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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
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5 Vendredi 20 février 1998
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9 L'audience est ouverte à 9 heures 20.
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11 M. le Président. - Asseyez-vous. Monsieur le greffier,
12 introduisez l’accusé.
13 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)
14 M. le Président. - Tout le monde m'entend ? Mes amis interprètes
15 sont prêts, reposés, en forme ?
16 Une interprète. - Bonjour, Monsieur le Président, et bon
17 anniversaire encore une fois.
18 M. le Président. - Nous allons donc reprendre l’audience.
19 Monsieur le Procureur où en sommes-nous pour terminer la semaine ? Nous
20 allons siéger jusqu’à 12 heures 30, délai. Combien avez-vous de témoins
21 encore ?
22 M. Harmon (interprétation). - A la fin de l'audition de ce
23 témoin, Monsieur le Président, il nous en reste deux autres. Par ailleurs,
24 nous avons une question à aborder brièvement avec le Tribunal qui porte
25 sur le problème des témoignages de ces trois témoins.
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1 M. le Président. - Allez-y. Tout d’abord, nous terminons le
2 témoin BB.
3 M. Harmon (interprétation). - Oui, tout à fait.
4 M. le Président. - Introduisez le témoin, s’il vous plaît.
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6 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)
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8 M. le Président. - Témoin BB, m’entendez-vous ? Etes-vous
9 reposé ?
10 Témoin BB (interprétation). - . Oui.
11 M. le Président. - Nous pouvons continuer ?
12 Témoin BB (interprétation). - Oui.
13 M. le Président. - Allons y, Monsieur le Procureur.
14 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Témoin BB.
15 Témoin BB (interprétation). - Bonjour.
16 M. Harmon (interprétation). - A la fin de l'interrogatoire
17 d'hier, vous aviez commencé à parler aux juges de votre arrivée au camp de
18 Kaonik. Cela se passait le 15 avril 1993.
19 Tout d’abord, je vous demanderai combien de temps vous êtes
20 resté dans le camp de Kaonik, du 15 avril jusqu'à quelle date ?
21 Témoin BB (interprétation). - Jusqu'au 19 juin.
22 M. Harmon (interprétation). - A votre arrivée au camp de Kaonik,
23 avez-vous découvert que le HVO avait arrêté tous les hommes musulmans du
24 village de Jelinak ?
25 Témoin BB (interprétation). - Dès que nous sommes arrivés dans
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1 le camp, nous avons constaté que s'y trouvaient déjà des habitants du
2 village de Jelinak. Peut-être pas tous les habitants du village, mais une
3 majorité.
4 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux juges ce qui
5 vous est arrivé, à vous et aux autres, après votre arrivée dans le camp de
6 Kaonik ?
7 Témoin BB (interprétation). - A Navigrad, comme je l’ai dit
8 hier, nous avons été fouillés. On nous a pris notre argent, nos objets en
9 or. Le lendemain, les habitants de Loncari sont arrivés, eux aussi ont été
10 fouillés. Au cours de la journée, des chauffeurs sont arrivés. Ils
11
12 conduisaient des camions d’aide humanitaire destinés à Maglaj et à Tesanj.
13 Il y avait six ou sept chauffeurs qui étaient travailleurs temporaires en
14 Suisse. Ils étaient revenus chez eux pour les vacances. On leur a été pris
15 beaucoup d’argent, pour une valeur de 30 à 40 000 marks à peu près. Ils
16 avaient aussi des objets en or, des montres en or. Tout leur a été pris.
17 On nous a pris aussi des vêtements, nos chaussures.
18 A la place, on nous a donné des vêtements usagés, de mauvaise
19 qualité. Si bien que si nous allions creuser des tranchées, même quand il
20 pleuvait, nous étions dans des conditions très mauvaises.
21 M. Harmon (interprétation). - Témoin BB, les objets de valeur
22 qui vous ont été confisqués vous ont-ils jamais été restitués ?
23 Témoin BB (interprétation). - Non.
24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce les soldats du HVO qui vous
25 ont pris ces objets de valeur ?
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1 Témoin BB (interprétation). - Oui.
2 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant vous
3 demander de vous concentrer sur le creusement des tranchées. Je demanderai
4 l'aide de l'huissier pour remettre au témoin, aux Juges et au conseil de
5 la défense la pièce à conviction 251.
6 Monsieur le Président, conseil de la défense, la pièce 251 est
7 une copie de la pièce à conviction 29/C. On y trouve l'emplacement de neuf
8 localités dans lesquelles le témoin a été forcé de creuser des tranchées.
9 Il décrira les travaux accomplis dans chacun de ces endroits. En annexe,
10 vous trouvez une explication de la légende qui identifie les localités en
11 question, dans l'ordre dans lequel le témoin en parlera au cours de sa
12 déposition.
13 Témoin BB, est-ce vous qui avez inscrit les signes distinctifs
14 (les marques figurant en vert) sur la pièce à conviction de l'accusation
15 numéro 251 ?
16 Témoin BB (interprétation). - Oui.
17
18 M. Harmon (interprétation). - Ces marques vertes représentent-
19 elles approximativement les endroits où vous avez été contraint de creuser
20 des tranchées ?
21 Témoin BB (interprétation). - Oui.
22 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu la possibilité de
23 lire la légende annexée à la pièce à conviction 251, de comparer les
24 numéros et les noms qui figurent dans la légende aux numéros qu'on trouve
25 sur la carte elle-même ?
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1 Témoin BB (interprétation). - Oui.
2 M. Harmon (interprétation). - Cette légende est-elle fidèle ?
3 Témoin BB (interprétation). - Oui.
4 M. Harmon (interprétation). - Témoin BB, le HVO vous a emmené
5 creuser des tranchées en plusieurs endroits. Je vous demanderai de dire
6 aux Juges, en utilisant vos propres mots, l'expérience que vous avez vécue
7 dans chacun de ces lieux. Je vous demanderai, dans votre narration,
8 d’indiquer qui vous a emmené creuser ces tranchées, qui vous gardait
9 pendant que vous creusiez des tranchées, si vous vous êtes trouvé sur les
10 lignes de front pendant les combats ou à une époque proche des combats,
11 quelle nourriture on vous donnait, combien de temps vous y êtes resté,
12 quelles étaient les conditions générales dans lesquelles vous viviez
13 lorsque vous creusiez ces tranchées ?
14 Pouvez-vous dire, aux Juges, en vous fondant sur les marques
15 figurant sur la pièce à conviction, quelle a été votre expérience ?
16 M. le Président. - Très bien, Mark Harmon, continuez, c'est
17 comme cela qu'il faut que vous posiez vos questions. Allez-y, Témoin BB,
18 essayez de répondre avec précision à tout ce que demande le Procureur.
19 Témoin BB (interprétation). - Dès le deuxième ou le troisième
20 jour qui a suivi notre arrivée dans le camp, nous avons été emmenés à
21 Bare. Un forestier est arrivé, je pense qu'il était forestier de métier,
22 mais je ne connais ni son nom ni son prénom. On nous a fait
23
24 monter dans un véhicule de grande taille, de marque Raba. On nous a emmené
25 devant l’école de Bare où on nous a dit qu'on allait nous donner à manger.
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1 En fait, un pain de 400 grammes environ a été distribué pour quatre
2 personnes à peu près.
3 Après quoi, on nous a emmenés dans la direction du village de
4 Rovna, vers Kovacevac. Kovacevac était déjà tombé sous le contrôle des
5 Croates. Lorsque nous sommes arrivés sur place, les deux soldats croates
6 qui nous escortaient se sont mis à l'abri et les coups de feu ont
7 commencé.
8 Nous avons cherché à nous abriter, mais ils nous l'ont interdit.
9 Ils ont dit : “ Ne vous enfuyez pas, les vôtres ne vous tuerons pas. ”
10 Ramo Zlatagic et Sunulpacis Salih ont été tués. Ramo a reçu une
11 balle dans le cou et Salih dans la tête. Les coups de feu ont duré dix à
12 quinze minutes puis se sont arrêtés, et on nous a emmenés plus loin.
13 Mais quand nous sommes arrivés à l'endroit d’où provenaient les
14 coups de feu, nous y avons trouvé un très grand nombre de soldats du HVO.
15 J'en ai conclu que c'était eux qui avaient tiré sur nous parce qu'après, à
16 l'endroit où on nous a emmenés pour creuser des tranchées, il n'y avait
17 plus aucun coup de feu.
18 Nous avons dû creuser, nous y avons passé un certain temps.
19 Après quoi on nous a emmenés dans un autre lieu, toujours dans le village
20 de Bare, mais plus vers le bas du village de Rovna. Là aussi, nous avons
21 creusé des abris souterrains et des tranchées.
22 Je creusais un abri souterrain et j'y ai rencontré un soldat qui
23 portait l'insigne du HVO. Quand j'ai demandé de l'eau, parce que j'avais
24 soif, je me suis levé et il m'a frappé dans le dos avec la crosse de son
25 fusil, en me disant de continuer à creuser. Je l'ai fait, c'était pénible,
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1 mais je ne pouvais pas faire autrement.
2 M. Harmon (interprétation). – Permettez-moi de vous poser
3 quelques questions rapides pour que les choses soient tout à fait claires
4 s'agissant de ce qui s'est passé à Bare : êtes
5
6 vous allé à Bare une ou plusieurs fois ?
7 Témoin BB (interprétation). - Je ne me rappelle pas exactement.
8 Il est possible que j'y sois allé une ou deux fois.
9 M. Harmon (interprétation). – Vous dites que vous y êtes allé,
10 mais étiez-vous en compagnie d'autres Musulmans et si oui, combien
11 d'autres Musulmans sont allés avec vous creuser des tranchées ?
12 Témoin BB (interprétation). -Quand je suis allé creuser des
13 tranchées, il n'y avait avec moi que des habitants du village de Jelinak
14 et quelques habitants du village de Loncari.
15 M. Harmon (interprétation). – Combien de Musulmans se trouvaient
16 avec vous lorsque vous creusiez des tranchées ?
17 Témoin BB (interprétation). - Trente.
18 M. Harmon (interprétation). – Quelle âge avaient ils ?
19 Témoin BB (interprétation). - De dix huit à cinquante ou
20 soixante ans à peu près.
21 M. Harmon (interprétation). – Ils étaient tous Musulmans, c'est
22 bien cela ?
23 Témoin BB (interprétation). - Oui.
24 M. Harmon (interprétation). – Très bien. J'aimerais maintenant
25 vous demander de vous concentrer sur le deuxième emplacement inscrit sur
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1 la carte, qui est identifié dans la légende sous le nom de Kula. Pouvez-
2 vous dire aux juges ce que vous avez vécu à Kula lorsque vous êtes allé
3 creuser des tranchées ?
4 Témoin BB (interprétation). - Je ne peux pas vous dire
5 exactement combien de fois on nous a emmenés à Kula, mais nous y sommes
6 allés à plusieurs reprises pour creuser. Le deuxième emplacement où on
7 nous a emmenés a donc été Kula, comme vous venez de le dire.
8 Là aussi, il a fallu creuser beaucoup. Nous avions déjà les
9 mains en sang, pour ainsi dire, parce que nous n'avions pas de gants. Les
10 conditions étaient vraiment très mauvaises, la nourriture était nulle, on
11 ne recevait qu'une mince tranche de pain et une espèce de liquide très
12
13 clair qu'ils appelaient pourtant une soupe, mais pour moi ce n'était pas
14 de la soupe. C'est avec une telle alimentation qu'il fallait réussir à
15 creuser tout en subissant toutes sortes d’insultes.
16 La première fois que nous y sommes allés, nous y avons passé une
17 nuit, un jour. Au deuxième voyage déjà, nous sommes restés plus longtemps,
18 quatre ou cinq jours.
19 Jour et nuit, nous creusions avec des pauses de très courte
20 durée, qu'ils appelaient du repos. Mais ce n'était pas du repos, c'était
21 simplement suffisant pour jeter un coup d'oeil autour de soi. Ensuite, il
22 fallait reprendre et continuer à creuser.
23 Comme je l’ai dit, il y a eu plusieurs voyages. Mais entre-
24 temps, on nous a aussi emmenés dans d'autres lieux. Dans mon souvenir,
25 c’est Kula que je suis allé le plus souvent.
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1 M. Harmon (interprétation). - Dites-nous combien de travailleurs
2 forcés sont allés avec vous jusqu'aux lignes de Kula ?
3 Témoin BB (interprétation). - Ils nous ont emmenés à trente,
4 parfois même à quarante. Quelquefois, on y trouvait aussi des habitants de
5 Busovaca. Un jour, quand je suis arrivé à l'endroit où je devais creuser,
6 j'ai trouvé trois hommes de Busovaca. Nous y avons trouvé aussi des gens
7 de Skradno qui, eux aussi, ont été amenés à cet endroit pour creuser. Ils
8 étaient aussi peu nourris, mais certains habitants de Skradno avaient tout
9 de même eu la possibilité d'emporter quelque nourriture avec eux.
10 M. Harmon (interprétation). - Les hommes qui étaient forcés de
11 creuser des tranchées à Kula étaient-ils des Musulmans civils ?
12 Témoin BB (interprétation). - Oui.
13 M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous vous trouviez à
14 Kula, y avait-il des lignes de confrontation à Kula même ou dans les
15 environs proches ?
16 Témoin BB (interprétation). - Kula se trouve exactement sur la
17 ligne de front, c'est là que nous creusions. Notre objectif était en fait
18 d'enterrer, si je puis dire, les soldats du HVO pour les protéger des
19 coups de feu.
20
21 M. Harmon (interprétation). - Les hommes qui creusaient des
22 tranchées, ces civils, étaient exposés aux coup de feu provenant des deux
23 camps ?
24 Témoin BB (interprétation). - Oui.
25 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant que vous
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1 disiez aux juges, si vous le pouvez, comment les représentants de la
2 FORPRONU sont arrivés à Kula et ce que vous-même et les autres hommes qui
3 creusiez les tranchées avaient fait à ce moment-là.
4 Témoin BB (interprétation). - Quelle route nous avons suivie
5 pour aller à Kula, exactement, je ne le sais pas. En tout cas, nous avons
6 commencé creuser et tout d'un coup, des coups de feu ont commencé de tous
7 les côtés. A ce moment-là, j'avais un peu perdu la tête, mais j'ai tout de
8 même remarqué des soldats croates qui étaient blessés. Nous avons entendu
9 aussi le bruit d'une moto. J'ai regardé autour de moi et, un peu plus
10 loin, j'ai vu des transports de troupes de la FORPRONU qui se dirigeaient
11 précisément vers Kula.
12 A ce moment-là, les soldats croates nous ont ordonné de rentrer
13 dans un petit bois qui se trouvait à cet endroit. Mais les coups de feu
14 venaient de partout. A mon avis, tout le monde tirait à ce moment-là, et
15 le HVO et les Musulmans. Ces derniers évidemment tirant dans la direction
16 des lignes croates. Nous, nous étions sur ces lignes-là.
17 L’un des soldats du HVO nous a dit que le commandant Sefer
18 Halilovic arrivait pour passer en revue les troupes sur la ligne. Je ne
19 connaissais pas personnellement cet homme et je ne l'ai pas vu arriver,
20 mais j'ai vu que les transports de troupes et les véhicules de la FORPRONU
21 se sont arrêtés sur place.
22 Les coups de feu ont alors cessé, soudainement. Quand la
23 FORPRONU est repartie, nous avons continué à creuser. On nous a ramenés à
24 l'endroit où nous creusions au départ.
25 M. Harmon (interprétation). - Donc en fait, on vous a cachés
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1 des regards des représentants de la FORPRONU lorsque vous étiez à Kula.
2 C'est bien cela ?
3 Témoin BB (interprétation). - Oui.
4
5 M. Harmon (interprétation). - Très bien. Je vous demanderai
6 maintenant de parler du troisième emplacement figurant sur la légende, à
7 savoir Podjele. Pouvez-vous dire aux juges ce que vous avez vécu quand
8 vous êtes allé creuser des tranchées à Podjele ? Qui vous gardait ?
9 Combien d’hommes ont été emmenés creuser les tranchées ? Qui vous y a
10 emmenés ? Etait-ce une zone de combat ?
11 Témoin BB (interprétation). - Un homme de Kotovaroc qui était
12 installé dans le village de Podjele est venu nous chercher ce jour-là. Il
13 a choisi une trentaine d'entre nous et nous a emmenés jusqu'au village de
14 Podjele. A notre arrivée, il nous a ordonné de nous mettre en rang et de
15 tendre les mains vers l'avant en écartant les doigts et en relevant nos
16 manches jusqu'au coude. Il nous a sans doute donné cet ordre pour voir si
17 nous avions sur nous quelque objet de valeur (montre, bague ou autres
18 objets de valeur).
19 Après quoi, il nous a ordonné de sortir tout ce que nous avions
20 dans nos poches. Nous n'avions rien dans nos poches. Moi, j'avais un
21 pantalon qui n'avait pas de poches et ce Zare m'a dit : “Retourne tes
22 poches”. J'ai dit que je n'avais pas de poches sur mon pantalon. Il a
23 rétorqué : “Retourne tes poches ou je te tue”. Je ne pouvais rien faire.
24 Il tenait son fusil sur moi et me visait avec son fusil.
25 A ce moment-là, j'ai entendu : “Tire”. Je ne sais même plus ce
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1 qui s'est passé, je ne savais plus si j’étais vivant ou mort. La seule
2 chose dont je me rappelle, c'est que je suis tombé.
3 Au bout de quelques minutes, j'ai recommencé à entendre des
4 voix. C'est seulement à ce moment-là que j'ai vraiment su que j'étais
5 toujours en vie, mais je sais que je ne voyais plus rien. Au moment où le
6 coup de feu a été tiré, la balle est en fait passée entre mes pieds. Nous
7 étions sur un chemin caillouteux, si bien que la balle a fait sauter des
8 cailloux. J'ai tout de même été blessé aux mains. Je crois que c'était une
9 balle à fragmentation. J'avais des éclats dans les mains. De mes lèvres,
10 un fragment de quelque chose est aussi sorti plus tard. Je ne sais pas ce
11 que c'était exactement.
12 Après cela, cet homme nous a donné l'ordre de nous rendre à
13 l'endroit précis où nous devions creuser des tranchées. C'est un endroit
14 qui se trouve face au village de Merdani. Il a déclaré que si je bougeais
15 d'un pouce, il fallait me tuer. Un des nôtres a essayé de m'aider à
16 marcher. Qui était-ce exactement ? Je ne le sais pas, mais j'ai
17 simplement entendu ce soldat dire : "Laissez le marcher, il peut marcher
18 tout seul".
19 Quand j'ai entendu cela, j'ai essayé de bouger. J'ai su à la
20 voix que mon frère se trouvait devant moi. J'ai donc mis ma main sur son
21 épaule et c'est comme cela que j'ai pu avancer.
22 Nous avons marché. Toujours plus près de l'endroit où nous
23 devions creuser en sortant du village, il avait un certain Moller dont je
24 ne me rappelle pas le nom de famille. Son frère, Hrvoje, travaillait avec
25 moi. Ils nous ont amenés à l'endroit où nous étions sensés creuser. J'ai
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1 été protégé , défendu par Hrvoje et son frère qui mon mis un peu à l'abri
2 sur le côté.
3 Je ne voyais plus rien à cause du sang qui me coulait sur le
4 visage. Il n'y avait pas d'eau pour se laver, alors je me suis un peu
5 reposé pendant 10 ou 15 minutes. J'ai essayé de nettoyer le sang avec mes
6 mains, je me suis senti un tout petit peut mieux. De moi-même, je suis
7 donc allé creuser.
8 Eux m'ont dit : "Non, ne creuse pas". Seulement, je me souvenais
9 de ce qu'avait dit Zare. Il avait dit que si je m'écartais d'un pouce, on
10 me tuerait. Il y avait des gardes. J'ai donc creusé. Là encore, nous
11 étions une trentaine. Le nombre exact, je ne peux pas vous dire car nous
12 n'avions jamais la possibilité de compter.
13 M. Harmon (interprétation). - Les trente personnes amenées pour
14 creuser les tranchées avec vous, étaient-ils tous des Musulmans et des
15 civils ?
16 Témoin BB (interprétation). - Oui.
17 M. Harmon (interprétation). - Zare était-il un membre du HVO ?
18 Si c'est le cas, comment le savez-vous ?
19
20 Témoin BB (interprétation). - Oui. Il avait des insignes sur sa
21 manche, des insignes du HVO. Pour autant que je sache, ils étaient de
22 Kotor Varos. Ils s'étaient réfugiés dans le village de Podjela qui était à
23 majorité serbe. Il était peuplé de Serbes auparavant.
24 M. Harmon (interprétation). - Les personnes qui vous gardaient
25 pendant que vous creusiez des tranchées étaient-elles des membres du HVO ?
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1 Témoin BB (interprétation). - Veuillez répéter la question.
2 M. Harmon (interprétation). - Les gens qui vous gardaient
3 pendant que vous creusiez des tranchées à Podjele étaient-ils des soldats
4 du HVO ?
5 Témoin BB (interprétation). - Oui.
6 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous reçu de la nourriture
7 cette fois, lorsque vous creusiez des tranchées à Podjele ?
8 Témoin BB (interprétation). - Cette fois-là, nous n'avons pas
9 reçu de nourriture du tout. Cette personne, son nom de famille était
10 Moller, je ne connais pas son prénom. Je sais qu'il est parti, il nous a
11 dit qu'il avait volé quelque chose mais il ne s'agissait que de quelques
12 fruits sucrés. De toute façon, on ne pouvait même pas manger cela, à mon
13 avis cela nous aurait donné envie de vomir. C'est pour cela que je n'en
14 est pas mangé. Certains ont mangé un peu. Après, on a reçu seulement des
15 biscuits, ils étaient emballés dans des boîtes de conserves d'environ
16 5 kilos.
17 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous dites "après", vous
18 parlez d'une autre fois où vous êtes allé à Podjele pour creuser des
19 tranchées avec les autres.
20 Témoin BB (interprétation). - Oui, c'était une autre fois, quand
21 nous sommes partis de nouveau à Podjele.
22 M. Harmon (interprétation). - Combien de fois êtes-vous allé à
23 Podjele pour creuser les tranchées ?
24 Témoin BB (interprétation). - Trois ou quatre fois. Une fois,
25 nous sommes allés ailleurs, sur la route entre Kaonik et Podjele, près
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1 d'un pont de chemin-de-fer.
2 M. Harmon (interprétation). - Témoin BB, à chaque fois que vous
3 êtes allé à Podjele pour creuser des tranchées, étiez-vous escorté, étiez-
4 vous en compagnie d'un grand nombre de civils musulmans ?
5 Témoin BB (interprétation). - Oui.
6 M. Harmon (interprétation). - A chaque fois, lorsque vous êtes
7 allé à Podjele, est-ce le HVO, les soldats du HVO, qui vous y ont amené et
8 qui vous ont gardé sur place ?
9 Témoin BB (interprétation). - Oui.
10 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous êtes allé à Podjele,
11 avec votre groupe d'une trentaine de Musulmans, lorsque vous y êtes
12 arrivé, avez-vous trouvé sur place d'autres Musulmans déjà en train de
13 creuser les tranchées ?
14 Témoin BB (interprétation). - Non, mais une fois, un groupe a
15 pris la relève. Eux aussi étaient des personnes de la caserne. Nous étions
16 sur place, et eux étaient environ 30 à 35. Ils sont venus nous remplacer
17 et on nous a ramenés. Mais nous n'avons pas pris la relève de quelqu'un
18 d'autre.
19 Cette fois-ci, lorsque l'autre groupe est arrivé, ils ont
20 continué à travailler là où nous avions travaillé. Nous nous avons
21 continué notre travail ailleurs.
22 M. Harmon (interprétation). - Je souhaiterais, Monsieur le
23 Témoin, que vous parliez de la location n° 4 et de votre expérience à
24 Carica.
25 Témoin BB (interprétation). - En ce qui concerne Carica, il y
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1 avait deux autres sites, deux autres locations près de Carica, mais je ne
2 sais pas quels étaient leurs noms. A Carica, ils nous ont dit de creuser
3 les tranchées en forme d'étoile, même si je n'ai jamais entendu parler de
4 cette sorte de tranchées ; je n’ai pas réussi. Par la suite, ils nous ont
5 donné pour instruction de creuser des tranchées normales.
6 M. Harmon (interprétation). - Combien de personnes
7 approximativement se trouvaient à Carica ?
8
9 Témoin BB (interprétation). - Toujours à peu près le même nombre
10 de personnes. Lorsque j'y allais, peut-être était-ce différent parfois,
11 mais avec moi il s'agissait toujours de groupes d’environ trente
12 personnes.
13 M. Harmon (interprétation). - S'agissait-il toujours de civils
14 musulmans ?
15 Témoin BB (interprétation). - Oui, tous les prisonniers, de
16 toute façon, étaient Musulmans.
17 M. Harmon (interprétation). - La région de Carica était-elle une
18 région où il y avait des combats ?
19 Témoin BB (interprétation). - Non, pas vraiment. Il y avait
20 plutôt quelques provocations. Fuad Fikret, dont le surnom était « Hodza »
21 a été blessé. Il était de Tesanj. Je ne suis pas sûr de son nom et de son
22 prénom, mais je sais que son surnom était « Hodza ». Lui aussi a été amené
23 à la caserne, ainsi que les autres, mais ils n'ont reçu aucun soins
24 médicaux. On leur a juste placé des bandages sur les plaies. C’est tout.
25 M. Harmon (interprétation). - Les trois autres personnes qui ont
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1 été blessées étaient des Musulmans, est-ce exact ?
2 Témoin BB (interprétation). - Oui.
3 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous raconter aux Juges
4 votre expérience à Strane ?
5 Témoin BB (interprétation). - Lorsque nous sommes allés à
6 Strane, encore une fois c’était des groupes d'environ trente personnes. En
7 nous y rendant, un Musulman a été tué. Nous étions emprisonnés ensemble,
8 je ne connais pas très exactement son prénom et son nom, je sais qu'il
9 était de Tesanj. C'était un entrepreneur, il avait deux voitures de marque
10 Mercèdes. Il avait quatre enfants et une femme. Il avait beaucoup de
11 terres. Tout cela, je l'ai appris par un de ses voisins emprisonné avec
12 nous.
13 Par la suite, je pense avec l'accord de la Croix-Rouge, ce même
14 voisin a transporté
15
16 son cadavre à Tesanj.
17 Cette fois-ci, nous creusions les tranchées et deux abris
18 souterrains tournés vers Merdani et le village de Putis. Je me rappelle
19 que j'y suis allé une seule fois. Après, on ne m'a plus amené à Strane.
20 Comme je l'ai déjà dit, nous étions environ trente. Si nous avions été
21 trente à nous rendre, nous sommes revenus vingt-neuf, étant donné que l'un
22 de nous a été tué.
23 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous étiez à Strane, avez-
24 vous vu des soldats avec des talkie-walkie ?
25 Témoin BB (interprétation). - Oui, j'en ai vu un. Je ne sais pas
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1 s'il était commandant ou pas mais, mais c'est possible car d'après mes
2 informations, les soldats simples ne pouvaient pas en avoir.
3 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu aussi des walkie-
4 talkie à Bare ?
5 Témoin BB (interprétation). - Oui. Un certain Sumar avait un
6 talkie-walkie avec lui.
7 M. Harmon (interprétation). - Je souhaiterais que nous parlions
8 du lieu n° 6, Kuber. Pourriez-vous dire aux Juges quelles ont été vos
9 expériences à Kuber ?
10 Témoin BB (interprétation). - En ce qui concerne Kuber, on nous
11 a amenés là-bas cinq ou six fois, je ne suis pas tout à fait sûr du nombre
12 de fois. Nous y allions seulement la nuit. Nous rentrions avant le matin,
13 étant donné que pendant le jour, il s’y déroulait des combats assez
14 importants. Si on creusait des tranchées pendant une nuit, la nuit
15 suivante on creusait des tranchées à une distance d’environ 100 mètres de
16 là.
17 Nous étions très épuisés mais il fallait continuer parce qu'ils
18 étaient fâchés, en colère, ils étaient sévères avec nous. Je ne sais pas
19 comment vous le dire, mais c'était un traitement inhumain. Ils se
20 mettaient à nous insulter, à jurer, je ne sais pas s'ils frappaient
21 certains. Moi-même, je n'ai pas été frappé.
22 M. Harmon (interprétation). – Pourriez-vous maintenant parler de
23 vos expériences
24
25 à Loncari, lieu n° 7 sur la pièce à conviction de l'accusation n° 251 ?
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1 Témoin BB (interprétation). - En ce qui concerne Loncari, on
2 nous a emmenés au-dessus du village. Il y avait là une chapelle serbe et
3 c'était leur emplacement le plus important. Il y avait toute une série
4 d'abris souterrains, les uns a côté des autres, reliés par des tranchées.
5 Nous y sommes allés une ou deux fois.
6 Encore une fois, nous étions tous Musulmans. Il s'agissait d’un
7 groupe d'environ trente personnes. Je ne sais pas qui était le commandant,
8 plusieurs personnes s'adressaient à nous et je ne peux pas vous dire
9 exactement qui était le commandant. Par la suite, j'ai entendu qu'il y
10 avait un certain Cicko. Je ne sais pas qui c'est, on m'a dit qu’il était
11 de Vitez.
12 M. Harmon (interprétation). – Je souhaiterais vous demander
13 comment vous êtes allés à Loncari avec votre groupe de prisonniers ? Y
14 êtes-vous allés à pied ou avez-vous été transportés en véhicule ?
15 Témoin BB (interprétation). - Nous avons été emmenés dans une
16 grande voiture, mais nous avons été laissés au-dessous du village et le
17 reste du chemin nous l'avons fait à pied.
18 M. Harmon (interprétation). – Lorsque vous êtes allés creuser
19 les tranchées dans le village de Strane, étiez-vous à pied lorsque vous
20 avez fait le chemin entre le camp et Strane ?
21 Témoin BB (interprétation). - Une voiture nous emmenait jusqu'à
22 la fin de la route principale et le reste du chemin, on le faisait à pied.
23 M. Harmon (interprétation). – Merci. Pourriez-vous dire quelque
24 chose aux juges concernant le lieu n° 8, le camp de Kaonik, et tout
25 d'abord comment vous êtes arrivé à cet endroit où vous creusiez les
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1 tranchées, où vous faisiez des travaux forcés ?
2 Témoin BB (interprétation). - Nous y avons été emmenés pour
3 participer à la construction d'un pont. On était environ six ou sept à le
4 faire. Auparavant, un pont de chemin-de-fer passait par là, et il a fallu
5 qu'on fasse des travaux de construction sur ce pont.
6 Cette fois-ci, je n'ai pas vu passer de représentants de la
7 FORPRONU, et c'est pour
8
9 cela qu'il ne nous ont pas écartés. Chaque fois qu’on faisait des travaux
10 forcés, si la FORPRONU passait il fallait qu'on s'allonge par terre dans
11 la voiture pour éviter qu'ils nous voient.
12 Comme je vous l’ai dit, nous travaillions à la construction de
13 ce pont ; il y avait aussi un abri souterrain à creuser. Je suppose que
14 cet abri souterrain devait servir de lieu de sécurité, je ne sais pas très
15 exactement pourquoi ils en avaient besoin.
16 M. Harmon (interprétation). – Comment êtes-vous allés de Kaonik
17 à ce lieu ? Est-ce que vous y êtes allés à pied ou est-ce que vous avez
18 été transportés en véhicule ?
19 Témoin BB (interprétation). - Nous avons été transportés en
20 véhicule.
21 M. Harmon (interprétation). - Ce lieu de travail se trouve juste
22 à côté de la route principale menant à Busovaca. Est-ce exact ?
23 Témoin BB (interprétation). - Oui.
24 M. Harmon (interprétation). - Finalement, je souhaiterais que
25 vous décriviez aux juges ce que vous avez du faire à Ravan, lieu n° 9, qui
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1 vous a amenés là-bas et ce que vous avez été forcés d’y faire ?
2 Témoin BB (interprétation). - Oui, c'est le dernier lieu. Encore
3 une fois, nous étions environ sept ou sept qui avons été amenés là. Nous
4 avons creusé trois tombes parce que, soi-disant, leurs soldats avaient été
5 tués. Nous avons passé environ 3 heures sur place et ensuite, ils nous ont
6 ramenés à la caserne.
7 M. Harmon (interprétation). - Témoin BB, vous avez mentionné que
8 pendant que vous étiez à Kula, la FORPRONU est arrivée, vous avez dû vous
9 cacher et vous avez dit aussi que lorsque vous étiez dans des véhicules du
10 HVO, si un véhicule de la FORPRONU passait à côté, il fallait que vous
11 vous jetiez par terre afin d'éviter que les gens de la FORPRONU vous
12 voient. Est-ce exact ?
13 M. le Président. - Ceci a été dit par les témoins. Je ne
14 comprends pas. Non
15
16 seulement nous revenons sur les lieux, en arrière, mais vous faites redire
17 ce qu’a très bien dit le témoin. Il vous l'a dit. Chaque fois. On ne va
18 pas détailler tous les lieux. Il vous l'a dit. Peu importe s'il y a neuf
19 lieux. Le témoin BB vous a dit que chaque fois qu'un convoi de la FORPRONU
20 passait, on leur demandait de les cacher. Mais les juges le comprennent,
21 cela. Ce n'est pas possible de continuer comme cela. Quand même !
22 Nous entendons, nous écoutons, le juge Shahabuddeen et moi. Nous
23 savons ce qu'a dit le témoin. Chaque fois que sur ces neuf lieux... Je ne
24 sais pas ce n'est peut-être pas les neuf, évidemment. Nous nous doutons
25 bien que les convois de la FORPRONU ne sont pas passés aux neufs endroits.
Page 6773
1 On ne s'en sortira pas comme cela. Le témoin l’a dit.
2 Il vous reste, monsieur Harmon, un dernier point d'après votre
3 sommaire, c'est la rencontre avec Dario Kordic.
4 Témoin BB, vous nous parlez de la rencontre avec Dario Kordic.
5 Le Président va prendre la direction des débats, si cela continue, ce
6 n'est pas possible voyons.
7 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je
8 terminerai une partie de mon interrogatoire concernant les travaux...
9 M. le Président. - Le Tribunal est suffisamment informé. Vous
10 passez sur le quatrième point de votre sommaire. Je vous rappelle que vous
11 aviez annoncé quatre points que vous attendiez de ce témoin. Je vous
12 signale qu'il en a traité trois. Il les a très bien traités, il a dit tout
13 ce qu'il avait à dire. Si vous avez peur que dans le contre-interrogatoire
14 il y ait des questions posées, vous aurez votre droit de réplique pour
15 préciser. J'attends maintenant que le quatrième point soit traité, c'est-
16 à-dire la rencontre dans le camp de Kaonic.
17 Témoin BB vous nous exposez cette rencontre avec Dario Kordic.
18 Pour le reste, nous sommes suffisamment informés. Témoin BB, nous parlons
19 de Dario Kordic.
20 Témoin BB (interprétation). - Oui, lorsque j'ai été dans le
21 camp, on nous a fait sortir à l'extérieur pour prendre l'air. J'ai vu un
22 véhicule arriver, je ne sais pas de quelle marque,
23
24 mais j'ai vu que c'était Dario Kordic qui est arrivé parce que je le
25 connaissais. Avant la guerre, il travaillait avec moi.
Page 6774
1 Lorsqu'il est arrivé, on nous a tout de suite ramenés à
2 l'intérieur. J’ignore donc pourquoi il est venu et où il est allé.
3 M. Harmon (interprétation). - Témoin BB, sur la base de vos
4 expériences dans le camp de Kaonic, et à cause de ces expériences-là et à
5 cause de vos travaux forcés, combien de kilos avez-vous perdus ?
6 Témoin BB (interprétation). - Nous n'avons pas pu nous peser,
7 mais je suis que nous avons tous perdu au moins 15 kilos, tout le monde.
8 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je demande
9 maintenant le versement au dossier de la pièce de l'accusation n° 200.
10 M. le Président. - Monsieur le greffier, quel numéro de pièce
11 pour l'accusation ?
12 M. Dubuisson. - Il s'agit de la pièce 251.
13 M. Harmon (interprétation). - Merci, monsieur le Président.
14 M. le Président. - Maître Nobilo. Maintenant, Témoin BB vous
15 allez donc répondre aux questions de la défense. Le général Blaskic a deux
16 défenseurs, comme dans tout procès. Des questions vont vous être posées et
17 bien entendu le Procureur a le droit de réplique si des points n’ont pas
18 été traités et soulevés par le contre-interrogatoire.
19 Allez-y, Maître Nobilo.
20 M. Nobilo (interprétation).- Merci, monsieur le Président.
21 Témoin BB, vous avez décrit votre arrivée à Kaonik. Vous avez dit que les
22 membres du HVO vous avaient ôté l'argent, les objets en or, surtout pour
23 les personnes venues passer les vacances et qui vivaient en Suisse.
24 Savez-vous si ces membres du HVO leur ont rendu leurs objets de
25 valeur par la suite ou n'en savez-vous rien ?
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1 Témoin BB (interprétation). - Tout ce qui a été ôté a été mis
2 sur la table. Un soldat
3
4 a emporté tout cela, mais il ne l'a jamais rendu.
5 M. Nobilo (interprétation).- Le savez-vous ou ne le savez-vous
6 pas ?
7 Témoin BB (interprétation). - Sur la base de mes contacts avec
8 les gens, je peux vous dire qu'ils n'ont rien rendu.
9 M. Nobilo (interprétation).- A vous, que vous ont-ils volé ?
10 Témoin BB (interprétation). - Ma montre.
11 M. Nobilo (interprétation).- Vous avez mentionné que quelqu'un
12 vous avez donné un coup avec une crosse de fusil, frappait-on souvent les
13 gens de votre groupe avec une crosse de fusil pendant que vous creusiez
14 les tranchées ?
15 Témoin BB (interprétation). - J'ai déjà mentionné que cela s'est
16 passé à Bare.
17 M. Nobilo (interprétation).- Est-ce tout ?
18 Témoin BB (interprétation). - C'est tout, sauf pour les choses
19 qui se passaient au sein du camp où on battait des gens et provoquait des
20 prisonniers.
21 M. Nobilo (interprétation).- Votre déclaration à Zenica, que
22 vous avez donnée le 26 janvier 1993 à la police de Zenica, confirmez-vous
23 cette déclaration où vous avez dit que personne de votre groupe n'a été
24 battu ni maltraité par des membres du HVO ?
25 Témoin BB (interprétation). - Ce n'est pas vrai.
Page 6776
1 M. Nobilo (interprétation).- Est-ce bien la déclaration que vous
2 avez donnée à la police de Zenica ?
3 Témoin BB (interprétation). - Je sais que j'ai donné une
4 déclaration, mais je n'ai pas dit cela. Il y a peut-être eu une erreur.
5 Mais je sais très bien ce que j'ai dit.
6 M. Nobilo (interprétation).- Je demanderai à l'huissier de
7 montrer le procès-verbal que nous avons reçu de la part de l'accusation.
8 C'est une déclaration signée par le témoin. Je souhaiterais qu'il vérifie
9 si c'est bien sa signature qui est apposée en bas sur la dernière page.
10 M. Nobilo (interprétation).- La dernière page... Veuillez
11 vérifier s'il s'agit bien de votre signature.
12 Témoin BB (interprétation). - Oui.
13 M. Nobilo (interprétation).- Je demande le versement de cette
14 pièce à conviction au dossier. Par la suite, on fera des photocopies.
15 Témoin BB (interprétation). - Comme je l'ai dit, peut-être
16 existe-t-il une erreur dans la déclaration.
17 M. Nobilo (interprétation).- Vous nous avez parlé des lieux où
18 vous avez creusé les tranchées, pouvez-vous nous dire en moyenne quelle
19 était la distance de l'armée de Bosnie-Herzégovine par rapport à ces
20 emplacements où vous creusiez les tranchées ?
21 Témoin BB (interprétation). - Je ne peux pas vous dire le nombre
22 exact de mètres.
23 M. Nobilo (interprétation).- Environ ?
24 Témoin BB (interprétation). - Environ, peut-être 500 mètres,
25 quelquefois un kilomètre. Tout dépend, les emplacements étaient
Page 6777
1 différents.
2 M. Nobilo (interprétation).- Mais êtes-vous d'accord avec moi
3 pour dire qu'à certains endroits où vous creusiez les tranchées, à la
4 distance d'environ 500 à un kilomètre de ces endroits, se trouvaient les
5 forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Etes-vous d'accord avec cela ?
6 Témoin BB (interprétation). - Oui.
7 M. Nobilo (interprétation).- En ce qui concerne Kuber, le HVO a
8 perdu ses lignes. Ensuite, vous deviez aller de nouveau creuser les
9 tranchées.
10 Pouvez-vous me dire de quelle période il s'agissait ? Etait-ce
11 en avril ou en mai ? Vous ne le savez pas ?
12 Témoin BB (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire. Il
13 faut savoir que nous étions très apeurés. J'oubliais tout, presque mon
14 propre nom et prénom à cause de la peur.
15 M. Nobilo (interprétation).- Lorsque vous étiez près du village
16 de Loncari en train
17
18 de creuser les tranchées, à quelle distance était-ce par rapport au
19 village de Loncari ?
20 Témoin BB (interprétation). - Par rapport à la dernière maison
21 du village de Loncari, il s'agissait d'une distance d’environ 100, peut-
22 être 200 mètres, je ne sais pas exactement.
23 M. Nobilo (interprétation).- La ligne du front passait donc
24 pratiquement par le village.
25 Témoin BB (interprétation). - Oui, c'était juste à côté du
Page 6778
1 village.
2 M. Nobilo (interprétation).- Lorsque vous creusiez les tranchées
3 à Strane, à quelle distance par rapport au village la tranchée que vous
4 creusiez se trouvait-elle ?
5 Témoin BB (interprétation). - Cela se trouvait juste à côté de
6 la dernière maison.
7 M. Nobilo (interprétation).- Dans toutes ces occasions, avez-
8 vous vu, ne serait-ce qu'une fois, le général Blaskic ?
9 Témoin BB (interprétation). - Non, je ne l'ai jamais vu sur
10 place. Je l'ai vu seulement à la télévision, dans les médias car lorsque
11 nous étions à Jelinak, nous pouvions regarder la télévision de Vitez, de
12 Busovaca, la HTV, la télévision croate. J'ai vu M. Blaskic à la
13 télévision.
14 M. Nobilo (interprétation).- Merci, Monsieur le Président, nous
15 avons terminé.
16 M. le Président. - Maître Harmon, peut-être avez-vous des
17 questions complémentaires.
18 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai plus de questions,
19 Monsieur le Président.
20 M. le Président. - Monsieur Shahabuddeen, vous n'avez pas de
21 questions ? Je n'en ai pas non plus. Témoin BB, nous vous remercions
22 beaucoup de votre témoignage qui vous rappelle des événements
23 particulièrement pénibles.
24 Actuellement, vous n'allez pas bouger. Le Tribunal va suspendre
25 ses travaux pendant une vingtaine de minutes, c'est-à-dire jusqu'à
Page 6779
1 10 heures 40. Cela vous permettra de
2
3 sortir avec toutes les mesures de protection. Merci encore.
4
5 L’audience est suspendue à 10 heures 20.
6
7 L’audience est reprise à 10 heures 45.
8
9 M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer
10 l’accusé.
11
12 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience)
13
14 M. le Président. - Monsieur le Procureur.
15 M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, s'agissant
16 de la pièce à conviction de la défense qui a été versée au dossier, la
17 déclaration du Témoin BB, je demanderai que cette pièce soit sous scellés
18 puisqu'elle contient des informations relatives au témoin.
19 Deuxièmement, Monsieur le Président, je demande le versement au
20 dossier d'une copie de la déclaration du témoin BB fournie au bureau du
21 Procureur en 1997.
22 M. le Président. - Quelle photocopie ? Que demandez- vous ?
23 M. Harmon (interprétation). – Le versement au dossier d'une
24 copie de la déclaration fournie par le témoin BB au bureau du Procureur en
25 1997.
Page 6780
1 M. le Président. - Maître Nobilo...
2 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous nous
3 opposons à cette demande. En effet, dans cette déclaration figurent
4 d'autres éléments dont le témoin n'a pas parlé au cours des débats. Nous
5 n'avons pas eu l'occasion de l'interroger sur ces éléments au cours du
6 contre-interrogatoire.
7 Ces éléments entreraient donc dans le dossier de cette façon et
8 nous n'aurions pas la possibilité d’en vérifier la véracité en posant des
9 questions que nous aurions posées si le témoin en avait parlé.
10 M. le Président. – Il faut attendre tous les éléments, sinon
11 effectivement cela peut dévoiler la stratégie de la défense. Ce n'est
12 quand même pas urgent. Vous-même ou M. le
13
14
15 Greffier pourriez en prendre note à la fin des débats et nous pourrions
16 trancher sur cette pièce, parce qu'effectivement s'il y a d’autres
17 éléments…
18 M. Harmon (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, je
19 suis prêt à soumettre cette pièce sans qu'elle soit admise, mais
20 simplement enregistrée pour identification et nous pouvons la reprendre à
21 une date ultérieure.
22 M. le Président. - Maître Nobilo...
23 M. Nobilo (interprétation). - L'enregistrement à des fins
24 d'identification ne nous pose pas de problème mais je n'en vois pas
25 l'objectif. L'interprétation est arrivée un peu tard et je n'ai pas
Page 6781
1 compris l'intégralité de ce qui a été dit.
2 Quel sens cela a-t-il de le verser au dossier sans que ce soit
3 véritablement un élément de preuve admis ?
4 M. le Président. - Je voudrais poser une question : il
5 s'agissait d'une déclaration qui avait été fournie au bureau du
6 Procureur ?
7 M. Harmon (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, c’est
8 tout à fait cela.
9 M. le Président. - Donc l'accusation sait ce qu'il y a dedans.
10 Je reviens à votre objection initiale, Maître Nobilo. J'étais convaincu
11 dans un premier temps, mais maintenant j'hésite un peu. En fin de compte,
12 le Procureur sait ce qu'il y a dedans.
13 Vous nous dites que vous vous y opposez parce qu'aujourd'hui
14 vous avez utilisé certains points de cette déclaration et que vous
15 utiliserez d'autres points à d'autres moments... Non ? Ce n'est pas cela ?
16 J'ai mal compris dans ce cas.
17 M. Nobilo (interprétation). - Peut-être y a-t-il un malentendu,
18 Monsieur le Président. J'ai dit que dans cette déclaration figuraient des
19 éléments factuels dont le témoin n'a pas parlé devant nous, dans ce
20 prétoire. Et nous, du côté de la défense, nous n'avons pas eu la
21 possibilité d'interroger le témoin sur ces éléments.
22 C'est la raison pour laquelle je m'oppose à ce que cette
23 déclaration soit considérée
24
25
Page 6782
1 comme élément de preuve en étant versée au dossier de ce procès, car de la
2 sorte il nous est interdit de contre interroger le témoin puisque nous
3 n'avons pas pu le faire au sujet des éléments dont il n'a pas parlé au
4 cours de l'interrogatoire principal.
5 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je
6 ajouter quelques mots ? En revanche, nous avons proposé le versement au
7 dossier d'une déclaration d'un témoin recueillie en 1993, quelques jours
8 après les événements.
9 M. le Président. - De quelle déclaration parlez-vous ?
10 M. Hayman (interprétation). - Je parle d'une pièce à conviction
11 de la défense. Il existe deux déclarations, Monsieur le Président. La
12 pièce à conviction de la défense dont nous avons demandé le versement au
13 dossier est la D 86, je crois.
14 Nous avons demandé le versement au dossier et il n'y a pas eu
15 d'objection. Cette pièce fait donc partie du dossier. C'est une
16 déclaration que le témoin a signée et dans laquelle il dit qu'il n'y a pas
17 eu de mauvais traitements des prisonniers dans un contexte déterminé.
18 Nous ne possédons cette déclaration qu’en langue BCS, Monsieur
19 le Président. Elle nous a été remise récemment. C'est la raison pour
20 laquelle nous avons demandé le versement au dossier de cette déclaration ;
21 il n'y a pas eu d'objection.
22 Maintenant, le témoin n'est plus dans la salle et le Procureur
23 arrive avec une autre déclaration, celle dont vient de parler Me Nobilo.
24 Nous n'avons pas contre-interrogé le témoin au sujet de la totalité de ce
25 qui figure dans cette autre déclaration ; et je ne parle même pas de la
Page 6783
1 pertinence de cette autre déclaration. Le témoin est encore ici, nous
2 aurions pu l'interroger sur tous les faits exposés dans cette déclaration
3 de 1997.
4 M. le Président. - Maître Harmon, quelle est la déclaration dont
5 vous parlez ? Est-ce celle que j’ai entre les mains ou bien est-ce une
6 autre déclaration?
7 M. Harmon (interprétation). - C'est une autre déclaration,
8 Monsieur le Président, c'est la déclaration qu'il a donnée au Bureau du
9 Procureur le 29 juillet 1997.
10
11
12 M. le Président. - Nous n'avons pas discuté ici de cette
13 déclaration ?
14 M. Harmon (interprétation). - Non, nous ne l'avons pas versée au
15 dossier, nous ne l'avons pas présentée. Ce qui a été versé au dossier par
16 la défense, c'est la déclaration en bosniaque.
17 M. le Président. - Vous n'avez même pas interrogé votre propre
18 témoin sur cette déclaration-là ?
19 M. Harmon (interprétation). - Si, je l'ai fait, je l’ai
20 interrogé sur un certain nombre de points.
21 M. le Président. - Mais cette déclaration aurait pu être
22 communiquée à la défense en vertu de l’article 66 et cela depuis très
23 longtemps.
24 M. Harmon (interprétation). - Elle l'a été !
25 M. le Président. - Alors, Maître Nobilo, vous avez cette
Page 6784
1 déclaration ? Je ne parle pas de celle-là, mais de l’autre déclaration.
2 Pour le pauvre civil lawyer que je suis, je dois reconnaître que c'est une
3 situation qui est, pour moi, impensable. Les Juges se feront une idée de
4 la pertinence du témoignage -Maître Nobilo vous pratiquez un autre
5 système- uniquement en fonction de ce qu'a dit le témoin et non pas sur la
6 base de la globalité de sa déclaration ; mais je comprends que ce soit un
7 enjeu pour vous.
8 La déclaration dont parle le Procureur vous a été communiquée,
9 Maître Nobilo, vous l’avez. Donc oublions celle-là, elle a fait l'objet
10 d'un échange.
11 M. Nobilo (interprétation). - Oui, nous avons reçu cette
12 déclaration mais le témoin n'a pas été interrogé, ni au cours de
13 l'interrogatoire principal ni au cours du contre-interrogatoire, au sujet
14 des éléments figurant dans cette déclaration. C'est la raison pour
15 laquelle nous faisons objection.
16 Le témoin était ici, nous aurions pu l'interroger aussi bien
17 dans l'interrogatoire principal que dans le contre-interrogatoire.
18
19
20 M. le Président. - Je voudrais consulter mon collègue.
21 (Les Juges se consultent sur le siège.)
22 Le Tribunal refuse le versement de cette pièce qui est contestée
23 par la défense. Il explique sa position: Le témoin est parti, il vous
24 appartenait; Monsieur le Procureur, de bien spécifier -avant le départ du
25 témoin- que vous l’aviez bien interrogé à partir de cette déclaration.
Page 6785
1 J'en profite d'ailleurs pour faire une remarque générale. La
2 difficulté de la procédure que nous manions tient non seulement à sa
3 longueur, non seulement au nombre de questions posées qui sont souvent
4 répétitives et n'apportent pas toujours beaucoup de sens au débat, mais
5 aussi au nombre et à la diversité des déclarations recueillies des
6 témoins.
7 C’est pourquoi évidemment, nous avons des problèmes comme celui
8 que nous rencontrons. La défense met en contradiction le témoin sur deux,
9 trois ou quatre déclarations. Je dois reconnaître que ce n'est pas facile.
10 Pour l'instant, nous refusons cette déclaration.
11 Passons au point suivant maître Harmon.
12 M. Harmon (interprétation). - Puis-je me permettre quelques
13 commentaires, simplement quelques observations, Monsieur le Président et
14 ensuite je laisserai la question à une date ultérieure ?
15 M. le Président. - Il n'est pas usuel que l'on fasse des
16 commentaires après une décision des Juges. Les Juges se sont concertés,
17 ils ont pris une décision. Le Tribunal, je vous l'ai dit tout à l'heure,
18 est largement informé du contenu du témoignage du Témoin BB.
19 Vous avez beaucoup de chance, maître Harmon, je vous le dis
20 aujourd'hui et je le dirai un jour à la défense, vous avez beaucoup de
21 chance que, parfois, devant les souffrances des témoins qui sont là,
22 devant la manière dont on les dérange, devant le temps qu'on leur demande
23 de consacrer à cette justice internationale et dont parfois ils doivent se
24 demander quelle est sa signification, vous avez beaucoup de chance que je
25 ne fasse pas comme certains autres Juges dans ce Tribunal, que je ne dise
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1 pas : "Monsieur le témoin, c'est terminé. Vous pouvez ressortir".
2 Je crois qu'il faut faire de la procédure, je suis capable d'en
3 faire. Nous l'avons montré hier et avant-hier, mais de grâce simplifiez un
4 peu si vous voulez que nous soyons crédibles.
5 L'incident est clos, les Juges ont pris leur décision. C'est
6 terminé. Nous passons au point suivant et nous avons déjà perdu un quart
7 d’heure.
8 M. Harmon (interprétation). - Oui, merci, Monsieur le Président.
9 Le témoin suivant est un témoin protégé. Il a demandé une
10 déformation des traits de son visage et une non-divulgation de son nom de
11 famille.
12 Je peux vous récapituler les faits rapidement. Le témoin est un
13 Musulman bosniaque qui résidait dans la municipalité de Kiseljak ?
14 M. le Président. - Quelle est la dénomination pour ce témoin ?
15 M. Harmon (interprétation). - Témoin CC.
16 M. le Président. - Allez-y.
17 M. Harmon (interprétation). - Le témoin CC résidait dans le
18 village de Poljevenica, c'est un village différent de celui dans lequel
19 résidait le témoin AA. Ce village est situé plus bas que celui du
20 témoin AA, plus près de la grand route.
21 Son témoignage portera sur quatre domaines, premièrement
22 l'attaque du village de Poljevenica qui a commencé le 18 avril 1993. Cette
23 femme décrira les résultats de cette attaque.
24 Deuxièmement, cette femme décrira les circonstances dans
25 lesquelles sa fille a failli être échangée sous la contrainte par le HVO
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1 le 30 juin 1993. Elle décrira les blessures subies par sa fille.
2 Troisièmement, elle décrira l'expulsion de sa maison par le HVO.
3 Quatrièmement, elle témoignera au sujet de l'expulsion des
4 Musulmans restés dans le village de Poljevenica jusqu'à une date
5 ultérieure. Son témoignage porte sur le chef n° A,
6
7
8 "Persécutions", paragraphe 6/1, 6/3, 6/4, jusqu'au paragraphe 7 ; chefs
9 d'accusation 2 à 4, "Attaques illégales contre des civils et des bâtiments
10 civils", paragraphe 8 ; chefs 11 à 13, "Destructions et pillages de biens"
11 paragraphe 10, chefs 15 et 16, "Traitements inhumains de détenus et
12 d'otages", paragraphe 13 à 15.
13 Comme le témoin est un témoin protégé, monsieur le Président, et
14 monsieur le Juge Shahabuddeen, au cours de sa déposition, je lui
15 demanderai de ne pas identifier les membres de sa famille en prononçant
16 leur nom, si elle parle des événements qu'ont subi les membres de sa
17 famille.
18 Le témoin est prêt à déposer et elle est prête à citer les noms,
19 le cas échéant, à huis clos.
20 Je demanderai maintenant que l'on fasse pénétrer le témoin dans
21 le prétoire.
22
23
24 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)
25
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1 M. le Président. - M'entendez-vous, témoin CC ?
2 Témoin CC (interprétation). - Oui.
3 M. le Président. - Je vous accueille au nom du Tribunal pénal
4 international. Nous vous appellerons Témoin CC, puisque le Tribunal a pris
5 à votre endroit des mesures de protection. Vous allez d'abord identifier
6 votre nom sans le prononcer sur le papier.
7 Témoin CC (interprétation). - Merci beaucoup.
8 M. le Président. - Identifiez d'abord votre nom, vous ne
9 prononcez pas votre nom.
10 Témoin CC (interprétation). - Merci beaucoup.
11 M. le Président. - Vous lisez votre nom, vous ne le prononcez
12 pas.
13 Témoin CC (interprétation). -C’est bien mon nom.
14 M. le Président. - Vous allez maintenant lire une déclaration
15 que va vous tendre M. l’huissier.
16 Témoin CC (interprétation). - Je déclare solennellement que je
17 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
18 M. le Président. - Je vous remercie. Le Procureur va vous poser
19 quelques questions et ensuite, vous développerez librement devant le
20 Tribunal les trois ou quatre points qui intéressent les juges. Monsieur le
21 Procureur, allez-y.
22 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Témoin CC.
23 Témoin CC (interprétation). - Bonjour.
24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous êtes
25 ressortissante de Bosnie ?
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1 Témoin CC (interprétation). -Oui
2 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous musulmane ?
3
4
5 Témoin CC (interprétation). - Oui.
6 M. Harmon (interprétation). - En avril 1993, habitiez-vous dans
7 la municipalité de Kiseljak, dans le village de Poljevenica ?
8 Témoin CC (interprétation). - Oui, en effet.
9 M. Harmon (interprétation). - Avant l'attaque subie par votre
10 village, depuis combien de temps viviez-vous dans ce village ?
11 Témoin CC (interprétation). - En 1968, je me suis mariée et j'y
12 ai vécu jusqu'en 1993.
13 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que le village de
14 Poljevenica avait une population mixte, musulmane et croate ?
15 Témoin CC (interprétation). - Oui, en effet.
16 M. Harmon (interprétation). - Je vous ai prié de venir devant ce
17 Tribunal pour témoigner au sujet de quatre questions principales. Je
18 commencerai par la première. Je vous demanderai donc de décrire aux juges
19 l'attaque subie par votre village, le 18 avril et, si vous le voulez bien,
20 vous pouvez raconter cette attaque aux juges. Ensuite, nous passerons à
21 une autre question. Je vous demanderai donc de raconter les événements
22 tels qu'ils se sont déroulés.
23 Témoin CC (interprétation). - Le 18 avril 1993, toutes les
24 personnes qui écoutaient la radio de Kiseljak ont entendu dire que les
25 habitants ne devaient pas se troubler, mais que la FORPRONU allait mener
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1 des manoeuvres dans le village.
2 Le 18, je me suis levée le matin à 6 heures parce que j'avais
3 été réveillée par des détonations très fortes. J'ai demandé à mon mari
4 s'il savait ce qui se passait. Il m'a dit « non ». Une femme est arrivée
5 chez moi, à la maison, et elle ne savait pas non plus ce qui se passait.
6 Peu après, deux hommes sont arrivés. Je leur ai demandé aussi ce
7 qui se passait. Ils étaient habillés en civil et n'avaient pas d'arme. Ils
8 nous ont dit de nous rendre dans un abri. Nous sommes allés chez un homme
9 qui avait une maison avec une dalle et nous sommes restés
10
11
12 dans sa cave, à l'abri. Nous y sommes restés deux jours.
13 Le troisième jour, nous avons reçu l'information qu'il fallait
14 nous rendre et qu'on allait nous emmener vers les silos, au niveau du
15 barrage routier. L'un de nos hommes, un Musulman, portait un drapeau blanc
16 sur un bâton. Nous, nous marchions derrière lui. Nous étions deux. Nous
17 sommes arrivés au barrage routier, et les autres nous accompagnaient avec
18 des armes. Ils insultaient nos mères « balja » et l'Etat d’Alija qui était
19 une « Djamaharija ».
20 Nous sommes arrivés au barrage routier, il y avait un très gros
21 camion qui se trouvait là. Les hommes ont été emmenés à la caserne. Nous,
22 les femmes, les enfants, les personnes âgées, mon mari entre autres après
23 que j’ai demandé qu’il reste avec nous, nous sommes restés. Nous sommes
24 restés sur place et avons été installés dans cinq maisons : la maison de
25 Nasid Handzic, de Jerif Hiladjic, de Meho Cilas, de Ibro Cilas. Toutes ces
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1 maisons étaient pleines de ces Musulmans qui étaient arrivés avec moi
2 jusqu'au barrage.
3 Nous y avons passé deux nuits, après quoi j'ai demandé si nous
4 pouvions rentrer à la maison. Pendant que nous étions au niveau des silos,
5 j'ai vu une fumée très épaisse et j'ai vu une maison et une étable tout
6 prés qui étaient en feu. Je n'ai pas vu ce qui se passait plus loin parce
7 qu'on ne pouvait rien voir plus loin à cause de la fumée.
8 Peu après, nous avons donc demandé l'autorisation de rentrer
9 dans notre village et nous avons reçu cette autorisation. Nous sommes
10 revenus dans le village et nous nous sommes rendus compte que les portes
11 des maisons étaient enfoncées, que tout avait été pillé que tout était
12 renversé à l'intérieur des maisons. La maison Rasid Bulic avait brûlé
13 ainsi que l'étable et une vache avait été tuée.
14 Chez Rasid Drinjak, l’étable était détruite et une vache était
15 morte. Chez Alija Dzina, l’étable et la maison avaient brûlé. La maison
16 de Seid Ahmedic avait brûlé, ainsi que la vache qui, elle, a été blessée.
17 Elle n'a pas brûlé complètement, elle était encore vivante, mais son dos
18 était brûlé, calciné. Je l’ai vu.
19
20
21 La maison de Seid Ahmedic et son étable ont brûlé. Enver
22 Handzic, sa maison a brûlé. Ismet Handzic, la maison et l’étable ont
23 brûlé. Chez Dzemil Karahmet, la maison et l’étable ont brûlé. Chez Hasim
24 Sljivar, l’étable a brûlé.
25 Plus loin, près de chez ma soeur, l’étable a brûlé et la vache
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1 est morte. Chez un membre de ma famille, l'étable à brûlé, la vache est
2 morte. Chez les Begovic, tout a brûlé. Chez Ibro, la maison et l’étable
3 ont brûlé.
4 M. le Président. - Nous avons compris que toutes les étables
5 avaient brûlé. Poursuivez au-delà de ces événements, qui sont très graves,
6 je le conçois, mais poursuivez. Tout a été brûlé, nous l’avons compris.
7 Ne faites pas l'énumération de toutes les personnes dont les étables et
8 les vaches ont brûlé. Allez-y, continuez.
9 Témoin CC (interprétation). - Bien. Nous avons donc continué à
10 habiter dans le village, il y avait différentes formes de provocation. Ils
11 venaient chercher les nôtres qu'ils emmenaient creuser des tranchées. Mon
12 mari, ils l'ont forcé aussi, ainsi que mon gendre. Mais ce dernier, un
13 soir, a réussi à s’enfuir en passant par la forêt avec son frère.
14 Ensuite, les provocations se sont concentrées sur ma fille. Ils
15 arrivaient tout le temps pour la forcer à partir de la maison. Un jour,
16 ils sont venus en voulant la contrainte à un échange à Bilalevac.
17 M. Harmon (interprétation). - Témoin CC, je vais vous
18 interrompre ici car nous parlerons de ce sujet un peu plus tard.
19 J'aimerais vous demander quelques éclaircissements au sujet de ce que vous
20 venez de dire sur l'attaque.
21 Témoin CC (interprétation). - Oui.
22 M. Harmon (interprétation). - Quand vous êtes arrivée au silo,
23 pouvez-vous décrire les uniformes des hommes qui vous gardaient et qui
24 gardaient les autres civils aussi ?
25 Témoin CC (interprétation). - Ces hommes portaient des uniformes
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1 de toutes les couleurs, des uniformes de camouflage. Ils avaient les
2 insignes du HVO et portaient des fusils.
3
4
5 J'en ai vu deux qui portaient un uniforme noir et qui, sur leur casquette,
6 avaient la lettre U. Je n'en ai vu que deux avec cet emblème. Tous les
7 autres, en assez grand nombre, étaient en uniforme de camouflage.
8 M. Harmon (interprétation). - Vous avez donné un liste
9 incomplète des propriétés que vous avez vu incendier. Je vous poserai deux
10 questions. Est-ce que toutes ces maisons, dont vous avez parlé, y compris
11 celles que vous n'avez pas citées dans votre déposition en identifiant
12 leur propriétaire, étaient musulmanes ?
13 Témoin CC (interprétation). - Oui, toutes les maisons incendiées
14 étaient musulmanes. Il n'y avait pas une seule maison croate incendiée.
15 M. Harmon (interprétation). - Quand vous êtes sortie de votre
16 maison, que vous vous êtes rendue et que vous avez été emmenée au silo,
17 les maisons que vous avez identifiées ensuite étaient intactes à ce
18 moment-là ? Elles n’étaient pas incendiées ?
19 Témoin CC (interprétation). - Devant la maison de Rasid Drinjak,
20 nous avons vu alors que toutes les maisons étaient intactes. Seules les
21 étables de Ismet Handzic et de Dzemil Karahmet avaient déjà brûlé. Les
22 autres non, pas du tout. Les autres étaient intactes.
23 M. Harmon (interprétation). – Deux jours plus tard, à votre
24 retour, ces maisons que vous avez identifiées et toutes les autres maisons
25 musulmanes étaient détruites par le feu, c'est exact ?
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1 Témoin CC (interprétation). - Oui.
2 M. Harmon (interprétation). – A côté des maisons musulmanes que
3 vous avez identifiées et qui avaient été incendiées, y avait-il des
4 maisons croates ?
5 Témoin CC (interprétation). - (expurgée)
6 (expurgée)
7 M. Harmon (interprétation). – Y avait-il une maison croate qui
8 avait été pillée ou incendiée ?
9
10
11 Témoin CC (interprétation). - Non, non.
12 M. Harmon (interprétation). – Etes-vous restée dans le village
13 une fois que vous êtes retournée dans votre maison ?
14 Témoin CC (interprétation). – Oui, nous y sommes restés.
15 M. Harmon (interprétation). – Votre mari est-il resté avec
16 vous ?
17 Témoin CC (interprétation). – Oui, mon mari est resté avec moi.
18 M. Harmon (interprétation). – Il est resté avec vous, mais
19 pendant cette période, a-t-il été emmené quelquefois par le HVO pour
20 creuser des tranchées ?
21 Témoin CC (interprétation). - Oui.
22 M. Harmon (interprétation). – Combien de fois ?
23 Témoin CC (interprétation). - Mon mari a dû y aller trois fois
24 seulement, pendant cette période où nous étions dans le village.
25 M. Harmon (interprétation). – Le HVO est-il venu chercher
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1 d'autres personnes de Poljevenica pour les emmener creuser des tranchées,
2 outre votre mari ?
3 Témoin CC (interprétation). - Oui. Karadzic a été blessé en
4 creusant des tranchées. Salko Fezic a été lui aussi grièvement blessé en
5 creusant des tranchées. Une personne est morte en creusant les tranchées,
6 Hasan Karahmet.
7 M. Harmon (interprétation). – Etaient-ils tous Musulmans ?
8 Témoin CC (interprétation). – Oui, ils étaient tous Musulmans.
9 M. Harmon (interprétation). – Je voudrais maintenant que vous
10 nous parliez d'un deuxième événement, à savoir le départ forcé de votre
11 fille de la maison, sous la contrainte exercée par le HVO, et les
12 blessures qu'elle a subies le 30 juin 1993. Pouvez-vous parler de cet
13 événement ?
14 Témoin CC (interprétation). - Après le départ de mon gendre, qui
15 s'est enfui, ma fille est restée dans la maison et ils sont venus pour la
16 forcer à quitter la maison. Un jour, ils lui
17
18
19 ont dit qu'elle devait partir mais finalement ils l'ont tout de même
20 laissée à la maison et elle y est restée encore quatre jours.
21 A ce moment-là, Pasko est arrivé en lui disant qu'il fallait
22 qu'elle aille chercher son père à Bilalovac. Elle a d'abord refusé, mais
23 le lendemain ils sont revenus. Elle est allée voir Nikica Pravdic,
24 surnommé « Braco », et il lui a dit qu'il fallait qu'elle aille à Fojnica,
25 au barrage routier.
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1 Il l'a d'ailleurs accompagnée, avec Ando Palalija. Pasko est
2 aussi allé avec eux. Là-bas, ils ont inscrit quelque chose sur un papier
3 qu'ils lui ont donné pour l'échange qui devait avoir lieu à Bilalovac.
4 Ma fille est rentrée à la maison, et elle m'a parlé de cela.
5 Ensuite, Marinko Bodula est arrivé. Je ne sais pas quelles intentions il
6 avait. Il a lui aussi demandé à ma fille d'aller chercher son père à
7 Bilalovac et de le lui amener.
8 Il est arrivé dans une voiture bleue, il a saisi son revolver.
9 Il y avait un extrémiste avec lui. Je dis que c'était un extrémiste parce
10 qu'il a tiré, il a tiré sur ma fille.
11 M. Harmon (interprétation). – Est-ce que ces hommes étaient des
12 soldats du HVO ?
13 Témoin CC (interprétation). - C'était des soldats du HVO, en
14 uniforme de toutes les couleurs. L’un d’entre eux portait un fusil. Je lui
15 ai dit que ma fille ne pouvait pas parcourir tout Bilalovac et qu'elle
16 était déjà allée au barrage à Fojnica.
17 Il a pris son fusil et il a tiré une rafale dans le toit. Sa
18 fille aînée a été atteinte.
19 M. Harmon (interprétation). - Je vous interromps, excusez-moi,
20 mais je vais vous demander la chose suivante. Première question, votre
21 fille avait-elle deux enfants en bas âge ? Deuxième question, voulait-elle
22 participer à cet échange ?
23 Témoin CC (interprétation). - Elle avait une fille de 4 ans et
24 demi, la plus jeune 2 ans et demi. Elle ne voulait pas se soumettre à cet
25 échange, car elle avait des petites filles en
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1
2
3 bas âge, sa petite fille était encore au biberon. Mais il a insulté Dieu,
4 il a menacé de tuer tout le monde si elle n'y allait pas, il lui a dit
5 qu'il fallait absolument qu'elle y aille, qu'elle était obligée d’y aller.
6 Moi, j'ai supplié, j'ai dit : «Non, je vous en prie, mon fils
7 est déjà mort l'année dernière. Je n'ai plus d'autres enfants, je n’ai
8 qu’elle». Il a juré, il a dit qu'elle devait venir avec lui sinon il
9 allait tous nous égorger. Elle a dit : «Maman, j'y vais et puis je
10 rentrerai». J'ai ajouté : «Je viens avec toi». Lui m'a rétorqué : «Toi, tu
11 peux y aller, mais elle doit le faire».
12 Alors qu’on montait dans la voiture, ma petite fille pleurait et
13 disait : «Maman, je veux y aller avec toi moi aussi». Ma fille a dit :
14 «Viens, ma petite, mets-toi sur mes genoux». Nous sommes entrés dans la
15 voiture, il continuait à nous menacer. L'extrémiste qui a tiré a dit que
16 si jamais ils étaient frappés là-bas, ils tueraient tous les Balijas. Nous
17 sommes arrivés jusqu'à un mont, aucun échange n’avait été organisé. On
18 nous a forcés à y aller, il n'y avait même pas de drapeau blanc. Personne
19 n'était sur le barrage routier pour nous annoncer, tout simplement. Ils
20 ont ouvert les lignes en disant qu'on pouvait passer.
21 Moi j'ai dit que je voulais accompagner ma fille, mais on ne m’a
22 pas autorisé à le faire. Marinko Tadic est rentré. Il a dit qu’il fallait
23 que je parte étant donné que j'étais habillée en vêtements typiquement
24 musulmans. Lui a dit : «Non, ce n'est pas possible» et il a refusé.
25 Ma fille est allée un peu plus loin, j'étais assise. J'ai
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1 entendu deux fois des coups de feu, une troisième fois tout de suite après
2 la deuxième fois. Je pleurais, je pensais qu’elle allait mourir, que je
3 n'aurais plus d'enfant. Lui disait que les leurs n'allaient pas tirer, que
4 ce serait les nôtres. Moi j'ai répondu que cela ne m'intéressait pas de
5 savoir qui allait tirer, pour moi c’était mon enfant qui m'importait.
6 Peu de temps après, Marinko Tadic, qui avait accompagné ma fille
7 jusqu’à l’endroit où elle se trouvait, est rentré et a dit quelque chose à
8 Marinko Bodulo. Je les ai suivis du regard, j'ai vu que quelque chose se
9 passait. Je lui ai dit : «Ma fille est certainement morte». Il a juré
10
11
12 contre moi, il a dit : « Elle n'est pas morte, elle est juste un peu
13 blessée. Voyez ce que les vôtres font ». Mais moi j'ai dit : « Bon Dieu,
14 mais qu'est-ce que tu fais de mon enfant ? » Ils ont ramené ma fille sur
15 une civière, elle était complètement couverte de sang, ma petite fille
16 regardait tout cela, elle pleurait. Je l'ai écartée pour qu'elle ne
17 regarde pas tout ce sang.
18 Un soldat du HVO l’a prise dans ses bras, il la tenait, et elle
19 ne s'approchait plus de sa mère. Il y en a un qui m'a offert une
20 cigarette, j'ai refusé, j'ai dit : « Bon Dieu, bon Dieu, que faites-vous
21 avec mon enfant ? ». Alors ils l'ont amenée à l'hôpital, ils sont d'abord
22 allés à Kiseljak, à la caserne. Elle a reçu les premiers soins là-bas. Je
23 leur ai demandé si c’était possible de la voir afin de l'embrasser. Ils
24 m'ont permis de le faire, à ce moment-là elle a donné un signe de vie.
25 Elle a ouvert les yeux pendant peu de temps. Après, elle a été emmenée à
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1 Fojnica et je ne l’ai plus revue.
2 M. Harmon (interprétation). - Témoin CC, permettez-moi de vous
3 poser quelques questions concernant cet événement. A l'endroit où votre
4 fille a été amenée et où elle est passée par les lignes de front, y avait-
5 il des soldats ? De quelle sorte de soldats s’agissait-il ? Comment
6 étaient-ils vêtus ? Combien étaient-ils ?
7 Témoin CC (interprétation). - Lorsque nous y sommes arrivés,
8 plusieurs soldats s’y trouvaient. Deux étaient peut-être en civil et les
9 autres en uniforme. Je ne les connaissais pas. A l'époque, j'étais presque
10 folle. Imaginez que l’on fasse cela à votre enfant, vous ne pouvez plus
11 vous concentrer. Votre tête ne fonctionne plus. Je ne sais pas qui
12 c'était.
13 M. Harmon (interprétation). - Etait-ce des soldats du HVO ?
14 Témoin CC (interprétation). - Je ne sais pas combien ils
15 étaient. Oui, c’était des soldats du HVO parce que ce territoire était
16 sous leur contrôle.
17 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous parlez de la caserne,
18 vous parlez de la caserne dans Kiseljak ? C’est là qu’elle a été amenée ?
19 Témoin CC (interprétation). - Oui.
20
21
22 M. Harmon (interprétation). -Est-ce à cause de ces blessures que
23 votre fille est restée invalide ?
24 Témoin CC (interprétation). - Ma fille est restée invalide à
25 80 %. Elle a perdu un tiers de son foie, de ces poumons et un tiers de son
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1 estomac. Comme les autres, elle est réfugiée. (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous poser encore
5 une question en ce qui concerne votre expulsion de votre maison à
6 Poljevisnica, 20 août 1993 ? Pourriez-vous décrire aux Juges votre
7 expulsion effectuée par la police militaire du HVO ?
8 Témoin CC (interprétation). - Un jour, ils sont arrivés. Ma
9 fille était rentrée de l'hôpital, elle était chez moi. Un mois plus tard,
10 la FORPRONU l'a amenée avec ses enfants. Nous sommes restés vivre sur
11 place. Deux jours plus tard, des Cerapavi sont arrivés chez moi, le soir.
12 Je faisais mes prières. Trois sont arrivés, ils avaient des bas sur leur
13 visage.
14 Un m'a attrapée par la tête et m'a dit : "Reste là". Je ne
15 pouvais pas bouger. Mon mari était un peu plus loin, il était assis, il a
16 vu ce qui se passait.
17 Lorsque l'autre ma relâché un peu, j'ai vu que sa tête était
18 couverte d'un bas. J'ai poussé un cri, je n'avais plus de voix. Un autre
19 m'a prise par le coup, a appuyé son pistolet sur ma tempe. Il a demandé
20 que je lui donne de l'argent, je lui ai dit que je n'en avais pas. Mon
21 mari a dit : "Allez-vous tuer ma femme aussi maintenant ? Ne le faites
22 pas, s'il vous plaît".
23 L'autre lui a dit : "Allonge-toi". Il a pointé son fusil, vers
24 mon mari. J'ai vu cela. L'autre m'a laissé, j'ai traversé la cuisine, je
25 suis sortie sur la terrasse, je me suis dit que s'il commençait à tirer,
Page 6801
1 j'allais sauter.
2 A ce moment-là, j'ai crié. Nikitica Pravdic, "Braco", était
3 chargé de s'occuper de nous dans le village. Je lui ai dit : "Nikitica,
4 viens, aide-nous. Des gens avec des bas sur le visage sont arrivés. Ils
5 nous demandent de leur donner de l'argent, mais nous n'en avons pas.
6
7
8 Viens vite".
9 J'ai regardé vers mon mari, il s'était levé. Je lui ai fait un
10 signe de tête pour savoir où il était. Je ne disais rien, et lui m'a fait
11 un signe de tête qui voulait dire qu'il était parti. Je suis sorti dans la
12 cour, j'essayais de crier mais j'avais perdu ma voix.
13 Plus tard, Anto, un réfugié de Podlugevo, est arrivé. Il m'a
14 demandé ce qui s'était passé. Je lui ai expliqué un peu. Il est resté chez
15 nous un peu. Il est ensuite parti.
16 Après cela, la police est arrivée dans ma maison. Ils ont
17 demandé à mon mari : "Combien êtes-vous dans cette maison ?" Il a
18 répondu : "Moi et ma femme". Ils ont dit : "D'accord", et ils sont partis.
19 Le lendemain, la police du HVO est arrivée de nouveau. Ils nous ont donné
20 15 minutes pour faire sortir un peu de nourriture et pour quitter cette
21 maison. "Très bien", avons nous dit.
22 Je pleurais avec une autre femme. Une femme était là avec nous.
23 Slavo Miletic est venu avec sa femme et la femme de son frère. Il portait
24 un fusil, comme cela. Il m'a dit : "N'aies pas peur, je ne vais pas te
25 tuer. J'ai reçu un papier me permettant d'aménager dans ta maison".
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1 J'ai répondu : "Ecoute, tu n'as qu'à me tuer, je n'ai pas peur.
2 Si j'ai perdu mon fils, je n'ai pas besoin de vivre moi non plus". Il a
3 pris ce papier et a dit : "Si tu pleures, moi je ne vais pas déménager
4 ic,i mais quelqu'un d'autre va venir vivre ici dans ce cas". J'ai
5 répondu : "Ce n'est pas à cause de cela que je pleure. Tu n'as qu'à
6 emménager, il n'y a aucun problème". Je lui ai simplement demandé si je
7 pouvais avoir la cuisine d'été et il a dit : "Bien sûr que oui".
8 Mon mari et moi sommes donc allés dans la cuisine d'été. Nous y
9 avons passé 7 ou 8 jours. Ensuite, l'ordre a été donné que tous les
10 Musulmans devaient se rendre dans le village de Rotilj.
11 M. Harmon (interprétation). - Témoin C C, je vais vous
12 interrompre afin d'apporter quelques précisions concernant votre expulsion
13 de votre maison.
14
15
16 Vous avez dit qu'au début des policiers sont arrivés en vous
17 disant que vous aviez 15 minutes pour faire sortir des choses de votre
18 maison. S'agissait-il de soldats du HVO ?
19 Témoin CC (interprétation). - Oui
20 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que la personne que
21 vous avez identifiée avait un papier dans la main. Avez-vous regardé ce
22 papier ?
23 Témoin CC (interprétation). - Je l'ai dit. Non, je ne l'ai pas
24 regardé. Cela ne m'intéressait pas, je lui ai tout simplement dit qu'il
25 pouvait déménager dans ma maison.
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1 M. Harmon (interprétation). - D'après lui, s'agissait-il d'un
2 papier délivrée par un organe légitime lui permettant de vous chasser de
3 votre maison et d'emménager dans votre maison ?
4 Témoin CC (interprétation). - Je suppose qu'il avait reçu un
5 papier important pour pouvoir emménager dans ma maison. Il me l'a montré
6 et l'a jeté quand il a vu que je pleurais. Mais moi j'ai dit : "Vous
7 n'avez qu'à emménager ici, il n'y a aucun problème". J'ai ajouté que je
8 souhaiterais avoir la cuisine d'été.
9 M. Harmon (interprétation). - Que s’est-il passé avec le peu de
10 musulmans qui ont continué à vivre dans votre village ? Dites aux Juges ce
11 qui s'est passé pour leurs maisons à eux.
12 Témoin CC (interprétation). - Nous sommes tous partis le
13 6 septembre dans le village de Rotilj. Nous avons été forcés de quitter ce
14 village. Ils nous ont dit qu'ils ne voulaient plus voir de Musulmans dans
15 le village de Visnice. Les membres du HVO ont tout simplement marqué
16 chaque maison musulmane en indiquant qui allait y emménagé.
17 Témoin CC (interprétation). - Témoin CC, veuillez vous
18 interrompre pour un instant.
19 (Le greffier se concerte avec le Président).
20 M. le Président. - Pour des raisons techniques que m'a
21 expliquées monsieur le greffier, raisons techniques que je ne comprends
22 pas très bien mais qui existent, il est préférable de rentrer en session à
23 huis clos partiel.
24 M. Harmon (interprétation). - Pas d'objection.
25 M. le Président. - Pas d'objection de la défense ?
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1 M. Nobilo (interprétation).- Non.
2 M. le Président. - C'est une question que peut expliquer le
3 greffier très rapidement. Je n'aime pas que les décisions des Juges
4 tombent comme cela.
5 M. Dubuisson. - En fait, nous garantissons au témoin sa
6 sécurité. Quand, malencontreusement, un nom ou un endroit pourrait
7 l'identifier, il n'est plus possible de faire ce que, techniquement, nous
8 appelons une "rédacte". Pour garantir la sécurité de la personne, nous
9 garantissons le huis clos partiel.
10 M. le Président. - Mais ce n'est plus possible aujourd'hui ?
11 M. Dubuisson. - Ce n'est plus possible aujourd'hui.
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13 (Audience à huis clos partiel)
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3 L'audience est levée à 12 heures
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