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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3
4 LE PROCUREUR
5 c/
6 Tihomir BLASKIC
7 Mardi 30 juin 1998
8 L’audience est ouverte à 10 heures 00.
9 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,
10 faites entrer l'accusé.
11 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)
12 M. le Président. - Nous reprenons nos travaux.
13 Désormais nous reprenons tous les jours à 9 heures 45. Maître
14 Cayley, bonjour. C'est à vous.
15 M. Cayley (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,
16 Messieurs les Juges et conseils de la partie adverse.
17 Le témoin suivant est un témoin protégé. Il sera le témoin UU et
18 s'exprimera donc en audience à huis clos. J'ai parlé à M. Nobilo qui a
19 donné son accord. Nous nous réunirons à huis clos car il n'y a pas la
20 possibilité, dans cette salle, de déformer la voix du témoin. J'en arrive
21 au résumé de la déposition du témoin. (expurgée)
22 (expurgée)
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24 M. Dubuisson (interprétation). - Nous sommes en audience
25 publique. Il est peut-être nécessaire d'entrer en séance à huis clos pour
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1 faire votre résumé.
2 M. le Président. - Cela paraît judicieux.
3 M. Cayley (interprétation). - En effet.
4 M. le Président. - Nous passons en huis clos avec l'accord de la
5 défense.
6 M. Nobilo (interprétation). - Oui.
7 (Audience à huis clos)
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21 (Audience publique.)
22 M. Harmon (interprétation). - Non ce n'est pas distorsion du
23 visage, mais de la voix.
24 M. le Président. - J’ai compris. Vous pouvez nous faire votre
25 résumé. Nous avons commencé pratiquement à 10 heures, je pense que nous
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1 pouvons commencer l’audition de ce témoin jusque vers 11 heures 20,
2 11 heures 30…, on verra. Allez-y maître Harmon ?
3 M. Harmon (interprétation). - Oui, je vous remercie
4 Monsieur le Président. Le témoin suivant est un musulman de Bosnie, ancien
5 membre de l’armée de Bosnie. Il appartenait à une unité de cette armée qui
6 était stationnée près de Mostar, tout près de la ligne de confrontation
7 avec les serbes. Il dira dans son témoignage que des luttes ont eu lieu à
8 Mostar en mai 1993, entre le HVO et les Serbes.
9 Il dira, de plus, que le 13 juin 1993, le HVO a ordonné que son
10 unité soit démantelée. Il y a eu une résistance à cet ordre donné par le
11 HVO. Le HVO a alors menacé de tuer les membres de la famille des personnes
12 qui refusaient de se rendre. Le témoin…
13 M. le Président. - … Je n’ai pas bien compris. Pouvez-vous
14 répéter s'il vous plaît ? C’est le HVO qui a demandé le démantèlement de
15 l'unité de l'armée de Bosnie, n'est-ce pas ?
16 M. Harmon (interprétation). - Oui, c'est bien cela. On a demandé
17 que cette unité dépose les armes. Du 13 juin 1993 jusqu’au 23, 24 mars de
18 l’année suivante, le témoin a été prisonnier. Il était techniquement
19 prisonnier de guerre et avec d'autres, comme lui emprisonnés dans un lieu
20 près de Mostar connu sous le nom de heliodrome.
21 Le témoignage de ce témoin portera essentiellement sur ses neuf
22 mois de captivité à l’heliodrome. Il décrira le travail forcé,
23 systématique auquel étaient soumis les civils et les prisonniers de
24 guerre, le creusement des tranchées qui allaient conduire à de nombreux
25 décès et à des blessures multiples chez les détenus. Il décrira également
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1 la présence d'unités militaires croates qu’il a observées dans les
2 environs de Mostar, y compris la présence de la première
3 brigade de gardes de Zagreb connue sous le nom des Tigres, ainsi que la
4 présence de la deuxième brigade de gardes de Zagreb connue sous le nom des
5 Eclairs.
6 Il dira, dans son témoignage, qu’il a été obligé de faire toute
7 sorte de choses, obligé de travailler à la demande de ces unités croates.
8 Il dira qu’il a vu ces unités croates engager des combats avec l'armée de
9 Bosnie-Herzégovine.
10 Il décriera enfin, monsieur le Président, comment lui et
11 d'autres prisonniers, y compris des civils, ont été utilisés comme
12 boucliers humains.
13 Pour ce qui est des chefs d'accusation, nous verrons que
14 certains des actes mentionnés dans la liste des chefs d'accusation sont
15 généralisés et systématiques, ce qui vaut pour l’accusation contre les
16 crimes contre l'humanité, particulièrement paragraphe 5, point 2 de l’acte
17 d’accusation.
18 Pour ce qui est du chef d’accusation n° 1, le témoignage fait
19 référence aux allégations générales 5.0, 5.1, 5.3, ainsi qu'aux violations
20 de la Convention de Genève 5, 8, 11, 15, 17 et 19. Voilà qui conclut mon
21 résumé des chefs d’accusation.
22 M. le Président. - Comme je l'ai fait pour M. Cayley, que je
23 félicite pour sa concision, il n’est pas là, vous lui transmettrez donc
24 mes félicitations. Si j'ai bien compris, ce témoin a donc passé un certain
25 nombre de mois en captivité. Je vous demanderais, maître Harmon, de
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1 concentrer vos questions sur les trois points qui nous paraissent
2 essentiels, sous réserve de ce que dira le témoin évidemment : la
3 captivité, l’engagement des armées croates et les boucliers humains.
4 Essayez de vous concentrer sur ces points-là. Evidemment, si
5 vous trouvez qu’il y a d’autres points importants, n’hésitez pas à lui
6 poser des questions. D'après votre résumé, ces trois points paraissent
7 être ce que vous attendez de votre témoin.
8 Monsieur le greffier, nous pouvons introduire le témoin VV.
9 (Le témoin est introduit dans la salle.)
10 M. le Président. - Vous m'entendez témoin VV. Nous allons vous
11 appeler témoin VV. Vous faites objet de mesure de protection. D'abord vous
12 allez identifier votre nom sur le document que va vous présenter
13 l’huissier. Présentez le document, ne le prononcez pas. C'est bien votre
14 nom ?
15 Vous allez rester debout quelques instants de prêter serment.
16 Vous allez relire le document que vous présente à nouveau l’huissier, à
17 haute et intelligible voix dans votre langue.
18 Témoin VV (interprétation). - Je déclare solennellement que je
19 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir. Installez-vous
21 bien, décontractez-vous. Nous allons vous appeler témoin VV parce que vous
22 êtes un témoin protégé à votre demande et avec l’accord de toutes les
23 parties. Vous avez accepté de venir témoigner à la demande du Procureur.
24 Nous connaissons de façon globale ce que le procureur attend de votre
25 témoignage.
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1 Vous allez répondre à quelques une de ces questions et nous dire
2 très simplement ce que vous avez vécu. M. Harmon vas vous poser quelques
3 questions préalables. Monsieur le Procureur, c'est à vous. Ensuite, vous
4 déposerez librement, avec vos mots devant les Juges. Relâchez vous. Sentez
5 vous bien. Monsieur Harmon, c'est à vous.
6 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur VV. Est-ce que
7 vous êtes citoyen bosniaque et musulman de confession ?
8 Témoin E (interprétation). - Oui.
9 M. Harmon (interprétation). - En juin 93, vous étiez membre de
10 l'armée BH ?
11 Témoin VV (interprétation). - Oui.
12 M. Harmon (interprétation). - Dites aux Juges à peu près à quel
13 mois les combats ont commencé entre le HVO et l’armée BH à Mostar ?
14 Témoin VV. (interprétation). - Les combats ont commencé en mai
15 1993 ?
16 M. Harmon (interprétation). - Le HVO vous a-t-il emprisonné en
17 juin 93 et est-ce exact que vous entiez en détention jusqu'au 22/23 mars
18 1994 ?
19 Témoin VV.(interprétation). - C'est exact.
20 M. Harmon (interprétation). - Avant de déposer, je prierai
21 l'huissier de m'aider et que les preuves d'accusation 401 soient mises au
22 rétroprojecteur. C'est une carte sur laquelle le témoin VV a marqué
23 certains sites pertinents pour sa déposition. Lorsqu'il aura cité certains
24 sites, vous pourrez les voir sur la carte. Mettez cette carte sur le
25 rétroprojecteur, s'il vous plaît.
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1 Monsieur VV, regardez cette carte et dîtes au Tribunal si ce
2 sont les destinations ou les emplacements que vous avez montrés, que j'ai
3 moi-même notés après coup ?
4 Témoin VV (interprétation). - C'est cela.
5 M. Harmon (interprétation). - Monsieur VV, veuillez raconter
6 votre récit.
7 Je vous prierai tout d'abord de raconter aux Juges ce que vous
8 savez sur l'unité de l'armée BH à laquelle vous apparteniez. Où étiez-vous
9 situé et comment vous êtes devenu prisonnier de guerre ? Je vous en prie,
10 faites votre récit ?
11 Témoin VV. (interprétation). - Mon unité se trouvait dans la
12 localité de Rotlje, à la frontière entre Mostar et Polja, en position face
13 aux unités serbes, de concert avec les unités HVO à gauche et à droite de
14 notre position. Ils étaient également tournés contre les unités serbes.
15 Après le début des combats à Mostar, le 13 juin, ces unités HVO se sont vu
16 renforcées et avaient l'ordre de désarmer notre unité.
17 Au bout d'un bref repos, une partie de l'unité a réussi à se
18 retirer vers Mostar et à se joindre à l'armée BH. L'autre partie de
19 l'unité est restée bloquée suite aux menaces du HVO de tuer nos familles
20 qui se trouvaient dans les autocars. Il s'est avéré que ces menaces
21 étaient réelles. Cette partie de l'unité s'est rendue. Moi aussi, j'étais
22 dans cette unité. Dans la même journée, nous avons été déplacés vers la
23 prison de Gabela, puis vers celle de Heliodrome.
24 M. Harmon (interprétation). - Très brièvement, s'il vous plaît.
25 Quel a été votre rôle dans l'armée BH ? Quelles étaient vos fonctions ?
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1 Témoin VV (interprétation). - Cette unité était en cours de
2 formation. Les grades formels n'étaient pas distribués. A cette époque-là,
3 je commandais 4 ou 5 personnes, chargées des liaisons.
4 M. Harmon (interprétation). - Pourriez vous dire au Tribunal où
5 vous étiez vous détenu et dans quelles conditions ? Décrivez-nous ce qui
6 vous est arrivé et ce qui est arrivé aux autres détenus ? Parlez-nous de
7 vos contacts avec les membres de l'armée croate à partir du moment où vous
8 avez été fait prisonnier jusqu'à votre relâchement ?
9 M. le Président. - Pourriez-vous nous accorder une seconde,
10 s'il vous plaît ?
11 Avant que le témoin ne commence le récit de sa captivité nous
12 allons faire une pause d'une vingtaine de minute.
13 L’audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 35.
14 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)
15 (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)
16 M. le Président. - Maître Harmon, et Témoin VV vous pouvez
17 poursuivre le récit de votre captivité.
18 M. Harmon (interprétation). - Témoin VV, avant la pause je vous
19 demandais de décrire aux Juges les conditions de votre captivité, où vous
20 aviez été détenu ? Pouvez-vous nous parler de votre expérience et de celle
21 des hommes qui vous accompagnaient, ainsi que de vos contacts avec des
22 soldats de l’armée croate. Je vous prierais surtout d’identifier les
23 unités de l’armée croate en question.
24 Témoin VV (interprétation). - Immédiatement après la prise en
25 captivité, nous avons été emmenés à Gabela, l’ex-entreprôt de l’armée de
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1 l’ex-Yougoslavie. Nous y avons été détenus pendant plusieurs heures après
2 lesquelles nous avons été transférés à l’Héliodrome. Héliodrome, c’est
3 ainsi que l’on nommait un centre qui, dans le temps, était un centre de
4 formation des cadres militaires de l’ex-armée yougoslave. Il y avait
5 beaucoup de bâtiments, dont un gymnase, etc. L’un des bâtiments a été
6 transformé en prison. Nous l’appelions « prison ».
7 Nous avons été installés là-dedans, dans les sous-sols du
8 bâtiment où nous sommes restés pendant vingt jours.
9 Peu après, une percée de l’armée BH a eu lieu vers le nord. A
10 cette occasion, on a libéré les zones de Polje et de Sjeverni Logor.
11 Immédiatement après, dans notre prison, dans la salle du gymnase ou dans
12 les salles de classe, on a amené les civils de la ville de Mostar.
13 Peu de jours après, nous avons été contraints de faire les
14 premiers travaux. C’est ainsi que j’ai passé environ 9 mois. De jour en
15 jour, quotidiennement, différents camions de différentes unités du HVO
16 venaient pour emmener les détenus en nombre nécessaires, en nombre requis
17 pour les travaux. Ils les emmenaient dans les sites requis, là où étaient
18 les positions contrôlées par le HVO. Le soir, les hommes étaient remmenés
19 à la prison.
20 Dans certains cas, il est arrivé que nous restions pendant
21 plusieurs jours, voire plusieurs semaines sur place, là où nous étions
22 emmenés.
23 Plus on était jeune et vigoureux, pendant 9 mois, plus on était
24 en situation d’être contraint à travailler quotidiennement, jour après
25 jour. Les travaux étaient différents de ceux qui étaient effectués sur la
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1 première ligne, sur la ligne de front. Il s’agissait de creuser des
2 tranchées, de porter des sacs de sable ou de décharger des cargaisons de
3 munitions ou autres, ou encore de transporter du bois. C’était ce genre de
4 travaux.
5 Le premier contact avec les membres de l'armée croate, du HVO,
6 datait d’août 1993 dans le village de Bijelo Polje. Le groupe des détenus,
7 dont je faisais partie, a été emmené par le
8 HVO à Bijelo Polje où nous avons passé sept jours, une semaine. Au cours
9 d’une journée de cette semaine, oui j'ai creusé les tranchées à un endroit
10 le long de la route principale qui relie Sarajevo à Mostar.
11 Cette position était contrôlée, ce jour-là, par l’unité de
12 l’armée croate Cini Voda. Plus exactement, je ne sais pas de quelle unité
13 de l'armée croate provenait ces soldats. Ils ont causé avec nous. Ils
14 étaient originaires de Slavonie, en Croatie. Ils étaient soldats de
15 l’armée croate qui étaient emprisonnés en Slavonie, lors des combats entre
16 le HVO et l’armée ex-yougoslave. Après que des échanges aient été opérés,
17 ils sont redevenus soldats du HVO.
18 Il a été intéressant de comparer leur expérience de prisonniers
19 de guerre à la nôtre. Ce jour-là, il y a eu des échanges de coups de feu,
20 d'infanterie sporadiquement.
21 La rencontre suivante a eu lieu à la montagne Kicin, près de la
22 bourgade de Blagaj, fin septembre ou début octobre 1993. Comme il n’y a
23 pas de routes pratiquables sur cette montagne, on nous a contraints de
24 porter les caisses de munitions d’artillerie vers le sommet de cette
25 montagne, de grimper jusqu'à cette position qui était également contrôlée
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1 par les unités de HVO, mais je ne saurais vous dire exactement quelle
2 unité.
3 J'ai escaladé cette montagne à trois reprises avec une caisse
4 d’environ 30 kilos. Les soldats de cette unité nous ont dit qu’un officier
5 de l'armée crotte avait été fait prisonnier par l'armée BH.
6 A peu près 7 jours plus tard, on nous a emmenés sur les
7 positions de lance-roquettes contrôlées par l’armée croate, la 2ème brigade
8 de garde « les Eclairs ». C’était une position de lance-roquettes d’un
9 calibre de 82 mm et de 120 mm.
10 Je me suis rendu à cet endroit à cinq ou six reprises au cours
11 des dix jours suivants. Chaque fois, on nous prenait dans la prison
12 Heliodrome dans laquelle on nous ramenait chaque soir, une fois les
13 travaux effectués.
14 Les trois derniers mois de mon séjour en camp de détention, je
15 travaillais dans le
16 cadre d’Heliodrome, dans les salles où se tenaient les soldats de l'armée
17 croate, les gardes de la 2ème Brigade « Les Eclairs » de Zagreb, la Brigade
18 « Tigre ». Là, je travaillais dans la cuisine ou au nettoyage des
19 baraquements, etc.
20 Entre ces différents événements, presque tous les jours, on
21 effectuait des travaux pour le compte du HVO. Tous ces travaux
22 comportaient des risques. Nous étions sur la ligne de front le premier
23 jour. Pendant les premiers jours de détention à Héliodrome, nous nous
24 rendions pour effectuer des travaux, nous seulement, les membres de
25 l’armée BH et nous devions enlever nos uniformes de l’armée BH et endosser
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1 des uniformes bleus de l’ex-armée yougoslave. De cette manière, c’était
2 une convention, on savait que nous étions membres de l’armée BH. Nous
3 étions facilement repérables, que ce soit en ville ou ailleurs.
4 Toutefois, une fois les civils ayant rejoint la prison, dans la
5 mesure où il y avait peu de soldats et de grands besoins en travaux, tout
6 le monde peu à peu a commencé à effectuer des travaux. On construisait
7 ainsi des bunkers dans des appartements délaissés en ville, là où il y
8 avait des combats de rue. On trouvait des objets et des vêtements tels que
9 des maillots, des pantalons, etc.
10 Cela a duré pendant un mois. Cela nous a permis d’enlever les
11 uniformes progressivement pour nous habiller en civil et nous noyer dans
12 la masse des civils.
13 A partir du deuxième mois de notre séjour, il n’y avait
14 pratiquement plus de différence quant à notre statut de prisonniers de
15 guerre, prisonniers de l’armée BH et ces civils.
16 En mars 1993, j’ai été échangé.
17 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez été
18 échangé en mars 1994.
19 Témoin VV (interprétation). - Excusez-moi, c'était mars 1994.
20 M. Harmon (interprétation). - Avant de passer à un autre sujet,
21 je vais vous poser quelques questions pour éclaircir certains points. Vous
22 avez évoqué des pièces à conviction. La
23 légende est-elle marquée en orange sur les pièces à conviction 402 et
24 désignée par la baguette ?
25 Témoin VV (interprétation). - Oui, il y a le nom de Jesenica, au
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1 sud de Mostar, sur la rive droite de la Neretva. C'est là que se trouve la
2 caserne Heliodrome.
3 M. Harmon (interprétation). - Dites aux Juges environ combien de
4 détenus il y avait dans l'Heliodrome pendant votre séjour de neuf mois ?
5 Témoin VV (interprétation). - Nous autres prisonniers
6 l'estimions aux alentours de trois à quatre mille.
7 M. Harmon (interprétation). - Combien d'entre eux, à votre
8 connaissance, étaient prisonniers de guerre et combien étaient des
9 civils ?
10 Témoin VV (interprétation). - Il y avait au maximum une centaine
11 de prisonniers de guerre.
12 M. Harmon (interprétation). - Les autres étaient-ils des
13 civils ?
14 Témoin VV (interprétation). - Au moins cent personnes ont été
15 emprisonnées en uniforme BH. Les autres étaient des civils, conscrits
16 potentiels.
17 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si les
18 gens détenus avec vous et les autres étaient des Musulmans ?
19 Témoin VV (interprétation). - Ils étaient principalement
20 Musulmans et il y avait deux Serbes.
21 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des femmes détenues ?
22 Témoin VV (interprétation). - Oui, au dernier étage, il y avait
23 quelques femmes détenues.
24 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges l'âge
25 des hommes détenus ?
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1 Témoin VV (interprétation). - Cela allait de 16 ou 17 ans
2 jusqu'à 60 ans et au-delà.
3 M. Harmon (interprétation). - Vous venez de décrire comment vous
4 avez été emmené pour creuser les tranchées. Vous et les autres ont-ils été
5 emmenés à Mostar où les combats avaient lieu, non seulement sur les lignes
6 de front ?
7 Témoin VV (interprétation). - Quand je dis ligne de front, je
8 pensais à Mostar et à ses environs. La ligne de front était plutôt large.
9 A Mostar, il y avait des combats de rue. C'étaient les endroits les plus
10 dangereux.
11 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, permettez-moi
12 d'attirer votre attention sur cet endroit décrit sur la carte comme
13 Bijelo Polje. Vous nous avez dit que c'est là où vous avez eu les premiers
14 contacts avec les membres du HVO. Pourriez-vous dire aux Juges s'ils
15 avaient des uniformes ou des insignes, vous permettant de conclure qu'ils
16 étaient des membres du HVO ?
17 Témoin VV (interprétation). - Pour cette unité, je ne me
18 souviens pas des insignes, mais je me souviens des entretiens que j'ai eus
19 avec eux, pendant lesquels ils m'ont dit qu'ils étaient des membres HVO.
20 Ils m'ont parlé de leur détention en Slavonie par les Serbes et des
21 échanges, etc.
22 M. Harmon (interprétation). - A cet endroit particulier, de
23 combien vous et les autres détenus avaient été éloignés de la ligne de
24 front de l'armée bosniaque ?
25 Témoin VV (interprétation). - Entre 100 et 200 mètres.
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1 M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous vous trouviez à
2 cet endroit, les membres de HVO luttaient-ils contre les membres de
3 Hotbina ?
4 Témoin VV (interprétation). - Il y avait des échanges de coups
5 de feu d'infanterie.
6 M. Harmon (interprétation). – Maintenant, j'aimerais attirer
7 votre attention sur le deuxième endroit où vous avez vu des soldats
8 croates. C'est la localité de Blagaj. Cette unité avait-elle l'air d'une
9 unité organisée ?
10 Témoin VV (interprétation). - Oui, elle avait son commandement,
11 une structure.
12 M. Harmon (interprétation). - Avaient-ils des insignes qui
13 permettaient de comprendre qu'ils étaient de la Croatie ?.
14 Témoin VV (interprétation). - Pour ce groupe, non plus je ne me
15 souviens plus des insignes. Je me souviens des insignes de l'officier qui
16 est venu les voir. Il portait des insignes de l'armée croate.
17 M. Harmon (interprétation). - Vous souvenez-vous de ces
18 insignes ? Avez-vous vu plus tard cet officier à un autre endroit ?
19 Saviez-vous à quelle unité il appartenait ?
20 Témoin VV (interprétation). - Oui, plus tard, quand j'ai
21 travaillé dans la cuisine chez les Tigres, j'ai vu que cet officier était
22 leur supérieur. Son grade était celui de colonel.
23 M. Harmon (interprétation). - Concrètement, vous souvenez-vous
24 que cet officier a rendu visite à l'unité qui était en place à Blagaj ?
25 Témoin VV (interprétation). - Blagaj était un endroit sous
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1 contrôle de l'armée BH, mais dans le cas présent, il s'agit de la
2 montagne Kicin, près de Blagaj.
3 M. Riad (interprétation). - Les Tigres étaient-ils une unité
4 croate ?
5 M. Harmon (interprétation). - Oui, je pense avoir commis une
6 erreur. Les Tigres étaient une brigade de gardes de l'armée croate.
7 Témoin VV (interprétation). - Oui, c'était la première brigade
8 de gardes de l'armée croate.
9 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, j'aimerais que l'on
10 puisse passer à la pièce à conviction 401.
11 Vous avez dit que c'était la deuxième brigade de gardes connue
12 sous les noms des Eclairs. De quel endroit étaient-ils originaires ?
13 Témoin VV (interprétation). - La deuxième brigade de gardes
14 était originaire de Zagreb.
15 M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous étiez aux côtés
16 de la brigade
17 Eclairs, quels travaux étiez-vous forcé de faire ?
18 Témoin VV (interprétation). - Nous avons nettoyé des mortiers,
19 chargé des munitions.
20 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous personnellement pu voir
21 comment les membres des Eclairs de l'armée croate utilisaient les mortiers
22 pour faire des tirs sur les positions de l'armée croate ?
23 Témoin VV (interprétation) - A deux reprises, j'ai assisté aux
24 tirs d'artilleries vers l'armée bosniaque lorsque j'étais là.
25 M. Harmon (interprétation) - Est-ce que vous avez vu quel impact
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1 cela a eu, quelles conséquences ?
2 Témoin VV (interprétation) - J'ai vu une maison touchée,
3 atteinte.
4 M. Harmon (interprétation) - Vous avez dit qu'on vous faisait
5 retourner à l’Héliodrome et que le matin, on vous prenait pour vous
6 emmener sur différents emplacements, y compris celui-ci, c'est exact ?
7 Témoin VV (interprétation) - Oui, c'est exact.
8 M. Harmon (interprétation) - Pourriez-vous décrire le véhicule
9 utilisé pour vous faire transférer de l’Héliodrome jusqu'à cet emplacement
10 près de Blagaj.
11 Témoin VV (interprétation) - C'étaient des véhicules de
12 l'ex armée yougoslave, ils en avaient l'immatriculation.
13 M. Harmon (interprétation) - Les soldats que vous avez vus, qui
14 étaient membres des Eclairs, avaient-ils des insignes de l'armée croate ?
15 Témoin VV (interprétation) - Oui, des Eclairs.
16 M. Harmon (interprétation) - Maintenant, permettez-moi d'évoquer
17 cette quatrième occasion lorsque vous trouviez aux côtés des soldats de
18 l'armée croate. Vous avez dit que c'était au moment où vous travailliez
19 dans la cuisine, à l’Héliodrome. Vous avez donc travaillé aux côtés de la
20 première brigade, c'est-à-dire les Tigres originaires de Zagreb, comme
21 vous avez dit. Vous ont-ils semblé être une unité organisée ?
22 Témoin VV (interprétation) - Oui, complètement organisée.
23 M. Harmon (interprétation) - Et vous avez été en leur présence
24 pendant trois mois environ, c'est bien cela ?
25 Témoin VV (interprétation) - Oui, trois mois à peu près. Tous
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1 les matins, j'allais y travailler et je rentrais à la prison pour y dormir
2 tous les soirs.
3 M. Harmon (interprétation) - A votre connaissance, témoin VV,
4 est-ce que les membres de l'unité des Tigres ont engagé des combats contre
5 des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
6 Témoin VV (interprétation) - Je n'ai jamais vu cela, mais j'ai
7 entendu des soldats de leur armée, des soldats de l'unité des Tigres, qui
8 expliquaient qu'ils avaient joué un rôle très important en tant qu'unité
9 d'intervention, pour permettre à l'armée de Bosnie-Herzégovine de prendre
10 la colline de Hum qui domine la ville de Mostar.
11 M. Harmon (interprétation) - Donc vous avez eu la possibilité
12 d'entendre des soldats croates qui parlaient d'activités de combats dans
13 lesquels ils étaient eux-mêmes engagés, c'est bien cela ?
14 Témoin VV (interprétation) - Oui, j'ai entendu parler de ces
15 opérations sur la colline de Hum.
16 M. Harmon (interprétation) - J'aimerais vous poser une autre
17 question. Vous avez dit qu'on vous avait emmené dans divers lieux pour
18 vous contraindre à des travaux forcés et que des civils se voyaient
19 contraints à ces mêmes travaux forcés. Est-ce que vous mêmes, les
20 prisonniers de guerre, ou les civils, ont subi des blessures en raison de
21 ces travaux dangereux. ?
22 Témoin VV (interprétation) - J'ai vu à plusieurs reprises des
23 civils se faire blesser ou mourir.
24 M. Harmon (interprétation) - Mais qui étaient-ils ? Pouvez-vous
25 nous dire dans votre propre langage qui vous emmenait sur les lieux,
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1 qu'est-ce qui se passait exactement ?
2 Témoin VV (interprétation) - L'une des situations les plus
3 difficiles à laquelle j'ai assisté, s'est déroulée dans la rue Santivica
4 de Mostar. A Mostar, le plus souvent, il s'agissait de combats de rue. Il
5 arrivait très souvent que les positions du HVO et celles de l'armée de
6 Bosnie-Herzégovine se trouvent même dans le même bâtiment.
7 Un jour, les unités du HVO nous ont emmenés travailler à cet
8 endroit. Je parle de moi-même et quatre autres prisonniers. Nous avons
9 tous les cinq été contraints de transporter des débris par une fenêtre
10 vers les positions de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Et la distance que
11 nous avons dû couvrir était d'environ 15 mètres. Cette carcasse
12 d'automobile qu'il nous a fallu transporter n'avait pas de moteur. On a
13 donc pu retourner le véhicule.
14 J'ajouterai que, puisqu'il nous est apparu manifestement que ce
15 travail était impossible à réaliser, personne n'a même essayé de le
16 réaliser. A ce moment-là, les soldats du HVO tiraient au-dessus de nos
17 têtes en nous menaçant de mort si nous et n'effectuions pas cette tâche.
18 Lorsque nous avons essayé de retourner cette carcasse d'automobile pour la
19 première fois, des coups de feu ont commencé à venir depuis le bunker de
20 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
21 Un prisonnier est resté sur place, tué, et deux autres ont été
22 grièvement blessés. L'un des ces deux prisonniers grièvement blessés était
23 un civil, j'en suis certain parce qu'il dormait au même endroit que moi.
24 Pour ce qui concerne le deuxième prisonnier blessé, je ne le connaissais
25 pas.
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1 M. Harmon (interprétation) - Vous avez dit qu'il dormait dans la
2 même pièce que vous. Mais combien y avait-il d'autres prisonniers dans
3 cette pièce ? Et parmi eux, combien ont été blessés ou tués en raison des
4 activités qu'ils étaient contraints d'effectuer sur les lignes de front.
5 Témoin VV (interprétation) - Dans la pièce où je me trouvais, il
6 y avait d'après mes souvenirs, de 80 à 100 personnes. Aujourd'hui, je me
7 rappelle quatre ou cinq d'entre eux qui ont été blessés ou tués.
8 M. Harmon (interprétation) - Pouvez-vous dire aux Juges ce qui
9 s'est passé au moment où des boucliers humains ont été pris autour du
10 village de Rastani ?
11 Témoin VV (interprétation) - En 1993, l'armée de
12 Bosnie-Herzégovine a pris le village de Rastani, qui se trouve au nord de
13 Mostar. Dès le lendemain, des unités du HVO ont essayé de reprendre cet
14 endroit. Au cours de ces combats, les membres du HVO ont eu des pertes,
15 des blessés et des tués. Cette tentative de reprendre Rastani, s'est
16 déroulée dans des conditions particulièrement difficiles, de sorte qu'il a
17 été impossible d'évacuer tous les blessés et tous les morts. Ils ont donc
18 organisé un groupe de prisonniers dont je faisais partie, et nous ont
19 emmenés dans la direction des combats. Ils surveillaient nos mouvements à
20 partir de positions situées dans notre dos.
21 Au moment où nous nous sommes approchés de la ligne de
22 confrontation, nous sommes entrés en contact avec deux groupes du HVO qui
23 ont décidé de diviser notre groupe en deux. Ils nous ont donc déployés par
24 groupe de quatre sur les lieux et ont constitué un mur humain qui leur
25 permettait d'avancer derrière nous pour chercher un endroit où s'abriter
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1 en toute sécurité.
2 Au cours de ces déplacements, eux se cachaient derrière le mur
3 que nous formions. Néanmoins, dans le groupe dont je faisais partie,
4 personne n'a été blessé ou tué. Quant au deuxième groupe, quelques
5 prisonniers ont été déclarés plus tard disparus. Pour certains d'entre
6 eux, nous ne savons rien de leur destin, même encore à l'heure actuelle,
7 mais d'autres ont réussi, ce jour-là, à passer du côté de l'armée de
8 Bosnie-Herzégovine.
9 M. Harmon (interprétation). - Pour finir, Monsieur VV, vous avez
10 passé neuf mois en captivité. Combien de kilos avez-vous perdu en raison
11 de cette captivité ?
12 Témoin VV (interprétation). - Je pesais environ 90 kilos lors de
13 mon arrestation et à la fin de ma captivité, je n'en pesais plus que 72.
14 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas
15 d'autre question à adresser au témoin VV et je demande le versement au
16 dossier de la pièce à conviction de l'accusation 401.
17 M. le Président. - Merci. Témoin VV, vous allez maintenant être
18 interrogé par les conseils du général Blaskic, l'accusé, ici présent. Il
19 s'agit de M. Nobilo.
20 M. Nobilo (interprétation). - Bonjour, Témoin VV.
21 Témoin VV (interprétation). - Bonjour, Monsieur.
22 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit avoir été membre de
23 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Pouvez-vous me dire s'il est exact que
24 votre unité dépendait du HVO, sur cette partie du front nord ?
25 Témoin VV (interprétation). - Je ne pourrais pas dire avec
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1 exactitude qu'elle dépendait du HVO. Il est exact que, dans ce secteur,
2 notre unité a déterminé ses positions après avoir obtenu une autorisation
3 du HVO. Suite aux pourparlers, une solution de compromis a été élaborée.
4 M. le Président. - Pour les questions posées, vous écoutez bien
5 sûr Maître Nobilo, à votre gauche, mais pour y répondre, vous vous tournez
6 vers les Juges.
7 Témoin VV (interprétation). - Je vous prie de m'excuser.
8 M. Nobilo (interprétation). - J'en arrive à ma deuxième
9 question. La municipalité de Stoljas était-elle contrôlée par les Serbes ?
10 Témoin VV (interprétation). - Au début de la guerre, c'était le
11 cas.
12 M. Nobilo (interprétation). - Apparemment, une erreur de
13 traduction a été commise. Je reprends donc ma question. Je vous demandais
14 si la municipalité de Stoljas était sous le contrôle des Serbes ?
15 Témoin VV (interprétation). - Au début de la guerre, oui.
16 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré qu'au mois de
17 mai, des conflits ont commencé entre le HVO et l'armée de Bosnie-
18 Herzégovine, à Mostar, là même où un ultimatum avait été lancé exigeant la
19 restitution des armes et où certains combats ont commencé un mois plus
20 tard, est-ce exact ? Entre le mois de mai et juin, tout était-il
21 tranquille, à l'endroit où vous vous trouviez ?
22 Témoin VV (interprétation). - Aucun conflit entre l'armée de
23 Bosnie-Herzégovine et le HVO n'est apparu.
24 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que des menaces
25 ont été proférées contre les familles des combattants. Je n'ai pas très
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1 bien compris de quoi il s'agissait. Pourriez-vous le préciser ?
2 Témoin VV (interprétation). - Il a été confirmé que ces menaces
3 n'étaient pas authentiques, mais elles ont eu une affluence sur les
4 membres de mon unité.
5 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous étiez membre de l'armée
6 de Bosnie-Herzégovine, vous apparteniez à un groupe chargé des
7 transmissions, mais à quel niveau, celui de la brigade, du corps d'armée ?
8 Témoin VV (interprétation). - Mon unité s'appelait une brigade
9 mais, étant donné le nombre de ses éléments, elle n'avait rien d'une
10 brigade.
11 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que des civils, y
12 compris des femmes, ont été transférés à l'Héliodrome. Ces personnes sont-
13 elles restées à l'Héliodrome ou sont-elles retournées à Mostar ?
14 Témoin VV (interprétation). - Elles sont restées longtemps à
15 l'Héliodrome.
16 M. Nobilo (interprétation). - En ce qui concerne les civils
17 arrêtés, pouvez-vous nous dire si nous sommes en droit de les définir
18 comme des civils en âge de combattre, en âge de porter les armes ?
19 Témoin VV (interprétation). - Pas tous.
20 M. Nobilo (interprétation). - A votre avis, à quel âge un homme
21 peut-il porter les armes ?
22 Témoin VV (interprétation). - Certains hommes étaient mineurs et
23 d'autres, d'après l'estimation que nous pouvions faire de leur âge et de
24 leur condition physique, auraient en aucun cas pu porter les armes.
25 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous au courant de l'offre
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1 émanant du HVO, faite aux personnes arrêtées à l'Héliodrome, selon
2 laquelle les prisonniers auraient pu sortir, à condition de s'éloigner de
3 la guerre et de la Bosnie-Herzégovine ?
4 Témoin VV (interprétation). - Je suis au courant.
5 M. Nobilo (interprétation). - Cette offre a-t-elle été acceptée
6 par quiconque ?
7 Témoin VV (interprétation). - Certains détenus l'ont acceptée.
8 M. Nobilo (interprétation). - Pour préciser les choses, votre
9 brigade faisait bien partie de votre 4e Corps d'armée, n'est-ce pas ?
10 Témoin VV (interprétation). - Oui.
11 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré être entré en
12 contact avec des soldats qui affirmaient faire partie des Tigres, mais
13 vous n'avez pas vu leur insigne. Pouvez-vous nous dire si la conversation
14 a porté sur le fait qu'ils étaient venus de force ou s'ils étaient venus
15 en tant que volontaires ? Savez-vous quoi que ce soit sur les conditions
16 dans lesquelles ils sont arrivés en Bosnie-Herzégovine ?
17 Témoin VV (interprétation). - Je ne sais pas de quel contact
18 vous parlez. Les trois derniers mois de mon séjour, lorsque je travaillais
19 auprès des Tigres, j'ai vu les insignes très clairement.
20 M. Nobilo (interprétation). - Je pensais à votre premier
21 contact, mais cela n'a pas d'importance. Au cours de vos conversations
22 avec les membres des Eclairs ou des Tigres, ces soldat vous ont-ils fait
23 savoir, d'une manière ou d'une autre, que ces soldats étaient volontaires
24 sur le front ?
25 Témoin VV (interprétation). - Je n'ai pas pu tirer cette
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1 conclusion.
2 M. Nobilo (interprétation). - Leur avez-vous posé la question ?
3 Témoin VV (interprétation). - Un prisonnier n'est pas en mesure
4 de poser ce genre de question.
5 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez, par la suite, cité un
6 certain nombre de lieux, dans lesquels vous avez creusé des tranchées.
7 Vous avez dit avoir vu, dans certains de ces endroits, des membres de
8 l'armée croate. Pouvez-vous nous dire à quelle distance se trouvaient les
9 positions serbes, par rapport à ces lieux ?
10 Témoin VV (interprétation). - Les positions serbes se trouvaient
11 à 3 ou 4 kilomètres de Hotbina.
12 M. Nobilo (interprétation). - Et Blagaj ?
13 Témoin VV (interprétation). - Hotbina est tout près de Blagaj.
14 Les Serbes ne pouvaient pas avoir de positions à Blagaj, puisque c'était
15 sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
16 M. Nobilo (interprétation). - Quelle était la position la plus
17 près de Blagaj ?
18 Témoin VV (interprétation). - Elle se trouvait à quelques
19 kilomètres.
20 M. Nobilo (interprétation). - Avant d'être arrêté lorsque vous
21 étiez encore avec le HVO, sur les lignes de front contre les Serbes, avez-
22 vous vu des officiers ou des soldats de l'armée croate ?
23 Témoin VV (interprétation). - Non.
24 M. Nobilo (interprétation). - Combien pesez-vous aujourd'hui ?
25 Témoin VV (interprétation). - 93 kilos.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions,
2 Monsieur le Président.
3 M. le Président. - Avez vous des précisions, Maître Harmon ?
4 M. Harmon (interprétation). - Non, Monsieur le Président.
5 M. le Président. - Monsieur le Juge Riad, avez-vous des
6 questions ?
7 M. Riad (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
8 Bonjour, Témoin VV
9 Témoin VV (interprétation). - Bonjour, Monsieur.
10 M. Riad (interprétation). - J'aimerais vous poser des questions
11 pour éclaircir mes idées. Vous avez parlé des Eclairs. S'agit-il d'une
12 brigade croate ou de Bosnie ?
13 Témoin VV (interprétation). - C'est une brigade de l'armée
14 croate.
15 M. Riad (interprétation). - Elle l'est totalement, n'est-ce
16 pas ? Vous avez déclaré qu'elle tirait sur les positions de l'armée
17 bosniaque, mais d'où tirait-elle ? Tirait-elle depuis la Croatie ou depuis
18 les positions qui se trouvaient en Bosnie ?
19 Témoin VV (interprétation). - Ces positions se trouvaient sur le
20 territoire de la Bosnie-Herzégovine.
21 M. Riad (interprétation). - Vous avez également mentionné les
22 Tigres que vous avez vu lorsque vous travailliez dans la cuisine. Où cela
23 se passait-il, à Mostar ?
24 Témoin VV (interprétation). - Cela se passait à l'Héliodrome,
25 dans l'enceinte de la caserne. L'Héliodrome a été transformé en caserne à
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1 Mostar.
2 M. Riad (interprétation). - C'était donc une caserne du HVO.
3 Témoin VV (interprétation). - Oui.
4 M. Riad (interprétation). - Les tigres étaient-ils bien des
5 Croates ?
6 Témoin VV (interprétation). - Oui, c'était une unité de l'armée
7 de Croatie
8 M. Riad (interprétation). - Les unités du HVO et celles de
9 Croatie se trouvaient-elles au même endroit ?
10 Témoin VV (interprétation). - Oui, dans l'enceinte de cette
11 grande caserne.
12 M. Riad (interprétation). - Je vois. Vous avez déclaré également
13 avoir entendu dire que les Tigres avaient empêché l'armée de Bosnie-
14 Herzégovine de reprendre la colline de Hum. Où cela se situe-t-il ?
15 Témoin VV (interprétation). - La colline d'Hum est une colline
16 aride qui domine la ville et le centre de Mostar.
17 M. Riad (interprétation). - Lorsque vous parlez des Tigres, vous
18 parlez bien d'une unité croate ?
19 Témoin VV (interprétation). - Je pense à une unité de l'armée de
20 Croatie.
21 M. Riad (interprétation). - Vous avez déclaré également que les
22 soldats devaient se cacher derrière les corps des prisonniers pour
23 atteindre un lieu sûr et que vous avez été utilisé comme bouclier humain.
24 Ces soldats étaient-ils des soldats croates ou du HVO ?
25 Témoin VV (interprétation). - C'étaient des soldats du HVO.
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1 M. Riad (interprétation). - Du HVO ?
2 Témoin VV (interprétation). - Oui.
3 M. Riad (interprétation). - Pour finir, vous dites avoir perdu
4 une vingtaine de kilos. Vous faisiez 90 kilos et, lorsque vous êtes sorti,
5 vous faisiez 72 kilos. Les conditions de captivité étaient-elles si
6 mauvaises ? Ne vous alimentait-on pas ? Pourquoi et comment avez-vous
7 perdu autant de poids ?
8 Témoin VV (interprétation). - On ne peut pas dire qu'on mourrait
9 de faim à l'Héliodrome, mais je crois que j'ai perdu tout ce poids à cause
10 du travail pénible qu'on nous faisait faire sur les lignes de front.
11 M. Riad (interprétation). - Y avait-il des passages à tabac, des
12 mauvais traitements ?
13 Témoin VV (interprétation). - J'ai reçu quelques coups à
14 plusieurs reprises, mais les autres prisonniers n'ont pas eu la même
15 chance.
16 M. Riad (interprétation). - Il y a donc eu pire que cela. Ils
17 ont reçu davantage de coups. Que leur est-il arrivé ?
18 Témoin VV (interprétation). - Un ami à moi a été obligé de
19 garder les mains sur la tête et les yeux ouverts, de rester assis sur le
20 sol, pendant qu'un groupe de soldats se défoulait en le frappant. Il en
21 est sorti complètement violet.
22 M. le Président. - Merci, monsieur le témoin VV. Je n'ai moi-
23 même pas de questions. Le Tribunal vous remercie de votre témoignage. A
24 présent, vous pouvez rejoindre votre domicile, s'il vous en reste un.
25 Monsieur le Procureur va demander maintenant à l'huissier de
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1 raccompagner le témoin VV.
2 Vous allez ensuite nous exposer la suite de votre programme
3 d'audition.
4 (Le témoin quitte la salle.)
5 M. Kehoe (interprétation). - Nous avons encore deux témoins pour
6 la journée d'aujourd'hui. Je ne pensais pas commencer l'audition du
7 troisième témoin avant le déjeuner. Nous pouvons le faire car il est là.
8 M. le Président. - Je vous félicite pour vos qualités et vos
9 capacités d'effort de synthèse. Vous êtes synthétique et donc vous voyez
10 qu'on va beaucoup plus rapidement. Vous ne croyez pas en vous. Cela veut
11 dire que nous n'avons plus de témoins à l'heure actuelle. Nous allons
12 suspendre. Ce sera très bien pour les interprètes. Nous terminerons
13 vendredi en fin de matinée.
14 Essayez de vous organiser. Je tiens à vous féliciter. Vous avez
15 pu mener votre interrogatoire comme vous le souhaitiez, en allant à
16 l'essentiel par rapport au résumé. Je vous demande de continuer dans cette
17 voie. Je remercie également la défense qui a essayé de concentrer ses
18 questions par rapport à l'interrogatoire principal. Nous reprendrons à
19 14 heures 30. L'audience est suspendue.
20 L’audience est suspendue à 12 heures 25.
21 L’audience est reprise à 14 heures 30.
22 M. le Président. - L’audience est reprise. Introduisez l’accusé.
23 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)
24 M. le Président. - Maître Kehoe, c’est vous qui poursuivez pour
25 l’accusation.
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1 M. Kehoe (interprétation). - C’est exact, Monsieur le Président,
2 merci.
3 Monsieur le Président, bon après-midi, messieurs les Juges. Le
4 témoin suivant sera un témoin non protégé. Il ne sera pas protégé du tout.
5 Il va parler d'une zone située aux environs de Mostar et, si vous me
6 permettez de me servir du rétroprojecteur un instant, il s'agit de la
7 pièce à conviction 306, vous verrez que la zone de Mostar est indiquée en
8 vert et juste à gauche, vous voyez une ville qui s'appelle Rodoz. Vous
9 avez entendu cette zone décrite par les termes « Héliodrome », ce matin.
10 Quand on parlait de l’Héliodrome, c’était situé dans cette région-là.
11 M. le Président. - Rodoz, se prononce comment pour nous ?
12 M. Kehoe (interprétation). - Rodoz, Monsieur le Président.
13 M. le Président. - Merci.
14 M. Kehoe (interprétation). - Si nous continuons d'aller vers le
15 sud-est de Rodoz, il y a une autre ville qui s'appelle Citluk. C’est un
16 autre lieu dont nous allons parler.
17 Le témoin que vous allez entendre, Monsieur le Président,
18 Messieurs les Juges, s’appelle Dragan Becirovic. Au moment des événements
19 dont il vous parlera, il avait à peu près 14 ans, lui et son frère jumeau.
20 Nous allons, par son truchement, parler d’un certain nombre d’événements
21 qui ont eu lieu juste avant l’éclatement des hostilités entre le HVO et
22 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui ont commencé en mai 1993.
23 On va vous parler de la présence de forces de la République de
24 Croatie, les troupes connues ici même sous les noms de troupes « HV ». Il
25 vous dirait qu'il avait vu des soldats HV,
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1 dans des cafés, à l’Héliodrome. Qu’il avait vu des plaques
2 d'immatriculation HV sur des voitures et des camions circulant dans la
3 zone de Mostar. Il vous parlera ensuite d'événements survenus après
4 l'éclatement des hostilités, le 9 mai 1993, l'arrestation de plusieurs
5 milliers de Musulmans de Bosnie. On a même dit que huit ou neuf mille
6 d’entre eux avaient été arrêtés dans la zone de l’Héliodrome où la plupart
7 d’entre eux avaient été détenus près de Mostar.
8 Il vous parlera aussi du blocus de la région de Mostar entre le
9 9 mai 1993 et le 30 juin 1993. Ensuite, il vous parlera de ce qui est
10 intervenu après le 30 juin 1993, lorsque la purification ethnique
11 affectant les Musulmans de Bosnie à l’ouest de Mostar a commencé de
12 manière systématique.
13 Il vous parlera, notamment, de la manière dont le HVO, au départ
14 les unités de police militaire essentiellement, ont rassemblé tous les
15 hommes en faisant du porte à porte, en allant les chercher dans leurs
16 appartements et maisons de la région de Mostar.
17 Au cours d’un de ces événements, le 30 mai, vers 17 heures, le
18 père de ce témoin allait être pris par ces troupes. Ce soir-là d’ailleurs,
19 vers 10 heures du soir -il est assez ironique d’ailleurs de noter que cela
20 fait cinq ans, jour pour jour, que les faits sont intervenus-, la police
21 militaire HV et non pas HVO, la police militaire de la République de
22 Croatie est venue à l’appartement et a pris son frère aîné, sa mère.
23 Dragan et son frère jumeau, Goran, ont été placés dans un véhicule et
24 menés dans un dépôt d’ordures dans la zone de Citluk. C’est alors qu’on a
25 commencé à exécuter les victimes à bout portant. Peut-être non pas
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1 vraiment à bout portant, mais à quelques mètres à peine.
2 La mère a été exécutée par ces troupes HV, le frère a été
3 exécuté par ces mêmes troupes HV et le frère, Goran, avait été grièvement
4 blessé. Dragan, tout en étant blessé, avait réussi à se sortir de la
5 décharge d’ordures et à aller chercher de l’aide, ce qu’il réussit à
6 faire. Il vous expliquera comment il a fait pour obtenir de l’aide et
7 comment on a sauvé la vie de son frère en l’amenant dans un hôpital à
8 Mostar.
9 Le témoin vous parlera également des visites qu’ont continué de
10 lui faire les troupes HV, une fois qu’elles ont appris que les deux
11 jumeaux, Goran et Dragan, n’avaient pas péri la nuit du 30 juin. Il est
12 assez intéressant d'ailleurs de voir qu'il y a eu une visite d'un colonel
13 des services secrets de l'armée de Croatie qui est venu à l’hôpital pour
14 poser des questions à ces deux garçons.
15 Outre ces questions-là, nous parlerons aussi avec le témoin des
16 prisonniers qui étaient amenés à l’hôpital au cours de la période où
17 Dragan Becirovic a séjourné à l’hôpital.
18 Le témoin de ce matin avait parlé d’une rue de Mostar qui porte
19 le nom de « Santiceva ». C’est là que beaucoup de Musulmans étaient
20 arrêtés et fusillés. Les deux garçons étaient à l’hôpital, se remettant
21 des blessures qu’ils avaient reçues, lorsque certains de ces Musulmans de
22 Bosnie, qui avaient été pris dans les camps et à qui on avait demandé de
23 creuser des tranchées dans la rue Santiceva, sont entrés à l’hôpital, eux-
24 mêmes blessés.
25 Le témoin vous parlera de discussions qu’il a eues avec certains
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1 de ces individus, dont certains étaient arrivés de Blagaj et donc ne
2 venaient pas simplement de la région de Mostar.
3 Il vous parlera aussi des Tigres, cette unité HV dont on a parlé
4 ce matin, et de la participation des Tigres à la reprise de ce point du
5 relief qui porte le nom « Mont Hum » dont vous avez entendu parler ce
6 matin et qui avait été attaqué par l’armée de la Bosnie-Herzégovine.
7 Les Tigres ont participé à la reprise de Hum.
8 Enfin, le témoin vous parlera du départ de Mostar, de la manière
9 dont il s’est échappé de Mostar, en passant par Zagreb, avec l’aide du
10 HCR, et de son départ, à terme, pour un pays tiers. Les éléments auxquels
11 fera référence ce témoin feront référence à divers points de l'acte
12 d'accusation. On parlera du chef d'accusation 1 qui parle de « la
13 persécution généralisée de la population musulmane de Bosnie ». Il parlera
14 de l’aspect systématique et généralisé de la
15 persécution subie par la population musulmane.
16 Comme mon collègue, M. Harmon, l’a dit ce matin, le chef
17 d'accusation 2 parle de « conflit armé international » et la participation
18 des troupes HV de la République de Croatie contribue à affirmer le
19 caractère international du conflit dont il s’est agit.
20 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, voici pour le
21 résumé succinct du témoignage que vous allez entendre et la mention des
22 chefs d’accusation dont il sera question et auquel il sera fait référence.
23 M. le Président. - Je vous remercie, Maître Kehoe. Je vérifiais
24 le problème du serment. Ce témoin est majeur à l'heure actuelle, n'est-ce
25 pas Monsieur le Greffier ?
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1 M. Kehoe (interprétation). - Oui, il avait 14 ans au moment des
2 faits, il y a cinq ans. Il est donc majeur aujourd'hui, à supposer que la
3 majorité soit à 18 ans.
4 M. le Président. - Quel est le texte ? C'est la disposition
5 générale.
6 M. Dubuisson. - En ce qui concerne l'âge des témoins, je ne
7 pense pas qu'il soit précisé.
8 M. le Président. - Il s'agit de l'article 90. Cet article
9 prévoit que l'enfant qui ne comprend pas, peut témoigner sans cette
10 formalité mais nous n'avons pas de disposition. Maître Nobilo, dans l'ex-
11 Yougoslavie, quel est l'âge de la majorité ?
12 M. Nobilo (interprétation). - 18 ans, Monsieur le Président.
13 M. le Président. - Quel âge a ce garçon, aujourd'hui ?
14 M. Kehoe (interprétation). - Je crois, Monsieur le Président,
15 que le témoin est âgé de 19 ou près de 20 ans. Il a en tous cas plus de
16 18 ans.
17 M. le Président. - Il prêtera serment dans des conditions tout à
18 fait normales. Nous pouvons introduire M. Becirovic. Nous sommes en
19 audience publique.
20 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
21 M. le Président. - Bonjour. Etes-vous Monsieur Dragan
22 Becirovic ?
23 M. Becirovic (interprétation) - Oui, Monsieur le Président.
24 M. le Président. - Quel âge avez-vous ? Quelle est votre
25 profession ?
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1 M. Becirovic (interprétation) - J'ai 20 ans et je suis
2 étudiant.
3 M. le Président. - Avant de vous asseoir, vous allez lire la
4 déclaration solennelle qui est le serment que vous devez prêter devant ce
5 Tribunal.
6 M. Becirovic (interprétation) - Je déclare solennellement que
7 je dirai la vérité, toute la vérité rien que la vérité.
8 M. le Président. - Vous êtes venu à la demande du Bureau du
9 Procureur pour témoigner, pour l'accusation, dans le cadre du procès
10 intenté devant le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie
11 contre le général Blaskic, l'accusé ici présent.
12 Parlez sans haine et sans crainte. Détendez-vous. Les événements
13 dont vous avez souffert, sont difficiles. Si vous avez besoin de vous
14 interrompre, n'hésitez pas à le demandez. Faites votre déposition
15 librement. Le Procureur nous a expliqué quelle est la trame générale de
16 ces événements. Sentez-vous très libre pour parler avec vos mots, votre
17 sensibilité de ce qui s'est passé. Le Procureur va vous poser quelques
18 questions. Ensuite, vous témoignerez. Après le Procureur, bien entendu,
19 vous le savez, les avocats de l'accusé vous poseront vraisemblablement des
20 questions dans le cadre du contre-interrogatoire. Les Juges également
21 seront certainement amenés à vous poser des questions. Monsieur le
22 Procureur, c'est à vous.
23 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie,
24 Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur Becirovic.
25 Vous venez de dire à Monsieur le Président, que vous étiez âgé
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1 de 20 ans, est-ce exact ?
2 M. Becirovic (interprétation) - Oui.
3 M. Kehoe (interprétation). - Etes-vous un Musulman de Bosnie ?
4 M. Becirovic (interprétation) - Oui, c'est bien cela.
5 M. Kehoe (interprétation). - Avant que la guerre n'éclate en
6 mai 1993, vous habitiez à Mostar avec votre mère, votre père, votre frère
7 aîné et votre frère jumeau Goran, n'est-ce pas ?
8 M. Becirovic (interprétation) - Oui.
9 M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges en
10 utilisant vos propres mots ce qui vous est arrivé juste avant que
11 n'éclatent les hostilités à Mostar., ainsi que du 9 mai au 30 juin, date à
12 laquelle les hostilités ont éclaté. Puis ce qui s'est passé le 30 juin,
13 jusqu'au moment où vous avez quitté la ville de Mostar ? Pouvez-vous
14 regarder les Juges et leur raconter cela ?
15 M. Becirovic (interprétation) - Le 9 mai, une attaque de la
16 part des unités croates contre les unités de l'armée de Bosnie a eu lieu
17 le matin. A l'époque, j'étais avec ma famille dans notre appartement.
18 L'attaque a débuté vers 5 heures du matin. Vers 9 heures, la population
19 musulmane, les Bosniaques, ont commencé d'être extirpés de leurs
20 appartements et regroupés au stade. Du stade, on les a emmenés vers le
21 camp de l'Héliodrome. Notre immeuble était protégé par un individu dont
22 j'ignore le nom. Le résultat est que personne n'a été pris dans notre
23 immeuble. En revanche, d'autres immeubles de Mostar ont ainsi été visités
24 et plus de 8 000 personnes ont été regroupées.
25 Par la suite, les unités de Croatie se sont rendu compte que
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1 même les malades avaient été ainsi rassemblés. Au cours des deux ou trois
2 jours suivants, on a commencé à relâcher les personnes pour lesquelles
3 aucune preuve de leur appartenance à l'armée BH ou de leur résistance aux
4 forces croates n'était fondée.
5 M. Riad (interprétation). – Je voudrais sa voir de la bouche du
6 témoin, s’il
7 s'agissait d'unité HVO ou de forces croates.
8 M. Kehoe (interprétation). - J'allais poser la même question.
9 Avez-vous compris ce que le Juge Riad vient de vous demander ? Nous
10 voudrions que vous fassiez, dans la mesure du possible, la distinction
11 entre troupes HVO et troupes HV ?
12 M. Becirovic (interprétation). – L'attaque était le fait des HVO
13 qui venaient du côté occidental de la rivière. Et elles attaquaient les
14 armées de Bosnie-Herzégovine qui étaient dans le centre-ville. Lorsque le
15 commandement de l’armée de Bosnie-Herzégovine est tombé, l'attaque a fini
16 par concerner toute la ville de Mostar, de telle sorte qu'on a vu
17 apparaître des lignes de front et on a commencé à assister à des tirs de
18 snipers. Nombreux étaient ceux qui ignoraient qu'on en était arrivé à ce
19 stade-là. La plupart d'entre eux ont, bien entendu, été tués par des
20 snipers. La plupart d’entre eux étaient des Croates qui n'avaient pas
21 conscience de ce qui se passait. C’était une situation totalement absurde.
22 Donc, l'attaque était menée par les troupes HVO. Dans les
23 quelques jours qui ont suivi, ils se sont rendus compte qu'ils ne
24 pouvaient pas prendre Mostar sans encourir des pertes très importantes.
25 Ils leur fallait des renforts et c’est à ce moment-là qu’ils ont adopté
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1 une nouvelle tactique. La partie orientale de Mostar, contrôlée par
2 l’armée de Bosnie-Herzégovine était bloquée. C'était une forme de
3 pression. On voulait exercer des pressions pour que cette armée se rende
4 sans qu’il y ait forcément des combats. Par la suite, ils ont ramassé la
5 population musulmane de la partie occidentale de la ville qu’ils
6 contrôlaient. Ces personnes ont été regroupées dans des camps puis triés
7 en catégories, en fonction de critères adoptés par ces troupes
8 elles-mêmes. Certaines de ces personnes étaient alors envoyées en prison.
9 Il s'agissait essentiellement de membres de l'armée de
10 Bosnie-Herzégovine, dans des prisons militaires, le reste de la population
11 civile a été placé dans des hangars sur les terrains de l’Héliodrome.
12 Comme je l’ai dis, au cours des jours qui ont suivi, certaines personnes
13 ont été relâchées, des personnes qui étaient malades qui avaient besoin de
14 traitements médicaux. Ces
15 personnes ont été relâchées, on les a laissées rentrer chez elles, rentrer
16 en ville. Par la suite, sous la pression de la communauté internationale,
17 et d'autres événements, peu à peu, le reste de la population a également
18 été relâché.
19 Je ne peux pas vous dire exactement quels étaient les chiffres
20 exacts. Mais à peu près 7 000 personnes sur 8 000 ont été relâchées.
21 Pendant cette période, ma famille ne savait plus très bien comment s’y
22 retrouver. Tout à coup, nous devions cacher le fait que nous étions
23 musulmans parce que nous risquions gros à ce que cela se sache. C'était un
24 peu une situation semblable à celle des juifs sous le troisième Reich.
25 Nous avons continué, mon jumeau et moi-même, à aller à l'école. Nous
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1 devions parler croate, il y a des différences entre le Croate et la langue
2 que je parle en tant que langue maternelle - de manière à ne pas être
3 repérés. Et cette situation s'est poursuivie jusqu'au 30 juin. C'est à ce
4 moment-là, que des membres de la police militaire sont venus…
5 M. Kehoe (interprétation). - Avant que vous ne commenciez à nous
6 parler du 30 juin. Vous aviez dit que vous deviez cacher le fait que vous
7 étiez musulmans. Pouvez-vous dire aux Juges pourquoi vous deviez cacher le
8 fait que vous étiez musulmans ?
9 M. Becirovic (interprétation). – Oui. Nous devions cacher ce
10 fait, parce que, montrer que nous étions musulmans avait pour conséquence
11 de se faire tuer d'un instant à l'autre par des personnes qui
12 bénéficiaient d'une impunité considérable et qui n’allaient être tenues de
13 faire de rapport à personne. A l'époque, rien ne marchait plus. La police
14 ne marchait plus. Ces personnes pouvaient faire tout ce qu'elles
15 voulaient. Il y avait des apparences de fonctionnement de la police, mais
16 ce n’était pas un véritable fonctionnement de la police. Je vais vous
17 donner un exemple : à un moment donné, ils sont venus pour prendre notre
18 automobile, ils ont dit qu’ils avaient besoin de notre voiture. Et lorsque
19 la police est venue pour nous enlever notre bien, elle n'a en fait rien
20 fait, c'est là une preuve de dysfonctionnement de la police. Par la suite,
21 cette situation avec les musulmans est devenue absolument intenable. On ne
22 pouvait plus vivre
23 comme ça. On ne peut pas, sans arrêt, vivre cacher. C'est vraiment tout à
24 fait comparable avec ce qu’ont vécu les juifs. Je ne peux même pas vous
25 décrire cette situation. Il n'y a pas eu de mauvais traitements infligés
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1 mais il fallait se cacher. Par la suite, vers le milieu de cette période,
2 qui a donc couru du 9 mai jusqu'au 30 juin, deux officiers de la police
3 militaire sont venus voir quelqu'un, dont ils avaient compris qu'il était
4 membre de la police militaire de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
5 Ils ont appris de cette personne que mon frère aîné, qui était
6 un membre de la MUP de Bosnie-Herzégovine, qui donc dépendait du ministère
7 de l'Intérieur, travaillait au vieux pont. Mon frère aîné travaillait là
8 en tant qu’interprète. Il pilotait les journalistes en ville. Il leur
9 expliquait comment avait été la ville. Il avait eu ce travail grâce à ma
10 mère.
11 M. le Président. - Votre frère jumeau ou votre frère aîné ? La
12 traduction a dit « mon frère aîné ».
13 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’est bien cela, je
14 parlais de mon frère aîné. Mon frère jumeau avait 14 ans à l’époque.
15 M. le Président. - Vous aviez donc un autre frère encore, c’est
16 cela ?
17 M. Becirovic (interprétation). - Oui.
18 M. le Président. - Je vous remercie. Excusez-moi.
19 M. Becirovic (interprétation). - Mon frère avait dû rejoindre
20 l'armée parce que les personnes qui n'étaient pas mobilisées étaient
21 envoyées directement au front. Comme ma mère travaillait au ministère de
22 l'Intérieur, elle avait réussi à lui trouver un emploi ailleurs qu'au
23 front, dans un bureau, pour éviter qu'il ne se fasse tuer. C'était
24 beaucoup plus difficile d'être au front. C'est ainsi que mon frère a
25 trouvé ce travail d'interprète au service du ministère de l'Intérieur. Il
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1 travaillait au point de contrôle, au barrage qui était situé au vieux
2 pont.
3 Je reviens à mon histoire. Cette personne qui a dit que mon
4 frère travaillait pour le ministère de l'Intérieur, a été arrêtée avec mon
5 frère. Je ne sais pas quelle était la date exacte,
6 mais c’était vers le milieu de cette période qui coure du 9 mai au
7 30 juin.
8 Ce même jour où a été arrêté mon frère, il a été mené au siège
9 de la police militaire de Mostar, c’était à l’université. Il a été détenu
10 en ce lieu et comme mon père connaissait, à titre personnel, un certain
11 nombre de personnes, c’étaient des amis de la famille qui travaillaient en
12 ces lieux, qui étaient membres de la police militaire du Conseil de la
13 Défense de Croatie, il est intervenu. Mon frère n’étant qu’interprète, ce
14 n’était pas une personne importante pour la police militaire du HVO, il a
15 été relâché et on lui a donné le droit de rentrer à la maison.
16 Nous en arrivons maintenant à la date du 30 juin. Le 30 juin a
17 commencé l’attaque de l’armée de Bosnie-Herzégovine. Ils ont attaqué les
18 positions du HVO dans la partie nord de Mostar, le camp nord afin de lever
19 le siège et de permettre à nouveau les communications avec Sarajevo. Les
20 personnes qui vivaient dans la partie orientale de Mostar étaient en train
21 de mourir de faim.
22 M. Kehoe (interprétation). - J’aimerais éclaircir un point. La
23 partie orientale de Mostar, à l’époque, était une zone essentiellement
24 musulmane de la ville de Mostar ?
25 M. Becirovic (interprétation). - Non, ce n'est pas exact. Toute
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1 la ville de Mostar était caractérisée par une population musulmane
2 bosniaque, de l'ordre de 70 %. Ce sont les zones avoisinantes qui étaient
3 tenues par les Croates. Les villages des environs étaient des villages où
4 le pourcentage de Musulmans et de non Musulmans était à peu près
5 équivalent.
6 Dans le centre de la ville, c’étaient essentiellement des
7 Musulmans. Je prendrai mon immeuble comme exemple. Dans cet immeuble
8 vivaient douze familles, dont deux étaient des familles croates, quatre
9 étaient serbes, les autres étaient toutes des familles musulmanes. Donc la
10 ville de Mostar, le centre ville de Mostar était un endroit à majorité
11 musulmane.
12 M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous passer maintenant aux
13 événements du 30 juin 1993, s’il vous plaît ?
14 M. Becirovic (interprétation). - Le 30 juin, l’armée a lancé une
15 attaque et,
16 subséquemment, lorsque certaines unités du Conseil de défense croate sont
17 passées de l'autre côté, du côté tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine,
18 le premier bataillon, c’était plutôt une brigade, responsable de la partie
19 nord de Mostar, où il y avait une population à 70 % musulmane, un peu plus
20 ou un peu moins, a trouvé une population qui a volontairement traversé
21 pour rejoindre le côté armée bosniaque et ensuite, il y a eu la libération
22 de Bijelo Polje. Cela, c’est au nord de Mostar, côté droit, dans la zone
23 de Rastani. Tout ceci a pris deux ou trois heures.
24 Ensuite, les forces croates ont stabilisé l’opposition et ont
25 commencé vraiment à définir des lignes de front. Lorsque ces lignes de
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1 front ont été elles-mêmes stabilisées, on a une fois de plus fait des
2 rafles, des rassemblements de personnes. Mais cette fois-ci, le processus
3 s’est avéré plus sélectif. Il n’intéressait que la population musulmane.
4 Les personnes de plus de 16 ans et de moins de 68 ans étaient ainsi
5 enlevées et cela même si les personnes en question appartenaient au
6 conseil de défense de la Croatie, ou à quelqu’autre organisme avec des
7 affiliations de ce type.
8 Le 30 juin, notre immeuble n’a plus fait exception. On a
9 commencé de rassembler des gens qui habitaient dans notre immeuble. Nous
10 n’avons plus été épargnés. Comme nous savions que mon frère aîné avait
11 déjà été arrêté une fois par la police militaire du Conseil de défense de
12 la Croatie. Mon père et ma mère l'ont caché, ce frère aîné, sur notre
13 balcon, dans une espèce de remise, de placard, sur le balcon. Nous
14 voulions lui éviter une nouvelle arrestation. S’il avait été arrêté à
15 nouveau, il risquait fort de ne plus nous être rendu.
16 Ainsi, nous deux -je dis « nous deux » car il s'agissait de mon
17 jumeau et de moi-même- ayant 14 ans, n’avons pas été emportés. Nous avions
18 nos certificats de naissance avec nous, nous les avons montrés aux membres
19 de la police militaire qui sont venus à notre porte. C’est seulement notre
20 père qui est ainsi parti. Non pas mon père, mais les autres personnes, ont
21 été accablées d’injures ou brutalisées. Certaines personnes se sont vues
22 découper les oreilles.
23 J’ai vu cela du balcon de la fenêtre. On leur a coupé les oreilles.
24 Il y avait des gens groupés au pied des immeubles. A ce moment-
25 là, des cars sont arrivés et les personnes y sont montées et ont été
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1 emmenées jusqu'à la zone de l'Héliodrome. Comme je le disais à l'instant,
2 mon père a ainsi été emmené, et nous quatre, ma mère, mon frère jumeau,
3 mon frère aîné et moi-même sommes restés dans notre appartement. C'était
4 ce même jour, le 30 juin. La rafle s'était produite entre 15 et 17 heures
5 dans notre quartier. Dans d'autres quartiers, le processus a duré jusque
6 vers minuit. Comme il s'agissait de près de 8 000 personnes, c'est
7 beaucoup de personnes pour un même jour.
8 Le même jour, vers 22 heures, nous quatre, qui étions dans une
9 pièce, avons entendu du bruit qui provenait de devant l'immeuble. Nous
10 avons regardé par la fenêtre et nous avons vu quatre soldats dont nous ne
11 distinguions pas les insignes, étant donné que nous étions au sixième
12 étage, donc trop loin pour voir leurs insignes. On a frappé à la porte de
13 l'immeuble voisin, le 35. Le nôtre était le n° 35-a. Ils ont dû faire
14 erreur pensant que c'était l'immeuble qu'ils cherchaient. Ils n'ont pas vu
15 le "a" ajouté au n° 35. Ils ont continué de frapper. La porte a été
16 ouverte. Quelqu'un ensuite a ouvert, je ne sais pas qui, la porte de notre
17 immeuble et les a fait entrer.
18 Après quoi, ils sont entrés et sont directement montés au
19 sixième étage où nous habitions. Cela veut dire qu'ils avaient une adresse
20 en main. Ils ont tout de suite cherché le sixième étage, sans chercher
21 ailleurs. Ils savaient d'avance l'étage où nous vivions. Notre mère nous a
22 dit de nous coucher dans le lit et de faire semblant de dormir. Elle a
23 ouvert la porte de notre appartement. Ces quatre hommes ont fait irruption
24 pendant que nous nous trouvions dans la chambre. Quand ils y sont entrés,
25 ils ne nous ont pas permis d'allumer. Ils étaient munis de leur propre
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1 lampe de poche.
2 C'est ce qui leur permettait d'avancer. Quand ils sont entrés
3 dans notre chambre avec leur fusil, prêts à tirer, ils nous ont dit de
4 nous lever. Nous avons demandé si nous
5 pouvions allumer, et ils nous ont permis de le faire. C'étaient quatre
6 jeunes gens âgés entre 20 et 25 ans avec les cheveux coupés en brosse. Ils
7 avaient des insignes de la police militaire non pas HVO, mais police
8 militaire HV. Ils avaient des brassards blancs. Cela indique qu'ils
9 appartenaient à la police militaire HV.
10 Quand ils nous ont dit de nous habiller, j'ai reconnu l'accent
11 de Split qui se distingue beaucoup de la prononciation bosniaque ou des
12 autres accents. C'est ainsi que j'ai pu comprendre qu'ils n'étaient pas
13 originaires de Mostar. Quand je dis l'accent de Split, je parle de
14 l'accent dalmate. Cela pouvait être Split ou une autre ville de Dalmatie.
15 Bref, ils nous ont dit de nous habiller, étant donné que soi-
16 disant on dormait, et de nous chausser. Après quoi, il a fallu chercher, à
17 leur place, minutieusement dans l'appartement, s'il n'y avait pas une
18 bombe. Ils avaient peur de l'explosion d'une bombe.
19 Il nous a fallu perquisitionner en quelque sorte et tout sortir
20 des placards. Ensuite, ils ont aussi cherché de l'argent, des
21 deutsche marks. Ils nous ont demandé où étaient nos deutsche marks. Etant
22 donné que nous n'en avions pas, nous avons répondu que nous n'avions pas
23 de deutsche mark. Après quoi, ils nous ont dit de nous chausser. Ils nous
24 ont ordonné de sortir. Ma mère a demandé à l'un de ces soldats si je
25 pouvais emporter avec moi mes médicaments, ceux que je prenais à l'époque.
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1 Ma mère se disait qu'on allait subir un interrogatoire. Après
2 nous être habillés, nous sommes sortis de l'immeuble et nous sommes
3 arrivés à une voiture avec une plaque d'immatriculation jaune. Ce sont les
4 plaques d'immatriculation HV croate parce que les plaques HVO sont
5 blanches. Les HV étaient des insignes de la police militaire de l'armée
6 croate, VPHV. On pouvait le lire sur des vignettes collées sur ces
7 véhicules.
8 Lorsque nous sommes montés à bord du véhicule, l'un de ces
9 quatre soldats est resté avec nous, tandis que les trois autres
10 repartaient vers l'immeuble. Je ne sais pas si c'était exprès. De toute
11 façon, au bout de vingt minutes, ils sont revenus. Une fois de retour, ils
12 ont demandé à
13 celui qui était resté avec nous : “ où les emmène-t-on, localité nord ou
14 localité sud ? Plus tard, j'ai compris que la localité nord, pour eux,
15 était les mines de charbon, là où on tuait les gens, la localité sud où,
16 effectivement, nous nous sommes rendus.
17 Eux se sont décidés pour la localité sud. Une fois tout le monde
18 dans la voiture, ils ont voulu aller à la faculté où était le siège de
19 leur police militaire HV.
20 Comme ils ignoraient le chemin pour aller jusqu'au siège de la
21 police militaire, ils nous ont demandé de leur indiquer l'itinéraire.
22 C'est nous qui leur avons expliqué l'itinéraire à prendre. Une
23 fois devant la police militaire du HVO, l'un d'entre eux a quitté le
24 véhicule, ne voulant pas assister à cet acte-là. Il s'est dirigé vers
25 l'immeuble de la faculté où était le siège de la police HVO.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Encore quelques questions avant que
2 vous continuiez.
3 Vous avez dit que les plaques d'immatriculation que vous avez
4 vues sur le véhicule, étaient des plaques d'immatriculation de couleur
5 jaune, donc la police militaire du HV. Est-ce exact ?
6 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est exact parce que par
7 où nous sommes montés, nous avons pu le voir. Nous étions en mesure de le
8 voir, c'était très visible.
9 M. Kehoe (interprétation). - Dragan, aviez-vous vu ces plaques
10 d'immatriculation jaune de la police du HV à Mostar, avant le
11 30 juin 1993 ?
12 M. Becirovic (interprétation). - Oui, j'avais vu différents
13 véhicules ainsi immatriculés dans la partie ouest de Mostar, parce que les
14 Musulmans avaient la permission de se déplacer par là. Néanmoins, nous
15 n'avions pas la permission de sortir de la ville. D'ailleurs, j'ai vu
16 aussi les membres de l'armée croate qui étaient en vacances, en repos. Je
17 les voyais dans les cafés que je connais. Ils étaient en permission. Ils
18 étaient dans les cafés.
19 M. Kehoe (interprétation). - Pendant cette période, avez-vous vu
20 des militaires HV à Mostar, de même que des véhicules immatriculés HV ?
21 M. Becirovic (interprétation). - Oui. Ils ne s'en cachaient pas
22 d'ailleurs. Tout le monde le savait. Ce n'était pas un secret à l'époque.
23 M. Kehoe (interprétation). - Dragan, le 30 juin, vous avez dit
24 aux Juges qu'entre 15 et 17 heures, dans la zone où vous vous trouviez,
25 les Musulmans ont été arrêtés, y compris votre père. Est-ce exact ?
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1 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est exact. Mon frère
2 n'est pas resté pour des raisons que j'ai déjà mentionnées, à savoir qu'il
3 était caché par notre père et notre mère.
4 M. Kehoe (interprétation). - Les arrestations de l'après-midi du
5 30 juin, étaient-elles effectuées par des soldats du HVO ?
6 M. Becirovic (interprétation). - C'étaient des soldats de la
7 police militaire HVO. Ils avaient des armes lourdes et rentraient dans
8 l'immeuble. Après, derrière eux, entraient des forces de policiers normaux
9 de Herceg-Bosna. Ce faisant, ils voulaient éviter le conflit et la
10 résistance à leur égard. Je répète donc : les unités lourdement armées et
11 ensuite la police.
12 M. Kehoe (interprétation). - Dragan, vous avez dit que la police
13 militaire HV a pris part à l'arrestation de votre père. Avez-vous dit HV
14 ou HVO ?
15 M. Becirovic (interprétation). - Pouvez-vous répéter la
16 question, s'il vous plaît ?
17 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais éclaircir une réponse
18 que vous avez donnée. Lorsque votre père a été arrêté dans l'après-midi du
19 30 juin, est-ce la police militaire du HVO qui l'a arrêté ?
20 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est la police militaire
21 HVO qui l'a arrêté.
22 M. Kehoe (interprétation). - Quand vous et les autres membres de
23 votre famille avez été arrêtés ce soir-là, était-ce la police militaire du
24 HV ou du HVO ?
25 M. Becirovic (interprétation). - C'était la police militaire HV
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1 de l'armée croate à l'accent dalmate dans leur façon de parler. C'est à
2 mon avis une preuve supplémentaire que leur lieu d'origine était la
3 Croatie et non pas la Bosnie-Herzégovine.
4 M. Kehoe (interprétation). - Une dernière question à ce sujet
5 avant de reprendre votre récit. Au moment où votre père et les autres
6 personnes étaient arrêtés et lorsqu'ils sont montés dans les autres
7 véhicules, les gens arrêtés dans les autocars étaient-ils tous des
8 Musulmans ?
9 M. Becirovic (interprétation). - Ils étaient tous Musulmans, ils
10 avaient entre 16 et 68 ans.
11 M. Kehoe (interprétation). - Continuons avec votre récit. Je
12 vous ai interrompu au moment où le véhicule HV, avec ces quatre hommes,
13 arrivaient à la station de police à l'université de Mostar.
14 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est exact. C'était pour
15 qu'un des soldats puisse sortir de ce véhicule. Nous avons continué à
16 rouler jusqu'aux endroits hors de la ville de Mostar. Il y avait trois
17 points de contrôle, je ne sais pas exactement leur nombre, mais nous
18 n'avons pas été arrêtés par les soldats qui assuraient la garde à ces
19 points de contrôle. La voiture simplement ralentissait. Les occupants de
20 la voiture saluaient les soldats qui étaient de garde. Ils devaient se
21 connaître de toute évidence. Ils ne leur montraient pas leur pièce
22 d'identité. Ils continuaient à rouler ainsi. Lorsque nous avons commencé à
23 sortir de la ville de Mostar, nous nous sommes dirigés vers Citluk, vers
24 Prkanovo Brdo, ou plutôt au-delà de Prkanovo Brdo.
25 Nous sommes arrivés à un tournant qui est à mi-chemin environ
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1 entre Mostar et Citluk. Là, nous sommes arrivés sur une route en macadam.
2 Jusque là, nous n'étions pas bouleversés, inquiets. Nous ne savions pas de
3 quoi il s'agissait. Nous pensions qu'ils nous emmenaient pour un
4 interrogatoire. Nous savions n'avoir rien fait contre les unités croates.
5 Il n'y avait aucune raison qu'ils nous fassent quelque chose.
6 C'est à partir de ce tournant que nous avons su ce qui nous
7 attendait. Il faisait noir, il était à peu près 22 heures. Il n'y avait
8 aucune installation à l'horizon, même sur un kilomètre près. On se doutait
9 de ce qui nous attendait. La panique nous a pris. On leur a demandé où ils
10 nous emmenaient, ce genre de question. Cette route en macadam menait à un
11 dépôt d'ordures, une espèce de précipice, une fosse. A dix mètres de cette
12 décharge, nous nous sommes arrêtés. On nous a ordonné de descendre du
13 véhicule et d'aller à pied vers cette décharge d'ordures.
14 La panique, à ce moment-là, nous a prise. Dès que vous voyez
15 qu'il fait noir, vous vous doutez de ce qu'il va se passer. Mon frère
16 jumeau a demandé à l'un d'entre eux : “ Pourquoi vous nous faites cela ? ”
17 Il lui a dit : Je suis allé en classe hier et maintenant, vous
18 voulez m'assassiner. Que faites-vous ? Le soldat lui a brutalement
19 répondu : “ Nous vous faisons cela à cause de la Bosnie centrale ”. En
20 effet, dans les médias croates à l'époque, la Bosnie centrale était
21 d'actualité. La propagande disait qu'en Bosnie centrale, les Croates
22 étaient égorgés, ce qui était loin d'être vrai.
23 Lorsque nous sommes arrivés à cette décharge, ils nous ont
24 ordonné de nous asseoir, plutôt de nous agenouiller, de prendre cette
25 position des gens qui vont être fusillés. Ils se sont éloignés de nous, à
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1 deux ou trois mètres. Ils discutaient et cela a duré à peu près cinq
2 secondes.
3 Après quoi, l'un d'entre eux a préparé son fusil automatique et
4 a tiré deux rafales sur nous quatre, avec l'intention de nous tuer tous
5 les quatre. Mon frère aîné et ma mère, quand ils les ont vu se préparer à
6 faire feu, se sont tournés vers eux et ont reçu toutes ces balles. En
7 quelque sorte, avec leurs corps, ils nous ont sauvé la vie. Le reste de
8 ces balles nous a frappé. Nous sommes tombés dans le précipice de cette
9 décharge. Ma mère et mon frère aîné sont restés en haut du précipice.
10 C'est pourquoi ils ne sont pas tombés dans le précipice. Je ne peux pas me
11 l'expliquer, j'ai perdu conscience pendant cinq secondes, mais dès que
12 j'ai repris conscience, je me demandais où était mon frère jumeau, et il a
13 eu le même geste pour moi. J'avais le sentiment que mon frère jumeau était
14 vivant. Ainsi, nous nous sommes appelés l'un l'autre. Après quoi, nous
15 avons commencé à grimper vers le haut du précipice.
16 Il fallait grimper une dizaine de mètres. Le temps de reprendre
17 conscience, les soldats qui avaient perpétré ce crime avaient déjà quitté
18 les lieux du crime, nous croyant morts. Personne ne pouvait se douter que
19 nous étions vivants.
20 Nous avons donc grimpé. Nous avons, en quelque sorte, foulé les
21 cadavres de mon frère et de notre mère, mais nous n'avons pas regardé. Si
22 j'avais pu voir tout cela, je ne serais pas ici. Un homme normal ne peut
23 pas facilement survivre à la vision de quelqu'un qui lui est le plus
24 proche, baigné de sang et mort. Nous n'avons donc pas regardé. Nous avons
25 pris le chemin vers la route principale. Après 10 mètres, mon frère est
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1 tombé car il avait été blessé par cinq balles dans les jambes. Pendant
2 quelques secondes, il était capable de marcher, pendant que ces plaies
3 étaient chaudes, il ne ressentait pas la douleur. Mais après quelques
4 minutes, il ne pouvait plus marcher.
5 Etant donné que je n’avais été blessé que dans la partie des
6 reins par une balle, j'étais capable de continuer à marcher. J'ai commencé
7 à chercher de l'aide, du secours. Comme la route la plus proche était
8 celle qui menait à Citluk, je me suis dirigé vers cette route. J'ai été
9 pris par un véhicule qui n’avait aucune immatriculation. J'étais en sang,
10 mon pantalon était ensanglanté. J’ai montré la blessure au conducteur. Je
11 lui ai dit que mon frère, un peu plus bas, gisait à mon avis mort, par
12 terre. Je ne savais pas s'il était blessé ou mort.
13 Alors je l'ai prié de m'aider et d'appeler du secours. A quoi,
14 il m'a répondu brutalement : ”Tu es encore vivant, ordure musulmane ! ”
15 voilà ce qu’il m’a dit, et il a repris son chemin. J'ai vu que cela
16 n'avait pas de sens d'arrêter d'autres véhicules et ainsi de s’exposer au
17 danger de voir un de ces gens terminer la besogne entreprise par les
18 premiers tueurs. Je me suis dirigé vers le sommet de cette montagne. Je
19 pouvais difficilement m'orienter pour savoir dans quelle direction se
20 trouvait Mostar. Une fois que j'ai compris, je me suis dirigé vers Mostar.
21 Pendant que je descendais, j'ai entendu mon frère qui appelait
22 au secours. Donc, à une voiture passant sur la route principale, ce que
23 mon frère pouvait voir de l’endroit où il était
24 couché par terre, il demandait : ”Aidez-moi, aidez-moi ! ”. J'ai entendu
25 ses appels à l'aide, cela me permettait de savoir à quel moment passaient
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1 les voitures, pour pouvoir me cacher face à ces voitures.
2 J'ai mis une heure pour descendre avant d'atteindre un faubourg,
3 une banlieue de Mostar. J'ai vu la lumière devant une maison. Les gens
4 festoyaient, buvaient, mangeaient pendant que je mourrais. Il festoyaient,
5 je les ai abordés, je leur disais qui je suis, ce qui m'était arrivé. Je
6 leur ai dit que j'étais membre des unités de l'armée BH et que je venais
7 de la ville. Je ne savais pas exactement ce que je disais, je balbutiais à
8 moitié. Ils ont envoyé un garçon au contrôle de la police villageoise.
9 Ce n'est pas la police normale. Ce sont des gens auto-organisés
10 pour défendre leur village, c'était leur sentinelle, leur police si vous
11 voulez. Ils ont donc envoyé un garçon, après quoi, deux hommes nous ont
12 rejoint dix minutes plus tard. Ils m'ont emmené avec eux, ils m'ont
13 dit : ”Descendons jusqu’au point de contrôle. ”
14 Quand nous y sommes descendus, ils ont appelé les soins
15 d'urgence. Ils m'ont aidé dans la mesure du possible. Ils ont appelé les
16 soins d’urgence et 10, 15 minutes plus tard, les soins d’urgence nous ont
17 rejoints. C’était une ambulance et le conducteur m’a demandé si je voulais
18 qu’ils m’emmènent dans le nouvel hôpital ou dans l’ancien hôpital. Etant
19 donné que la doctoresse qui travaillait dans l'ancien hôpital était une
20 connaissance de la famille, j'ai opté pour l'ancien hôpital. J'ai oublié
21 de vous dire quelque chose.
22 Dans la période entre le 9 mai et le 30 juin, après relâchement
23 de la majeure partie de la population musulmane des camps de détention,
24 une nouvelle tactique se fait jour de la part du HVO. A savoir, les gens
25 des villes se rassemblent, ils étaient d'un côté, les hommes de l'autre
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1 côté, les vieillards, les personnes qui ne sont pas en âge de porter les
2 armes.
3 Cette incapacité à se battre, les personnes qui faisaient partie
4 de ce groupe étaient emmenées du côté gauche de Mostar, de façon à
5 accélérer le processus d’encerclement, parce
6 que cela ne créait aucun obstacle pour eux.
7 Quant à ceux qui étaient aptes à porter les armes, ils étaient
8 ramenés à l’Heliodrome, en dépit des protestations émises par la
9 communauté internationale.
10 Au moment de ces passages de la droite vers la gauche, il
11 arrivait que les gens qui traversent, qui passent de droite à gauche,
12 reçoivent des balles, se fassent tirer dessus. Ces événements ont provoqué
13 pas mal de morts, ce qui a suscité une terreur assez généralisée car
14 chacun pensait que si l’on se trouvait à un barrage routier, on allait
15 avoir à passer de droite à gauche au niveau de la ligne, et que l’on
16 risquait d’y trouver la mort.
17 En tant que famille, lorsqu’ils sont arrivés dans le bâtiment où
18 nous étions et qu’ils nous ont dit qu’il fallait aller du côté gauche,
19 nous nous sommes cachés chez une femme médecin qui travaillait dans
20 l'ancien hôpital, comme je viens de le dire. Cette femme médecin avait
21 quelques rapports avec le Conseil croate de la défense et en fait, son
22 appartement était sous protection du HVO.
23 Nous nous y sommes cachés pendant cinq jours, après quoi la
24 situation à Mostar s'est améliorée et il nous a été à nouveau possible de
25 revenir chez nous, dans nos appartements.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Dragan, ces événements dont vous
2 venez de parler, à savoir aller sur la rive gauche, sur la rive droite, et
3 l'aide procurée par cette femme médecin, se situent dans la période qui se
4 situe autour du 9 juin, n’est-ce pas ?
5 M. Becirovic (interprétation). - Je préciserai que nous ne
6 sommes pas allés sur la rive gauche, mais sur la rive droite, chez cette
7 femme médecin qui avait des rapports avec le HVO et dont l’appartement
8 était protégé par le HVO. Nous ne risquions donc rien dans cet
9 appartement. Effectivement, ces événements se sont déroulés entre le 9 mai
10 et le 30 juin.
11 M. Kehoe (interprétation). - Cette femme médecin travaillait
12 dans l’ancien hôpital et c’est l’une des raisons pour laquelle vous avez
13 opté, vous, pour l’ancien hôpital, après avoir reçu un coup de feu le
14 30 juin, c’est bien cela ?
15 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’est exact. Il est tout à
16 fait logique, évidemment, de se rendre à nouveau chez quelqu’un qui vous a
17 déjà aidé une fois.
18 Quand je suis arrivé dans l’ancien hôpital, le personnel médical
19 m’a accueilli et on m’a fourni des soins médicaux pour mes blessures.
20 Après cela, les responsables de la sécurité de cet hôpital, qui pour
21 l’essentiel étaient des habitants de Mostar, sont arrivés. Ils refusaient,
22 eux, de tirer sur leur peuple, c’est-à-dire sur des gens qu’ils
23 connaissaient et qui vivaient sur la rive gauche. C’étaient des Croates,
24 je le précise. Ils refusaient de tirer sur des gens qui avaient vécu toute
25 une vie avec eux.
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1 Ces soldats qui étaient chargés de la sécurité étaient, pour
2 l’essentiel, des habitants de Mostar. J’en ai reconnu un qui était
3 d’ailleurs un ami de mon frère aîné. Après que je lui ai expliqué ce qui
4 s’était passé, après que je lui ai dit que mon frère gisait toujours sur
5 les lieux où s’étaient produits les événements, bien que n’ayant plus le
6 moindre espoir que mon frère survive à cet événement, j’ai tout de même
7 expliqué à quel endroit il gisait sur le sol. Pour ma part, je connaissais
8 mal les environs de la ville, je n’ai pu que décrire l’aspect de cet
9 endroit. Lui en a déduit quelle pouvait être la situation géographique de
10 cet endroit.
11 Il est alors parti avec deux de ces amis qui, eux aussi, étaient
12 chargés de la sécurité de l’hôpital. Ils ont pris une ambulance et ils
13 sont partis à la recherche de mon frère.
14 A quelle heure mon frère est-il arrivé à l'hôpital ? En fait, je
15 crois qu'il s'est à peine écoulé une demi-heure quand il est arrivé dans
16 cet ancien hôpital où je me trouvais également. Dès que je l'ai vu, c'est
17 seulement à ce moment-là que je me suis évanoui. C'est seulement à ce
18 moment-là que j'ai perdu mes forces. Je ne sais pas comment dire, tout
19 s’est écroulé en moi. Mon frère, comme il était blessé plus grièvement, a
20 été placé dans une pièce qui était réservée aux blessés graves alors que
21 moi, on m’a placé dans une salle normale, réservée aux blessés légers.
22 Pendant tout le temps, mon frère qui à ce moment-là était dans
23 un camp est resté
24 dans l’ignorance de ce qui arrivait aux autres membres de la famille.
25 Puis, il s’est rendu compte qu’ils venaient chercher des patients dans
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1 l'hôpital pour les emmener sur la ligne de front creuser des tranchées.
2 Quand je dis « ils », je pense aux membres du HVO, mais en tout cas, une
3 commission médicale a été mise sur pied pour tenter de faire libérer les
4 gens sur la base d'un diagnostic précis. Soit ils les envoyaient vers un
5 autre hôpital, soit ils les renvoyaient chez eux.
6 Cette commission a reçu mon père, mon père qui a été envoyé à
7 l'hôpital à partir du camp. Une fois à l'hôpital, il a été libéré et, bien
8 sûr, il est allé immédiatement à la maison, chez nous, pour voir ce qui
9 était arrivé à ses proches.
10 Devant l’entrée de la maison, il a vu un grand nombre de femmes
11 dont les maris ou les fils avaient également été emmenés par des unités
12 croates. Ces femmes s’intéressaient bien sûr, elles voulaient savoir ce
13 qui était arrivé à leur mari ou à leur fils. Elles ont donc interrogé mon
14 père à ce sujet. Lui, il voulait éviter cela car dès qu’il y avait un
15 regroupement de plusieurs personnes, de plusieurs Musulmans au même
16 endroit, cela créait un danger. Dans ce cas précis, cela aurait créé un
17 danger pour lui, mais aussi pour ces femmes si s'adressaient à lui.
18 Il a donc décidé d’entrer dans le bâtiment voisin du nôtre, il
19 n’est pas entré directement dans notre bâtiment. Il est entré dans le
20 bâtiment voisin pour essayer de vérifier que la porte de notre bâtiment
21 était bien verrouillée. Dans ce cas-là, il serait retourné chez cette
22 femme médecin qui nous avait cachés entre le 9 mai et le 30 juin. Si la
23 porte de l'appartement était ouverte, il aurait su que l'appartement avait
24 été pillé.
25 Il s’est adressé à cette voisine du bâtiment d’à côté pour lui
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1 demander de vérifier. Elle lui a dit que l'appartement était fermé à clé
2 et que personne ne répondait quand on sonnait.
3 Mon père a cru, à ce moment-là, en prenant un peu ses désirs
4 pour des réalités, que nous étions en sécurité, que nous étions retournés
5 nous cacher chez cette femme médecin. Puisqu'elle travaillait dans
6 l’ancien hôpital, il est parti à sa recherche sur son lieu de travail.
7 Quand il est arrivé en bas, il a appris de sa bouche toute
8 l’histoire, c’est-à-dire qu’il
9 a appris ce qui nous était arrivé à nous.
10 M. Kehoe (interprétation). - Jusqu'à ce moment-là, votre père
11 savait-il que votre frère aîné et votre mère avaient été assassinés ?
12 M. Becirovic (interprétation). - Il n’a appris la mort de mon
13 frère et de ma mère que de la bouche de cette femme médecin parce qu’elle
14 travaillait au moment où nous avons été accueillis à l’hôpital. Cela veut
15 dire que cela s’est passé cinq jours après ces atroces événements.
16 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de cette période de 5
17 jours entre le crime et l'arrivée de votre père à l'hôpital, avez-vous
18 ainsi que votre frère reçus la visite de soldats du HV, vous recherchant.
19 M. Becirovic (interprétation) - Au cours de cette période de
20 5 jours, du fait de ce que savait la femme médecin et de son opposition
21 mais aussi parce que mon frère avait vu et reconnu un des soldats de ces
22 unités, venus nous chercher le 30 juin afin de nous faire fusiller et
23 revenu finir sa tâche, ils n'ont pu faire ce qu'ils voulaient . Des
24 témoins étaient sans doute présents. Ils ont donc du remettre leur
25 décision à un jour ultérieur. Par conséquent, dans ce même laps de temps,
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1 ils sont venus nous chercher pour terminer qu'ils avaient laissé
2 inachevée. Notre père a su ce qui s'était passé de la bouche de la femme
3 médecin et comme la commission médicale du camp lui avait donné un papier
4 qui le faisait admettre officiellement à l'hôpital, il a été accueilli en
5 tant que patient à l'hôpital. Nous nous sommes retrouvés dans la même
6 pièce. 20 jours plus tard, un soldat des unités croates est encore venu
7 dans la salle de consultations de l'hôpital.
8 M. Riad (interprétation). - Veuillez m'excuser une nouvelle
9 fois, parlons-nous de soldat croate ou du HVO ?
10 M. Kehoe (interprétation). - Qui est entré dans la pièce ? A
11 quelle force appartenaient-ils ?
12 M. Becirovic (interprétation) - Il s'agissait des mêmes hommes
13 que ceux qui étaient venus commettre le crime, le 30 juin. C'était donc
14 des membres de la police militaire de l'armée de Croatie.
15 M. Kehoe (interprétation). - Du HV ?
16 M. Becirovic (interprétation) - Oui, de l'armée de Croatie.
17 20 jours après cet événement, l'un d'entre eux est arrivé encore
18 une fois, mais personne ne le connaissait. C'était un soldat des unités
19 croates qui portaient un uniforme noir. Dès qu'il est arrivé sur le seuil
20 de la porte, il a vu mon père et a pointé le doigt sur mon père en disant
21 à l'infirmière qui a accouru dans la pièce :"Si celui-là disparaît, c'est
22 toi qui sera responsable". Il parlait de mon père. Ensuite, il est
23 ressorti de la pièce pour sans doute prendre contact avec les médecins.
24 Plus tard, des gens nous ont dit, parce qu'un médecin avait
25 demandé à mon père s'il voulait aller à l'enterrement...
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1 M. Kehoe (interprétation). - L'enterrement de qui ?
2 M. Becirovic (interprétation) - L'enterrement de ma mère et de
3 mon frère aîné puisqu'eux avaient été retrouvés morts et leurs corps
4 reposaient dans le nouvel hôpital. En tous cas, ce médecin, je ne connais
5 pas son nom, a demandé à mon père s'il voulait assister aux funérailles et
6 s'il voulait venir. Mon père savait bien que ce n'étaient pas des
7 funérailles selon le rite musulman et qu'aucune odja ne serait pratiquée.
8 Il ne voulait pas nous quitter puisqu'il l'avait déjà fait une fois et
9 qu'après son départ, ce malheur est arrivé. Pour toutes ses raisons, il a
10 renoncé. Et plus tard, il s'est avéré que ces gens attendaient mon père et
11 nous attendaient. A notre sortie de l'hôpital, il aurait été plus facile
12 de nous enlever. Quand ils se sont aperçus que nous ne rendrions pas aux
13 funérailles, ils sont venus à l'hôpital pour essayer de nous emmener. Les
14 médecins sont de nouveau intervenus. Entre temps, des policiers avaient
15 été appelés et sont arrivés en quelques minutes. Les policiers se sont
16 heurtés aux gens qui étaient venus nous
17 chercher. La police à l'époque n'accomplissait pas cette tâche parce que
18 n'importe quel policier normal aurait arrêté ces personnes. Les policiers
19 de l'époque ne savaient pas ce qu'ils faisaient, en fait ils acceptaient
20 tout. Si quelqu'un tuait un musulman, par exemple, la police n'intervenait
21 jamais. En tous cas, pour des raisons que j'ignore, ces policiers ont
22 écarté ces hommes de l'hôpital.
23 M. Kehoe (interprétation). - Ces hommes étaient-ils des soldats
24 du HVO ?
25 M. Becirovic (interprétation) - Il s'agissait des membres
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1 réguliers des forces du HVO.
2 M. Kehoe (interprétation). - Ils ont donc écarté de l'hôpital
3 des membres du HVO ?
4 M. Becirovic (interprétation) - Non je crois qu'il y a un
5 malentendu, ces gens, encore une fois, venaient nous chercher. Ces membres
6 venaient du HVO. Ces hommes n'étaient pas les mêmes que ceux qui avaient
7 commis le crime. Effectivement, des membres de la police régulière
8 d'Herceg-Bosna sont arrivés en même temps. Enfin, cet incident s'est
9 terminé, plus tard.
10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Becirovic, n'avez-vous
11 jamais reçu à ce moment là, une visite d'un membres des Services de
12 Renseignements de la république de Croatie.
13 M. Becirovic (interprétation) - Effectivement, j'ai oublié
14 d'aborder ce sujet. Entre la première et la deuxième arrivée de ces
15 soldats qui voulaient nous emmener avec eux, un représentant du SIS est
16 arrivé. Dans un premier temps, il nous a demandé à tous les deux de
17 l'accompagner dans le couloir de l'hôpital. Lorsque nous sommes sortis de
18 la pièce, il nous a annoncé qu'il était colonel de la police du Services
19 de Renseignements. Il nous a montré une plaque. Je ne me rappelle pas son
20 nom. Il nous a demandé si nous avions des information au sujet du crime
21 qui avait eu lieu. Je suppose puisque ce crime a, sans doute, été commis
22 par l'armée de Croatie, (enfin, ce n'est pas que je suppose j'en suis
23 convaincu) qu'ils avaient envoyé un officier de cette armée pour voir si
24 nous étions dangereux.
25 Maintenant, était-ce un officier de l’armée de Croatie parce
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1 qu’à l’époque, les médias parlaient beaucoup du fait que des membres des
2 forces de Croatie se trouvaient en Bosnie.
3 Ils Ilssont venus vérifier s’il s’agissait de soldats de l'armée
4 de Croatie.
5 M. Kehoe (interprétation). - Quand vous dites « soldats de
6 l’armée de Croatie », vous voulez dire des soldats du HV ?
7 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’est exact. Je veux
8 parler de membres du HV. Mais après cela, quand je lui ai dit que cela
9 n’aurait servi à rien que je lui dise qu’il s’agissait de soldats du HV de
10 l’armée de Croatie, parce que s’il y avait aveu du fait que des soldats de
11 Croatie se trouvaient sur les lieux, cela aurait été dangereux pour eux et
12 n’aurait rien d’avantageux.
13 J’ai dit que c’étaient des soldats incontrôlés qui avaient
14 commis ce crime, que je ne savais pas exactement de qui il s’agissait, que
15 c’étaient simplement des soldats qui n’en faisaient qu’à leur tête, en
16 dehors de tout commandement.
17 Il a eu l’impression, au travers des réponses que je lui ai
18 fournies, que je ne savais rien. Alors que la situation était exactement
19 l’inverse. Il a eu l’air satisfait et il m’a dit, il nous a dit : « les
20 jeunes, si nous apprenons quoi que ce soit au sujet de l’auteur de ce
21 crime, nous vous informerons. » Il est parti et c’est ainsi que cette
22 rencontre a pris fin.
23 Vingt jours plus tard, je parle à partir de cette deuxième
24 visite, quand ils sont venus pour essayer de nous chercher afin d'achever
25 le travail inachevé, 20 jours plus tard un grand nombre de Musulmans
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1 blessés sont arrivés dans l'hôpital où nous nous trouvions.
2 M. le Président. - Maître Kehoe, le récit à été long. Ce sont
3 des événements extrêmement douloureux pour ce garçon. Nous allons peut-
4 être arrêter et nous reprendrons vers
5 16 heures 30.
6 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
7 L’audience, suspendue à 16 heures 05, est reprise à
8 16 heures 40.
9 M. le Président. - L’audience est reprise, introduisez l'accusé.
10 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)
11 M. le Président. - Monsieur Dragan Becirovic, vous vous sentez
12 bien ?
13 M. Becirovic (interprétation). - Oui.
14 M. le Président. - Vous vous êtes reposé un peu ?
15 M. Becirovic (interprétation). - Oui.
16 M. le Président. - Maître Kehoe, allez-y.
17 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,
18 Messieurs les Juges.
19 Monsieur Becirovic, vous étiez sur le point de nous parler du
20 moment de l’arrivée massive d’un certain nombre de blessés musulmans dans
21 l’hôpital, mais avant d’aborder ce sujet, j'aimerais vous poser quelques
22 questions qui émanent de mes collègues. La première est la suivante.
23 Vous avez dit qu'après votre arrestation, celle de votre frère
24 aîné, de votre frère Goran et de votre mère, vous avez traversé un certain
25 nombre de barrages routiers. Avez-vous remarqué que ceux qui tenaient ces
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1 barrages connaissaient bien les membres du HVO puisque le passage était
2 assez aisé ?
3 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’est exact.
4 M. Kehoe (interprétation). - Les soldats qui étaient au barrage
5 routier étaient-ils des soldats du HVO ou du HV ?
6 M. Becirovic (interprétation). - C’étaient des soldats du
7 Conseil croate de la
8 défense qui travaillaient main dans la main avec des membres de la police
9 d’Herceg-Bosna.
10 M. Kehoe (interprétation). - Encore un éclaircissement, si vous
11 le voulez bien. Il s'agit du fait que des soldats du HVO se sont dirigés
12 en voiture vers le siège de la police à Mostar. S’agissait-il du quartier
13 général de la police du HV ou du HVO ?
14 M. Becirovic (interprétation). - C’était le quartier général de
15 la police militaire du HVO, pas le quartier général du HVO, mais de la
16 police militaire du HVO.
17 M. Kehoe (interprétation). - Mais c’était bien le quartier
18 général de la police militaire du HVO ?
19 M. Becirovic (interprétation). - Oui.
20 M. Kehoe (interprétation). - Encore un dernier éclaircissement
21 mineur qui a à voir avec la camionnette et la décharge où l'on vous a
22 fusillé. La distance était-elle de cent mètres ? C’est ce que vous avez
23 dit, je crois, dans votre déposition ?
24 M. Becirovic (interprétation). - J’ai dit cent mètres, mais
25 j’avais à l’esprit une distance de dix mètres.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Revenons maintenant à votre récit,
2 Monsieur. Est-il arrivé qu’à un moment, un grand nombre de blessés étant
3 arrivés à l’hôpital, que l’on vous ait transféré dans un autre secteur de
4 ce même hôpital ?
5 M. Becirovic (interprétation). - A ce moment-là, alors que nous
6 étions encore dans notre ancienne pièce, celle où nous sommes arrivés le
7 30 juin, un grand nombre de blessés est arrivé à l’hôpital. On les a
8 installés, y compris dans les couloirs parce qu’il n’y avait pas assez de
9 lits pour tous ces blessés. Plus tard, sur propositions des médecins parce
10 que c’était plus sûr pour nous et que cela leur permettait de disposer de
11 quelques lits supplémentaires, nous savons été transférés dans un secteur
12 qui n’était pas utilisé dans cet hôpital . C’était une partie de l’hôpital
13 qui était plus exposée aux pilonnages. On nous a donc transférés dans
14 cette partie de l’hôpital.
15 Ce vendredi, nous l’avons appelé le « vendredi noir » parce que
16 trente à trente-cinq blessés sont arrivés ce jour-là, voire davantage. On
17 soignait les blessés, y compris dans les couloirs. Il n’y avait pas assez
18 de médecins. Les infirmières travaillaient dans les couloirs, elles
19 s’occupaient de ces patients. Ils sont arrivés dans l’hôpital, on s’est
20 occupé d’eux.
21 Plus tard, tous ceux qui avaient été blessés plus légèrement,
22 qui avaient reçu des éclats d’obus, par exemple, ont été ramenés à
23 l’Héliodrome, alors que les blessés graves ont dû rester à l’hôpital.
24 Nous, nous avons observé tous ces faits de très près puisque
25 nous pouvions même converser avec les prisonniers. Ces prisonniers nous
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1 ont expliqué qu’ils avaient creusé ou plutôt qu’ils n’avaient pas creusé,
2 mais qu’ils créaient les fortifications des premières lignes dans la rue
3 Santiceva où les combats se menaient au porte à porte.
4 M. Kehoe (interprétation). - Dragan, que les choses soient bien
5 claires. Les prisonniers qui ont été amenés, qui étaient blessés, était-ce
6 des prisonniers musulmans de Bosnie qui avaient fait ce genre de travail
7 et avaient été blessés en raison de ce travail ?
8 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’étaient des Bosniens,
9 des Musulmans exclusivement. Plus tard, ces prisonniers ont été emmenés
10 dans la rue Santiceva.
11 M. Kehoe (interprétation). - Encore un éclaircissement. Je lis
12 le compte rendu et je vois qu’ils avaient construit des espèces d’abris
13 pour les soldats. Etait-ce pour des soldats du HVO qu’ils construisaient
14 ces abris, lorsqu’ils ont été blessés ?
15 M. Becirovic (interprétation). - Oui, parce qu'au début, l’armée
16 de Bosnie-Herzégovine acceptait que les prisonniers construisent des abris
17 pour les soldats croates. Ils pouvaient créer ces fortifications sans
18 subir de perte parce qu'ils étaient à l'abri. Lorsqu’ils se sont rendus
19 compte que les soldats croates pouvaient avancer plus vite de cette façon,
20 ils ont commencé à blesser les prisonniers. Ce qu'ils voulaient, c'était
21 simplement les blesser. Ils leur tiraient dans les bras et les jambes et
22 il n’y avait de blessures graves.
23 M. Kehoe (interprétation). - Dragan, le mot qui apparaît au
24 compte rendu est l’expression « soldats croates ». Mais était-ce des
25 soldats du HVO qui utilisaient des prisonniers pour construire les abris ?
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1 M. Becirovic (interprétation). - C’étaient des soldats du
2 Conseil croate de la Défense parce que les lignes étaient tenues dans la
3 ville de Mostar par des soldats du HVO, du Conseil croate de la Défense.
4 Autrement, les membres de l’armée de Croatie étaient utilisés quand il
5 fallait des renforts. C’est ce que m'a appris un patient à l'hôpital qui
6 avait un cousin qui venait lui rendre visite à l'hôpital. Le cousin de ce
7 blessé était policier dans les forces de police de le Herceg-Bosna.
8 Il se vantait du fait que les Tigres, qui étaient membres d'une
9 unité spéciale de l'armée de Croatie et qui étaient venus de Zagreb, les
10 Tigres avaient pris une colline en 20 minutes alors que l’armée de
11 Bosnie-Herzégovine avait pris cette même colline précédemment.
12 C'est de cette façon que j’ai appris que des membres de l’armée
13 de Croatie étaient présents également. Que non seulement ils étaient
14 présents dans Mostar, mais qu’ils avaient participé aux combats, à Mostar.
15 Il était possible de constater que ces soldats n’étaient utilisés que pour
16 des tâches spéciales.
17 Lorsque les soldats du Conseil croate de la défense ne pouvaient
18 pas à eux seuls accomplir tel ou tel tâche, prendre une position ou
19 assurer leur défense, dans ces cas là, des membres de l’armée de Croatie
20 arrivaient en renfort. Je pense donc aux HV. Pour l’essentiel, il
21 s’agissait d’unités spéciales.
22 M. Kehoe (interprétation). - C'est une de ces unités spéciales
23 qui était venue en aide au HVO, aux Tigres
24 M. Becirovic (interprétation). – Oui les Tigres venaient de
25 Zagreb. Il ne se sont pas seulement battus à Mostar. Ils se sont battus
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1 aussi ailleurs en Bosnie, partout où c'était
2 nécessaire, partout où l'armée du HVO se battait avec l'armée de
3 Bosnie-Herzégovine. Mais pour revenir à mon histoire, concernant les
4 prisonniers, les soldats du HVO se servaient des prisonniers de cette
5 manière-là. Ils prenaient les gens bâtiment après bâtiment.
6 M. Kehoe (interprétation). - Vous dites qu'ils se servaient de
7 prisonniers comme des boucliers ou pour se protéger derrière eux, comme
8 abri ?
9 M. Becirovic (interprétation). – Ils se servaient des
10 prisonniers essentiellement pour construire des abris. Mais, lorsque
11 l'armée attaquait des bâtiments qui étaient contrôlés par l'armée du HVO,
12 à ce moment-là, les prisonniers étaient utilisés comme boucliers humains
13 pour empêcher la prise des bâtiments en question.
14 Je peux vous donner un exemple : il y avait un hôtel qui portait
15 le nom de Ero où des personnes âgées habitaient. Cela servait d'hospice
16 plus ou moins et c'est en se servant d'un bouclier humain qu'ils ont
17 réussi à garder vers eux ce bâtiment, l'hôtel Ero. Autrement, les
18 prisonniers servaient à construire des fortifications pendant qu'il y
19 avait des affrontements avec l'armée BH. Des quantités de gens ont perdu
20 la vie dans ce processus, sans parler de ceux qui ont simplement été
21 blessés, dans les affrontements entre l'armée du HVO et l'armée BH.
22 Les gens se connaissaient au demeurant d'un côté et de l'autre.
23 Ils savaient qu'après, ils devraient revivre ensemble. C’est à ce moment-
24 là que les militaires ont commencé à se servir de gens venus d'ailleurs,
25 de Blagaj par exemple. J'ai appris d'ailleurs qu'il y avait, quand j'ai
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1 parlé avec les gens à l'hôpital, des gens qui venaient de Blagaj. J'ai dit
2 tout à l'heure Blagaj, en fait, j'ai fait erreur, il s’agissait de Blagaj.
3 Blagaj est un endroit complètement autre.
4 Ces endroits avaient été pris par des soldats serbes qui se
5 battaient sur le front de Blagaj. Ensuite, ces prisonniers, pour des
6 raisons que j'ignore, ont été remis aux soldats du HVO. Le HVO a transféré
7 ces personnes vers les camps de l’Héliodrome ou dans d'autres encore, en
8 Bosnie Occidentale. Ces personnes n'étaient pas encore enregistrées auprès
9 de la Croix-Rouge. Il n'y avait pas encore de moyen de les retrouver.
10 C'est surtout pour ces personnes, que l'on a beaucoup employé les
11 boucliers humains. Cette pratique a cependant été poursuivie par la suite.
12 L'hôpital était situé à 200 ou 300 mètres de la première ligne
13 de front. Dans la rue Santiceva, on se servait donc de ces blessés, que
14 l’on emmenait directement à l'hôpital, côté Mostar occidental. Par la
15 suite, il n’y a plus eu d’attaque.
16 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais vous demander des
17 éclaircissements sur ces questions, si vous le permettez. Les personnes
18 qui étaient utilisées comme des boucliers humains étaient des Musulmans de
19 Bosnie ?
20 M. Becirovic (interprétation). – Oui. Il s'agissait de Musulmans
21 de Bosnie. Par la suite, on s'est aussi servi de personnes qui venaient de
22 Blagaj, qui étaient également des Musulmans de Bosnie.
23 M. Kehoe (interprétation). - Le HVO s'est servi de toute sorte
24 de moyens pour être sûr que ces Musulmans n'allaient pas s'évader alors
25 qu'ils travaillaient sur les lignes de front.
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1 M. Becirovic (interprétation). – Il y avait toujours un risque
2 de voir les prisonniers s'échapper, rejoindre les rangs de l'armée BH.
3 C'est la raison pour laquelle il y avait des soldats croates à 10 mètres
4 derrière les prisonniers. C'est d'ailleurs pour cette raison que les
5 soldats croates ont inventé la chose suivante : ils avaient des chaînes et
6 les gens portaient des chaînes autour de leur cou. On les sommait de
7 construire ces abris, mais ils ne pouvaient pas s'échapper étant donné
8 qu'ils étaient maintenus par ces chaînes.
9 Je vais vous donner un exemple. Il y a un prisonnier qui s'était
10 évadé, il avait réussi à se débarrasser de la chaîne qu’il avait autour du
11 cou. Il a placé cette chaîne autour d'un arbre et il s'est éloigné. Le
12 soldat croate avait l'impression que le prisonnier était encore attaché
13 par sa chaîne, parce qu’il sentait une tension dans la chaîne et c’est
14 comme ainsi que ce prisonnier a réussi à s’échapper.
15 Dans d'autres cas, on se servait d'un couple père-fils pour être
16 sûr qu'il n’y aurait pas
17 de prisonniers qui s’échappent. C'est ainsi que l’on gardait dans le camp
18 le fils, et on envoyait le père creuser des tranchées ou faire des abris.
19 On savait qu’il y avait un membre de la famille qui restait en otage.
20 C'est par toute sorte de procédés de ce type que les Croates
21 essayaient d’éviter que les prisonniers ne s’échappent et ne rejoignent la
22 partie adverse. Vous venez de dire que certains Musulmans de Bosnie, de
23 Blagaj, avaient eux aussi été blessés alors qu’ils creusaient sur les
24 lignes de front. Vous ai-je bien compris ?
25 M. Becirovic (interprétation). - Oui, pendant la première
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1 période, lorsqu'ils ont commencé à se servir de ces boucliers humains, il
2 s'agissait essentiellement de gens de Mostar. Par la suite, ils se sont
3 servis de personnes venant de Blagaj et ils ont épargné les gens de
4 Mostar. Les gens que venaient de Blagaj venaient à l'hôpital et nous
5 racontaient ces histoires. C'est ainsi que j'ai su ce qui passait sur les
6 lignes de front, comment les gens s'en sortaient, comment ils
7 s'échappaient.
8 Il y avait l'histoire du soldat croate qui lançait un morceau de
9 pain parmi les prisonniers et ces derniers se battaient autour de ce
10 morceau de pain pour essayer de se l'accaparer.
11 C'est là que j'ai appris toutes ces histoires de tortures
12 d'êtres humains. Tous ces prisonniers n'avaient plus de droits en tant
13 qu'être humains. Ils n'étaient pas enregistrés auprès de la Croix-Rouge.
14 On pouvait faire d'eux ce que l'on voulait.
15 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu des informations de
16 la part de ces Musulmans de Blagaj qui avaient été blessés et qui étaient
17 à l'hôpital ? Avez-vous appris d'eux qu'ils creusaient des tranchées pour
18 le HV ?
19 M. Becirovic (interprétation). - Les prisonniers, quand ils
20 arrivaient, étaient sales, leurs vêtements étaient souillés de sang. Comme
21 nous étions en bonne santé, nous les aidions à se changer. Nous leur
22 donnions des vêtements et des sous-vêtements propres. Eux nous racontaient
23 ce qu'ils avaient vu, ce qui se passait. Toute l'information que j'ai, en
24 ce qui concerne la pratique des boucliers humains, est une information que
25 j'ai obtenue de ces personnes.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Vous ont-ils jamais dit qu'ils
2 creusaient des tranchées pour le HV ?
3 M. Becirovic (interprétation). - Non seulement ils me l'on dit,
4 mais ils m'ont même donné des détails sur la manière dont ils creusaient
5 ces tranchées, sur la manière dont ils étaient utilisés par le HVO comme
6 bouclier humain ou pour fabriquer des abris pour les soldats croates, afin
7 que ceux-ci puissent ensuite tirer sur les soldats de l'armée de Bosnie-
8 Herzégovine.
9 M. Kehoe (interprétation). - Avant votre départ, pendant cette
10 période où vous étiez encore dans l'autre aile de l'hôpital, la police
11 militaire du HVO est-elle venue vous voir concernant une enquête sur le
12 meurtre de votre frère aîné et de votre mère ? Si oui, que s'est-il
13 passé ?
14 M. Becirovic (interprétation). - Je ne sais pas exactement quel
15 jour cela s'est produit, mais c'était le matin. Deux policiers sont entrés
16 dans notre chambre. C'étaient des policiers de la police militaire du HVO.
17 Ils avaient une sorte d'ordre selon lequel il fallait que nous les
18 suivions pour aller témoigner. Mais nous ne savions pas dans quel contexte
19 ou à quel propos.
20 Par la suite, avec notre père, nous avons découvert ce qu'ils
21 voulaient. Mais nous avons convenu, avec notre père, que s'il y avait
22 procès, il fallait que nous y allions parce qu'une personne serait
23 accusée, entre autres choses, du meurtre de deux soldats HVO sur la ligne
24 de front. Cette personne était également membre du HVO. Ils voulaient
25 qu'elle soit reconnue coupable du crime qui avait frappé notre famille.
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1 Mais ce n'était pas cette personne qui avait commis le crime. C'est
2 pourquoi nous devions aller avec eux à ce tribunal militaire qui se
3 réunissait au siège de la police militaire à l'université.
4 Avant de partir, nous avions convenu avec notre père que, si
5 nous reconnaissions en
6 cette personne celle qui avait commis le crime, de dire que ce n'était pas
7 elle. En effet, si nous étions convoqués en tant que témoin, au moment
8 même où la guerre continuait, personne ne pourrait garantir notre
9 sécurité. Nous avons donc décidé que même si nous reconnaissions la
10 personne, de dire que ce n'était pas elle et que nous ne la connaissions
11 pas.
12 Voilà ce que nous avions décidé de faire en accord avec notre
13 père, avant même d'aller au Tribunal. Nous sommes ensuite allés au
14 Tribunal. On nous a montré quelqu'un que nous voyions pour la première
15 fois de notre vie. Selon eux, nous devions témoigner séparément. Cela
16 revenait à dire que l'un d'entre nous devait rester dans le couloir, à
17 l'extérieur de la salle du tribunal, tandis que l'autre devait dire si la
18 personne en question était celle qui avait commis le crime ou non. J'ai
19 parlé aux soldats et ils m'ont dit que lorsque mon frère a témoigné alors
20 que j'attendais dehors, les soldats qui me gardaient m'ont dit que le
21 soldat qui était dans la salle avait tué deux autres soldats.
22 M. Kehoe (interprétation). - Des soldats HV ou HVO ?
23 M. Becirovic (interprétation). - Des soldats HVO. Au nord de
24 Mostar, deux soldats avaient été tués par cette personne.
25 Ils ont dit que cette personne avait commis plusieurs autres
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1 meurtres de Musulmans et de Serbes. Il y avait aussi un Serbe qui
2 attendait et qui allait devoir témoigner. Quant à savoir si c'était la
3 personne qui avait commis le crime contre la famille serbe, en tout état
4 de cause, cette personne n'était pas accusée pour avoir tué des Musulmans
5 et des Serbes, mais exclusivement pour avoir tué deux soldats.
6 Il y avait des pressions internationales sur le côté croate pour
7 résoudre ces cas de meurtres. On voulait en faire porter la responsabilité
8 à une seule personne pour montrer des résultats à la communauté
9 internationale, donner l'impression que l'on avait trouvé des coupables et
10 qu'on avait entrepris de les punir.
11 La personne qui nous a été présentée n'était pas la personne qui
12 avait commis ces
13 crimes contre ma famille. Ce crime contre ma famille avait été, de toute
14 façon, le fait de trois personnes et non pas d'une seule. Je ne sais pas
15 quel était le nom de la personne qui était accusée de ce crime, mais mon
16 père le connaît.
17 Lorsque nous avons dit que nous ne reconnaissions pas, en la
18 personne qui nous était présentée, le meurtrier de notre frère et de notre
19 mère, on nous a laissé repartir. Nous sommes retournés à l'hôpital.
20 Ce procès était une farce, une parodie de justice qui n'avait
21 lieu que parce qu'il s'agissait de montrer à la communauté internationale
22 que l'on faisait quelque chose pour satisfaire ses attentes, mais on
23 essayait de faire porter la responsabilité de toute sorte d'autres crimes
24 à une personne, le plus rapidement possible. Il s'agissait de condamner
25 cette personne à perpétuité ou de la condamner à mort, et de lui faire
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1 porter toutes les responsabilités.
2 Lorsque nous avons témoigné et que nous avons dit que la
3 personne n'était pas la personne en question, on nous a renvoyé à
4 l'hôpital. Entre-temps, notre père nous a attendu quatre heures durant.
5 Pendant ce temps-là, il a traversé cette inquiétude propre à tout parent :
6 où sont mes enfants, pourquoi ai-je laissé partir mes enfants ? Il a vécu
7 tout cela.
8 Il ne nous a pas accompagnés parce qu'il pensait que, si on nous
9 emmenait pour nous tuer et si lui était avec nous, il n'y aurait plus de
10 témoin.
11 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, je vais vous
12 interrompre. Lorsque vous êtes revenu à l'hôpital, y êtes-vous resté
13 jusqu'au 27 septembre ?
14 M. Becirovic (interprétation). - Jusqu'au 27 septembre à peu
15 près. Je ne peux pas me souvenir de la date exacte.
16 M. Kehoe (interprétation). - Permettez-moi de vous poser une
17 autre question, Dragan. Très peu de temps avant cela, le HVO avait-il
18 décidé que les malades de l'hôpital allaient être, une fois de plus,
19 emmenés à l'Héliodrome ?
20 M. Becirovic (interprétation). - Les patients de l'hôpital
21 comprenaient non
22 seulement ces blessés qui avaient servis de boucliers humains, mais aussi
23 des personnes simplement malades, comme on en trouve dans les hôpitaux,
24 des personnes qui souffraient, par exemple, de calculs rénaux. Tous les
25 prisonniers qui étaient amenés à l'hôpital pour y être soignés ont alors
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1 été repris par le conseil de défense de la Croatie. Ils n'étaient pas du
2 tout protégés par les médecins. On les traitait comme des prisonniers.
3 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que l'on avait
4 rassemblé les malades pour les envoyer ailleurs.
5 M. Becirovic (interprétation). - C'est la raison pour laquelle
6 nous avons quitté l'hôpital, parce que pour nous, l'hôpital était un peu
7 la maison d'Anne Franck.
8 C'est là que nous nous sommes cachés des soldats croates parce
9 que, dès que nous quitterions l'hôpital, nous serions certainement
10 rattrapés par ces personnes ayant commis les crimes.
11 M. Kehoe (interprétation). - Sachant que les malades ont été
12 renvoyés à l'Héliodrome, avez-vous décidé, avec votre père et votre frère
13 jumeau, qu'il était temps de quitter Mostar ?
14 M. Becirovic (interprétation). - Ce déplacement des prisonniers
15 n'a pas été fait en masse, c'était vraiment une opération de nettoyage.
16 M. le Président. - Pour que les juges puissent mieux vous
17 suivre, essayez de répondre de façon précise. Par exemple, vous avez eu
18 une question précise, essayez d'y répondre. Je sais que c'est difficile,
19 que ces histoires ont été très dures pour vous. Toutefois, pour que les
20 Juges et le conseil de la défense puissent vous suivre, répondez
21 précisément aux questions posées. Vous avez fait votre récit, on vous pose
22 une question, vous répondez à cette question. Si vous avez besoin d'une
23 explication, vous la donnez. Mais autant que possible, vous essayez de
24 répondre à la question. D'accord ?
25 Maître Kehoe, vous avez posé une question sur la manière dont
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1 eux ont quitté
2 l'hôpital. Veuillez reformuler votre question. Merci.
3 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez vu que ces prisonniers
4 avaient été envoyés à l'Héliodrome alors qu'ils avaient été à l'hôpital.
5 Est-ce à ce moment-là que, vous, votre père et votre frère jumeau, avez
6 décidé de quitter Mostar ?
7 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est bien cela. Je
8 voulais simplement dire quelque chose. Les prisonniers qu'on envoyait à
9 l'Héliodrome, on les envoyait immédiatement. Le nettoyage de l'hôpital a
10 eu lieu en un jour. On a vraiment fait le nettoyage de tous les patients,
11 de tous les malades musulmans. Mais on envoyait des gens à l'Héliodrome.
12 Mais ce jour-là, c'est la première fois que tous les patients
13 musulmans ont été rassemblés et envoyés à l'Héliodrome, même ceux qui
14 étaient sur des civières, qui avaient des perfusions et qui étaient très
15 malades.
16 Je connais même une personne qui a été emmenée à l'Héliodrome
17 alors qu'on l'avait opérée la veille. Il avait encore une blessure
18 ouverte. C'étaient tous les Musulmans qui étaient dans l'hôpital et qui
19 ont, ce jour-là, été emmenés à l'Héliodrome, la seule exception étant nous
20 trois, moi-même, mon père et mon frère, et un autre jeune dont des parents
21 travaillaient à l'hôpital. La raison pour laquelle nous sommes restés à
22 l'hôpital, c'est que des médecins étaient intervenus pour nous. C'est
23 pourquoi on ne nous a pas emmenés.
24 M. Kehoe (interprétation). - Donc le 27 septembre, vous avez
25 quitté Mostar. Vous avez été à Zagreb avec l'assistance du HCR. Ensuite,
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1 votre père, votre frère et vous-même avez émigré vers un pays tiers. Est-
2 ce exact ?
3 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est exact.
4 M. Kehoe (interprétation). - Je n'ai plus de questions.
5 M. le Président. - Je me tourne vers le banc de la défense.
6 Maître Nobilo...
7 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez fait une déposition
8 relativement longue. Je vais vous poser une question d'ordre général. De
9 ce que vous nous avez dit cet après-midi, l'avez-vous appris à l'époque
10 en 1993, lorsque vous étiez âgé de treize ans ? Le saviez-vous avant ou
11 avez-vous ajouté des choses par la suite ?
12 M. Becirovic (interprétation). - Toutes les connaissances que
13 j'ai présentées relèvent de l'expérience vécue. Aucune de ces
14 connaissances n'est le fruit d'un tiers. Pour ce qui est d'autres
15 événements auxquels je n'étais pas présent, je les ai appris de témoins
16 directs oculaires.
17 M. Nobilo (interprétation). - Vous dites que les civils ont été
18 relâchés sous la pression de la communauté internationale qui demandait
19 que 7 000 civils soient relâchés. Vous aviez 14 ans, l'âge d'Anne Franck
20 et comme elle, vous vous cachiez dans des appartements. D'où savez-vous
21 que les autorités croates de Mostar ont pris une décision suite à la
22 pression internationale ? Comment savez-vous que 7 000 civils ont été
23 relâchés ?
24 M. Becirovic (interprétation). - 7 000 personnes ont été
25 relâchées, c'était une proportion par rapport à 8 000. Mais je ne connais
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1 pas le chiffre exact, mais 7 000 ont été relâchés. C'est ce que j'ai dit.
2 C'était la proportion par rapport aux gens relâchés.
3 M. Nobilo (interprétation). - Comment connaissez-vous le nombre
4 des personnes relâchées et comment savez-vous que c'était sous pression de
5 la communauté internationale ?
6 M. Becirovic (interprétation) - Ce fut sous pression parce que
7 c'était la télévision espagnole qui enregistrait de quelle façon les gens
8 étaient emmenés vers le stade et ensuite vers l'Heliodrome, le 9 mai. Ce
9 qui a constitué une pression de la communauté internationale pour que ces
10 personnes soient renvoyées vers leur foyer. C'était uniquement des
11 musulmans et pas parce qu'ils constituaient un péril pour la Croatie. Je
12 ne peux pas vous donner le chiffre exact. Les Croates ne le savent pas.
13 Ils raflaient les gens. Tous ceux qui ne leur convenaient pas, y compris
14 les malades, je peux donc être précis. Les gens pouvaient rentrer chez eux
15 au bout de dix jours parfois au bout de cinq jours. C'était proportionnel.
16 Huit milles personnes étaient renvoyées chez elles et mille autres étaient
17 maintenues en prison, parce qu'ils étaient déclarés
18 danger potentiel pour le HVO.
19 M. Nobilo (interprétation). - Vous vous êtes fait une opinion
20 de la décision des autorités croates, d'après ce que vous avez vu à la
21 télévision.
22 M. Becirovic (interprétation) - Ce n'est pas par la télévision
23 mais c'est ma manière de conclure. Il est normal en voyant à la télévision
24 des gens emmenés dans des camps vers un avenir incertain, que la
25 communauté internationale exerce une pression contre les agissements de la
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1 partie croate Il est clair que des pressions existaient parce que Hitler
2 faisait ce que nous avons fait en 1941, vous le savez C'est ainsi, mais ne
3 confondez pas.
4 M. le Président. - Si vous voulez bien, quand vous formulez vos
5 réponses à Maître Nobilo, tournez-vous vers les juges. C'est aux juges que
6 vous répondez.
7 M. Becirovic (interprétation) - Très bien. Toutes ces pressions
8 de la part de la communauté internationale s'exerçaient parce que tout
9 cela était officiel. Les caméras de la télévision espagnole
10 enregistraient. C'était sur toutes les chaînes européennes, même aux
11 Etats-Unis. Ce sont les raisons de la pression faite sur le gouvernement
12 afin de relâcher ces gens. Sinon pourquoi les autorités croates auraient-
13 elles relâchées ces gens précédemment emmenés vers les camps ? Cela n'a
14 aucun de sens. En principe, ils voulaient les garder plus longtemps pour
15 les contrôler plus facilement. C'est pourquoi des camps de détention ont
16 été organisés.
17 M. Nobilo (interprétation). - Vous dites que ces images étaient
18 sur toutes les chaînes d'Europe et d'Amérique. Avez-vous vu cela à l'âge
19 de 14 ans dans la ville de Mostar, en guerre ?
20 M. Becirovic (interprétation) - C'était également à la
21 télévision croate.
22 M. le Président. - Messieurs, je voudrais intervenir dans les
23 débats. J'éprouve un petit trouble. Je voudrais l'éclaircir. Vous êtes
24 convoqués par le Procureur pour témoigner de ce que vous avez vécu. J'ai
25 conscience du traumatisme. Vous êtes étudiant en quoi, à l'heure
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1 actuelle ?
2 M. Becirovic (interprétation) - Je ne suis pas encore étudiant.
3 Je suis en classe préparatoire pour l'étude des sciences économiques. Ce
4 qui me permet d'obtenir un certificat et ensuite de commencer des études
5 supérieures
6 M. le Président. - Je souhaite que vous réussissiez dans vos
7 études.
8 Néanmoins, ce qui aiderait les juges, parce que vous aidez les
9 juges par votre témoignage, et je sais que c'est difficile, ce serait
10 d'essayer d'autant que faire se peut, d'isoler les jugements que vous
11 portez, bien qu'ils soient respectables et respectés. Vous ne pouvez pas
12 apporter un témoignage devant un tribunal quel qu'il soit, ici, ailleurs
13 demain, dans votre pays qui ne soit pas ce que vous avez vécu ou perçu.
14 Que de temps en temps, vous donniez votre opinion est tout à fait normal
15 mais il faut autant que possible que vous restiez dans ce que vous avez
16 vécu. Vous représentez ici le témoin de quelque chose. Avez-vous compris ?
17 Vous essayez ?
18 Vous allez continuer le contre-interrogatoire en essayant de
19 différencier ce que vous avez vécu de ce que vous avez envie de dire sur
20 le conflit. Pour l'instant, vous êtes un témoin de certains événements,
21 c'est la raison de votre venue.
22 J'ai perdu un peu de temps à vous l'expliquer, c'est dans votre
23 intérêt et dans celui de la Justice. Continuons.
24 M. Nobilo (interprétation). - Merci Monsieur le Président. Dans
25 l'interrogatoire direct face au Procureur, vous avez dit que vous suiviez
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1 les classes du secondaire où vous cachiez d'être musulman et vous vous
2 efforciez de parler croate .Avez-vous suivi la même classe avec le même
3 professeur ou bien avez-vous changé d'école ?
4 M. Becirovic (interprétation) - J'ai continué la classe dans ce
5 qu'on appelle la cinquième école primaire qui se trouve à l'autre bout de
6 la ville, à l'école normale, je ne peux pas vous donner son nom. Elle est
7 tout près de la ligne de front, et a donc été fermée. C'est pourquoi j'ai
8 rejoint école primaire. Dans cette école, il ne fallait pas suivre les
9 cours de Croate,
10 une fois, les conflits éclatés, il m'a fallu suivre les cours de croate.
11 Il m’a fallu parler croate.
12 M. Nobilo (interprétation). - Mais question est de savoir si les
13 mêmes élèves sont devenus vos condisciples ? Etaient-ce les mêmes
14 condisciples et les mêmes professeurs ?
15 M. Becirovic (interprétation). - Oui, les mêmes.
16 M. Nobilo (interprétation). - De quelle manière fallait-il s’en
17 cacher puisqu’ils vous connaissaient tous ? Tel est le sens de la
18 question.
19 M. Becirovic (interprétation). - Je ne me cachais pas des
20 professeurs. Nous nous connaissions. Mais je me cachais des autres élèves.
21 Lors du passage dans cette nouvelle école, j’ai connu d’autres élèves
22 aussi. C’est pourquoi il me fallait cacher le fait que j’étais musulman,
23 pour éviter certaines choses désagréables.
24 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit au Procureur que
25 tout un chacun pouvait tuer un Musulman sans répondre de cet acte. Comment
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1 le savez-vous ? Avez-vous quelques exemples d’assassinats ou de meurtres
2 dont on savait qui en était l’auteur de l’assassinat sans pour autant
3 qu’il en réponde ?
4 M. Becirovic (interprétation). - Personnellement, je n’ai vécu
5 aucun assassinat, aucun meurtre directement. Mais je sais que cette
6 théorie était en pratique, théorie selon laquelle chaque Croate pouvait
7 tuer un Musulman sans en rendre compte. Je connais cette théorie à partir
8 des exemples survenus entre le 9 mai et le 30 juin. Certains Musulmans se
9 trouvaient dans la décharge. J’étais, moi aussi, dans la décharge. On
10 disait que même si les assassins étaient connus, ils étaient en liberté
11 non pas parce qu’ils étaient inaccessibles par la police, mais parce que
12 cette dernière ne voulait pas l’arrêter parce qu’ils vivaient à Mostar et
13 que leur adresse était connue. Personnellement, j’ai oublié les auteurs de
14 cet événement.
15 M. Nobilo (interprétation). - Vous ignorez tant le nom des tués
16 que celui des assassins ?
17 M. Becirovic (interprétation). - Oui, j'ai oublié. On a vécu
18 tant d’événements que j’ai oublié cela. J’ai oublié cela, par exemple.
19 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que votre frère
20 travaillait dans la police d’avant la guerre. Pouvez-vous dire, à
21 l’intention des Juges, s’il s’agissait du ministère des Affaires
22 étrangères, appelée MUP, la police de Bosnie-Herzégovine avant la guerre ?
23 Que faisait votre père ?
24 M. Becirovic (interprétation). - Mon père travaillait dans le
25 génie civil, une firme d’ingénierie.
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1 M. Nobilo (interprétation). - S’agissant de l’événement du
2 30 juin, à savoir que les gens à Mostar avaient faim, souffraient de la
3 famine, d’où le savez-vous ?
4 M. Becirovic (interprétation). - Pourquoi sinon les avions
5 lâcheraient-ils des colis au-dessus de Mostar s’ils avaient de la
6 nourriture ?
7 M. Nobilo (interprétation). - Avaient-ils faim après avoir
8 recueilli ces colis ?
9 M. Becirovic (interprétation). - Ces colis n’étaient pas
10 suffisants pour 50 à 60 000 habitants.
11 M. Nobilo (interprétation). - Comment savez-vous combien de
12 colis ont été parachutés ?
13 M. Becirovic (interprétation). - Ces avions qui parachutaient
14 les colis, je l’ai vécu personnellement, ne parachutaient pas des colis en
15 grande quantité. Ils ne suffisaient pas pour couvrir les besoins de la
16 population sachant qu’il y avait 50 à 60 000 habitants. Les avions ne
17 pouvaient donc pas tout assurer.
18 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce la seule source
19 d’approvisionnement ou y avait-il des convois de HCR ou autres ?
20 M. Becirovic (interprétation). - Les convois pouvaient passer si
21 le HVO le permettait. Quand il voyait qu'il n'y avait pas assez d'aliments
22 pour survivre et quand les pressions de la communauté internationale
23 étaient grandes, les convois avaient alors la permission de passer. Mais
24 c’était contre leur gré.
25 M. Nobilo (interprétation). - Comment savez-vous que c’était
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1 malgré eu, contre leur gré ?
2 M. Becirovic (interprétation). - Parce que Mostar subissait un
3 blocus, les gens ne pouvaient pas sortir.
4 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez décrit la situation
5 comme quoi un régiment de HVO, et que les Musulmans passaient sous le
6 contrôle de l’armée BH et que c’est ainsi qu’on a pu libérer Bijelo Polje.
7 De qui tenez-vous ces informations ? Vous avez appris cela à Mostar, au
8 moment où vous étiez caché ?
9 M. Becirovic (interprétation). - Ces informations, je les
10 connais parce qu’un Musulman, qui était dans les unités du HVO, se
11 trouvait pendant les attaques dans le camp nord qui était la cible des
12 attaques Bosnie-Herzégovine et qui a réussi à regagner de nouveau la rive
13 droite. C’est son récit qui m’a permis de savoir que beaucoup de gens
14 passaient dans l’autre camp.
15 Il nous a rejoint le 30 juin, le même jour. C’est son récit qui
16 m’a permis d’apprendre que beaucoup de soldats de nationalité musulmane
17 passaient dans les rangs de l’armée BH. Cela a permis de casser ce blocus
18 en ce laps de temps de trois heures.
19 M. Nobilo (interprétation). - Une fois que ce blocus a été
20 percé, la liaison avec Sarajevo a-t-elle été rétablie ?
21 M. Becirovic (interprétation). - Je crois que oui.
22 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous qu’en Bosnie-
23 Herzégovine, la mobilisation générale a été proclamée ?
24 M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’était la guerre que je
25 sache.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous quelles sont les
2 classes d’âge couvertes ?
3 M. Becirovic (interprétation). - A partir de 18 ans jusqu'à un
4 certain âge. Je ne connais pas la limite supérieure.
5 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit aussi que dans la
6 nuit du 30 juin jusqu'à minuit, on a raflé 8 000 Musulmans. De qui tenez-
7 vous ces informations et comment savez-vous que cette action a pris fin à
8 minuit ? Comment savez-vous que c’est 8 000 et non pas 7 000 ou 6 000 ?
9 M. Becirovic (interprétation). - C’était le même chiffre au
10 9 mai. Je sais que cette rafle a duré parce que le long de la route de
11 Citluk il y avait des autocars où se trouvaient les détenus. Etant donné
12 que je descendais en ville après ce crime, j’ai vu alors ces autocars
13 passer. Cela m’a permis de comprendre que cela a duré jusqu'à minuit.
14 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que ces policiers
15 militaires qui vous ont raflés, vous, votre mère et votre frère, avaient
16 les insignes de la police militaire de HV. Comment sont ces insignes ? Où
17 se trouvaient-ils ?
18 M. Becirovic (interprétation). - Ils étaient de couleur. Ils
19 étaient posés sur l’épaule où il était possible de lire « police militaire
20 HV », ils avaient des insignes sur lesquels on pouvait lire qu’ils étaient
21 policiers et cet insigne leur permettait de se présenter comme des
22 policiers militaires de HV.
23 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que ces policiers
24 militaires du HV étaient de Dalmatie, que vous avez reconnu leur accent.
25 Quel est mon accent ? Pouvez-vous reconnaître mon pays d’origine en
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1 entendant mon accent ?
2 M. Becirovic (interprétation). - Je ne peux pas le reconnaître
3 avec certitude, mais je le suppose. Je reconnais le dialecte stokavien.
4 Mais à Mostar, il y avait beaucoup de gens qui provenaient de Split. Des
5 amis de notre famille, notamment le frère d’une voisine était originaire
6 de Split. Grâce à sa connaissance, je peux conclure. Mais je ne peux pas
7 répondre à votre question.
8 Je suis né à Split et je suis moi-même à Split. Je ne le sais
9 pas. Je suis de Split.
10 M. Nobilo (interprétation). - Ensuite, vous avez dit que leur
11 propagande, la propagande HV, disait qu’en Bosnie Centrale, on tuait, on
12 assassine les Croates et que cela n’était pas vrai. Vous dites vous-même
13 ce que vous savez sur la Bosnie Centrale. Depuis un an, nous essayons
14 d’établir cela.
15 M. Becirovic (interprétation). - Je sais ce que j’ai appris par
16 les médias, mais je n’ai jamais séjourné en Bosnie centrale. Je le
17 suppose. Non, je ne le suppose pas, je sais que ces crimes commis à une
18 telle échelle ne pouvaient pas être comparables aux crimes perpétrés
19 contre la population musulmane parce que si tel avait été le cas, nous
20 Musulmans d’Herzégovine, nous n’existerions plus. Il ne resterait plus
21 aucun d’entre nous.
22 M. Nobilo (interprétation). - Le conducteur du camion qui s'est
23 arrêté après qu'on ait tué une partie de votre famille et que l’on vous a
24 brutalisé, était-il un civil ou un militaire ?
25 M. Becirovic (interprétation). - Le conducteur était un
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1 militaire étant donné qu’à cette époque, un civil ne pouvait pas ce
2 mouvoir à cause du couvre-feu.
3 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que la police
4 normale d’Herceg-Bosna, à l’hôpital vous a protégé en quelque sorte. Quand
5 vous dites « normale », vous voulez dire « civile » ?
6 M. Becirovic (interprétation). - Oui, je pense à la police
7 civile. Elle m’a protégé parce qu’elle y était obligée. Elle a été témoin
8 du fait que quelqu’un était conduit qui allait être tué. Toutes les
9 polices du monde gèrent cela.
10 M. Nobilo (interprétation). - Ce colonel des renseignements
11 généraux, comment s’est-il légitimé ?
12 M. Becirovic (interprétation). - Il avait une pièce d'identité.
13 Je ne peux pas la décrire. Nous étions des garçons de 14 ans. Je savais
14 que c’était une carte d’un officier des renseignements secrets. C’est ce
15 que j’ai conclu.
16 M. Nobilo (interprétation). - Il était gentil, aimable avec
17 vous ?
18 M. Becirovic (interprétation). - Oui, il l’était.
19 M. Nobilo (interprétation). - A-t-il essayé d’établir avec vous
20 qui était l’auteur de la chose ?
21 M. Becirovic (interprétation). - Il a voulu savoir si c’étaient
22 des militaires croates. Il a essayé d’établir les auteurs.
23 M. Nobilo (interprétation). - Je n’avais pas terminé la
24 question. Pourquoi n’avez-vous pas conclu qu’il souhaitait faire une
25 instruction ?
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1 M. Becirovic (interprétation). - Pourquoi un colonel des
2 renseignements secrets viendrait-il chez nous, à l’hôpital, pour établir
3 des liens ? Il y a d’autres services qui s’en occupent, notamment la
4 police, et non pas un colonel des services secrets dont la fonction n’est
5 pas la même. Ce dernier veut savoir ce qui est périlleux pour la nation
6 croate. Excusez-moi de m’exprimer ainsi.
7 M. Nobilo (interprétation). - Que veut dire « SIS » ?
8 M. Becirovic (interprétation). - SIS veut dire service de
9 sécurité et d’information. La tâche principale du SIS, de ce service,
10 c’est la protection de la sécurité des militaires.
11 M. Nobilo (interprétation). - Ils font des instructions sur les
12 crimes commis par les militaires ?
13 M. Becirovic (interprétation). - Comment les vies des militaires
14 seraient-elles mises en péril ? C’étaient des crimes contre les civils.
15 C’est la police, qui, à mon avis, devait faire une instruction et non pas
16 lui.
17 M. Nobilo (interprétation). - Selon vous, ce n’était pas une
18 instruction, mais autre chose.
19 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, l’avocat de la défense
20 voudra bien permettre au témoin de terminer sa réponse avant de poser la
21 question suivante car nous n’avons pas pu avoir la fin de la réponse. Le
22 transcript fait ressortir que le témoignage est interrompu. Je demanderai
23 à l’avocat de permettre au témoin de finir sa réponse.
24 M. le Président. - Laissez au témoin le temps de finir de
25 répondre, s’il vous plaît.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, sans citer les noms, si
2 dans votre rue, dans le cadre de votre voisinage, parmi vos connaissances,
3 avait-il un quelconque autre cas d’une pareille exécution, telle que l’a
4 subi votre famille ? L’un de vos voisins a-t-il péri de la même manière ?
5 M. Becirovic (interprétation). - Les parents d’un ami de classe,
6 ou plutôt ses grands-parents ont péri de la même manière, même pire. Il y
7 a beaucoup d’exemples, mais je ne peux pas m’en rappeler de tous. Je me
8 souviens de cet exemple parce que ce lycéen était mon condisciple.
9 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais
10 pas s’il y a lieu de le faire, mais j’aimerais connaître quelques noms à
11 titre d’identification des familles, etc., pour pouvoir faire notre
12 instruction, car l’instruction du témoin nous n’avons pas pu la préparer.
13 Nous ne l’avons pas faite éventuellement en vue de notre partie de la
14 procédure, des contre-preuves. Si vous pensez que cela peut porter
15 atteinte à quelqu’un, nous pourrions passer à huis clos pour établir les
16 noms des familles.
17 M. le Président. - Avez-vous une objection, monsieur le
18 Procureur ?
19 M. Kehoe (interprétation). - Je n’ai pas d’objection, mais il
20 faudrait évidemment vider la salle du public à moins que nous passions en
21 huis clos partiel. En huis clos partiel, je suppose qu’il n’est pas
22 nécessaire de vider la salle des témoins ?
23 M. Dubuisson (interprétation). - Dans cette salle, la private
24 session n’est pas possible. Il faut passer nécessairement à huis clos.
25 M. Kehoe (interprétation). - Donc ce sera une séance à huis clos
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1 et il faut vider la salle des témoins.
2 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, à la fin de
3 ma déposition, je peux aborder ces questions si vous le voulez bien. Je
4 propose que nous passions à huis clos à la fin de mon interrogatoire.
5 M. le Président. - C’est la meilleure solution. Combien de temps
6 vous reste-t-il, Maître Nobilo ?
7 M. Nobilo (interprétation). - Pas très longtemps, mais quinze
8 minutes sans doute me seront nécessaires.
9 M. le Président. - C’est la meilleure solution. Nous passerons
10 en huit clos total pour les dernières questions de votre contre-
11 interrogatoire. Poursuivons en audience publique.
12 M. Nobilo (interprétation). - Vous nous avez parlé des boucliers
13 humains dans la rue Santiceva, ainsi que dans le cadre de la défense de
14 l’hôtel Ero. J’aimerais savoir d’où vous vient ce renseignement, qui vous
15 l’a dit et qui a été utilisé en tant que bouclier humain.
16 M. Becirovic (interprétation). - J’ai appris ces renseignements
17 de personnes qui ont participé à ces structures de boucliers humains,
18 notamment à l’hôtel Ero, qui ont donc été utilisés comme boucliers
19 humains. Mais je ne connais pas leur nom car je n’avais pas de papier et
20 je n’ai pas pris le soin d’inscrire leur nom à l’époque.
21 M. Nobilo (interprétation). - Comment savez-vous que ceux qui
22 ont été arrêtés à Blagaj n’ont pas été enregistrés par la Croix-Rouge ?
23 M. Becirovic (interprétation). - Parce qu’ils me l’ont dit eux-
24 mêmes.
25 M. Nobilo (interprétation). - Qui vous a parlé de l’utilisation
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1 de cette chaîne pour s’assurer que les prisonniers ne s’évaderont pas ?
2 M. Becirovic (interprétation). - Ce sont également les
3 prisonniers qui me l’ont dit parce qu’ils avaient besoin d’aide, ces
4 prisonniers. Ils portaient des vêtements sales, donc nous leur avons donné
5 nos propres vêtements pour qu’ils puissent se changer. C’est à cette
6 occasion que nous avons parlé avec eux et que nous avons appris ces
7 événements.
8 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire le nom d’une
9 personne qui vous a donné ces renseignements ou le nom d’une personne qui
10 a été attachée par une chaîne ?
11 M. Becirovic (interprétation). - J’ai parlé à quelqu’un qui a
12 été attaché par une chaîne, mais qui ne m’a pas donné son nom. Même si
13 elle me l’avait donnée, je ne vous le donnerais pas.
14 M. Nobilo (interprétation). - Mais le fait que l’on utilise un
15 père et un fils, l’un est toujours sous contrôle pendant que l’autre va
16 creuser des tranchées, pouvez-vous nous donner des noms de ces personnes ?
17 M. Becirovic (interprétation). - Ces hommes étaient inconnus
18 pour moi, mais ce renseignement, je le tire des récits qu’ils m’ont faits
19 eux-mêmes. Un fils est arrivé à l’hôpital grièvement blessé et il était
20 dans la même pièce que moi. J’ai donc entendu son récit et c’est ainsi
21 qu’il m’a dit comment il a été blessé et comment cette méthode père-fils
22 était utilisée. Mais je ne peux pas vous dire leur nom car je ne les
23 connais pas.
24 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous allé témoigner dans un
25 procès à Mostar ?
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1 M. Becirovic (interprétation). - Je reconnais que c'était un
2 Tribunal militaire. Un procès qui se menait dans un bâtiment militaire,
3 donc je pense qu’il ne peut s’agir que d’un tribunal militaire.
4 M. Nobilo (interprétation). - Vous déclarez que ces hommes
5 avaient été jugés pour avoir tué deux Croates et non pour avoir tué deux
6 Musulmans parce qu’il était possible de tuer les Musulmans en toute
7 liberté à l’époque, selon ce que vous avez dit.
8 Pourquoi avez-vous été appelé à identifier ces personnes et à
9 les accuser du meurtre de votre famille ?
10 M. Becirovic (interprétation). - D’abord, ce n’était pas
11 plusieurs personnes, mais une seule personne, un homme qui était accusé du
12 meurtre des membres de ma famille. Ensuite, on nous a appelé à identifier
13 cet homme parce qu’il y avait encore pas mal d’instruction en cours et
14 lorsqu’arrive un soldat croate qui a tué deux soldats croates, il est
15 facile d’établir le lien. C’était une très bonne occasion.
16 M. Nobilo (interprétation). - Mais qu’est-ce qui vous permet de
17 savoir quelles étaient les intentions des juges dans ce procès ?
18 M. Becirovic (interprétation). - D’abord, je n’avais pas
19 d’avocat, je m’exprimais moi-même. Ensuite, on m’a demandé si je pouvais
20 identifier cet homme ou pas. J’ai répondu par la négative parce que ce
21 n’était pas lui. Mais en dehors de cela, quant de savoir qu’il avait tué
22 deux hommes, c’est un autre soldat qui me l’a dit après la déposition
23 faite par mon frère. Je ne le savais pas à ce moment-là.
24 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous si ce soldat a été
25 libéré eu égard à l’accusation d’avoir tué les membres de votre famille ?
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1 M. Becirovic (interprétation). - Je ne sais pas quel a été le
2 sort de ce soldat. Mais, parce que la chose m’intéressait, quand je suis
3 allé à Mostar au cours de l’été, j’ai su qu’un prisonnier musulman qui
4 était dans la même cellule que lui est resté enfermé dans cette même
5 cellule par la suite. Donc ce sont les propos du prisonnier. C’est par ce
6 prisonnier que j’ai eu ce renseignement en été, quand je suis retourné à
7 Mostar.
8 M. Nobilo (interprétation). - La conclusion que vous avez tirée,
9 à savoir que ce procès était une mascarade et qu’il n’a eu lieu qu’en
10 raison de la communauté internationale, qu’en savez-vous ? Que savez-vous
11 de précis qui vous permet de dire qu’il s’agit de dire que ce procès était
12 une mascarade menée en raison de l’avis de la communauté internationale ?
13 M. Becirovic (interprétation). - Je dis que c’était une
14 mascarade à cause de cet homme parce que cet homme ne pouvait pas avoir
15 commis tous les crimes qui lui étaient imputés. Ces crimes ont
16 véritablement été choisis. Je ne sais pas comment il aurait pu commettre
17 ce crime. Il y avait trois hommes, comment aurait-il pu faire tout cela à
18 lui tout seul.
19 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si cet
20 homme, à ce moment-là,
21 quand vous êtes arrivé, a été officiellement accusé du meurtre de votre
22 frère et de votre mère ?
23 M. Becirovic (interprétation). - Nous sommes allés témoigner.
24 Nous sommes allé identifier cet homme pour déterminer si ce dernier avait
25 oui ou non commis le crime contre les membres de ma famille. Mais je ne
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1 sais pas s’il a été mis en accusation pour cet acte.
2 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que vous trouviez à
3 l’hôpital comme « Anne Franck », à laquelle vous vous comparez souvent. Je
4 suppose donc que ce que vous vouliez dire, c’est que vous vous cachiez
5 dans l'hôpital. Pouvez-vous me dire comment vous pouviez vous cacher
6 puisqu’un colonel des services de renseignements vient vous rendre visite,
7 ainsi qu’un soldat en uniforme noir, des policiers ? Comment pouvez-vous
8 dire que vous vous cachiez à l’hôpital ?
9 M. Becirovic (interprétation). - Je vais vous donner un exemple.
10 Si vous êtes le dernier patient musulman dans un hôpital, un camion est
11 arrivé plusieurs fois pour venir nous chercher, nous, c’est-à-dire ces
12 trois ou quatre patients qui restaient. Pour cette raison, il nous a fallu
13 nous cacher dans la salle de consultation du médecin pour qu’ils ne nous
14 trouvent pas. S’ils nous trouvaient dans les salles réservées aux
15 patients, ils nous auraient emmenés. C’est pourquoi je devais me cacher.
16 J’ai donné l’exemple d’Anne Franck pour vous faciliter la tâche, pour que
17 vous puissiez plus facilement vous rendre compte de quoi il s’agissait.
18 Ce n’est pas une véritable comparaison avec Anne Franck parce
19 que c’était bien pire. J’ai vu de mes yeux ce que j’appelle, moi, un
20 crime. Comment pourrais-je l’appeler autrement ?
21 M. Nobilo (interprétation). - Dans la dernière partie de votre
22 déposition, vous avez dit que des patients étaient ramenés régulièrement à
23 l’Héliodrome et que le dernier jour, ils ont pratiquement nettoyé tout
24 l’hôpital et que les patients ont été emmenés, même sur des civières, en
25 direction de l’Héliodrome.
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1 Comment saviez-vous qu’on les emmenait à l’Héliodrome et pas
2 dans un autre
3 hôpital ?
4 M. Becirovic (interprétation). - Ils n’ont pas été emmenés dans
5 un autre hôpital parce qu’on les a jetés dans des camions et qu’on
6 n’aurait pas agi ainsi pour les transférer dans un autre hôpital. On les
7 aurait transférés dans des ambulances.
8 Je ne comprends pas qu’on puisse emmener quelqu’un dans un
9 hôpital en utilisant un camion. Je sais aussi que des personnes grièvement
10 blessées ont été ramenées à l’hôpital à partir de l’Héliodrome. C’est
11 comme cela que j’ai appris qu’ils étaient allés à l’Héliodrome, parce que
12 certains, pas tous, mais un tiers des personnes réellement blessées ont dû
13 revenir à l'hôpital.
14 M. Nobilo (interprétation). - Votre père vous a conseillé de ne
15 pas dire la vérité quand vous êtes allé à ce fameux procès, de ne la dire
16 sous aucun prétexte. Maintenant ce qui m'intéresse est la chose suivante.
17 Après votre première conversation avec les représentants du Bureau du
18 Procureur, quelqu’un vous a-t-il donné des conseils sur la manière de
19 témoigner ici et de donner votre déposition ?
20 M. Becirovic (interprétation). – Personne ne m'a conseillé.
21 Simplement, il m'a été dit que j'allais comparaître devant le Tribunal,
22 qu'il fallait que je prononce une déclaration solennelle, qu'il fallait
23 que je m’exprime, mais on ne m’a rien dit au sujet du contenu de ma
24 déposition. Simplement que j'étais un témoin de l'accusation. Cela a été
25 mon seul rapport avec le Procureur.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Je ne parlais pas nécessairement
2 du Procureur, mais je vous demandais si quelqu’un avait parlé avec vous
3 avant votre rencontre avec les membres du Bureau du Procureur. Je sais
4 que, eux, travaillent correctement.
5 M. Becirovic (interprétation). – Je ne vois pas qui aurait pu le
6 faire. Je peux vous parler de l'expérience que j’ai vécue avec mon frère
7 qui a vécu la même expérience. Mais, en dehors de mon père, je ne vois pas
8 qui aurait pu me conseiller de dire ceci ou cela.
9 M. Nobilo (interprétation). - Qui vous a contacté le premier
10 pour vous demander d'être témoin, après votre départ de Mostar en 1993 ?
11 M. Becirovic (interprétation). – Nous sommes allés à l’ambassade
12 de Bosnie-Herzégovine qui est chargée de tenir des registres au sujet de
13 ces crimes, car il est impossible d'oublier ces crimes. C'est cette
14 ambassade qui a fait beaucoup pour que mon affaire soit entendue devant le
15 Tribunal de La Haye aujourd'hui.
16 M. Nobilo (interprétation). – Avez-vous parlé avec ce bureau
17 chargé des crimes de guerre à l'ambassade ?
18 M. Becirovic (interprétation). – J'ai quelques avantages pour
19 obtenir un passeport mais je sais que tous ceux qui vivent en Croatie
20 obtiennent un passeport très rapidement pour voyager à l’étranger. Moi, je
21 ne sais pas…
22 M. Nobilo (interprétation). - C'est donc votre réponse ?
23 M. Becirovic (interprétation). – Oui, c'est ma réponse.
24 M. Nobilo (interprétation). - Quand avez-vous donné votre
25 dernière déposition au Procureur ?
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1 M. Becirovic (interprétation). – Mercredi dernier, à l’endroit
2 où j’habite.
3 M. Nobilo (interprétation). - Quand avez-vous eu votre premier
4 contact avec le Bureau du Procureur ?
5 M. Becirovic (interprétation). – Mardi dernier ou c'est peut-
6 être lundi, je ne me souviens pas exactement.
7 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, j'aurais
8 encore deux questions brèves à huis clos et j'en aurai fini.
9 M. le Président - Monsieur le Greffier, nous passons à huis
10 clos.
11 (Audience à huis clos.)
12 (expurgée)
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18 (Audience publique)
19 M. Riad (interprétation). – Monsieur Becirovic, bonjour…
20 M. Becirovic (interprétation). – Bonjour. Excusez-moi, je n’ai
21 pas entendu la suite de votre phrase. Pourriez-vous répéter s’il vous
22 plaît ?
23 M. Riad (interprétation). – Très bien. Vous avez dit que des
24 soldats étaient arrivés dans le bâtiment où vous vous trouviez, pour vous
25 emmener. Vous avez ensuite décrit l'horrible exécution de votre mère et de
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1 votre frère. Vous avez décrit ces soldats comme étant des soldats du HV,
2 comme des soldats de Croatie, l’un des signes de cela étant leur accent.
3 Mais ces soldats étaient-ils vêtus comme des soldats de l’armée croate ou
4 comme des soldats du HVO ?
5 M. Becirovic (interprétation). - Comme les soldats du HV, ils
6 avaient des insignes impossibles à confondre. Ils avaient des brassards
7 jaunes que ne portent que les forces de l'armée de Croatie. Il y avait
8 aussi le fait qu'ils ne connaissaient pas la ville de Mostar. Cela
9 prouvait bien qu'ils venaient de l'extérieur. Par leur accent, j'ai
10 supposé qu'ils venaient de Dalmatie, plus précisément de Split, parce que
11 beaucoup de soldats venaient de Split.
12 M. Riad (interprétation). - C'étaient donc des soldats de la
13 police militaire qui portaient des insignes du HV. Y avait-il beaucoup de
14 policiers militaires HV dans la région ou était-ce une situation
15 exceptionnelle ?
16 M. Becirovic (interprétation). - J'ai vu la police militaire de
17 l'armée de Croatie pour la première fois quand ses représentants sont
18 arrivés à notre porte. Mais j'avais déjà vu des soldats de l'armée de
19 Croatie. Quant aux policiers militaires de l'armée de Croatie, c'était la
20 première fois que je les voyais.
21 M. Riad (interprétation). - Pourriez-vous dire qu'ils avaient
22 une attitude
23 dominatrice, qu'ils se comportaient comme les maîtres de la situation,
24 qu'ils étaient obéis ?
25 M. Becirovic (interprétation). - Quand quelqu'un vous dit :
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1 "Habillez-vous, et fouillez chez vous vous-mêmes", évidemment ils étaient
2 maîtres de la situation et ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient.
3 M. Riad (interprétation). - Je ne parlais pas de vous. Je
4 parlais des autres soldats. Vous avez déclaré qu'au passage du barrage
5 routier, ils étaient respectés par les autres soldats. Ils occupaient une
6 position dirigeante.
7 M. Becirovic (interprétation). - La seule chose que j'ai
8 constatée, c'est qu'ils traversaient les barrages sans aucun problème. Ils
9 n'avaient pas besoin de montrer leur laissez-passer. Ils circulaient sans
10 difficulté à ce moment-là, et lorsqu'ils étaient en fonction, ils
11 n'avaient pas besoin de respecter toutes ces règles. Ma conclusion
12 personnelle a été manifestement qu'ils connaissaient ces soldats qui
13 contrôlaient les barrages routiers.
14 M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé du nettoyage de
15 l'hôpital. C'est ainsi que vous l'avez qualifié. Ce nettoyage a-t-il été
16 également effectué par des membres de la police militaire du HV, par des
17 soldats de l'armée de Croatie, ou par le HVO, pouvez-vous vous en
18 rappeler ?
19 M. Becirovic (interprétation). - Cet acte a été celui des
20 soldats du HV, la 5e Brigade qui se trouvait dans la banlieue de Mostar.
21 J'ai pu reconnaître cette 5e Brigade à cause des camions qu'elle
22 utilisait. Il était écrit "5e Brigade" sur les camions.
23 M. Riad (interprétation). - Je crois que ce sera tout. Je vous
24 remercie.
25 M. Kehoe (interprétation). - L'interprète souhaitait un
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1 éclaircissement pour le compte-rendu. Je crois comprendre que
2 l'interprète, Monsieur le Juge Riad, avec tout le respect qu'elle vous
3 doit, a eu quelques difficultés à comprendre la teneur de votre question,
4 s'agissant du HV ou du HVO.
5 M. Riad (interprétation). - Pourriez-vous vous expliquer ?
6 M. Becirovic (interprétation). - De quelle question s'agit-il ?
7 M. Riad (interprétation). - La 5e Brigade dépendait-elle du HV
8 ou du HVO ?
9 M. Becirovic (interprétation). - La 5e Brigade est une brigade
10 du HVO.
11 M. le Président. - D'accord, Maître Kehoe ?
12 Je remercie le Juge Riad d'avoir posé ces questions que j'aurais
13 moi-même posées. C'est vrai qu'il y a, depuis le début de ce témoignage,
14 une certaine confusion entre HV, HVO, police militaire HV, police
15 militaire HVO, troupe HV, troupe du HVO. Je remercie mon collègue d'avoir
16 essayé d'éclaircir ces questions.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez évoqué des soldats
18 qui avaient refusé de tirer sur leurs amis. Ces soldats étaient-ils des
19 soldats du HV, de l'armée de Croatie, ou du HVO ?
20 M. Becirovic (interprétation). - C'étaient des soldats du HVO
21 puisqu'ils étaient les seuls à avoir des amis à Mostar. L'armée de
22 Croatie, puisqu'elle venait de l'extérieur, ne pouvait pas avoir d'amis à
23 Mostar.
24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mon impression est-elle
25 justifiée, selon laquelle il apparaît, sur la base de tout ce que vous
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1 avez dit, qu'en certaines occasions, des Croates vous ont manifestée de la
2 bonté, à vous et aux survivants de votre famille ?
3 M. Becirovic (interprétation). - Si vous avez des amis, il est
4 naturel qu'ils vous manifestent de la bonté. Tous ces crimes commis ne
5 sont certainement pas l'oeuvre de mes amis. Nous n'étions pas une famille
6 qui avait l'habitude d'attaquer qui que ce soit ou de se mêler à des
7 querelles. Nous avions de nombreux amis. Je dirais que tous les médecins
8 de l'hôpital étaient parmi nos amis. C'est grâce à eux que nous sommes
9 restés vivants. Mon père et ma mère, en effet, lorsqu'ils étaient jeunes
10 mariés, connaissaient tout Mostar. Ils s'étaient fréquentés longtemps
11 avant cela. Cela consiste à se promener dans les rues. Ils connaissaient
12 donc pratiquement tout le monde à Mostar.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je suis en droit de penser
14 que ces Croates qui vous ont apporté leur aide, savaient que vous étiez
15 Musulman ?
16 M. Becirovic (interprétation). - Ce n'est pas seulement qu'ils
17 le savaient, mais ils nous ont aidé parce que nous sommes Musulmans. Car
18 ils étaient les seuls à pouvoir nous aider. A cette époque-là, toute aide
19 nous était utile. Bien entendu, ils savaient que nous étions Musulmans.
20 Tout le monde nous connaissait. Ceux qui nous aidaient nous connaissaient
21 bien sûr, y compris les médecins. Je crois que c'est pour cela que les
22 médecins nous ont aidés.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourriez-vous aider le
24 Tribunal en nous disant si, à d'autres occasions, des Musulmans ont reçu
25 de l'aide de Croates ?
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1 M. Becirovic (interprétation). - Il y a eu de nombreux cas de ce
2 genre. Des voisins à nous ont protégé des Musulmans, les ont cachés chez
3 eux. Je parlerai de cette famille Culjak qui a agi ainsi au moment où les
4 Musulmans étaient recherchés. De nombreux autres familles, les médecins en
5 particulier... Enfin, nous connaissons beaucoup de personnes de ce genre.
6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quels sont aujourd'hui vos
7 rapports avec les Croates qui se sont avérés généreux à votre égard au
8 moment où vous en aviez besoin ?
9 M. Becirovic (interprétation). - Nos rapports sont excellents,
10 comme ils l'étaient avant la guerre. Il n'y a eu aucune modification. Je
11 dirais même que cette guerre a permis de prouver à quel point ils étaient
12 véritablement nos amis, puisqu'ils nous ont aidés. Nous sommes
13 reconnaissants envers toute personne qui nous a aidés.
14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.
15 M. le Président. - Je suis sûr que mon collège a d'autres
16 questions à vous poser.
17 M. Riad (interprétation). – J’aimerais simplement ajouter une
18 question aux questions que vient de poser mon éminent collègue, le Juge
19 Shahabuddeen. Vous êtes apparemment un jeune étudiant très éduqué ; avez-
20 vous remarqué que le danger qui menaçait la population musulmane de Mostar
21 provenait uniquement des troupes du HVO ou est-ce que des
22 civils croates ont également participé à là diffusion de cette haine ?
23 M. Becirovic (interprétation). – Je peux vous parler de quelque
24 chose que j'ai appris parce que ce n'était pas seulement des menaces. J'ai
25 appris que tous les Musulmans étaient sensés déménager à Zenica, c’est une
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1 ville de Bosnie centrale surtout peuplée de Musulmans. Ce déménagement des
2 Musulmans de Mostar à Zenica faisait partie d’un plan. Je ne dis pas que
3 ce plan était exécuté, mais il existait. Les Croates discutaient de ce
4 plan entre eux. Je les ai entendus en parler.
5 Par ailleurs, il n’y avait pas de place pour les Musulmans à
6 Mostar mais il y avait de la place pour des Croates islamisés, ce qui
7 constitue une grande différence. Le symbole de la ville de Mostar, le
8 vieux pont a été détruit par le Conseil croate de la défense parce qu’il
9 représentait, parce ce qu’il symbolisait cet islam sur lequel a été bâti
10 la ville de Mostar.
11 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.
12 M. le Président. - Voilà c’est terminé. Je n'ai pas moi-même de
13 questions, elles ont été posées excellemment mes collègues. Monsieur
14 Dragan Becirovic, c'est bien douloureux tout ce que vous avez vécu. Vous
15 avez beaucoup de vie devant vous. Vous êtes, comme l’a remarqué le Juge
16 Riad, en cours d’étude, vous avez donc beaucoup de jugement sur tous ces
17 événements, votre tâche est grande. Essayez d’aller de l’avant.
18 Voilà tout ce que le Tribunal vous souhaite. Nous vous
19 remercions d’être venu jusqu’à nous à la demande du procureur. A présent,
20 l'huissier va vous raccompagner.
21 (Le témoin quitte la salle d’audience.)
22 M. le Président. – Monsieur Harmon, nous arrivons à la fin de
23 notre après-midi. J'aimerais savoir comment vous concevez la semaine
24 compte tenu de ce que nous avions dit hier sur les témoins que vous devez
25 produire. Nous terminons vendredi, en fin de matinée, vous le savez.
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1 Comment se présentent les audiences, s'il vous plaît ?
2 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons
3 un témoin, le
4 Conseil de la défense est au courant, je ne cite pas son nom parce que
5 c'est un témoin protégé et, éventuellement, un autre témoin après ce
6 prochain témoin dont nous avons également discuté avec la défense.
7 Ensuite, nous aurons une série de documents qui sera abordée par
8 mon collègue, Me Cayley demain. Après quoi, nous aurons un autre témoin,
9 qui sera interrogé par Me Harmon jeudi.
10 Je pense que cette déposition se prolongera vendredi, mais je
11 vais donner la parole à Me Harmon de façon à ce que sa réponse soit tout à
12 fait précise.
13 M. HARMON (interprétation). – Nous prévoyons d’en avoir fini
14 vendredi comme cela était déjà indiqué sur le calendrier existant.
15 M. le Président. – Je voudrais également…, je vous remercie
16 M. Harmon, que vous essayiez d’utiliser votre temps, parce que sinon, il
17 vous est décompté. Je ne le décompte pas quand il s'agit d'un quart
18 d’heure, sinon il vous est décompté, vous le savez, tout en appliquant
19 cette mesure avec nuance, comme nous l’appliquerons pour la défense le
20 moment venu.
21 Je voudrais aussi que vous réfléchissiez à la suite de vos
22 travaux pour la fin du mois de juillet. Quand vous aurez terminé la fin de
23 la présentation de vos preuves, normalement c'est le 29 juillet,
24 monsieur Dubuisson, vous qui tenez nos comptes, notre calendrier.
25 M. Dubuisson. – C’est bien cela, le 29 juillet.
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1 M. le Président. - A présent, nous remercions les interprètes,
2 comme on doit le faire chaque jour, comme on doit le fait particulièrement
3 aujourd'hui.
4 Nous nous retrouvons demain à 9 heures 45 puisque le Greffe nous
5 a demandé désormais de commencer nos séance à cette heure-là pour des
6 questions concernant la détention et la venue des différents accusés.
7 Bonne soirée à tout le monde, l'audience est levée.
8 L’audience est levée à 18 heures 10.
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