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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T
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3 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
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5 Jeudi 23 avril 1998
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7 LE PROCUREUR
8 c/
9 TIHOMIR BLASKIC
10
11 L'audience est reprise à 14 heures 55.
12
13 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier
14 introduisez l'accusé, s'il vous plaît.
15 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)
16 Tout le monde m'entend ?
17 L’Interprète. - La cabine vous entend, Monsieur le Président.
18 M. le Président. - Avant de poursuivre le contre interrogatoire
19 du colonel Landry, je voudrais me tourner vers le Procureur pour un point
20 d'organisation. Pour des raisons diverses, qui certaines tiennent à moi-
21 même, d'autres au Tribunal, il est possible qu'il n’y ait pas d'audience
22 demain après-midi. Ce qui supposerait d'abord que nous puissions achever
23 le témoignage, le contre interrogatoire, le de droit de réplique et les
24 questions des Juges du colonel Landry cet après-midi. Cela paraît-il
25 possible oui ou non ?
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1 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, ce n'est
2 pas à moi de répondre à cette question. Il faut donner à la défense toute
3 possiilité de contre-interroger le témoin. La défense a prévu de deux à
4 quatre heures pour son contre-interrogatoire. Si c'est le cas, nous n'en
5 aurons pas terminé aujourd'hui. Et, bien entendu, j'aurais quelques
6 questions à poser dans le cadre de mon droit de réplique. Vous-même,
7 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous aurez des questions à
8 poser au témoin.
9 M. le Président. - Si je me suis tourné vers vous, c’'était pour
10 savoir s'il y avait d'autres témoins.
11 M. Cayley (interprétation). - Nous souhaiterions appeler un
12 autre témoin. Nous avions pensé l'interroger demain. Peut-être puis-je
13 m'entretenir avec M Kehoe qui s'occupe de ce témoin.
14 M. Kehoe (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président
15 Effectivement nous avions prévu de citer à comparaître un autre témoin
16 demain. Nous en avons informé le conseil de la défense. C'est un témoin
17 qui arrive des Etats-Unis. C'est un reporter qui travaille pour le
18 quotidien le Gardian. Il est venu ici plusieurs fois, la dernière fois
19 nous n'avons pas pu le faire comparaître et dans l'état actuel des choses
20 c'était notre calendrier prévu.
21 M. le Président. - Nous essaierons de faire en fonction. Pour
22 l'instant sans plus tarder introduisons le témoin, nous verrons en fin de
23 journée ce qu'il convient de faire. Nous allons introduire le témoin pour
24 essayer de voir si nous pouvons terminer cet après-midi. Merci.
25 M. Hayman (interprétation). - Je peux faire circuler le premier
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1 document que je vais soumettre au témoin. Je vais d'abord le remettre au
2 Greffier de l'audience pour nous faire gagner quelques minutes.
3 (L'huissier s'exécute)
4 Puis je continuer ?
5 M. le Président. - Je salue le colonel Landry, donc nous
6 continuons. Allez y.
7 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
8 Bonjour Lieutenant Colonel
9 Vous disposez d'un certain nombre de documents provenant pour
10 certains d'entre eux du HVO, certains de l'armée de Bosnie-Herzegovine,
11 certains de l'ECMM. Vous les avez gardés suite à votre séjour en Bosnie-
12 Herzegovine, n'est- ce pas ?
13 M. Landry - Oui c'est bien cela, j'en ai aussi des Nations
14 Unies.
15 M. Hayman (interprétation). - En 1996 des enquêteurs du Bureau
16 du Procureur se sont entretenus avec vous. Ils ont passé une semaine avec
17 vous pour passer en revue ces différents documents, n'est ce pas le cas ?
18 M. Landry - Quand vous dites qu'ils ont passé une semaine, ça
19 n'a pas été d'une façon assidue cinq jour d'affilée, huit heures par jour.
20 Oui, ils ont été à Montréal pour une durée environ d'une semaine, mais ils
21 n'ont pas vu tous mes documents, mais principalement ceux pour lesquels
22 ils montraient un intérêt. Lorsqu'on parlait du sujet à ce moment-là, je
23 leur montrais, oui.
24 M. Hayman (interprétation). - La dernière fois que nous avons
25 échangé un courrier en 1997, vous avez déclaré que vous permettriez au
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1 conseil de la défense d'avoir accès à ces documents, mais seulement une
2 fois être arrivé à La Haye. Est-ce toujours votre intention ?
3 M. Landry. - C'est toujours mon intention, mais je dois vous
4 avouer que je n'ai pas tous mes documents avec moi. Je dois dire que vous
5 n'avez jamais répondu à ma lettre en me disant que vous vouliez que j’ai
6 tous mes documents avec moi. Tout ce que je vous ai dit, c'est suite aux
7 avis de mes avocats canadiens. J'ai entretenu avec vous plus que ce que
8 vous aviez demandé, vous vouliez revenir me voir, et suite à l'avis de mes
9 avocats on m'a dit à ce moment-là : "Voyons à la Cour". Par la suite, je
10 n'ai pas eu d'autres nouvelles. Ce qui fait que je n'ai pas tous mes
11 documents avec moi, ici.
12 M. Hayman (interprétation). - Vous seriez prêt à ce que les
13 conseils de la défense viennent à Montréal consulter ces documents ?
14 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, permettez-
15 moi d'intervenir. Je souhaite faire objection. Nous dépassons largement le
16 champ couvert dans le cadre de l'interrogatoire principal. Cela n'a rien à
17 voir avec ce qui a été dit par le témoin. N'oublions pas que nous
18 souhaitons mettre un terme à la comparution du témoin cet après-midi. Si
19 nous commençons à accepter ce type de questions dans le cadre du contre-
20 interrogatoire, celui-ci va durer pendant des heures.
21 M. Hayman (interprétation). - Sauf, Monsieur le Président, que
22 les documents fournis par le témoin et qui portent sa signature font
23 partie de toute une série de dossiers et d'archives, archives qui n'ont
24 jamais été communiquées au conseil de la défense. Si le lieutenant colonel
25 est sincère dans ce qu'il a dit hier, à savoir qu'il a dit qu'il serait
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1 heureux de savoir que le colonel Blaskic ne serait pas coupable, alors il
2 faut qu'il nous communique ses dossiers, car s’il ne le fait pas le
3 conseil de la défense sera en droit d’en tirer certaines conclusions.
4 M. le Président. - Il y a une règle d'application complexe qui
5 est que le contre-interrogatoire doit rester dans les limites de
6 l'interrogatoire. Nous avons établi cette règle, elle sera appliquée à
7 votre bénéfice lorsque vous aurez vos propres témoins Maître Hayman.
8 M. Hayman (interprétation). - Fort bien, Monsieur le Président
9 alors je vais poursuivre. Je crois que cela faisait partie de
10 l'interrogatoire principal, c'est une décision quelque peu subjective,
11 mais je vais me conformer à votre décision.
12 M. le Président. - Je relève, Maître Hayman ; les décisions sont
13 toujours subjectives, vous le savez. Vous devez savoir quand même que
14 j'essaie autant que possible de maintenir un équilibre qui est complexe,
15 c'est vrai. Je ne dis pas que c'est totalement. Voulez-vous reformuler, à
16 ce moment-là, votre question, si vous voulez essayer qu'on soit positif ?
17 Donc je reviens partiellement, si vous le souhaitez, je ne veux pas que
18 vous ayez le moindre sentiment que j'aie pu attenter aux droits du
19 général Blaskic, ce n'est pas du tout mon intention.
20 Si, dans un tribunal, chaque témoin doit être à la barre pendant
21 deux ou trois jours d'affilée, il ne faut pas s'étonner que les débats
22 durent longtemps. C'est tout ce que j'essaie de dire. Mes collègues disent
23 exactement la même chose, c'est tout. Voilà pourquoi la décision est
24 certainement subjective. Mais j'essaie de la corriger.
25 Si vous voulez bien, reformulez votre question.
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1 M. Hayman (interprétation). - Je vais poser une dernière
2 question qui porte sur ce même sujet Monsieur le Président et j'en aurai
3 terminé sur ce point.
4 Colonel, allez-vous communiquer ces documents à la défense ?
5 Vous pouvez choisir les modalités de cette communication de documents.
6 M. Landry. - Je ne peux pas communiquer mes documents comme je
7 l'ai fait avec les avocats qui sont venus me visiter. J'étais présent, je
8 n'autoriserai pas qu'on manipule mes documents sans que je sois là. Ces
9 documents m'appartiennent. Comme je l'ai fait la dernière fois, vous
10 m'avez demandé des documents concernant une période précise, je les ai
11 montrés. Dites-moi ce que vous voulez avoir, mais je ne pourrais pas vous
12 montrer tous les documents, j'en ai environ cinquante livres. Cela
13 représente mon séjour de Bosnie en six mois et trois ans de recherche que
14 j'ai faites à l'université pour essayer de savoir ce qui s'était passé. Je
15 ne vous donnerais pas l'ensemble de mes recherches en ne sachant pas ce
16 que vous cherchez.
17 M. Hayman (interprétation). - Vous avez répondu très clairement
18 à ma question.
19 Vous avez sous les yeux un document, il s'agit de la pièce 112
20 de la défense, document de l'ECMM daté du 25 avril 1993. Il est adressé
21 aux centres régionaux. Avez-vous reçu ce document dans le cadre de vos
22 activités en tant qu'officier des opérations lorsque vous avez passé du
23 temps au centre régional de Zenica ?
24 M. Landry. - Oui, j'ai dû le recevoir, parce que j'étais là à ce
25 moment-là.
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1 M. Hayman (interprétation). - Ce sont bien vos collègues de
2 l'ECMM qui ont rédigé ce document ?
3 M. Landry. - Oui, je crois que je les connais très bien, j'ai
4 travaillé avec eux lors de ma période en Bosnie.
5 M. Hayman (interprétation). - Hier vous avez parlé d'actes
6 provocateurs et de réactions à ces actes. J'aimerais vous lire une partie
7 du paragraphe 2(C) de ce document. Ensuite, je vais vous poser deux
8 questions qui y sont relatives.
9 Paragraphe 2(C) de la pièce 112 de la défense. Je cite : "Dans
10 le village croate de Miletici (et suit la référence des coordonnées sur la
11 carte) des habitants ont été assassinés par tirs d'armes et coups de
12 couteau hier. Il s'agissait d'hommes âgés entre vingt ans et soixante ans.
13 D'après des témoins oculaires de ces événements, quinze hommes parlant
14 arabe et revêtus d'uniformes classiques ont encerclé le village à
15 15 heures le 24 avril. Leur chef s’appelait Ramadan et quelques uns
16 d'entre eux portaient des insignes de police sur leurs épaulettes,
17 notamment un triangle. Ils ont exigé que les villageois déposent leurs
18 armes, ce que ceux-ci ont refusé de faire. Dans le combat qui a suivi,
19 l'un des attaquants a été abattu. Pour se venger les cinq hommes ont été
20 faits prisonniers, tandis que les autres -je ne sais pas si c'est trente-
21 six ou cinquante-six- villageois se sont enfuis en direction d'un village
22 voisin. Les mains des cinq hommes emprisonnés ont été attachées dans leur
23 dos, il semble qu'ils aient fait l'objet de mauvais traitements ou qu'ils
24 aient été torturés. Par la suite, ils ont été abattus, certains à coups de
25 couteau, d'autres à-coups de fusil. ». Ensuite, il y a la fin de ce
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1 paragraphe.
2 M. Hayman (interprétation) - Lieutenant-colonel, vous êtes
3 d'accord pour dire qu'ici nous avons une illustration du type de réaction
4 qu'il y a eu en l'occurrence dans le cas de la mort d'un soldat arabe et
5 nous voyons comment ses camarades, ces soldats, réagissent à cela en
6 abattant un certain nombre de villageois. Vous êtes d'accord avec cette
7 description ?
8 M Landry. - Oui, je suis d'accord avec cette description étant
9 donné que ce sont mes confrères qui l'ont rapportée.
10 M. Hayman (interprétation) - Savez-vous si ce même type de
11 comportement s'est répété en plusieurs occasions ?
12 M Landry. - Oui, c'était une façon courante de répondre à des
13 incidents de provocations qui ont eu lieu d'un côté ou de l'autre. On ne
14 doit pas oublier qu'on est le 24 avril, qu'il y a déjà eu énormément
15 d'incidents de provocations. On est au faîte de la violence entre les deux
16 ethnies.
17 M. Hayman (interprétation) - Vous a-t-on jamais dit que les
18 mêmes actes avaient été commis a Rotilj ? Vousous a-t-on notammentdit que
19 sept ou huit villageois musulmans avaient été abattus et que c'est un
20 combattant croate qui a été tué alors qu'il tentait de désarmer un
21 village ? Vous a-t-on dit que pour se venger certains Musulmans avaient
22 été tués ? Que vous a-t-on dit à propos de cela ?
23 M Landry. - Ce que l'on m'a dit en ce qui concerne Rotilj, c'est
24 que ce n'est pas en réaction, c’est au contraire des vieillards, des
25 femmes, des jeunes des deux sexes. Un certain soir, un groupe armé vêtu de
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1 noir a décidé de faire un nettoyage ethnique. Par la suite, il était
2 évident que le reste des Musulmans étaient confinés au bout du village de
3 Rotilj. Si je me souviens bien dans l'incident de Rotilj une dame a été
4 violentée et tuée de plusieurs balles. Je ne crois pas que les deux
5 incidents puissent être la même chose. Je crois plutôt qu'un incident
6 était provocateur, l'autre était en réaction. L'autre démontre aussi de la
7 part des Musulmans un manque de contrôle auprès des forces musulmanes
8 mudjahidin qui opéraient dans le secteur.
9 M. Hayman (interprétation) - Peut-on faire passer la pièce 287
10 au témoin, s'il vous plaît ?
11 (L’huissier s’exécute)
12 Lieutenant-colonel, je vais commencer par vous poser une
13 question. Vous nous avez déclaré que, d'après vous, le HVO déployait une
14 stratégie qui visait à retarder la mise en oeuvre des ordres émis le
15 13 février 1993. Cela s'applique-t-il également pour ce qui est de la
16 remise en liberté des détenus, des prisonniers, qui se trouvaient des deux
17 côtés en présence ?
18 Vous pouvez consulter notamment le paragraphe 3.2.3 de la
19 pièce 287 que l'huissier vient de vous faire passer. Si vous avez besoin
20 de consulter ce document, n'hésitez pas.
21 M Landry. - Je n'ai pas besoin de le consulter. Mais je peux
22 juste vous dire, c'est seulement ce que l'on voulait bien nous dire des
23 deux côtés. En même temps, je peux vous sortir d'autres rapports qui, dès
24 le début de mars, parlaient de civils musulmans qui avaient été arrêtés et
25 qui étaient détenus illégitimement dans la prison de Kaonik alors que ces
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1 cessez-le-feu regardaient principalement des prisonniers militaires, donc
2 soit Musulmans-bosniaques soit Bosniaques-croates. Encore une fois, je
3 n'ai jamais eu l'autorisation de visiter la prison de Kaonik. Donc, je
4 dois me fier aux personnes qui sont dans la commission et sur les protêts
5 qu'on recevait. Et puis, d’emblée, il semblait qu'à ce moment-là les
6 prisonniers avaient été libérés.
7 M. Hayman (interprétation) - Quand le document 287 a-t-il été
8 établi, savez vous qui en est l'auteur ?
9 M Landry. - Il faudrait que je vois le reste de l'autre
10 document, mais je crois que cela doit être vers la mi-mars. Je vous ai dit
11 hier ou les jours précédents que la commission de Busovaca siègeait
12 quotidiennement et qu'occasionnellement la commission-mère, si je peux
13 employer ce terme, avec le colonel Blaskic, le général Hadzihuseinovic,
14 l'ambassadeur Thebault siégeait de façon bimensuelle pour avoir un
15 développement. Je crois que ce rapport est un des rapports faits lors
16 d'une de ces rencontres. C'est écrit : "avril 1993", je viens de voir la
17 date.
18 M. Hayman (interprétation). - Vous faites référence à une date
19 qui apparaît, qui est manuscrite en haut à droite du document, et un point
20 d'interrogation suit, c'est bien cela ?
21 M. Landry. - Oui, c'est cela. Je crois que c'est mon écriture,
22 en haut : "Document original", c'est moi qui ai écrit cela.
23 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes donc vous-même l'auteur
24 de ce document, je parle de la partie tapée à la machine.
25 M. Landry. - Ce document, étant donné que c'étaient le résultats
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1 de la commission, était revérifié par M. Thebault.
2 M. Hayman (interprétation). - Pour que le compte rendu soit bien
3 clair, le paragraphe 3.2.3 dit la chose suivante : "Ordre 433, libération
4 des prisonniers et des détenus. L'ordre conjoint a été exécuté dans son
5 intégralité."
6 Peut-on maintenant allumer le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?
7 Je vais vous demander votre assistance, Monsieur le Lieutenant colonel.
8 Pouvez-vous nous indiquer l'emplacement du village de Salakovici, s'il
9 vous plaît ?
10 Il faut peut-être faire descendre la carte sur le
11 rétroprojecteur pour que la zone qui nous intéresse apparaisse bien. Si
12 nous pouvons obtenir un gros plan, nous verrons le village. Pouvez-vous
13 nous l'indiquer avec le pointeur, s'il vous plaît ?
14 M. Landry. - Vous parlez bien du village de Gornji et
15 Donji Solakovici ? Je dois vous avouer qu’au cours des années ma
16 compréhension du serbo-croate a légèrement diminué. Les noms des villages
17 se ressemblent tellement. Parlez-vous du village de Solakovici ?
18 M. Hayman (interprétation). - Le village de Solakovici,
19 absolument. L'avez-vous repéré sur la carte ? Pouvez-vous l'indiquer ?
20 (Le témoin s'exécute.)
21 Bien. Vous êtes-vous rendu à Solakovici entre les mois de
22 janvier et avril 1993 ?
23 M. Landry. - Je suis arrivé, comme je vous l'ai dit, seulement
24 au mois de mars 1993. Donc, il me semble que j'ai surtout visité
25 Solakovici à compter de la mi-mars -il faudrait que je vérifie mes notes
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1 pour vous dire exactement la date- jusque, probablement, à mon départ au
2 mois d'août.
3 M. Hayman (interprétation). - Vous pensez que vous vous y êtes
4 rendu entre les mois de mars et d'août, mais pouvez-vous nous donner une
5 date plus précise ?
6 M. Landry. - On me demande d'être bref, Monsieur le Président,
7 mais si on exige des dates précises, il va falloir que je regarde dans mes
8 notes. Je me suis bien préparé mais pas au point de répondre à des dates
9 et des heures précises. Je l'ai fait plusieurs fois, je peux vous le dire.
10 M. Hayman (interprétation). - Je n'ai pas besoin d'une date très
11 précise, ni de l'heure de votre visite, mais pouvez-vous me donner le mois
12 au cours duquel votre visite a eu lieu ? Ensuite, pendant la pause, vous
13 pourrez consulter vos notes, si cela convient aux Juges.
14 M. Landry. - J'y suis allé pour la première fois le 23 mars. Je
15 peux vous lire mes notes ici, si cela vous intéresse j'ai deux pages de
16 textes.
17 M. le Président. - Colonel, je crois que vous avez raison, vous
18 ne pouvez répondre précisément que si vous consultez vos notes, mais
19 évitons de crisper ce genre de dialogue. Vous essayez de répondre. On vous
20 demande d'être bref -j'ai expliqué pourquoi- mais, cela étant, le Tribunal
21 vous écoutera intégralement. Je souhaite seulement que les réponses soient
22 accordées aux questions, tout simplement. Ce n'est pas la peine de faire
23 des commentaires qui n'ont pas lieu d'être. Allez y.
24 M. Landry. - Je m'excuse, Monsieur le Président.
25 M. le Président. - Non, pas du tout, ne vous excusez pas, on
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1 essaie tous de faire fonctionner le Tribunal. La défense a modifié
2 légèrement sa question. Etes-vous satisfait de la réponse, Maître Hayman ?
3 M. Hayman (interprétation). - Tout à fait, Monsieur le
4 président.
5 Vous avez parlé de Gornji et de Donji Solakovici. Dans ce
6 village, il n'y avait pas deux ensembles de tranchées qui se faisaient
7 face et qui couraient parallèlement l'une à l'autre ?
8 M. Landry. - Oui, c'est ce que j'ai cru expliquer la dernière
9 fois. Gornji Solakovici (d’après mes souvenirs) est le village en haut de
10 la colline, alors que Donji est le village en bas. Les deux sont séparés
11 par un immense champ. Les positions sont aux extrémités de ce champ-là, se
12 faisant face. La partie croate était en bas et la partie musulmane était
13 en haut.
14 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si, en
15 fait, la ligne de front entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, à
16 cette époque-là, traversait le village de Solakovici ? Est-ce qu'en fait
17 ces tranchées représentaient l'emplacement de la ligne de front elle-
18 même ?
19 M. Landry. - Oui, c'est pour cela d'ailleurs qu'on était là, de
20 façon à faire remplir les tranchées qui était...
21 M. le Président. - Répondez, Colonel. Quand vous avez un
22 commentaire très important, faites-le. Mais là, on vous a posé une
23 question, vous répondez vous dites oui ou non, ou je ne sais pas. Avec vos
24 commentaires, vous vous mettez vous-même dans la position où vous allez
25 susciter de nouvelles questions, bien entendu. Alors, vous répondez. Vous
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1 dites : "Oui, c'était la ligne de tranchée" ou bien "Je ne sais pas".
2 Allez-y, continuez, Maître Hayman.
3 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez parlé de la façon
4 terrible dont un vieil homme s'était suicidé. Avez-vous trouvé des notes
5 manuscrites de sa main qui faisaient part de la raison de ce suicide ?
6 M. Landry. - J'ai eu une relation très intime avec le couple
7 pendant une période d'au moins un mois. Son épouse m'a dit elle-même que
8 la veille de son suicide, ils s'étaient fait bombarder (j'ai été voir
9 l'endroit où ils se cachaient, la porte avait été arrachée par un obus).
10 Son épouse m'a dit que son mari était très inquiet, qu'il était
11 bouleversé, qu'il ne comprenait pas ce qu'il se passait. La nuit de son
12 suicide, à 3 heures, il s'est levé comme il faisait d'habitude toutes les
13 nuits parce qu'il souffrait d'incontinence, et puis il s'est pendu. C'est
14 ce que son épouse m'a dit. Lorsqu'elle m'a dit cela, je n'étais accompagné
15 que de l'interprète. D'ailleurs, c'est ce qu'il se passait chaque fois que
16 j'allais les voir. Je n'étais jamais accompagné d'escorte soit HVO, soit
17 bosniaque.
18 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré qu'entre la
19 période s'étalant entre les mois de mars et mai 1993, la situation
20 tactique prévalant en Bosnie centrale était plutôt à l'avantage des
21 Croates. Au début de cette période, donc au mois de mars, êtes-vous
22 d'accord pour dire que l'armée de Bosnie-Herzégovine était supérieure en
23 nombre aux forces du HVO ? Si c'est bien le cas, pouvez-vous nous dire
24 quel était le rapport de forces qui prévalait dans la vallée de la Lasva ?
25 M. Landry. - Non. Ce que je peux honnêtement vous dire, c'est
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1 que l'information que nous avions à ce moment-là c’était le contraire. Au
2 mois de mars, ce qu'on m'a dit, ce que j'ai pu voir sur le terrain, c'est
3 que l'avantage tactique était définitivement du côté des Croates, du côté
4 du HVO.
5 M. Hayman (interprétation). - Ma question est la suivante. Je
6 voulais savoir combien de soldats se trouvaient sur les lieux ? Si vous
7 disposez de cette information, je serais heureux de le savoir. Si vous ne
8 l'avez pas, dites-nous simplement que vous ne le savez pas.
9 M. Landry. - Je ne le sais pas.
10 M. Hayman (interprétation). - A l'époque, la zone de
11 responsabilité du colonel Blaskic couvrait-elle Zepca ?
12 M. Landry. - C'est plus tard, par la suite, que j'ai appris
13 qu'il y avait des troupes HVO dans la région de Zepca et dans la région de
14 Kakanj.
15 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire
16 qu'à l'époque, en mars 1993, la zone de responsabilité du colonel Blaskic
17 couvrait une enclave totalement isolée du reste du pays et contenait à la
18 fois des forces du HVO et des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans
19 la zone de Zepca ?
20 M. Landry. - Oui.
21 M. Hayman (interprétation). - On pouvait dire la même chose
22 d'une autre enclave isolée qui regroupait des forces du HVO et des civils
23 croates dans la région de Vares ?
24 M. Landry. - Oui.
25 M. Hayman (interprétation). - A un moment donné, en 1993,
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1 l'armée de Bosnie-Herzégovine a-t-elle contrôlé les routes qui se
2 trouvaient au nord de Gornji Vakuf en direction de la Bosnie centrale et
3 de la vallée de la Lasva ? Cela s'est-il produit à ce moment-là ?
4 M. Landry. - Quelles sont les dates, s'il vous plaît ? Je n'ai
5 pas bien compris les dates auxquelles vous vous référez.
6 M. Hayman (interprétation). - En 1993, y a-t-il eu un moment où
7 la route allant de Gornji Vakuf jusqu'à la vallée de la Lasva et la Bosnie
8 centrale a été contrôlée partiellement par l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
9 M. Landry. - Oui effectivement, à une époque, les hauteurs -pas
10 nécessairement le village de Gornji Vakuf- étaient contrôlées par les
11 forces bosniaques.
12 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce en mars-avril 1993 ?
13 Pouvez-vous nous donner une date relativement précise ?
14 M. Landry. - A mon avis, c'était beaucoup plus à la fin d'avril,
15 je dirai même vers la mi-mai, mais pas en avril. Fin de 1992, les villes
16 de Prozor et de Gorni Vakuf étaient à majorité musulmane et à ce moment-là
17 d’énormes combats ont eu lieu.
18 M. le Président. - Vous avez répondu à la question, c'est
19 suffisant, merci.
20 M. Hayman (interprétation). – Etes-vous d'accord avec moi pour
21 dire qu'au moment où l'armée de Bosnie-Herzégovine a contrôlé cette route
22 (en hauteur) qui séparait Gorni Vakuf de la Bosnie centrale, de
23 l'équipement ou un certain soutien sont-il arrivés dans la vallée de la
24 Lasva, d’abord par la route en passant par la Croatie, ensuite dans le
25 territoire de la Bosnie-Herzégovine contrôlé par le HVO, puis au nord de
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1 Gorni Vakuf contrôlé par l'armée de la Bosnie-Herzégovine, pour arriver
2 dans la vallée de la Lasva ? Etes-vous d'accord avec cette description ?
3 M. Landry. – Non, je ne suis pas d’accord avec votre description
4 parce qu’elle n'est pas exacte.
5 M. Hayman (interprétation). - Quels autres itinéraires pouvait-
6 elle utiliser afin d'approvisionner les troupes dans la vallée de la Lasva
7 en équipement et autres une fois que l'armée de Bosnie-Herzégovine a pris
8 le contrôle de cette route allant entre Gorni Vakuf et la vallée de la
9 Lasva ?
10 M. Landry. - Je tiens à dire que certaines hauteurs étaient
11 contrôlées entre Gorni Vakuf et Travnik. Donc, je ne peux pas vous dire
12 qu’en tout temps cette région était contrôlée par les Bosniaques parce que
13 ce n'est pas ce qui s'est passé. Ce n'est pas du tout cela. Je vous ai dit
14 que vraisemblablement, à partir de mai, certaines hauteurs étaient
15 contrôlées. Donc le contrôle qui auparavant était absolu par le HVO de
16 cette route ne l'était plus autant.
17 En ce qui concerne les routes d’approvisionnement, depuis le
18 début nous savions qu'il y avait trois façons dont les troupes centrales
19 pouvaient s’approvisionner. Cela va prendre un peu de temps mais je crois
20 important de le mentionner.
21 M. le Président. - Soyons très clairs, colonel. Le problème du
22 temps n'est pas une valeur absolue et abstraite. Vous prenez le temps
23 qu'il vous faut pour répondre aux questions. Ce que le Tribunal ne
24 souhaite pas, c’est qu'après que vous ayez répondu à la question on entre
25 dans des commentaires, sauf s’ils paraissent très importants. Ne vous
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1 excusez pas, répondez et un point c’est tout.
2 M. Landry. - En ce qui concerne les Musulmans, tout ce qui était
3 armement venait de trois sources. La première source était des captures
4 tactiques. A cette époque, à partir des mois d’avril et mai, les Musulmans
5 ont eu beaucoup de succès sur les offensives contre les Serbes et contre
6 certaines régions croates, ils ont capturé énormément d'armements.
7 Deuxièmement, c'était un secret de polichinelle, la plus grosse artillerie
8 en Bosnie centrale était à Zenica. On savait très bien qu'on n'avait pas
9 le droit d’y aller, qu'il y avait des munitions et principalement des
10 armes de type mortiers. Troisièmement, j'ai entendu dire qu'avec les
11 contrôles qu'il y avait sur la route donnant accès à la Bosnie centrale en
12 territoire croate et en territoire HV il était pratiquement impossible
13 d'avoir de l’approvisionnement en armement et en armes.
14 En revanche, j'ai su à diverses reprises que des convois par
15 mûle se rendaient jusqu'à Mostar. J'en ai déduit qu’il était possible que
16 tout ce qui était armements et munitions, qui n'était pas produits,
17 localement venait à travers les routes de montagne.
18 M. Hayman (interprétation). - Après le début du conflit, au mois
19 de janvier 1993, qui s’est prolongé au mois d'avril dans la vallée de la
20 Lasva, quand le HVO, si vous le savez, a acquis le contrôle le plus
21 important du territoire, quand est-il arrivé à son paroxysme pour le HVO
22 dans la vallée de la Lasva ?
23 M. Landry. - Je crois que c'était à l'époque de mon arrivée,
24 comme je l’ai mentionné, lorsque j'ai eu l'impression que les Croates
25 avaient une situation tactique beaucoup plus intéressante que celle des
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1 Musulmans.
2 M. le Président. – Précisez, colonel.
3 M. Landry. - Au mois de mars, lors de mon arrivée.
4 M. Hayman (interprétation). – Seriez-vous d'accord pour dire, et
5 là je vais me servir de la carte pour illustrer ce que je dis, c'est la
6 pièce 29 d’ailleurs, que suite au conflit qui a éclaté en janvier 1993 une
7 bande de territoire allant plus ou moins de Kacuni jusqu'au sud-ouest de
8 Busovaca, et qui se poursuit jusqu'à Bilalovac, qui se situe au nord-ouest
9 de Kiseljak, est tombée sous le contrôle de l’armée de Bosnie-
10 Herzégovine ? Est-ce bien ce qui s’est produit suite au conflit qui a
11 éclaté en janvier 1993 ?
12 M. Landry. - Oui.
13 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec moi pour
14 dire également que le 3ème Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine, qui se
15 trouvait au nord de cette terre autour de Zenica, et le 4ème Corps de
16 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui se trouvait à Mostar, mais également à
17 l’ouest et au sud-ouest de Kiseljak, ont pu se rejoindre ? Etes-vous
18 d'accord avec moi ?
19 M. Landry. - Je crois que c'est ce que j'ai dit auparavant
20 lorsque je vous ai dit qu'une route de montagne se rendait jusqu'à Mostar.
21 M. Hayman (interprétation). - Peut-être y a-t-il eu un problème
22 de traduction. Je voudrais reformuler ma question. Etes-vous d’accord avec
23 moi pour dire qu’étant donné le contrôle que détenait l’armée de Bosnie-
24 Herzégovie sur cette zone de Kacuni à Bilalovac, les 3ème et 4ème Corps
25 d’armée de l’armée de Bosnie-Herzégovine ont pu se retrouver, se
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1 rejoindre ?
2 M. Landry. - C'est arrivé occasionnellement, mais en même temps
3 il serait difficile pour moi de dire que c'était le cas tout le temps,
4 parce qu’à ce moment-là il y avait énormément de combats qui avaient lieu
5 dans la région de Fojnica. Les Serbes étaient très près de Sarajevo,
6 avaient encerclé Sarajevo, les Croates maintenaient le contrôle sur
7 Mostar. Donc à ce moment-là les troupes bosniaques étaient en sandwich
8 entre les Serbes et les Croates. Mais je sais qu’à certains moments il
9 était possible de rentrer en contact avec les troupes de Mostar.
10 M. Hayman (interprétation). - Là encore, je crois que nous ne
11 nous sommes pas très bien compris. Je ne vous demande pas si l'on pouvait
12 se rendre de cette zone qui se trouvait entre Kacuni et Bilalovac à
13 Mostar, je vous demande si le 4ème Corps se trouvant sous Kiseljak et sous
14 la route menant de Kiseljak à Busovaca, pouvait entrer en contact avec le
15 3ème Corps grâce à ce morceau de territoire qui était sous le contrôle de
16 l'armée de Bosnie-Herzégovine en janvier 1993.
17 M. Landry. - C'était possible.
18 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré que le HVO avait
19 provoqué l'armée de Bosnie-Herzégovine et que l'armée de Bosnie-
20 Herzégovine avait répondu à ces provocations. Je ne vous demande pas de
21 confirmer cela, mais lorsque vous êtes arrivé sur les lieux en mars 1993,
22 lorsque le conflit avait déjà commencé, c’est bien exact, n'est-ce pas ?
23 Janvier 1993 marquait bien le début du conflit, vous êtes d’accord ?
24 M. Landry. - Oui.
25 M. Hayman (interprétation). - Je demanderai à mon collègue de
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1 lire le texte de la pièce de la défense 88 qui est un rapport émanant d'un
2 membre de la police militaire du HVO, rapport destiné à la police
3 militaire de Mostar.
4 Ma question est la suivante, afin que vous puissiez y réfléchir,
5 avez-vous reçu cette information alors que vous travailliez en tant que
6 représentant de l’ECMM ?
7 M. Nobilo (interprétation). - Le commandement de la 4ème Brigade
8 de la police militaire de Vitez le 27 janvier 1993 à écrit au commandement
9 de la police militaire à Mostar, à Calic en personne. Le document est
10 intitulé : « Un rapport exceptionnel : le 24 janvier 1993, à 14 heures 45,
11 sur la route principale allant de Kiseljak à Busovaca, à une localité du
12 nom de Kacuni, des coups de feu ont été tirées grâce à des armes légères
13 qui visaient des membres de la police militaire de Busovaca, un membre,
14 Ilisa Petrovic, en particulier. Cette même personne a été tuée au cours de
15 ces échanges de coups de feu ainsi qu'un autre civil qui l'accompagnait.
16 Des coups de feu ont été tirés par des forces musulmanes et l'armée de
17 Bosnie-Herzégovine. Les deux individus ont été massacrés et on les a
18 poignardés. Le 25 janvier 1993, le conflit s'est étendu à toute la
19 municipalité de Busovaca. Nous avons reçu des rapports faisant état du
20 fait que le commandant-adjoint de la première compagnie, Zoran Lubicic, a
21 été blessé au cours d'affrontements avec des extrémistes musulmans. Nous
22 n'avons pas pu le transporter jusqu'à l'hôpital, il se peut donc qu'il
23 soit décédé. Le conflit s'est prolongé. Le commandant Paco Lubicic ».
24 M. Hayman (interprétation). - D'après le début de ce conflit, et
25 après le début de ce conflit, en janvier 1993, avez-vous reçu cette
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1 information ?
2 M. Landry. - Vous m'avez déjà posé la même question hier. Je
3 vous ai dit que lorsque je suis arrivé en mars, je n'ai pas vu ces
4 rapports, mais que j'ai entendu des histoires à cet effet-là, tant du côté
5 des Musulmans que du côté des Croates. A ce moment-là, je vous ai dit
6 qu’une interprète croate de Busovaca m'avait compté cette histoire, mais
7 je n'ai pas les détails que vous venez de me donner, je ne les ai jamais
8 vus.
9 M. le Président. - Le document avait été produit par vous-même,
10 Maître Hayman ?
11 M. Hayman (interprétation). - C'est un document qui a été
12 proposé à un autre témoin. C'est une pièce de la défense qui n'a pas
13 encore été versée au dossier.
14 M. le Président. - D’accord.
15 M. Hayman (interprétation). - En ce qui concerne votre thèse de
16 la provocation, puis de la réaction, je voudrais vous poser certaines
17 questions sur d'autres événements. Je voudrais vous demander si vous avez
18 reçu des informations sur ces événements et si vous les avez étudiés dans
19 le cadre de la thèse que vous proposez. Je vais demander à mon collègue à
20 nouveau de lire le premier paragraphe, le paragraphe d'introduction de la
21 pièce 94 de la défense, puisqu’il s'agit surtout d'une liste de noms de
22 personnes et qu’il n'est pas nécessaire de les lire. Il s'agit d'un
23 document émanant d'un membre de la police militaire destiné à la police
24 militaire de Mostar dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale à
25 Vitez. Je demanderais donc à mon collègue de lire le titre, le premier
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1 paragraphe, de décrire la liste et le titre du second paragraphe.
2 M. Nobilo (interprétation). - Le document est daté du
3 29 janvier 1993. Il est adressé à la direction de la police de Mostar et
4 au commandant de Vitez. Dans le préambule il est stipulé: « Par son
5 travail opérationnel dans la municipalité de Lasvat Vicniza et Zenica, des
6 massacres inconnus jusqu'à cette date ont été perpétrés contre des
7 Croates. Ces massacres ont été le fait d'extrémistes musulmans. Il a été
8 établi que ces massacres ont causé des morts et le nom de quinze hommes
9 est cité par la suite, puis le nom de vingt-neuf personnes qui ont été
10 emprisonnées et de huit personnes qui ont disparues ».
11 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous entendu parler
12 d'événements ayant eu lieu dans les villages de Vicniza et Lasva Dunica à
13 la fin janvier 1993 ?
14 M. Landry - Monsieur le Président je ne me rappelle pas d'avoir
15 rien reçu, rien vu de cette période lorsque je suis arrivé. Je réitère ce
16 que j'ai dit, j'ai entendu des choses mais je n'ai vu aucun rapport et ces
17 rapports ne sont pas adressés à l'ECMM. Les seuls rapports que l'ECMM
18 recevait, je pourrais vous en montrer, étaient toujours adressés au
19 quartier général d'ECMM. La pratique qu'on avait mis en place avec la
20 commission consistait, chaque fois que l'on recevait un protêt, à ce que
21 l'autre côté en reçoive un de façon qu'ils puissent avoir connaissance
22 aussi de la nature du protêt. Il y avait des histoires des deux côtés,
23 aussi horribles d'un côté que de l'autre, mais la seule façon dont on
24 pouvait à ce moment-là essayer de démystifier ce qui était vrai de ce qui
25 était faux était de pouvoir les examiner ensemble. Je ne veux pas manquer
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1 de respect à l'avocat de la défense mais il peut m'en énumérer autant
2 qu'il voudra, je ne les ai pas vus avant le mois de mars. J'ai commencé à
3 travailler en mars avec ce qu'on me donnait à ce moment-là, ce qui était
4 l'accord du 13 février, mais je savais qu'il y avait eu des atrocités et
5 des horreurs commises de part et d'autre et que peut-être c’était les
6 Musulmans qui avaient commencé.
7 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous dit que votre interprète
8 avait perdu un membre de sa famille au cours du conflit de janvier 1993 ?
9 M. Landry - Oui, même deux membres, ses deux frères.
10 M. Hayman (interprétation). - Ces personnes étaient-elles Croate
11 ou Musulmanes?
12 M. Landry - Elles étaient Bosniaques-croates.
13 M. Hayman (interprétation). - Sans donner le nom de votre
14 interprète, je vous demanderai de regarder la pièce de la défense 94 qui
15 est sous vos yeux. Voyez-vous le nom de famille de votre interprète sur la
16 pièce ? Le trouvez-vous ? Regardez la première page il y a des noms
17 numérotés de 1 à 15.
18 M. Landry - Malheureusement je ne me rappelle que le prénom de
19 interprète. Je peux vous emmener sur le terrain pour vous dire ou elle
20 demeurait mais je ne connais que son prénom.
21 M. Hayman (interprétation). - Très bien. Une dernière question
22 sur les événements du mois de janvier. Vous a-t-on dit certaines choses
23 sur ce qui s'était produit à Dustigrav par exemple ou Ceniz, des villages
24 croates qui se trouvaient entre Kacuni et Bilalovac dans ce territoire qui
25 était contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Vous a-t-on parlé de
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1 cela où pas ?
2 M. Landry - Les noms ne me rappellent rien, mais ce que je peux
3 vous dire c'est qu'une des premières choses que j'ai faites sur le terrain
4 c'est la route au complet. J'ai vu des horreurs qui s'étaient produites,
5 car des maisons étaient vacantes et brûlées. Mais le nom des villages que
6 vous m'énumérez ne me dit absolument rien.
7 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous avez dit que
8 certaines maisons avaient été incendiées, vous parlez de maisons qui se
9 trouvaient entre Kacuni et Bilalovac ?
10 M. Landry - Oui, cela incluait ces terres.
11 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant à votre visite
12 à Travnik au mois d'avril vers les 12 ou 13 avril 1993. Le colonel Blaskic
13 était-il présent à cette occasion à Travnik ?
14 M. Landry - Ce dont je me rappelle très bien, c'est que c'était
15 à l'époque de Pâques, nous avons été reçus par les représentants du HVO à
16 Vitez. L'ensemble des moniteurs de Zenica de l'ECMM étaient présents, donc
17 j'étais présent. En fin d'après-midi, on a reçu des nouvelles
18 catastrophiques sur la situation de Travnik et à ce moment-là,
19 l'ambassadeur Thebault nous a emmenés, quelques moniteurs, avec quelques
20 véhicules, et nous sommes allés à Travnik pour essayer de savoir ce qui se
21 passait. Mais je dois vous avouer que l'on parle de la journée de
22 célébration de Pâques, je ne sais pas si c'est le 12 ou le 13 avril, mais
23 les incidents à Travnik nous avaient déjà été rapportés selon lesquels il
24 y avait des protestations qui avaient débutées aux alentours du 8 avril et
25 qu'à ce moment-là, aux alentours du 8 avril,,il y avait même eu des gens
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1 tués. Si ma mémoire est bonne, c'étaient deux Musulmans qui avaient été
2 tués aux alentours du 8 avril. Mais la journée où l'on y était, comme je
3 vous le dis, c'est soit le 12 soit le 13, suite aux festivités de Pâques
4 avec les bosniaques croates de Vitez.
5 M. Hayman (interprétation). - Vous avez donc quitté ce dîner de
6 Pâques avec d'autres moniteurs et vous êtes allé à Travnik. Le
7 colonel Blaskic vous a-t-il suivi, à votre connaissance ? Est-il resté à
8 Vitez ?
9 M. Landry. - Aucune idée. Tout ce que je sais, c'est que j'ai eu
10 des instructions précises de M. Thebault et je les ai suivies. Je ne me
11 suis pas occupé des relations qu'il avait.
12 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à
13 Travnik, vous êtes-vous entretenu avec un représentant du HVO ?
14 M. Landry. - La mémoire que j'ai de ces incidents, c'est que
15 l'on a rencontré les autorités militaires en place et j'étais à cette
16 époque convaincu que les autorités militaires en place coopéraient bien
17 ensemble, voulaient bien coopérer ensemble. J'ai rencontré les autorités
18 civiles et c'est alors que j'ai appris ce que l'on essayait de faire,
19 c’était d'expulser les représentants musulmans au conseil municipal et
20 c'est cela qui avait provoqué cette série d'incidents.
21 La situation de la ville de Travnik était quasiment la guerre
22 civile. Les gens mettaient des barricades un peu partout. Et comme je vous
23 l'ai dit, la situation s'est calmée lorsque par la suite les forces du
24 Britbat, de la Forpronu, ont envoyé des chars d'assaut pour essayer
25 d'apaiser un peu la situation.
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1 M. Hayman (interprétation). - Je pourrais peut-être aller au
2 coeur des choses. Je voudrais vous demander si la déclaration que vous
3 avez faite page 4 de la déclaration recueillie par le Bureau du Procureur
4 est correcte ?
5 En parlant du 13 avril 1993 à Travnik en fin d'après-midi, vous
6 avez dit : "Nous avons rencontré les autorités locales des deux camps et
7 nous avons essayé d'apaiser les tensions. La personne que j'ai rencontrée
8 ce soir-là, à savoir Dario Kordic, semblait être le responsable le plus
9 élevé du côté croate". Est-ce bien exact ?
10 M. Landry. - Oui, c'est bien exact.
11 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait une
12 guerre civile à Travnik. Travnik était-il contrôlé par l'armée de Bosnie-
13 Herzégovine à partir de début juin 1993 ?
14 M. Landry. - Oui, c'est beaucoup plus tard.
15 M. Hayman (interprétation). - Et y avait-il environ
16 10 000 réfugiés croates qui ont quitté Travnik suite à cette prise de
17 contrôle ? Si vous ne le savez pas, je ne vous demande pas de réponse, je
18 vous demande simplement si vous en avez le souvenir.
19 M. Landry. - J'en ai le souvenir mais il y a une longue
20 histoire. A cet effet-là, mon chef de mission, M. Thebault, a lui-même
21 fait un rapport de deux pages sur cet incident. Si l'avocat de la défense
22 le veut, je peux présenter ce document qui va vous expliquer exactement
23 toute cette situation.
24 M. le Président. - L'avocat de la défense vous a simplement
25 demandé si vous étiez au courant. Vous avez répondu que vous étiez au
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1 courant, c'est bien cela votre question ?
2 M. Hayman (interprétation). - Oui c'est cela je peux poursuivre
3 s'il n'a pas de connaissance personnelle sur ce point.
4 M. le Président. - Poursuivez, Maître Hayman.
5 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez parlé de
6 l'enlèvement des quatre officiers d'état-major du HVO.
7 M. Landry. - Oui
8 M. Hayman (interprétation). - Le 12 avril 1993 environ, et de
9 l'enlèvement du commandant de Brigade Toric au mois de juin, le
10 15 juin 1993. Avez-vous appris qu'il y avait eu une tentative d'assassinat
11 contre le commandement du groupe des Vitezovi, contre Darko Kraljevic,
12 cette information vous a-t-elle été communiquée en temps qu'officier
13 responsable des opérations au centre régional de Zenica ?
14 M. Landry. - Je dois vous avouer que le 15 avril, je n'étais pas
15 le chef des opérations, j'étais toujours sur la commission de Busovaca.
16 M. Hayman (interprétation). - Excusez moi, c'est une erreur de
17 ma part, il s'agissait du 14 avril. Cette information vous a-t-elle été
18 communiquée ou n'en avez pas eue ?
19 M. Landry. - (Hors micro)
20 M. Hayman (interprétation). - En ce qui concerne l'échange de
21 prisonniers, vous avez parlé de Mujahidin emprisonnés dans la prison de
22 Kaonik. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que la plupart des pays ont
23 des lois pénales interdisant que des citoyens ressortissants d'autres
24 nationalités entrent dans le pays lorsque ces personnes portes des armes,
25 à savoir que des ressortissants étrangers n'ont pas le droit d'entrer sur
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1 un territoire en portant des armes ? Est ce que la plupart des pays n'ont
2 pas de loi relative à cette possibilité ?
3 M. Landry. - Vous avez parfaitement raison. Des lois existaient
4 qui empêchaient les gens de se promener avec des armes. Mais d'un autre
5 côté tout le monde avait des armes en Bosnie centrale. C'est simplement
6 les gens de l'ECMM qui se promenaient sans arme.
7 M. Hayman (interprétation). - Au cours de vos travaux sur le
8 terrain, vous avez appris que l'armée de Bosnie-Herzégovine avait refusé
9 d'autoriser ces Mujahidin, ces combattants, à se trouver sur le territoire
10 de la Bosnie-Herzégovine alors qu'ils portaient des armes. Ils n'ont pas
11 reçu cette autorisation.
12 M. Landry. - Je crois que vous avez raison. Un peu plus tard,
13 c'est ce qui est arrivé, c'est ce qu'on m'a dit, car les forces bosniaques
14 ont essayé de nous donner la raison au fur et à mesure que le temps
15 passait et que les activités des Mujahidin semblaient de plus en plus
16 dévastatrices, qu'on semblait vouloir s'éloigner d'eux et qu'on essayait
17 de tout faire pour les renvoyer chez eux, même si personnellement j'ai
18 toujours eu des doutes sur le fait qu'ils étaient ou non sous le contrôle
19 des forces bosniaques.
20 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si l'un ou l'autre de
21 ces combattants Mujahidin avait en sa possession des engins explosifs ou
22 autres équipements, autres que les armes qui ont été trouvées sur eux,
23 lorsqu'ils ont été arrêtés ?
24 M. Landry. - La partie de l'histoire dont je me rappelle est que
25 ces gens avaient des véhicules et énormément d'argent avec eux. A aucun
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1 moment, lorsque les arrestations ont été faites, on n'a demandé
2 l'intervention de la Forpronu, ce qui aurait dû être fait à ce moment-l,
3 ou de l'ECMM, de façon à constater ce qui se passait. C'est surtout cet
4 aspect que je retrouve avec cette capture de prisonniers qui est un peu
5 suspecte.
6 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour
7 dire que l'ordre conjoint entre le général Blaskic et le général
8 Hadzihuseinovic le 13 février 1993 ne demandait pas la libération de
9 prisonniers qui avaient été arrêtés parce qu'ils avaient violé des
10 dispositions du droit national applicable ? C'était une exception à
11 l'ordre qui avait été émis, n'est ce pas ?
12 M. Landry. - Vous êtes en train de me perdre dans les méandres
13 de la loi internationale. Tout ce dont je me rappelle, c'est qu'on
14 essayait d'apaiser deux forces belligérantes par tous les moyens. A aucun
15 moment, ce genre d'argument ne m'a été présenté.
16 M. Hayman (interprétation). - Ces deux ensembles de prisonniers
17 ont été échangés à la fin du mois de mai 1993. En ce qui concerne les
18 prisonniers du HVO, les quatre officiers qui venaient de Travnik, de Novi
19 Travnik et les deux autres, ont-ils été maintenus prisonniers dans un lieu
20 secret par ces combattants Mujahidin, lieu où la Croix-Rouge et l'ECMM
21 n'avaient pas accès ?
22 M. Landry. - Oui, c'est bien cela.
23 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous comme cela est
24 stipulé dans la pièce à conviction 290 que les exigences des Mujahidin
25 étaient, je cite la dernière phrase : "Ils voulaient que tous les détenus
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1 du HVO soient libérés et en cas contraire, ils menaçaient de tuer les
2 otages" (Fin de citation). Cette exigence a-t-elle été mentionnée ?
3 M. Landry. - Oui.
4 M. Hayman (interprétation). - Au moment de l'échange de
5 prisonniers, étiez-vous
6 présent ?
7 M. Landry. - L'échange de prisonniers a eu lieu à trois
8 endroits : Zenica, à la prison de Kaonik et je crois à Travnik ou Novi
9 Travnik. Personnellement, j'étais à Zenica. C'est moi qui coordonnais
10 l'ensemble de cette opération de Zenica. Donc, c'est moi qui ai facilité
11 dans des conditions très difficiles, je dois l'avouer, la libération du
12 général de brigade HVO.
13 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact que près de
14 100 combattants Mujahidin sont arrivés dans l'hôtel de Zenica pour cet
15 échange, comme cela est stipulé dans la pièce à conviction 290 ?
16 M. Landry. - Il n'y avait pas 100 soldats ou combattants
17 Mujahidin. Il y avait des combattants Mujahidin qui était tous habillés en
18 tenue de Mujahidin, mais ils étaient renforcés par la brigade musulmane.
19 C'étaient des Bosniaques habillés en troupes bosniaques mais de la brigade
20 musulmane. J'ai des photos, si vous voulez voir les troupes, j'ai pris des
21 photos, où il est évident qu'on voit la distinction entre les Mujahidin et
22 les gens de la brigade musulmane.
23 M. Hayman (interprétation). - Très bien. Je vous prie de
24 m'excuser pour n'avoir pas établi correctement cette distinction, mais
25 vous êtes d'accord avec le paragraphe 24, selon lequel : "A Zenica, une
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1 centaine de soldats lourdement armés et masqués, (probablement membres de
2 la 7ème Brigade musulmane) ont entouré le lieu, équipée également de
3 canons de vingt millimètres et de missiles antiaériens et qu'une foule
4 composée d'une centaine de personnes a accueilli avec joie la Forpronu,
5 lorsque celle-ci est arrivée en ville. Ils étaient escortés par un certain
6 nombre d'autres personnes" (Fin de citation). Vous acceptez cette
7 description des faits ?
8 M. Landry. - C'est moi qui l'ai écrite, c'est ce qui s'est
9 passé. Comme je l'ai dit, c'était très dangereux. J'étais un des seuls de
10 la mission à ce moment-là qui ait pu se déplacer et essayer de s'assurer
11 qu'aucune violence ne soit commise contre le général et étant donné que
12 cet échange de prisonniers allait durer très longtemps, c'est moi qui me
13 suis assuré à mes propres risques que rien ne soit fait au commandant de
14 brigade du HVO.
15 M. Hayman (interprétation). - Est ce que les personnes
16 responsables de cet enlèvement de Todic et des quatre officiers, ces
17 personnes responsables de l'exécution et de l'assassinat des quatre hommes
18 qui se trouvaient avec Todic ont jamais été identifiés à votre
19 connaissance ?
20 M. Landry. - Je crois qu'ils ont été identifiés par la section
21 des renseignements de la Forpronu, j'ai pris personnellement une photo ou
22 deux, montrant l'Algérien avec qui j'avais négocié et qui se disait
23 l'instigateur de cette prise d'otages principalement, de la violence avec
24 laquelle le général de brigade du HVO avait été capturé à Zenica.
25 M. Hayman (interprétation). - Est ce que des actions ont été
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1 entreprises, cet homme a-t-il été arrêté, le savez-vous ?
2 M. Landry. - Je n'en ai aucune idée. Tout ce que je peux vous
3 dire, c'est qu'on a fait un rapport, j'ai donné mes photos aux instances
4 de la Forpronu et par la suite je n’en ai aucune idée.
5 M. Hayman (interprétation). - Eu égard aux atrocités ou aux
6 actes répréhensibles qui se sont déroulés contre des victimes croates, que
7 ce soit à Gustigrad, à Ducina ou ailleurs, avez-vous jamais reçu un
8 rapport de l'armée bosniaque au sujet de ces événements indiquant que les
9 Bosniaques avaient mené des enquêtes et pris des mesures ?
10 M. Landry. - Je me rappelle très bien avoir vu des instructions
11 pour entre autres minimiser le pillage qui semblait être monnaie courante
12 dans tous les villages ou les édifices qui étaient évacués. Je me rappelle
13 très bien aussi qu'en aucun moment on a eu un manque de coopération de la
14 part des Bosniaques lorsqu'on nous disait que des crimes avaient été
15 commis. C'est pour cela que je peux facilement vous dire qu’au mois
16 d'août, avec le père Stéphane, escorté des autorités bosniaques, on est
17 allé faire une revisite dans les villages qui avaient été évacués lors des
18 incidents d'avril autour de Zenica. Cela me suffisait, je pouvais voir que
19 sur le terrain, il y avait une volonté, des directives qui circulaient
20 pour minimiser ce genre d'actions.
21 M. Hayman (interprétation). - Donc à Zenica et autour de Zenica,
22 comme vous l'avez décrit et le télétype de l'ECMM le décrit également, une
23 quinzaine de Croates ont été tués, des maisons ont été brûlées, six ou
24 sept maisons ont été pillées, plusieurs centaines de personnes ont été
25 déplacées. Mais à votre avis, il n'était pas nécessaire que l'armée
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1 bosniaque mène une enquête, parce que la mission de l'ECMM allait plus
2 loin. Elle était concentrée sur la protection des vivants et sur
3 l'amélioration de la situation, vous n'étiez pas un organisme responsable
4 du rétablissement de la loi et de l'ordre, n'est ce pas ?
5 M. Landry. - On essayait de faire notre possible, les journées
6 étaient très bien remplies, mais on ne pouvait pas tout faire. On
7 travaillait énormément en coopération avec la Croix-Rouge, l’UNHCR et
8 d'autres organisations humanitaires. Mais étant donné que vous soulevez ce
9 point-là, au mois d'août, je me souviens, on a reçu une plainte, peut-être
10 pas d’une cache, mais que des civils ou des Croates pouvaient été enterrés
11 dans un "mass grave burrial ground" dans un petit village. Suite à cette
12 plainte, j'ai décidé avec le père Stéphane et les autorités bosniaques d'y
13 aller. Encore une fois, on ne donnait pas beaucoup d'importance -compte
14 tenu du degré de vérité- à toute enquête faite unilatéralement soit par
15 les Croates soit par les Bosniaques. On voulait être présent et si
16 possible emmener un élément de l'autre faction de façon à ajouter de
17 l'objectivité et de la crédibilité à ce genre d'enquête.
18 M. Hayman (interprétation). - A part ce que vous avez déjà
19 décrit, avez-vous jamais reçu des rapports de l'armée bosniaque relatifs à
20 des décès parmi les Croates ou à des événements de même nature ?
21 M. Landry. - Je ne me rappelle pas, il vaudrait que je vérifie,
22 je ne peux vous dire ni oui, ni non.
23 M. Hayman (interprétation). - Vous ne vous rappelez aucun
24 rapport. Merci. Passons maintenant à Vitez, le 16 avril 1993. Vous nous
25 avez dit que selon vos notes, vous avez
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1 essayé d'atteindre le colonel Blaskic et que pour l'essentiel, on vous a
2 répondu qu'il n'était pas disponible. Avez-vous aujourd'hui un souvenir
3 précis de cet événement alors que vous êtes ici dans cette salle
4 aujourd'hui ?
5 M. Landry. - Considérant le fait que cela fait plus de cinq ans,
6 j'ai un souvenir évident. Je me rappelle, comme je vous dis, des activités
7 du matin, j’ai vu le village brûler, je me rappelle des tirs de
8 mitraillettes, d'obus qui ont eu lieu pratiquement toute la journée autour
9 du camp britannique. Oui, je me rappelle assez vivement ce qui s'est
10 passé. C’est le fait de relire mes notes, car j'ai pris des notes
11 personnelles et des notes de travail dans mes calepins des principaux
12 faits, par la suite, j'ai fait un rapport.
13 M. Hayman (interprétation). - Je crains que vous n'ayez pas bien
14 compris ma question. Je parlais des notes que vous avez prises et selon
15 ces notes, vous avez tenté de joindre le colonel Blaskic le 16 avril 1993,
16 mais je vous demande si vous avez un souvenir personnel aujourd'hui de cet
17 événement ou si votre souvenir se fonde uniquement sur vos notes ?
18 M. Landry. - Je dois vous avouer qu'il se fonde uniquement sur
19 mes notes. Si j'ai pris dans mon calepin...
20 M. le Président. - Je crois que la question a été posée, vous y
21 avez répondu. Vous n'avez de souvenir qu'à travers votre journal
22 personnel.
23 M. Landry. - En ce qui concerne l'appel pour le colonel Blaskic,
24 effectivement.
25 M. le Président. - Passez à une autre question, Maître.
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1 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention
2 sur les observations que vous avez faites ce jour-là dans les environs
3 d'Ahmici. Vous avez déclaré n'avoir vu aucune preuve de l'existence d'une
4 défense village. Savez-vous s’il existait une unité de l’armée bosniaque
5 stationnée à Ahmici ?
6 M. Landry. – Non, aucune idée.
7 M. Hayman (interprétation). – Savez-vous si cette unité avait un
8 plan d'organisation de la défense du village d'Ahmici ?
9 M. le Président. - Il vous a répondu qu'il ne savait pas. Je
10 suis comme mon collègue, je réagis vivement. Ne posez pas de questions
11 pièges. Vous m'avez dit tout à l'heure que toutes les questions étaient
12 subjectives.
13 M. Hayman (interprétation). - Je supprime la dernière question.
14 Vous avez déclaré ne pas avoir vu de soldats ou de combattants
15 du HVO à Ahmici la nuit du 16 avril, au moment où vous êtes revenu, où
16 vous êtes repassé par les lieux. Etes-vous resté sur la route ce soir-là
17 ou avez- vous quitté la route pour pénétrer dans le village ?.
18 M. Landry. - Encore une fois, je n’ai pas écrit tout ce que je
19 voyais dans mon calepin. Je vous ai dit que ce soir-là je me suis assez
20 approché de la ville, du moins du village d’Ahmici, pour voir très
21 nettement la mosquée qui était brisée en deux et les maisons en feu
22 autour. Je ne me rappelle pas être entré plus profondément, d'avoir vu de
23 soldats HVO dans le village d’Ahmici. Ce dont je me rappelle, c'est
24 d’avoir vu des corps qui longeaient la route lorsqu'on a continué de
25 circuler.
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1 M. Hayman (interprétation). – Est-ce que vous avez quitté la
2 route de Vitez à Busovaca ce soir-là ou est-ce que vous êtes resté sur la
3 route et vous avez fait vos observations à partir de la route ?
4 M. Landry. – Pour pouvoir répondre à cette question il faudrait
5 que je retourne physiquement sur les lieux pour voir si de la route je
6 pouvais voir la mosquée qui brûlait, comme je l'ai vue. Tout ce dont je me
7 rappelle, c'est une image très précise de la mosquée. Pouvait-on la voir
8 de la route ? Si on pouvait la voir de la route principale, à ce moment-là
9 je ne l'ai pas quittée. Vous m’excuserez, mais c'est tout ce dont je me
10 rappelle, cette mosquée qui brûlait et c'était très près.
11 M. le Président. - Nous allons faire une pause d'un quart
12 d’heure, vingt minutes, ce qui permettra à tout le monde de se reposer et
13 également au témoin. Merci. L'audience est suspendue.
14
15 L'audience, suspendue à 16 heures 10, est reprise à
16 16 heures 30.
17
18 M. le Président. - L'audience est reprise. Vous introduisez
19 l'accusé, s'il vous plaît.
20 (L’accusé est introduit dans le prétoire)
21 (Egalement le témoin)
22 M. Hayman (interprétation). - Merci.
23 Je reviens donc sur la soirée du 16 avril 1993. Pouvez-vous nous
24 dire si une ligne de front s'était constituée au nord du village d'Ahmici
25 entre le HVO et l'armée bosniaque et, si oui, approximativement où se
Page 7806
1 situait ce front ? Je vous engage à utiliser le rétroprojecteur sur votre
2 droite si vous en avez besoin, Monsieur.
3 M. Landry. - A ce moment-là, je n'avais aucune idée d'où se
4 trouvait ce front, absolument aucune idée. C'est seulement quelques jours
5 plus tard que j'ai appris que le front, soit le lendemain, soit après,
6 était à peu près sur les hauteurs entre Zenica et Vitez. C'est la seule
7 information que j'ai eu à ce moment-là parce qu'on ne pouvait pas aller
8 sur le terrain.
9 M. Hayman (interprétation). - Le village de Poculica était un
10 village tenu par l'armée bosniaque, n'est-ce pas ? Vous pouvez vous aider
11 de la carte si cela vous paraît nécessaire. Poculica se trouve sur la
12 route de montagne qui mène de Vitez à Zenica à 60 % du chemin dans la
13 direction de Vitez à partir de Zenica à peu près, ou même 70 % du chemin
14 au nord-est de Civerno Selo.
15 M. Landry. - (Hors micro)
16 ... bien vu sur la carte lorsque j'étais à même de faire les
17 investigations sur les atrocités commises contre les croates, je crois que
18 je me suis rendu jusqu'à ce village-là ou aux abords. Donc que c'était
19 probablement le no man's land entre les deux factions.
20 M. Hayman (interprétation). - Très bien. La nuit du 16, vous
21 êtes revenu de Zenica finalement, c'est bien cela ?
22 M. Landry. - Oui.
23 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous été informé ou avez-vous
24 des souvenirs au sujet des événements survenus à Zenica le 15, événements
25 autres que l'enlèvement de Todic ?
Page 7807
1 M. Landry. - Non, pas réellement.
2 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré qu'à un certain
3 moment la brigade HVO de Zenica a subi une attaque de la part de l'armée
4 bosniaque. Savez-vous quand cette attaque a eu lieu ? Je crois que vous
5 avez parlé du 17 ou du 18 dans votre déposition, mais pourriez-vous être
6 un peu plus précis au sujet de la date ?
7 M. Landry. - Plus précis au sujet de la date ?
8 M. Hayman (interprétation). - Je crois vous avoir entendu dire
9 que la nuit du 16 vous pouviez voir certains villages à partir de votre
10 hôtel, est-ce exact ? Et si oui, quels villages pouviez-vous voir ?
11 M. Landry. - Je ne crois pas que ce soit la nuit du 16. Je crois
12 que la nuit du 16, c'est seulement... il faudrait que je vérifie mes
13 notes, si vous me donnez une minute...
14 M. Hayman (interprétation). - Pendant que vous regardez vos
15 notes, je demanderai que l'on remette au témoin la pièce à conviction 292.
16 (L'huissier s'exécute)
17 M. Landry. - Non, ce n’est pas le 16 mais le 17 au matin,
18 lorsque je me suis réveillé, que j’ai vu qu’il y avait définitivement des
19 combats dans la direction générale que je vous ai indiquée, que je voyais
20 une colonne de Musulmans qui jonchaient les montagnes vers Zenica.
21 M. Hayman (interprétation). - Vous étiez à Zenica, n’est-ce pas,
22 dans Zenica, le matin du 17 ?
23 M. Landry. - Oui.
24 M. Hayman (interprétation). - Où se trouvait cette colonne de
25 soldats ou de civils musulmans ? Peut-être était-ce des civils musulmans ?
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1 M. Landry. - Des civils musulmans qui quittaient la zone de
2 combats pour se diriger vers Zenica. Ils entraient dans la ville de
3 Zenica.
4 M. Hayman (interprétation). - C’est ce qui est écrit dans vos
5 notes, n’est-ce pas ?
6 M. Landry. - Si vous voulez les lire, si cela vous fait plaisir,
7 elles sont en français. Cela me fait plaisir de vous les montrer.
8 M. le Président. - Colonel, ne faites pas de commentaires.
9 M. Landry. - Ce n’était pas fait dans une intention perfide
10 Monsieur le Président, mais pour coopérer avec la Cour.
11 M. Hayman (interprétation). - Je vous prierai de mettre vos
12 notes de côté et regarder maintenant la pièce à conviction 292 qui vous a
13 été remise. Il s’agit de la protestation qui rend compte des
14 préoccupations du Colonel Blaskic au sujet du traitement subi par les
15 civils à Zenica et autour de Zenica. Vous remarquerez qu’au moment de la
16 rédaction de document, à savoir 1 heure 15 du matin, le matin du 18 avril
17 1993, des rumeurs portant sur l’étendue du conflit à Zenica et autour de
18 Zenica sont mentionnées. Seriez-vous d’accord pour dire cela ?
19 M. Landry. - Durant la journée du 18 ? J’ai écouté avec
20 attention, mais excusez-moi. Vous parlez de rumeurs, de quelles rumeurs
21 parlez-vous et quand ?
22 M. Hayman (interprétation). - Je reformule ma question.
23 Conviendriez-vous qu’à la fin de la journée du 17 et durant la nuit du 17
24 au 18 avril 1993, de nombreuses informations, y compris des
25 désinformations, se sont répandues, des informations sous la forme de
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1 rumeurs et portant sur : qui a été attaqué, comment s’est déroulé
2 l’attaque, combien il y a eu de morts de chaque côté, etc ?
3 M. Landry. - Effectivement, oui.
4 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous également qu’à
5 ce moment-là le Colonel Blaskic n’avait pas la possibilité d’entreprendre
6 sa propre enquête au sujet de la situation dans les villages croates de la
7 région, y compris à l’ouest de Zenica, puisque c’était un territoire
8 contrôlé par l’armée bosniaque ?
9 M. Landry. - C’est vrai.
10 M. Hayman (interprétation). - Plus tard, durant la journée du
11 18 avril 1993, vous avez rencontré le général Merdan, comme vous nous
12 l’avez décrit. Je demanderai que la pièce à conviction 294 soit remise au
13 témoin, je vous prie.
14 (L’huissier s’exécute)
15 Cette pièce à conviction contient un compte rendu de cette
16 réunion. J’insisterai plus particulièrement sur les paragraphes 4 et 6 de
17 ce compte rendu. J’aimerais vous interroger au sujet d’un commentaire qui
18 figure dans le paragraphe 4 intitulé « Evaluation politique ». Je cite :
19 « Selon le commandant D (je suppose qu’il s’agit du commandant-adjoint du
20 3ème Corps d’armée de l’armée de Bosnie-Herzégovine), ceci, et cela se
21 rapporte de toute évidence à quelque chose qui est mentionné plus haut
22 dans le document, semble avoir fait partie d’un plan organisé contre les
23 Musulmans par le mouvement extrêmiste croate. Il a été prouvé que
24 M. Kordic avait rencontré le dirigeant serbe, M. Karadzic, et qu’ils ont
25 peut-être, ou sans doute, discuté de l’avenir de la Bosnie-Herzégovine ».
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1 (Fin de citation)
2 Ma question est la suivante. Lors de cette rencontre avec le
3 Général Merdan, celui-ci vous a-t-il fourni des preuves quant à
4 l’existence de cette rencontre entre M. Kordic et M. Karadzic.
5 M. Landry. - Non, tout ce que je me rappelle, c’est le contenu
6 du paragraphe. Si on avait voulu aller plus long, on aurait peut-être pu
7 avoir ces preuves-là, mais je n’ai pas eu de preuves en mains.
8 M. Hayman (interprétation). - Toujours le 18 avril, vous avez
9 reçu un ordre du cessez-le-feu du Colonel Blaskic. Il s’agit de la pièce à
10 conviction 293. Je demanderai qu’elle soit remise entre les mains du
11 témoin de façon à ce qu’il puisse précisément l’avoir.
12 (L’huissier s’exécute)
13 Avez-vous en mémoire la pièce à conviction 293 ?
14 M. Landry. - Oui.
15 M. Hayman (interprétation). - Ma question est la suivante. Le
16 général Hadzihuseinovic a-t-il émis un ordre de cessez-le-feu destiné à
17 ses troupes au même moment ?
18 M. Landry. - Il faudrait que je vérifie mes documents. Mais, au
19 même moment, non, je ne crois pas qu’on en ait reçu exactement au même
20 moment.
21 M. Hayman (interprétation). - Pendant que vous regardez vos
22 notes, je demanderai que l’on remette au témoin la pièce à conviction 292.
23 (L’huissier s’exécute)
24 M. Landry. - Non, c’est pas le 16 mais le 17 au matin, lorsque
25 je me suis réveillé, que j’ai vu qu’il y avait définitivement des combats
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1 dans la direction générale que je vous ai indiquée, que je voyais une
2 colonne de Musulmans qui jonchaient les montagnes vers Zenica.
3 M. Hayman (interprétation). - Vous étiez à Zenica, n’est-ce pas,
4 dans Zenica, le matin du 17 ?
5 M. Landry. - Oui.
6 M. Hayman (interprétation). - Où se trouvait cette colonne de
7 soldats ou de civils musulmans ? Peut-être était-ce des civils musulmans ?
8 M. Landry. - Des civils musulmans qui quittaient la zone de
9 combats pour se diriger vers Zenica. Ils entraient dans la ville de
10 Zenica.
11 M. Hayman (interprétation). - C’est ce qui est écrit dans vos
12 notes, n’est-ce’ pas ?
13 M. Landry. - Si vous voulez les lire, si cela vous fait plaisir,
14 elles sont en français. Cela me fait plaisir de vous les montrer.
15 M. le Président. - Colonel, ne faites pas de commentaires.
16 M. Landry. - Ce n’était pas fait dans une intention perfide
17 Monsieur le Président, mais pour coopérer avec la Cour.
18 M. Hayman (interprétation). - Je vous prierai de mettre vos
19 notes de côté et de regarder maintenant la pièce à conviction 292 qui vous
20 a été remise. Il s’agit de la protestation qui rend compte des
21 préoccupations du Colonel Blaskic au sujet du traitement subi par les
22 civils à Zenica et autour de Zenica. Vous remarquerez qu’au moment de la
23 rédaction de document, à savoir 1 heure 15 du matin, le matin du 18 avril
24 1993, des rumeurs portant sur l’étendue du conflit à Zenica et autour de
25 Zenica sont mentionnées. Seriez-vous d’accord pour dire cela ?
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1 M. Landry. - Durant la journée du 18 ? J’ai écouté avec
2 attention, mais excusez-moi. Vous parlez de rumeurs, de quelles rumeurs
3 parlez-vous et quand ?
4 M. Hayman (interprétation). - Je reformule ma question.
5 Conviendriez-vous qu’à la fin de la journée du 17 et durant la nuit du 17
6 au 18 avril 1993, de nombreuses informations, y compris des
7 désinformations, se sont répandues, des informations sous la forme de
8 rumeurs et portant sur : qui a été attaqué, comment s’est déroulé
9 l’attaque, combien il y a eu de morts de chaque côté, etc ?
10 M. Landry. - Effectivement, oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous également qu’à
12 ce moment-là le Colonel Blaskic n’avait pas la possibilité d’entreprendre
13 sa propre enquête au sujet de la situation dans les villages croates de la
14 région, y compris à l’ouest de Zenica, puisque c’était un territoire
15 contrôlé par l’armée bosniaque ?
16 M. Landry. - C’est vrai.
17 M. Hayman (interprétation). - Plus tard, durant la journée du
18 18 avril 1993, vous avez rencontré le général Merdan, comme vous nous
19 l’avez décrit. Je demanderai que la pièce à conviction 294 soit remise au
20 témoin, je vous prie.
21 (L’huissier s’exécute)
22 Cette pièce à conviction contient un compte rendu de cette
23 réunion. J’insisterai plus particulièrement sur les paragraphes 4 et 6 de
24 ce compte rendu. J’aimerais vous interroger au sujet d’un commentaire qui
25 figure dans le paragraphe 4 intitulé « Evaluation politique ». Je cite :
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1 « Selon le commandant D (je suppose qu’il s’agit du commandant-adjoint du
2 3ème Corps d’armée de l’armée de Bosnie-Herzégovine), ceci, et cela se
3 rapporte de toute évidence à quelque chose qui est mentionné plus haut
4 dans le document, semble avoir fait partie d’un plan organisé contre les
5 Musulmans par le mouvement extrémiste croate. Il a été prouvé que
6 M. Kordic avait rencontré le dirigeant serbe, M. Karadzic, et qu’ils ont
7 peut-être, ou sans doute, discuté de l’avenir de la Bosnie-Herzégovine ».
8 (Fin de citation)
9 Ma question est la suivante. Lors de cette rencontre avec le
10 Général Merdan, celui-ci vous a-t-il fourni des preuves quant à
11 l’existence de cette rencontre entre M. Kordic et M. Karadzic.
12 M. Landry. - Non, tout ce que je me rappelle, c’est le contenu
13 du paragraphe. Si on avait voulu aller plus long, on aurait peut-être pu
14 avoir ces preuves-là, mais je n’ai pas eu de preuves en mains.
15 M. Hayman (interprétation). - Toujours le 18 avril, vous avez
16 reçu un ordre du cessez-le-feu du Colonel Blaskic. Il s’agit de la pièce à
17 conviction 293. Je demanderai qu’elle soit remise entre les mains du
18 témoin de façon à ce qu’il puisse précisément l’avoir.
19 (L’huissier s’exécute)
20 Avez-vous en mémoire la pièce à conviction 293 ?
21 M. Landry. - Oui.
22 M. Hayman (interprétation). - Ma question est la suivante. Le
23 général Hadzihuseinovic a-t-il émis un ordre de cessez-le-feu destiné à
24 ses troupes au même moment ?
25 M. Landry. - Il faudrait que je vérifie mes documents. Mais, au
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1 même moment, je ne crois pas qu’on en ait reçu exactement au même moment.
2 Tout ce dont je me rappelle c’est que des directives ont été prises pour
3 assumer la sécurité des civils croates, mais je ne peux pas dire si j’ai
4 reçu quelque chose du même type.
5 M. Hayman (interprétation). – A votre connaissance, avez-vous
6 reçu un ordre de cette nature du général Hadzihuseinovic avant l’émission
7 de l’ordre conjoint du général Petkovic et du général Halilovic, qui a été
8 émis le 20 avril 1993 et qui incluait un ordre de cessez-le-feu ?
9 M. Landry. – Je ne m’en souviens pas.
10 M. Hayman (interprétation). – Vous avez parlé de l’éventuelle
11 coopération du HVO à l’enquête au sujet des événements de Ahmici. Lors de
12 la rencontre tenue à Zenica le 20 avril 1993, à laquelle assistaient les
13 généraux Hadzihuseinovic, Petkovic, le colonel Blaskic,
14 l’ambassadeur Thebault et vous-même, partiellement, est-ce qu’une demande
15 générale ou précise a été émise pour exiger une enquête au sujet des
16 événements d’Ahmici ?
17 M. Landry. – Si je m’en souviens, je n’y ai assisté que
18 partiellement parce qu’à ce moment-là mon travail était au bureau des
19 opérations alors que la rencontre avait lieu dans la salle des rencontres.
20 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous eu connaissance d’une
21 quelconque demande émanant de l’ambassadeur Thebault, à quelque moment que
22 ce soit, envoyée au colonel Blaskic et lui demandant d’enquêter au sujet
23 des événements d’Ahmici ?
24 M. Landry. – Je ne peux pas vous dire, je ne m’en souviens pas.
25 M. Hayman (interprétation).– Avez-vous eu connaissance du fait
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1 que le colonel Stewart du bataillon britannique a demandé et même exigé du
2 colonel Blaskic qu’il entame une enquête ? Etes-vous au courant de cela ?
3 M. Landry. – Je ne m’en souviens pas. Je sais que le commandant
4 du Britbat a décidé effectivement d’enquêter lui-même mais je ne sais plus
5 s’il pensait le faire avec l’aide des autorités HVO ou non. Je me rappelle
6 fort bien que lorsqu’on est allé visiter Ahmici avec le commandant du
7 Bribat, cela s’est fait dans des véhicules blindés.
8 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous été informé du fait que
9 le colonel Blaskic avait effectivement donné l’ordre qu’une enquête soit
10 menée sur les événements d’Ahmici ? Je crois que l’accusation dispose d’un
11 exemplaire de cet ordre qui a été délivré. Saviez-vous cela avant ou
12 pendant votre témoignage dans le cadre de ce procès ?
13 M. Landry. – Je n’ai pas connaissance de cela. Je ne sais plus
14 si j’ai vu ce genre d’ordre, je n’en ai aucune idée.
15 M. Hayman (interprétation). – Venons-en maintenant à la visite
16 que vous avez faite le 25 avril 1993 au village de Rotilj. La pièce 298
17 peut-elle être communiquée au témoin. Je vais d’abord formuler ma question
18 et vous pourrez ensuite vous reporter à ce document pour vous aider.
19 A la page 2 du télétype que vous avez rédigé, on trouve des
20 commentaires relatifs aux six cents habitants du village qui vivent dans
21 une des parties du village, je crois qu’il s’agit de la partie la plus
22 éloignée de Kiseljak. Vous voyez la référence qui est faite à ces
23 villageois dans le document ? Vous êtes-vous rendu dans cette partie du
24 village où se trouvaient les six cents villageois ou est-ce une
25 information qui vous a été communiquée par d’autres personnes ?
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1 M. Landry. – C’est une information qui nous a été communiquée.
2 On était deux ici, moi-même et Dimitros Dagos qui était à ce moment-là le
3 chef des opérations. La journée était déjà avancée. On a brièvement avancé
4 pour voir qu'effectivement des gens étaient là, mais nous n'avons pas
5 investiguer plus qu'il ne fallait. Puis, si ma mémoire est bonne, on a
6 contacté le UNHCR et Médecins Sans Frontières pour éventuellement pouvoir
7 apporter l'aide médicale qu'on demandait. Ensuite, on a rédigé le rapport.
8 Je me souviens aussi que Dimitros Dagos était supposé prendre des actions
9 pour éventuellement normaliser la situation auprès des autorités HVO.
10 M. Hayman (interprétation). - Merci. Vous avez répondu de façon
11 très satisfaisante. Pour ce qui est du "convoi de la joie", ou "convoi de
12 Tuzla", avez-vous vous-même été le témoin de certains événements liés à
13 l'attaque dont ce convoi a fait l'objet ?
14 M. Landry. - J'en ai vu les résultats. Je dois vous avouer que,
15 tout au long de l'aventure -ou la mésaventure, ou la saga- de ce convoi,
16 j'étais dans la salle des opérations. C'est moi qui coordonnais toutes les
17 activités de tous les détachements qui surveillaient l'évolution du
18 convoi. Je ne pouvais pas être aux deux endroits en même temps, j'étais
19 strictement limité à mes bureaux, à Zenica.
20 M. Hayman (interprétation). - Vous dites avoir vu les résultats.
21 Avez-vous vu le convoi traverser Zenica, ou avez-vous entendu dire, en
22 tant qu'officier chargé des opérations, certaines choses sur ce qu'il
23 s'était passé ?
24 M. Landry. - Je me suis peut-être mal exprimé. Lors du convoi,
25 j'étais dans mon Bureau. Je recevais des rapports de mes détachements. Par
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1 la suite, surtout dans la région de Nova Bila et de Vitez, j'étais en
2 mesure de voir certains véhicules qui avaient été détruits et de voir les
3 lieux où il y avait eu, de manière évidente, des accrochages assez sérieux
4 entre le convoi et les gens qui avaient essayer de le détourner ou de
5 faire des actes de violence.
6 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré que le HVO avait
7 garanti que ce convoi ne serait pas menacé. Savez-vous qui, au sein du
8 HVO, a fait cette déclaration et à qui cette déclaration a-t-elle été
9 faite ?
10 M. Landry. - Je n'ai pas ces détails en mémoire. Tout ce dont je
11 me souviens, c'est que des autorités du deuxième corps et des autorités
12 HVO de la région de Tuzla sont venues nous voir. Elles ont vendu leur idée
13 à M. Thebault. Par la suite, avec cette information, je crois que le
14 représentant HVO est allé voir les autorités HVO de Vitez. Etant donné
15 qu'ils avaient d'excellentes communications avec le grand quartier général
16 HVO de la région de Mostar, ils ont pris des arrangements. M. Thebault m'a
17 tout simplement laissé savoir que les autorités en place avaient accepté
18 d'escorter le convoi et d'assumer sa sécurité tout au long du parcours. Si
19 c'était une région musulmane, c'étaient les Musulmans qui le prenaient en
20 charge, si c'était une région HVO, c'était le HVO qui le prenait en
21 charge, le tout escorté par les détachements de l'ECMM, avec certains
22 observateurs de la Forpronu qui avaient plutôt dans un rôle d'observation.
23 M. Hayman (interprétation). - Peut-on faire passer au témoin la
24 pièce 302, s'il vous plaît ?
25 (L'huissier s'exécute.)
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1 Il s'agit d'un télétype de l'ECMM qui porte sur la participation
2 de l'armée croate, la HV, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Ma
3 première question est la suivante : quand avez-vous vu ce document pour la
4 première fois, si vous vous en souvenez ?
5 M. Landry. - Certainement le 18 juin, parce que, comme je vous
6 l'ai dit, à cette époque, j'étais le chef des opérations. Ce communiqué
7 était adressé à Zenica. J'étais le chef des opérations à cette époque,
8 donc je suis probablement un des premiers à avoir lu cette information.
9 M. Hayman (interprétation). - J'attire maintenant votre
10 attention sur ce qui est dit au milieu du paragraphe 5. On parle du
11 général Proljak. Il est dit, je cite : "Le général a également reconnu que
12 des troupes de la HV se trouvaient à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine
13 et qu'elles se trouvaient le long des lignes de front qui courent au sud-
14 ouest de Trebinje, un fait déjà connu de l'ECMM." (Fin de citation).
15 Savez-vous où se trouve Trebinje ?
16 M. Landry. - Je le savais mais là, présentement, ça ne me dit
17 absolument rien.
18 M. Hayman (interprétation). - Cela se trouve-t-il au sud-est de
19 Mostar, au niveau de la ligne de front qui était face aux Serbes, en
20 Herzégovine ? Vous ne savez pas ! Vous ne vous en souvenez pas du tout ?
21 Vous ne pouvez rien dire ?
22 M. Landry. - (Hochement de tête)
23 M. Hayman (interprétation). - Je vous vois faire non de la tête.
24 M. Landry. - Il faudrait que je vois la carte pour vous dire
25 exactement où cela se trouvait. Pour l'instant, cette ville ne me dit
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1 absolument rien.
2 M. Hayman (interprétation). - Bien.
3 M. le Président. - Excusez-moi de vous interrompre, mais vous
4 semblez tirer une conclusion simplement de la dénégation qu'a faite le
5 colonel. Et là, le colonel vous dit : « si je voyais la carte, je pourrais
6 le dire ». Ce n'est pas du tout que je veuille prolonger, bien au
7 contraire, les réponses, mais je ne veux pas que vous tiriez des
8 conclusions hâtives ou excessives. Voila, c'est tout ce que je voulais
9 vous dire.
10 M. Hayman (interprétation). - La Chambre pourra voir la carte à
11 un moment donné, ne vous inquietez pas, et nous pourrons voir où se trouve
12 ce village.
13 M. le Président. - Donc, continuez.
14 M. Hayman (interprétation). - A la phrase suivante, il est fait
15 référence aux faits que des troupes portant l'uniforme de la HV ont été
16 vues en Bosnie centrale. Est-ce que l'ECMM était intéressé par le fait de
17 savoir s'il y avait effectivement des troupes de la HV en Bosnie
18 centrale ?
19 M. Landry - Oui, effectivement, on nous avait demandé de
20 produire toute information à cet effet de façon à pouvoir ,une fois pour
21 toute, confirmer ou infirmer les rumeurs qui circulaient.
22 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vous-même jamais vu des
23 troupes revêtues de l'uniforme de la HV aux alentours de Kiseljak ou dans
24 la municipalité de Busovaca au cours des déplacements que vous avez faits
25 dans la région ? Avez-vous jamais reçu des rapports selon lesquels des
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1 troupes de ce type avaient été vues au sein de ces municipalités ?
2 M. Landry - Non.
3 M. Hayman (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier,
4 j'aimerais qu'un autre document soit communiqué au témoin, s'il vous
5 plaît.
6 (L’huissier s’exécute)
7 Peut-il recevoir la cote suivante, je pense qu'il s'agit de la
8 pièce 113 de la défense ?
9 M. le Président. - Oui, c'est bien cela.
10 M. Hayman (interprétation). - Lieutenant-colonel, ayez
11 l'obligeance de consulter ce document. Je ne vous demande pas de le lire,
12 à moins que vous ne le souhaitiez, je veux simplement vous poser la
13 question suivante : s'agit-il d'un rapport de l'ECMM envoyé au centre
14 régional de Zenica, rapport établi par vos camarades, les autres
15 observateurs de la mission au cours de votre période de séjour en Bosnie
16 Herzégovine ?
17 M. Landry - Oui, c'est la façon dont nous procédions. Chacun de
18 nos détachements nous envoyait quotidiennement un rapport, et par la suite
19 une de mes tâches comme chef des opérations était de compiler tous ces
20 rapports au grand quartier général à Zagreb ainsi qu'à la Forpronu et aux
21 autres organismes auxquels nous devions répondre.
22 M. Hayman (interprétation). - Reconnaissez-vous la signature de
23 M. Fritz Petersen en haut à droite de la première page de ce document ?
24 M. Landry - En ma présence, M. Fritz Petersen n'a jamais rien
25 signé, les documents étant envoyés par CapSat, c'était le format des
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1 équipements que nous avions, et à ce moment-là M. Petersen se trouvait à
2 cette commission.
3 M. Hayman (interprétation). - Je souhaiterais faire passer
4 encore un document au témoin, Monsieur le Président. Je pense qu'il
5 s'agira de la pièce de la défense 114.
6 M. le Président. - En avez-vous terminé avec le document D113
7 Maître Hayman ? Ou c'est le D114 qui va vous permettre de poser votre
8 question ?
9 M. Hayman (interprétation). - J'en ai terminé avec le
10 document 113, Monsieur le Président, pour l'instant.
11 S'agit-il là aussi d'un rapport tel que ceux que vous receviez
12 en tant qu'officier chargé des opérations du centre régional de Zenica à
13 l'époque qui nous intéresse ? Pour ce qui est maintenant du paragraphe 4,
14 j'aimerais vous poser la question suivante : vous souvenez-vous avoir reçu
15 un rapport relatif à une réunion du centre de commandement conjoint,
16 réunion qui portait, je me réfère aux petits points 3/4 et 5, réunion donc
17 au cours de laquelle un accord a été atteint, accord qui permettait
18 d'établir un couloir de sécurité aux alentours de Vitez. Cela, c'est au
19 point 3. Et puis cet accord visait également à faire en sorte que les
20 tireurs isolés qui se trouvaient dans la zone de responsabilité soient
21 expulsés, cela paraît au point 4. Enfin, cela prévoyait également la
22 remise en liberté de tous les prisonniers, sauf les criminels. Cela
23 apparaît au point 5. Vous vous souvenez d’avoir reçu cette information à
24 peu près à cette époque-là ?
25 M. Landry. - Oui. Quand je dis oui, c’est un rapport que j’ai
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1 reçu et puis les actions qu’on prenait, c’était définitivement en accord
2 avec les règles qu’on avait.
3 M. Hayman (interprétation). - J’en ai terminé de ce document.
4 Hier, vous avez déclaré que les personnes occupant des postes
5 d'autorité et là, je cite la page 14 du compte-rendu des débats d’hier :
6 "Que des personnes occupant des postes d'autorité n'ont pas fait tout ce
7 qu'elles auraient pu faire pour ce qui est d'éviter la perte de vies en
8 Bosnie centrale".
9 Lorsque vous parlez des personnes occupant des postes d'autorité
10 et du fait que ces personnes n'ont pas fait tout ce qu'elles pouvaient
11 faire, est-ce que en disant cela vous faites référence à un comportement
12 particulier ou à un état d'esprit particulier, un comportement qui est
13 peut-être décrit dans les livrets distribués aux membres des forces armées
14 canadiennes ? Ou est-ce que vous faites référence à un comportement qui
15 pourrait être décrit dans les livrets qui sont distribués aux forces
16 armées canadiennes ? Ou faites-vous référence à un comportement qui
17 pourrait être décrit ailleurs ? Ou vous appuyez-vous simplement sur votre
18 expérience personnelle en vous exprimant en tant qu'individu ? Pouvez-vous
19 préciser ce que vous voulez dire par là ?
20 M. Landry. - Oui, ça sera facile aussi. J'ai servi avec les
21 forces de l'OTAN, avec les forces américaines. Je suis de carrière un
22 officier qui a fait un apprentissage d'officier des renseignements
23 ("Intelligence officer"), donc j'étais très au courant des procédures
24 militaires soviétiques qui avaient lieu à l'époque. Tout ce que je vous
25 dis, c'est que tout commandant doit être en mesure de pouvoir assumer son
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1 commandement et de prendre les mesures appropriées pour s'assurer qu'il
2 exerce bien son commandement.
3 J'ai dit aussi à la Cour que je ne m'attendais pas à ce que plus
4 aucun crime ne survienne, mais j'ai dit que, de mémoire, ne pas avoir vu
5 des mesures concrètes prises pour au moins limiter les actions commises
6 soit par des soldats hors contrôle soit par des unités hors contrôle.
7 C'est ça que je m'attendais à voir et durant la période où j'étais là,
8 c'est un malheur, il y a eu plusieurs incidents qui auraient dû être
9 rapportés aux autorités HVO locales, que nous leur avons rapportés, qui
10 auraient dû être des indices pour eux leur permettant de réaliser qu'il y
11 avait des maillons de leur chaîne de commandement qui ne faisaient pas
12 leur travail. Donc il y aurait dû y avoir des actions prises.
13 Je pense à l'incident du commandant de la brigade de Busovaca
14 qui semble avoir désobéi à un ordre ou qui prenait ses ordres d'un autre
15 commandant. Je me serais attendu à ce que ce commandant, afin qu'il puisse
16 continuer d'assumer son autorité et de s'afficher comme étant le
17 commandant ultime de cette région, et il aurait eu amplement le temps
18 d'aller voir cet individu, soit réprimandé et au pire de changé. Mais je
19 ne me souviens pas avoir vu ce genre d'entreprise faite par les autorités
20 en présence du HVO. Je continue de croire que ça n'a rien à voir avec
21 l'armée dans laquelle vous êtes. Un commandant militaire a la
22 responsabilité de ses troupes et la responsabilité des actes de ses
23 troupes. Donc il est ultimement responsable des actes de tous ses soldats.
24 La seule façon, d'après moi, pour être en mesure de se défendre
25 devant une cour est de démontrer qu'il a pris raisonnablement des actions
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1 pour empêcher que de telles situations ne se reproduisent. Merci.
2 M. Hayman (interprétation). - Outre ce que vous venez de dire,
3 est-ce que vous faites référence à des critères établis peut-être par un
4 système juridique national ou le droit international ? Ou est-ce que vous
5 vous fondez sur un comportement décrit dans un autre cadre ? Est-ce que
6 vous vous fondez sur autre chose que sur votre expérience propre ?
7 M. le Président. - Monsieur vous a répondu, il vous a dit que ce
8 qu'il vous disait était son opinion personnelle, à quelque armée que l'on
9 appartienne, donc ne reposez pas la même question.
10 M. Hayman (interprétation). - Non, Monsieur le Président, mais
11 est-ce que c’est un critère établi par le témoin lui-même ? D’où vient ce
12 critère ? Est-il dans un manuel ? C'est la nature de ma question.
13 M. le Président. - Le témoin vous a très bien répondu. Je ne dis
14 pas très bien, au sens de la pertinence, mais il vous a répondu très
15 exactement à la question que vous avez posée. Il vous a dit qu'il avait
16 connaissance d'autres armées et il en a déduit un certain nombre de règles
17 qui lui paraissent objectivement valables pour toutes les armées, en tout
18 cas tous les commandements militaires. Je ne suis pas là pour faire
19 l'exégèse du témoin, donc vous passez à une autre question, s'il vous
20 plaît.
21 M. Hayman (interprétation). - Avant d’en arriver à l'opinion que
22 vous avez actuellement sur le colonel Blaskic, avez-vous consulté, ou
23 obtenu, des informations relatives au rapport que, lui, a reçu de ses
24 subordonnés, rapport relatif aux événements qui se sont produits pendant
25 la guerre en Bosnie centrale ? Avez-vous eu accès à ce type de documents ?
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1
2 M. Landry. - Dans un premier temps, je dois tout simplement
3 réitérer que je n’ai jamais mentionné le nom du colonel Blaskic, j'ai
4 mentionné les autorités responsables HVO. Deuxièmement, si ces rapports
5 m'avaient été soumis, j'aurais été en mesure, d'une façon beaucoup plus
6 crédible, d'évaluer les actions qui auraient pu être prises par les
7 autorités HVO pour remédier au problème endémique de commandement.
8 M. Hayman (interprétation). - Donc vous êtes d'accord pour dire
9 que ces rapports sont cruciaux pour ce qui est de juger des actes d'un
10 commandant ? C'est très important de savoir quel est le type
11 d'informations que ce commandant a reçues ; n’êtes-vous pas d'accord ?
12 M. Landry. - Ce n’est pas tellement pertinent, pour moi, de
13 savoir qu'il y a quelque chose d’écrit sur un bout de papier, cela ne veut
14 rien dire du papier. Ce qui est important, c’est de voir que,
15 physiquement, sur le terrain, des actions sont prises, sont appliquées et
16 génèrent un comportement différent. C’était une guerre de papiers, qu'on
17 avait, on recevait des tonnes de protêts de gauche et de droite avec des
18 bonnes intentions, mais c'est une chose d'avoir des bonnes intentions et
19 éventuellement de vouloir pleinement les appliquer.
20 Je vous dis que je ne me souviens pas d'avoir rien vu qui me
21 laissait croire qu'on essayait de rétablir un commandement unique et
22 uniforme à l'intérieur de toutes les troupes HVO dans la région centrale.
23 Si cela a eu lieu, tant mieux, mais moi, je ne me souviens pas de l'avoir
24 vu.
25 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que
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1 les informations que reçoit un commandant sont cruciales pour ce qui est
2 de la capacité de ce commandant à réagir de façon adaptée aux
3 circonstances ?
4 M. Landry. - Je ne comprends pas ce que vous voulez comme
5 réponse. Si vous me dites qu'un commandant a besoin d'informations pour
6 réagir, effectivement, mais un commandant a aussi besoin d'avoir la
7 confiance que les ordres qu’il va passer, ses subalternes vont
8 l’appliquer.
9
10 M. le Président. - Non, colonel. Maître Hayman, et je ne l’ai
11 pas interrompu, vous a posé très pertinemment la même question. Il vous a
12 demandé deux fois parce que vous n’avez pas répondu la première fois. Si,
13 à votre avis, la connaissance objective par un certain nombre de papiers
14 permet par la suite de juger le comportement d'un chef, c'est à cela qu'il
15 faut répondre.
16 M. Landry. - Excusez mon manque de compréhension, mais je ne
17 vois pas du tout. Je peux dire oui ou non, mais je ne comprends pas la
18 nature de la question.
19 M. le Président. - Alors passez à une autre question, Maître
20 Hayman.
21 M. Hayman (interprétation). - Hormis toutes les notes que vous
22 avez pu consigner, tous les documents auxquels vous avez peut-être eu
23 accès, avez-vous eu accès aux autres ordres qui ont été émis par
24 l'accusé ? Certains de ces ordres, d'ailleurs, ont déjà été versés au
25 dossier de cette affaire. Est-ce que le Bureau du Procureur vous a permis
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1 de consulter ces documents afin que vous puissiez vous-même prendre
2 connaissance des mesures prises par le colonel Blaskic au cours du conflit
3 ou est-ce qu’au contraire vous n'avez pas pu consulter ces différents
4 documents ?
5 M. Landry. - Les seuls documents que j’ai consultés étaient les
6 documents que j’ai été à même de voir, documents qui venaient du quartier
7 général de Zagreb, de l'ensemble de tous nos détachements, et qui
8 arrivaient aussi en provenance de toutes les troupes Forpronu et qui nous
9 étaient communiqués. C’est seulement l'information que j’ai vue.
10 M. Hayman (interprétation). - Donc si un ordre du HVO n'a pas
11 été envoyé à l'ECMM, peut-on dire sans trop se tromper peut-on dire que
12 vous ne l’avez pas vu et que vous n'avez pas pu le voir ?
13 M. Landry. - Vous avez parfaitement raison.
14 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré hier qu'un
15 commandant, d'après vous, est responsable de l'établissement d'un système
16 qui lui permet d'obtenir des informations et
17
18 de délivrer des ordres. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ce
19 système devrait comprendre un quartier général regroupant les personnes
20 les plus compétentes ?
21 M. Landry. - J’hésite à répondre, Monsieur le Président, parce
22 qu’ici le terme de « compétences »... je ne comprends pas ce que l’on veut
23 dire.
24 M. le Président. - Pouvez-vous préciser votre question, Maître
25 Hayman ? Ce terme « compétences » est un terme très vague.
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1 M. Hayman (interprétation). - Je n'ai pas parlé de compétence.
2 (L'interprète française précise que l'on peut peut-être parler
3 de « qualification »).
4 Seriez-vous d'accord pour dire que ce système de contrôle
5 devrait prévoir l'établissement d'un quartier général composé des
6 personnes les plus qualifiées, des meilleures personnes dans un certain
7 domaine ?
8 M. Landry. - Oui, naturellement, vous allez prendre vos
9 meilleurs éléments pour votre quartier général.
10 M. Hayman (interprétation). - Il est alors du devoir du
11 commandant d'organiser des réunions régulières, d'avoir régulièrement des
12 réunions avec les membres de ce personnel pour s'assurer du fait que le
13 personnel travaille de façon satisfaisante et efficace ?
14 M. Landry. - Effectivement. C'est d’ailleurs pour cela que vous
15 avez un chef d'état-major qui, lui, d'une façon régulière, va travailler
16 avec le staff de façon à permettre au commandant d'aller visiter les
17 troupes sur le terrain, mais le contact entre le chef d’état major et le
18 commandant, lorsqu’on parle de ce niveau-là, doit être fait d'une façon
19 quotidienne, régulière.
20 M. Hayman (interprétation). - Le commandant est également
21 responsable d'établir avec ses subordonnés, avec le personnel de l'état-
22 major des liens de communication orale ou écrite très clairs, pour que
23 tout soit bien clair et que les ordres donnés soient très précis, vous
24 n'êtes pas d'accord ?
25 M. Landry. - Je suis d'accord...
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1
2 M. Hayman (interprétation). - Vous n'êtes pas d'accord ?
3 M. Landry. - Je dis que je suis pleinement d'accord, je suis
4 d'accord.
5 M. le Président. - Essayez d'arriver plus directement à votre
6 question, Monsieur Hayman, s'il vous plaît.
7 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je ne
8 sais pas exactement quel problème a surgi au cours de ce dernier échange,
9 mais je vais faire de mon mieux et j'en arrive, Monsieur le Président au
10 terme de mon contre-interrogatoire. Je vais aborder une nouvelle série de
11 questions et j'en aurai terminé.
12 Lieutenant-colonel, les soldats du HVO qui ce que trouvaient
13 dans la vallée de la Lasva, étaient-ils regroupés dans des casernes ou
14 vivaient-ils chez eux ? Etaient-ils dispersés sur le territoire lorsqu'ils
15 rentraient chez eux ?
16 M. Landry. - Certains étaient regroupés dans des casernes et
17 d'autres vivaient dans des localités qui se situaient à la frontière des
18 zones de combat.
19 M. Hayman (interprétation). - Où se que trouvaient les casernes
20 dans la vallée de la Lasva dans lesquelles vivaient les membres des
21 troupes du HVO ?
22 M. Landry. - Je n'ai jamais été invité à les visiter, mais il
23 est évident qu'il y en avait à Vitez, sans doute à Busovaca et qu'il y en
24 avait à Kiseljak pour ce que je me rappelle.
25 M. Hayman (interprétation). - Pendant que vous travailliez au
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1 sein de la commission mixte de Busovaca, vous-même, le général Merdan et
2 M. Nakic vous êtes vous rendus sur la ligne de front, de telle sorte que
3 Merdan ou Nakic puissent s'entretenir directement avec les soldats ou les
4 commandants locaux qui se trouvait sur les lignes de front, afin de leur
5 demander de se conformer au cessez-le-feu ?
6 M. Landry. - Régulièrement.
7 M. Hayman (interprétation). - C'était une mesure nécessaire au
8 vu des circonstances qui prévalaient à l'époque. Il était difficile
9 d'obtenir à l'époque l'obéissance des troupes pour la mise en application
10 des cessez-le-feu ?
11 M. Landry. - C'était la façon dont la commission procédait. Il
12 n'y a aucune action que l'on faisait d'une façon unique juste avec le HVO
13 ou juste avec les Bosniaques. Etant donné que la commission devint
14 s'assurer que les ententes du cessez-le-feu soient bien appliquées,
15 c'était la façon que la commission avait d'aller sur le terrain,
16 d'examiner et voir si c'était effectivement appliqué ou non. Donc à ce
17 moment-là, ce genre de visites servaient à faire deux choses. Pour les
18 troupes isolées, cela permettait à l'autre camp de pouvoir leur passer des
19 ordres, des informations, et pour les autres qui n'étaient pas isolées de
20 leur chaîne de commandement, cela permettait au commandant en place
21 d’avoir une visite et de voir s'il y avaient une progression dans la bonne
22 direction.
23 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec
24 l'affirmation suivante : au niveau des simples soldats, des fantassins, la
25 guerre en Bosnie était principalement menée par des civils ? Cela figure
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1 page 319 « Vies brisées » de la déclaration du colonel Stewart. Etes-vous
2 d'accord avec cette affirmation ?
3 M. Landry. - Mes recherches semblent m'indiquer non pas le
4 contraire, mais que c'était plus ambigu que cela. Je peux vous dire que
5 sous le régime de Tito, pratiquement tous les civils étaient conscrits,
6 donc devaient faire un service militaire à une époque ou une autre. C'est
7 d'ailleurs pour cela que la majorité des civils avaient des uniformes de
8 l'armée yougoslave. C'est pour ça qu'on a exigé que ces gens-là, de façon
9 qu'on puisse les identifier comme appartenant à une armée ou une autre,
10 puissent avoir des cartes d'identité et des identifications sur leurs
11 épaules. Je dirai qu'il y avait un peu de tout cela, des civils, j'en ai
12 vus, et d'autres jeunes qui avaient déjà fait un semblant de service
13 militaire et il y avait les autres.
14 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais commandé une
15 unité militaire au cours de combats, vous-même ?
16 M. Landry. - Je n'ai jamais commandé d'unité militaire au cours
17 de combat, mais j'ai pratiquement commandé l'ECMM de Zenica, alors qu'on
18 était sous tirs de mortier et sous tirs d'artillerie. Donc je crois que
19 cette expérience peut être assez significative pour vous dire que j'ai eu
20 le baptême du feu, parce que ces gens-là étaient sous ma responsabilité.
21 C'est moi qui prenais la décision de les envoyer au point A ou au point B
22 ou même de les évacuer, comme ce fut le cas avec Travnik, c'est moi qui ai
23 évacué le centre de Travnik, alors qu'on était sous tirs d'artillerie.
24 M. Hayman (interprétation). - Le 18 avril 1993, ou à peu près,
25 vous avez dit que Franjo Nakic avait été limogé et qu'il n'occupait plus
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1 la fonction de commandant adjoint, mais qu'il occupait après cela la
2 fonction de chef d'état-major du HVO et de la zone opérationnelle de
3 Bosnie centrale. Est-ce exact ?
4 M. Landry. - J'ai dit que le 18 avril j'ai réalisé que M. Nakic
5 n'était plus le commandant adjoint qui était chez eux. Par la suite, quand
6 il y a eu la nouvelle commission, c'est à ce moment que j'ai vu
7 réapparaître M. Nakic comme étant le chef des opérations de la zone
8 centrale opérationnelle du HVO.
9 M. Hayman (interprétation). - Pour que tout soit bien clair,
10 parce que la traduction que je reçois est un peu différente de la
11 terminologie qui est tout à fait spécifique et qui est nécessaire. Avant
12 le 16 avril 1993, pensiez-vous que Franjo Nakic était le commandant
13 adjoint de la zone opérationnelle de Bosnie centrale du HVO ?
14 M. Landry. - Oui. Tous les documents signés à l'époque
15 montraient bien M. Nakic comme étant le commandant adjoint. Je dirais même
16 que le cessez-le-feu du 13 février indiquait M. Nakic comme le commandant
17 adjoint, ou du moins, comme l'individu qui représenterait le
18 colonel Blaskic et serait son commandant-adjoint.
19 M. Hayman (interprétation). - Après le combat, qu'il s'agisse du
20 16, 18 ou du 20 avril, vous êtes parvenu à la conclusion selon laquelle
21 M. Nakic n'était plus commandant adjoint mais qu'il était devenu chef
22 d'état-major, n'est-ce pas ?
23 M. Landry. - (Hors micro)
24 ...asé sur les documents qui mettaient le commandement conjoint
25 sur pied. A ce moment-là, on voyait d'un côté M. Merdan comme commandant
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1 adjoint du 3ème Corps et, de l'autre côté, on voyait M. Nakic comme
2 n'étant plus le commandant adjoint mais le chef du quartier général du
3 colonel Blaskic.
4 M. Hayman (interprétation). - D'un point de vue militaire, cela
5 est-il un fait très important, parce qu'un commandant adjoint figure dans
6 la voie hiérarchique et qu'il commande lui-même un certain nombre de
7 soldats, alors qu'un chef d'état-major ne rentre pas directement dans
8 cette voie hiérarchique et ne commande pas directement les forces en
9 présence ? Si ce n'est pas le cas, quelle est la distinction à faire entre
10 ces deux positions ?
11 M. Landry. - Ce n'est pas tout à fait ce que vous venez de dire.
12 Dans les armées que je connais, mais peut-être était-ce différent en
13 Bosnie, le commandant adjoint est l'individu désigné pour remplacer le
14 commandant s'il lui arrive quelque chose. Lorsque le commandant doit
15 s'absenter pour des périodes plus ou moins longues, c'est le commandant
16 adjoint qui prend le contrôle des opérations. Par contre, le chef des
17 opérations, même s'il ne commande pas spécifiquement d'unités
18 opérationnelles, il commande le quartier-général de ce palier de
19 formation. Donc, si on est au niveau d'un corps d'armée, vous aurez un
20 général agissant en tant que chef des opérations, et ce général commandera
21 tout l'état-major qui travaille dans ce quartier-général-là, de façon à
22 pouvoir appliquer les directives émises par le commandant, lorsque ce
23 dernier ne sera pas là.
24 M. Hayman (interprétation). - En êtes-vous arrivé à la
25 conclusion que cette modification du statut de M. Nakic correspondait en
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1 fait à un limogeage de ce dernier ?
2 M. Landry. - J'en ai conclu que M. Nakic n'était plus le
3 remplaçant du colonel Blaskic quand ce dernier était absent. De plus, je
4 n'ai pas été capable d'expliquer la raison pour laquelle on lui donnait le
5 titre de chef des opérations, de responsable du quartier général parce
6 qu'il n'était plus avec son quartier général. J'en ai donc tiré la
7 conclusion qu'on lui avait donné un titre quelconque et qu'il n'avait pas
8 vraiment l'autorité de faire quoique ce soit.
9 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, vous en avez
10 conclu qu'il avait été isolé, mis de côté, en quelque sorte ?
11 M. Landry. - C'est tout à fait cela. Mais je veux réitérer ici
12 une chose très importante : ce n'est pas seulement mon opinion. Je dois
13 vous dire que l'ensemble des rapports faits par le quartier général de
14 Zenica n'étaient pas juste les vues personnelles du lieutenant-
15 colonel Landry, mais représentaient les vues du centre régional de Zenica.
16 Donc, la majeure partie des documents que j'ai amenés avec moi, même si
17 c'est moi qui les ai faits, étaient émis avec cette autorité-là.
18 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré avoir tiré ses
19 conclusions à partir d'un certain nombre de documents. M. Nakic, ou toute
20 autre personne dans les rangs du HVO, vous a-t-il dit que sa position
21 avait été modifiée et qu'il était devenu chef d'état-major ?
22 M. Landry. - Je crois que je vous ai dit que c'est apparu pour
23 la première fois sur les documents signés. Les documents du 13 février
24 décrivent M. Nakic comme étant commandant adjoint. Les documents qui
25 mettent sur pied la zone opérationnelle ou le quartier général conjoint le
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1 décrivent comme étant le chef d'état-major, documents qui ont été signés
2 par Hadzihuseinovic et par le colonel Blaskic.
3 M. Hayman (interprétation). - Hormis les documents dont nous
4 avons parlés, avez-vous eu une discussion avec telle ou telle personne qui
5 vous aurait dit que Nakic avait été mis de côté, qu'il n'était plus
6 commandant adjoint mais qu'il était maintenant chef d'état-major ?
7 M. Landry. - Je ne me souviens pas avoir eu des discussions
8 spécifiques à cet effet avec le colonel Blaskic. La seule chose dont je me
9 souviens est d'avoir vu M. Nakic, au plein milieu de cette crise, chez
10 lui.
11 M. Hayman (interprétation). - Vous lui avez rendu visite chez
12 lui. Pourrait-on remettre la carte sur le rétroprojecteur, s’il vous
13 plaît.
14 (L’huissier s’exécute)
15 M. Landry. - J'ai une photo de moi avec M. Nakic et son épouse
16 chez lui, je peux
17 aller chercher cette photo-là et vous serez en mesure de me dire où il
18 avait sa maison dans la région.
19 M. Hayman (interprétation). - Ce ne sera pas nécessaire
20 Lieutenant colonel. Vous souvenez vous quand vous vous êtes rendu chez lui
21 si vous êtes passé en territoire contrôlé par l'armée de Bosnie-
22 Herzégovine ? Etait-il littéralement isolé lorsqu'il était chez lui le
23 18 avril 1993, lorsque vous lui avez rendu visite ?
24 M. Landry. - Je ne me rappelle pas du tout. Tout ce que mes
25 notes disent, c'est que M. Nakic semble avoir été démis de ses tâches. La
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1 seule autre chose que je peux dire, la raison pourquoi j'ai été amené à
2 conclure ça, c'est que lorsque vous êtes en plein milieu d'opération,
3 habituellement votre place n'est pas chez vous, mais au quartier général.
4 Même les quartiers généraux ont des chambres pour permettre que leur
5 personnel demeure sur place et soit en mesure d'opérer 24 heures par jour.
6 C'est dans cette approche que j'en suis venu à réaliser que quelque chose
7 s'était produit. Vous n'envoyez pas votre commandant adjoint se coucher
8 chez lui quand il est dans une zone de combat qui peut être facilement
9 coupée de votre quartier général. Vous le gardez au quartier-général.
10 M. Hayman (interprétation). - C'est bien la dernière chose à
11 attendre si un commandant attendait le début d'un conflit généralisé,
12 n'est ce pas ? On ne peut pas s'attendre à ce qu'une personne soit envoyée
13 dans un endroit où elle risque d'être isolée ?
14 M. Landry. - Non, à ce moment-là, le commandant responsable -ce
15 sont des pratiques courantes- va garder son personnel.
16 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais vous soumettre un
17 document. La teneur du document n'est pas particulièrement pertinente pour
18 ce qui m'intéresse aujourd'hui. Je voudrais vous poser un certain nombre
19 de questions. Il s'agit document émanant du HVO et je demanderai à mon
20 collègue Me Nobilo de dire, nous voyons la ligne qui commence en haut à
21 gauche. Il est dit : "Le 27 janvier 1993", c'est la date qui figure sur ce
22 document : "à 22 heures 55".
23 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous, Monsieur le Témoin,
24 consulter la deuxième page. Tout d'abord, la commission conjointe de
25 Busovaca, tous les jours et par la suite, ont-ils émis des ordres émis par
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1 le général Merdan et par la suite par M. Nakic, ou bien cela n'a-t-il été
2 le cas que pendant l'existence du centre opérationnel conjoint ?
3 M. Landry. - Les deux commandants adjoints, pendant toute la
4 durée des sessions de la commission conjointe à Busovaca n'ont réellement
5 rien eu à signer entre eux. On était là pour faire enquête sur
6 l'application des ententes du 13 février. Lorsque ces gens revenaient le
7 lendemain, ils parlaient au nom de leurs commandants et avaient souvent
8 avec eux des documents signés soit par le personnel de leur quartier-
9 général ou par leur commandant. Mais je ne me rappelle pas que les deux
10 aient signé quelque chose conjointement.
11 M. Hayman (interprétation). - Reconnaissez-vous la signature de
12 M. Nakic à la deuxième page.
13 M. Landry. - Je peux vous dire que je ne me rappelle pas avoir
14 vu sa signature, je ne peux pas m'en rappeler.
15 M. Hayman (interprétation). - Je demanderai à Maître Nobilo de
16 nous lire le titre qui figure au dessus du nom de M. Nakic à la deuxième
17 page.
18 M. Nobilo (interprétation). - "Chef d'état-major Franjo Nakic."
19 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais montrer un autre
20 document au témoin, Monsieur le Président. J'aimerais que ce document lui
21 soit transmis et qu'il porte la cote : pièce de la défense 116.
22 (L'huissier s'exécute.)
23 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit d'un document qui
24 provient de vos archive personnelles, n'est-ce pas ? On y trouve votre
25 signature et la date du mois d'août 1996, en bas, à droite. Etes-vous
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1 d'accord pour dire qu'il s'agit d'un document rédigé suite à la réunion du
2 20 avril 1993 et à laquelle ont participé les parties qui l'ont signé. Ce
3 document permettait la création du centre opérationnel conjoint.
4 M. Landry. - Si ma mémoire est bonne, on voulait essayer de
5 faire la même chose dans le secteur de Mostar et c’est pour cela qu'on
6 avait tous ces gens-là avec nous. Ce n’était pas strictement pour la
7 Bosnie centrale. On a aussi essayé de faire la même chose, d'avoir un
8 quartier général conjoint dans la région de Mostar. Je ne sais pas si
9 c'est écrit dessus mais je sais qu'on essayait d'avoir ce genre de
10 quartier général conjoint de façon à minimiser les conflits entre les deux
11 groupes ethniques.
12 M. Hayman (interprétation). - Je vous renvoie au paragraphe 3 :
13 on y parle du centre régional opérationnel conjoint de Vitez, est-ce
14 exact ? Il s'agit de la première ligne du troisième paragraphe.
15 M. Landry. – Oui, je le lis très bien.
16 M. Hayman (interprétation). - On voit qu'il est fait référence à
17 un cessez-le-feu dans le deuxième paragraphe et dans le droit troisième
18 paragraphe je vous renvoie à la deuxième phrase virgule. Je vais vous la
19 lire, afin d’avoir une traduction : « Ce centre opérationnel conjoint sera
20 présidé au départ par les deux commandants adjoints » et la phrase
21 continue. Voyez-vous cette phrase ?
22 M. Landry. – Oui, je la vois très bien, elle a toujours été là.
23 M. Hayman (interprétation). - S'agissait-il de la procédure
24 envisagée et du protocole envisagé par l'ECMM pour ce centre opérationnel,
25 à savoir qu'il serait présidé par le commandant adjoint de Blaskic d’une
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1 part et de Hadzihuseinovic d'autre part ?
2 M. Landry. – Non, il est écrit que ce sont les commandants
3 adjoints qui vont agir. (Le témoin s’exécute en langue anglaise)
4 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, le protocole
5 envisagé par l'ECMM pour ce centre opérationnel était que les commandants
6 adjoints allaient se regrouper et lancer les
7 opérations, c’est cela ?
8 M. Landry. – La suite logique de la commission mixte de Busovaca
9 puisqu’à ce moment-là on avait les deux commandants adjoints.
10 M. Hayman (interprétation). – L’ECMM voulait appliquer le même
11 protocole, à savoir que deux commandants adjoints servent de président
12 dans ce centre opérationnel, c’est bien cela ?
13 M. Landry. - Vous devez faire attention aux termes que vous avez
14 employés. Cette entente a été signée par le général Morillon, par
15 l'ambassadeur Thebault et par les deux commandants des corps en présence.
16 Ce n’est donc pas l'initiative et l'unique document de l'ECMM. Ces
17 documents faisaient référence à des négociations entre les divers paliers.
18 J'en conclus que c'était l'intention des personnes en place
19 d'avoir leur deux commandants adjoints, de façon à donner l'autorité et la
20 crédibilité requise pour que ce commandement conjoint puisse être crédible
21 et fonctionner comme il devait fonctionner.
22 M. Hayman (interprétation). – Lorsque vous parlez des deux
23 commandants conjoints, vous parlez des commandants adjoints, et du fait
24 que ces deux commandants adjoints travaillent ensemble dans de ce centre
25 opérationnel ?
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1 M. Landry. - Bien sûr.
2 M. Hayman (interprétation). - J'ai un autre document à soumettre
3 au témoin. Je demande l'aide de l'huissier à cette fin. Je pense qu'il
4 s'agira de la pièce D117.
5 (L'huissier s'exécute)
6 Je voudrais vous demander, colonel, le document D116 est
7 l'accord conjoint, est-ce un document authentique qui provient de vos
8 archives personnelles ?
9 M. Landry. - D116 ? Oui, c'est ça.
10 M. Hayman (interprétation). - Ce nouveau document, colonel, je
11 peux vous le dire d'après ce que j'ai compris, puisque c'est en langue
12 BCS, c'est le premier ordre conjoint issu le 22 avril 1993 par le centre
13 opérationnel conjoint. Je demanderai à nouveau à mon collègue de lire le
14 titre. Là encore, ça n'est pas la teneur qui m'intéresse, mais je voudrais
15 que mon collègue, Me Nobilo nous lise les différents titres des parties et
16 les informations qui figurent aux deux coins en haut de la page.
17 M. Nobilo (interprétation). - En haut à gauche, on lit :
18 "République de Bosnie-Herzégovine, commandement du 3ème Corps d'armée,
19 Zenica" et en dessous, on lit écrit à la main : "Bila -c'est le lieu où se
20 situent les événements- "22 avril 1993". En haut à droite, on lit :
21 "Communauté croate d'Herceg-Bosna, Conseil croate de la Défense,
22 Commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale". Et le lieu de
23 commandement est Vitez. Au centre, on trouve le titre du document :
24 "Premier centre opérationnel conjoint du HVO et de l'armée de Bosnie-
25 Herzégovine". Et puis on en arrive aux signatures, nous voyons en bas à
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1 gauche le sceau de l'armée de Bosnie-Herzégovine, troisième corps d'armée,
2 où nous lisons le texte : "Suppléant du commandant du 3ème Corps d'armée
3 Gemo Merdan". A droite, en bas, on trouve le sceau de la zone
4 opérationnelle centrale de Bosnie, communauté croate d'Herceg-Bosna, et la
5 signature du commandant adjoint de la zone opérationnelle de Bosnie
6 centrale Franjo Nakic.
7 M. Hayman (interprétation). - Lieutenant-colonel, seriez-vous
8 vous surpris d'apprendre que le colonel Blaskic n'a jamais eu d'adjoints
9 dans le cadre de son commandement de zone opérationnelle, que M. Nakic à
10 la fois avant le 16 avril et après cette même date était le chef d'état-
11 major de la zone opérationnelle de Bosnie centrale et que les références
12 qui sont faites à lui sous le titre de commandant adjoint ont été faites
13 simplement dans le cadre du protocole établi par l'ECMM, pour les
14 documents qui ont été créées et qui ont donné naissance à la commission
15 conjointe de Busovaca et au centre opérationnel de Busovaca. Seriez-vous
16 surpris d'apprendre cela ?
17 M. Landry. - Je serais très surpris pour plusieurs raisons,
18 l'une d'entre elles, tous les gens avec qui j'ai travaillé à l'intérieur
19 de Zenica sur la Busovaca Joint Commission m'ont toujours dit que M. Nakic
20 était le député. M. Merdan n'a jamais contesté cet aspect-là.
21 Deuxièmement, tous les documents -et je pourrais les lui
22 soumettre si la Cour le veut- des Nations Unies, de la Forpronu, durant
23 cette période, comme vous le savez la Forpronu ramassait des informations
24 à des fins d'intelligence ou aux fins d'étudier les renseignements,
25 montrent dans leur organigramme que M. Nakic est le commandant adjoint du
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1 colonel Blaskic.
2 De plus je me rappelle très bien d'avoir eu des discussions avec
3 Merdan qui me disait que suite à cela Nakic n'était plus le commandant
4 adjoint mais était le chef des opérations. Donc à ce moment-là, si
5 M. Nakic avait toujours été le chef d'état-major, quelqu'un aurait montré
6 de la mauvaise foi parce que je me suis toujours adressé à lui comme étant
7 le commandant adjoint. Donc quelqu'un a définitivement montré de la
8 mauvaise foi ou on essaie de me faire dire des choses, ou on essaie de
9 nous présenter des documents qui sont erronés quelque part.
10 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je demande
11 le versement des pièces 112 de la défense 113, 114, 115, 116, et 117. Je
12 n'ai plus de questions à poser au témoin.
13 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je ne vois
14 pas comment les pièces 115 et 117 peuvent être des pièces à conviction
15 étant donné que le témoin n'a jamais eu ces documents sous les yeux,
16 qu'ils sont dans une langue qu'il ne comprend pas et que ce sont des
17 documents présentés par la défense. Je ne pense pas que ces pièces ou que
18 ces éléments puissent être versés au dossier.
19 M. le Président (interprétation) - En l'état, je ne crois pas
20 qu'elles puissent être versées au dossier, elles ne sont pas conformes à
21 la jurisprudence de la Chambre concernant le versement des pièces à
22 conviction, donc nous les gardons pour l'instant en suspens de versement,
23 nous verrons au cours des débats. Maître Cayley vous devez vouloir exercer
24 un droit de réplique, je suppose ?
25 M. Cayley (interprétation). - Oui Monsieur le Président, en
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1 effet. Je ne vais pas vous faire souffrir trop longtemps Lieutenant-
2 Colonel et j'irai le plus rapidement possible. Au cours du contre-
3 interrogatoire, on vous a posé un certain nombre de questions sur les
4 réunions d'information pour les nouveaux membres de l'ECMM et à moins que
5 vous ayez. besoin de ce document je ne le ferai pas. Dans ce document M.
6 Hayman vous a posé des questions sur le paragraphe 27, paragraphe dans
7 lequel il est dit qu'il est pensé que le HVO est contrôlé par l'armée de
8 Croatie, de Zagreb.
9 Ai-je raison de dire que les mots qui y figurent, à savoir « on
10 pense que »e sont là parce qu'on pensait que c'était une information
11 exacte à l'époque ?
12 M Landry. - Effectivement, c'est le langage utilisé lorsqu'on
13 n'est pas sûr à 100% et lorsqu’on pense que c'est cela peut-être à 80 ou
14 75 %.
15 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire que, suite à
16 la production de ce document en février 1993 de nouvelles informations ont
17 été rassemblées sur ce point ?
18 M Landry. - Oui.
19 M. Cayley (interprétation). - Un document en particulier dont
20 j'ai demandé le versement et un document que vous avez communiquée au
21 Bureau du Procureur, et auquel a fait référence Me Hayman, il s'agit d'un
22 document du 18 juin 1993 qui est, en fait, un rapport émanant du quartier
23 général de l'ECMM et dans lequel, et là je résume, j'espère que vous
24 pourrez confirmer que ce résumé est fidèle à la réalité, le général
25 Praljac au cours de conversations avec l'ECMM a reconnu que la Croatie
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1 avait fourni un soutien logistique militaire au HVO mais avait nié le fait
2 qu'il y avait participation directe des unités de combat du HV dans les
3 combats qui ont eu lieu en Bosnie centrale.
4 S'agissait-il de nouvelles informations qui ont été accumulées
5 après et qui ont été communiquées à toutes les unités de l'ECMM ?
6 M. Landry - Effectivement
7 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vu vous-même une unité
8 logistique à Prozor en Bosnie centrale, une unité logistique de la HV de
9 l'armée croate ?
10 M. Landry - Lorsque vous dites des unités, j'ai vu du personnel
11 de cette unité.
12 M. Cayley (interprétation). - S'agissait-il d'une unité de
13 combat, pourrait-on assimiler une unité logistique à une unité de combat ?
14 M. Landry - Une unité logistique n'est pas une unité de combat,
15 même s'ils sont en mesure de se défendre comme organisation, mais ce n'est
16 pas une unité de combat.
17 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous participer à une
18 guerre sans unité logistique ?
19 M. Landry - Les unités logistiques sont des atouts de niveau
20 stratégique et opérationnel. Sans unité logistique, vous ne pouvez pas
21 déployer, vous ne pouvez pas alimenter, vous ne pouvez rien faire avec vos
22 forces de combat.
23 M. Cayley (interprétation). - Pensez-vous que l'unité logistique
24 que vous avez aperçue à Prozor apportait son soutien à la HV qui
25 participait aux combats avec les Serbes de Bosnie ?
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1 M. Landry - Ce que je pouvais en déduire, c'est qu'effectivement
2 il y avait eu des décisions prises par le commandement HV de laisser ces
3 unités évoluer en territoire bosniaque, de façon à supporter soit des
4 unités HV, soit des unités HVO qui combattaient en Bosnie.
5 M. Cayley (interprétation). - En fait, suis-je en droit de dire
6 que par la suite, de très nombreuses autres informations ont été
7 découvertes qui indiquaient que le HV était le HVO dans ces combats en
8 Bosnie centrale ?
9 M. Landry - Oui, c'est exact. L'information par la suite nous a
10 révélé qu'effectivement, il y avait des combats avec des troupes ou des
11 éléments HV qui supportaient les offensives HVO sur la route menant de
12 Mostar vers Jablanica et Fojnica. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il
13 était pratiquement impossible de pouvoir circuler durant la journée, parce
14 qu'on nous empêchait d'y aller.
15 M. Cayley (interprétation). - Qui étaient les troupes du HVO qui
16 combattaient dans cette région ?
17 M. Landry - A ma connaissance, les rapports que nous recevions
18 relataient des combats entre HVO et forces Bosniaques musulmanes.
19 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous jamais vu des unités du
20 HVO organisées dans les municipalités de Busovaca, Kiseljak ou Vitez ? Je
21 répète ma question : pendant le temps que vous avez passé en Bosnie
22 centrale, avez-vous jamais vu des unités du HVO organisées échappant à
23 tout contrôle à l'extérieur des municipalité de Busovaca, Kiseljak ou
24 Vitez ?
25 M. Landry - Échappant au contrôle ? Je ne comprends pas.
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1 M. le Président. - Vous devez être fatigué. Essayez de répéter
2 la question autrement, Monsieur Cayley.
3 M. Cayley (interprétation). - Pendant que vous vous trouviez
4 dans les municipalités de Vitez, Busovaca et Kiseljak, ce qui faisait
5 partie de vos missions, avez-vous jamais vu des unités organisées du HVO
6 incontrôlées ?
7 M. Hayman (interprétation). - Je fais objection à la question
8 qui est trop vague. Échappant au contrôle de qui ? Qu'est-ce que mon
9 collègue veut dire?
10 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vu des unités qui
11 apparemment agissaient
12 M. le Président. - Oui, alors, reprenons.
13 M. Cayley (interprétation). - Lieutenant Colonel Landry, pendant
14 le temps que vous avez passé en Bosnie centrale, avez-vous jamais vu dans
15 les municipalité de Busovaca, Vitez ou Kiseljak, des unités militaires du
16 HVO qui apparemment agissaient à leur propre initiative ?
17 M. Landry - J'ai entendu certains incidents qui montreraient
18 que ce sont des troupes qui auraient fait cela de façon non contrôlée,
19 mais à l'intérieur de ces villes. Jamais personne ne m'a dit que les
20 troupes du HVO étaient incontrôlables, qu'elles ne dépendaient pas de la
21 chaîne de commandement.
22 Maître Hayman vous a posé de nombreuses questions au sujet des
23 routes permettant d'entrer et de sortir de Bosnie. Il vous a demandé si
24 elles étaient contrôlées par le HVO ou par l'armée de Bosnie-Herzégovine.
25 J'ai pour ma part une question simple à vous poser. Vous avez passé sur
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1 les lieux une période prolongée, de mars 1993 à août 1993. Qui était le
2 mieux fourni en Bosnie centrale, le HVO ou l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
3 Je parle de fourniture en armes, en munitions.
4 M. Landry. - Sans l'ombre d'un doute, au cours de la période et
5 jusqu'au début ou probablement la fin de juin, les troupes HVO, parce
6 qu'elles contrôlaient les routes, les principales routes, la principale
7 route qui amenait tout le ravitaillement en Bosnie centrale et à Tuzla.
8 C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a eu le convoi de Tuzla, parce que le
9 ravitaillement n'allait pas là où il était supposé d'aller.
10 M. Cayley (interprétation). - Maître Hayman a entamé l'examen
11 d'un thème et il a interrompu cet examen avant que vous ayez pu donner
12 tous les détails. Il s'agit des événements de Travnik du 13 juin 1993.
13 Suis-je en droit de dire que le rapport préparé par Jean-Pierre Thebault,
14 le 13 juin 1993, stipulait que le HVO, par une propagande de masse, a
15 organisé délibérément un exode massif en dehors de Travnik. Est-ce exact ?
16 M. Landry. - C'est l'information qu'on avait eue et qui avait
17 poussé M. Thebault à mettre plus de poids sur le rapport du quartier
18 général, en le signant lui même.
19 M. Cayley (interprétation). - Parlons des événements survenus
20 dans le camp de Kaonik, je parle des étrangers musulmans emprisonnés. Est-
21 ce que le HVO a jamais dit à la commission mixte de Busovaca qu'il y avait
22 un certain nombre d'étrangers musulmans en prison qui attendait d'être
23 jugé ?
24 M. Landry. - Non, ce sont plutôt les troupes BiH qui nous ont
25 aviser, au début du mois de mars, qu'il y avait des étrangers ainsi que
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1 deux chauffeurs bosniaques qui avait été arrêtés et qui étaient dans cette
2 prison. Par la suite -c'est venu plus tard, vers la mi ou la fin mars- on
3 a dit que d'autres étrangers avaient été arrêtés par les HVO.
4 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que les représentants de
5 l'armée bosniaque ont demandé à plusieurs reprises à la commission mixte
6 de Busovaca d'obtenir la libération de ces Musulmans étrangers ?
7 M. Landry. - Je ne me rappelle que de deux occasions, les deux
8 dates que je vous ai mentionnées lorsqu'on a demandé la libération. Si
9 cela a eu lieu entre-temps, je ne m'en souviens pas, mais je me rappelle
10 au moins de ces deux fois-là.
11 M. Cayley (interprétation). - Je vais reposer la question, parce
12 que vous n'avez peut-être pas obtenu une parfaite interprétation. Vous
13 rappelez-vous si des représentants de l'armée bosniaque ont demandé quelle
14 était la situation de ces hommes et ont demandé leur libération à la
15 commission mixte de Busovaca ?
16 M. Landry. - C'est ce que j'ai dit. Je me rappelle que, dans
17 deux occasions spécifiques, cela a été fait, on a fait le protêt et on a
18 demandé des comptes -du moins les Bosniaque ont demandé des comptes au HVO
19 au sujet de ces étrangers. On a demandé de les libérer. Je me souviens
20 aussi qu'à moment donné, on a demandé d'aller visiter ce centre de
21 détention. On ne nous a pas permis de le faire. Par contre, je me rappelle
22 aussi qu'on a fait pression auprès des autorités de la Croix-Rouge pour
23 que ces derniers puissent faire pression auprès des HVO, pour aller
24 visiter ce centre de détention. Mais ce sont des souvenirs vagues.
25 M. Cayley (interprétation). - Quelle a été la réponse du HVO à
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1 cette demande de libération relative aux ressortissants musulmans ?
2 M. Landry. - Ils n'ont pas dû répondre, parce que je me rappelle
3 pas qu'on ait eu une libération ou quelque chose d'officiel nous disant
4 que ces prisonniers allaient être remis à d'autres instances pour
5 éventuellement les évacuer. Je ne me rappelle pas du tout de cela. Je ne
6 peux pas vous dire quelle réponse exacte on a eue. Je peux juste vous dire
7 que l'action qui a été prise, si elle l'a été par les HVO, n'était pas
8 suffisante pour satisfaire les Bosniaques.
9 M. Cayley (interprétation). - Je passe à un autre sujet.
10 Maître Hayman vous a posé plusieurs questions et vous a montré des
11 documents portant sur les événements survenus en janvier 1993 à Busovaca.
12 Où étiez-vous, en janvier 1993 ?
13 M. Landry. - Je servais dans mon quartier général des forces
14 terrestres de l'armée canadienne, à Montréal.
15 M. Cayley (interprétation). - Où cela se situait-il
16 géographiquement ?
17 M. Landry. - Dans la province du Québec, au sein du pays appelé
18 Canada.
19 M. Cayley (interprétation). - Vous n'étiez donc pas présent, en
20 mars et avril 1993, sur les lieux. Qui, à votre avis, a initié le conflit,
21 à ce moment-là ?
22 M. Landry. - Le conflit initié en mars et avril ou le conflit
23 initié en janvier ?
24 M. Cayley (interprétation). - Je parle précisément du conflit
25 qui a commencé en mars-avril 1993.
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1 M. Landry. - Je vous ai dit que dans l'ensemble de l'information
2 qu'on recevait, il y avait énormément d'incidents provocateurs qui
3 provenaient des forces HVO et ses incidents provocateurs ont généré une
4 violence où les deux parties se sont mesurées sur le terrain de bataille,
5 avec les armes qu'ils avaient en leur possession.
6 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Hayman vous a posé de
7 nombreuses questions au sujet du fait de savoir si l'on peut attendre d'un
8 commandant qu'il reçoive des rapports de ses subordonnés et si l'on peut
9 s'attendre à ce que ce commandant transmette des rapports à ses
10 subordonnés. N'est-il pas également possible d'attendre, de la part d'un
11 commandant, qu'il aille sur le terrain, qu'il fasse le tour de ses
12 troupes, pour voir si celles-ci
13
14 répondent bien à une chaîne de commandement appropriée ?
15 M. Landry. - Comme je vous l'ai dit, c'est pour ça qu'il y a un
16 chef des opérations et un commandant adjoint, pour qu'il puisse se libérer
17 et aller affirmer son autorité en visitant ces unités subalternes. C'est
18 de cette façon que toutes les armées opèrent.
19 M. Cayley (interprétation). - Encore quelques questions avant de
20 finir, Lieutenant-colonel. Vous êtes lieutenant-colonel. Avez-vous des
21 collègues de votre âge qui, aujourd'hui, sont généraux ?
22 M. Landry. - J'ai au moins deux collègues de classe qui sont
23 brigadiers-généraux.
24 M. Cayley (interprétation). - A votre avis, quelles sont les
25 qualités exigées d'un colonel pour qu'il soit promu au rang de général ?
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1 M. Niemann (interprétation). - Objection. C’est en dehors du
2 champ du contre-interrogatoire, Monsieur le Président.
3 M. le Président. - Tout à fait. Objection accordée, c'est en
4 dehors du champ. Changez de question, Maître Cayley.
5 M. Cayley (interprétation). - Je n'ai pas d'autre questions,
6 Monsieur le Président.
7 M. le Président. - Merci. A présent, Colonel, vous allez
8 recevoir les questions des Juges. Je me tourne d'abord vers le Monsieur le
9 Juge Riad. Vous avez la parole, Monsieur le Juge.
10 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Lieutenant-colonel Landry.
11 M. Landry. - Bonjour.
12 M. Riad. - Votre récit a été très clair. Je souhaite néanmoins
13 être mieux éclairé sur certains points. J'ai devant moi un ordre du
14 général Blaskic du 18 avril 1993, de Vitez. Je le lis en anglais car je
15 n'est pas pu l'avoir en français. Le paragraphe 4 ordonne : "De recueillir
16 les détails pertinents au sujet des acteurs du conflit, des causes de
17 bannissement des gens, de l'assassinat de soldats et de civils, des
18 incendies de maison et d'autres bâtiments."(Fin de citation). Et à
19 déterminer les auteurs de ces atrocités.
20 Quelle mesure ou quelle suite a été donnée à cet ordre, selon
21 vos connaissances, étant sur les lieux ? Y a-t-il eu des mesures prises
22 contre les auteurs ? A-t-on cherché ces auteurs ?
23 M. Landry. - Votre Honneur, je ne me rappelle pas d'avoir vu
24 aucun rapport subséquent me confirmant que les auteurs de ces crimes
25 avaient été arrêtés ou qu'il y avait eu une investigations de la part des
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1 autorités HVO pour chercher à comprendre ce qu'il s'était passé. Je ne me
2 rappelle vraiment pas avoir vu de compte-rendu, de rapport à cet effet.
3 M. Riad (interprétation). - Pouvez-vous également m'éclairer sur
4 le mutisme du HVO à l'égard de votre commission ? Vous avez dit que le HVO
5 n'a apporté aucune assistance concernant les enquêtes sur les incidents
6 d'Ahmici et de Vitez et n'a produit aucun rapport à la commission, si j'ai
7 bien compris vos commentaires. Est-ce que cette abstention était une
8 attitude générale du HVO envers votre commission ? Est-ce qu'elle boudait
9 la commission. Ne voulait-elle pas du tout coopérer ou était-ce propre aux
10 incidents d'Ahmici et Vitez ? Est-ce la raison pour laquelle ils gardaient
11 ce mutisme ?
12 M. Landry. - Il y a eu une progression au cours du mois de mars
13 et début avril. J'ai fait un rapport selon lequel, au début de mars,
14 j'avais réellement l'impression que les choses allaient bien et que les
15 deux côtés coopéraient activement de façon à pouvoir mettre en pratique
16 ces ententes de cessez-le-feu. A partir du mois d'avril, principalement du
17 début d'avril on a senti, mes collègues et moi, que le côté HVO cherchait
18 toutes les excuses pour ne pas coopérer avec nous alors que du côté
19 bosniaque, on était toujours prêt à coopérer, à nous assister.
20 Vous parlez des incidents d'Ahmici, je peux aussi vous parler
21 des incidents qui ont été commis par la suite dans la région de Kiseljiak,
22 je peux faire référence à des rapports où même les troupes canadiennes qui
23 escortaient à ce moment-là les enquêteurs de l'ECMM se sont fait tirer
24 dessus par des troupes HVO, on ne voulait pas que l'on puisse à notre gré
25 aller investiguer les allégations de crimes qui avait été commis alors que
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1 ce que genre d'attitude, encore une fois de mon souvenir, sur le terrain
2 lorsque j'ai dû y aller, n'a jamais été le cas avec les Bosniaques, Merdan
3 était toujours avec nous, du moins avec moi lorsqu'on faisait ces
4 enquêtes. Alors qu'on n'a pas eu le même genre de support ou la même
5 diligence de nous offrir des ressources pour pouvoir faire ces rapports-là
6 où ces enquêtes-là.
7 M. Riad (interprétation). - Avez-vous essayé de comprendre
8 pourquoi ? Quelle conclusion en tirez-vous ?
9 M. Landry. - La conclusion que j'en tire, c'est
10 qu'effectivement, on ne voulait pas coopérer, on ne voulait pas coopérer
11 complètement avec les gens du ECMM de façon à pouvoir mettre fin à ces
12 pratiques de part et d'autre. C'est la conclusion que j'ai dû en tirer,
13 ainsi que mes camarades de l'époque qui avaient une volonté qui n'était
14 pas si ouverte que celle des Bosniaques musulmans, comme si on cherchait
15 par tous les moyens à retarder, à retarder, tout en créant des incidents
16 de violence et par la suite, en forçant les gens à se déplacer, dont
17 l'incident de Travnik, dont notre chef de mission nous dit fort bien dans
18 l'un de ses rapports que l'on a forcé dix mille civils croates à quitter
19 la région de Travnik de façon à gagner le sol où les HVO étaient dans une
20 meilleure position.
21 M. Riad (interprétation). - Vous étiez mal vus plutôt, comme
22 obstacle à quelque chose ?
23 M. Landry. - Exactement.
24 M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé des simulations
25 d'exécution dans le village de Skradno, si vous vous souvenez, on mettait
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1 les gens ensemble et on faisait semblant de les exécuter. Est-ce qu'il y
2 avait des émeutes dans Skradno qui justifiaient cette terreur ?
3 M. Landry. - Non parce que les gens auxquels je me réfère, ce
4 sont surtout deux femmes avec leurs enfants qui sont venues en pleurant
5 pour me dire ce qu'on leur faisait. Je ne pouvais pas comprendre la raison
6 de ces gestes-là jusqu'au moment où l'on m'a dit par la suite, lors
7 d'autres visites, que quand les gens décidaient de quitter le village de
8 Skradno, on leur faisait signer un papier pour dire qu'ils le faisaient
9 librement, de façon que leur résidence puisse être donnée à des personnes
10 déplacées, croates, qui demeuraient dans le secteur.
11 M. Riad (interprétation). - Mais ils ne faisaient pas cela
12 librement ?
13 M. Landry. - Quand vous dites cela, vous voulez dire que...
14 M. Riad (interprétation). - Ils ne quittaient pas librement.
15 M. Landry. - Non. Il y avait toujours un point de garde à
16 l'entrée et quand les gens quittaient, ils devaient signer un papier
17 disant qu'ils quittaient le village et qu'ils donnaient leurs biens, et
18 qu'ils le faisaient sans être forcés de le faire.
19 M. Riad (interprétation). - A votre avis, ils étaient forcés à
20 le faire.
21 M. Landry. - Je crois que ce type d'incident créait une
22 situation très difficile pour les gens, on leur volait leur équipement de
23 ferme, on leur volait leur véhicule, on leur rendait la vie plus difficile
24 quand ils devaient aller à l'hôpital de Busovaca, donc on semblait leur
25 indiquer : "La meilleure chose à faire pour vous si vous voulez être
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1 traités honorablement, c'est de vous rendre à Zenica et les Musulmans vont
2 s'occuper de vous. Mais entre temps, si vous faites cela, on veut
3 s'assurer de pouvoir utiliser votre maison pour éventuellement en disposer
4 pour nos gens". Par la suite, un rapport a été fait que j'ai, un plus
5 tard, on a forcé les Musulmans qui avaient été déplacés, qui habitaient
6 Skradno, à quitter Skradno. J'étais sur le terrain quand on l'a organisé,
7 on a organisé un autobus de tous les gens déplacés qui occupaient des
8 maisons d'été de Musulmans de Zenica, on les a tout simplement forcés à
9 quitter ces résidences-là, même s'ils étaient là depuis déjà au moins six
10 mois de façon à mettre les personnes déplacées HVO dans ces demeures à
11 Skradno.
12 M. Riad (interprétation). - Merci. Je voudrais aussi vous poser
13 une question sur Rotilj. Vous avez dit que c'était le HOS qui avait commis
14 les atrocités et le nettoyage ethnique à Rotilj, qui avait brûlé les
15 maisons, etc. Est-ce que ce HOS était dissident du HVO ? Ce sont des
16 adversaires du HVO ? Qui sont-ils ?
17 M. Landry. - Deux théories existaient à ce moment-là, soit que
18 le HOS était tout simplement des dissidents du HVO qui commettaient des
19 crimes et qui, de façon à ne pas être reconnus, portaient des cagoules,
20 soit l'autre théorie qui disait que le HOS était tout simplement
21 l'extension des troupes d'élite dont on se servait de façon à pouvoir
22 exercer un nettoyage ethnique et de façon à pouvoir créer des situations
23 de violence envers l'autre ethnie et à la forcer à faire la même chose, et
24 éventuellement à se servir de ces situations pour dire que les deux
25 communautés ne pouvaient pas vivre ensemble, et éventuellement à forcer
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1 les Croates qui vivaient en zone bosniaque à regagner les zones en secteur
2 croate. Cela, j'ai pu le vivre tout au long de l'été, en étant conscient
3 qu'il y avait entre dix et vingt mille habitants à Zenica, qui étaient
4 principalement des familles qui vivaient là. J’ai assisté régulièrement
5 aux pressions du HVO pour demander à ces gens-là de quitter Zenica et
6 rejoindre Vitez.
7 M. Riad (interprétation). - Le HOS, quelle que soit la façon de
8 le voir, n'était pas en mesure d'être contrôlé par le HVO ? Il était plus
9 fort que le HVO ?
10 M. Landry. – Peut-être qu’ils étaient plus forts que le HVO,
11 mais la chose certaine est que le nombre d'incidents qui ont été créés par
12 le HOS me faisaient penser qu'ils avaient pleine utilisation des
13 équipements HVO, soit des munitions d’artillerie, soit des armes et des
14 munitions.
15 M. Riad (interprétation). - Vous avez toujours parlé de la
16 responsabilité du commandant sans faire allusion au colonel Blaskic. Qui
17 était le commandant ?
18 M. Landry. - C'était le colonel Blaskic.
19 M. Riad (interprétation). - C'était le commandant incontesté ?
20 M. Landry. - Je ne sais plus parce qu’on me montre des documents
21 où il est inscrit que M. Nakic n'était pas le commandant adjoint mais le
22 chef des opérations mais dans tous les documents que j’ai vus et lors de
23 toutes les réunions auxquelles j’ai participé, le colonel Blaskic s’est
24 toujours présenté comme étant le commandant des troupes HVO en Bosnie
25 centrale.
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1 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu'en arrivant le
2 commandant Blaskic était capitaine ?
3 M. Landry. – Non, j'ai déclaré qu'on m'avait dit de part et
4 d'autre que le colonel Blaskic était autrefois capitaine dans l'armée
5 yougoslave et que son équivalent, le général Hadzihuseinovic, était
6 colonel à ce moment-là et que les deux se connaissaient ce qui pouvait
7 peut-être expliquer le fait que Hadzihuseinovic allait parfois s'asseoir à
8 la même table que sa contrepartie HVO.
9 M. Riad (interprétation). - Il était capitaine, puis colonel,
10 puis général. Vous avez même mentionné que c’était une promotion rapide. A
11 quoi est due cette promotion rapide ?
12 M. Landry. - Je ne peux me baser que sur l'expérience de l'armée
13 canadienne lors de la Seconde Guerre mondiale où ce genre de chose se
14 faisait rapidement. Vous avez un manque d'officiers, vous prenez vos
15 meilleurs éléments et vous leur donnez des postes de gouvernement. Je
16 crois que cela faisait déjà pratiquement un an que les opérations avaient
17 lieu sur le sol bosniaque, j'ai donc estimé, peut-être trop naïvement,
18 étant donné que l'état-major du HVO de Mostar continuait de le maintenir
19 dans ces postes-là, que l'individu devait faire quelque chose de bien
20 parce qu’il avait tout de même la responsabilité de tous les éléments HVO
21 en Bosnie centrale et de tous les équipements.
22 M. Riad (interprétation). - C'est quelqu'un qui a de la poigne
23 qui peut contrôler ?
24 M. Landry. – C’est quelqu’un qui a de la poigne, qui est très
25 intelligent et qui connaît très bien les opérations militaires parce que
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1 le type de guerre qui se déroulait nécessitait d'avoir une bonne
2 connaissance du terrain et une bonne connaissance des hommes, parce que
3 plusieurs opérations étaient menées dans des endroits isolés. On devait
4 avoir un bon meneur d’hommes, quelqu’un qui pouvait évaluer les
5 connaissances de ses hommes, les mettre dans des endroits spécifiques,
6 leur donner des ressources humaines et des équipements.
7 M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé également de la
8 présence de logistique croate et je crois même du personnel croate. Je
9 voulais savoir de qui le personnel croate pouvait recevoir des ordres.
10 Etait-il sous les ordres du commandement bosniaque ou du général Blaskic,
11 du HVO ou plutôt des autorités croates ?
12 M. Landry. - Dans un premier, les troupes HV que j’ai vues en
13 territoire bosniaque n'étaient pas dans la zone de commandement du
14 colonel Blaskic mais plutôt dans celle du commandant qui s'occupait de la
15 zone d’Herzégovine. Tout ce que je peux vous dire c'est que mon pays avait
16 des ententes bien spécifiques à l'intérieur de l'Otan. Lorsque vous devez
17 mettre vos troupes sous commandement d'un autre pays, il y a des règles
18 spécifiques qui ne vous donneront pas souvent pleine latitude de vous
19 servir de ces troupes-là mais qui, au contraire, vont exiger que les
20 missions données à ces troupes soient coordonnées par le pays qui vous
21 prête les troupes.
22 Je voyais cela avec mes collègues comme faisant partie d'un plan
23 stratégique où il était à l'avantage des troupes croates de faire des
24 investigations et de supporter certaines missions, certains types
25 d'opérations, en sol bosniaque pour des fins qui lui serviraient à long
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1 terme.
2 M. Riad (interprétation). - Qui servaient la politique croate ?
3 M. Landry. - Et qui servaient la politique croate à long terme.
4 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie beaucoup.
5 M. le Président. - Monsieur le Juge Shahabuddeen.
6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Il y avait deux parties dans
7 ce conflit, les Croates et les Musulmans, et la commission conjointe de
8 Busovaca. Personnellement, j’ai l'impression que la fonction de cette
9 commission conjointe consistait à tenter de désamorcer tout affrontement
10 militaire entre les deux parties, ai-je raison ?
11 M. Landry. - Vous avez pleinement raison, votre Honneur.
12 M. Shahabuddeen (interprétation). – Merci. Selon l’objectif
13 poursuivi, cette commission avait à traiter avec l’une ou l'autre des
14 parties, mais lorsqu'elle traitait avec la partie croate, avec qui
15 traitait-elle ?
16 M. Landry. - Avec le représentant senior qui était présent.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Nakic,
18 indépendamment de la description que vous en avez faite jusqu’à présent,
19 qui représentait-il ?
20 M. Landry. - Il représentait le commandant de la zone
21 opérationnelle centrale, soit le colonel Blaskic, à l'époque.
22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Dans ses conditions, est-ce
23 qu’il vous arrivait de traiter avec le colonel Blaskic lorsque vous aviez
24 à traiter de l'ensemble des incidents militaires, y compris ceux
25 impliquant le HOS ?
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1 M. Landry. - Ce n'était pas ma tâche. Ma tâche, le niveau auquel
2 je pouvais intervenir, était avec les deux commandants-adjoints. C'est
3 l'autorité que j’avais. Si on devait intervenir à un niveau supérieur, à
4 ce moment-là, c'est l'ambassadeur Thebault qui devait être mis au courant
5 de la situation, et c'est lui qui traitait à ce moment-là avec le colonel
6 Blaskic. C'est d’ailleurs pour cela qu'il y avait la commission.
7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vais reformuler
8 légèrement ma question, si vous me le permettez. Personnellement, vous ne
9 traitiez pas avec le colonel Blaskic, n’est-ce pas ?
10 M. Landry. - C’est tout à fait cela.
11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mais la commission traitait
12 avec lui par le truchement de M. Nakic ?
13 M. Landry. - C’était ma compréhension de la commission.
14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Tout ce que je vous demande,
15 c'est la chose suivante : lorsque des incidents militaires survenaient,
16 incidents dans lesquels était impliqué le HOS, est-ce que la commission
17 traitait avec M. Nakic ou avec le colonel Blaskic pour résoudre ces
18 incidents ?
19 M. Landry. - Au meilleur de ma connaissance, tous les protêts
20 (peu importe qu'ils aient été faits par des bandits, par le HOS ou par les
21 troupes HVO) étaient soumis à la commission... tous les protêts, et puis
22 c'est la commission qui devait, par la suite, comme je l’ai expliqué...
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Et l'appareil de la
24 commission impliquait finalement d'en référer au colonel Blaskic ? La
25 structure de la commission ?
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1 M. Landry. - Effectivement, Votre Honneur.
2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je propose maintenant de
3 passer à votre déposition, à ce que vous avez dit, dans cette déposition,
4 au sujet de déclarations qui vous ont été faites, à vous, quant à
5 l'existence d'une fosse commune dans laquelle se trouvaient des corps de
6 Croates. Je crois que cela se situait dans les environs de Zenica. Vous
7 rappelez-vous cette partie de votre déposition ?
8 M. Landry. - Oui, je me souviens bien de cette partie-là.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - En tant que responsable
10 chargé d'une mission, vous êtes allé enquêter, n'est-ce pas ?
11 M. Landry. - Je suis allé enquêter sur ces allégations.
12 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'aimerais simplement
13 obtenir quelques éclaircissements au sujet de quelque chose que, vous,
14 vous avez peut-être dit, mais qui a peut-être échappé à mon attention.
15 Est-ce que l’enquête que vous avez menée a permis de conclure à
16 l'existence effective de ce charnier, de cette fausse commune ?
17 M. Landry. - Oui, effectivement. Ce que je n'ai pas été en
18 mesure de poursuivre, c'est de connaître exactement le nombre de corps. On
19 n'a pas creusé devant moi, mais avec les autorités bosniaques, on a
20 déterminé l'endroit où la fosse commune se trouvait et avec les autorités
21 de la Croix-Rouge, par la suite, le dossier a tout simplement été donné à
22 ces gens-là et on a fait rapport, dans nos comptes rendus quotidiens, de
23 la nature de nos trouvailles.
24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez évoqué les
25 autorités bosniaques ; est-ce que ces autorités bosniaques ont coopéré
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1 avec vous dans cette enquête ?
2 M. Landry. - Effectivement, je veux juste remettre les choses en
3 perspective, Votre Honneur : c'est que c'est arrivé, si ma mémoire est
4 bonne, au mois de juillet. A ce moment-là, la situation était complètement
5 changée, en Bosnie centrale. Il y avait énormément d’allégations de
6 faites, de violences de commises contre les Croates qui continuaient de
7 demeurer à Zenica.
8 D'une façon régulière, on avait changé notre attitude face aux
9 Croates. Présentement, on avait plutôt une attitude accusatrice face aux
10 agissements incontrôlés de la part de certaines formations et troupes
11 bosniaques.
12 Je me rappelle très bien d'être allé voir les autorités
13 bosniaques, d'avoir demandé des autorités requises pour que l'on puisse
14 aller faire des investigations et d'y avoir été avec le père Stéphane. Il
15 y a eu des allégations aussi lors du même rapport du fait qu'il y avait eu
16 une désacralisation sur une église croate.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.
18 Consacrons quelques instants à l'incident survenu à Ahmici. Le
19 conseil de la défense de l'accusé vous a parlé d'un certain nombre de
20 documents portant la signature du colonel Blaskic et traitant de ces
21 événements d'Ahmici. Si le colonel Blaskic avait en fait entrepris
22 d’enquêter sur ces événements, est-ce que l'enquête entreprise par lui
23 avait une chance de parvenir à votre connaissance, soit directement, soit
24 par le truchement de la commission de Busovaca ?
25 M. Landry. - C’est à partir de cette époque, Votre Honneur, que
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1 la commission mixte de Busovaca a cessé d'exister et a été remplacée par
2 le quartier général conjoint. A ce moment-là, j'ai été déplacé de la
3 commission de Busovaca pour me diriger vers le centre des opérations.
4 En bonne foi, je dois vous dire que si ce genre de rapport nous
5 avait été soumis, à l'ECMM, j’aurais dû avoir été mis au courant et cela
6 aurait définitivement été dans nos discussions quotidiennes. Mais je dois
7 vous avouer que je ne me rappelle pas d'avoir rien vu à cet effet-là, un
8 rapport du colonel Blaskic sur les incidents Ahmici.
9 Au contraire, ce sont plutôt d'autres rapports que j’ai vus,
10 d'une commission spéciale par la suite, faite par des représentants...
11 M. Shahabuddeen (interprétation) - Non, je ne parle pas en ce
12 moment de rapport, je vous demande de nous dire, au cas où le colonel
13 Blaskic aurait effectivement entrepris une enquête, si la réalité de cette
14 enquête serait parvenue à votre connaissance ?
15 M Landry. - Elle aurait dû parvenir à ma connaissance, mais je
16 ne me souviens pas de l'avoir vue.
17 M. Shahabuddeen (interprétation) - Si le colonel Blaskic avaient
18 lancé une enquête au sujet des événements survenus à Ahmici, est-ce que
19 vous auriez considéré cette enquête comme un élément d'importance ?
20 M Landry. - Définitivement, votre Honneur.
21 M. Shahabuddeen (interprétation) - J'ai encore une question à
22 vous poser, Lieutenant-Colonel, qui porte sur ce que vous avez dit dans
23 votre déposition de l'évolution des rapports entre les deux partis. Si je
24 vous ai bien compris, vous avez déclaré que les relations entre les deux
25 parties s'étaient améliorées au cours du mois de mars, mais qu'au début du
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1 mois d'avril ses relations ont commencé à se dégrader, est-ce que ma
2 synthèse globale de ce que vous avez dit dans votre déposition est
3 correcte ?
4 M Landry. - C'est bien cela, votre Honneur.
5 M. Shahabuddeen (interprétation) - Donc, la date limite se
6 serait située dans ces conditions au cours de la première semaine du mois
7 d'avril, je parle de date butoir, date à laquelle s'est modifiée la nature
8 des relations entre les deux parties, je situerais cette date quelque part
9 dans la première semaine du mois d'avril, n'est ce pas ?
10 M Landry. - La raison pour laquelle j'ai pris quelque instant
11 est que j'essaie de me rappeler la date à laquelle j'ai célébré avec les
12 commandants locaux le remplissage des tranchées. Je crois que c'est arrivé
13 aux alentours du 8 ou 9 août, je dirai à peu près cela, grosso modo, la
14 première semaine d'avril.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc nous sommes finalement
16 d’accord l’un avec l’autre. Merci. Vous avez aussi évoqué le plan
17 Vance-Owen qui je crois affectait la province numéro 10 aux Croates. Vous
18 vous rappelez avoir évoqué ou mentionné le plan Vance-Owen dans votre
19 déposition ?
20 M. Landry. - Oui, très bien, votre Honneur.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Et je crois vous avoir
22 entendu dire que les Croates ont été les premiers à signer ce plan, est-ce
23 bien exact ?
24 M. Landry. - Ma mémoire me dit que oui, les Croates ont été les
25 premier à accepter.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je suppose que vous admettez
2 l'existence d’une différence entre le fait de signer un plan et le fait de
3 mettre en oeuvre un plan sur le terrain. Vous admettez cette distinction,
4 n'est ce pas ?
5 M. Landry. - Oui, votre Honneur.
6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que des informations
7 vous sont jamais parvenus quant à l'existence d'un ultimatum, ou quelque
8 chose qui semblerait à un ultimatum, et qui aurait été émis par la partie
9 croate et destiné à la partie musulmane, un ultimatum donc qui aurait
10 exigé la mise en application du plan Vance-Owen avant le 15 avril ?
11 M. Landry. - Lorsqu'on était sur le terrain, ce genre
12 d'information ne m'a pas été communiquée. La seule chose que je peux me
13 rappeler est que je crois que les Musulmans ou Izetbegovic a signé le plan
14 Vance-Owen à la fin du mois de mars, ou du moins ils ont laissé sous-
15 entendre qu'ils étaient d'accord avec l'implantation, ou du moins le
16 principe, du plan Vance-Owen.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci lieutenant-colonel.
18 M. le Président. - Très rapidement parce que vous avez répondu à
19 beaucoup de questions de mes collègues.
20 Ahmici ! Je n'ai pas très bien compris, vous avez dit à moment
21 donné qu'il n'y avait pas d'objectif stratégique. Et puis ensuite, à un
22 autre moment de votre déposition, vous avez dit qu'il y avait un certain
23 objectif stratégique. Je n'ai pas très bien saisi. Pouvez-vous me préciser
24 ce que vous vouliez dire ?
25 M. Landry. - Je dois vous avouer que j'ai dû vous induire en
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1 erreur. Lorsque je parle d'objectif stratégique, c'est que militairement
2 je ne voyais pas la raison de faire ce genre d'opération parce que à ma
3 connaissance ce n'était pas un point fort militaire de part et d'autres.
4 Et puis par la suite si cela avait réellement été un point stratégique, il
5 aurait dû être maintenu, on aurait dû laisser des troupes sur place ou du
6 moins construire des positions pour faire face à l’autre front ; c'est
7 peut-être dans cette optique je me suis peut-être mal exprimé avec le
8 terme de stratégique ou de tactique.
9 M. le Président. - Très bien. Encore une ou deux petites
10 questions. Au titre des troupes incontrôlables ou incontrôlées, aviez-vous
11 entendu parler d’unités comme les Vitezovi, les Jokeri ?
12 M. Landry. - Non. Je n’ai entendu ces noms-là que par la suite
13 lorsque j’ai fait mes études et que j’ai vu qu’ils étaient employés. Par
14 contre, la même chose, ou du moins le pendant HOS, existait aussi du côté
15 des Musulmans, Jétais au courant qu'en plus des Mudjahidin il y avait des
16 genres de troupes HOS du côté musulman qui avaient comme insigne d'épaule
17 un cygne qui était éventuellement couché sur une femme nue. J'en ai une
18 copie que j'ai gardée à ce moment-là de ce cygne.
19 M. le Président (interprétation) - Je n'ai pas très bien compris
20 la réponse apportée au conseil de la défense quand il vous a demandé si
21 pour apprécier la responsabilité d’un responsable militaire de haut rang
22 il convenait de prendre en compte les rapports et les informations qui lui
23 venaient de ses subordonnés. Je crois que la question qui vous était posée
24 était de savoir si ce genre d'information vous apparaissaît comme
25 importante, et même le terme de crucial a été employé. Je ne sais pas si
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1 vous avez répondu. Pouvez-vous le préciser ?
2 M Landry. - Avec plaisir. De la façon dont vous le formulez,
3 c'est plus clair pour moi. Oui, effectivement c'est un outil essentiel à
4 tout bon commandant militaire. C'est bon de donner des ordres, d'exécuter,
5 mais il faut savoir aussi avoir ce qu’on appelle dans notre jargon
6 militaire du feed-back pour savoir s'il faut ajuster nos troupes, pour
7 connaître nos points forts et points faibles. On a définitivement besoin
8 d'un feed-back, d’une source, d'une information qui nous provient de nos
9 troupes avancées de façon à nous permettre éventuellement d'influencer la
10 bataille en prenant les actions appropriées pour contrer ou répondre à
11 l'information que l'on reçoit.
12 M. le Président (interprétation) - Merci. Les unités croates,
13 stratégiques semble-t-il, dont vous avez pu trouver la trace, et même la
14 trace visible, à votre avis étaient-elles là en fonction du conflit
15 précédent contre l'ennemi commun qui était là Serbie ? Ou avez-vous eu
16 l'impression, par toutes les sources d'information que vous aviez, qu’en
17 fait leur objectif stratégique a changé et qu'ils ont suivi une autre
18 politique ?
19 M Landry. - Je crois que dans les régions, où on les a vus à
20 Prozor, j'avais de la difficulté à comprendre que ces troupes de
21 logistique étaient pour combattre sur le front serbe.
22 M. le Président (interprétation) - Merci. Vous avez beaucoup
23 parlé de la stratégie, de ce double jeu en quelque sorte, de provocation
24 en sous-main en quelque sorte pour générer le conflit et répondre ensuite
25 aux représailles et aux ripostes des Musulmans, et puis par ailleurs une
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1 sorte d'image qu'on voulait la plus idéale possible à l'égard de la
2 communauté internationale, vous avez été très clair à ce sujet.
3 Ma question finale, et c’est la dernière question, cette opinion
4 est-elle une opinion strictement personnelle ou une opinion véhiculée par
5 le haut état-major de la fort Forpronu, par les politiques ? Je vous
6 demande pas un témoignage indirect bien entendu. Je vous demande
7 simplement de me répondre : est-ce que c'est une opinion plutôt
8 personnelle ou généralement partagée par des responsables militaires et
9 politique que vous avez pu approcher ?
10 M Landry. - Je dois vous avouer très honnêtement que c'était
11 l'opinion partagée à ce moment-là par les responsables de l’ECMM et par le
12 quartier général de la Forpronu qui était à Kiseljak, mais je dois vous
13 avouer que même si c'était partagé il y avait des réticences de part et
14 d’autre de le dire ouvertement parce qu'on n'avait pas tous les détails
15 pour confirmer effectivement que c'est ce qui se passait. Dans mon cas,
16 par la suite, mes études m'ont amené à être en mesure d'émettre une
17 opinion plus personnelle et beaucoup plus précise à cet effet-là, que
18 c'était bien ce qui se passait.
19 M. le Président (interprétation) - Colonel, s'il n'y a pas
20 d'autres questions complémentaires, c'est terminé. Vous avez apporté au
21 Tribunal un témoignage dense, avec beaucoup de conviction et ce Tribunal a
22 besoin de témoins de conviction. Vous en êtes remercié par le Tribunal
23 Pénal International. Vous pouvez à présent rentrer dans votre pays avec le
24 sentiment d'avoir fait votre devoir, comme c'est en principe ce que doit
25 faire tout militaire de haut rang. Vous n'allez pas bouger de votre place
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1 pour l'instant, nous allons clôturer nos travaux.
2 Monsieur le Procureur, nous allons reprendre nos travaux demain
3 après-midi, vraisemblablement à 14 heures 30, mais je pense qu'ils ne
4 pourront pas excéder 17 heures 30. Je vous demande de prendre vos
5 dispositions en conséquence puisque c'est souvent l'interrogatoire qui
6 conditionne le contre-interrogatoire, si vous ne voulez pas bien entendu
7 que le témoin ait à revenir lundi. Mais évidemment nous sommes tous au
8 service de la justice et s'il est nécessaire que le témoin revienne lundi
9 il reviendra lundi, mais j'ai été sensible au fait que ce témoin a déjà
10 été déplacé. Donc faisons tous en sorte que tout ceci se passe très bien
11 et le mieux possible demain.
12 Maître Kehoe a une question à poser ou une observation à faire.
13 Monsieur Kehoe, c’est sur l’emploi du temps ?
14 Je rappelle que nous avons une réunion des Juges Présidents
15 demain en début d'après-midi, j'espère qu'elle sera terminée pour
16 14 heures 30, mais je n'en suis pas sûr bien entendu, ce n'est pas moi qui
17 dirige et préside la réunion.
18 Monsieur le Procureur.
19 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs
20 les Juges, je voulais dire quelques mots au sujet de Vuljami. Il m'a
21 informé au sujet d'obligations professionnelles très importantes qu'il a
22 reportées à plusieurs reprises déjà et il m'a dit qu'il lui fallait
23 absolument etourner aux Etats-Unis dimanche, donc il ne peut pas rester à
24 La Haye jusqu'à lundi. Je dis cela pour le cas ou nous ne terminerions pas
25 demain après-midi. Je vais en discuter avec lui, je vais voir dans le
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1 détail. J'ai déjà parlé avec lui dans le détail pour voir s'il pouvait
2 changer ses projets, mais apparemment ce n'est pas possible. Il m'a donc
3 demandé ce qu'il serait possible de faire pour le faire revenir à une date
4 ultérieure si le contre-interrogatoire devait durer plus longtemps. Mais
5 pour aujourd'hui, Monsieur le Président, sur la base de ce qu'il m'a dit,
6 je peux vous dire simplement qu'il ne peut pas revenir, lundi en tout cas,
7 en raison d'obligations professionnelles très importantes, selon ce qu'il
8 m'a dit.
9 M. Riad (interprétation) - Est-ce que vous savez à peu près
10 quelle devrait être la durée de sa déposition ?
11 M. Kehoe (interprétation). - Oui, je crois que selon ce que vous
12 souhaitez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il va s'exprimer de
13 façon narrative et je poserai pour ma part très peu de questions, donc
14 cela devrait durer 2 heures à 2 heures 30 environ Il y a toujours un
15 certain degré d'incertitude évidemment.
16 M. le Président - Il faut que les choses soit très claires, je
17 ne voudrais pas donner l'impression que les Juges ne sont pas à la
18 disposition de la justice. Sachez que j'ai des engagements en dehors de ce
19 pays, et que j'ai annulé demain. J'ai un avion à 20 heures 30. Donc cela
20 n'hypothèque pas du tout l'audience demain après-midi. Simplement un
21 avion, comme chacun sait, il faut aller le chercher à l’aéroport. Donc
22 j'ai annulé tous mes engagements de la fin d'après-midi, ils sont donc
23 reportés à samedi matin. Ce n'est donc pas le Juge qui sera une source de
24 retard. Je vous demande simplement de prendre l'habitude de poser les
25 questions importantes et essentielles. Quand je dis aux alentours de
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1 17 heures 30, c’est qu’il faut bien que je trouve le moyen de rejoindre
2 l'aéroport.
3 Il faut que les choses soient très claires. En tout cas, ce ne
4 sont pas les Juges qui retardent. Quant au témoin, je crois que ce ne sont
5 pas les Juges non plus qui ont fait en sorte que le témoin qui est devant
6 nous, et que je remercie beaucoup, a demandé plus de temps et de jours
7 qu’il n’était prévus.
8 Je crois que nous avons tous été d'accord, il y a quelques
9 semaines de cela pour ne pas limiter le temps des témoins. J'avais évoqué
10 personnellement cette question. Nous avons tous été d'accord que cela ne
11 se fasse pas devant cette Chambre. A partir de là, je ne peux pas vous
12 dire autre chose. M. Vuljami sera obligé de revenir, mais demain après-
13 midi la journée normale d'audience sera à peu près normale. Peut-être
14 aurions-nous dû commencer par le témoignage de M. Vuljami aujourd'hui,
15 mais M. le colonel Landry avait beaucoup de choses à dire et le contre-
16 interrogatoire était très détaillé, très utile.
17 Chacun fait ce qu'il peut, mais il faut que les choses soit bien
18 nettes, j'ai annulé tous mes engagement de fin d'après-midi dans un pays
19 voisin pour permettre à ce témoin de pouvoir rentrer. Je ne se suis pas
20 maître de l'interrogatoire ni du contre-interrogatoire, donc nous ferons
21 ce que nous pourrons. Et si M. Vuljami doit revenir une troisième fois, il
22 reviendra, mais à un autre moment, il ne reviendra pas lundi.
23 Je me contente simplement de faire en sorte que les règles du
24 jeu soient très claires. Nous sommes dans un système judiciaire où
25 normalement, sauf exception, un témoin devrait pouvoir être entendu en
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1 trois heures. C'est un vieux débat que nous avons. Si vous pensez que ce
2 n'est pas possible, c'est très bien, mais ce n'est pas le Juge qui peut
3 vous imposer une autre règle. Il ne vous l'impose pas, mais à ce moment-là
4 il faudra que le témoin revienne. Voilà, les choses sont très claires.
5 Le Tribunal remercie le colonel Landry. L'audience est levée,
6 elle reprendra demain à 14 heures 30.
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8 L'audience est levée à 18 heures 40.
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