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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3
4 Lundi 27 avril 1998
5
6 LE PROCUREUR
7 c/
8 TIHOMIR BLASKIC
9
10 L'audience est ouverte à 14 heures 35.
11
12 M. le Président. - Monsieur l’huissier, faites entrer l'accusé,
13 s’il vous plaît.
14 (L’accusé est introduit dans le prétoire)
15 Monsieur le Procureur, vous avez la parole. Nous avons une
16 semaine relativement courte. Monsieur Dubuisson, nous siégeons donc
17 aujourd'hui, lundi après-midi, demain mardi après-midi. Mercredi, comment
18 cela se passe-t-il ?
19 M. Dubuisson. - Il est prévu que nous siégions également
20 mercredi après-midi
21 M. le Président. - On ne siège pas mercredi matin ?
22 M. Dubuisson. - Non
23 M. le Président. - Nous avons donc trois après-midi, Monsieur le
24 Procureur. C'est donc à vous de faire en sorte que les choses se passent
25 le mieux possible. Notre précédent témoin a dû repartir. Le contre-
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1 interrogatoire sera reporté à une date ultérieure, n'est-ce pas.
2 Monsieur le Procureur, c'est à vous.
3 M. Harmon (interprétation). - Merci. Bonjour,
4 Monsieur le Président. Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour au conseil de
5 la défense. Notre témoin suivant
6
7 Monsieur le Président est Deborah Christie. Deborah Christie est une
8 responsable de la BBC qui en 1993 était journaliste et cinéaste employée
9 par une compagnie cinématographique du Royaume-Uni. Elle a fait un film
10 intitulé : « Nous sommes tous des voisin »s. Ce film traite du village de
11 Visnica qui est l'un des villages figurant dans l'acte d'accusation, l'un
12 des villages attaqués par le HVO dans la municipalité de Kiseljak au mois
13 d'avril 1993.
14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez déjà
15 entendu deux témoins qui ont parlé de cette attaque, il s'agit des
16 témoins A(a) et C(c). L'équipe cinématographique dont faisait partie
17 Mademoiselle Christie a travaillé à Visnica, dans la municipalité de
18 Kiseljak du 22 janvier au 14 février 1993. Suite à l'attaque de Visnica
19 avec son équipe, elle est retournée à Kiseljak et dans le village le
20 29 avril pour filmer des séquences supplémentaires. Elle est restée à
21 Kiseljac et à Visnica jusqu'au 3 mai 1993.
22 Sa déposition va comporter les observations qu'elle a faites
23 dans les environs de Visnica et de Kiseljak, dans ces deux localités avant
24 et après l'attaque du HVO. Elle décrira la situation du village de Visnica
25 avant l'attaque, comment la vie s'y déroulait. Elle vous parlera également
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1 de la situation après l'attaque. Elle témoignera des événements qui se
2 sont produits la nuit du 4 février à Kiseljak, caractérisés notamment par
3 la destruction de commerces musulmans et de bureaux qui ont également été
4 détruits à quelques 300 mètres des bureaux de l'époque du colonel Blaskic,
5 de son quartier général. Elle parlera également du fait que des forces du
6 HVO ont été vues par elle à Kiseljak. Elle les décrira comme contrôlant
7 totalement la ville de Kiseljak et les environs. Elle identifiera
8 certaines des armes que ces troupes avaient à leur disposition et parlera
9 notamment d'un char.
10 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, elle parlera
11 également de sa rencontre avec le colonel Blaskic qui s'est déroulée dans
12 le quartier général à la caserne de Kiseljak. Elle dira qu'elle a obtenu
13 le permis de filmer du colonel Blaskic et décrira comment elle a utilisé
14 ce permis dans la municipalité lors de ses deux visites sur les lieux.
15
16 Enfin, Monsieur le Président, Messieurs les juges, elle
17 demandera le versement au dossier de son film intitulé : « Nous sommes
18 tous des voisins » et traitera plus en détail de certaines séquences de ce
19 film. Eu égard à l'acte d'accusation, sa déposition portera sur l'autorité
20 exercée par l'accusé paragraphes 3 et 4 notamment de l'acte d'accusation.
21 Sa déposition portera sur les chefs d’accusation de persécution,
22 paragraphe 6.1, d'attaque des villages, paragraphe 6.3, de destruction et
23 de pillage de biens. Sa déposition aura trait également aux chefs
24 d’accusation 2 à 4, attaques illicites ou illégales contre des civils et
25 destruction d'objets appartenant à des civils. Sa déposition est liée
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1 également aux chef d’accusation 11 à 13, destruction et pillage de biens,
2 enfin au chef d’accusation 14, destruction d'objets de culte.
3 C'est la fin de mon introduction Monsieur le Président.
4 M. le Président. - Je vous remercie. Je voudrais vous demander,
5 à l'attention de mes collègues et de moi-même, sur combien de temps votre
6 interrogation va-t-elle porter, approximativement bien sûr ?
7 M. Harmon (interprétation). - Mon interrogatoire principale,
8 Monsieur le Président, devrait durer moins d'une demi-heure et le film
9 environ 55 minutes.
10 M. le Président (interprétation). - Avez-vous l'intention de
11 passer tout le film ?
12 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
13 M. le Président. - Monsieur l’huissier, pouvez-vous introduire
14 le témoin, Madame ou Mademoiselle Deborah Christie ?
15 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)
16 Nous avons un nouvel Huissier que nous présentons à la Cour.
17 Nous allons lui donner de bonnes habitudes. Monsieur l'Huissier, vous
18 laissez le témoin debout, s'il vous plaît. Est-ce que vous m'entendez,
19 Madame ? Je suis désolé de vous faire rester debout quelques instants mais
20 c'est ainsi que cela se passe devant les cours et tribunaux, même dans
21 votre pays. M'entendez vous dans votre langue, Madame ?
22 Mlle Christie (interprétation). - Oui, je vous entends.
23 M. le Président. - Pouvez-vous rappeler à la Cour votre nom et
24 votre prénom, s'il vous plaît ?
25 Mlle Christie (interprétation). - Je m'appelle Deborah Christie.
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1 M. le Président. - Vous restez debout encore quelques instants,
2 le temps de lire la déclaration solennelle que Monsieur l'huissier va vous
3 tendre.
4 (L’huissier s’exécute)
5 Mlle Christie (interprétation). - Je déclare solennellement que
6 je dirai la vérité toute la vérité et rien que la vérité.
7 M. le Président. - Merci. Vous pouvez vous asseoir.
8 Madame, vous avez accepté de témoigner à la demande du Procureur
9 devant ce Tribunal qui est un Tribunal Pénal International dans le procès
10 intenté à l'encontre du général Blaskic, l'accusé ici présent. Le
11 Procureur à dû vous expliquer comment tout ceci va se dérouler. Nous
12 connaissons la trame générale de votre déposition. Vous êtes une
13 professionnelle, ne vous perdez pas trop dans les détails, allez à
14 l'essentiel de ce qui intéresse l'accusation. Monsieur le Procureur vous
15 focalisera sur les points qui lui paraissent importants. Il y aura
16 quelques questions introductives et vous déposerez ensuite.
17 Monsieur le Procureur, c'est à vous.
18 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
19 Bonjour Mademoiselle Christie.
20 Mlle Christie (interprétation). - Bonjour.
21 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous nous parler de votre
22 passé ?
23 Mlle Christie (interprétation). - J'ai une formation de
24 journaliste. J'ai travaillé avec la BBC et ensuite en tant que journaliste
25 de cinéma pour la société Granada, pour la télévision pendant un an, sur
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1 une émission intitulée : « Le monde en action » notamment. J'ai travaillé
2 sur un projet en 1993 qui était intitulé : « Le monde en disparition ».
3 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que vous
4 faites en ce moment ?
5 Mlle Christie (interprétation). - En ce moment je suis
6 producteur exécutif à la télévision britannique, la. BBC. Je suis
7 responsable de 25 personnes qui réalisent des émissions de télévision
8 factuelles.
9 M. Harmon (interprétation). - En tant que cinéaste et
10 journaliste, avez vous remporté des prix et, si oui, lesquels ?
11 Mlle Christie (interprétation). - J'ai reçu cinq prix dont deux
12 m'ont été décernés pour cette émission : « Un monde en disparition » en
13 ex-Yougoslavie. Un autre de ces prix, un oscar international et un autre
14 prix m'ont été décernés dans le cadre de la télévision britannique.
15 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous vous trouviez dans
16 la municipalité de Kiseljak, dans le village de Visnica,
17 jusqu'au 14 février 1993 et ensuite, à nouveau, du 29 avril 1993 au 3 mai
18 1993 ?
19 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
20 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi y étiez-vous ?
21 Mlle Christie (interprétation). - J'y étais pour faire un film.
22 J'y travaillais avec un anthropologue Tuna Brujina qui connaissait bien la
23 région. C'était la première fois que je me rendais en Bosnie.
24 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous répondez, faites-le
25 sous la forme d'un récit. Les Juges préfèrent vous entendre déposer de
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1 façon narrative. Pour ma part, je me contenterai de quelques questions.
2 Pouvez-vous nous dire quel est le passé, la toile de fond de ce film ?
3 Qu'est-ce que cet anthropologue avait fait dans le village avant votre
4 arrivée ? Et quel était votre objectif précis en réalisant ce film ?
5 Mlle Christie (interprétation). - L'émission était destinée à
6 une série intitulée : « Un monde en disparition ». Il s'agissait d'une
7 série d'émissions télévisées qui étaient diffusées depuis dix ans.
8 M. le Président. - Je vais vous demander, Madame, de parler un
9 peu plus lentement pour nos amis interprètes. Merci.
10 Mlle Christie (interprétation). - Donc le film que je préparais
11 était destiné à une série d'émissions diffusées par la télévision
12 britannique sous le titre général : « Un monde en disparition ». C'est un
13 programme qui est diffusé depuis dix ans et dont la caractéristique
14 consistait à travailler avec un anthropologue qui connaissait bien la
15 région concernée, à travailler également en collaboration avec d'autres
16 personnes, et à faire le film en s'appuyant sur les connaissances de
17 l'anthropologue pour refléter au mieux la réalité des événements survenus
18 dans le village. Je travaillais avec Tuna Brojna qui est une anthropologue
19 norvégienne qui vivait depuis quinze mois dans le village de Visnica.
20 Donc, en 1988, elle s'y trouvait déjà. A ce moment-là, elle
21 travaillait en qualité d'anthropologue et étudiait la coexistence de
22 différents groupes humains dans le même village. Dans le cas qui nous
23 intéressait il s'agissait d'une coexistence entre Croates et Musulmans
24 notamment. Elle connaissait très bien le village, cela faisait quinze mois
25 qu'elle y résidait. Lorsque nous sommes revenus sur les lieux pour tourner
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1 le film, Tuna Brojna résidait dans le village deVisnica pendant toute la
2 période concernée et les membres de l'équipe de télévision résidaient à
3 Kiseljak.
4 Pour ma part, je résidais partiellement à Visnica et
5 partiellement à Kiseljak pendant la durée de mon séjour. Lorsque nous
6 avons tourné le film, je résidais en partie à Kiseljak et en partie à
7 Visnica. Quant au film, il avait pour objectif de montrer quel était le
8 sort réservé aux civils pendant une guerre. C'était un documentaire qui
9 avait pour but de montrer l'évolution des relations entre les gens et à
10 l'intérieur des familles. La toile de fond était anthropologique, mais
11 nous avions l'intention de nous adresser à des spectateurs qui selon notre
12 hypothèse de départ, n'avaient aucune connaissance de ce qui s'était passé
13 en Bosnie. Nous essayions d'approcher au mieux de ce qui s'était passé
14 dans la vie des êtres humains que nous montrions, ce qu'ils avaient vécu,
15 ce qu'ils avaient vu et de quelle façon évoluaient leur rapports à
16 l'intérieur même de leur famille.
17 M. Harmon (interprétation). - Pendant la durée du tournage de ce
18 film, vous avez eu toutes possibilités d'observer les habitants du village
19 de Visnica et également du village de Kiseljak. Je vous interrogerai aux
20 sujet ces observations et je vous demanderai d'établir un lien entre les
21 observations faites dans l'un et l'autre de ces villages à l'intention des
22 Juges.
23 Une fois que vous avez commencé à tourner le film, avez-vous
24 éprouvé des difficultés à circuler et à réaliser ce film ? Si oui, pouvez-
25 vous décrire ces problèmes aux Juges, et nous dire ce que vous avez fait
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1 pour les résoudre ?
2 Mlle Christie (interprétation). - Nous avions déjà reçu une
3 accréditation de la Forpronu, il s'agissait d'une carte d'identité qui
4 nous avait été délivrée et dont nous pensions, nous croyions être en droit
5 de penser, qu'elle nous permettrait de travailler en qualité de
6 journalistes dans la région. Dans les deux ou trois premiers jours de
7 notre séjour dans la région de Visnica et de Kiseljak, il nous est arrivé
8 à plusieurs reprises d'être arrêtés par des soldats du HVO qui nous
9 demandaient ce que nous faisions et pourquoi nous le faisions. Et à
10 plusieurs reprises, ils nous ont demandé d'arrêter de tourner.
11 Le 29 janvier, je suis allée, accompagnée d'un interprète
12 croate, dans ce que je croyais avoir compris être le quartier général du
13 HVO à Kiseljak. Nous avons demandé une autorisation au colonel Blaskic.
14 Nous avons demandé une lettre qui stipulait clairement ce que nous
15 faisions et disait clairement que nous étions autorisés à faire ce que
16 nous avions à faire dans la région. La Forpronu et les gens de Kiseljak
17 nous ont prévenus que pour circuler dans la région, il nous fallait une
18 autorisation, notamment si nous souhaitions interroger des civils.
19 Brigica qui était l'interprète, qui travaillait avec nous ce
20 jour-là, nous a accompagnés à l'intérieur d'un bureau. J'ai cru comprendre
21 qu'il s'agissait di bureau du colonel Blaskic. Elle y est donc rentrée et
22 y a passé quelque temps. Elle est revenue avec un morceau de papier à la
23 main qui était cette autorisation. Le colonel Blaskic est sorti, je lui ai
24 serré la main, j'ai pris ce morceau de papier et nous sommes repartis.
25 Dans les quelques deux à trois semaines qui ont suivi, nous avons utilisé
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1 à plusieurs reprises ce morceau de papier.
2 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, je vais vous poser
3 quelques questions. Je demande à ce stade l'aide de l'huissier et
4 j'aimerais que la pièce à conviction de l'accusation 307 soit placée sur
5 le rétroprojecteur. Monsieur le Président, il s'agit d'un agrandissement
6 d'une pièce à conviction déjà versée au dossier, la pièce 75. Je demande
7 donc que cette pièce 307 soit placée sur le rétroprojecteur et je
8 demanderai au témoin de l'identifier.
9 (L'huissier s'exécute.)
10 Mademoiselle Christie, avant votre entrée dans ce prétoire, est-
11 ce que je vous ai montré cette photographie et est-ce que je vous ai
12 demandé de tracer un cercle autour du bâtiment où vous avez rencontré le
13 colonel Blaskic ce jour-là ?
14 Mlle Christie (interprétation). - Oui, vous m'avez montré cette
15 photographie et j'ai inscrit un cercle autour du bâtiment.
16 M. Harmon (interprétation). - Ce cercle se trouve en bas à
17 gauche de la photographie ?
18 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
19 M. Harmon (interprétation). - Je demande à nouveau l'aide de
20 l'huissier, j'aimerais que la pièce à conviction de l'accusation 308 soit
21 placée sur le rétroprojecteur. Monsieur le Président, il s'agit de la
22 copie du permis de l'autorisation qui a été octroyée à Melle Christie et à
23 son équipe de télévision par le colonel Blaskic. La pièce 308 (a) est une
24 traduction en anglais de ce même permis. Je regrette de devoir dire
25 aujourd'hui que je ne possède pas de traduction française de ce document
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1 mais je m'efforcerai d'en obtenir une.
2 Monsieur l'huissier, j'aimerais qu'on place sur le
3 rétroprojecteur l'original en langue bosniaque.
4 (L’huissier s’exécute)
5 Mademoiselle Christie, un permis se trouve sur le
6 rétroprojecteur. Reconnaissez-vous ce document et pouvez-vous dire de quoi
7 il s'agit aux Juges ?
8 Mlle Christie (interprétation). - Je reconnais ce document, il
9 s'agit du document qui nous a été remis dans le bureau du colonel Blaskic
10 le 29 janvier. Nous lui avons été très reconnaissants de nous délivrer ce
11 document. Nous l'avons utilisé à plusieurs reprises dans les deux semaines
12 qui ont suivi.
13 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous poser encore
14 quelques questions avant que vous parliez de la façon dont vous avez
15 utilisé ce permis. Vous avez dit avoir été introduite dans le bureau qui,
16 selon vous, était le bureau du colonel Blaskic. Pouvez-vous décrire ce
17 bureau ?
18 Mlle Christie (interprétation). - Je suis entrée. Il y avait
19 d'abord une salle d'attente où se trouvaient deux soldats. Il y avait une
20 pièce à gauche et à droite de cette salle d'attente. Dans la pièce de
21 droite se trouvait Brigica. Elle était entrée dans cette pièce pour parler
22 avec le colonel Blaskic et lui demander l'autorisation. Moi j'ai attendu à
23 l'endroit où se trouvaient les gardes.
24 M. Harmon (interprétation). - Ayant obtenu ce qui est
25 aujourd'hui la pièce à conviction de l'accusation 308, à savoir ce permis,
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1 pouvez-vous dire aux Juges quel a été le poids de ce document, de quelle
2 façon il vous a permis de faire votre travail dans la municipalité de
3 Kiseljak ?
4 Mlle Christie (interprétation). - On nous arrêtait régulièrement
5 pendant le tournage du film -je dirais trois à quatre fois par jour- soit
6 aux barrages routiers, soit lorsqu'une patrouille du HVO nous arrêtait à
7 Visnica ou à Kiseljak. J'ai pris des notes dans mon journal intime où il
8 est stipulé que chaque fois nous expliquions ce que nous faisions. Je
9 montrais le document en question et, au vu de ce document, on nous
10 autorisait à continuer notre chemin. Par exemple, j'ai utilisé trois fois
11 ce document le samedi 30 janvier : une fois dans le village de Visnica où
12 une patrouille du HVO nous a arrêtés. J'ai donc montré ce document aux
13 membres de la patrouille du HVO. L'homme qui a lu le document a appelé son
14 collègue et a dit : "Blaskic, Blaskic!" et on nous a autorisés à
15 poursuivre notre chemin. Le même jour, lorsque nous filmions près du
16 marché, j'ai également montré ce document. Ce même jour toujours, je l'ai
17 montré à nouveau lorsque nous nous trouvions sur la route en direction de
18 Vojnica et que nous avons été arrêtés à un barrage routier. Je l'ai
19 également utilisé le jeudi suivant, le 4 février. Lorsqu'on nous a arrêtés
20 dans une rue de Kiseljak, on nous a demandé d'accompagner les soldats pour
21 aller voir Josip Boro qu'on nous a présenté comme étant le président de la
22 municipalité à Kiseljak. Il souhaitait nous poser des questions au sujet
23 de ce que nous faisions, des raisons pour lesquelles nous nous trouvions à
24 l'endroit où nous étions. Je lui ai donc montré la lettre du
25 colonel Blaskic. Après quelques discussions, après qu'il soit sorti de la
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1 pièce et revenu, il nous a dit être satisfait du contenu de la lettre et
2 nous autoriser à poursuivre notre chemin. Nous avons dit que nous
3 souhaitions filmer à l'intérieur d'une usine et il a répondu qu'il allait
4 nous faciliter la tâche.
5 Le lundi 8 février, le cameraman et moi-même, nous avons à
6 nouveau été arrêtés à Kiseljak et on nous a demandé d'accompagner les
7 soldats, d'abord dans le bâtiment qui était connu comme étant le siège de
8 la police de Kiseljak, après quoi on nous a emmené au quartier général du
9 HVO de Kiseljak. On nous a arrêté pendant une heure et demie environ dans
10 le quartier général du HVO de Kiseljak en nous posant toujours de
11 nombreuses questions. Là encore, nous avons montré ce morceau de papier.
12 Nous avions d'abord donné la copie, ensuite on nous a demandé l'original
13 que nous avons remis. Le papier a été emporté dans un autre bureau.
14 L'homme qui est revenu avec ce papier à la main nous a dit que tout allait
15 bien et que nous étions autorisés à continuer de filmer, ce que nous avons
16 fait.
17 Nous avons également utilisé ce papier à un barrage routier qui
18 se trouvait sur la route. Quelquefois, nous le présentions aux barrages
19 routiers mêmes, mais quelquefois nous étions aussi arrêtés sur la route,
20 en dehors du barrage routier. Chaque fois que nous étions arrêtés sur la
21 route, on nous fouillait, on fouillait tout ce que nous avions sur nous.
22 Il y avait un certain nombre d'étapes dans la procédure à suivre mais, en
23 général, on montrait la lettre et on était autorisé à continuer à
24 travailler.
25 En tout cas, le ton des hommes qui s'adressaient à nous
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1 changeait de façon considérable après la présentation de la lettre. Par
2 exemple, un jour, les soldats ont voulu fouiller notre boîte de pique-
3 nique et après la présentation de la lettre, ils ont plaisanté en disant :
4 "Oui c'est un peu ridicule de vouloir fouiller le contenu de votre boîte
5 de pique-nique".
6 C'est une lettre qui nous a beaucoup aidés, qui nous a permis de
7 travailler et qui avait apparemment un effet sur tous les soldats que nous
8 rencontrions, quelles que soient leurs responsabilités. Je ne parle pas
9 serbo-croate moi-même, mais j'ai toujours entendu des références faites à
10 M. Blaskic. Chaque fois que nous montrions cette lettre, les soldats
11 parlaient à leurs collègues en utilisant le nom de M. Blaskic.
12 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous utilisé le même permis
13 lorsque vous êtes revenue à Kiseljak et à Visnica, le 29 avril ? L'avez-
14 vous utilisé jusqu'au 3 mai 1993 et a-t-il toujours eu le même effet ?
15 Mlle Christie (interprétation). - Oui, je l'ai utilisé deux
16 fois. Une fois dans le village de Visnica. Il était à ce moment-là très
17 difficile de pénétrer à l'intérieur du village. Il y avait un barrage
18 routier du HVO à l'entrée du village et nous voulions y pénétrer avec un
19 convoi du bataillon canadien. Nous étions à l'arrière du convoi et,
20 lorsque nous avons pénétré dans le village au niveau de la mosquée, on
21 nous a arrêtés. Le convoi a poursuivi son chemin mais nous avons nous-
22 mêmes été arrêtés. On nous a demandé ce que nous faisions. Nous avons à
23 nouveau montré cette lettre. Nous avons dit que nous voulions rester dans
24 le village une heure, une heure et demie. La lettre a donc eu une
25 influence importante. Et, plus tard, une deuxième fois en avril-mai, nous
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1 revenions de Vojnica vers Kiseljak. Nous avons été arrêtés à un barrage
2 routier. Nous avons montré la lettre et on nous a permis de poursuivre.
3 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que vous concentriez
4 votre attention sur le village de Visnica. Je vous prierai d'abord de dire
5 aux Juges quelles ont été vos observations générales, quelle était la
6 situation dans le village entre le 22 janvier et le 14 février 1993 ?
7 Pouvez-vous d'abord nous parler de vos impressions générales à ce sujet ?
8 Mlle Christie (interprétation). - Visnica est un petit village.
9 Tous les habitants se connaissaient. A l'évidence, des transformations
10 avaient eu lieu sous l'effet de la guerre. Par exemple, des hommes qui
11 travaillaient à Sarajevo restaient dans le village et n'allaient plus
12 travailler. Mais les habitants essayaient tout de même de continuer à
13 vivre normalement. Ils s'occupaient de leurs animaux, ils sortaient faire
14 des courses. Ils allaient de temps en temps à Kiseljak pour acheter ou
15 vendre au marché. Il y avait, bien sûr, une certaine tension mais les
16 Musulmans et les Croates se recevaient toujours chez eux ; ils prenaient
17 le thé ou le café les uns chez les autres. Ils étaient inquiets au sujet
18 de la guerre, bien entendu, mais ils avaient encore le sentiment qu'ils
19 pouvaient continuer à vivre normalement. Ils avaient un certain nombre de
20 tâches à accomplir : ils devaient s'occuper de leurs animaux, de leur
21 jardin, de leur maison et ils essayaient de le faire. Comme je l'ai déjà
22 dit, lorsque nous sommes arrivés pour la première fois dans le village,
23 les Croates et les Musulmans se rendaient encore visite chez eux, à leur
24 domicile, ce qui a changé par la suite.
25 M. Harmon (interprétation). - Durant votre premier voyage, avez-
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1 vous vu des patrouilles militaires du HVO dans le village de Visnica ?
2 Mlle Christie (interprétation). - Oui, nous avons vu des
3 patrouilles. Ces patrouilles se composaient de deux soldats à pied portant
4 des armes qui patrouillaient dans le village. Nous les avons vus trois ou
5 quatre fois. Ils traversaient le village, montaient sur la colline et
6 redescendaient. C'étaient des patrouilles qui s'effectuaient de jour et
7 nous en avons vu trois dans cette période.
8 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous décrire aux Juges la
9 présence de soldats bosniaques, l'existence de dépôts militaires ou de
10 centres de transmission ? Y avait-il des organes militaires dans le
11 village ?
12 Mlle Christie (interprétation). - Je n'ai jamais vu aucune
13 présence de l'armée bosniaque dans le village, aucun organisme militaire
14 de quelque nature que ce soit. Nous savions que certains des hommes
15 bosniaques musulmans possédaient leurs propres armes, armes qu'ils avaient
16 reçues lorsqu'ils avaient effectué leur service militaire dans l'armée de
17 Tito. Pendant notre séjour, les hommes bosniaques allaient toujours
18 -environ tous les dix jours- sur le front à Sarajevo, autour de Sarajevo,
19 avec leurs armes, mais c'est tout ce que nous savions et c'est tout ce que
20 nous avons vu.
21 M. Harmon (interprétation). - Mais, au cours de votre tournage,
22 vous avez pu visiter des maisons musulmanes à différentes périodes ?
23 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
24 M. Harmon (interprétation). - A un moment donné au cours de
25 votre présence dans le village, avez-vous vu quoi que ce soit qui puisse
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1 ressembler à une certaine présence militaire de l'armée bosniaque, outre
2 ces quelques soldats qui étaient sur la ligne de front et qui faisaient
3 des allers et retours entre la ligne de front et le village ?
4 Mlle Christie (interprétation). - Nous nous déplacions de façon
5 très libre dans le village. Nous étions très bien accueillis. Parfois,
6 nous ne nous faisions pas annoncer, nous venions frapper à la porte de
7 façon improvisée et nous n'avons pas remarqué la présence de soldats
8 bosniaques musulmans. Je sais que cinq hommes musulmans sont allés vers le
9 front de Sarajevo. Je sais qu'il y avait également, sur les lieux, des
10 patrouilles qui, au cours de la semaine précédant notre arrivée, avaient
11 rejoint des Croates musulmans pour constituer des patrouilles conjointes.
12 Mais ce n'était plus le cas au cours de la semaine de notre arrivée. Il
13 n'y avait plus de patrouille conjointe et je crois que, pendant environ
14 dix jours, les hommes musulmans bosniaques ont décidé de mener leur
15 patrouille de façon indépendante dans le village. Il y avait environ six
16 hommes qui se rassemblaient dans une maison spécifique et, deux par deux,
17 ils faisaient le tour du village entre 10 heures du soir et 1 heure du
18 matin à peu près pour surveiller leurs maisons. Au cours de la troisième
19 semaine de notre présence, cette patrouille n'existait pas parce qu'un
20 couvre-feu avait été imposé par le HVO dans la région.
21 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que les Musulmans
22 qui participaient à la patrouille étaient six. Tous portaient des armes ?
23 Mlle Christie (interprétation). - Non, je me souviens au cours
24 de la soirée que nous avons passée avec eux, il y a eu une certaine
25 discussion parce qu'il n'y avait que cinq armes pour les six. Au cours de
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1 cette même soirée, ils ont demandé que nous leur prêtions notre lampe
2 torche parce qu'ils n'en avaient pas et donc ils souhaitaient avoir la
3 nôtre.
4 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que vous vous
5 concentriez plus particulièrement sur Kiseljak et votre première visite à
6 Kiseljak et à Visnica. Pouvez-vous dire aux Juges quelles ont été vos
7 observations à l'époque, ce que vous avez vu à Kiseljak avant les attaques
8 d'avril 1993 ?
9 Mlle Christie (interprétation). - Oui. Kiseljak fonctionnait
10 très bien à l'époque, c'était un village assez important, une petite ville
11 même. La plupart des commerces étaient encore ouverts. Il y avait des
12 échanges entre les habitants. La présence du HVO était assez forte à ce
13 moment-là. Lorsqu'on était dans la rue et qu'on attendait cinq à dix
14 minutes par exemple, on voyait toujours une patrouille du HVO qui passait
15 dans Kiseljak. Cependant tout fonctionnait encore bien, les gens
16 s'affairaient à des choses et d'autres ; le marché se tenait deux à trois
17 fois par semaine, les commerces étaient ouverts. Il y avait également une
18 usine qui a fonctionné pendant toute la période que nous y avons passé. Au
19 cours des trois semaines où nous sommes restés sur les lieux, la situation
20 s'est tendue à plusieurs reprises. Nous avons vu parfois le HVO évacuer
21 les rues. Peut-être à 3 heures de l'après-midi, il venait accompagné d'un
22 convoi, et une fois il y a eu un char qui devançait ce convoi. Ou bien il
23 y avait simplement des Jeeps qui portaient des drapeaux croates. Des
24 soldats évacuaient la rue pour une certaine période, peut-être pour une
25 heure ou deux. Puis la vie, reprenait son cours, les commercerais
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1 rouvraient. Mais visiblement, le HVO contrôlait cette ville ou ce village.
2 Nous avons nous-mêmes utilisé ces petits commerces pour acheter
3 notre propre nourriture et nous y allions souvent. Nous avons remarqué
4 que, vers le 2 février, tous les commerces musulmans semblaient fermer.
5 Nous ne savions pas pourquoi mais nous pensions que c'était le cas parce
6 qu'ils avaient été arrêtés à des postes de contrôle et qu'on ne leur avait
7 pas donné l'autorisation d'ouvrir leur commerce. Mais nous avons vu
8 effectivement qu'autour du 2 février, ces commerces ont été fermés. En
9 revanche, ils ont réouvert le 3, certains d'entre eux en tout cas. Puis le
10 matin du 5, nous sommes allés à Kiseljak. Là nous avons vu qu'au moins
11 huit commerces musulmans avaient subi des dégâts, avaient été vandalisés,
12 et cela n'avait pas été le cas pour les commerces croates, en tout cas
13 nous n'avons pas vu cela. L'anthropologue qui était avec nous connaissait
14 bien tous ces commerces et elle savait très bien lesquels d'entre eux
15 étaient musulmans et croates. Effectivement, c'étaient bien les commerces
16 musulmans qui avaient été visés par ces attaques.
17 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais vous poser une ou deux
18 questions très spécifiques sur ce que vous venez de nous dire : avez-vous
19 vu à un moment donné, à Kiseljak, des soldats de l'armée bosniaque ?
20 Mlle Christie (interprétation). - Non.
21 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé d'un char ou d'un
22 tank, quels insignes portait ce tank ?
23 Mlle Christie (interprétation). - Il y avait ce damier rouge et
24 blanc sur le côté.
25 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également parlé de huit
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1 commerces musulmans au moins qui avaient été détruits dans le village de
2 Kiseljak. Quelle était la distance approximative qui séparait ces
3 commerces détruits et le quartier général du colonel Blaskic, la caserne
4 de l'armée de Kiseljak ?
5 Mlle Christie (interprétation). - En fait, ils étaient
6 disséminés dans toute la ville, entre un demi-kilomètre et un kilomètre de
7 distance par rapport au quartier général du HVO.
8 M. Harmon (interprétation). - Passons maintenant à votre visite
9 du 29 avril jusqu'au 3 mai. Dites-nous d'abord pourquoi vous êtes
10 retournée sur les lieux.
11 Mlle Christie (interprétation). - Nous sommes restés en contact
12 téléphonique avec la Forpronu à Kiseljak. C'était là notre seul moyen
13 d'obtenir des informations sur ce qui s'était passé dans la zone. D'après
14 les informations que nous avons reçues... Je crois que nous lui avons
15 téléphoné le 21 ou le 22 avril et la Forpronu nous a dit qu'il y avait eu
16 beaucoup d'affrontements et d'activités militaires dans la zone de
17 Visnica. Par conséquent, nous avons décidé de repartir sur les lieux afin
18 d'observer ce qui s'était passé et de terminer notre film également.
19 Nous sommes allés en passant par Mostar jusqu'à Kiseljak.
20 Lorsque nous sommes arrivés à Visnica, le village était complètement
21 fermé, isolé par des points de contrôle du HVO. Nous ne savions pas
22 véritablement quelle situation y régnait. Nous sommes donc repartis à la
23 base de la Forpronu, puis nous sommes rentrés deux jours plus tard à
24 Visnica. Nous étions accompagnés par le bataillon canadien.
25 L'anthropologue qui était avec nous connaissait très bien le village, elle
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1 y avait vécu pendant quinze mois. Nous aussi, nous le connaissions après
2 le temps que nous y avions passé. Nous sommes donc retournés au village
3 avec ce bataillon canadien et, en parcourant les rues de Visnica, nous
4 avons vu que toutes les maisons musulmanes avaient été détruites. Il y
5 avait une maison croate, une maison musulmane et une maison croate. La
6 maison musulmane du milieu, entourée de ces deux maisons croates, avait
7 été détruite ou elle avait subi des dégâts importants et parfois même elle
8 avait été incendiée. La mosquée avait également subi des dégâts très
9 importants. De nombreuses maisons musulmanes où nous avions filmé avaient
10 été entièrement détruites et, d'après l'état des lieux, d'après l'état des
11 maisons que nous connaissions bien, il était clair que les gens avaient dû
12 se dépêcher, s'enfuir très rapidement sans avoir le temps de prendre quoi
13 que ce soit. Puis, dans tout le village, nous avons vu des maisons
14 musulmanes qui avaient été détruites.
15 Je voudrais ajouter qu’on nous a arrêtés à ce moment-là dans le
16 village et que, là encore, nous avons remontré l'autorisation que nous
17 avions utilisée précédemment. Nous ne sommes restés qu’une heure environ
18 dans le village. Nous avons vu au plus dix Musulmans bosniaques, notamment
19 une femme âgée qui était sénile, nous le savions, et sa famille n'avait pu
20 la persuader de partir. Certains réfugiés étaient également venus à
21 Visniza, en tant que réfugiés et n'avaient pas continué leur chemin. Mais
22 au plus, je crois qu'il y avait dix personnes musulmanes dans le village.
23 Nous avons voulu parler à Savka. Vous le verrez dans le film,
24 c'était une femme Croate que nous connaissions bien. Nous étions venus
25 chez elle à plusieurs reprises. Nous lui avons demandé ce qui s'était
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1 passé. Elle a déclaré que les maisons musulmanes avaient été incendiées.
2 Elle a également expliqué que les Croates avaient été prévenus, qu'ils
3 savaient à l'avance ce qui allait se produire. C'est pourquoi les Croates
4 étaient partis ainsi que leurs familles.
5 M. Harmon (interprétation). - Vous a-t-elle dit qui avait
6 incendié les maisons musulmanes ?
7 Melle Christie (interprétation). - Elle nous a dit que c'étaient
8 les soldats croates qui l'avaient fait.
9 M. Harmon (interprétation). - Vous a-t-il semblé que la
10 destruction avait été systématique, que les maisons musulmanes avaient été
11 visées dans le village de Visniza, tous les bâtiments et toutes les
12 granges ?
13 Melle Christie (interprétation). - Oui, effectivement, ce
14 n'était pas improvisé, ce n'était pas au hasard. A Visniza, ce qui est
15 intéressant, c'est que les maisons croates et musulmanes sont mélangées.
16 Par conséquent, on voyait clairement que c'étairnt les maisons musulmanrs
17 qui avaient été visées alors que les maisons croates avaient été laissées
18 intactes. Sur une même route, on voyait les maisons musulmanes qui avaient
19 été détruites et les maisons croates qui ne l'avaient pas été. Nous avons
20 demandé à Slavka si une maison Croate ou une autre avait effectivement
21 subi des dégâts et elle a répondu qu'il y avait peut-être eu une grange ou
22 deux, mais en tout cas pas de maison.
23 M. Harmon (interprétation). - Nous allons passer ce film dans
24 quelques instants intitulé : "Nous sommes tous des voisins", le film que
25 vous avez tourné. Je voudrais que vous résumiez brièvement le film pour
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1 les juges. Par la suite, je vous poserai un certain nombre de questions
2 sur certains points du film afin que nous ayons bien à l'esprit ce que ce
3 film va nous dire. Pouvez-vous donc nous résumer quelle était la teneur de
4 ce film ?
5 Melle Christie (interprétation). - Ce film dure 50 minutes.
6 Comme je l'ai dit, c'est une perspective anthropologique qui a été
7 adoptée. C'est une tentative de bien comprendre ce qu'ont vécu les gens du
8 village et d'entendre leur témoignage. Ce film couvre les trois premières
9 semaines de notre présence et nous avons voulu montrer la progression d'un
10 village dans lequel les gens étaient encore voisins ; ils se rendaient
11 dans les maisons les uns des autres et, trois semaines et demie par la
12 suite, ceux-ci avaient complètement changé. Les patrouilles du HVO étaient
13 beaucoup plus régulières dans le village. On pensait que le HVO avait
14 placé certaines armes au-dessus du village. Par conséquent, les
15 40 premières minutes du film montrent ce qui s'est produit, cette
16 évolution au cours des trois semaines et demie. Puis, par la suite, nous
17 sommes rentrés en Grande-Bretagne et ce que vous voyez dans les
18 10 dernières minutes, c'est notre retour sur place. Nous sommes restés, à
19 notre retour, une heure dans le village de Visniza. Nous avons également
20 interviewé certains des Musulmans qui s'étaient enfuis du village et qui
21 se trouvaient à Visoko ainsi que dans d'autres régions à l'extérieur de
22 Kiseljak. Les dernières 8 minutes sont consacrées au récit de ces
23 personnes sur les événements qui se sont produits durant ces trois jours
24 lorsque, comme ils le disent, le village a été détruit.
25 M. Harmon (interprétation). - Au cours de la diffusion de ce
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1 film, n'hésitez pas à formuler des commentaires si vous le souhaitez. Mais
2 avant, quelques questions : le film, en soi, montre les quelques
3 villageois musulmans qui participaient à ces patrouilles n'est-ce pas ?
4 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
5 M. Harmon (interprétation). - Le film montre également un
6 Bosnien qui s'appelle Nurija, qui est le personnage principal, le musulman
7 principal de ce film. On voit cet homme qui monte la colline, qui est armé
8 et on le voit redescendre après. Où cela a-t-il été filmé ?
9 Mlle Christie (interprétation). - A l'extérieur de Sarajevo.
10 Nous avons filmé cet homme en train de sortir du village. Ensuite, il est
11 monté dans un bus - mais, cela, nous ne l'avons pas filmé - qui l'emmène
12 vers la ligne de front à Sarajevo. En effet, il luttait contre les forces
13 serbes. Il s'agit donc du contexte dans lequel nous l'avons filmé alors
14 qu'il était sur la ligne de front.
15 M. Harmon (interprétation). - Eh bien, au cours de la diffusion
16 du film, n'hésitez pas à nous dire où sont ces différentes lignes de front
17 et ces différentes positions, si elles sont à Sarajevo ou à Visnica,
18 simplement pour clarifier les choses.
19 Je voudrais maintenant vous parler d'une séquence où l'on voit
20 un homme bosnien qui a un talkie-walkie. Vous en souvenez-vous ?
21 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
22 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges qui est
23 cette personne, à quel groupe ethnique il appartenait et ce qui s'est
24 passé ?
25 Mlle Christie (interprétation). - C'était un Musulman bosnien
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1 qui allait à la ligne de front tous les dix jours et nous l'avons filmé
2 dans un salon. Il utilisait un talkie-walkie à ce moment-là. Le
3 30 janvier, il a été arrêté pendant quelque 4 à 5 heures et son talkie-
4 walkie a été réquisitionné. D'après ce que j'ai compris, au cours des deux
5 semaines et demi suivantes, alors que nous étions sur les lieux, il
6 n'avait plus de talkie-walkie.
7 M. Harmon (interprétation). - Qui le lui a pris ?
8 Mlle Christie (interprétation). - Le HVO. Excusez-moi, je tiens
9 à préciser qu'il a été arrêté par le HVO également.
10 M. Harmon (interprétation). - Il y a également une séquence du
11 film au cours de laquelle la soeur d'une femme, Slavka, apparaît. Elle a
12 l'air bouleversée et elle décrit des événements au cours desquels des
13 Musulmans ont attaqué son village et la zone environnante. Que s'est-il
14 passé, qu'est-il arrivé à cette femme ?
15 Mlle Christie (interprétation). - La soeur de Slavka, vous la
16 verrez, elle porte un vêtement rouge dans le film, est arrivée toute
17 paniquée à la maison de Slavka. Elle avait entendu dire qu'ils allaient
18 attaquer son village. Son village se trouvait à quelque 20 kilomètres
19 d'ici. Donc elle s'était enfuie et elle avait décidé de venir loger chez
20 sa sœur, Slavka. Psychologiquement, c'était un moment très important parce
21 que c'est le moment où elle a paniqué, littéralement.
22 Nous sommes retournés à la maison de Slavka deux jours plus tard
23 et, à ce moment-là, nous avons compris qu'en fait sa soeur était retournée
24 chez elle, que la rumeur selon laquelle une attaque allait être lancée
25 n'était pas fondée et qu'il n'y avait aucun problème. En fait, elle avait
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1 très peur pour son frigidaire, elle avait peur qu'on abîme son frigidaire.
2 C'est pourquoi je m'en souviens si bien. Elle était donc retournée chez
3 elle mais il n'y avait eu aucun dégât dans sa maison. Slavka a confirmé
4 cela parce que, lorsque Slavka elle-même a fui de Visnica, elle est allée
5 loger chez sa sœur, donc la maison de sa soeur était intacte à ce moment-
6 là.
7 A un moment donné, dans le film, on a l'impression que la maison
8 de la soeur de Slavka a été détruite mais, en fait, nous découvrons par la
9 suite que sa maison n'a pas été détruite et que, d'ailleurs, Slavka va y
10 loger plus tard. Il y a peut-être un autre commentaire que je pourrais
11 ajouter. A la fin du film, on voit une image, il y a un cheval mort. C'est
12 la seule image qui n'a pas été filmée à Visnica. Elle provient d'un
13 village différent, au cours de la patrouille organisée par les Nations
14 Unies que nous avons accompagnée.
15 M. Harmon (interprétation). - C'était à Gomionica ?
16 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
17 M. Harmon (interprétation). - Si vous avez l'intention de faire
18 des commentaires sur une séquence du film et si vous pensez que ces
19 commentaires sont pertinents, n'hésitez pas. Je demanderai que la lumière
20 soit tamisée et que le film soit diffusé.
21 L'interprète. - Monsieur le Président, les interprètes
22 françaises précisent qu'elles n'ont pas de retranscription de ce qui est
23 dit au cours de cette séquence vidéo et qu'elles feront du mieux qu'elles
24 pourront au vu des circonstances.
25 M. le Président. - Merci.
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1 Mlle Christie (interprétation). - Le monde en disparition porte
2 sur les relations entre les différents membres d'une famille en Bosnie.
3 Huit semaines après la fin du film, des violences ont éclaté. Il s'agit
4 d'une émission que nous avons faite en début d'année, suivie du film que
5 nous avons fait au cours de notre retour sur les lieux, la semaine
6 dernière.
7 Diffusion du premier extrait de la cassette vidéo :
8 « Un petit village en Europe, en janvier 1993. A quelque
9 50 miles de la ligne de front. Il y a encore deux ans, ce village était un
10 lieu très populaire et très touristique. Seul indice de la guerre, le son
11 des pilonnages provenant de Sarajevo. En quelques semaines seulement en
12 Bosnie nous avons vu les effets de la guerre sur les relations humaines
13 dans les familles et dans les amitiés. Pendant que nous étions sur les
14 lieux, une évolution a eu lieu, les familles se sont divisées et les
15 voisins sont devenus des ennemis. Même si le son des pilonnages nous
16 accompagne, cette famille pense que leur village est encore pacifique, en
17 paix. Même aujourd'hui, les relations entre les voisins, entre les Croates
18 et les Musulmans, sont bonnes.
19 -C'est la même chose qu'avant en ce qui concerne les relations
20 de voisinage... Nous devons nous entendre... Aucune personne saine de
21 corps et d'esprit ne pourrait commettre des atrocités ici parce que nous
22 devons vivre ensemble ici.
23 -C'est comme cela que vous avez toujours vécu ?
24 -Oui, toujours. C'est ainsi que va la vie, c'est la Bosnie. Nous
25 devons vivre les uns à côté des autres, les Croates et les Musulmans.
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1 C'est comme cela qu'est la Bosnie... La Bosnie ne peut pas être
2 différente. Bien sûr, nous avons trois nationalités, il y a également des
3 Roumains et des Juifs et ceux-là doivent vivre ensemble. Nous avons vécu
4 ensemble pendant des années et ce sera la même chose à l'avenir, c'est
5 sûr. Mais peut-être que les Serbes ne pourront pas nous regarder droit
6 dans les yeux. Ouh, c'est juste un petit peu brûlé... Mais ils auront
7 honte de ce qu'ont fait leurs extrémistes... Mais, parmi les Serbes, il y
8 a des gens tout à fait honorables et il faudra qu'ils traduisent leurs
9 extrémistes devant la Justice.
10 Nurija a travaillé dans une entreprise de bicyclettes à Sarajevo
11 mais cela fait dix mois que ce n'est plus le cas.
12 -C'est ce que vous faites au lieu d'aller travailler à
13 Sarajevo ?
14 -Il fallait que je le fasse même quand j'allais travailler à
15 Sarajevo, il fallait que je coupe du bois.
16 -Mais vous avez plus de temps maintenant, n'est-ce pas ?
17 -Oui, c'est pour cela que nous emmagasinons le bois dans la
18 cave. Il y a du bois partout, j'en ai au moins pour l'année prochaine
19 aussi. J'ai tellement de temps, je peux faire beaucoup.
20 -Quelle est votre préoccupation principale ?
21 -J'ai peur que la situation puisse changer ici. C'est ce qui
22 m'inquiète le plus. Tout m'inquiète, tout. Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce
23 qu'on a entendu ? Quoi ? Quoi ? Ah, des coups de feu, non c'est rien.
24 Nurija attend qu'on l'appelle. Tous les 10 jours, il rejoint
25 l'armée bosniaque sur la ligne de front en tant que réserviste. Il défend
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1 la ville où il avait travaillé, il la défend contre l'attaque Serbe.
2 -Vous pouvez entendre le pilonnage ?
3 -Ici ? Les fenêtres vibrent quand il y a des coups de feu et
4 quand il y a le pilonnage. Mais j'espère que cela s'améliorera. C'est ce
5 que tout le monde espère. Qu'est-ce qui va se passer ? Est-ce que notre
6 présidence va parvenir à un accord ? Je ne crois pas. Ils ne pourront
7 jamais satisfaire les exigences de Karadzic. Et s'ils se mettent d'accord,
8 cela va être forcément des mauvaises nouvelles pour tout le monde.
9 L'école est fermée. Il y a encore des enfants qui jouent dans le
10 village. Mais Nurija et Nusret ont envoyé leur fils de 13 ans dans un lieu
11 sûr, dans la famille de leur fille qui est mariée. Le village est un
12 village mixte, il y a deux tiers de Musulmans et un tiers de Catholiques.
13 Slavka est Catholique. Comme toutes les femmes du village, elle essaie de
14 vivre une ville normale dans le village.
15 -Vous savez comment on tient une maison ? Eh bien, les femmes
16 sont les trois piliers de la maison, les femmes ont plus à faire, bien
17 plus, que les hommes.
18 -Vous avez plus de préoccupations ?
19 -Bien sûr.
20 -Et les hommes vont à la guerre ?
21 -Les hommes vont à la guerre, oui. Les femmes restent à la
22 maison où il faut qu'elles luttent pour les hommes, pour la terre et pour
23 le bétail. Nous faisons des centaines de choses et il n'en font qu'une. Et
24 puis, ils sont payés, en plus. Moi, je ne cesse de courir toute la
25 journée, je lave, je repasse, je m'occupe des animaux, je m'occupe de la
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1 ferme, nous avons tout à faire, c'est comme cela.
2 Dans le combat sur l'ex-Yougoslavie, c'est la Bosnie qui est au
3 centre des hostilités. Le village se situe au coeur de la Bosnie. Coincée
4 entre la Serbie et la Croatie, la Bosnie a toujours été habitée par des
5 Croates, des Serbes et des Musulmans. Et dans cette lutte pour la Bosnie,
6 les Croates et les Musulmans se sont alliés contre leur ennemi commun, les
7 Serbes. Maintenant, chaque groupe subit une grande pression.
8 Une femme musulmane du village, Remzja visite régulièrement un
9 autre membre de la famille et elle reconnaît que les différences de
10 religion existent, les différences de vie. Mais la relation avec ses
11 voisines est très importante et cela fait quarante ans qu'elles vivent
12 l'une avec l'autre. Elles pourraient être seules. Toutes les deux sont
13 Slaves mais il y a 500 ans, certaines familles se sont converties à
14 l'islam et d'autres sont restées dans la voix du catholicisme.
15 -Avez-vous demandé des nouvelles de votre famille hier ?
16 -Ils sont vivants. Tant qu'ils sont vivants... Ce que Dieu
17 veut.. il faut suivre la volonté de Dieu. Quoi qu'il puisse arriver, nous
18 continuerons à boire notre café ensemble. Et ce que nous avons fait par le
19 passé, nous continuerons à le faire à l'avenir. C'est grâce à vous surtout
20 que nous sommes là où nous sommes. Vous avez donné la nourriture à mes
21 enfants...que pouvais-je faire d'autre ? Le petit garçon est arrivé, il
22 n'avait rien... Je vous remercie. Et je lui ai dit : "Si tu as besoin de
23 quoi que ce soit, eh bien, fais-moi signe, je suis là. Et nous diviserons
24 le kilo de farine en deux."
25 L'anthropologue Tuna Briga a passé quinze mois dans le village,
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1 il y a cinq ans de cela. Aujourd'hui, elle regarde les évolutions, elle
2 regarde la situation des Catholiques et des Musulmans. C'est la première
3 fois qu'elle se retrouve dans le village depuis le début de la guerre.
4 -Il n'y a donc aucune différence aujourd'hui ? Qu'est-ce qui se
5 passe ?
6 -Non, mais enfin chacun a sa façon de prier Dieu. Nous avons la
7 nôtre et ils ont la leur.
8 -Donc, quelle est la vraie différence qui existe ?
9 -Eh bien, eux, ils ont un seul Dieu et n'en n'ont pas plusieurs.
10 Toutes les femmes du village espèrent et attendent. Les hommes,
11 eux, tâchent de s'occuper, ils scient du bois. Nurija n'est pas habitué à
12 faire tous les travaux domestiques.
13 -Allez, allez, qu'est-ce que tu as ?
14 -Ah non, pourquoi est-ce qu'il faudrait que les gens me voient
15 faire la lessive !
16 -Allez, laisse-leur voir ce qu'un homme moderne peut faire, ce
17 qu'un Bosniaque moderne peut faire ! Les gens diront : « Les hommes sont
18 stupides dans ce village. Ils font tout le travail. ».
19 L'incertitude devient une réalité presque quotidienne dans le
20 village. Les villageois ne savent pas quelle sera la place qui leur sera
21 réservée dans le plan Vance Owen, en cours de négociations à Genève.
22 Dans la soirée, les villageois se retrouvent dans les domiciles
23 des uns et des autres. Les journaux télévisés, qui intéressaient peu la
24 population il y a quelques années, deviennent un centre d'intérêt majeur.
25 Nurija et Nusret et leurs amis musulmans sont très inquiets de
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1 ce plan qui va diviser la Bosnie. Le problème principal, ce sont ces
2 provinces dont ils parlent. Je doute que les négociations aboutissent. Ils
3 espèrent faire partie de la province neutre de Sarajevo parce que leurs
4 villages se trouvent juste à la ligne de séparation. »
5 Mlle Christie (interprétation). - Voici la radio talkie-walkie
6 dont je parlais il y a quelques instants et qui leur a été confisquée.
7 « Cet homme consulte ses troupes et se demande s'il doit aller
8 combattre. »
9 Mlle Christie (interprétation). - La scène se passe sur la ligne
10 de front à Sarajevo.
11 « Voici la ligne de front des Musulmans en Bosnie. Nouria a
12 rejoint les rangs mal équipés de l’armée du gouvernement de Bosnie. »
13 Mlle Christie (interprétation). - Toute cette séquence a été
14 filmée juste en dehors de Sarajevo. Tout cela se passe toujours à
15 l'extérieur de Sarajevo.
16 « Dans le village, les femmes se réfugient dans la mosquée pour
17 prier pour l'âme des morts. L'Islam ici a ses particularités. Il est
18 pratiqué d'une certaine façon par ces femmes musulmanes de Bosnie. Comme
19 nombre de religions européennes, ce sont surtout les femmes âgées qui la
20 pratiquent mais, aujourd'hui, l'assemblée est nombreuse. Elles invoquent
21 le nom de Dieu quatre-vingt-dix-neuf fois. »
22 Mlle Christie (interprétation). - Nous sommes maintenant à
23 Sarajevo sur la ligne de front.
24 « Nous espérons que tout cela se terminera le plus tôt possible.
25 Le plus tôt sera le mieux et cela devrait nous permettre de rendre la
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1 justice, dit l'homme en tapant sur son fusil. Tout cela doit arriver à une
2 fin. Comment faire avec de simples fusils contre des tanks et contre des
3 transporteurs de troupes ? Nous ne savons pas comment tout cela va finir.
4 Je crois que, avec l'aide de Dieu, nous pourrons les battre rapidement.
5 Les femmes prient surtout pour ceux qui sont morts pendant les combats »
6 Mlle Christie (interprétation). - Nous sommes toujours à
7 Sarajevo sur la ligne de front.
8 « Quelle est cette marque de cigarettes ? Des Colombo. Voilà ce
9 qu’est la vie parmi nous, parmi les combattants. Cela fait huit mois qu'on
10 est ici et peut-être que cela va encore durer. Qui sait combien de mois
11 nous allons encore passer ici ! Peut-être que cela ne durera pas
12 longtemps, peut-être jusqu'au Nouvel An. Mais quel Nouvel An ?
13 Allez, on y va. Prend mon bras... Regarde, il y a du
14 verglas... »
15 Mlle Christie (interprétation). - Les hommes reviennent de la
16 ligne de front de Sarajevo vers le village.
17 « Les amis de Nouria et Nousreta se retrouvent pour la soirée.
18 Nouria a reçu trente kilos de farine et un litre d'huile. Voilà toute
19 l'aide que nous avons reçue en dix mois : trente kilos de farine et un
20 litre d'huile. Voilà ce que nous avons obtenu du conseil. C'est tout. Et,
21 hier seulement -nous parlions de cela avec Nousreta-, six boîtes de
22 conserves, deux litres d'huile, deux kilos de sucre et quinze kilos de
23 farine. Voilà tout ce que nous avons obtenu depuis le début de la guerre.
24 Que se passerait-il si l'entreprise cessait de fonctionner maintenant ?
25 Comment arriverions-nous à survivre alors que nous n'avons déjà pas de
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1 quoi nous acheter à manger ? Nous n'avons même pas obtenu de salaire
2 pendant les trois ou quatre premiers mois. Mais notre directeur s'est
3 battu pour obtenir de la nourriture pour nous, du bouillon, des épices, de
4 la farine. Il a essayé de nous aider.
5 De plus en plus, les habitants ont peur, ils ont peur de se
6 rendre au marché du village. Moi, j'ai peur d'y aller. Et, au travail,
7 j'ai entendu dire que... Toi tu iras à Kiseljak, c’est cela ? Kiseljak.
8 Mais je n'ose pas descendre là-bas. Lorsque nous rentrons chez nous, les
9 personnes demandent : « quelles sont les nouvelles là-bas ? »
10 Le jour se lève.
11 Sabina et Chureta font partie des quelques villageoises du
12 village qui continuent à travailler. Elles ont 4 miles à parcourir pour
13 travailler. Et, aujourd'hui, faire ce parcours équivaut à un véritable
14 défi. Slavka, elle aussi, a décidé de sortir pour voir s'il y a le marché
15 aujourd'hui. Elle a besoin d'un certain nombre de choses, du lait
16 notamment.
17 Comment expliquer ce qui se passe ? Nous avons un peu peur mais
18 nous y allons. Cela dit, nous ne savons pas ce qui va se passer. Nous ne
19 savons pas si nous aurons la possibilité de retourner travailler ou pas.
20 Qu'est-ce qui a changé ? C'est très différent mais, en tout cas, quand on
21 travaille, c'est un peu plus facile. C'est plus facile de vivre quand on
22 est entouré. On échange nos pensées, on discute, etc.
23 Slavka, qui est catholique elle aussi, est un peu inquiète vis-
24 à-vis du chemin à parcourir. Son mari est à ses côtés. Si seulement tout
25 cela pouvait s'apaiser, si seulement nous pouvions nous déplacer sans
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1 angoisse et sans problème ! Le bus arrive et il emmènera Sabrina et
2 Kouchreta à Kiseljak.
3 Nombreux sont les soldats qui se trouvent à Kiseljak ». (Fin de
4 la première partie du documentaire).
5 Diffusion du deuxième extrait de la cassette vidéo :
6 « Aujourd'hui, le marché est à l'extérieur. La nuit a été
7 marquée par de nombreuses violences à Kiseljak. Les magasins musulmans ont
8 été la cible de plusieurs attaques... Slavka retrouve sa mère dans un
9 marché constitué de peu d'étals. Seule les catholiques viennent vendre
10 leur bien. Les forces de défense Croates, qui sont catholiques, ont pris
11 le contrôle de la ville.
12 Sur nombre de bâtiments, on peut voir le drapeau Croate qui...
13 Cependant, le nationalisme exacerbé qui est à l'origine des combats ne
14 veut pas dire grand-chose, ne signifie pas grand-chose pour une grande
15 partie de la population. C'est comme si une partie de la population était
16 saisie de spasmes. Les gens sont devenus extrêmement introvertis, on ne
17 peut plus se détendre. On est tous soumis à cette pression, quelle que
18 soit notre nationalité. Nous avons tous peur et la panique règne.
19 Est-ce qu'auparavant la question de la nationalité était aussi
20 importante ?
21 Non. Moi, je suis toujours effrayée lorsque j'entends les gens
22 dire, spontanément ou délibérément : "Notre peuple ou leur peuple", moi
23 cela me terrorise et vraiment, je ne sais plus quoi dire dans ces cas-là.
24 J'en reste sans voix.
25 A un moment, nous faisions partie d'une troupe de danse
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1 folklorique et la nationalité à laquelle vous apparteniez ne faisait
2 aucune différence. Les villageois sont désespérés, ils attendent
3 absolument la confirmation des rumeurs qui circulent et afin d'obtenir des
4 informations ils écoutent les informations sans arrêt à la radio. Mais
5 toujours aucune nouvelle du secteur où leur fils de 15 ans a été envoyé.
6 Autrefois, les personnes se déplaçaient dans la région pour
7 obtenir des nouvelles de leur famille. Aujourd'hui, c'est très difficile.
8 Dès que des réfugiés arrivent dans le village, Nusret leur rend visite.
9 Elle leur rend visite par sympathie, mais aussi pour essayer d'obtenir
10 tout type d'information sur la guerre ou sur ce qui est arrivé à ses
11 proches musulmans.
12 Dites-moi, est-ce que certains des membres de votre famille ont
13 été tués ?
14 Oui, ma fille a été tuée, ma nièce, mon neveu et d'autres
15 proches ont également été tués. Lorsque nous nous sommes enfuis, le
16 9 juillet, 28 personnes, jeunes et âgées, ont été laissées derrière. Ils
17 ont tous été massacrés, tous massacrés. Pas un seul n'a survécu. Ils ont
18 mis le feu à tout, tout ce qui nous permettait de vivre. Tout a été
19 détruit, surtout autour de Rodakiza*. Tout le monde a été massacré et
20 abattu. Ils ne nous ont même pas permis d'enterrer les morts. Nous avons
21 dû partir, les laisser là.
22 Vous n'avez pas été autorisés à enterrer vos morts ?
23 Non. Certains ont essayé de les enterrer, mais ils n'ont pas pu
24 le faire. Ils ont essayé pendant 3 jours, mais cela n'a pas été possible
25 et les corps ont commencé à se décomposer dans la rue. C'est ainsi que
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1 cela s'est passé.
2 Nous étions à peine vêtus et ils nous ont fait sortir de la
3 ville à la nuit tombée. 600 à 800 femmes, des enfants également ont été
4 sauvés et les 28 qui n'ont pas pu partir ont tous été massacrés.
5 Le pilonnage et le bruit du pilonnage se rapproche. Les combats
6 que les villageois peuvent entendre aujourd'hui opposent les Croates aux
7 Musulmans. C'est très difficile à supporter parce qu'il y a des explosions
8 jusqu'à Kacuni et Busovaca. Les Croates sont en train de viser les maisons
9 musulmanes. Vingt maisons musulmanes brûlent déjà. Nombreuses sont les
10 personnes qui se sont enfuies vers la région de Visoko. Moi, j'ai peur que
11 la même chose nous arrive ici, parce que cela se passe juste à côté.
12 A quelle distance ?
13 Je crois que c'est à environ 4 kilomètres au-delà du carrefour,
14 là où il y a les forces de défense Croate. Ils ont établi un lance
15 roquette, il fait face aux villages musulmans. C'est dans le secteur de
16 Kacuni.
17 Et s'ils venaient ici, d'après vous qu'arriverait-il ?
18 Rien de bon. Nous sommes tous voisins, et il faudra bien que
19 nous vivions ensemble après tout cela. Après que tout cela se soit passé.
20 La seule chose qui me désole, c'est que mes enfants se trouvent de l'autre
21 côté, là-bas, à Visoko. Et si quelque chose arrive demain, est-ce que
22 j'arriverai jamais à les revoir ?
23 Que ma maison parte, que ma tête parte, mais moi, ce qui me
24 préoccupe vraiment ce sont les enfants. Si quelqu'un arrivait, là
25 maintenant, à la porte, si quelqu'un de la défense Croate arrivait, s'il
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1 dit à Nurija : "Donne-moi ton fusil", un fusil qu'il a dans les mains
2 depuis 15 ans, bien sûr qu'il ne le donnerait pas, et bien sûr qu'il y
3 aurait peut-être des échanges de coups, mais Nurija ne donnerait jamais
4 son fusil.
5 Nurija et Nusret, très préoccupés, décident de passer de l'autre
6 côté de la montagne pour essayer de voir leur fils. En chemin, ils
7 rencontrent des gens qui s'enfuient dans toutes les directions. Personne
8 ne peut dire avec précision où l'on peut aller pour se retrouver en
9 sécurité. Leur fils vit chez leur fille qui vient de se marier.
10 Le secteur où vivait le petit garçon a été la cible de nombreux
11 combats. Certains Musulmans, une fois les combats passés, considèrent que
12 ce village est désormais un endroit sûr. Mais le fils de Nurija Nusret qui
13 a 13 ans a très envie de rentrer chez lui ; les parents le reprennent avec
14 eux.
15 (Le témoin précise qu'il s'agit du village de Visoko)
16 Vous étiez préoccupé par ce qui se passait là-bas ?
17 Oui, bien sûr. Nous avons été demander aux réfugiés ce qui se
18 passait ici. L'un d'entre eux nous a dit que vous aviez tous été égorgés
19 par les Croates.
20 Ne dit pas des choses comme cela. Ils ne feront rien.
21 Vous aviez peur n'est-ce pas ? Tu voulais aller avec Hazim ? Si
22 vous n'étiez pas venu, je crois que nous serions venus vous retrouver.
23 Oui, la situation était tendue mais rien ne va se passer. Vous pouvez
24 jouer tranquillement, toi tu peux allez voir tes grands-parents, si tu
25 veux. Ils t'ont manqué ? Oui, ils m'ont manqué. On est mieux à la maison.
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1 Les nouveaux combats entre les musulmans et les Croates ont
2 chassé nombre de personnes, notamment la soeur de Slavka qui a fui de sa
3 maison à 10 kilomètres de là, lorsque les soldats y sont venus. C'est un
4 moment crucial. Les personnes qui ont commis ces actes ne sont pas des
5 Serbes mais des Musulmans.
6 J'ai tout ce qu'on peut désirer dans ma maison. Je ne vais pas
7 travailler. Moi, tout ce que j'attends c'est de voir ce qui va se passer.
8 Mon congélateur est plein, j'ai de la viande, j'ai tout ce dont on peut
9 avoir besoin. »
10 Mlle Christie (interprétation). - C'est la personne dont je
11 parlais tout à l'heure qui est revenue chez elle deux jours plus tard, et
12 sa maison était encore intacte.
13 « Moi, je m'attendais au pire. Je n'avais aucune force, aucune
14 capacité à faire face. Des personnes qui sont innocentes, qui n'ont pris
15 parti pour aucun des deux côtés, qui n'ont pris parti pour aucune des
16 deux armées en présence. Moi, pendant 13 ans j'ai reçu une indemnisation à
17 cause de mon opération du coeur et je n'ai pas besoin que qui que ce soit
18 vienne me provoquer... Dieu merci, vous êtes arrivé... Mais s'il arrive
19 quoi que ce soit aux maisons et aux personnes, qu'allons nous faire ? Nous
20 ne savons pas si nous sommes en sécurité ici après tout. Demain, peut-être
21 bien qu'il faudra que nous partions. La volonté de Dieu sera faite. La
22 ville de Kiseljak est déserte. Les postes de contrôle ont été établis sur
23 les axes principaux ».
24 Diffusion du troisième extrait de la cassette vidéo :
25 "L'armée croate essaye d'affirmer son contrôle sur le village
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1 peuplé en majorité de Musulmans. Deux femmes, qui se sont enfuies de
2 Sarajevo avec leurs enfants pour retrouver la sécurité dans le village,
3 sont aujourd'hui terrifiées.
4 Qu'est-ce que tu regardes ? Je regarde la meule de foin, tu
5 sais, là où ils ont creusé hier. Cela se trouve là-haut, tu sais ? Là où
6 est la meule. C'est ce que je regarde. Des soldats croates ont installé
7 leurs canons qui surplombent le village. Une femme : ils ont creusé des
8 tranchées. Ils peuvent viser sur les nôtres, oui, les Musulmans. Sur les
9 voisins... Tu sais bien comment cela se passe... Papa est allé au magasin
10 hier et il y avait des gens qui lui disaient "bonjour" jusqu'à hier et
11 qui, aujourd'hui, ne les regardent même plus... Voilà comment cela se
12 passe... Que veux-tu ? Eux, ce qu'ils veulent, c'est l'Herceg-Bosna...
13 Mais tu es né ici Zahida*... Quelles étaient tes relations avec les
14 voisins ?... Nous nous entendions toujours très bien les uns avec les
15 autres mais comment est-ce que tout peut changer comme cela en si peu de
16 temps ? Eh oui, c'est vraiment difficile à comprendre que les choses
17 puissent changer de cette façon.
18 Les hommes se rassemblent dans la mosquée du village. La
19 nouvelle se répand que quatre hommes du village ont été arrêtés par le HVO
20 qui apparemment essaye d'affermir son contrôle sur la région. Un décret
21 est passé qui interdit à plus de trois hommes de se rencontrer dans les
22 rues et chacun ici se demande s'il sera possible ou pas d'enfreindre cette
23 interdiction. Ils racontent quelque chose, ils disent qu'il y a eu des
24 explosions et des mines. C'est ce matin qu'on a commencé à raconter cela,
25 mais je pense que cela s'est passé hier soir. Oui, hier soir sans doute...
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1 Ce matin, ce dont on parle, c'est le petit jeune qui s'est fait descendre.
2 Il a sauté sur une mine apparemment.... C'était le fils de qui ?...
3 Est-ce que les gens ont le courage d'aller chercher de l'aide ?
4 Ils nous ont interdit de nous réunir et de nous rassembler. Mais
5 pourquoi ? C'est interdit, je ne sais pas pourquoi, nous ne savons pas
6 exactement pourquoi ; en tout cas nous n'avons pas le droit.
7 C'est la suspicion. Tout le monde à peur, tout le monde essaye
8 de rentrer à la maison le plus vite possible, le plus tôt possible au cas
9 où quelque chose commencerait... Nurija et ses voisins musulmans les plus
10 proches ont décidé d'organiser une patrouille pour protéger les maisons
11 toutes les nuits....
12 Tu as pris tes gants ? Non je ne les ai pas pris mais je les
13 prendrai en partant. Comme une majorité d’hommes, il a un fusil chez lui
14 qui date de l'époque où il faisait partie des forces de réserve de la
15 Yougoslavie.
16 La menace ne vient plus de l'ennemi serbe extérieur sur la ligne
17 de front, mais vient des Croates, vient des villages, des voisins dans le
18 village même.
19 Pendant que les hommes partent en patrouille, les femmes se
20 réunissent à la maison et Nuzreta essaye de les égayer un peu.... C'était
21 le bon vieux temps. Aujourd'hui, ce n'est plus comme c'était. Même au
22 début de la guerre, il y avait des chants folkloriques qu'on chantait
23 vraiment spontanément. Cela partait du coeur. Aujourd'hui c'est... Comment
24 je pourrais dire ? C'est un peu difficile. Tout est différent de ce que
25 c'était avant...
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1 Est-ce qu’il y avait quelqu'un ? Non, personne. Nurija et ses
2 voisins se réunissent et partent ensuite deux par deux pour protéger les
3 maisons. La Bosnie, qui a toujours été intégrée, unifiée, est aujourd'hui
4 divisée....
5 ... Et voilà. Maintenant, nous sommes en Croatie, mais nous
6 sommes finalement entre les deux parce qu'il y a un morceau de Croatie et
7 puis, de nouveau, il y a la Bosnie. Oui, c'est comme cela, 6 km de large à
8 peu près. 6 km de Bosnie entre deux morceaux de Croatie, c'est à peu près
9 cela. Là, on est en Bosnie. Regardez... La Bosnie, la Croatie, la
10 Croatie... tu vois ? C'est comme cela. Et maintenant on va commencer à
11 manger ce dessert. On commence par la Bosnie, par la partie du dessert qui
12 est la Bosnie... Non, il ne faut pas le manger parce qu'il faut que la
13 Bosnie reste unifiée....
14 J'ai travaillé vingt ans pour obtenir ce que vous voyez ici qui
15 est ma propriété et je dois garder tout cela. Je dois empêcher que
16 quelqu'un y mette le feu, parce que cela voudrait dire que j'ai travaillé
17 pour rien pendant vingt ans. Si je n'avais pas travaillé, je ne
18 posséderais rien, ma famille non plus. On pourrait partir n'importe où, je
19 ne suis pas le seul, mes voisins aussi, nous devons tous protéger ces
20 biens, ce que nous avons à la maison. Allez, on y va. Lentement...
21 Les catholiques du village se réunissent pour aller à
22 l'église....
23 La liberté du culte existait au temps du communisme yougoslave
24 mais une quelconque expression de nationalisme, elle, était interdite.
25 Aujourd'hui, alors que les combats se rapprochent, les gens se sentent de
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1 plus en plus forcés à se déplacer, Croates ou Musulmans.
2 Etre catholique signifie de plus en plus qu'on se décrit
3 soi-même comme un Croate et l'église devient le centre de la définition de
4 l'identité croate.... Pour Nuzreta* aussi, il devient de plus en plus
5 important de se déclarer, de s'affirmer comme Musulmane bosnienne et, à la
6 radio, on entend de très vieux chants bosniaques....
7 Ce serait difficile pour toi d'aller rendre visite à Slavka
8 aujourd'hui ? Ah oui, c'est sûr. Parce que, écoute... Ce qui se passe là,
9 c'est quelque chose qu'on pouvait peut-être attendre des Chetniks mais
10 qu'on n'attendait pas de nos voisins croates et c'est cela qui me fait le
11 plus mal.
12 Slavka, catholique, et sa mère Anja, échangent également leur
13 point de vue sur la situation.... Ici on était ensemble, on partageait
14 tout, on partageait le bien et le mal. Mais aujourd'hui, vraiment, pour
15 nous, c'est difficile, c'est très difficile. Nous ne pensions pas que les
16 choses évolueraient comme cela. Nous sommes obligés de vivre ici, nous
17 sommes bien obligés de survivre à tout cela, mais on se dit à peine
18 bonjour ou bonsoir. Avant, c'était une obligation, on ne pouvait pas ne
19 pas dire "bonjour" et "bonsoir". Ce sont des gens simples, des voisins,
20 des gens comme nous, évidemment. Mais comment est-ce que, tout d'un coup,
21 on peut vivre une telle transformation ? Comment, du jour au lendemain,
22 est-ce que la séparation s'établit ? L'évolution, je la ressens même à
23 l'intérieur de moi-même et en un jour, du jour au lendemain, je me demande
24 comment c’est possible. Je n'arrive pas à y croire parce qu'avant ce
25 n'était pas comme cela. Sarajevo, Zenica... on était tous bien les uns
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1 avec les autres. Il y avait Travnik. Et, à chaque fois, on se dit que cela
2 ne va pas arriver jusqu'à ce village et tous les jours, les choses
3 avancent et vont plus loin... Anja, viens prendre un peu l'air ; tu ne
4 peux pas rester enfermée...Eremsy voit son amie Anja de l’autre côté du
5 champ. Elle veut avoir des détails.
6 Sors un peu, on veut te voir. La voilà. On m’a filmée ici, donc
7 forcément, il en ressortira quelque chose de bien. Il faut bien que
8 quelque chose de bien en ressorte.
9 Viens, que l’on te voie plus clairement. Sors de ton champ que
10 l’on te prenne en photo.
11 Quarante ans d'amitié entre les deux voisines viennent de
12 s'achever.
13 Eh bien, vant, tout allait bien, il ne me manquait rien. S'il me
14 manquait quoi que ce soit, Angia était tout près. J’avais besoin de café,
15 elle m'en apportait ; elle en avait besoin, je lui en apportais, et cela
16 non plus ne se fait plus. Moi, je pense que si elle pouvait le faire, elle
17 m'apporterait toujours à boire et à manger, mais elle n'a plus le droit.
18 Est-ce que tu es allée chez elle ?
19 Non, je ne vais plus chez elle. Je reste chez moi. Elle ne vient
20 plus me voir non plus.
21 Et est-ce qu'elle vient ici ?
22 Non, c’est déplaisant, c'est gênant pour elle. C'est gênant...
23 Je ne sais pas exactement pourquoi. Peut-être que si on va la voir, elle
24 va penser qu'on l'espionne et, si elle vient ici, on l'accusera
25 d'espionner. Si on n'est pas invité chez elle, on ne peut pas l'inviter
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1 chez nous.
2 Le fils Sakib va de nouveau être renvoyé chez la fille mariée
3 dans un endroit plus en sécurité, qui subit les tirs d'obus mais qui se
4 trouve au moins dans une zone contrôlée par les Musulmans.
5 On viendra te voir, on viendra te voir, ne t'inquiète pas.
6 Les espoirs de paix s'évanouissent de plus en plus. Les parents,
7 la mère et le fils se sont à nouveau séparés.
8 Pouvez-vous me dire pourquoi vous avez envoyé Sakib à Visoko une
9 nouvelle fois ? Tu veux parler, toi ?
10 Je ne peux pas parler. Tu vois bien quelle est la situation. Tu
11 as vu hier soir comment les choses se passent ? Il vaut mieux envoyer
12 notre enfant à l'abri. Si quelque chose doit arriver, il vaut mieux qu'on
13 le subisse sans notre enfant car on s'attend au pire. On ne sait vraiment
14 pas ce qui peut arriver.
15 Est-ce que vous allez partir vous mêmes ?... Non, on restera
16 ici... Et toi, Nousreta, tu voudrais partir ?... Non. Parce que je dois
17 travailler et je dois vivre ici. Pour moi, le plus important, c'est de
18 mettre mon enfant à l'abri, que lui soit ailleurs parce que nous, si nous
19 mourrons, si nous disparaissons, il restera quand même nos deux enfants.
20 Tu vois ?
21 Le mari : Le plus difficile, c'est d'attendre. Vous voyez vous-
22 mêmes comment cela se passe. Tous les soirs, il faut protéger les maisons.
23 Il faut faire des permanences, s'endormir, tu vois... Et quand vous, vous
24 partirez, nous resterons tout seuls. Quand il y a quelqu'un, évidemment,
25 on peut plaisanter un peu, mais c'est dur. Que voulez-vous que je vous
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1 dise ? Il n'y a rien d'autre à dire. Quand on attend à chaque seconde la
2 mort pour la nuit prochaine, on s'attend toujours au pire. On ne sait plus
3 que penser. C’est comme cela. »
4 Mlle Christie (interprétation). - Huit semaines plus tard -c'est
5 notre deuxième séjour-, nous avons trouvé la fille de Nuria sur la
6 montagne, à Visoko.
7 « Mon dieu, tu es revenu, mon cœur, après tout ce qui s'est
8 passé !... Ils ont fui le village après cinq jours de violence.
9 Je t’ai vue et, tu te souviens, on avait parlé... C'est le pire
10 qui est arrivé... J'y étais, j'y étais au moment des pires violences.
11 Nousreta a passé dix jours à se cacher. Personne ne pouvait
12 rentrer dans le village qui avait été encerclé par les soldats croates.
13 La seule façon pour nous de pénétrer dans le village a consisté
14 à nous faire accompagner d'une escorte armée des Nations Unies ».
15 Mlle Christie (interprétation). - C'est le char canadien dont
16 j'ai parlé.
17 « Les maisons catholiques étaient intactes. Mais pratiquement
18 toutes les maisons musulmanes ont subi des pilonnages, ont été vandalisées
19 ou pillées. Les Croates ont commencé à se déplacer, le dimanche de Pâques
20 et, suite à ces déplacements, les premiers obus ont commencé à pleuvoir
21 sur le village. »
22 Mlle Christie (interprétation). - Les seuls pilonnages qu'a
23 subis le village.
24 « Seuls quelques Musulmans sont restés dans le village. Nous
25 avons trouvé Slavka, la catholique, devant sa maison.
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1 Qu'est-ce que vous leur avez fait ? Ce n’est pas nous qui
2 l'avons fait, c'est eux qui ont commencé.
3 Mais il n'y a pas une seule maison musulmane qui n'est pas
4 incendiée. on, il n'y a pas de maison mais vous voyez les étables et les
5 policiers...C’est eux, ils sont arrivés à 5 heures et demie.Nous ne savons
6 pas... Ils ont dit que cela se passerait à 5 heures et demi et cela a
7 commencé finalement à 7 heures et demie ou 8 heures du matin. Cela a duré
8 jusqu'à l'après-midi et, le lendemain, l'armée étrangère est arrivée.
9 La maison de Resmija a subi les tirs d'obus avant d'être
10 saccagée. Nous avons trouvé des réfugiés musulmans qui avaient fui le
11 village. J’ai crié : « Angia, Angia » et j'ai dit qu'il fallait fuir. Elle
12 est allée vers les Croates. Elle n'a pas fait attention. Mais elle aurait
13 pu prévenir. Si elle me l’avait dit, moi je les aurais fait passer. Mais
14 elle n'a pas eu le temps.
15 Est-ce que vous allez contacter mes proches de façon à ce que
16 quelqu'un au moins soit au courant ?... Ils vont me chercher ici. S'ils me
17 trouvent ici, cela veut dire que je ne suis pas allée ailleurs.
18 Tu as vu notre maison et là où on se promenait, où on se
19 rencontrait pour parler... Si seulement j'avais encore mes vêtements. J'ai
20 à peine eu le temps de sauver ma peau.
21 Voici la maison dans laquelle la famille a trouvé les marques
22 des coups de canon. Ils lui ont tué ses deux frères, Ago et Bajron. Tous
23 les deux sont morts.
24 Savez-vous qui a fait cela ? Nous le savons. On sait exactement
25 qui fait quoi. Mon frère a été tué par le premier de nos voisins ; Ago a
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1 été tué par lui. Nusreta a été regroupée avec les autres femmes et mise en
2 détention par des soldats croates. Nuria et les autres hommes ont essayé
3 de se défendre mais ont subi des tirs d'obus nourris.
4 Je n'ai plus envie de retourner dans le village maintenant que
5 j'ai vu tout ce qu'ils ont fait. Ils ont absolument tout détruit. Je parle
6 pour moi. En tout cas, je ne sais pas ce que pensent les autres mais, du
7 moment qu'ils ont fui, eux aussi pour sauver leur tête, je suppose qu'eux
8 non plus ne veulent plus retourner vivre là-bas.
9 Que va-t-il se passer maintenant ? Je ne sais pas. Je n'en ai
10 pas la moindre idée.
11 Pourriez-vous encore vivre avec eux ?
12 Aujourd'hui ? Non. Avec eux, il n'y a plus de vie possible.
13 Comment pourrais-je vivre avec ceux qui ont tout détruit chez moi ?
14 Comment mon beau-père peut-il vivre avec eux alors que sa femme a été tuée
15 et que tout ce qu'il avait a été incendié ? »
16 Comment une veuve peut-elle vivre alors qu'on a tué ses
17 trois enfants ? Comment peut-on dire bonjour à son voisin alors qu'il a
18 tué son mari ? Non, on ne peut plus vivre avec eux, il n'y a plus de vie
19 possible avec eux.
20 Mlle Christie (interprétation). - C'est une juxtaposition
21 d'images destinées à montrer ce qui se passait dans la période antérieure
22 et la situation observée dans la période de la fin du film en avril.
23 M. le Président. - Nous allons suspendre la séance
24 Monsieur le Procureur.
25 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, mais
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1 je demanderai simplement, si vous me le permettez, le versement au dossier
2 de la pièce 307 qui est ce film et de la pièce 308.
3 M. le Président. - Nous allons suspendre 30 minutes pour que les
4 interprètes puissent se reposer. Nous reprendrons l’audience à moins le
5 quart.
6
7 L'audience, suspendue à 16 heures 15, est reprise à 16 heures 55.
8
9 M. le Président. - Introduisez le général Blaskic.
10 (L’accusé est introduit dans le prétoire)
11 Monsieur le Procureur, allez-y.
12 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai
13 terminé mon interrogatoire principal. Merci.
14 M. le Président. - Madame Christie, vous allez donc maintenant
15 recevoir les questions du contre-interrogatoire qui va être mené par
16 Maître Hayman.qui est l'un des deux défenseurs de l'accusé.
17 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
18 Bonjour, Mademoiselle Christie
19 Mlle Christie (interprétation). - Bonjour.
20 M. Hayman (interprétation). - Lorsque l'anthropologue,
21 Mme Bringa, a vécu dans
22
23 le village de Visnica en 1988, savez-vous si elle vivait avec une famille
24 particulière ?
25 Mlle Christie (interprétation). - D'après ce que j'ai compris,
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1 elle a vécu dans deux ou trois familles différentes,.mais je ne sais pas
2 lesquelles.
3 M. Hayman (interprétation). - Et vous, lorsque vous avez vécu à
4 Visnica en 1993, avez-vous vécu avec une famille particulière ?
5 Mlle Christie (interprétation). - Lorsque nous nous trouvions à
6 Kiseljak, nous avons vécu avec la famille Konsic, une famille croate et, à
7 Visnica, nous avons vécu avec Nourja et Nusret que nous avons vus dans le
8 film. En fait, nous étions à la fois dans une famille croate et dans une
9 famille musulmane.
10 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si Melle Brenga a vécu
11 avec Nurja et Nusret, au cours de son séjour à Visnica, en 1988 ?
12 Mlle Christie (interprétation). - Je crois que oui. Elle a passé
13 une partie de son séjour chez eux.
14 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais vous poser certaines
15 questions sur la pièce 308
16 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
17 M. Hayman (interprétation). - Je crois qu'elle se trouve
18 toujours sur le rétroprojecteur, ce qui est parfait, et nous pouvons l'y
19 laisser. Je voudrais vous poser des questions, notamment sur le moment où
20 vous avez obtenu cette autorisation. Etes-vous rentrée dans le bureau dont
21 vous avez dit qu'il vous avait été présenté comme étant le bureau du
22 Colonel Blaskic ?
23 Mlle Christie (interprétation). - Oui, je suis rentrée avec
24 Bosica Komsic qui était notre interprète. Nous sommes entrés dans un
25 bâtiment et, là, on nous a dit que c'était le bureau du colonel Blaskic.
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1 J'ai attendu et elle est rentrée dans une autre pièce afin de parler avec
2 le colonel Blaskic. Moi je suis restée dans la première pièce et elle est
3 revenue avec ce morceau de papier. Le colonel Blaskic est sorti, et nous
4 nous sommes serrés la main. Voilà.
5 M. Hayman (interprétation). - Je vais faire une petite pause
6 après votre réponse, de façon à laisser le temps aux interprètes de
7 traiter votre réponse, et j'aimerais aussi que vous fassiez de même après
8 mes questions. Je crois que cela facilitera la tâche des interprètes.
9 Mlle Christie (interprétation). - Je comprends.
10 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous entrée dans un
11 quelconque bureau de ce bâtiment qui portait des indices permettant de
12 voir certains portraits de famille ou des choses comme cela, qui avaient
13 trait au colonel Blaskic ?
14 Mlle Christie (interprétation). - Je ne suis pas entrée dans le
15 bureau de ce qui m'avait été décrit comme étant celui du Colonel Blaskic.
16 Non, effectivement, je n'y suis pas rentrée.
17 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des signes ou des
18 inscriptions sur la porte de ce bâtiment indiquant que c'était, ou le
19 quartier général de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, ou bien que
20 l'un des bureaux était celui du colonel Tihomir Blaskic ? Avez-vous vu une
21 indication ou une inscription de ce type ?
22 Mlle Christie (interprétation). - Je ne me rappelle pas avoir vu
23 cela, non. La raison pour laquelle je pensais qu'il s'agissait du bureau
24 du colonel Blaskic, c’était que nous travaillions avec Bozica Komsic qui
25 était une résidente de Kiseljak et qui travaillait en tant qu'interprète
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1 pour la Forpronu. Et elle m'a dit que nous allions au bureau du
2 colonel Baskic pour voir si nous pouvions arranger la situation et obtenir
3 cette autorisation.
4 M. le Président. - Lorsque vous répondez, autant que possible...
5 je sais que ce n'est pas très aisé, mais pouvez-vous, autant que possible,
6 vous tourner vers les Juges. Autant que possible.
7 Mlle Christie (interprétation). - Oui, je comprends...
8 M. Hayman (interprétation). - Le Colonel Blaskic.vous a-t-il
9 permis d'obtenir cette autorisation ?
10 Mlle Christie (interprétation). - Oui, il nous a été très utile.
11 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais demander à mon
12 collègue, Maître Nobilo,.de lire ce qui est inscrit dans le cachet qui a
13 été apposé sur la pièce 308, qui n'a pas été traduit dans la traduction
14 dont nous disposons. Pouvez-vous le lire, Maître Nobilo, s'il vous plaît ?
15 M. Nobilo (interprétation). - En haut à gauche, on voit :
16 "République de Bosnie-Herzégovine, communauté Croate d'Herceg-Bosna" et en
17 bas du sceau, on peut lire... "Josip...Jelacic, brigade de Kiseljac,
18 département de la défense".
19 M. Hayman (interprétation). - D'après la traduction, vous
20 entendez bien qu'il ne s'agit pas du cachet du quartier général de la zone
21 opérationnelle de Bosnie centrale, mais bien du cachet d'une brigade
22 locale, d'un quartier général de la brigade Ban Jekacic qui était
23 stationnée à Kiseljak en Bosnie-Herzegovine. Une personne vous a-t-elle
24 dit à ce moment-là que le bâtiment dans lequel vous entriez était autre
25 chose que le bâtiment du quartier général de la brigade Ban Jekacic ?
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1 M. Harmon (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.
2 Elle a déclaré qu'on lui avait présenté ce bureau comme étant celui du
3 Colonel Blaskic et elle n'a jamais dit qu'on lui avait dit qu'il
4 s'agissait du quartier général de la brigade Ban Jelacic.
5 M. le Président. - Objection accordée. Passez à une autre
6 question.
7 M. Hayman (interprétation). - Mademoiselle Christie, si vous
8 étiez dans les bureaux du colonel Blaskic, pourquoi aurait-il un cachet
9 dans son quartier général ?
10 M. le Président. - Maître Hayman, je ne suis pas du tout
11 d'accord avec cette question. Le témoin vous a dit très exactement ce
12 qu'il a fait, ce qu'il a voulu faire. Ce qui intéressait le témoin, c'est
13 d'avoir un laissez-passer lui permettant de pouvoir faire son travail. Il
14 semblait que ce soit le quartier du Général Blaskic et quelqu'un l'y a
15 amenée. Ne lui posez pas une question comme si elle était enquêteur de
16 police. Elle ne peut pas répondre à cette question. Vous passez donc à une
17 autre question.
18 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on dit depuis combien de
19 temps le Colonel Blaskic.se trouvait à Kiseljak, lorsque vous l'avez vu au
20 mois de janvier 1993, le 29 ?
21 Mlle Christie (interprétation). - Non, je ne m'en souviens pas.
22 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des informations sur la
23 durée de son séjour après cette date à Kiseljak ?
24 Mlle Christie (interprétation). - D'après ce que j'ai compris
25 grâce aux informations de la Forpronu, avant le 29 janvier, nous devions
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1 nous rendre à ce bureau et c'est là que nous y trouverions le
2 Colonel Blaskic afin d'obtenir cette autorisation. Une fois cette
3 autorisation obtenue, je dois dire que cela ne m'intéressait plus guère,
4 si je puis dire. Nous filmions, et je savais simplement que ce laissez-
5 passer allait fonctionner pour moi et me permettre de faire mon travail.
6 Par conséquent, je voulais simplement m'assurer que cette autorisation
7 portant la signature de M. Blaskic allait me permettre de sillonner la
8 zone qui m'intéressait mais la question que vous me posez en l’occurrence
9 ne m'intéressait pas particulièrement.
10 M. Hayman (interprétation). - Est-ce exact que vous ne savez pas
11 où se trouvait le Colonel Blaskic lorsque vous êtes revenue dans cette
12 zone entre le 29 avril et le 3 mai 1993 ?
13 Mlle Christie (interprétation). - Non, je ne sais pas où se
14 trouvait le Colonel Blaskic et je n'avais aucun besoin de le savoir.
15 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je passe à
16 un autre domaine. Je veux simplement signaler qu'il y a une objection de
17 la part de la défense. Cette pièce 308 ne nous a pas été communiquée avant
18 aujourd'hui et qu’elle aurait dû l'être en vertu de l'article 68, parce
19 qu'elle récuse le témoin qui a témoigné le 24 février devant vous, en
20 audience à huis clos, quant à la présence et à la localisation du
21 général Blaskic, et ceci a trait au conflit qui avait lieu à l'époque dans
22 la municipalité de Busovaca. C'est également une déclaration de l'accusé
23 qui entre dans le cadre de l'ordonnance du Tribunal du 27 janvier 1997 et
24 qui porte sur l'interprétation de l'article 66 a du Règlement. Par
25 conséquent, nous déposerons un mémoire sur ce point.
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1 M. le Président. - Maitre Hayman, ne déposez plus trop de
2 mémoires. Je crois que nous avons beaucoup de mémoires. L'objection est
3 inscrite au transcript de l'audience. Le Tribunal s'est beaucoup prononcé
4 sur ces questions. Je veux entendre le Procureur. Vous pouvez déposer des
5 mémoires si vous le voulez, mais je tiens à vous dire qu'on ne peut pas
6 passer tout notre procès à régler ce genre de questions même si elles
7 sont, certes, très importantes. Je voudrais d'abord entendre le Procureur
8 et ensuite nous consignerons cela dans le compte rendu.
9 Monsieur le Procureur, quelles observations avez-vous à faire
10 sur les remarques de M Hayman ?
11 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, en ce qui
12 concerne le fait qu'un ordre constitue une déclaration, ceci a déjà été
13 traité auparavant et, à part cela, je n'ai rien d'autre à dire.
14 M. le Président. - Le débat est clos. Vous pouvez passer à une
15 autre question.
16 M. Hayman (interprétation). - Mademoiselle Christie, peut-on
17 dire que ce village de Visnica s'étend le long d'une route qui part du
18 sud-ouest de Visnjica, qui se trouve sur la route allant de Bulivicnocia à
19 Kiseljak ?
20 Mlle Christie (interprétation). - Oui, c'est exact.
21 M. Hayman (interprétation) - Vous avez dit que ce village était
22 constitué d'environ eux tiers de Musulmans et d'environ un tiers de
23 Croates, n'est-ce pas ?
24 Pouvez-vous nous donner une idée générale de la taille de ce
25 village ? 100 , 200, 300 personnes ?
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1 Mlle Christie (interprétation). - Je ne pourrais pas vous le
2 dire exactement. A l'époque, il était assez difficile de donner un
3 chiffre, parce que parfois ce village recevait des réfugiés arrivant de
4 toute part et parfois il était presque évacué, les gens fuyaient. Mais je
5 dirais environ de 600 à 700 habitants, peut-être un peu plus, mais il
6 faudrait vérifier ce chiffre. Comme je vous l'ai dit, le chiffre était
7 variable à cause des réfugiés.
8 M. Hayman (interprétation) - Mais est-ce la meilleure estimation
9 que vous puissiez nous donner ?
10 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
11 M. Hayman (interprétation) - Je vous demanderai de dire oui
12 lorsque vous voulez dire oui, pour que cela figure dans le compte rendu.
13 Les deux groupes ethniques, les Croates et les Musulmans,
14 étaient-ils mélangés ou bien y avait-il un groupe d'un côté du village et
15 un autre de l'autre côté du village ?
16 Mlle Christie (interprétation). - Non, ils étaient mélangés dans
17 tout le village. Par conséquent, de la route principale vers la mosquée,
18 des maisons musulmanes et croates étaient mélangées. Sur la droite du
19 village, qui était la partie nouvelle et qui allait jusqu'à la mosquée, là
20 encore les maisons croates et musulmanes étaient mêlées.
21 M. Hayman (interprétation) - Etes-vous le narrateur du film ou
22 était-ce quelqu'un d'autre ?
23 Mlle Christie (interprétation). - Oui, c'est moi.
24 M. Hayman (interprétation) - Vous avez dit dans ce film, à une
25 séquence particulière, que Nurija...
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1 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
2 M. Hayman (interprétation) - ... avec ses voisins a constitué
3 une patrouille afin de surveiller leur maison, n'est-ce pas ?
4 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
5 M. Hayman (interprétation) - Vous avez dit que cette patrouille
6 était constituée de cinq à six hommes ?
7 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
8 M. Hayman (interprétation) - Et qu'ils avaient cinq armes ?
9 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
10 M. Hayman (interprétation) - Certains d'entre eux étaient
11 montrés dans le film, n'est-ce pas ?
12 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
13 M. Hayman (interprétation) - Vous êtes d'accord avec moi pour
14 dire qu'ils patrouillaient dans une zone très restreinte, la zone qui
15 regroupait leur maison ?
16 Mlle Christie (interprétation). - Je ne suis pas sortie en
17 patrouille avec eux. Je ne peux pas vous le dire exactement. D'après ce
18 que j'ai compris, ils faisaient le tour de leur maison, dans le village,
19 mais je ne suis jamais sortie avec eux en patrouille.
20 M. Hayman (interprétation) - Avez-vous parlé avec l'un ou
21 l'autre de l'éventuelle présence d'autres patrouilles musulmanes dans
22 d'autres parties du village où se trouvaient des musulmans ?
23 Mlle Christie (interprétation). - Non.
24 M. Hayman (interprétation) - Par conséquent, vous n'avez pas
25 posé de questions sur ce point ou on ne vous a pas dit qu'une telle chose
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1 existait ?
2 Mlle Christie (interprétation). - Je n'ai pas posé de questions
3 et on ne m'a rien dire. Simplement, je voudrais ajouter que parmi les
4 six hommes que l'on voit, deux d'entre eux vivaient dans la partie
5 ancienne du village et trois d'entre eux dans la partie nouvelle. Donc,
6 parmi les six que je voyais, ils venaient de différents endroits du
7 village.
8 M. Hayman (interprétation) - Avez-vous parlé avec l'un ou
9 l'autre du nombre de membres de la Défense territoriale et de combien
10 d'entre eux vivaient à Visnjica ?
11 Mlle Christie (interprétation). - Non.
12 M. Hayman (interprétation) - Mais vous n'avez jamais posé la
13 question ou personne ne vous en a parlé ?
14 Mlle Christie (interprétation). - Ni l'un ni l'autre.
15 M. Hayman (interprétation) - Vous avez dit qu'à un moment donné
16 il y avait eu un couvre-feu qui freinait l'activité de ces patrouilles.
17 Avez-vous su quelles étaient les conditions de ce couvre-feu, comment il
18 fonctionnait ?
19 Mlle Christie (interprétation). - Nous avons été touchés
20 personnellement par le couvre-feu parce que le HVO nous a dit à Kiseljak,
21 lorsqu'ils nous ont arrêté à 19 heures, qu'il y avait maintenant un
22 couvre-feu qui débutait à 20 heures et que personne ne devait sortir après
23 20 heures. C'est là que j'ai appris qu'il y avait un couvre-feu pour la
24 première fois. Par la suite, un certain nombre de personnes dans le
25 village croate et musulman nous en ont parlé également. Et à notre avis,
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1 le couvre-feu commençait parfois à 20 heures parfois à 22 heures et ce que
2 nous avons compris, c'est que personne ne devait sortir après ces heures.
3 M. Hayman (interprétation) - Vous avez parlé d'une visite à
4 Kiseljak, le 8 février 1993, je crois ?
5 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
6 M. Hayman (interprétation) - Et vous avez dit que vous étiez
7 certaine que des magasins avaient été détruits ?
8 Mlle Christie (interprétation). - Non, c'était le
9 vendredi 5 février que nous avons vu ces commerces détruits.
10 M. Hayman (interprétation) - Merci de cette petite correction.
11 Avez-vous vous-mêmes parlé aux gens qui possédaient ces boutiques ? Leur
12 avez-vous posé des questions ou vous a-t-on dit simplement qu'il
13 s'agissait de magasins musulmans ?
14 Mlle Christie (interprétation). - En fait, nous connaissions
15 certains de ces commerçants. Nous avons demandé à Slavka, à Tune et à une
16 autre personne, que l'on voit passer devant les boutiques dans le film.
17 Ces trois personnes nous ont dit que ces magasins étaient tous des
18 magasins musulmans.
19 M. Hayman (interprétation) - Avez-vous pu déterminer qui avait
20 vandalisé ou détruit ces magasins ?
21 Mlle Christie (interprétation). - Non.
22 M. Hayman (interprétation) - Vous êtes ensuite retournée au
23 village de Visnica. Quand précisément y êtes-vous retournée ? Je sais que
24 vous y êtes retournée entre le 29 avril et le 3 mai, mais pouvez-vous nous
25 donner une date plus précise, la date du jour de votre retour ?
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1 Mlle Christie (interprétation). - Nous sommes arrivés au village
2 le 1er mai avec le bataillon canadien, mais je n'ai pas de notes portant
3 sur cet événement particulier.
4 M. Hayman (interprétation) - Parmi les maisons qui avaient
5 abrité ces 600 ou 700 personnes dans le village, combien de maisons
6 avaient été incendiées ?
7 Mlle Christie (interprétation). - Je ne pourrais pas vous donner
8 un chiffre exact. Nous avons filmé toutes les maisons que nous avions vues
9 auparavant. Maisons qui avaient été brûlées et nous savions en fait qu'il
10 y avait une stratégie très cohérente dans la partie ancienne du village.
11 Nous avions vu que toutes les maisons musulmanes avaient été brûlées, mais
12 je ne peux pas vous donner un chiffre exact. Nous n'avions qu'une heure à
13 consacrer et donc nous devions établir des priorités.
14 M. Hayman (interprétation) - Au cours de cette heure que vous
15 avez passée, avez-vous conduit le long de la route qui traverse Visnjica ?
16 Mlle Christie (interprétation). - Oui et nous sommes montés sur
17 la droite lorsqu'on regarde la mosquée, là où se trouve la partie nouvelle
18 du village. En fait, il y a tout un petit réseau de routes. Nous les avons
19 toutes parcourues. C'est une stratégie utilisée par la Forpronu. Elle
20 essaie de parcourir toutes les routes qui traversent et sillonnent un
21 village, nous avons donc suivi cet itinéraire.
22 M. Hayman (interprétation) - Pourriez-vous nous donner une
23 éventuelle proportion pour déterminer le nombre de maisons brûlées ?
24 Mlle Christie (interprétation). - Non, je ne souhaite pas le
25 faire.
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1 M. Hayman (interprétation) - Au cours d'une séquence dans le
2 film, vous dites que les combats se rapprochaient et que maintenant les
3 combats opposaient les Croates aux Musulmans. Vous vous en souvenez ?
4 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
5 M. Hayman (interprétation) - Pouvez-vous nous donner la date de
6 ce jour ? Quand les habitants de Visnjica pouvaient-ils entendre ces
7 combats ? Et bien sûr, je vous ramène à votre première visite, c'est-à-
8 dire à celle de janvier, février 1993.
9 Mlle Christie (interprétation). - Oui, j'ai compris, merci. Je
10 dirais que cela s'est passé entre le 1er et le 8 février. Vous comprendrez
11 bien entendu que la façon dont nous rassemblions les informations étaient
12 la suivante : nous entendions, nous écoutions ce que les gens nous
13 disaient et par la suite, nous faisions de notre mieux pour vérifier les
14 informations avec la Forpronu à Kiseljak, pour vérifier ce qui c'était
15 véritablement passé.
16 Je ne pourrais pas être plus précise que cela.
17 M. Hayman (interprétation) - Au cours de vos interviews, avez-
18 vous appris... Non, excusez-moi... Le son des combats venait-il de la
19 direction nord-ouest, c'est-à-dire Busovaca, Kacuni, Bilalovac vers
20 Visnijca ?
21 Mlle Christie (interprétation). - Les gens du village nous ont
22 dit effectivement que c'est de là que venaient les sons. Je ne suis pas un
23 expert militaire, je ne pourrais pas vous dire avec précision d'où
24 venaient les sons de combat et ce que c'était. Nous n'avons évoqué dans le
25 film des éléments que nous avons appris de la Forpronu et que nous avons
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1 vérifiés auprès d'elle.
2 M. Hayman (interprétation) - Au cours de ces interviews, avez-
3 vous appris ce qui s'était passé lors de ces combats que vous avez entendu
4 de la direction de Kacuni et de Bilalovac ? Les combats ont-ils eu un
5 effet sur les habitants de Visnjica, un effet psychologique ?
6 Mlle Christie (interprétation). - Oui. Chaque fois que les
7 combats se rapprochaient, l'attention s'exacerbait.
8 M. Hayman (interprétation) - Cet état d'incertitude et cette
9 compétition qui existaient dans le cadre des négociations du plan de paix
10 Vance-Owen, sont-ils venus augmenter la tention qui existait déjà à
11 Visnjca ?
12 Mlle Christie (interprétation). - Vous me demandez de faire une
13 généralisation sur l'état mental des habitants de Visnjica. Je ne tiens
14 pas particulièrement à le faire, mais dans le film, nous avons dit
15 qu'effectivement les gens regardaient la télévision tous les soirs afin
16 d'obtenir les dernières informations sur les négociations du plan Vance-
17 Owen.
18 M. Hayman (interprétation) - Vous avez montré l'image d'un homme
19 portant un uniforme avec un talkie-walkie dans la résidence de quelqu'un,
20 de Visnjica je suppose ?
21 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
22 M. Hayman (interprétation) - Avez-vous appris à qui parlait
23 cette personne sur son talkie-walkie ?
24 Mlle Christie (interprétation). - Non.
25 M. Hayman (interprétation) - Dans le film, nous avons vu une
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1 description qui est faite par une réfugiée, je pense de Rogatica,
2 description des événements qui avaient eu lieu. Avez-vous compris que
3 Rogatica était une localité attaquée par les Serbes ?
4 Mlle Christie (interprétation). - Oui, c'est comme cela que je
5 l'ai compris, oui.
6 La séquence du film avait pour but de montrer les mouvements de
7 réfugiés.
8 M. Hayman (interprétation) - Nusret a dit dans le film, à un
9 moment donné, que Nurija préférait combattre plutôt que de renoncer et de
10 se voir confisquer son fusil. Vous vous en souvenez ?
11 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
12 M. Hayman (interprétation) - Avez-vous parlé à Nurija et
13 confirmé que c'était effectivement son point de vue -et là je parle
14 également de votre première visite- que c'était bien là sa volonté ?
15 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
16 M. Hayman (interprétation) - Au cours de votre seconde visite,
17 avez-vous confirmé qu'il avait effectivement bien combattu et qu'il avait
18 essayé de défendre son lieu de vie dans le conflit qui, je crois, a
19 commencé le dimanche de Pâques, en 1993 ?
20 Mlle Christie (interprétation). - Je ne sais pas ce qu'il a fait
21 exactement, mais ce qu'il nous a dit au cours de l'interview c'est qu'il
22 avait essayé de se défendre au cours de cette période de trois jours.
23 M. Hayman (interprétation) - Vous a-t-il dit que cet
24 affrontement, ce combat a duré pendant 3 jours ?
25 Mlle Christie (interprétation). - La description que nous avons
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1 obtenue de ces trois jours de Nurija et Nusreta était la suivantes : le
2 dimanche matin, la plupart des civils Croates ont quitté le village. Il y
3 a eu des affrontements le dimanche, et le dimanche soir la plupart des
4 hommes bosniaques étaient partis.
5 Lundi et mardi, les maisons ont été incendiées. Il y avait
6 encore des civils dans les maisons lorsqu'elles ont été incendiées.
7 M. Hayman (interprétation) - Je crois vous avoir entendu dire
8 dans le film que Nurija et Nusreta sont partis après cinq jours de
9 violence. Est-ce exact ?
10 Mlle Christie (interprétation). - Oui, c'est exact.
11 Nusreta est parti après cinq jours de violence.
12 M. Hayman (interprétation) - Donc, Nurija est parti après
13 3 jours ?
14 Mlle Christie (interprétation). - Oui, parce qu'ils étaient
15 séparés à ce moment-là. Je crois que Nurija est parti le lundi. C'est ce
16 que j'ai compris.
17 M. Hayman (interprétation) - Avez-vous recueilli d'autres
18 informations sur le nombre de combattants musulmans ou croates qui avaient
19 participé aux affrontements qui ont eu lieu le dimanche, le lundi, le
20 mardi, etc. ?
21 Mlle Christie (interprétation). - Non, d'après ce que j'ai
22 compris des gens avec lesquels j'ai parlé, le combat, l'échange de tir a
23 eu lieu le dimanche et le lundi, les maisons ont été incendiées. Mais il
24 faut bien comprendre que nous n'étions pas sur les lieux à ce moment-là,
25 nous n'y sommes revenus que 10 jours plus tard et nous nous sommes donc
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1 fondés sur ce qu'ont dit les témoins.
2 M. Hayman (interprétation). - En ce qui concerne les personnes
3 qui ont succombé aux affrontements, toutes les informations que vous avez
4 obtenues et qui portaient sur les auteurs spécifiques de ces meurtres,
5 avez-vous appris que toutes les personnes qui avaient commis ces actes
6 étaient les voisins des personnes tuées ?
7 Mlle Christie (interprétation). - Non.
8 M. Hayman (interprétation). - Dans le film, certaines séquences
9 vont dans ce sens n'est-ce pas ?
10 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Quelles autres informations avez-
12 vous obtenues lorsque vous avez parlé à des habitants de Visnjica ?
13 Mlle Christie (interprétation). - Pour être précise, au cours
14 des interviews de témoins, nous avons rencontré cinq ou six personnes dans
15 le village qui ont identifié qui avait participé au combat. Puis lundi, il
16 a été fait référence à des étrangers, des personnes extérieures qui sont
17 arrivées en uniforme du HVO, Slavka nous l'a confirmé, la Croate qui
18 habitait dans le village et que nous avions interviewée. Elle a dit qu'il
19 s'agissait d'étrangers et puis après, elle a dit de personnes extérieures.
20 Ce que je veux dire par là, c'est que c'était des Croates mais pas des
21 Croates du village, en tout cas c'est la description qu'elle nous en a
22 donnée, la description des combats qui ont eu lieu le lundi et le mardi.
23 Cela correspond à ce qu'ont dit d'autres témoins musulmans.
24 M. Hayman (interprétation). - Donc ces combats du dimanche
25 18 avril 1993, d'après ce que vous avez pu comprendre, se sont déroulés
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1 entre voisins, entre des habitants de Visnjica ?
2 Mlle Christie (interprétation). - Et entre personnes étrangères
3 également.
4 M. Hayman (interprétation). - D'accord. Qui vous a dit et que
5 vous a-t-on dit sur ces personnes extérieures qui avaient participé aux
6 combats du 18 avril 1993 ?
7 Mlle Christie (interprétation). - Slavka, la Croate, nous a dit
8 que des personnes étrangères étaient venues le dimanche matin. Les soldats
9 sont arrivés le dimanche matin.
10 M. Hayman (interprétation). - Parlez-vous de ce qu'elle vous a
11 dit et ce que vous avez inclus dans le film ou d'autres conversations que
12 vous avez eues avec elle ?
13 Mlle Christie (interprétation). - Nous avons parlé avec elle
14 pendant 10 à 15 minutes et c'est ce qu'elle nous a dit.
15 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous êtes revenu au
16 village en avril, vous avez déclaré dans le documentaire que le village
17 avait été entièrement coupé du reste du secteur par le HVO.
18 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
19 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous pourquoi cela a été
20 fait ; est-ce que c'était pour empêcher que le village soit livré au
21 pillage ou pour autre chose ?
22 Mlle Christie (interprétation). - Je ne sais pas exactement, ce
23 que je sais simplement, c'est que lorsque nous avons été à Visnica le
24 29 avril, nous sommes allés jusqu'au tournant qui mène à la route
25 principale de Visnica et qu'à cet endroit-là, il y avait un poste de
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1 contrôle. Ce dont je me souviens, c'est que lorsque nous sommes arrivés à
2 ce point, ils ont ramassé leurs fusils qui se trouvaient à terre, ils se
3 sont armés et la Forpronu nous avait informés du fait qu'ils pensaient que
4 le village avait été encerclé par le HVO et ils nous avaient conseillé de
5 ne pas entrer. Et donc sur la base des conseils de la Forpronu, sur la
6 base de ce que nous avons trouvé en arrivant sur le village, nous ne
7 sommes pas entrés. Mais je ne sais pas pourquoi le village a été encerclé.
8 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé du fait que vous
9 aviez vu un blindé à Kiseljak ?
10 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Vous avez des images de ce
12 blindé ?
13 Mlle Christie (interprétation). - Non.
14 M. Hayman (interprétation). - Comment arrivez-vous à replacer la
15 date de ce fait, de cet événement ; avez-vous des notes dans un journal,
16 dans quelque chose d'autre ?
17 Mlle Christie (interprétation). - Je me fonde uniquement sur mes
18 souvenirs. A Kiseljak, nous vivions dans la maison d'une famille qui se
19 trouvait au bord de la route principale de Kiseljak. Lorsque nous avons vu
20 ce blindé, en fait, nous étions simplement à l'extérieur en train de laver
21 du linge, de préparer le repas et nous avons vu ce qui se passait sur la
22 route depuis la fenêtre. Je ne peux rien dire d'autre.
23 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes restée à Kiseljak
24 pendant toute la durée de votre seconde visite en avril et mai 1993 ?
25 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
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1 M. Hayman (interprétation). - Les scènes filmées sur la ligne de
2 front près de Sarajevo...
3 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
4 M. Hayman (interprétation). - On voit certains hommes qui
5 entrent dans un espèce de bunker, vous en rappelez-vous ?
6 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
7 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous exactement où se trouve
8 cette partie de la ligne de front ?
9 Mlle Christie (interprétation). - Je ne peux pas apporter de
10 réponse précise.
11 M. Hayman (interprétation). - Vous souvenez-vous de cette scène
12 du documentaire où l'on voit Nusret ramasser une assiette où se trouvent
13 trois parts de dessert et dire en fait, je synthétise, "Voici la Croatie,
14 la Bosnie et encore la Croatie" ? Vous souvenez-vous de cela ?
15 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
16 M. Hayman (interprétation). - En êtes-vous arrivée à la
17 conclusion que ce qu'elle voulait dire était que la Croatie était une
18 partie de la municipalité de Kiseljak ? Ensuite, elle parlait des secteurs
19 de la municipalité de Kiseljak qui se trouvaient autour de Bilalovac comme
20 étant des parties bosniaques et puis ensuite, elle parlait de l'autre
21 moitié du dessert. En fait, c'étaient les secteurs de la municipalité de
22 Busovaca qui se trouvaient aux alentours de Kacuni et en fait elle dit que
23 la Croatie, c'est Busovaca et que ce dernier morceau est bien un morceau
24 croate. Est-ce ainsi que vous avez compris les choses ?
25 Mlle Christie (interprétation). - Non. Laissez-moi vous replacer
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1 les choses dans le contexte. Ces femmes étaient en train de se réunir,
2 elles chantaient, elles passaient la soirée ensemble. Elles plaisantaient,
3 elles n'essayaient pas de nous donner une réunion d'information militaire
4 sur la situation. C'était quelque chose de beaucoup plus informel. Elles
5 exprimaient simplement leur opinion sur la situation et si vous entendez
6 bien ce qui se passe, je crois qu'on entend la voix d'une autre femme qui
7 dit que la Bosnie ne sera plus qu'une bande de quelques centimètres de
8 large.
9 Je répète, elles n'essayaient pas de nous donner des
10 informations de caractères militaire. Simplement, elles essayaient de
11 décrire quel était l'état d'esprit qui prévalait à ce moment-là, comment
12 elles se sentaient dans ce contexte particulier, le contexte d'une
13 assemblée de femmes qui sont en train de chanter, de se parler. Ce n'était
14 pas du tout une tentative de la part de Nusret de dresser une carte
15 militaire précise, pas du tout, c'était pour nous faire partager leur
16 émotion vis-à-vis de la situation.
17 M. Hayman (interprétation). - Merci, Mademoiselle Christie.
18 Monsieur le Président, j'en ai terminé.
19 M. Harmon (interprétation). - Plus de question,
20 Monsieur le Président.
21 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Mademoiselle Christie.
22 Mlle Christie (interprétation). - Bonjour.
23 M. Riad (interprétation). - Au début de votre voyage, vous avez
24 précisé que vous bénéficiez d'une autorisation de la Forpronu ?
25 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
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1 M. Riad (interprétation). - Cette autorisation ne vous a pas
2 beaucoup servi apparemment. Donc vous êtes allé dans ce fameux bâtiment et
3 vous avez obtenu ce laissez-passer signé par le Colonel Blaskic ?
4 Mlle Christie (interprétation). - Exactement.
5 M. Riad (interprétation). - C'est sa signature qui apparaît ?
6 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
7 M. Riad (interprétation). - Oui, je vois la signature, en tout
8 cas, je la vois sur la version serbo-croate du document.
9 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
10 M. Riad (interprétation). - C'est bien son autorisation qui vous
11 a été donnée, cela vous a ouvert les portes n'est-ce pas ? Vous avez dit
12 vous être arrêté sept fois à des postes de contrôle et qu'à chaque fois
13 que les hommes voyaient cette autorisation, les hommes criaient entre eux
14 "Blaskic, Blaskic". Et que, finalement, ils se soumettaient à ce qui était
15 décrit dans ce papier, n'est-ce pas ?
16 Mlle Christie (interprétation). - En ces sept occasions très
17 précises dont j'ai parlé, qui s'étendent sur une période de deux semaines
18 et demi, ce qui se passait, c'était que les hommes aux postes de contrôle
19 nous arrêtaient. L'atmosphère qui prévalait était celle d'une situation
20 militaire où il y avait vraiment exercice d'une certaine autorité : les
21 hommes tentaient de nous barrer la route. Alors, nous montrions le
22 document et, à chaque fois, cela a changé l'atmosphère du tout au tout.
23 Ils nous laissaient passer, ils nous laissaient poursuivre notre route.
24 A trois reprises, ils se sont parlés entre eux, et ils ont
25 plusieurs fois prononcé le nom de Blaskic. Très clairement, il
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1 apparaissait que puisque nous avions ce document, eh bien, tout allait
2 bien, ils pouvaient nous laisser passer, ils pouvaient nous laisser
3 poursuivre notre route.
4 M. Riad (interprétation). - Ils n'ont pas cité d'autres noms ?
5 Mlle Christie (interprétation). - Non.
6 M. Riad (interprétation). - Et personne n'a remis en question
7 ouvertement cet ordre ou peut-être implicitement même ?
8 Mlle Christie (interprétation). - Personne n'a remis en question
9 cet ordre. Lorsque nous sommes allés voir Josip Boro, qui nous a été
10 présenté comme étant le Président de l'obstinari à Kiseljak, il nous a
11 posé énormément de questions quant à nos activités à Kiseljak. A ce
12 moment-là, nous lui avons montré ce document et il s'est montré très
13 heureux, très satisfait de ce que nous faisions. Il a emmené ce document
14 dans un autre bureau pour le montrer à quelqu'un d'autre et puis il est
15 revenu vers nous et les éclaircissements qu'il avait dû obtenir en plus
16 ont dû le convaincre du fait que nous pouvions poursuivre sans autre
17 problème. Et je crois même qu'il a essayé de nous aider un peu, d'une
18 certaine façon.
19 M. Riad (interprétation). - Donc l'ordre a eu un effet
20 considérable sur toutes les personnes qui l'ont vu ?
21 Mlle Christie (interprétation). - Sur tout le monde.
22 M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé de cette femme
23 Slavka, c'est ça ?
24 Mlle Christie (interprétation). - Oui, Slavka.
25 M. Riad (interprétation). - Vous avez donc dit que Slavka avait
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1 déclaré que les maisons musulmanes avaient été brûlées et que ces maisons
2 avaient été ciblées très précisément. J'utilise les mots qui ont été
3 utilisés dans le documentaire. Est-ce que elle a dit par qui elles avaient
4 été attaquées ?
5 Mlle Christie (interprétation). - Elle a dit que des soldats
6 étaient arrivés de l'extérieur et j'entends par là qu'elle parlait de
7 soldats croates mais qui ne venaient pas du village, qui venaient de
8 l'extérieur.
9 M. Riad (interprétation). - Des soldats du HVO ou de Croatie ?
10 Mlle Christie (interprétation). - Elle n'a pas précisé.
11 M. Riad (interprétation). - Mais l'extérieur, c'est quoi ? C'est
12 la Croatie ?
13 Mlle Christie (interprétation). - D'après ce que j'ai compris,
14 lorsqu'elle disait extérieur, elle voulait dire extérieur au village.
15 C'est ce que moi j'ai compris à l'époque. Elle ne se référait pas
16 spécifiquement à des soldats du HVO ou autres, elle a dit "l'extérieur".
17 M. Riad (interprétation). - Elle a dit qu'ils avaient été
18 avertis, eux les Croates du village, auparavant de ce qui allait s'y
19 passer ?
20 Mlle Christie (interprétation). - Effectivement.
21 M. Riad (interprétation). - Qui les en avait informé ? Les
22 soldats ?
23 Mlle Christie (interprétation). - C'est son propre fils qui
24 faisait parti du HVO qui l'a informée de cela. D'après ce qu'elle nous a
25 dit, le HVO était arrivé dans le village et averti la population croate de
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1 s'enfuir à 4 heures et demi du matin. Ils leur ont dit également qu'à
2 8 heures, les combats allaient commencer.
3 M. Riad (interprétation). - Les Croates ont également quitté le
4 village ou bien sont-ils restés sur place et se sentaient-ils en toute
5 sécurité ?
6 Mlle Christie (interprétation). - La plupart des Croates, les
7 femmes et les enfants notamment, ont quitté le village. Lorsque nous, nous
8 sommes revenus sur place, c'est-à-dire dix ou onze jours après les
9 combats, il nous a semblé que les Croates étaient déjà revenus dans le
10 village. J'entends par là que tous les Croates que nous connaissions
11 étaient rentrés chez eux.
12 M. Riad (interprétation). - Et les maisons étaient intactes ?
13 Mlle Christie (interprétation). - Parfaitement intactes.
14 M. Riad (interprétation). - Vous dites que le village était aux
15 deux tiers peuplé de Musulmans ?
16 Mlle Christie (interprétation). - C'est exact.
17 M. Riad (interprétation). - Mais quelle était la population du
18 village ? Je ne veux pas vous mettre en difficulté, ne répondez pas si
19 vous ne savez pas.
20 Mlle Christie (interprétation). - C'est une estimation. Je dirai
21 peut-être environ 700 habitants dans le village mais je précise que ce
22 chiffre variait considérablement selon l'arrivée ou le départ de flux de
23 réfugiés. Je ne peux pas vous dire quelque chose de plus précis.
24 M. Riad (interprétation). - Mais quel que soit le chiffre de la
25 population du village, vous dites que seuls dix Musulmans sont restés ?
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1 Mlle Christie (interprétation). - Non, non. Je dis que j'en ai
2 vu dix, je ne peux pas vous dire combien sont restés sur place, je n'ai
3 passé qu'une heure dans le village. Je n'ai pas pu entrer dans chaque
4 maison et pendant l'heure que j'ai passée sur place, j'ai vu au plus dix
5 Musulmans, parmi lesquelles une femme que l'on voit dans le documentaire
6 et qui, d'après ce que nous avons compris, avait une petite "araignée dans
7 la tête". Sa famille avait essayé de la faire partir mais cela n'a pas
8 réussi. Il y avait également des personnes qui étaient des réfugiés donc
9 il n'y avait pas d'habitants du village.
10 M. Riad (interprétation). - Mais le reste des personnes que vous
11 avez vues, s'agissait-il de résidents du village ou de personnes, de
12 Croates qui arrivaient d'autres lieux ?
13 Mlle Christie (interprétation). - Les Croates que nous avons vus
14 dans le village étaient des habitants de ce village, ceux que nous
15 connaissions. Ils étaient chez eux, dans leurs maisons, ils vaquaient à
16 leurs occupations, ils travaillaient dans le jardin, etc.
17 M. Riad (interprétation). - Dans le film, il me semble que l'on
18 voit une vieille femme en pleurs.
19 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
20 M. Riad (interprétation). - Et elle dit : "Vingt hommes ont été
21 massacrés, tout a été détruit." Elle pleure en disant cela, elle explique
22 que sa fille, son neveu ont été tués, que les maisons ont été incendiées
23 mais elle ne dit pas qui a perpétré ces actes. Alors, est-ce que vous avez
24 réussi à savoir de qui elle parlait ? Peut-être que je n'ai pas bien
25 compris moi-même. Est-ce que ces personnes se trouvaient sur le front
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1 serbe ?
2 Mlle Christie (interprétation). - C'est à la moitié du
3 documentaire, c'est cela ? Vous ne parlez pas de la fin du film ?
4 M. Riad (interprétation). - En effet.
5 Mlle Christie (interprétation). - C'est une femme habillée de
6 violet. Cette femme venait de Rogatica et d'après ce que j'ai compris,
7 c'était un lieu de combat entre les Serbes et les habitants, et les Serbes
8 ont perpétré ces actes contre sa famille. Mais la raison pour laquelle
9 nous la filmons dans le cadre du documentaire, c'est parce qu'elle
10 montrait bien quel était l'état et le statut des réfugiés qui arrivaient
11 dans le village en provenant de différents secteurs. D'après ce que j'ai
12 compris, les agresseurs dans ce cas particulier étaient des Serbes. Mais à
13 Rogatica, c'étaient des Serbes, pas dans le secteur dont nous parlions.
14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mademoiselle Christie, au
15 cours de votre séjour dans la région, à combien de reprises avez-vous vu
16 le Colonel Blaskic ?
17 Mlle Christie (interprétation). - J'ai vu le Colonel deux fois.
18 La première fois, c'était au quartier général, là où nous sommes allés
19 pour obtenir ce laissez-passer. Je l'ai d'ailleurs remercié à cette
20 occasion, nous lui étions très reconnaissants de nous avoir donné ce
21 permis. Et la seconde fois, c'était au quartier général de la Forpronu à
22 Kiseljak.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous voyez le
24 Colonel Blaskic ici, aujourd'hui ?
25 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Montrez-le nous.
2 (Le témoin s’exécute)
3 C'est bien la personne à laquelle vous faites référence ?
4 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous dites l'avoir remercié
6 de vous avoir octroyé ce laissez-passer. Lorsque vous l'avez remercié, qui
7 avait le laissez-passer en main ?
8 Mlle Christie (interprétation). - Moi, j'avais attendu à
9 l'extérieur du bureau et notre interprète, elle, se trouvait dans le
10 bureau du Colonel, elle en est sortie en tenant le laissez-passer à la
11 main, elle me l'a fait passer et, au moment même, où elle me le faisait
12 passer en m'expliquant de quoi il s'agissait, le Colonel Blaskic est sorti
13 du bureau. Elle a dit : "Voici le Colonel Blaskic". Je l'ai remercié et
14 voilà.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie. Bien, en
16 un certain nombre de points de contrôle, vous avez montré ce laissez-
17 passer à des membres du HVO.
18 Mlle Christie (interprétation). - Oui.
19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ils disaient "Blaskic",
20 "Blaskic", ensuite ils vous laissaient passer, je présume ?
21 Mlle Christie (interprétation). - C'est cela. Donc, à chaque
22 fois que nous leur montrions le laissez-passer, soit ils nous laissaient
23 poursuivre notre chemin, soient ils nous laissaient filmer la scène.
24 En trois occasions, ils se sont mis à discuter entre eux, à
25 crier en direction de leurs camarades et j'entendais "Blaskic", "Blaskic".
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce qu'en une quelconque
2 de ces occasions, des membres du HVO ont remis en question l'authenticité
3 de la signature apparaissant sur le laissez-passer ?
4 Mlle Christie (interprétation). - Jamais.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous a-t-il semblé qu'ils
6 acceptaient le fait qu'il s'agissait bien de la signature de M. Blaskic
7 sur le laissez-passer ?
8 Mlle Christie (interprétation). - Cela ne fait aucun doute.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous ont-ils semblé à la
10 fois être au courant du poste occupé par le Colonel Blaskic et, d’après
11 vous, connaissaient-ils bien la signature du Colonel ?
12 Mlle Christie (interprétation). - Je suis sûre qu'ils
13 connaissaient le poste occupé par le Colonel Blaskic. Il est certain
14 qu'ils le percevaient comme une personne revêtue d'une grande autorité
15 parce que, à chaque fois que nous avons montré le papier, cela nous a
16 permis de traverser le poste sans encombre.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.
18 M. le Président. - Madame, je ne reviendrai pas sur le laissez-
19 passer, je reviendrai plutôt sur l'esprit de votre film. C'est un film qui
20 a une visée plutôt sociologique, anthropologique et sociologique. Quand
21 vous le voyez avec recul, maintenant, le critiquez-vous ? Quel jugement
22 portez-vous sur ce film, si tant est que vous pouvez porter un jugement
23 sur votre propre oeuvre, l'oeuvre coproduite ? Le trouvez-vous objectif,
24 subjectif ? Vous dites-vous, quelques années après, que vous auriez pu
25 faire autrement ?
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1 Mlle Christie (interprétation). - C'est une question difficile
2 que celle de me demander de revenir sur le travail accompli il y a cinq
3 ans et d’y apporter un oeil critique.
4 Ce documentaire devait être une approche anthropologiste et
5 sociologique de la situation et de l'effet de la guerre sur les civils.
6 Vous avez vous-même bien vu que ce n'est pas en tant que journaliste que
7 j'ai essayé de travailler. J'ai essayé de saisir ce qui était en train de
8 se passer, de saisir la réaction de la population face à ce qui était en
9 train de se passer.
10 Nous avons mis un point d'honneur a essayé de toujours maintenir
11 les rapports à la fois avec les Musulmans et les Croates. La moitié de
12 notre équipe est restée à Kiseljak, chez une famille croate, et l'autre
13 moitié de l'équipe est restée à Visnjica dans une famille musulmane.
14 Notre intention a donc toujours été d'avoir un point de vue très
15 équilibré. Nous avons eu beaucoup de chance parce que, même à cette époque
16 extrêmement troublée et difficile, tout le monde était prêt dans les
17 villages à nous accueillir. Même lorsque les choses se sont terriblement
18 dégradées, les gens étaient prêts à travailler avec nous et à coopérer.
19 Même lorsque nous sommes revenus à la fin du mois d’avril et au
20 début du mois de mai dans le secteur, nous avons été très gentiment et
21 très chaleureusement accueillis par Slavka, la femme qu’on voit à la fin
22 du documentaire. Elle nous a vu arriver, elle nous a fait signe. Elle
23 était très chaleureuse et très heureuse de nous revoir.
24 Si vous me demandez si nous avons l'impression que nous avons
25 réussi à reproduire l'éventail des sentiments à l'époque, alors, oui, je
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1 crois que nous avons réussi à rendre cela. Ce n'est rien d'autre que ce
2 que vous voyez sur les images, c'est le témoignage des personnes que nous
3 pouvons voir dans ce documentaire. Je répète que nous avons eu, tout au
4 long, des entretiens avec les Croates et les Musulmans.
5 Vous me demandez si c’est objectif... C'est une question
6 extrêmement difficile.
7 M. le Président. - Non, je ne vous ai pas demandé tout à fait
8 cela. Je vous ai demandé comment vous le jugiez, comment vous le trouviez,
9 avec le recul du temps, et si vous formuliez des critiques, si vous
10 l'auriez fait éventuellement autrement, connaissant maintenant la suite
11 des événements ?
12 Mlle Christie (interprétation). - C'était un documentaire
13 difficile à réaliser et puis la situation était telle qu'elle nous
14 imposait certaines limites.
15 Je vois bien des endroits où les prises de vue auraient pu être
16 un peu meilleures... mais je crois tout de même que c'était une tentative
17 honnête, de bonne foi, qui essayait de transmettre quels étaient les
18 effets de la guerre sur une population civile.
19 M. le Président. - Merci. Vous avez essayé de bien répondre. La
20 partie 3 est intitulée "Contrôle par l'armée croate sur le village". Que
21 voulez-vous dire par "l'armée croate" ? Est-ce le HVO, l'armée de Zagreb ?
22 Mlle Christie (interprétation). - Le HVO.
23 M. le Président. - Avez-vous eu l'occasion de rencontrer des
24 gens du HVO ?
25 Mlle Christie (interprétation). - Des membres du HVO ? Nous les
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1 rencontrions quotidiennement au poste de contrôle. Nous nous arrêtions
2 très souvent et nous nous entretenions avec eux. Certains membres de la
3 famille de Slavka étaient membres du HVO et nous parlions dans la rue à
4 des personnes du village qui étaient membres du HVO.
5 M. le Président. - Merci. Vous nous avez consacré une large
6 partie de l'après-midi. Le Tribunal vous en sait gré. Je pense qu'il n'y a
7 pas d'autres questions. Vous pouvez donc à présent retourner à vos
8 activités. Merci.
9 Monsieur l’huissier, nous allons raccompagner
10 Mme Deborah Christie avant d'écouter le témoin suivant.
11 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
12
13 M. le Président. - Maître Kehoe ?
14 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
15 Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Messieurs les Juges. Le témoin
16 suivant a demandé à se voir accorder des mesures de protection. Nous avons
17 préalablement parlé de ce témoin avec les conseils de la défense. Nous
18 avons également demandé à ce que ce témoignage se déroule à huis clos, au
19 vu de la nature des informations qui apparaîtront au cours de son
20 témoignage.
21 Nous ne souhaitons pas que des informations philtrent qui
22 permettraient d'identifier cette personne ou des personnes la connaissant.
23 M. le Président. - Pas d'objection. Monsieur le greffier, nous
24 procédons au huis clos total.
25 Audience à huis clos
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25 L'audience est levée à 18 heures 30.