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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T
2 POUR LEX-YOUGOSLAVIE
3
4 Jeudi 07 mai 1998
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6 LE PROCUREUR
7 c/
8 TIHOMIR BLASKIC
9
10 La séance est ouverte à 10 heures 10.
11
12 M. le Président. - Veuillez faire entrer l'accusé, s'il vous
13 plaît. L'audience est reprise.
14 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
15 M. le Président. - Je suppose que tout le monde m'entend ? Je
16 salue l'interprète. Nous commençons. C'est M. Andrew Cayley, je pense.
17 Bonjour.
18 M. Cayley (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
19 Messieurs les Juges, conseil de la défense. Le témoin suivant est le
20 capitaine Jean-Marc Lanthier, un officier de l'armée canadienne qui a
21 servi dans les rangs de la Forpronu de 1992 à 1994. Je vais donc passer
22 directement au résumé du témoignage de ce témoin, si vous le souhaitez.
23 M. le Président. - Nous vous écoutons.
24 M. Cayley (interprétation). - Le témoin a donc servi dans les
25 rangs du CanBat ou bataillon canadien. Il s'agissait là de la contribution
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1 du gouvernement canadien aux forces de protection des Nations Unies en
2 Bosnie-Herzégovine d'octobre 1992 à mai 1993. Par la suite, il est revenu
3 sur les lieux, d'octobre 1993 à mai 1994. Le bataillon canadien était basé
4 dans la municipalité de Visoko, municipalité limitrophe de celle de
5 Kiseljak.
6 La plupart des éléments qu'il apportera concerneront les
7 événements auxquels il a assisté dans la municipalité de Kiseljak. Tout
8 d'abord, il parlera de la structure du commandement militaire du HVO et
9 notamment de deux conversations : l'une qu'il a eue avec M. Mario Bradara
10 au quartier général du HVO de Kiseljak et qui portait sur la structure et
11 les différents éléments du commandement du HVO ; il parlera également
12 d'une autre conversation qu'il a eue avec le colonel Blaskic à Vitez, qui
13 lui a confirmé que la structure décrite par M. Bradara était effectivement
14 la structure du HVO. Il dira également que toutes les forces qui se
15 trouvaient dans la municipalité de Kiseljak étaient placées sous le
16 commandement du colonel Blaskic. Il parlera de son expérience dans le
17 cadre de la commission conjointe à Busovaca et vous expliquera
18 l'impression qu'il a eue de la relation existant entre M. Dario Kordic et
19 le colonel Blaskic.
20 Il passera ensuite à des événements qui ont eu lieu après le
21 16 avril 1993 dans les municipalités de Vitez et Kiseljak. Il vous dira ce
22 qu'il a pu observer à Ahmici et ce qui est arrivé à la mosquée de ce
23 village. Il dira qu'il a tenté de rencontrer le colonel Blaskic au
24 quartier général de Vitez afin d'avoir une meilleure idée de la situation
25 à l'époque. Malheureusement, ces deux visites ont été vaines, il vous dira
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1 pourquoi. Il décrira ensuite la violence et les destructions qui ont eu
2 lieu par la suite dans la municipalité de Kiseljak. Il vous communiquera
3 les informations sur les destructions de villages musulmans qui ont eu
4 lieu après le 16 avril. Il parlera notamment du village de Rotilj. Il
5 témoignera sur ce qu'il a vu, sur les atrocités qui ont eu lieu, sur les
6 mauvais traitements infligés à des civils, et sur l'utilisation d'hommes
7 qui devaient aller creuser des tranchées.
8 Il parlera d'un certain nombre de plaintes qu'il a formulées sur
9 ce qu'il a vu et qu'il a envoyées au quartier général du HVO de Kiseljak
10 et il relatera les explications qui lui ont été données quant à la nature
11 des opérations militaires qui avaient lieu, des pratiques un peu
12 particulières dans le cadre de la sécurité du HVO et également à
13 l'encontre de civils musulmans. Il parlera également des informations dont
14 il dispose sur la détention de civils dans le quartier général du HVO à
15 Kiseljak, dans la caserne également et il dira qu'il a reçu finalement des
16 menaces de mort suite aux questions qu'il ne cessait de poser. Il parlera
17 ensuite de sa seconde période de service en Bosnie d'octobre à mai 1994
18 et il parlera notamment des événements qui se sont déroulés dans la
19 municipalité de Fojnica. Il dira que le bataillon canadien a assuré, à ce
20 moment-là, le fonctionnement d'un hôpital dans la ville de Bakuvice, qui
21 devait assurer des soins pour des personnes blessées ou qui subissaient
22 des handicaps. Il dira également que le bataillon canadien a donc assumé
23 cette responsabilité. Il expliquera comment le HVO a interdit à tout
24 membre de l'hôpital de revenir pour y travailler et comment le HVO a
25 utilisé des patients atteints d'un handicap mental pour déminer certains
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1 champs. Il dira comment les convois de la Forpronu étaient l'objet de tirs
2 continuels de la part du HVO lorsqu'ils se déplaçaient entre Kiseljak et
3 Fojnica. Il parlera notamment d'un convoi en particulier qui contenait des
4 médicaments, des biens de première nécessité destinés à l'hôpital, qui au
5 départ avait reçu l'autorisation de se déplacer de Kiseljak et qui a
6 finalement subi une attaque, alors que le symbole de la Croix-Rouge
7 figurait clairement sur le convoi. Il parlera de la plainte qu'il a
8 formulée au quartier général du HVO suite à cette attaque.
9 Pour finir, il parlera des unités organisées, unités militaires
10 bosniennes dans la municipalité de Kiseljak. Il parlera également de la
11 voix hiérarchique du HVO et des structures de communication qui était
12 mises à la disposition du HVO : communications radio, fax, lignes
13 téléphoniques et liens routiers entre les différentes zones contrôlées par
14 le HVO. Il vous donnera également une opinion de soldat sur la nature des
15 opérations militaires qu'il a pu observer au cours de sa première période
16 de service dans les municipalités de Vitez et de Kiseljak. Le témoignage
17 illustre, je crois, les paragraphes 3, 4, 5, 5.1 et 5.2 de l'acte
18 d'accusation au chef d'accusation premier (persécution), les paragraphes
19 6.0 à 6.7, chefs d'accusation 2 à 4, 8 chefs d'accusation 5 à 10,
20 paragraphe 9, chefs d'accusation 11 à 13 (destructions et pillages de
21 propriété) qui est le paragraphe 10 de l'acte d'accusation, chef
22 d'accusation 14 (destruction d'édifices consacrés à la religion) -il
23 s'agit du paragraphe 11- et enfin, chefs d'accusation 15 à 20 (traitements
24 inhumains, prises d'otages), il s'agit des paragraphes 12 à 16
25 M. le Président - Merci. C'est très clair, Maître Cayley. Nous
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1 nous en tiendrons donc à ce schéma et je le dirai d'ailleurs au témoin
2 pour qu'il s'en tienne bien au schéma que vous avez dû lui préparer pour
3 essayer de ne pas trop nous attarder plus qu'il ne serait nécessaire, bien
4 entendu. Pour combien de temps prévoyez-vous ce témoignage, pour votre
5 propre partie ?
6 M. Cayley (interprétation). - Je dirais une heure et demie à
7 deux heures, Monsieur le Président.
8 M. le Président - Monsieur le Greffier, nous pouvons introduire
9 le capitaine Lanthier.
10 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
11 M'entendez-vous ?
12 M. Lanthier. - Parfaitement, Monsieur le Président.
13 M. le Président - Vous allez d'abord nous rappeler votre nom,
14 votre prénom et votre grade dans l'armée.
15 M. Lanthier. - Capitaine Jean-Marc Lanthier.
16 M. le Président - Bien. Restez debout encore dix secondes, le
17 temps de lire votre déclaration.
18 M. Lanthier. - Je déclare solennellement que je dirai la vérité,
19 toute la vérité et rien que la vérité.
20 M. le Président - Merci, capitaine. Vous pouvez vous asseoir.
21 Vous êtes cité par l'accusation devant le Tribunal pénal international
22 dans le procès contre M. Blaskic, l'accusé ici présent. Le Procureur,
23 comme les Juges le lui demandent, nous a donné un sommaire de votre
24 témoignage. Nous vous demandons donc de ne pas vous perdre dans les
25 détails et de rester sur les axes principaux de votre témoignage. Votre
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1 nom est bien Lanthier ? L A N T H I E R ?
2 M. Lanthier. - Oui, c'est bien cela.
3 M. le Président. - Il faut rester sur les arêtes principales de
4 votre témoignage étant entendu que, si certains points jugés importants
5 par l'accusation ont été omis, le Procureur vous posera bien sûr les
6 questions. Monsieur le Procureur, c'est à vous.
7 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
8 Bonjour, capitaine Lanthier. Je vous demanderai -et je ferai la même
9 chose- de parler relativement lentement afin que les interprètes puissent
10 interpréter vos propos. Je crois que vous avez rejoint les forces armées
11 canadiennes en quittant l'université en 1989, c'est cela ?
12 M. Lanthier. - C'est bien cela.
13 M. Cayley (interprétation). - Je crois que vous êtes officier de
14 cavalerie et que vous avez ensuite intégré le douzième régiment blindé du
15 Canada ?
16 M. Lanthier. - C'est exact.
17 M. Cayley (interprétation). - Je crois que vous avez occupé un
18 certain nombre de postes dans le cadre de l'armée. Vous avez été dirigeant
19 de troupes, officier dans un escadron et je crois que vous avez travaillé
20 avec le général Canes pendant deux ans.
21 M. Lanthier. - Cest exact.
22 M. Cayley (interprétation). - Je crois que vous avez assisté aux
23 cours de l'école des officiers à Kingston.
24 M. Lanthier. - Cest exact.
25 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire que, entre
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1 octobre 1992 et mai 1993, vous avez servi dans les rangs du deuxième
2 régiment canadien, à Visoko, en Bosnie-Herzégovine ?
3 M. Lanthier. - (Hors micro)... le deuxième bataillon du Working
4 Regiment.
5 M. Cayley (interprétation). - Je vais répéter la question. Ai-je
6 raison de dire que, entre octobre 1992 et mai 1993, vous avez servi avec
7 le deuxième régiment canadien, à Visoko, en Bosnie-Herzégovine ?
8 M. Lanthier. - C'était le deuxième bataillon, "working
9 regiment".
10 M. Cayley (interprétation). - Mais je crois que le régiment
11 était stationné pendant un certain temps à Lipik, pendant trois mois et
12 que vous vous êtes ensuite déployé à Visoko, en février 1993 ?
13 M. Lanthier. - C'est correct. Le deuxième bataillon devait se
14 déployer à Banja Luka, en Bosnie-Herzégovine , mais notre arrivée a été
15 retardée à peu près de trois mois, car nous n'avions pas accès de Lipik à
16 Banja Luka. Nous nous sommes déployés par la côte à Visoko, à la mi-
17 février.
18 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous expliquer aux Juges,
19 en bref, l'objet de la mission du régiment canadien en Bosnie-
20 Herzégovine ?
21 M. Lanthier. - Cette mission de la Forpronu pour le bataillon
22 canadien était initialement de fournir le support demandé par le HCR. On
23 parlait principalement d'escorte de convoi. C'était la mission première du
24 bataillon canadien.
25 M. Cayley (interprétation). - Peut-on montrer la pièce 329 au
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1 témoin, s'il vous plaît ?
2 (L'huissier s'exécute.)
3 Je voudrais informer les techniciens qu'il y a des rayures sur
4 l'écran, mais je pense que le témoin et toutes les personnes concernées
5 disposent déjà de cette pièce. Monsieur le témoin, de quoi s'agit-il ?
6 M. Lanthier. - Cela représente principalement le secteur de
7 responsabilité du bataillon canadien en 1993 lors de notre arrivée en
8 Bosnie-Herzégovine. Mon écran n'est pas assez clair. Je vais donc
9 travailler à partir du document. M'entend-on tout de même ? Vous voyez ici
10 les différentes municipalités dans lesquelles le bataillon canadien
11 opérait. Nous étions basés à Visoko. Les autres secteurs dans lesquels
12 nous avons opéré sont les suivants : Visoko, Kiseljak, Kresovo, Fojnica,
13 Breza, Ilehac, Orovo, Vares et Kakanj. Busovaca ici ne nous appartenait
14 pas mais c'était une route principale pour se rendre dans la poche de
15 Kiseljak donc je l'ai empruntée, j'étais très familier avec le secteur de
16 Busovaca. Tuzla, également ne nous appartenait pas comme telle, mais on
17 avait une compagnie déployée à Srebrenica. On avait également un peloton
18 déployé dans la municipalité de (Zaviduvici) et nos convois, pour se
19 déployer à Srebrenica passaient par (Zaviduvici), Tuzla, (Sbornec) et à
20 Srebrenica. Donc, les secteurs en foncé montrent les secteurs de
21 responsabilité du bataillon canadien ou les secteurs que je connaissais
22 très bien étant donné que je travaillais à partir de ces secteurs-là.
23 M. Cayley (interprétation). - Quelle était votre position au
24 sein du bataillon canadien, de février à la mi-mai 1993 ?
25 M. Lanthier. - J'étais l'officier de liaison en faction
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1 belligérante. Les implications de ce rôle là étaient dans les secteurs de
2 responsabilité, les trois factions belligérantes étaient présentes, les
3 forces bosniaques du gouvernement que l'on appelait BiH, on avait le HVO,
4 la Bosnian Serb Army. Les trois factions belligérantes étaient dans notre
5 secteur. Mon rôle était d'établir les liaisons avec eux, de s'assurer que
6 l'on ait la liberté de mouvement dont on avait besoin pour accomplir nos
7 fonctions et je m'assurais également d'obtenir la liberté de mouvement
8 pour le HCR qui circulait et assurait l'aide humanitaire dans notre
9 secteur de responsabilité. Egalement dans ce même rôle, mais ce n'était
10 pas une fonction explicite mais plutôt implicite, j'étais appelé à faire
11 la liaison avec le HCR. Il y avait toujours un manque critique de
12 "field officers". c'est-à-dire d'agents pour travailler sur le terrain.
13 Mon rôle était de déterminer, jusqu'à un certain point, les besoins en
14 aide humanitaire requis dans le secteur de responsabilité. Je passais ces
15 informations au HCR. Egalement en tant qu'officier de liaison travaillant
16 sur le terrain, j'étais capable de donner au HCR des briefings quotidiens
17 sur l'état de la situation, donc là où les combats avaient lieu et le
18 besoin d'escorte pour leur convoi, s'il existait. Cela résume en gros
19 l'étendue de mes fonctions. Bien que j'étais l'officier de liaison aux
20 factions belligérantes, nos relations avec l'armée serbe à ce moment là en
21 Bosnie, étaient très pauvres. On n'a pas réussi à maintenir un contact,
22 donc j'étais en contact quotidien plutôt avec le HVO et le BiH.
23 M. Cayley (interprétation). - Capitaine Lanthier, puis-je vous
24 demander, s'il vous plaît de faire un effort pour ralentir votre débit
25 parce que les interprètes pourront interpréter plus facilement vos propos.
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1 Afin de résumer, vous étiez principalement officier de liaison entre les
2 trois factions belligérantes, les forces du gouvernement bosniaque, les
3 forces serbes et les forces du HVO ?
4 M. Lanthier. - C'est bien cela.
5 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'en tant qu'officier de
6 liaison, peu de temps après votre arrivée sur les lieux, vous avez dû
7 entrer en contact avec les quartiers généraux locaux ou les commandements
8 des trois factions belligérantes. Pourriez-vous dire aux Juges comment
9 vous avez procédé ?
10 M. Lanthier. - Dès mon arrivée, on a commencé à se déployer à
11 la mi-février. La première semaine, on a établi notre camp à Visoko, donc
12 je n'ai pas immédiatement commencé la liaison, bien que le secteur dans
13 lequel on est arrivé, n'appartenait à aucune force de la Forpronu. Le plus
14 proche bataillon était le bataillon britannique situé à Vitez à ce moment
15 là. Un officier de liaison britannique, dont je ne me souviens pas du nom,
16 avait déjà établi des liaisons,...
17 M. le Président. - Pardon capitaine. Nous sommes en mi-février
18 quand vous arrivez ?
19 M. Lanthier. - 1993.
20 M. le Président. - D'accord. Merci.
21 M. Lanthier. - Donc, à ce moment là, cet officier de liaison
22 britannique avait déjà établi certains contacts avec les différentes
23 forces sur le terrain. Il m'a délégué ces responsabilités parce que lui
24 était maintenant concentré uniquement dans le secteur de responsabilité du
25 bataillon britannique. Il m'avait rapidement montré l'emplacement des
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1 différents quartiers généraux dans mon secteur de responsabilité, sans
2 toutefois me présenter aux différents commandants, à l'exception d'un, le
3 commandant de la 304ème brigade BiH situé à Breza, M. Senad... je ne me
4 souviens plus de son nom de famille. Donc ma première étape, étant donné
5 que nous étions les nouveaux arrivés, a été de me présenter aux différents
6 commandants des quartiers généraux. Le premier quartier général auquel je
7 suis allé, était celui situé dans les baraques de Kiseljak. Lorsque je
8 suis arrivé, le commandant s'est présenté à moi comme M. Ivica Rajic et la
9 première réaction de M. Rajic a été de ne pas montrer un intérêt
10 particulier à vouloir entretenir une discussion avec moi, cette journée-
11 là. Il m'a plutôt adressé à son commandant adjoint Mario Bradara et m'a
12 dit que M. Bradara s'occuperait d'entretenir les discussions avec moi, et
13 que ce serait à lui que j'aurais à m'adresser pour tous points sur
14 lesquels je voudrais discuter.
15 Donc M. Bradara a été introduit par M. Rajic comme étant son
16 commandant adjoint, et à ce moment là, je lui ai expliqué que le bataillon
17 canadien venait d'arriver la semaine auparavant à Visoko. J'ai expliqué la
18 mission et les rôles du bataillon canadien dans notre secteur de
19 responsabilité. Je savais un peu l'organisation des forces du HVO dans
20 notre secteur de responsabilité, l'officier britannique m'avait montré un
21 peu le secteur et m'avait expliqué en termes très généraux comment les
22 forces étaient réparties sur le terrain. Mais pour clarifier cela, lors de
23 mon entretien avec M. Bradara, je lui ai demandé de m'expliquer la
24 structure et la chaîne de commandement à ce moment là des forces HVO dans
25 notre secteur de responsabilité et en Bosnie centrale, parce que,
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1 évidemment, la chaîne de commandement débordait et n'était pas identiques
2 à notre secteur de responsabilité. Donc à ce moment là, c'était
3 clair :M. Rajic commandait, Mario Bradara était son commandement adjoint.
4 On m'a expliqué la structure au niveau plus bas. Il contrôlait quatre
5 forces, quatre unités. Les quatre quartiers généraux subalternes à
6 M. Rajic étaient les villes ou municipalités de Vares, Kiseljak, Kresevo
7 et Fojnica. Donc, ça c'était la structure de base sur le terrain. La
8 nature ou l'étendue, la grosseur des forces ne m'était pas claire à ce
9 moment là. Parlait-on de bataillon ou de brigade ?
10 M. Lanthier. - On ne m'a pas identifié si c'était une brigade ou
11 un bataillon, moi je vous ai expliqué les quatre municipalités. Ces quatre
12 unités ou formations dépendaient de Kiseljak et Kiseljak lui-même en tant
13 que groupe opérationnel répondait à son quartier général à Vitez qui était
14 connu sur une zone opérationnelle que commandait le colonel Blaskic.
15 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous attendre un instant,
16 s'il vous plaît, capitaine Lanthier, parce que le compte rendu s'est
17 arrêté sur l'écran. Monsieur le Président, je crois que le système ne
18 fonctionne pas actuellement, qu'il n'y a plus de compte rendu apparaissant
19 simultanément sur l'écran. Peut-être pourrions-nous faire une pause,
20 Monsieur le Président, afin de régler ce problème technique ?
21 M. le Président. - L'audience est suspendue.
22
23 L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à
24 10 heures 50.
25
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1 M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Asseyez-vous. Je
2 pense que nous ferons une pause plutôt vers 11 heures 30, à ce moment là.
3 Allons-y. Peut-être faut-il reprendre en arrière, Monsieur Cayley ?
4 M. Cayley (interprétation). - Oui, je suis d'accord avec vous,
5 Monsieur le Président. Pourrait-on montrer la pièce 330 au témoin ?
6 (L'huissier s'exécute.)
7 Capitaine Lanthier, rappelez-vous, si vous le voulez bien, de
8 parler lentement. Pourriez-vous revenir à la visite que vous avez rendue à
9 la caserne à Kiseljak et à votre rencontre avec M. Bradara et M. Rajic,
10 occasion à laquelle M. Bradara vous a expliqué la hiérarchie du
11 commandement en Bosnie centrale ? Je voudrais que vous utilisiez ce
12 diagramme. Avant que vous répondiez à la question principale, est-ce vous
13 qui avez dessiné ce diagramme à l'intention du Bureau du Procureur ?
14 M. Lanthier. - Effectivement, c'est moi qui ai dessiné ce
15 diagramme. Lorsque que l'on s'est rencontrés, vous m'avez demandé de le
16 schématiser donc j'ai dessiné à la main ce que l'on m'a expliqué lors de
17 ma rencontre avec M. Bradara. C'est ce que représente ce diagramme sur
18 ordinateur.
19 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous résumer brièvement à
20 l'intention des Juges ce que M. Bradara a pu vous dire concernant la
21 structure de commandement à Kiseljak ?
22 M. Lanthier. - Comme je l'ai dit précédemment, on m'a expliqué
23 lors de cette rencontre, de cet entretien avec M. Bradara, que le quartier
24 général de Kiseljak contrôlait les quatre régions que l'on voit
25 identifiées là, en bas : Fojnica, Kresovo, Kiseljak et Vares. Ces quatre
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1 unités ou formations m'étaient inconnues, leur importance m'était
2 inconnue. Plus tard, en travaillant sur le terrain, j'ai connu
3 l'importance de Vares comme une brigade connue sous le nom de Bobovac.
4 Celle de Kiseljak était également une brigade connue sous le nom de
5 Ban Jelacic. Kresovo et Fojnica, je n'ai jamais été vraiment certain s'il
6 s'agissait d'un bataillon ou d'une brigade mais ces quatre formations ou
7 unités étaient sous le commandement du quartier général opérationnel de
8 Kiseljak. Kiseljak, quant à lui, répondait à Vitez qui est un quartier
9 général au niveau zone opérationnelle pour la Bosnie centrale, qui était
10 commandée par... Il se passe quelque chose avec l'écran.
11 M. Cayley (interprétation). - Quel était le nom de la brigade à
12 Vares, s'il vous plaît ?
13 M. Lanthier. - Je l'ai connue sous le nom de brigade Bobovac.
14 M. Cayley (interprétation). - Quel était le nom de la brigade
15 qui se trouvait à Kiseljak ?
16 M. Lanthier. - Ban Jelacic.
17 M. Cayley (interprétation). - Vous dites Ban Jelacic ?
18 M. Lanthier. - C'est bien cela.
19 M. Cayley (interprétation). - Pour la structure à Kiseljak et
20 les unités subordonnées, cela vous a été expliqué par Mario Bradara,
21 commandant adjoint ?
22 M. Lanthier. - Je lui avais demandé de m'expliquer quelles
23 étaient les forces sur le terrain. Je connaissais le secteur. Vares était
24 une enclave à ce moment-là, enclave dans la mesure où elle était entourée
25 par le BiH et la Bosnian Serb Army à droite. Kiseljak contenait également
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1 certaines forces. Je lui avais demandé qu'il m'explique les unités de
2 formation et la chaîne de commandement pour toutes ces unités et
3 formations dans mon secteur de responsabilité. C'est à ce moment-là qu'il
4 m'a expliqué ce qu'il en était.
5 M. Cayley (interprétation). - Je pense que, par la suite, vous
6 avez rendu visite au colonel Blaskic à Vitez, car M. Bradara vous a
7 expliqué que le colonel Blaskic était le supérieur et se trouvait à
8 Vitez ?
9 M. Lanthier. - C'est exact. J'ai décidé de rendre visite, dans
10 le quartier général de Vitez, au colonel Blaskic, bien que Vitez n'ait pas
11 été dans mon secteur de responsabilité. En fait, la région de Vitez
12 appartenait au bataillon britannique basé à Vitez. C'était important pour
13 moi d'être présenté auprès du colonel Blaskic. Les raisons qui motivaient
14 cette visite étaient que, premièrement, nous étions nouveaux dans la
15 région. Nous travaillions sur une portion du terrain contrôlée par le HVO
16 qui était sous le contrôle et le commandement du colonel Blaskic. C'était
17 important pour moi d'être présenté et de présenter le bataillon canadien à
18 ce moment-là au colonel Blaskic.
19 C'était également important pour moi de connaître le supérieur
20 de M. Rajic. En effet, étant militaire, la chaîne de commandement est
21 vitale. Je devais être capable, si un problème survenait dans la région de
22 Kiseljak ou de Vares, de remonter la filière et d'essayer de régler le
23 problème au niveau supérieur. C'est la raison pour laquelle j'avais pris
24 rendez vous avec le colonel Blaskic et, subséquemment...
25 M. le Président. - Parlez plus doucement, capitaine, pour que
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1 les sténotypistes anglaises puissent suivre.
2 M. Lanthier. - J'avais pris rendez-vous avec le colonel Blaskic
3 et je l'ai rencontré.
4 M. Cayley (interprétation). - A cette réunion, avez-vous posé au
5 colonel Blaskic des questions concernant la hiérarchie et, notamment, la
6 caserne de Kiseljak ?
7 M. Lanthier. - La première chose lors de cette visite a été
8 d'être présenté personnellement et de présenter également le bataillon
9 canadien, de décrire sa mission et ses rôles. Par la suite, je lui ai
10 expliqué pourquoi j'étais venu le rencontrer, puis j'ai expliqué que
11 c'était pour les raisons que je vous ai indiqué précédemment. J'ai
12 également expliqué que c'était important pour moi de pouvoir le voir si
13 j'avais des problèmes que je ne pouvais par régler avec le quartier
14 général de Kiseljak. Il m'a confirmé l'étendue de son commandement et de
15 son contrôle face aux unités et formations qui étaient dans le secteur de
16 responsabilité du bataillon canadien.
17 M. Cayley (interprétation). - Le colonel Blaskic vous a-t-il dit
18 que toutes les forces du HVO dans la région de Kiseljak étaient placées
19 sous son commandement ?
20 M. Lanthier. - Oui, à ce moment-là, il m'avait effectivement
21 confirmé que le quartier général du groupe opérationnel de Kiseljak lui
22 répondait directement et qu'il le contrôlait et le commandait.
23 M. Cayley (interprétation). - Vous en avez conclu que les unités
24 subordonnées à Fojnica, Krajevo, Kiseljak et Vares étaient toutes, en fin
25 de compte, sous les ordres du colonel Blaskic ?
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1 M. Lanthier. - A travers le quartier général de Kiseljak ; la
2 chaîne de commandement que moi j'ai comprise à ce moment-là, le
3 colonel Blaskic me la expliquée à partir du quartier général d'armée qui
4 était situé à Mostar -lui répondait directement à Mostar- et contrôlait
5 Kiseljak qui, elle-même, contrôlait les quatre unités-formations sur ce
6 diagramme.
7 Juge Riad (interprétation). - Je voudrais que l'on répète ceci.
8 M. Lanthier. - Ce que je viens de dire, c'est que ce que l'on
9 m'a expliqué : le colonel Blaskic commandait la zone opérationnelle de
10 Vitez et était sous le commandement du quartier général de l'armée situé à
11 Mostar ; Vitez contrôlait le groupe opérationnel situé dans les casernes
12 de Kiseljak, qui lui-même contrôlait les quatre unités-formations de
13 Fojnica, Krajevo, Vares et Kiseljak.
14 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire qu'à cette
15 réunion, le colonel Blaskic a dit que, bien que sa porte soit toujours
16 ouverte, il ne vous serait pas nécessaire de lui rendre visite à lui car
17 Kiseljak était directement sous ses ordres militaires ?
18 M. Lanthier. - Exact. L'entretien que j'ai eu avec le
19 colonel Blaskic a été un entretien très cordial dans lequel il m'a
20 certainement mentionné que sa porte demeurait ouverte, que j'étais le
21 bienvenu. Tout ce que j'avais à faire pour le rencontrer était de prendre
22 rendez-vous avec lui mais, selon lui, je n'aurais pas besoin de le revoir
23 puisque je pourrais régler mes problèmes en m'adressant directement à
24 Kiseljak, Kiseljak répondant directement de lui. A ce moment-là, cela
25 avait été clair que je devais m'adresser à Kiseljak pour régler tous les
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1 problèmes dans mon secteur de responsabilité, Kiseljak contrôlant toutes
2 les forces qui étaient situées dans le secteur de responsabilité du
3 bataillon canadien. Toutefois, si j'en ressentais le besoin, je ne devais
4 pas hésiter à le contacter.
5 M. Cayley (interprétation). - Vous avez aussi indiqué sur ce
6 diagramme deux autres groupes opérationnels. Connaissiez-vous leur
7 existence ?
8 M. Lanthier. - On m'avait expliqué la structure générale en
9 Bosnie des forces HVO en Bosnie. Les détails, les noms exacts des autres
10 groupes opérationnels et des autres zones opérationnelles méchappent.
11 J'étais particulièrement intéressé par les forces et la structure qui
12 étaient dans ma zone de responsabilité étant donné que c'est là que l'on
13 opérait principalement, mais je savais qu'il existait d'autres groupes
14 opérationnels. Je m'en souviens très bien.
15 M. Cayley (interprétation). - Ces autres groupes opérationnels
16 étaient placés sous le commandement du colonel Blaskic ?
17 M. Lanthier. - Exact. Similairement à celui de Kiseljak.
18 M. Cayley (interprétation). - Merci. Revenons maintenant à
19 M. Bradara qui s'est présenté comme étant le commandant adjoint à
20 Kiseljak. Je voudrais que l'on montre la pièce 331 au témoin.
21 (L'huissier s'exécute.)
22 Vous avez vu une bande vidéo, la pièce 260, et ceci est un
23 instantané pris de cette bande vidéo. Quel est l'homme dont le visage est
24 entouré d'un cercle rouge ?
25 M. Lanthier. - Il s'agit de Mario Bradara.
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1 M. Cayley (interprétation). - Pourrait-on montrer la pièce 332
2 au témoin ?
3 (L'huissier s'exécute.)
4 Encore une fois, c'est un instantané pris de la bande vidéo 260.
5 Reconnaissez-vous l'homme dont le visage est entouré d'un cercle rouge ?
6 M. Lanthier. - Il s'agit encore de M. Bradara.
7 M. Cayley (interprétation). - Combien de fois avez-vous
8 rencontré M. Bradara ?
9 M. Lanthier. - Lors de mon premier séjour en Bosnie,... vous
10 donner un chiffre précis serait difficile. Je l'ai rencontré plusieurs
11 fois par semaine. La première fois, fin février, puis je suis parti à la
12 mi-mai, donc je l'ai rencontré une trentaine de fois, quarante fois,
13 régulièrement.
14 M. Cayley (interprétation). - C'est une approximation
15 satisfaisante, je pense. Toujours sur cette réunion avec M. Bradara et
16 M. Blaskic : quand ces deux réunions ont-elles eu lieu ? A quelles
17 périodes à peu près ?
18 M. Lanthier. - Il s'agirait probablement de la première semaine
19 de mars 1993.
20 M. Cayley (interprétation). - Ce sont les deux réunions où la
21 filière de commandement du HVO vous a été expliqué ?
22 M. Lanthier. - Exact.
23 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le témoin, pouvez-vous
24 dire aux Juges le genre d'uniforme que portait M. Bradara quand vous
25 l'avez rencontré ?
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1 M. Lanthier. - Les deux seuls uniformes dans lesquels je l'ai vu
2 étaient... la première fois, c'était un uniforme noir. Il portait deux
3 badges, celui des forces HVO en Bosnie, honnêtement, je ne me souviens pas
4 de ce que représentait le deuxième. Le seul autre uniforme que je l'ai vu
5 porter était un uniforme de camouflage urbain, un uniforme gris et blanc
6 qui se porte normalement lors de combats en milieu urbain.
7 M. Cayley (interprétation). - M. Mario Bradara pouvait-il
8 toujours prendre des décisions de sa propre initiative ou devait-il se
9 référer à la voie hiérarchique pour les questions militaires ?
10 M. Lanthier. - J'ai eu l'impression que la voie hiérarchique
11 devait être suivie à de nombreuses occasions. Tout ce que j'obtenais de
12 M. Bradara était une attente déterminée et la réponse me parviendrait lors
13 d'une réunion ultérieure. Ce qui indiquait bien qu'une autorité lui était
14 déléguée par M. Rajic lors de la première réunion que j'avais eue avec
15 eux, que M. Bradara devait régulièrement consulter son supérieur pour des
16 décisions importantes.
17 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous parlez de son
18 supérieur, vous pensez à M. Rajic ?
19 M. Lanthier. - Effectivement.
20 M. Cayley (interprétation). - Donc vous avez eu l'impression,
21 quand vous étiez là, que la filière de commandement fonctionnait, que les
22 subordonnés rendaient des comptes à leur supérieur et inversement ?
23 M. Lanthier. - Absolument.
24 M. Cayley (interprétation). - Je voudrais avancer maintenant
25 dans le temps et je voudrais que vous expliquiez au Tribunal ce dont vous
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1 vous souvenez à propos de la commission conjointe de Busovaca. Cela s'est
2 passé la première semaine du mois de mars, je pense ?
3 M. Lanthier. - Effectivement, c'était la première ou deuxième
4 semaine de mars 1993. Je n'étais pas un membre actif de la commission de
5 Busovaca. En revanche, j'y avais été invité par un des membres de l'ECMM
6 qui, lui, était membre. J'avais été invité en temps qu'observateur plutôt
7 que membre et donc mon rôle n'était pas un rôle de participation active,
8 mais plutôt d'écouteur. Je suivais les discussions qui avaient lieu dans
9 le cadre de la commission conjointe de Busovaca. Etant donné que je
10 travaillais sur le terrain, que je connaissais l'état des choses autant du
11 point de vue humanitaire que militaire dans le secteur de responsabilité
12 du bataillon canadien, c'était dans cet esprit-là que l'on m'avait invité
13 à prendre part, ou tout au moins à participer de façon inactive, si on
14 peut dire, à la commission conjointe de Busovaca.
15 A la première réunion à laquelle j'étais allé, parmi les
16 différentes personnes qui avaient participé à cette réunion, il y avait
17 évidemment le représentant de l'ECMM, ainsi qu'un observateur militaire :
18 (Leon Mo), différents représentants des factions, M. Franjo Nakic qui
19 m'avait été présenté comme étant le commandant adjoint de la zone
20 opérationnelle de Vitez. S'y trouvaient aussi le commandant du Troisième
21 corps du BiH, M. Mrdan, ainsi qu'un certain nombre d'individus dont les
22 noms m'échappent. C'était la première réunion à laquelle j'ai participé.
23 J'ai participé à quelques-unes, pas à un nombre énorme. Sous le
24 couvert de la commission, ou dans l'esprit de la commission, en tant
25 qu'observateur, j'ai participé à d'autres réunions. Je crois que le nom
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1 exact était le comité de coordination. Ce dernier n'impliquait pas les
2 commandants adjoints des différentes forces, mais plutôt les commandants,
3 en particulier celui auquel, à deux ou trois reprises, j'ai participé, le
4 colonel Blaskic était présent, le colonel Steward était le commandant du
5 bataillon britannique basé à Vitez. Il y avait également le commandant du
6 Troisième corps, ainsi que Dario Kordic et une dame du côté des politiques
7 bosniaques, dont le nom m'échappe.
8 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous décrire à
9 l'intention des Juges l'interaction que vous avez pu observer entre le
10 colonel Blaskic et M. Dario Kordic ?
11 M. Lanthier. - Comme je l'ai dit précédemment, j'étais là comme
12 observateur, donc je n'étais pas à la table comme un membre actif mais
13 plutôt en arrière-plan. J'ai participé à ces réunions avec un des
14 traducteurs qui m'assistaient. On m'avait introduit et j'ai parlé lors de
15 la première réunion avec M. Dario Kordic qui m'avait été présenté comme
16 étant un des chefs politiques du côté croate en Bosnie. L'impression qui
17 s'en est dégagée, lorsque j'ai écouté les conversations et les discussions
18 qui ont eu lieu, était que M. Kordic pourrait être décrit comme le
19 conseiller en matière politique auprès du colonel Blaskic. C'est tout du
20 moins l'impression que j'en ai eu avec ce que j'ai pu comprendre des
21 discussions qui avaient lieu.
22 M. Cayley (interprétation). - Dans le compte rendu, il apparaît
23 que vous avez dit qu'il était l'un des principaux responsables politiques
24 pour le côté bosniaque en Croatie. Vous voulez sans doute dire l'inverse ?
25 Le représentant politique des Croates de Bosnie ?
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1 M. Lanthier. - Oui, effectivement.
2 M. Cayley (interprétation). - D'après ce que vous avez vu et
3 d'après ce que vous disait votre interprète, comment pourriez-vous décrire
4 les rapports entre M. Kordic et le colonel Blaskic ?
5 M. Lanthier. - Pour les questions militaires parce que, dans mon
6 souvenir, ces réunions couvraient un assez vaste éventail de sujets : des
7 questions économiques, des questions militaires, sociales et humanitaires.
8 La relation que j'ai pu observer, celle qui m'intéressait particulièrement
9 était le côté militaire, en tant qu'officier de liaison aux factions
10 belligérantes. La perception que j'ai eu était, comme je l'ai dit, que
11 M. Kordic était le conseiller du côté politique mais, du côté militaire,
12 c'était le colonel Blaskic qui avait le dernier mot et prenait les
13 décisions, ratifiait les ententes ou donnait expressément son accord aux
14 ententes.
15 M. Cayley (interprétation). - Le 17 avril, vous avez rendu
16 visite à un commandant des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine, dans
17 le groupe Istok, et cette personne vous a dit -je pense- qu'il était
18 préoccupé par la municipalité de Vitez. Pourriez-vous raconter aux Juges
19 cette rencontre et votre visite ensuite à la municipalité de Vitez ?
20 M. Lanthier. -Je vais peut-être clarifier la raison pour
21 laquelle je rencontrais le commandant d'Udzi Istok. Nous étions basés à
22 Visoko, le quartier général du bataillon canadien était basé à Visoko. A
23 peu près à trois ou quatre cents mètres de notre camp se trouvait le
24 quartier général du groupe opérationnel Istok. C'était le groupe
25 opérationnel musulman qui contrôlait les différentes brigades musulmanes
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1 dans mon secteur de responsabilité. Ce quartier général contrôlait
2 la 302ème brigade située à Visoko, la 304ème brigade située à Breza et une
3 troisième brigade.
4 A cause de la proximité de nos camps et des relations que
5 j'avais avec ce quartier général, j'avais l'habitude de commencer ma
6 journée en me présentant à 7 heures 30 au quartier général d'Udzi Istok.
7 Le commandant Behamil Memisevic me donnait à ce moment-là un compte rendu
8 de la situation, des choses qui s'étaient passées lors des dernières
9 vingt-quatre heures. Etant donné que je le rencontrais quotidiennement,
10 cela me permettait de savoir ce qui se passait dans le secteur de
11 responsabilité que je n'avais peut-être pas pu observer. C'est de cette
12 façon-là que je glanais les informations sur ce qui se passait. Après,
13 j'ai été capable de rechercher plus en détail. Lors de cet entretien
14 quotidien, le 17, M. Memisevic m'avait rapporté que, dans la poche de
15 Vitez, il semblait alors y avoir un conflit et que des citoyens musulmans
16 vivant dans la poche de Kiseljak avaient été victimes d'une attaque lancée
17 par les forces croates de la poche de Vitez.
18 M. Cayley (interprétation). - Je vous interromps. Vous venez de
19 dire que des civils musulmans vivant dans la poche de Kiseljak avaient été
20 attaqués. Vous parlez plutôt de la poche de Vitez ?
21 M. Lanthier. - Oui. Effectivement, des citoyens musulmans de la
22 poche de Vitez avaient été victimes d'une attaque. Plusieurs maisons
23 avaient été brûlées, des citoyens avaient été faits prisonniers et
24 certains crimes avaient été commis contre eux. Il me demandait si j'étais
25 en mesure de lui donner des informations sur ce rapport qu'il avait reçu.
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1 Je n'avais à ce moment-là aucune information qui me permettait de lui
2 confirmer ou de lui infirmer un tel rapport. J'ai donc décidé de me rendre
3 moi-même dans la poche de Vitez, bien que Vitez ne soit pas dans mon
4 secteur de responsabilité. Mon inquiétude était que, si une telle chose
5 s'était produite dans la poche de Vitez -c'était aussi l'impression de
6 M. Memisevic-, une telle attaque pourrait s'étendre dans la poche de
7 Kiseljak. Face à cela, ma réaction a été de me rendre à Vitez pour
8 constater de visu si, effectivement, il s'était passé quelque chose et
9 également pour rencontrer le colonel Blaskic afin d'obtenir plus de
10 détails sur ce qui s'était effectivement passé. J'ai donc pris la route et
11 j'ai pu voyager à travers la poche de Vitez pour me rendre jusqu'au
12 quartier général situé à Vitez.
13 M. le Président - Quel jour ?
14 M. Lanthier. - Ce serait le 18 ou le 19 avril,
15 approximativement. En passant à travers la poche de Vitez où j'allais
16 assez régulièrement puisque je visitais régulièrement le bataillon
17 britannique à Vitez, j'ai remarqué que des demeures avaient été brûlées.
18 Il était évident qu'il y avait eu combats. La ville même de Vitez était
19 beaucoup plus tranquille que d'habitude : pas d'enfants qui jouaient dans
20 les rues, rien. Elle donnait un peu l'impression d'une ville fantôme. Ce
21 serait peut-être la meilleure façon de décrire ce que j'ai ressenti.
22 En me présentant au quartier général de Vitez, en demandant à
23 rencontrer le colonel Blaskic, le garde à l'extérieur même de l'hôtel où
24 était le quartier général m'a dit tout simplement que personne n'était
25 disponible pour me rencontrer. Je suis retourné sur mes pas et je suis
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1 revenu au camp canadien. Mais, en passant, en débordant de la route
2 principale et en montant au village au nord d'Ahmici pour voir ce qui
3 s'était passé, j'ai remarqué que la tour de la mosquée était détruite.
4 L'impression qui s'en dégageait est qu'il y avait eu attaque contre les
5 populations musulmanes de la poche de Vitez.
6 M. Cayley (interprétation). - Vous êtes retourné encore une
7 fois, je pense, au quartier général du HVO à Vitez pour essayer de voir le
8 colonel Blaskic et poser des questions sur ce que vous aviez vu dans la
9 municipalité de Vitez. Pourriez-vous nous parler de cette deuxième visite
10 au quartier général ?
11 M. Lanthier. - Je n'avais toujours pas de réponse. J'avais parlé
12 avec les officiers de liaison du camp britannique qui m'avaient donné
13 certains détails. J'étais donc en mesure de savoir ce qui s'était tout de
14 même passé dans la poche de Vitez, mais j'avais besoin de plus de
15 renseignements étant donné notre inquiétude que le conflit s'étende dans
16 la poche de Kiseljak. Le lendemain, je me suis rendu de nouveau à Vitez
17 dans le but de rencontrer le colonel Blaskic. Cette fois, j'ai pu pénétrer
18 dans le quartier général, mais je n'ai pas réussi à rencontrer le
19 colonel Blaskic. On m'a dit qu'il était encore absent. M. Nakic n'était
20 pas présent non plus et j'ai parlé à un des officiers d'état-major. C'est
21 lui qui m'a donné l'information que le commandant et le commandant adjoint
22 n'étaient pas présents. J'ai donc demandé si lui, en tant qu'officier
23 d'état-major, était en mesure de donner des détails sur les événements
24 survenus dans les jours précédents...
25 M. Cayley (interprétation). - Capitaine Lanthier, le compte
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1 rendu indique que M. Rahic n'était pas présent au quartier général. Je
2 pense que vous voulez dire M. Nakic
3 M. Lanthier. - C'est ce que j'ai dit : M. Franjo Nakic.
4 M. Cayley (interprétation). - Quelle était sa position au
5 quartier général de Vitez ?
6 M. Lanthier. - C'était le commandant adjoint du colonel Blaskic.
7 M. Cayley (interprétation). - Je vous ai interrompu alors que
8 vous expliquiez que l'un des représentants du colonel Blaskic vous avait
9 rencontré au quartier général. Que vous a dit cette personne ?
10 M. Lanthier. - Non pas un représentant, mais un officier d'état-
11 major du quartier général m'a dit que ni le commandant ni le commandant
12 adjoint n'étaient présents. Lorsque je lui ai demandé de me donner des
13 éclaircissements sur les événements survenus les jours précédents, il m'a
14 répondu qu'il n'avait aucun commentaire à faire sur cela. C'est ce qui a
15 terminé notre discussion.
16 M. Cayley (interprétation). - Je pense que vous êtes retourné à
17 Visoko et que vous avez informé votre officier supérieur au sujet de ce
18 que vous aviez vu dans la municipalité de Vitez. J'aimerais maintenant que
19 nous passions au 19 avril, date à laquelle -je crois- vous avez rencontré
20 M. Memisevic une nouvelle fois. Ce jour là, il vous a parlé de certaines
21 activités du HVO qui avaient commencées dans la municipalité de Kiseljak.
22 Pouvez-vous parler au Juge de ce jour là, de ce que vous avez fait
23 également ensuite ?
24 M. Lanthier. - Effectivement, le lendemain matin, ou le 19 au
25 matin, j'ai rencontré encore, comme je le faisais tous les matins,
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1 M. Memisevic. A ce moment-là, il m'avait fait état d'un rapport qu'il
2 avait reçu, selon lequel des activités similaires à celles qui étaient
3 survenues à Vitez la journée du 16 étaient maintenant commencées dans la
4 municipalité de Kiseljak. Il me rapportait qu'il semblerait, parce que lui
5 n'était pas en mesure de me le confirmer de façon précise son rapport,
6 qu'il y avait également eu des attaques contre les citoyens musulmans de
7 la poche de Kiseljak. Il m'avait, à ce moment-là, identifié certains
8 villages qui avaient une forte proportion de citoyens musulmans. Avec
9 cette information là, j'ai décidé de passer à travers la poche de Kiseljak
10 pour confirmer de visu, si effectivement, de telles activités avaient
11 lieu. Donc, au lieu d'aller directement de Visoko à Kiseljak par la route
12 directe, j'ai pris la longue route de Visoko à Busovaca en descendant vers
13 le sud-est, à travers la poche de Kiseljak. J'avais vu à ce moment-là
14 qu'il y avait effectivement de nombreuses résidences, qui auparavant
15 n'avaient pas été endommagées, qui maintenant étaient brûlées,
16 vandalisées, détruites.
17 En m'approchant un peu plus de la ville même de Kiseljak,
18 j'avais remarqué, au nord de la route, sur un terrain un peu plus haut sur
19 une colline, qu'il y avait une mitrailleuse lourde qui tirait vers des
20 maisons, à peu près à 1500 mètres plus au nord-est de sa position. C'était
21 un tir dirigé, assez nourri, puis les maisons frappées par les projectiles
22 étaient enflammées. Ce qui m'avait conduit à croire, à ce moment-là, qu'il
23 s'agissait, soit de rondes incendiaires qui étaient utilisées ou de
24 traceuses de matière combustible dans les projectiles qui avaient comme
25 conséquence de mettre la maison en feu. C'était une mitrailleuse lourde
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1 d'un calibre assez élevé, j'avais estimé qu'il s'agissait d'un 20 ou
2 30 mm, donc probablement un canon antiaérien.
3 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vu des coups de feu
4 tirés à partir de ces maisons, sur lesquelles tirait cette mitrailleuse
5 lourde ?
6 M. Lanthier. - Absolument pas. Tout ce que je pouvais constater,
7 c'est que c'était un feu qui venait d'une direction seulement, donc ce
8 n'était pas un engagement, mais bien une attaque sans réponse. Il n'y
9 avait absolument rien qui m'indiquait qu'il s'agissait là d'un combat à
10 deux parties. J'avais vraiment l'impression qu'il s'agissait uniquement
11 d'une attaque sur ces résidences qui ne donnaient aucun signe d'activité
12 militaire ou rien qui aurait indiqué qu'il s'agissait d'une avance ou
13 d'une défense ou d'un combat de rencontre. Ce n'est pas ce que j'en ai
14 déduit.
15 M. Cayley (interprétation). - Vous avez également déclaré avoir
16 remarqué que, apparemment, des demeures étaient incendiées au moment ou
17 ces rondes de munitions de la mitrailleuse lourde les atteignait. Avez
18 vous pu en déduire le type de munitions qui étaient utilisées ?
19 M. Lanthier. - Mon impression était qu'il s'agissait de rondes
20 incendiaires ou avec une traceuse, un combustible à l'arrière de la ronde
21 qui nous permet de suivre sa trajectoire. Donc si la traceuse n'a pas fini
22 de brûler lorsque qu'elle atteint une matière combustible, elle va
23 déclencher un feu. Ou c'était carrément des rondes incendiaires dont le
24 résultat était automatiquement le feu. Cela a été mon impression.
25 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'ensuite, vous vous
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1 êtes rendu au quartier général du HVO à Kiseljak pour essayer de découvrir
2 ce qui était en train de se passer. Pouvez-vous parler aux Juges de cette
3 visite ?
4 M. Lanthier. - Effectivement, le but de ma visite, en ayant
5 passé par le long chemin pour me rendre à Kiseljak, était de me rendre à
6 Kiseljak. Je ne pouvais pas me rendre directement de Visoko à Kiseljak,
7 sans avoir une idée de ce qui se passait. Mais le but principal de ma
8 visite était d'intervenir dans la situation que je voyais. Donc, je me
9 suis dirigé vers les casernes de Kiseljak, dans le but de rencontrer
10 Mario Bradara. Lorsque je me suis présenté aux baraques, on m'a tout
11 simplement indiqué à la porte principale. Quand on rentrait dans la
12 caserne de Kiseljak, il y avait une barrière de métal. On m'a tout
13 simplement indiqué que M. Bradara n'était pas disponible, qu'il n'était
14 pas présent.
15 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'à ce moment-là, vous
16 avez informé le quartier général de la force de protection des Nations
17 Unies de Kiseljak au sujet de ce qui se passait et vous avez tenté
18 d'accéder au village de Rotilj. Pourriez-vous parler aux Juges de votre
19 première tentative pour entrer dans ce village de Rotilj ?
20 M. Lanthier. - Oui. Comme vous l'avez dit, en quittant le
21 quartier général de Kiseljak, le quartier général de la Forpronu est situé
22 tout près, à la jonction de la route du quartier général de Kiseljak, donc
23 je m'y suis arrêté et j'ai donné un compte rendu au chef d'état-major des
24 opérations du quartier général de la Forpronu, et également au G5, celui
25 qui s'occupe des relations civilo-militaires. Après cela, je me suis
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1 rendu, ou j'ai tenté de me rendre dans le village de Rotilj. La raison
2 pour laquelle j'essayais d'avoir accès à ce village était que Memisevic
3 l'avait identifié comme ayant une forte proportion de citoyens musulmans.
4 Donc, pour avoir accès à ce petit village, lorsque l'on était sur la route
5 principale de Kiseljak, il fallait tourner à gauche sur une route
6 secondaire, puis il y avait une petit côte à monter. En haut de la côte,
7 il y avait un barrage occupé par une voiture de police et quelques soldats
8 Croates. On m'a tout simplement refusé l'accès au village. Je n'ai pas
9 réussi, lors de cette journée, à pénétrer dans le village de Rotilj .
10 M. Cayley (interprétation). - La police et les soldats qui se
11 trouvaient à ce barrage, étaient-ils des membres de la police civile ou de
12 la police du HVO ?
13 M. Lanthier. - Il s'agissait de policiers civils, de voitures
14 civiles, avec des policiers en uniforme bleu.
15 M. Cayley (interprétation). - Y avait-il aussi des soldats du
16 HVO présents à ce barrage ?
17 M. Lanthier. - Effectivement, c'étaient deux ou trois soldats du
18 HVO, je ne sais pas le nombre exact, mais c'étaient quelques-uns.
19 M. Cayley (interprétation). - Pour que les choses soient tout à
20 fait claires, bien que cela ne soit pas absolument important, vous avez
21 parlé du G5. Suis-je en droit de dire que "G5" est un terme de l'Otan
22 destiné à désigner un membre des forces armées qui s'occupe des affaires
23 civiles ?
24 M. Lanthier. - Effectivement, c'est l'un des postes d'état-
25 major, une des branches de létat-major de l'Otan.
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1 M. Cayley (interprétation). - Maintenant, je pense que, à ce
2 moment-là, vous êtes retourné au bataillon à Visoko. Vous avez informé
3 votre officier de commandement et l'officier responsable des opérations au
4 sujet de ce que vous aviez vu dans la municipalité de Kiseljak. Après
5 quoi, le 20 avril, vous avez reçu en fait l'autorisation de vous rendre à
6 Rotilj.
7 M. Lanthier. - Oui, le 20, j'avais reçu l'autorisation de me
8 rendre au village de Rotilj, sous escorte toutefois. On m'avait donné deux
9 soldats des forces croates de Kiseljak pour m'accompagner. J'avais...
10 M. Cayley (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre,
11 capitaine Lanthier. J'aimerais que l'on montre au témoin la pièce à
12 conviction 333 qui l'aidera, sans aucun doute, à expliquer les choses
13 aux Juges.
14 (L'huissier s'exécute.)
15 Vous avez dit avoir reçu une autorisation mais, auprès de qui
16 deviez-vous demander cette autorisation afin de vous rendre à Rotilj ?
17 M. Lanthier. - Je suis allé au quartier général de Kiseljak pour
18 obtenir l'accès, étant donné que c'étaient deux soldats croates qui
19 m'avaient refusé l'accès au village de Rotilj. C'est au quartier général
20 que je me suis présenté pour obtenir l'autorisation.
21 M. Cayley (interprétation). - Vous parlez du quartier général du
22 HVO à Kiseljak, n'est-ce pas ?
23 M. Lanthier. - Oui.
24 M. le Président. - Lorsque vous parlez de soldats croates, il
25 faudrait préciser.
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1 M. Lanthier. - Des Croates bosniaques du HVO.
2 M. le Président. - Merci.
3 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous, grâce à cette
4 photographie aérienne qui se trouve sur le rétroprojecteur et qui apparaît
5 sur l'écran devant vous, expliquer aux Juges la visite que vous avez
6 rendue à Borina et à Rotilj et leur dire ce que vous avez découvert dans
7 ces villages, le 20 avril ? Je vous rappelle, s'il vous plaît, la
8 nécessité de parler lentement.
9 M. Lanthier. - On m'a donné accès à Rotilj en me donnant une
10 escorte, comme je l'ai dit précédemment. L'escorte qui nous précédait nous
11 a emmenés, a pris une des petites rues qui menaient vers l'ouest dans
12 Kiseljak et nous ont emmenés dans ce qu'ils nous ont présentés comme étant
13 le village de Rotilj. J'étais accompagné par un représentant de l'ECMM, le
14 colonel Rémi Landry, qui travaillait dans le secteur de Bosnie centrale.
15 J'avais également avec moi une traductrice. L'escorte nous a emmenés dans
16 le village de Borina, identifié ici par le cercle 1. On m'a dit : "Voici
17 le village de Rotilj". Je ne sais pas si c'était une erreur de lecture de
18 carte de la part de notre escorte, mais il nous paraissait évident, à moi
19 et au colonel Landry, que ce n'était pas le village de Rotilj. Nous avons
20 donc demandé la permission à notre escorte de sortir de notre véhicule et
21 d'examiner d'un peu plus près les lieux. Ils nous ont permis de le faire
22 et nous sommes allés, le colonel Landry, moi-même et la traductrice, à
23 pied sans escorte. Nous avons descendu la côte, représentée par une flèche
24 qui va du cercle 1 au cercle 2. Nous sommes allés du village de Borina au
25 village de Rotilj.
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1 Lors de notre arrivée dans Rotilj, nous avons été accueillis par
2 une trentaine de personnes. Tout le monde se bousculait un peu pour nous
3 voir. C'était la première présence des Nations Unies depuis les événements
4 qui s'étaient déroulés quelques jours auparavant. A ce moment-là, on nous
5 a expliqué qu'il y avait eu une attaque contre le village de Rotilj et que
6 plusieurs crimes avaient été commis. La première personne, ou l'un des
7 premières qui sont venues par la suite se présenter directement à moi et
8 au colonel Landry était un homme d'une trentaine d'années. Il était resté
9 à l'intérieur d'une maison et était sorti. Il nous a emmenés dans sa
10 maison, dont la porte principale était verrouillée. Il a déverrouillé la
11 porte et nous a emmenés dans le salon.
12 Il nous a expliqué que, lorsque l'attaque était survenue, il
13 était à l'extérieur, dans ses champs. C'était un fermier. Il nous a
14 expliqué que sa femme, qui était seule à la maison, avait été victime d'un
15 viol, que tous les soldats qui étaient entrés dans la maison l'avait
16 violée et qu'elle avait par la suite été exécutée d'une balle dans la
17 tête. Bien que le corps n'ait plus été là, toutes les traces évidentes
18 physiques y étaient encore : sur la table dans le salon, il y avait une
19 flaque de sang séché ; il y avait également des sous-vêtements qui avaient
20 été arrachés, souillés de sang sur le plancher, des douilles vides sur le
21 tapis du salon, plusieurs morceaux d'os qui avaient éclaboussé le bas du
22 mur et le tapis. Donc, bien que je n'aie pas pu voir le corps de la
23 victime, l'évidence physique que je pouvais voir me permettait de conclure
24 que, effectivement, les événements qui m'étaient relatés avaient eu lieu.
25 Nous sommes ensuite ressortis et, à ce moment-là, les autres
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1 membres des familles de victimes se sont présentés à moi et au
2 colonel Landry. On m'a dit aussi qu'un couple âgé avait été attaché et
3 brûlé vivant dans leur demeure. Une fois qu'ils avaient été attachés, on
4 avait mis le feu à leur demeure et ils étaient morts. Un homme d'une
5 quarantaine d'années et son jeune adolescent avaient été attrapés sur le
6 chemin principal. On les avait exécutés, puis tranché la tête et, là où
7 l'on m'a emmené, les dépouilles n'étaient plus là mais il y avait encore
8 une flaque de sang et des morceaux de cerveau qui jonchaient la route. Une
9 dame m'a rapporté que son mari avait été capturé, qu'on l'avait brûlé avec
10 l'acide des batteries de voiture. Je ne me souviens plus si c'est la cause
11 de sa mort ou s'il avait été exécuté par balle, mais lui aussi avait été
12 victime de ses assaillants. Je n'ai pas vu les dépouilles déjà enterrées.
13 On m'a emmené au cimetière, à l'entrée du village, à gauche. On
14 m'a montré où les corps avaient été enterrés, dans le cimetière. Il y
15 avait huit emplacements où l'on voyait que la terre avait été remuée ;
16 elle était encore humide et n'avait pas eu le temps de sécher. On m'a dit
17 -si je me souviens bien- qu'il y avait eu dix-sept personnes qui avaient
18 été victimes de cette attaque-là. D'après ce que j'ai cru comprendre, on
19 avait enterré les membres d'une même famille dans une seule tombe. C'est
20 pour cela qu'il y avait moins de tombes que de victimes.
21 En posant plus de questions, je voulais que l'on m'explique
22 comment l'attaque avait eu lieu. On m'a expliqué que, le 18 dans la
23 soirée, des soldats étaient apparus, s'étaient assuré que personne ne
24 pouvait s'échapper du périmètre du village, que l'on avait installé une
25 mitrailleuse lourde au milieu du village. Des soldats étaient passés de
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1 maison en maison, en sortant les citoyens et en les ramassant. D'après ce
2 que l'on me décrivait, j'avais l'impression que c'était un poste de
3 commandement situé sur le terrain principal, le terrain un peu plus élevé,
4 au nord de Rotilj. Ils étaient tout simplement passés de maison en maison
5 et, c'est en passant dans ces maisons-là, que certains des résidants ont
6 été exécutés.
7 L'impression qui s'en est dégagée immédiatement était que cette
8 attaque était conduite selon des tactiques de bas niveau, tactique de
9 peloton d'infanterie, combat en milieu urbain, délimitation du périmètre,
10 utilisation tactique du terrain, communication... Le terme que l'on utile
11 en jargon militaire est "filed up areas and build up areas". C'est
12 l'impression qui s'en est dégagée. Le colonel Landry et moi avons
13 poursuivi et on a marché. Le diagramme indique un troisième cercle, le
14 numéro 3, dans lequel nous sommes descendus pour voir ce qui s'était
15 passé. Plusieurs maisons, surtout dans le cercle 2, avaient été détruites
16 et brûlées... Plus on se dirigeait vers...
17 M. Riad (interprétation). - Un peu plus lentement, s'il vous
18 plaît.
19 M. Lanthier. - ...vers l'est, moins il y avait de destructions.
20 Voilà ce qui s'est passé lors de ma première visite dans le village de
21 Rotilj.
22 M. Cayley (interprétation). - Je pourrais conclure mes questions
23 après la pause, Monsieur le Président, si vous le souhaitez.
24 M. le Président. - Parfait. Nous suspendons pour vingt minutes.
25 (L'accusé est reconduit hors de la salle d'audience)
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1
2 L'audience, suspendue à 11 heures 40, est reprise à 12 heures 05.
3
4 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.
5 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience)
6 Monsieur le Procureur, nous reprenons.
7 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je
8 demanderai que le rétroprojecteur soit allumé, s'il vous plaît.
9 (L'huissier s'exécute.)
10 Capitaine Lanthier, nous étions en train de parler des
11 conséquences de l'attaque à laquelle vous avez assisté dans le village de
12 Rotilj. Les villageois ont-ils identifié les soldats qui ont attaqué le
13 village ?
14 M. Lanthier. - Juste une correction sur votre question. Je n'ai
15 pas assisté à l'attaque. Ce que l'on m'a donné, ce sont des survivants des
16 victimes qui m'ont raconté ce qu'ils avaient vu. Je n'ai pas été un témoin
17 oculaire de cela. On m'a rapporté, le terme utilisé était "C'étaient des
18 soldats du HVO qui avaient commis cette attaque."
19 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit qu'un certain nombre
20 de maisons avaient été incendiées et je me demandais si vous pourriez, sur
21 la photographie, indiquer des endroits où vous avez vu maisons incendiées.
22 M. Lanthier. - C'était principalement dans le cercle identifié
23 par le chiffre 2. Je ne peux pas identifier des maisons individuelles,
24 après quatre ou cinq ans.
25 M. Cayley (interprétation). - Dans la zone notée par le
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1 numéro 3, avez-vous vu des maisons incendiées ?
2 M. Lanthier. - Je crois me rappeler qu'il y en avait quelques-
3 unes, mais le niveau de destruction était minime comparé à ce dont je me
4 souviens dans le cercle identifié par le numéro 2.
5 M. Cayley (interprétation). - Le procès-verbal indique que le
6 niveau de destruction était à peu près équivalent à celui que j'ai indiqué
7 dans le cercle numéro 2 alors que, je crois, vous avez dit que le niveau
8 de destruction n'était pas comparable, très minime par rapport à celui que
9 vous aviez constaté dans le cercle 2.
10 M. le Président. - Que se passe-t-il dans le procès-verbal ?
11 Cela me paraît très fréquent. Ce sont des erreurs fondamentales.
12 Monsieur le Greffier, avez-vous une explication ? Ce ne sont pas des noms
13 estropiés, c'est le sens qui change. Je n'impute de responsabilité à
14 personne, mais il faudrait s'en préoccuper. On ne peut avoir de procès-
15 verbal qui comporte des erreurs. Heureusement, M. Cayley y fait très
16 attention en même temps, mais ce ne doit pas être facile de faire
17 l'interrogatoire principal et de surveiller si le sens même d'une phrase
18 est bien répertorié.
19 M. Dubuisson. - En fait, il s'agit d'une nouvelle équipe et nous
20 allons étudier la question de ce problème qui est nouveau.
21 M. le Président. - Oui, il s'agit d'erreur humaine, il faut dire
22 ce qui est. C'est tout de même préoccupant, je dois dire, au-delà des
23 problèmes techniques. Je demande vraiment à l'équipe qui est en place, en
24 mesurant bien tout ce que représente la difficulté de ce passage en
25 compte-rendu, de vraiment y prendre garde. Peut-être le témoin pourrait-il
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1 parler un peu plus doucement. Nous changeons d'équipe parce que nous avons
2 une nouvelle salle d'audience, donc une équipe nouvelle qui n'est pas
3 encore habituée à ce travail complexe, mais je voudrais que le procès-
4 verbal relate bien ce que dit le témoin. Pour le contre-interrogatoire
5 évidemment, la défense va s'appuyer sur le procès-verbal. Voilà,
6 l'incident est clos et parlons lentement pour essayer de faire en sorte
7 que les erreurs soient limitées au maximum. Merci. Allez-y, continuez.
8 M. Lanthier. - Juste pour répondre à votre question, le niveau
9 de destruction dont je me souviens dans le cercle identifié numéro 3
10 était, de beaucoup, moindre par rapport à celui identifié dans le
11 numéro 2.
12 M. Cayley (interprétation). - Capitaine Lanthier, comment vous-
13 même et les personnes qui vous accompagnaient avez réagi à ce que vous
14 avez vu dans le village de Rotilj ?
15 M. Lanthier. - Ma réaction initiale a été d'être horrifié par la
16 nature sauvage des actes. La violence, l'agressivité démontrées par
17 l'attaque, que je n'ai pas vue mais dont l'évidence physique était encore
18 là, m'avait abasourdi. C'est une réaction de dégoût, autant de ma part que
19 de celle du colonel Landry. Je me souviens que le colonel Landry m'a dit,
20 en parlant de l'une des victimes, qu'une des victimes survivantes avait
21 éclaté en sanglots. Dans une des maisons, ma traductrice a été obligée de
22 sortir, malade devant ce qu'elle voyait et entendait. La nature même des
23 actes est absolument révoltante.
24 M. Cayley (interprétation). - Bon. Nous allons avancer. Je
25 demanderai que l'on montre au témoin la pièce à conviction 334.
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1 (L'huissier s'exécute.)
2 Un dernier point, Monsieur Lanthier. Pourquoi pensez-vous que le
3 HVO a d'abord frappé le village de Borina et non celui de Rotilj ?
4 M. Lanthier. - Mon impression est que ce n'était pas un acte
5 involontaire, mais délibéré. Tout simplement pour que l'on ne découvre pas
6 vraiment ce qu'il y avait à Rotilj à ce moment-là. C'est mon impression.
7 M. Cayley (interprétation). - Le village de Borina était intact,
8 n'est-ce pas ? A quelle distance se trouve le village de Rotilj de la
9 caserne de Kiseljak ?
10 M. Lanthier. - Le village est linéaire. Il suit une route mais
11 la distance moyenne est entre 1 500 et 2 000 mètres, approximativement,
12 des baraques de Kiseljak.
13 M. Cayley (interprétation). - Excusez-moi. Je vous ai interrompu
14 en fait avant que vous n'ayez terminé la réponse à la question que je vous
15 avais posée. Le village de Borina était-il intact, le premier village que
16 vous avez visité ?
17 M. Lanthier. - Lorsque nous sommes arrivés au village de Borina,
18 effectivement, je ne me souviens pas d'avoir vu de destructions.
19 M. Cayley (interprétation). - Vous avez la pièce à
20 conviction 334 sous les yeux, je vous demanderai de dire aux Juges ce qui
21 s'est passé lors de la visite que vous avez rendu le 21 ou
22 le 22 avril 1993 dans ces villages et je vous demanderai de dire si vous
23 vous rappelez ce que vous avez vu dans les villages qui sont surlignés sur
24 la carte.
25 M. Lanthier. - Je suis retourné dans les villages qui sont
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1 identifiés avec la couleur orange. Lors de ma première visite, après le
2 rapport de Memisevic, j'avais conduit sur la route principale, mais je
3 n'avais pas pu, à ce moment là, aller dans le village même. Il y avait
4 encore, comme je l'ai rapporté, du feu dirigé vers certaines maisons et
5 moi, comme officier de liaison, tout ce que j'avais, c'était un véhicule
6 de type jeep avec un toit de vinyl, donc je n'avais aucune protection
7 blindée pour m'aventurer dans les secteurs où le feu était encore nourri.
8 Deux jours plus tard, lorsque l'attaque semblait maintenant terminée, j'ai
9 physiquement été dans ces villages là et je suis sorti de mon véhicule.
10 Ensuite, je me suis promené à l'intérieur du village, afin d'essayer de
11 comprendre , de voir, s'il y avait des évidences quelconques de ce qui
12 s'était passé. J'ai pénétré dans plusieurs maisons personnellement. La
13 première chose est que je n'ai pas eu besoin de forcer l'accès des maisons
14 dans lesquelles je suis entré, les portes étaient soit arrachées, soit
15 ouvertes. En pénétrant dans ces maisons, le vandalisme et le vol
16 semblaient avoir été commis. Ce qui me fait croire ça, c'est que le
17 contenu des tiroirs étaient renversés sur les planchers, les armoires
18 vidées, la vaisselle brisée sur le plancher. Ces indices m'indiquaient que
19 du vandalisme avait eu lieu dans ces maisons. Des maisons avaient été
20 brûlées, d'autres adjacentes à celles-ci avaient des granges où du bétail
21 était mort. Dans certaines autres, le bétail était encore en vie, mais en
22 piteux état. On voyait là que ces maisons avaient été délibérément
23 saccagées.
24 M. Cayley (interprétation). - Nous disons pour le procès-verbal,
25 qu'il s'agit des villages de Svinjarevo, Gomionica, Polje, Visnjica,
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1 Gromiljak, et je crois que, comme vous l'avez dit aux Juges, vous vous
2 étiez déjà rendu précédemment dans le village de Rotilj une fois.
3 M. Lanthier. - Exact. Ce sont les villages indiqués en orange
4 sur la carte.
5 M. Cayley (interprétation). - Je crois que, lorsque vous êtes
6 passés par le village de Gromiljak, vous avez vu une maison qui était
7 intacte. Pouvez-vous parler aux Juges de cet événement ?
8 M. Lanthier. - En me promenant de village en village, une des
9 particularités qui m'avaient frappé était que, juste au nord de Gromiljak,
10 de ce côté nord de la route, il y avait un groupe de trois maisons
11 isolées, dont les deux maisons, à chaque extrémité, étaient détruites,
12 mais celle du centre était parfaitement intacte. On voyait qu'il y avait
13 de l'activité dans cette maison. Je suis allé à cette maison, celle du
14 centre, celle qui était intacte, j'ai frappé et demandé à parler au
15 résident. La personne qui était dans la maison à ce moment-là n'a pas
16 voulu me répondre, n'a pas voulu répondre à mes questions. J'ai ouvert la
17 porte, mais elle n'a pas voulu me parler. Par la suite, j'ai appris, en
18 parlant avec d'autres personnes plus tard, que cette maison appartenait à
19 un citoyen d'origine croate. Donc, cela semblait me confirmer à ce moment-
20 là que ce qui s'était passé dans la poche de Kiseljak était ce que l'on
21 appelait le nettoyage ethnique, où on avait délibérément attaqué des
22 citoyens d'origine musulmane et uniquement eux. On avait laissé les
23 autres. Donc ce n'était pas au village, en tant que tel, qu'on en voulait,
24 mais à certains habitants particuliers de ce village. C'est ce que cette
25 visite m'a permis de déduire.
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1 M. Cayley (interprétation). - Vous rappelez vous avoir vu des
2 habitants dans ces villages, lorsque vous vous y êtes rendu ?
3 M. Lanthier. - Non. Les villages étaient désertés. Les seules
4 choses qui restaient, c'était certains animaux de bétail, des vaches, des
5 poules, des choses comme ça. A l'exception de la maison que je vous ai
6 mentionnée, juste au nord de Gromiljak, je n'ai vu aucune présence de vie
7 humaine dans ces villages. Où était les résidents, à ce moment-là ? Je
8 l'ignorais. Je n'ai pas trouvé là de victimes ou de morts qui jonchaient
9 les maisons ou les rues, donc ma supposition était que, soit on s'était
10 évadé lors de l'attaque et que l'on s'était enfui, soit que l'on avait
11 capturé les résidents. A ce moment-là, je n'étais pas en mesure de
12 déterminer ce qui s'était produit avec les résidents de ces villages là.
13 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'après avoir vu tout ce
14 que vous avez vu dans les villages qui sont surlignés sur cette carte,
15 vous vous êtes rendu au quartier général du HVO à Kiseljak, pour voir
16 M. Mario Bradara. Pouvez-vous nous parler de cette visite ?
17 M. Lanthier. - Oui. Avec ce que j'avais pu accumuler comme
18 connaissance de la situation, il était évident qu'il y avait eu un
19 nettoyage ethnique similaire à ce que le bataillon britannique m'avait
20 rapporté dans la poche de Vitez et je suis donc allé au quartier général
21 du HVO de Kiseljak pour m'informer ce de qui s'était passé, pour que l'on
22 me donne des explications sur la nature des événements qui avaient eu
23 lieu. J'ai rencontré M. Bradara. A ce moment-là, il m'a expliqué qu'il
24 s'agissait d'actes isolés commis par des citoyens révoltés, fatigués de la
25 situation qui prévalait, que c'était hors de son contrôle, que c'était
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1 quelque chose qui était arrivé "comme ça". Il m'a répondu la même chose
2 pour le village de Rotilj, qu'il s'agissait d'actes isolés de citoyens
3 révoltés -"frustrés" est le terme qu'il a employé, pour être précis. Je
4 lui ai alors exprimé mon opinion personnelle ; je ne croyais pas que ce
5 puisse être le fait de simples citoyens. Cela m'apparaissait plutôt comme
6 quelque chose de synchronisé, de nature militaire. La nature de l'attaque
7 sur Rotilj correspond parfaitement aux tactiques employées par un peloton
8 d'infanterie pour conduire de telles choses : une défense de périmètre,
9 l'utilisation tactique du terrain, les communications, la présence
10 d'armements lourds indiquent qu'il s'agit d'une unité militaire. Le fait
11 que ces actions, commises dans la poche de Kiseljak, surviennent 48 heures
12 environ après ce qui s'était passé dans la poche de Vitez, semblait me
13 confirmer que c'était quelque chose de synchronisé et non pas le fruit du
14 hasard. J'avais donc exprimé mes sentiments à M. Bradara à ce moment-là et
15 lui m'avait répondu que ce n'était pas le cas, que c'étaient tout
16 simplement des citoyens qui avaient réagi à la situation.
17 M. Cayley (interprétation). - Donc, M. Bradara vous mentait au
18 sujet de ce qui s'était passé dans l'enclave de Kiseljak ?
19 M. Lanthier. - Absolument, j'ai eu l'impression qu'il n'était
20 pas honnête envers moi.
21 M. Cayley (interprétation). - Ensuite, je crois que vous avez
22 décidé de vous rendre toutes les semaines dans le village de Rotilj. Je
23 vous demanderai de bien vouloir expliquer aux Juges ce qui s'est passé au
24 cours de ces visites et également de dire à qui il vous fallait demander
25 l'autorisation pour vous rendre dans ce village chaque fois que vous avez
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1 voulu y aller.
2 M. Lanthier. - Je savais que Rotilj avait été attaquée et qu'il
3 demeurait des résidents dans cette ville. C'était le seul endroit où
4 j'avais vu encore une présence après l'attaque. Comme je l'ai dit, les
5 autres villages étaient tous abandonnés, mais il y avait toujours du monde
6 qui vivait dans ce petit village-là. J'avais à ce moment-là demandé à
7 M. Bradara l'autorisation qui m'a été accordée de visiter le village
8 régulièrement ; on devait m'accorder 24 heures à l'avance la permission de
9 visiter le village de Rotilj, sur une base hebdomadaire et pour un but
10 humanitaire. Le but de mes visites était de m'assurer que les conditions
11 de vie de base des habitants étaient adéquates ; je parlais d'eau, de
12 médicaments, de vêtements, des commodités de base. Lorsque l'autorisation
13 m'a été accordée la première fois et que je suis arrivé dans le village de
14 Rotilj, il y avait approximativement quelques centaines de résidents, mais
15 je n'ai jamais eu de chiffre exact. Il s'agissait de personnes qui étaient
16 en détention dans le village de Rotilj. Ce que moi j'ai vu, c'était
17 principalement des enfants, des femmes et surtout des couples âgés. A ce
18 moment-là, dans le village, il n'y avait aucune présence d'hommes dans la
19 force de l'âge, en mesure de travailler. Les seuls hommes qui restaient
20 dans le village étaient des jeunes enfants ou des personnes âgées, pouvant
21 difficilement accomplir quelque tâche que ce soit.
22 J'obtenais à l'avance une autorisation de Bradara, j'allais dans
23 le village et je parlais avec la population. Ils me disaient, à ce moment-
24 là, qu'ils vivaient dans des conditions de surpopulation : pas loin d'une
25 dizaine de personnes vivaient dans une seule résidence. L'eau potable
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1 était un problème : bien qu'il y avait un puits et un aqueduc, la quantité
2 d'eau était insuffisante pour les personnes du village. Il y avait
3 également plusieurs problèmes de santé ; par la suite j'ai souvent emmené
4 avec moi des représentants de l'Organisation Mondiale de la Santé, des
5 médecins ou des spécialistes qui pouvaient s'occuper de ceux dont l'état
6 de santé était précaire. On pouvait "sentir" dans le village, j'ai employé
7 le terme "détenus", physiquement personne n'était menotté, menacé avec une
8 arme quelconque devant mes yeux, mais on ressentait -c'était dit à mots
9 couverts- qu'ils étaient prisonniers. Ils n'auraient pas pu tenter de
10 s'échapper du village.
11 Quand on regarde la position sur la photo aérienne, on voit que
12 Rotilj est quand même assez isolée, dans la nature. On pourrait penser que
13 c'est facile, sous couvert de la nuit, de s'échapper du village, mais en
14 parlant avec les résidents du village, on avait l'impression que personne
15 n'osait s'échapper de peur qu'en cas de fuite, il y ait des sanctions
16 prises contre ceux qui n'auraient pas réussi à s'échapper. Il y avait
17 plusieurs personnes âgées et plusieurs très jeunes enfants, il aurait été
18 impossible de faire une évasion massive, la répression serait certainement
19 survenue s'ils avaient tenté de s'échapper. Lors d'autres discussions, un
20 vieux couple s'est présenté à moi, ils avaient probablement soixante ans.
21 Ils m'ont expliqué qu'en avril 1992, ils étaient venus visiter de la
22 famille à Rotilj ; lorsque qu'ils avaient voulu rentrer à Sarajevo où ils
23 résidaient, on les avait empêchés de quitter la poche de Kiseljak et
24 ramenés à Rotilj, où ils étaient retenus contre leur gré depuis
25 avril 1992. En avril 1993, un an après, ils étaient toujours là. Ils
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1 m'avaient donné le numéro de téléphone de leur garçon resté en France ;
2 j'ai essayé de le contacter, je n'y suis jamais parvenu. C'était un
3 exemple de personnes retenues contre leur propre gré. J'avais demandé où
4 étaient les hommes, parce que qu'on voyait qu'il n'y avait pas d'hommes
5 dans la force de l'âge dans le village. On m'a dit qu'ils étaient pris le
6 matin, on les emmenait sur les lignes de front et qu'ils creusaient des
7 tranchées dans la journée. Ces renseignements m'ont été communiqués par
8 les résistants du village.
9 Avec ces informations-là, après ma première visite du village de
10 Rotilj, je suis allé voir Bradara et je l'ai questionné sur ce que l'on me
11 rapportait, en lui demandant pourquoi on détenait ces personnes contre
12 leur gré. Bradara m'a répondu que c'était pour leur propre sécurité, afin
13 d'éviter que ce qui était peut-être arrivé ailleurs ne se produise, qu'on
14 les retenait là pour leur bien. A ma question "Pourquoi emmène-t-on des
15 hommes creuser des tranchées ?", Bras m'a répondu : "On ne les emmène pas
16 de force, ce sont des volontaires, des sympathisants de notre cause qui
17 nous aident de leur propre gré à creuser des tranchées". Ces commentaires
18 m'avaient paru farfelus et je lui avais fait part de mon incrédulité. On
19 venait de massacrer leurs parents, leurs amis, et on me dit qu'ils vont
20 aller creuser des tranchées volontairement ? C'est dur à croire... J'avais
21 également proposé à Bradara d'emmener, par l'intermédiaire de la
22 Commission Internationale de la Croix-Rouge, ces résidents à Visoko, à
23 majorité musulmane à ce moment-là, mais qui était contrôlée par les forces
24 du gouvernement bosniaque. Mais Bradara avait refusé cette proposition et
25 m'a dit "Non; ils restent ici, c'est pour leur bien qu'on va les retenir".
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1 Tout cela m'indiquait que premièrement, c'était effectivement des
2 prisonniers, des personnes détenues contre leur gré et que, deuxièmement,
3 on utilisait certains de ces résidents, de ces détenus, comme main
4 d'oeuvre forcée sur la ligne de front. Mes visites m'ont permis de
5 conclure cela.
6 M. Cayley (interprétation). - Je suis donc en droit de dire que
7 le HVO a effectivement reconnu utiliser des hommes en âge de combattre ou
8 de travailler pour aller creuser des tranchées sur les lignes de front ?
9 M. Lanthier. - Absolument.
10 M. le Président. - Evitez de trop répéter, Maître Cayley. Nous
11 avons compris. Merci.
12 M. Cayley (interprétation). - Afin de décrire l'atmosphère qui
13 régnait à Rotilj, dans ce camp, pourriez-vous expliquez brièvement quelle
14 a été votre impression et quels étaient les sentiments ressentis par les
15 personnes qui se trouvaient dans ce village ?
16 M. Lanthier. - Je l'ai dit brièvement : on ne parlait pas
17 ouvertement. Je n'étais pas sous escorte, mais on ressentait la peur et
18 presque la panique que ce monde vivait. On essayait de me parler, mais
19 sans que personne ne voie. On m'emmenait derrière une maison pendant que
20 je visitais, et lorsqu'on était à l'abri d'un mur ou des oreilles
21 indiscrètes, on me racontait certains faits. Il y avait une peur palpable.
22 C'est probablement le meilleur terme pour décrire ce qui existait dans ce
23 village.
24 M. Cayley (interprétation). - Combien de fois vous êtes-vous
25 plaint au quartier général du HVO à Kiseljak, de la situation qui régnait
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1 à Rotilj ? Vous en souvenez-vous ?
2 M. Lanthier. - Je visitais hebdomadairement le village de
3 Rotilj. Je suis parti vers la mi-mai, donc j'ai visité trois ou quatre
4 fois le village de Rotilj entre ma première visite et mon départ. A chaque
5 fois, il y avait quelqu'un qui venait me voir, un(e) détenu(e) qui me
6 racontait quelque chose et qui me demandait, me suppliait d'intervenir. A
7 chaque fois, j'ai fait état de mes plaintes à Mario Bradara, donc au moins
8 trois ou quatre fois immédiatement après une visite et à quelques autres
9 occasions, parce que j'étais appelé, dans l'exercice de mes fonctions, à
10 voir M. Bradara régulièrement, plusieurs fois chaque semaine. J'ai au
11 moins à quatre reprises apporté des plaintes à M. Bradara.
12 M. Cayley (interprétation). - Passons à la suite, à la fin du
13 mois d'avril, au début de mois de mai. On vous a fait état de détenus
14 civils qui se trouvaient dans la caserne de Kiseljak. Je vais donc placer
15 la pièce 335 devant vous et, en vous appuyant sur cette pièce, je vous
16 demanderai de nous détailler les informations dont vous disposez sur la
17 présence de détenus civils dans la caserne de Kiseljak.
18 (L'huissier s'exécute.)
19 M. Lanthier. - On m'avait rapporté qu'on détenait des
20 prisonniers dans les casernes de Kiseljak. Je n'avais alors aucune preuve
21 qui pouvait confirmer ou infirmer ce que l'on m'avait rapporté dans la
22 ville de Kiseljak. Mais en me rendant à la caserne lors d'une de mes
23 visites régulières à Mario Bradara, j'avais remarqué plusieurs enfants qui
24 jouaient sur le terrain devant les baraques entourées par le cercle n° 2.
25 Le cercle n° 1 représente l'endroit où se trouvaient les bureaux du
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1 quartier général de Kiseljak. Pour rendre visite à M. Bradara, je passais
2 là et j'avais une bonne visibilité sur les baraques identifiées dans le
3 cercle n° 2. J'avais remarqué plusieurs enfants qui jouaient là et du
4 linge de femmes, des robes, des voiles, des châles qui séchaient sur des
5 cordes à linge. Et, que je sache, il n'y avait aucune raison pour que ces
6 enfants et ce linge soient là puisque c'était une caserne militaire et pas
7 un centre d'hébergement. J'avais donc demandé à M. Bradara ce qu'il en
8 était et qui était détenu ou s'il y avait quelqu'un de détenu dans les
9 baraques. Il avait alors effectivement admis qu'il y avait une centaine de
10 personnes qui étaient dans les baraques. Je lui avais demandé pourquoi
11 elles étaient là. Il m'avait répondu, là encore, que c'était pour leur
12 bien, pour éviter qu'elles ne soient victimes d'attaques d'autres citoyens
13 dans la poche de Kiseljak. Je l'avais questionné et sa réponse avait
14 changé : "Si on les libère, ils constitueront une menace pour le HVO".
15 Menace des enfants et des femmes... je ne voyais pas où était la menace.
16 Lors d'une visite subséquente, j'ai demandé la permission de
17 visiter ces détenus pour vérifier leurs conditions de vie, m'assurer que
18 le niveau de base était adéquat. Cette permission m'a été refusée, je n'ai
19 pas reçu l'autorisation d'aller physiquement les visiter. Lors de cet
20 entretien-là avec Bradara, j'ai abandonné le sujet, j'ai pensé aux autres
21 points de l'ordre du jour. Pour se rendre à la bâtisse n° 1, on doit
22 dépasser les bâtisses qui sont dans le cercle n° 2 et lors d'une autre
23 visite, ultérieurement, plutôt que de me diriger directement vers ce
24 bâtiment, j'ai plutôt bifurqué vers les baraques. J'avais liberté de
25 mouvement parce que j'allais très fréquemment aux baraques de Kiseljak,
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1 lorsqu'on voyait mon véhicule arriver à la barrière principale, qu'on
2 voyait que j'en étais l'occupant, on me saluait, on me laissait rentrer
3 sans même me demander ma carte de la Forpronu, sans vérifier mon
4 identité ; on me reconnaissait de visu, on me laisser aller tout seul
5 jusqu'au quartier général.
6 J'ai tenté d'aller visiter les deux édifices dans le cercle
7 numéro 2, j'ai réussi à m'en approcher, mais un garde m'a rapidement
8 intercepté et dirigé dans la bonne direction, vers le quartier général.
9 Lorsque je suis rentré dans le bureau de Bradara, c'était la deuxième ou
10 troisième porte à droite, la fenêtre donnait sur l'intérieur du complexe.
11 Une de ses premières remarques a été que je devais arrêter de poser des
12 questions et essayer de laisser tomber le sujet. Il m'a dit d'ailleurs :
13 "Si vous n'abandonnez pas ce sujet, regardez dehors." Il y avait un soldat
14 qui était armé d'un fusil avec une mire qu'il pointait sur moi. Bien sûr,
15 il y avait la vitre mais le message était clair. Je devais cesser de
16 questionner sur la présence de ces détenus et la discussion a été terminée
17 sur ce sujet. J'ignore ce qui est arrivé à ces détenus parce que je suis
18 parti. On était rendu vers la mi-mai et je suis donc parti pour retourner
19 au Canada. Ce sont les circonstances dans lesquelles j'ai été mis au
20 courant de la présence de détenus dans la caserne de Kiseljak, présence
21 qui a été admise par M. Bradara.
22 M. Cayley (interprétation). - Afin d'apporter une précision sur
23 cette photographie, la zone représentée par le cercle 1 est le bâtiment du
24 quartier général du HVO, n'est-ce pas ?
25 M. Lanthier. - Oui, c'est le bâtiment dans lequel j'avais mes
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1 entretiens avec M. Bradara.
2 M. Cayley (interprétation). - Le cercle 2 représente deux
3 bâtiments et, dans l'un des bâtiments, les détenus civils y étaient
4 emprisonnés ?
5 M. Lanthier. - Oui. Je ne me souviens pas exactement lequel, si
6 c'est celui qui est le plus à gauche ou à droite. C'est dans l'un des
7 deux. C'est pourquoi, quand on montre la photo, j'ai encerclé les deux. Je
8 ne me souviens avec précision dans lequel c'était.
9 M. Cayley (interprétation). - Comment les approvisionnements
10 arrivaient-ils dans cette poche de Kiseljak, au cours de votre premier
11 séjour ? Je parle de munitions, d'aliments, de combustibles, etc.
12 M. Lanthier. - Une chose intéressante, que j'avais remarquée dès
13 mon arrivée en Bosnie centrale, était que la poche de Kiseljak et la
14 petite poche de Vares, au nord de notre secteur de responsabilité, avaient
15 la particularité d'être particulièrement bien équipées. Je veux dire que
16 les boutiques fonctionnaient. Des choses comme le chocolat, la bière,
17 étaient sur les étalages. Il n'y avait aucun manque de diesel ou de
18 carburants. Les stations d'essence fonctionnaient. Tout semblait presque
19 fonctionner comme dans un état normal.
20 Ce que j'entends par un état normal, cela ne semblait pas être
21 une situation dans laquelle une poche isolée en guerre contre ceux qui
22 l'entourent devrait existait. On allait à Visoko, ou ailleurs, à Breza, où
23 toutes ces commodités n'existaient pas. Du côté du territoire contrôlé par
24 les forces bosniaques, toutes ces commodités étaient inexistantes. Cela
25 m'étonnait de voir la qualité de vie à Vares et à Kiseljak. Je ne parle
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1 pas uniquement du village ou de la ville, mais bien de l'enclave
2 représentée par Kiseljak. Ces commodités étaient toutes présentes, ce qui
3 était surprenant. Si je prends un exemple, je ne me souviens pas du prix
4 exact du litre de diesel, mais c'était quelques Deutsche Marks, à Kiseljak
5 trois ou quatre. Le même litre se vendait à Visoko 20 dollars,
6 ou 20 Deutsche Marks et s'obtenait uniquement sur le marché noir tandis
7 que, à Kiseljak, vous alliez à la station d'essence comme si de rien
8 n'était.
9 Par curiosité, j'avais questionné Mario Bradara à ce sujet et il
10 m'avait expliqué avec un peu de fierté -je dois le dire- que la Croatie
11 envoyait des convois de ravitaillement à Kiseljak. Leur essence, leurs
12 carburants et toutes ces choses parvenaient de la Croatie qui envoyait des
13 convois par le Sud de la Bosnie dans le territoire contrôlé par l'armée
14 serbe bosniaque qui arrivait par la suite du côté Est de la poche de
15 Kiseljak. En effet, le côté Est de la poche de Kiseljak était une ligne en
16 contact direct avec l'armée serbe bosniaque ; ils payaient leur passage à
17 travers les lignes serbes avec du carburant, diesel, essence. Pour l'armée
18 serbe bosniaque, un de leurs plus gros problèmes était l'approvisionnement
19 en carburants. Les sanctions existantes alors les empêchaient d'accéder
20 facilement à cela. Il y avait sûrement eu une entente entre les deux
21 parties et la Croatie parvenait à pourvoir à ces besoins-là, pour
22 Kiseljak. On ne m'avait pas dit la nature exacte de ce qui existait, mais
23 c'était facile de voir ce qui existait. Je crois également que les
24 munitions parvenaient de la Croatie. Les raisons qui m'avaient porté à
25 croire à cela étaient qu'il y avait énormément de munitions d'armes
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1 légères qui circulaient, mais un des véhicules que l'on voyait souvent
2 circuler dans les rues était un canon antiaérien monté sur un véhicule
3 quatre roues ; à l'arrière, c'était rempli de boîtes de munitions.
4 Lors d'une de mes visites, lorsque je revenais de Sarajevo vers
5 Kiseljak, la route avait été bloquée. J'ai marché près d'un kilomètre pour
6 me rendre là où cela bloquait sur la route. J'ignore le terme en français.
7 On appelle cela en anglais "MLRS". C'était un lanceur de rockets ou de
8 missiles. Cette arme n'est pas facile à fabriquer et le simple fait qu'on
9 l'utilisait sur la route principale, cette arme était un véhicule à roues
10 avec une série de lanceurs à l'arrière du véhicule pointaient vers la
11 route de Kakanj. Comme j'arrivais, ils ont effectivement lâché une volée
12 de ces missiles. La situation tactique à ce moment-là ne nécessitait
13 aucunement l'emploi d'un tel armement. Si on était capable de brûler -pour
14 des raisons futiles selon moi- une telle quantité de munitions, cela
15 voulait dire qu'il y en avait amplement. Ce ne sont pas des munitions
16 fabriquées comme des armes légères, mais qui requièrent une certaine
17 technologie pour les produire. On ne fait pas cela dans la cave d'une
18 maison. Cela m'indiquait donc que, probablement des armes et des munitions
19 venaient sur ces convois venant de Croatie.
20 M. Cayley (interprétation). - Qui a reconnu auprès de vous que
21 ce ravitaillement arrivait de la République de Croatie ?
22 M. Lanthier. - M. Bradara lui-même.
23 M. Cayley (interprétation). - Je crois que vous avez dit qu'il
24 était même assez fier de vous dire que, effectivement, ces ravitaillements
25 arrivaient de la Croatie.
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1 M. Lanthier. - Oui, quand il m'avait expliqué cela, on le voyait
2 avec un sourire à peine caché qu'il avait une certaine fierté à dire cela.
3 M. Cayley (interprétation). - Ces ravitaillements traversaient
4 des territoires contrôlés par les Serbes de Bosnie, n'est-ce pas ?
5 M. Lanthier. - Par le sud et après, en montant vers le nord, en
6 arrivant de l'est vers l'ouest, dans la poche de Kiseljak. Même chose pour
7 Vares. Les convois allaient tout simplement vers le nord et vers l'ouest,
8 vers Vares.
9 M. Cayley (interprétation). - Je voudrais que nous parlions de
10 votre deuxième séjour en Bosnie-Herzégovine, qui s'est étalé entre
11 octobre 1993 et mai 1994, je crois. Quelle était votre position et votre
12 poste au sein du bataillon canadien, à ce moment-là ?
13 M. Lanthier. - Lors de mon deuxième voyage, j'avais été nommé
14 officier de liaison senior. J'avais cinq officiers de liaison qui
15 travaillaient pour moi. La situation avait changé. Le bataillon avait
16 changé : on marche par rotation de six mois. J'avais été là six mois,
17 j'étais retourné au Canada six mois. Un bataillon canadien avait remplacé
18 mon bataillon. Avant mon retour, ils avait réussi à développer une bonne
19 relation avec les Serbes bosniaques, donc on était en contact quotidien
20 avec les trois factions belligérantes. J'avais un officier de liaison avec
21 chacune de ces factions, un quatrième qui travaillait à Sarajevo et un
22 cinquième qui remplissait les demandes supplémentaires de liaison. Mon
23 rôle principal était de travailler avec le HCR, d'établir les besoins en
24 aide humanitaire, de leur donner des exposés quotidiens sur l'état de
25 sécurité, de déterminer les besoins en escorte, les routes à utiliser.
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1 C'était l'étendue de mes responsabilités.
2 M. Cayley (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la
3 pièce 336, s'il vous plaît ?
4 (L'huissier s'exécute.)
5 Au cours de votre deuxième séjour, avec qui étiez-vous en
6 contact au quartier général du HVO de Kiseljak ?
7 M. Lanthier. - Lors de mon deuxième tour, le point de contact
8 qui m'avait été donné à ce moment-là pour discuter de tout le sujet avec
9 le HVO été Vinko Lukic. Il s'était présenté à moi comme étant l'officier
10 de liaison provenant du quartier général de l'armée croate bosniaque HVO
11 de Mostar. Il m'a indiqué que c'était maintenant à lui que j'aurais
12 affaire. Je connaissais encore un peu la structure à ce moment-là.
13 Ivica Rajic était toujours à ma connaissance le commandant, mais n'était
14 plus physiquement à Kiseljak. A ce moment-là, on m'avait dit qu'il était
15 rendu à Busovaca. Mario Bradara était encore là, je l'ai croisé à une ou
16 deux reprises pendant mon séjour. On n'a pas eu la chance d'avoir un
17 entretien, mais on s'est salué. Donc Vinko Lukic était celui avec lequel
18 je faisais affaire quotidiennement ou presque.
19 M. Cayley (interprétation). - A l'époque, vous avez compris que
20 c'était le colonel Blaskic qui était encore le commandant de la zone
21 opérationnelle de la région ?
22 M. Lanthier. - Mes discussions avec Lukic m'indiquaient que le
23 colonel Blaskic était toujours à Vitez et était toujours le commandant de
24 la zone opérationnelle pour la Bosnie central du HVO.
25 M. Cayley (interprétation). - En utilisant la carte qui se
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1 trouve devant vous, pourriez vous expliquez aux Juges quelle était la
2 situation tactique dans la zone de Fojnica lorsque vous êtes arrivé ?
3 M. Lanthier. - Je dois revenir un peu en arrière dans le temps.
4 Lors de mon premier séjour en Bosnie au printemps 1993, l'une des
5 particularités de la ville de Fojnica était l'atmosphère qui y régnait
6 alors qu'ailleurs, c'était évident qu'il y avait des conflits. A Fojnica,
7 l'atmosphère était complètement différente. L'impression qui s'en
8 dégageait était qu'il n'y avait jamais eu de conflit à Fojnica. La guerre,
9 quand on était à Fojnica, on n'en avait pas conscience. Tout le monde
10 était sur les terrasses, il y avait des forces sur le terrain, il y avait
11 des soldats du BiH, du HVO, les deux étaient là, présents dans la ville,
12 il n'y avait pas de conflit évident. Cela m'avait un peu frappé. C'était
13 unique et particulier à la ville de Fojnica.
14 Lors de mon retour en octobre 1993, la situation était toute
15 autre. A ce moment-là, des combats avaient eu lieu et la bataille avait
16 fait rage à Fojnica. La ville de Fojnica avait été lourdement endommagée.
17 Les officiers du bataillon qui appartenaient au deuxième royal 22ème, le
18 bataillon qui était là lorsque je ne n'y étais pas, m'avaient expliqué que
19 lors des combats, les forces croates du HVO avaient dû se replier vers le
20 sud-est et lorsqu'ils s'étaient repliés, ils avaient mis le feu à
21 plusieurs résidences et industries de Fojnica. En particulier, à Fojnica,
22 il y avait une importante industrie de bois. Les arbres étaient traités et
23 on fabriquait des planches et autres matériaux de bois. Cette usine avait
24 été complètement rasée.
25 Mais la situation tactique qui prévalait est que maintenant
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1 -c'est représenté d'une façon plutôt graphique lorsque vous voyez sur
2 votre écran. Le BiH contrôlait une partie du territoire. Est-ce qu'on
3 m'entend quand même lorsque je pointe ici ? Les forces HVO étaient au sud
4 de la ligne bleue. Donc ils contrôlaient le territoire au sud. Comme je
5 l'ai dit, ne prenez pas cette ligne-là comme la ligne de la position
6 défensive, il s'agit uniquement d'une représentation graphique. Les forces
7 du BiH contrôlaient -voyez la petite ligne verte- ce qui était au nord,
8 donc ce qui était au nord de la ligne bleue était contrôlé -y compris la
9 ville de Fojnica- par les forces du BiH. La raison pour laquelle j'ai
10 représenté une ligne verte est une situation que j'expliquerai : la
11 situation lorsqu'on se rendait à Fojnica.
12 Ce qui n'est pas relié, mais qu'il est important de savoir,
13 c'est que lorsque ces conflits ont eu lieu dans la région de Fojnica, il
14 existait deux hôpitaux psychiatriques dans la région de Fojnica. Un
15 premier a Drin identifié par le chiffre 1, un deuxième à Bakuvice,
16 représenté par le chiffre 2. Un de ces hôpitaux avait surtout des jeunes
17 patients, des enfants, des infirmes, des handicapés mentaux et physiques
18 et à Bakuvice se trouvaient surtout des patients adultes. Quoi qu'il en
19 soit, on totalisait approximativement 400 à 500 patients dans ces deux
20 hôpitaux. Lorsque les combats ont eu lieu, le personnel médical et civil,
21 je parle du personnel de soutien de ces hôpitaux ont abandonné carrément
22 les deux hôpitaux. Donc en juin 1993, lors de l'une des patrouilles du
23 bataillon canadien, on a découvert ces deux hôpitaux abandonnés avec les
24 patients laissés à leur sort. A ce moment-là, le bataillon canadien est
25 intervenu en donnant à chaque hôpital un peloton pour s'occuper des
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1 hôpitaux. Le but était de maintenir la vie puis de sauver la vie de ces
2 patients, qui avaient été abandonnés plusieurs jours sans eau, sans
3 nourriture, sans aucun soin. L'état physique de ces patients était
4 horrible et on a d'ailleurs enterré plusieurs de ces pauvres patients.
5 Mais à partir de juin 1993, le bataillon canadien avait une
6 présence physique dans les deux hôpitaux, approximativement la taille d'un
7 peloton, donc un peu moins que l'effectif d'un peloton qui est de 30
8 personnes pour un peloton canadien. Donc on l'a maintenu et jusqu'à ce que
9 je parte en mai 1994, on avait toujours une présence militaire canadienne
10 dans ces deux hôpitaux et leur tâche était purement d'agir pour le bien-
11 être des patients. Ils les nourrissaient, les lavaient, les soignaient,
12 ils faisaient fonctionner les cuisines, s'occupait des installations.
13 C'était presque le rôle d'une compagnie pour ces deux hôpitaux. Il avait
14 un certain rôle par rapport à ce que le bataillon canadien pouvait
15 accomplir comme mission.
16 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire qu'au début
17 du mois de novembre 1993, le HVO a lancé une offensive en direction du
18 nord vers l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
19 M. Lanthier. - Oui. D'où l'importance de nos troupes sur le
20 terrain. La ligne bleue représente approximativement l'endroit où le
21 territoire contrôlé par le HVO se termine : du sud-est vers le nord-ouest.
22 Vous voyez que Bakuvice est sur la ligne de front. Je ne sais pas si c'est
23 visible sur vos écrans, mais si vous regardez les contours de la carte
24 topographique, le terrain qui est à l'arrière de Bakuvice s'élève.
25 Bakuvice est dans le fond d'une vallée. La route orange qui va de Bakuvice
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1 à Drin* est une vallée avec deux flancs de montagne à l'ouest et à l'est.
2 Si je me souviens bien, c'est le 2 novembre 1993, certainement la première
3 semaine de novembre 1993, parce que mon régiment -le 12ème régiment blindé
4 du Canada- a fait une relève en place avec le deuxième 22. Cette soirée-
5 là, on avait toujours un peloton à l'hôpital de Bakuvice, dont le rôle
6 était de s'occuper des patients, mais on avait également un poste
7 d'observation, c'est-à-dire des soldats qui occupent un point
8 d'observation pour voir ce qui se passe autour de leur position afin de
9 donner une certaine sécurité physique à l'hôpital et à nos militaires.
10 Dans la soirée, après la tombée de la nuit, ils nous ont
11 rapporté qu'une offensive provenait du sud-est, qui montait le long de la
12 route. Cette offensive provenait des forces du HVO. Pour la première fois,
13 il nous rapportaient l'utilisation de véhicules chenillés. C'était assez
14 unique, des véhicules chenillés, que ce soient des transporteurs de
15 troupes blindées ou des chars d'assaut étaient rarement vus en Bosnie
16 centrale, ce n'était pas fréquent. On pouvait occasionnellement en voir un
17 de façon isolée qui se promenait, mais c'était extrêmement rare. Ce soir-
18 là, bien qu'ils n'aient pas vu de leurs yeux les véhicules blindés, ils
19 ont entendu le bruit des chenilles. Mon régiment est un régiment blindé,
20 on travaille sur des chars d'assaut, des transporteurs de troupes blindés,
21 le bruit des chenilles, vous ne pouvez pas vous tromper, le bruit des
22 chenilles avec le poids, avec le bruit des moteurs, pour nous, c'est
23 quelque chose qui est facilement reconnaissable, particulièrement le style
24 de chenilles utilisées par les forces en Bosnie. Ce sont des véhicules de
25 type soviétique et ce sont des chenilles qui ne sont pas portées. Ce sont
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1 des chenilles qui tombent, dont le bruit est très évident. On est capable
2 d'identifier la nature, quelquefois même le type de véhicule seulement au
3 bruit.
4 A ce moment-là, une attaque a été lancée parce les forces du HVO
5 avec comme but semble-t-il de monter le long de la vallée de Bakuvice vers
6 Drin, probablement dans le but de recapturer Fojnica. Lors de cette
7 attaque, l'hôpital qui se trouve dans le bas de la vallée donne de façon
8 indirecte un certain couvert à ceux qui veulent s'avancer, donc les
9 soldats croates qui voulaient s'avancer à pied pour faire l'offensive. Des
10 soldats du HVO ont pénétré dans l'hôpital et l'ont utilisé comme position
11 à partir de laquelle ils ont fait feu. A ce moment-là, le peloton était
12 sous le contrôle du sergent Stevenson. Sa réaction a été d'emmener les
13 patients du premier étage dans les autres étages. Ils ont tenté de déloger
14 les soldats du HVO non pas par la force, mais en leur disant que c'était
15 un hôpital et qu'il était inacceptable d'utiliser un hôpital pour
16 bénéficier du couvert afin de pouvoir faire feu.
17 Ils ont réussi à les contenir c'est-à-dire que les soldats
18 croates n'ont utilisé que le premier étage, mais ils ont quand même fait
19 feu de cette position. La réaction est que l'hôpital a été également
20 l'objet de répliques du feu bosniaque qui provenait du nord-ouest. C'est
21 un peu ce qui s'est passé à ce moment-là. On a également reçu un rapport
22 plus tard comme quoi des gaz chimiques avaient été utilisés lors de cette
23 attaque. Par contre, notre enquête n'a pas permis d'établir
24 qu'effectivement des gaz avaient été utilisés. Donc c'est un rapport que
25 je ne peux ni infirmer ni confirmer. Je n'ai eu aucun indice qui
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1 m'indiquait que des gaz chimiques avaient été utilisés.
2 M. Cayley (interprétation). - Dans le compte-rendu, on lit qu'en
3 fait, les soldats canadiens se sont mis d'accord avec les forces de
4 Bosnie-Herzégovine pour quitter l'hôpital. S'agissait-il des forces de
5 l'armée de Bosnie-Herzégovine ou du HVO qui occupaient l'hôpital ?
6 M. Lanthier. - Les soldats canadiens ont demandé aux soldats du
7 HVO qui occupaient le premier étage pour faire feu de quitter les lieux.
8 C'était un hôpital et c'était inacceptable d'utiliser un lieu médical
9 selon les lois normales de la guerre pour se défendre et se battre. Nos
10 soldats ont demandé aux soldats du HVO de quitter les lieux.
11 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je pense
12 qu'il est peut-être temps de prendre notre pause déjeuner.
13 M. le Président. - Tout à fait d'accord, nous reprenons à
14 14 heures 30.
15 (L'accusé est reconduit hors du prétoire.)
16
17 L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.
18
19 M. le Président. - Laudience est reprise. Monsieur le greffier,
20 vous pouvez faire introduire l'accusé.
21 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
22 M. Cayley, vous pouvez poursuivre.
23 M. Cayley (interprétation). - Bon après-midi, Monsieur le
24 Président, Messieurs les Juges, le conseil de la défense. Pourrait-on
25 allumer le rétroprojecteur ?
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1 (L'huissier s'exécute.)
2 Capitaine Lanthier, avant la pause, vous nous parliez de
3 l'hôpital de Bakuvice et de l'usage qui en avait été fait par le HVO en
4 guise de couverture dans leur attaque contre Fojnica. Je voudrais
5 maintenant que vous disiez aux Juges ce que vous savez des patients dans
6 l'hôpital et de l'usage qui en était fait dans les champs de mines dans la
7 localité de Bakuvice.
8 M. Lanthier. - L'hôpital de Bakuvice et la propriété qui
9 l'entoure n'étaient pas équipés avec une clôture formant une enceinte
10 fermée, donc il était normal pour les patients d'être à l'extérieur et de
11 sortir un peu de l'hôpital. Ces patients qui faisaient ces sorties mais
12 demeuraient à proximité de l'hôpital ne pouvaient pas être surveillés
13 individuellement d'une façon constante. Il n'était pas rare que les
14 patients s'écartent un peu plus loin que l'enceinte immédiate de l'hôpital
15 de Bakuvice. Il ma été rapporté, lorsque nous avons fait le changement
16 avec le deuxième bataillon du Royal 22ème, qu'à certaines occasions,
17 certains de ces patients s'étaient un peu éloignés de l'hôpital et étaient
18 pris par des soldats du HVO et qu'on les a utilisés pour vérifier la
19 présence de mines. C'est une posture militaire normale que d'utiliser des
20 mines anti-personnelles dans une position défensive et l'usage de mines en
21 Bosnie était très fréquent.
22 Ce qui s'est alors produit, c'est que certains des patients ont
23 été pris par des soldats du HVO. On leur a demandé de s'avancer dans une
24 direction quelconque afin de vérifier la présence de mines. Si le patient
25 peut effectivement s'avancer sans faire sauter une mine, on sait alors que
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1 l'on a une brèche, c'est-à-dire un endroit où on peut passer de façon
2 sûre. Si au contraire le patient déclenche une mine, premièrement le
3 patient subit des blessures sérieuses s'il n'en meurt pas, mais également
4 on vient de prouver qu'il y a un champ de mines, donc c'est une façon de
5 détecter les mines. Cela m'a été rapporté par le groupement tactique qui
6 était là avant nous. A notre arrivée, un cas en particulier m'a été
7 rapporté par les soldats qui étaient là. Une patiente handicapée mentale
8 un peu plus âgée s'était également faite prendre par un soldat du HVO afin
9 de vérifier l'existence d'un champ de mines. Elle avait fait déclenché une
10 mine et en était morte. Avec ce rapport-là, j'étais allé voir Vinko Lukic
11 en lui demandant que l'on arrête de telles pratiques qui étaient
12 absolument inhumaines. Sa réponse avait été que ce n'était pas une
13 pratique prêchée par eux, mais qu'il se pouvait qu'effectivement des
14 patients s'écartent, se perdent et fassent sauter une mine. De toute
15 façon, ce n'était pas très important à ses yeux. Il était évident d'après
16 le rapport que j'avais eu de nos soldats à l'hôpital qu'il ne s'agissait
17 pas de patients qui s'étaient égarés, mais de patients à qui on avait
18 demandé et n'ayant pas toute leur tête, ils avaient accepté d'aller là où
19 le soldat du HVO l'avait indiqué, avec le résultat que l'on connaît. Une
20 pratique absolument inhumaine mais c'était évident qu'on n'y attachait pas
21 d'importance au quartier général de Kiseljak.
22 M. Cayley (interprétation). - Vous avez rendu compte de cela à
23 M. Vinko Lukic au quartier général du HVO à Kiseljak
24 M. Lanthier. - Exact.
25 M. Cayley (interprétation). - Suis-je en droit de dire que le
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1 personnel de l'hôpital de Bakuvice souhaitait y retourner et soigner les
2 patients ?
3 M. Lanthier. - Une des choses que j'ai tenté de faire et qui
4 occupait beaucoup de mon temps a été de permettre le retour des employés
5 civils qui travaillaient aux hôpitaux de Drin et Bakuvice. Lors de
6 l'arrivée de mon régiment en octobre 1993, ni l'un ni l'autre des hôpitaux
7 n'avaient d'employé civil qui y travaillait. C'était à ce moment-là
8 l'unique responsabilité du bataillon canadien de s'occuper de ces
9 patients. Une fois que l'on a été en place, il n'a pas été tellement
10 difficile de ramener des employées à Drin, l'hôpital situé tout près de
11 Fojnica. A Bakuvice, j'ai eu beaucoup plus de difficultés et j'ai tenté à
12 de nombreux reprises de faciliter le retour des employés. Bakuvice est sur
13 la ligne de front ou presque comme le démontre la ligne bleue sur votre
14 écran. Je négociais le retour de ces employés à ce moment-là avec l'ancien
15 administrateur de la municipalité de Fojnica qui vivait maintenant à
16 Kiseljak et qui avait ces hôpitaux sous sa responsabilité, en particulier
17 celui de Bakuvice, étant donné qu'il était désormais du côté du territoire
18 contrôlé par le HVO. A plusieurs reprises, je suis parvenu à une entente
19 avec lui afin de permettre le retour de ces employés. L'entente consistait
20 à ce que l'on maintienne une présence réduite dans l'hôpital, une section
21 plutôt qu'un peloton et à fournir une escorte blindée à ces employés.
22 L'entente était que nous ramasserions les employés vers 8 heures le matin
23 et nous les emmènerions par la montagne plutôt que par la route en orange
24 sur l'écran, -la qualité de la photocopie ne permet pas de vous
25 l'identifier- par une route passant par le sud à Astugaci et qui arrivait
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1 à Bakuvice. Voilà l'entente. Mais à deux ou trois reprises, une fois
2 l'entente conclue, lorsque notre patrouille s'est présentée à Kiseljak
3 pour ramasser les employés, l'entente n'était plus valide sans que l'on
4 puisse m'expliquer pourquoi une entente conclue la veille ne tenait plus
5 le lendemain matin. Cela m'a amené à sérieusement questionner le pouvoir
6 de l'administrateur des hôpitaux, sa capacité à gérer son personnel et
7 l'impression claire que j'en ai eu, c'est que le HVO refusait de permettre
8 aux employés de retourner à leur travail. C'est une impression qui s'est
9 formée avec le refus de la part des autorités civiles de m'expliquer
10 pourquoi l'entente ne pouvait pas être respectée et le refus du HVO de
11 discuter de ce dossier. C'est l'impression que j'en ai eu.
12 M. Cayley (interprétation). - Nous pouvons progresser maintenant
13 dans le temps, passez à la troisième semaine de janvier et je voudrais que
14 vous décriviez à l'intention des Juges les événements entourant un convoi
15 d'aide humanitaire qui amenait des fournitures urgentes, médicales et
16 autres, pour l'hôpital de Bakuvice. Pourriez-vous raconter cette histoire
17 au Tribunal depuis le HVO à la caserne de Kiseljak jusqu'à Bakuvice, un
18 long voyage marqué en orange sur la carte, à laquelle vous pouvez faire
19 référence pour aider les Juges à comprendre votre déposition.
20 M. Lanthier. - Je suis encore là pour expliquer les
21 circonstances de cette attaque sur le convoi. Comme je l'ai dit-on a
22 maintenu une présence dans les hôpitaux de Drin et Bakuvice jusqu'à mon
23 départ en mai 1994. La position des forces sur le terrain faisait que la
24 route orange que vous voyez, qui initialement passe par à l'est de votre
25 carte, donc à droite, la route orange va de l'est vers l'ouest. A un
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1 moment donné, cette section que je montre sur la carte présentement se
2 trouve dans le milieu que l'on appelle dans le jargon militaire "no man's
3 land", un terrain qui physiquement n'est pas contrôlée par une force
4 présente sur le terrain, mais qui peut être contrôlée par le feu, c'est-à-
5 dire en apportant un tir d'armes légères ou autres, dans ce cas, surtout
6 d'armes et de mitrailleuses.
7 Puisque cette route était particulièrement sensible à toute
8 attaque, nous avions recommandé au HCR de nous confier la tâche d'emmener
9 les commodités nécessaires aux hôpitaux de Drin et Bakuvice. Plutôt que le
10 HCR fournisse ses véhicules civils et ses chauffeurs civils et les mette
11 en danger, nous avons pris sous notre égide d'emmener l'aide humanitaire
12 fournie par le HCR dans nos propres véhicules militaires jusqu'aux
13 hôpitaux de Drin et Bakuvice. Les procédures pour faire de tels convois
14 nécessitaient l'autorisation préalable du quartier général de Kiseljak.
15 24 heures à l'avance au minimum, nous devions nous présenter au quartier
16 général de Kiseljak, demander l'autorisation d'avoir un convoi d'aide
17 humanitaire, expliquer ou citer chaque véhicule qui serait présent sur ce
18 convoi, décrire chaque commodité et la quantité emmenée.
19 Les commodités que nous transportions à ce moment là, étaient
20 principalement du charbon, pour permettre de chauffer les deux hôpitaux,
21 la farine et autres ingrédients pour nourrir les patients, l'essence pour
22 faire fonctionner les génératrices, étant donné que les deux hôpitaux
23 fonctionnaient sur une génératrice de 10 KW et les médicaments et autres
24 besoins médicaux nécessaires à la santé des patients. Donc, il fallait
25 détailler tous ces faits et nous obtenions alors de Vinko Lukic une
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1 autorisation écrite sur un papier signé par lui, qui nous permettait alors
2 de passer à travers les différents barrages routiers qui existaient sur la
3 route pour se rendre jusqu'aux hôpitaux de Drin et Bakuvice. Comme je l'ai
4 déjà expliqué, cette route avait de particulier qu'elle était située dans
5 un "no man's land". Elle pouvait être contrôlée par le tir et
6 effectivement, à chaque occasion que des véhicules du bataillon canadien
7 ont utilisé cette route, il y a eu un tir qui provenait du sud, des
8 positions du HVO. J'ai personnellement essuyé, à plusieurs reprises, le
9 tir sur cette position. La majeure partie du temps, c'était un tir pour
10 nous intimider seulement, ce tir n'était pas efficace, car il n'atteignait
11 pas mon véhicule, comme je l'ai déjà dit, je voyageais dans un 4x4 non
12 blindé, donc n'importe quel projectile aurait fait mouche, mais on visait
13 à l'avant de mon véhicule, les trois quarts du temps, on voyait les éclats
14 sur les pavés, les éclats des projectiles. Donc, il était facile de
15 déterminer de quel côté provenait le tir.
16 A chaque occasion, je me suis plaint de ces attaques
17 injustifiées au quartier général de Kiseljak, et invariablement, la
18 réponse qui m'était donnée était que ces actes étaient isolés, qu'ils
19 n'étaient pas sanctionnés et que c'était tout simplement une initiative
20 locale des soldats sur le terrain. Une initiative locale peut-être, mais
21 la responsabilité du commandant aurait été à ce moment-là, s'il ne
22 sanctionnait pas de telles attaques ou intimidations, d'ordonner à ses
23 troupes de cesser le tir ou de relever ses commandants qui n'étaient pas
24 capables de respecter les ordres émis, ce qui n'a pas été le cas et ce qui
25 m'a conduit à croire que c'était peut-être des initiatives locales, mais
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1 que le commandant avait failli à son devoir, en ne prenant pas les mesures
2 nécessaires pour arrêter de telles attaques.
3 Quoi qu'il en soit, l'attaque principale qu'ont subi nos
4 soldats, a eu lieu la troisième semaine de janvier 1994. Alors qu'un
5 convoi, si je ne me trompe pas, c'était le mardi matin, a quitté Visoko
6 pour Kiseljak afin de ravitailler les deux hôpitaux, il est tombé sous le
7 tir des positions HVO. A ce moment là, le tir qui était normalement dirigé
8 uniquement sur les véhicules blindés, j'ai dit que moi, en tant que
9 véhicule non blindé, on faisait des tirs intimidants, mais les véhicules
10 blindés étaient souvent la proie de balles qui ricochaient sur leurs
11 tourelles blindées qui souvent résistent à ce type d'armes. Ce matin là,
12 le convoi est encore tombé sous une pluie de balles. La différence, cette
13 fois là, c'est que l'on a également ciblé les véhicules à roues non
14 blindés qui transportaient l'aide humanitaire. Donc, il y avait des
15 Cougars, des véhicules canadiens à roues avec une tourelle et un canon
16 76 mm, des véhicules 10 tonnes, un véhicule cargo qui transportait l'aide
17 humanitaire et qui était connu, puisque nous avons reçu l'autorisation
18 écrite de M. Lukic de transporter cette aide et de la livrer. Il y avait
19 également, dans le convoi, une ambulance qui transportait les fournitures
20 médicales. Souvent celles-ci doivent être réfrigérées et l'ambulance est
21 clairement identifiée avec le sigle de la Croix-Rouge qui couvre tout le
22 côté du véhicule, presque un mètre et demi de haut. C'est difficile à
23 manquer.
24 Le convoi a été attaqué, est tombé sous le tir des
25 mitrailleuses. Nous avons, à ce moment-là, subi des pertes humaines et
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1 deux véhicules. Le véhicule de 10 tonnes a été frappé dans la partie
2 avant, le chauffeur à reçu deux à trois balles dans le pied, mais a réussi
3 à garder le contrôle de son véhicule et l'a emmené jusqu'à Drin. L'autre
4 chauffeur, lui, bien qu'il n'aie pas été atteint, n'a pas su maîtriser
5 aussi bien son véhicule et est tombé dans un fossé du côté nord de la
6 route. Ce véhicule transportait du diesel. Plus tard, on a fait sauter le
7 véhicule sur place pour qu'il ne puisse pas être réutilisé par quelqu'un
8 d'autre. On n'avait pas les moyens physiques de retirer le véhicule du
9 fossé, le ravin ne nous le permettait pas. Donc, on l'a laissé là, on l'a
10 fait sauter sur place. Cette attaque a été rapidement rapportée à
11 Vinko Lukic et a fortement protesté.
12 C'était une attaque injustifiée, notre présence était connue,
13 autorisée, c'était de l'aide humanitaire pour les patients des deux
14 hôpitaux. La réponse donnée par Lukic était la même encore une fois.
15 C'était initiative locale, quelque chose que lui n'avait pas ordonné et il
16 démentait que cela ait été ordonné. Mais encore ici, il a fait preuve à
17 mes yeux d'un manquement à son devoir, en sachant très bien que nous
18 étions souvent la proie des attaques, de ne pas s'être assuré qu'une telle
19 initiative ne se reproduise pas. Donc, c'est l'attaque que l'on a vécue
20 dans la troisième semaine de janvier 1994.
21 M. Cayley (interprétation). - Pour préciser, vous dites que vous
22 étiez en rapport avec M. Vinko Lukic, au quartier général de Kiseljak et
23 que vous vous êtes plaint auprès de M. Lukic. Vous parlez bien du quartier
24 général du HVO ?
25 M. Lanthier. - Cest bien ça. M. Lukic était, comme je vous l'ai
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1 déjà dit, mon point de contact au quartier général à Kiseljak.
2 M. Cayley (interprétation). - Il avait effectivement autorisé ce
3 convoi à parcourir cette route de Kiseljak à l'hôpital de Bakuvice ?
4 M. Lanthier. - Absolument. Un point de contrôle existait à
5 l'endroit que j'indique présentement sur la carte. Il était impossible de
6 se diriger vers Drin ou Bakuvice, sans avoir une autorisation écrite de la
7 part du HVO pour des convois, une patrouille, c'est-à-dire que deux
8 véhicules blindés pouvait passer sans problème, sans autorisation écrite,
9 mais un convoi nécessitait l'autorisation écrite de M. Lukic.
10 M. Cayley (interprétation). - Ce convoi affichait bien le
11 symbole du comité international de la Croix-Rouge ?
12 M. Lanthier. - L'ambulance qui accompagnait le convoi
13 effectivement avait le sigle de la Croix-Rouge sur les deux côtés du
14 véhicule. Il n'y avait pas d'erreur quant à l'identité du véhicule.
15 M. Cayley (interprétation). - Pourrait-on montrer la pièce 80/5
16 au témoin, pièce qui a déjà été déposée ?
17 (L'huissier s'exécute).
18 M. Cayley (interprétation). - Capitaine Lanthier, pouvez-vous
19 identifier l'un ou l'autre des individus qui se trouvent sur cette photo ?
20 M. Lanthier. - A droite M. Vinko Lukic, colonel Blaskic, le nom
21 m'échappe, je l'ai rencontré une fois. Il m'avait été présenté comme le
22 commandant de l'armée croate en Bosnie, HVO. Le nom m'échappe.
23 M. Cayley (interprétation). - Ainsi donc l'homme à l'extrême-
24 droite de la photo est M. Vinko Lukic, à sa gauche immédiatement le
25 colonel Blaskic et à la gauche du colonel Blaskic, un homme dont vous
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1 savez qu'il était le commandant des forces croates de Bosnie. Très bien
2 merci.
3 M. Riad (interprétation). - Un instant s'il vous plaît. Qui
4 était M. Lukic par rapport au général Blaskic ?
5 M. Lanthier. - M. Lukic lui-même s'était présenté comme
6 l'officier de liaison du quartier général de l'armée HVO à Mostar. Donc il
7 répondait du quartier général de Mostar.
8 M. Cayley (interprétation). - Nous en arrivons à la conclusion
9 de l'interrogatoire principal. Pouvez-vous dire aux Juges ce que vous
10 savez de la présence de forces gouvernementales bosniaques organisées dans
11 la municipalité de Kiseljak ?
12 M. Lanthier. - A ma connaissance, dans la poche de Kiseljak en
13 tant que tel, il n'y avait aucune force de l'armée gouvernementale
14 bosniaque présente. Les forces organisées y étaient absentes, elles
15 étaient à l'extérieur de la poche de Kiseljak, sur les lignes de
16 confrontation. Donc il n'y avait pas d'unités militaires formées à
17 l'intérieur de la poche de Kiseljak.
18 M. Cayley (interprétation). - Capitaine Lanthier, sur la base
19 exclusive de la connaissance que vous avez des faits sur le terrain,
20 pourriez-vous décrire à l'intention du Tribunal, l'efficacité de la
21 filière de commandement du HVO dans les régions de Vitez, Kiseljak, et
22 Vares, d'après votre expérience durant vos deux périodes de service dans
23 la région ?
24 M. Lanthier. - La chaîne de commandement du côté du HVO m'a
25 semblé fonctionner sans difficulté. Des exemples concrets que je peux
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1 apporter, un des premiers, lors de mon premier entretien avec le colonel
2 Blaskic, je lui avais expliqué la raison pour laquelle je désirais me
3 présenter à lui. En cas de problème avec Kiseljak, je pourrais me référer
4 à lui pour trancher le problème qui pourrait se présenter.
5 J'ai fait appel à lui a deux reprises dont je me souviens. Les
6 détails des problèmes m'échappent, maintenant. Je crois qu'ils étaient
7 reliés à une question de liberté de mouvement qui m'avait été refusée par
8 Kiseljak, alors que je pensais qu'elle n'aurait pas dû l'être. Je me suis
9 adressé au colonel Blaskic à ce sujet. Donc, je me souviens, et ceci
10 démontre que la chaîne de commandement fonctionnait, puisque ces
11 situations se sont résorbées après que le colonel Blaskic soit intervenu.
12 Du côté de l'exercice de la chaîne de commandement, l'un des
13 critères essentiels sont les communications et le HVO possédaient
14 d'excellentes communications entre les différents emplacements de ses
15 quartiers généraux, en particulier la présence de téléphones et lignes
16 civiles. Dans la poche de Kiseljak, le HVO contrôlait le building PTT. Les
17 lignes PTT fonctionnaient. Il était donc possible de communiquer par
18 lignes téléphoniques. Les fax fonctionnaient également. J'avais vu le fax
19 à Kiseljak et à l'hôtel à Vares, où se trouvait la brigade de Vares.
20 Zvonko, qui était l'adjoint d'Emil Arah, le commandant des brigades à
21 Vares, avait reçu un fax en ma présence. Donc, cela fonctionnait.
22 Egalement, la présence d'antennes pour les communications à hautes
23 fréquences étaient là et il y avait également des téléphones cellulaires
24 qui existaient. La présence d'antennes paraboliques sur le toit des
25 quartiers généraux ne m'avait pas échappé. Donc on voit une grande
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1 possibilité de communication qui existait entre les différents quartiers
2 généraux qui permettent, à ce moment là, au commandant d'exercer le
3 commandement et le contrôle de ses troupes.
4 M. Cayley (interprétation). - Que vous a dit votre interprète
5 au sujet des capacités de communication de la caserne de Kiseljak ?
6 M. Lanthier. - En 1992, mon interprète avait été un opérateur
7 radio pour l'armée croate en Croatie, il était donc familier avec les
8 communications et m'avait montré l'emplacement de certaines antennes
9 utilisées par les quartiers généraux. Je suis moi-même très familier avec
10 les différentes fréquences utilisées, les modes de propagation des ondes,
11 mais il m'avait un peu plus expliqué le système utilisé en Bosnie pour les
12 communications. L'ex-Yougoslavie possédait, dans le temps, un des
13 meilleurs réseaux de communication haute fréquence en Europe et ce réseau
14 a certainement été utilisé à bon escient. Il a certainement été très
15 utilisé.
16 M. Cayley (interprétation). - Serait-il exact de dire, qu'à
17 votre avis, les capacités de communication du HVO en Bosnie centrale
18 étaient réellement très bonnes ?
19 M. Lanthier. - Oui. C'est mon impression qui a été confirmée en
20 constatant les différents moyens de communication présents.
21 M. Cayley (interprétation). - Parlons maintenant des relations
22 physiques entre Kiseljak et Vitez. Êtes-vous au courant de l'existence
23 d'une route de Kiseljak à Vitez, qui n'implique pas de passer par la route
24 principale traversant Busovaca ?
25 M. Lanthier. - Il existe, à ma connaissance, au moins une route
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1 ou un sentier entre Kiseljak et Vitez. J'ai eu la chance de connaître à
2 fond le secteur dans lequel j'opérais. La route à laquelle je me réfère
3 était une route de terre battue qui partait du sud de Vitez et qui
4 descendait vers le sud-est pour tourner vers l'est par la suite et qui
5 permettait avec un véhicule tout terrain... Il ne s'agit pas d'une route
6 officielle, mais plutôt d'une route, d'un sentier de terre battue. J'ai,
7 au moins à une occasion, voyagé sur cette route, de Kiseljak à Vitez. Les
8 cartes topographiques étaient des photocopies de carte. Cette route-là
9 n'est pas sur une carte, je l'ai trouvée presque par pur hasard en
10 naviguant à travers la montagne. C'est une route extrêmement accidentée.
11 Il faut traverser une chaîne de montagne, plusieurs virages en tête
12 d'épingle, mais la route existe effectivement.
13 M. Cayley (interprétation). - Donc, c'était une route qui
14 permettait d'éviter l'emploi de la route principale de Vitez à Kiseljak ?
15 Celle qui traverse Busovaca ?
16 M. Lanthier. - Effectivement.
17 M. Cayley (interprétation). - Quel commentaire apporteriez-vous
18 au sujet du degré de coopération dont vous avez bénéficié de la part des
19 forces du gouvernement bosniaque et de la part du HVO pendant les neuf
20 mois que vous avez passés en Bosnie ? Quelle comparaison faites-vous entre
21 les deux ?
22 M. Lanthier. - Je dois dire que la coopération du BiH, des
23 forces du gouvernement bosniaque a été de beaucoup supérieure à celle du
24 HVO. Comme je l'ai dit lors de mon premier tour en particulier, je faisais
25 une visite quotidienne tous les matins au quartier général d'Udzi Istok à
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1 Visoko. Memisevic, le commandant à ce moment-là, me donnait un aperçu de
2 ce qui s'était passé dans le territoire qu'il contrôlait. Cela me
3 permettait d'avoir une bonne idée, la présence de nos troupes et notre
4 mission faisaient que l'on n'était pas en mesure d'être au courant de tout
5 ce qui se passait dans notre secteur de responsabilité, relativement
6 grand. Donc j'étais capable d'avoir une idée de ce qui se passait et avec
7 les informations que je recevais, je pouvais donner un "focus" à mes
8 recherches et voir ce qu'il en était vraiment selon les rapports reçus. A
9 l'occasion, on m'a même remis des cartes topographiques de l'armée
10 bosniaque qui m'indiquaient l'emplacement de toutes leurs armes,
11 l'emplacement des armes connues du côté du BSA et du HVO, lorsque
12 l'entente sur la zone d'exclusion a eu lieu. Le degré de coopération du
13 BIH était bon.
14 Avec le HVO, la situation était un peu différente. Je n'étais
15 pas "co-localisé" parce que je n'étais pas dans la même ville, mais je me
16 déplaçais presque quotidiennement pour aller à Kiseljak pour parler soit
17 avec Mario Bradara, soit avec Vinko Lukic, selon la période à laquelle on
18 se réfère, mais les discussions n'ont jamais été aussi fructueuses. Pour
19 pouvoir obtenir l'information, on aurait dit que je leur arrachais une
20 dent. Souvent, l'information qu'on me donnait ne semblait pas correspondre
21 avec ce que moi je pouvais déduire en regardant ce qui s'était passé. Je
22 vous ai donné plusieurs exemples ce matin. Donc le degré de coopération
23 était différent.
24 M. Cayley (interprétation). - Pour finir, je fais
25 particulièrement référence au mois d'avril 1993 dans la durée totale de
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1 votre mission, quelle est votre avis professionnel quant aux opérations
2 militaires que vous avez vu se dérouler à ce moment-là à Vitez et
3 Kiseljak ?
4 M. Lanthier. - Il était clair dans mon esprit et encore plus en
5 rétrospective que les opérations menées dans les poches de Vitez et
6 Kiseljak ont été un nettoyage ethnique contre la population musulmane qui
7 y résidait. Elles ont été conduites d'une façon militaire. Les tactiques
8 utilisées, l'emploi du terrain et tous les autres facteurs que j'ai déjà
9 un peu mentionnés indiquent clairement qu'il ne s'agit pas d'un fermier
10 qui décide un jour de tuer son voisin, mais bien d'une extermination
11 systématique ou d'un essai d'extermination systématique commis par des
12 forces organisées d'une façon synchronisée. On regardera ce qui s'est
13 passé à Vitez, deux jours après, cela se poursuit dans la poche de
14 Kiseljak. En même temps, quelques jours plus tard, le commandant de la
15 304ème brigade de Breza m'indiquait que la même chose semblait se préparer
16 dans le coin de Vares, le fameux village de Stupni Do et qu'il craignait
17 pour ce village de Stupni Do. L'histoire a démontré plus tard que la même
18 chose allait se produire à Stupni Do. C'est systématique, c'est organisé
19 et selon moi, il n'y a aucune doute : il s'agit d'une opération militaire
20 contre une population civile.
21 M. Cayley (interprétation). - Merci, capitaine Lanthier. Je
22 n'ai pas d'autre question et je demande le versement au dossier des pièces
23 à conviction 329 à 336, Monsieur le Président.
24 M. le Président. - Je pense qu'il n'y a pas d'observation de la
25 défense.
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1 M. Hayman (interprétation). - Une observation seulement,
2 Monsieur le Président. La pièce 329 : il y a une municipalité qui est
3 surlignée et qui ne se trouvait pas dans la zone de combat relevant de la
4 municipalité de Kiseljak. Or le témoin a dit que toutes les localités
5 qu'il a citées relevaient d'une zone de combat, donc je demande qu'une
6 note soit inscrite sur cette carte.
7 M. Cayley (interprétation). - En fait, l'objet de la réponse du
8 témoin ne consistait pas seulement à montrer la zone de responsabilité
9 mais également à indiquer qu'il y avait des municipalités dans lesquelles
10 il s'était physiquement rendu. Donc je suggère aux Juges qu'il n'est pas
11 nécessaire d'apporter un amendement à la carte. Bien entendu si la
12 question fait l'objet de contestations, une question supplémentaire peut
13 être posée au témoin à titre d'éclaircissement.
14 M. le Président. - Vous savez que ce sont des problèmes qui n'en
15 sont pas. Je crois que Maître Hayman vient de faire une observation, elle
16 est marquée sur le compte-rendu et la pièce est admise comme pièce à
17 conviction avec les observations faites par maître Hayman. Maître Hayman,
18 est-ce vous qui prenez le contre-interrogatoire ?
19 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
20 M. le Président. - Capitaine, vous allez recevoir les questions
21 de Maître Hayman, qui est un des défenseurs du général Blaskic. Allez-y,
22 Maître Hayman.
23 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
24 Messieurs les Juges. Bonjour capitaine. Au cours de votre premier séjour
25 en Bosnie, étiez-vous l'officier de liaison des troupes de combat dans
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1 votre secteur ou étiez-vous officier de liaison adjoint dans ce secteur ?
2 M. Lanthier. - J'étais l'officier de liaison aux factions
3 belligérantes et non pas l'adjoint.
4 M. Hayman (interprétation). - Aviez-vous des hommes d'officiers
5 de liaison sous vos ordres comme cela s'est passé pendant votre deuxième
6 séjour ou votre fonction était-elle différente au moment de votre premier
7 séjour ?
8 M. Lanthier. - Lors de mon premier séjour j'étais l'unique
9 officier de liaison avec les parties belligérantes, je n'avais pas
10 d'autres officiers de liaison qui travaillaient sous mes ordres.
11 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous dites "officier de
12 liaison avec les factions belligérantes", y avait-il d'autres officiers de
13 liaison que vous-même, chargés des troupes de combat, pendant votre
14 premier séjour ?
15 M. Lanthier. - Un seul autre individu remplissait cette double
16 fonction, le capitaine Lambert avait comme rôle, en plus de celui
17 d'officier de service au poste de commandement du régiment, de se rendre
18 une fois par semaine au HCR pour y donner à certaines occasions des
19 briefings. C'est un rôle de liaison, étant donné qu'il coordonne avec une
20 agence extérieure au régiment, mais il n'avait aucun contact avec les
21 factions belligérantes. Donc j'étais l'unique officier de liaison sur le
22 terrain.
23 M. le Président. - Capitaine Lanthier, quand vous recevez la
24 question, il est normal que vous vous tourniez vers l'avocat, mais quand
25 vous répondez, il est tout aussi normal que vous vous adressiez d'abord
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1 aux Juges. Merci.
2 M. Hayman (interprétation). - Est-il donc permis de dire que
3 vous étiez le seul officier de liaison pour les factions belligérantes et
4 que vous étiez le seul homme responsable pour la région de Kakanj, Vares,
5 Visoko, Kiseljak, Fojnica et Kresevo ?
6 M. Lanthier. - Du point de vue de la liaison, oui, mais je ne
7 n'étais pas seul sur le terrain. Évidemment, le rôle du groupement
8 tactique du deuxième RCR était de faire des escortes donc eux étaient sur
9 la totalité du terrain.
10 M. Hayman (interprétation). - Mais je crois comprendre que vous
11 étiez le seul officier de liaison responsable du maintien de contacts avec
12 les factions belligérantes dans les municipalités que je viens
13 d'énumérer ?
14 M. Lanthier. - Pas nécessairement. J'établis la liaison
15 initiale, mais c'est un concept courant qu'une fois la liaison initiale
16 établie, la localisation de tous les quartiers généraux dans le secteur de
17 responsabilité est communiquée à tous les membres du groupement tactique.
18 Par exemple, si une patrouille, escortant un convoi qui s'en va vers le
19 nord, rencontre un problème et que je ne peux pas les assister, eux vont à
20 ce moment-là se déplacer au quartier général pour parler avec un de ses
21 membres. Donc je ne suis pas le seul à avoir un contact direct avec les
22 membres des quartiers généraux dans notre secteur de responsabilité.
23 M. Hayman (interprétation). - Je crois comprendre qu'il serait
24 plus précis de dire que vous étiez le seul officier de liaison à plein
25 temps pour les factions belligérantes dans les municipalités que je viens
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1 d'énumérer. Est-ce exact ?
2 M. Lanthier. - Exact.
3 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit être arrivé Visoko à
4 la mi-février 1993. Combien de temps après cette date êtes-vous allé pour
5 la première fois dans la caserne de Kiseljak ?
6 M. Lanthier. - Etablir notre camp a dû prendre une semaine, donc
7 vers la toute fin février ou les tous premiers jours de mars. C'est la
8 période approximative, je ne me souviens pas de la date exacte.
9 M. Hayman (interprétation). - Je demanderai que la pièce à
10 conviction 330 soit remise au témoin et placée sur le rétroprojecteur,
11 Monsieur le Président, je vous prie.
12 (L'huissier s'exécute.)
13 Vous avez parlé d'une discussion ou d'une réunion d'information
14 avec M. Bradara lors de votre première visite à la caserne de Kiseljak.
15 Est-il exact qu'en tant qu'officier de liaison, l'une de vos fonctions
16 consistait à vous familiariser avec l'identité des commandants sur le
17 terrain avec lesquels vous auriez à mener votre travail de liaison ?
18 M. Lanthier. - Oui. Je pense que c'est à peu près ce que j'ai
19 expliqué dans mon témoignage plus tôt.
20 M. Hayman (interprétation). - Vous avez identifié la brigade
21 Bobovac comme l'unité du HVO à Vares. Pourriez-vous nous dire qui était le
22 commandant de cette brigade, à quelque moment que ce soit, pendant votre
23 séjour ?
24 M. Lanthier. - Il s'agissait d'Emil Arah.
25 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce pendant votre premier,
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1 deuxième séjour, ou pendant les deux séjours ?
2 M. Lanthier. - Je m'en souviens particulièrement bien lors de
3 mon premier séjour. Honnêtement, cela m'échappe si, lors de mon deuxième
4 séjour, il l'était toujours. A ce moment-là, je n'étais plus l'officier de
5 liaison aux factions belligérantes, mais au HCR. Mon rôle était différent
6 et le nom des commandants n'est pas aussi clair. Surtout que, à ce moment-
7 là, dès notre arrivée, Vares -on s'en souviendra- était attaquée par le
8 BiH et était ensuite tombée. Ce qui est arrivé avec la brigade à Vares, je
9 sais que bon nombre s'en sont échappé et se sont retrouvés à Kiseljak.
10 C'est pourquoi j'ignore qui était le commandement à Vares à ce moment-là.
11 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais entendu dire que,
12 après le massacre de Stupni Do, Emil Arah ait été relevé de son poste de
13 commandement du HVO à Vares ? Avez-vous jamais entendu parler de cela ?
14 M. Lanthier. - Honnêtement, je ne peux pas m'en souvenir avec
15 précision.
16 M. Hayman (interprétation). - Vous ne pouvez pas vous souvenir
17 avec précision mais, vous rappelez-vous quoi que ce soit au sujet de cet
18 événement ?
19 M. Lanthier. - Après le massacre de Stupni Do, nos forces, nos
20 policiers militaires ont conduit une enquête détaillée à Stupni Do,
21 escortés par des patrouilles du groupement tactique. C'est à peu près la
22 majorité des détails. Je me souviens, j'ai eu rapport de l'implication de
23 Ivica Rajic à Stupni Do, mais les autres détails, honnêtement... C'était
24 au tout début de notre arrivée. Cela venait de se produire lorsque l'on
25 est arrivé sur le terrain. Les détails m'échappent.
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1 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit il y a quelques
2 instants que Stupni Do était tombée. Entendez-vous par là que l'unité du
3 HVO de Vares a été expulsée et que le deuxième corps de l'armée de Bosnie-
4 Herzégovine a pris le contrôle de Vares en décembre 1993 ?
5 M. Lanthier. - Une attaque a été menée par le BiH et la ville a
6 en partie été prise par le BiH.
7 M. Hayman (interprétation). - Cela s'est-il passé
8 approximativement en décembre 1993, à votre connaissance ?
9 M. Lanthier. - Ce serait plutôt en novembre.
10 M. Hayman (interprétation). - De 1993 ?
11 M. Lanthier. - Oui.
12 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant à la
13 municipalité de Kiseljak. Lorsque vous avez rencontré pour la première
14 fois Ivica Rajic, commandant de la brigade Ban Jelacic, comme vous l'avez
15 dit, vous a-t-on dit ou avez-vous appris depuis combien de temps
16 Ivica Rajic était commandant de la brigade à Kiseljak ?
17 M. Lanthier. - Je ne crois pas avoir dit que M. Rajic commandait
18 la brigade de Kiseljak. Je crois plutôt avoir dit qu'il était le
19 commandant du quartier général à Kiseljak et qu'il avait sous sa charge
20 les quatre formations ou unités -mais on ne le voit pas sur l'écran- de
21 Vares, Kiseljak, Kresovo et Fojnica. A ma connaissance, la brigade de
22 Kiseljak, Ban Jelalic, était commandée par... le nom qui me vient à
23 l'esprit, mais je ne suis pas certain, est Mijo Bozic, mais pas M. Rajic.
24 M. Hayman (interprétation). - J'accepte que vous me corrigiez
25 dans ce que vous venez de dire de façon plus précise dans votre
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1 déposition. Donc, selon votre déposition, M. Rajic n'était pas commandant
2 de la brigade, mais simplement commandant du groupe d'opération de
3 Kiseljak. C'est bien cela ?
4 M. Lanthier. - Effectivement, c'est ce que j'ai compris de la
5 filière de commandement.
6 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous qui était le commandant
7 de la brigade à la fin février ou au début de mars 1993, date à laquelle
8 vous avez rendu visite à la brigade pour la première fois ?
9 M. Lanthier. - Comme je viens tout juste de vous dire, je ne
10 suis pas certain du nom. Le nom de Mijo Bozic me vient en tête mais je ne
11 peux pas vous affirmer que c'était le nom du commandant. Ma relation,
12 étant donné que c'est un quartier général supérieur à Kiseljak et qui
13 contrôlait toutes les troupes du HVO dans notre secteur de responsabilité,
14 je n'étais pas appelé à travailler avec les commandants de brigades ou
15 d'unités au niveau subalterne.
16 J'ai travaillé principalement avec M. Bradara, qui était le
17 commandant adjoint de Rajic pour le groupe opérationnel de Kiseljak. C'est
18 la raison pour laquelle le nom des commandants d'unités et de formations
19 sous Rajic, je les ai rencontrés à une ou deux reprises ; dans le cas de
20 Vares un peu plus, parce que Vares était isolée de Kiseljak physiquement
21 et, d'une certaine façon, pas complètement isolée. C'est pourquoi le nom
22 des commandants de Fojnica, Kresovo et Kiseljak m'échappe.
23 M. Hayman (interprétation). - Le nom "Mijo Bozic" vous dit-il
24 quoi que ce soit en rapport avec le commandant de la brigade Ban Jelalic ?
25 M. Lanthier. - J'ai déjà dit à deux reprises que c'est le nom
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1 qui me revenait. Ma prononciation est peut-être mauvaise, mais deux fois
2 j'ai utilisé ce nom.
3 M. Hayman (interprétation). - Cela vous rappelle-t-il un lien
4 quelconque avec éventuellement le poste de commandant de la brigade de
5 Kiseljak ? Ce nom vous rappelle-t-il un lien quelconque ?
6 M. Lanthier. - J'ignore un peu.
7 M. le Président - Vous pouvez poser vos questions plus
8 directement, Maître Hayman. C'est un jeu de questions qui est d'une telle
9 subtilité qu'il vaudrait mieux tout simplement -vous avez affaire à
10 des Juges professionnels- que vous posiez directement vos questions, s'il
11 vous plaît. Sinon, nous perdons un peu de temps.
12 M. Hayman (interprétation). - Capitaine, avez-vous jamais
13 entendu dire que Mijo Bozic était le commandant de la brigade de Kiseljak
14 pour le HVO ?
15 M. Lanthier. - Pour la troisième fois, je vais vous répéter que
16 le nom m'échappe, mais que j'associe le nom de Mijo Bozic au commandant de
17 la brigade Ban Jelacic. Je ne peux pas vous assurer que c'était
18 effectivement le commandant, mais c'est le nom qui me vient en tête. Cela
19 fait trois fois que vous posez la même question de façon différente.
20 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais entendu dire que
21 M. Bradara était devenu commandant de la brigade Ban Jelalic à Kiseljak ?
22 M. Lanthier. - Non, Mario Bradara ne m'a jamais été présenté
23 comme le commandant de la brigade de Kiseljak. Il m'a été présenté comme
24 étant le commandant adjoint au groupe opérationnel de Kiseljak et c'est
25 dans ces conditions que j'ai conduit mes entretiens avec lui. Si à un
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1 moment ou à un autre, il a changé de position, il ne m'en a pas avisé,
2 mais dans mes entretiens avec lui lors de mon premier séjour, c'est dans
3 sa condition de commandant adjoint que j'ai été appelé à travailler avec
4 lui.
5 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais entendu dire que
6 Ivica Rajic avait reçu le poste de commandant de la brigade en sus du
7 commandement du groupe opérationnel basé à Kiseljak ?
8 M. Lanthier. - Pour bien comprendre la question, s'il
9 chapeautait les deux rôles, du commandant du groupe opérationnel et de la
10 brigade ?
11 M. Hayman (interprétation). - Je vous demande si vous avez
12 jamais entendu dire en avril ou mai 1993 qu'Ivica Rajic avait reçu un
13 poste double, en tant que commandant de la brigade et commandant du groupe
14 opérationnel.
15 M. Lanthier. - Non, cette information ne m'a pas été
16 communiquée, si c'était le cas.
17 M. Hayman (interprétation). - A Visoko, y avait-il une unité du
18 HVO ?
19 M. Lanthier. - Lors de mon séjour, il n'y avait pas d'unité
20 formée du HVO à Visoko.
21 M. Hayman (interprétation). - Quels corps de l'armée de Bosnie-
22 Herzégovine se trouvaient à Visoko ?
23 M. Lanthier. - Il n'y avait pas un corps, il y avait
24 l'Udzi Istok qui répondait au premier corps de Sarajevo. A Visoko, c'était
25 une formation subalterne au premier corps dont le quartier général était
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1 localisé à Sarajevo.
2 M. Hayman (interprétation). - Des unités du premier corps de
3 l'armée de Bosnie-Herzégovine stationnaient-elles à Visoko ?
4 M. Lanthier. - Il faut faire attention en répondant à cela parce
5 que, lorsque l'on parle d'une unité appartenant à un corps je viens de
6 vous dire qu'une formation appartenait au premier corps. L'Udzi Istok est
7 un groupe opérationnel, c'est une formation qui répond à son quartier
8 général supérieur qui est le premier corps. Une unité qui appartiendrait
9 au premier corps serait une unité dont la chaîne de commandement sauterait
10 Udzi Istok et irait directement de cette unité et répondrait directement
11 au corps. On parle alors des troupes du corps plutôt que d'une formation
12 subalterne. C'est une subtilité qui pour moi est importante. Vous pouvez
13 peut-être redire votre question de façon différente pour m'assurer que je
14 la comprenne bien.
15 M. Hayman (interprétation). - Eh bien, je vais la reformuler. Le
16 premier corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine était-il basé à Visoko ?
17 M. Lanthier. - Le premier corps était à Sarajevo et Udzi Istok
18 répondait au premier corps basé à Sarajevo.
19 M. Hayman (interprétation). - Une partie de votre réponse
20 seulement a été traduite. Cela signifie-t-il groupe opérationnel Istok ?
21 Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Ces mots ne sont pas clairs.
22 Pourriez-vous m'aider dans l'interprétation de ces mots ? Le groupe que
23 vous avez identifié à Visoko est-il le groupe opérationnel Istok, I-S-T-O-
24 K ?
25 M. Lanthier. - Exactement.
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1 (L'interprète ajoute que Istok veut dire "Est".)
2 M. Hayman (interprétation). - A Fojnica, y avait-il une brigade
3 du HVO ?
4 M. Lanthier. - Il y avait une formation, ou unité. Comme je l'ai
5 dit plus tôt, Fojnica était une formation particulière dans la mesure où,
6 lors de mon premier séjour, l'absence de guerre à Fojnica était évidente.
7 Je n'ai donc pas été appelé avec le commandant de l'unité ou de la
8 formation qui était à Fojnica. Je me souviens de l'avoir rencontré à une
9 reprise au moins, son nom m'échappe; bataillon ou brigade, je ne serais
10 pas en mesure de vous dire quelle était la quantité des effectifs alors à
11 Fojnica.
12 M. Hayman (interprétation). - A votre connaissance, Mijo Bozic
13 est-il jamais devenu commandant d'une brigade du HVO, à Fojnica ?
14 M. Lanthier. - Je l'ignore.
15 M. Hayman (interprétation). - Mario Bradara est-il jamais
16 devenu commandant de la brigade du HVO ou commandant d'une autre ou de
17 plusieurs autres unités du HVO à Fojnica ?
18 M. Lanthier. - S'il l'a été, il ne m'en a jamais fait part.
19 M. Hayman (interprétation). - Entre le moment où vous avez
20 quitté le théâtre des opérations, à la fin de votre premier séjour, et le
21 moment où vous êtes revenu pour le début de votre deuxième séjour, le HVO
22 a été expulsé de Fojnica et l'armée de Bosnie-Herzégovine a pris le
23 contrôle de Fojnica ?
24 M. Lanthier. - Cest la situation qui correspond à mon arrivée
25 en octobre 1993. On ma expliqué quil y avait eu des combats dans la
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1 région et que maintenant, la ville de Fojnica était contrôlée par les
2 forces du gouvernement bosniaque.
3 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que l'on vous a dit
4 également que près de 6 000 Croates avaient été déplacés de Fojnica suite
5 à ce conflit à Fojnica ?
6 M. Lanthier. - Le nombre m'échappe. Encore une fois, mon rôle à
7 ce moment-là n'était plus le rôle d'officier de liaison sur le terrain, je
8 travaillais plutôt avec le HCR la majorité du temps. Je peux probablement
9 faire une supposition que, s'il y a eu des combats, il y a eu des
10 mouvements de population. Cela semble avoir été fréquent lors de combats
11 en Bosnie.
12 M. Hayman (interprétation). - Vares était-elle une enclave du
13 HVO ?
14 M. Lanthier. - C'était une des enclaves du HVO.
15 M. Hayman (interprétation). - Kiseljak, après votre arrivée, ou
16 après janvier 1993, et par conséquent, avant votre arrivée en
17 février 1993, était-elle également une enclave du HVO ?
18 M. Lanthier. - Effectivement, la poche de Kiseljak était
19 contrôlée par le HVO.
20 M. Hayman (interprétation). - Cette poche était encerclée,
21 nest-ce pas, par l'armée de Bosnie-Herzégovine et par l'armée des Serbes
22 de Bosnie également ?
23 M. Lanthier. - Oui.
24 M. Hayman (interprétation). - Et la poche constituée de Vitez et
25 de Busovaca était également une enclave entourée par l'armée de Bosnie-
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1 Herzégovine, cette fois ?
2 M. Lanthier. - Exact.
3 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez indiqué sur la
4 pièce 330 deux autres groupes opérationnels. Si vous ne pouvez pas me
5 répondre, faites-le moi savoir, mais Maglaj était-elle également une
6 localité contrôlée dans le cadre de la zone opérationnelle de Bosnie
7 centrale et était-ce également une enclave contrôlée par le HVO avant sa
8 chute ?
9 M. Lanthier. - Honnêtement, je ne m'en souviens pas par coeur.
10 Je le savais dans le temps, maintenant, après cinq ans... parce que Maglaj
11 n'était pas dans mon secteur. Je ne m'en souviens plus.
12 M. Hayman (interprétation). - Je comprends tout à fait. Quen
13 est-il de Zepca ? Etait-ce également une enclave du HVO dans la région de
14 Bosnie centrale ?
15 M. Lanthier. - Je crois que oui, mais là encore, ma mémoire ne
16 me sert pas suffisamment pour affirmer.
17 M. Hayman (interprétation). - Enfin, Busora était-elle également
18 une enclave du HVO dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale ?
19 M. Lanthier. - J'ignore complètement cela.
20 M. Hayman (interprétation). - Entre ces différentes enclaves,
21 celles que vous nous avez indiquées, vous-même avez-vous pu observer la
22 présence d'unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
23 M. Lanthier. - Juste pour bien comprendre votre question, vous
24 voulez savoir si des forces du BiH entouraient complètement chacune de ces
25 enclaves, si j'ai bien compris le sens de votre question ?
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1 M. Hayman (interprétation). - Je vais être plus précis. Par
2 exemple, entre l'enclave de Kiseljak et celle de Vitez-Busovaca, vous-même
3 avez-vous pu observer la présence d'unités de l'armée de Bosnie-
4 Herzégovine qui séparaient ces deux enclaves, en quelque sorte ?
5 M. Lanthier. - Il y avait effectivement des forces du
6 gouvernement bosniaque sur le terrain. En revanche, il ne s'agit pas là de
7 lignes continues ou de positions défensives complètes qui entourent une
8 région de façon "seamless", selon le terme que lon utilise en anglais.
9 M. Hayman (interprétation). - Par exemple, à Kacuni et
10 Bilalovac, sur la route principale menant de Busovaca à Kiseljak, vous-
11 même avez-vous pu observer l'existence de positions, de lignes de
12 confrontation, entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine à chacun des
13 endroits que je viens de mentionner ?
14 M. Lanthier. - Oui, éventuellement. Je ne me souviens pas si,
15 dès mon arrivée, ces positions-là existaient déjà. On sait que c'est la
16 route qui va de Kiseljak à Busovaca, Bilalovac et Kacuni, donc cette
17 route-là, de par sa définition, devient une route principale, un axe
18 d'avance possible. Je men souviens parce que lorsqu'il y a eu les accords
19 de Washington, l'une des fonctions du bataillon était devenue de
20 patrouiller les lignes de front et je sais qu'en avril 1994, il y avait à
21 ce moment-là des positions à Bilalovac et à Kacuni. Je serais plutôt en
22 mauvaise posture pour vous dire si, effectivement, il y avait des
23 positions défensives creusées à ces endroits-là.
24 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous utilisé cette route qui
25 allait de Busovaca à Kiseljak au cours de vos deux séjours ?
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1 M. Lanthier. - Oui, comme je l'ai mentionné dans mon témoignage
2 plus tôt ce matin, c'est une route que j'ai utilisée à maintes reprises.
3 M. Hayman (interprétation). - Et y avait-il des points de
4 contrôle ou des barrages routiers, de l'armée de Bosnie-Herzégovine à la
5 fois dans la zone de Bilalovac et dans celle de Kacuni lorsque vous lavez
6 empruntée ?
7 M. Lanthier. - Il y en avait effectivement. A quel moment sont-
8 ils apparus ? Etaient-ils là dès le début de mon arrivée ? Là encore, je
9 ne pourrais pas vous affirmer avec précision le moment où ces points de
10 contrôle, ou ces barrages routiers, existaient. Effectivement, un temps,
11 lors de mon mois de séjour en Bosnie, des points de contrôle ont existé à
12 Bilalovac et à Kacuni.
13 M. Hayman (interprétation). - Puis-je demander à M. le Greffier
14 si la pièce 330 et sur le rétroprojecteur, et si c'est le cas, peut-on
15 lavoir à l'écran ?
16 (Le greffier s'exécute.)
17 Merci. Sur la pièce 330, il est indiqué que Franjo Nakic était
18 le commandant adjoint de la zone opérationnelle ; d'où avez-vous tiré
19 cette impression ?
20 M. Lanthier. - La première fois, si je me souviens bien, que
21 j'ai rencontré M. Nakic, c'était lors de la réunion de la commission
22 conjointe de Busovaca. C'est à cette fonction qu'on me l'avait présenté,
23 si je m'en souviens bien de ce moment-là.
24 M. Hayman (interprétation). - Outre les protocoles et les
25 décisions de cette commission conjointe, quelqu'un vous a-t-il parlé de la
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1 position de Franjo Nakic ?
2 M. Lanthier. - Je me souviens d'avoir rencontré M. Nakic à
3 l'hôtel de Vitez. Je crois -mais je ne suis pas certain- qu'il était
4 présent lors de l'un de mes entretiens avec le colonel Blaskic. Encore là,
5 les détails sont flous. Je l'ai rencontré à quelques occasions et je l'ai
6 rencontré à Vitez et Busovaca.
7 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez parlé d'une visite
8 que vous aviez faite au colonel Blaskic, une visite courtoise, afin de
9 vous présenter ; peut-on effectivement appeler ainsi votre visite ?
10 M. Lanthier. - Visite de courtoisie... le but de ma visite était
11 de présenter le bataillon canadien qui venait d'arriver sous l'égide de la
12 Forpronu en Bosnie centrale, qui opérait dans une partie du terrain
13 contrôlé par le HVO. Donc c'était un peu plus qu'une visite de courtoisie,
14 c'était dans le but d'établir une relation précise et non pas seulement
15 dans le but de me présenter à lui.
16 M. Hayman (interprétation). - Quand vous êtes-vous rendu chez
17 M. Blaskic ?
18 M. Lanthier. - Si je me souviens bien, la première semaine de
19 mars 1993.
20 M. Hayman (interprétation). - Et vous êtes allé à Vitez pour le
21 rencontrer, n'est-ce pas ?
22 M. Lanthier. - Effectivement.
23 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce parce que vous saviez que
24 son quartier général se trouvait à Vitez ?
25 M. Lanthier. - Oui. L'officier britannique qui effectuait la
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1 liaison dans la région avant mon arrivée mavait, comme je lai déjà dit
2 ce matin, identifié la position des différents quartiers généraux et étant
3 donné que le camp britannique était relativement près du quartier général
4 à Vitez, il m'avait également montré l'emplacement du quartier général de
5 Vitez.
6 M. Hayman (interprétation). - Votre réponse se termine par "et
7 puisque nous étions relativement proches du quartier général de Vitez",
8 avez-vous quelque chose à ajouter ?
9 M. Lanthier. - Cest une erreur de traduction. J'ai dit "étant
10 donné que le camp britannique était près du camp de Vitez, l'officier
11 britannique qui mavait montré lemplacement m'avait évidemment montré
12 l'emplacement du quartier général du HVO à Vitez", donc ce n'est pas le
13 camp canadien qui était à Vitez, mais le camp britannique.
14 M. Hayman (interprétation). - Et l'officier de liaison du
15 bataillon britannique vous a-t-il dit que le quartier général du colonel
16 Blaskic se trouvait dans l'hôtel de Vitez en mars 1993, à peu près ?
17 M. Lanthier. - Il m'avait montré l'endroit. Je n'arrive pas à me
18 souvenir sil mavait à ce moment-là identifié par un nom le
19 colonel Blaskic. C'est une passation de responsabilités qui s'était faite
20 très rapidement, on a traversé la totalité du secteur de responsabilité au
21 cours d'une journée. Donc j'ignore si on m'avait indiqué par un nom que le
22 colonel Blaskic commandait la zone opérationnelle de Vitez.
23 M. Hayman (interprétation). - La conversation que vous avez eue
24 avec le colonel Blaskic, je crois que c'était la première semaine de mars
25 1993, a-t-elle été possible grâce à un interprète ?
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1 M. Lanthier. - Effectivement ; étant donné que ma connaissance
2 du langage serbo-croate était nulle, elle s'est faite avec l'aide d'un
3 interprète.
4 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que vous avez abordé
5 avec lui le sujet de sa zone de responsabilité en termes généraux, c'est-
6 à-dire la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Quels termes précisément
7 ont-ils été utilisés à ce moment-là pour décrire cette zone de
8 responsabilité ? Etait-ce "zone de responsabilités", "zone de
9 commandement" ou "contrôle" ? Quels termes ont été précisément utilisés,
10 si vous vous en souvenez ?
11 M. Lanthier. - Les termes exacts, non, je ne pourrai pas vous
12 donner les termes précis qui ont été employés encore là. Les concepts me
13 sont familiers. Je me souviens des concepts généraux, de certaines choses
14 précises, mais les termes ou les mots exacts employés, non.
15 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous pris des notes à ce
16 moment-là ? Quelque chose qui pourrait vous rafraîchir la mémoire afin
17 d'être plus précis ?
18 M. Lanthier. - Malheureusement, oui. Je dis malheureusement
19 parce que, comme je vous lai expliqué, les bataillons font des rotations.
20 Lorsque je suis parti, pour chaque réunion à laquelle j'ai assisté, des
21 notes étaient prises et pour chaque personnalité que j'ai rencontrée,
22 j'avais une fiche que j'appelais une "fiche d'information". Lorsque je
23 suis parti, c'était normal de donner ce cahier-là à mon successeur. Mon
24 successeur a transféré certaines de ces notes, mais n'a pas conservé mon
25 cahier, donc lorsque je suis revenu à mon deuxième tour en octobre 1993,
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1 je n'ai pas pu reprendre possession de mon carnet, donc je n'ai plus de
2 notes qui décrivent en détail le contenu de mes conversations et de mes
3 entretiens avec les différentes personnes que j'ai pu rencontrer pendant
4 mon séjour en 1992-1993.
5 M. Hayman (interprétation). - Au cours de cette conversation,
6 avez-vous parlé avec le colonel Blaskic des difficultés que pouvait
7 représenter la responsabilité d'une zone incluant les enclaves de Vitez-
8 Busovaca, Vares, Kiseljak et peut-être d'autres encore, Zepce et Usora,
9 par exemple ? En avez-vous parlé lors de cette conversation ?
10 M. Lanthier. - Non, à ce moment-là, il ne m'a pas indiqué qu'il
11 rencontrait des difficultés à contrôler ces enclaves-là. Je dirai même que
12 ce serait dans le sens inverse, étant donné qu'il ma dit que sa porte
13 était ouverte, que si j'avais besoin de le revoir, ne pas hésiter à
14 prendre rendez-vous avec lui, que lui, comme commandant d'un quartier
15 général supérieur, pourrait, à ce moment-là maider à résoudre une
16 situation qui pouvait survenir à Kiseljak. Cela semblait plutôt mindiquer
17 quil était en mesure dexercer le commandement et le contrôle des
18 différentes formations sous sa responsabilité.
19 M. Hayman (interprétation). - Il vous a donc dit que sa porte
20 vous était ouverte, mais avez-vous abordé avec lui ce sujet-là, à savoir
21 tout ce qui impliquait d'avoir la responsabilité d'une zone qui était
22 divisée en différentes enclaves isolées ? En avez-vous parlé ?
23 M. Cayley (interprétation). - La question vient d'être posée
24 deux fois, M. Hayman la déjà bien exprimée et le témoin y a répondu.
25 M. Hayman (interprétation). - Il a répondu que le colonel
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1 Blaskic avait dit "ma porte vous est ouverte", mais il n'a pas dit sils
2 ont abordé ce sujet ou non. Je voudrais simplement que le témoin réponde à
3 la question.
4 M. le Président. - Il vous a répondu. Il vous a très exactement
5 répondu même, et peut-être d'une façon qui ne vous convient pas, mais il
6 vous a répondu que le problème n'a pas été abordé, mais que ce qua dit le
7 colonel Blaskic pouvait lui laisser à penser que le colonel Blaskic
8 disposait d'une marge d'autonomie, donc d'un type de responsabilité
9 important à ses yeux. Je crois que c'est répondu. Vous passez à la
10 question suivante, s'il vous plaît.
11 M. Hayman (interprétation). - Je vais poursuivre, mais mon
12 interprétation n'a pas été aussi claire que celle que vous avez peut-être
13 reçue.
14 M. le Président. - (Hors micro)
15 M. Hayman (interprétation). - Excusez-moi un instant,
16 Monsieur le Président. Mon collègue m'indique que quelque chose dans le
17 compte rendu indiquait que M. Blaskic était à Kiseljak, mais vous l'avez
18 rencontré à Vitez, n'est-ce pas ?
19 M. Lanthier. - Effectivement, jai dit dans mon témoignage que
20 je m'étais déplacé à Vitez pour rencontrer le colonel Blaskic.
21 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant à la commission
22 conjointe de Busovaca. Savez-vous pourquoi elle a été créé ?
23 M. Lanthier. - Elle a été créée avant mon arrivée. L'origine et
24 le but exact de cette commission ne m'ont pas été expliqués de façon
25 précise. J'en ai déduit que l'un des buts était de rétablir, jusqu'à un
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1 certain point, une normalité des choses dans la région. Je me souviens de
2 discussions de nature militaire, économique et sociale. Maintenant, la
3 nature même et le mandat exact de la commission conjointe de Busovaca
4 m'échappent.
5 M. Hayman (interprétation). - Où se tenaient les réunions de la
6 commission conjointe de Busovaca ? Je parle des réunions auxquelles vous
7 avez assisté.
8 M. Lanthier. - Je ne peux pas vous donner d'adresse, de rue,
9 pour la première réunion ; je me souviens que c'était à Busovaca, mais
10 l'endroit précis m'échappe.
11 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous assisté à d'autres
12 réunions de la commission en d'autres endroits, ou toutes ces réunions se
13 tenaient elles à Busovaca ?
14 M. Lanthier. - Je me souviens d'une réunion qui a eu lieu à
15 Vitez. J'ignore si c'était une réunion de la commission ou une réunion du
16 comité de coordination, mais je me souviens d'une réunion à Vitez.
17 M. Hayman (interprétation). - Le colonel Blaskic a-t-il
18 participé à ces réunions de façon active, a-t-il pris la parole ?
19 M. Lanthier. - Le colonel Blaskic n'était pas présent à la
20 réunion des domaines de Busovaca, c'était plutôt M. Nakic qui était là. Le
21 colonel Blaskic, ainsi que le colonel Steward, commandant du bataillon
22 britannique, étaient présents à l'autre réunion, dont le nom était "comité
23 de coordination". Lors de cette réunion, le colonel Blaskic a pris la
24 parole à plusieurs reprises.
25 M. le Président. - Nous allons peut-être procéder à une pause.
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1 Maître Hayman, pour combien de temps en avez-vous à peu près ?
2 M. Hayman (interprétation). - Je crois que j'en suis à peu près
3 à la moitié de mon contre-interrogatoire, Monsieur le Président.
4 M. le Président. - Merci. Nous suspendons laudience pour
5 vingt minutes.
6 (L'accusé est reconduit hors du prétoire)
7
8 L'audience, suspendue à 5 heures 50, est reprise à 16 heures 10.
9
10 M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer
11 l'accusé.
12 (L'accusé est introduit dans le prétoire)
13 Maître Hayman, veuillez poursuivre.
14 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
15 Capitaine, avant la pause, vous disiez qu'il y avait eu une réunion à
16 laquelle avaient participé le colonel Steward et le colonel Blaskic. Vous
17 pensez qu'il s'agissait d'une réunion du comité de coordination, à
18 laquelle vous avez également assisté, d'ailleurs. Est-ce exact ?
19 M. Lanthier. - Oui
20 M. Hayman (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres réunions, des
21 réunions officielles telles que celle de la commission conjointe de
22 Busovaca ou d'autres entités officielles, auxquelles vous avez assisté et
23 auxquelles assistait aussi le colonel Blaskic ?
24 M. Lanthier. - En dehors de ce que je vous ai décrit, des
25 quelques réunions auxquelles j'ai participé, je me souviens pas avoir
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1 participé à d'autres réunions au cours desquelles le colonel Blaskic était
2 présent.
3 M. Hayman (interprétation). - La réunion du comité de
4 coordination dont vous venez de parler était-elle la réunion à laquelle
5 assistait aussi M. Kordic ?
6 M. Lanthier. - Effectivement.
7 M. Hayman (interprétation). - Au cours de cette réunion, le
8 colonel Blaskic a-t-il dit quelque chose, et si oui, quoi ?
9 M. Lanthier. - Comme je l'ai dit, je me souviens que le
10 colonel Blaskic a parlé à plusieurs reprises. Mais je ne me souviens plus
11 précisément des sujets discutés et de la teneur exacte des propos.
12 M. Hayman (interprétation). - Je crois que vous avez dit que
13 vous pensiez que M. Kordic était le conseiller politique du
14 colonel Blaskic. Est-ce votre opinion ou était-ce l'opinion de votre
15 interprète ? Est-ce l'opinion qu'elle vous a exprimée ?.
16 M. Lanthier. - C'est mon opinion personnelle. Je n'étais pas un
17 membre actif de la commission, j'étais plutôt, selon le terme anglais,
18 "back venture". Il était possible pour ma traductrice de me communiquer la
19 teneur des discussions. Sa fonction était de me traduire ce qui se disait,
20 surtout qu'on m'avait présenté Dario Kordic comme l'un des chefs
21 politiques du côté HVO en Bosnie centrale L'impression que je me suis
22 formée, c'était que M. Kordic s'adressait au colonel Blaskic un peu comme
23 conseiller politique. C'est mon opinion personnelle.
24 M. Hayman (interprétation). - Est-ce parce que vous les avez vus
25 ensemble à d'autres réunions que vous avez pu formuler cette opinion ?
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1 M. Lanthier. - J'ai participé à deux ou trois réunions et la
2 teneur des propos échangés entre les deux hommes, qu'a pu me rapporter ma
3 traductrice, m'ont permis de me forger cette opinion.
4 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, à combien de
5 réunions avez-vous vu le colonel Blaskic et M. Kordic ensemble ?
6 M. Lanthier. - A deux ou trois reprises, pas plus.
7 M. Hayman (interprétation). - S'agissait-il de réunions de la
8 commission conjointe de Busovaca ou d'autres types de réunions ?
9 M. Lanthier. - Comme je l'ai déjà dit, je ne crois pas qu'il
10 s'agissait des réunions de la commission conjointe de Busovaca, mais
11 plutôt de celles du niveau supérieur. Je crois que ces réunions
12 s'appelaient "comités de coordination" mais je ne peux pas vous l'assurer
13 à 100%.
14 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous rapporter
15 quelques uns des propos qu'a prononcés le colonel Blaskic au cours de
16 l'une de ces réunions ?
17 M. Lanthier. - Cela fait trop longtemps. Je ne peux pas me
18 souvenir de la teneur exacte des propos échangés ; je peux me rappeler des
19 concepts échangés ou de ce que les personnes représentaient pour moi.
20 C'est pourquoi dans ma déclaration, j'emploie mes propres termes et je
21 décris les personnes en des termes souvent généraux. Je me souviens des
22 concepts et pas des endroits précis, des adresses exactes, des mots exacts
23 employés. Cela remonte à un peu plus de cinq ans.
24 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelque
25 chose sur la teneur des propos échangés entre M. Blaskic et M. Kordic au
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1 cours des réunions ?
2 M. le Président. - Voulez-vous passer à une autre question ? Il
3 y a dix minutes qu'on essaie de savoir quels étaient les propos entre
4 M. Kordic et M. Blaskic. Que cherchez-vous ? La déstabilisation du
5 témoin ? Il a répondu tout ce qu'il voulait. Changez de question. Nous
6 savons maintenant ce qui a été dit, ce que le témoin peut ou ne peut pas
7 se rappeler. Essayez d'avancer. Je répète, et c'est une évidence, que vous
8 avez affaire à des Juges professionnels. Nous entendons, nous écoutons. Je
9 vous en prie, passez à une autre question maintenant.
10 M. Hayman (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la
11 pièce 80/9, s'il vous plaît. Et peut-on la placer sur le rétroprojecteur ?
12 (L'huissier s'exécute)
13 Capitaine, je vous demanderai de regarder cette pièce 80/9 et
14 d'identifier, si c'est possible, M. Kordic sur cette photographie.
15 M. Lanthier. - Je crois que je désigne, avec mon pointeur,
16 M. Kordic.
17 M. Hayman (interprétation). - Peut-on avoir l'interprétation,
18 s'il vous plaît ? Pourriez-vous vous diriger vers le micro afin que les
19 interprètes vous entendent ?
20 M. Lanthier. - Je désigne avec mon pointeur un individu, je
21 crois que c'est M. Kordic. Comme je vous l'ai dit, je ne l'ai rencontré
22 qu'à quelques reprises et ce n'était pas des entretiens personnels. Le nom
23 m'est familier, je l'ai rencontré, mais l'individu... je crois que c'est
24 M. Kordic, mais je ne peux pas vous l'assurer avec précision.
25 M. Hayman (interprétation). - Pour le compte rendu, Monsieur le
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1 Président, le témoin a indiqué la personne portant l'uniforme de
2 camouflage, la troisième personne à partir de l'extrême-droite de la
3 photo, derrière deux hommes qui ne portent pas d'uniforme et qui ont des
4 chemises à rayures verticales. J'en ai terminé avec cette pièce,
5 Monsieur le greffier, merci. Passons maintenant au 17 avril 1993. Vous
6 avez dit avoir eu une conversation avec un commandant de l'armée de
7 Bosnie-Herzégovine à Visoko, portant sur le conflit à Vitez. Vous a-t-il
8 dit qu'il avait reçu des informations par la voie hiérarchique de l'armée
9 de Bosnie-Herzégovine portant sur ce conflit à Vitez ?
10 M. Lanthier. - Non. Lors de mon entretien matinal avec
11 Behamil Memisevic, le commandant d'Udzi Istok m'a dit que des rapports lui
12 étaient parvenus, qu'il y avait effectivement eu des conflits à Vitez. Il
13 ne m'a pas dit si ces rapports venaient de formations subalternes, de ses
14 flancs ou du niveau hiérarchique supérieur. Il a fait état simplement
15 d'une situation qui existait.
16 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que vous avez tenté
17 de rencontrer le colonel Blaskic le 18 ou le 19 avril 1993 et que vous
18 vous êtes rendu à Vitez pour essayer de le rencontrer, n'est-ce pas ?
19 M. Lanthier. - Effectivement.
20 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous pris rendez-vous avec
21 lui avant de vous rendre à Vitez ? Avez-vous téléphoné ?
22 M. Lanthier. - Non. Comme je crois l'avoir mentionné, il n'y
23 avait pas de lignes téléphoniques qui existaient à partir de Visoko
24 fonctionnant avec Vitez. Je n'ai pas pu prendre de rendez-vous. Oui, le
25 colonel Blaskic m'avait dit de ne pas hésiter à le voir et de prendre un
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1 rendez-vous. Ce n'était pas facile à faire et l'urgence de la situation ne
2 me permettait pas d'attendre de pouvoir prendre un rendez vous avec le
3 colonel Blaskic avant de le voir.
4 M. Hayman (interprétation). - Parlons des lignes téléphoniques.
5 La ligne téléphonique reliant Vitez à Kiseljak passait-elle par Kacuni et
6 Bilalovac ?
7 M. Lanthier. - Je ne connais pas l'endroit précis, physique, où
8 les lignes étaient situées.
9 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si, d'un téléphone se
10 trouvant à Vitez, vous pouviez joindre Kiseljak au cours des deux périodes
11 que vous avez passées en Bosnie-Herzégovine et vice versa ?
12 M. Lanthier. - Les lignes téléphoniques, à ma connaissance,
13 fonctionnaient. D'ailleurs, lorsque j'ai rencontré M. Bradara, à la fin
14 février ou début mars, -c'est d'ailleurs lui qui avait pris le téléphone
15 pour me prendre rendez-vous avec le colonel Blaskic- il m'a indiqué alors
16 qu'une ligne téléphonique fonctionnait.
17 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que vous avez essayé
18 de rencontrer à nouveau le colonel Blaskic. Je parle de la deuxième fois
19 où vous avez tenté de le rencontrer, après votre réunion à Visoko avec le
20 commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Etait-ce le lendemain, le
21 surlendemain ? Pouvez-vous nous aider ?
22 M. Lanthier. - J'y étais une première fois, si je me souviens,
23 le 18, et ce serait donc le 19 que je serais retourné à Vitez... ou le 18.
24 C'était le lendemain, à deux jours consécutifs. J'ignore si c'est le 17-18
25 ou le 18-19 précisément, mais ce sont deux jours consécutifs et non pas le
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1 surlendemain ou le jour suivant.
2 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous téléphoné à ce moment-là
3 pour essayer d'obtenir un rendez-vous lorsque vous y êtes retourné la
4 seconde fois ? Ou avez-vous essayé de voir le colonel Blaskic à votre
5 arrivée ?
6 M. Lanthier. - Etant donné que la ligne ne fonctionnait pas plus
7 le lendemain, je n'ai pas pu prendre rendez-vous et je me suis encore
8 présenté à Vitez.
9 M. Hayman (interprétation). - Le 19 avril, vous nous avez dit
10 que vous vous étiez rendu de Visoko à Kiseljak et que vous êtes passé par
11 Busovaca. Vous avez suivi l'itinéraire Nord, si je puis dire. Est-ce
12 exact ?
13 M. Lanthier. - De Visoko, on monte à Busovaca et on redescend
14 vers le Sud-Est, vers Kiseljak.
15 M. Hayman (interprétation). - Pourquoi avez-vous suivi cet
16 itinéraire au lieu de vous rendre de Visoko directement à Kiseljak par le
17 Sud ?
18 M. Lanthier. - J'ai bien expliqué ce matin le rapport que
19 m'avait donné M. Memisevic, qui m'avait expliqué que des attaques
20 similaires avaient eu lieu dans la poche de Kiseljak. Je n'allais pas me
21 présenter à un quartier général à Kiseljak en disant "les forces de la BiH
22 m'ont dit ceci, pourquoi avez-vous fait cela ?" Mon approche a été de
23 passer sur le terrain qui permet de confirmer ou d'infirmer le rapport, ce
24 qui me permet... Si je n'avais rien vu, je n'aurais certainement pas été
25 voir le quartier général de Kiseljak pour leur poser des questions sur
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1 quelque chose qui n'existait pas. Mais ce que j'ai pu voir m'a permis de
2 confirmer que le rapport de Memisevic semblait vrai et j'ai alors tenté de
3 rencontrer M. Bradara à Kiseljak.
4 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que vous avez vu une
5 mitrailleuse qui prenait pour cible une maison ; dans quel village cela
6 s'est-il produit ? Le savez-vous ?
7 M. Lanthier. - Je ne me souviens pas du village exact. C'était
8 juste au Nord-Ouest de la ville de Kiseljak. J'ai l'image dans la tête.
9 C'est un terrain relativement ouvert, qui monte vers l'Est et la
10 mitrailleuse faisait feu vers le Nord-Ouest. Mais je ne peux pas vous dire
11 le village exact. C'est un terrain ouvert au Nord-Ouest de Kiseljak, du
12 côté Nord de la route.
13 M. Hayman (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous
14 resté à observer cette scène ?
15 M. Lanthier. - Je ne suis pas resté sur cette position. C'est en
16 conduisant que j'ai observé le tir effectif et j'ai continué ma route pour
17 me rendre au quartier général, à Kiseljak.
18 M. Hayman (interprétation). - Peut-on communiquer la pièce 333
19 au témoin et la placer sur le rétroprojecteur ?
20 (Lhuissier sexécute)
21 Je vous demande maintenant de nous parler du 20 avril 1993. Vous
22 avez dit que, tout d'abord, on vous avait emmené à Borina. D'un point de
23 vue géographique, Borina est-elle plus élevée que Rotilj ?
24 M. Lanthier. - D'après ce dont je me souviens, oui, parce que je
25 me souviens bien d'avoir vu, ou plutôt d'avoir descendu une côte en me
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1 rendant avec le colonel Landry du village montant vers le Nord, donc le
2 terrain, selon mes souvenirs, était plus haut. Je pourrais vous le
3 confirmer en regardant les lignes de contours sur une carte précise.
4 M. Hayman (interprétation). - Combien de personnes avaient été
5 tuées dans le conflit qui s'était déroulé sur les lieux ? En tout cas,
6 combien de personnes vous ont dit cela ?
7 M. Lanthier. - Pouvez-vous répéter la question, s'il vous
8 plaît ?
9 M. Hayman (interprétation). - Les résidents musulmans de Rotilj
10 vous ont dit que des personnes avaient été tuées dans le cadre du conflit
11 qui s'était déroulé dans ce village. Combien de personnes avaient été
12 tuées, selon ces Musulmans ?
13 M. Lanthier. - Ce qui m'a été rapporté alors, si je me souviens
14 bien, c'était 17.
15 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous parlé à des résidents
16 croates de Rotilj au cours de votre visite ?
17 M. Lanthier. - A ce moment-là, les personnes que je rencontrais
18 ne se présentaient pas "bonjour, je suis croate, voici ce qui s'est
19 produit" ; les personnes qui sont venues me voir m'ont tout simplement
20 décrit ce qui était arrivé à leur famille et aux personnes qu'elles
21 connaissaient dans le village de Rotilj.
22 M. Hayman (interprétation). - Quelqu'un vous a-t-il dit à cette
23 occasion si des Croates avaient été tués durant le conflit qui venait de
24 survenir à Rotilj ?
25 M. Lanthier. - Non. Personne ne m'a expliqué que des personnes
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1 d'une ethnie croate avaient été tuées.
2 M. Hayman (interprétation). - Quelqu'un vous a-t-il dit qu'un
3 certain nombre de Musulmans en âge de porter les armes portaient jusqu'à
4 50 armes avant le conflit ?
5 M. Lanthier. - Je pense avoir perdu la traduction de votre
6 question. J'ai compris "qui portaient jusqu'à 50 armes".
7 M. Hayman (interprétation). - Oui, là où vous êtes allé, quand
8 vous avez parlé à un certain nombre de résidents du village de Rotilj,
9 certains vous ont-ils dit qu'il y avait des hommes en âge de porter les
10 armes dans le village ? Des Musulmans à Rotilj, avant le conflit, qui
11 possédaient 50 fusils ou plus ?
12 M. Lanthier. - Oui, on m'a dit quil y avait des hommes qui
13 étaient dans la force de l'âge et qui, a priori, étaient capables de se
14 battre. On ne m'a pas dit qu'ils possédaient des armes. Je sais, après
15 avoir passé un total de 13 mois en Croatie et Bosnie, qu'une grande
16 majorité des résidents possédaient des armes, que cela soit des armes de
17 chasse ou d'autres types d'armes, c'était fréquent. Mais on ne m'a jamais
18 dit que des hommes avaient des caches d'armes, si on veut employer cette
19 expression, qui restaient à Rotilj. Donc, on ne m'a pas dit que Rotilj
20 était une cible militaire possible.
21 M. Hayman (interprétation). - Des habitants vous ont-ils dit que
22 des négociations avaient eu lieu entre des représentants du village et le
23 HVO quant à la remise de ces armes qui étaient en possession d'habitants
24 du village ? Cela vous a-t-il été mentionné ?
25 M. Lanthier. - Non, on ne m'en a jamais fait état. Ni les
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1 résidents présents, ni Mario Bradara. Quand on lui a parlé, il ne m'a
2 jamais indiqué que des tractations avaient eu lieu et que, suite à celles-
3 ci, Rotilj avait été attaqué. C'est un sujet qui n'est jamais venu sur le
4 tapis.
5 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire, dans le
6 cercle 2 de la pièce 333, combien de maisons brûlées vous avez pu voir ?
7 M. Lanthier. - Je ne peux pas me souvenir du nombre exact de
8 maisons. Si on agrandit la photo, je suis certain que l'on peut compter le
9 nombre de maisons détruites. Dans mes souvenirs, il y en avait un certain
10 nombre, mais je ne peux pas vous dire un nombre précis.
11 M. Hayman (interprétation). - Une estimation, peut-être ? Je
12 n'essaie pas ici de vous forcer à donner un chiffre.
13 M. Cayley (interprétation). - Le témoin répond très clairement à
14 cette question : il ne peut pas donner ce chiffre.
15 M. le Président. - Non, Maître, sinon j'aurais arrêté Maître
16 Hayman avant que vous fassiez l'objection et demandé une estimation
17 possible.
18 M. Lanthier. - Non, parce que je ne pourrai même pas vous dire
19 combien il y avait de maisons. Ce que je peux vous dire, c'est que dans le
20 cercle 2 , une grande majorité l'était, et dans le cercle 3 , c'était
21 plutôt minime, comparé au cercle 2 . C'est à peu près ce que je peux
22 faire.
23 M. le Président. - Le témoin a répondu.
24 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire
25 qu'il y avait des centaines de maisons dans le village dans son ensemble ?
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1 M. Lanthier. - Des centaines me semble un peu élevé, comme
2 chiffre. Je voudrais regarder la photo plus en détail, je ne pourrais pas
3 vous dire un nombre de maisons sur l'étendue du village.
4 M. Hayman (interprétation). - Pourrait-on donner au témoin la
5 pièce 334 , s'il vous plaît ?
6 (Lhuissier sexécute)
7 Vous avez dit que, le 21 ou le 22 avril 1993, vous vous êtes
8 rendu dans les villages qui apparaissent sur la pièce 334. A l'exclusion
9 du village de Rotilj, dont nous avons déjà parlé, je crois vous avoir
10 entendu dire, mais je voudrais le vérifier, qu'il n'y avait pas
11 d'habitants dans les cinq autres villages marqués sur la pièce 334, au
12 moment où vous vous y êtes rendu, le 21 et le 22 avril 1993.
13 M. Lanthier. - Dans les maisons que j'ai vues et dans les
14 endroits où je suis passé, à l'exception du Nord de Gromiljak, je n'ai
15 effectivement rencontré personne dans les maisons et les endroits que j'ai
16 visités. Je n'ai pas visité chaque maison. Il faut comprendre qu'à ce
17 moment, même si l'attaque n'était plus en cours, j'étais la cible de tirs.
18 A plusieurs reprises, j'ai été obligé "d'embrasser le plancher des vaches"
19 pour éviter d'être frappé. Ce n'était pas nécessairement une tâche facile,
20 pour moi, d'inspecter la totalité des villages. J'ai observé ce que j'ai
21 vu et je n'ai pas vu de signe de vie autre que celui du bétail, dont j'ai
22 fait mention précédemment.
23 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire, s'agissant
24 des cinq villages indiqués sur la pièce 334, à l'exclusion de Rotilj,
25 quelle est la proportion, ou un pourcentage, des maisons incendiées à
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1 l'occasion de votre visite ?
2 M. Lanthier. - La très grande majorité. Un pourcentage en
3 chiffre, je ne saurai vous le donner, mais la très grande majorité.
4 M. Hayman (interprétation). - Dans chacun de ces villages, c'est
5 ce que vous dites ?
6 M. Lanthier. - D'après ce dont je me souviens. Je suis certain
7 que si l'on regarde une photo aérienne, on pourra déterminer précisément
8 ce qu'il en est.
9 M. Hayman (interprétation). - Vous dites que vous êtes allé voir
10 M. Bradara après cette inspection, que vous vous êtes entretenu avec lui
11 et qu'il vous a donné des explications dont vous n'étiez pas satisfait ;
12 est-ce que je me trompe ?
13 M. Lanthier. - Le terme "inspection" est peut-être un peu fort.
14 Je n'ai pas inspecté comme tel, j'ai plutôt constaté de visu ce que je
15 pouvais constater. Les explications de M. Bradara, que vous avez
16 mentionnées, m'ont semblé très improbables. C'était mon opinion, suite à
17 notre entretien.
18 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des informations
19 concernant la brigade de Kiseljak ou le groupe à Kiseljak et ce que celui-
20 ci aurait pu dire au colonel Blaskic concernant les événements survenus
21 dans la municipalité de Kiseljak à ce moment-là ?
22 M. Lanthier. - Je ne suis pas certain de vraiment bien
23 comprendre votre question. Vous demandez si je suis au courant de ce que
24 le quartier général de Kiseljak aurait répondu à Vitez au sujet de cette
25 question ? J'ai du mal à saisir votre question.
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1 M. Hayman (interprétation). - Je reformule ma question. Avez-
2 vous des informations concernant ce que la brigade de Kiseljak ou le
3 groupe opérationnel de Kiseljak, aurait pu rapporter au colonel Blaskic à
4 propos des événements survenus, étant donné la réponse fournie par
5 M. Bradara, lequel vous a dit que ces éléments étaient localisés et commis
6 par des personnes isolées ?
7 M. Lanthier. - Je n'ai aucun rapport de ce qui a été communiqué
8 vers le haut de la chaîne de commandement.
9 M Hayman (interprétation). - Vous avez dit avoir vu Rotilj, plus
10 tard, et vous y êtes rendu chaque semaine ; était-ce lors de votre
11 deuxième séjour ou durant le premier séjour ?
12 M. Lanthier. - C'est lors du premier séjour, suite aux
13 événements qui ont eu lieu vers le 18 avril, dans la semaine qui a suivi.
14 J'ai commencé à faire des visites hebdomadaires à Rotilj.
15 M Hayman (interprétation). - Savez-vous si, au moment de votre
16 deuxième séjour, les habitants de Rotilj recevaient une aide alimentaire
17 régulière de Caritas ou de Merhamet ?
18 M. Lanthier. - Je ne pourrais pas vous dire quel était
19 l'organisme qui a fourni l'aide humanitaire. C'était Merhamet du côté
20 musulman ou Caritas. Je ne peux pas vous le dire. Pour ce qui est de la
21 teneur et de la quantité d'aide humanitaire reçue, encore là, je serais
22 incapable de citer les quantités reçues.
23 M Hayman (interprétation). - A la caserne de Kiseljak, avez-vous
24 vu des détenus ?
25 M. Lanthier. - Je n'ai pas vu les détenus. Je me reprends...
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1 j'ai vu des enfants qui jouaient sur le parterre à l'avant. Mon impression
2 a été qu'ils étaient détenus. C'est également ce que M. Bradara m'a dit :
3 "quils étaient détenus pour leur sécurité". Je n'ai pas vu autre chose
4 que des enfants jouant à l'extérieur. J'ai vu dautres signes, pour
5 employer l'expression anglaise "tell tale signs", qui m'indiquaient la
6 présence de femmes dans les baraques de Kiseljak. Donc j'ai seulement vu
7 des enfants, mais M. Bradara a admis que, pour leur propre sécurité, selon
8 lui, des personnes étaient détenues dans les baraques de Kiseljak.
9 M Hayman (interprétation). - Vous avez décrit les fournitures et
10 les produits que l'on pouvait trouver en abondance dans l'enclave de
11 Kiseljak ; avez-vous jugé que les conditions étaient différentes dans
12 l'enclave de Busovaca pendant votre premier séjour, lorsque vous vous êtes
13 rendu dans cette enclave, pour ce qui est donc des produits disponibles à
14 des prix raisonnables, notamment cigarettes, essence, bière, chocolat,
15 etc. ? Est-ce que c'était différent de Kiseljak ?
16 M. Lanthier. - Busovaca n'était pas dans mon secteur de
17 responsabilité. J'ai voyagé à travers Busovaca, mais je ne m'y suis pas
18 vraiment arrêté, à part pour les quelques réunions dont je vous ai parlé.
19 Je n'ai pas entretenu de liaisons avec les autorités civiles ou
20 militaires. Mon souvenir de Busovaca est un peu moins bon que celui de
21 Kiseljak. J'y ai passé beaucoup moins de temps. Donc, de façon précise, je
22 ne pourrais pas vous dire si Busovaca était aussi bien nanti que Kiseljak.
23 D'après ce dont je me souviens, ma réponse serait non, il n'était pas
24 aussi bien nanti que Kiseljak, mais les détails sont flous dans mon
25 esprit.
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1 M Hayman (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges s'il y a
2 eu un territoire contrôlé par l'armée serbe de Bosnie était adjacent à
3 l'enclave de Vitez-Busovaca, de même qu'il y avait ce genre de territoires
4 limitrophes à l'enclave de Kiseljak ?
5 M. Lanthier. - D'après ce dont je me souviens, la section Est,
6 certainement pas. Pour ce qui est de la section Ouest, je ne pourrais pas
7 visualiser le tracé des lignes de front. Je n'en ai pas le souvenir.
8 M Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais reçu des
9 informations ou des rapports concernant ceux qui profitaient de la vente
10 de produits pétroliers ou d'autres produits entrés en contrebande ? Qui
11 donc, dans l'enclave de Kiseljak, profitait de ces activités ?
12 M. Lanthier. - Je ne peux pas dire qu'il s'agissait uniquement
13 de contrebande, savoir qui en bénéficiait, à moins qu'il y ait eu des
14 pressions sur les commerçants qui vendaient des marchandises et qui
15 avaient une ristourne qu'ils devaient retourner à ceux qui organisaient
16 les convois. Cela, je serais incapable de vous le dire, mais à mes yeux,
17 c'était beaucoup plus que de la contrebande, c'était organisé par les
18 autorités et il ne s'agissait pas uniquement de marchandises emportées en
19 cachette des autorités. C'était sanctionné et les propos que Mario Bradara
20 a eus avec moi m'indiquaient clairement que c'était connu et sanctionné.
21 Si cela avait été de la contrebande, cela n'aurait pas été sanctionné.
22 C'est une impression.
23 M Hayman (interprétation). - Passons à votre deuxième séjour et
24 à la situation que vous avez décrite à Fojnica et aux alentours de
25 Fojnica. S'agissant de ces deux hôpitaux psychiatriques, ils avaient été
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1 sous administration civile ou militaire, la première fois où les
2 événements pertinents ont été appelés à votre attention ?
3 M. Lanthier. - Ils étaient sous autorité civile. Un
4 administrateur civil en avait la charge. Il y en avait un dans chaque
5 hôpital, finalement.
6 M Hayman (interprétation). - Est-il vrai que vous n'étiez pas
7 présent lors de la première chute de Fojnica ?
8 M. Lanthier. - Effectivement, cela s'est produit, d'après ce que
9 l'on m'a rapporté, au printemps et au tout début de l'été 1993. Moi, à ce
10 moment-là, j'étais en manoeuvre au Canada. C'est le briefing que j'ai reçu
11 lorsque l'on a fait la passation des responsabilités entre les deux
12 groupements tactiques, en octobre 1993.
13 M Hayman (interprétation). - Vous avez dit que des maisons
14 étaient incendiées pendant ces événements-là ; savez-vous s'il s'agissait
15 de maisons musulmanes ou de maisons croates ?
16 M. Lanthier. - Je l'ignore. Tout ce que l'on m'avait rapporté,
17 c'est que des maisons avaient été brûlées par les forces croates en
18 retrait. Je ne me hasarderai pas à faire une supposition sur l'origine et
19 l'appartenance de ces maisons.
20 M Hayman (interprétation). - Plus tard, dans le courant du mois
21 de novembre, vous avez décrit de nouvelles difficultés dans ces hôpitaux ;
22 étiez-vous là ou avez-vous reçu des rapports venant d'autres, concernant
23 ces activités ?
24 M. Lanthier. - Si vous faites référence à l'attaque ou à
25 l'offensive lancée par le HVO au tout début novembre, je n'étais pas là.
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1 C'était en soirée ; nous avions des troupes canadiennes qui répondaient
2 directement aux forces de commandement, à cause de l'importance de ce qui
3 se passait et de l'urgence de la situation. J'étais dans le poste de
4 commandement du régiment. Ce poste de commandement du régiment est en
5 contact direct avec les troupes donc je suis capable de suivre le
6 développement de la situation. La raison pour laquelle je suis sûr
7 directement, cest que si la situation s'aggravait, même si on était en
8 soirée, je pouvais, alors, à ce moment-là, avoir un rapport à date complet
9 sur la situation et me déplacer à Kiseljak pour essayer d'intervenir
10 auprès du quartier général de Kiseljak si le besoin sen faisait sentir.
11 Evidemment, voyager à la faveur de la nuit, en Bosnie centrale, pour la
12 Forpronu, était très risqué. Les quelques occasions où on l'a fait, je ne
13 me souviens pas d'avoir réussi à passer à travers un point de contrôle
14 d'aucune des factions, l'accès de nuit était toujours refusé. Mais j'étais
15 dans le PC régimentaire pour suivre sur les radios le déroulement des
16 événements qui nous étaient rapportés par notre peloton qui était en
17 place.
18 M Hayman (interprétation). - Encore une fois, ma question est
19 très simple : étiez-vous là ? Je vais poser une autre question courte et
20 je vous demanderai de vous concentrer au mieux sur cette question. Êtes-
21 vous jamais allé pendant l'offensive de novembre à l'hôpital ou avez-vous
22 accompagné un convoi, avez-vous une connaissance personnelle de ces
23 événements ?
24 M. Lanthier (interprétation). - Je n'ai pas vu de mes yeux vu
25 l'attaque, j'ai une connaissance personnelle car j'ai entendu les rapports
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1 des hommes sur le terrain, j'ai entendu leur voix sur les radios.
2 M. Hayman (interprétation). - Les rapports que vous avez reçus
3 sur ces événements étaient-ils écrits ou oraux ?
4 M. Lanthier (interprétation). - Si c'est sur les ondes, c'est
5 oral. Il y a peut-être votre manque de connaissance des systèmes de
6 communication. Il s'agit d'une radio VHF donc on parle à un endroit, c'est
7 transmis, c'est une onde à très haute fréquence qui est transmise donc la
8 radio, c'est émetteur/récepteur. Sur le récepteur, au poste de
9 commandement, on reçoit les rapports et les comptes rendus oraux en temps
10 réel transmis par la personne qui est à l'émetteur.
11 M. Hayman (interprétation). - S'agissant des soldats qui sont
12 entrés dans l'un des hôpitaux, savez-vous s'il s'agissait d'un peloton,
13 d'un groupe plus large ou de soldats isolés ? Combien de soldats sont
14 entrés dans cet hôpital, si vous le savez ?
15 M. Lanthier (interprétation). - Tout ce que je peux vous dire
16 d'après les rapports que j'ai entendus, c'est que le poste de commandement
17 du peloton qui était là nous a rapporté que des soldats avaient pénétré
18 dans l'hôpital et faisaient feu à partir de l'hôpital. Je ne suis donc pas
19 en mesure de vous donner le nombre de soldats.
20 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit qu'un peloton se
21 trouvait là. Vous faites référence au peloton CanBat ?
22 M. Lanthier (interprétation). - Effectivement, on avait
23 l'équivalent d'une trentaine de personnes pour s'occuper de l'hôpital et
24 ce sont eux qui faisaient les rapports. Je ne peux pas vous donner le
25 nombre de soldats du HVO qui ont utilisé l'hôpital ou s'ils faisaient
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1 partie d'un peloton, d'une compagnie ou d'un bataillon.
2 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous reçu des informations
3 comme quoi des patients avaient été blessés dans l'hôpital ou aux
4 alentours de l'hôpital lors de ces événements que vous avez décrits ?
5 M. Lanthier (interprétation). - Heureusement, non. Nos soldats,
6 lorsque la situation s'est déclarée, ont déplacé les patients vers les
7 étages supérieurs comme je l'ai déjà dit. Leur présence d'esprit a permis
8 d'éviter que des patients soient blessés. J'ignore si, effectivement, ils
9 ont prévenu toutes les blessures : l'hôpital même a été la cible des
10 forces du BiH qui ont répondu aux tirs qui provenaient de l'hôpital.
11 J'ignore s'il peut y avoir eu un fragment ou un morceau de shrapnel qui
12 peut avoir blessé quelqu'un. Mais de prime abord, nos soldats ont déplacé
13 les patients pour éviter une telle situation.
14 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait des
15 allégations comme quoi des armes chimiques avaient été utilisées durant le
16 conflit en novembre 1993 à Fojnica et aux alentours. Quelle est la partie
17 qui aurait utilisé ces armes chimiques ?
18 M. Lanthier (interprétation). - Juste pour être précis sur cela,
19 c'est le BiH qui a rapporté que le HVO les aurait utilisées. Notre enquête
20 ne nous a pas permis de trouver quelque chose et la conclusion que le
21 bataillon canadien en a tirée est qu'il n'y avait eu aucune utilisation de
22 gaz chimique. Mais c'est un rapport qu'on a reçu. Je n'ai même pas amené
23 le point à personne parce que notre enquête n'a absolument pas permis de
24 divulguer. On a des Sony-cam, c'est un appareil qui permet de détecter
25 l'utilisation de ces produits. Lorsqu'on a fait appel à ces appareils, on
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1 n'a rien trouvé, absolument aucune preuve que de tels agents chimiques ont
2 été utilisés.
3 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé d'allégations
4 comme quoi des patients étaient envoyés dans des champs de mines pour
5 déceler la présence de mines. Cela vous a-t-il été rapporté par d'autres
6 membres du CanBat comme étant des activités qu'ils avaient vues ou des
7 activités qui leur avaient été rapportées par des patients des hôpitaux
8 psychiatriques, si vous connaissez la réponse ?
9 M. Lanthier (interprétation). - Pour revenir dans le temps,
10 lorsqu'on a fait les exposés de passation de responsabilité, on nous a dit
11 que ceci s'était produit. J'ignore si ces activités ont été rapportées pas
12 des patients aux membres du CanBat qui nous ont donné l'exposé ou si
13 c'était de visu. Par contre, je sais que, dans un cas particulier, ce sont
14 nos soldats qui ont été témoins de ce qui s'était passé : une patiente
15 âgée avait été emmenée par les soldats du HVO.
16 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit à un moment
17 particulier, "un soldat était témoin". Qu'entendez-vous par ce moment ?
18 M. Lanthier (interprétation). - Cela doit être la traduction. Le
19 sens s'est un peu perdu. Ce que je disais, c'est que dans une circonstance
20 précise, il ne s'agit pas d'un compte-rendu, c'est un soldat, un des
21 membres du bataillon canadien a été témoin de la scène.
22 M. Hayman (interprétation). - Et cela consistait à envoyer un
23 patient dans un champ de mines ?
24 M. Lanthier (interprétation). - Effectivement.
25 M. Hayman (interprétation). - Le patient était-il musulman ou
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1 croate, le savez vous ou vous l'a-t-on indiqué ?
2 M. Lanthier (interprétation). - Cela n'a pas vraiment
3 d'importance pour nous. Je ne me souviens pas qu'on m'ait dit l'origine
4 ethnique du patient.
5 M. Hayman (interprétation). - Les convois que vous avez décrits
6 qui ont été attaqués, qui ont essuyé des coups de feu en allant vers
7 l'hôpital de Bakuvice et vers Drin, étaient-ce des convois du HCR ?
8 M. Lanthier (interprétation). - Non, comme je l'expliquais, la
9 route lorsqu'on tournait vers l'ouest à partir de Kiseljak, la route
10 Kiseljak-Busovaca qui monte vers le nord-ouest et la route pour aller à
11 Fojnica qui se dirige seulement vers l'ouest et qui court vers le sud-
12 ouest, la première portion de cette route-là était sous le contrôle du
13 HVO. Et après cela, on tombait dans un no man's land, cette portion était
14 constamment sous le feu. Pour cette raison, nous avions fortement
15 recommandé au HCR de ne pas utiliser des camions et des véhicules civils,
16 à cause du danger implicite d'être attaqués. Donc il s'agissait de nos
17 propres véhicules, des véhicules militaires. Ce qui n'excuse absolument
18 pas l'acte, étant donné que, à chaque fois qu'on avait un convoi, j'avais
19 une autorisation écrite. Il était connu que c'était de l'aide humanitaire
20 qui provenait du HCR mais véhiculés dans des véhicules du bataillon
21 canadien. Les forces en place, c'est-à-dire le HVO, savait très bien la
22 nature du convoi et l'origine des biens transportés dans ce convoi.
23 M. Hayman (interprétation). - Pourrait-on apporter le chevalet,
24 je voudrais poser quelques questions ?
25 (L'huissier s'exécute)
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1 Entre temps, vous avez dit qu'à votre connaissance, il n'y avait
2 pas de présence de l'armée BiH dans l'enclave de Kiseljak. Vous vous
3 rappelez avoir dit cela ?
4 M. Lanthier (interprétation). - Il n'y a pas d'unité formée du
5 BiH qui opérait à l'intérieur de l'enclave de Kiseljak, effectivement.
6 M. Hayman (interprétation). - A quels moments, au singulier ou
7 au pluriel, pensez-vous lorsque vous faites cette déclaration : est-ce que
8 c'est l'entière période de vos deux séjours ou faut-il être plus précis ?
9 M. Lanthier (interprétation). - Pour la durée de mon séjour, de
10 mon arrivée au printemps 1993 et lors de mon deuxième séjour,
11 d'octobre 1993 à mai 1994.
12 M. Hayman (interprétation). - Durant vos deux séjours, vous
13 dites ?
14 M. Lanthier (interprétation). - Effectivement.
15 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous ce qu'est la Défense
16 territoriale ou la TO ?
17 M. Lanthier (interprétation). - Oui, le concept m'est familier.
18 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des unités de la TO
19 dans l'enclave de Kiseljak pendant l'une ou l'autre de vos deux périodes
20 de service ?
21 M. Lanthier (interprétation). - Il n'y avait pas, à ma
22 connaissance, d'unité formée pour la Défense territoriale. Si on peut dire
23 comme cela, il restait des hommes d'origine ethnique musulmane qui
24 vivaient toujours dans la poche de Kiseljak. Comme j'ai dit, il n'était
25 pas rare, il était même très fréquent que ces hommes-là possèdent des
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1 armes personnelles, des armes de chasse. A ce moment-là, il est fort
2 probable, si une attaque était lancée contre un village, que ces hommes-là
3 protègent leur propre famille.
4 Si on veut dire maintenant que l'ensemble de ces hommes
5 constituait une unité formée qui répond à une chaîne de commandement qui
6 appartient au BiH, non je ne suis pas d'accord avec une ligne de pensée
7 comme celle-là.
8 M. Hayman (interprétation). - Pourrait-on placer la pièce 125 à
9 disposition du témoin, s'il vous plaît, sur l'autre sur le
10 rétroprojecteur ? Ce document, capitaine, est en langue BSC, c'est un
11 document qui se veut un schéma organisationnel de la Défense territoriale
12 ou de la TO, des unités de la TO dans certains endroits de Bosnie-
13 Herzégovine, y compris pour la municipalité de Kiseljak. Je vais demander
14 à mon confrère de lire les noms des endroits qui sont écrits sous
15 l'encadré, la case qui porte le nom de Kiseljak en bas au centre du
16 document.
17 M. Nobilo (interprétation). - Le titre de tout le document est
18 "Quartier général municipal des forces armées" et nous y trouvons les
19 unités qui dépendent du quartier général des forces armées de Kiseljak, au
20 niveau municipal. Si nous lisons au centre, nous voyons "l'unité de
21 Kiseljak, l'unité du 4 juillet, l'unité de Rotilj, l'unité de Palej et
22 l'unité de Palejcupria. A droite, nous voyons Topole, Radanovic, Han
23 Ploca, l'unité Lepeniza, l'unité Bukovica et, à gauche, l'unité Gromiljak,
24 l'unité Brestovsko et l'unité Bilalovac.
25 M. Hayman (interprétation). - Je suppose, Capitaine, que vous
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1 seriez surpris d'apprendre qu'il existait des unités de la Défense
2 territoriale dans ces localités en 1992 et 1993 ?
3 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, ferme
4 objection à ce stade. Ce document n'a pas été versé au dossier, le témoin
5 ne l'a pas reconnu hier, ce témoin ne l'a jamais vu, il ne comporte aucune
6 date, il ne peut pas être situé dans le temps. Il est absolument absurde
7 d'interroger ce témoin pour savoir s'il connaît quoi que ce soit au sujet
8 de ce document.
9 M. Hayman (interprétation). - Ce qui est important, Monsieur le
10 Président, c'est que si le témoin ne peut pas le reconnaître, cela soit
11 consigné au procès-verbal car si, finalement, ce document s'avère être
12 authentique et représenter la réalité de la situation dans des périodes
13 pertinentes, ce sont des informations nécessaires aux Juges. Maintenant,
14 si le témoin n'a pas d'information à ce sujet, je crois que les Juges
15 doivent en être informés, mais c'est mon avis.
16 M. le Président. - En tout cas, l'avis des Juges, hier, a été de
17 dire -et je crois qu'à l'avenir nous nous tiendrons à cette règle- qu'il
18 convient d'abord que le document soit admis ou non, en tout cas que le
19 débat sur l'admission du document ait lieu. Nous n'allons pas discuter à
20 perte de vue sur un document qui, en fin de compte, ne serait pas admis.
21 D'autre part, ce document... Oui ? Monsieur le Greffier me signale qu'il a
22 été admis, Maître Cayley.
23 M. Cayley (interprétation). - Ce que j'avais compris et ce que
24 mon confrère Maître Harmon avait compris, c'est qu'il n'avait pas été
25 admis.
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1 M. le Président. - Monsieur le Greffier.
2 M. Dubuisson. - En ce qui concerne le document D125, hier, il a
3 été dit que le témoin n'avait pas reconnu ce document parce qu'il ne
4 l'avait jamais vu. Cependant, le cachet était le même que la pièce D124
5 et, de ce fait, la Chambre a admis la pièce D125.
6 M. le Président. - De toute façon, le débat était valable pour
7 le témoin d'hier. La question ici, c'est -j'interroge maintenant le
8 témoin- est-ce que cette pièce, vous pouvez l'identifier, soit par le
9 tampon soit par les données, soit par son contenu ?
10 M. Lanthier (interprétation). - Je n'ai pas vu le document comme
11 tel. Le timbre est extrêmement flou, il n'est pas daté, on reconnaît le
12 symbole au centre. En revanche, lors de la durée de mon séjour, je n'ai
13 jamais vu un tampon qui identifiait l'armée du BiH avec ce que je vois
14 ici, bien que cela ne soit pas complet, qui est Kiseljak. Donc, je ne
15 reconnais pas le document.
16 M. le Président. - Donc ce document n'est pas reconnu par vous ?
17 M. Lanthier. - Je ne le reconnais pas, en effet.
18 M. le Président. - Ce document n'étant pas reconnu, il n'est pas
19 admis. Ce n'est donc pas la peine de discuter plus avant sur un document
20 pas admis. Par contre, vos observations sont consignées au procès-verbal.
21 M. Lanthier. - Puis-je faire une observation ?
22 M. le Président (interprétation). - Oui, faites une observation.
23 M. Lanthier. - Je crois personnellement, ayant discuté avec la
24 majorité des autorités civiles et militaires sur le terrain, en
25 particulier, à propos de Bilalovac, de Kacuni et d'autres municipalités,
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1 que si ces forces de défense avaient toujours été présentes, les
2 représentants et les autorités en place m'en auraient certainement glissé
3 un mot. Donc je n'étais pas au courant et j'ai affirmé que des unités
4 organisées n'existaient pas et l'une des raisons qui me force à croire
5 cela, c'est qu'ayant parlé aux autorités municipales de ces différents
6 lieux, on ne m'a jamais dit que des forces territoriales existaient. Or,
7 je pense, étant donné la nature de mes relations avec les autorités
8 municipales, qu'on me l'aurait indiqué. C'est l'observation que je voulais
9 faire, Monsieur le Président.
10 M. le Président. - Cette observation vous satisfait-elle, Maître
11 Hayman ?
12 M. Hayman. - Le témoin a répondu à la question. Je vous remercie
13 d'avoir autorisé le témoin à verser sa réponse au dossier. Merci,
14 capitaine.
15 M. le Président (interprétation). - Poursuivez. Passons à une
16 autre question.
17 M. Hayman (interprétation). - Oui, c'est ce que je vais faire,
18 Monsieur le Président. Vous avez décrit la chaîne de commandement du HVO,
19 telle que vous l'avez perçue. Savez-vous si l'un des objets de la
20 Commission mixte de Busovaca était d'envoyer des commandants sur le
21 terrain pour tenter de convaincre les commandants locaux et les soldats
22 d'obéir, d'obtempérer aux ordres de cessez-le-feu émanant du
23 colonel Blaskic et du général Haniasanovic du 3ème corps d'armée. Etait-ce
24 l'un des objets de la Commission mixte de Busovaca ?
25 M. Lanthier. - Je n'arrive pas à me rappeler si c'était l'un des
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1 points précis de la Commission, malheureusement.
2 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec la
3 qualification suivante ? Je cite : "Soudain une colonne très importante de
4 civils très désespérés est apparue à Vitez. Ce n'étaient pas des soldats,
5 très peu avait eu une formation, ils pouvaient porter des armes, mais à
6 peine. C'était en fait des civils qui portaient un uniforme". Je cite
7 l'ouvrage "Broken lines" du colonel Steward, page 92. Etes-vous d'accord
8 avec cette qualification qui concerne certains des soldats HVO ?
9 M. Lanthier. - Je n'ai pas eu le plaisir de lire l'ouvrage du
10 colonel Steward. C'est un extrait pris hors contexte. De quelle période
11 parle-t-on exactement ? Il est difficile pour moi de le qualifier ou
12 d'assurer la véracité de ce commentaire du Colonel Steward dans ce cas-là.
13 L'autre point que je voudrais indiquer, c'est que je n'opérais pas à
14 Vitez. Je suis passé à Vitez à quelques occasions pour aller au bataillon
15 britannique ou au quartier général de Vitez, mais Vitez ne faisait pas
16 partie de mon secteur de responsabilité. Je ne pense pas être apte à
17 répondre à la question.
18 M. le Président. - Passez à une autre question, Maître Hayman.
19 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez dit que Vinko Lukic
20 était l'officier de liaison posté à Kiseljak par le Commandement central
21 du HVO de Mostar. Est-ce exact ?
22 M. Lanthier. - C'est effectivement sous cette qualité qu'il
23 s'est présenté à moi.
24 M. Hayman (interprétation). - Et vous avez compris que cela
25 signifiait qu'il était directement responsable du commandement de HVO de
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1 Mostar, c'est bien cela ,
2 M. Lanthier. - Effectivement, c'est une pratique commune de
3 détacher des officiers de liaison dans différents quartiers généraux. La
4 liaison doit s'effectuer du haut vers le bas et de la droite vers la
5 gauche. Ce sont les principes militaires pour la liaison.
6 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact également que pendant
7 le laps de temps pendant lequel vous aviez des contacts avec Vinko Lukic,
8 vous n'aviez aucun contact avec des officiers de liaison responsables de
9 la zone opérationnelle de Bosnie centrale, c'est bien cela ?
10 M. Lanthier. - Je n'ai eu aucun contact, parce que l'on m'a dit
11 que mon point de contact serait Vinko Lukic et uniquement Vinko Lukic. Je
12 ne suis pas en mesure de vous dire pourquoi on m'a imposé cette
13 restriction. C'est une constatation et c'est un fait avec lequel j'ai dû
14 vivre. Lukic n'était pas un commandant, il était officier de liaison. Donc
15 j'aurais du mal à vous dire pourquoi on a mis Lukic là. Cela n'a jamais
16 été clair dans mon esprit comme jamais n'a été claire la raison pour
17 laquelle je devais travailler avec Lukic plutôt qu'avec le commandant qui
18 était responsable de la zone dans laquelle le bataillon canadien était
19 situé.
20 M. Hayman (interprétation). - Merci. Vous avez dit avoir
21 emprunté un chemin de terre entre Vitez et Kiseljak. Vous vous rappelez
22 cette partie de votre déposition et vous avez dit avoir emprunté ce chemin
23 de terre une fois. Pouvez-vous nous dire en étant aussi précis que
24 possible, à quel moment vous avez emprunté ce chemin de terre, à quelle
25 période ?
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1 M. Lanthier. - A ce moment-là, cela aurait été tout à fait à la
2 fin avril, début mai 1993.
3 M. Hayman (interprétation). - Je vous invite maintenant à
4 regarder les cartes. Il y a deux cartes superposées : l'une qui montre la
5 région de Vitez, Busovaca, et l'autre, la région de Kiseljak. Donc je vous
6 invite, si vous le souhaitez, à regarder ces cartes avant de répondre à ma
7 question. Mais dites-moi, s'il vous plaît, la route quitte Vitez vers le
8 sud. Passe-t-elle par Krucica ? Si vous voulez, vous pouvez regarder sur
9 la carte pour situer Krucica, n'hésitez pas.
10 M. Lanthier. - Je ne vais pas faire perdre du temps à la Cour.
11 J'ai tenté, quand je me suis préparé à venir ici, de retrouver la route.
12 Comme je l'ai expliqué, les cartes topographiques que j'utilisais étaient
13 des photocopies. J'ai souvenance approximativement de la route qui part du
14 sud de Vitez et qui se dirige initialement vers le Sud et coupe ensuite
15 vers le Sud-Est. Je ne suis pas capable -j'ai tenté d'analyser la carte-
16 de vous retracer la route. En revanche, si vous avez une photo aérienne,
17 qui est à l'altitude appropriée, je suis certain qu'on est capable de
18 retracer et de trouver cette route-là. Je vois le marqueur dans vos mains,
19 je serais incapable de vous retracer la route sur la carte.
20 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous en train de dire que
21 vous ne pourriez pas dessiner ce chemin de terre sur une carte
22 topographique comme celle de la JNA qui montre la région de Zenica ?
23 M. Lanthier. - Comme je l'ai dit dans mon témoignage tôt ce
24 matin, on m'avait informé qu'une route existait, je l'ai trouvée presque
25 par hasard en tâtonnant sur le terrain. Je suis arrivé à une intersection
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1 de deux sentiers, j'ai décidé de tourner à droite plutôt qu'à gauche et
2 j'ai navigué à l'aveuglette, car ma carte ne me permettait pas de le
3 faire. Je suis incapable de vous redessiner ce chemin sur la carte.
4 M. Hayman (interprétation). - Nous allons passer à d'autres
5 questions et je demanderai à mon confrère de la défense de rechercher un
6 transparent et de demander l'aide de l'huissier pour localiser plusieurs
7 photographies aériennes. Je sais que plusieurs figurent au dossier. Une
8 photo aérienne de la région de Vitez permettrait au témoin de tracer au
9 moins le début de ce chemin de terre, de façon à nous permettre d'en
10 déterminer l'origine.
11 (L'huissier s'exécute)
12 Je n'ai plus beaucoup de questions, Monsieur le Président, donc
13 je passe à mes autres questions et peut-être mon confrère pourra-t-il
14 trouver cette pièce.
15 M. le Président. - D'abord, demandez bien la confirmation au
16 capitaine Lanthier que peut-être avec une photo aérienne il arriverait à
17 retrouver ce chemin.
18 M. Lanthier. - Si vous avez une photo aérienne qui couvre de
19 Vitez jusqu'à l'enclave de Kiseljak, il y aura possibilité de retrouver la
20 route qui va de l'une à l'autre.
21 M. le Président. - Maintenant, poursuivez vos questions, Maître
22 Hayman.
23 M. Hayman (interprétation). - Merci. Je vous demande de bien
24 vouloir excuser l'absence de M. Nobilo pendant quelques instants, il va
25 rechercher la pièce nécessaire. Pouvez-vous nous parler d'une quelconque
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1 occasion pendant l'un ou l'autre de vos deux séjours où un membre du HVO a
2 utilisé ce chemin de terre ?
3 M. Lanthier. Je n'ai pas de connaissances personnelles et je
4 n'ai accompagné personne du HVO qui aurait effectivement utilisé cette
5 ligne-là. Ma constatation c'était que tout simplement une route existait.
6 M. Hayman (interprétation). Savez-vous si cette route
7 traversait des territoires sous contrôle de l'armée de Bosnie-
8 Herzégovine ?
9 M. Lanthier. Oui, parce que, comme on y a fait allusion
10 précédemment, des forces du BiH entouraient les enclaves. Le point que je
11 tiens à souligner ici, c'est qu'il ne s'agit pas de positions défensives
12 continues. Autrement dit, on n'a pas un système de tranchées et
13 d'obstacles qui font la totalité de ce périmètre. Donc, il est possible,
14 dans de bonnes conditions, de voyager selon moi d'un endroit à l'autre
15 même si on traverse à certains moments des territoires qui peuvent être
16 contrôlés par d'autres.
17 M. Hayman (interprétation). - Vous avez décrit le niveau de
18 coopération dont vous avez bénéficié de la part de l'armée de Bosnie-
19 Herzégovine par rapport à celui dont vous avez bénéficié de la part du
20 HVO, y a-t-il eu des circonstances durant lesquelles pendant l'un ou
21 l'autre de vos deux séjours, vous avez eu nécessité de faire appel à des
22 forces de combat contre des combattants ?
23 M. Lanthier. - Pour être certain que j'ai bien compris la
24 question, vous voulez savoir si on a été appelé à déployer nos éléments
25 canadiens contre l'une des deux ou l'une des trois factions belligérantes.
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1 Est-ce votre question ?
2 M. Hayman (interprétation). - Ma question était : est-ce que des
3 circonstances ont surgi pendant l'un ou l'autre de vos deux séjours où le
4 bataillon canadien a été appelé à tirer sur des soldats de l'armée de
5 Bosnie-Herzégovine, sur des Croates, sur des membres du HVO, sur des
6 membres de l'une ou l'autre des deux factions belligérantes ? Est-ce que
7 cela est apparu et devenu nécessaire à un moment ou à un autre ?
8 M. Lanthier. Effectivement, le bataillon canadien, à quelques
9 reprises, a fait feu sur les trois factions belligérantes. On a même, à un
10 certain moment donné, conduit une opération de blocage au niveau d'équipes
11 de combat dans le cadre de la zone d'exclusion de Sarajevo. Donc, oui,
12 nous avons répondu pour notre protection, pour notre autodéfense par le
13 tir aux trois factions belligérantes.
14 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez donné votre avis,
15 vous nous avez dit que, selon vous, le HVO était engagé dans un nettoyage
16 ethnique systématique qui était illustré en partie par le massacre de
17 Stupni Do. J'aimerais vous demander si vous avez jamais reçu les
18 informations suivantes, et si ce n'est pas le cas, si le fait de les
19 recevoir va modifier votre opinion. Je vous lirai un extrait d'un résumé
20 quotidien de l'ECMM en date du 2 novembre 1993. Je peux fournir un
21 exemplaire de ce document aux Juges qui pourront lire en même temps que
22 moi et je souhaiterais qu'un exemplaire de ce document soit versé au
23 dossier.
24 (L'huissier s'exécute)
25 Au paragraphe 1, nous voyons les mots suivants : "HCC (je
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1 suppose que c'est une référence à l'un des centres de l'ECMM dans la
2 région rencontrée, et là je ne cite pas le nom au cas où il ne devrait pas
3 être cité) membre du groupe opérationnel du BiH à Deravina qui a expliqué
4 après qu'on lui ait posé la question pourquoi le massacre de Stupni Do
5 avait eu lieu. Stupni Do était l'entrée locale dans le territoire contrôlé
6 par l'armée de Bosnie-Herzégovine, ce qui faisait de cet endroit un centre
7 très lucratif pour le marché noir. Les résidents de Stupni Do
8 connaissaient bien la situation, mais devaient payer un pourcentage de
9 leur gain au HVO. Au début du mois d'octobre, le HVO a exigé une
10 proportion beaucoup plus importante que jusqu'à ce moment-là et les
11 autorités de Stupni Do ont refusé d'augmenter le pourcentage.
12 Suite à cette réponse, les autorités du HVO de Kiseljak, de
13 Vares et de Kakanj ont coordonné les activités qui suivent. Ceux qui ont
14 été tués à cette Stupni Do ont été exécutés délibérément pour avoir
15 participé à des activités de marché noir. Les camions du HVO ont, à ce
16 moment-là, enlevé de la région le butin du HVO et tout ce qui avait de la
17 valeur et l'ECMM a déjà rendu compte de la situation du marché noir à
18 Stupni Do. Tout ce qui a été dit à ce sujet n'est pas forcément tout à
19 fait exact, mais en tout cas est plausible. (Fin de citation)
20 L'interprète. - Les interprètes n'ont pas eu le texte.
21 M. Hayman (interprétation). - Capitaine, avez-vous reçu des
22 informations de ce genre pendant votre deuxième séjour en Bosnie-
23 Herzégovine ?
24 M. Lanthier. Non, je n'ai participé ni de près ni de loin à
25 l'enquête sur Stupni Do. Je sais pertinemment bien que nos policiers
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1 militaires ont fait une enquête détaillée. Par contre, ce que je peux vous
2 dire -mais cela ne correspond pas à ce que je connaissais de la situation
3 de Stupni Do, comme je l'ai exprimé lors de mon témoignage ce matin- qu'à
4 la fin avril 1993 le commandant de la 304ème brigade de l'armée bosniaque,
5 des forces gouvernementales bosniaques située à Breza m'avait rapporté
6 qu'il craignait qu'une situation similaire à ce qui s'était passé à
7 Kiseljak et à Vitez se répète dans le coin de Vares, il m'avait demandé à
8 ce moment-là de bien aviser Vares et de ne pas conduire une telle
9 opération. Personnellement, j'étais allé à ce moment-là visiter Stupni Do
10 à la fin avril 1993. Entre autres, le rapport du commandant de la 304ème
11 brigade précisait que des "base plates" (c'est la base sur laquelle le
12 mortier est inséré pour le stabiliser) menaçaient Stupni Do.
13 Donc quand je suis allé visiter le village de Stupni Do, j'ai en
14 effet trouvé ces "base plates" qui étaient dans le territoire contrôlé par
15 le HVO et qui, en regardant la portée d'un mortier 80 mm, pouvaient
16 correspondent effectivement à une attaque du village de Stupni Do. Donc,
17 on parle là d'avril, donc sept mois avant que le massacre de Stupni Do aie
18 lieu et déjà certains indices semblaient indiquer cela. L'autre point qui
19 me fait douter un peu, peut-être pas douter, mais qui me laisse sceptique,
20 c'est que j'ignore l'auteur de ce document auquel vous faites référence.
21 Il s'agit d'une enquête. On fait allusion, si j'ai bien compris, au
22 rapport d'un individu et non pas à une enquête systématique menée par des
23 enquêteurs professionnels. Donc, est-ce une perception ? Je ne peux pas
24 vraiment vous dire. Je ne change pas d'opinion après avoir entendu la
25 lecture du document.
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1 M. Hayman (interprétation). - J'ai encore quelques questions,
2 Monsieur le Président. Après quoi, j'aimerais que nous essayions de voir
3 si nous avons une carte qui conviendra. Vous avez dit que vous aviez
4 mandat pour traiter avec le HCR. Est-ce que le mandat des Nations Unies
5 consistait à maintenir la sécurité sur les routes vitales placées dans
6 votre zone de responsabilité, y compris à 500 mètres des deux côtés de
7 ces principales lignes de circulation ou routes ?
8 M. Lanthier. Non, je n'ai pas l'énoncé de mission, c'est ainsi
9 qu'on en réfère au mandat, mais les grandes lignes étaient supportées dans
10 ces opérations en Bosnie-Herzégovine à ce moment-là. Il n'y avait pas de
11 définition pour tenir les voies de communications ouvertes ou dégagées à
12 500 mètres. De telles conditions n'étaient pas associées au mandat de la
13 Forpronu comme tel.
14 M. Hayman (interprétation). - Très bien. Puis-je demander au
15 greffier si les transparents ont pu être trouvés pendant les quelques
16 instants qui viennent de s'écouler.
17 M. Dubuisson. - Je pense avoir ce que vous voulez.
18 M. Hayman (interprétation). - Capitaine, pourriez-vous avoir
19 l'amabilité de vous lever pour regarder cette photo aérienne et nous dire
20 si vous estimez pouvoir nous montrer au moins le début de ce chemin de
21 terre à la sortie de Vitez, auquel cas nous placerons un film transparent
22 sur la photo aérienne, si vous êtes capable de nous dire de quel point
23 émane cette route dans la région de Vitez. Mais il n'y a pas de micro
24 autour de vous, capitaine. Donc, si vous êtes prêt à répondre, je crois
25 qu'il faudra à ce moment-là revenir au micro.
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1 M. le Président. - On n'a pas de micro pour le capitaine ?
2 M. Dubuisson. Non, il n'y a pas de micro disponible.
3 M. le Président. - Il faudrait que le capitaine se mette un peu
4 de côté, sinon les Juges ne voient plus rien, il faut qu'il se mette non
5 loin de son micro, de façon quand même à ce que la caméra puisse se
6 projeter sur la photo.
7 M. Lanthier. Pourrais-je avoir accès à une carte topographique
8 qui corresponde à la région qui concerne ce site ?
9 M. le Président. - La défense va vous la fournir. Le greffier
10 pourrait-il nous donner la cote de cette pièce à conviction ?
11 M. Dubuisson. - Il s'agit de la pièce 45 du Procureur.
12 M. le Président. - Monsieur le Procureur, si vous voulez vous
13 approcher.
14 M. Cayley (interprétation). - Je crois que je vais attendre
15 Monsieur le Président, la fin de ce que va dire le capitaine Lanthier afin
16 de savoir s'il peut identifier la route.
17 M. Hayman (interprétation). - Pour le procès-verbal, le témoin a
18 sous les yeux la pièce à conviction identifiée par le greffier, ainsi
19 qu'une carte topographique intitulée Zenica 4 qui est une carte
20 topographique de la JNA, dont l'échelle est aux 50 millièmes et dont il a
21 déjà été question un peu plus tôt dans cette déposition.
22 M. le Président. - Prenez votre temps, cet exercice n'est pas
23 facile.
24 M. Hayman (interprétation). - Pendant que le capitaine examine
25 le document, Monsieur le Président, je demande que le résumé quotidien de
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1 l'ECMM soit enregistré simplement, je ne demande pas encore son versement
2 au dossier, mais je pense qu'il faudrait l'enregistrer et j'aimerais en
3 remettre un exemplaire au greffe et au Bureau du Procureur pour être
4 juste.
5 M. Dubuisson. - Il s'agit de la pièce D134.
6 M. Lanthier. - Je regarde. Monsieur le Président, je ne suis pas
7 capable d'identifier laquelle de ces routes que l'on voit est celle que
8 nous cherchons. On en voit plusieurs qui se dirigent vers le sud et vers
9 le nord ; je ne suis pas capable avec cela d'identifier quelle route j'ai
10 pu prendre. Je regrette.
11 M. le Président. Cette réponse, Maître Hayman est la seule que
12 vous obtiendrez vraisemblablement s'agissant de ce chemin.
13 M. Hayman (interprétation). - Je l'accepte et j'en ai fini de
14 mes questions, Monsieur le Président. Merci, capitaine.
15 M. le Président. - Je me tourne vers Me Cayley. Avez-vous des
16 questions complémentaires ?
17 M. Cayley (interprétation). J'aurai quelques questions
18 simplement, Monsieur le Président. Capitaine Lanthier, mon collègue,
19 Me Hayman, vous a posé de nombreuses questions au sujet de l'enclave de
20 Kiseljak, Vares et Vitez. Je ne vous demande pas d'opinion, mais des
21 faits. Est-il possible de passer de l'enclave de Kiseljak à l'enclave de
22 Vares sans traverser un territoire sous contrôle de l'armée de Bosnie-
23 Herzégovine ? Est-ce que le HVO pouvait le faire ?
24 M. Lanthier. - Absolument. Les deux enclaves de Vares et de
25 Kiseljak ont du côté Est un contact avec l'armée serbe bosniaque et les
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1 déplacements entre les deux enclaves étaient facilement possibles à
2 travers le territoire qui était sous le contrôle de l'armée serbe
3 bosniaque. D'ailleurs, lorsque Vares a subi l'offensive du BiH à
4 l'automne 1993, il y a eu un déplacement massif de la population de Vares
5 vers Kiseljak à travers les lignes tenues par l'armée serbe de Bosnie.
6 M. Cayley (interprétation). Sans parler du chemin de terre que
7 vous dites avoir emprunté entre Vitez et Kiseljak, était-il possible de
8 passer de l'enclave de Kiseljak à l'enclave de Vitez ?
9 M. Hayman (interprétation). La question est trop vague.
10 M. Cayley (interprétation). Je vais être plus précis.
11 M. le Président. - Je voudrais qu'il soit bien clair que les
12 questions que vous posez doivent se situer par rapport à ce qu'a été le
13 contre-interrogatoire. Vous savez que la question des communications est
14 une question qui revient depuis pratiquement le début du procès Blaskic.
15 Donc, si vous relancez cette question à titre principal, en ne restant pas
16 dans les limites du contre-interrogatoire, je serai obligé à ce moment-là
17 de redonner la parole à la défense, car c'est une question très sensible,
18 vous le savez, faites-y très attention. Vous restez dans les limites du
19 contre-interrogatoire, s'il vous plaît.
20 M. Cayley (interprétation). Monsieur le Président, je crois
21 que c'est une question qui a trait à d'autres questions qui ont déjà été
22 posées, je ne veux pas rentrer dans ce domaine, mais je voudrais seulement
23 poser la question suivante : outre la route dont vous a parlé mon collègue
24 et qu'il vous a demandé d'identifier, était-il possible de voyager entre
25 les poches de Kiseljak et de Vitez à votre connaissance ?
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1 M. le Président. - Cette question a déjà été posée,
2 Maître Cayley. Capitaine, vous pouvez reprendre votre réponse.
3 M. Lanthier. - Comme je l'ai dit, j'ai connaissance de l'une des
4 routes, mais si vous voulez une opinion de quelqu'un qui était sur le
5 terrain et qui a vu certaines choses, il n'est pas impossible de se
6 promener en tant qu'individu ou en très petits groupes d'une place à
7 l'autre, le terrain appartient à l'une des factions et là, je ne ferai
8 référence à aucune faction en particulier. Mais il est possible de se
9 déplacer d'un endroit à l'autre, car chaque pouce de terrain n'est pas
10 contrôlé, n'est pas tenu ou couvert par observation ou par tir. Donc il
11 est possible, dans de bonnes conditions d'obscurité, de se promener d'un
12 endroit à l'autre.
13 M. Cayley (interprétation). Passons à un autre domaine et j'en
14 ai presque terminé Monsieur le Président. En ce qui concerne la réunion
15 que vous avez eue avec le colonel Blaskic à Vitez, le colonel Blaskic a-t-
16 il dit très clairement au cours de cette réunion que c'était lui qui
17 commandait les forces du HVO qui se trouvaient dans la municipalité de
18 Kiseljak ?
19 M. Lanthier. Oui, il a été clair. Effectivement, il m'a dit
20 qu'il était le commandant supérieur de la région de Kiseljak.
21 M. Cayley (interprétation). Et un membre du HVO vous a-t-il
22 dit quoi que ce soit qui vous fasse penser le contraire ?
23 M. Lanthier. - Je n'ai pas eu de rapports ou d'observations
24 personnelles qui m'ont amené à penser autrement.
25 M. Cayley (interprétation). Merci, je n'ai plus de questions,
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1 Monsieur le Président.
2 M. le Président. Capitaine Lanthier, vous allez
3 vraisemblablement maintenant recevoir des questions des Juges, nous
4 commençons par M. le Juge Riad.
5 M. Riad. - Votre témoignage a été clair, détaillé, mais je
6 voudrais néanmoins vous poser quelques questions pour mieux cerner
7 certains points qui découlent certainement de votre témoignage. Première
8 chose : vous avez dit catégoriquement que le général Blaskic avait le
9 dernier mot sur le plan militaire. Vous l'avez dit en pur français.
10 M. Lanthier. - Oui.
11 M. Riad. - Que veut dire le plan militaire, quel genre
12 d'opérations couvre le plan militaire ? Peut-il couvrir, par exemple, le
13 nettoyage ethnique ? Et dans quelle mesure cela peut couvrir le nettoyage
14 ethnique en principe ? Ou cela couvre-t-il simplement les moyens de
15 procéder au nettoyage ethnique ? Cela comporte-t-il les moyens militaires
16 de procéder au nettoyage ou le principe du nettoyage ?
17 M. Lanthier. - Ce que j'entends par là, c'est l'utilisation des
18 forces qui vont faire le nettoyage ethnique, donc l'ensemble des moyens
19 utilisés pour le nettoyage ethnique.
20 M. Riad. - C'est-à-dire l'exécution du nettoyage ethnique.
21 M. Lanthier. - Exactement.
22 M. Riad. - Exterminer la population, la chasser ou la
23 transporter en autobus, c'est cela ?
24 M. Lanthier. - Exactement. Non pas la conception nécessairement
25 du plan du nettoyage ethnique, mais l'exécution du nettoyage ethnique.
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1 M. Riad. - Mais pas le principe même. Le principe est au niveau
2 politique.
3 M. Lanthier. - Je crois que oui.
4 M. Riad. - Dans l'exécution du nettoyage ethnique, où s'arrêtent
5 les responsabilités ? Par exemple, quand vous avez dit qu'il y avait des
6 envois d'handicapés mentaux pour découvrir les mines, puis d'autres
7 actions, comme vous l'avez dit, le passage d'une maison à l'autre pour
8 brûler, violer ou tuer, quel est le niveau de la responsabilité ? Est-ce
9 le commandement principal dont vous parlez qui est le commandement suprême
10 ou les subordonnés ?
11 M. Lanthier. - La responsabilité s'étend à la chaîne de
12 commandement au complet. La responsabilité commence avec le commandant qui
13 a ordonné qu'une telle opération soit faite. Elle s'étend également au
14 commandant qui, lorsqu'il sait qu'une telle opération s'est exécutée, sans
15 son ordre, ne prend pas les mesures correctrices, c'est-à-dire soit passer
16 en cour martiale les commandants qui ont effectué cela et les soldats qui
17 l'ont fait. La responsabilité s'étend du soldat qui a commis l'acte
18 jusqu'au principal décideur.
19 M. Riad. - Les actes qui son exécutés sur un plan, disons
20 secondaire dans un village, et vous ayant une connaissance de première
21 main de ces lieux, était-ce difficile que le commandement suprême prenne
22 connaissance, à la longue, de ce qui se passait ?
23 M. Lanthier. - Il n'y a aucune raison qu'à la longue cela ne
24 soit pas connu. On ne peut pas nécessairement prévenir chaque acte
25 individuel. Un soldat doit être tenu responsable de ses actions, donc si
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1 un soldat, d'une façon isolée, décide de commettre un crime, oui, le
2 commandant en est responsable parce qu'il ne peut jamais se décharger de
3 l'imputabilité qui est associée à son commandement. Par contre quand ces
4 actes se répètent et se répètent et se répètent, le commandant en devient
5 responsable parce qu'il n'a pas su exercer son commandement sur ses
6 subordonnés. C'est la façon militaire de voir les choses.
7 M. Riad. - J'ai compris que vous avez soumis des plaintes aux
8 autorités. Ces plaintes ont-elles été prises en considération ? Avez-vous
9 été informé des mesures prises, ou des punitions en cour martiale dont
10 vous parlez ?
11 M. Lanthier. - Je n'ai jamais reçu de rapports qui m'indiquaient
12 que des actions avaient été prises. Lorsque j'ai fait des plaintes, on m'a
13 toujours donné des excuses disant que c'était hors de leur contrôle.
14 Excuses, qui selon moi, sont un très pauvre échappatoire des
15 responsabilités de commandant qui viennent avec tout commandement qu'une
16 personne peut se voir octroyer.
17 M. Riad. - Effectivement, vous m'avez dit que vous vous êtes
18 plaint à M. Bradara et vous avez dit que ce sont des actes isolés par des
19 citoyens révoltés. Et vous avez complètement exclu cette hypothèse.
20 M. Lanthier. - Effectivement.
21 M. Riad. - L'autre hypothèse est que les actes ont été commis
22 par des groupes de soldats individuels et cette hypothèse vous avez l'air
23 de l'exclure aussi du fait que c'est organisé.
24 M. Lanthier. - Du point de vue d'une unité. Si on parle d'un
25 groupe de soldats qui appartiennent à une force... S'il s'agit d'un groupe
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1 de soldats qui appartiennent à des forces organisées qui commettent ces
2 crimes, la chaîne de commandement en devient responsable surtout, lorsque
3 ces choses se répètent.
4 M. Riad. - Vous excluez aussi le fait que c'étaient quelques
5 soldats ivres, par exemple le cas où cette femme a été violée puis tuée,
6 d'autres vieux bonhommes ont été tués, etc.
7 M. Lanthier. - C'est organisé ces massacres. On ne parle pas
8 d'un petit village isolé le 18 avril, on parle de l'ensemble de la poche
9 de Kiseljak. C'est quelque chose qui est orchestré.
10 M. Riad. - D'envergure, oui. Orchestré.
11 M. Lanthier. - Exactement.
12 M. Riad. - Je voulais aussi vous poser une question concernant
13 les armes sophistiquées que vous avez repérées. Vous avez dit qu'il y
14 avait des lanceurs de rockets à missiles. Il y avait aussi des véhicules à
15 chenilles, etc. Avez-vous considéré que ces armes étaient techniquement
16 avancées ? Si j'ai bien compris, c'est difficile en partie de se les
17 procurer ?
18 M. Lanthier. - Du côté logistique, j'essayais que les armes
19 soient là, lorsque la JNA s'est retirée de l'ensemble de la Bosnie.
20 Plusieurs systèmes d'armements disponibles sont demeurés en place, ont été
21 retenus par l'une ou l'autre des factions. Mais utiliser une munition
22 telle qu'un missile pour un lanceur multiple de missiles, lorsque la
23 situation tactique ne le dicte pas, m'indique que cette munition est très
24 facilement disponible. Donc, cela me disait que la filière logistique qui
25 amène les munitions doit être ouverte, donc la facilité de se procurer des
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1 munitions. Et je sais très bien que dans la poche de Kiseljak, il n'y
2 avait pas d'industrie qui permettait la production de tels armements. Des
3 lance-rockets multiples sont des armes qui sont normalement retenues au
4 niveau division. Dans l'Otan, je parle de ma connaissance de l'Otan, les
5 lance-rockets multiples sont une arme que le commandant de division
6 retient à sa discrétion. Par conséquent, un bataillon, une brigade n'a pas
7 ces armes. Ce sont des systèmes sophistiqués, retenus au plus haut niveau
8 de commandement normalement. Je ne peux pas dire que c'est le cas là-bas,
9 mais je peux dire que si on tirait d'une façon et l'on dilapidait cette
10 munition, c'est parce qu'on était capable de se la procurer facilement
11 ailleurs que dans la poche de Kiseljak.
12 M. Riad. - Oui, c'est-à-dire la Croatie.
13 M. Lanthier. - Exactement.
14 M. Riad. - Finalement, il y a un petit détail dont vous avez
15 parlé. A Rotilj, on a gardé les femmes et les enfants en détention. A quoi
16 servent ces détentions, pourquoi les garder en détention ?
17 M. Lanthier. - Selon la réponse que l'on m'a donnée, c'était
18 pour leur bien-être ou pour sauvegarder leur intégrité. On m'a également
19 dit que les hommes étaient aussi détenus, mais pendant la journée moi, je
20 ne les ai jamais vus. Je ne les ai pas vus, à l'exception de ma toute
21 première visite à Rotilj où j'ai vu un homme en âge de travailler. Tous
22 les autres hommes je ne les ai jamais vus. On m'a dit qu'ils étaient
23 emmenés pendant la journée, travailler dans les tranchées. Pourquoi les
24 garde-t-on ? D'où viennent ces résidents, c'est la première question. Ils
25 viennent de l'ensemble de la poche de Kiseljak, où ce sont des résidents
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1 d'origine musulmane, puis ce qui me semble être un processus de nettoyage
2 ethnique : on nettoie la poche, on accumule ces personnes dans un même
3 endroit. Je sais que plus tard, on a utilisé certaines de ces personnes
4 pour faire des échanges de prisonniers. S'il y avait d'autres prisonniers,
5 de guerre ou d'autres types de prisonniers, donc des personnes civiles
6 détenues ailleurs, on les utilisait comme moyen de négociation. Je vais
7 libérer tant d'otages contre cet otage-là. C'était un moyen de
8 négociation. Je vois deux facettes. Selon moi, il y a deux raisons pour
9 lesquelles on garde ces prisonniers : comme processus de nettoyage
10 ethnique et "bargaining change"...
11 L'interprète. - Comme monnaie d'échange.
12 M. Lanthier. - Merci pour la traduction.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Capitaine, vous avez parlé
14 au cours de votre témoignage, de civils qui portaient des uniformes. Je
15 suppose donc que vous pouvez faire la différence entre un officier de
16 carrière et un civil qui porte un uniforme.
17 M. Lanthier. - Honnêtement, Monsieur le Juge, je ne me souviens
18 pas exactement à quel moment, dans mon témoignage, j'ai parlé de civils
19 qui portent des uniformes. Cela m'échappe un peu. De visu, vous me
20 présentez un individu en uniforme...
21 M. le Président. - Il me semble, vers la fin de votre
22 témoignage, quand vous avez parlé de Vitez, effectivement il me semble...
23 M. Lanthier. - Peut-être faites vous référence au passage du
24 livre du colonel Steward lu par M. Hayman. Excusez-moi, je ne me souviens
25 pas avoir dit cela. Mais quand même pour répondre à votre question...
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - D'accord, Je ne crois pas
2 que le fait que vous en ayez parlé ou non soit véritablement important, je
3 voudrais simplement vous demander s'il existe et si vous connaissez la
4 distinction à faire, par exemple lorsqu'un homme politique, donc un civil,
5 porte un uniforme militaire même s'il n'est pas un officier ou un membre
6 de l'armée ?
7 M. Lanthier. - Il y a certainement une distinction à faire. De
8 visu, je ne peux pas vous dire, en regardant quelqu'un en uniforme, s'il
9 est militaire professionnel ou si c'est quelqu'un d'autre. Le port de
10 l'uniforme de camouflage était répandu partout et plusieurs personnes le
11 portaient, pas nécessairement des militaires professionnels ou des
12 militaires membres d'unité formée.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Très bien. Passons à
14 M. Kordic. L'avez-vous rencontré ?
15 M. Lanthier. - Je l'ai personnellement rencontré à deux ou trois
16 reprises. Mon interaction avec M. Kordic a été une poignée de mains.
17 M. Kordic m'a appelé "Capitaine Lanthier", voici l'étendue de nos
18 discussions.
19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je crois que vous l'avez
20 décrit comme ayant une certaine autorité politique, est-ce exact ?
21 M. Lanthier. - Les représentants de l'ECMM qui m'ont présenté ou
22 qui m'ont décrit les personnes présentes à l'assemblée, m'ont présenté
23 Dario Kordic, comme un des chefs politiques du côté HVO. Lui ne s'est pas
24 présenté à moi comme tel. On me l'a présenté de façon indirecte. De cette
25 façon là.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Portait-il un uniforme du
2 HVO ou un quelconque uniforme à l'époque ?
3 M. Lanthier. - Je crois, si ma mémoire est bonne, qu'il portait
4 effectivement un uniforme de camouflage.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous eu l'impression, à
6 l'époque, que c'était un officier de carrière ou bien que c'était un civil
7 qui portait un uniforme militaire ?
8 M. Lanthier. - J'ai eu 'impression, bien que j'ignore ses
9 antécédents, que c'était un civil qui portait un uniforme.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci. Parlons maintenant
11 brièvement de Stupni Do. Certains événements se sont produits là-bas et,
12 après le déroulement de ces événements, vous vous êtes rendu sur les lieux
13 et vous avez pu observer l'état de l'endroit.
14 M. Lanthier. - J'ai visité Stupni Do pour la première fois à
15 l'extrême fin avril 1993, avant les événements de l'automne 1993. Après
16 les événements qui ont eu lieu à l'automne 1993, j'ai visité très
17 brièvement Stupni Do. Je n'ai pas été impliqué de près ou de loin à
18 l'enquête qui a eu lieu à Stupni Do. Honnêtement, je me souviens un peu de
19 sa destruction mais je n'ai pas participé activement à l'examen qui a
20 suivi.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, capitaine, mais je
22 n'étais pas en train de suggérer que vous avez participé à l'enquête qui a
23 suivi ces événements. D'après vos observations sur les lieux après
24 certains événements, pouvez-vous aider cette Chambre de première instance
25 en lui disant si, oui ou non, l'état des lieux correspondait au phénomène
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1 du nettoyage ethnique ou s'il s'apparentait plus à des exécutions motivées
2 par des volontés commerciales en quelque sorte ?
3 M. Lanthier. - Mon impression, Monsieur le Juge était que cette
4 opération était conduite de la même façon que ce qui s'était passé dans
5 les lignes générales à Vitez et à Kiseljak, un autre épisode de nettoyage
6 ethnique. C'est mon impression, Monsieur le Juge.
7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci. Je voudrais vous
8 poser des questions sur un dernier domaine. Vous en avez parlé au cours de
9 votre témoignage. Vous l'avez abordé à plusieurs reprises d'ailleurs :
10 vous avez parlé avec le colonel Blaskic et, sur le terrain, vous avez
11 observé l'organisation militaire dont il était le responsable. D'après les
12 conversations que vous avez eues avec lui et d'après vos observations sur
13 le terrain, observations de son organisation militaire en opération,
14 pouvez-vous dire au Tribunal si des unités armées dans le camp croate se
15 trouvaient en dehors de son autorité, exclues de son autorité ?
16 M. Lanthier. - Je n'ai pas de preuve qui me suggère
17 qu'effectivement des groupes indépendants opéraient. Lors de ma
18 conversation initiale avec le colonel Blaskic, au tout début de mars 1993,
19 il n'a pas fait mention que de telles organisations pouvaient exister. Il
20 existe deux façons de regarder les choses, c'est une question de fierté :
21 un commandant pourrait hésiter à me dire que des organisations opèrent en
22 dehors de son commandement ; cela pourrait être une des raisons. L'autre,
23 c'est qu'il n'y en avait pas. J'ai l'impression qu'il n'y en avait pas à
24 l'extérieur de la chaîne de commandement qui opéraient de façon
25 indépendante.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie, capitaine.
2 M. le Président. - Capitaine, vous avez répondu à beaucoup de
3 questions et de façon très claire. Je partage l'avis de mes collègues,
4 deux ou trois précisions en ce qui me concerne. Combien de kilomètres y a-
5 t-il entre Kiseljak et Vitez par la route normale ?
6 M. Lanthier. - Je dirais probablement une trentaine, mais il
7 faudrait mesurer, pour être précis.
8 M. le Président. - Vous avez parlé de ce chemin qui ne
9 permettait pas des relations faciles pour faire passer des convois mais,
10 en tout cas semble-t-il, vous l'avez utilisé avec votre "command car" ou
11 votre véhicule. Cela vous paraît-il donc plausible que le colonel Blaskic
12 puisse passer par ce chemin, dans ces conditions assez rapides -s'agissant
13 tout de même d'un chef d'état-major ? Cela vous paraît-il plausible ?
14 M. Lanthier. - Monsieur le Président, je peux affirmer que la
15 route ne se prête pas à faire passer un convoi. On parle vraiment là d'un
16 sentier. Si je me souviens bien, cela m'avait pris une bonne heure et
17 demie à utiliser cette route, ce que l'on appelle en canadien français,
18 "le temps de traire la vache". Je ne sais pas si l'expression vous est
19 connue ?
20 M. le Président. - Oui, elle est très connue en France. 0n a dû
21 vous prêter cette expression. Pensez-vous que le niveau de responsabilité
22 à l'époque du colonel Blaskic supposait qu'il puisse passer comme cela à
23 travers ce sentier ? Vous qui êtes un militaire professionnel, pensez-vous
24 tout de même raisonnable qu'un chef d'état-major, en pleine situation
25 d'opérations militaires, puisse tout de même perdre son temps à travers ce
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1 sentier, si tant est que cela soit le seul sentier possible ou cela vous
2 paraît-il possible mais pas probable ?
3 M. Lanthier. - Je crois que c'est possible. Les moyens de
4 communication étaient redondants. Il existe plusieurs moyens de
5 communication mais, à un moment donné, un commandant doit imposer son
6 commandement par sa présence physique. Un commandant ne peut pas commander
7 seulement à distance. Le colonel Blaskic donnait l'impression d'être le
8 commandant de ses troupes et le commandement de ces troupes là -même si
9 cela nécessite une heure et demie de voyage- je trouve plausible que le
10 colonel Blaskic utilise cette route-là.
11 M. le Président. - Votre impression générale était qu'il était
12 au fond dans ses deux quartiers généraux, d'une façon tout à fait égale,
13 selon les niveaux d'alerte. Cela vous apparaît, maintenant après cinq ans
14 de réflexion, tout à fait possible. En tout cas, il ne vous a pas donné
15 l'impression de délaisser Kiseljak ?
16 M. Lanthier. - Non, il ne m'a pas donné cette impression... Je
17 ne dirais pas qu'il était présent souvent à Kiseljak. Je n'ai moi-même
18 jamais vu le colonel Blaskic à Kiseljak. Je ne l'ai pas rencontré à
19 Kiseljak. La nature de ce sentier, les responsabilités d'un commandant à
20 ce niveau correspondent ni plus ni moins à l'équivalent d'un commandant de
21 division, selon les normes latines. Je suis certain qu'il n'aurait pas
22 perdu son temps à voyager inutilement, mais je suis convaincu que, s'il
23 avait vraiment besoin de s'y rendre, il pouvait certainement le faire.
24 M. le Président. - Etait-il possible d'utiliser un hélicoptère,
25 par exemple, ou pas ?
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1 M. Lanthier. - Il aurait été facile d'utiliser un hélicoptère si
2 un tel moyen avait été disponible. Je sais que les factions belligérantes
3 avaient des hélicoptères à leur disposition. J'en ai vu.
4 M. le Président. - Dans un autre ordre d'idée, quand le
5 commandant Bradara vous a dit que le ravitaillement arrivait de Croatie,
6 il vous a parlé de moyens logistiques et de ravitaillement. Avez-vous eu
7 l'impression que des troupes, des soldats de Croatie donnaient un coup de
8 main dans toutes ces opérations ?
9 M. Lanthier. - Il y avait des soldats croates en Bosnie
10 centrale. Je ne peux pas vous dire s'ils sont venus avec des convois. Je
11 ne peux pas faire de commentaires précis. Je sais, en ayant parlé avec des
12 soldats sur le terrain -on parle souvent entre militaires de nos origines,
13 de nos expériences- qu'il y avait des soldats de la Croatie qui étaient en
14 Bosnie. De là à dire qu'ils sont venus par cette route, je ne suis pas
15 prêt à sauter le pas, Monsieur le Président.
16 M. le Président. - J'ai une dernière question à vous poser à
17 propos de l'hôpital de Bakuvice ou de Drin. Lorsque vous dites que
18 certains patients ont été utilisés pour détecter les mines, c'est
19 terrible ; à votre niveau, vous qui faisiez beaucoup de rapports, avez-
20 vous su si le CICR avait été saisi de la question ?
21 M. Lanthier. - J'ai travaillé en anglais. Parle-t-on du comité
22 international de la Croix-Rouge ? Oui.
23 M. le Président. - Savez-vous si le comité international de la
24 Croix-Rouge est venu ?
25 M. Lanthier. - J'ignore s'ils se sont déplacés pour faire une
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1 enquête sur ce sujet précis.
2 M. le Président. - Capitaine, le Tribunal vous remercie. Vous
3 avez répondu de façon tout à fait complète. Je me tourne à nouveau vers
4 mes collègues pour savoir s'ils ont des questions complémentaires. Il n'y
5 a pas d'autres questions. La Chambre va lever son audience pour ce soir.
6 Elle reprendra demain, pour la matinée seulement, à 10 heures. Juste une
7 question d'organisation : vous savez que nous sommes très visités. J'ai su
8 qu'il y avait nombre de juristes qui venaient assister à l'audience. Il ne
9 s'agit pas du tout de prévoir tout ce qui va se passer, mais la séance de
10 demain est-elle à huis clos ?
11 M. Kehoe (interprétation). - Demain matin, nous n'avons pas
12 d'audience à huis clos. Nous avons un témoin protégé. Nous demanderons
13 donc certaines mesures de protection mais ce ne sera pas une audience à
14 huis clos.
15 M. le Président. - Je vous remercie. Dans ces conditions, nous
16 pouvons lever l'audience.
17 (Le témoin est reconduit hors du prétoire)
18 (L'accusé est reconduit hors du prétoire)
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20 L'audience est levée à 17 heures 55.
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