brigades portaient le nom de certaines personnes.

 25   La taille des brigades dépendait de la taille des villages ou des secteurs


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  1   qui tombaient sous le contrôle de la brigade. Jamais, nous n'avons

  2   vraiment compris ce qui se passait en dessous du niveau des brigades. Pour

  3   nous, les brigades étaient le niveau tactique.

  4   M. Hayman (interprétation). - Pendant que vous patrouilliez dans

  5   le théâtre des opérations, avez-vous entendu des gens faire référence au

  6   terme "boina" ? Est-ce que les gens utilisaient ce terme pour faire

  7   référence à une unité de soldats, "boina" ?

  8   M. Watters (interprétation). - Pas que je m'en souvienne, non.

  9   M. Hayman (interprétation). - En vous fondant sur votre

 10   structure militaire, êtes-vous d'accord pour dire qu'un bataillon vient

 11   après une brigade dans la structure de commandement, dans la chaîne de

 12   commandement ?

 13   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

 14   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je vais

 15   indiquer "bataillon" à titre général. Cela reflète les structures

 16   militaires générales.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Mais, Monsieur le Président, ce

 18   n'est pas ce qu'a dit le témoin.

 19   M. le Président. - Je suis d'accord avec le Procureur. Ce n'est

 20   pas ce qu'a dit le témoin. Maître Hayman, c'est l'inconvénient de cette

 21   méthode de travail. Il aurait mieux valu que vous prépariez votre

 22   document, qu'on le soumette au témoin. Cela serait allé d’ailleurs

 23   beaucoup plus vite. Là, sur chaque point, vous posez des questions. Il

 24   faut vous attendre à ce que vous n’ayez pas la bonne réponse. Si ce

 25   document doit être versé comme pièce à conviction, il faut bien marquer


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  1   que le témoin n'est pas d'accord avec la notion de brigade telle que vous

  2   l'exposez, je regrette.

  3   M. Hayman (interprétation). - Fort bien, Monsieur le Président.

  4   Mais cela illustre la raison pour laquelle je ne pouvais pas préparer ce

  5   document à l'avance.

  6   M. le Président. - Je ne suis pas du tout d'accord avec vous.

  7   Vous auriez donné un document, le témion vous aurait fait ses commentaires

  8   et ce serait allé beaucoup plus vite. Continuez. Sur "brigade", quelque

  9   chose ne va pas. J'adhère à l'objection du procureur. Continuez, mais on

 10   sait que sur "brigade", les observations du colonel doivent être bien

 11   transcrites.

 12   M. Hayman (interprétation). - Colonel, remontons. "Zone

 13   opérationnelle", vous êtes sûr que c'est une structure de commandement qui

 14   existait au sein du HVO en 1993 ?

 15   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

 16   M. Hayman (interprétation). - Juste à côté de "zone

 17   opérationnelle", je vais mettre (HVO).

 18   M. Watters (interprétation). - Entendu.

 19   M. Hayman (interprétation). - Il en va de même pour le groupe

 20   opérationnel, n'est-

 21   ce pas ?

 22   M. Watters (interprétation). - En effet.

 23   M. Hayman (interprétation). - Et le terme "brigade" était bel et

 24   bien utilisé au sein du HVO, n'est-ce pas ?

 25   M. Watters (interprétation). - En effet.


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  1   M. Hayman (interprétation). - Et bien maintenant, comment

  2   décririez-vous la chaîne de commandement, c'est-à-dire la structure de

  3   commandement qui existait au sein du HVO pendant que vous patrouilliez en

  4   Bosnie à partir des brigades ou qui se trouvait sous les brigades ?

  5   M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas s'il y avait une

  6   structure particulière en dessous des brigades. Je n'avais pas à faire à

  7   des structures placées sous les brigades et lorsque j'étudiais les

  8   rapports quotidiens, lorsqu'on voyait qu'un village semblait attaquer un

  9   autre village, au niveau opérationnel des bataillons, nous n'entrions pas

 10   en compte dans le cadre des forces du village, des brigades. Cela ne veut

 11   pas dire que, par le biais des rapports, nous n'avions pas essayé

 12   d'établir ou de mettre en place des structures qui auraient été analysées

 13   par des dépêches d'informations militaires. Je n'avais pas directement de

 14   contact avec ce qui pouvait se passer en dessous du niveau des brigades.

 15   Ce sont nos commandants de compagnie qui l'ont peut-être fait.

 16   M. Hayman (interprétation). - Donc êtes-vous à même de nous dire

 17   s'il y avait des unités plus réduites ou des organisations de ce type

 18   basées sur un principe d'occupation territoriale dans le cadre du HVO en

 19   1993 sous ce niveau de brigade ou ne savez-vous pas ?

 20   M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas. Disons que la

 21   seule exception serait peut-être l'unité dont vous avez parlé précédemment

 22   dans les bungalows qui semblait être une unité autonome et de taille assez

 23   réduite. Jamais je n'ai vraiment compris à quelle brigade, elle était

 24   rattachée.

 25   M. Hayman (interprétation). - Il y avait des unités de taille


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  1   plus réduite, mais vous ne pouvez pas apporter plus d’explications.

  2   M. Watters (interprétation). - C'est la seule que j'ai jamais pu

  3   identifier à titre personnel.

  4   M. Hayman (interprétation). - Je vous pose la question

  5   suivante : si une opération militaire était décidée au niveau de la zone

  6   opérationnelle, une décision visant à attaquer des cibles militaires et à

  7   éliminer ces cibles à Kruscica, Stari Vitez, Ahmici et dans d'autres lieux

  8   où il y avait une cible militaire, dans une telle hypothèse, à quoi

  9   ressemblerait cette décision, cet ordre ? Quel type d’élément figurerait

 10   dans cet ordre, s’il était pris au niveau de la zone opérationnelle ?

 11   M. Watters (interprétation). - Jamais je n'ai vu un tel ordre,

 12   un ordre provenant de la zone opérationnelle. La seule chose que je puis

 13   dire, c'est que je peux essayer d'imaginer à quoi cela ressemblerait. La

 14   plupart des officiers de haut rang au sein du HVO étaient d'anciens

 15   officiers de la JNA et avaient reçu une formation militaire tout à fait

 16   traditionnelle. Donc je pense qu'un tel ordre ferait d’abord état d'un

 17   ordre de mission, établirait des objectifs très précis à des unités

 18   subordonnées.

 19   M. Hayman (interprétation). - Par exemple à des unités

 20   subordonnées X : "Vous devez attaquer les positions de l’armée de Bosnie-

 21   Herzégovine à Kruscica et les éliminer". Est-ce un bon exemple ?

 22   M. Watters (interprétation). - C'est ce que j'écrirais. Voilà.

 23   M. Hayman (interprétation). - Sur la base de vos 25 ans de

 24   carrière dans les camps militaires, c'est le type d'ordre dont on pourrait

 25   s'attendre qu'il provienne de la zone opérationnelle, n'est-ce pas ?


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  1   M. Watters (interprétation). - Exact.

  2   M. Hayman (interprétation). - Pour ce qui est du groupe

  3   opérationnel, y aurait-il

  4   plus de détails dans un ordre provenant du groupe opérationnel

  5   s'il s'agissait d'un ordre prévoyant d'attaquer des cibles militaires et

  6   de les détruire ?

  7   M. Watters (interprétation). - Oui, je comprends. Vous parlez en

  8   fait de l’allocation de ressources à certains objectifs et, dans un

  9   secteur particulier, le commandant du groupe opérationnel allouerait

 10   certaines ressources pour accomplir la tâche qui lui aurait été confiée

 11   par la zone opérationnelle. Ensuite, l'ordre descendrait aux brigades et

 12   au niveau de la brigade des groupes seraient organisés en unités d'un

 13   certain type pour mener à bien la mission.

 14   M. Hayman (interprétation). - Excusez-moi un instant. L’ordre du

 15   groupe opérationnel allouerait des ressources aux brigades et ce, pour

 16   accomplir les différentes missions constituant ensemble l'objectif

 17   principal qui aurait été établi ?

 18   M. Watters (interprétation). - Oui.

 19   M. Hayman (interprétation). - Puis, au niveau de la brigade, par

 20   exemple, avec cet ordre dont nous avons parlé, la brigade recevrait un

 21   certain nombre de ressources qui seraient distribuées entre une, deux,

 22   trois unités de manoeuvres qui seraient détachées vers deux villages. Est-

 23   ce que c’était quelque chose d'approchant ?

 24   M. Watters (interprétation). - Absolument.

 25   M. Hayman (interprétation). - En vous fondant sur votre


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  1   expérience militaire générale, arrivons-nous là à la fin de la chaîne de

  2   commandement et d’ordres ou est-ce que d'autres ordres encore plus

  3   détaillés seraient envoyés à des unités plus réduites de soldats leur

  4   expliquant quelle est leur mission, l'objectif qu'ils doivent poursuivre,

  5   afin d'obéir à l'ordre principal donné au plus haut niveau.

  6   M. Watters (interprétation). - Je peux essayer de répondre à

  7   partir de ce qui se passe dans l'armée britannique. Le commandant de

  8   bataillon donnerait des ordres au commandant de compagnie, les commandants

  9   de compagnie donneraient des ordres au commandant de section et une

 10   section est constituée de trois unités de manoeuvre constituées

 11   de 10 hommes. Ensuite, chaque unité est constituée d'un certain

 12   nombre d'hommes...

 13   M. Hayman (interprétation). - D'après ce que vous dites, dans

 14   une telle structure militaire telle que celle que vous décrivez, il y a

 15   quatre niveaux de commandement en dessous du niveau de la brigade, n’est-

 16   ce pas ?

 17   M. Watters (interprétation). - C’est exact. Cela permet

 18   d'accomplir la mission à chaque niveau.

 19   M. Hayman (interprétation). - Il y a le niveau du bataillon, le

 20   niveau de la compagnie, le niveau de la section et le niveau du peloton

 21   des unités de 10 hommes à peu près ?

 22   M. Watters (interprétation). - C’est exact.

 23   M. Hayman (interprétation). - En vous fondant sur votre

 24   expertise, sur votre formation, votre expérience, diriez-vous qu'au niveau

 25   du bataillon -que vous avez décrit comme étant à un niveau se trouvant


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  1   sous celui de la brigade- un ordre délivré au bataillon lui ordonnerait,

  2   dans une situation typique, d'attaquer un emplacement particulier, une

  3   colline, un village ? Ce serait quelque chose comme cela ?

  4   M. Watters (interprétation). - Non, cela dépendrait de la force

  5   de l'ennemi et de la force de l'attaque prévue. Il faudrait établir

  6   d'abord une certaine proportion dépendant de la force des positions

  7   ennemies. Cela dépend de la taille des forces auxquelles vous allez vous

  8   affronter. Un bataillon, s'il attaquait trois emplacements de section,

  9   pourrait allouer une compagnie qui aurait pour charge d'attaquer chaque

 10   différente section. Si un bataillon attaque une position de défense

 11   occupée par une compagnie sur une colline, alors le bataillon attaquerait

 12   ensemble.

 13   M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant sous le niveau

 14   du bataillon, le niveau de la compagnie, le niveau de la section.

 15   M. le Président. - Nous sommes en train de faire un cours

 16   militaire superbe pour démontrer qu'il y a une chaîne de commandement

 17   depuis un général commandant une zone jusqu'à une section, jusqu'aux

 18   soldats. Où voulez-vous en venir ? Essayons d'y aller le plus directement

 19   possible, s'il vous plaît.

 20   M. le Président. - Oui, Monsieur le Président, je vais essayer

 21   d'aller aussi vite que possible.

 22   Nous essayons d'établir la nature des ordres qui seraient émis à

 23   chaque niveau de cette chaîne de commandement. Il semble qu'au niveau de

 24   la zone opérationnelle, c'est une mission générale qui est définie. La

 25   façon de mener à bien cette mission, les ressources qui doivent lui être


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  1   allouées, c'est cela qui nous intéresse. Est-ce que tel ou tel bâtiment

  2   doit être attaqué ? Ce type d'ordre intervient à six ou sept niveaux en-

  3   dessous du chaînon de la zone opérationnelle.

  4   M. le Président. - Vous avez parfaitement répondu. Cela dépend

  5   évidemment de la consistance de l'ennemi qui est en face. Si c'est une

  6   zone importante, si c'est la potentialité de l'ennemi et si ses capacités

  7   de résistance sont importantes, les allocations de ressources seront

  8   décidées à un niveau de commandement plus important avec des ressources

  9   plus importantes. Tout ceci me paraît être de la logique militaire

 10   évidente.

 11   Continuez. Essayons d'aller plus vite.

 12   M. Hayman (interprétation). - Dans un contexte où des combats

 13   sont menés dans des zones urbaines, construites, à quel niveau de

 14   commandement parmi ces six ou sept niveaux que vous avez décrits, la

 15   décision serait-elle prise lorsqu'il s'agit de savoir si tels ou tels

 16   bâtiments est une cible militaire ? S'il s'agit de savoir si oui ou non il

 17   faut jeter une grenade dans ce bâtiment.

 18   A quel niveau de commandement cette décision est-elle prise ?

 19   M. Watters (interprétation). - Cela dépend de la force qui

 20   attaque. C'est là qu'on

 21   décide qui doit attaquer tel ou tel bâtiment. Lorsqu'on en

 22   arrive à l'attaque précise d'un bâtiment particulier dans le cadre des

 23   différents niveaux, alors la maison sera sûrement attaquée par une section

 24   composée de 10 hommes.

 25   Pour ce qui est de jeter ou non une grenade dans un bâtiment


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  1   particulier, la décision relève du commandant de section lorsqu'il établit

  2   son plan tactique, lorsqu'il s'agit de savoir comment attaquer la maison,

  3   lorsqu’il s’agit de savoir quels sont les soldats qui doivent participer

  4   au tir ou à la prise de contrôle de la maison ou au jeté de la grenade.

  5   M. Kehoe (interprétation). - Le conseil de la défense en a-t-il

  6   terminé avec son tableau ?

  7   M. Hayman (interprétation). - J'en ai terminé, oui,

  8   Monsieur le Président.

  9   M. le Président. - Vous souhaitez faire verser comme pièce à

 10   conviction le document dont vous avez tracé les trois premières lignes ?

 11   M. Hayman (interprétation). - Cela ne sera pas nécessaire,

 12   Monsieur le Président.

 13   M. le Président. - Merci. Poursuivez.

 14   M. Hayman (interprétation). - Colonel Watters, le 19 

 15   avril 1993, avez-vous reçu un rapport provenant d'un de vos signal d'appel

 16   faisant état d'artillerie du HVO tirant depuis la position d'artillerie

 17   située à Mosunj ?

 18   M. Watters (interprétation). - Nous recevions des centaines et

 19   des centaines de dépêches militaires faisant état de tirs d'artillerie à

 20   cette période-là. Comment être précis dans de telles conditions ?

 21   M. Hayman (interprétation). - Vers minuit et demi le 19  avril,

 22   avez-vous souvenir d'avoir reçu un rapport militaire faisant état de tirs

 23   d'artillerie du HVO à Mosunj. Il s'agit du moment approximatif où la ville

 24   de Zenica a fait l'objet de pilonnages ou a reçu un certain nombre d'obus.

 25   M. Watters (interprétation). - Comme je l’ai dit hier, nous


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  1   avons vérifié des

  2   rapports concernant des tirs et ce vers le moment où nous avons

  3   appris que des obus étaient tombés sur Zenica. Je ne sais pas exactement

  4   ce que nous avons trouvé lors de ces vérifications. Cela ne signifie pas

  5   forcément que ces tirs étaient dirigés vers Zenica bien évidemment.

  6   M. Hayman (interprétation). - Lors de votre entretien avec les

  7   membres du bureau du Procureur, leur avez-vous précisé ou dit que, je

  8   cite, "Nos signaux d'appel ont fait état de tirs d'artillerie du HVO

  9   tirant de la position de Mosunj à 12 h 30, référence de grille 19.94,

 10   c'est-à-dire en fait 19 avril 1993 ?

 11   M. Watters (interprétation). - J'ai eu beaucoup d'entretiens

 12   avec les représentants du bureau du Procureur. Lorsqu'il s'agit de

 13   vérifier des informations figurant sur des rapports d'informations

 14   militaires, peut-être que j'ai dit cela, mais je m'en excuse, pour

 15   l'instant, je ne suis pas à même de me souvenir de tous les détails.

 16   M. Hayman (interprétation). - Si vous avez dit tout cela et si

 17   vous aviez tous les documents nécessaires à cette information sous les

 18   yeux, pourriez-vous préciser l'information ?

 19   M. Watters (interprétation). - Oui, sans doute. J'ai dit que

 20   nous avions procédé à certaines vérifications, qu'il y avait des exemples

 21   de tirs du HVO au moment où les obus ont commencé à tomber sur Zenica.

 22   M. Hayman (interprétation). - Y a-t-il eu un rapport général

 23   portant sur cet incident ? Un rapport de ce type a-t-il été établi par la

 24   FORPRONU. En avez-vous connaissance ?

 25   M. Watters (interprétation). - L'incident a été établi dans un


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  1   rapport d'informations militaires.

  2   M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré précédemment que

  3   vous vous étiez rendu dans les positions d'artillerie serbes à

  4   l’emplacement de Vlaskic ?

  5   M. Watters (interprétation). - Non, je ne l'ai pas fait. Je n'ai

  6   pas dit cela.

  7   M. Hayman (interprétation). - Vous ne l'avez pas dit ?

  8   M. Watters (interprétation). - Non, je ne l'ai pas dit. J'ai dit

  9   que le commandant Stewart avait parlé au commandant régional serbe qui

 10   contrôlait ce point d'artillerie sur la montagne Vlaskic.

 11   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous dit que le

 12   Colonel Stewart avait déclaré que l'artillerie serbe qui se trouvait sur

 13   l’emplacement Vlaskic ne pouvait atteindre Zenica ?

 14   M. Watters (interprétation). - J'ai un vague souvenir du fait

 15   qu'il y avait une portée de 17 kilomètres. C'est ce que nous avons pu

 16   établir lorsque nous avons examiné leurs armes. 17 kilomètres, cela

 17   n'atteignait pas Zenica. Là encore, je me rappelle d'un entretien qui a eu

 18   lieu il y a quatre ans.

 19   M. Hayman (interprétation). - Pourtant, vous étiez conscient

 20   lors de vos patrouilles que les Serbes envoyaient régulièrement des obus

 21   sur Zenica au cours des mois d'avril et de mai 1993, n'est-ce pas ?

 22   M. Watters (interprétation). - Non, je n'avais pas conscience

 23   qu'ils pilonnaient régulièrement Zenica. Il y a eu des obus lancés sur

 24   Zenica le 18. Cela a été un événement catastrophique. Peut-être qu’ils ont

 25   pilonné les environs, mais pas la ville elle-même, je ne m’en souviens pas


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  1   en tout cas.

  2   M. Hayman (interprétation). - Mais s’ils l'avaient fait, ce

  3   serait incohérent avec le rapport fait par le Colonel Steward selon lequel

  4   les points d'artillerie situés sur la montagne ne pouvaient atteindre

  5   Zenica ?

  6   M. Watters (interprétation). - Répétez la question.

  7   M. Hayman (interprétation). - Si les Serbes ont pilonné la ville

  8   de Zenica au cours d'avril et mai 1993, si c'est un fait, est-ce que cela

  9   vient contredire les informations que vous a données le Colonel Stewart

 10   selon lesquelles il avait établi que les positions serbes établies sur la

 11   montagne Vlaskic ne pouvaient atteindre Zenica ?

 12   M. Watters (interprétation). - Les deux seuls souvenirs que

 13   j'aie, pour ce qui est d'attaques d'artillerie sur Zenica, sont ceux qui

 14   se sont produits les 18 et 24 avril. En dehors de cela, je n'ai aucun

 15   souvenir. Si en théorie des pièces d'artillerie, qui étaient évidemment

 16   celles des Serbes, tombaient sur Zenica, alors il est clair que notre

 17   évaluation selon laquelle les pièces d'artillerie placées sur la montagne

 18   de Vlaskic ne pouvaient pas atteindre Zenica n'était pas précise.

 19   M. Hayman (interprétation). - Revenons à ce groupe de soldats

 20   habillés de noir qui était basé dans le chalet suisse près de Nadioci.

 21   Vous vous en rappelez ?

 22   M. Watters (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

 23   M. Hayman (interprétation). - En vous basant sur votre

 24   expérience dans le théâtre des opérations, avez-vous pu déterminer qu'il

 25   semblait répondre aux ordres donnés par le Colonel Blaskic ?


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  1   M. Watters (interprétation). - C’est exact.

  2   M. Hayman (interprétation). - Savez-vous de quelle chaîne de

  3   commandement il s'agissait, de quel niveau émanait ces ordres ?

  4   M. Watters (interprétation). - Nous pensons qu'il obéissait à

  5   une chaîne de commandement à la fois politique et militaire. Nous avons

  6   établi que la chaîne de commandement politique était peut-être dirigée par

  7   M. Dario Kordic depuis Busovaca. Cette impression a été renforcée par la

  8   saisie d'un convoi d'aide. C'est le seul incident qui nous permet de

  9   soutenir cette hypothèse.

 10   M. Hayman (interprétation). - Vous vous rappelez de quelqu'un

 11   appelé Nick Iliats (?) ?

 12   M. Watters (interprétation). - Oui.

 13   M. Hayman (interprétation). - Faisait-il partie du premier

 14   régiment du Chershire ?

 15   M. Watters (interprétation). - Je ne suis pas à même de répondre

 16   à cette question.

 17   Je ne peux le faire pour l'instant.

 18   M. Hayman (interprétation). - En fait, vous refusez de répondre

 19   à la question. Vous refusez de nous dire si c'était un soldat faisant

 20   partie du premier régiment du Chershire. Je veux simplement éclaircir ce

 21   que vous voulez ou pas nous dire.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, nous

 23   arrivons dans un domaine où, sous la loi britannique, le colonel n'a pas

 24   le droit d'aborder certains sujets. S'il faut passer en session privée,

 25   nous allons nous mettre d'accord sur ce qu'il peut dire et sur ce qu'il ne


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  1   peut pas dire en vertu de la loi du Royaume-Uni.

  2   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, pourquoi

  3   est-ce que je ne finis pas mon contre-interrogatoire, ensuite, pendant la

  4   pause du déjeuner, je peux aborder le problème avec les membres du bureau

  5   Procureur ? Peut-être pouvons-nous agir de façon plus efficace pour

  6   résoudre ce problème.

  7   M. le Président. - Maître Hayman, terminez votre contre-

  8   interrogatoire. La question se posera éventuellement dans l'après-midi.

  9   M. Hayman (interprétation). - Colonel, une cassette vidéo a été

 10   préparée afin de vous rendre hommage et de maintenir un souvenir de votre

 11   mission en Bosnie, n'est-ce pas ?

 12   M. Watters (interprétation). - Plus précisément, des techniciens

 13   d'une chaîne de télévision ont créé cette émission pour un sergent qui

 14   leur a sauvé la vie. Ils ont voulu le remercier en faisant cela. Ils ont

 15   fait toute une série de reportages et de films de la chaîne ITN et ont

 16   monté ces différences séquences avec de la musique. Ils l'ont offert à ce

 17   sergent. Son commandant de compagnie a utilisé ces images. En fait, c'est

 18   une sorte de commémoration. Non, ce n'est pas ce que je veux dire. C'est

 19   une espèce de moyen de se rappeler notre mission.

 20   M. Hayman (interprétation). - Cette cassette contenait-elle des

 21   images d'événements qui se sont produits en Bosnie pendant que le régiment

 22   du Chershire était présent sur les lieux ?

 23   M. Watters (interprétation). - Oui, je la connais très bien.

 24   M. Hayman (interprétation). - L'avez-vous vue personnellement ?

 25   M. Watters (interprétation). - Oui.


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  1   M. Hayman (interprétation). - J'aimerais maintenant, Monsieur le

  2   Président, passer cette cassette qui a déjà été montrée. Il s'agit de la

  3   pièce D 58. Il y a trois séquences. Je voudrais demander au technicien de

  4   passer ces différentes séquences. Nous ferons une pause après chaque

  5   séquence et nous vous demanderons, entre autres, si vous reconnaissez

  6   toutes les sections de cette cassette et si vous identifiez ces images

  7   comme faisant partie de cette cassette.

  8   Pouvons-nous passer la première séquence, s'il vous plaît ?

  9   (Projection de la première séquence)

 10   M. Hayman (interprétation). - Bien, faisons une pause. Sur ce

 11   que vous venez de voir, Colonel, reconnaissez-vous ces images et ont-elles

 12   été extraites de la cassette que vous avez décrite ?

 13   M. Watters (interprétation). - Une partie de cette section oui,

 14   une autre partie, non. La cassette originale dure 90 minutes. Je le sais.

 15   M. Hayman (interprétation). - Pouvons-nous repasser l'image qui

 16   était sur l'écran, ou revenir dessus ? Reconnaissez-vous cette image et

 17   s'agit-il là d'un extrait de la cassette originale d’ITN d’un soldat

 18   faisant partie du premier régiment du Chershire ?

 19   M. Watters (interprétation). - Je dois avouer que je ne me

 20   rappelle pas de ce passage en particulier.

 21   M. Hayman (interprétation). - Reconnaissez-vous le type de

 22   véhicule qui apparaît ?

 23   M. Watters (interprétation). - Oui, c’est un... Je ne peux pas

 24   dire si c'est l'un des nôtres. Je ne me rappelle plus de la période non

 25   plus. En tout cas, c'est un scimitar de l'armée britannique qui


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  1   travaillait pour les Nations Unies. Je ne sais pas si c'est un des nôtres

  2   ou non. Je

  3   ne vois pas ce qui est écrit dessus. Je ne peux pas l'identifier

  4   formellement. Si cette image a été prise entre novembre et mai, ce serait

  5   un de nos véhicules. Si ces images ont été prises après, je ne peux pas le

  6   dire.

  7   M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous aider à

  8   identifier un peu plus cette image ?

  9   M. Watters (interprétation). - Il s'agit d'un véhicule des

 10   Nations Unies en tout cas. Si vous pouviez me donner la date, je pourrais

 11   identifier ce véhicule. Il faut remettre les images dans leur contexte. Il

 12   semble qu'il y ait une personne qui récupère ou donne une mitraillette ou

 13   un fusil.

 14   M. Hayman (interprétation). - C'est donc un fusil ?

 15   M. Watters (interprétation). - Oui, je le reconnais.

 16   M. Hayman (interprétation). - Il ne s'agit pas d'une arme des

 17   Nations Unies ?

 18   M. Watters (interprétation). - Non.

 19   M. Hayman (interprétation). - Pouvons-nous continuer à passer

 20   ces images ?

 21   (Projection.)

 22   M. Hayman (interprétation). - Il s'agit de la deuxième partie.

 23   Avez-vous reconnu certaines parties de ce film ?

 24   M. Watters (interprétation). - Non, nous parlons de deux

 25   cassettes complètement différentes. Il ne s'agit pas de la cassette dont


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  1   je parlais, qui a été donnée à notre sergent, qui a été adoptée par notre

  2   compagnie en tant que la cassette de la compagnie. Il semble qu'ici il y

  3   ait des images de la télévision. Ce n’est pas la cassette dont je parlais.

  4   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous reconnu le Lieutenant-

  5   Colonel Thomas dans cette deuxième partie ?

  6   M. Watters (interprétation). - Oui.

  7   M. Hayman (interprétation). - Pouvons-nous passer à la séquence

  8   suivante ?

  9   (Projection.)

 10   M. Hayman (interprétation). - Pouvons-nous faire une pause sur

 11   cette image ? Reconnaissez-vous ce véhicule ?

 12   M. Watters (interprétation). - Oui.

 13   M. Hayman (interprétation). - A qui appartient-il ?

 14   M. Watters (interprétation). - C’est un Warrior.

 15   M. Watters (interprétation). - Oui, c'est le Warrior de

 16   l'officier qui commandait.

 17   M. Hayman (interprétation). - Sur cette image, le voit-on

 18   tirer ?

 19   M. Watters (interprétation). - Je connais les circonstances.

 20   J'ai vu ce passage et je vois que le véhicule est en train de riposter à

 21   des soldats du HVO qui eux-mêmes ont tiré. Ils ont envoyé une roquette. Si

 22   vous regardez quelques images auparavant, vous verrez qu'effectivement la

 23   roquette qui est envoyée fait une trace sur le mur à la droite du Warrior.

 24   M. Hayman (interprétation). - Pouvons-nous continuer, s'il vous

 25   plaît ? Peut-être pourriez-vous nous le montrer sur le mur en brique.


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  1   M. Watters (interprétation). - Oui, bien sûr.

  2   M. Hayman (interprétation). - Revenons sur ce mur en brique.

  3   Pouvez-vous nous montrer l'impact ?

  4   M. Watters (interprétation). - Oui, on voit juste la fumée que

  5   provoque le tir. Lorsqu'on regarde tout le film, on voit qu'il y a un

  6   impact sur le mur. Le rapport que nous avons reçu de notre contact a dit

  7   qu'ils avaient reçu une attaque provoquée par une roquette et qu'ils

  8   avaient riposté.

  9   M. Hayman (interprétation). - Connaissez-vous où cet incident

 10   s’est produit et la date ?

 11   M. Watters (interprétation). - Je crois que cela s'est produit

 12   après le 21 avril, pendant que nous essayions de faire respecter le

 13   cessez-le-feu. Je peux me tromper. Je ne me

 14   rappelle pas non plus le village exact. Je me rappelle juste

 15   avoir vu cette séquence.

 16   M. Hayman (interprétation). - Qui possède actuellement la

 17   cassette de l'événement en entier ?

 18   M. Watters (interprétation). - Je sais que la télévision a

 19   tourné quelque chose et a montré tout l'événement. Je ne sais pas si

 20   quelqu'un a la cassette.

 21   M. Hayman (interprétation). - Très bien. Nous en avons terminé

 22   avec la cassette.

 23   M. Watters (interprétation). - Puis-je dire quelque chose ?

 24   M. Hayman (interprétation). - S'il vous plaît.

 25   M. Watters (interprétation). - Vous êtes revenu en arrière sur


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  1   une partie de ce film. Pourriez-vous remonter en arrière afin de montrer

  2   les soldats qui se trouvaient dans le scimitar et les soldats qui

  3   semblaient donner une arme à d'autres soldats. C'est un passage du film

  4   qui est tout à fait trompeur. Si vous pouviez remontrer cette séquence...

  5   Si on voit les images en arrière, on a l'impression que le soldat est en

  6   train de passer une arme à la personne qui se trouve sur le véhicule. Si

  7   on regarde le film dans un plus grand contexte, on voit que c'est

  8   l'inverse qui se produit. On voit que c'est le soldat qui se trouve sur le

  9   Scimitar qui donne l'arme à la personne qui est par terre.

 10   M. Hayman (interprétation). - Avez-vous la cassette ? Savez-vous

 11   où nous pouvons trouver la cassette ?

 12   M. Watters (interprétation). - Oui, je crois que c’est

 13   disponible.

 14   M. Hayman (interprétation). - Qui l'aurait ?

 15   M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Nous l’avons,

 17   Monsieur le Président.

 18   M. le Président. - On peut réserver ce point au moment du droit

 19   de réplique du Procureur. Peut-être est-ce au Procureur, dans son droit de

 20   réplique, de demander qu’effectivement le contexte de la cassette sur

 21   lequel a été interrogé le témoin, soit montré.

 22   Cela étant, Maître Hayman, cela prouve que le témoin estime

 23   qu'on essaie de le faire répondre à des questions à partir de documents

 24   très partiels. C’est le règle du jeu procédural. Les juges sont là pour

 25   apprécier les moyens utilisés de part et d'autre pour éventuellement faire


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  1   dire à un témoin ce qu'il n'a pas toujours envie de dire.

  2   Je résume. Colonel, je comprends très bien votre observation. Je

  3   constate qu'il appartiendra au Procureur qui mène l'accusation de savoir

  4   si, dans son droit de réplique, il demandera à faire passer les parties

  5   antérieures de la cassette. Merci.

  6   Poursuivez, Maître Hayman.

  7   M. Hayman (interprétation). - Nous avons montré tout ce que nous

  8   avions sur cet incident. S'il y avait une cassette plus complète, nous

  9   serions très heureux de pouvoir y avoir accès.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, nous nous

 11   demandons actuellement d'où provient cette cassette.

 12   M. Hayman (interprétation). - Si je pouvais continuer avec mon

 13   contre-interrogatoire, Monsieur le Président, j'aimerais le faire.

 14   M. le Président. - Vous pouvez continuer votre

 15   contre-interrogatoire. Il n'en demeure pas moins vrai que va se poser la

 16   question de l'identification de la cassette que nous avons déjà vue.

 17   Avions-nous répertorié ces trois séquences, Monsieur le Greffier ? Il

 18   semble que nous avons déjà pris position.

 19   M. le Greffier. - Effectivement, cette cassette et les trois

 20   films en question ont déjà été présentés une première fois.

 21   M. le Président. - Par qui et dans le cadre de quel témoignage ?

 22   Réfléchissez. Vous ne savez peut-être pas cela sur l'instant.

 23   M. Hayman (interprétation). - Il s'agissait du Capitaine Elis.

 24   M. le Greffier. - Le 30 septembre.

 25   M. le Président. - Bien. Nous l'avons admise en pièce à


Page 3554

  1   conviction ?

  2   M. le Greffier. -  Non, elle n'a pas été admise ni versée au

  3   dossier.

  4   M. le Président. - Elle est donc toujours sous la réserve

  5   précédente. Nous avions également réservé.

  6   Maître Hayman, si mes souvenirs sont bons, avait dit qu'il se

  7   réserverait pour plus tard de donner les identifications de cette

  8   cassette. N'est-ce pas cela, Maître Hayman ?

  9   M. Hayman (interprétation). - Oui, effectivement. Nous avons

 10   également montré la cassette au Capitaine Ellis pour savoir quelle partie

 11   il pouvait authentifier. Nous faisons la même chose avec ce témoin,

 12   Monsieur le Président.

 13   M. le Président (interprétation). - Vous avez eu les réponses du

 14   témoin. Il n'authentifie pas tout. Pour l’instant, nous n’admettons pas

 15   cette cassette comme pièce à conviction tant qu'elle n'aura pas été

 16   identifiée. Nous notons au transcript les réserves que fait le témoin sur

 17   cette cassette et notamment le fait que si le contexte était visionné dans

 18   sa totalité, on aurait peut-être une autre perception du passage de l’arme

 19   sur le Warrior. Poursuivez maintenant.

 20   M. Hayman (interprétation). - Colonel, hier vous avez parlé des

 21   critiques que vous avez émises, qui ont été émises à l'encontre du général

 22   Blaskic pour ne pas avoir arrêté des suspects qu'il aurait dû présenter à

 23   ses supérieurs ou auxquels il aurait dû faire subir des démarches

 24   judiciaires. Je voudrais savoir si vous avez étudié et quel était le droit

 25   en ex-Yougoslavie ou en Bosnie qui aurait permis d'établir un cadre dans


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  1   lequel les suspects auraient pu faire l'objet d'une enquête ainsi que les

  2   règles générales d'arrestation d'un soldat qui auraient pu faire l'objet

  3   de ce type de procédure.

  4   M. Watters (interprétation). - Non, je ne l'ai pas fait. Je n'ai

  5   appliqué que des orientations qui existaient dans notre propre armée et

  6   pour les Nations Unies.

  7   M. Hayman (interprétation). - Vous seriez d'accord pour dire que

  8   ce ne sont pas

  9   des orientations qui auraient été appliquées sur le territoire

 10   de la Bosnie centrale en 1992, 1993 et 1994 ?

 11   M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas.

 12   M. Hayman (interprétation). - Le droit d'Angleterre ne

 13   s'applique pas à l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

 14   M. Watters (interprétation). - Non, le droit anglais

 15   effectivement, mais le droit de la guerre oui.

 16   M. Hayman (interprétation). - Dans le droit militaire

 17   britannique, y a-t-il le même degré de preuves nécessaire pour présenter

 18   un individu et lui faire subir une enquête militaire ou pour arrêter un

 19   individu ? Est-ce ce que vous êtes en train de dire ?

 20   M. Watters (interprétation). - Non, ce que je dis, c'est que si

 21   j'étais à la tête d'une organisation qui avait été accusée d'avoir commis

 22   des atrocités comme celles d'Ahmici et si je devais lancer une enquête

 23   avec toutes les ressources dont je disposais, si j'avais identifié les

 24   personnes suspectes, oui, je les arrêterais en attente d'une enquête plus

 25   poussée par la police militaire. Je peux faire cela en tant que


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  1   commandant. Je ne voudrais pas que ces soldats restent sous mon autorité

  2   si je les suspectais d'avoir fait des choses pareilles.

  3   M. Hayman (interprétation). - Ce type de procédures est-il prévu

  4   dans le droit militaire britannique ?

  5   M. Watters (interprétation). - Oui.

  6   M. Hayman (interprétation). - Et dans de telles circonstances,

  7   ces suspects sont-ils arrêtés et dans d'autres circonstances ne sont-ils

  8   pas arrêtés, cela dépendant bien sûr des circonstances ?

  9   M. Watters (interprétation). - Oui.

 10   M. Hayman (interprétation). - Etes-vous en train de dire que le

 11   droit militaire exige qu'un suspect soit arrêté dans certaines

 12   circonstances et non dans d'autres ?

 13   M. Watters (interprétation). - Il y a certaines circonstances

 14   dans lesquelles une personne suspectée doit être arrêtée par la loi et le

 15   commandant de brigade ou de division a une certaine marge de manoeuvre

 16   pour juger des circonstances.

 17   M. Hayman (interprétation). -  Donc, vous dites qu'il y a tout

 18   de même un pouvoir discrétionnaire prévu dans le droit militaire

 19   britannique ?

 20   M. Watters (interprétation). - C’est exact.

 21   M. Hayman (interprétation). - Nous ne parlons pas ici de

 22   violation du droit militaire ?

 23   M. Watters (interprétation). - Je considérais qu'il s'agit là

 24   d'une erreur de jugement par un commandant. Il a effectivement ce pouvoir.

 25   M. Hayman (interprétation). - Revenons au 16 avril et je


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  1   terminerai.

  2   Là, je vais me rapprocher, si vous me le permettez, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. Hayman (interprétation). - Revenons à la pièce 29J et au

  5   transparent que nous avons appliqué par-dessus et revenons également au

  6   16 avril.

  7   Vous avez dessiné deux lignes bleues qui indiquent les lignes de

  8   séparation entre le HVO et deux autres lignes qui indiquent les lignes de

  9   retrait, en quelque sorte, de l'armée de Bosnie-Herzégovine après le

 10   cessez-le-feu du 21 avril 1993.

 11   M. Watters (interprétation). - Oui.

 12   M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à cette

 13   date, à quelle distance de la ligne bleue les troupes du HVO ont avancé ?

 14   M. Watters (interprétation). - Je crois que la ligne a été très

 15   importante dans les objectifs du HVO et que cela marque la limite de la

 16   présence du HVO qui était là depuis longtemps d'ailleurs.

 17   M. Hayman (interprétation). - Vous dites que le HVO a traversé

 18   cette ligne le 16 avril 1993 ?

 19   M. Watters (interprétation). - Non, il y avait des positions et

 20   ils ont avancé en suivant le cours de la vallée en quelque sorte.

 21   M. Hayman (interprétation). - Et à quel moment les troupes se

 22   sont-elles le plus avancées au nord de cette route qui reliait Vitez à

 23   Busovaca ? C'était le 16 ?

 24   M. Watters (interprétation). - Non. L'attaque principale a

 25   commencé le matin du 16 et il y a eu des combats incessants dans cette


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  1   zone le 17, le 18. La plus grande offensive a eu lieu effectivement le 16

  2   au matin.

  3   M. Hayman (interprétation). - Et quand le HVO a-t-il eu le

  4   maximum de contrôle de cette région à ce moment là ?

  5   M. Watters (interprétation). - Je pense que ce serait le 17.

  6   M. Hayman (interprétation). - En ce qui concerne le village

  7   d'Ahmici en particulier, jusqu'où est allé le HVO ?

  8   M. Watters (interprétation). - Je dirai vers la ligne alpha.

  9   C'est ce que nous avons pu observer en tout cas. Nous n'avons pas fait de

 10   patrouille dans cette zone puisqu'il n'y avait pas de route et nous

 11   n'avons pas emmené nos warriors là-bas parce que ce sont des routes très

 12   étroites, des routes de montagne.

 13   M. Hayman (interprétation). - Connaissez-vous le lieu de (B... ?

 14   inaudible) qui se trouve au nord d'Ahmici ?

 15   M. Watters (interprétation). - Excusez-moi...

 16   Non je ne connais pas ce lieu.

 17   M. Hayman (interprétation). - Et Kratine ? Pensez-vous que c'est

 18   un lieu qui a été pris par le HVO le 16 ?

 19   M. Watters (interprétation). - Nous pensons que le HVO avait des

 20   positions le long de cette ligne le 17.

 21   M. Hayman (interprétation). - Là, à cette ligne ou au-delà ?

 22   M. Watters (interprétation). - Eh bien, il y avait un village,

 23   je crois me souvenir que c'était un village croate.

 24   M. Hayman (interprétation). - Poculica?

 25   M. Watters (interprétation). - Oui, c'est cela. Il y avait sans


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  1   doute également des positions croates ici, et Jelinak était également

  2   contrôlé par les Croates.

  3   M. Hayman (interprétation). - Y a-t-il d'autres villages dans la

  4   vallée de la Lasva, dans le canton 10, qui ne faisaient pas l'objet de

  5   combats les 16, 17, 18 et 19, etc., avril 1993 ?

  6   M. Kehoe (interprétation). - Objection. Ces questions ont déjà

  7   été posées hier.

  8   M. le Président. - C'est exact, ces questions ont été posées

  9   hier. Maître Hayman, changez de question.

 10   M. Hayman (interprétation). - Combien y a-t-il de villages, si

 11   vous le savez, dans la vallée de la Lasva, au sein du canton 10, peuplés

 12   de Musulmans, de Croates ou de populations mixtes ? Y en a-t-il 10, 100,

 13   200 ? Pouvez-vous donner une estimation ?

 14   M. Watters (interprétation). - Il y en a des dizaines. Regardez

 15   sur la carte.

 16   M. Hayman (interprétation). - Donc, beaucoup de villages.

 17   M. Watters (interprétation). - Oui.

 18   M. Hayman (interprétation). - Et le 16 avril, combien de

 19   villages musulmans ou de villages composés des deux nationalités ont été

 20   attaqués ?

 21   M. Watters (interprétation). -  Ils n'ont pas tous été attaqués.

 22   M. Hayman (interprétation). - S'agissait-il des villages qui se

 23   trouvaient le long de cette route principale qui reliait Vitez à Busovaca

 24   et Kruscica ?

 25   M. Kehoe (interprétation). - Objection. Ces questions ont déjà


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  1   été posées hier.

  2   M. le Président. - Même objection. Je vous dis de changer de

  3   question, Maître Hayman. Elles ont été posées d'une façon ou d'une autre.

  4   Vous avez beau les changer dans leur forme, les juges ne sont pas dupes,

  5   Maître Hayman.

  6   M. Hayman (interprétation). - Non, elles n'ont pas été posées

  7   hier. Le compte rendu le montrera, Monsieur le Président.

  8   M. le Président. - Pas sous cette forme, c'est vrai,

  9   Maître Hayman. La question précédente avait été posée sous cette forme ;

 10   je vous accorde que celle que vous venez de poser ne l'était pas sous

 11   cette forme. Je vous dis simplement que les juges ne sont pas dupes

 12   lorsque vous essayez de poser finalement la même question sous une forme

 13   différente. Ne jouons pas sur les mots.

 14   M. Hayman (interprétation). - Ce n'est pas mon intention,

 15   Monsieur le Président.

 16   M. le Président. - J'en suis bien persuadé. Je vous l'accorde.

 17   M. Hayman (interprétation). - Colonel, outre les villages qui se

 18   trouvent le long de la route principale qui relie Vitez à Busovaca et

 19   outre Kruscica et Stari Vitez, quels villages autres que ceux qui se

 20   trouvaient le long de cette route principale ont été attaqués le

 21   16 avril ?

 22   M. Kehoe (interprétation). - Là encore, c'est un sujet qui a

 23   déjà été abordé lorsque Me Hayman a proposé une liste de tous ces villages

 24   hier.

 25   M. Hayman (interprétation). - J'ai posé des questions sur deux,


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  1   trois ou quatre villages. Là, c'est une question ouverte pour une réponse

  2   générale.

  3   M. le Président. - Maître Hayman, je vous propose de poser une

  4   dernière fois une question ouverte sur un sujet qui a été abordé hier.

  5   Nous prolongeons inutilement les débats. Un jour viendra où l'on fixera à

  6   chaque partie un temps. On ne peut pas accepter que les débats

  7   s'éternisent de cette façon. Les parties n'ont pas tous les droits dans un

  8   procès, je regrette, le Tribunal a aussi des droits. Il a notamment la

  9   responsabilité de mener les débats dans un temps convenable.

 10   Ou alors, annoncez votre objectif. Que recherchez-vous dans la

 11   question que vous posez ? Dites quel est votre objectif et le Tribunal

 12   sera à même de savoir si vous êtes dans l'objectif ou non. Il est 12 h 52.

 13   Nous terminerons votre contre-interrogatoire ce matin,

 14   Maître Hayman. Choisissez vos questions. A 13 h nous arrêtons.

 15   M. Hayman (interprétation). - J'ai posé la question, Monsieur le

 16   Président, mais je ne cesse d'être interrompu. Le témoin ne peut pas

 17   répondre à la question. Je vais la reposer et si M. Kehoe arrête de faire

 18   des objections je pourrai peut-être finir mon contre-interrogatoire.

 19   M. le Président. - Il n'y a pas que M. Kehoe qui vous fait des

 20   objections mais également le juge qui vous parle.

 21   M. Hayman (interprétation). - Colonel, outre Kruscica et

 22   Stari Vitez dont nous avons déjà parlé, et outre les villages qui se

 23   trouvent le long de cette route principale qui relie Vitez à Busovaca,

 24   c'est-à-dire Ahmici, Santici, Pirici Nadioci et autres, quels autres

 25   villages avez-vous pu observer ou ont fait l'objet de rapports au sein de


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  1   la vallée de la Lasva ? Quels autres villages ont été attaqués le matin du

  2   16 avril 1993 ? Pouvez-vous nous le dire ?

  3   M. Watters (interprétation). - Ce matin-là, ce sont les villages

  4   sur lesquels nous avons reçu des rapports et dont il a été dit qu'ils

  5   avaient subi des attaques.

  6   M. Hayman (interprétation). - Très bien. Merci beaucoup. J'ai

  7   terminé.

  8   M. le Président. - L'audience reprendra à 14 h 30.

  9   Monsieur le Procureur, vous aurez votre droit de réplique et

 10   ensuite les juges poseront les questions.

 11   L'audience est levée.

 12   L'audience, suspendue à 12 h 55, est reprise à 14 h 30.

 13   M. le Président. -  L’audience est reprise. Faites entrer

 14   l'accusé.

 15   Monsieur le Procureur, je vous rappelle que votre droit de

 16   réplique doit s'exercer dans des conditions très strictes. Il n'est pas

 17   question de recommencer l'interrogatoire. Vous devez vous borner à

 18   rectifier, préciser, compléter des points qu’il vous apparaît nécessaire

 19   de

 20   préciser ou de compléter au vu de ce qui s'est passé au contre-

 21   interrogatoire. Nous sommes d'accord ?

 22   M. Kehoe (interprétation). -  Oui, Monsieur le Président.

 23   Bonjour, colonel.

 24   M. Watters (interprétation). - Bonjour, Monsieur.

 25   M. Kehoe (interprétation). - Pourrions-nous maintenant regarder


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  1   les documents qui se trouvent sur la table devant vous et que la défense a

  2   présentés au cours du contre-interrogatoire ? Je parle des extraits des

  3   documents relatifs au premier régiment du Cheshire. Vous les voyez ?

  4   M. Watters (interprétation). - Oui.

  5   M. Hayman (interprétation). - Le premier de ces documents est la

  6   pièce à conviction D59 datée du 19 janvier 1993. C'est bien cela ?

  7   M. Watters (interprétation). - Oui.

  8   M. Kehoe (interprétation). -  Donc, vous pourriez prendre ce

  9   document et également ce qui se trouve avec ce document qu'on pourrait

 10   appeler une note de service, une instruction. C'est bien cela ?

 11   M. Ackerman (interprétation). - Oui.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Les événements évoqués se sont

 13   passés avant votre arrivée en Bosnie n'est-ce pas ?

 14   M. Watters (interprétation). - Oui.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Cette dépêche d'informations

 16   militaires qui a été évoquée par le conseil de la défense, je la lis et à

 17   la septième ligne vers le bas, je commence par cette phrase qui commence

 18   par les termes  : "avec le recrutement de..." Vous voyez cette phrase ?

 19   M. Watters (interprétation). - Oui.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous en donner lecture à

 21   mon intention ?

 22   M. Watters (interprétation). - Je lis : "Le recrutement de

 23   civils, c’est-à-dire de personnes qui n'ont aucune implication dans les

 24   forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou du HVO reflète la nécessité

 25   évaluée par les forces de l’armée de Bosnie-Herzégovine de se renforcer


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  1   contre ce qu'elles perçoivent comme une menace provenant du HVO".

  2   M. Kehoe (interprétation). - Arrêtez-vous là, colonel. Plus tard

  3   au cours du même mois, y a-t-il eu une attaque des forces du HVO contre

  4   les Musulmans à Buzovaca ?

  5   M. Watters (interprétation). - Je le crois effectivement.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Donc, cette évaluation était

  7   exacte ?

  8   M. Watters (interprétation). - Il existait effectivement une

  9   menace contre les Musulmans de la part du HVO à l’époque. Cette première

 10   période de notre déploiement à Vitez a été dominée par des combats

 11   interethniques dans la vallée de Kiseljak.

 12   M. le Président. - On n'a pas fini de traduire la réponse du

 13   témoin que déjà vous débitez à une cadence rapide votre question. Gagner

 14   du temps dans une procédure ne consiste pas forcément à aller vite dans le

 15   débit des paroles. Gagner du temps, c'est gagner du temps sur la

 16   procédure. Ce n'est pas uniquement une question de débit de parole.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Voyons maintenant la pièce à

 18   conviction suivante qui se trouve à gauche sur la table. Pouvez-vous

 19   prendre ce document ?

 20   (Intervention du Président hors micro.)

 21   M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président.

 22   Je vous demande de prendre le document D60. Ce document est daté du

 23   18 avril 1993 et est toujours une dépêche d'informations militaires

 24   relative au premier régiment du Cheshire ?

 25   M. Watters (interprétation). - Oui.


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  1   M. Kehoe (interprétation). -  Ce signal d'appel de Warriors est

  2   lié à une référence de grille d'un barrage routier 13.40.01. Vous voyez ce

  3   numéro ?

  4   M. Watters (interprétation). - Oui.

  5   M. Kehoe (interprétation). - De quoi s'agit il ?

  6   M. Watters (interprétation). - Je dois vérifier sur la carte. Je

  7   pense que c'est un lieu situé au sud de Travnik.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Pouvez vous vérifier sur la carte

  9   brièvement ?

 10   M. Watters (interprétation). - C'était un barrage routier de

 11   l'armée de Bosnie-Herzégovine qui se trouvait à l'est de Travnik et qui a

 12   dû être mis en place pendant la première période de tension qui a fait

 13   suite à la visite de Boban le 8 avril et qui a ensuite été renforcé après

 14   l'attaque du HVO le matin du 16 avril.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Donc, ce barrage routier avait été

 16   créé quelque temps avant le 18 avril ?

 17   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Prenons la page en question.

 19   Annexés à cette page, vous voyez les quatre paragraphes d'un accord de

 20   cessez-le-feu signé uniquement par Blaskic. Voyez-vous ces paragraphes ?

 21   M. Watters (interprétation). - Oui.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit en réponse aux

 23   questions du contre-interrogatoire que vous n'aviez jamais vu un document

 24   du même genre signé par les forces bosniaques. Est-ce exact ?

 25   M. Watters (interprétation). - C'est exact, Monsieur.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - A votre connaissance ou à celle de

  2   quelques membres que ce soient du bataillon britannique ou des

  3   vérificateurs de l'ECMM, est-ce que quiconque a négocié un tel accord de

  4   cessez-le-feu ?

  5   M. Watters (interprétation). - Non, pas à ce stade, pas le 18

  6   avril. Nous avions négocié avec les commandants de brigade de façon

  7   continue dans les locaux de l'école. C'est la première fois que nous

  8   voyons d'après ce dont je me souviens un tel accord de cessez-le-feu

  9   provenant du quartier général du colonel Blaskic.

 10   M. Kehoe (interprétation). - A cette date, celle du 18 avril

 11   1993, est-ce que cela aurait été un avantage stratégique ou opérationnel

 12   pour le HVO de rechercher la paix ?

 13   M. Watters (interprétation). - Lorsque nous avons vu ce document

 14   pour la première fois, nous avons pensé d'abord : "Dieu merci, un peu de

 15   sens commun revient ici". Et puis, très rapidement, nous avons constaté

 16   que ce document n'était pas valable. L'élément le plus important manquant

 17   était la moindre intention exprimée par les forces du HVO de se retirer

 18   des lignes de front. Il apparaissait comme un document très brut, très

 19   naïf, une tentative de répondre à une offensive terrestre pour ensuite

 20   rechercher la paix, mais aucune intention n'était manifestée dans ce

 21   document quant à la volonté de signer réellement un document de cessez-le-

 22   feu permettant la restitution des territoires capturés. Donc, nous n'avons

 23   pas accordé la moindre validité à ce document.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Y avait-il la moindre référence

 25   dans ce document signé par Blaskic à la restitution de territoires gagnés


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  1   par le HVO ?

  2   M. Watters (interprétation). - Non, aucune mention n'était faite

  3   de cet élément.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Passons, si vous le voulez bien au

  5   dernier document, ou plutôt non, il s'agit, je crois, de la pièce à

  6   conviction D65 qui n'est pas le dernier document. Si vous regardez le

  7   verso, vous verrez la cote de la pièce à conviction, colonel. Vous voyez

  8   la référence qui est faite dans le document D65 au fait que le colonel

  9   Blaskic a prétendu qu'il y avait eu une offensive de l'armée de Bosnie-

 10   Herzégovine dans la région en contravention avec le cessez-le-feu ?

 11   M. Watters (interprétation). - Oui, je le vois.

 12   M. Kehoe (interprétation). - En concluez-vous, colonel, qu'il se

 13   plaignait de la contravention au cessez-le-feu qui, en fait, n'avait

 14   jamais existé ?

 15   M. Watters (interprétation). - Il se plaignait au sujet du

 16   document de cessez-le-feu

 17   qu'il nous avait envoyé. Nous n'avions pas vu de documents de

 18   cessez-le-feu signé par l'armée de Bosnie Herzégovine. C'était quelque

 19   chose de tout à fait courant, cela s'était produit le 17, le 18, le 19. Il

 20   était arrivé ces jours-là que des négociations au sujet d'un cessez-le-feu

 21   impliquent toutes les parties, obtiennent l'accord de toutes les parties.

 22   Il semble donc que le colonel Blaskic prétendait qu'il avait proposé un

 23   cessez-le-feu ou que le document qu'il avait signé déclarait qu'il y avait

 24   un cessez-le-feu auquel il avait été fait infraction.

 25   M. Kehoe (interprétation). - Regardons maintenant le dernier des


Page 3568

  1   documents, colonel. Je crois que c'est la pièce à conviction D67. La

  2   dépêche d'informations militaires 180 du 18 avril 1993, l’avez-vous entre

  3   les mains colonel ?

  4   M. Watters (interprétation). - Oui.

  5   M. Kehoe (interprétation). - Ce document fait référence à un

  6   village qui s'appelle Kazagici ?

  7   M. Watters (interprétation). - Oui.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Kazagici était un village musulman,

  9   n'est-ce pas ?

 10   M. Watters (interprétation). - Oui.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Vous êtes-vous rendu à Kazagici ?

 12   M. Kehoe (interprétation). - Oui, je me suis rendu à Kazagici,

 13   le 27, 28 avril, une date aux environs de ce jour-là. A ce moment-là, le

 14   cessez-le-feu négocié le 21 était largement respecté dans la zone

 15   Kiseljak, Vitez, Busovaca, mais, en dehors de Kiseljak, ce cessez-le-feu

 16   semblait être largement ignoré par toutes les parties dans la vallée de la

 17   Lasva. Notre effort principal a désormais été axé sur la tentative de

 18   faire respecter ce cessez-le-feu.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire,

 20   il vous a été demandé si des destructions causées à un village pouvaient

 21   être des destructions secondaires. Vous avez répondu qu'un village pouvait

 22   être détruit et subir des dommages secondaires.

 23   M. Hayman (interprétation). - Avec tout le respect que je vous

 24   dois, Monsieur le

 25   Président, cela n'a pas été la teneur de ma question ni la


Page 3569

  1   teneur de la réponse.

  2   M. le Président. - Pouvez-vous modifier votre question, Monsieur

  3   le Procureur.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Tout à fait, Monsieur le Président.

  5   Vous êtes allé ce village, n'est-ce pas, colonel ?

  6   M. Watters (interprétation). - Oui.

  7   M. Kehoe (interprétation). - Le 28 avril 1993/

  8   M. Watters (interprétation). - C’est exact.

  9   M. Kehoe (interprétation). - C'était un village musulman ?

 10   M. Watters (interprétation). - C’est exact.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Quel était son aspect ?

 12   M. Watters (interprétation). - Je me rappelle avoir dit à la

 13   radio qu'un grand nombre des maisons avaient récemment été incendiées. Par

 14   ces mots, je voulais dire qu'elles avaient été systématiquement détruites

 15   par le feu.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que ces maisons avaient un

 17   aspect comparable aux maisons incendiées à Ahmici ?

 18   M. Watters (interprétation). - Oui.

 19   M. Kehoe (interprétation). - A Santici ?

 20   M. Watters (interprétation). - Oui.

 21   M. Kehoe (interprétation). -  A Nadioci ?

 22   M. Watters (interprétation). - Oui.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Dans un certain nombre d'autres

 24   villages de la vallée de la Lasva ?

 25   M. Watters (interprétation). - Oui.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous en conclure que les

  2   Musulmans faisaient brûler leurs propres maisons ?

  3   M. Watters (interprétation). - Non, c'est une question sans

  4   fondement. Non.

  5   M. Kehoe (interprétation). - Revenons-en à quelques questions

  6   qui vous ont été posées par la défense au cours du contre-interrogatoire

  7   s'agissant notamment de savoir si Blaskic avait rempli ses

  8   responsabilités, lorsqu'il avait établi la liste de soldats responsables

  9   du massacre d’Ahmici ? Vous rappelez-vous ces questions ?

 10   M. Watters (interprétation). - Oui.

 11   M. Kehoe (interprétation). -  Est-ce que cette liste vous

 12   indiquait qu'il s'agissait de soldats du HVO dont les noms étaient sur

 13   cette liste ?

 14   M. Watters (interprétation). - Oui. Au début, cependant, le

 15   colonel Blaskic a accusé les serbes d'avoir attaqué Ahmici.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Donc, il y a eu un changement de

 17   position sur cette liste. Au départ, c'étaient des Serbes et ensuite des

 18   soldats du HVO ?

 19   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous jamais, directement ou

 21   indirectement, découvert, au cours du temps que vous avez passé dans la

 22   région, que Blaskic prétendait que le MOS musulman de Zenica avait commis

 23   ce crime à Ahmici ?

 24   M. Watters (interprétation). - Je n'ai aucun souvenir de cela,

 25   Monsieur.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Qu'en était-il des unités du MOS

  2   musulman de Zenica ?

  3   M. Watters (interprétation). - Vous dites que les Musulmans ont

  4   attaqué Ahmici ?

  5   M. Kehoe (interprétation). - C'est exact. Avez-vous jamais

  6   entendu Blaskic maintenir que les Musulmans avaient attaqué les Musulmans

  7   et fait brûler les maisons des Musulmans et perpétré des meurtres à

  8   Ahmici ?

  9   M. Watters (interprétation). - Non, mais si cela avait été le

 10   cas, j’aurais estimé ridicule comme l'accusation que c'étaient les Serbes

 11   qui l'avaient fait ?

 12   M. Kehoe (interprétation). - Pourquoi ?

 13   M. Watters (interprétation). - Parce que c'était pratiquement

 14   impossible pour les Serbes de le faire. Pourquoi un peuple aurait fait du

 15   mal à son propre peuple et assassiné ses propres ressortissants.

 16   M. le Président. - (...) réponse du témoin, je voudrais qu'on

 17   aille plus doucement si vous voulez que les juges suivent et puissent

 18   écouter ensuite avec tout le respect qui vous est dû les objections des

 19   uns et des autres. Le témoin a-t-il achevé de répondre ?

 20   M. Watters (interprétation). - Oui, Monsieur.

 21   M. le Président. - Maître Hayman, formulez votre objection s'il

 22   vous plaît pour que les interprètes puissent me la retranscrire

 23   fidèlement.

 24   M. Hayman (interprétation). - Je prie le témoin et les Juges de

 25   m'excuser pour mon interruption, mais je crois que cette question n'est


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  1   pas acceptable. La question était à l'origine : est-ce que Blaskic a blâmé

  2   le MOS, un groupe musulman ? Le témoin répond : "non". Il lui est ensuite

  3   posé la question de savoir si cette accusation aurait été ridicule et nous

  4   avons ensuite toute sorte d'éléments fournis par le témoin comme quoi ce

  5   serait absurde de blâmer le MOS pour cette attaque, alors que Blaskic n'a

  6   jamais dit que le MOS pouvait être blâmé pour cette attaque.

  7   Voilà ce que je voulais vous dire, Monsieur le Président.

  8   M. le Président. - Objection accordée.

  9   Alors, Monsieur le Procureur ?

 10   M. Kehoe (interprétation). - Puis-je être entendu sur ce point,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. le Président. - Vous pouvez être entendu. L'objection paraît

 13   tout à fait fondée. Mais, on peut vous entendre, Maître Kehoe.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Je comprends, Monsieur le

 15   Président. Mais si je puis

 16   avoir l'autorisation de m'exprimer sur la base d'une question

 17   posée par le conseil de la défense, ce problème est effectivement devenu

 18   un problème réel qui donnera lieu à présentation d'éléments de preuve de

 19   notre part quant au fait que Blaskic a effectivement maintenu que les

 20   Musulmans de Zenica avaient assassiné ces habitants d'Ahmici. La question

 21   que je pose actuellement a fait l'objet de réponses diverses, d'abord les

 22   Serbes, ensuite le HVO. Il est approprié de demander si oui ou non Blaskic

 23   a renvoyé le blâme sur les Musulmans pendant cette période précise. Mais,

 24   je vais continuer, Monsieur.

 25   M. le Président. - Continuez, Monsieur le Procureur.


Page 3573

  1   M. Kehoe (interprétation). - Un peu de patience, colonel, je

  2   vais passer d'un sujet à l’autre assez rapidement. Nous n'allons pas

  3   suivre dans l'ordre les sujets abordés dans le contre-interrogatoire. Je

  4   passe à un sujet différent, à savoir les troupes et le nombre de soldats.

  5   Vous avez entendu un certain nombre de questions au cours du contre-

  6   interrogatoire quant au fait de savoir si oui ou non les effectifs de

  7   l'armée de Bosnie-Herzégovine de l'époque étaient supérieurs aux effectifs

  8   employés, pourrait-on dire, par le HVO. Vous rappelez-vous ces questions ?

  9   M. Watters (interprétation). - Oui, je ne me rappelle pas les

 10   chiffres exacts, mais je savais que l'armée de Bosnie-Herzégovine avait

 11   des effectifs supérieurs à ceux du HVO.

 12   M. Kehoe (interprétation). - En tant que lieutenant-colonel de

 13   l'armée britannique et ayant eu affaire à des questions de ce genre au

 14   cours de votre carrière, est-ce que les effectifs de part et d'autre sont

 15   un moyen d'évaluer de façon précise la force réelle des armées

 16   respectives ?

 17   M. Watters (interprétation). - Non, c'est une explication trop

 18   simpliste.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous nous expliquer de

 20   façon plus détaillée ?

 21   M. Watters (interprétation). - Regardez la guerre de Corée. Les

 22   soldats britanniques étaient en très petit nombre contre les attaques

 23   massives des Nord-Coréens et des

 24   Chinois. Les effectifs n'ont donc pas de pertinence réelle.

 25   D'autres facteurs interviennent de façon plus importante pour


Page 3574

  1   déterminer la force de combat. C'est en fait la puissance de feu

  2   disponible directement et indirectement au commandant des armées en

  3   question, la motivation des troupes, le moral de troupes, ce que nous

  4   appelons l'aspect moral. Il y a des mesures importantes de la capacité

  5   militaire qui peuvent être à même de permettre d'évaluer les forces.

  6   M. le Président. - Je n'arrive pas à entendre la fin de la

  7   réponse du Colonel que déjà vous posez la question suivante dans un débit

  8   très rapide ! Les juges ont le droit quand même de connaître l'intégralité

  9   de la réponse. Pensez au juge français ! D'accord ?

 10   M. Kehoe (interprétation). - Qui avait la puissance de feu dans

 11   la vallée de la Lasva et en Bosnie centrale ?

 12   M. Watters (interprétation). - Les Croates.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Qui avait la plus grande puissance

 14   de feu ?

 15   M. Watters (interprétation). - Le HVO avait une plus grande

 16   puissance de feu ayant un accès plus facile aux arsenaux où étaient

 17   entreposées les munitions à Vitez, artillerie et mortier.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous vu des armes telles que

 19   des armes de calibre 40 millimètres ou des armes anti-aériennes utilisées

 20   par le HVO ?

 21   M. Watters (interprétation). - Oui, à Busovaca notamment. Un

 22   canon antiaérien de 40 millimètre monté sur un véhicule avec de très

 23   nombreuses munitions pour canon de 40 millimètres. Il s'agissait d'une

 24   puissance multipliée sur le terrain, une formidable force à laquelle je ne

 25   me serais pas confronté en tant que militaire.


Page 3575

  1   M. Kehoe (interprétation). - Tournons-nous maintenant vers

  2   Dario Kordic. Au cours du contre-interrogatoire, vous avez été interrogé

  3   sur ce point, le problème du convoi qui a été détourné sur Busovaca ?

  4   M. Watters (interprétation). - C’est exact.

  5   M. Kehoe (interprétation). - Qui a détourné ce convoi, Monsieur

  6   ?

  7   M. Watters (interprétation). - Des soldats portant un uniforme

  8   noir dont j'ai présumé qu'il s'agissait d'habitants des petites maisons

  9   des alentours.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que c'étaient des hommes ?

 11   M. Watters (interprétation). - Personnellement, j'ai interrogé

 12   l'officier qui menait le convoi en raison de sa mauvaise conduite. Il a

 13   déclaré que les soldats qui avaient détourné le convoi, lorsqu'ils se sont

 14   trouvé confrontés au fait que le Colonel Blaskic avait donné

 15   l'autorisation au passage du convoi, à son transfert du dépôt de Zenica

 16   jusqu'à Travnik, un soldat a déclaré : "Nous ne prenons pas nos ordres de

 17   Blaskic, mais de Dario Kordic".

 18   M. Kehoe (interprétation). - Etait-ce un incident lié à ce

 19   convoi particulier ?

 20   M. Watters (interprétation). - Il s'agissait de l'enlèvement

 21   d'un convoi. Plus tard, il est apparu que Dario Kordic ne croyait pas que

 22   la communauté croate de Bosnie centrale, et notamment de Busovaca,

 23   recevait ce à quoi elle avait droit en termes d'aide humanitaire. Il

 24   encourageait au détournement des convois de façon à doter la population

 25   comme elle le méritait.


Page 3576

  1   M. Kehoe (interprétation). - Aviez-vous eu déjà l'expérience de

  2   tels agissements de la part de Kordic avant ou après cet incident ?

  3   M. Watters (interprétation). - Non, Monsieur. Lorsque des

  4   convois avaient été détournés par le passé, nous nous étions adressés au

  5   quartier général de Blaskic et nous en avions obtenu la restitution. Je me

  6   rappelle d'un événement particulier dans ce sens.

  7   M. Kehoe (interprétation). - S'agissait-il d'un élément isolé ?

  8   M. Watters (interprétation). - Selon mon expérience, oui.

  9   M. Kehoe (interprétation). - S'agissant de Dario Kordic, vous

 10   avez assisté à diverses réunions auxquelles assistaient Blaskic et parfois

 11   le Général Petkovic. Est-ce exact ?

 12   M. Watters (interprétation). - C'est exact, Monsieur.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Kordic assistait-il à une

 14   quelconque de ces réunions ?

 15   M. Watters (interprétation). - Non.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Vous avez également assisté à des

 17   négociations de cessez-le-feu, n'est-ce pas ?

 18   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Vous étiez présent lorsque des

 20   documents ont été signés suite à des négociations de cessez-le-feu, n'est-

 21   ce pas ?

 22   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Kordic était-il présent ?

 24   M. Watters (interprétation). - Non.

 25   M. Kehoe (interprétation). - A-t-il signé de tels accords ?


Page 3577

  1   M. Watters (interprétation). - Non.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que Blaskic les a signés ?

  3   M. Watters (interprétation). - Oui.

  4   M. Kehoe (interprétation). - S'agissant de ces hommes qui ont

  5   détourné le convoi, en dehors de ce détournement particulier du convoi de

  6   Busovaca par Kordic, avez-vous eu la moindre indication vous permettant de

  7   penser que ces soldats n'étaient pas placés sous le commandement de

  8   Blaskic ?

  9   M. Watters (interprétation). - Cet incident m'a conduit à penser

 10   qu'ils prenaient manifestement leurs ordres de Dario Kordic. Ils

 11   semblaient être en train de répondre à une filière de commandement

 12   parallèle à cette occasion précise. Dans le cadre de notre étude des

 13   forces du HVO de la vallée de la Lasva, je n'ai eu aucune raison de penser

 14   que de façon routinière, ils étaient placés sous le commandement de

 15   Blaskic.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Vous étiez présent lors des

 17   négociations menées le

 18   21 avril 1993 en présence de Petkovic et de Blaskic, n'est-ce

 19   pas ?

 20   M. Watters (interprétation). - Oui.

 21   M. Kehoe (interprétation). - Au cours de ces négociations est-ce

 22   que la question de savoir si Kordic allait obtempérer à un quelconque

 23   éventuel accord a été évoquée ?

 24   M. Watters (interprétation). - Oui, je ne me rappelle pas les

 25   circonstances exactes. Il est même possible que ce soit moi qui ai évoqué


Page 3578

  1   cette question en raison de la confusion créée par le fait que Kordic

  2   risquait d'avoir participé à ce détournement du convoi. Je voulais

  3   m'assurer, au cas où un accord de cessez-le-feu serait signé par le

  4   Colonel Blaskic, que Dario Kordic allait bien respecter les conditions de

  5   ce cessez-le-feu et n'allait pas lancer un missile sur la route de

  6   Busovaca. Le Général Petkovic a établi clairement de sa façon inimitable

  7   que Dario Kordic allait faire ce qui lui était demandé.

  8   M. Kehoe (interprétation). -  Excusez-moi pour le rythme,

  9   Monsieur le Président, je vais ralentir dans la mesure du possible.

 10   M. le Président. - Excusez-vous auprès des interprètes ! Il

 11   n'est pas commode de faire de l'interprétation dans ces conditions.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Colonel, au cours du contre-

 13   interrogatoire avec des documents placés sur le chevalet, vous avez

 14   entendu des questions concernant la filière de commandement impliquant la

 15   zone opérationnelle, groupes opérationnels, descendant jusqu'au niveau de

 16   la brigade.

 17   M. Watters (interprétation). - Oui, Monsieur.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Puis ensuite, jusqu'au niveau de ce

 19   qu'on appelleraient les soldats sur le terrain, n'est-ce pas ?

 20   M. Watters (interprétation). - Jusqu'au niveau du niveau

 21   inférieur de la chaîne de commandement dans l'armée britannique.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que c'est la chaîne de

 23   commandement normale

 24   de l'armée britannique ?

 25   M. Watters (interprétation). - Oui, c'est bien la chaîne de


Page 3579

  1   commandement de l'armée britannique : division, brigade, bataillon,

  2   compagnie, peloton, section.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Qu'est-ce qu’un officier qui occupe

  4   vos fonctions, Colonel, ou celle du Colonel Blaskic, délègue ?

  5   M. Watters (interprétation). - Il délègue des tâches à exécuter

  6   ainsi que les ressources nécessaires à l'exécution de ces tâches. Ce qui

  7   n'est pas délégué, ce sont les responsabilités.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Quelques explications Colonel, je

  9   vous prie.

 10   M. Watters (interprétation). - Quelle que soit l'identité du

 11   commandant qui établit la nature des missions, il est responsable de la

 12   planification et de l'exécution de l'opération en question. Les ressources

 13   nécessaires à la conduite de cette opération sont remises au nombre de

 14   brigades ou de compagnies concernées.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Voulez-vous ralentir un peu

 16   Colonel, je vous prie.

 17   M. Watters (interprétation). - Il procède à une estimation dans

 18   le cadre du processus de prise de décision jusqu'au moment où le plan est

 19   établi ; moment auquel il établit un certain nombre d'ordres sur la base

 20   de ce plan ; ordres ensuite communiqués à son subordonné qui est chargé

 21   d'exécuter le plan.

 22   Il importe peu de savoir si c'est un plan au niveau de la

 23   division impliquant deux ou trois généraux, impliquant des généraux à

 24   trois étoiles ou si c’est un plan au niveau de la brigade ou un plan au

 25   niveau du bataillon ou un plan au niveau de la compagnie. Cela n’a guère


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  1   d'importance. Ce qui est important, c'est la taille de l'objectif et les

  2   ressources disponibles.

  3   Dans le plan, il est tacitement stipulé que le commandant

  4   demeure responsable à tous les niveaux et qu'il doit établir l'objectif et

  5   s'assurer que le plan est exécuté conformément à ses ordres et aux

  6   responsabilités qui sont les siennes consistant à vérifier si tel est bien

  7   le cas.

  8   Ce sont les fonctions qu'il occupe dans la chaîne de

  9   commandement pendant toute la bataille. Le commandant ne se retire jamais

 10   du champ de bataille. Il y demeure et se bat. Il se met en mesure, en

 11   capacité d'influencer sur les résultats de son plan et le résultat de la

 12   bataille.

 13   Il demeure responsable de la conduite du plan et du succès ou de

 14   l'échec de l'opération et donc il guide, il mène ses troupes, les troupes

 15   qui exécutent l'opération. C'est toujours sa responsabilité. En bref, on

 16   peut déléguer la tâche, mais pas la responsabilité. C'est pourquoi on est

 17   commandant.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Serait-il justifié de dire,

 19   Colonel, que Blaskic où vous-même aviez à prendre des mesures pour

 20   vérifier l'exécution des ordres que vous avez donnés de la façon dont vous

 21   le souhaitez ?

 22   M. Watters (interprétation). - Bien entendu. C'est à cette fin

 23   que vous entraînez vos troupes. L’une de vos responsabilités en tant que

 24   commandant consiste à entraîner, à discipliner vos forces, vos troupes de

 25   façon à ce qu'elles exécutent vos ordres de la façon que vous souhaitez.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Colonel, est-ce que cela inclut le

  2   respect des Conventions de Genève et des articles des lois de la guerre ?

  3   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet. Ceci est stipulé

  4   de la manière la plus ferme au sein de mon armée. Les hommes de mon armée,

  5   du plus haut niveau au plus bas niveau, se voient enseigner les

  6   Conventions de Genève et toutes les opérations sont menées dans le respect

  7   des Conventions de Genève, autrement vous êtes criminel de guerre.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Qu'est-ce qui est exigé d'un

  9   commandant qui donne un ordre d'attaque s'agissant de la protection des

 10   civils de la région ?

 11   M. Watters (interprétation). - Ceci est stipulé tacitement dans

 12   la Convention de Genève ; c'est l'un des paragraphes des ordres que nous

 13   recevons : lorsqu'un commandant distribue ses ordres, nous avons un aide-

 14   mémoire qui nous rappelle les paragraphes de la

 15   doctrine à respecter et dans les termes "Appuis au service", qui

 16   est le dernier paragraphe générique de cette carte aide-mémoire dont nous

 17   disposons, l'un des facteurs énumérés consiste à dire qu'il convient de

 18   tenir compte du plan et de l'exécution du plan dans le respect des

 19   réfugiés. C'est implicitement stipulé dans le plan ; il faut traiter les

 20   réfugiés et les protéger. C'est extrêmement difficile à faire.

 21   M. Kehoe (interprétation). - A la fin d'une bataille...

 22   M. Watters (interprétation). - Avant la fin de la bataille.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Hypothétiquement donc, avant la

 24   bataille, la responsabilité du commandant vis-à-vis des civils existe,

 25   mais cette responsabilité existe-t-elle avant, pendant et après la


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  1   bataille ?

  2   M. Watters (interprétation). - Lorsque vous attaquez, votre plan

  3   doit vous permettre d'affecter les ressources nécessaires pour rendre

  4   moins nocifs les effets de votre attaque sur la population civile qui est

  5   présente, ou absente de la région d'ailleurs. De même, à l'issue de

  6   l'attaque, il vous appartient d'affecter les ressources nécessaires pour

  7   vous occuper des civils, parce qu'il est possible que des civils soient

  8   blessés ou tués au cours des attaques. C'est le coût de la guerre. Mais

  9   votre devoir, en vertu des Conventions de Genève, consiste à traiter les

 10   ennemis comme ils le méritent lorsqu'ils sont blessés.

 11   M. Hayman (interprétation). - Je vous prie encore une fois de

 12   m'excuser de cette interruption, mais je voudrais faire remarquer que ce

 13   sujet de la protection des civils, de la nécessité d'éviter des victimes

 14   civiles en temps de guerre, n'a pas été abordé au cours de mon contre-

 15   interrogatoire. Il s'agit là d'éléments nouveaux. Le problème, lorsque

 16   l'on évoque des éléments nouveaux dans le cours de la réplique, est que

 17   cela ressemble beaucoup à la défense qui se verrait privée, au cours de

 18   son contre-interrogatoire, de poser une question sur tel ou tel sujet dans

 19   l'intérêt de son client.

 20   Je répète à nouveau qu'il convient de se limiter aux questions

 21   soulevées dans le

 22   contre-interrogatoire.

 23   M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues qui me

 24   dictent une réponse que j'avais moi-même intuitivement. Je crois que c'est

 25   vrai. Que vous posiez la question, de façon générale, sur l'état des


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  1   armées britanniques et l'inclusion, dans la formation et dans l'exécution

  2   d'une opération, du respect des droits des réfugiés des populations

  3   civiles est une chose ; que vous développiez trop longuement ce point

  4   prive du droit de répliquer la défense qui n'avait traité que très

  5   furtivement, voire pas du tout, ce problème, et comme nous ne lui

  6   accorderons pas le droit de répliquer, je vous demande, Monsieur le

  7   Procureur, de passer à une autre question.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Colonel, pour ce qui a trait aux

  9   entretiens entre le bataillon britannique et le colonel Blaskic pour les

 10   400 civils qui se trouvaient en dehors du garage, on vous a posé des

 11   questions, n'est-ce pas ?

 12   M. Watters (interprétation). - En effet. Je me souviens que l'on

 13   nous a dit ou demandé -je ne sais pas si c'est le colonel Blaskic qui l'a

 14   fait- de nous occuper nous-mêmes des tireurs embusqués.

 15   M. Kehoe (interprétation). - D'après les articles qui

 16   réglementent la guerre, d'après les Conventions, qui était responsable de

 17   ces civils ?

 18   M. Watters (interprétation). - C'étaient les forces du colonel

 19   qui avaient attaqué le village ce matin-là donc implicitement, c'est le

 20   colonel Blaskic qui avait les ressources et le projet lui permettant de

 21   protéger les réfugiés et les civils.

 22   M. Kehoe (interprétation). -  Et apparemment souhaitait il les

 23   protéger ?

 24   M. Watters (interprétation). - Là encore, il est très difficile

 25   de se rappeler précisément ce qui s'est passé il y a quatre ans mais je me


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  1   rappelle avoir été assez horrifié à l'idée que ces soldats du HVO qui

  2   tiraient sur ces civils musulmans allaient faire l'objet d'une attaque et

  3   peut-être être tués par les forces des Nations Unies, par la FORPRONU.

  4   Nous

  5   n'étions pas là pour faire cela. Nous l'avons fait avec beaucoup

  6   de regret, surtout au vu de toutes les accusations qui avaient été

  7   formulées par l'état-major du colonel Blaskic quant à nos attaques contre

  8   des Croates, accusations parfaitement infondées. Tout cela était

  9   parfaitement infondé. Subitement, il nous disait, lui, que si nous

 10   voulions protéger les réfugiés, c'était à nous d'attaquer ses forces à

 11   lui. Nous l'avons fait, mais vraiment avec répugnance.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Blaskic a été informé de la

 13   présence de ces civils en dehors du garage. Le conseil de la défense vous

 14   a posé des questions portant sur le travail du comité international de la

 15   Croix-Rouge et sur la poursuite des enquêtes portant sur les massacres

 16   d'Ahmici et sur d'autres problèmes. Vous vous rappelez ces questions,

 17   n'est-ce pas ?

 18   M. Watters (interprétation). - Oui.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Blaskic avait des prisonniers sous

 20   sa garde peu après la bataille, n'est-ce pas ?

 21   M. Watters (interprétation). - En effet. Au moins nous savions

 22   qu'il y avait deux emplacements où des prisonniers étaient détenus, d'une

 23   part le bâtiment du cinéma à Vitez et d'autre part un emplacement, peut-

 24   être l'école, dans le village de Dubravica. Nous savions que nombre de

 25   détenus étaient retenus par les deux côtés à ce moment là.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Vous le croyez, colonel ?

  2   M. Watters (interprétation). - Est-ce que je crois quoi ?

  3   Excusez-moi, j'attends l'interprétation...

  4   M. Kehoe (interprétation). - Sur la base des informations dont

  5   vous disposiez, pensez-vous que Blaskic avait à sa disposition les moyens

  6   lui permettant de mener des enquêtes ?

  7   M. Watters (interprétation). - Le colonel Blaskic était le

  8   commandant régional militaire. Au sein de son organisation, il y avait une

  9   police militaire. Parmi les prisonniers, il y avait des habitants de ce

 10   village. Il était absolument évident, il était clair qu'il avait les

 11   moyens

 12   et la capacité de mener à bien des enquêtes. Apparemment, ce

 13   n'était pas sa volonté.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire,

 15   vous avez parlé du CICR

 16   M. Watters (interprétation). - Oui.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Et vous avez parlé du fait qu'il

 18   souhaitait que les informations ne soient pas divulguées ?

 19   M. Watters (interprétation). - Oui, bien évidemment, il faut

 20   absolument qu'il reste impartial ; c'est à la base de leur travail.

 21   M. Kehoe (interprétation). - Le 16 avril, des membres du CICR se

 22   plaignaient-il auprès de Blaskic, ou auprès de qui que ce soit d'autre, du

 23   fait que des prisonniers aient été forcés à creuser des tranchées ?

 24   M. Watters (interprétation). - A ce moment là, ils avait deux

 25   doléances principales auprès des Nations Unies. Tout d'abord, leur


Page 3586

  1   capacité à pénétrer dans des régions de conflit. En un certain nombre

  2   d'occasions, nous leur avons donné des Warriors pour qu'ils puissent se

  3   déplacer sur le champ de bataille. Il y avait également l'autre plainte

  4   qui avait trait au manque d'accès aux prisonniers retenus dans la vallée

  5   de la Lasva, notamment dans l'école de Dubravica et à Vitez. D'après eux,

  6   tout cela était en violation flagrante de la Convention de Genève.

  7   M. Kehoe (interprétation). - Donc, au vu de ces informations sur

  8   le fait que des tranchées étaient creusées et sur l'accès aux prisonniers,

  9   le général Blaskic a-t-il décidé de faire quoi que ce soit ?

 10   M. Watters (interprétation). - Faire quelque chose quant à

 11   l'accès aux prisonniers ou aux tranchées ?

 12   M. Kehoe (interprétation). - Semblait-il vouloir mettre un terme

 13   à ces tranchées qui étaient creusées par des prisonniers ?

 14   M. Watters (interprétation). - Je crois qu'à ce moment là, il

 15   s'agissait de survie en termes de bataille tactique parce qu'il y avait

 16   une avancée musulmane. Je crois que les Croates n'avaient plus les

 17   ressources pour creuser les tranchées, donc ils assignaient les

 18   prisonniers à ces tâches.

 19   Je ne peux pas tellement me prononcer sur l'état d'esprit du

 20   colonel Blaskic à ce moment-là mais sur le terrain, nous n'avons vu aucun

 21   signe d'un ordre qui aurait visé à mettre un terme à l'utilisation

 22   illégale de prisonniers pour creuser des tranchées. C'était un problème

 23   fondamental pour le CICR.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre séjour, là-bas,

 25   vous avez précédemment décrit un camion plastiqué qui avait explosé le


Page 3587

  1   18 avril. C'était un acte terroriste. Blaskic a-t-il pris quelque mesure

  2   que ce soit pour mener des enquêtes sur cet acte terroriste ?

  3   M. Watters (interprétation). - Non.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Pour ce qui est du pilonnage de

  5   Zenica, suite à votre appel à partir du bataillon britannique et destiné à

  6   l'Hôtel Vitez, Blaskic a-t-il pris quelque mesure que ce soit pour mener

  7   des enquêtes sur le pilonnage de Zenica et sur la mort de civils le

  8   19 avril 1993 ?

  9   M. Kehoe (interprétation). - Non. Il y avait d'autres

 10   engagements à Zenica le 24.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Il n'a pas protégé les civils, il

 12   n'a pas mis un terme au creusement des tranchées, il n'a pas mené

 13   d'enquête sur le camion plastiqué à Zenica, le fait qu'il n'ait pas agi

 14   face à tous ces problèmes a-t-il maintenu cette politique tout du long ?

 15   M. Watters (interprétation). - Il ne s'est pas posé la question

 16   de remédier à ces problèmes.

 17   M. Kehoe (interprétation). - A-t-il manifesté le désir de le

 18   faire ?

 19   M. Watters (interprétation). - Pour autant que je le sache, non.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Vous étiez le second dans la chaîne

 21   de

 22   commandement à ce moment-là ?

 23   M. Watters (interprétation). - En effet. Je sais également que

 24   l'officier responsable essayait de pousser Blaskic à faire quelque chose

 25   et il a été très déçu de voir que rien ne se passait.


Page 3588

  1   M. Kehoe (interprétation). - Je vais passer du coq à l'âne, si

  2   vous me le permettez, colonel. Je vais maintenant aborder ces

  3   enregistrements vidéo qui ont été diffusés par le conseil de la défense

  4   juste avant la pause du déjeuner. Vous vous en rappelez, n'est-ce pas ?

  5   M. Watters (interprétation). - Bien sûr.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous décelé une insinuation

  7   relative au comportement du bataillon britannique, notamment le premier

  8   régiment du Cheshire en Bosnie, lors de votre séjour là-bas, qui serait

  9   apparue dans la cassette ?

 10   M. Watters (interprétation). - Ce segment était très similaire à

 11   des segments qui ont été diffusés sur la télévision croate au cours du 17

 12   et jusqu'au 30 avril à peu près, extraits selon lesquels les Nations

 13   Unies, et plus particulièrement le bataillon britannique, soutenaient

 14   activement l'offensive musulmane menée contre le peuple croate. Des

 15   extraits de films expurgés tirés de toutes les télévisions du monde

 16   étaient montés pour essayer de prouver ces accusations.

 17   Nous avions pu voir nombre de ces extraits dans leur

 18   intégralité. Nous étions absolument scandalisés par cette propagande

 19   manifeste qui était exercée en notre défaveur pour nous discréditer. Notre

 20   seule conclusion à la vue de cela a été que le gouvernement croate était

 21   en train de nous discréditer et que, s'il y parvenait, les accusations

 22   selon lesquelles nous étions les seuls responsables de ces massacres

 23   allaient peut-être sembler valables. En fait, c'est une propagande tout à

 24   fait comparable à ce qui s'est fait dans l’URSS en son temps à l'égard des

 25   pays démocratiques.


Page 3589

  1   M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que Blaskic a lui aussi

  2   participé à cette

  3   propagande ?

  4   M. Watters (interprétation). - Oui, en effet. Il a envoyé nombre

  5   de fax. Il a fait un certain nombre d'accusations au téléphone portant sur

  6   le comportement de nos soldats, des allégations telles que la suivante :

  7   apparemment, nous tirions sans discrimination des canons à l'intérieur de

  8   Vitez. C'est un mensonge éhonté. Un canon de 30 millimètres, des

  9   allégations portant sur des violations d’églises, des désacralisation

 10   d'églises à Vitez. Etant donné que moi-même et nombre de mes collègues au

 11   sein du bataillon sommes catholiques, nous étions absolument scandalisés

 12   par de telles accusations. Assistance que nous aurions apportée à l'armée

 13   de Bosnie-Herzégovine en apportant des armes, aux soldats se trouvant sur

 14   le terrain pour les aider, toutes accusations qui sont absolument

 15   absurdes.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Colonel, d'après vous, la cassette

 17   tentait-elle d'insinuer que le bataillon britannique et les soldats

 18   britanniques étaient en train d'armer les Musulmans ?

 19   M. Watters (interprétation). - Je crois précisément que c'est ce

 20   que cela essayait de montrer.

 21   M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cela s'est jamais

 22   produit ?

 23   M. Watters (interprétation). - Pour autant que je le sache, non.

 24   Nous étions absolument limpides. Nous précisions toujours que les membres

 25   de notre régiment ne se reconnaissaient dans aucune des parties en


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  1   conflit, ne soutenaient aucune des parties au conflit en défaveur d'une

  2   autre. Donc, nous avons déplacé nos compagnies, à l'exception de la

  3   compagnie B qui se trouve à Gornji Vakuf, dans toute la Bosnie afin que

  4   nos soldats prennent bien conscience que, dans ce contexte extrêmement

  5   sauvage et compliqué de guerre civile, il n'y avait pas de Bons, pas de

  6   Méchants, personne qui mérite leur soutien personnel. Il n'y avait que des

  7   victimes et des agresseurs. Le fait que l’on soit victime ou agresseur

  8   dépendait simplement de l'équilibre ethnique qui prévalait dans une

  9   région, la région dans laquelle les soldats travaillaient. Il n'y avait

 10   pas une mauvaise partie. Nous envoyons un tel message pour

 11   que nos soldats ne prennent pas parti pour l’une ou l'autre

 12   partie. Il ne fallait pas établir une distinction trop forte entre Croates

 13   et Musulmans et faire quelque accusation que ce soit sur le sujet est

 14   vraiment absurde et scandaleux.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Il y a également eu un extrait

 16   diffusé par le Conseil de la défense du lieutenant-colonel Thomas qui se

 17   tenait devant un bâtiment en flammes. Vous vous en rappelez ?

 18   M. Watters (interprétation). - Oui, je m'en rappelle.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que les soldats du premier

 20   régiment ont brûlé des villages ?

 21   M. Watters (interprétation). - Bien évidemment, non.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Nous allons peut-être revenir sur

 23   une cassette et, Monsieur le Président, pour le transcript, il s'agit de

 24   la pièce de l'accusation 112.

 25   M. le Président. - Je vous demande une seconde. Je voudrais


Page 3591

  1   conférer avec mes collègues. Monsieur le Procureur, excusez-nous. Nous

  2   conférons sur une question qui sera posée tout à l'heure.

  3   Monsieur le Procureur, vous pouvez continuer. C'est la

  4   présentation de la vidéo, je crois. Est-ce cela ?

  5   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je vais

  6   simplement vous demander, Monsieur le Colonel, de nous dire qui parle sur

  7   cet extrait vidéo.

  8   M. Watters (interprétation). - C'est Martin Bell (?), le

  9   correspondant de la BBC.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Messieurs les Juges, cet extrait

 11   vidéo est un extrait d'un enregistrement de la BBC. Cet enregistrement a

 12   été communiqué au conseil de la défense. Nous avons une retranscription de

 13   ce qui est dit à la fois en français et en anglais. Avant de diffuser ces

 14   images, je vais simplement demander aux juges de m’autoriser à faire

 15   circuler cette retranscription.

 16   M. le Président. - Y a-t-il une traduction en français ?

 17   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 18   M. le Président. - Faites distribuer le document. Ensuite, nous

 19   passerons la vidéo.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Si vous me le permettez, Monsieur

 21   le Président, je vais demander que cette cassette soit diffusée.

 22   (Diffusion de la cassette dont interprétation du commentaire

 23   suit.)

 24   Texte de la vidéo : "Dans cette vallée, les Musulmans forcés à

 25   fuir leurs maisons en feu, ne sont pas d'humeur à négocier. Ils veulent


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  1   leur revanche. Pourtant, ils ont tout juste des moyens de se défendre. On

  2   compte, parmi les (armes ?), des fusil de chasse présentés à l’inspection

  3   d’une patrouille britannique sans commune mesure avec l'armement lourd

  4   dont disposent les Croates. Pourtant, après la première vague déferlante

  5   du nettoyage ethnique, les Musulmans gagnent du terrain sur les Croates et

  6   leurs commandants éprouvent de la difficulté à convaincre ces hommes de

  7   respecter le cessez-le-feu et à retourner à ce qui était leur point de

  8   départ il y a deux jours. Ils ont simplement trop souffert. Ils ont perdu

  9   des villages entiers, détruits, dont ce village de Santici que les Croates

 10   ont incendié systématiquement, maison par maison, durant leur offensive."

 11   M. Kehoe (interprétation). - Je vais demander à la cabine

 12   technique de revenir sur le segment où l'on voit le fusil de chasse qui

 13   est examiné par le soldat britannique, s'il vous plaît.

 14   Colonel, peut-on revenir un peu en arrière ? Peut-on faire un

 15   arrêt sur image à cet endroit précis, s'il vous plaît ? Peut-on revenir un

 16   peu en arrière, au tout début ?

 17   M. Kehoe (interprétation). - Peut-on revenir au début de la

 18   première séquence où l'on voit l'arme et le soldat en haut du blindé ?

 19   Arrêtons-nous ici, juste ici, s'il vous plaît.

 20   Colonel, cet extrait de la cassette faisait-il partie de

 21   l'extrait que l'on vous a montré

 22   ce matin ?

 23   M. Watters (interprétation). - Oui.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Cette partie de la cassette où on

 25   le voit regarder l'arme ?


Page 3593

  1   M. Watters (interprétation). -  Non, on voyait seulement la

  2   partie où il rendait l'arme au soldat musulman.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Qu'est-ce que cela nous montre en

  4   fait ? Qu'est-ce que l'on comprend au vu de ces images ?

  5   M. Watters (interprétation). - Manifestement il a demandé au

  6   soldat de l'armée de la Bosnie-Herzégovine de regarder cette arme. C'était

  7   une pratique courante. C'est un soldat qui veut jeter un coup d'oeil sur

  8   un fusil assez peu ordinaire. Certains fusils étaient d'utilisation

  9   courante en Bosnie mais celui-là était un fusil à pompe, ce qui est assez

 10   rare. Il a dû jeter un coup d'oeil par curiosité. J'aurais fait la même

 11   chose.

 12   M. Kehoe (interprétation). - C'est ce que l'on comprend au vu de

 13   la retranscription de cette cassette ?

 14   M. Watters (interprétation). - Oui. Monsieur Bell dit que le

 15   soldat est en train de jeter un coup d'œil sur cette arme.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Donc, c'est un peu différent

 17   colonel, n'est-ce pas, de distribuer des armes à des soldats musulmans ?

 18   M. Watters (interprétation). - Précisément, dire une telle chose

 19   est de la propagande, c'est tout.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Donc, d'après vous, cette première

 21   cassette que vous avez vue ce matin était tout à fait trompeuse ?

 22   M. Watters (interprétation). - En effet.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Un instant, Monsieur le Président,

 24   si vous me le

 25   permettez. D'ailleurs j'utiliserai moi-même des termes un peu


Page 3594

  1   plus forts.

  2   Comme je l'ai dit, cette cassette a été communiquée au conseil

  3   de la défense, authentifiée en avril 1997 par M. Nobilo, reconnue, et nous

  4   n'avons plus de question à poser.

  5   M. le Président. - Merci.

  6   Avant de donner la parole à mes collègues, et après en avoir

  7   conféré avec eux, je voudrais me tourner vers Me Hayman et Me Nobilo, les

  8   deux conseils de la défense, et indirectement vers M. Blaskic, et appeler

  9   leur attention sur l'article 85 du règlement, si vous l'avez sous les

 10   yeux.

 11   Dans cet article, je voudrais attirer votre attention sur le

 12   paragraphe C qui dit : "L'accusé peut, s'il le souhaite, comparaître en

 13   qualité de témoin pour sa propre défense". Je me tourne vers vous,

 14   Maître Nobilo et Maître Hayman, c'est à vous de décider. Compte tenu d'un

 15   certain nombre de choses qui ont été dites par le colonel Watters tout au

 16   long de son témoignage, souhaiteriez-vous que le colonel Blaskic

 17   comparaisse devant nous en qualité de témoin, c'est-à-dire sous serment,

 18   pour sa propre défense, étant donné que nous ne reverrons pas ensuite le

 19   colonel Watters ?

 20   Si vous voulez en conférer, je comprendrai très bien que vous

 21   souhaitiez conférer ensemble et avec l'accusé.

 22   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, êtes-vous

 23   en train de suggérer que M. Blaskic prenne la parole maintenant ?

 24   M. le Président. - Je suis en train de suggérer, si vous le

 25   décidiez, de faire comparaître le colonel Blaskic en qualité de témoin


Page 3595

  1   pour sa propre défense.

  2   M. Hayman (interprétation). - Maintenant ?

  3   M. le Président. - A vous de décider. Je vous demande si vous

  4   souhaitez que soit utilisé l'article 85C qui indique que l'accusé peut,

  5   s'il le souhaite, comparaître en qualité de témoin pour sa propre défense.

  6   M. Hayman (interprétation). - Nous pensons qu'il le fera mais

  7   nous n'allons pas prendre une décision finale avant que l'accusation ait

  8   fini de citer ses témoins à comparaître. Peut-être alors y aura-t-il une

  9   requête présentée au Tribunal. Peut-être la requête sera-t-elle rejetée.

 10   Il faut attendre l'évolution des choses.

 11   M. le Président. - Je me le suis simplement permis parce que je

 12   sais que dans votre système c'est ainsi que cela pratique ; dans mon

 13   système, vous savez que c'est tout à fait différent. L'accusé, après

 14   chaque témoignage, est invité à s'exprimer sur ce qui s'est dit parce que

 15   les choses sont claires, parce que les choses viennent d'être dites. Je ne

 16   le demande pas, je me contente simplement d'appeler votre attention sur

 17   cette disposition du texte. La longueur des procès fait que quand vous le

 18   souhaiterez, ce sera peut-être dans un an ou un an et demi. C'est

 19   pourquoi, en accord avec mes collègues, et sans rien vous suggérer,

 20   j'appelais votre attention sur l'article 85C.

 21   J'ai compris votre réponse : pour l'instant en tout cas, vous ne

 22   souhaitez pas utiliser l'article 85C et demander au Tribunal, par une

 23   requête séparée, la comparution en qualité de témoin. Vous vous réserverez

 24   ce moyen, si vous le jugez utile, au moment opportun. Sommes-nous bien

 25   d'accord Maître Hayman, Maître Nobilo ?


Page 3596

  1   M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, de

  2   nous avoir donné ces conseils et de nous avoir fait part de votre

  3   interprétation de l'article 85C. Cela ne m'était jamais venu à l'esprit,

  4   étant donné mon système juridique, que l'accusé aurait peut-être la

  5   possibilité d'aller à l'encontre des arguments du bureau du Procureur,

  6   peut-être de témoins directs ou de témoins moins directs. C'est un point

  7   que nous n'avons jamais discuté ni avec maître Me Nobilo ni avec notre

  8   client mais nous allons le faire au vu de vos commentaires.

  9   M. le Président. - Je vous remercie. Je demande à mes collègues

 10   s'ils ont des questions à poser au colonel Brian Watters. Je me tourne

 11   d'abord vers le juge Riad. Monsieur le juge, avez vous des questions à

 12   poser ?

 13   Excusez-moi, auparavant, je voudrais que nous réglions le

 14   versement du vidéo-clip comme pièce à conviction du transcript.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,

 16   excusez-moi, je ne l'ai pas fait plus tôt mais effectivement, je demande

 17   que cette pièce soit versée au dossier en tant que pièce 112 du bureau du

 18   Procureur.

 19   M. Hayman (interprétation). - Nous n'avons pas d'objection,

 20   Monsieur le Président.

 21   M. le Greffier. - Il s'agit bien de la pièce 112 et les

 22   documents transcripts en français et anglais 112A et 112B.

 23   Si vous le permettez, j'aimerais qu'une décision soit également

 24   prise à propos du film transparent se trouvant actuellement sur le

 25   chevalet, pièce de la défense D61.


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  1   M. le Président. - Pas d'objection ?

  2   M. Hayman (interprétation). - Oui, nous demandons que cette

  3   pièce soit versée.

  4   M. Kehoe (interprétation). -  Pas d'objection.

  5   M. le Président. - A présent, veuillez m'excuser, Monsieur le

  6   juge, c'est vraiment à vous.

  7   M. Riad (interprétation). - Bonjour colonel.

  8   M. Watters (interprétation). - Bonjour.

  9   M. Riad (interprétation). - A en juger par votre longue

 10   expérience militaire et par votre connaissance directe des événements qui

 11   se sont produits durant cette période très dure, peut-être pourriez-vous

 12   éclaircir certaines questions générales, si je puis dire, sans rentrer

 13   dans les détails.

 14   Première question : le HVO était-il une armée régulière,

 15   disciplinée, ou bien s'agissait-il simplement d'un rassemblement de petits

 16   groupes indisciplinés ?

 17   M. Watters (interprétation). - D'après mes observations

 18   personnelles, lors des

 19   discussions avec des membres du HVO et au vu des différents

 20   commandants ayant servi dans l'ancienne JNA, il s'agissait d'une

 21   organisation, d'un regroupement de forces militaires régulières et

 22   disciplinées.

 23   M. Riad (interprétation). - Le général Blaskic était-il le

 24   commandant non contesté de ce canton 10 ? En était-il le commandant

 25   régional ou n'était-il pas à même de commander ?


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  1   M. Watters (interprétation). - Il représentait les forces du HVO

  2   au cours de toutes les négociations auxquelles j'ai assisté et, en ma

  3   présence, il faisait rapport à son supérieur direct, le général Petkovic.

  4   Je suis donc sûr que le général Blaskic était le commandant régional du

  5   HVO.

  6   M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé de grandes actions

  7   telles que le pilonnage, le meurtre de civils à une échelle sans

  8   précédent, de destruction de maisons de civils que vous avez qualifiés de

  9   nettoyage ethnique, de creusement de tranchée par des civils, d'ordres

 10   émanant d'officiers et demandant aux civils de sortir de chez eux sous

 11   menace de mort, et autres opérations de ce type. De telles actions

 12   auraient-elles pu se faire sans que le commandant en ait connaissance ?

 13   M. Watters (interprétation). - Non, pas à mon avis, non.

 14   M. Riad (interprétation). - Auraient-elles pu avoir lieu sans

 15   son consentement ?

 16   M. Watters (interprétation). - Certains incidents auraient pu se

 17   produire sans son consentement.

 18   M. Riad (interprétation). - S'agissait-il d'exemples isolés ou y

 19   avait-il une espèce d'organisation qui sous-tendait ces actions ?

 20   M. Watters (interprétation). - La coordination de ces actions

 21   les 16 et 17 avril, à mon avis, n'aurait pas pu se produire sans qu'il y

 22   ait une planification et une coordination générale au niveau pertinent ;

 23   trop de choses se passaient simultanément, cela ne pouvait pas être

 24   spontané, sans qu'il y ait un contrôle.

 25   M. Riad (interprétation). - Il semble que tous les villages


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  1   musulmans n'aient pas été attaqués, certains ont été épargnés. Quel était

  2   le critère de choix de ce nettoyage ethnique ? Pourquoi Ahmici a-t-il été

  3   choisi et pas un autre village ?

  4   M. Watters (interprétation). - C'est une devinette,

  5   malheureusement, et je n'ai jamais vraiment trouvé la réponse. Je crois

  6   que la logique qui sous-tendait tout cela était que le nettoyage ethnique

  7   des villages se trouvant à la limite des frontières du canton 10 tel que

  8   le prévoyait le plan Vance-Owen, qui se trouvait entre Travnik, Vitez,

  9   Konjic, ou plutôt sur la route qui joignait ces trois villages et Zenica,

 10   comprenait Travnik, ce qui était étrange étant donné que c'était un

 11   village musulman. D'autre part, il y avait l'aspect de faire en sorte que

 12   les routes soient ouvertes au sein de la Bosnie centrale, routes reliant

 13   les différents centres où la population croate était en majorité.

 14   L'autre raison qui justifiait ces atrocités à Ahmici était

 15   qu'Ahmici était un village très particulier auquel étaient attachés les

 16   Musulmans de Bosnie, comme je l'ai dit dans mon témoignage principal.

 17   En ce qui concerne les autres opérations terroristes, telles que

 18   le camion piégé, c'était là une leçon très dure et très sauvage pour les

 19   Musulmans de Bosnie et pour le reste des Musulmans de la vallée de la

 20   Lasva. C'était une façon de terroriser la population.

 21   M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé d'Ahmici et vous

 22   avez dit qu'il s'agissait d'un lieu saint. Peut-être était-ce là que se

 23   trouvaient des gens saints ? Alors quel était le but ? Pourquoi détruire

 24   ces personnes ?

 25   M. Watters (interprétation). - Pour terroriser le reste de la


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  1   population musulmane et leur montrer ce qui allait se produire et quel

  2   sort allait être le leur. Si c'était arrivé à Ahmici, cela pourrait

  3   arriver à tous les autres villages. Si on terrorise un village, vous

  4   pouvez ainsi maintenir une population dans la terreur.

  5   M. Riad (interprétation). - Y avait-il une valeur culturelle et

  6   religieuse dans cette

  7   zone à Ahmici ?

  8   M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement, c'est ce que

  9   nous avons pensé. C'était une ville d'où provenait un grand nombre de

 10   personnes saintes, des Mule, très importantes pour la communauté musulmane

 11   de Bosnie. C'était un endroit particulier, oui.

 12   M. Riad (interprétation). - Dans les villes qui avaient été

 13   détruites, il y avait des zones croates ?

 14   M. Watters (interprétation). - Oui.

 15   M. Riad (interprétation). - Alors pourquoi les autres zones

 16   croates n'ont pas été détruites ? Pourquoi les attaques étaient-elles si

 17   minitieuses et si délibérées ? A-t-on épargné certaines zones ?

 18   M. Watters (interprétation). - Je n'ai jamais vu de pilonnages

 19   sur Ahmici.

 20   M. Riad (interprétation). - A d'autres endroits alors ?

 21   M. Watters (interprétation). - Oui. Les mortiers, les tirs

 22   d'artillerie ne sont jamais très précis. On ne sait jamais où ils vont

 23   tomber. Il aurait été impossible d'utiliser des mortiers et de

 24   l'artillerie dans des villages mixtes sans causer des dégâts dans des

 25   zones qui n'étaient pas visées. Ce n'est pas une arme très précise.


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  1   M. Riad (interprétation). - Oui, mais vous avez dit que les

  2   maisons des Croates avaient été épargnées.

  3   M. Watters (interprétation). - Oui, je ne savais pas. C'était

  4   vraiment le cas et seulement le cas à Ahmici. Il y avait une différence

  5   énorme entre la partie croate et la partie musulmane de la ville. La

  6   partie musulmane de la ville avait été rayée de la carte et la partie

  7   croate était intacte. C'était extraordinaire d'ailleurs.

  8   M. Riad (interprétation). - En parlant du camion piégé et de son

  9   explosion, quelle était la dimension, l'ampleur de cette explosion ?

 10   S'agissait-il d'une explosion disons "militaire" ou aurait-il pu s'agir

 11   d'une action ponctuelle de civils ?

 12   M. Watters (interprétation). - Le cratère avait été fait sur la

 13   route goudronnée. Le cratère était très grand et les dégâts provoqués sur

 14   les maisons étaient également très graves. Mais je pense qu'il y avait

 15   moins de 500 kilos d'explosifs étant donné ce que je sais de ce genre de

 16   chose. Mais je ne peux pas vous le dire avec précision. Je ne sais pas

 17   comment et quelle quantité d'explosifs on pouvait faire rentrer à Vitez.

 18   Nous pensions qu'il s'agissait là d'un processus d'intimidation

 19   continu des Musulmans. Nous n'avions jamais vu d'opérations similaires

 20   jusque-là, d'opérations menées par les Croates. Nous étions choqués de ce

 21   point de vue-là. Nous ne savions pas qui avait fait cela. Cela a renforcé

 22   les actions du HVO et a contribué à leurs efforts tactiques.

 23   Je ne sais pas exactement qui a conduit ce camion au centre

 24   d'une zone occupée musulmane à Vitez. Je ne sais pas qui l'a fait.

 25   M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.


Page 3602

  1   M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge.

  2   Je me tourne à présent vers M. le Juge Shahabuddeen.

  3   M. Shahabuddeen (interprétation). - Colonel, bonjour.

  4   M. Watters (interprétation). - Bonjour.

  5   M. Shahabuddeen (interprétation). - Colonel, je voudrais vous

  6   ramener en arrière et revenir à cet épisode concernant ce fusil.

  7   Quel était le type de véhicule qui apparaît de l'extrait ?

  8   S'agissait-il d'un Warrior ?

  9   M. Watters (interprétation). - Non, c'était un véhicule de

 10   reconnaissance qu'on appelle dans l'armée britannique un Scimitar.

 11   M. Shahabuddeen (interprétation). - Un Scimitar ? D'accord. Je

 12   voudrais vous poser cette question : un fusil de ce type avait-il des

 13   chances de se trouver dans un Scimitar ?

 14   M. Watters (interprétation). - Non, il n'y avait pas de place

 15   dans le Scimitar pour une autre personne que le commandant et le

 16   canonnier. L'idée de transporter des armes dans un

 17   tel véhicule est absolument aberrante.

 18   M. Shahabuddeen (interprétation). - Quelle est la portée d'une

 19   telle arme, d'un fusil à pompe ?

 20   M. Watters (interprétation). - Cette arme serait mortelle à 10

 21   mètres à peu près, au-delà son usage serait moindre et ferait moins de

 22   dégâts au-delà de 100 mètres. Après, elle serait inefficace.

 23   M. Shahabuddeen (interprétation). - Ce type d'arme est-il

 24   souvent utilisé lors d'un conflit militaire ?

 25   M. Watters (interprétation). - On peut l'utiliser parfois


Page 3603

  1   lorsque ce sont des combats proches, mais dans mon armée, par exemple,

  2   l'infanterie n'en porte pas.

  3   M. Shahabuddeen (interprétation). - Que pensez-vous de

  4   l'utilisation d'une telle arme par rapport à un fusil militaire normal ?

  5   M. Watters (interprétation). - On ne peut pas faire de

  6   comparaison, Monsieur. J'aurais peur d'affronter un homme qui ait un fusil

  7   militaire. Je perdrais sans aucun doute par rapport à une arme de ce type.

  8   M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez parlé de Kruscica.

  9   M. Watters (interprétation). - Oui.

 10   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je crois que vous avez dit

 11   que vous n'aviez rien vu qui quittait les lieux. En revanche, vous avez vu

 12   des quantités énormes de lance-roquettes légers, de mortiers et de pièces

 13   d'artillerie arriver à Kruscica. Ai-je raison de supposer que vous parliez

 14   non de l'armement en soi, mais des munitions qui venaient avec ces armes ?

 15   M. Watters (interprétation). - Oui, oui, c'est exact.

 16   M. Shahabuddeen (interprétation). - Rappelez-vous de ce que vous

 17   avez dit au cours de votre témoignage. Je crois que vous parliez du CICR

 18   et du sentiment d'inhibition au sein de cette organisation qui refusait de

 19   divulguer des informations.

 20   M. Watters (interprétation). - Oui.

 21   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je crois me souvenir que

 22   vous avez dit quelque chose de ce type, que le HVO n'a reçu aucune

 23   information de victimes et de survivants d'Ahmici qui aurait pu les aider

 24   à mener leur enquête. Ai-je raison ?

 25   M. Watters (interprétation). - Je crois avoir dit que le HVO n'a


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  1   pas reçu d'informations de la part du CICR en ce qui concerne les

  2   déclarations que le CICR avait reçues des survivants d'Ahmici. Le problème

  3   principal pour le CICR était d'avoir accès à ces survivants car la plupart

  4   d'entre eux étaient prisonniers du HVO à ce moment-là.

  5   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois. Ai-je raison de

  6   dire que vous avez dit que le HVO n'a pas reçu ce type d'informations du

  7   CICR ? Mais vous n'avez pas dit que le HVO n'avait pas d'informations du

  8   tout ?

  9   M. Watters (interprétation). - Non, effectivement, je n'ai

 10   absolument pas dit cela.

 11   M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous souvenez-vous qu'on

 12   vous a demandé la chose suivante : que certains soldats du HVO qui se

 13   tenaient à l'extérieur de l'hôtel Vitez pointaient leurs armes ou leurs

 14   fusils dans la direction de Stari Vitez ?

 15   M. Watters (interprétation). - Oui.

 16   M. Shahabuddeen (interprétation). - Et l'on vous a demandé si

 17   cela signifiait qu'il y avait une menace militaire venant de Stari Vitez .

 18   Vous en souvenez-vous ?

 19   M. Watters (interprétation). - Oui.

 20   M. Shahabuddeen (interprétation). - Très bien.

 21   Je voudrais vous poser la question suivante. A votre avis quel

 22   était le but, l'objectif de l'action militaire lancée par le HVO contre

 23   Stari Vitez ? Le but était-il de répondre à une menace militaire provenant

 24   de Stari Vitez ? Ou bien avait-il pour objectif d'évacuer la population

 25   civile de Stari Vitez ?


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  1   M. Watters (interprétation). - Je crois qu'en fait les deux

  2   objectifs étaient valables.

  3   M. Shahabuddeen (interprétation). - Les deux  ? Très bien.

  4   Je voudrais vous poser une question concernant Ahmici, Santici

  5   et Nadioci. Vous avez parcouru ces villages, n'est-ce pas ?

  6   M. Watters (interprétation). - Oui.

  7   M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous vu des signes de

  8   position de présence, de position défensive dans ces villages ?

  9   M. Watters (interprétation). - Non, Monsieur.

 10   M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous vu certains signes

 11   montrant que la population de ces villages était à même de représenter une

 12   menace militaire pour qui que ce soit ? 

 13   M. Watters (interprétation). - Non.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais maintenant...

 15   M. Watters (interprétation). - Attendez, je voudrais préciser

 16   les choses. Parlons-nous du moment où j'ai visité ces villages après ?

 17   M. Kehoe (interprétation). - Oui, c’est la seule fois où vous

 18   vous y êtes rendu ?

 19   M. Watters (interprétation). - Oui.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Ma question est : y avait-il eu

 21   auparavant des positions défensives dans ces villages ? Vous attendiez-

 22   vous à voir des traces de ces positions défensives au moment où vous

 23   l'aviez visité ?

 24   M. Watters (interprétation). - Oui, oui, effectivement. J'ai vu

 25   des positions défensives dans d'autres parties, mais pas là.


Page 3606

  1   M. Kehoe (interprétation). - Bien. Revenons à votre présentation

  2   très intéressante des différents niveaux de commandement stratégique,

  3   opérationnel et tactique, je crois.

  4   M. Watters (interprétation). - Oui.

  5   M. Kehoe (interprétation). - Dont vous avez parlé.

  6   M. Watters (interprétation). - Oui.

  7   M. Kehoe (interprétation). - Serait-il possible, dans certaines

  8   circonstances, qu'un officier supérieur de l'armée agisse partiellement à

  9   un niveau et partiellement à un autre niveau ?

 10   M. Watters (interprétation). - Je crois qu'en termes

 11   opérationnels, ce serait une situation assez difficile, assez confuse.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Confuse, je vois, je vois.

 13   M. Watters (interprétation). - Si le commandant commandait une

 14   unité subordonnée, cela voudrait dire que le commandant commandant l'unité

 15   subordonnée aurait été démis de ses fonctions.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Du point de vue de votre expérience

 17   militaire et de votre connaissance, il ne serait pas inhabituel ou étrange

 18   pour un commandant au niveau stratégique d'agir au niveau opérationnel

 19   également.

 20   M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement, ce serait

 21   possible. Il donnerait des directives à ses commandants opérationnels.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant à la structure

 23   d'organisation du HVO en Bosnie centrale.

 24   M. Watters (interprétation). - Oui, Monsieur.

 25   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous, au cours de votre séjour


Page 3607

  1   là-bas, eu connaissance de l'existence d'un système de communication du

  2   HVO ?

  3   M. Watters (interprétation). - Oui.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Bien. Laissez-moi vous poser la

  5   question suivante : Etant donné votre connaissance des lieux et de

  6   l'existence de ce réseau de communication, le général Blaskic avait-il des

  7   chances de savoir ce qui se passait à Ahmici et dans les autres endroits,

  8   même si -oui ou non- il se trouvait à Vitez à ce moment-là ou à tout autre

  9   endroit en

 10   Bosnie centrale ?

 11   M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas s’il était au

 12   courant, mais en tout cas il avait les moyens de l’être.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Il avait les moyens qui lui

 14   permettaient de savoir les événements qui se produisaient, n'est-ce pas ?

 15   M. Watters (interprétation). - Oui. Je ne sais pas. Je sais que

 16   la distance entre Ahmici et Vitez était assez limitée. Ils portaient tous

 17   des systèmes de communication avec eux. Je pense donc qu'on pourrait dire

 18   que si le colonel Blaskic se trouvait aux alentours de Vitez,

 19   effectivement, il aurait très bien pu avoir des contacts radio avec ses

 20   forces facilement.

 21   M. Kehoe (interprétation). - Etes-vous à même de nous aider en

 22   nous donnant une estimation ? A votre avis, à quelle période le général

 23   Blaskic aurait-il été à même d'apprendre ce qui se passait à Ahmici le

 24   16 avril 1993 ?

 25   M. Watters (interprétation). - Eh bien, je peux dire


Page 3608

  1   raisonnablement que le colonel Blaskic aurait dirigé les opérations ou

  2   plutôt aurait été au courant du succès de ces opérations. Je suis sûr

  3   qu'il aurait fait comme moi. Il aurait demandé à un de mes subordonnés de

  4   m'informer régulièrement de ce qui se produisait. Je pense que le colonel

  5   Blaskic aurait fait cela.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Cette explication s'applique-t-elle

  7   également à Nadioci, Santici, etc. ?

  8   M. Watters (interprétation). - Oui, oui.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Ai-je raison de résumer votre

 10   témoignage de la façon suivante ? Le 16 avril et le 17 avril 1993, vous

 11   avez été informé -et ces informations étaient fiables- d'un certain nombre

 12   de conflits violents en différents endroits à approximativement la même

 13   heure ou la même période. C'est exact ?

 14   M. Watters (interprétation). - Oui, c’est exact.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Ai-je raison de comprendre qu'il

 16   s'agissait là d'un schéma régulier et homogène pour tous ces incidents ?

 17   M. Watters (interprétation). - Oui.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Et qu'il y avait utilisation de

 19   forces militaires.

 20   M. Watters (interprétation). - Oui, nous avons observé, moi-même

 21   je l’ai observé, des attaques d'infanterie.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Etait-il probable qu'une unité

 23   militaire croate ait été impliquée dans ces opérations et qu'elle ait agi

 24   de façon autonome et indépendante ou bien sous le commandement du colonel

 25   Blaskic ?


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  1   M. Watters (interprétation). - C'est l'impression que j'ai eue

  2   lors des négociations de cessez-le-feu, Monsieur. Je ne pense pas que ce

  3   soit le cas.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Vous vous souvenez avoir parlé à

  5   certains journalistes qui sont venus vous voir au début du 16 avril.

  6   C'était des journalistes de la télévision ?

  7   M. Watters (interprétation). - Non, c'était des journalistes de

  8   la presse écrite.

  9   M. Kehoe (interprétation). - S'agissait-il de journalistes

 10   étrangers ou nationaux ?

 11   M. Watters (interprétation). - C'était des journalistes

 12   étrangers.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Des journalistes étrangers, je

 14   vois.

 15   Je voudrais maintenant revenir en arrière, vous ramener à cette

 16   partie de votre témoignage portant sur -puis-je dire les choses ainsi- la

 17   liste de suspects.

 18   M. Watters (interprétation). - Oui.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Que le général Blaskic a envoyée au

 20   colonel Stewart, qu'il avait fait préparer et qu'il avait transmise à sa

 21   chaîne de commandement. Vous rappelez-vous ?

 22   M. Watters (interprétation). - Oui.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Vous avez également parlé du fait

 24   qu'Ahmici a été

 25   couvert par l'attention des médias et a attiré l'attention du


Page 3610

  1   monde, n'est-ce pas ? C'est bien ce que vous avez dit ?

  2   M. Watters (interprétation). - Oui.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Il y avait Ahmici qui a été couvert

  4   par les médias. Mais je ne vais pas me substituer à vous. Pourriez-vous

  5   nous raconter la façon dont a été présentée cette liste de suspects et

  6   comment elle a été présentée à l'attention de la communauté internationale

  7   et par les médias ?

  8   Est-ce que les médias et l'attention du monde se sont concentrés

  9   sur Ahmici avant que cette liste soit rendue publique, au même moment ou

 10   après ?

 11   M. Watters (interprétation). - Je dirais en même temps, parce

 12   que l'intérêt des médias a duré un certain temps.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Oui, je vois, d'accord. Cela

 14   n'était pas ponctuel.

 15   M. Watters (interprétation). - Non.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Je vois.

 17   Vous avez également parlé du colonel Blaskic qui s'adressait au

 18   bataillon britannique et qui leur disait qu'il pourrait tirer sur les

 19   tireurs embusqués qui attaquaient les réfugiés qui se trouvaient à

 20   l'extérieur de la base administrative du bataillon britannique.

 21   M. Watters (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai dit. Les

 22   tireurs isolés tiraient sur ces réfugiés et les tuaient.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Très bien. Tout d'abord, le colonel

 24   Blaskic a-t-il dit qu'il ne savait pas comment ces 400 réfugiés avaient

 25   été amenés à quitter leur maison ?


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  1   M. Watters (interprétation). - Non, je n'ai aucun souvenir de

  2   cela. La situation était tellement urgente pour ces personnes. C'est de

  3   cela dont nous avons parlé.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Vous ai-je bien compris ? Vous nous

  5   dites que le bataillon britannique était une force militaire neutre qui

  6   s'interposait entre les deux forces

  7   militaires belligérantes et qui étaient en conflit l’une avec

  8   l'autre. Ai-je raison ?

  9   M. Watters (interprétation). - Oui, à cette époque, oui.

 10   Nous nous trouvions aussi au nord entre le Deuxième corps

 11   d'armée musulman et les Serbes. Dans la vallée de la Lasva, c'était cela

 12   effectivement.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Et votre force faisait partie ou

 14   bien était alliée avec les forces des Nations Unies, n'est-ce pas ?

 15   M. Watters (interprétation). - Oui, nous faisions partie des

 16   forces des Nations Unies en Bosnie.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Dans un conflit normal, impliquant

 18   évidemment l'utilisation d'armes comme dans une guerre normale de forces

 19   armées et une guerre d'importance, y a-t-il une force armée qui

 20   s'interpose entre deux forces ?

 21   M. Watters (interprétation). - Non, je ne pense pas, non.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Je vois.

 23   M. Watters (interprétation). - C'était une expérience tout à

 24   fait exceptionnelle pour nous sur un territoire européen.

 25   M. Kehoe (interprétation). - Très bien, je vous remercie, merci


Page 3612

  1   beaucoup.

  2   M. le Président. - Colonel, je voudrais deux ou trois précisions

  3   simplement en ce qui me concerne, puisque nombre de questions importantes

  4   ont été abordées par mes collègues.

  5   Je reviens sur la question de ce document de la pièce 60 qui est

  6   le cessez-le-feu, ce fameux cessez-le-feu dont vous avez dit qu'il n'était

  7   pas, à vos yeux, et aux yeux des autres membres de votre état-major,

  8   valable. Comment caractériseriez vous, par rapport à la période que vous

  9   avez connue de votre commandement en Bosnie centrale, les critères en

 10   quelque sorte d'un cessez-le-feu que vous estimeriez valables, car vous

 11   l'avez rejeté en estimant que non seulement il n'avait pas été appliqué,

 12   mais qu'en fin de compte, il n'avait pas de valeur à vos yeux ?

 13   M. Watters (interprétation). - Ce manque de validité est motivé

 14   par le fait que c'était la première fois que nous recevions une

 15   déclaration de cessez-le-feu par l'intermédiaire de la chaîne de

 16   commandement du camp opposé. Ce document n'était pas connu de l'armée de

 17   Bosnie Herzégovine et sa production, son élaboration n'avait pas suivi la

 18   procédure habituelle et connue à ce moment-là, c'est-à-dire qu'une

 19   commission jointe s'était assise à notre table avec l’ECMM, le HCR, et

 20   était parvenue à un consensus et, après ce consensus, les termes du

 21   cessez-le-feu sont généralement négociés.

 22   Ces termes n'ont été promulgués que par le HVO et ils ne

 23   portaient que la signature du colonel Blaskic. Ils ne portaient pas la

 24   signature de Enver (?) Hadzihazanovic qui était à l'époque le commandant

 25   du Troisième corps d'armée. C'était, en tout cas, la procédure habituelle.


Page 3613

  1   C'est ce que nous avions fait au niveau de la brigade. C'était un document

  2   qui n'était pas considéré comme valable par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  3   Cela n'a rien changé sur le terrain, sauf qu'il y a eu certaines

  4   communications provenant du chef d'état-major du colonel Blaskic et qui

  5   parlaient notamment de la réaction de l'armée de Bosnie-Herzégovine vis-à-

  6   vis de ce cessez-le-feu.

  7   M. le Président. - Estimez-vous que c'est une sorte de document

  8   de propagande à usage de la communauté internationale ou de l'opinion

  9   mondiale ? Ou est-ce que c'était un document à usage stratégique, un

 10   cessez-le-feu unilatéral, stratégique et uniquement stratégique ?

 11   M. Watters (interprétation). - Je crois qu'il s'agissait d'un

 12   plan stratégique. Le HVO ayant lancé leur attaque initiale le matin du 16,

 13   essayait par ce document du cessez-le-feu du 18 de faire en sorte que les

 14   gains qu'ils avaient obtenus soient gelés, en quelque sorte, et qu'ils

 15   arriveraient à remplir leurs objectifs et que les Nations Unies les

 16   aideraient à appliquer ce cessez-le-feu.

 17   Je crois que c'était une stratégie un peu naïve. En fait, cela a

 18   servi les avantages des

 19   Croates après, puisque le colonel Blaskic ne cessait de citer ce

 20   cessez-le-feu et de dire qu'il n'avait pas été respecté par le camp

 21   adverse. Dans les paragraphes A à D, dans ce document incluant des règles

 22   normales, il y en a une qui manque et qui est fondamentale : c'est que les

 23   forces ennemies se retireraient à leurs anciennes lignes de front, qui

 24   était une mesure implicite qui permettrait d'assurer le succès le

 25   23 avril, comme on l'a vu sur la carte, les lignes bleues qui séparaient


Page 3614

  1   les forces opposées.

  2   M. le Président. - Colonel, dans les tables de négociations,

  3   vous avez souvent rencontré le colonel Blaskic. Est-ce qu’on parlait du

  4   droit de la guerre ?

  5   M. Watters (interprétation). - Je ne me rappelle pas avoir parlé

  6   de cela, non.

  7   M. le Président. - Une dernière question. Etes-vous d’accord

  8   avec moi que les soldats du HVO avaient au fond été formés ou dans

  9   l'ancienne JNA ou peut-être auprès des forces militaires croates ? Etes-

 10   vous d'accord avec cette opinion ? Je vous pose une question préalable

 11   avant ma question. Etes-vous d'accord ou pas d'accord ?

 12   M. Watters (interprétation). - J’aimerais vous prier de

 13   m’excuser, Monsieur le Président, et vous demander de revenir à la

 14   question précédente que je n'ai pas entièrement saisie. Est-ce que j'ai

 15   discuté avec le Colonel Blaskic des articles de la loi de la guerre ? Je

 16   ne l'ai pas fait dans le cadre d'un débat intellectuel, mais dans le cours

 17   de l'application des accords du cessez-le-feu nous l'avons fait sans aucun

 18   doute, notamment lors de la réunion extraordinaire du 21.

 19   Lorsque nous parlions d'échange de prisonniers, d'accès aux

 20   prisonniers de la part de la Croix-Rouge, c'étaient des éléments tout à

 21   fait fondamentaux qui interviennent dans ces lois de la guerre. Nous en

 22   avons donc parlé, Monsieur.

 23   M. le Président. - J'en viens à ma précision. Seriez-vous

 24   d'accord avec moi pour dire que les soldats du HVO avaient été, dans leur

 25   formation militaire, formés ou dans l'ancienne JNA ou, plus récemment,


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  1   auprès des forces régulières de la Croatie ? Sur ce

  2   préalable, seriez-vous d'accord ?

  3   M. Watters (interprétation). - Dans la majorité, les commandants

  4   que j'ai rencontrés étaient des officiers de l’ex-JNA. Je ne peux pas vous

  5   donner des informations sur chaque soldat en particulier car je n'ai pas

  6   parlé à chacun d'entre eux. Ils étaient sans aucun doute formés par des

  7   commandants de l'armée. Nous avons vu cette formation.

  8   M. le Président. - Ma question est celle-ci : comme haut

  9   militaire d'état-major, dans l'état actuel de vos connaissances, est-ce

 10   que les manuels militaires, tant de la Croatie que de l'ancienne JNA,

 11   traitaient de l'application, à tous les niveaux de commandement, des

 12   Conventions de Genève et du respect des lois et coutumes de la guerre ?

 13   M. Watters (interprétation). - La JNA était signataire de ces

 14   conventions au sein de la Yougoslavie. Cela ne fait aucun doute. Je n'ai

 15   pas lu les brochures tactiques de la JNA. Je ne lis pas le serbo-croate,

 16   Monsieur.

 17   M. le Président. - Colonel, le Tribunal tient à vous remercier

 18   pour ce long et patient témoignage que vous avez bien voulu lui apporter.

 19   A présent, vous allez pouvoir rejoindre vos commandements et vos unités.

 20   Je crois qu'il est temps que nous fassions la pause jusqu'à 16 h 30.

 21   Je crois que le témoin suivant est un témoin protégé, non,

 22   Monsieur le Greffier ?

 23   M. le Greffier. - Oui, tout à fait, Monsieur le Juge.

 24   M. le Président (interprétation). - Peut-être, pour ne pas

 25   perdre trop de temps, pourrions-nous pendant la pause, 5 minutes avant que


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  1   le Tribunal entre, faire rentrer le témoin, les rideaux étant baissés.

  2   M. le Greffier. - Parfait.

  3   M. le Président. - Peut-être M. l'Huissier pourrait-il, avant

  4   que le Tribunal ne se lève, raccompagner le témoin, s'il vous plaît.

  5   L’audience est levée. Elle reprendra à 16 h 30.

  6   (Début de l'audition du Témoin F.)

  7   M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer

  8   l'accusé.

  9   (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)

 10   M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

 11   M. Harmon (interprétation). - Merci.

 12   Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Messieurs les Juges.

 13   Mon témoin suivant est le Témoin F, Monsieur le Président.

 14   M. le Président. -  Nous allons demander à M. le Greffier de

 15   vérifier l'identité du Témoin F qui reste assis, qui va prononcer

 16   exceptionnellement sa déclaration solennelle assis.

 17   Je voudrais m'assurer de l'identité, en accord avec le Greffe et

 18   la défense.

 19   Témoin F (interprétation). - Oui.

 20   M. le Président (interprétation). - Témoin F, vous avez été

 21   citée par l'accusation dans le procès intenté contre le Colonel Blaskic

 22   ici présent. Vous êtes venue et on se rend bien compte que c'est

 23   certainement très difficile pour vous de venir jusqu'à nous. Il faut que

 24   vous sachiez que vous êtes devant un Tribunal et que ce Tribunal va vous

 25   écouter avec beaucoup d'attention. Vous allez d'abord répondre aux


Page 3617

  1   questions de M. le Procureur qui vous a citée. Ensuite, j'aurai l'occasion

  2   de vous le rappeler, vous répondrez aux questions des avocats de la

  3   défense, puisque tout accusé, dans tout système judiciaire, a droit à un

  4   défenseur. Voilà.

  5   Bien entendu, vous êtes protégée. Des mesures particulièrement

  6   rigoureuses de protection ont été prises, qui sont à votre bénéfice. C'est

  7   la raison pour laquelle vous serez appelée ou interpellée de façon anonyme

  8   comme étant Témoin F.

  9   Si, au cours de votre audition; des noms que vous ne vouliez pas

 10   prononcer ou des éléments d'identification permettaient, même

 11   indirectement, de vous identifier, nous sommes là -le Greffe, le

 12   Procureur, nous-mêmes- pour y veiller et nous avons les moyens techniques

 13   pour remédier immédiatement à ce qui aurait pu être considéré comme une

 14   erreur. Parlez sans

 15   crainte, le plus sereinement et le plus tranquillement possible.

 16   Monsieur le Procureur, le Témoin F va répondre à vos questions à

 17   présent.

 18   Au préalable, vous restez assis exceptionnellement, vous allez

 19   lire la déclaration que tous les témoins doivent lire de votre position

 20   assise.

 21   Témoin F (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 22   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 23   M. le Président. - Merci.

 24   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

 25   les avocats, je me propose de poser quelques questions dans le cadre d'une


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  1   séance à huis clos, car certaines de ces questions risquent de conduire

  2   indirectement à l'identification du Témoin F. Donc, Monsieur le Président,

  3   je vais commencer par quelques questions qui concernent le témoin.

  4   Témoin F, quel âge avez-vous ?

  5   Témoin F (interprétation). - 34 ans.

  6   M. Harmon (interprétation). - Etes-vous née à Vitez et avez été

  7   élevée dans le village de Pirici ?

  8   Témoin F (interprétation). - Oui.

  9   M. Harmon (interprétation). - Vous avez un diplôme de l'école

 10   secondaire ?

 11   Témoin F (interprétation). - Oui.

 12   M. Harmon (interprétation). - Etes-vous musulmane ?

 13   Témoin F (interprétation). - Oui.

 14   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, si je peux

 15   maintenant demander une séance à huis clos, je vais essayer de passer

 16   rapidement sur une série de questions, après quoi nous pourrons revenir en

 17   séance publique.

 18   M. le Président. - Maître Hayman, Maître Nobilo...

 19   M. Hayman (interprétation). - Nous sommes à la disposition de la

 20   Cour,

 21   Monsieur le Président.

 22   M. le Président. - Bien. Mes collègues et moi-même estimons donc

 23   qu'il faut passer en séance à huis clos.

 24   (L'audience se poursuit à huis clos.)

 25  


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  1   (Audience à huis clos.)

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 10   Pages 3619 – 3626 expurgées en audience à huis clos

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 25   (Fin de l'audience à huis clos.)


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  8  

  9   (L'audience reprend en séance publique.)

 10   M. le Président. - Je tiens à dire, Témoin F, que les audiences

 11   sont en principe publiques mais que vous restez toujours avec les mesures

 12   de protection que le Tribunal a organisées à votre profit.

 13   Monsieur le Procureur...

 14   M. Harmon (interprétation). - Témoin F, lorsque vous êtes

 15   arrivée à la maison de Niko Vidovic, qu'avez-vous vu ?

 16   Témoin F (interprétation). - J'ai vu, comme je l'ai dit, la

 17   femme dans son uniforme blanc. J'ai vu le plasma 5-1 (?)d'un côté et de

 18   l'autre côté l'infusion. Je suis allée à côté, je suis allée à la cave.

 19   J'ai vu les femmes et les enfants croates ; c'étaient mes voisins. A

 20   l'intérieur, j'ai vu des lits, un fourneau, une cuisinière où l'on

 21   préparait à manger. On nous a dit d'entrer et Ivica nous a dit de nous

 22   cacher là, de rester là. Il parlait avec nous. Il disait que la meilleure

 23   solution pour nous était de rester là, dans la cave.

 24   M. Harmon. (interprétation) - Témoin F, vous est-il apparu que

 25   des préparatifs avaient été faits à l'avance pour loger un grand nombre de


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  1   personnes dans la cave de cette maison en particulier ?

  2   Témoin F (interprétation). - Oui. Leurs femmes, les femmes

  3   croates et les enfants croates étaient bien vêtus. C'était le 16 avril, il

  4   faisait froid. Ils étaient vêtus de vêtements chauds alors que mes enfants

  5   et moi étions en pyjama. Moi, j'avais les pieds nus, seulement les

  6   pantoufles.

  7   M. Harmon. (interprétation) - Cette femme que vous avez

  8   identifiée en disant qu'elle portait une espèce de blouse blanche, savez-

  9   vous si elle était infirmière ?

 10   Témoin F (interprétation). - Oui, elle était infirmière. Ce

 11   qu'elle faisait ce jour-là, je ne le sais pas.

 12   M. Harmon. (interprétation) - Vous a-t-il semblé que des

 13   équipements médicaux

 14   étaient disponibles dans la maison de Niko Vidovic ?

 15   Témoin F (interprétation) - Oui, après environ une heure, Finka

 16   est venue avec les médicaments qu'elle a laissés sur une table dans la

 17   cave.

 18   M. Harmon (interprétation). - Je vous prierai maintenant de

 19   poursuivre le récit de vos observations.

 20   Témoin F (interprétation) - Dehors, il y avait des coups de feu

 21   venant de toutes les directions. Cela venait de toutes sortes d'armes. Je

 22   ne connais pas très bien le détail concernant les armes, mais je suis sûre

 23   qu'il y avait à la fois de grands et de petits calibres. Comme je l'ai

 24   déjà dit, j'étais enceinte. Nous avons eu peur mes enfants et moi.

 25   J'étais près d'une fenêtre pendant un moment. C'était une petite


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  1   fenêtre qui était entrouverte pour avoir un peu d’air. J'ai senti l'odeur

  2   de la fumée qui entrait dans la pièce. J'ai conclu qu'il y avait du feu

  3   quelque part. Les hommes n'étaient pas là. Il n'y avait que des femmes et

  4   des enfants.

  5   Cependant, de temps en temps, les hommes entraient. Ils

  6   rendaient visite aux membres de leur famille, mais Ivica nous a dit qu'il

  7   ne fallait absolument pas que nous sortions de la cave, même pas pour

  8   aller aux toilettes.

  9   A environ 9 heures, 9 heures et demi, je ne suis pas tout à fait

 10   sûre, je devais sortir avec ma petite. J'ai demandé à une femme si je

 11   pouvais sortir avec ma petite. Elle m'a dit de m'adresser à Ivica. Je lui

 12   ai posé la question. Il m'a dit non. Mais j'ai reposé la question à une

 13   autre personne pour savoir si je pouvais sortir. Il m'a dit oui. Alors je

 14   suis passé à côté d’eux.

 15   M. Harmon (interprétation). - Ou êtes-vous allée ? Etes vous

 16   restée dans la maison ou êtes vous sortie ?

 17   Témoin F (interprétation) - Je suis sortie. J'ai pris les

 18   escaliers et en sortant, j'ai vu les soldats dehors. Ils avaient des

 19   uniformes noirs et de camouflage. Ils mangeaient.

 20   M. Harmon (interprétation). - Avez-vous remarqué des insignes,

 21   des emblèmes

 22   sur les uniformes de ces soldats ?

 23   Témoin F (interprétation) - Oui. Je suis passée à côté d’eux.

 24   Ils n'ont pas fait attention à ma présence, probablement, ils pensaient

 25   que je cherchais un abri là, tout comme les autres femmes.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Quelle insigne avez-vous

  2   remarqué ?

  3   Témoin F (interprétation) - Les uns avaient le nom "Vitesovi"

  4   marqué et les autres "Jokeri".

  5   M. Harmon (interprétation). - Combien de soldats avez-vous vu ?

  6   Témoin F (interprétation) - Il y en avait plusieurs en uniformes

  7   noirs, quatre ou cinq en uniforme noir, et trois ou quatre en uniforme de

  8   camouflage. Leurs couvre-chef étaient bizarres. Ils étaient ronds, rouges

  9   et un ruban rouge était suspendu.

 10   M. Harmon (interprétation). - Avez-vous entendu des

 11   conversations entre ces soldats ?

 12   Témoin F (interprétation) - Ils parlaient d'un travail qui avait

 13   été accompli. Ils étaient heureux. Ils disaient que tout était terminé.

 14   A ce moment-là, quand je suis sortie du haut des escaliers pour

 15   sortir de la cave dans la cour, j'ai vu que les maisons d’Ahmic Azman (?),

 16   d’Ahmic Sulejman et d’Ahmic Eso étaient incendiées.

 17   Je suis allée aux toilettes avec ma petite pour l’y amener. En

 18   rentrant, j'ai vu la Frano Vidovic, Anto Kupreskic, Anto Dudzo. Ils

 19   parlaient. Anto Kupreskic était un homme âgé. Il portait un uniforme. Il

 20   avait un fusil, une bombe. Les deux autres n'étaient pas en uniforme, mais

 21   Ramo (?) avait un brassard blanc. Il parlait et Armo (?) a montré

 22   l'endroit dans la cave où nous avons été.

 23   Il a dit : "Ecoutez, il ne faut pas les tuer ici, il faut peut-

 24   être les garder. Peut-être y aura-t-il des capturés de notre côté aussi".

 25   Je suis restée là. Je me suis dit : "Nous sommes capturés  ici.


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  1   Ce n'est pas pour chercher un abri que nous sommes là".

  2   Je suis descendue dans la cave. J'ai cherché mon frère. Je lui

  3   ai dit : "Nous sommes prisonniers ici". Il m'a fait un signe de tête comme

  4   quoi il comprenait parce qu'il était près de la fenêtre et il avait tout

  5   entendu. Alors j'ai approché mon mari et je lui ai tout dit. On a compris

  6   où était le problème.

  7   Quelques minutes plus tard un enfant de 12, 13 ans peut-être,

  8   que j'ai connu pendant toute ma vie....

  9   M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre

 10   une seconde avant que vous ne relatiez cet incident particulier. Vous avez

 11   dit avoir vu les maisons de Hazim, Eso et Sulejman incendiées, est-ce que

 12   c’étaient des maisons qui se trouvaient dans le quartier où vous

 13   habitiez ?

 14   Témoin F (interprétation) - Oui, ces maisons-là étaient près du

 15   stade.

 16   M. Harmon (interprétation). - Elles semblaient être incendiées

 17   lorsque vous les avez vues le matin du 16 avril, n'est-ce pas ?

 18   Témoin F (interprétation) - Oui, elles étaient incendiées.

 19   M. Harmon (interprétation). - Maintenant, je vous demanderai de

 20   continuer votre témoignage. Vous parliez d'un incident survenu avec un

 21   jeune garçon.

 22   Témoin F (interprétation) - Il a couru. Il est entré. Il a

 23   ouvert la porte, en même temps, les coups de feu continuaient à

 24   l'extérieur. Peut-être que cela c'était calmé un peu. Il s'est adressé aux

 25   femmes croates qui étaient assises là.


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  1   Il a dit : "Vous savez ce qu'il y a de nouveau ?" Elles ont

  2   répondu : "Oui, qu’est-ce qu’il y a, Jure", c'était son surnom. Il a dit :

  3   "Tous les Musulmans ont été tués . J’ai été personnellement là-bas. Je

  4   regardais. J'examinai les corps de Nedzad et Muharem. Ils sont morts. Il

  5   s'agissait de mes cousins".

  6   Là, j'ai eu une sorte d'attaque. J'ai commencé à hurler. Je

  7   voulais sortir, mais une personne m'a dit de ne pas sortir. Finka m’a dit

  8   de rester là. Elle m'a donné une pilule pour que je me calme. Elle m'a

  9   donné un calmant. Mon mari regardait toute la scène. Il a pris ma petite

 10   fille. Il a dit : "Sortons d'ici". Il a ajouté : "S'ils vont nous tuer

 11   parce que je constate qu'ils sont en train de tuer, on va sortir pour être

 12   tués comme des personnes et non pas comme des souris".

 13   J'ai pris ma fille, j'ai commencé à sortir, mais Ivica qui était

 14   devant la porte dehors lui a dit : "Petit, rentre là où tu étais. Je t’ai

 15   déjà dit de rester là. Tu ne sais même pas de quoi il s'agit". Finka a

 16   encore demandé à mon mari de rentrer, il lui a dit : "Regagnez votre

 17   place. Tout cela passera. Cela ne va pas continuer ainsi".

 18   Mon mari était nerveux, mais nous sommes rentrés. Nous avons

 19   regagné notre place et la journée s'est poursuivie ainsi.

 20   M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous vous trouviez

 21   dans la cave et que vous y avez passé la journée du 16, avez-vous entendu

 22   les maris de l’une quelconque de ces femmes, lorsqu'ils venaient, parler

 23   de succès remportés par eux ? Pouvez-vous dire aux juges exactement ce que

 24   vous les avez entendu dire ?

 25   Témoin F (interprétation) -  Les maris n'étaient pas dans la


Page 3633

  1   cave. Ils entraient de temps en temps. Une fois, c’est S. Kovidovic (?)

  2   qui est entré, c’est-à-dire Vidovic Anto, surnommé "Satko". Il a dit qu’un

  3   de ses amis musulmans, Fahrudin Ahmic était mort. Il a dit qu'il était

  4   désolé à cause de cette mort, mais quand ils entraient, ils ne nous

  5   parlaient pas. Ils parlaient à leur propre femme. Ils parlaient de leur

  6   progrès, à un moment, Ivica surnommé "Jevdjo" est entré, il a dit : "Ah,

  7   les femmes, c'est nous qui emportons la victoire. Vous ne devez pas avoir

  8   peur . Il y a des combats à Kruscica".

  9   Les femmes étaient contentes. Les hommes disaient qu'il n'y

 10   avait pas de pertes de leur côté.

 11   Ensuite, ils ont commencé à se parler entre eux. Un jeune homme

 12   est entré rendre visite à une jeune femme de Busovaca. Je les ai entendu

 13   parler. Ils ont terminé leur affaire et Ivica  a parlé d'un match. Il a

 14   dit : "Oui, il fallait bien jouer ce match un jour. On a joué le match. On

 15   a emporté la victoire".

 16   Ce jeune homme parlait avec son ami. Il a dit : "Il s'agit ici

 17   de nettoyage ethnique. Je pense que nous allons réussir. Nous ne devons

 18   même pas aller à Zenica pour vivre, nous pouvons rester et vivre ici dans

 19   notre Herceg Bosna" . Nous écoutions ce qui se passait.

 20   M.  Harmon (interprétation). - Vous avez mentionné un certain

 21   nombre de personnes. Ante Vidovic surnommé "Satko" en particulier, comment

 22   était-il habillé le matin du 16 avril si vous vous le rappelez ?

 23   Témoin F (interprétation) - Il était en uniforme de camouflage.

 24   M. Harmon (interprétation). - Portait-il des insignes sur son

 25   uniforme que vous pouvez vous rappeler ?


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  1   Témoin F (interprétation) - HVO.

  2   M. Harmon (interprétation). - Vous avez évoqué également une

  3   personne répondant au nom d'Ivica, Jevdjo, Vidovic n'est-ce pas ?

  4   Témoin F (interprétation) - Oui.

  5   M. Harmon (interprétation). - Comment était-il habillé ?

  6   Témoin F (interprétation) - Il avait un pantalon de camouflage,

  7   une veste bleue et il avait un fusil pendant tout le temps.

  8   M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez vu des

  9   insignes ou des marques sur son uniforme qui permettaient de

 10   l'identifier ?

 11   Témoin F (interprétation) - Non.

 12   M. Harmon (interprétation). - Est-ce que "Jevdjo" a fait la

 13   moindre référence à l'identité de son commandant à lui ?

 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   Il lui a répondu : "Reste assis là où tu es parce que si c'était

 21   Nenad qui prenait la décision, tu ne serais certainement pas assis là où

 22   tu es".

 23   M. Harmon (interprétation). - Je voudrais vous demander si vous

 24   avez entendu des conversations relatives au lancement d'une roquette sur

 25   Kruscica ?


Page 3635

  1   Témoin F (interprétation) - Oui.

  2   M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux juges ce que

  3   vous avez entendu de cette conversation ?

  4   Témoin F (interprétation) - Ivica est venu dans la cave,

  5   surnommé "Jevdjo". Il a dit aux femmes : "Les femmes, les nôtres

  6   progressent bien. Vous ne devez pas vous faire de souci. Kruscica est

  7   attaquée fortement et Kruscica sera à nous bientôt".

  8   M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu’il a parlé de 7 lance-

  9   roquettes ou de 7 munitions de lance-roquettes ?

 10   Témoin F (interprétation) - Il a dit 7 lance-roquettes.

 11   L’Interprète. - (Correction de l’interprète). Tout à l’heure,

 12   c’étaient 7 lance-roquettes ou un lance-roquettes à 7 canons.

 13   M. Harmon (interprétation). - Est-ce que quelque chose de

 14   particulier s'est passé dans la cave que vous pouvez-vous rappeler ?

 15   Témoin F (interprétation) – (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   je ne sais pas où il avait été auparavant, son frère Drago est venu. Il

 18   parlait avec sa mère qui était là pendant tout le temps. Sa mère a

 19   commencé à pleurer et à dire : "Ivica, mon fils, ma fleur, nous ne savions

 20   pas ce qui se passait".

 21   A un moment, quelqu'un a commencé à dire à voix basse : "Ivica

 22   est mort, Ivica est mort". Drago nous a regardés. Il a dit : "S'il faut

 23   égorger, c'est moi qui vais le faire".

 24   Nous avons compris que son fils Ivica Vidovic était mort.

 25   M. Harmon (interprétation). - Comment est-ce que cette personne


Page 3636

  1   qui parlait dégorgement était habillée ?

  2   Témoin F (interprétation) - Il avait la veste de l'ancienne JNA.

  3   Il avait un brassard blanc et il portait un fusil à l'épaule.

  4   M. Harmon (interprétation). - Avait-il des insignes sur ces

  5   vêtements que vous pouvez-vous rappeler aujourd'hui ?

  6   Témoin F (interprétation) - Je n'en ai pas vues.

  7   M. Harmon (interprétation). - D'accord. Alors vous êtes restée

  8   dans cette maison et vous y avez passé la nuit du 16  avril 1993 ?

  9   Témoin F (interprétation) - Oui. Nous sommes restés le 16 avril

 10   pendant toute la nuit. Est arrivé le matin du 17 avril. Certaines femmes

 11   croates sont sorties, puis elles sont revenues. Il n'y avait pratiquement

 12   plus de coups de feu.

 13   A un moment, nous avons posé la question à Ivica de savoir quand

 14   nous allions sortir et il nous a répondu que c'était hors de question.

 15   Ce matin-là, vers 9 heures du matin, Ivica est entré et a dit

 16   aux femmes qui étaient là : "Allez chercher vos hommes et dites-leur que

 17   je ne peux plus les protéger comme je le faisais jusqu'à maintenant. Je ne

 18   peux plus le faire tout seul parce que les Jokeri et les Vitezovi savent

 19   qu'il y a des Musulmans dans ma cave et je risque ma propre tête

 20   maintenant".

 21   Une femme s'est mise debout : "Il ne faut pas risquer ta propre

 22   tête. Il vaut mieux risquer leur tête que la tienne". Ivica a dit : "On

 23   voulait décider pour savoir ce qu'on allait faire. Vous étiez tous pour la

 24   solution selon laquelle on allait les garder. Maintenant, avec les jokeri

 25   et les vitezovi, personne n'est prêt à faire quoi que ce soit".


Page 3637

  1   M. Harmon (interprétation). - Une question encore : parlez-vous

  2   du 18 ? Je vous pose la question au sujet du 17.

  3   Témoin F (interprétation). - C'était le 17 avril.

  4   M. Harmon (interprétation). - Très bien.

  5   Maintenant, je vous demanderai si vous avez vu également un

  6   homme répondant au nom de Stjepan Vidovic le 17 avril ?

  7   Témoin F (interprétation). - Oui.

  8   M. Harmon (interprétation). - Est-il entré dans la cave ?

  9   Témoin F (interprétation). - Oui.

 10   M. Harmon (interprétation). - Qu’a-t-il dit ?

 11   Témoin F (interprétation). - Le 16 avril, le soir, il a passé la

 12   nuit dans la cave. Le 17, il est allé à sa maison et sa femme était restée

 13   là, dans la cave, pendant tout ce temps. Il est rentré le 17. Il parlait

 14   avec sa femme et les autres femmes. Il disait que le minaret de la mosquée

 15   était tombé sur la route. Il parlait de plusieurs maisons incendiées et

 16   puis il a ajouté que sa propre maison n'avait rien, qu’elle était en bon

 17   état.

 18   Ensuite, il a dit qu'il avait vu un véhicule qui allait chercher

 19   les cadavres musulmans dans la région de Donji Ahmici.

 20   M. Harmon (interprétation). - Qu’a-t-il dit au sujet de l'état

 21   des maisons musulmanes qu'il avait vues ?

 22   Témoin F (interprétation). - Il était heureux de savoir que sa

 23   maison était restée en bon état alors que toutes les maisons musulmanes

 24   avaient pris feu.

 25   M. Harmon (interprétation). - A-t-il dit quoi que ce soit au


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  1   sujet de Musulmans qui reviendraient dans la région ?

  2   Témoin F (interprétation). - Non, il n'a rien dit. Personne ne

  3   pouvait rentrer étant donné que l'incendie durait. Mais il a dit qu'eux,

  4   les Croates, passaient avec un véhicule pour

  5   récupérer les cadavres musulmans. C'est ce qu'il a dit.

  6   M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que

  7   Ivica Jevdjo Vidovici était venu et avait annoncé que les jokeri et les

  8   vitezovi savaient que vous vous trouviez dans cette maison. Est-ce exact ?

  9   Témoin F (interprétation). - Oui. Il s'est adressé aux femmes.

 10   Il parlait à voix haute pour que tout le monde puisse entendre. Il a dit à

 11   la fois les jokeris et les vitezovis savent que vous êtes là. Il a dit aux

 12   femmes : "Allez chercher vos hommes pour aider. Moi tout seul, je ne peux

 13   rien faire. Pendant qu’on prenait la décision pour savoir ce qu'on allait

 14   faire pour ces gens-là, vous vouliez tous qu'on les protège. Maintenant,

 15   personne ne veut faire quoi que ce soit. Maintenant, il s'agit de ma

 16   propre tête". Il a fait un signe démontrant l'égorgement.

 17   M. Harmon (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

 18   Témoin F (interprétation). - Ivica est parti. Certaines femmes

 19   disaient : "Je ne sais pas où est mon mari". Les autres disaient la même

 20   chose. Il nous a dit de nous reculer dans une autre pièce étant donné

 21   qu'il y avait deux pièces dans la cave. Nous avions quelques couvertures.

 22   Mais ils avaient besoin de ces couvertures. Alors, nous sommes restés

 23   debout pendant tout ce temps-là. Il est sorti, il est parti et, entre-

 24   temps, un autre voisin est venu. Il s'est approché de mon frère. C'était

 25   peut-être 2 heures ou 3 heures après la visite d’Ivica. Il nous regardait,


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  1   moi-même, mon mari et mes frères. Il leur a offert une cigarette. Je les

  2   ai approchés pour voir ce qui se passait, ce qu'il allait dire. Il a

  3   dit : "Je regrette cela profondément, mais j'ai reçu l'ordre de vous faire

  4   sortir. J'ai reçu l'ordre". Il était là avec eux. Ils ont fumé une

  5   cigarette.

  6   M. Harmon (interprétation). - Quand vous dites "Ils m'ont donné

  7   l'ordre", quelle était la nature de cet ordre ?

  8   Témoin F (interprétation). - Il a reçu l'ordre de les faire

  9   sortir, les trois, parce qu'il a dit : "Je dois vous faire sortir, vous

 10   trois, pour vous tuer".

 11   M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous dites "tous les

 12   trois", s’agit-il de vous-même et de vos frères qui se trouvaient dans

 13   cette cave avec leur famille ?

 14   Témoin F (interprétation). - Oui.

 15   M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé après qu'il a

 16   annoncé à vos frères et à votre mari qu'ils devaient sortir pour être

 17   tués ?

 18   Témoin F (interprétation). - Il a fumé avec eux une cigarette.

 19   Il est resté là avec eux pendant un moment. A ce moment-là, nous avons pu

 20   entendre le son du blindé transport des troupes. J'ai entendu ce blindé

 21   transport des troupes arriver dans la cour de Niko Vidovic. J'ai entendu

 22   parler en anglais quelqu'un qui disait le nom de mon frère ou de Musulmans

 23   qui ont survécu. Ivica a dit qu'il n'y avait pas de Musulmans qui avaient

 24   survécu, qu'il n'y avait pas de civils dans la cave et que, donc, ils

 25   pouvaient rentrer.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Et ce véhicule de la FORPRONU est

  2   reparti ensuite ?

  3   Témoin F (interprétation). - Ils sont restés là pendant environ

  4   15 minutes et puis ils sont partis. Je les ai entendu s'éloigner et, avec

  5   eux, notre dernier espoir est parti lorsque la FORPRONU est partie.

  6   M. Harmon (interprétation). - Vous avez indiqué qu'un homme

  7   dénommé Anto Puja (?) était venu dans la cave et avait parlé à votre

  8   frère, qu'il l'avait informé qu'il lui fallait les faire sortir pour

  9   qu'ils se fassent tuer. Comment Anto Puja (?) était-il habillé ?

 10   Témoin F (interprétation). - Il était en uniforme de camouflage.

 11   Il avait un couvre-chef noir sur sa tête. Il ne paraissait pas heureux. Je

 12   le regardais, il était triste.

 13   M. Harmon (interprétation). - Portait-il des insignes

 14   particuliers sur ses vêtements, identifiant l'unité à laquelle il

 15   appartenait ?

 16   Témoin F (interprétation). - HVO.

 17   M. Harmon (interprétation). - Qu'est-il arrivé après qu'il est

 18   sorti de la cave et

 19   après que le véhicule de la FORPRONU, qui était arrivé sur les

 20   lieux, est parti ? Qu'est-ce que vous-même, vos frères et les membres de

 21   leur famille avez fait ?

 22   Témoin F (interprétation). - Cela se passait le 17 pendant toute

 23   la journée. Ils venaient, ils parlaient, ils sortaient, ils se vantaient

 24   de leur victoire. La nuit est tombée, le 17 au soir. Une femme est entrée

 25   en courant et elle a crié, disant que les étables étaient mises à feu, les


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  1   étables de Plavcic, et qu'il fallait chercher un abri, qu'il fallait

  2   qu'ils s'abritent dans un endroit dans la direction de Rovna.

  3   M. Harmon (interprétation). - Les étables de Plavcic... Plavcic

  4   était-il croate ?

  5   Témoin F (interprétation). - Oui. C'était dans la Mahala,

  6   Krpno (?). C'est comme cela qu'on appelait cet endroit. Cette femme était

  7   dehors. Peut-être a-t-elle vu cela ou l'a-t-elle entendu dire. Petit à

  8   petit, les gens ont commencé à quitter la cave. Finalement, il n'y a que

  9   nous qui sommes restés, moi, mes frères et leur famille.

 10   M. Harmon (interprétation). - Après que ces informations ont été

 11   transmises aux Croates qui se trouvaient dans la cave quant au fait que

 12   les étables croates étaient en feu, les Croates qui se trouvaient dans la

 13   cave sont partis. Vous-même et les membres de vos familles êtes demeurés

 14   seuls. Est-ce exact ?

 15   Témoin F (interprétation). - Oui.

 16   M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que les Croates qui

 17   se trouvaient dans la cave ont pris la fuite dans la direction de Rovna.

 18   Est-ce exact ?

 19   Témoin F (interprétation). - Oui. Ils disaient que, pour eux,

 20   c'était le plus sûr de chercher un abri à Rovna. Ils se dépêchaient tous.

 21   Nous sommes restés entre nous. Nous nous demandions ce que nous devions

 22   faire. Il était impossible d'aller vers Pirici. Nous nous sommes

 23   dit : "Nous allons aller vers Rovna nous aussi. Arrive ce qui arrive".

 24   Nous sommes sortis. Il y avait 2 soldats devant la maison. Ils étaient

 25   pressés eux aussi. Ils se pressaient dans une direction. Nous avons suivi


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  1   aussi.

  2   M. Harmon (interprétation). - Vous avez pris la fuite avec les

  3   Croates dans la direction de Rovna. Est-ce bien ce que vous dites dans

  4   votre déposition ?

  5   Témoin F (interprétation). - Oui, oui.

  6   M. Harmon (interprétation). - Cela s’est-il passé le

  7   18 avril 1993 ?

  8   Témoin F (interprétation). - Oui.

  9   M. Harmon (interprétation). - Etes-vous allés dans la direction

 10   de Rovna ?

 11   Témoin F (interprétation). - Oui. Nous y allions. Eux, ils

 12   étaient devant nous. Nous étions derrière. Il y avait des balles en feu

 13   qui passaient de la direction de Rovna. Nous marchions pendant longtemps,

 14   puis certains passaient à gauche, certains passaient à droite. Finalement,

 15   encore une fois, nous sommes restés seuls. Mon frère a pris une petite

 16   fille. Il y avait une femme à côté de la route.

 17   M. Harmon (interprétation). - Témoin F, je me permets de vous

 18   interrompre quelques instants parce que vous parlez un peu vite. Lorsque

 19   vous avez quitté la maison de Niko Vidovic et que vous avez pris le chemin

 20   de Rovna, êtes-vous passés devant la maison de Nenad Santic qui figure au

 21   niveau du numéro 5 sur la pièce à conviction de l'accusation 113 A ?

 22   Témoin F (interprétation). - Oui.

 23   M. Harmon (interprétation). - Avez-vous traversé la rivière

 24   l’Asva ? Avez-vous passé le pont pour trouver refuge dans une maison du

 25   quartier de Rovna ?


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  1   Témoin F (interprétation). - Oui.

  2   M. Harmon (interprétation). - Etes-vous demeurés dans cette

  3   maison la nuit du 18 avril 1993 ?

  4   Témoin F (interprétation). - Oui. Cette femme voulait voir

  5   Safradin. Nous sommes entrés dans la maison. Safradin, c'était un nom de

  6   famille croate. Dans la maison, il y avait un voisin qui nous a reconnus.

  7   Il était étonné de nous voir là. Après, il est parti quelque part. La

  8   femme avait peur de savoir que nous allions passer une nuit chez

  9   elle.

 10   M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant, Témoin F,

 11   vous demander, lorsque vous employez le mot "nous", si vous parlez de

 12   vous-même, de vos maris, de vos 2 enfants, de vos 2 frères, des membres de

 13   leur famille et de leurs enfants ?

 14   Témoin F (interprétation). - Oui. Il y avait 6 adultes et

 15   7 enfants.

 16   M. Harmon (interprétation). - Cette nuit particulière, cette

 17   nuit du 18, vous avez passé la nuit dans une maison de Rovna, vous tous ?

 18   Témoin F (interprétation). - Oui, oui.

 19   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, avons-nous

 20   l'intention de poursuivre après 17 h 30, auquel cas je poursuis mon

 21   audition, sinon je la conclus ici.

 22   M. le Président. - Non, pas du tout. Le témoin doit être fatigué

 23   de raconter toutes ces souffrances. Je propose que nous en restions à

 24   notre horaire habituel. Nous allons arrêter.

 25   Avant que le Tribunal ne se lève, peut-être,


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  1   Monsieur le Greffier, pouvez-vous assurer le huis clos pour raccompagner

  2   le Témoin F ou préférez-vous le faire après que le Tribunal ? Vous

  3   préférez ? Après. Le Témoin F reste assis pour l'instant.

  4   Je rappelle qu'il n'y a pas d'audience toute la journée de

  5   demain. Nous reprendrons après-demain, c'est-à-dire le 13 novembre, à

  6   l’heure habituelle, c'est-à-dire à 10 heures.

  7   L'audience est levée.

  8   L'audience est levée à 17 h 30.

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