Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL   AFFAIRE N° IT-95-14-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

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  4   Lundi 16 mars 1998

  5  

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  7   L'audience est ouverte à 15 heures 45.

  8  

  9   M. le Président. - Nous reprenons le cours de nos travaux. Je

 10   tiens, au nom de mes collègues, à excuser le retard. Il s'agissait

 11   d'engagements officiels qui concernent l'institution du Tribunal. Le

 12   Tribunal est un organe international qui, bien entendu, est visité et qui

 13   entraîne des obligations de la part des juges.

 14   J'espère que tout le monde le comprend, à commencer par l'accusé

 15   que je salue. J'espère que le général Blaskic m’entend. Vous m'entendez

 16   général Blaskic ?

 17   M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, monsieur le Président, je

 18   vous entends tout à fait bien.

 19   M. le Président. - Si le général Blaskic nous entend, je suppose

 20   que toutes les parties nous entendent. Je salue les interprètes. Nous

 21   passons à la suite de nos audiences. Je donne la parole à Monsieur le

 22   Procureur.

 23   M. Harmon (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,

 24   bonjour Messieurs les Juges, bonjour le conseil de la défense. Monsieur le

 25   Président, nous vous demanderons immédiatement de passer à huis clos.


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  1   M. le Président. - Comme je ne sais pas pourquoi

  2   de passer à huis clos et que vous me le demandez avec une telle fermeté, je

  3   suppose que vous allez nous expliquer pourquoi.

  4  

  5   M. Harmon (interprétation). - C'est tout à fait cela, Monsieur le

  6   Président.

  7   M. le Président. - Je ne voudrais pas donner l'impression au

  8   public que le Procureur nous demande le huis clos et que nous l’accordons.

  9   Je suppose que vous nous le demandez pour nous expliquer quelque chose qui

 10   ne peut être expliqué qu'à huis clos. Je me tourne vers mes collègues. Dans

 11   ces conditions, nous passons à huis clos partiel, je suppose, pour

 12   l'instant.

 13   M. Harmon (interprétation). - Un huis clos partiel sera suffisant.

 14   Monsieur le Greffier, huis clos partiel.

 15  

 16   L’audience se poursuit à huis clos partiel.

 17   [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 18   M. le Président. - Monsieur le Procureur, nous sommes à huis clos

 19   partiel, donc vous allez nous expliquer quelque chose qui méritait le huis

 20   clos partiel. Vous avez la parole.

 21   M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Il y a

 22   quelque temps, en raison d'événements que le Tribunal connaît déjà, j'ai

 23   été informé par le prochain témoin de l'accusation que celui-ci souhaitait

 24   témoigner à huis clos. Le Bureau du Procureur soutient entièrement sa

 25   demande pour un certain nombre de raisons que je vais exposer


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  1   ultérieurement et pour des raisons que le témoin peut exposer lui-même si

  2   la Chambre de première instance le souhaite. Dans nos textes écrits, la

  3   défense nous a demandé de notifier l'identité de la personne que nous

  4   allons entendre aujourd'hui, ce que j'ai fait et j'ai demandé également le

  5   huis clos.

  6   Le 12, j’ai reçu une réponse de Me Hayman et j'ai appris que la

  7   défense allait s'opposer à cette demande sur des bases tout à fait

  8   pertinentes. J'ai d'ailleurs versé au dossier une copie de la lettre que

  9   Me Hayman m'a envoyée en tant qu'annexe A, après consultation avec le

 10   conseil de la défense. Le lendemain, j’ai rencontré Me Hayman et  nous

 11   avons discuté des bases de la demande de huis clos.

 12   J'ai été informé que le conseil de la défense discuterait de la

 13   question après le retour de Me Nobilo de Zagreb. Je viens d'apprendre à

 14   l'instant que la défense n'était pas favorable à un huis clos pour la

 15   déposition de ce témoin.

 16   Par conséquent, je continue à défendre la demande que j'ai déposée

 17   vendredi, demande de mesures de protection destinées aux témoins et

 18   incluant une audience à huis clos pour l'audition de ce témoin conformément

 19   aux articles 75B.2 et 79A. 2 et 3.

 20   A présent, Monsieur le Président, je suis tout à fait prêt à

 21   exposer les bases qui justifient notre demande, si vous le souhaitez.

 22   M. le Président. – (expurgé)

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 25   (expurgé). Témoin X estime que le témoignage qu'il est prêt à faire devant


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  1   ce Tribunal a une certaine valeur et que les efforts que je viens de

  2   résumer ont été le fruit d'une campagne orchestrée par des personnes

  3   situées aux postes les plus élevés de l'Etat de Croatie et destinés à

  4   l'empêcher de témoigner devant ce Tribunal.

  5   Il estime, Monsieur le Président -et le Procureur le soutient

  6   dans cette estimation- que lui-même et sa famille courent des risques

  7   importants si son témoignage est présenté en public et donc si sa demande

  8   d'audition à huis clos est rejetée.

  9   Messieurs le Président, Messieurs les Juges, Témoin X est prêt à

 10   témoigner sur toutes les questions dont je viens de parler si le Tribunal

 11   le souhaite. Voilà la fin de mon exposé liminaire, Monsieur le Président.

 12   M. le Président - Monsieur Hayman et monsieur Nobilo, vous vous

 13   opposez donc au huis clos pour ce témoin ? Qui est ce Témoin X, maître

 14   Harmon ?

 15   M. Harmon (interprétation). - . (expurgé)

 16   (expurgé)

 17   (expurgé)

 18   (expurgé)

 19   (expurgé). Il a joué un rôle important dans la fondation du HDZ,

 20   de ce parti politique en Bosnie-Herzégovine. (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   (expurgé)

 23   (expurgé). Je peux vous apporter des détails complémentaires si

 24   vous le souhaitez, mais je crois que j'ai déjà jeté quelques lumières sur

 25   les très nombreux postes de haut niveau qu'il a occupés au cours de sa


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  1   carrière.

  2   M. le Président - Maître Nobilo, vous vous opposez donc, au nom

  3   du

  4   

  5   Général Blaskic, au témoignage à huis clos. Quelles sont vos raisons ?

  6   M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

  7   M. le Président (interprétation). - Y a-t-il eu des échanges

  8   entre vous ?

  9   M. Nobilo (interprétation). - Non, nous n'avons discuté que très

 10   brièvement. Nous n'avons donc pas pu entrer au coeur des choses. Comme

 11   vous le savez, Monsieur le Président, la défense jusqu'à présent ne s'est

 12   jamais opposée à quelque mesure de sécurité demandée par le Bureau du

 13   Procureur. Nous sommes bien conscients du fait que, spécialement en

 14   Bosnie-Herzégovine, il peut arriver que les personnes voulant témoigner

 15   ici puissent être soumises à quelque danger. Donc, par respect pour la

 16   sécurité des témoins, nous n'avons jamais fait opposition à cette demande

 17   de mesure de protection.

 18   Mais aujourd'hui, nous le faisons car nous craignons que les

 19   responsables politiques ne puissent entraîner ce Tribunal dans des

 20   manipulations politiques. Nous craignons que ce Tribunal ne puisse, d'une

 21   manière ou d'une autre, devenir une arme dans le combat politique que se

 22   mènent certaines personnalités en Croatie. C'est donc pour défendre la

 23   dignité de ce Tribunal que nous nous opposons à cette requête. C'est notre

 24   seul motif.

 25   Témoin X a, par ailleurs, redit tout ce qu'il a dit dans sa


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  1   déclaration préalable en réponse à un certain nombre d'interviews qu'il a

  2   accordées. Je peux vous citer une collection d'interviews, cent ou deux

  3   cents, que j'ai moi-même recueillies. Il n'y a pas un seul point qu'il ait

  4   dit dans sa déclaration préalable qui n'ait pas été redit par lui au cours

  5   de l'une ou l'autre de ces interviews.

  6   Après la publication de sa déclaration préalable, et d'ailleurs

  7   le Bureau du Procureur présente les événements d'une façon assez

  8   défavorable pour la défense en affirmant que c'est sous l'effet des

  9   efforts de la défense que cette publication a eu lieu -ce qui n'est pas

 10   exact-, mais après la publication d'une manière ou d'une autre de cette

 11   déclaration préalable, Témoin X a accordé un grand nombre d'interviews qui

 12   ont toutes été utilisées dans son combat politique.

 13  

 14   Ce n'est pas la seule chose dont nous pouvons parler. S'ajoute à

 15   cela que Témoin X a promis qu'après avoir déposé à La Haye, après son

 16   retour de La Haye donc, il allait accorder une interview spéciale à un

 17   magazine croate bien connu. C'est la raison pour laquelle nous estimons

 18   qu'il s'agit là d'une manipulation politique. J'estime également que la

 19   Croatie, en tant qu'Etat de droit, est suffisamment stable pour assurer la

 20   sécurité de quelque citoyen de son Etat, dont la sécurité serait en

 21   danger. J'estime que tout ce qui a été fait jusqu'à présent est sans doute

 22   la conséquence de sa position politique. Je peux vous assurer qu'il a une

 23   grande habileté pour se sortir d'un débat politique difficile. Il n'a

 24   aucune crainte par rapport à quelque débat politique que ce soit.

 25   (expurgé)


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  1   (expurgé)

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  5   (expurgé)

  6   En conclusion, je considère que la sécurité de Témoin X n'est

  7   mise en danger d'aucune façon et que tous les éléments que vient d'évoquer

  8   le Procureur, et qui figurent dans la déclaration préalable de Témoin X,

  9   ont été répétés à l'intention du public et ce à de nombreuses reprises.

 10   L'accusation ne ferait que rendre plus difficile le travail de

 11   la défense en obtenant ces mesures de protection. Comment pourrions-nous

 12   utiliser les éléments fournis par Témoin X en tant qu'éléments destinés à

 13   prouver quoi que ce soit ? Comment pourrions-nous nous opposer à ces

 14   affirmations si nous ne pouvions pas confirmer ou infirmer ces propos

 15   auprès des autorités de Croatie responsables du travail politique en ce

 16   moment ? Si l'audience était menée à huis clos, la question se pose de

 17   savoir comment nous serions en mesure d’utiliser ces éléments.

 18  

 19   Encore un point, il n'est stipulé nulle part que Témoin X ait

 20   demandé une quelconque protection politique en raison d’une menace

 21   quelconque à sa sécurité. Témoin X est une personnalité très connue et je

 22   ne parviens tout simplement pas à imaginer une situation dans laquelle sa

 23   sécurité serait mise en danger.

 24   M. le Président. - Monsieur le Procureur, voulez-vous ajouter

 25   quelque chose avant que les Juges ne se retirent pour délibérer ?


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  1   M. Harmon (interprétation). - Oui, en effet, Monsieur le

  2   Président.

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  8   (expurgé)

  9   (expurgé)

 10   (expurgé)

 11   (expurgé)

 12   Merci, Monsieur le Président.

 13   M. Hayman (interprétation). - Puis-je faire deux commentaires,

 14   Monsieur le Président ?

 15   M. le Président. - Ce n'est pas usuel, Maître Hayman, mais

 16   allez-y avec l’autorisation bienveillante du Président.

 17   M. Hayman (interprétation). - D’abord je dirais que nous

 18   aimerions recevoir cette requête déposée vendredi ; nous ne l'avons jamais

 19   reçue. Sa lecture nous aiderait peut-être à parler plus directement au

 20   Procureur par rapport aux affirmations qui sont les siennes,

 21  

 22   notamment eu égard à cette note en bas de page.

 23   Ensuite, deuxième déclaration, elle est peut-être plus sensible.

 24   Monsieur Nobilo a commencé à recevoir des coups de téléphone de

 25   journalistes de Zagreb qui lui demandaient des informations au sujet de la


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  1   volonté de Témoin X d'accorder une interview à son retour. Maître Nobilo

  2   bien sûr a refusé d'entrer dans ce débat.

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  7   (expurgé)

  8   (expurgé)

  9   M. le Président. - Je me tourne d’abord vers mes collègues. Pas

 10   de question. Nous allons nous retirer et délibérer. L'audience est

 11   suspendue.

 12  

 13   L’audience, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 25

 14  

 15   M. le Président. - Les Juges, après en avoir délibéré, ont

 16   décidé à l'unanimité que le témoignage de Témoin X serait entendu à huis

 17   clos.

 18   Nous pouvons donc, Monsieur le Greffier, passer du huis clos partiel au

 19   huis clos total.

 20  

 21   L’audience se poursuit à huis clos.

 22   [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 23   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président,

 24   permettez-moi de soulever un second problème, problème que j'ai abordé

 25   vendredi dernier avec Me Hayman. Je souhaiterais vous dire quel est ce


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  1   problème et quelle est sa solution. Si vous me le permettez, je

  2  

  3   voudrais vous le présenter tout suite.

  4   M. le Président. - Il est gratifiant d'entendre une des parties,

  5   non seulement nous dire qu’elle a un problème, mais également qu’elle a la

  6   solution.

  7   M. Harmon (interprétation). - Il m'est apparu, lors d’un

  8   entretien avec le témoin, que Témoin X a précédemment été représenté par

  9   Me Nobilo, qui a été son conseil de la défense dans le cadre d'autres

 10   affaires.

 11   Bien sûr, je me suis posé la question de savoir s'il y avait là

 12   conflit d'intérêts au vu du fait que Me Nobilo pourrait contre-interroger

 13   Témoin X et afin d'éviter tout problème en cas d'accusation et d'appel de

 14   la sentence.

 15   Au vu de la possibilité d'un conflit quant à la possibilité de

 16   Me Nobilo de contre-interroger son ancien client, j'ai fait part de ce

 17   problème à Me Hayman avant d'entrer dans le prétoire et j'ai appris que

 18   l'accusé, M. Blaskic, serait prêt à passer outre tout type de conflits qui

 19   pourraient surgir si Me Nobilo menait le contre-interrogatoire du client.

 20   M. Hayman (interprétation). - C’est tout à fait exact. Ceci peut

 21   apparaître au compte rendu si c'est nécessaire. Je précise qu'il y a

 22   quelques mois, la défense a fait part à l'accusation du fait que Témoin X

 23   avait été un des clients de Me Nobilo. Cela figure déjà aux comptes rendus

 24   de nos audiences. Ce n'est pas quelque chose que nous avons cherché à

 25   tenir secret.


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  1   M. le Président (interprétation). - Cette précision est

  2   importante. Il peut y avoir effectivement conflit d'intérêts. Nous

  3   enregistrons d’abord -et Monsieur Greffier veillera, comme tout ce que

  4   nous faisons ici, que ce soit bien inscrit au compte rendu- que le

  5   Général Blaskic renonce à toute nullité ou toute cause d'appel de ce

  6   problème. La renonciation de l'accusé est un point important. Ce n’était

  7   pas le point essentiel. Vous savez très bien qu’il peut toujours y avoir

  8   des causes d'appel.

  9   Je me posais la question de savoir s'il ne serait pas encore

 10   plus efficace que ce soit

 11  

 12   Me Hayman qui procède au contre-interrogatoire. Ne serait-ce pas encore

 13   mieux, une meilleure garantie, quitte à ce que l'on vous laisse un peu de

 14   temps si, par hasard, c'était Me Nobilo qui s'était préparé à se contre-

 15   interrogatoire ?

 16   M. Hayman (interprétation). - Nous pensons que ce qu'a déclaré

 17   notre client suffit largement. Au vu de ce qui a été décidé, moi-même

 18   comme mon collègue pouvons mener le contre-interrogatoire. Il y a un

 19   certain nombre de documents rédigés en croate. Ils seront utilisés au

 20   cours du contre-interrogatoire. Je pense qu’il est logique que ce soit

 21   Me Nobilo qui mène ce contre-interrogatoire. C’est d’ailleurs ce qui était

 22   prévu.

 23   M. le Président (interprétation). - Je préfère consulter sur le

 24   siège mes collègues.

 25   A l'unanimité également, les Juges ont décidé de se rallier à la


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  1   solution proposée à la fois par l'accusation, la défense et l'accusé. S'il

  2   le souhaite, ce sera Me Nobilo qui assurera le contre-interrogatoire, dès

  3   lors que l'accusé a renoncé de lui-même et volontairement à toute cause

  4   potentielle ou virtuelle d'attaque en appel de cet aspect de la décision

  5   future.

  6   Avez-vous un troisième problème, Maître Harmon, pour lequel vous

  7   auriez une solution ?

  8   M. Harmon (interprétation). - La seule chose que je demande,

  9   Monsieur le Président, c'est qu'en fait je souhaite que l'on précise un

 10   peu les choses. El Général Blaskic a déclaré qu'il était prêt à renoncer à

 11   tout appel en cas de conflit d'intérêts et le conseil de la défense a

 12   indiqué qu'il était prêt à suivre son client dans cette affaire. Mais nous

 13   n'avons pas entendu le Général Blaskic se prononcer sur ce point.

 14   M. le Président (interprétation). - De temps en temps, je

 15   l'appelle mais il paraît que cela ne se fait pas dans ce système. Peut-

 16   être cette fois-ci, en plein accord Général, Monsieur Blaskic, pouvez-vous

 17   vous lever. Vous avez suivi le débat. Vous renoncez donc à toute cause

 18   potentielle d'appel du fait de cette possible contrariété d'intérêts qu'il

 19   pourrait y avoir entre la position de Me Nobilo, ancien conseil de Témoin

 20   X, et l’actuelle position de

 21  

 22   Me Nobilo qui pourrait faire le contre-interrogatoire. Pouvez-vous nous le

 23   dire clairement et fermement ?

 24   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

 25   les Juges, je me sans un peu gêné de me prononcer après que vous ayez


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  1   rendu votre ordonnance sur ce point. Je sais que Stepjan Témoin X a

  2   précédemment été l’un des clients de mon conseil, Me Nobilo. Je renonce à

  3   tout droit me permettant de faire appel à un conflit d'intérêts qui pour

  4   resurgir dans le cadre de cette situation.

  5   M. le Président. - Monsieur Harmon, êtes-vous totalement

  6   satisfait et avez-vous un quatrième problème ?

  7   M. Harmon (interprétation). - Je n'ai plus de questions à poser

  8   ni de problèmes supplémentaires. Je vous remercie.

  9   M. le Président. - Nous allons demander à M. le Greffier

 10   d'introduire le témoin sans que soit mentionné son nom, puisque nous

 11   sommes dans un huis clos total.

 12   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, souhaitez-

 13   vous que je vous donne les grandes lignes du témoignage de Témoin X avant

 14   qu'il n'entre dans le prétoire ?

 15   M. le Président. - Avant qu'il n'entre, vous nous donnez les

 16   grandes lignes de ce témoignage à condition que vous en fassiez quelque

 17   chose après. Je vous surveille particulièrement. Vous faites un sommaire

 18   pour vous borner, ensuite, aux questions concernant ce sommaire.

 19   M. Harmon (interprétation). - Bien sûr, monsieur le Président.

 20   Je l’ai dit, Témoin X est un homme politique de toute première

 21   importance dans le cadre de l'histoire de la désintégration de l'ex-

 22   Yougoslavie. Il a joué un rôle clé à la fois au sein du monde politique

 23   croate et au sein de ce qui s'est passé au sein de l’ex-République

 24   socialiste fédérative de Yougoslavie. Je vais lui demander de nous dire

 25   quels ont été les différentes étapes de sa carrière en tant qu’homme


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  1   politique.

  2  

  3   Témoin X va faire un témoignage qui nous raconte l'évolution du

  4   HDZ, à la fois sa fondation en Croatie et sa fondation en tant que parti

  5   en Bosnie. Il abordera la question des rapports existants entre le parti

  6   du HDZ et la Bosnie et le parti du HDZ en Croatie.

  7   Etant donné qu'il était très proche du Président Tudjman, le

  8   Président actuel de la République de Croatie, il a eu l'occasion

  9   d'entendre ce dernier se prononcer quant à ces deux sujets, à la fois la

 10   Bosnie et les Musulmans de Bosnie. Il vous dira quelles ont été les

 11   opinions de M. Tudjman sur ces deux points. Il  nous dira quelles étaient

 12   les doubles politiques du Président Tudjman à l'égard de la Bosnie, l’une

 13   de ses politiques était une politique de reconnaissance de l'indépendance

 14   de la Bosnie, et il y avait une politique cachée qui visait à diviser la

 15   Bosnie entre la Croatie et la Serbie.

 16   En 1991, des entretiens ont eu lieu entre M. Tudjman et

 17   M. Milosevic suite auxquels la politique clandestine de M. Tudjman visant

 18   à la division de la Bosnie a été mise en oeuvre. Témoin X nous parlera de

 19   ces entretiens. Il nous parlera également de certaines des rencontres qui

 20   ont eu lieu à Zagreb qui ont eu lieu entre M. Tudjman et Mate Boban, Dario

 21   Kordic, Anto Valenta et d’autres encore.

 22   Il nous expliquera quelles étaient les lois en vigueur lorsque

 23   la Bosnie était encore indépendantes, les lois qui régissent les élections

 24   et les lois qui, en fait, réduisent la capacité de la Bosnie à se déclarer

 25   indépendante.


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  1   Il parlera de l'implication de la Croatie dans le cadre de la

  2   guerre en Bosnie impliquant les Musulmans de Croatie. Il nous décrira quel

  3   était l'impact du plan Vance Owen sur la réflexion des dirigeants

  4   politiques à la fois en Croatie et en communauté croate d’Herceg-Bosna.

  5   Enfin, il nous dira quels ont été ces entretiens avec des

  6   personnes, des entretiens relatifs avec ce qui s'est passé à Ahmici.

  7   Voici, Monsieur le Président, les grandes lignes du témoignage

  8   de Témoin X. Je

  9  

 10   pense que son témoignage est pertinent, notamment au vu des paragraphes 5

 11   et 5.1 des allégations générales qui figurent dans l’acte d’accusation,

 12   qui traitent de l’existence d'un conflit international armé. Son

 13   témoignage est tout à fait pertinent, notamment pour ce qui a trait aux

 14   infractions graves et aux chefs d'accusation relatifs aux infractions

 15   graves, à savoir les chefs d'accusation 5, 8, 11, 15, 17 et 19.

 16   J’en ai terminé, Monsieur le Président, de la présentation du

 17   témoignage de Témoin X.

 18   M. le Président. - En accord avec un de mes collègues, mais je

 19   vais appeler l'attention de mon autre collègue, avant de vous interpeller

 20   sur un point.

 21   (Les Juges se consultent sur le siège.)

 22   M. le Président. - Avez-vous parlé avec ce témoin, maître

 23   Harmon, de l’article 90/F ? Parce que ce Témoin X -nous sommes à huis

 24   clos- semble avoir participé, au plus haut niveau, à la politique de

 25   M. Tudjman. Je ne sais pas s’il a participé à des actes ou pas. Vous en


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  1   avez parlé avec lui ? Nous, nous lui poserons bien entendu des questions.

  2   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

  3   parlé de ce paragraphe de l’article 90 du Règlement avec le témoin. Je ne

  4   pensais pas que cela avait un quelconque rapport avec lui au vu de la

  5   nature de son témoignage.

  6   M. le Président. - Nous voilà prévenus dans ces conditions. Je

  7   vous en remercie. Nous pouvons introduire Témoin X.

  8   (Le témoin, Témoin X, est introduit dans la salle d’audience.)

  9   M. le Président. - Témoin X, vous m'entendez ?

 10   Témoin X (interprétation). - Oui. Je m'appelle Stjepan Témoin X.

 11   M. le Président. - L’huissier va vous tendre votre déclaration

 12   qui est votre serment.

 13   Témoin X (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 14   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15  

 16   M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir. Merci. Vous allez

 17   répondre en partie aux questions du conseil de l'accusation qui vous a

 18   cité dans le cadre du procès intenté devant le Tribunal pénal

 19   International contre le Général Blaskic, l'accusé ici présent.

 20   Vous ferez votre déposition librement, par séquence, et c'est le

 21   Procureur qui va introduire le plan et la cohérence propre à vous

 22   permettre une déposition qui soit la plus claire possible à l'intention

 23   des juges.

 24   M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 25   Bonjour, Témoin X.


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  1   Témoin X (interprétation). - Bonjour.

  2   M. Harmon (interprétation). - Je vais vous poser un certain

  3   nombre de questions et vous indiquer à quels domaines ces questions

  4   appartiennent. Je vais essayer de les définir du mieux que je peux et je

  5   vais vous demander ensuite de dire aux Juges, avec vos propres mots, ce

  6   que vous avez à dire quant à ces questions et ces différents domaines que

  7   nous allons aborder.

  8   Je voudrais vous demander de nous donner un aperçu de votre

  9   carrière, votre carrière politique tout à fait remarquable notamment, de

 10   nous dire quels ont été les différents postes que vous avez occupés à la

 11   fois au sein de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, au

 12   sein de la République de Yougoslavie lorsqu'elle est devenue l'une des

 13   républiques constituant la République socialiste fédérative de

 14   Yougoslavie, et enfin de nous dire quels postes vous avez occupés au sein

 15   de la République de la Yougoslavie depuis son indépendance.

 16   Témoin X (interprétation). - Je vous remercie. (expurgé), en

 17   Croatie. J'ai fait toute mon éducation primaire dans ma ville d'origine.

 18   Je l'ai poursuivie pendant les années de guerre, (expurgé)

 19   (expurgé) , enfin j’ai suivi des cours de droit à Zagreb,

 20   (expurgé) et à Zagreb. Ensuite, j'ai été juge pendant

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  


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  1  

  2  

  3  

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  8   (expurgé)

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 23   (expurgé)

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 25   (expurgé)


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  1   (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé)

  5   (expurgé)

  6   (expurgé)

  7   (expurgé)

  8   Maintenant, si l'on peut dire, je n'ai plus vraiment de contact

  9   avec les institutions du parti. Il y avait trois partis indépendants en

 10   Croatie. Un troisième parti a fusionné avec un autre parti, je suis devenu

 11   leur président après avoir quitté le parti au pouvoir, le HDZ.

 12   M. Harmon (interprétation). - Quelques éclaircissements, Témoin

 13   X, concernant certains points que vous avez soulevés. Vous avez parlé du :

 14   Printemps croate, pourriez-vous expliquer aux Juges de quoi il s'agit ?

 15   Témoin X (interprétation). - Le printemps croate est en fait un

 16   mouvement qui était dirigé par une section du parti communiste ou, disons,

 17   par les dirigeants de la ligue croate des communistes. En fait, de la

 18   partie éclairée, la section éclairée de ce parti. En fait, ce mouvement

 19   était constitué d'un certain nombre d'éléments. Il y avait tout d’abord un

 20   mouvement d'étudiants, un mouvement syndicaliste, et puis il y avait un

 21   troisième élément constitué d’institutions culturelles. Ce troisième

 22   élément s’appelait Matica. Ce sont ces trois éléments qui constituaient

 23   ensemble le printemps croate.

 24   M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez été

 25   jugé, que vous aviez été condamné à une certaine période d’emprisonnement.


Page 7158

  1   Pourriez-vous expliquer aux

  2  

  3   Juges ce qu’il s’est passé ? Pourquoi avez-vous été accusé ?

  4   Témoin X (interprétation). - Cela paraîtrait ridicule

  5   aujourd’hui de parler des chefs d’accusation qui ont été retenus contre

  6   moi parce que ce que j’ai fait à l’époque n’est plus reconnu ni comme une

  7   infraction ni comme un délit.

  8   Mais à l'époque c'était un chef d'accusation extrêmement grave

  9   qui était retenu contre moi. Du fait de la formation de cette association

 10   culturelle, j'ai dû me déplacer en Croatie pour aller rencontrer les

 11   représentants de cette institution au niveau municipal. Lors de l'un de

 12   ces voyages, j'ai déclaré que les croates s'étaient frayés le chemin vers

 13   l'Adriatique avec l'épée à la main alors que d'autres avaient réussi à

 14   atteindre cette région du fait de leur simple façon d'être.

 15   Nous avons également dit que ce qui était important c'était que

 16   le démon essayait de souffler sur le feu plutôt que de l'éteindre. La

 17   troisième chose que j'ai dite, c'est qu'il y avait des croates qui avaient

 18   assassiné l'ambassadeur croate en Suède, j'ai dit que cela n'allait pas

 19   dans le sens de nos intérêts. Et lorsque j'ai dit cela, j'ai également dit

 20   que l'enquête permettrait d'établir qui était responsable de cet acte. Et

 21   bien sûr, lorsque cela a été examiné par les organes judiciaires

 22   compétents, on a déclaré que je pensais aux serbes lorsque je disais cela

 23   et que j'essayais en fait de dire que c'était la police de Belgrade qui

 24   était derrière cet acte et cela a suffi pour que je sois emprisonné pour

 25   deux ans et deux mois.


Page 7159

  1   M. Harmon (interprétation). – (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4    Témoin X (interprétation). – (expurgé)

  5   (expurgé)

  6   M. Harmon (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention

  7   sur un autre sujet, à savoir la création et l'évolution du HDZ. en

  8   Croatie. Pourriez-vous expliquer aux Juges quelle a

  9  

 10   été l'évolution de ce parti en Croatie ?Comment cette entité est-elle

 11   devenue un parti politique ? Au départ n'était-ce pas simplement un

 12   mouvement ? Quelle était la philosophie qui régnait au sein de ce parti ?

 13   Témoin X (interprétation). - A la fin de 1971, avec la

 14   disparition du printemps croate, tous les processus démocratiques ont été

 15   interdits, on y a mis fin dans l'ensemble de la  Yougoslavie. Il y a eu

 16   des persécutions considérables et plus de 10000 participants du printemps

 17   croate ont été emprisonnés. Puis une quantité plus grande encore de

 18   personnes ont perdu leur emploi ou ont été soumis à de mauvais

 19   traitements. Mais vous savez comment va la vie, en fait la pression s'est

 20   un peu relâchée.

 21   Peu de temps après, en 1985-1986 nous avons commencé à

 22   réfléchir. Nous nous sommes demandé si l'opposition, que nous

 23   représentions, pouvait commencer à s’organiser. Nous avons formé un

 24   certain nombre de groupes de réflexion. Dès 1988, nous avons commencé à

 25   réfléchir à la possibilité de publier un journal qui échapperait au


Page 7160

  1   contrôle des pouvoirs en place.

  2   Avec le processus de démocratisation en Croatie, en Serbie, et

  3   l’arrivée au pouvoir en Serbie de Milosevic, ce dernier a manifesté sa

  4   volonté de repousser les frontières de la Serbie, de l’agrandir en

  5   direction du Kosovo et de la Voïvodine. Il souhaitait abolir le statut

  6   autonome du Kosovo et de la Voïvodine.

  7   D’où une accélération de la volonté de former un parti. Le

  8   premier parti a été fondé en 1989 : le Parti Libéral-Social croate. Avec

  9   les personnes qui ont participé à la création de cette communauté

 10   démocratique, nous avons utilisé ce terme d’union pour éviter d'utiliser

 11   celui de parti, car à l'époque nous ne pouvions pas le faire. Il y avait

 12   un réel danger quant au fait de voir le parti aboli. C'est ainsi que

 13   l'Union démocratique croate a été fondée. Nous pensions qu’en l'appelant

 14   ainsi nous échapperions à l'abolition de notre parti. J'ai rejoint les

 15   rangs du HDZ (expurgé).

 16  

 17   Nombre de personnes avaient participé à la fondation, à la mise

 18   en place de ce parti. Une assemblée fondatrice avait été mise sur pied. Un

 19   certain nombre de personnes y participaient, quelques centaines de

 20   personnes. Mais, en fait, la rumeur a commencé à circuler selon laquelle

 21   la police avait déclaré nos assemblées illégales. Franjo Tudjman, avec

 22   cinquante-six de ses partisans, se sont rendus dans un stade de football

 23   et ont proclamé la formation du parti. Le comité principal du parti a été

 24   élu. Ensuite, il a lui-même été élu président de ce comité.

 25   Je n'ai pas pris part à ces toutes premières élections.


Page 7161

  1   Quelqu'un d'autre a été élu à l'époque. (expurgé)

  2   (expurgé).

  3   M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire quelle

  4   était l’idéologie politique du HDZ au moment de la création de ce parti ?

  5   Et l'évolution de cette idéologie par la suite ?

  6   Témoin X (interprétation). - Etant donné qu’auparavant tous les

  7   membres de l'opposition étaient pour le multipartisme, il va sans dire que

  8   le HDZ affirmait dans son programme qu'il était en faveur du

  9   multipartisme, de la démocratie et du processus démocratique. A l'époque,

 10   c'est-à-dire lors de la création des partis, il y avait une coopération

 11   entre ces partis, même s’il existait une concurrence.

 12   Une majorité de partis se sont créés dans un esprit européen

 13   comme de vrais partis politiques, alors que le HDZ prenait de plus en plus

 14   des allures de mouvement et, jusqu'à aujourd'hui, il reste un mouvement.

 15   Le HDZ avait le monopole du pouvoir, il a introduit la centralisation du

 16   pouvoir. Cette Union ne s'est pas précisée comme un parti, elle est donc

 17   devenue une entrave au développement de la démocratie. Par conséquent, le

 18   parti unique semblait dominer une fois de plus. Le HDZ était au pouvoir.

 19   Les autres partis ne pouvaient mettre en danger le pouvoir du HDZ. Une

 20   majeure partie des décisions, quelles soient

 21  

 22   productives ou non, était toujours déterminée, toujours adoptée.

 23   Même lorsqu'il s'agit de politique vis-à-vis de la Bosnie-

 24   Herzégovine, je ne m’en suis plus occupée (expurgé)

 25   (expurgé)


Page 7162

  1   M. Harmon (interprétation). - Témoin X, la philosophie et le

  2   caractère du HDZ ont-ils changé suite aux appels de Slobodan Milosevic aux

  3   visées nationalistes de la Serbie, des Serbes qui habitaient en Croatie ?

  4   Témoin X (interprétation). - Différents facteurs ont pesé sur la

  5   structure du HDZ et sur sa politique. L'un des facteurs principaux se

  6   situe dans la politique de Slobodan Milosevic. Il a appliqué une politique

  7   ultra-nationaliste en Serbie et eu une influence sur une radicalisation de

  8   la politique en Croatie, en Slovénie, en Macédoine et en Bosnie-

  9   Herzégovine. En d'autres termes, Slobodan Milosevic, par le biais de sa

 10   politique radicale, a anéanti l'autonomie du Kosovo, a mis un terme à

 11   l'autonomie de la Voïvodine, a étouffé le Monténégro. On ne pouvait plus

 12   s'attendre à ce que la Croatie, la Slovénie, la Bosnie puissent à l’avenir

 13   connaître un sort meilleur.

 14   Cette politique radicale serbe s’imposait et essayait de trouver

 15   des appuis auprès des Serbes de Croatie également. Malheureusement, nous

 16   n'avons pas été en mesure de faire en sorte que les Serbes de Croatie

 17   réagissent contre cette politique de Slobodan Milosevic. Par conséquent,

 18   il a pu bénéficier d'une marge de manoeuvre importante chez les Serbes de

 19   Croatie. Cette politique a eu un impact et a abouti à la création d'un

 20   ensemble radical au sein du HDZ, mais également au sein d’autres partis,

 21   même si c'est dans une moindre mesure que le phénomène s'est produit dans

 22   les partis d'opposition.

 23   M. le Président. - Nous allons prendre une petite pause, si vous

 24   voulez bien, d’un quart d'heure. Ensuite, nous essaierons de poursuivre

 25   une heure, donc jusqu'à 18 heures 15.


Page 7163

  1  

  2   L’audience, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 20.

  3  

  4   M. le Président. - L’audience est reprise. Veuillez introduire

  5   l’accusé.

  6   (L’accusé est introduit dans le prétoire.)

  7   Nous siégerons jusqu'à 18 heures. Continuez,

  8   Monsieur le Procureur.

  9   M. Harmon (interprétation). - Témoin X, avant la pause, vous

 10   nous avez dit que M. Milosevic avait lancé un appel au nationalisme et que

 11   cela avait eu un impact sur le HDZ en Croatie. Pouvez-vous nous en dire

 12   davantage ?

 13   Témoin X (interprétation). - Il est bien connu que M. Milosevic

 14   est arrivé au pouvoir en Serbie en invoquant des arguments nationalistes.

 15   Au Kosovo, un soulèvement a été maté ; une résistance a été matée. La même

 16   chose s'est produite en Voïvodine. Cela s'est poursuivi au Monténégro et

 17   il existait un danger, suite au changement démocratique, que cette

 18   situation ne se reproduise en Croatie, surtout, étant donné que Milosevic,

 19   non seulement lui-même mais tous ceux qui se battaient pour sa politique,

 20   représentait une menace permanente pour toutes les autres républiques.

 21   Monsieur Milosevic ne s'intéressait pas à une Yougoslavie quelle

 22   qu'elle soit, confédérée ou fédérée. Il était intéressé par la Serbie

 23   uniquement, et une Serbie qui aurait des frontières élargies. Le danger le

 24   plus important d'une telle politique s'adressait à la Croatie. En effet,

 25   il existait une population serbe en Croatie, environ 10 % de la


Page 7164

  1   population. Une partie de cette population serbe était dispersée dans

  2   toutes les villes de Croatie. Il n'y avait donc pas un danger important de

  3   radicalisme mais, là où des regroupements plus importants de Serbes

  4   existaient, l'influence de Milosevic était plus importante. En effet, un

  5   parti, le Parti Démocrate Serbe, a été créé, dirigé par Jovan Raskovic. Il

  6   a rassemblé les Serbes radicaux autour de la politique de

  7   Slobodan Milosevic ?.

  8   Au départ, les revendications serbes visaient à obtenir

  9   l'autonomie culturelle mais, à

 10  

 11   mesure que cette tendance prenait de l'ampleur, les revendications

 12   prenaient de l'ampleur également. On est arrivé au cas, que l'on connaît

 13   bien, de la fermeture des routes en Croatie, qui s'est appelée la

 14   "Révolution Balbane". Moi-même, j'ai appelé tous les maires de populations

 15   à majorité serbe à se mettre autour d'une table pour essayer de trouver

 16   une solution, afin que l'on arrête cette radicalisation et que l'on

 17   rétablisse une situation normale, que l'on ouvre les routes et les moyens

 18   de communication.

 19   J'ai donc convoqué tous les maires des villes à majorité serbe.

 20   Ils ont tous accepté, à l'exception de Milan Babic , maire de Knin, qui,

 21   avec Raskovic était en contact direct avec Belgrade, en d'autres termes

 22   était en contact direct avec Slobodan Milosevic.

 23   Etant donné qu'il était en contact avec Belgrade, il a reçu des

 24   instructions de ne pas se rendre à un tel rendez-vous. Il a donc reçu

 25   comme instruction qu'il ne fallait pas s'entendre avec le nouveau


Page 7165

  1   Gouvernement croate. Cela nous a mis dans une situation difficile, car

  2   l'économie croate connaissait bien des difficultés. Il y avait des

  3   problèmes dans le domaine de la santé, de l'éducation et autres. Des

  4   problèmes se posaient dans les mécanismes de l'Etat même, en raison d'une

  5   telle opposition des éléments radicaux serbes qui recevaient des

  6   instructions de Belgrade et de Slobodan Milosevic uniquement.

  7   Etant donné que cela représentait un problème pour la Croatie,

  8   les radicaux croates sont également intervenus. On est donc passé au

  9   niveau collectif. Tous les Croates collectivement estimaient que la faute

 10   revenait aux Serbes, et l'inverse.

 11   On ignore que le coupable est celui qui avait prémédité cette

 12   situation, en d'autres termes Slobodan Milosevic.

 13   C'est ce durcissement qui a constitué une entrave au processus

 14   démocratique. Tout cela a conduit, comme nous le verrons plus tard, à la

 15   guerre et, tout d'abord, à l'échauffement.

 16   M. Harmon (interprétation). - Le nationalisme croissant a eu des

 17   incidences sur le HDZ et sur sa direction. Est-ce le cas ?

 18  

 19   Témoin X (interprétation). - Oui. Lorsque nous avons constitué

 20   le HDZ, la direction avait une orientation démocratique. Il y avait

 21   énormément d'anti-fascistes, à commencer par Fanjo Tudjman,

 22   Josif Bolkovac, Yosif Bakovic. Ils s'étaient tous battus pendant la

 23   deuxième guerre mondiale. Il n'y avait donc pas de possibilité, lors de la

 24   création du HDZ, de faire en sorte que cette politique prenne un tour plus

 25   radical à l'avenir.


Page 7166

  1   Par conséquent, les éléments plus radicaux se sont renforcés et

  2   ils ont cherché leur inspiration en Italie et en Allemagne.

  3   La Croatie ne pouvait naître que sur une tradition anti-

  4   fasciste. Elle a été constituée comme un Etat fédéral après la deuxième

  5   guerre mondiale, ce qui a été confirmé par la Constitution par la suite

  6   mais, par ailleurs, nous avons été gênés par ceux qui n'avaient pas

  7   compris que l'histoire était du passé et que le présent était différent,

  8   que les événements historiques sont là et que l'on ne peut pas les

  9   changer. On peut les interpréter de manières différentes, mais on ne peut

 10   rien y changer.

 11   M. Harmon (interprétation). - Aux fins du compte rendu, pour

 12   être bien clair, qui était le chef du HDZ. en Croatie ?

 13   Témoin X (interprétation). - On sait que Fanjo Tudjman a été

 14   désigné premier Président du HDZ. lors de la création du HDZ, il y avait

 15   plusieurs candidats -pour m'exprimer ainsi- pour présider le HDZ, mais

 16   c’est Fanjo Tudjman qui a gagné. Par la suite, et jusqu'à ce jour, il est

 17   resté président de ce parti qui, en fait, n'est pas un parti mais un

 18   mouvement. Un mouvement qui est entré dans tous les rouages de l'Etat. Il

 19   contrôle les médias. C'est un mouvement qui contrôle tous les mécanismes

 20   économiques. Tout est centralisé, le pouvoir est centralisé à tous les

 21   niveaux. En fait, cela a mis un terme à la démocratisation, mais j'espère

 22   que l'avenir sera meilleur.

 23   M. Harmon (interprétation). - Témoin X, j'aimerais que vous

 24   nous parliez d'un autre aspect : le développement du HDZ en tant que

 25   parti politique en Bosnie. Savez-vous


Page 7167

  1  

  2   quand le parti politique HDZ a été créé en Bosnie et (expurgé)

  3   (expurgé)?

  4   Témoin X (interprétation). - Après la création du HDZ en

  5   Croatie, on a décidé de s'implanter également sur le territoire de la

  6   Bosnie-Herzégovine. Monsieur Anto Bakovic et M. Perica Juric étaient

  7   chargés de cela.

  8   Je crois qu'ils se sont acquitté de cette tâche relativement

  9   rapidement. Le HDZ a pris de l'ampleur en Bosnie-Herzégovine parce que

 10   des Musulmans ont participé à ce parti. Le premier président a été

 11   M. Perinovic qui est médecin. Puis, des changements sont intervenus, il y

 12   a également eu des modifications dans la structure du HDZ de l'Union

 13   démocratique croate. Essentiellement, ce sont ceux qui n'appartiennent

 14   pas au corps croate qui ont disparu.

 15   M. Harmon (interprétation). - Témoin X, le parti politique du

 16   HDZ en Croatie et le HDZ en Bosnie-Herzégovine étaient-ils liés ?

 17   Pourriez-vous nous en dire plus sur cette relation ?

 18   Témoin X (interprétation). - En théorie, l'Union démocratique

 19   croate de Croatie est distincte de l'Union démocratique croate de Bosnie-

 20   Herzégovine. C'est en théorie, je dois le dire pour que la vérité soit

 21   respectée. Mais, dans la réalité, toutes les décisions sont prises à

 22   Zagreb et il ne fait aucun doute que le HDZ de Bosnie-Herzégovine n'est

 23   en aucune façon un parti autonome. En théorie oui mais, dans la réalité,

 24   il est absolument certain que ce n'est pas le cas.

 25   M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous parler aux juges


Page 7168

  1   des dirigeants du HDZ en Bosnie-Herzégovine, à commencer par le

  2   Dr Perinovic ? Pourriez-vous dire aux Juges qui était le Dr Perinovic,

  3   quels étaient son passé politique et son appartenance ethnique ?

  4   Pourriez-vous dire aux juges tous les détails que vous connaissez au

  5   sujet des dirigeants en Bosnie-Herzégovine ?

  6   Témoin X (interprétation). - Avant la réunion de création du

  7   HDZ qui a eu lieu en

  8  

  9   Bosnie-Herzégovine, on ne savait en fait pas tout à fait qui serait le

 10   président. Don Anto Bakovic, qui est un Croate de Croatie, avait quelque

 11   ambition à ce sujet mais la décision a finalement été prise de placer à

 12   ce poste M. Perinovic.

 13   Cela étant, plus tard, on a su qu'il avait caché un certain

 14   nombre de choses, que son père était serbe, que son grand-père était un

 15   membre du clergé orthodoxe. En fait, cette origine n'est pas la raison

 16   principale de ce qui a suivi, mais bien le fait qu'il ait caché un

 17   certain nombre d'éléments et qu'il était donc capable de cacher d'autres

 18   éléments par la suite, d'autres éléments qui pouvaient avoir un intérêt

 19   pour la vie politique en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

 20   C'est la raison pour laquelle, au vu de ces faits, une nouvelle

 21   solution a été recherchée et c'est M. Stepan Kijujic qui a été choisi

 22   pour occuper le poste de président du HDZ en Bosnie-Herzégovine à la

 23   suite de M. Perinovic.

 24   C'était un homme qui s'était battu pour l'unité de la Bosnie-

 25   Herzégovine. Donc, Stepan Kijujic, à ce titre, est entré en opposition


Page 7169

  1   avec tous ceux auxquels l'existence d'un Etat unifié ne convenait pas.

  2   (expurgé).

  3   (expurgé)

  4   (expurgé).

  5   Mais lors des discussions que j'ai eues avec l'organe central du

  6   HDZ de Bosnie-Herzégovine, je me suis rendu compte que Kljujic bénéficiait

  7   d'un appui très important, d'un appui de la majorité des gens qu'il

  8   représentait. Parce que, à ce moment-là, la scission qui devait résulter

  9   ultérieurement des événements en cours, notamment de la création de la.

 10   Bosnie-Herzégovine et des décisions politiques prises par la suite,

 11   n'avait pas encore eu lieu. (expurgé)

 12   (expurgé)

 13   (expurgé).

 14   Cependant, Stjepan Kljujic a répondu : «Si le Président Tudjman

 15   a décidé de me remplacer, il le fera d'une façon ou d'une autre. Je vous

 16   remercie, mais je présente ma

 17  

 18   démission et je quitte cette municipalité, Siroki Brijeg». Et il est parti

 19   à Sarajevo.

 20   (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   (expurgé).

 23   Aujourd'hui, il est à Sarajevo et il est donc resté à son poste

 24   quelques mois. Mais au bout de ces quelques mois, il y a eu encore un

 25   remplacement et c'est Mate Boban qui a été nommé à son poste. (expurgé).


Page 7170

  1   M. Harmon (interprétation). (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé)

  5    Témoin X (interprétation). – (expurgé)

  6   (expurgé)

  7   (expurgé).

  8   M. Harmon (interprétation). (expurgé)

  9   (expurgé)?

 10   Témoin X (interprétation). (expurgé)

 11   (expurgé)

 12   (expurgé)

 13   (expurgé)

 14   (expurgé)

 15   (expurgé)

 16   (expurgé).

 17   M. Harmon (interprétation). – Témoin X, Stjepan Kljujic en fait

 18   était marié à une bosniaque ?

 19  

 20   Témoin X (interprétation). – Oui, il l'était et l’est toujours

 21   aujourd'hui.

 22   M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que Mate Boban avait

 23   finalement été choisi pour occuper le poste de Président du HDZ. en

 24   Bosnie. Pouvez-vous dire au juge quelles étaient ses relations avec Franjo

 25   Tudjman ?


Page 7171

  1   Témoin X (interprétation). -  Et bien c’est Miljenko Brkic qui

  2   avait occupé ce poste par intérim avant Mate Boban. Après quoi, Mate Boban

  3   est arrivé à ce poste. Je dois dire que je n'étais pas absolument ravi de

  4   cette solution (expurgé)

  5   (expurgé). Il avait évolué dans ses idées politiques. Il s'était

  6   depuis longtemps intéressé à la démocratisation et, progressivement, il a

  7   mis en oeuvre une politique qui lui était imposée par Zagreb, plus

  8   précisément par Franjo Tudjman. Finalement, il a appliqué cette politique

  9   jusqu'au bout. Chaque fois que j'ai eu l'occasion de discuter avec lui, il

 10   m'a affirmé que sa politique ne venait pas de lui, qu'il mettait en oeuvre

 11   ce qui lui était demandé par Zagreb et donc par le Président du HDZ de

 12   Zagreb.

 13   Malheureusement, cette politique a eu des répercussions tout à

 14   fait concrètes, mais dans un sens négatif.

 15   M. Harmon (interprétation). -  M. Boban vous a-t-il également

 16   dit qu'il devait consulter M. Tudjman chaque fois qu'il avait une décision

 17   importante à prendre au sujet de l’Herceg Bosna ?

 18   Témoin X (interprétation). -  Oui, il a dit cela aussi, mais

 19   même s'il n'avait pas dit cela, la télévision croate montrait tous les

 20   jours les hommes qui venaient du HDZ de Bosnie-Herzégovine en Croatie. On

 21   voyait cela tous les jours à la télévision, on en entendait parler dans

 22   les journaux et la plupart du temps, il s'agissait de délégation du HEZ de

 23   Bosnie-Herzégovine qui venaient en Croatie. Après quoi, il y a eu des

 24   délégations de la république croate d’Herceg Bosna qui sont venues en

 25   Croatie et aujourd'hui on parle de délégations du peuple croate de Bosnie-


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  1   Herzégovine qui viennent voir le président Tudjman. En fait, les visiteurs

  2   sont toujours

  3  

  4   les mêmes, ils changent de nom en fonction du temps.

  5   M. Harmon (interprétation). – Pourriez-vous décrire aux Juges la

  6   philosophie politique du HDZ en Croatie au moment de sa création, de

  7   quelle façon cette philosophie politique a évolué, ainsi que le point

  8   auquel elle a abouti ?

  9   Témoin X (interprétation). - Eh bien, je puis dire que depuis le

 10   moment où nous avons décidé d'utiliser les nouvelles possibilités qui

 11   s'offraient de démocratiser la Croatie, un certain temps s'est passé et de

 12   très fortes scissions ont fini par voir le jour. A savoir que lorsque nous

 13   avons commencé ce travail, nous avions l'habitude de dire que l'existence

 14   de différents partis ne signifiait pas que l'appartenance à des partis

 15   différents impliquait que nous étions ennemis, mais simplement que nous

 16   avions des idées, des opinions différentes, et que nous entrions dans des

 17   partis et nous fondions des partis différents.

 18   Au début de la vie du HDZ, ce genre d'idées était tout à fait

 19   bien accueilli. Mais progressivement, au fils du temps, étant donné que ce

 20   mouvement ne s’est pas transformé en parti politique car il n'en n'avait

 21   pas les spécificités, les relations démocratiques ont fini par se rompre

 22   après avoir été tendues quelque temps. L'influence de la collectivité

 23   sociale sur le capital en Croatie a fini par être de nouveau mise à profit

 24   pour mettre en oeuvre une politique déterminée qui était la politique du

 25   HDZ.


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  1   Lorsqu'on parle à des gens qui n'ont pas vécu sur notre

  2   territoire, il est difficile de leur faire comprendre ce qu'était cette

  3   propriété sociale et quelle était l'influence de cette propriété sociale

  4   qui a été utilisée pour piller des milliers de personnes, et ce à une

  5   échelle inconnue jusqu'à présent. En effet, dans les pays de l'Est, dans

  6   tous les pays en transition, il existait une propriété collective qui se

  7   divisait en plusieurs secteurs : le secteur privé, le secteur public, et

  8   une propriété de l'Etat. En Yougoslavie, il y avait un élément de plus qui

  9   était la propriété sociale. C’est un concept ne répondant à aucune

 10   définition positive mais bien à une définition négative. Pour la définir,

 11   on dit que c'est une propriété qui n'est ni la propriété de

 12  

 13   l'Etat ni la propriété privée. Les travailleurs -par le biais de leur

 14   collectif de travailleurs- prenaient des décisions, administratives entre

 15   autres, dans le cadre de l'autogestion. Des organismes commerciaux dirigés

 16   par des directeurs choisissaient les mécanismes à mettre en oeuvre, y

 17   compris dans le privé.

 18   L'influence de la Ligue des communistes était telle que chaque

 19   fois qu'une entreprise avait une certaine importance, c'était le Comité

 20   qui prenait les décisions les plus importantes. L'existence de cette

 21   propriété sociale nous a permis de nous rapprocher du marché et des façons

 22   de procéder dans les sociétés démocratiques. Les décisions étaient prises

 23   par les responsables de la production mais la décision, la dernière

 24   décision, revenait toujours à l'organe de direction, c'est-à-dire à la

 25   Ligue des communistes de Yougoslavie.


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  1   Pour que nous puissions transformer la société, pour qu’elle

  2   corresponde à ce qui est connu dans les sociétés démocratiques, il a bien

  3   fallu que nous définissions l'identité du propriétaire, que nous sachions

  4   exactement à qui appartenaient les entreprises de façon a être plus proche

  5   des pays démocratiques. Il a fallu une réforme de cette propriété sociale.

  6   En principe, ce processus aurait dû impliquer une création de capital.

  7   Premièrement, les anciens propriétaires, dont la propriété dans

  8   l'entreprise avait été nationalisée au moment de l'arrivée du communisme,

  9   auraient dû être pris en compte proportionnellement. Deuxièmement, les

 10   banques, dont les prêts n'ont pas été remboursés, auraient dû participer

 11   également à ce processus. En troisième lieu, les travailleurs qui ont

 12   travaillé dans ces entreprises n'ont pas reçu leur part du profit de

 13   l'entreprise. Ces divers participants auraient dû participer à la création

 14   du capital des entreprises, avec en dernier lieu les salariés.

 15   Mais le HDZ a confondu cette réforme, cette transformation, avec

 16   la notion de privatisation. Les hommes qui n'avaient pas un dollar en

 17   poche ont participé au processus. Nous avons vu arriver des prétendus

 18   dirigeants, directeurs d'entreprises, qui ont tellement détruit le tissu

 19   économique que, résultat, les travailleurs se retrouvent à la rue et le

 20   capital a fondu comme

 21  

 22   neige au soleil. Car que fait un homme qui est au pouvoir ? Il utilise son

 23   pouvoir pour accéder au capital. Le lendemain, lorsque le capital est

 24   inexistant, il cherche une autre voie pour affermir son pouvoir, mais le

 25   capital à disparu. C'est ainsi que les médias électroniques, notamment la


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  1   télévision, jouent un rôle de plus en plus important dans le processus en

  2   question.

  3   Le HDZ, en tant que mouvement, a continué à constituer un

  4   obstacle sur la voie de la démocratisation. Autrement dit, entre le début

  5   (lorsque le HDZ avait promis la démocratisation et dit qu'il allait

  6   s'allier avec d'autres pour se battre pour la démocratisation) et le

  7   moment où le HDZ arrête la démocratisation et instaure à lui seul un

  8   nouveau totalitarisme, entre ces deux moments il y a une grande

  9   différence.

 10   M. Harmon (interprétation). - Témoin X, le HDZ de Bosnie, au

 11   moment de sa fondation, était-il favorable à un état bosniaque souverain

 12   et à l'intégration des trois populations serbes, croates et musulmanes ou

 13   pas ?

 14   Témoin X (interprétation). - Oui, absolument. La preuve en est

 15   qu'un grand nombre de Musulmans ont adhéré à l'Union Démocratique Croate.

 16   A l'issue des premières élections, nous en avons vu le résultat concret.

 17   En effet, il y avait à l'époque 17 % de Croates en Bosnie-Herzégovine. Le

 18   HDZ a recueilli 24 % des voix ; c'est bien la preuve qu'un certain nombre

 19   de Bosniens, Musulmans de Bosnie, ont voté pour le HDZ.

 20   A ce moment-là, au moment de la création du HDZ en Bosnie-

 21   Herzégovine, il existait aussi bien en Croatie qu’en Bosnie-Herzégovine un

 22   slogan selon lequel il ne pouvait y avoir de Bosnie-Herzégovine sans la

 23   Croatie, ni de Croatie sans la Bosnie-Herzégovine, mais les deux Etats

 24   étaient bien entendu considérés comme des Etats souverains.

 25   M. Harmon (interprétation). - La dernière question que j'ai à


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  1   vous poser sur ce sujet particulier, Témoin X, est la suivante. Le HDZ de

  2   Bosnie a-t-il modifié sa philosophie politique ? Le HDZ de Bosnie-

  3   Herzégovine est-il devenu un parti favorable à l’intégration avec la

  4   Croatie et à l’exclusion des Serbes et des Musulmans de la vie interne à

  5   ce

  6  

  7   parti.

  8   Témoin X (interprétation). - Je dois dire pour commencer que

  9   compte tenu de la pression importante exercée par le régime de Milosevic

 10   sur les Serbes de Croatie et sur les Serbes de Bosnie-Herzégovine, il n’y

 11   avait que peu de Serbes au sein de l'Union démocratique croate. Il y en

 12   avait en théorie, c'était une possibilité réelle, mais les Croates ne les

 13   acceptaient pas facilement en tant que membres du HDZ et eux-mêmes

 14   éprouvaient quelques difficultés à rejoindre le HDZ car ils auraient été

 15   condamnés pour cela par les Serbes en tant que traîtres.

 16   Donc, la coopération avec les Bosniens a été au début de la vie

 17   du HDZ tout à fait parfaite. Nous avons même favorisé la formation de

 18   policiers en Bosnie-Herzégovine qui provenaient en grand nombre de la

 19   population bosnienne. Mais, peu à peu, des personnes qui ne

 20   s'intéressaient pas beaucoup à l'unité de la Bosnie-Herzégovine ont pris

 21   des postes de direction au sein du HDZ. C'étaient des hommes qui ne

 22   cessaient de parler de la Croatie mais qui ne parlaient que très peu de la

 23   Bosnie-Herzégovine. Ils ont développé des concepts fondés non pas sur

 24   l'unité de vie mais sur la vie séparée des Croates, des Serbes et des

 25   Bosniens.


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  1   Peu à peu, une thèse est apparue selon laquelle les Serbes, les

  2   Croates et les Musulmans de Bosnie-Herzégovine ne pouvaient pas vivre

  3   ensemble et selon laquelle il fallait absolument qu'une scission se

  4   produise. Cette thèse a eu une très grande influence. Il y a autre chose

  5   qui a joué un rôle important, je parle d'idées défendues par ceux qui

  6   étaient contre l'unité de la. Bosnie-Herzégovine, à savoir l'idée selon

  7   laquelle, notamment, la Bosnie-Herzégovine était, comment pourrais-je

  8   l'appeler... un organisme impossible, de même que l’ex-Yougoslavie était

  9   présentée comme un organisme dont la vie était impossible. Donc la Bosnie-

 10   Herzégovine était un organisme dont l'existence était impossible,

 11   l'association existant en son sein était une impossibilité et, pour cette

 12   raison, il fallait que les diverses populations se séparent.

 13   Pourtant, cette thèse suscite une critique immédiate et cette

 14   critique est que la Bosnie-Herzégovine n'existe même pas depuis qu'existe

 15   l'ex-Yougoslavie, elle existe depuis

 16  

 17   beaucoup plus longtemps. Et, dans cette entité, les populations ont

 18   toujours vécu au sein d'une association multi-culturelle, multi-

 19   religieuse, multi-ethnique au sein d'un environnement multi-culturel,

 20   multi-ethnique et multi-religieux. Donc la haine n'est pas née du fait que

 21   chacune de ces populations a tout d'un coup souhaité créer son propre

 22   État. La haine est apparue, c'est vrai, il faut la guérir aujourd'hui,

 23   mais elle est née de l'influence de partis politiques extérieurs,

 24   notamment et avant tout du parti de Slobodan Milosevic qui a tout fait

 25   pour briser cette unité.


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  1   Il y a un fait dont je ne sais pas si chacun ici le connaît. Je

  2   parle de la constitution de 1974 qui a été adoptée par Tito après que le

  3   printemps croate ait été brisé. Après donc que ce printemps croate ait été

  4   brisé, une nouvelle thèse est apparue selon laquelle la Yougoslavie

  5   pouvait continuer à exister mais uniquement sur un modèle confédéral.

  6   Selon cette constitution, les républiques étaient des entités souveraines,

  7   mais pouvaient devenir indépendantes au cas où la fédération ne pouvait

  8   pas survivre. On a donc eu jusqu’en 1974 quelque chose qui était une

  9   fédération mais qui, après 1974, est dans les faits devenue une

 10   confédération.

 11   Milosevic a trompé un certain nombre de personnes. Il a trompé

 12   tous les Serbes qui vivaient sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, il a

 13   trompé également la communauté internationale et tous les organes

 14   internationaux, et européens notamment. En effet, Milosevic affirmait que

 15   c'étaient les peuples qui avaient le droit à l'auto-détermination. Ce qui

 16   eut signifié que tous les territoires peuplés par des Serbes en Croatie

 17   appartenaient à cette grande Serbie qu'il défendait et qu'en Bosnie-

 18   Herzégovine il y avait également des territoires qui appartenaient, qui

 19   revenaient de droit à cette future grande Serbie.

 20   J'affirmais que ces phrases étaient fausses et impossibles à

 21   appliquer. C'est bien ce que la commission Badinter a fini par confirmer.

 22   La théorie de Badinter a fait intervenir le droit à l'indépendance selon

 23   la Constitution qui relevait des républiques. Aujourd'hui, la politique

 24   mise en oeuvre en Bosnie-Herzégovine à l'intérieur de ses frontières

 25   correspond bien à ces idées, à cette définition.


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  1  

  2   M. Harmon (interprétation).-Monsieur le Président j'ai terminé

  3   mon interrogatoire pour le moment et puisqu'il est 18 heures, je pensais

  4   que ce serait peut-être le moment de lever la séance.

  5   M. le Président. - Si vous le voulez bien, nous pourrions nous

  6   retrouver demain à 14 heures 30.

  7  

  8   La séance est levée à 17 heures 55.

  9  

 10  

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