Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 3772

1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Vendredi 14 novembre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures 10.

5 M. le Président. - L'audience est reprise. Veuillez vous

6 asseoir.

7 Monsieur le Greffier, faites entrer l'accusé.

8 (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)

9 Tout le monde m'entend ? Les cabines d'interprétation sont-elles

10 prêtes ? Bonjour, tout le monde. Le Général Blaskic m'entend aussi ?

11 Deux informations préalables. La semaine prochaine, nous ne

12 siégerons ni le lundi, pour les raisons que vous connaissez, ni le

13 mercredi. Je le dis notamment pour que les conseils de la défense puissent

14 prendre toutes les dispositions pratiques. La raison n'est pas du tout

15 mystérieuse. Ce sont effectivement les contingences nées du changement de

16 juges et des différentes manifestations qui se dérouleront au Tribunal

17 autour de cet événement.

18 Maître Nobilo, vous aviez donc commencé votre contre-

19 interrogatoire. Bonjour,

20 Monsieur Ahmic, vous vous êtes reposé ?

21 M. Ahmic (interprétation). - Bonjour. Oui, tout va bien.

22 M. le Président. - Dans ces conditions, nous pouvons reprendre.

23 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

24 Bonjour, Monsieur Ahmic.

25 Je me propose donc de poursuivre ce que nous avons déjà commencé

Page 3773

1 au cours de notre conversation d'hier. Dites moi, est-il exact qu'une

2 mobilisation a eu lieu et que tous les

3 hommes jusqu'à soixante ans ont été mobilisés ?

4 M. Ahmic (interprétation). - Vous pensez à ?...

5 M. Nobilo (interprétation). - Je pose pour l'instant la question

6 pour les Musulmans.

7 M. Ahmic (interprétation). - Pouvez-vous me dire de quelle

8 période vous parlez ?

9 M. Nobilo (interprétation). - Jusqu'au conflit.

10 M. Ahmic (interprétation). - Quel conflit ?

11 M. Nobilo (interprétation). - Le conflit d’avril 1993.

12 M. Ahmic (interprétation). - Oui, très probablement, elle a eu

13 lieu.

14 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, est-ce que

15 l'information dont je dispose est exacte, à savoir que votre frère,

16 Muris Ahmic, était contre le conflit avec les Croates -je parle du conflit

17 qui a eu lieu au barrage routier- et que c'est la raison pour laquelle il

18 a été enfermé dans l’école d'Ahmici, puis au cours de la nuit, assigné à

19 résidence ?

20 M. Ahmic (interprétation). - C'est absolument inexact.

21 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de l'interrogatoire

22 principal, vous avez dit à l'accusation qu'il vous était interdit de

23 porter des armes. Cela a-t-il concerné uniquement la route principale et

24 Vitez ? Pouviez-vous tout de même porter des armes à l'intérieur

25 d'Ahmici ?

Page 3774

1 M. Ahmic (interprétation). - Il n'était possible de porter des

2 armes que dans Gornji Ahmici, la partie haute du village où les Croates

3 n'ont pas pénétré au moment des premiers heurts, mais dans la partie basse

4 du village et sur les routes, il était interdit de porter des armes.

5 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vos patrouilles

6 patrouillaient tout de même aussi bien dans la partie basse du village que

7 dans le reste du village ?

8 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

9 M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il des armes dans la

10 partie basse du village ?

11 M. Ahmic (interprétation). - Sans doute que des armes ont été

12 apportées, mais

13 elles étaient cachées. Il était interdit de les porter

14 publiquement.

15 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, à la veille du conflit

16 d’avril 1993, sur cette route qui va de Donji Ahmici vers le haut, y

17 avait-il des barrages routiers ?

18 M. Ahmic (interprétation). - Je n’ai pas compris. Pouvez-vous

19 répéter ? Excusez-moi.

20 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. En avril 1993, ou même

21 avant avril 1993, avez-vous installé un barrage routier à l'intérieur du

22 village d'Ahmici, sur la petite route qui traverse le village d'Ahmici ?

23 M. Ahmic (interprétation). - Monsieur, le barrage routier a

24 existé jusqu'aux environs du 20 octobre 1992. En 1993, il n'y avait pas de

25 barrage routier.

Page 3775

1 M. Nobilo (interprétation). - Qui tenait ce barrage routier ?

2 Etait-ce la Défense territoriale ?

3 M. Ahmic (interprétation). - La Défense territoriale le tenait.

4 Il était à l'entrée du village d'Ahmici, près de la route, oui.

5 M. Ahmic (interprétation). - En octobre 1992, vous nous avez dit

6 que vous étiez dans l’école près de la station de radio la nuit de la

7 veille du conflit.

8 M. Ahmic (interprétation). - Non, je n'étais pas près de la

9 station de radio.

10 M. Nobilo (interprétation). - Dans l'environnement de la station

11 de radio ?

12 M. Ahmic (interprétation). - Non, non plus. J'étais aux

13 alentours de l'école.

14 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu’un message est arrivé à

15 ce moment-là demandant que le barrage soit supprimé ? Y a-t-il eu des

16 menaces ?

17 M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui, d'après ce que j'ai

18 entendu, un messager est arrivé du hameau de Zume qui avait été envoyé par

19 les Croates. Il est venu voir les nôtres qui se trouvaient aux alentours

20 de l'école pour leur dire que Dario Kordic avait déclaré que si nous

21 n'enlevions pas immédiatement le barrage, nous serions attaqués et

22 incendiés le matin. C'est

23 effectivement ce qui a eu lieu le matin.

24 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact que l'armée de

25 Bosnie-Herzégovine dans l'Opstina de Vitez a été créée aux alentours de

Page 3776

1 décembre 1992 ?

2 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

3 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact que Midhat Berbic est

4 devenu le dirigeant de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Ahmici ?

5 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

6 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que l'affirmation selon

7 laquelle cela impliquait une meilleure organisation que celle de la

8 défense territoriale est vraie ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Cela aurait dû être le cas, mais il

10 a été impossible de s'organiser vraiment en raison d'une insuffisance des

11 équipements militaires. L'organisation n'existait en fait que sur le

12 papier.

13 M. Nobilo (interprétation). - Mais par rapport à la période

14 antérieure, par rapport au mois d'octobre dont nous venons de parler,

15 comment évaluez-vous le fait que l'armée de Bosnie-Herzégovine ait été

16 créée au début de 1993 ? La situation s'est-elle améliorée ?

17 M. Ahmic (interprétation). - Non, moi je pense que la situation

18 a empiré. En dehors d'Ahmici, et dans la région de Vitez, je ne sais pas

19 exactement quelle était la situation.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je vais maintenant vous lire un

21 extrait de votre déclaration préalable, déclaration que vous avez faite

22 devant les enquêteurs du Tribunal de La Haye.

23 C'est une déclaration signée le 3 février 1995, page 5. Je vais

24 essayer de lire ce texte en anglais et je demande qu'il soit interprété.

25 "En décembre 1992, la Défense territoriale dans la région de

Page 3777

1 Vitez est devenue dénommée armée de Bosnie-Herzégovine. L'organisation est

2 devenue un peu meilleure. L'état-major de l'armée se trouvait à Vitez. Le

3 commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine à

4 Ahmici était Midhat Berbic. Le commandant à Vitez était

5 Sefkija Didic. Il n'y avait pas de caserne à Ahmici.

6 En 1993 , il y avait encore des gardes dans le village d'Ahmici

7 qui fonctionnaient de la même façon qu'en 1992".

8 Est-ce bien ce que vous avez dit aux enquêteurs ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce exact ?

11 M. Ahmic (interprétation). - Oui. Mais je pense tout de même que

12 l'organisation à Ahmici était un peu plus défaillante.

13 M. Nobilo (interprétation). - Donc nous sommes en présence d'une

14 garde de village et de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Existait-il des

15 critères faisant que tel ou tel jeune homme allait être versé dans les

16 rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou dans les rangs de la garde

17 villageoise ?

18 Comment se faisait cette détermination à Ahmici ?

19 M. Ahmic (interprétation). - Il y avait des critères

20 effectivement. Les jeunes hommes étaient "versés" sur le papier dans les

21 rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Les hommes plus âgés, ceux qui

22 avaient travaillé jusqu'à présent dans ce que j'ai appelé la défense

23 civile, eux, étaient versés dans la garde villageoise. On peut l'appeler

24 défense civile ou territoriale, comme vous voulez.

25 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que c'était sur le

Page 3778

1 papier, alors dites-moi, ces jeunes gens qui appartenaient à l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine vivaient-ils séparés des autres dans une caserne ou

3 résidaient-ils toujours dans leurs maisons ?

4 M. Ahmic (interprétation). - A Ahmici, la plupart d'entre eux

5 étaient chez eux à la maison. Quelquefois, ils allaient dans des casernes.

6 L'une a été créée à Kruscica, à Preocica, mais c'était des cas très rares.

7 Ils allaient sans doute dans les casernes pour des entraînements.

8 M. Nobilo (interprétation). - Donc ils ne vivaient pas en

9 permanence dans les casernes, mais y allaient pour des entraînements ?

10 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

11 M. Nobilo (interprétation). - Ai-je raison de dire que la

12 brigade à laquelle vous apparteniez était appelée la 325ème brigade ?

13 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

14 M. Nobilo (interprétation). - Et qu'elle avait son quartier

15 général à Kruscica ?

16 M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas exactement où elle

17 était basée. Mais je sais que parmi les cadres, les commandants de cette

18 brigade, le commandant s'appelait Dzananovic, et je sais que ce poste est

19 resté vacant pendant très longtemps. Un autre devait lui succéder et ce

20 poste est resté vacant longtemps. Je ne sais pas si c'est un fait dont

21 vous avez eu connaissance.

22 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact que le commandement

23 de la compagnie dont dépendaient les jeunes gens d'Ahmici avait son siège

24 à Vrhovine. Est-ce exact ?

25 M. Ahmic (interprétation). - Non.

Page 3779

1 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que l'élément dont je

2 dispose selon lequel le commandement du bataillon dont dépendaient les

3 jeunes gens d'Ahmici avait son quartier général à Preocica est exact et

4 qu'ils allaient en manoeuvre à Preocica ?

5 M. Ahmic (interprétation). - Oui, une partie d'entre eux étaient

6 rattachés aux bataillons de Preocica et une autre à Kruscica. Cela

7 dépendait de la répartition.

8 M. Nobilo (interprétation). - Au moment où l'armée de Bosnie-

9 Herzégovine a commencé à exister, le dirigeant a été Midhat Berbic ?

10 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

11 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous me dire qui était son

12 adjoint, son suppléant ?

13 M. Ahmic (interprétation). - Il y avait Senad Sisic qui était

14 son adjoint et puis Hidzro Bilic, c'est comme cela qu'on l'appelait.

15 M. Nobilo (interprétation). - Hidzro est un surnom ?

16 M. Ahmic (interprétation). - Oui, peut-être que son prénom était

17 Hidzrudin, quelque chose comme cela.

18 Et dans le village de Pirici, il y avait celui qu'on appelait

19 Zeger. Il y avait aussi Nermin Kermo qui était son adjoint. Voilà. Ces

20 hommes étaient ses adjoints.

21 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que Zume, Santici, Pirici

22 et Nadioci étaient les lieux de provenance des membres de ces unités ?

23 M. Ahmic (interprétation). - Pour Nadioci, je ne sais pas. Ils

24 n'étaient pas avec nous.

25 M. Nobilo (interprétation). - Donc, nous avons l'armée de

Page 3780

1 Bosnie-Herzégovine, la 325ème brigade. Qui commandait la garde

2 villageoise ? Comment était- elle organisée ?

3 M. Ahmic (interprétation). - C'est Muris qui avait tout

4 organisé. Midhat Berbic continuait à travailler comme avant. A mon avis,

5 il a commencé à travailler moins bien.

6 M. Nobilo (interprétation). - Donc, Midhat Berbic dirigeait à la

7 fois l'armée de Bosnie-Herzégovine à Ahmici et la garde villageoise ?

8 M. Ahmic (interprétation). - En fait, c'était la même chose.

9 Simplement, c'étaient les retraités qui renforçaient cette garde, c'est ce

10 qui la distinguait du reste, si je puis m'exprimer ainsi.

11 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, avant le conflit

12 d'avril 1993, est-ce que les patrouilles se faisaient régulièrement ? Est-

13 ce que le travail était pris au sérieux ?

14 M. Ahmic (interprétation). - Vous pouvez répéter ?

15 M. Nobilo (interprétation). - Au cours du mois de mars et

16 d'avril 1993, avant le début du conflit, est-ce que ces patrouilles

17 étaient prises au sérieux ? Est-ce que les tâches

18 étaient bien exécutées ?

19 M. Ahmic (interprétation). - Non, en fait Monsieur, la

20 discipline n'était pas vraiment très présente parce qu'il n'y avait pas de

21 police militaire pour sanctionner d'une certaine façon ces hommes.

22 M. Nobilo (interprétation). - Passons maintenant aux événements

23 qui ont précédé le conflit du mois d'avril 1993 pour essayer d'éclaircir

24 un peu les choses. Vous rappelez-vous des problèmes qui auraient surgi à

25 Travnik à Pâques avec des drapeaux croates qui auraient été brandis ?

Page 3781

1 Avez-vous entendu parler de ces rumeurs à Ahmici ?

2 M. Ahmic (interprétation). - Croyez-moi, Monsieur, je ne suis

3 pas informé de cela.

4 M. Nobilo (interprétation). - Et à Zenica, Dzivco (?)Totic, vous

5 rappelez-vous qu'il commandait la brigade du HVO et qu'il a été enlevé ?

6 M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai entendu parler de cela à

7 la radio.

8 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous savez qui a

9 succédé à Grabovi ? Qui a été élu représentants du Mehmed ?

10 M. Ahmic (interprétation). - Oui. C'était un certain Pezer. On

11 l'appelait Pezer.

12 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous savez que le

13 7 mars 1993, il y a eu des tentatives pour démilitariser la garde d'Ahmici

14 avec des coups de feu ?

15 M. Ahmic (interprétation). - La garde de qui ?

16 M. Nobilo (interprétation). - La garde d'Ahmici.

17 M. Ahmic (interprétation). - Mais, qui a essayé de faire cela ?

18 M. Nobilo (interprétation). - Le HVO.

19 M. Ahmic (interprétation). - Le HVO ? Non, non, il n'y en a pas

20 eu.

21 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous vous rappelez que

22 de Gornji Ahmici le 11 mars ils ont désarmé Ramiz qui venait d'Ahmici-le-

23 haut, qui était de garde, qui était en patrouille ?

24 M. Ahmic (interprétation). - Qui a été désarmé ?

25 M. Nobilo (interprétation). - Je vous parle du désarmement des

Page 3782

1 gens de Gornji Ahmici

2 M. Ahmic (interprétation). - Mais qui ?

3 M. Nobilo (interprétation). - Ramiz de Grabovi.

4 M. Ahmic (interprétation). - Je ne suis pas au courant de cela

5 non plus. Je ne vivais pas à Gornji Ahmici, mais de l'autre côté de la

6 route.

7 M. Nobilo (interprétation). - Je vous pose simplement la

8 question. Cinq jours avant le début du conflit, un dimanche, le conflit

9 ayant éclaté le vendredi en avril 1993, donc, le 11 avril 1993, savez-vous

10 qu'il y a eu une rencontre, une réunion dans l'école à 5 heures de

11 l'après-midi. Le commandant a organisé une réunion et les lignes de front

12 ont été déterminées en cas d'éclatement du conflit ?

13 M. Ahmic (interprétation). - Je sais qu'il y a eu une réunion.

14 Je ne sais pas qui y a assisté. Je sais qu'il y a eu aussi une réunion au

15 cimetière. Les Croates se sont réunis au cimetière et ont sans doute

16 décidé comment les choses allaient se passer. Cela a été une réunion

17 importante, massive.

18 M. Nobilo (interprétation). - Vous pensez à ce cimetière là-

19 haut, près de Gornji Ahmici ?

20 M. Ahmic (interprétation). - Oui, parce qu'il y a eu des coups

21 de feu aussi à cette réunion.

22 M. Nobilo (interprétation). - Qui s'est trouvé à cette réunion ?

23 D'où venaient les Croates qui y participaient, de quels endroits ?

24 M. Ahmic (interprétation). - Cela a vraiment été un

25 rassemblement énorme avec des participants de tous les villages

Page 3783

1 environnants du nôtre. Pas mal de voitures sont arrivées, mais je ne sais

2 pas exactement qui.

3 M. Nobilo (interprétation). - Cela s'est passé le dimanche ?

4 M. Ahmic (interprétation). - Oui, le dimanche.

5 M. Nobilo (interprétation). - Et ce dimanche-là, vous avez

6 organisé un rassemblement ?

7 M. Ahmic (interprétation). - Je sais qu'il y a eu un

8 rassemblement, mais je ne me souviens pas s'il a vraiment eu lieu le

9 dimanche. S'agissant de la mise en place de ces lignes, je ne crois pas

10 qu'il y ait eu la moindre discussion à ce sujet. Mais, ce sont les

11 conditions d'existence des habitants de Zume qui se trouvaient dans une

12 situation un peu délicate qui ont été discutées. Il a été question de

13 savoir s'il fallait qu'ils continuent à habiter à Zume ou si, d'une façon

14 ou d'une autre, ils devaient déménager. Je sais qu'il était question de

15 cela.

16 M. Nobilo (interprétation). - Etiez-vous présent à ce

17 rassemblement ou quelqu'un vous en a-t-il parlé ?

18 M. Ahmic (interprétation). - Je connais cette réunion.

19 M. Nobilo (interprétation). - Mais avez-vous assisté à cette

20 réunion ?

21 M. Ahmic (interprétation). - A la réunion de Zume ? Oui, oui,

22 j'y étais présent.

23 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous que le dimanche

24 11 avril, c'est-à-dire le dimanche qui a précédé les attaques, un

25 télégramme est arrivé portant sur la mobilisation de troupes et la

Page 3784

1 disposition de troupes en alerte ?

2 M. Ahmic (interprétation). - Oui, mais après cela, un autre

3 message est arrivé qui annulait cet ordre et, pendant une certaine

4 période, cette alerte au premier degré n'a pas été appliquée.

5 M. Nobilo (interprétation). - Qui a envoyé ce télégramme ?

6 M. Ahmic (interprétation). - Sans doute le quartier général.

7 M. Nobilo (interprétation). - Mes informations sont-elles

8 exactes ? Ce télégramme qui mettait ces unités en alerte est arrivé le

9 dimanche 11 avril.

10 M. Ahmic (interprétation). - Je ne peux pas vous donner la date

11 exacte mais je sais qu'il y a effectivement eu un tel télégramme.

12 M. Nobilo (interprétation). - Quoi qu'il en soit, nous parlons

13 bien d'un jour qui a précédé les conflits n'est-ce pas ?

14 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

15 M. Nobilo (interprétation). - Vous rappelez-vous du 13 avril,

16 c'est-à-dire le mardi suivant ? Ce jour-là, des Croates ont demandé que

17 des personnes viennent de Vrhovine, des jeunes hommes.

18 M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas.

19 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous que le 14, c'est-à-dire

20 deux jours avant le conflit, une arme à trois canons est arrivée à Zume et

21 que Pezer a été fait prisonnier ?

22 M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'était Pezer. Je sais

23 qu'effectivement il a été fait prisonnier ce jour là.

24 M. Nobilo (interprétation). - C'était bien le 14 avril ?

25 M. Ahmic (interprétation). - Probablement.

Page 3785

1 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'un tireur isolé a tiré

2 d'une maison d'Ahmici ce jour-là ?

3 M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas.

4 M. Nobilo (interprétation). - Le 15 avril 1993, c'est-à-dire une

5 journée avant le conflit, avez-vous reçu des informations selon lesquelles

6 des Croates étaient en train de se rassembler autour de la maison des

7 Kupreskic et qu'une réunion du commandement était organisée à 8 h du soir

8 à Ahmici ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Je sais qu'il y a eu une réunion

10 entre les Croates et les représentants des musulmans à Vitez et il a été

11 dit qu'il n'y aurait pas de problème, que tout serait réglé, qu'il n'y

12 aurait pas de conflit. C'est tout ce que je sais. Je ne sais pas s'il y a

13 eu une

14 réunion autour de la maison des Kupreskic.

15 M. Nobilo (interprétation). - Vous n'avez pas très bien compris

16 ma question. Les Croates ont-ils commencé à se rassembler autour de la

17 maison de Kupreskic et, à cause de cela, les musulmans ont-ils tenu une

18 réunion ?

19 M. Ahmic (interprétation). - Non, ça ne je ne sais pas. Je ne

20 suis pas au courant.

21 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous que, le 15 avril au

22 soir, des munitions ont été distribuées aux différents Musulmans dans

23 Ahmici ?

24 M. Ahmic (interprétation). - Monsieur, si ces munitions avaient

25 été distribuées, j'en aurais reçu.

Page 3786

1 M. Nobilo (interprétation). - Etiez-vous membre de la brigade ?

2 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

3 M. Nobilo (interprétation). - Quelle compagnie ?... Quelle

4 compagnie ?

5 M. Ahmic (interprétation). - Je faisais partie du quartier

6 général à Perici mais je n'y suis jamais allé parce qu'il ne s'y passait

7 pas grand-chose. Je faisais partie du bataillon de Preocica.

8 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous reçu une arme ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Non.

10 M. Nobilo (interprétation). - Donc, vous ne pouviez pas recevoir

11 de munitions ce soir-là non plus, n'est-ce pas ?

12 M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est exact. S'il y avait eu

13 ce type d'organisation, j'aurais reçu à la fois un fusil et des munitions.

14 M. Nobilo (interprétation). - Hier, vous nous avez dit qu'au

15 mois d'octobre, il y avait 100 à 120 membres de la Défense territoriale

16 selon votre estimation, mais ce qui m'intéresse ici, c'est de savoir si

17 cela se passait à Ahmici ? Y avait-il des réfugiés, y avait-il des...

18 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, durant le

19 contre-interrogatoire,

20 il y a eu des questions qui ont été posées hier. Je crois que

21 M. Ahmic a déjà donné son estimation du nombre de personnes de la Défense

22 territoriale qui se trouvaient dans le village. Si vous voulez, je peux

23 revenir sur ce qu'il a dit hier mais je crois alors que ma réplique sera

24 beaucoup plus longue si les choses continuent ainsi.

25 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

Page 3787

1 que mon éminent collègue n'a pas bien compris ce que je voulais dire. Je

2 venais juste d'introduire ma question. Ma question véritable allait être :

3 des réfugiés sont-ils arrivés après cette date du mois d'octobre et des

4 nouveaux soldats sont-ils arrivés à cette date ?

5 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je dis que

6 les questions de Maître Nobilo ont déjà couvert toutes ces questions. Je

7 n'ai pas fait d'objection mais je pense que maintenant, Me Nobilo devrait

8 poser des questions qu'il n'a pas déjà posées hier.

9 M. le Président. - Il arrive que les juges aient une mémoire

10 d'ordinateur. C'est peut-être le cas pour mes collègues mais pour ce qui

11 me concerne, je n'ai pas une mémoire telle que je puisse me souvenir à ce

12 point du détail de certaines questions.

13 Mon avis personnel est que beaucoup de questions sont posées ;

14 je parle aussi bien pour l'accusation que pour la défense. Vous connaissez

15 mon point de vue : je ne suis pas du tout sûr que tout soit important dans

16 le débat dans le cadre de la responsabilité du colonel Blaskic, j'ai eu

17 l'occasion de le dire à plusieurs reprises. C'est le danger

18 d'interrogatoires et contre-interrogatoires aussi longs ; si l'on se

19 reportait aux comptes rendus, on trouverait des redites sur tel ou tel

20 point. J'essaie d'y faire attention, vous le savez.

21 Là, je dois dire que je n'ai pas la mémoire. Je peux me tourner

22 vers mes collègues et je vais d'ailleurs le faire tout de suite.

23 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président...

24 (Les juges se concertent.)

25 M. le Président. - J'ai souhaité consulter mes collègues parce

Page 3788

1 que nous sommes

2 ramenés, à travers cette objection de M. Kehoe, au coeur même de

3 cette procédure que vous connaissez parfaitement bien.

4 Mes collègues et moi sommes d'accord sur les deux-points

5 suivants.

6 D'une part, bien entendu, c'est là un point que nous avions déjà

7 dit, que le contre-interrogatoire doit se caler sur les questions de

8 l'interrogatoire. Nous sommes formels là-dessus. Mais le premier point qui

9 est posé aujourd'hui est qu'il ne faut pas -c'est valable aussi pour

10 l'accusation d'ailleurs- que des questions soient reposées, même sous une

11 autre forme, par l'avocat de la défense par rapport à son propre contre-

12 interrogatoire.

13 Je m'explique. Je le dis aujourd'hui à Me Nobilo, je le dirai un

14 autre jour à Me Cayley ou à Me Harmon : il faut que véritablement vous ne

15 reveniez pas sur les questions que vous avez posées, même en les changeant

16 sous leur forme habituelle. C'est le premier point.

17 Le deuxième point qui est très important aux yeux des Juges qui

18 vous parlent, c'est qu'il faut ramener l'essentiel de ce procès à la

19 culpabilité ou la non-culpabilité du Général Blaskic.

20 Il y a là un point fondamental. Je me tourne d'abord vers le

21 Procureur qui a l'initiative de l'accusation. C'est vrai, Monsieur le

22 Procureur, en citant 300 témoins, vous vous doutez bien qu'évidemment on

23 aura toujours des problèmes. Le témoin qui vient aujourd'hui dépose sur le

24 village d'Ahmici. Si, demain, vous nous citez dix témoins qui concernent

25 le village de Zume, le village de Kruscica ou je ne sais quel autre, le

Page 3789

1 droit de la défense sera évidemment de contester ce témoignage. Donc, il y

2 a là un réel effort à faire. Je vous le dis aujourd'hui à vous. Je le

3 dirai au moment où nous passerons à la phase de la défense.

4 Nous, les Juges, je vous le dis très solennellement, nous

5 n'avons pas des mémoires d'ordinateur évidemment, mais nous sommes très

6 attentifs, nous prenons tous des notes. Nous sommes très attentifs. Il se

7 trouve que, sur ce point-là, ma mémoire a fait défaillance, mais mes

8 collègues sont très attentifs.

9 Je résume les deux points :

10 - aussi bien l'interrogatoire que le contre-interrogatoire, qui

11 déjà prennent beaucoup de temps, ne doivent pas servir à ce que soit

12 l'avocat de l'accusation, soit l'avocat de la défense repose encore les

13 mêmes questions, même sous une forme différente. Nous y veillerons ;

14 - deuxième point -et sur celui-ci, nous serons de plus en plus

15 fermes-, nous n'hésiterons pas à vous interrompre. Cela fait depuis le

16 23 juin que nous sommes ensemble, vous l'avez vu, nous avons averti, nous

17 avons donné différents avertissements. Ce qui intéresse le Tribunal, c'est

18 la culpabilité du Général Blaskic en tant que supérieur hiérarchique par

19 rapport aux chefs d'accusation. Sinon, dans dix ans, nous y serons

20 encore !

21 Evidemment, nous sommes toujours partagés lorsqu'il s'agit de

22 vous interrompre, parce que les droits de la défense sont sacrés et la

23 poursuite doit s'effectuer de la façon la plus efficace possible. Je n'ai

24 pas le dossier, mes collègues non plus n'ont pas le dossier sous les yeux,

25 mais nous sentons bien quand nous nous égarons, et il est vrai que, depuis

Page 3790

1 un moment, je me disais que j'allais quand même interrompre Me Nobilo.

2 Est-ce que cela à avoir quelque chose avec la responsabilité du

3 Général Blaskic ?

4 Alors, vous allez me répondre ou vous pouvez me répondre que,

5 oui, cela a à voir. Je le comprends. Les questions de savoir comment

6 étaient organisées la défense, la présence de l'armée bosniaque, bien

7 entendu que c'est important. Mais, de grâce, à ce moment-là, posez une

8 question, deux questions. Mais savoir si dans telle ferme, ce jour-là, il

9 y avait une défense bosniaque, ce sont des questions dans lesquelles nous

10 allons nous perdre. Nous ne nous y retrouverons plus du tout, ni vous ni

11 nous.

12 Le Tribunal sera de plus en plus ferme. Je vous le dis. Nous en

13 reparlerons dans une conférence de mise en état, je vous le promets. Vous

14 savez que nous vous avons invités à réfléchir sur la question de la durée

15 de ce procès. Nous n'hésiterons pas à contingenter les temps de parole.

16 Peut-être le nombre de témoins. Ce Tribunal ne peut pas se permettre de

17 passer cinq

18 ans à juger la responsabilité du Général Blaskic. Je vous le dis

19 très nettement.

20 Evidemment, tout est en nuances. Faites confiance aux Juges.

21 Avant de vous interrompre, nous faisons très attention. Mais, de grâce,

22 voilà les deux points fondamentaux. Je me fais l'interprète de mes

23 collègues : premièrement, ne répétez pas les questions, même sous une

24 forme détournée ne serait-ce que pour déstabiliser le témoin, parce que

25 nous protégerons à ce moment-là le témoin, je vous le dis, et,

Page 3791

1 deuxièmement, ramenez toujours à l'essentiel, vous à l'accusation et vous

2 à la défense.

3 Cela devrait passer déjà par le contingentement des témoins et

4 ensuite le contre-interrogatoire devrait donc suivre. L'initiative

5 appartient d'abord à l'accusation.

6 Voilà les deux points. Je vous le dis sans passion, même si je

7 suis un peu véhément. Je le dis fermement. Ce sont des points dont nous

8 reparlerons en conférence de mise en état.

9 Maître Nobilo, essayez maintenant d'abréger sur cette question-

10 là. Merci.

11 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, avec votre

12 permission, je voudrais éclaircir deux points en particulier.

13 Il est essentiel pour la défense de vérifier la présence ou

14 l'absence de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Ahmici. C'est tout à fait

15 essentiel pour les arguments de la défense. La défense ne peut pas

16 renoncer à cet argument. Ce témoin a dit au cours du contre-interrogatoire

17 qu'il n'y avait pas d'armée de Bosnie-Herzégovine à Ahmici.

18 En ce qui concerne les détails, j'accepte effectivement le fait

19 que les détails en eux-mêmes n'aient pas une grande importance, mais je

20 dispose ici d'un document qui porte sur la défense d'Ahmici, sur les

21 positions. Il s'agit du journal d'un commandant. Donc, en parlant de ces

22 détails, je peux confirmer que cette défense d'Ahmici existait bel et

23 bien. Mais j'essaierai d'accélérer la procédure parce que nous voulons

24 l'accélérer, bien sûr.

25 M. le Président. - Si c'est un problème juridique, je ne

Page 3792

1 conteste pas du tout, je pense me faire l'interprète de mes collègues, sur

2 ce point. Reconnaissez quand même que sur la

3 méthode -et je me tourne aussi vers l'accusation-, il y aurait

4 beaucoup de choses à dire. Le Règlement nous donne beaucoup de pouvoirs.

5 Nous ne les avons pas utilisés, mais nous n'hésiterons pas à les utiliser.

6 Je vais vous donner un exemple qui est tiré de votre propre exemple. Vous

7 venez de dire très exactement l'essentiel. N'auriez-vous pas pu le dire

8 depuis hier ? Vous auriez pu dire très simplement : "Voilà,

9 Monsieur Ahmic, ce qui nous intéresse, nous, dans la défense du

10 Général Blaskic, c'est le point que vous venez de mentionner. Nous avons

11 un document. Nous allons vous le soumettre, vous direz ce que vous en

12 pensez et nous vous poserons des questions". Bien entendu, dans son droit

13 de réplique, le Procureur pourra également poser des questions. Voilà qui

14 serait plus simple.

15 Tandis que là, c'est une sorte de jeu du "chat et de la souris",

16 comme on dit dans ma langue, où, par des petites questions que l'on pose,

17 on déstabilise. Vous avez affaire à des juges professionnels, vous n'avez

18 pas de jurés devant vous. Les déstabilisations artificielles de témoins ne

19 nous intéressent pas. Vous auriez dit tout simplement : "Monsieur Ahmic,

20 ce que recherche la défense, c'est de savoir comment et où était l'armée

21 bosniaque au moment des événements, cela nous intéresse par rapport à la

22 culpabilité du général Blaskic. Nous avons des éléments, des documents,

23 nous allons vous les citer, vous les énoncer, vous les montrer sur le

24 rétroprojecteur, nous allons vous poser quelques questions".

25 Alors que là, depuis hier, on essaie, par des petites questions,

Page 3793

1 de faire ressortir toute une série d'éléments qui cherchent évidemment,

2 par le jeu des contradictions successives, à déstabiliser le témoin.

3 Qu'est-ce qui arrivera ? Dans deux ans -je prends un peu de temps pour

4 m'en expliquer aujourd'hui-, lorsque nous terminerons le procès, les juges

5 seront devant des milliers et des milliers de pages, dans lesquelles, à la

6 page 3 688, il y aura eu la légère déstabilisation du témoin, M. Ahmic.

7 Pensez-vous que c'est faire faire des progrès à la Justice ? Je ne le

8 pense pas. Vous avez votre stratégie. Vous venez de l'expliquer. Elle est

9 très importante. Exposez-la, posez vos questions au témoin et le Tribunal

10 appréciera. Voilà ce que

11 j'avais à dire. Poursuivez maintenant.

12 M. Nobilo (interprétation). - Je ne poserai donc pas la question

13 sur les réfugiés et je vais poursuivre. Je voudrais proposer au témoin un

14 certain nombre de noms et je voudrais que M. Ahmic essaie de se souvenir

15 si ces personnes étaient membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou de la

16 défense villageoise.

17 Alija Ahmic ?

18 M. Ahmic (interprétation). - Il était dans la BIH.

19 M. Nobilo (interprétation). - Asim Ahmic

20 M. Ahmic (interprétation). - Asim Ahmic, je ne crois pas qu'il

21 était dans l'armée.

22 M. Nobilo (interprétation). - Et dans la garde villageoise ?

23 M. Ahmic (interprétation). - Non, il restait chez lui.

24 M. Nobilo (interprétation). - Vehbija Ahmic ?

25 M. Ahmic (interprétation). - Oui, il y était.

Page 3794

1 M. Nobilo (interprétation). - Ejub Ahmic ?

2 M. Ahmic (interprétation). - Aussi.

3 M. Nobilo (interprétation). - Fadil Ahmic ?

4 M. Ahmic (interprétation). - Il était aussi dans l'armée de

5 Bosnie-Herzégovine.

6 M. Nobilo (interprétation). - Et ses trois fils ?

7 M. Ahmic (interprétation). - Il n'avait pas trois fils, mais

8 deux. Non, Fadil Ahmic n'y était pas. Effectivement, ses deux fils y

9 étaient.

10 M. Nobilo (interprétation). - Fahrudin Ahmic ?

11 M. Ahmic (interprétation). - Oui, il y était.

12 M. Nobilo (interprétation). - Fehim Ahmic ?

13 M. Ahmic (interprétation). - Oui, aussi.

14 M. Nobilo (interprétation). - Atif Ahmic ?

15 M. Ahmic (interprétation). - Qui était le frère de Latif, il

16 était rarement à Ahmici. La plupart du temps, il était à Zenica. Il ne

17 faisait pas les tours de garde.

18 M. Nobilo (interprétation). - Et Latif ?

19 M. Ahmic (interprétation). - Il allait aussi à Zenica très

20 souvent.

21 M. Nobilo (interprétation). - Husein Ahmic ?

22 M. Ahmic (interprétation). - Ils étaient deux.

23 M. Nobilo (interprétation). - Celui de la partie inférieure

24 d'Ahmici.

25 M. Ahmic (interprétation). - Non, il ne faisait pas partie de la

Page 3795

1 défense villageoise.

2 M. Nobilo (interprétation). - Hased (?) Ahmic ?

3 M. Ahmic (interprétation). - Non, il était vieux, il ne pouvait

4 pas faire partie de l'armée.

5 M. Nobilo (interprétation). - Et faisait-il partie de la défense

6 villageoise ?

7 M. Ahmic (interprétation). - Oui, il a été tué d’ailleurs.

8 M. Nobilo (interprétation). - Nazir Ahmci ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Il ne faisait pas de tour de garde.

10 Je crois qu'il travaillait à Vitez.

11 M. Nobilo (interprétation). - Où travaillait-il ?

12 M. Ahmic (interprétation). - Dans une usine.

13 M. Nobilo (interprétation). - Nedzib Ahmic ?

14 M. Ahmic (interprétation). - Il avait aussi son entreprise.

15 M. Nobilo (interprétation). - Nedzir Ahmic ?

16 M. Ahmic (interprétation). - Il était chauffeur.

17 M. Nobilo (interprétation). - Nurija Ahmic ?

18 M. Ahmic (interprétation). - Il était dans l'armée

19 effectivement.

20 M. Nobilo (interprétation). - Rasim Ahmic ?

21 M. Ahmic (interprétation). - C'était un membre de l'armée

22 également, mais il ne faisait pas de tour de garde parce qu'il était à

23 Zume et qu'il n'y avait pas de patrouilles là-bas.

24 M. Nobilo (interprétation). - Redzib Ahmic ?

25 M. Ahmic (interprétation). - Il était vieux, donc il n'était pas

Page 3796

1 dans l'armée.

2 M. Nobilo (interprétation). - Sakib Ahmic ?

3 M. Ahmic (interprétation). - Il y en avait deux, mais il n'était

4 pas membre de l'armée.

5 M. Nobilo (interprétation). - Faisait-il des patrouilles ?

6 M. Ahmic (interprétation). - Parfois.

7 M. Nobilo (interprétation). - Suad Ahmic ?

8 M. Ahmic (interprétation). - Oui, il était membre de l'armée.

9 M. Nobilo (interprétation). - Sulja Ahmic ?

10 M. Ahmic (interprétation). - Il y en avait deux, un plus âgé et

11 un plus jeune.

12 M. Nobilo (interprétation). - Celui qui était le plus âgé ?

13 Plutôt celui qui habitait dans la partie inférieure d'Ahmici, donc le plus

14 jeune ?

15 M. Ahmic (interprétation). - Il était policier à Vitez.

16 M. Nobilo (interprétation). - Zijad Ahmic ?

17 M. Ahmic (interprétation). - Je crois qu'il faisait partie de

18 l'armée.

19 M. Nobilo (interprétation). - Zahid Ahmic ?

20 M. Ahmic (interprétation). - Je crois.

21 M. Nobilo (interprétation). - Junuz Bercic ?

22 M. Ahmic (interprétation). - Il était trop vieux.

23 M. Nobilo (interprétation). - Faisait-il des patrouilles ?

24 M. Ahmic (interprétation). - Rarement, il ne voulait pas.

25 M. Nobilo (interprétation). - Midhar Berbic ?

Page 3797

1 M. Ahmic (interprétation). - Il était le commandant.

2 M. Nobilo (interprétation). - Haznudin Berbic ?

3 M. Ahmic (interprétation). - Il était membre.

4 M. Nobilo (interprétation). - De l'armée ?

5 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

6 M. Nobilo (interprétation). - Hiditem Bilic ?

7 M. Ahmic (interprétation). - C'était une personne âgée. Il

8 n'était pas membre de l'armée, mais je crois qu'il faisait des

9 patrouilles.

10 M. Nobilo (interprétation). - Mehrudin Bilic ?

11 M. Ahmic (interprétation). - Son fils, oui, il en faisait

12 partie.

13 M. Nobilo (interprétation). - Ramo Bilic ?

14 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

15 M. Nobilo (interprétation). - Zijad Bilic ?

16 M. Ahmic (interprétation). - Oui, il était membre également.

17 M. Nobilo (interprétation). - Muharem Djidic ?

18 M. Ahmic (interprétation). - Oui. C’était un membre également.

19 M. Nobilo (interprétation). - Edin Kermo ?

20 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

21 M. Nobilo (interprétation). - Elvedin Kermo ?

22 M. Ahmic (interprétation). - Il était plus jeune, je ne sais

23 pas. Je ne peux pas vous dire. Il était jeune.

24 M. Nobilo (interprétation). - Fahrudin Kermo ?

25 M. Ahmic (interprétation). - Il était vieux, il n'était pas dans

Page 3798

1 l'armée.

2 M. Nobilo (interprétation). - Faisait-il les patrouilles ?

3 M. Ahmic (interprétation). - Oui, parfois.

4 M. Nobilo (interprétation). - Faisait-il une patrouille le 16 au

5 matin ?

6 M. Ahmic (interprétation). - Oui, on m'a dit qu’il avait été tué

7 durant cette patrouille.

8 M. Nobilo (interprétation). - Meho Patkovic ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Il est mort avant la guerre.

10 M. Nobilo (interprétation). - Halid Pezer ?

11 M. Ahmic (interprétation). - Il a été tué au début du conflit.

12 M. Nobilo (interprétation). - Etait-il membre de la Défense

13 territoriale ?

14 M. Ahmic (interprétation). - Je ne pense pas parce qu'il était

15 jeune.

16 M. Nobilo (interprétation). - Osman Pezer ?

17 M. Ahmic (interprétation). - Il faisait partie de l'armée.

18 M. Nobilo (interprétation). - Zakir Pezer ?

19 M. Ahmic (interprétation). - Oui, aussi.

20 M. Nobilo (interprétation). - Hajrudin Pjanic ?

21 M. Ahmic (interprétation). - Il était âgé, mais je pense qu'il

22 faisait partie de l'armée.

23 M. Nobilo (interprétation). - Muhamed Pjanic , c’est le fils du

24 précédent ?

25 M. Ahmic (interprétation). - Non, il n'avait pas un fils nommé

Page 3799

1 ainsi, Muhamed.

2 M. Nobilo (interprétation). - Zec Pjanic ?

3 M. Ahmic (interprétation). - Il n'y a pas une personne qui porte

4 ce nom à Ahmici.

5 M. Nobilo (interprétation). - Le 16, au début du conflit,

6 portait-il un uniforme ?

7 M. Ahmic (interprétation). - Non, il était en civil.

8 M. Nobilo (interprétation). - Avait-il une arme, un fusil ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Non.

10 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque ces deux hommes sont venus

11 à votre maison, les deux hommes de Busovaca, le plus jeune d'entre eux,

12 lui avez-vous parlé ?

13 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je lui ai dit : "Qu'est-ce qui

14 se passe ?" Il m'a raconté ce qui sétait passé à Busovaca et ce qu'il

15 avait fait sur place. Il m'a dit qu'après tout ce qui était arrivé était

16 arrivé.

17 M. Nobilo (interprétation). - La traduction anglaise n'était pas

18 précise. Que vous ont dit exactement ces deux hommes de Busovaca ?

19 M. Ahmic (interprétation). - Ce que je viens de dire, "ce que

20 les tiens ont fait". Mais qui ? "Les Musulmans, ce que les Musulmans ont

21 fait". C'est tout ce qu'il a dit.

22 M. Nobilo (interprétation). - Revenons au moment où vous vous

23 cachiez dans cette canalisation. A quelle distance avez-vous vu les

24 soldats ?

25 M. Ahmic (interprétation). - Le premier d'entre eux était en

Page 3800

1 haut de la route vers Pirici, à cinq ou six mètres de moi ; l'autre venait

2 plus bas, à peu près à cinq ou six mètres aussi.

3 M. Nobilo (interprétation). - Je vais vous lire un extrait de

4 votre déclaration du 3 février 1995. Je voudrais vous demander si ce

5 passage est correct.

6 C'est la page 7 pour le bureau du Procureur.

7 "J'avais vu un document et sur ces documents, il était écrit

8 'unités spéciales de Vitesovi', ou plutôt sur ces insignes j'avais vu

9 qu'il était écrit 'unités spéciales de Vitesovi'"

10 Avez-vous bien dit cela ?

11 M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai sans doute dit cela à

12 l'époque, mais pour des raisons de sécurité. Par la suite, je n'étais pas

13 à cent pour cent sûr, même lorsque je l’ai dit la première fois. En fait,

14 je me suis limité à dire "unités spéciales de Vitesovi". Vous pouvez

15 vérifier. Vous pouvez l'effacer même si vous le souhaitez.

16 M. Nobilo (interprétation). - Pendant combien de temps les tirs

17 ont-ils duré à Ahmici et quand les tirs se sont-ils arrêtés ?

18 M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas entendu les tirs. Je

19 n'ai entendu que les explosions dues aux mortiers et les défenses

20 antiaériennes. Je n'ai pas entendu les tirs en eux-

21 mêmes.

22 M. Nobilo (interprétation). - Par la suite, dans diverses

23 conversations avec les survivants d'Ahmici, avez-vous appris qui a attaqué

24 Ahmici, de quel côté ?

25 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

Page 3801

1 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous en dire plus ?

2 M. Ahmic (interprétation). - Je crois que c'était de l'Est pour

3 les unités de Busovaca, à l'Ouest, des unités de Vitez, -je les ai déjà

4 décrites- et au Sud, les unités spéciales. Je les ai déjà décrites. Le HVO

5 et le HV. Elles étaient très très bien armées. A Grabovi, je ne peux pas

6 vous dire exactement.

7 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact qu'auparavant vous

8 avez dit que du côté de Busovaca, les jokeri avaient attaqué ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Oui, mais en fait, je ne fais que

10 relater ce que d'autres m'ont précisé.

11 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous étiez détenu avec les

12 autres civils, vous a-t-on demandé de vous rendre à la base de la FORPRONU

13 pour y prendre deux camions pour procéder au transport des civils ?

14 M. Ahmic (interprétation). - Oui, lorsque j'étais à Zume, trois

15 soldats sont arrivés et nous ont demandé qui, parmi les hommes, pouvaient

16 les accompagner pour aller en quête de camions qui permettraient de

17 transporter des personnes vers Zenica. Moi, j'étais tout à fait pour ce

18 type de démarche. Mais au moment où je me suis levé, j'ai eu un vertige et

19 je n'ai pas pu y aller.

20 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, vous avez dit avoir

21 remarqué que certaines femmes avaient été violées à l'école. Pouvez-vous

22 nous dire quels faits vous ont permis d’arriver à ces conclusions ?

23 M. Ahmic (interprétation). - Mais, j'en ai parlé hier. Je ne

24 sais pas si vous avez bien

25 compris ce que j'ai dit hier.

Page 3802

1 M. Nobilo (interprétation). - Peut-être ne m’avez-vous pas

2 compris. Je vous demande ce qui vous a permis d’en venir à ces

3 conclusions.

4 M. Ahmic (interprétation). - Je vous ai tout dit. L'homme qui

5 était à côté de moi, sa femme se trouvait dans une pièce séparée, un

6 matin, elle est arrivée en pleurant lui racontant ce qui s'était passé.

7 J'en ai conclu que certains faits s'étaient produits. Après la guerre, je

8 l'ai appris. Sûrement des témoins, des femmes, viendront dire ici qu'elles

9 ont été violées.

10 M. Nobilo (interprétation). - Vous nous avez fourni une liste de

11 personnes qui ont été tuées. Vous nous avez montré leur maison. Comment

12 avez-vous appris que ces personnes avaient été tuées ? Les avez-vous

13 vues ? Ou en avez-vous eu connaissance après que les événements se sont

14 produits ?

15 M. Ahmic (interprétation). - Après les événements, lorsque je

16 suis arrivé à Zenica. A été établie, puis publiée, la liste de toutes les

17 personnes qui avaient été tuées.

18 M. Nobilo (interprétation). - C'est de là que vous tirez vos

19 informations ?

20 M. Ahmic (interprétation). - En effet, mais dans la maison dans

21 laquelle je me trouvais, là où ils ont jeté une grenade, il y avait deux

22 cadavres, des hommes qui gisaient là, morts, brûlés, j'ai oublié de le

23 préciser. C'était dans la maison où je suis resté et où on m'a jeté une

24 grenade.

25 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous reconnu ces cadavres ?

Page 3803

1 M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne les ai pas reconnus. Par

2 la suite, j'ai appris que deux hommes avaient été tués dans cette maison

3 parce qu'ils étaient cachés parmi les décombres.

4 M. Nobilo (interprétation). - Je vais lire un extrait de ce que

5 vous avez déclaré aux enquêteurs.

6 Vous avez dit : "Dans la partie du village...", en fait, c’est

7 vers la fin de la

8 déclaration.

9 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Nobilo peut-il nous dire

10 de quelle page il s'inspire ? D'où tire-t-il cet extrait ? Quelle page ?

11 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur. le Président. J'ai

12 là la traduction Croate, mais je vais essayer de trouver une version

13 anglaise et de me repérer dans le texte anglais.

14 M. Cayley (interprétation). - Il est évident qu'il lit quelque

15 chose qu'il traduit directement. C'est complètement différent de la

16 déclaration que j'ai sous les yeux. Je n'ai pas encore fait part de ce

17 point, mais c'est évident.

18 M. Hayman (interprétation). - Cela provient du département de

19 traduction du Tribunal, pas d'ailleurs.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je peux lire l'original, si vous

21 voulez.

22 M. le Président. - S’agit-il d’une pièce qui a été communiquée

23 par l'accusation ? C'est cette pièce que vous avez ?

24 M. Nobilo (interprétation). - Je vais lire en anglais,

25 Monsieur le Président, en dépit du fait que nous avons reçu une traduction

Page 3804

1 provenant du département de traduction du Tribunal. Je tire un extrait de

2 la page 8.

3 M. Cayley (interprétation). - Je ne veux pas prolonger outre

4 mesure ce point, Monsieur Hayman est en train de s'énerver pour rien. Il

5 me semble que la version qu'on nous donne n’est pas exactement similaire

6 avec la version anglaise écrite que j'ai sous les yeux. Poursuivons, cela

7 n'a pas d'importance.

8 M. le Président. - Dans la question que vous allez poser, vous

9 comptez contester les morts qui ont été indiqués par le témoin ? Pouvez-

10 vous nous dire votre objectif ?

11 M. Nobilo (interprétation). - Non, Monsieur le Président,

12 j’essaie simplement de déterminer qui étaient les commandants du HVO dans

13 ce hameau et quels ont été leurs

14 comportements vis-à-vis des victimes civiles. Tel est l'objectif

15 de mon contre-interrogatoire, puis j'en aurai fini.

16 Monsieur Ahmic, je vous demande d’accepter que je lise cela dans

17 mon anglais qui est très médiocre.

18 M. le Président. - Maître Hayman est autorisé à suppléer

19 Maître Nobilo.

20 M. Hayman (interprétation). - Oui, je me permets de prendre la

21 tribune.

22 "Dans mon secteur du village, Milicevic Slavko était le

23 commandant du HVO. Je crois qu'il était tout à fait pour le fait que les

24 femmes et les enfants qui se trouvaient là soient tués.

25 A Zume, c’est Zarko Papic qui était le commandant du HVO. Lui,

Page 3805

1 en revanche, n'était pas favorable à ce que des femmes et des enfants

2 soient tués.

3 A Nadioci, c’est Branko Perkovic qui était le commandant du HVO.

4 Lui a autorisé que tous les civils soient tués.

5 Zoran Kupreskic, commandant du HVO à Grabovi, lui aussi s'est

6 prononcé en faveur de l'assassinat de femmes et d'enfants. C'est lui qui

7 est responsable de la mort de ma mère et de mes trois soeurs, parce

8 qu'elles se trouvaient là, dans ce secteur.

9 Nenad Santic était le commandant du HVO à Zume en contrebas de

10 la route. Il était bien connu pour ses opinions extrémistes. C'était peut-

11 être le pire d'entre tous. Il a dit qu'il avait directement commandé

12 l'attaque qui avait été menée contre Ahmici.

13 Kupreskic a sans doute été responsable de la planification de

14 l'attaque. Sans toute y a-t-il également participé.

15 Je connais ces hommes. Je les connais parce que je les ai

16 rencontrés pendant que j'étais dans la Défense territoriale avant que le

17 premier conflit éclate.

18 M. Nobilo (interprétation). - Ma question est la suivante : est-

19 ce exact ?

20 M. Ahmic (interprétation). - Moi, j'ai exprimé mon opinion

21 personnelle vis-à-vis de

22 ces personnes. Comment prouver cela ? Je n'ai aucun élément qui

23 me permette de prouver qu'ils étaient commandants mais je suis intimement

24 convaincu qu'ils faisaient partie de ceux qui ont organisé les patrouilles

25 croates. Je sais qu'à Zume, des femmes et des enfants n'ont pas été tués,

Page 3806

1 mais là où moi, j'habitais, près de la route, des femmes et des enfants

2 ont été tués à Grabovi.

3 Vous savez fort bien que lorsqu'une armée arrive dans une autre

4 région, elle dispose de guides et j'ai entendu Papic dire : "Ne tuez pas

5 les femmes et les enfants". Je l'ai appris plus tard. Mais d'autres

6 personnes ont peut-être dit : "Il faut que tout le monde soit tué ici".

7 Voilà ce que je pense de la situation.

8 M. Nobilo (interprétation). - Encore une question, s'il vous

9 plaît et je vous laisserai tranquille.

10 A la ligne 7, lorsque les soldats passent près de la route -il

11 s'agit de la pièce 115-, vous êtes-vous caché dans le fossé que vous

12 m'avez indiqué, auquel vous faisiez référence ?

13 M. Ahmic (interprétation). - Pouvez-vous me montrer ce à quoi

14 vous faites référence ?

15 M. Nobilo (interprétation). - Bien. Lorsque les soldats sont

16 passés le long de la ligne 7, lorsque vous les observiez, où vous

17 trouviez-vous ? Dans cette canalisation ? Dans l'eau ? Agenouillé ? Etiez-

18 vous allongé quelque part ? Où étiez-vous ?

19 M. Ahmic (interprétation). - Lorsqu'ils se sont approchés de

20 moi, on ne voyait que ma tête. Lorsqu'ils sont passés je me suis levé pour

21 qu'ils ne voient pas mon ombre projetée. En fait, ils se sont approchés

22 tout près de moi. Je devais me trouver à peu près à deux mètres vers la

23 fin de cette canalisation. Puis ils se sont approchés vraiment tout près

24 et ils sont partis de l'autre côté. Ils étaient donc à cinq ou six mètres

25 de moi.

Page 3807

1 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur Ahmic.

2 J'en ai fini de mon contre-interrogatoire.

3 M. le Président. - Je vous remercie de votre patience.

4 Maître Cayley...

5 M. Cayley (interprétation). - J'ai quelques questions à poser,

6 Monsieur le Président, mais le moment est peut-être bien choisi pour faire

7 une petite pause et suspendre les travaux avant que je commence. Il est

8 environ 11 h 15.

9 M. le Président. - C’est exact, Maître Cayley. J'étais passionné

10 par le débat et je ne voyais plus que c'était l'heure de la pause. Nous

11 allons donc reprendre à 11 h 30.

12 L'audience, suspendue à 11 h 15, est reprise à 11 h 35.

13 M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Faites entrer

14 l'accusé s'il vous plaît.

15 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

16 Maître Cayley...

17 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. J'ai

18 seulement quelques questions à poser au témoin.

19 Bonjour, Monsieur Ahmic. Merci beaucoup de faire preuve d'autant

20 de patience et de rester aussi calme lorsque vous répondez à toutes les

21 questions qui vous sont posées.

22 Je voudrais éclaircir un certain nombre de points. Les conseils

23 de la défense, au cours de leur contre-interrogatoire, ont parlé à

24 plusieurs reprises de la Défense territoriale dans le village d'Ahmici.

25 Participiez-vous à la Défense territoriale de façon volontaire ou

Page 3808

1 obligatoire pour ce qui est du village d'Ahmici ?

2 M. Ahmic (interprétation). - Non, ce n'était pas du tout

3 obligatoire. C'étaient quelque chose qu'on décidait de faire.

4 M. Cayley (interprétation). - Pour ceux qui participaient à la

5 Défense territoriale, y avait-il des sanctions disciplinaires lorsqu'ils

6 ne remplissaient pas leurs fonctions certains jours, lorsqu'ils ne

7 respectaient pas leurs tours de garde ?

8 M. Ahmic (interprétation). - Non, rien de la sorte, pas de

9 sanctions disciplinaires,

10 non.

11 M. Cayley (interprétation). - Si l'un des membres de la garde

12 dormait trop longtemps ou restait au lit trop longtemps le matin, aucune

13 mesure n'était prise du fait que cet homme ne respectait pas ses heures de

14 garde ?

15 M. Ahmic (interprétation). - Non absolument pas, rien du tout.

16 Vous savez, c'étaient des volontaires qui se proposaient.

17 M. Cayley (interprétation). - Bien. Il me semble qu'après vous

18 être enfui d'Ahmici, vous avez rejoint les rangs de l'armée de Bosnie-

19 Herzégovine, n'est-ce pas ?

20 M. Ahmic (interprétation). - J'ai été chassé d'Ahmici et en

21 effet, j'ai rejoint les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

22 M. Cayley (interprétation). - Tout à fait, monsieur, vous avez

23 été expulsé d'Ahmici, c'est exact. Pouvez-vous établir une comparaison

24 entre l'armée de Bosnie-Herzégovine dans les rangs de laquelle vous avez

25 servi après votre expulsion d'Ahmici et la Défense territoriale ?

Page 3809

1 M. Nobilo (interprétation). - Objection, Monsieur le Président,

2 parce que tout ceci ouvre tout un nouveau domaine de questions concernant,

3 d'une certaine façon, la qualité de l'armée de Bosnie-Herzégovine après le

4 16 avril 1993.

5 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, au cours de

6 son contre-interrogatoire, la défense a essayé de déterminer et d'établir

7 qu'il y avait eu des unités militaires organisées, bien équipées, dans le

8 village d'Ahmici. Le bureau du Procureur prend la position suivante : ce

9 n'était pas le cas. Nous avons ici devant nous un homme qui a servi dans

10 les rangs de l'armée bosniaque en 1995 et 1996. Je crois qu'il est à même

11 d'établir très brièvement une comparaison entre l'armée de Bosnie dans

12 laquelle il a servi entre 1995 et 1996, et la garde villageoise à laquelle

13 il a participé en 1993.

14 M. le Président. - Maître Cayley, j'ai tendance à donner raison

15 à Maître Nobilo ; nous n'allons pas refaire l'interrogatoire.

16 Monsieur Ahmic est interrogé, contre-interrogé et

17 contre-contre-interrogé depuis hier 12 h 10. Si les questions

18 sur la comparaison entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO n'ont pas

19 été éclaircies, convenez que les juges n'y peuvent absolument rien. Je

20 préférerais donc que vous passiez à une autre question.

21 Cela aboutira d'ailleurs, -je reprends, excusez-moi moi-même

22 d'alourdir un peu le débat- à la question de ce matin. Il arrivera un

23 moment ou les juges décideront eux aussi quelles sont les questions qui

24 vont dans le bon sens. Il est vrai que la comparaison entre l'armée de

25 Bosnie et le HVO peut être importante et je regrette que cela n'ait pas

Page 3810

1 été soulevé avant mais on ne va pas, à travers le contre-interrogatoire,

2 recommencer l'interrogatoire du témoin. Vous devrez poser des questions

3 uniquement pour des précisions. Passez à une autre question,

4 Maître Cayley.

5 M. Cayley (interprétation). - La Défense territoriale à Ahmici

6 a-t-elle reçu des approvisionnements, des munitions de la ville de Vitez ?

7 M. Ahmic (interprétation). - Oui, en effet, mais très peu ; très

8 peu de choses sont arrivés.

9 M. Cayley (interprétation). - Combien des membres de la garde

10 villageoise portaient des uniformes ?

11 M. Ahmic (interprétation). - Je pense qu'environ une douzaine de

12 personnes portaient des uniformes, mais c'étaient des uniformes qu'ils

13 avaient cousus eux-mêmes à partir de toile de tente. Nous n'avions aucun

14 uniforme militaire réel.

15 M. Cayley (interprétation). - Diriez-vous de la Défense

16 territoriale à Ahmici qu'elle était plutôt mal organisée ou organisée au

17 contraire ?

18 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, disons que c'était plutôt

19 une armée assez peu organisée ; on ne peut pas parler de formation

20 organisée. C'est à cela que j'appartenais en 1993, 1994 et 1995, ou plutôt

21 elle était très différente de celle dans laquelle j'ai servi en 1994

22 et 1995.

23 M. Cayley (interprétation). - Lorsque l'armée de Bosnie a été

24 établie en 1992, cette

25 formation a-t-elle continué à exister à Ahmici au sein de la

Page 3811

1 Défense territoriale ? Y a-t-il eu toujours cet aspect mal organisé de la

2 Défense territoriale ?

3 M. Ahmic (interprétation). - J'en ai déjà parlé, je crois.

4 L'organisation était assez similaire à celle qui prévalait dans la Défense

5 territoriale parce qu'il n'y avait aucun approvisionnement régulier, aucun

6 équipement qui arrivait régulièrement, aucune munition qui arrivait

7 régulièrement. Les compagnies, les bataillons étaient créés sur le papier.

8 Je ne vais pas revenir sur ces questions. Il n'y avait pas suffisamment

9 d'équipement militaire.

10 M. le Président. - Vous revenez sur la question que nous venons

11 d'éliminer il y a cinq minutes. Passez à un autre style de questions.

12 M. Cayley (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

13 vais poursuivre. Il s'agit effectivement d'un droit réplique que je suis

14 en train d'exercer. Il me semble que le bureau du Procureur a le droit de

15 revenir sur ce qui a été dit dans l'interrogatoire principal. Je ne vais

16 pas faire valoir mes droits devant le Tribunal.

17 M. le Président. - Maître Cayley, je ne crois pas que nous nous

18 lancerons dans un procès où le Procureur reviendra sur des questions qui

19 ont été déjà posées pendant plusieurs heures au moment de l'accusation.

20 Sinon, nous n'y arriverons pas.

21 Les Juges sont là aussi pour regarder quand même l'écoulement du

22 temps par rapport à ce qui est essentiel, à savoir les chefs d'accusation

23 contre le Général Blaskic.

24 Vous avez un droit de réplique qui doit s'exercer en fonction de

25 ce qu'a dit Me Nobilo en contre-interrogeant, alors poursuivez brièvement.

Page 3812

1 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahjmic, lorsque votre

2 père et votre frère ont été assassinés juste à la porte de votre maison,

3 pensez-vous que les soldats responsables de cet acte agissaient en

4 obéissait à certains ordres ou, au contraire, qu'ils ont simplement, de la

5 propre initiative, décidé de tuer votre père et votre frère ?

6 M. Ahmic (interprétation). - Dans toutes mes déclarations, j'ai

7 déclaré qu'ils

8 l'avaient fait dans le cadre de l'obéissance à des ordres

9 militaires. C'est ce qu'on leur avait dit : "Vous faites ce qu'on vous dit

10 de faire". Et puis l'un a refusé et l'autre a dit : "Non, ne t'en fais

11 pas, moi je vais obéir aux ordres" et il a fait ce qu'il a fait. Donc il

12 s'agissait bien évidemment d'actes faits en obéissance à des ordres

13 militaires reçus de quelqu'un.

14 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai

15 plus d'autre question à poser au témoin, je vous le passe, si je puis

16 m'exprimer ainsi.

17 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Cayley, je

18 vous remercie d'avoir essayé de comprendre ce que vous disaient les Juges

19 par mon intermédiaire.

20 Je me tourne à présent vers mes collègues. Monsieur le

21 Juge Riad, vous avez certainement des questions. Vous avez la parole.

22 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Monsieur Abdullah Ahmic.

23 M. Ahmic (interprétation). - Bonjour.

24 M. Riad (interprétation). - Dans la mesure du possible, essayez

25 de me répondre clairement. Je vais vous poser un certain nombre de

Page 3813

1 questions. Essayez d'apporter des réponses claires.

2 D'après ce que vous avez déclaré ici et d'après ce que nous

3 avons pu voir sur les photos, vous avez dit que toutes les maisons

4 musulmanes que vous nous avez montrées ont été brûlées, que c'était un

5 acte systématique. Est-ce que ces maisons étaient désignées sur la base de

6 certains critères, ou bien est-ce que toutes les maisons musulmanes sans

7 distinction étaient brûlées ?

8 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, un certain nombre de

9 maisons n'ont pas été incendiées, mais vraiment une petite poignée, on

10 peut les compter sur les doigts d'une seule main. Mais je crois que des

11 centaines et des centaines de maisons ont été incendiées et détruites. Je

12 ne sais pas s'il y avait des raisons qui pouvaient expliquer que ces cinq

13 ou six maisons n'ont pas été incendiées.

14 M. Riad (interprétation). - Donc c'est vraiment une exception

15 très réduite ?

16 M. Ahmic (interprétation). - Oui, seules quelques maisons

17 musulmanes n'ont pas été détruites.

18 M. Riad (interprétation). - Est-ce que les habitants se

19 trouvaient dans les maisons au moment où elles ont été incendiées, ou bien

20 est-ce que ces personnes ont été tuées au cours du combat ? Y a-t-il eu

21 des combats au cours desquels ces personnes ont essayé de se défendre ? Y

22 avait-il une raison qui puisse expliquer que ces maisons ont été

23 incendiées ?

24 M. Ahmic (interprétation). - Au vu de ce qui s'est passé, pour

25 ce qui me concerne, pour ce qui s'est passé à Zume -et je crois que les

Page 3814

1 choses se sont produites de la même façon dans d'autres endroits-, il y a

2 eu des poches de résistance autour de la mosquée. Les gens ont essayé de

3 se défendre, de résister et, heureusement, la FORPRONU est arrivée et a

4 protégé ces hommes. Sinon, ils auraient rapidement utilisé toutes leurs

5 munitions et auraient été tués. Et il y avait des femmes et des enfants

6 parmi eux.

7 Dans le village de Grabovi, il y a eu une attaque tout ce qu'il

8 y a plus traditionnel. Il n'y a eu aucune résistance opposée.

9 M. Riad (interprétation). - Donc les personnes à l'intérieur,

10 les hommes n'étaient pas arméss, n'essayaient pas d'attaquer qui que ce

11 soit ? Les personnes ont été brûlées à l'intérieur des maisons ou bien

12 est-ce que les maisons étaient vides lorsqu'elles ont été incendiées ?

13 M. Ahmic (interprétation). - Je crois que la plupart des

14 habitants ont été sortis de leurs maisons et tués. D'après moi, lorsqu'ils

15 ont incendié les maisons, ils ont ensuite remis les corps à l'intérieur

16 pour effacer les traces, parce que, pour la plupart, les corps n'ont pas

17 été identifiés. Donc je crois que les habitants ont été tués devant leurs

18 maisons, puis que les corps ont été ramenés dans la maison pour qu'ils

19 soient brûlés avec le bâtiment, parce qu'un certain nombre de cadavres

20 n'ont pas pu être identifiés et ont été enterrés. Je crois que c'est ainsi

21 qu'ils

22

23 ont procédé.

24 Moi-même, sans doute j'aurais été remis dans ma maison pour

25 brûler avec. Après, qu'est-ce qu'on trouve ? Une poignée d'os et c'est

Page 3815

1 tout.

2 M. Riad (interprétation). - Donc, pour conclure sur ce que vous

3 avez dit, en fait une méthode similaire était appliquée à toutes les

4 maisons ? Ce n'étaient pas des attaques ponctuelles et différentes les

5 unes des autres ?

6 M. Ahmic (interprétation). - C'était une attaque menée

7 simultanément. Il y a eu très peu de différences. Cela a commencé à

8 Grabovi, dans une des parties du village, puis, quand ils sont arrivés

9 vers le centre du village, ils ont bloqué toutes les issues de telle sorte

10 que nous ne pouvions pas nous échapper vers le nord.

11 M. Riad (interprétation). - Vous avez perdu tout les membres de

12 votre famille, c'est bien ce que vous nous avez dit ? Vous aviez une

13 famille très étendue. La famille Ahmic apparemment comptait nombre de

14 membres : Suria (?), Sakib, Fahrudin, votre père. Il y avait également

15 Muris. Votre petite soeur également, il me semble. Vous avez perdu tous

16 les membres de votre famille ? Les adultes et les enfants ?

17 M. Ahmic (interprétation). - J'ai perdu trois soeurs, des jeunes

18 filles en fait. C'étaient des jeunes filles.

19 M. Riad (interprétation). - Et les autres ? C'étaient des

20 cousins ?

21 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

22 M. Riad (interprétation). - Votre famille jouait-elle un rôle

23 particulier à Ahrmici politiquement, socialement ? Est-ce que ces

24 personnes, ces membres de votre famille ont été persécutés pour des

25 raisons particulières ou bien est-ce qu'ils ont été persécutés dans le

Page 3816

1 cadre de la persécution générale des Musulmans ?

2 M. Ahmic (interprétation). - 'Pour ce qui est de ma famille,

3 nous étions six enfants. Nous étions tous de très bons élèves. Mon frère a

4 reçu un diplôme de l'université de Tuzla avec

5 les félicitations du jury. C'était le meilleur étudiant de

6 l'université. Je veux dire que ma famille était vraiment très ouverte,

7 très libérale. L'ensemble de la population d'ailleurs était très cultivé

8 et tous ont été tués.

9 M. Riad (interprétation). - Mais rien n'explique la persécution

10 dont votre famille a fait l'objet ? Rien de spécial pourrait faire que

11 votre famille a été particulièrement persécutée ? Tout cela faisait partie

12 d'une politique générale ?

13 M. Ahmic (interprétation). - Je crois qu'en fait c'était dû au

14 fait que mon frère Muris a participé à la Défense territoriale où il avait

15 un poste de commandement. Donc quelqu'un qui a vu ma mère et mes soeurs a

16 décidé de les tuer à cause de Muris, parce que c'était l'un des

17 commandants. Peut-être que cela explique en partie ce qui s'est passé.

18 Mais la vérité aussi, c'est que d'autres femmes et d'autres

19 enfants ont été tués. Donc on ne peut pas dire que ma famille en

20 particulier a fait l'objet de persécution. Toutes les familles ont été la

21 cible de cette attaque. Dans certains cas, les femmes et les enfants n'ont

22 pas été tués. Dans d'autres, cela a été le cas. En revanche, tous les

23 hommes ont été persécutés.

24 M. Riad (interprétation). - Nous revenons sur ce que vous avez

25 dit il y a quelques instants. Vous avez déclaré que certains des

Page 3817

1 commandants avaient autorisé le massacre de femmes et d'enfants alors que

2 cela n'avait pas été le cas d'autres commandants. Mais est-ce que tous ont

3 autorisé le massacre de civils non armés ? Est-ce que c'était une

4 politique générale de tuer des civils non armés ? Du moins les hommes ?

5 M. Ahmic (interprétation). - Il est très facile de déterminer

6 que les hommes qui ont été tués à Zume, dont je n'ai pas dressé la liste,

7 étaient tous membres de l'ancienne armée de Bosnie-Herzégovine. Ils

8 étaient tous, comme mon frère Muris, en civil. Ils ne portaient pas

9 d'armes. D'une certaine façon, ils étaient membres de l'armée, mais ils

10 ont été tués en tant que civils. Rien ne les distinguait des civils. S'ils

11 avaient été des soldats, ils auraient opposé une résistance.

12 M. Riad (interprétation). - Donc ils ont été tués au cours de

13 combats. Ils ont été tués alors qu'ils ne portaient pas d'armes, qu'il ne

14 résistaient pas, qu'ils ne combattaient pas ?

15 M. Ahmic (interprétation). - Ils ne portaient pas d'armes. Ils

16 n'étaient pas autorisés à porter des armes dans le secteur où nous

17 habitions. Peut-être l'un d'entre eux avait-il une cache secrète d'armes,

18 mais peu de personnes possédaient des armes. Si nous en avions eu, nous

19 aurions vraiment opposé une résistance à l'attaque.

20 M. Riad (interprétation). - Vous avez vous-même reçu une balle à

21 la tête. Etait-ce au cours d'un combat ou étiez vous non armé ? Est-ce que

22 c'était une exécution, en fait ?

23 M. Ahmic (interprétation). - On m'a sorti de la maison comme un

24 chien. On m'a traîné et on m'a tiré dessus à un mètre de distance à peu

25 près. Voilà quel était leur comportement.

Page 3818

1 M. Riad (interprétation). - A un moment donné, je n'ai pas tous

2 les détails, vous étiez allongé. Puis, il y avait un homme de haute taille

3 et un homme de plus petite taille. L'homme grand a demandé à l'autre de

4 vous abattre, n'est-ce pas exact ?

5 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

6 M. Riad (interprétation). - Et il a dit qu'il fallait obéir aux

7 ordres. Avez-vous compris de qui émanait ces ordres ?

8 M. Ahmic (interprétation). - Ce n'était pas un ordre que l'homme

9 de haute taille a donné à l'homme de petite taille. Il se référait aux

10 ordres donnés par leur commandant. Par la suite, il a dit : "C'est moi

11 qui exécuterai l'ordre et toi, tu devras absolument rendre compte ce qui

12 s'est passé". Il l'a menacé, d'une certaine façon. Donc il obéissait à un

13 ordre militaire.

14 M. Riad (interprétation). - Est-ce que l'ordre visait à ce que

15 vous soyez tué en particulier ou bien à ce que les hommes musulmans d'une

16 façon générale soient tués ?

17 M. Ahmic (interprétation). - Moi, j'ai été touché ainsi, mon

18 père aussi. Je ne sais pas exactement dans quelles circonstances mon frère

19 a été tué, mais sans doute était-ce assez

20 semblable. Il a été sorti de la cave et abattu d'une balle. Je

21 crois que tous les hommes ont été abattus ainsi. Ils encerclaient une

22 maison. Ils ordonnaient aux personnes d'en sortir et ils les abattaient,

23 parce que nous étions dans une situation telle que nous n'avions aucune

24 issue possible.

25 M. Riad (interprétation). - Je crois qu'au début de votre

Page 3819

1 déclaration vous avez précisé que vous viviez très pacifiquement en

2 compagnie des Croates et que, subitement, tout avait commencé en avril,

3 vers le 16 avril. Vous avez également précisé que le HVO était actif dans

4 tous les secteurs de la vie quotidienne. Avez-vous remarqué une propagande

5 qui aurait été une campagne de propagande lancée par le HVO opposant les

6 Croates aux Musulmans ?

7 M. Ahmic (interprétation). - Oui, en effet. Ils ont établi une

8 télévision, une radio à Vitez et, systématiquement, ils préparaient leur

9 peuple à attaquer les Musulmans. En Bosnie centrale, il n'y avait pas de

10 guerre menée contre les Serbes. L'armée était à Kuber, il y avait une

11 ligne opposant les Musulmans aux Serbes et, derrière cette ligne de front,

12 des mines étaient posées pour parer à toute attaque serbe. Ensuite, les

13 Musulmans traversaient les lignes et, subitement, ils se trouvaient

14 derrière les lignes de front serbes. Je ne sais pas pourquoi ils étaient à

15 Kuber, mais des formations très importantes se trouvaient là. C'était à

16 peu près à 200 mètres des lignes serbes.

17 M. Riad (interprétation). - 200 mètres ou 200 kilomètres ?

18 M. Ahmic (interprétation). - 200 kilomètres, excusez-moi.

19 M. Ryad (interprétation). - Je vous remercie.

20 M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge Ryad. Je me tourne

21 vers Monsieur le Juge Shahabuddeen qui va également vous poser quelques

22 questions.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Ahmic, à un certain

24 moment, au cours de votre témoignage, -d'ailleurs, vous avez fait

25 référence à ce que vous avez dit à cette occasion plus d'une fois- vous

Page 3820

1 avez parlé du fait que vous étiez caché dans une canalisation près

2 du point 4, le long de la route. Vous vous rappelez avoir dit

3 cela, n'est-ce pas ?

4 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je m'en rappelle.

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lorsque vous vous trouviez

6 là, caché, vous avez vu deux groupes de soldats portant différents types

7 d'uniforme, est-ce bien cela, n'est-ce pas ?

8 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que chacun de ces

10 groupes pouvaient voir l'autre groupe ?

11 M. Ahmic (interprétation). - J'ai vu trois groupes.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Trois groupes ?

13 M. Ahmic (interprétation). - Oui, un groupe était au-dessus de

14 la route dans la direction de Perici et qui s'est déployé près de moi.

15 Ensuite, il y avait un groupe dont les membres étaient vêtus des uniformes

16 normaux des oustachi de la deuxième guerre mondiale, ceux qu'ils

17 utilisaient à l'époque mais qui sans doute ont été cousus, fabriqués plus

18 tard. C'était un groupe, et puis, en contre-bas de la route, il y avait

19 cinq ou six groupes composés d'une dizaine d'hommes qui arrivaient et qui

20 étaient très bien équipés, très bien organisés.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Plusieurs groupes donc ?

22 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que chacun de ces

24 groupes pouvait voir les autres ?

25 M. Ahmic (interprétation). - Ce groupe qui arrivait du contre-

Page 3821

1 bas de la route ne pouvait pas voir ceux qui étaient au-dessus de la

2 route. La seule façon pour eux de les voir aurait été de sortir

3 directement sur la route. En fait, ils l'ont fait. Ils ont pu les voir

4 parce qu'ils ont bougé. Ils ont fait mouvement. Ils sont arrivés en haut

5 de la pente et, à ce moment-là, ils ont pu voir les autres.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - L'impression que j'ai

7 retirée de ce que vous avez dit, c'est que ces groupes ne se battaient pas

8 les uns contre les autres. Est-ce exact ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Vous voulez dire les groupes de

10 Croates entre eux ?

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Non, vous avez décrit la

12 présence de plusieurs groupes et je vous demande si les hommes qui

13 composaient chacun de ces groupes se battaient effectivement contre ceux

14 composant les autres groupes. Est-ce qu’il y avait une espèce

15 d'affrontement militaire entre ces différents groupes ?

16 M. Ahmic (interprétation). - Non, non. Sinon, en étant tout

17 près, on aurait entendu. J'aurais très bien pu entendre les coups de feu

18 s'ils avaient tiré.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). - En effet. Est-ce que vous

20 avez aquis le sentiment que ces différents groupes coopéraient les uns

21 avec les autres ?

22 M. Ahmic (interprétation). - Ils étaient séparés par la route.

23 Ils étaient à une distance d'à peine une dizaine de mètres. Donc, il leur

24 était possible de se rejoindre. Simplement, ils ne sont pas passés sous le

25 pont, mais se sont regroupés sans doute au-dessus.

Page 3822

1 M. Shahabuddeen (interprétation). - A plusieurs moments, dans

2 votre témoignage, vous avez mentionné différents groupes. Est-ce que vous

3 avez acquis le sentiment que ces groupes -je parle bien de groupes

4 militaires- poursuivaient un but commun, avaient des objectifs, un

5 programme commun ?

6 M. Ahmic (interprétation). - Ce qui est le plus probable, c'est

7 qu'ils avaient un objectif. J'en ai parlé. Ils avaient sans doute

8 l'objectif d'étouffer la résistance dont j'ai parlé. Il y en a qui

9 arrivaient de l'est, d'autres de l'ouest. Leur but était de prendre la

10 mosquée, l'espace situé autour de la mosquée, très probablement.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'aimerais maintenant vous

12 poser une question. Pardonnez-moi, si je prononce mal les noms. Mais je

13 suis en train de parler de deux hommes que j'ai inscrits dans mes notes

14 comme étant Ivo Papic et Simo Vidovic, donc deux

15 hommes que vous avez appelés à un certain moment.

16 M. Ahmic (interprétation). - Vidovic Simo et Ivo Papic ?

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, en tout cas, vous les

18 avez appelés. Vous leur avez demandé de vous sauver et ils vous ont dit :

19 "Approchez de nous", vous vous rappelez ?

20 M. Ahmic (interprétation). - Oui.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ces deux hommes étaient-ils

22 croates ou musulmans ?

23 M. Ahmic (interprétation). - C'était des Croates, des hommes

24 âgés.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Sur la base de l'expérience

Page 3823

1 concrète que vous aviez de la situation, est-ce que vous avez entendu,

2 est-ce que vous avez vu d'autres incidents au cours desquels des Croates

3 ont accepté d'aider des Musulmans en détresse ?

4 M. Ahmic (interprétation). - Il y a eu des cas de ce genre, il y

5 en a eu oui, oui, il y en a eu.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous prierai maintenant

7 de bien vouloir répondre à ma dernière question : l'armée de Bosnie-

8 Herzégovine était bien l'armée de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

9 M. Ahmic (interprétation). - Oui. La formation légale.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - La formation légale ? Eh

11 bien, cette armée existait-elle avant que se crée le HVO ?

12 M. Ahmic (interprétation). - Le HVO s'est créé avant.

13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, la création du HVO a

14 précédé celle de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

15 M. Ahmic (interprétation). - Oui, et pas mal de temps avant. Un

16 an ou deux je pense.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - L'armée de Bosnie-

18 Herzégovine à été créée un ou deux ans après le HVO ?

19 M. Ahmic (interprétation). - Après.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Après ? Ah, je vois. Donc,

21 l'armée du HVO s'est créée avant l'armée de Bosnie-Herzégovine, c'est

22 exact ?

23 M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois. Merci, merci

25 beaucoup.

Page 3824

1 M. le Président. - Juste une précision, M. Ahmic. Vous avez fait

2 allusion au changement des programmes scolaires. Je n'ai pas très bien

3 compris parce que vous en avez parlé pour une période qui me paraît

4 relativement courte pour changer des programmes scolaires. Qu'avez-vous

5 voulu dire ? C'est dans la pratique des écoles, des instituteurs ou est-ce

6 que l'on a reçu des instructions pour changer les programmes ? Comment

7 cela s’est-il passé concrètement ?

8 M. Ahmic (interprétation). - Il était facile aux Croates de

9 changer les programmes scolaires puisque de nouveaux enseignants sont

10 venus de la République de Croatie ; ils ont immédiatement mis en place un

11 travail fondé sur ces programmes. Ils ont peut-être aussi eu des

12 difficultés à tout ramener à la normale.

13 M. le Président. - C'est plutôt le contenu des programmes

14 d'histoire, je suppose, qui a dû être changé ?

15 M. Ahmic (interprétation). - Oui, mais surtout l'histoire, les

16 langues, les sciences humaines. Quant aux matières scientifiques, je pense

17 qu'elles sont restées à peu près pareilles.

18 M. le Président. - Vous avez dit qu'à un moment donné,

19 entre 1992 et 1993, beaucoup d'équipements militaires ont été entassés

20 -j'allais dire collectionnés- notamment dans les maisons. Quelle

21 perception aviez-vous de cette réalité ? Vous en doutiez-vous ? En

22 parliez-vous entre vous, entre amis ? Est-ce qu'on le voyait ? C'était la

23 nuit ? Car, en fin de compte, ces

24 équipements ont été très importants d'après vous.

25 M. Ahmic (interprétation). - Je vous dirai que j'ai même vu de

Page 3825

1 mes yeux le déchargement de munitions. Mon voisin, Zoran Papic, avait un

2 entrepôt assez important à côté de sa maison et il venait souvent en

3 voiture à cet endroit. Un jour, j'ai vu aussi un gros camion militaire qui

4 venait de Busovaca et qui a aussi déchargé des munitions dans la maison

5 des Kupreskic là-haut, aux abords de la maison d'Iviza Kupreskic. Dans la

6 cave de cette maison, de grosses quantités de munitions ont aussi été

7 déchargées. Je ne pouvais pas me trouver tout près mais on voyait bien,

8 puisque les munitions militaires sont en général dans des emballages de

9 couleur verte ; donc, même de loin, on voyait bien qu'il s'agissait

10 d'équipements militaires.

11 M. le Président. - Merci, Monsieur Ahmic. Cette longue

12 déposition va prendre fin. Le Tribunal est particulièrement sensible à

13 votre venue compte tenu des souffrances que cette tragédie a occasionné

14 pour vous et pour toute votre famille. Le Tribunal va maintenant vous

15 laisser repartir vers votre territoire et vous souhaiter de retrouver, si

16 c'est possible, un peu de paix et de calme.

17 Monsieur le Greffier, peut-on assurer le retour de M. Ahmic ?

18 Merci.

19 (M. Ahmic quitte la salle d'audience.)

20

21

22

23

24

25 Audition du Témoin G (témoin protégé)

Page 3826

1 M. le Président. - Monsieur le Procureur ? Je vois que c'est

2 M. Harmon qui se lève.

3 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

4 Bonjour Monsieur le Président, bonjour Messieurs les Juges.

5 Notre témoin suivant est le Témoin G ; c'est un témoin protégé.

6 M. le Président. - Avant qu'il entre, peut-être faudrait-il

7 baisser les rideaux, Monsieur le Greffier.

8 M. le Greffier (interprétation). - Tout à fait, Monsieur le

9 Juge.

10 M. le Président. - Je dis à l'intention du public qui assiste à

11 nos travaux que le témoin suivant va être interpellé par la lettre G. Nous

12 allons baisser les rideaux pendant les quelques minutes qui permettront au

13 témoin d'arriver par là, puis d'être dissimulé dès qu'il sera assis, après

14 quoi les rideaux seront à nouveau ouverts.

15 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

16 M. le Président. - Témoin G, asseyez-vous. Vous allez lire la

17 déclaration qui va vous être tendue. Allez-y. Vous pouvez rester assise.

18 Témoin G (interprétation). - Je déclare solennellement que je

19 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

20 M. le Président. - Témoin G, vous avez été citée par

21 l'accusation dans le cadre du procès qui est intenté devant ce Tribunal

22 contre le colonel Blascic ici présent. Vous pouvez parler sans haine, sans

23 crainte, sans avoir peur. Vous êtes sous la protection du Tribunal. Des

24 mesures tout à fait particulières de protection vous sont assurées ici et

25 en dehors de cette enceinte du Tribunal.

Page 3827

1 Pour assurer votre identification complète, monsieur le Greffier

2 va vous présenter votre identité sur un papier. Ainsi, le Tribunal sera

3 assuré qu'il s'agit bien de vous. D'accord ?

4 Témoin G (interprétation). - Oui.

5 M. le Président. - Le Tribunal ne connaît pas votre nom et c'est

6 mieux ainsi. Malheureusement, nous vous appellerons Témoin G, mais c'est

7 pour votre sécurité. Détendez-vous. Vous allez répondre successivement aux

8 questions du Procureur. Vous savez que c'est un Tribunal, donc les avocats

9 de la défense vous poseront ensuite des questions.

10 Il est 12 h 15, Monsieur le Procureur, vous avez prévu un

11 interrogatoire d'à peu près combien de temps ?

12 M. Harmon (interprétation). - Pas plus de deux heures, Monsieur

13 le Président ; probablement moins.

14 M. le Président. - Très bien. Le Tribunal souhaite que vous

15 alliez à l'essentiel, ne serait-ce que pour ne pas trop prolonger le

16 passage du témoin devant ce Tribunal, ce qui n'est jamais très

17 confortable. Allez-y M. Harmon.

18 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Témoin G.

19 Témoin G (interprétation). - Bonjour.

20 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais d'abord vous poser

21 quelques questions générales. Etes-vous musulmane ?

22 Témoin G (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon (interprétation). - Quel est votre âge ?

24 Témoin G (interprétation). - 26 ans.

25 M. Harmon (interprétation). - Où êtes-vous née ?

Page 3828

1 Témoin G (interprétation). - A Ahmici, municipalité de Vitez.

2 M. Harmon (interprétation). - Dans le quartier de Zume ? A

3 Ahmici ?

4 Témoin G (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vécu toute votre vie à

6 Ahmici ?

7 Témoin G (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux juges quel

9 est votre niveau d'éducation ?

10 Témoin G (interprétation). - Je le peux. J'ai fini mes études

11 secondaires, après quoi j'ai étudié dans une école technique et après

12 cela, je suis allée étudier deux ans à Zenica.

13 M. Harmon (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier,

14 Monsieur le Président, je demanderai que la pièce à conviction de

15 l'accusation 119A soit placée sur le rétroprojecteur et que des

16 exemplaires en soient distribués aux conseils de la partie adverse.

17 Monsieur le Président, la pièce 119 A est un agrandissement de

18 la pièce 50. La pièce 119 B est la légende des numéros que l'on trouve sur

19 la pièce 119 A.

20 Monsieur le Président, j'aimerais que l'on déplace le document

21 sur la gauche. Merci beaucoup.

22 Témoin G, pourrais-je vous demander d'abord si vous avez eu la

23 possibilité ce matin de m'indiquer sur cette photographie un certain

24 nombre d'emplacements qui ont leur pertinence dans ce procès ?

25 Témoin G (interprétation). - Oui.

Page 3829

1 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu la possibilité de

2 voir la pièce 119 A avant d'entrer dans ce prétoire ? Est-ce que les

3 emplacements que vous avez indiqués figurent maintenant avec des signes

4 distinctifs sur cette pièce à conviction ?

5 Témoin G (interprétation). - Oui.

6 M. Harmon (interprétation). - Eu égard à la pièce à conviction

7 119 B de l'accusation que vous n'avez pas sous les yeux, mais qui est une

8 légende, m'avez-vous aidé à élaborer cette légende ?

9 Témoin G (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Très bien.

11 Eh bien maintenant, Témoin G, j'aimerais vous demander de vous

12 concentrer sur la

13 journée du 15 avril 1993, c'est-à-dire la veille de l'attaque.

14 Où habitiez-vous ? Pouvez-vous montrer aux juges, sur la pièce à

15 conviction 119 A, où se trouve votre maison ?

16 (Le témoin indique la maison.)

17 M. Harmon (interprétation). - Vous avez placé le pointeur sur un

18 emplacement correspondant au numéro 1, avec une flèche pointée sur votre

19 maison.

20 Témoin G (interprétation). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation). - A quelle distance se trouvait

22 votre maison de la grande route qui relie Vitez à Busovaca ?

23 Témoin G (interprétation). - Environ 100 mètres à peu près.

24 M. Harmon (interprétation). - Le 15 avril, étiez-vous à la

25 maison ?

Page 3830

1 Témoin G (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Qui vivait normalement avec vous

3 dans cette maison ?

4 Témoin G (interprétation). - Je vivais avec ma mère, mon père et

5 ma soeur.

6 M. Harmon (interprétation). - Le 15 avril, avez-vous vu quoi que

7 ce soit d'inhabituel pendant que vous vous trouviez chez vous ?

8 Témoin G (interprétation). - Eh bien, j'ai remarqué que le long

9 de la grande route se déplaçaient un nombre plus important de minibus du

10 HVO qui portaient très distinctement les emblèmes du HVO.

11 M. Harmon (interprétation). - Où allaient-il, dans quelle

12 direction ?

13 Témoin G (interprétation). - Dans les deux sens, aussi bien dans

14 la direction de Vitez que dans la direction de Busovaca. Simplement, ils

15 circulaient.

16 M. Harmon (interprétation). - Qu'y avait-il d'inhabituel dans

17 ces minibus ?

18 Témoin G (interprétation). - Eh bien, à l'intérieur il y avait

19 beaucoup d'hommes qui étaient en uniforme. Ce n'étaient pas des civils,

20 ils portaient l'uniforme. Cela m'a paru un peu

21 inhabituel.

22 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il plus d'hommes en

23 uniforme dans ces minibus que vous n'en aviez vus les jours précédents ?

24 Témoin G (interprétation). - Oui, oui, oui.

25 M. Harmon (interprétation). - Le 15 avril, avez-vous aussi vu un

Page 3831

1 fusil que vous voyiez normalement en possession de Nenad Santic ?

2 Témoin G (interprétation). - Oui.

3 M. Harmon (interprétation). - Où avez-vous vu ce fusil ?

4 Témoin G (interprétation). - Sur cette route aussi. Il est passé

5 à plusieurs reprises dans un sens et dans l'autre, alors que d'habitude il

6 était placé devant la maison de Nenad Santic.

7 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous décrire ce fusil ou ce

8 canon aux juges ? (Le mot est le même en anglais, dit l'interprète)

9 Témoin G (interprétation). - Il y avait un petit camion avec un

10 long canon, le canon était long. Il y avait une espèce d'écran devant.

11 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que ce camion portait des

12 marques, des emblèmes, des insignes particuliers ?

13 Témoin G (interprétation). - Il y avait des insignes, mais les

14 insignes normaux. Il y avait toujours sur ce genre de véhicules des

15 insignes qui étaient des inscriptions tout à fait claires, en lettres

16 blanches. Le mot "HVO" était écrit.

17 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais demander l'aide de

18 l'Huissier pour placer sur le rétroprojecteur une pièce à conviction qui a

19 déjà été versée au dossier. Elle a la cote 82/2. Est-ce que le canon qui

20 apparaît sur la pièce à conviction de l'accusation 82/2 ressemble un peu à

21 celui que vous venez de décrire ?

22 Témoin G (interprétation). - Oui, il est semblable. Le camion

23 était plus petit mais fondamentalement le canon était long comme ici sur

24 la photo. Simplement, le camion était plus

25 petit. Et puis, peut-être était-il un peu plus caché, un peu

Page 3832

1 plus masqué.

2 M. Harmon (interprétation). - Avec l'aide de l'Huissier, encore

3 une fois, je demanderai que l'on remplace cette pièce à conviction par la

4 119 A sur le rétroprojecteur. J'aimerais attirer votre attention,

5 Témoin G, sur la matinée du 16 avril 1993. Etiez-vous chez vous le

6 16 avril 1993 ?

7 Témoin G (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Qui se trouvait chez vous à la

9 maison avec vous ce jour-là ?

10 Témoin G (interprétation). - Ce jour-là, j'étais avec ma mère à

11 la maison. Nous étions seules toutes les deux à la maison.

12 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous décrire à l'intention

13 des Juges de la Chambre d'instance ce qui s'est passé ce matin du 16 avril

14 dans votre maison ?

15 Témoin G (interprétation). - Je le peux. Tôt le matin, j'ai été

16 réveillée par des détonations, des coups de feu terribles. Je me suis

17 levée, j'étais encore ensommeillée, je ne comprenais pas, je ne savais pas

18 ce qui se passait. Après un certain laps de temps, au premier étage, une

19 bombe incendiaire a pénétré dans notre salle de séjour par la fenêtre et

20 est tombée sur le tapis qui a commencé à brûler. J'ai réagi : j'ai pris de

21 l'eau, je l'ai jetée dessus et j'ai réussi à éteindre le feu. Ensuite, je

22 ne savais plus que faire ni ou aller. J'entendais ces détonations. J'ai

23 pris le téléphone pour essayer d'appeler des membres de la famille, pour

24 demander ce qu'il fallait faire, où il fallait aller, mais le téléphone ne

25 fonctionnait pas.

Page 3833

1 A ce moment-là, j'ai dit à ma mère que cette partie de la maison

2 allait très sûrement brûler, donc je lui ai dit qu'il fallait descendre

3 dans la cave et toutes les deux nous avons pris le chemin de la cave. Nous

4 venions à peine de sortir sur le seuil quand j'ai vu que la maison avait

5 été endommagée, qu'elle était encerclée à partir de la route. Il y avait

6 des hommes en contrebas et, plus haut, il y avait deux hommes en uniforme.

7 Ils avaient des peintures noires et des

8 uniformes noirs. Ils nous ont poussées dans la maison. Au rez-

9 de-chaussée, ils ont commencé à demander où étaient les hommes. Ils nous

10 ont insultées. Ils nous ont parlé de nos mères balija qu'ils ont

11 injuriées. A moi, ils ont demandé : "Est-ce qu'il y a quelqu'un dans la

12 maison ? Y a-t-il des hommes là-dedans ? Si oui, va les chercher".

13 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, Témoin G, je me

14 permets de vous interrompre. J'aimerais vous poser quelques questions

15 supplémentaires. Vous avez parlé des cinq hommes qui encerclaient votre

16 maison et vous avez dit qu'ils portaient des uniformes. Avez-vous vu des

17 emblèmes, des insignes qui permettaient d'identifier ces hommes ?

18 Témoin G (interprétation). - Oui, je les ai vus très clairement

19 quand ils nous ont poussées à l'intérieur de la maison parce qu'ils sont

20 rentrés avec nous. Ils portaient les emblèmes des Jokeri, des Vitezovi et

21 du HVO sur leurs chemises.

22 M. Harmon (interprétation). - Je demanderai l'aide de l'Huissier

23 pour que deux pièces à conviction soient placées sur le rétroprojecteur.

24 L'une est la pièce 100/2 et l'autre 113/3 bis.

25 Je commencerai donc par vous montrer la pièce à conviction

Page 3834

1 113/3 bis. Pouvez-vous identifier ce qui figure sur cette pièce à

2 conviction, nous donner vos explications, vos commentaires à ce sujet ?

3 Témoin G (interprétation). - C'est l'emblème que portaient les

4 hommes en uniforme qui nous ont poussées à l'intérieur de notre maison.

5 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant que l'on

6 vous montre la pièce à conviction numéro 100/2 pour vous demander si vous

7 pouvez identifier cette deuxième pièce à conviction sur le

8 rétroprojecteur. Pouvez-vous le faire et présenter vos commentaires aux

9 Juges ?

10 Témoin G (interprétation). - Oui, oui, ils portaient aussi cet

11 emblème. Ils étaient cinq. Je ne peux pas vous donner exactement le nombre

12 de ceux qui portaient quel emblème,

13 mais je sais que les différents emblèmes étaient portés par ceux

14 du HVO, des Vitezovi, des Jokeri. Ils les avaient sur leurs chemises.

15 M. Harmon (interprétation). - Le matin du 16 avril 1993, aviez-

16 vous des armes dans votre maison ?

17 Témoin G (interprétation). - Non.

18 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que ces cinq hommes

19 vous ont fait pénétrer dans une pièce et vous ont demandé d'appeler vos

20 voisins. Vous est-il apparu, Témoin G, que ces cinq hommes qui portaient

21 des emblèmes différents sur le bras travaillaient finalement ensemble ?

22 Témoin G (interprétation). - Oui, parce qu'il y en avait trois

23 en contrebas de la route et deux au-dessus de la maison. Tous les cinq

24 sont rentrés dans la pièce ensemble, à l'intérieur de la maison. Il y en a

25 un qui m'a forcé à appeler les voisins et qui m'a demandé s'il y avait des

Page 3835

1 hommes là-dedans.

2 L'autre a sorti de la poche de sa veste un talkie-walkie et a

3 dit que tout se passait comme prévue selon le plan.

4 M. Harmon (interprétation). - Je me permets de vous interrompre.

5 Témoin G, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de ce talkie-

6 walkie porté par l’un des hommes. Vous est-il apparu qu'il communiquait

7 avec quelqu'un ?

8 Témoin G (interprétation). - Oui, j'ai entendu très nettement

9 qu'il a dit : "Tout se déroule selon le plan".

10 M. Harmon (interprétation). - Et à un certain moment, est-ce que

11 votre mère a demandé si elle pouvait rester dans sa maison ?

12 Témoin G (interprétation). - Oui. Ils nous forçaient à sortir.

13 L'un des soldats a dit : "Sortez d'ici, vous voyez ce que vous fait Alja.

14 Nous, nous sommes bons. Malgré ce que les vôtres font aux nôtres à

15 Zenica". A ce moment-là, ils m'ont forcé à sortir. Je n'avais pas de

16 chaussures au pied.

17 Dans ce groupe de cinq hommes, j'ai reconnu Anto Furudzija, un

18 copain d’école à moi. Je l’ai prié de me donner l'autorisation de mettre

19 mes chaussures, il n'a pas dit un mot. Je lui ai dit : "Anto, est-ce que

20 je peux mettre des chaussures ?" Il n'a rien répondu. Il s'est tu.

21 Quand ils nous ont poussé à sortir, chassé devant la maison, ma

22 mère les a suppliés. Un soldat a tiré une rafale vers nos pieds, ce qui

23 montrait bien qu'il voulait nous chasser. Il nous a dit : "Sortez d'ici".

24 Nous ne savions ni où aller ni que faire. Entre-temps, l'un des soldats

25 ...

Page 3836

1 M. Harmon (interprétation). - Puis-je vous interrompre un

2 instant et peut-on replacer, avec l'aide de l'huissier, la pièce 119 A sur

3 le rétroprojecteur afin de montrer le lieu de résidence de vos voisins car

4 je veux vous poser des questions sur ces voisins que vous avez été obligée

5 d'aller chercher.

6 Merci, Monsieur l'huissier.

7 Témoin G, certains des soldats ont demandé que vous alliez

8 chercher les voisins et que vous les rameniez vers votre maison, n'est-ce

9 pas ?

10 Témoin G (interprétation). - Oui, c’est exact, mais je n'y suis

11 pas allée. Je ne suis pas allée chercher les Djidic. Mais l'un des soldats

12 était devant leur maison. Ils ont vu Ismail Ahmic et son frère Mujo et

13 toute la famille, les femmes et les enfants. Ils leur ont ensuite demandé

14 de venir et de rentrer chez moi.

15 M. Harmon (interprétation). - Voyez-vous la maison d’Ismail et

16 Mujo Ahmic sur la pièce 119 A ? Pouvez-vous dire aux juges à quel numéro

17 correspond cette maison ?

18 Témoin G (interprétation). - C'est le numéro 3.

19 M. Harmon (interprétation). - Le matin du 16 avril 1993, comment

20 étaient habillés Ismail et Mujo Ahmic lorsque vous les avez vus ?

21 Témoin G (interprétation). - Ils portaient des vêtements de

22 civils.

23 M. Harmon (interprétation). - Ils n'avaient pas d'armes ?

24 Témoin G (interprétation). - Non, effectivement, ils n'avaient

25 pas d'armes. Ils étaient habillés en civil. Ils ne portaient pas

Page 3837

1 d'uniforme. Ismail était un homme âgé. Il avait 60 ans, plus ou moins. Son

2 fils, Mujo, était plus jeune, mais ils ne portaient pas d'uniforme. Ils

3 n'avaient pas d'armes.

4 M. Harmon (interprétation). - Après qu’Ismail a été amené chez

5 vous, que s'est-il passé, qu'est-il arrivé ?

6 Témoin G (interprétation). - Ils sont restés là. Ismail et Mujo

7 sont restés chez moi alors que les femmes, c’est-à-dire nous, nous avons

8 été forcées de partir. Nous sommes arrivées jusqu'à la route principale.

9 Je me suis retournée pour voir ce qui se passait devant chez moi.

10 Là, j'ai vu l'un des soldats qui était en train de verser

11 quelque chose d'un jerrican. Je ne sais pas ce que c'était : combustible,

12 essence... C'était une espèce de carburant d'un jerrican rouge. La partie

13 opposée de la maison était déjà en flammes.

14 Je me suis retournée dans une autre direction et j'ai vu des

15 flammes partout. Je voyais des maisons incendiées. On sentait la fumée et

16 aussi l'odeur d'explosifs. J'ai vu la maison de Asim Ahmic qui était en

17 flammes, de Nazif Ahmic et de Ramiz Ahmic. Toutes ces maisons étaient en

18 flammes.

19 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais vous poser quelques

20 questions sur ce que vous venez de nous dire.

21 Lorsque vous avez pu voir ce soldat verser une espèce de produit

22 inflammable sur votre maison, est-ce que vous vous trouviez au numéro 4

23 tel que ce numéro est indiqué sur la pièce 119 A ?

24 Témoin G (interprétation). - Oui, tout à fait.

25 M. Harmon. (interprétation) - Pouvez-vous nous montrer sur cette

Page 3838

1 pièce 119 A où se trouvaient les maisons que vous avez vu incendier et

2 dont vous venez de nous parler ?

3 Témoin G (interprétation). - Cette maison, celle-ci, numéro 5,

4 numéro 6 et

5 numéro 7.

6 M. Harmon. (interprétation) - Asim Ahmic était-il propriétaire

7 de la maison numéro 5 ?

8 Témoin G (interprétation). - Asim Ahmic, oui. Le numéro 6,

9 c'était la maison de Nazif Ahmic et le numéro 7 était la maison de

10 Ramiz Ahmic.

11 M. Harmon (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier,

12 Monsieur le Président, j'aimerais que la pièce 120 A soit mise sur la

13 rétroprojecteur, elle est accompagnée d’une légende qui porte le numéro

14 120 B.

15 Témoin G, la pièce 120 A se trouve devant vous et à côté de vous

16 sur le rétroprojecteur. Pourrait-on élargir un peu l'image afin que nous

17 voyions bien toutes les lettres ? La lettre C notamment. Pouvez-vous

18 élargir un peu plus le plan ? Merci.

19 Témoin G, pouvez-vous dire aux juges ce qui apparaît sur cette

20 pièce, la pièce 120 A, en commençant par la lettre A, puis B, puis C ?

21 Témoin G (interprétation). - C'est ma maison.

22 M. Harmon. (interprétation) - La lettre A, c’est cela ?

23 Témoin G (interprétation). - Oui, c’est cela, la lettre A, c’est

24 ma maison.

25 M. Harmon. (interprétation) - C'est la maison qui a été

Page 3839

1 incendiée devant vos yeux le 16 avril 1993 ?

2 Témoin G (interprétation). - Oui.

3 M. Harmon. (interprétation)- Il semble qu'il y ait une maison

4 brûlée derrière, derrière la lettre indiquée par la lettre B, à qui

5 appartenait cette maison ?

6 Témoin G (interprétation). - C'est la maison de Sefik Pezer.

7 M. Harmon. (interprétation) - Sefik Pezez était-il musulman ?

8 Témoin G (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon. (interprétation) - Passons à la lettre C sur la pièce

10 120 A de

11 l'accusation. Il semble qu'il y ait également une maison

12 incendiée. A qui appartenait cette maison ?

13 Témoin G (interprétation). - C'était la maison de Nedzad Djidic.

14 M. Harmon. (interprétation) - Nedzad Djidic était-il musulman

15 également ?

16 Témoin G (interprétation). - Oui, il était musulman.

17 M. Harmon. (interprétation) - Merci.

18 Revenons maintenant à votre témoignage. Vous avez dit que Ismail

19 et Mujo Ahmic ont été séparés de votre groupe, c'est-à-dire du groupe des

20 femmes et que les femmes ont dû se diriger dans une direction. La dernière

21 fois que vous avez vu Ismail et Mujo Ahmic étaient-ils détenus par les

22 soldats qui s'étaient rendus chez vous ? Etaient-ils libres ? Vivants ? Où

23 étaient-ils détenus ?

24 Témoin G (interprétation). - Oui, tout cela.

25 M. Harmon. (interprétation) - Savez-vous ce qui est advenu

Page 3840

1 d'Ismail et de Mujo Ahmic ?

2 Témoin G (interprétation). - Ils sont restés là-bas avec ce

3 groupe de cinq soldats, mais ils ne sont jamais revenus. Je ne les ai

4 jamais revus par la suite. Ils ont été tués.

5 M. Harmon. (interprétation) - Vous avez donc fui de votre maison

6 à un autre endroit. Au cours de ce trajet, vous avez vu beaucoup de

7 maisons en flamme et de fumée. Avez-vous vu des maisons croates

8 incendiées ?

9 Témoin G (interprétation). - Non, non.

10 M. Harmon. (interprétation) - Monsieur l'huissier, je suis

11 désolé de vous faire aller et venir comme cela, mais pourrait-on mettre la

12 pièce 119 A de nouveau sur le rétroprojecteur ?

13 Où vous et les autres femmes et enfants vous êtes-vous rendus

14 après avoir quitté votre maison ?

15 Témoin G (interprétation). - Nous sommes allés vers la route

16 principale pendant un

17 certain temps. Nous avons suivi la route principale. Ensuite,

18 nous avons pris une route secondaire qui allait vers Pirici. Nous ne

19 savions pas où nous allions. Nous n'avions pas de destination

20 particulière.

21 En chemin, nous sommes passés devant la maison de Mejra. Elle

22 nous a dit de rentrer parce qu'il y avait des tirs, des coups de feu. Elle

23 nous a dit que nous devrions rester chez elle et qu'on pourrait voir ce

24 que nous pouvions faire.

25 Nous y sommes restés vendredi toute la journée. L'atmosphère

Page 3841

1 était tendue. Nous nous attendions à les voir arriver d'un moment à

2 l'autre et à ce qu’ils mettent le feu à la maison. De temps en temps, nous

3 regardions à l'extérieur par la fenêtre pour voir ce qui se passait

4 dehors.

5 Nous avons vu des groupes de soldats qui passaient devant la

6 maison, des groupes de soldats qui portaient des uniformes noirs. Ils

7 allaient en direction de Pirici.

8 M. Harmon. (interprétation) - En ce qui concerne la pièce 119 A,

9 quel numéro indique la maison de Mejra ?

10 Témoin G (interprétation). - Je ne le vois pas sur l'écran. Ah

11 oui, c'est le numéro 12.

12 M. Harmon. (interprétation) - C'était la maison de Mejra, c’est

13 cela ?

14 Témoin G (interprétation). - Oui, oui.

15 M. Harmon. (interprétation) - Etait-elle musulmane ?

16 Témoin G (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon. (interprétation) - Combien de temps êtes-vous resté

18 dans cette maison avant de la quitter ?

19 Témoin G (interprétation). - Nous sommes restés dans sa maison

20 le 16 avril, le vendredi, jusqu'au soir. En début de soirée, son voisin

21 est venu, il s’appelait Vidovic. On l'appelait "Karlovca". C'était sa

22 voisine. Elle a dit que nous n'étions pas en sécurité dans cette

23 maison, que peut-être il faudrait se rendre dans la maison de sa

24 fille. Nous sommes donc allés avec elle jusqu'à la maison de sa fille.

25 M. Harmon. (interprétation) - Et cette maison est-elle indiquée

Page 3842

1 sur la pièce 119 A par le numéro 13 ?

2 Témoin G (interprétation). - Oui, oui.

3 M. Harmon. (interprétation) - Et cette femme du nom de Vidovic

4 était-elle Croate ?

5 Témoin G (interprétation). - Oui, elle était Croate.

6 M. Harmon. (interprétation) - Vous avez donc passé la nuit dans

7 cette maison, la maison de la fille de Mme Vidovic, c'est cela ?

8 Témoin G (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon. (interprétation) - Pendant que vous étiez dans cette

10 maison, est-ce que votre mère vous a demandé de partir et de retourner

11 chez elle ? Est-ce qu’elle l’a fait ?

12 Témoin G (interprétation). - Oui. Ma mère ne pensait pas et ne

13 croyait pas que la maison avait été incendiée. Elle a dit : "Je dois

14 retourner voir ce qui s'est passé, je dois retourner à la maison, je

15 n'irai nulle part".Elle est partie. Elle est arrivée jusqu'à la maison et

16 très rapidement, elle est revenue. Elle tremblait de tous ses os. Elle

17 était choquée.

18 Je lui ai demandé : "Que s’est-il passé" ? Elle a commencé à

19 nous raconter son histoire, que la maison avait été incendiée, qu'à côté

20 de la maison, elle avait vu Muhamed Neslanovic qui était mort. Elle avait

21 vu également Mustafa Pezer, Ibrahim et "Iskops" (?). Ensuite, elle a vu le

22 corps de Sefik Pezer.

23 M. Harmon (interprétation). - A-t-elle dit où elle avait vu ces

24 cadavres ?

25 Témoin G (interprétation). - Oui, oui. Elle les a vus très

Page 3843

1 proches de notre maison, sur la route. Elle a vu Muhamed Neslanovic devant

2 la maison, dans la direction de la maison des Didic. Elle avait vu

3 Pezer Ibrahim et Ibrahim et Sefik Pezer, ou plutôt elle avait vu

4 Ibrahim Pezer à côté de notre maison et Sefik Pezer était devant

5 la sienne.

6 M. Harmon. (interprétation) - Est-ce que la maison de Sefik-

7 Pezer correspond au numéro 2 sur la pièce 119 A ?

8 Témoin G (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Et la maison d'Ibrahim, est-elle

10 indiquée sur cette pièce ? Si ce n'est pas le cas, pouvez-vous nous

11 indiquer plus ou moins où elle se trouvait ?

12 Témoin G (interprétation). - Non, elle n'est pas indiquée par un

13 numéro.

14 (Le témoin montre la maison d’Ibrahim.)

15 M. Harmon (interprétation). - Vous avez donc mis votre pointeur

16 sur la maison qui se trouve au-dessus du numéro 2, n'est-ce pas ?

17 Témoin G (interprétation). - Oui.

18 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce qui s'est

19 passé le lendemain matin, le 17 avril 1993 ?

20 Témoin G (interprétation). - Le 17 avril, une autre femme

21 croate, mais je ne connais pas son nom, est venue à nous et a dit à

22 Vidovic que nous ne pouvions pas rester là, qu'il fallait que nous allions

23 à un magasin où nous nous rassemblerions toutes et où nous verrions ce

24 qu'ils nous feraient, s'ils allaient nous escorter à Zenica.

25 En tout cas, il fallait que nous nous rassemblions, toutes

Page 3844

1 celles qui avions survécu, et que nous allions dans ce magasin.

2 Nous nous sommes dirigées vers la maison où se trouvait un

3 magasin. Nous sommes passées devant la maison de Mejra. On a vu que cette

4 maison était incendiée. Cela veut dire que pendant la nuit du 16 , cette

5 maison avait été incendiée également.

6 Lorsque nous sommes arrivées au magasin, il y avait

7 principalement des femmes. Chaque femme avait une histoire à raconter.

8 Elle avait vécu une expérience terrible. Chacune d'entre elles racontait

9 ce qui s'était passé dans sa famille, qui elle avait perdu. Il n'y avait

10 que peu

11 d'hommes, peut-être quatre ou cinq.

12 Dès que nous sommes entrées dans le magasin, très peu de temps

13 après, un groupe de soldats est rentré. J'ai vu qu'ils portaient des

14 uniformes noirs. Je me suis détournée d'eux parce que j'avais peur. Ils

15 cherchaient des hommes en fait dans la pièce. Je suis allé voir

16 Hazim Ahmic. Il était âgé et sa femme Fatima a dit : "S'il vous plaît, ne

17 l'emmenez pas, il est vieux, il est malade, il a des problèmes de reins".

18 Ils ont répondu : "Tais-toi, de toute façon, on va tous vous tuer". Elle

19 s'est tue. Ensuite, ils ont pris Munib Heleg, Zenur Ramic et son frère,

20 Amir. Ils les ont fait sortir de la pièce. Ils ne sont jamais revenus non

21 plus. Je ne les ai jamais revus.

22 M. Harmon (interprétation) - Je voudrais vous poser quelques

23 questions. Ce lieu où vous avez passé cette nuit, où les quatre hommes ont

24 été sortis de la pièce, sur la pièce 119 A, s'agit-il du numéro 14 ?

25 Témoin G (interprétation). - Oui, c'est cela.

Page 3845

1 M. Harmon (interprétation) - Et les personnes qui se trouvaient

2 dans la cave de la maison du numéro 14, étaient-elles toutes musulmanes ?

3 Témoin G (interprétation). - Oui, toutes, sauf un homme âgé,

4 Papic qu'on connaissait sous le surnom de "Baric". Il nous cherchait en

5 fait. C'était une espèce de garde. Il a passé la nuit avec nous. Il ne

6 portait pas d'uniforme, mais Anto Papic, donc "Baric" avait bien une arme.

7 M. Harmon (interprétation) - Et quel âge avait l'un des quatre

8 homme que vous avez mentionné, Munib Heleg ?

9 Témoin G (interprétation). - Il avait entre 40 et 50 ans.

10 M. Harmon (interprétation) - Et quel âge avait Hasim Ahmic ?

11 Témoin G (interprétation). - Il était plus vieux. Il avait la

12 soixantaine. Il semblait très fragile.

13 M. Harmon (interprétation) - Bien. Je voudrais maintenant que

14 nous passions en revue un certain nombre de lieux indiqués sur la pièce

15 119 A. Tout d'abord le numéro 8, le voyez-vous sur votre écran ?

16 Témoin G (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation) - S'agissait-il de la maison de

18 Hasim Ahmic ?

19 Témoin G (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation) - Passons maintenant au numéro 10.

21 Voyez-vous ce numéro ?

22 Témoin G (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon (interprétation) - A qui appartenait cette maison ?

24 Témoin G (interprétation). - C'était la maison des frères de

25 Ramic, Zenur et Amir.

Page 3846

1 M. Harmon (interprétation) - Nous prenons le numéro 11. Pouvez-

2 vous dire aux Juges à qui appartenait cette maison indiquée numéro 11 ?

3 Témoin G (interprétation). - C'est la maison de Munib Heleg.

4 M. Harmon (interprétation) - Et ces maisons détruites qui

5 apparaissent sur la pièce 119 étaient les maisons des quatre hommes qui

6 ont été sortis de cette fameuse pièce le 17 avril 1993 et que vous n'avez

7 jamais revus par la suite, n'est-ce pas ?

8 Témoin G (interprétation). - C’est exact. Ce sont bien là leurs

9 maisons. Je ne les ai jamais revus.

10 M. Harmon (interprétation) - Passons maintenant au

11 18 avril 1993, pouvez-vous dire aux Juges ce qui s'est passé ?

12 Témoin G (interprétation). - Le matin du 18, nous sommes donc

13 restés dans ce magasin. Nous y avions passé la nuit. C'était une toute

14 petite pièce et nous étions très nombreux. Il n'y avait rien. Les

15 conditions étaient très médiocres. Nous étions assis par terre et le matin

16 du 18, Nikica Plavcic est venu et nous lui avons demandé si nous pouvions

17 aller en

18 direction de Pirici parce que nous ne pouvions pas rester là,

19 qu'il devrait nous laisser partir. Il a dit : "Vous ne pouvez aller nulle

20 part parce qu'il y a un groupe de Croates, le HVO, qui sont allés à Pirici

21 et ils tueront tout le monde". Nous avons demandé : "Que va-t-il advenir

22 de nous ?" Il a répondu : "Je ne sais pas. On verra". Très vite après, il

23 est revenu. Il a dit qu'il allait nous emmener à l'école élémentaire de

24 Dubrovica. Le matin du 18, nous avons donc quitté ce magasin et nous

25 sommes allés à l'école élémentaire de Dubrovica. Nous étions

Page 3847

1 principalement des femmes et des enfants et le groupe était assez

2 important.

3 M. Harmon (interprétation) - Vous êtes arrivée à l'école de

4 Dubrovica le matin du 18 avril 1993 ?

5 Témoin G (interprétation). - A peu près à midi parce qu'il nous

6 a fallu une demi-heure pour aller du magasin jusqu'à l'école. Mais c'était

7 le matin en tout cas.

8 M. Harmon (interprétation) - Et vous êtes restée à l'école de

9 Dubrovica jusqu'au 1er mai 1993 ?

10 Témoin G (interprétation). - Oui, c'est exact.

11 M. Harmon (interprétation) - Lorsque vous êtes arrivée à

12 l'école, les quelques hommes qui étaient avec vous dans votre groupe se

13 sont séparés des femmes ?

14 Témoin G (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivées à

15 l'école, ils nous ont dit tout de suite que certaines des jeunes femmes

16 avec des enfants devraient se diriger dans deux salles de classe où les

17 conditions seraient plus confortables, alors que tous les autres devraient

18 aller dans le gymnase. Lorsque nous sommes rentrés là-bas, il y avait déjà

19 quelques hommes, des hommes des environs de l'école de Novaci. Mais, il

20 n'y avait rien à l'intérieur. C'était un gymnase. Vous pouvez imaginer à

21 quoi cela ressemble. Peu après, ils nous ont amené des petits matelas en

22 mousse, afin que nous puissions nous coucher. J'y suis restée douze jours.

23 C'était l'enfer pour moi. J'étais terrifiée et je ne savais pas ce qui

24 allait advenir de nous et s'ils allaient nous faire sortir ou pas. Chaque

25 fois que j'entendais quelqu'un rentrer, ma mère essayait de me

Page 3848

1 cacher parce qu'elle avait peur qu'ils m'emmènent, qu'ils me

2 fassent sortir.

3 M. Harmon (interprétation) - Est-ce que des femmes ont été

4 emmenées de l'endroit où votre mère ou vous-même vous trouviez ?

5 Témoin G (interprétation). - Non. Ils ne les ont pas fait

6 sortir. Mais ils faisaient sortir les hommes pour creuser des tranchées

7 tous les jours. C'était le plus souvent des groupes de cinq, huit ou dix

8 hommes. Cela dépendait des besoins.

9 M. Harmon (interprétation) - Lorsque le 1er mai, vous avez été

10 libérée de cette école, je voudrais vous poser des questions sur cette

11 libération, avez-vous eu le choix ? Pouviez-vous soit retourner à la

12 municipalité de Vitez, ou autres choses, ou bien ne vous a-t-on donné

13 aucun choix ?

14 Témoin G (interprétation). - On ne nous a pas donné de choix. On

15 ne nous a pas proposé de rester à Vitez. On nous a dit que nous pouvions

16 choisir entre Travnik ou Zenica. Nous pouvions aller dans l'une ou dans

17 l'autre de ces villes : Travnik ou Zenica.

18 M. Harmon (interprétation) - Qui vous a dit cela ?

19 Témoin G (interprétation). - Les Croates qui étaient dans

20 l'école. Je ne sais pas si c'était le commandant responsable de l'école ou

21 une autre personne. Je ne sais pas. En tout cas, c'était un membre du HVO.

22 Ils ont pris nos noms, ils les prenaient tous les jours d'ailleurs.

23 Certaines personnes disaient qu'ils allaient nous échanger. Mais enfin, je

24 ne sais pas de qui il s'agissait. Ils nous ont dit que nous pouvions aller

25 soit à Zenica, soit à Travnik.

Page 3849

1 M. Harmon (interprétation) - Au cours de votre témoignage, vous

2 avez parlé d'un certain nombre de personnes qui, d'après ce que vous avez

3 entendu, avaient été tuées. Avec l'aide de l'huissier, pourrions-nous

4 mettre certaines photos sur le rétroprojecteur ?

5 M. le Président. - Le témoin est fatigué. Il est près de

6 13 heures. Nous devrions arrêter et reprendre à 14 heures 40.

7 L'audience, suspendue à 13 h 00, est reprise à 14 h 40.

8

9 M. le Président. - L'audience est reprise.

10 Monsieur le Greffier, veuillez faire entrer l'accusé.

11 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

12 M. le Président. - Témoin G, vous m'entendez ? Vous êtes

13 reposée ?

14 Témoin G (interprétation). - Oui.

15 M. le Président. - Vous avez bien déjeuné ?

16 Témoin G (interprétation). - Oui, je vous remercie.

17 M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous continuez.

18 M. Harmon (interprétation). - Rebonjour, Monsieur le Président,

19 Messieurs les Juges.

20 Témoin G, vous avez déclaré précédemment que vous viviez avec

21 votre père, votre mère vos deux soeurs à Ahmici et que vous y aviez passé

22 toute votre vie, n'est-ce pas exact ?

23 Témoin G (interprétation). - Oui, en effet.

24 M. Harmon (interprétation). - Votre père était-il membre de la

25 Défense territoriale ?

Page 3850

1 Témoin G (interprétation). - Non.

2 M. Harmon (interprétation). - Etait-il membre de l'armée de

3 Bosnie-Herzégovine ?

4 Témoin G (interprétation). - Non.

5 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également déclaré que

6 vous avez été détenue dans l'école de Dubravica jusqu'au 1er mai de cette

7 même année. D'autres survivants du village d'Ahmici ont-ils été détenus

8 dans l'école de Dubravica ?

9 Témoin G (interprétation). - Oui. Il y avait nombre de femmes

10 et d'enfants, peut-être une centaine.

11 M. Harmon (interprétation). - Je vois, je vous remercie. Avec

12 l'aide de l'huissier,

13 j'aimerais à présent soumettre au Témoin G un certain nombre de

14 photos et de documents et je vais commencer avec la pièce 110/3.

15 Nous allons nous centrer sur la photographie qui se trouve la

16 plus à droite, s'il vous plaît. Dans l'autre sens s'il vous plaît,

17 Monsieur l'Huissier, l'homme qui porte une moustache.

18 Témoin G, vous avez déclaré que deux de vos voisins ont été

19 amenés chez vous le 16 avril. L'un d'eux, un homme appelé Ismael Ahmic.

20 Voyez-vous la photo devant vous sur l'écran ?

21 Témoin G (interprétation). - Oui, c'est bien de lui qu'il

22 s'agit.

23 M. Harmon (interprétation). - Quel âge avait-il environ en ce

24 16 avril 1993 ?

25 Témoin G (interprétation). - Je dirai près de 60 ans je dirai.

Page 3851

1 M. Harmon (interprétation). - Nous avons maintenant la nouvelle

2 pièce de l'accusation, la pièce 121. Un exemplaire de cette pièce à

3 conviction peut-il être communiqué aux juges et aux conseils de la défense

4 et peut-on placer un exemplaire de cette pièce sur le rétroprojecteur s'il

5 vous plaît ?

6 Monsieur l'Huissier, voulez-vous bien sortir la première photo

7 de cet ensemble et la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

8 L'huissier vient de placer une photo sur le rétroprojecteur.

9 Reconnaissez-vous cette personne, Témoin G ?

10 Témoin G (interprétation). - C'est le fils d'Ismail Ahmic, Mujo

11 Ahmic.

12 M. Harmon (interprétation). - Donc, c'est le deuxième homme qui

13 a été amené chez vous et que vous n'avez plus jamais revu depuis ?

14 Témoin G (interprétation). - Oui.

15 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur

16 l'Huissier. Puis-je avoir la pièce 108-1 et 108/2. Peut-on les placer sur

17 les rétroprojecteurs ?

18 Témoin G, lorsque votre mère est revenue vers la maison où vous

19 étiez réfugiée, elle

20 vous a dit avoir vu trois hommes, trois hommes morts. L'un

21 d'entre eux était Sefik Pezer. Vous avez sous les yeux la pièce de

22 l'accusation 108/1. Il s'agit de deux photographies. Pouvez-vous

23 identifier ces deux hommes ? L'un d'entre eux est-il Sefik Pezer ?

24 Témoin G (interprétation). - Voici Sefik Pezer.

25 M. Harmon (interprétation). - Vous indiquez la photo qui se

Page 3852

1 trouve à gauche.

2 Maintenant, nous en venons à la pièce de l'accusation 108/2.

3 Elle est placée sur le rétroprojecteur.

4 Témoin G, l'homme que nous voyons sur cette photographie à

5 droite, le reconnaissez-vous ?

6 Témoin G (interprétation). - Il s'agit d'Ibrahim Pezer que l'on

7 appelait "Mustafa".

8 M. Harmon (interprétation). - Et c'est l'un des hommes que votre

9 mère a vus morts n'est-ce pas ?

10 Témoin G (interprétation). - Oui, en effet.

11 M. Harmon (interprétation). - Monsieur l'Huissier, si vous le

12 voulez bien, nous allons maintenant passer à la pièce de

13 l'accusation 110/4. Il s'agit d'une nouvelle série de photographies. Parmi

14 celles-ci, je vais vous montrer celles de quatre hommes. Je vais vous

15 demander de les identifier et de nous dire s'ils faisaient partie du

16 groupe de quatre personnes qui ont été sorties du magasin et que plus

17 personne n'a vu vivantes.

18 Nous commençons par la pièce 110/4. On y voit un homme, une

19 femme et un enfant. Reconnaissez-vous cet homme ?

20 Témoin G (interprétation). - Oui, c'est Asim Ahmic qui a

21 également été emmené du magasin et qui n'y est jamais revenu.

22 M. Harmon (interprétation). - Et à côté de lui, voit-on sa

23 femme, Fatima ?

24 Témoin G (interprétation). - Oui, Fatima, c'est cela.

25 M. Harmon (interprétation). - C'est l'homme dont vous avez dit

Page 3853

1 qu'il était malade

2 et qu'il avait certains problèmes de santé. Sa femme a

3 d'ailleurs expliqué quels étaient ces problèmes aux soldats qui l'ont

4 emmené, n'est-ce pas ?

5 Témoin G (interprétation). - Oui, c'est exact.

6 M. Harmon (interprétation). - Nous en venons maintenant à la

7 pièce de l'accusation 110/5. Nous voyons deux hommes ; l'un d'entre eux

8 tient un bébé dans ses bras. Pouvez-vous nous dire de qui il s'agit ?

9 Témoin G (interprétation). - Celui qui tient le bébé dans ses

10 bras est Zemur Ramic ; il a été emmené également du magasin. Il n'est

11 jamais revenu.

12 M. Harmon (interprétation). - Et sur le côté droit ?

13 Témoin G (interprétation). - C'est son frère.

14 M. Harmon (interprétation). - Quel est son nom ?

15 Témoin G (interprétation). - C'est son frère Amir Ramic.

16 M. Harmon (interprétation). - Fait-il partie du groupe d'hommes

17 qui a été emmené du magasin lui aussi ?

18 Témoin G (interprétation). - Oui, c'est exact. Il a été emmené

19 du magasin.

20 M. Harmon (interprétation). - Enfin, Monsieur l'Huissier, nous

21 allons en venir à la deuxième photo de la pièce 121 de l'accusation et

22 nous allons la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît. Il doit

23 s'agir de l'autre photographie, Monsieur l'Huissier.

24 Témoin G, reconnaissez-vous cet homme ?

25 Témoin G (interprétation). - Oui, je le reconnais. C'est Munib

Page 3854

1 Heleg qui a été emmené du magasin.

2 M. Harmon (interprétation). - Quel âge avait-il lorsqu'il a été

3 emmené ?

4 Témoin G (interprétation). - 50 ans à peu près.

5 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai

6 terminé mon interrogatoire principal. Je vais maintenant demander que

7 certaines pièces qui ont été montrées

8 au témoin G soient versées au dossier. Je vais d'abord lister

9 ces différentes pièces. La première serait la photo aérienne et la

10 légende. Il s'agit des pièces 119 A et 119 B. Je demande le versement au

11 dossier de ces deux pièces.

12 Enfin, je demande le versement au dossier d'une photographie

13 d'une maison. Il s'agit de la pièce de l'accusation 120 A et de la légende

14 qui l'accompagne, 120 B.

15 En troisième lieu, je demande le versement au dossier de la

16 pièce de l'accusation 121 A. Il s'agit de deux photographies qui ont été

17 identifiées par le Témoin G.

18 Monsieur le Président, j'en ai terminé de mon interrogatoire

19 principal. Je vous remercie, Témoin G. Maintenant, ce sont les conseils de

20 la défense qui vont vous poser quelques questions. Je vous remercie.

21 M. le Président. - Je vous remercie, Monsieur le Procureur,

22 d'avoir essayé d'être synthétique, ne serait-ce que dans l'intérêt du

23 Témoin G.

24 Je me tourne à présent vers la défense. Le Témoin G doit

25 comprendre que l'accusé est présumé innocent. Il est accusé de graves

Page 3855

1 crimes, il doit être défendu. Donc, les avocats, en l'occurrence

2 Maître Nobilo, va vous poser des questions. Répondez sans crainte, très

3 simplement, comme les choses vous viennent à l'esprit, et n'ayez aucune

4 crainte.

5 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

6 Témoin G, vous l'avez entendu dire, je suis Anto Nobilo et je

7 défends M. Blascic avec mon collègue, M. Hayman.

8 Les 16, 17 et 18 avril 1992, lors de tous ces événements, avez-

9 vous jamais entendu quelqu'un mentionner le nom du général Blaskic ?

10 Témoin G (interprétation). - Je n'ai eu ni l'occasion, ni le

11 temps de penser au fait que quelqu'un ait mentionné ce nom.

12 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous jamais vu le

13 colonel Blaskic vous-même ?

14 Témoin G (interprétation). - Non, seulement à la télévision et

15 dans les journaux.

16 M. Nobilo (interprétation). - C'est tout ?

17 Témoin G (interprétation). - Oui.

18 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai

19 terminé de mon contre-interrogatoire.

20 M. le Président. - Eh bien, le Tribunal est vraiment exaucé

21 depuis ce matin !

22 Je me tourne maintenant vers Monsieur le Procureur : avez-vous

23 des questions complémentaires à poser ?

24 M. Harmon (interprétation). - Non, Monsieur le Président, je

25 vous remercie.

Page 3856

1 M. le Président. - Je me tourne à présent vers mes collègues.

2 Monsieur le Juge Riad ?

3 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Témoin G. Je vous appelle

4 ainsi parce que nous ne pouvons pas prononcer votre nom.

5 Dans votre déclaration, vous nous avez dit que vous aviez pensé

6 aller à Perici mais on vous a dit alors que le HVO s'y trouvait et que le

7 HVO tuait tout le monde. Qui vous a dit cela ? Comment avez-vous appris

8 cela ?

9 Témoin G (interprétation). - C'est Nikica Plavcic qui m'a

10 déclaré cela. C'est lui qui nous a dit que nous ne pouvions pas aller là-

11 bas parce que l'armée Croate s'y trouvait et qu'ils tueraient tout le

12 monde si nous y allions. Je ne sais pas si cela voulait dire que nous

13 allions être tués aussi, ça je n'en sais rien.

14 M. Riad (interprétation). - Donc, la rumeur était que tout le

15 monde à Pirici avait été tué. C'est la rumeur dont vous avez entendu

16 parler ?

17 Témoin G (interprétation). - En effet.

18 M. Riad (interprétation). - Certaines personnes ont disparu du

19 magasin. Vous avez parlé d'Hasim Ahmic, Zenur Ramic et Amir Ramic. A-t-on

20 jamais entendu dire qu'ils avaient été tués ?

21 Témoin G (interprétation). - Oui, j'ai entendu dire qu'ils avait

22 été tués.

23 M. Riad (interprétation). - Lorsque vous êtes allée dans cette

24 école à Dubravica, vous dites qu'ils ont fait sortir des hommes de cette

25 école et qu'ils les ont emmenés pour creuser des tranchées.

Page 3857

1 Témoin G (interprétation). - Oui.

2 M. Riad (interprétation). - Vous rappelez-vous où se trouvaient

3 ces tranchées ? Savez-vous ce qui est arrivé à ces hommes ?

4 Témoin G (interprétation). - (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 venaient du village de Rijeka, je ne les connaissais donc pas très bien,

11 mais nous nous sommes aperçu que l'un des membres de ce groupe n'est

12 jamais revenu.

13 M. Riad (interprétation). - Dans cette école à Dubravica, ont-

14 ils séparé les hommes des femmes ? Comment ces femmes étaient-elles

15 traitées ?

16 Témoin G (interprétation). - Dans la zone de l'école où nous

17 nous trouvions, il y avait des femmes âgées ou plus âgées. Nous nous

18 trouvions dans un coin du gymnase de l'école. Au départ, lorsque nous

19 sommes arrivées, ils ont séparé les femmes jeunes, les plus âgées et les

20 enfants. On a été réparti dans deux salles de classe. Ils ont dit qu'elles

21 seraient plus à l'aise là-bas. Je ne sais pas pourquoi ils ont dit cela.

22 Mais les femmes plus âgées ont été emmenées dans ce gymnase où se

23 trouvaient également les hommes. Je faisais partie de ce groupe de femmes

24 plus âgées. J'étais dans le gymnase à l'école.

25 M. Riad (interprétation). - Comment avez-vous été traitées ?

Page 3858

1 Témoin G (interprétation). - Vous voulez dire moi ou d'une façon

2 générale ?

3 M. Riad (interprétation). - En général et si vous voulez bien

4 nous dire aussi, en quelques mots, comment vous avez été traitée ?

5 Témoin G (interprétation). - Pendant deux jours, on ne nous a

6 rien donné à manger. Ils n'ont fait sortir aucune femme, mais la peur

7 régnait. Il y a eu des actes de provocation. Certains des soldats ivres

8 arrivaient, débarquaient dans le gymnase et nous injuriaient. Mais nous

9 n'étions pas particulièrement ciblées, nous les femmes. Peut-être étaient-

10 ils conscients que nous étions en train de vivre une véritable tragédie.

11 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.

12 M. le Président. - Témoin G, votre déposition est terminée. Le

13 Tribunal est conscient que vous avez subi beaucoup d'épreuves et

14 notamment, ce n'est pas facile de venir jusqu'à nous. Vous l'avez fait.

15 Nous vous en savons gré. A présent, votre déposition est terminée. Vous

16 allez donc pouvoir rentrer chez vous selon un processus qui va permettre

17 de continuer la protection qui vous est assurée.

18 Je me tourne vers Monsieur le Greffier. Peut-être faudrait-il

19 descendre les rideaux. Vous ne bougez pas pour l'instant jusqu'à ce qu'on

20 vous indique le moment où vous pourrez vous lever.

21 (Le Témoin G quitte la salle d'audience.)

22

23

24

25

Page 3859

1 Audition de Mme Nura PEZER

2 M. le Président. - Nous pouvons relever les rideaux à moins que

3 le témoin suivant ne doive bénéficier de la même protection.

4 M. Cayley (interprétation). - Non, ce n'est pas le cas,

5 Monsieur le Président.

6 M. le Président. - Dès que l'huissier reviendra, il vous aidera

7 à démonter les paravents.

8 Pendant ce temps, Maître Cayley, quel est le témoin suivant ?

9 M. Cayley (interprétation). - Le nom du témoin suivant,

10 Monsieur le Président, est Nura Pezer.

11 M. le Président. - Est-on allé chercher le témoin ?

12 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

13 M. le Président. - Elle reste debout. Donnez-lui le micro,

14 m'entendez-vous, Madame ?

15 Mme Pezer (interprétation). - Je vous entends.

16 M. le Président. - Pouvez-vous me dire simplement votre nom et

17 votre prénom ?

18 Mme Pezer (interprétation). - Pezer Nura.

19 M. le Président. - Madame Pezer Nura, vous allez rester debout

20 encore une minute pour lire la déclaration, le serment qui vous est

21 demandé. Vous avez le texte du serment sous les yeux. Pouvez-vous le lire,

22 s'il vous plaît ?

23 Mme Pezer (interprétation). - Je déclare solennellement que je

24 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

25 M. le Président. - Asseyez-vous, Madame. Madame, vous avez

Page 3860

1 accepté de venir témoigner dans le cadre des accusations qui sont portées

2 au cours de ce procès contre un accusé qui est le Colonel Blaskic ici

3 présent. Vous avez accepté de venir témoigner à la demande de

4 l'accusation. C'est donc le Procureur ici qui va vous poser

5 -vous le savez, il a dû vous le dire- toutes les questions qu'il juge

6 utile de vous poser. Ensuite, bien entendu, les avocats du Colonel Blaskic

7 vous poseront des questions et les Juges peut-être seront également amenés

8 à vous poser des questions. Surtout détendez vous. Vous êtes dans un

9 Tribunal avec des Juges qui sont là pour vous entendre, pour essayer de

10 faire la vérité. Soyez très calme. Vous êtes en sécurité. Vous ne risquez

11 rien.

12 A présent, Maître Cayley, vous pouvez commencer à poser des

13 questions à Madame Pezer Nura.

14 M. Cayley (interprétation). - Bonjour, Madame Pezer.

15 Mme Pezer (interprétation). - Bonjour.

16 M. Cayley (interprétation). - Je vais répéter ce que vient de

17 dire Monsieur le Président. Je vous prierai de vous détendre autant que

18 vous le pouvez dans cet environnement. Nous vous poserons des questions.

19 Tout ce que vous avez à faire, c'est répondre lentement. Nous vous

20 poserons les questions lentement aussi. Je tâcherai d'en finir le plus

21 vite possible.

22 Madame Pezer, où êtes-vous née ?

23 Mme Pezer (interprétation). - Je suis née le 5 septembre 1948

24 dans le village de Bukve, près de Vitez.

25 M. Cayley (interprétation). - Et je crois que vous êtes de

Page 3861

1 nationalité bosnienne, est-ce bien cela ?

2 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

3 M. Cayley (interprétation). - Et de religion musulmane ?

4 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

5 M. Cayley (interprétation). - Avant avril 1993, où habitiez-

6 vous ?

7 Mme Pezer (interprétation). - Je vivais à Ahmici.

8 M. Cayley (interprétation). - Avec qui viviez-vous à Ahmici ?

9 Mme Pezer (interprétation). - Je vivais avec ma famille, ma

10 fille, mon fils, ma petite fille, deux filles et ma belle-fille.

11 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous nommer les membres

12 de votre famille ?

13 Mme Pezer (interprétation). - Oui, il y a Sefik Pezer né

14 le 21 janvier 1941. Mon fils était Ahmed Pezer, né le 14 novembre 1966. Ma

15 fille Alma Pezer, née le 11 février 1973. Ma fille Taiba (?), née

16 le 6 décembre 1978, ma belle-fille Rasilja (?), née le 15 septembre 1969

17 et ma petit fille, la petite Dzenana, née le 15 juin 1991.

18 Voilà quels étaient les membres de ma famille.

19 M. Cayley (interprétation). - Merci, Madame Pezer, à quoi

20 ressemblait la vie à Ahmici avant la guerre ?

21 Mme Pezer (interprétation). - Avant la guerre, la vie était

22 agréable, normale. Personne ne faisait de mal à personne. Nous nous

23 invitions les uns et les autres pour les fêtes, pour Pâques, pour Noël,

24 pour le Bairam (?). Il n'y avait aucune difficulté entre nous jusqu'à

25 l'attaque en 1992, le 20 octobre à Ahmici.

Page 3862

1 M. Cayley (interprétation). - Sefik, feu votre mari et votre

2 fils Ahmed appartenaient-ils à la défense territoriale du village ?

3 Mme Pezer (interprétation). - Ecoutez, oui, peut-être que

4 quelque chose était en train de se développer Je n'ai pas la moindre idée.

5 M. Cayley (interprétation). - Merci, Madame Pezer.

6 Le 15 avril, je crois que vous-même et votre mari êtes allés

7 voir votre cousin Sulejman à Krcevine, n'est-ce pas ?

8 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

9 M. Cayley (interprétation). - Que vous a-t-il dit au sujet de

10 son fils Amir ?

11 Mme Pezer (interprétation). - Mon mari est entré dans la maison

12 et m'a dit d'aller à

13 Sulejman parce que son fils avait été arrêté le matin au

14 travail, à Travnik. Ils ont arrêté les autobus. Ils ont séparé les

15 Musulmans des autres et les ont emmenés avec eux.

16 M. Cayley (interprétation). - Quand vous dites "ils" à qui

17 pensez-vous ?

18 Mme Pezer (interprétation). - Aux Croates.

19 M. Cayley (interprétation). - Quand vous vous êtes trouvés dans

20 la maison de Sulejman, avez-vous eu la possibilité de regarder la

21 télévision ?

22 Mme Pezer (interprétation). - Oui, nous étions là chez Sulejman

23 et le journal télévisé de l'après-midi a commencé. Nous avons vu

24 Dario Kordic et Thiomir Blaskic sur l'écran.

25 Dario Kordic a dit : "Mes bigarrés sont prêts, ils n'attendent

Page 3863

1 que les ordres".

2 A ce moment-là, feu mon mari s'est pris la tête dans les mains

3 et a pris un air pensif. Il a dit : "Il peut arriver n'importe quoi

4 maintenant. On se demande ce qui peut arriver".

5 M. Cayley (interprétation). - Je crois que vous êtes rentrés de

6 Krcevine à Ahmici, excusez-moi à Zume, chez vous, et vous êtes allés dans

7 la maison de la nièce de votre mari, Nadira, n'est-ce pas ?

8 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

9 M. Cayley (interprétation). - Qu'est-ce que Nadira a dit à votre

10 mari ?

11 Mme Pezer (interprétation). - Nous sommes rentrés à la maison,

12 dans la direction de Zume, et à notre arrivée, nous avons vu Nadira Ahmic

13 qui était debout là. Elle a dit -elle aussi est morte maintenant- à Sefik

14 qu'Ivica Vidovic, surnommé "Jevdjo", était en train de se promener avec un

15 homme à qui il montrait les maisons musulmanes et les maisons croates

16 parce que les maisons croates avaient des toits à deux pentes et les

17 maisons musulmanes des toits à quatre pentes. Il leur montrait également

18 les maisons en construction.

19 M. Cayley (interprétation). - Si l'on ne regarde que le toit

20 d'une maison, il est tout de même difficile, a priori, de savoir si c'est

21 une famille musulmane ou croate qui habite à l'intérieur ?

22 Mme Pezer (interprétation). - Oui, pour eux, c'était difficile.

23 Ce qu'ils voulaient, c'était séparer les types de maison par le nombre de

24 pentes du toit. La seule distinction qu'ils pouvaient établir venait du

25 fait que les nôtres avaient quatre pentes et les leurs deux.

Page 3864

1 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous trouvé étonnant que

2 quelqu'un se promène comme cela et qu'on lui montre toutes les maisons du

3 village ?

4 Mme Pezer (interprétation). - Ce n'est pas moi qui ai vu cela.

5 C'est Nadira qui a vu cela. Nous sommes arrivés plus tard, à un autre

6 moment. J'ai vu "Jevdjo" à ce moment-là qui était assez loin de nous. Il

7 était à 50 ou 100 mètres de nous. Il était accompagné de cet autre homme

8 que nous ne connaissions pas.

9 M. Cayley (interprétation). - Je crois savoir que ce soir feu

10 votre mari, feu votre fils et votre bru sont allés dans la maison de Ibro

11 Karic. n'est-ce pas ?

12 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

13 M. Cayley (interprétation). - Et je crois savoir qu'Ahmed et

14 Nadira ont quitté sa maison aux alentours de 9 heures ce soir-là ?

15 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

16 M. Cayley (interprétation). - Je crois savoir également que

17 vous- même et Sefik êtes partis aux alentours de 10 H 30 ce soir-là. C'est

18 cela ?

19 Mme Pezer (interprétation). - Oui, oui.

20 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous êtes rentrés à la

21 maison, est-ce que Sefik est parti patrouiller avec les membres de la

22 Défense territoriale ?

23 Mme Pezer (interprétation). - Non, pas avec la Défense

24 territoriale. Il est sorti un peu de la maison pour voir ce qui se

25 passait, voyez vous. Mais il n'est allé avec personne. Il est sorti tout

Page 3865

1 seul, pour voir.

2 M. Cayley (interprétation). - Parlons maintenant du matin du

3 16 avril. Avez-vous entendu des coups de feu ?

4 Mme Pezer (interprétation). - Le matin du 16 avril, à 6 heures

5 moins 20, des coups de feu ont été tirés dans ma fenêtre.

6 M. Cayley (interprétation). - Je vous demande un instant,

7 Madame Pezer, je vais placer devant vous une photo aérienne que vous avez

8 déjà vue. Je demande l'aide de l'huissier.

9 Madame Pezer, vous avez déjà vu cette photographie et vous y

10 avez identifié un certain nombre d'éléments, n'est-ce pas ?

11 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

12 M. Cayley (interprétation). - Je pense que vous conviendrez avec

13 moi que c'est une reproduction exacte des marques initialement apposées

14 sur la photo par vous ?

15 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

16 M. Cayley (interprétation). - Merci.

17 Monsieur le Greffier, quel est le numéro de la pièce à

18 conviction en question ?

19 M. le Greffier. - Il s'agit du numéro 122.

20 M. Cayley (interprétation). - Merci.

21 Pourriez-vous, je vous prie, nous donner le numéro sur cette

22 photo aérienne qui correspond à votre maison ?

23 Mme Pezer (interprétation). - Ma maison correspond au numéro 1.

24 M. Cayley (interprétation). - Merci. Vous avez dit, il y a

25 quelques instants, que le matin du 16 avril à 5 h 40, des balles ont

Page 3866

1 commencé à frapper votre maison. Pouvez-vous dire aux membres de la

2 Chambre ce qui s'est passé lorsque ces balles ont pénétré dans votre

3 maison ?

4 Mme Pezer (interprétation). - Lorsque les balles ont pénétré

5 dans ma maison, il s'agissait uniquement de balles incendiaires. Chaque

6 fois qu'une balle tombait, cela provoquait un incendie dans la maison.

7 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous réveillé feu votre mari

8 Sefik ?

9 Mme Pezer (interprétation). - J'ai réveillé mon mari et je lui

10 ai dit : "Lève-toi parce

11 qu'apparemment, la guerre a éclaté". J'ai levé la tête et vers

12 le haut, j'ai vu toutes les maisons en feu. Mais en contrebas, les balles

13 d'autres coups de feu arrivaient aussi, d'autres balles.

14 M. Cayley (interprétation). - Qu'a fait Sefik ?

15 Mme Pezer (interprétation). - Sefik s'est levé pour voir ce qui

16 se passait. En fait, il est rentré très rapidement. J'étais avec ma fille

17 Taiba dans le couloir. Il nous a dit : "Il va être difficile de se cacher

18 ici. Je pense qu'il faut que vous veniez avec moi pour descendre à l'étage

19 inférieur" où se trouvaient Ahmed, Sefica et Dzenana. Mon fils Ahmed, ma

20 bru Zenja (?) et ma petite fille Dzenana. Il a pensé que peut-être nous

21 serions plus en sécurité à cet endroit parce qu'il serait difficile de

22 partir ailleurs.

23 M. Cayley (interprétation). - Qu'avez-vous fait à ce moment-là ?

24 Mme Pezer (interprétation). - Nous avons décidé de suivre Sefik

25 et d'aller vers le garage. Moi et Taiba, nous sommes allés à l'étage

Page 3867

1 inférieur. C'est là que j'ai rejoint mon fils Ahmed, ma petit fille

2 Dzenana et Razija

3 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous êtes descendue vers

4 le sous-sol, avez-vous remarqué d'où venaient les coups de feu ?

5 Mme Pezer (interprétation). - Les coups de feu venaient du

6 numéro 3 de chez Anto Covic et du numéro 2, Jozo Sakic.

7 M. Cayley (interprétation). - Après que vous êtes descendue à la

8 cave, qu'avez-vous dit à votre fils Ahmed ?

9 Mme Pezer (interprétation). - Quand je suis entrée dans la cave,

10 j'ai dit à mon fils Ahmed : "Ahmed, mon fils, sors parce que ton père est

11 déjà sorti pour voir ce qui se passe là-bas". Mon fils est rentré très peu

12 de temps après et m'a dit : "Maman, papa est gravement blessé".

13 M. Cayley (interprétation). - Qu'avez-vous demandé à votre fils

14 de faire à ce

15 moment-là ?

16 Mme Pezer (interprétation). - Il m'a dit : "Essayons d'aller le

17 voir pour essayer de l'aider, de le panser". Il y avait des langes de la

18 petite Dzenana qui n'étaient pas loin. Je les ai sortis du sac. Il les a

19 emportés. Dzenana nous a transmis le sac, et je leur ai dit à tous les

20 deux d'aller panser un peu mon mari.

21 Ils y sont allés. Ils sont revenus en disant : "Il n'y a rien à

22 faire. Tu sais, il est blessé très grièvement. En fait, le sang coulait du

23 poignet à flots".

24 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que votre fils Ahmed est

25 revenu vers vous dans la cave à ce moment-là ?

Page 3868

1 Mme Pezer (interprétation). - Ahmed est revenu dans la cave et

2 m'a dit qu'il ne pouvait rien faire parce que papa était grièvement

3 blessé.

4 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que Ahmed a dit à ce

5 moment-là qu'il faudrait que vous sortiez tous ?

6 Mme Pezer (interprétation). - Ahmed a dit : "Maman, il faudrait

7 qu'on se rende aux gens du HVO. De toute façon, on n'a rien avoir avec

8 tout cela". Mais la voisine, Azemina, a crié : "Sortez de vos maisons,

9 vous allez brûler dans vos maisons, ils vont vous faire brûler vifs à

10 l'intérieur des maisons ! Sortez, sortez de vos maisons et n'emportez rien

11 avec vous".

12 Nous sommes sortis avec mon fils Ahmed devant nous. Il marchait

13 par ce chemin-là et avec ma bru, Razija qui tenait dans ses bras Dzenana,

14 avec ma fille Taiba (?), également, nous l'avons suivi. Mon fils avait les

15 bras en l'air en signe de reddition. Ils lui ont tiré dessus

16 immédiatement. Il est tombé par terre et c'est là qu'il est resté. Ma

17 belle-fille s'est mise à crier : "Ne tirez pas, vous allez tuer mon

18 enfant". Nous sommes arrivés devant la maison de Azemina Pezer qui

19 correspond au numéro 4 sur la photo.

20 M. Cayley (interprétation). - Qu'avez-vous découvert quand vous

21 êtes arrivée à la maison d'Azemina ?

22 Mme Pezer (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivées à la

23 maison d'Azemina, nous avons rencontré Asemina Pezer, sa fille Nermina de

24 7 ans et son fils Nermin de 13 ans. Huit soldats se trouvaient là et

25 quatre étaient encore à côté de l'étable avec quatre autres non loin de la

Page 3869

1 maison. J'ai vu qu'ils portaient avec eux des bidons d'essence. C'est sans

2 doute ce qu'ils avaient utilisé pour faire flamber les maisons parce que

3 nous voyions un certain nombre de maisons en feu. Un soldat, à ce moment-

4 là, qui n'était pas loin, a pris ma fille par le bras. Il l'a poussée un

5 peu à l'épaule. Ils étaient tous armés. Ils avaient des visages

6 peinturlurés à la peinture noire. Il y en a un, à ce moment-là, qui a

7 dit : "Mais non, laisse-la". Cet homme n'était pas loin de la maison de

8 Azemina Pezer et elle m'a dit plus tard que c'était Franjo Jukic, de

9 Nadioci. C'est lui qui a dit : "Laisse-les, fais cela pour moi".

10 Le soldat l'a lâchée et j'ai pensé à ce moment-là : est-ce

11 qu’il avait vraiment envie de la tuer ou pas ? Peut-être. Mais en tout

12 cas, ils avaient l'air pressé. Il fallait sans doute qu'ils aillent plus

13 loin et ils n'avaient pas le temps. Mais c'est à ce moment-là qu'une

14 personne nous a dit : "Allez, descends un peu, va vers les maisons

15 croates, vers les nôtres".

16 M. Cayley (interprétation). - Donc, vous avez reçu l'ordre de

17 quitter la maison d'Azemina. Où êtes-vous allés, ce groupe de femmes et

18 d'enfants ?

19 Mme Pezer (interprétation). - Nous sommes allés, nous, les

20 femmes et les enfants, vers la maison numéro 5, la maison de

21 Josip Vidovic.

22 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivés à la

23 maison de Josip Vidovic, qu'avez-vous fait ?

24 Mme Pezer (interprétation). - Lorsque nous y sommes arrivés,

25 nous sommes entrés dans la maison. La porte était fermée à clef. Mais nous

Page 3870

1 avons frappé. Il nous a ouvert. Nous sommes donc rentrés dans la maison de

2 Josip et là, nous avons rencontré Vinko Vidovic. C'était un jeune homme,

3 le neveu du propriétaire, qui jusque-là portait en général un uniforme de

4 camouflage. Il le portait ce jour-là. Ils ont bu deux litres d'eau-de-vie

5 pendant les quelques

6 instants après notre arrivée. Nous étions là, sept d'entre nous,

7 et eux deux : Josip et Vinko. Il n'y avait personne d'autre à ce moment-

8 là. Le reste de la famille n'était pas là. Et moi, j'ai dit à Josip :

9 "Ecoute, Josip, Sefik a été grièvement blessé. Nous pourrions peut-être

10 aller l'aider. Il a une blessure à la jambe. Il pourrait peut-être

11 survivre". Il m'a répondu : "Il peut saigner comme cela pendant trois ou

12 quatre heures. Il survivra quand même". Mais peut-être que Josip savait

13 que Sefik avait été tué. Qu'est-ce que j'en sais ? Cela faisait vingt ans

14 qu'ils vivaient l'un à côté de l'autre. Ils étaient allés à l'école

15 ensemble. Ils étaient vraiment maison à côté de maison depuis des années.

16 M. Cayley (interprétation). - Je crois que pendant que vous

17 étiez dans la maison de Josip Vidovic, vous, les sept femmes et enfants,

18 êtes montés à l'étage ?

19 Mme Pezer (interprétation). - Je suis allée seule à l'étage. Je

20 suis montée seule pour voir ce qui se passait. Quand je suis arrivée à

21 l'étage, j'ai vu que tout était en flammes, tout brûlait. Mevludin Pezer,

22 qui était né en 1974, donc très jeune, a été tué derrière l'étable de

23 Sakib. Donc, de nos trois maisons musulmanes, sept personnes ont été tuées

24 à ce moment-là.

25 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'à ce moment-là un

Page 3871

1 certain nombre de soldats du HVO sont arrivés dans la maison.

2 Mme Pezer (interprétation). - Oui. Après un peu de temps, cinq

3 ou six soldats sont arrivés. Ils marchaient comme cela très excités. Ils

4 sont arrivés devant la maison de Josip et Josip, à ce moment-là nous a dit

5 : "Ne bougez pas, ne mettez pas le nez à la fenêtre". Lui est sorti. Il

6 est allé à la porte et il a dit : "Il y a des enfants ici". Josip avait

7 pas mal de membres de sa famille dans le HVO. Quatre enfants d'une soeur,

8 trois enfants d'une autre soeur et il avait aussi un fils de son frère qui

9 était dans le HVO.

10 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que les soldats du HVO à ce

11 moment-là ont quitté le seuil de la porte de Josip ?

12 Mme Pezer (interprétation). - Oui, ils sont partis et ils ont

13 repris la route vers

14 Ahmici. Ils sont sortis sur la route.

15 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'aux environs de

16 11 heures 30, Josip vous a alors demandé de quitter sa maison.

17 Mme Pezer (interprétation). - Josip a dit à ce moment-là : "Il

18 faut que vous partiez de ma maison". Il était 11 heures 30. "Vous devez

19 poursuivre votre chemin". Il nous a dit : "Moi, j'ai peur et des

20 Musulmans et des Croates". C'était étonnant de voir qu'il avait peur des

21 Musulmans parce que pas une balle n'avait atteint sa maison, mais il

22 n'était pas loin des maisons visées. Alors, il a dit : "Il faut que vous

23 poursuiviez votre chemin".

24 M. Cayley (interprétation). - Madame Pezer, voulez-vous

25 poursuivre ou voulez-vous vous reposer quelques instants ?

Page 3872

1 Mme Pezer (interprétation). - Si je peux me reposer quelques

2 instants, ma bouche est sèche. Puis-je me reposer quelques instants ?

3 M. le Président. - Je propose qu'on suspende l'audience pendant

4 dix minutes. Nous reprendrons à 15 heures 40.

5 M. Cayley (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

6 L'audience, suspendue à 15 h 30, est reprise à 15 h 40.

7 M. le Président. - L'audience est reprise, asseyez-vous. Madame,

8 vous sentez-vous mieux

9 Mme Pezer (interprétation). - Oui, cela va mieux.

10 M. le Président. - Lui a-t-on rempli son verre d'eau ? N'hésitez

11 pas, si vous voulez un verre d'eau, à vous interrompre.

12 Maintenant, Maître Cayley, vous pouvez peut-être reprendre.

13 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, il ne me

14 reste que très peu de

15 questions pour ce témoin. J'essaierai de finir le plus

16 rapidement possible.

17 Madame Pezer, avant notre petite interruption, vous disiez aux

18 Juges comment Josip a dit à ce groupe de femmes et d'enfants dont vous

19 faisiez partie de quitter sa maison et de continuer votre route, n'est-ce

20 pas ?

21 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

22 M. Cayley (interprétation). - Où êtes-vous allé après avoir

23 quitté sa maison ?

24 Mme Pezer (interprétation). - Lorsque Josip nous a dit cela,

25 j'ai commencé à lui demander : "Mais, comment se fait-il que tu as peur

Page 3873

1 des Musulmans et des Croates ?" Parce que j'ai dit qu'aucune balle n'avait

2 touché sa maison. Il avait fait un mariage mixte, puisque sa femme était

3 musulmane et que lui était croate. C'est pour cela, m'a-t-il dit, qu'il

4 avait peur. Cependant, nous sommes sortis et il a dit : "Suivez la route

5 qui mène à Vitez. Ne traversez pas les champs mais allez vers Vitez".

6 Nous avons donc quitté la maison de Josip. Nous avons marché. Il

7 y avait un endroit qu'on appelait Kosmici et c'est là que nous voulions

8 aller. Nous avons tourné à peu près à cet endroit- là. Il y avait deux

9 personnes qui étaient là et qui nous ont appelées. J'ai dit à ma voisine

10 : "Allons-y. Que pouvons-nous faire ? Nous avons des petits-enfants avec

11 nous, tout peut arriver, même le pire". Et elle a dit : "Non, ils ont tué

12 tous les miens et ils ont mis le feu à tout ce que nous avions". J'ai dit

13 : "Non, il faut que nous y allions".

14 Donc, nous sommes allées dans la cave de la maison de

15 Ijilja Vidovic. Il y avait des femmes croates et des enfants, à peu près

16 cinquante, d'après ce que j'ai pu compter. Il y avait un petit poêle. Il y

17 avait du feu à l'intérieur et on nous a emmené dans un hall. Il y avait

18 deux canapés. Mais il n'y avait que la structure du canapé. Il manquait

19 les coussins. Les femmes croates nous ont apporté des bougies et les ont

20 allumées, parce qu'on ne voyait rien dans cette espèce de grand hall. Nous

21 avons passé un certain temps sur place. Je ne peux pas vous dire combien

22 de temps exactement. D'autres de nos voisins sont venus. Il y avait un des

23 Ahmic, avec

24 trois de ses belles-filles et avec ses petites filles,

25 Elma Ahmic, née en 1977, était la plus âgée. Elle avait perdu trois fils,

Page 3874

1 son mari et son petit-fils qui était né en 1977. Elle était là et elle

2 s'abritait avec nous.

3 M. Cayley (interprétation). - Madame Pezer, pouvez-vous nous

4 donner le numéro de la maison où vous vous trouviez à ce moment-là, c'est-

5 à-dire la maison de Ijilja Vrebac ?

6 Mme Pezer (interprétation). - Nous avons cette route ici et nous

7 sommes allées à la maison au numéro 6.

8 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

9 qu'il y a eu un problème technique avec le rétroprojecteur.

10 M. le Président. - Le témoin peut-il, pendant ce temps, nous

11 indiquer le numéro de la maison.

12 Mme Pezer (interprétation). - Il s'agit du numéro 6.

13 M. Cayley (interprétation). - Combien de temps êtes-vous restée

14 dans la maison de Ilija Vrebac ?

15 Mme Pezer (interprétation). - Dans la maison de Ilija Vrebac,

16 nous y avons passé la nuit. Le lendemain matin, -on m'appelait parfois

17 "Sefikovica", c'était à cause de mon mari qui s'appelait Sekif- elle m'a

18 dit : "Sefikovica, il faut que tu partes". On ne voyait pas s'il faisait

19 nuit ou jour. Elle m'a dit : "Il faut que vous alliez à Kosmici".

20 Nous avions peur parce que nous risquions de nous faire tuer.

21 Nous étions seize à peu près. Nous sommes allées à Kosmici et nous sommes

22 allées chez Serif Ahmic et là Niko Plavcic, notre voisin, est venu avec sa

23 belle-fille. Il a dit : "Venez chez moi. Là, vous n'aurez pas de

24 problèmes". Nous avons dit : "Non, mais peut-être pouvez-vous nous

25 emmener à Sivrino Selo et là, nous trouverons un endroit où aller.

Page 3875

1 M. Cayley (interprétation). - Madame Pezer, la maison de

2 Serif Ahmic se trouvait-elle dans la zone qui est entourée de la ligne

3 noire sur la vue aérienne ? Je ne pense pas que vous

4 puissiez vous souvenir de l'endroit exact où elle se trouvait ?

5 Mme Pezer (interprétation). - Elle était proche de là, parmi ces

6 maisons ici. C'était la maison de Serif.

7 M. Cayley (interprétation). - Dans la zone délimitée par la

8 ligne noire sur la photo ?

9 Mme Pezer (interprétation). - Oui. Vous voyez une, deux maisons

10 par là et puis plus bas, c'est la maison de Serif. Vous voyez en bas à

11 droite.

12 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que Niko Plavcic vous a

13 emmené à Sivrino Celo ?

14 Mme Pezer (interprétation). - Oui, il l'a fait.

15 Tous les seize, nous sommes arrivés devant la maison de Niko,

16 mais un soldat est arrivé de la maison où nous avions passé la nuit,

17 c'est-à-dire de Ijilja Vrebac, il a dit : "Niko, où sont tes fils ?". Il

18 a répondu : "Je ne sais pas où ils sont. On leur a dit d'aller à la

19 maison de Gavro Vidovic où se trouvait le commandant et de faire un

20 rapport là-bas".

21 Alors, Niko nous a emmenés le long de cette route à

22 Sivrino Selo. C'est là-bas qu'il nous a emmenés pour finir.

23 M. Cayley (interprétation). - Et je crois que la flèche qui

24 figure sur la vue aérienne montre la direction que vous avez prise et la

25 route que vous avez suivie, ce groupe de seize personne dont vous avez

Page 3876

1 parlé ?

2 Mme Pezer (interprétation). - Oui, c'est par là qu'il faut

3 aller, le long de cette route, vers Sivrino Selo. C'est le chemin que nous

4 avons suivi. Mais lui est resté sur la route.

5 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous étiez escortés, avez-

6 vous vu des voitures musulmanes qui passaient sur la route ?

7 Mme Pezer (interprétation). - Non, aucune. Il n'y avait aucun

8 véhicule qui nous doublait. Les véhicules étaient sur le toit. Il y en

9 avait par ci par là. Mais je ne pouvais pas reconnaître ces voitures.

10 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous êtes allés à

11 Sivrino Selo, chez qui êtes-vous allé ?

12 Mme Pezer (interprétation). - Nous sommes allés à Sivrino Selo

13 et nous avons occupé une cave là-bas. Là, il y avait encore certaines

14 femmes que nous ne connaissions pas. Je n'avais jamais été là-bas. Je ne

15 les connaissais donc pas. Mais Hidajet Sivro est venu. C'était un ami. Il

16 m'a dit d'aller vers lui. Nous y sommes tous allés. Il nous a dit : "Il

17 faut aller chez Sadic Sivro".

18 Nous avons donc passé 2 nuits dans différentes caves, parce qu'à

19 ce moment-là, Sivrino Selo a été attaqué. Des obus ont été lancés sur le

20 village, etc.. Nous sommes donc restés là-bas.

21 M. Cayley (interprétation). - Donc, vous êtes restés dans la

22 cave à Sivrino Selo parce que les maisons étaient pilonnées, n'est-ce

23 pas ?

24 Mme Pezer (interprétation). - Oui, oui, il y avait des obus qui

25 tombaient.

Page 3877

1 M. Cayley (interprétation). - Vous y êtes restés deux jours et

2 deux nuits et ensuite vous êtes allés à Pucelica, n'est-ce pas ?

3 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

4 M. Cayley (interprétation). - Combien de temps êtes-vous restés

5 à Pucelica ?

6 Mme Pezer (interprétation). - Nous sommes allés chez

7 Rahija Uzeir (?). Nous y sommes restés pendant quatre jours et quatre

8 nuits. Nous étions sept. Et un autre groupe est allé dans la direction

9 opposée. Et puis, il y avait mon beau-fils qui est venu de Zenica. En

10 fait, c'était le mari de ma soeur qui est venu de Zenica et qui nous a

11 emmenés.

12 M. Cayley (interprétation). - J'ai ici avec moi deux

13 photographies que vous aimeriez, je crois, montrer à ce Tribunal.

14 L'huissier pourrait il m'aider ?

15 Madame Pezer, qui est-ce ?

16 Mme Pezer (interprétation). - C'est ma petite fille Dzenana.

17 M. le Président. - Est-il bien indispensable de montrer ces

18 photos au témoin ? Ce sont des photos...

19 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin

20 m'a demandé de montrer cette photo aux juges. Je pensais qu'effectivement

21 ce n'était pas nécessaire, mais c'est elle qui l'a souhaité.

22 Mme Pezer (interprétation). - Si ! Regardez, regardez le visage

23 de ma petite fille !

24 M. le Président. - Merci d'apporter cette précision.

25 Mme Pezer (interprétation). - On dirait son père...

Page 3878

1 Elle n'a plus qu'une photo de son père à regarder pendant toute

2 sa vie !...

3 M. Cayley (interprétation). - Madame Pezer, il s'agit bien de

4 votre petite fille. Je sais que tout cela est très douloureux. Si vous le

5 souhaitez, nous ne regarderons pas les autres photos.

6 Mme Pezer (interprétation). - Si ! Si ! Regardons-les !

7 Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mon fils, le 14 novembre.

8 Il aurait eu 31 ans aujourd'hui et maintenant il est mort, enterré !... Je

9 veux juste que le Tribunal sache cela, que des gens innocents ont été

10 tués. C'est pour cela que je viens témoigner le jour de son anniversaire.

11 Il faut tout leur montrer.

12 M. Cayley (interprétation). - Madame Pezer, votre petite fille

13 est encore en vie, n'est-ce pas ?

14 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

15 M. Cayley (interprétation). - Cette petite fille qui était dans

16 les bras de votre belle-fille quand les soldats tiraient sur vous, n'est-

17 ce pas ?

18 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

19 M. Cayley (interprétation). - Madame Pezer, voulez-vous que je

20 montre les photos de votre fils au Tribunal ? Si vous souhaitez que je ne

21 le fasse pas, bien entendu je ne le ferai

22 pas. Voulez vous que je le fasse ?

23 Mme Pezer (interprétation). - Montrez-leur. Montrez aux Juges

24 les photos de mon fils, de mon mari et de tous les autres. Tous ceux que

25 j'ai perdus...

Page 3879

1 M. le Président. - Montrez les photos, le Tribunal va regarder

2 ces photos. C'était pour vous épargner des souffrances inutiles, mais nous

3 allons regarder ces photos. Maître Cayley, demandez à l'huissier de

4 montrer ces photos.

5 Mme Pezer (interprétation). - Laissez-les regarder ces photos !

6 M. Cayley (interprétation). - Madame Pezer, c'est votre fils

7 Ahmed, n'est-ce pas ?

8 Mme Pezer (interprétation). - Oui. Qu'ils voient ceux qu'ils ont

9 tués ! C'était un entraîneur... Il entraînait des enfants croates aussi.

10 Ils l'aimaient beaucoup... Lorsque je venais le voir, ils le tiraillaient

11 par le pantalon en disant : "Regardez ! Regardez ! C'est notre

12 entraîneur !". Il avait une ceinture noire. Les enfants croates l'aimaient

13 aussi. Regardez ce qu'ils ont fait !...

14 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

15 que les trois pièces, c'est-à-dire 122, 123 et 124 -la vue aérienne, la

16 photo de la petite fille de Mme Pezer et celle de son fils Ahmed- soient

17 versées au dossier s'il n'y a aucune objection de la part du conseil de la

18 défense.

19 Merci beaucoup, Mme Pezer. Je suis désolé de vous avoir fait

20 subir tout cela.

21 Le témoin est maintenant disponible pour le contre-

22 interrogatoire.

23 M. le Président. - Madame, il convient maintenant que les

24 défenseurs du colonel Blascic s'expriment devant ce tribunal. C'est donc

25 un des avocats du colonel Blascic qui va vous poser un certain nombre de

Page 3880

1 questions. Nous referons une pause vers 16 h 10,16 h 15. Détendez-vous. Si

2 vous êtes trop souffrante, nous arrêterons à nouveau, comme vous l'avez

3 demandé.

4 Je passe maintenant la parole à Maître Nobilo.

5 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, je

6 n'ai que peu de questions mais peut-être n'est-ce pas la meilleure

7 ambiance possible pour que je commence mon contre-interrogatoire. Peut-

8 être pourrions-nous faire la pause maintenant. Cela me prendra à peine dix

9 minutes ensuite et cela donnera à Mme Pezer l'occasion de se reposer et de

10 se calmer un peu. Je n'ai que très peu de questions.

11 M. le Président. - Mme Pezer, pouvez-vous continuer un peu

12 encore ? Est-ce possible ?

13 Mme Pezer (interprétation). - Oui, je le peux.

14 M. le Président. - Maître Nobilo, nous allons essayer, aussi

15 bien les juges que vous-même, de terminer.

16 Maître Nobilo vous a dit qu'il avait très peu de questions.

17 Quant aux juges, je ne sais pas, je ne le leur ai pas demandé mais je

18 pense que cela ne devrait pas être très long. Vos difficultés prendront

19 fin à ce moment-là.

20 Maître Nobilo...

21 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

22 Madame Pezer, je m'appelle Anto Nobilo et je défends le

23 colonel Blascic. Je voudrais vous poser quelques questions.

24 Votre mari, feu M. Sefik Pezer, était-il membre de la Défense

25 territoriale ou de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

Page 3881

1 Mme Pezer (interprétation). - Non.

2 M. Nobilo (interprétation). - Avait-il un fusil ?

3 Mme Pezer (interprétation). - Oui, mais un fusil de chasse. Il

4 l'avait avant la guerre.

5 M. Nobilo (interprétation). - Avait-il un fusil militaire ?

6 Mme Pezer (interprétation). - Non.

7 M. Nobilo (interprétation). - Feu votre fils avait-il une arme

8 militaire, un fusil

9 militaire ?

10 Mme Pezer (interprétation). - Non.

11 M. Nobilo (interprétation). - Cette nuit-là, quand votre mari

12 est-il sorti et quand est-il revenu ?

13 Mme Pezer (interprétation). - Il est revenu à 1 heure.

14 M. Nobilo (interprétation). - Mais, jusque là, où était-il ?

15 Mme Pezer (interprétation). - Il était à l'extérieur.

16 M. Nobilo (interprétation). - Lorsqu'il est revenu, que s'est-il

17 passé ? Qu'est-il advenu de votre fils ?

18 Mme Pezer (interprétation). - Eh bien, mon fils est sorti parce

19 qu'il marchait autour de la maison.

20 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque les tirs ont commencé, où

21 était votre fils ?

22 Mme Pezer (interprétation). - Mon fils était dans sa chambre en

23 bas.

24 M. Nobilo (interprétation). - Je voudrais citer un extrait de

25 votre déclaration, déclaration que vous avez faite plutôt en croate à

Page 3882

1 l'enquêteur du bureau du Procureur. Pour que tous retrouvent cet extrait,

2 il s'agit de la page 2 de la déclaration. J'essaierai de la lire en

3 anglais. "Nous sommes rentrés chez nous et, de 11 heures jusqu'à 1 heure

4 du matin du 16 avril 1993, mon mari est sorti pour faire un tour de garde.

5 Sefik est venu à 1 h et a réveillé Ahmed qui est alors parti faire son

6 tour de garde jusqu'à 5 h 20."

7 Avez vous dit cela à l'enquêteur ? Est-ce exact ?

8 M. Pezer (interprétation). - Oui, c'est exact.

9 M. Nobilo (interprétation). - De même, dans votre déclaration,

10 je ne veux pas vous citer mais vous avez dit que votre mari avait pris une

11 arme semi-automatique, un fusil semi-automatique et était sorti. C'est ce

12 que l'on appelle les "pap" (?) en serbo-croate. C'est bien une arme

13 militaire, non ?

14 M. Pezer (interprétation). - Non, je n'ai pas dit cela.

15 M. Nobilo (interprétation). - De même, dans cette déclaration,

16 il est dit que votre fils, feu Ahmed, portait un M 48 qui était également

17 une arme militaire.

18 Mme Pezer (interprétation). - Nous avions cette arme avant la

19 guerre. Oui, nous avions ce M 48 dans la maison, avant la guerre, mais pas

20 pour faire la guerre.

21 M. Nobilo (interprétation). - Donc, il y avait deux armes, deux

22 fusils ?

23 Mme Pezer (interprétation). - Non, un seul.

24 M. Nobilo (interprétation). - D'où venait l'autre ? Votre fils

25 avait une arme semi-automatique. Ce n'est pas un M 48.

Page 3883

1 Mme Pezer (interprétation). - Non, nous avions un M 48.

2 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, votre mari était-il un

3 sous-officier de réserve de la JNA ?

4 Mme Pezer (interprétation). - Non, il n'était rien de tout cela.

5 C'était juste un homme ordinaire, qui faisait des tours de garde comme

6 tout le monde avec les Croates, un homme ordinaire.

7 M. Nobilo (interprétation). - Ces tours de garde étaient-ils

8 réguliers où était-ce quelque chose d'exceptionnel ce soir-là ?

9 Mme Pezer (interprétation). - Non, par la suite ils n'ont plus

10 voulu faire les tours de garde avec nous. Ils sortaient tout seuls. Ce

11 sont eux qui ont commencé à se séparer de nous.

12 M. Nobilo (interprétation). - Vous m'avez mal compris. Feu votre

13 mari et votre fils, faisaient-ils souvent des tours de garde ou des

14 patrouilles ou cela était-il quelque chose d’exceptionnel le 15 avril ?

15 Mme Pezer (interprétation). - Non, ils sortaient régulièrement

16 tous les soirs.

17 M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai plus de question, Monsieur

18 le Président, merci.

19 M. le Président. - Merci, Maître Nobilo. Je me tourne vers mes

20 collègues,

21 Monsieur le Juge Riad.

22 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Madame Pezer.

23 Mme Pezer (interprétation). - Bonjour.

24 M. Riad (interprétation). - Je voudrais juste vous poser

25 quelques questions afin d'éclaircir votre témoignage à mon intention.

Page 3884

1 Vous avez mentionné que vous avez vu à la télévision le

2 Général Blaskic avec Kordic. Vous vous souvenez avoir dit cela ?

3 Mme Pezer (interprétation). - Oui.

4 M. Riad (interprétation). - Vous l'avez vu de vos yeux ?

5 Mme Pezer (interprétation). - J'étais avec mon mari, Sefik, avec

6 Sulejman et son épouse.

7 M. Riad (interprétation). - Vous rappelez-vous ce qui s'est

8 produit, ce qui a été dit ? Est-ce que le Général Blaskic a dit quoi que

9 ce soit ? A annoncé quoi que ce soit ?

10 Mme Pezer (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas. Je me

11 rappelle que Dario Kordic a dit : "Mes soldats sont prêts, ils attendent

12 leurs ordres". Tihomir Blaskic était là assis à ses côtés.

13 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait un homme

14 le soir du 20, je crois, Ivica Vidovic qui montrait à un homme les maisons

15 musulmanes. Qui était cette personne ? Etait-ce un étranger ? Etait-il

16 l'un des habitants du village ? Qui était-il ? Que faisait-il ?

17 Mme Pezer (interprétation). - Ivica Vidovic montrait les maisons

18 à cet étranger. Je ne le connaissais pas. Mais je connaissais

19 Ivica Vidovic, "Jevdjo" comme nous l’appelions. Je l'ai vu avec cet

20 étranger. Il le guidait. Il lui montrait nos maisons. Une autre personne a

21 vu cela, mais elle a été tuée.

22 M. Riad (interprétation). - Que savez-vous d’Ivica Vidovic ? A-

23 t-il agi contre les

24 Musulmans où était-il hostile à la population bosniaque ?

25 Mme Pezer (interprétation). - Je ne sais pas, je ne le

Page 3885

1 connaissais pas. Je l'avais vu à ce moment-là. J'étais femme au foyer. Je

2 passais la plupart de mon temps à la maison. Je l'ai vu ce soir-là, mais

3 je ne suis jamais allée avec lui nulle part. Nous ne nous voyions pas

4 fréquemment. Je suis une femme au foyer. Je passe la plupart de mon temps

5 à la maison.

6 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu'à 5 H 30 du matin,

7 des balles incendiaires ont été tirées dans vos fenêtres. Est-ce que ceci

8 s'est produit dans les autres maisons ? Etait-ce une attaque généralisée

9 contre toutes les maisons ou bien a-t-on particulièrement visé votre

10 maison ?

11 Mme Pezer (interprétation). - Non, l'attaque a commencé contre

12 toutes les maisons. Dès qu'ils avaient encerclé une maison, ils

13 commençaient à tirer dessus.

14 M. Riad (interprétation). - Lorsqu'Ahmed a été tué en sortant,

15 ou lorsqu'il était dehors, portait-il une arme ? Ressemblait-il à

16 quelqu'un qui allait combattre ?

17 Mme Pezer (interprétation). - Non, il est allé se rendre. Il a

18 levé ses mains. On l'a touché directement dans la poitrine. Il est tombé

19 par terre.

20 M. Riad (interprétation). - Et votre mari, lorsqu'il a été

21 blessé à mort, combattait-il ? Comment était-il ?

22 Mme Pezer (interprétation). - Non, pas du tout.

23 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que sept personnes

24 avaient été tuées dans les maisons musulmanes. Comment ont-elles été

25 tuées ?

Page 3886

1 Mme Pezer (interprétation). - Oui, c'est exact. Je ne sais pas

2 comment elles ont été tuées. Mon mari a été blessé, il est resté au sol.

3 Les soldats du HVO que nous avons vus devant la maison de Sakib Pezer et

4 d'autres personnes, sont partis. Ils ont sans doute pris les jerricans

5 d’essence. Les soldats du HVO étaient aussi devant la maison d'Azemina.

6 Ils ont sûrement emmené avec eux ces jerricans d’essence et ont mis feu

7 aux maisons. Ils ont fait sortir mon mari

8 du garage et ils l'ont tué avec une balle dans la tête. Il y

9 avait des éclats de cerveau partout. CNN a filmé cette image. C'est ainsi

10 qu'il a été tué.

11 Après cela, ils ont tué son neveu Mustafa Pezer et sa femme

12 Azemina, puis ils en ont tué beaucoup d'autres. Son fils, Efadim,

13 Sakib Pezer et son fils, Maroudim (?) Pezer et deux des miens, Sefik et

14 Ahmed Pezer. C'étaient les trois maisons. Dans ces trois maisons, sept

15 personnes ont été tuées. Je les ai montrées sur la carte.

16 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu'ils avaient tué la

17 femme aussi ?

18 Mme Pezer (interprétation). - Oui, effectivement.

19 M. Riad (interprétation). - Vous avez mentionné également

20 Nadira Ahmic. Vous avez découvert qu'elle avait été tuée également. Vous

21 vous souvenez lorsque vous avez dit que Nadira avait été tuée ?

22 Mme Pezer (interprétation). - Oui, les femmes étaient tuées, les

23 enfants aussi, les bébés d'à peine trois mois dans leur berceau. Ils ne

24 faisaient aucune différence. Les jeunes femmes, les femmes plus âgées, les

25 hommes, tout ce qui était musulman était tué le 16 avril.

Page 3887

1 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.

2 M. le Président. - Madame, vous avez terminé votre témoignage.

3 Le Tribunal vous en remercie beaucoup.

4 Je voudrais simplement vous poser une question plus personnelle.

5 Si vous ne voulez pas y répondre, vous n’y répondez pas. Comment vivez-

6 vous en ce moment et où vivez-vous ?

7 Mme Pezer (interprétation). - Ils ont tué mon fils, ils ont tué

8 mon âme, ils ont brisé ma famille. J'espère que Dieu les punira. C'est au

9 Tribunal de les juger.

10 Je vis maintenant à Zenica. C'est la cinquième année. Je vis

11 avec cinq membres de ma famille, cinq femmes. Nous vivons plus ou moins.

12 Une de mes filles est mariée, j'en ai une autre avec moi. Nous vivons

13 ensemble. Ma belle-fille est partie avec ma petite fille. C'est notre vie.

14 M. le Président. - Le Tribunal vous remercie beaucoup. Il salue

15 votre courage, Madame. Il vous souhaite maintenant un avenir un peu plus

16 plein de paix et de sérénité. Merci.

17 Monsieur le greffier, peut-on faire raccompagner le témoin ?

18 Nous allons suspendre l'audience jusqu'à 16 heures 45.

19 L'audience, suspendue à 16 h 30, est reprise à 16 h 55.

20

21

22

23

24

25

Page 3888

1

2

3

4

5 Audition du Témoin H (témoin protégé)

6 M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer

7 l'accusé.

8 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

9 Témoin, je ne sais pas par quelle lettre, c’est "H" ?

10 M. Kehoe (interprétation). - Effectivement, Monsieur le

11 Président, Témoin H.

12 M. le Président. - Témoin H, on va vous notifier sur un papier

13 votre identité que vous n'allez pas prononcer à haute voix. C'est pour que

14 le Tribunal vérifie qu'il s'agit bien de vous. Vérifiez. D'accord ?

15 On va également vous permettre de rester assise pour lire votre

16 serment. L'huissier va vous tendre une feuille de papier sur laquelle vous

17 avez la transcription, dans votre langue, du serment. Vous allez prêter ce

18 serment. Nous vous écoutons.

19 Témoin H (interprétation). - Je déclare solennellement que je

20 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président. - Merci.

22 L'Interprète. - Monsieur le Président, la cabine anglaise

23 n'entend pas le témoin.

24 M. le Président. - Je pense qu'il y a un problème technique

25 avec le témoin. La cabine anglaise n'entend pas le témoin.

Page 3889

1 Monsieur Kehoe, entendez-vous vous-même ? Qui n'entend pas ?

2 M. Kehoe (interprétation). - ... (?).

3 M. le Président. - Répétez le serment. C'est sur le plan

4 technique. Cela ne vous dérange pas de le répéter ? C'est pour entendre

5 votre voix, pour savoir si la cabine l'entend.

6 Témoin H (interprétation). - Je déclare solennellement que je

7 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

8 L'Interprète. - La cabine française n'entend pas en direct.

9 M. le Président. - C'est-à-dire ?...

10 L'Interprète. - La cabine française entend la cabine anglaise,

11 mais n'entend pas le témoin.

12 M. le Président. - La cabine française n'entend pas le témoin.

13 Monsieur le Greffier, est-ce normal ? Peut-être pas ? Voulez-vous que nous

14 suspendions pendant 10 bonnes minutes pour essayer de tout régler ?

15 M. le Greffier. - Si vous permettez, je vais m'enquérir, prendre

16 quelques nouvelles et je reviens.

17 M. le Président. - Oui. Pas trop longtemps tout de même, vous

18 savez que le Tribunal n'aime pas rester... D'accord.

19 (Interruption de séance pour problèmes techniques.)

20 M. le Président. - On me dit que tout devrait fonctionner.

21 Témoin H, vous avez accepté de venir témoigner devant le

22 Tribunal pénal international. Les Juges vous en savent gré. Vous avez été

23 cité comme témoin par l'accusation. C'est donc M. le Procureur...

24 Vous n'entendez toujours pas ? Vous entendez ? Oui ?

25 M. Kehoe. - Oui.

Page 3890

1 M. le Président. - Vous m'inquiétez, vous dites "oui" et pas

2 "yes", cela m'inquiète ! Très bien.

3 Vous allez entendre les questions que va vous poser le

4 Procureur. Après le Procureur, ce sera bien entendu à l'un des avocats de

5 l'accusé de vous poser des questions. Détendez-vous bien. Vous êtes sous

6 la protection du Tribunal. Des mesures ont été prises à cet effet, qui

7 vous garantissent une totale sécurité.

8 Monsieur Kehoe, vous pouvez commencer à poser des questions à

9 votre témoin.

10 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,

11 Messieurs les Juges.

12 Bonjour, Témoin H.

13 Témoin H (interprétation). - Bonjour.

14 M. Kehoe (interprétation). - Quel âge avez-vous, Témoin H ?

15 Témoin H (interprétation). - J'ai quarante et un ans.

16 M. Kehoe (interprétation). - Témoin H, en novembre 1992, vous

17 êtes arrivée à Ahmici en provenance de la région de Travnik, n'est-ce

18 pas ?

19 Témoin H (interprétation). - En effet.

20 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez vécu à Ahmici de

21 novembre 1992 jusqu'aux événements qui ont eu lieu le 16 avril 1993,

22 n'est-ce pas ?

23 Témoin H (interprétation). - C’est exact.

24 M. Kehoe (interprétation). - Témoin H, vous êtes musulmane,

25 n'est-ce pas ?

Page 3891

1 Témoin H (interprétation). - Oui.

2 M. Kehoe (interprétation). - 'Lorsque vous êtes arrivée à Ahmici

3 en novembre 1992, êtes vous arrivée en compagnie de votre famille ?

4 Témoin H (interprétation). - Oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - Sans citer aucun nom, avec qui êtes

6 vous arrivée à Ahmici ? Quelles sont les personnes qui vous

7 accompagnaient ?

8 Témoin H (interprétation). - Je suis venue à Ahmici avec mon

9 mari et trois fils.

10 M. Kehoe (interprétation). - Avant que nous ne commencions,

11 Témoin H, nous avons tous les deux regardé une photographie aérienne du

12 village d'Ahmici, n'est-ce pas ?

13 Témoin H (interprétation). - Oui, c'est tout à fait vrai.

14 M. Kehoe (interprétation). - Vous m'avez aidé à déterminer

15 l'emplacement de certains lieux qui sont importants dans le cadre de ce

16 que vous allez dire, n'est-ce pas ?

17 Témoin H (interprétation). - Oui.

18 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, pour

19 avancer, je propose -sans

20 que nous ayons à mettre la carte sur le rétroprojecteur parce

21 que cela identifierait l'habitation du témoin- de donner un exemplaire de

22 cette carte aux conseils de la défense et aux juges, ce qui nous permettra

23 de suivre ce que dit le Témoin H sans avoir à placer quoi que ce soit sur

24 le rétroprojecteur.

25 M. le Président. - Oui, procédons comme cela.

Page 3892

1 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

2 les Juges, il s'agit d'un agrandissement de la pièce 50. Pour le compte

3 rendu, je précise, Monsieur le Greffier, qu'il s'agit de la pièce 123.

4 M. le Greffier. - Non, je pense que c'est la pièce 125.

5 M. Kehoe (interprétation). - Entendu. 125 donc.

6 Témoin H, il s'agit là d'une carte. C'est bien la carte sur

7 laquelle nous avons travaillé ensemble, n'est-ce pas ?

8 Témoin H (interprétation). - Oui.

9 M. Kehoe (interprétation). - Sur cette carte, quel est le

10 chiffre qui correspond à l'emplacement de votre maison ?

11 Témoin H (interprétation). - C'est la maison qui porte le

12 numéro 1.

13 M. Kehoe (interprétation). - Témoin H, nous sommes maintenant au

14 matin du 16 avril 1993. Veuillez raconter aux Juges, en utilisant vos

15 propres mots, ce qui est arrivé ce jour-là.

16 Témoin H (interprétation). - Le 16 avril, c'était un vendredi.

17 Nous étions en train de dormir et, subitement, nous avons été réveillés

18 par deux rafales de feu. Mon mari et moi-même, nous nous sommes levés.

19 Nous avons regardé par la fenêtre et nous avons vu que les maisons qui se

20 trouvaient dans le secteur de la mosquée étaient en train de brûler.

21 Nous sommes allés réveiller nos enfants et nous sommes descendus

22 à la cave. Nous y avons passé un certain temps et nous avons entendu des

23 bruits tout autour de la maison. La

24 maison était encerclée. Il y a eu des coups frappés à la porte.

25 Puis, ils ont tiré sur le verrou alors que mon mari allait ouvrir la

Page 3893

1 porte. Ils ont fait leur entrée, ils ont enfoncé la porte. Mon mari est

2 sorti. Mes enfants et moi-même nous sommes restés à la maison. Rapidement,

3 mon mari est revenu dans la maison et nous a dit d'en sortir. C'est ce que

4 nous avons fait. J'étais terrifiée, ce qui fait que je n'ai pratiquement

5 pas pu sortir tellement j'étais paralysée.

6 M. Kehoe (interprétation). - Je vous interromps un instant,

7 Témoin H. Alors que vous remontiez de la cave par les escaliers, avez-vous

8 entendu les soldats qui parlaient à votre mari ?

9 Témoin H (interprétation). - Oui, en effet. J'ai entendu ce que

10 mon mari disait. (expurgée).

11 (expurgée).

12 (expurgée).

13 M. Kehoe (interprétation). - (expurgée).

14 (expurgée).

15 Témoin H (interprétation). - (expurgée).

16 M. Kehoe (interprétation). - (expurgée).

17 (expurgée).

18 Témoin H (interprétation). - Oui. Oui, oui, c'était le cas.

19 M. Kehoe (interprétation). - C'était un combattant ? Quel était

20 son rôle dans l'armée ?

21 Témoin H (interprétation). - Non, ce n'était pas un combattant,

22 pas un soldat. Il travaillait comme cordonnier pour l'armée.

23 M. Kehoe (interprétation). - Témoin H, pourquoi votre mari

24 occupait-il ce poste de cordonnier ? Pourquoi n'était-il pas un

25 combattant ?

Page 3894

1 Témoin H (interprétation). - Sa santé ne lui permettait pas

2 d'être un soldat, de participer au combat.

3 M. Kehoe (interprétation). - De quelle maladie était-il

4 atteint ?

5 Témoin H (interprétation). - Il avait un ulcère.

6 M. Kehoe (interprétation). - Donc, vous-même et vos fils êtes

7 remontés de la cave, n'est-ce pas ?

8 Témoin H (interprétation). - (expurgée).

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée). Ils

13 pointaient des armes vers mon mari et mon fils. Et puis moi, ils m'ont

14 adressé la parole brutalement et ils ont dit qu'il fallait que je parte et

15 que j'emmène mes enfants avec moi. Moi, je voyais bien ce qui allait se

16 produire.

17 Comme dans un rêve, je me suis dit : "Mais nous n'avons rien

18 fait ! Ils vont simplement nous faire prisonniers". Mais ce n'est pas du

19 tout ce qui s'est passé. J'ai hésité mais je n'ai pas osé les regarder.

20 J'ai regardé devant moi, la tête baissée. Et puis, ils m'ont crié dessus.

21 Ils m'ont encore dit qu'il fallait que je m'en aille et que j'emmène les

22 deux enfants sinon ils allaient tous nous tuer. Mon fils le plus jeune m'a

23 tirée par la jupe et a dit : "Maman, on s'en va parce qu'il faut que toi,

24 tu puisses rester vivante au moins". J'ai commencé à m'éloigner avec mes

25 deux enfants et eux sont restés derrière. Je n'ai pas dû faire plus de

Page 3895

1 quinze mètres et là, j'ai entendu des coups de fusil. Je me suis

2 retournée : mon fils et mon mari dégringolaient dans les escaliers.

3 M. Kehoe (interprétation). - Souhaitez-vous faire une pause ?

4 Témoin H (interprétation). - Non.

5 M. Kehoe (interprétation). - Combien de soldats avez-vous vus

6 aux alentours de votre maison ?

7 Témoin H (interprétation). - Quinze environ.

8 M. Kehoe (interprétation). - Vous rappelez-vous quoi que ce soit

9 à propos de ces

10 soldats ?

11 Témoin H (interprétation). - Je me rappelle simplement qu'ils

12 avaient le visage couvert de peinture. Rien d'autre.

13 M. Kehoe (interprétation). - Après avoir vu votre mari et votre

14 fils être abattus, où êtes-vous allée ? Indiquez-nous sur la carte quels

15 ont été vos mouvements. Aidez les juges et indiquez sur la carte où vous

16 vous êtes déplacée à partir du point 1.

17 M. le Président. - Pour un tel témoignage comme celui-ci, je

18 suggérerai que le témoin fasse son récit comme il a envie de le faire.

19 Ensuite...

20 Il paraît que l'on ne m'entend pas. Personne ne m'entends ?

21 L'interprète. - La cabine française vous entend, Monsieur le

22 Président.

23 M. le Président. - La cabine anglaise n'entend pas. C'est

24 vraiment...

25 On ne m'entend pas mieux ? Vous m'entendez ? Ca y est ? Merci.

Page 3896

1 Je faisais une suggestion, maître M. Kehoe : peut-être le témoin

2 pourrait-il faire son récit spontanément, comme il a envie de le faire. Je

3 comprends, bien entendu, que vous ayez des questions à poser mais peut-

4 être poseriez-vous ensuite les questions qui doivent préciser le

5 témoignage. Qu'en pensez vous ?

6 Que préférez-vous faire, Témoin H ? Préférez-vous raconter votre

7 histoire ou répondre aux questions du Procureur ? Préférez-vous raconter

8 spontanément votre histoire ou être interrompue par les questions ? Il

9 faut que le Procureur vous pose des questions mais peut-être est-il plus

10 facile de raconter d'abord votre histoire. Que préférez vous faire ?

11 Témoin H (interprétation). - Je ne sais pas, c'est à vous de

12 décider.

13 M. le Président. - Continuez, Maître Kehoe, et essayez

14 simplement d'espacer vos questions quand vous pouvez. Voilà, nous

15 continuons.

16 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

17 peux tout à fait laisser le témoin s'exprimer librement et l'interrompre

18 lorsque je pense qu'il faut éclaircir tel ou tel

19 point.

20 M. le Président. - Merci.

21 M. Kehoe (interprétation). - Témoin H, poursuivez. Qu'est il

22 arrivé après que vous ayez vu votre mari et votre fils être abattus ?

23 Témoin H (interprétation). - (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 3897

1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée). Moi, je pleurais.

4 Nous avons poursuivi notre chemin. Les maisons que je pouvais

5 apercevoir étaient en flammes. Nous sommes arrivés à un tournant, sur la

6 route. Il y avait la maison de Esad Ahmic qui se trouvait là. Esad Ahmic

7 était juste à côté de sa maison, allongé sans mouvement.

8 M. Kehoe. - La maison d'Esad Ahmic figure-t-elle sur la carte ?

9 Témoin H (interprétation). - Oui.

10 M. Kehoe (interprétation). - Quel chiffre porte-t-elle ?

11 Témoin H (interprétation). - C'est le numéro 2.

12 M. Kehoe (interprétation). - Esad Ahmic était-il musulman ?

13 Témoin H (interprétation). - Oui.

14 M. Kehoe (interprétation). - Quel était son âge environ ?

15 Témoin H (interprétation). - Je crois qu'il avait 60 ans à peu

16 près. Je ne le connaissait pas vraiment.

17 M. Kehoe (interprétation). - Témoin H, poursuivez, je vous en

18 prie.

19 Témoin H (interprétation). - J'ai donc poursuivi mon chemin avec

20 mes enfants et je suis arrivée à la maison de Sulejman Ahmic. Je ne sais

21 pas s'il y avait quelqu'un à l'intérieur mais

22 en tout cas, la maison n'avait pas été incendiée. Nous sommes

23 entrés. D'abord, nous sommes arrivés à la porte et nous avons essayé de

24 l'ouvrir. Elle n'était pas fermée, elle était ouverte. Là, nous avons

25 trouvé deux femmes du village. L'une s'appelait Smaila et l'autre Raza. La

Page 3898

1 famille Kulas était là : Kemo Kulas, son frère Djevad, son fils Enes ;

2 leurs femme étaient là également : la femme de Kemo, Nisveta et la femme

3 de Javaz (?), Diba. Et puis, il y avait leur fille, la fille de Kemo,

4 Enesa. Il y avait également la soeur de Kemo, Zekija qui était handicapée

5 mentale ; on aurait dit une enfant. Elle n'a jamais grandi vraiment.

6 Quand nous sommes entrés, j'ai vu Kemo et son frère qui étaient

7 là et son fils, Enes. Je leur ai dit de s'enfuir parce que mon fils et mon

8 mari avaient été tués. J'ai soudain pris conscience du fait qu'ils étaient

9 en train d'abattre tous les hommes en âge de combattre. Kemo a dit : "Mais

10 où se cacher ?". J'ai dit : "Il faut absolument que tu trouves un endroit

11 où te cacher parce que, c'est sûr, ils vont arriver ici, la maison n'a pas

12 encore été incendiée". Je ne l'ai jamais vu depuis.

13 Moi, j'étais vraiment sous le choc. Je ne savais pas du tout

14 quoi faire. Je n'arrêtais pas de regarder la maison où j'avais vécu. Je

15 voulais simplement aller voir mon mari et mon fils. Je voulais voir s'ils

16 n'étaient pas encore vivants peut-être. (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 Elle n'arrivait pas à le croire. Elle m'a dit : "Dis-moi

24 que ce n'est pas vrai !". J'ai dit : "Mais c'est bel et bien vrai, mon

25 fils a été abattu et mon mari également".

Page 3899

1 Elle a commencé à hurler. A ce moment-là, je ne pouvais moi-même

2 plus pleurer. J'ai dit : "Il y a beaucoup de gens ici, des femmes, des

3 enfants". Une dame s'était assoupie. J'ai

4 dit à ma soeur qu'il fallait qu'elle essaie de trouver de

5 l'aide.

6 Voilà où s'est arrêtée notre conversation. Nous, nous sommes

7 restées. Nous savions que les soldats allaient revenir. Ils sont arrivés.

8 Ils ont fait leur entrée brutalement. L'une des femmes a dit : "Mais ce

9 n'est pas verrouillé, ce n'est pas fermé". Ils hurlaient : "Ouvrez,

10 ouvrez, où nous jetons une grenade à l'intérieur". Alors, elles ont

11 ouvert.

12 Ils ont demandé s'il y avait des hommes parmi nous. Une des

13 femmes qui se trouvaient là a dit : "Non, il n'y a que des femmes et des

14 enfants ici".

15 Ils nous ont dit de nous lever et de sortir aussi vite que

16 possible. C'est ce que nous avons fait. Nous sommes arrivés sur la route.

17 Deux soldats se trouvaient là. Ils nous ont dit : "Continuez, continuez".

18 Nous avons commencé à leur parler, à leur demander : "Où faut-il aller ?"

19 Ils nous ont dit : "Allez où vous voulez".

20 Nous avons emprunté la route qui, je crois, nous aurait conduit

21 à la mosquée d'Ahmici. Il y avait en tout quatre soldats qui se trouvaient

22 devant la maison. Ensuite, ils se sont scindés en deux groupes ; deux

23 d'entre eux sont allés d'un côté et les deux autres de l'autre.

24 Ces deux là qui allaient vers la mosquée, c'est-à-dire qui

25 allaient dans la même direction que nous, nous ont dit : "Mais où allez

Page 3900

1 vous ? Retournez d'où vous venez". Ils ont dit : "Ils vont se servir de

2 vous comme un bouclier humain si les balija commencent à nous tirer

3 dessus". Ils ont dit que si c'était le cas, nous serions abattues. Nous

4 les avons suivis.

5 Nous sommes arrivées dans le champ qui sépare deux bois, deux

6 forêts. C'était un champ long et étroit qui rejoignait la route

7 principale. Nous nous sommes assises. Nous avons commencé à parler. Eux,

8 riaient, parlaient de ce qu'ils devaient faire. Fallait-il qu'ils nous

9 tuent ? Fallait-il qu'ils nous libèrent ?

10 Puis, l'un d'entre eux a pris un lance roquettes et l’a pointé

11 vers le minaret de la mosquée. Mais il n’a pas tiré. Puis, il a reposé son

12 arme. L'un d'entre eux portait un grand couteau avec une poignée orange.

13 Il n'arrêtait pas de le lancer sur le tronc d'arbre. Ils riaient. Ils

14 bavardaient. Fallait-il qu'ils nous libèrent ? Fallait-il qu'ils

15 nous tuent ? Nous, nous ne disions rien.

16 Puis, cet homme que je ne connaissais pas moi-même, mais

17 Nisveta, la femme de Kemo, le connaissait. Ils sont arrivés à la maison de

18 Sulejman avant à Nadioci. Son surnom était "Rutko". Il a dit : "Voilà une

19 jolie fille". Il parlait de la fille de Nisveta. Enesa s'est levée. En

20 fait, elle portait sa tante qui était handicapée mentale. Il a demandé :

21 "Qu'est-ce qui se passe ?" Puis, la tante, à un moment donné, frappait des

22 mains, commençait à pleurer. Elle agissait vraiment comme une enfant. Ils

23 ont demandé : "Qu'est-ce qui ne va pas avec cette dame ?" Cette femme,

24 Nisveta a dit : "Vous voyez bien. Dieu l’a créée ainsi, elle est née comme

25 cela".

Page 3901

1 Enesa est restée debout pendant un instant. Elle s'est rassise.

2 Ils ne lui ont rien fait. Puis cette autre dame, Smaila, a dû le

3 reconnaître. Ce devait être un garçon du coin parce qu'elle lui a adressé

4 la parole. Elle lui a dit : "Dis-donc toi le jaune,( parce qu'il avait des

5 cheveux blonds), où est mon fils ?". Elle, vient d'Ahmici. Il a répondu :

6 "Il est dans le jardin de Dieu, il ramasse des fleurs" pour lui faire

7 comprendre que son fils Ivica avait été tué.

8 Elle n'a plus rien dit. Ils ont continué à bavarder, à se

9 demander ce qu'ils devaient faire de nous. Les deux femmes les plus âgées,

10 Razilia (?) et l'autre se sont adressées à ces hommes comme s'il

11 s'agissait de leur fils. Elles leur ont dit : "Ecoutez, vous avez des

12 armes, vous pouvez faire ce que vous voulez. Vous avez tué nos époux, nos

13 fils. Laissez nous partir, nous les femmes et les enfants".

14 Il a souri. Il a commencé à faire des allées et venues. Moi,

15 j'étais terrifié. J'avais peur qu'il aille se saouler quelque part, après

16 cela, qui pouvait dire ce qui allait nous arriver ? J'avais peur pour mes

17 enfants. Allait-il nous faire quelque chose d'horrible ?

18 Pendant que Rutko et Zuti sont partis, la situation a changé.

19 Les soldats, il y avait un groupe assez important dans la forêt à côté.

20 Les soldats ont commencé à parler entre eux et ont dit : "Pourquoi ne pas

21 les laisser partir ?" Ils nous ont dit : "Allez, partez". Nous nous

22 sommes levées, nous nous sommes mises en file les unes derrière

23 les autres. J'ai mis mes deux enfants devant moi parce que je ne croyais

24 pas qu'ils allaient nous laisser partir comme cela. Je m'attendais à ce

25 qu'ils nous tirent dessus à tout instant. Mais ce n'est pas arrivé.

Page 3902

1 M. Kehoe (interprétation). - Je vous interromps un instant,

2 Témoin H. Précédemment, vous avez parlé des soldats qui vous ont fait

3 sortir de la maison de Sulejeman Ahmic. Où se trouve cet emplacement sur

4 la carte, s'il vous plaît ?

5 Témoin H (interprétation). - Je n'ai pas très bien compris votre

6 question.

7 M. Kehoe (interprétation). - La maison de Sulejeman Ahmic

8 figure-t-elle sur cette carte ?

9 Témoin H (interprétation). - Oui, oui. C'est le numéro 3.

10 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que des soldats vous

11 avaient emmenés pour que vous serviez de boucliers humains. Qui vous a dit

12 que vous alliez être utilisés comme boucliers humains ?

13 Témoin H (interprétation). - Deux soldats, deux soldats que je

14 ne connaissais pas. Jamais je ne les avais vus auparavant. Il y avait

15 Rutko et Zuti. Je parlais de quatre soldats. Il y en avait deux qui

16 s'appelaient Rutko et Zuti.

17 M. Kehoe (interprétation). - Et Rutko, c'est lui qui vous a dit

18 que vous alliez être utilisés comme boucliers humains, vous les autres

19 femmes et les enfants ?

20 Témoin H (interprétation). - Je ne me souviens pas, vraiment je

21 ne me souviens pas.

22 M. Kehoe (interprétation). - Où vous a-t-on emmenés pour servir

23 de boucliers humains ? Voit-on ce lieu sur la carte ?

24 Témoin H (interprétation). - Oui. C'est le point indiqué par le

25 chiffre 4.

Page 3903

1 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien vous avez dit également

2 qu'il y avait une grosse formation de soldats dans ce secteur-là. C'est

3 exact, n'est-ce pas ?

4 Témoin H (interprétation). - Oui, oui oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de nos entretiens, vous

6 avez déclaré que ces soldats étaient tout le long de cette ligne qui se

7 trouve au-dessus du point 4. C'est exact, n'est-ce pas ?

8 Témoin H (interprétation). - Oui, tout le long de la ligne qui

9 court le long de la forêt.

10 M. Kehoe (interprétation). - Savez-vous combien de soldats se

11 trouvaient sur cette ligne auprès de la forêt ?

12 Témoin H (interprétation). - Comment dire ? Ils étaient très

13 nombreux. Tout ce que je peux dire, c'est qu'ils étaient très nombreux.

14 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque ces soldats vous ont dit

15 que vous alliez servir de boucliers humains, avez-vous vu des soldats de

16 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui leur tiraient dessus, qui ripostaient ?

17 Témoin H (interprétation). - Non.

18 M. Kehoe (interprétation). - En avez-vous vu ou pas du tout ?

19 Témoin H (interprétation). - Non, pas du tout.

20 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez déclaré que vous étiez

21 partis du point 4 et que vous étiez partis en ligne droite.

22 Témoin H (interprétation). - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Vers où vous êtes-vous dirigés ?

24 M. Kehoe (interprétation). - Nous avons commencé à marcher et

25 puis nous sommes arrivés à la maison numéro 1, la maison où je vivais

Page 3904

1 avant, où mon mari et mon fils ont été tués.

2 M. Kehoe (interprétation). - Et lorsque vous avez passé votre

3 maison, dans quel état était-elle ?

4 Témoin H (interprétation). - Ma maison était en train de brûler.

5 Elle était en train de s'effondrer de l'intérieur ; la structure en bois

6 était en train de s'effondrer. Elle était en train de brûler complètement.

7 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez continué votre chemin et

8 vous êtes arrivés à la route, n'est-ce pas ?

9 Témoin H (interprétation). - Non, en face de la maison numéro 1.

10 Il y avait un petit espace dégagé. Alors, en fait nous sommes abrités là,

11 nous nous sommes assis. Nous sommes restés là. Moi, je me suis levée

12 légèrement pour essayer de voir si je ne pouvais pas apercevoir mon mari

13 et mon fils. Mais les enfants ne me laissaient pas bouger ni les autres

14 femmes. J'ai essayé plusieurs fois. Nous n'avons pas passé beaucoup de

15 temps dans cet endroit. Une formation se dirigeait vers le point 5, une

16 formation de taille importante. Les hommes portaient des uniformes noirs.

17 Ils se dirigeaient en groupe de l'autre côté de la route pour se regrouper

18 dans la zone indiquée par le chiffre 4, pour retrouver la formation qui se

19 trouvait dans la forêt. Ils parlaient à voix haute : "Faut-il les

20 chasser ? Faut-il les tuer ?" Nous nous sommes abrités le plus possible.

21 Nous n'avons pas osé regarder. Nous nous attendions à ce qu'ils nous

22 tirent dessus, mais ce n'est pas arrivé. Ils ont continué leur chemin.

23 La formation a passé et a rejoint l'autre formation qui se

24 trouvait là au point 4.

25 M. Kehoe (interprétation). - Témoin H, les soldats de

Page 3905

1 l'emplacement 5 ont traversé la route et ont rejoint les soldats qui se

2 trouvaient sur la ligne au point 4. C'est bien cela ?

3 Témoin H (interprétation). - Oui.

4 M. Kehoe (interprétation). - Combien de soldats en uniforme noir

5 avez-vous aperçus ?

6 Témoin H (interprétation). - J'ai dit que je ne pouvais pas vous

7 donner un chiffre exact. Ils étaient très nombreux. Je ne peux pas vous

8 dire. Je n'en sais rien.

9 M. Kehoe (interprétation). - Bien.

10 Que s'est-il passé ensuite, Témoin H ?

11 Témoin H (interprétation). - Nous étions recroquevillés là. Ma

12 soeur avait demandé de l'aide. Sans doute avait-elle été voir la FORPRONU.

13 Certaines ont été capturées au point 4 et nous avons entendu les

14 ambulanciers venir chercher les blessés. Nous avons attendu que la

15 FORPRONU arrive et nous les avons interceptés, précisément à ce point-là,

16 près de la maison indiquée par le chiffre 1. C'est là que nous nous

17 trouvions, dans le tournant de la route. Nous leur avons raconté ce qui

18 s'était passé. Nous avons réussi à nous faire comprendre. Ils nous ont

19 indiqué avec leurs mains qu'ils allaient revenir, qu'il fallait que nous

20 les attendions. Ils sont partis et, étant donné que Travnik est à une

21 certaine distance, ils ont dû emmener d'abord des blessés et revenir. Nous

22 n'osions pas attendre plus longtemps parce que nous ne savions pas quel

23 sort allait nous être réservé. Nous nous sommes mises d'accord. Nous avons

24 commencé à marcher sur la route, prêtes à attendre que quoi que ce soit se

25 passe.

Page 3906

1 Nous avons suivi la route. Nous sommes arrivés à cet espace

2 dégagé près de la maison indiquée par le chiffre 1, où j'avais vécu. Je

3 voulais me retourner. C'est bien ce que j'ai fait. J'ai regardé. Mon fils

4 et mon mari étaient là. Ils gisaient dans les escaliers. Je me suis dit :

5 "Eh bien voilà, ils sont vraiment morts. Ils ont été tués". Mes enfants

6 ont vu cela.

7 Puis nous avons poursuivi et j'ai entendu une voix, la voix de

8 Mme Sena Imsirovic. Elle appelait. Sena Imsirovic. Elle nous a appelés.

9 Nous y sommes allés ensemble jusqu'à l'endroit où elle se tenait. Il y

10 avait Fikreta, la belle-mère de Mme Imsirovic. Je lui ai raconté tout ce

11 qui s'était passé. Je lui ai dit : "Fikreta, ils ont tué mon fils, Samir,

12 et mon mari". Et elle, elle a dit : "Ils ont tué mon Galib", son fils

13 unique. J'ai arrêté de dire quoi que ce soit parce que je me suis aperçu

14 que je n'étais pas la seule à traverser une telle tragédie.

15 Nous avons commencé à parler. Nous leur avons dit que la

16 FORPRONU était passée par là et qu'ils avaient promis de venir nous

17 chercher. Nous sommes restés là pendant quelque temps. Sena était avec ses

18 enfants, son fils Emir et sa fille Dzenana. Il y avait également

19 Vajida (?) qui était là, sa belle-fille et puis son fils Enver,

20 là aussi son fils unique. Nous avons passé un certain temps là et puis

21 nous avons entendu les véhicules de la FORPRONU qui arrivaient. Et nous

22 avons couru à leur rencontre. Nous les avons arrêtés. Nous n'allions pas

23 les laisser passer. Ils ont fait demi-tour. Il y avait 2 véhicules. C'est

24 ainsi que nous sommes montés dans les véhicules. Là, nous avons vraiment

25 commencé à pleurer, nous toutes les femmes. Voilà ce que j'ai à raconter.

Page 3907

1 M. Kehoe (interprétation). - Voulez-vous faire une pause,

2 Témoin H ? Est-ce que cela va ?

3 Témoin H (interprétation). - Non, je ne veux pas faire de pause.

4 M. le Président. - Il est 17 h 30. Vous savez qu'il n'y a pas

5 d'audience lundi. Nous ne reprendrons que mardi. Est-ce qu’il est possible

6 de savoir si vous avez encore beaucoup de questions à poser, si la défense

7 a beaucoup de questions à poser ?

8 M. Kehoe (interprétation). - J'ai encore quelques questions à

9 poser, Monsieur le Président, et j'en aurai terminé.

10 M. le Président. - Est-ce que la défense avait l'intention de

11 poser beaucoup de questions ?

12 M. Hayman (interprétation). - L'interrogatoire principal n'est

13 pas terminé, certes, mais je pense que nous n'avons pas beaucoup de

14 questions à poser au témoin. Je pense qu'il faudrait essayer de faire au

15 plus vite.

16 M. le Président. - Sur la suggestion de mes collègues et après

17 vous avoir entendus, nous allons essayer, Témoin H, de terminer ce soir.

18 Cela vous permettra de rentrer compte tenu qu'il y a le week-end. Nous

19 n'avons pas d'audience lundi. Nous allons essayer chacun d'aller au plus

20 vite. Maître Kehoe, allez-y.

21 Témoin H (interprétation). - Puis-je vous parler ? Je vous suis

22 reconnaissante de votre compréhension, vraiment et du fait que vous

23 vouliez essayer que nous finissions, parce

24 que, moi aussi, j'aimerais rentrer à la maison à cause de mon

25 fils qui va à l'école. Je vous remercie vraiment de tout coeur.

Page 3908

1 M. le Président. - Maître Kehoe, allez-y.

2 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

3 Témoin H, vous avez dit pendant votre témoignage que vous avez rencontré

4 Sena et Fikreta et leur famille. Les avez-vous rencontrées près de la

5 maison qui figure auprès du numéro 6 sur la carte ?

6 Témoin H (interprétation). - Oui. C'est la maison numéro 6.

7 M. Kehoe (interprétation). - La maison numéro 6 est une maison

8 qui est la propriété d'un Croate, n'est-ce pas ?

9 Témoin H (interprétation). - Oui.

10 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cette maison était

11 fermée à clef et vide ce matin-là ?

12 Témoin H (interprétation). - La maison était verrouillée et la

13 porcherie aussi, l'étable. Simplement, devant l'étable, il y avait un

14 petit espace ouvert et une pile de bois.

15 M. Kehoe (interprétation). - Et c'est sur la carte au niveau du

16 point 7 que vous avez été recueillie par la FORPRONU ?

17 Témoin H (interprétation). - Oui.

18 M. Kehoe (interprétation). - (hors micro.)

19 Monsieur le Président, encore une dernière pièce à conviction

20 qui nous permettra d'identifier un certain nombre de noms. Je demanderai

21 un huis clos partiel. Les photographies ne seront pas montrées sur le

22 rétroprojecteur. Nous en aurons fini.

23 M. le Président. - Je crois que la défense a opiné.

24 Session privée, Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

25 (L'audience se poursuit en huis clos partiel.)

Page 3909

1

2 (Huis clos partiel.)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 3910

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 3911

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (Fin du huis clos partiel.)

23

24

25

Page 3912

1

2

3

4

5

6 (L'audience reprend en séance publique.)

7 M. Nobilo (interprétation). - Bonsoir, je m'appelle Anto Nobilo

8 et mon collègue est Maître Hayman.

9 Témoin H (interprétation). - Bonjour.

10 M. Nobilo (interprétation). - Le 16 avril a eu lieu cette

11 terrible tragédie. Ce jour-là, avez-vous vu cet homme qui est là ?

12 Témoin H (interprétation). - Non.

13 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous comment il s'appelle ?

14 Témoin H (interprétation). - Oui, Blaskic, je sais.

15 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que quelqu'un a cité son

16 nom dans quelque contexte que ce soit ?

17 Témoin H (interprétation). - Non, je n'ai pas entendu.

18 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,

19 c'est la fin de mes questions.

20 M. le Président. - Je me tourne vers Maître Kehoe. Avez- vous

21 des questions complémentaires pour exercer votre droit de réplique ?

22 M. Kehoe (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

23 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues. Monsieur le

24 juge Riad, avez-vous des questions ?

25 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Témoin H.

Page 3913

1 Témoin H (interprétation). - Bonjour.

2 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi de ne pas vous appeler

3 par votre nom mais Témoin H. (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 Témoin H (interprétation). - Non, mon fils était mineur d'âge et

7 mon mari n'a pas participé aux combats, je l'ai déjà dit.

8 M. Riad (interprétation). - Vous nous avez indiqué qu'un soldat

9 vous avait dit que vous alliez servir de bouclier humain. Vous rappelez-

10 vous cela ?

11 Témoin H (interprétation). - Oui.

12 M. Riad (interprétation). - Il vous a dit que vous alliez servir

13 de bouclier humain. Avez-vous entendu parler de qui que ce soit qui aurait

14 été utilisé comme bouclier humain ? Est-ce arrivé à des gens que vous

15 connaissez ? Ont-ils été utilisés comme boucliers humains ?

16 Témoin H (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai raconté que

17 ce que j'ai vécu. Vous avez entendu mon histoire, mon témoignage. Ce que

18 j'ai ditaà vraiment eu lieu. Pour les autres, je ne pouvais même pas voir.

19 Je ne sais pas.

20 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

21 Témoin H (interprétation). - Merci à vous aussi.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Témoin H, une ou deux

23 questions simplement. Vous avez déclaré que vous aviez vu des soldats en

24 uniforme noir et qu'ils s'apprêtaient à effectuer leur jonction avec un

25 autre groupe de soldats.

Page 3914

1 Témoin H (interprétation). - Oui. Ils étaient en uniforme noir

2 et ils ont rejoint la formation qui se trouvait à l'endroit où nous avions

3 été arrêtés, au niveau du numéro 4.

4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Etiez-vous capable de

5 déterminer à quel groupe appartenaient ces soldats en uniforme noir ?

6 Avez-vous vu des insignes sur leurs épaules ou pouviez-vous le déterminer

7 d'après leur aspect extérieur ?

8 Témoin H (interprétation). - Non, je ne l'ai pas vu, et

9 d'ailleurs, je ne l'ai dit nulle part. J'étais vraiment en état de choc,

10 excusez-moi.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, tout à fait, tout à

12 fait. Pourriez-vous dire aux juges de la Chambre quel genre d'uniforme

13 portaient les soldats du premier groupe ?

14 Témoin H (interprétation). - Je suis incapable de me rappeler.

15 Non.

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que cet uniforme

17 était noir ou pas ? Je parle bien du premier groupe de soldats ?

18 Témoin H (interprétation). - Je ne sais vraiment pas quel aspect

19 avait leur uniforme mais pour le deuxième groupe, la formation qui a

20 traversé la route au niveau du numéro 5, l'uniforme était noir.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Eh bien, je vais vous

22 reposer ma question de la façon suivante. Les soldats du premier groupe

23 portaient-ils le même genre d'uniforme que les soldats du deuxième groupe

24 ou un uniforme différent ?

25 Témoin H (interprétation). - Je répète que je ne peux pas

Page 3915

1 répondre. Je ne me rappelle pas pour les soldats du premier groupe. Je ne

2 me rappelle pas quel uniforme ils portaient. Vraiment.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'accepte votre réponse et

4 je vous remercie.

5 Témoin H (interprétation). - Merci à vous également.

6 M. le Président. - Voilà, Témoin H, c'est terminé. Vous avez été

7 très courageuse et le Tribunal vous remercie beaucoup de votre témoignage.

8 Témoin H (interprétation). - Merci.

9 M. le Président. - Auriez-vous quelque chose à ajouter que vous

10 n'auriez pas dit et que vous auriez souhaité ajouter ?

11 Témoin H (interprétation). - Je ne sais pas quoi dire... Que la

12 Justice l'emporte. Tout ce qui me reste, c'est un chagrin à vie. Je

13 pleurerai mon fils toute ma vie. Mais je remercie tout de même Dieu de

14 m'avoir laissé mes deux autres fils, c'est une consolation. Et rien

15 d'autre. Que Dieu fasse que chacun paie. On paie pour le bien et pour le

16 mal. Rien d'autre.

17 M. le Président. - Merci. A présent, nous pouvons terminer

18 l'audience de ce jour.

19 Monsieur le Greffier, le Tribunal va se retirer et vous

20 assurerez, avec l'aide de

21 l'huissier, le retour dans ses foyers du Témoin H à qui nous

22 souhaitons de retrouver calme et sérénité. L'audience est levée. Elle

23 reprendra mardi matin à 10 heures.

24 L'audience est levée à 17 h 50.

25