Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Lundi 07 septembre 1998

4

5 Le Procureur c/ Tihomir Blaskic

6

7 L'audience est ouverte à 14 heures 25.

8 M. le Président. - L'audience est reprise.

9 Monsieur le Greffier, pouvez-vous introduire l'accusé ?

10 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

11 M. le Président. - Je voudrais bien sûr saluer les conseils du

12 Procureur, savoir si les interprètes m'entendent.

13 Les interprètes. – Bonjour, Monsieur le Président. Nous vous

14 entendons ; mais, malheureusement, nous ne vous voyons pas.

15 M. le Président. - C'est dommage, c’est réciproque.

16 Bien, si tout le monde m'entend, nous allons donc pouvoir

17 reprendre au point où nous avions laissé notre débat il y a deux semaines

18 de cela.

19 La Chambre a rendu deux décisions sur lesquelles il ne convient

20 pas de revenir. Dans ces conditions, je crois que, sauf s'il y a des

21 motions préalables, je vais me tourner vers Maître Hayman, Maître Nobilo

22 ou Maître Pelly.

23 M. Hayman (interprétation). – Nous sommes prêts à procéder du

24 côté de la

25 défense, Monsieur le Président, si vous nous y autorisez.

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1 M. le Président. - Je vois qu'effectivement, vous avez une

2 préparation importante pour les débats. Alors, il ne s'agit pas de prendre

3 partie sur la préparation, mais de reconnaître que, certainement, cela a

4 dû être beaucoup de travail ; j'espère surtout que cela va faciliter nos

5 débats. Nous vous écoutons Maître Hayman.

6 M. Hayman (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

7 Bonjour Monsieur le Président, bonjour Messieurs les Juges,

8 bonjour Conseil de l'accusation.

9 A l'été 1991, lorsque la désintégration de la Yougoslavie était

10 en cours, Tihomir Blaskic était capitaine au sein de la JNA et posté en

11 Slovénie. Il était commandant adjoint d'un bataillon et sa principale

12 occupation consistait à former et à instruire les soldats de son unité.

13 En tant que petit garçon, il avait grandi à Brestovsko, un

14 village situé près de Kiseljak, dans la municipalité de Kiseljak, et en

15 1992, ses parents résidaient encore dans la maison de la famille dans

16 cette municipalité de Kiseljak.

17 Mais Tihomir Blaskic avait quitté la Bosnie à l'âge de 14 ans,

18 en 1975, pour suivre des études supérieures et l'académie militaire à

19 Zagreb et à Belgrade. Il a passé ses années de formation pas en Bosnie,

20 mais dans une société urbaine et multi-ethnique dans laquelle il

21 poursuivait ses études.

22 A l'académie militaire, il a partagé sa chambre avec cinq autres

23 cadets et les six nationalités de l'ex-Yougoslavie étaient représentées

24 dans son dortoir, et ce intentionnellement. Les cadets partageaient leur

25 vie, partageaient leur apprentissage et partageaient leurs loisirs

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1 ensemble. Tihomir Blaskic a quitté l'académie en appréciant grandement la

2 diversité culturelle et les avantages que nous tirons tous d'une telle

3 diversité.

4 Au fil des changements subis par la JNA dans les années 80,

5 après la mort de Tito,

6

7 les idées positives de Tihomir Blaskic, eu égard à la diversité des

8 groupes ethniques, lui a posé des problèmes. En 1985, il s'est vu offrir

9 un poste de commandement au sein d'une unité dont il pensait qu'elle

10 serait envoyée au Kosovo. Il ne souhaitait pas aller au Kosovo où la JNA,

11 à l'époque, était engagée dans des démonstrations de force contre les

12 Albanais, les Albanais de souche.

13 Pourquoi, pensait-il, une armée populaire devrait-elle être

14 engagée dans des démonstrations de force contre le peuple qu'elle avait

15 juré de protéger ? Il a donc refusé le poste qui lui a été offert et ce

16 refus a abouti à ce que les autorités serbes de la JNA le menacent de

17 prison, dans une prison militaire.

18 En août 1991, une deuxième crise encore plus grave a mis fin à

19 la carrière du capitaine Blaskic au sein de la JNA. Il a constaté qu'en

20 Slovénie, la JNA se tournait contre les Slovènes et ne souhaitait pas

21 participer à cette action. Il ne voulait pas participer à une guerre

22 contre les Slovènes et a donc demandé l'autorisation de quitter la JNA.

23 Celle-ci ne l'a jamais libéré, mais Tihomir Blaskic n'en a pas pour autant

24 abandonné ses idées. Il a quitté la JNA au milieu de la nuit le

25 12 août 1991 et, en fait, a quitté l'ancienne Yougoslavie. Il s'est enfui

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1 avec sa femme Ratka à Vienne où ils ont vécu le reste de l'année 1991 et

2 une bonne partie de l'année 1992.

3 Au début de l'année 1992, les Croates et les Musulmans

4 travaillaient ensemble en Bosnie centrale, ils étaient alliés pour se

5 préparer contre l'attaque qu'ils attendaient de la part de la JNA serbe.

6 En février 1992, Tihomir Blaskic a été contacté par des membres

7 du conseil municipal de Kiseljak qui lui ont demandé de revenir dans la

8 région afin d'aider à organiser la défense de Kiseljak. Le groupe qui lui

9 a demandé de revenir en Bosnie comptait dans ses rangs des Croates et des

10 Musulmans. Mais ayant passé 17 ans à l'extérieur de la Bosnie, il était

11 étranger à ce pays, sa femme, Ratka, avait été élevée en Autriche où

12 résidaient ses parents.

13 Les Blaskic auraient très facilement pu rester en Autriche avec

14 leur jeune fils Ivo. En fait, Ratka était opposée à un retour en Bosnie,

15 mais Tihomir Blaskic a décidé qu'il ne pouvait pas tourner le dos à ceux

16 qui avaient un tel besoin de son aide et il a donc accepté de retourner en

17 Bosnie-Herzégovine uniquement pour deux mois, afin d'assister, d'aider à

18 la préparation d'un plan de défense de la municipalité de Kiseljak.

19 Son retour en Bosnie-Herzégovine n'a pas été un voyage aisé :

20 alors qu'il était en route vers Kiseljak, il a été arrêté par la JNA et

21 emprisonné. Au cours de cette période d'emprisonnement, les membres de la

22 JNA qui l'avaient capturé, lui ont fait subir des sévices physiques. A la

23 mi-avril 1992, Blaskic a été libéré de la prison où il se trouvait et a

24 continué son voyage vers Kiseljak. La prison où il se trouvait était à

25 Tuzla et puis le lendemain, il a rendu compte…, il s'est rendu auprès de

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1 la cellule de crise, un groupe ethniquement mixte qui lui a demandé

2 d'identifier les positions stratégiques nécessaires à la défense de la

3 municipalité.

4 Dans les semaines qui ont suivi, il a été nommé au poste de

5 commandant municipal adjoint des forces de défense combinées de Kiseljak,

6 bien qu'en fait aucune organisation globale de ce genre n'existait

7 officiellement à l'époque. Il s'agissait simplement de plusieurs

8 organismes militaires tels la Défense territoriale, la ligue patriotique

9 et l'état-major municipal qui travaillaient ensemble. Il partageait le

10 campement mixte de cette organisation avec un autre commandant, un

11 Musulman appelé Bakir Alispasjic et bien que Tihomir Blaskic ait été mis

12 en accusation dans l'affaire qui nous intéresse ici et accusé de crimes de

13 guerre non spécifiés en mai et avril 1992, à cette période, il a partagé

14 un campement conjoint avec M. Alispasjic à Kiseljak. Tihomir Blaskic a

15 donc travaillé deux mois à la préparation de la défense de Kiseljak. Il

16 n'a pas cherché à obtenir une position, un poste plus élevé. Au lieu de

17 cela, il a été recommandé par des tiers au poste de commandant de la zone

18 opérationnelle de Bosnie centrale pour le HVO et, le 27 juin 1992, il a

19 été nommé à ce poste.

20 Il n'a obtenu aucun grade au sein du HVO et si la zone

21 opérationnelle n'existait que

22 depuis très peu de temps, il a été le cinquième commandant de cette zone

23 opérationnelle.

24 En même temps que ce poste, il a hérité d'un certain nombre de

25 tâches urgentes. Sa première responsabilité la plus importante a consisté

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1 à défendre la zone opérationnelle contre l'agression subie de la part de

2 la JNA et des milices serbes bosniaques qui avaient déjà pris deux tiers

3 du territoire de la Bosnie-Herzégovine.

4 Sa deuxième mission consistait à organiser la milice croate de

5 Bosnie ou HVO. Bien que son existence ait été proclamée sur le papier,

6 elle n'existait pas encore dans la réalité.

7 Il a aussi dû s'occuper des unités croates existantes qui

8 s'étaient organisées elles-mêmes et armées elles-mêmes, ainsi que des

9 bandes croates qui existaient sur l'ensemble du territoire et tout cela il

10 l'a fait avec très peu d'aides de qui que ce soit. Le gouvernement

11 national de Bosnie-Herzégovine ne fonctionnait pas correctement. Au niveau

12 national et au niveau municipal les autorités, les organismes

13 gouvernementaux étaient plongés dans la confusion et le chaos.

14 Tihomir Blaskic était un soldat de métier et on lui a demandé de

15 commander une milice composée de paysans. Il s'est rendu compte qu'il n'y

16 avait pas d'unité entraînée au sein du HVO. Les membres des milices du HVO

17 étaient fidèles aux hommes politiques locaux et préoccupés par la défense

18 de leur village ou même parfois simplement de leur maison. Il y avait

19 quelques unités croates un peu plus aptes sur le territoire qui, elles,

20 posaient un problème différent. Elles étaient mieux équipées, mieux

21 entraînées que les milices villageoises, parce qu'elles étaient organisées

22 sur un mode privé dépendant de particuliers influents ou riches ou

23 d'organismes tels que le HOS, milice formée, constituée par le parti des

24 droits croates.

25 Lorsque Tihomir Blaskic est arrivé sur le territoire, ces unités

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1 indépendantes n'étaient absolument pas prêtes à abandonner leur

2 indépendance. Leurs commandants étaient des hommes qui avaient une très

3 grande volonté tels Juti et Darko Kraljevic. Leurs hommes étaient bien

4 armés, jeunes, en forme et agressifs. Ils étaient craints et révérés par

5 la population

6 locale, y compris par les unités villageoises, par ces milices

7 villageoises dont nous avons parlé.

8 Ces unités indépendantes avaient leur propre quartier général,

9 elles agissaient le plus souvent sur leur propre initiative et se

10 servaient de temps à autres sur les biens de tiers en commettant des actes

11 criminels.

12 Par exemple, si l'un de leurs membres était arrêté en train de

13 commettre un crime et emprisonné, ils se rendaient à la prison de Kaonic

14 et libéraient leur camarade par la force des armes et par la violence.

15 En d'autres occasions, ils attaquaient d'autres unités du HVO

16 qui leur déplaisaient. L'unité des Vitezovi a eu un certain moment

17 180 hommes bien armés dans ses rangs. C'est une unité qui s'était formée

18 après la dissolution du HOS et qui était une unité bien formée et

19 directement responsable, rendant compte directement au ministère de la

20 Défense de la communauté croate d'Herceg-Bosna à Mostar. Ces hommes

21 étaient bien payés par les responsables de Mostar et soumettaient leur

22 rapport à Mostar.

23 Tihomir Blaskic a essayé de créer une structure de commandement

24 rationnelle et verticale dans la zone opérationnelle placée sous sa

25 responsabilité.

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1 A l'époque, il donnait fréquemment des ordres aux unités

2 indépendantes, telles l'unité des Vitezovi aussi bien eu égard aux

3 activités opérationnelles qu'eu égard à la conduite et à la discipline

4 personnelle requise de ces hommes.

5 La défense va prouver, cependant, que les Vitezovi n'agissaient

6 que selon leurs propres plaisirs. Ils suivaient les ordres de la zone

7 opérationnelle lorsque ces ordres leur convenaient, mais ne les suivaient

8 pas si tel n'était pas le cas. Ces unités agissaient très souvent sur leur

9 propre initiative même parfois en s'opposant aux ordres émanant de la zone

10 opérationnelle. Les rapports existant entre la zone opérationnelle et ces

11 unités indépendantes ont évolué avec le temps.

12 A la fin de 1993, lorsque l'enclave Vitez/Busovaca était prête à

13 la défaite, était prête

14 à subir une défaite, toutes les unités, toutes les milices, toutes les

15 unités indépendantes croates ont consacré une attention accrue à la zone

16 opérationnelle et aux ordres émanant de celle-ci, parce que la vie de

17 chacun dans cette enclave en dépendait. Mais la défense prouvera que ce

18 n'était pas le cas au printemps de 1993.

19 A cette époque-là, la discipline au sein du HVO et au sein des

20 unités indépendantes était très insuffisante et la capacité de la zone

21 opérationnelle à contrôler ces forces était très limitée. Ce n'est pas un

22 hasard si le gros des charges citées dans l'acte d'accusation sont

23 centrées sur les événements survenus pendant trois ou quatre jours à la

24 mi-avril 1993.

25 Ces journées, en effet, ont constitué une période de combats

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1 intenses et chaotiques dans l'ensemble des municipalités de la Lasva,

2 Kiseljak et Zenica.

3 Le quartier général de la zone opérationnelle a subi lui-même de

4 temps en temps des attaques directes et les informations reçues au

5 quartier général étaient incomplètes et de qualité insuffisante.

6 Le commandement et le contrôle exercés sur ces unités étaient

7 insuffisants pendant ces combats, comme il a été insuffisant également au

8 moment de la conclusion d'accords de cessez-le-feu au moment de la prise

9 des décisions destinées à arrêter les combats.

10 En fait, les preuves que la défense va soumettre montreront qu'à

11 de très nombreuses reprises les commandants suprêmes des deux côtés,

12 c'est-à-dire des Musulmans et des Croates ont visité les lignes de front

13 et littéralement supplié les commandants locaux d'obéir aux ordres de

14 cessez-le-feu.

15 Les Croates de Bosnie centrale ne se sont pas sentis bien dans

16 cette guerre musulmano-croate. Ils étaient dépassés en nombre, ils ont

17 perdu de grandes portions de territoires qui ont été gagnées par l'armée

18 de Bosnie-Herzégovine, notamment Kakanj, Vares, Fojnica, Travnik, Bugojno,

19 la moitié de Novi-Travnik, la plus grande partie de Busovaca et une grande

20 partie de la municipalité de Vitez.

21 En janvier 1993 l'armée de Bosnie-Herzégovine a séparé, isolé

22 l'enclave Vitez/Busovaca de l'enclave de Kiseljak. A partir du 16 avril et

23 par la suite la poche de Vitez/Busovaca était physiquement coupée du reste

24 de la zone opérationnelle et, en fait, coupée également du reste du monde.

25 Elle était assiégée.

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1 Les preuves que soumettra la défense montreront que tout au long

2 de ce très long siège de l'enclave de Vitez/Busovaca, Tihomir Blaskic a

3 accompli des efforts diligents et souvent remarquables pour améliorer la

4 discipline au sein de toutes les unités du HVO. Il a ordonné aux soldats

5 de protéger les civils, les biens des civils et les bâtiments du culte. Il

6 a ordonné aux éléments criminels d'être éliminés des rangs du HVO. Il a

7 ordonné la mise en place d'un système de discipline militaire et son

8 application. Il est même intervenu dans des incidents, en personne, en

9 dépit de son statut de commandant d'une zone opérationnelle, qui

10 correspond au commandement d'une division. Il est donc intervenu pour que

11 des enquêtes approfondies soient menées au sujet de ces incidents et pour

12 que la discipline militaire soit appliquée. Il a accompli ces efforts en

13 dépit du fait que la guerre faisait rage à sa porte et qu'il avait des

14 soldats, placés sous sa responsabilité, qui mouraient chaque jour.

15 En dépit de ses efforts, des crimes ont eu lieu. Des civils ont

16 été pris pour cible et tués, notamment à Ahmici, tôt le matin du

17 16 avril 1993. Lorsque le massacre d'Ahmici a été connu, quelque cinq

18 jours plus tard, Blaskic l'a condamné. Il a exigé une enquête et a exigé

19 que les auteurs de cet acte soient punis. Il l'a fait publiquement. Il a

20 également ordonné une enquête au sujet de ce massacre et il ne l'a pas

21 fait une fois, il l'a fait deux fois, en faisant référence au commandement

22 suprême du HVO, à qui il a demandé des actions complémentaires.

23 Après les combats intenses de la mi-avril, l'acte d'accusation

24 ne parle que d'un nombre très réduit de charges, concernant des crimes

25 spécifiques commis dans la vallée de la Lasva pendant le reste de la

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1 guerre.

2 Il est vrai qu'en dépit du fait que la position stratégique du

3 HVO est devenue de

4 plus en plus désespérée à la fin de 1993, les efforts poursuivis par

5 Tihomir Blaskic pour que soit mise en place une armée plus disciplinée et

6 répondant mieux aux ordres... Eh bien, par ces actes, Tihomir Blaskic a

7 amélioré le commandement et le contrôle du HVO, ce qui a abouti à une

8 réduction des incidents et des conduites répréhensibles de la part du HVO.

9 Ayant comparu volontairement devant ce Tribunal en avril 1996,

10 Tihomir Blaskic est heureux, aujourd'hui, de voir commencer la

11 présentation des éléments de preuve de sa défense par rapport aux charges

12 qui pèsent contre lui.

13 Dans cette déclaration liminaire, je présenterai les éléments de

14 preuve que Me Nobilo et moi-même avons rassemblés à votre intention,

15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, et ma déclaration liminaire

16 concernera les éléments suivants :

17 - désintégration de la Yougoslavie,

18 - création du HVO,

19 - déploiement des forces en Bosnie centrale,

20 - conflit entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine à

21 l'automne de 1992,

22 - tentative, de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine, de

23 couper l'enclave de Kiseljak du reste de la zone, d'abord en août 1992,

24 puis en janvier 1993,

25 - système de commandement et de contrôle qui existait au sein du

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1 HVO,

2 - le conflit d'avril 1993 et la réaction de Tihomir Blaskic, y

3 compris au massacre d'Ahmici,

4 - et enfin, le reste de la guerre dans la région de Kiseljak et

5 de la vallée de la Lasva.

6 Je traiterai également des déplacements de population et je

7 présenterai des éléments de preuve quant à l'existence ou non d'un conflit

8 armé international dans la région, à l'époque.

9 Avec votre autorisation, Monsieur le Président, je pense que le

10 reste de l'après-midi me suffira à présenter mes arguments et nous

11 entendrons notre premier témoin demain matin.

12 M. le Président. - Simplement, avant que vous ne repreniez, est-

13 ce que vous avez

14 une liste des témoins que vous comptez ... Est-ce que vous comptez

15 soumettre aux Juges la liste des témoins ? Je parle.... aux Juges.

16 M. Hayman (interprétation). - Nous avons fourni une liste sur

17 laquelle figuraient les noms de nos premiers témoins, vendredi. Mais est-

18 ce que la Chambre de première instance est en train de parler d'une autre

19 liste ?

20 M. le Président. - L'accusation avait fourni, en son temps, aux

21 Juges, la liste des témoins qu'elle comptait citer... La liste globale, de

22 l'ensemble. C'est bien cela, Monsieur Riad ?

23 Est-ce que vous comptez... Pour savoir combien de témoins vous

24 voulez présenter...

25 M. Hayman (interprétation). - Oui, nous le ferons.

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1 M. le Président. - Bien, d'accord. Je vais vous poser une

2 deuxième question : est-ce que vous comptez appeler à la barre l'accusé ?

3 M. Hayman (interprétation). – Oui.

4 M. le Président. - Excusez-moi. Donc, vous pouvez reprendre.

5 M. Hayman (interprétation). – Je vous en prie,

6 Monsieur le Président, je vous remercie.

7 De nombreux événements importants survenus en Bosnie centrale

8 ont été imposés à cette région par des forces extérieures. Tihomir Blaskic

9 a dû réagir et répondre à ces événements. Le catalyseur d'un grand nombre

10 de ces crises a été la désintégration de l'ex-Yougoslavie. Notre premier

11 témoin demain traitera de ce problème complexe.

12 La Yougoslavie n'a jamais existé en tant qu'Etat stable et

13 démocratique. Les efforts visant à créer une Yougoslavie unifiée ont

14 toujours abouti à l'éclatement de guerres civiles violentes. En fait, la

15 Yougoslavie a compté le plus grand nombre de conflits au cours du

16 20 ème siècle de tous les pays d'Europe et la raison principale qui

17 justifie ces conflits réside dans la multi-nationalité de ses habitants.

18 En Yougoslavie, la deuxième guerre mondiale n'a pas pris fin sur

19 la défaite d'une partie ou de l'autre, elle a cessé parce que les forces

20 d'occupation ont subi une défaite. La défaite des forces allemandes a

21 constitué la fin de toutes les forces armées anti-partisanes ; mais, pour

22 des millions de nationalistes, en conscience, ces forces ont continué à

23 vivre.

24 Après la seconde guerre mondiale, les seules forces qui ont

25 défendu le renouveau de la Yougoslavie étaient les superpuissances

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1 extérieures et le parti communiste de Yougoslavie.

2 Pendant les quarante années qui ont suivi, les communistes ont

3 maintenu l'unité de la Yougoslavie par le truchement d'un régime

4 totalitaire et ce n'était pas la première fois que la chose se produisait.

5 A la suite de la mort de Tito, la Yougoslavie a commencé un

6 processus de désintégration. La désintégration de la Yougoslavie a

7 également débouché sur le déchirement du tissu social de la Bosnie-

8 Herzégovine. Les Musulmans, les Croates et les Serbes avaient vécu des

9 vies relativement séparées en Bosnie-Herzégovine, notamment dans les

10 régions rurales impliquées dans le procès qui nous intéresse.

11 La perspective de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine a

12 suscité des anxiétés parmi les minorités de Bosnie-Herzégovine qui

13 s'inquiétaient de leur statut dans le nouvel Etat indépendant de Bosnie-

14 Herzégovine.

15 Au cours des élections de 1991, premières élections libres après

16 50 ans, les électeurs se sont polarisés selon des lignes ethniques et la

17 même chose s'était produite au cours des élections libres précédentes qui

18 avaient eu lieu plusieurs décennies auparavant.

19 L'éclatement de la guerre en Slovénie et en Croatie en 1991 a

20 accéléré la séparation des communautés musulmanes et croates en Bosnie-

21 Herzégovine. Ces conflits étaient le résultat de politiques de

22 Slobodan Milosevic, mises en œuvre par la JNA, armée nationale yougoslave.

23 Tout cela a eu pour effet de causer la désintégration de la

24 Bosnie-Herzégovine. Nombre de personnes se sont rendues en Croatie et se

25 sont portées volontaires pour rentrer dans les rangs de l'armée de la

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1 République de Croatie, la HV. Après la guerre, ces hommes sont revenus en

2 Bosnie-Herzégovine et nombre d'entre eux portaient leur uniforme de la HV.

3 De nombreux citoyens musulmans de Bosnie-Herzégovine ont réagi à

4 la guerre en Croatie de façon différente. Ils ont souvent réagi en

5 disant : " Ce n'est pas notre guerre. ", en faisant référence à la guerre

6 menée en Croatie. Ils ne percevaient pas que la Bosnie-Herzégovine serait

7 la cible suivante de la JNA et des milices serbes et c'est ce qui a

8 suscité des soupçons et de la méfiance entre les Musulmans et les Croates

9 et, en fait, conduit à la constitution d'organismes militaires distincts

10 pour les Musulmans et les Croates en Bosnie-Herzégovine malgré leur but

11 commun qui consistait à défendre la Bosnie-Herzégovine contre l'agression

12 serbe.

13 En 1992, les deux communautés étaient fermement alliées contre

14 les Serbes.

15 Ces événements anciens sont pertinents dans notre procès,

16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, parce qu'ils se sont produits

17 avant l'arrivée de Tihomir Blaskic en Bosnie-Herzégovine, en fait avant

18 son retour sur le territoire de l'ex-Yougoslavie à partir de Vienne où il

19 résidait.

20 Maintenant je vais parler de la création du HVO.

21 En 1992, lorsque Tihomir Blaskic a été nommé au poste de

22 commandant de la zone opérationnelle pour le HVO, zone opérationnelle de

23 Bosnie centrale, le HVO n'existait pas en tant qu’armée selon l'acception

24 commune du terme. Le processus de création d'un organisme militaire

25 compétent, en l'absence des moyens financiers nécessaires, en l'absence du

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1 personnel nécessaire, a été un processus de longue haleine et un processus

2 très difficile. En fait, ce processus se poursuit encore aujourd'hui pour

3 ce qui concerne les Croates, ainsi d'ailleurs que l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine au sein de l'armée fédérale de Bosnie-Herzégovine qui existe

5 aujourd'hui.

6 Tout au long de l'année 1992 et pendant une bonne partie de

7 l'année 1993, Tihomir Blaskic a été contraint de consacrer une grande

8 partie de son temps et de son énergie à la tentative de construire un

9 organisme militaire capable de réagir dans le cadre d'une structure de

10 commandement vertical. Ses efforts ont été pénibles, longs et couronnés

11 d'un succès mitigé. Le niveau de commandement et de contrôle au sein du

12 HVO a évolué dans le temps pour devenir un processus dynamique.

13 Mais quelle était l'organisation militaire du commandement dont

14 a hérité Tihomir Blaskic en juillet 1992 ? La Défense territoriale ou TO

15 comme on l'appelle était un système de réservistes existant dans l'ex-

16 Yougoslavie qui avait pour but de résister à des agressions susceptibles

17 de provenir de l'Union Soviétique ou de l'OTAN grâce à l'armement des

18 populations locales. La Défense territoriale et la JNA étaient les deux

19 composantes des forces armées existant dans l’ex-Yougoslavie.

20 Au printemps et à l'été de 1992, les responsables de la Défense

21 territoriale et quelques habitants dépendaient encore de la JNA. C'est la

22 raison pour laquelle de nombreux citoyens de la Bosnie-Herzégovine qui

23 souhaitaient défendre la Bosnie-Herzégovine contre la JNA et les milices

24 serbes de Bosnie ne souhaitaient pas rejoindre la Défense territoriale.

25 Pour dire les choses clairement, ils ne voulaient pas faire confiance à

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1 ceux qui avaient eu des postes d'autorité, de responsabilité au sein de la

2 JNA et des structures de la Défense territoriale. Il y a eu des Musulmans

3 et des Croates qui ont décidé de ne pas rejoindre la Défense territoriale

4 et qui au lieu de cela ont rejoint la ligue patriotique ou l'état-major

5 municipal.

6 En dernière analyse, la structure de la Défense territoriale et

7 les listes créées par elle, listes de conscrits éligibles, ont été

8 héritées par l'armée de Bosnie-Herzégovine. En 1992, la Défense

9 territoriale a été subordonnée à la filière de commandement de l'armée de

10 Bosnie-Herzégovine et à toutes les périodes pertinentes pour notre procès.

11 Les unités de la Défense territoriale des villages de la vallée de la

12 Lasva et de Kiseljak étaient effectivement sous le commandement de l'armée

13 de Bosnie-Herzégovine. Alors que l'armée de Bosnie-Herzégovine a hérité la

14 structure de la Défense territoriale, le HVO lui est né de rien. Lorsque

15 le HVO a été proclamé le 8 avril 1992 son existence n'était en fait que

16 théorique sur le papier.

17 De nombreux obstacles existaient pour empêcher la création des

18 milices croates de Bosnie, parmi les Croates de Bosnie vivant en Bosnie

19 centrale, il y avait peu d'officiers suffisamment éduqués sur le plan

20 militaire et donc susceptibles de contribuer à l'accomplissement de leur

21 mission et leurs efforts ont été enfreints, empêchés, entravés par

22 l'absence de moyens financiers et matériels, notamment l'absence d'armes,

23 d'uniformes, de matériel de communication et de casernes. Les Croates de

24 Bosnie ont commencé à s'organiser avant le mois d'avril 1992 au moment où

25 le HVO a été proclamé.

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1 L'attaque de la JNA contre la République de Croatie en 1991

2 avait causé de très grandes angoisses parmi les Croates de Bosnie qui

3 cherchaient à obtenir des armes sur le plan privé par tous les moyens

4 possibles.

5 Lorsque la JNA et les milices Serbes de Bosnie ont commencé leur

6 attaque contre la Croatie à partir du territoire de la Bosnie-Herzégovine,

7 le Président Izetbegovic a proclamé que ce n'était pas sa guerre. Ces

8 positions pacifistes n'ont pas été bien perçues par les Croates de Bosnie

9 qui ne croyaient pas à une démarche pacifiste susceptible de l'emporter

10 sur la JNA ou les milices serbes de Bosnie et, plus tard et de la façon la

11 plus horrible, cette position s'est avérée juste.

12 A la fin de 1991, les Croates de Bosnie et les Musulmans de

13 Bosnie ont constitué des cellules de crise au niveau local. Ces cellules

14 de crises ont intégré des volontaires qui souhaitaient se battre pour

15 défendre la Bosnie-Herzégovine et qui possédaient des armes. Ces unités

16 étaient organisées sur le principe territorial, village par village, unité

17 par unité. Chaque village avait son propre commandant. Et ces commandants

18 étaient la plupart du temps des responsables politiques locaux. Les unités

19 étaient fidèles aux responsables politiques locaux qui leur fournissaient

20 les moyens disponibles. Le centre de leurs intérêts étaient les intérêts

21 locaux, notamment la défense du village. Une fois le HVO proclamé, la

22 domination poursuivie des intérêts locaux parmi ces unités autoorganisées

23 des milices croates de Bosnie a empêché la création d'une structure de

24 commandement vertical. En avril 1992, les insuffisances de ce système de

25 cellule de crise ont conduit à leur remplacement par des quartiers-

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1 généraux municipaux du HVO et ont conduit à la création de quartiers-

2 généraux régionaux qui dominaient les quartiers-généraux municipaux. Bien

3 que les dénominations aient changé, très peu de choses a changé au sein

4 des unités.

5 La première action des milices du HVO en Bosnie centrale a eu

6 lieu le 6 mai 1992. Le HVO a attaqué la caserne de la JNA de Slijmena près

7 de Travnik et près de 1 500 armes ont été capturées. Deux Croates

8 bosniaques ont été tués, la Défense territoriale n'a pas participé à cette

9 attaque mais une fois qu'elle a pris fin, la Défense territoriale est

10 arrivée sur les lieux et a exigé la moitié des canons saisis. Elle s'en

11 est emparée et ensuite, des civils sont arrivés qui ont pris un grand

12 nombre d'armes endommagées.

13 Cet incident est pertinent dans l'affaire qui nous intéresse,

14 car il prouve les suspicions et la méfiance qui existaient entre les deux

15 organisations militaires et les deux communautés.

16 Tihomir Blaskic a été nommé à son poste de commandant de la zone

17 opérationnelle de Bosnie centrale, parce qu'on pensait que le fait qu'il

18 ait quitté la JNA au début de 1991 aurait pu engendrer une plus grande

19 confiance en lui de la part de la population de Bosnie centrale que vis-à-

20 vis des officiers de la JNA qui avaient continué à agir au sein de la JNA.

21 Alors, qu'a fait Tihomir Blaskic lorsqu'il a obtenu son poste ?

22 Lorsqu'il est arrivé dans la vallée de la Lasva qui se trouve à plusieurs

23 kilomètres des lignes de front contre les Serbes en Bosnie centrale, il

24 était responsable des lignes de front face aux Serbes dans des régions

25 très isolées telles que Jajce, Maglaj, Sarajevo, Krecevo, Bugojno, Jebce,

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1 Usora, Travnik, Novi Travnik également. Et pendant la plus grande partie

2 de son temps, il a tenté d'organiser les hommes sur la ligne de front en

3 trouvant les soldats qui désiraient agir sur ces lignes de front. 80 % de

4 son temps a été consacré à cette tâche.

5 Jajce à l'époque était pratiquement encerclée par les Serbes et

6 se trouvait dans une situation très difficile. Tihomir Blaskic s'est rendu

7 dans cette ville très fréquemment en 1992 et a consacré la plus grande

8 partie de son temps à organiser la défense de Jajce. Il a aussi travaillé

9 très dur à la création d'un système de commandement effectif au sein des

10 milices du HVO. Il avait été formé à l'académie militaire, il était

11 capitaine au sein de la JNA, il savait comment rédiger des ordres

12 militaires et il en a rédigé un grand nombre. Il a rédigé des ordres de

13 bonne qualité, il a ordonné aux quartiers-généraux municipaux de

14 s'organiser mieux qu'ils ne le faisaient jusqu'à ce moment-là. En

15 juillet 1992, il a ordonné la création de groupes opérationnels au sein de

16 la zone opérationnelle qui recouvrait une région très vaste comme je l'ai

17 déjà dit. Tihomir Blaskic a constaté que la zone opérationnelle était trop

18 vaste pour permettre de bonnes communications.

19 La Bosnie centrale comprend un terrain montagneux difficile à

20 gérer et je vous demande, Monsieur le Président, à ce stade, de

21 m'approcher de la maquette, s'il vous plaît.

22 (Me Hayman s'approche de la maquette.)

23 Eh bien, ce relief montre donc la vallée de la Lasva et

24 Kiseljak : à gauche c'est la vallée de la Lasva et à droite, c'est la

25 vallée de Kiseljak.

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1 M. le Président. - Si Monsieur Harmon veut s'approcher...

2 M. Hayman (interprétation). - En ce qui concerne la vallée de la

3 Lasva, elle traverse Travnik, ensuite passe par Vitez. Au centre, vous

4 voyez donc qu'elle se dirige vers Busovaca.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous prie de bien

6 voir que la vallée de la Lasva, comme toutes les vallées, se limite par

7 les montagnes.

8 Là, vous avez la dimension qui est naturelle, mais nous avons

9 quelque peu augmenté également la dimension pour que vous puissiez voir

10 mieux les variations. L'approche est très difficile, par moment également

11 impossible à cause de la neige, de la grêle, des chemins qui ne sont pas

12 visibles.

13 A l'intérieur, il y a une seule route qui est comme une colonne

14 vertébrale qui traverse toute la vallée. La vallée de Kiseljak se situe à

15 peu près de la même manière, c'est la colonne vertébrale donc c'est la

16 route principale, la route principale d'approvisionnement entre Busovaca

17 et Kiseljak et, par la suite, jusqu'à ce carrefour Han Ploca.

18 Pour pouvoir mieux vous orienter, nord-est par rapport à

19 Kiseljak, c'est la ville de Visoko, nord-ouest c'est la ville de Fojnica.

20 Ces deux maquettes sont liées et un endroit qui s'appelle Kacuni où la

21 vallée de la Lasva et la vallée de Kiseljak se rejoignent.

22 Dans les moyens de preuve, nous allons revenir à cette maquette

23 et, par la suite, nous allons mettre un certain nombre de drapeaux,

24 d'insignes et nous allons essayer également de vous montrer un certain

25 nombre de photographies pour les verser au dossier par la suite.

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1 Pour pouvoir améliorer le contrôle, au niveau de ces unités de

2 milices et tenant compte également de sa grande responsabilité en

3 octobre 1992, Tihomir Blaskic a mis en place les trois groupes

4 opérationnels, ensuite quatre et il avait structuré également les

5 quartiers généraux. Nous allons voir tout à l'heure sur le graphique

6 comment cela s'est présenté.

7 En ce moment, en 1992, les brigades du HVO n'existaient pas

8 encore. En novembre 1992, Tihomir Blaskic a entrepris une autre démarche

9 pour essayer d'organiser le HVO et ceci de manière à mettre en place le

10 commandement de la zone opérationnelle et le quartier général également.

11 Il a créé un plan qui a été très bien conçu pour le commandement de la

12 zone opérationnelle. Nous allons vous montrer le détail tout à l'heure.

13 Mais à la disposition, il n'avait pas suffisamment d'effectifs, il avait

14 des effectifs pour un tiers, moins de moitié qui étaient disponibles

15 n'avaient aucune qualification pour les postes qu'ils occupaient, le

16 niveau de formation également était très bas.

17 Tihomir Blaskic a donc décidé de mettre en place le quartier

18 général à Kruscica, c'est la population musulmane qui est prédominante et

19 c'est au nord de Vitez. Plus tard, le quartier général sera déplacé pour

20 des raisons que je vais vous expliquer tout à l'heure.

21 Fin novembre 1992, Tihomir Blaskic a entrepris d'autres

22 démarches pour essayer d'organiser bien la milice. Il avait remplacé la

23 composition des quartiers généraux locaux et au niveau de la municipalité

24 par un système de brigades et c'est la première fois où il avait

25 pratiquement mis en place les brigades. Le problème principal consistait

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1 dans le fait que la formation des brigades a provoqué un certain nombre de

2 problèmes. Au niveau également des hommes politiques, il a fallu les

3 remplacer. A Vitez, par exemple, le processus de la formation des brigades

4 n'a pas pu prendre fin avant avril 1993.

5 Toujours est-il que la formation des brigades n'a pas changé, la

6 discipline n'a pas changé, le niveau également de formation entre les

7 soldats indépendamment du fait que la plupart des hommes ont fait le

8 service militaire pendant un an dans l'ancienne JNA. Ils savaient tout

9 simplement tirer avec un fusil, travailler dans les tranchées, etc., mais

10 certainement pas... ils n'étaient pas aptes pour commander dans une unité

11 structurée.

12 Le résultat d'une telle situation..., il n'y avait pas une armée

13 capable ni bosniaque, ni croate, elle ne pouvait pas résister à la JNA et

14 aux Serbes de Bosnie et c'était pratiquement dramatique. En 1992, au

15 printemps, les unités serbes ont pu s'emparer de deux tiers du territoire

16 en Bosnie-Herzégovine. Je vais vous demander la première diapositive, s'il

17 vous plaît.

18 Monsieur le Président, c'est le moniteur sur lequel vous allez

19 pouvoir voir cette diapo. Sur cette carte, vous avez d'abord les zones

20 roses, qui sont sous le contrôle des Serbes de Bosnie, c'était le

21 printemps 1992 et vous pouvez voir que les deux tiers de Bosnie-

22 Herzégovine

23 sont sous le contrôle des Serbes. En partie rose, c'est la situation où

24 Tihomir Blaskic s'est rendu dans la vallée de la Lasva, c'était en

25 juillet 1992. Vous pouvez voir également sur la carte que les seules

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1 routes pour l'approvisionnement au nord de la Bosnie centrale partent en

2 bas à gauche, c'est un tout-petit territoire bleu sur la carte, c'est la

3 Dalmatie. Ensuite, également en bleu et bleu clair, c'était la Bosnie-

4 Herzégovine. Donc, par conséquent, un seul chemin pour approvisionner la

5 Bosnie centrale, à cette époque-là.

6 Sur la carte, la vallée de Lasva, de Kiseljak... Vous voyez

7 quelques enclaves. Ces enclaves sont entrecoupées, mais ce n'était pas

8 encore la situation en 1992.

9 Je vais vous demander la diapo suivante.

10 M. le Greffier. - Cette carte porte le numéro D159.

11 M. Hayman (interprétation). - Voyons maintenant cette carte.

12 Nous avons la lettre E. Ce sont les zones qui ont été occupées par la

13 plupart des groupes d'ethnies nationales, avant que Jajce tombe en 1992.

14 C'est également une région qui a été contrôlée par la milice, par les

15 unités de la milice, par l'armée... Vous avez également les régions qui

16 ont été sous le contrôle de la JNA et des milices serbes, c'est en rouge.

17 Les frontières sont en rouge également. La Défense territoriale, qui

18 appartenait à la Bosnie-Herzégovine, est peinte en vert. Ensuite, vous

19 avez les Croates, qui se trouvaient dans les zones qui, sur cette carte E,

20 sont en bleu.

21 Vous voyez jusqu'à quel point Jajce était dans une situation

22 fort délicate avant octobre 1992. Jajce a été complètement encerclée,

23 pratiquement, et l'approche se limitait à une toute petite tranche.

24 C'était un corridor qui était en permanence pilonné par les Serbes. Il ne

25 pouvait être utilisé que la nuit.

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1 Les efforts indispensables pour défendre Jajce, c'était aussi

2 bien les Musulmans que les Croates qui devaient y prendre part, ces

3 efforts étaient très grands. Il était visible que les Croates et les

4 Musulmans de Bosnie commençaient également à entrer en conflit. Jusqu'en

5 octobre 1992, les Croates de Bosnie et les Musulmans ont créé les deux

6 organismes mal

7 organisés, si on peut dire. Comme on le voit sur la carte, ils se

8 trouvaient pratiquement en Bosnie centrale, aussi bien les uns que les

9 autres, c'est visible sur la carte. Les régions et les zones bleues, les

10 régions vertes, comme vous le voyez, étaient en quelque sorte en

11 concurrence les unes avec les autres, en ce qui concerne les

12 autorisations, les responsabilités, les autorisations à donner... Il y a

13 des conflits qui ont commencé à naître, qui se sont déclenchés, et il y a

14 eu de plus en plus d'incidents entre les soldats, entre ces deux

15 groupements. A la fin de 1992, il n'y a pratiquement aucune structure

16 civile qui aurait pu, éventuellement, s'occuper de ce qui se passait. Il y

17 avait, tout au contraire, des structures civiles parallèles qui n'ont

18 contribué qu'à augmenter la tension dans un certain nombre de territoires

19 de Bosnie-Herzégovine. Il y avait également des institutions, des

20 autorités civiles, c'étaient les Croates qui étaient à la tête. De l'autre

21 côté, il y avait les Musulmans, également, qui ont créé leur propre zone

22 et leurs propres responsabilités.

23 Par conséquent, il y avait une tension entre les deux unités. Là

24 où les structures d'Etats différentes, les deux milices armées se

25 trouvaient sur le même territoire et se faisaient concurrence sur le plan

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1 des autorisations, sur le plan de l'organisation générale, cela ne pouvait

2 qu'amener vers un conflit. C'est ce qu'il s'est produit en octobre 1992.

3 Il y a d'abord eu les premiers conflits à Novi Travnik entre l'armée de

4 Bosnie-Herzégovine et les soldats. C'était un conflit qui se réduisait à

5 un point de contrôle au niveau d'une pompe d'essence. Il n'y a pas

6 suffisamment de moyens d'approvisionnements. Les deux milices, qui étaient

7 déjà armées, avaient besoin et, par conséquent, se concurrençaient les

8 unes les autres, aussi bien au niveau de l'essence qu'au niveau de

9 casernes, etc, etc.

10 Au moment où ce conflit s'est produit, Tihomir Blaskic se

11 trouvait à Mostar. Il essayait d'avoir un peu plus de vivres pour les

12 forces croates et musulmanes qui, ensemble, agissaient du côté de Jajce.

13 Le troisième corps, à Zenica, qui appartenait à l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine, suivait de très près le conflit qui s'est produit à

15 Novi Travnik, mieux que

16 Tihomir Blaskic. Et le troisième corps avait demandé d'ériger un barrage,

17 afin d'empêcher le HVO de Busovaca de se rendre jusqu'à Novi Travnik. Le

18 troisième corps avait donné l'ordre, par la suite, d'ériger les barrages

19 et d'y mettre les soldats de la Défense territoriale, à l'endroit où cette

20 dernière était la plus puissante, le long de cette vallée de Lasva.

21 Diapo suivante, s'il vous plaît.

22 Cette fois-ci, nous voyons la carte avec la lettre B, qui

23 démontre la composition ethnique d'Ahmici et des villages environnants -

24 recensement de 1991. Vous avez d'abord les zones encerclées par le bleu,

25 ce sont les Croates qui étaient majoritaires et, les verts, les Musulmans.

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1 Ensuite, vous avez une ligne marron à peu près, qui traverse à gauche, à

2 partir de Dubravica, vers la droite : c'est une route principale pour

3 l'approvisionnement, la route Vitez-Busovaca. Sur cette carte, Busovaca

4 est à droite et Vitez à gauche.

5 Comme les milices armées, la Défense territoriale se fondait sur

6 le principe territorial. Les soldats habitaient dans leur village, ils

7 avaient des armes chez eux, partout où il y avait une concentration de

8 population musulmane, que ce soit la vallée de Lasva ou Kiseljak, etc. La

9 Défense territoriale se composait des unités de l'armée de Bosnie-

10 Herzégovine. C'était le cas également à Ahmici, en octobre 1992. Le

11 19 octobre 1992, le troisième corps avait donné l'ordre d'ériger le

12 barrage, et ceci pour empêcher l'approvisionnement. Ils ont bien

13 évidemment fait ce qui leur a été demandé. Le barrage a été érigé, une

14 trentaine de soldats l'ont gardé. Le barrage s'est trouvé là-bas.

15 Le 19 octobre 1992, la Défense territoriale a arrêté les quatre

16 soldats du HVO qui se sont rendus auprès du barrage. On a essayé

17 d'atténuer un petit peu les conséquences, on a également essayé de faire

18 pression sur ceux qui étaient au siège de Vitez, mais le barrage est resté

19 jusqu'au 22 octobre. Les soldats de la Défense territoriale ont creusé les

20 tranchées, ils sont restés sur ces positions. Les soldats, ainsi que les

21 représentants du HVO y sont retournés. Ils se sont attaqués sur le

22 barrage. Au bout de quelques heures, les soldats de la Défense

23 territoriale

24 étaient obligés de se retirer. Des deux côtés, il y a eu une victime.

25 Cependant, le conflit s'est élargi et c'est de cette manière-là

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1 que la confiance manquait de plus en plus entre les Croates et les

2 Musulmans. Les uns étaient méfiants vis-à-vis des autres. L'unité du HVO

3 s'est attaquée sur le quartier général de la Défense territoriale, à

4 Kruscica, l'armée de Bosnie-Herzégovine, également a attaqué le HVO. Vous

5 vous souvenez également que Tihomir Blaskic avait le siège de la zone

6 opérationnelle à cet endroit-là. Ils ont demandé que tous les effectifs au

7 niveau du commandement se rendent. Le 22 octobre 1992, les autorités

8 locales, militaires ont abouti à un cessez-le-feu.

9 Eh bien, qu'est-ce que Tihomir Blaskic a essayé de faire au

10 cours de ce conflit ? Comme je l'ai déjà dit, il a essayé d'organiser le

11 convoi d'aide militaire en direction de Jajce. Ce barrage sur la route

12 principale l'avait empêché de retourner à Vitez et, jusqu'au moment où, le

13 20 octobre 1992, l'action d’Ahmici ne s’est pas passée, il a essayé

14 également à Mostar et Sarajevo d'organiser le convoi en direction de

15 Jajce, mais il y a eu de plus en plus de doute, de plus en plus de

16 méfiance, de plus en plus de manque de compréhension entre les soldats

17 croates et les soldats bosniaques. C'est la raison pour laquelle il

18 n'était pratiquement pas possible d'organiser l'aide pour Jajce.

19 En résultat de ce conflit, le HVO ainsi que la Défense

20 territoriale de Vitez se sont complètement "distanciés" les uns par

21 rapport aux autres. L'armée de Bosnie-Herzégovine a déplacé son quartier

22 général de Vitez à Stari-Vitez, alors que le HVO a déplacé de Kruscica son

23 quartier général vers l'hôtel Vitez et le centre de Vitez. Mais il y a eu,

24 là, une situation totalement différente à Vitez. La Défense territoriale

25 et les leaders se sont rencontrés à Vitez et ils ont commencé à étudier

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1 les plans pour s'attaquer au HVO et il y a également un certain nombre de

2 la Défense territoriale qui n'ont pas voulu participer à la guerre contre

3 les Croates et la Croatie.

4 Et quels étaient les résultats de ce conflit qui a eu lieu à

5 Jajce ? Aucun convoi des

6 deux n'est arrivé jusqu'à Jajce. Jajce n'a pas été approvisionné ; pas de

7 vivres pendant les quatre jours du conflit à Ahmici ; la panique à Jajce :

8 les 40 000 civils ont dû se retirer et les soldats les accompagnaient,

9 aussi bien les Croates que les Musulmans très déçus.

10 Je vous prie, la diapo suivante.

11 Cette carte maintenant, la lettre F montre les groupes ethniques

12 principaux et la répartition des forces après la chute de Jajce le

13 24 octobre 1992. Vous allez vous rappeler qu'il y avait un petit cercle

14 autour de Jajce qui était sous le contrôle des forces bleues. Maintenant

15 vous voyez qu'il n'y a plus cet encerclement, alors que toutes les

16 personnes qui se trouvaient à Jajce étaient obligées de se retirer. Ils

17 étaient déplacés, expulsés et tous se sont retrouvés dans la vallée de la

18 Lasva. La plupart, c'étaient les Musulmans, il y avait beaucoup de Croates

19 également, mais en général les Croates sont allés en Croatie, alors que

20 les Musulmans, bien évidemment, sont restés en Bosnie.

21 Ce déplacement des populations… il serait utile également

22 d'étudier un petit peu sous cet angle ce qui s'est passé :

23 40 000 personnes ont été déplacées de Jajce… A Vitez, il y avait 25 000

24 personnes et, à cette époque-là, il y avait plus de 200 000 personnes qui

25 se sont retrouvées dans la vallée de la Lasva, ce qui a plus que doublé la

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1 population dans ces municipalités.

2 La chute de Jajce, ainsi que tous ces réfugiés qui se sont

3 déplacés ont déstabilisé les relations entre les Croates et les Musulmans

4 en Bosnie centrale. Déjà, à ce moment là, il n'y avait pas beaucoup de

5 maisons, pas beaucoup d'alimentation, pas beaucoup de vivres, il y avait

6 beaucoup de difficultés. Les hommes qui se sont retrouvés à cet endroit-là

7 ont été mobilisés ; un déséquilibre des forces entre l'armée Bosnie-

8 Herzégovine et le HVO et au profit de l'armée de Bosnie-Herzégovine, ceci

9 s'est également produit dans d'autres zones, dans d'autres régions. Par la

10 suite, ces personnes déplacées étaient frustrées, n'étaient pas contentes,

11 s’adonnaient au pillage, ont gardé les armes, n’étaient plus sous aucun

12 contrôle et, le résultat, c'est que la

13 sécurité publique a été mise en question, s'est détériorée. L'équilibre du

14 point de vue groupe ethnique au niveau de la municipalité de Vitez et

15 Kiseljak a changé complètement, ce qui a contribué à une sorte de paranoïa

16 également au niveau de la population croate.

17 En ce moment, si vous me permettez, Monsieur le Président, je

18 voudrais tout simplement dire quelque chose au sujet de l'ordre public.

19 Tout d'abord, Tihomir Blaskic n'a pas ordonné, n'a pas

20 encouragé, n'a jamais été d'accord avec les crimes qui ont été commis à

21 l'encontre de la population musulmane, que ce soit d'un côté ou de

22 l'autre. Et c'est ce que nous allons prouver par les moyens de preuve.

23 Tihomir Blaskic n'a jamais été nommé gouverneur militaire de cette région-

24 ci ou d'une autre région et il n'a jamais exercé un pouvoir de ce type

25 de facto, ainsi par une attribution de pouvoir en matière civile, par

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1 décret.

2 A tout moment, le gouvernement civil a continué d'exister à

3 Vitez, Busovaca et Kiseljak, comme c'était également le cas de la police

4 civile. Toute personne qui était soupçonnée d'un acte criminel qu'il était

5 un civil ou inconnu faisait l'objet d'une enquête de la part de la police

6 civile ou de la police municipale. Là où la personne soupçonnée d'un acte

7 criminel était un membre du HVO était déferrée à la police militaire pour

8 la poursuite de l'enquête. La dernière responsabilité pour mettre en

9 oeuvre les poursuites, pour rendre la justice et pour imposer une punition

10 dépendait entièrement des institutions judiciaires.

11 Les éléments vont nous prouver qu'il y a eu une rupture dans

12 l'ordre de commandement, dans les ordres de la vallée de la Lasva en

13 raison des déplacements massifs de population civile et au moment où les

14 membres des groupes armés sont arrivés. Même de très grandes quantités

15 d'explosifs ont été disponibles, dues à la proximité du SPS donc de

16 l'usine SPS qui se trouvait près de la localité de Vitez et de ceci nous

17 aurons l'occasion de parler ultérieurement.

18 Les victimes de ces crimes contre les biens et contre les

19 personnes étaient aussi

20 bien des Musulmans que des Croates. Il y a eu également de la criminalité

21 à l'intérieur des rangs du HVO. La plupart des soldats au sein des milices

22 étaient, recevaient des permissions pendant une dizaine de jours, mais

23 pendant tout le reste du temps ils étaient traités comme des soldats. Le

24 reste du temps, ils n'étaient que des civils qui ne touchaient pas de

25 soldes, mais qui continuaient à porter leurs uniformes, étaient toujours

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1 en possession de leurs armes.

2 Les épreuves et un moral très bas ont contribué à des écarts de

3 conduite et à la consommation d'alcool. La police civile a continué à

4 travailler tout au long de la guerre en continuant à faire ses enquêtes et

5 en présentant ses résultats au Procureur et aux tribunaux. Mais la tâche

6 était difficile, la police civile a souffert de pénurie et de personnels

7 qualifiés, d'équipements et ils n'avaient pas de laboratoire de médecine

8 légale et les moyens prouveront que le HVO n'a jamais eu des fonctions de

9 police civile, n'a jamais reçu des instructions pour procéder à des

10 enquêtes en matière d'enquête civile et n'a jamais donné des instructions

11 à qui que ce soit pour donner des priorités à des personnes prévenues de

12 crimes en raison de leur origine ethnique.

13 Ainsi, nous allons donc vous présenter des rapports d'enquête de

14 la police civile pour prouver qu'effectivement il y a eu des enquêtes qui

15 ont été réalisées d'actes criminels en temps de guerre sans préjudice de

16 l'origine ethnique du prévenu.

17 Quelles ont été les réactions de Tihomir Blaskic, à la

18 recrudescence...

19 M. le Président. - Nous allons peut-être interrompre. Vous savez

20 que les lundis après-midi... Le mercredi après-midi puisque nous ne

21 siégeons pas le mercredi matin et vendredi matin puisque nous ne siégeons

22 pas le vendredi après-midi, nous avons des séquences plus longues et il

23 convient donc que les interprètes puissent prendre quelque repos.

24 Je proposerai d'ailleurs aux interprètes que nous fassions une

25 petite pause de 10 minutes environ et ensuite, nous referons vers

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1 17 heures une pause plus classique de 20 minutes.

2 Donc si vous voulez, nous allons suspendre jusqu'à moins le

3 quart à peu près, une dizaine de minutes maintenant et nous reprendrons

4 nos travaux ensuite.

5 (L'audience, suspendue à 15 h 30, est reprise à 15 h 45).

6 M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer

7 l'accusé.

8 (L'accusé est introduit dans la salle.)

9 Maître Hayman, poursuivons.

10 M. Hayman (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

11 Reprenons le sujet de la sécurité publique en Bosnie centrale :

12 quelle a été la réaction de M. Tihomir Blaskic à la recrudescence du

13 niveau de la criminalité en Bosnie centrale ? Il a pris des mesures très

14 importantes pour réduire la criminalité perpétrée par les soldats du HVO

15 dans les villes et villages et il a donné des ordres au commandant Subra

16 qui était sous ses ordres, pour éliminer les personnes qui s'étaient rendu

17 coupables d'actes criminels pour les expulser du HVO, utiliser la force

18 pour les empêcher, les contraindre, les empêcher de commettre des actes

19 criminels.

20 A présent, je vais reprendre ici le cas relatif à la

21 municipalité de Kiseljak en 1992 et en janvier 1993.

22 Pour ce qui est de la municipalité de Kiseljak comme à Vitez il

23 y a eu des unités aussi bien de la Défense territoriale que du HVO dans la

24 plupart des villages. Les unités de la Défense territoriale n'étaient pas

25 commandées par le troisième corps comme à Zenica, comme c'était le cas

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1 dans les villages de la vallée de la Lasva, ils étaient sous le

2 commandement du commandement de Visoko à l'est de Kiseljak. Il y a eu

3 trois conflits principaux entre les milices croates et musulmanes à

4 Kiseljak. D'abord, en août 1992, ensuite en janvier 1993, ensuite à

5 nouveau en avril 1993.

6 Chacun de ces conflits se sont concentrés sur le même objectif

7 militaire ou le même

8 problème militaire, le contrôle de la principale route

9 d'approvisionnements, lignes d'approvisionnements qui passent à travers la

10 commune, municipalité de Kiseljak. Du point de vue du HVO, celui-ci ne

11 pouvait pas défendre la vallée de Kiseljak si cette principale route

12 d'approvisionnements était coupée. Toute portion retranchée du territoire

13 de la commune de Kiseljak où qui se serait retrouvée isolée aurait donc

14 été privée d'approvisionnements et ce serait effondrée si elle avait été

15 l'objet d'attaque.

16 En août 1992 et de nouveau en janvier 1993, l'armée du HVO a

17 pris des actions pour de l'armée... l'armée bosniaque a pris des mesures

18 pour exercer un contrôle sur cette route stratégique et également afin

19 d'exercer un contrôle territorial autour de cette route. Ceci est quelque

20 chose qui était nécessaire pour un nombre très important de personnes

21 déplacées de la nationalité musulmane qui avaient été chassées des régions

22 septentrionales de la Bosnie par les Serbes.

23 En août 1992, la Défense territoriale à Kiseljak a d'abord

24 réalisé un plan secret pour prendre le contrôle de la route

25 d'approvisionnements de Kiseljak en prenant le contrôle de cette route,

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1 des points de contrôle militaire sur cette route et ceci à différents

2 emplacements à l'intérieur de la municipalité de Kiseljak.

3 (M. Hayman s'approche de la maquette).

4 Ces emplacements, ces localisations que les unités de la Défense

5 territoriale à Kiseljak avaient l'intention d'établir en août 1992 afin de

6 prendre le contrôle de la principale route d'approvisionnements étaient

7 situés ici, je vais maintenant les désigner ici dans cette vallée à

8 Bilalovac, Gomionica et le village de Gromiljak se trouve ici de l'autre

9 côté en face de Gomionica, juste sur la ligne qui domine Gomionica et de

10 l'autre côté de Kiseljak, il y a le village de Duhri et enfin le village

11 de Han Ploca qui est désigné par le quatrième petit drapeau sur la série

12 de localités que je viens de désigner. Donc, ce sont des emplacements

13 désignés par quatre petits drapeaux verts.

14 Les HVO ont réagit donc aux actions qui étaient menées sur ces

15 points et ont réagit par une bataille de rangées, je suppose. Il y a eu

16 donc une action menée aux alentours du troisième village et cette action a

17 duré pendant toute une série d'heures et, au cours de cette bataille, les

18 forces de l'armée bosniaque ont tiré depuis le sommet du minaret de la

19 mosquée du village de Duhri. Il y a eu réaction et le minaret a été touché

20 par des dispositifs donc antiaériens et ceci donc a enlevé des morceaux de

21 revêtement extérieur du minaret de la mosquée. Les dommages n'ont pas été

22 très importants. En réaction à cette action, Tihomir Blaskic a dû se

23 rendre à Kiseljak, il a pris des mesures pour limiter l'extension du

24 conflit entre le HVO et la Défense territoriale, il a donné l'ordre d'un

25 cessez-le-feu et il a ordonné aux unités du HVO de ne pas désarmer les

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1 unités de la Défense territoriale ou d'intimer aux unités de la Défense

2 territoriale l'ordre d'abandonner leurs armes.

3 Ceci s'est déroulé en août 1992. Les unités de la Défense

4 territoriale ont essayé de prendre le contrôle au moment de cette

5 principale ligne d'approvisionnements et cette tentative n'a pas abouti, a

6 abouti à un échec.

7 Ensuite, la deuxième tentative qui a eu lieu en janvier 1993, de

8 couper la principale ligne d'approvisionnements qui passe au nord de

9 l'enclave de Kiseljak, de ce qui était devenu une enclave, cette deuxième

10 tentative a été couronnée de succès et, effectivement, c'est cette

11 tentative qui a déclenché la guerre entre Musulmans et Croates en Bosnie

12 centrale et qui a donné lieu au principal chef d'accusation de notre

13 affaire.

14 L'attaque des Bosniaques est allée de pair avec leur plan

15 antérieur d'établir leur contrôle sur la route principale

16 d'approvisionnements traversant la commune de Kiseljak. L'objectif de

17 cette attaque était simple, il s'agissait de diviser et de conquérir, de

18 couper la principale ligne d'approvisionnements, de prendre le contrôle du

19 territoire et d'établir une liaison entre les forces armées bosniaques qui

20 se trouvaient au nord, qui se trouvaient à Zenica et à Visoko d'une part,

21 avec les forces bosniaques, le quatrième corps d'armée bosniaque qui se

22 trouvait plus au centre donc dans la direction de Mostar.

23 Ceci était une action relativement complexe. Et à ce moment-là,

24 la ligne de front avec les Serbes en Bosnie centrale était relativement

25 statique, il n'y a eu que peu de mouvements sur la ligne de front à ce

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1 niveau-là entre les Serbes d'un côté et les Croates et les Musulmans de

2 l'autre côté, notamment au cours du développement... dans cette phase du

3 développement de la guerre à partir de janvier 1993.

4 La ligne avec les Serbes était relativement stable. Et les

5 supériorités en armes, en effectifs des armes et la position, faisaient

6 que la position était dominante. Par contraste, les Croates étaient un

7 objectif plus facile, il était plus facile de leur enlever du territoire.

8 (M. Hayman revient devant la maquette.)

9 Ainsi, au cours de la troisième semaine de janvier 1993, l'armée

10 bosniaque a établi un nouveau barrage ici dans cette localité à Kacuni qui

11 se trouve sur la principale ligne d'approvisionnements de Busovaca en

12 direction de Kiseljak. Ce barrage coupait l'épine dorsale qui reliait les

13 vallées de la Lasva et de Kiseljak et ceci pour le reste de la guerre et

14 le reste de la période concernée par ce chef d'accusation. Et il y a eu

15 donc des échanges de coups de feu qui se sont déroulés dans cette localité

16 et à la suite de cela, les forces bosniaques provenant de Zenica et

17 provenant de Visoko, ont attaqué les Croates, les villages croates sur un

18 large segment de territoires entre Kacuni et Bilalovac que j'ai désignés

19 il y a quelques instants ici dans le contexte de l'attaque d'août 1992.

20 Les villages croates entre Kacuni et Bilalovac, ont été

21 largement détruits pendant les jours de combat après l'établissement du

22 barrage sur la route de l'approvisionnement en direction de Kacuni. Vous

23 allez entendre des témoignages de témoins qui ont assisté à ces attaques

24 et qui proviennent du village croate de Octeliz et de Kustigrap.

25 Au même moment, et donc c'est toujours janvier 1993, des unités

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1 de l'armée bosniaque ont attaqué les villages croates nommés Ducina et

2 localisés ici dans une petite

3 vallée, sur une colline qui surplombe Busovaca.

4 Au cours de l'attaque portée contre Ducina, plus d'une douzaine

5 de civils et de soldats capturés ont été exécutés par des soldats de

6 l'armée bosniaque sur place et vous allez entendre des témoins oculaires

7 de ces crimes.

8 (M. Hayman revient à sa place).

9 Les meurtres à Ducina ont été les premiers meurtres de civils

10 sur le territoires de la Bosnie centrale perpétrés aussi bien par les

11 milices bosniaques ou croates et elles ont contribué à enflammer encore

12 plus la situation et à renforcer la paranoïa qui prévalait au sein de la

13 population croate, même s'il y a eu de nombreux cessez-le-feu proclamés,

14 qu'il y a eu plusieurs tentatives pour les appliquer à partir de la fin de

15 janvier, donc la guerre... à l'intérieur de la guerre, dans la guerre

16 entre les Croates et les Musulmans au sein de la Bosnie centrale assiégée

17 par les Serbes, cette guerre dans la guerre avait commencé.

18 Et effectivement, ces attaques à partir de janvier 1993 ont

19 modifié les positions stratégiques des parties en guerre pour ce qui est

20 de la Bosnie centrale. Si je peux avoir la prochaine diapositive, je vous

21 prie.

22 M. le Président. - Pour les diapositives on peut baisser un peu

23 les lumières, car il y a un reflet qui n'est pas très agréable, si c'était

24 possible. Merci.

25 M. Hayman (interprétation). - Cette carte désignée sous la

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1 lettre G, présente le nouveau déploiement des forces bosniaques et HVO à

2 la suite de l'attaque bosniaque couronnée de succès sur Kacuni et

3 Bilalovac qui a eu lieu en janvier 1993. A la suite de la percée sur l'axe

4 Bilalovac/Kacuni, les armées bosniaques ont pu établir une connexion entre

5 le troisième corps de Zenica/Visoko et le quatrième corps de l'armée

6 bosniaque qui se trouvait plus au sud.

7 La principale ligne d'approvisionnements entre Busovaca et

8 Kiseljak a été coupée et ce qui est montré sur la carte par cette zone

9 étendue, continue vers... par rapport aux petites

10 enclaves de territoires bleus qui se trouvent dans la portion centrale de

11 la carte. Donc, qui désignent entre autres l'enclave de Kiseljak qui se

12 trouve donc à la hauteur ouest, à l'ouest de Sarajevo.

13 A partir de janvier 1993, l'armée bosniaque n'a plus permis aux

14 unités du HVO de passer entre ces deux enclaves. Ceci signifiait qu'en

15 refusant l'utilisation de la part... par le HVO de routes qui passaient

16 par des territoires qui se trouvaient au sud et au sud-ouest de Vitez,

17 Busovaca enclave, que l'armée bosniaque contrôlait. Ils contrôlaient, ils

18 renfermaient Busovaca dans une enclave complètement encerclée par l'armée

19 bosniaque et c'est ce qu'ils firent.

20 A présent, nous allons également vous présenter des éléments à

21 propos de ce qu'a été le rôle de Tihomir Blaskic au cours de ce conflit.

22 Il ne s'attendait pas à une attaque de la part de l'armée bosniaque en

23 janvier 1993. Après tout, les armées croates et bosniaques étaient encore

24 alliées dans leur lutte contre les Serbes le 23 janvier. Un samedi, il a

25 terminé son travail à son état-major à Vitez et s'est rendu à Bretoko dans

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1 la commune de Kiseljak pour visiter ses parents.

2 Les attaques de l'armée bosniaque ont commencé le jour d'après,

3 le dimanche 24 janvier 1993 et ce jour-là la principale route

4 d'approvisionnements a été coupée.

5 Le lundi matin, le jour d'après, il a essayé de revenir dans la

6 zone d'opération de l'état-major qui se trouvait à Vitez, mais la route

7 était coupée à la hauteur de Bilalovac. Et effectivement, si ce n'est pour

8 des transports donc de personnels des Nations-Unies au sein du BRITBAT, il

9 s'est retrouvé au piège à Kiseljak jusqu'au début du mois de mars 1993 où

10 il a pu retourner à Vitez après avoir été transporté à cette dernière

11 destination grâce à des moyens de transport de l'ONU.

12 Le 27 janvier, il a rencontré à Kiseljak, il a eu une rencontre

13 à Kiseljak avec des représentants de la FORPRONU et aussi des

14 représentants de l'armée bosniaque et ceci a eu

15 lieu trois jours après le début de l'action de l'armée bosniaque.

16 Ici, cette carte G, montre ici ce large fragment, ce large

17 segment de territoires croates qui ont été perdus au cours des dernières

18 24 heures. Quelle a été sa position au cours de cette réunion qui a eu

19 lieu le 27 janvier ? Il savait que le HVO était complètement dépassé en

20 effectifs par les effectifs du troisième et quatrième et second corps

21 d'armée bosniaque et il avait reçu des informations comme quoi les unités

22 du HVO avaient souffert, avaient subi énormément de pertes et énormément

23 de soldats avaient été blessés au cours de ces 24 dernières heures.

24 Au cours de cette réunion du 27 janvier, il a demandé un cessez-

25 le-feu et que la route puisse être débloquée. L'armée bosniaque n'a pas

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1 voulu rouvrir la route mais, malgré cela, il a quand même ordonné un

2 cessez-le-feu général. Il n'avait que peu de choix. Il a continué

3 d'essayer de poursuivre des possibilités de paix avec l'armée bosniaque,

4 parce qu'il savait qu'un conflit à grande échelle aurait eu des

5 conséquences désastreuses pour le HVO.

6 Deux semaines plus tard, le 13 février, au cours d'une autre

7 réunion organisée par les Nations-Unies, Tihomir Blaskic, de concert avec

8 le général Hadj Hasanovic, a émis des ordres pour un retrait immédiat des

9 forces, pour apporter de l'aide aux réfugiés afin qu'ils puissent

10 retourner dans leur foyer, pour assurer une sécurité complète à la

11 population civile, pour une libération inconditionnelle de toute personne

12 détenue et de tout prisonnier, pour la levée de tous les barrages et

13 passage libre pour toute aide humanitaire et tout matériel pour les deux

14 parties. C'étaient donc les ordres demandés par les Nations-Unies, et ce

15 sont les ordres émis par Tihomir Blaskic. Il restait toujours isolé à

16 Kiseljak, à ce moment-là, puisque la route n'a jamais plus été ouverte. Sa

17 possibilité d'exercer une influence sur les forces du HVO à Busovaca, au

18 cours de la période allant de la fin du mois de janvier 1993 jusqu'au

19 début de mars 1993, était extrêmement limitée, pour émettre des ordres ou

20 pour que ses ordres soient appliqués.

21 Tandis qu'il était à Kiseljak, il a effectivement reçu des

22 rapports, grâce à un logiciel amateur qui était connu au sein du HVO comme

23 le système de POS. Ceci était le meilleur système dont disposait le HVO

24 pour envoyer des messages à destination des enclaves croates en Bosnie

25 centrale. Quand il réussissait à fonctionner, le système de radio de poche

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1 était en mesure, effectivement, d'envoyer de courts messages écrits, grâce

2 à des transmissions radio qui n'étaient pas sûres. Cela dit, ce système de

3 radio n'était pas fiable. Ces messages étaient souvent interceptés par

4 l'armée bosniaque, car les émissions radios étaient ouvertes, elles

5 pouvaient être interceptées par toute personne en train d'écouter la

6 fréquence appropriée. Ceci en raison d'un manque d'approvisionnement

7 électrique, pour des problèmes de logiciels ou de matériels et aussi par

8 absence, par pénurie de personnel qualifié pour assurer la maintenance de

9 ce système.

10 A présent, nous allons introduire des documents pour notre

11 affaire, qui indiquent que, le 26 janvier, au moment où les combats

12 faisaient rage dans la zone qui nous concerne, c'est uniquement le réseau

13 radio de poche de Vitez qui restait opérationnel sur l'ensemble de la

14 Bosnie centrale.

15 Alors, quel genre de rapports a reçu Tihomir Blaskic en ce qui

16 concerne les opérations militaires, pendant cette période de janvier et

17 février ? Il a reçu quelques rapports, on lui a dit que l'armée bosniaque

18 avait attaqué Busovaca, que les villages de Lasva et de Ducina avaient été

19 attaqués, que d'autres villages croates avaient été détruits et que les

20 pertes en vie humaine du HVO était importantes. Dans l'un de ces rapports,

21 on ne lui a transmis aucune information relative à des crimes perpétrés

22 par des forces du HVO à Busovaca ou autour de Busovaca. La Cour disposera

23 de ces rapports pour la suite des délibérations relatives à notre affaire.

24 Tihomir Blaskic n'a pas attendu le premier conflit qui a éclaté

25 avec les armées bosniaques pour donner des instructions explicites en ce

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1 qui concerne la nécessité d'appliquer les lois de la guerre dans les

2 activités des milices. En novembre 1992, il a donné des ordres à

3 tous les commandants d'unité du HVO pour empêcher les soldats de prendre

4 des actions illégales ou d'adopter des comportements de destruction.

5 A la suite des violences qui ont eu lieu à Novi Travnik, au

6 début du mois de novembre, il a donné des instructions au HVO à

7 Novi Travnik pour que celui-ci prenne toutes les mesures nécessaires pour

8 empêcher l'incendie, la destruction par le feu de maisons musulmanes dans

9 cette localité.

10 En février, il a émis un ordre à l'ensemble des brigades et des

11 unités pour qu'elles se conforment à cet ordre antérieur, cet ordre de

12 janvier, en interdisant les meurtres, le passage par les armes, et en

13 insistant pour que les commandants subordonnés appliquent ces ordres.

14 Le 17 mars, après son retour de l'enclave de Vitez-Busovaca, il

15 a émis un troisième ordre à destination de l'ensemble des unités, afin

16 d'identifier les membres qui auraient été susceptibles d'adopter une

17 attitude criminelle, et ceci pour qu'ils soient expulsés du HVO et pour

18 qu'on leur confisque leurs armes et uniformes.

19 Nous allons vous présenter l'ensemble de ces ordres, ici, comme

20 pièce à conviction.

21 Il a pris d'autres mesures de prévention, il a pris les mesures

22 nécessaires à la distribution de calendriers à l'ensemble des soldats des

23 unités du HVO, en 92 et 93. C'étaient des documents que les soldats

24 étaient tenus de porter dans leur poche et ceci quotidiennement. Il y

25 avait des instructions telles que : "les conventions exigent le respect à

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1 l'égard des malades, des blessés, des prisonniers de guerre et à l'égard

2 des civils". Il a envoyé tous les membres de la brigade de l'état-major du

3 HVO à des séminaires pour que ceux-ci puissent être instruits des

4 dispositions des conventions de Genève et qu'ils puissent prendre les

5 instructions appropriées à ce sujet.

6 Quand le conflit s'est intensifié, en avril 1993, Blaskic a émis

7 encore d'autres ordres supplémentaires pour la protection des civils et

8 des biens civils, en conformité avec les lois de la guerre. Il a répété

9 ces ordres, y compris pendant les périodes les plus difficiles pour le HVO

10 au cours de la guerre.

11 Nous allons pouvoir certifier ces ordres, grâce à des

12 témoignages directs oculaires. Il s'agira ici d'ordres qui se sont avérés

13 être authentiques, compte tenu de leur forme, de leur cachet, de leur

14 sceau et autres signatures et caractéristiques. Les pièces à conviction

15 vont également prouver que ces ordres ont été émis sincèrement et de bonne

16 foi par Tihomir Blaskic. Il s'attendait à ce qu'ils puissent être

17 également émis par les commandants subordonnés et par les soldats se

18 trouvant sur le champ de bataille.

19 Le commandement et le contrôle commencent avec un ordre, mais

20 ils ne s'achèvent pas là. Les pièces vont démontrer que les ordres de

21 Blaskic n'ont pas été appliqués de manière uniforme et n'ont pas été obéis

22 de manière uniforme, de même que les événements qui ont eu lieu sur le

23 champ de bataille n'ont pas fait l'objet d'un rapport précis pour lui.

24 Nous allons présenter ici des pièces à conviction relatives à un

25 commandement effectif et efficace sur les forces militaires, et quels

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1 étaient les éléments qui n'existaient pas à propos de certaines unités

2 particulières du HVO et à certaines périodes de temps particulières. Le

3 commandement et le contrôle efficaces d'unités subordonnées exigent un

4 certain nombre d'éléments.

5 Prochaine diapositive, s'il vous plaît.

6 Ici, il y a un exemplaire imprimé de ce document que les membres

7 de l'accusation peuvent consulter. Ceci est trop difficile à consulter

8 directement sur l'écran. Il s'agit... Vous avez à gauche la version en

9 anglais, à droite la version en français. Je vais les lire.

10 " Un commandant doit pouvoir disposer de l'autorité pour émettre

11 des ordres à l'unité concernée. Un commandant doit avoir un personnel

12 efficace. Un ordre doit être communiqué efficacement à l'unité. Un ordre

13 d'agir doit être exécuté promptement par l'unité. L'unité subordonnée doit

14 disposer d'une organisation efficace, qui lui permet d'assigner et

15 d'exécuter les responsabilités provenant d'un ordre d'agir. L'unité doit

16 agir conformément à

17 l'ordre. Des rapports précis doivent être relayés promptement vers le haut

18 de la chaîne de commandement. On ne peut pas agir de sa propre

19 initiative. "

20 A certains moments, ces conditions préalables pour le

21 commandement et le contrôle n'existaient pas à l'intérieur du HVO.

22 Vous entendrez des témoignages relatifs aux brigades du HVO de

23 Sarajevo, qui n'avaient presque aucune possibilité de communiquer avec

24 l’accusé, même si l'accusé était, dans la théorie, le responsable

25 hiérarchique de cette brigade.

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1 Après avril, lorsque Kiseljak a été isolée et lorsque l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine a effectivement mis en oeuvre cet isolement total de

3 l'enclave de Kiseljak, le HVO à Vitez -et cela vous le verrez au travers

4 de témoignages- n'avait plus, ou pratiquement plus, de contrôle sur les

5 unités du HVO à Kiseljak, à Fojnica, à Vares ou à Kakanj. J'y reviendrai

6 dans plus de détails par la suite.

7 Ce manque de commandement ou de contrôle ne provenait pas de

8 Tihomir Blaskic lui-même, ce n'était pas de sa faute. Il a pris de

9 nombreuses mesures afin d'établir un système le plus efficace possible,

10 afin que des ordres soient délivrés vers le bas et que des rapports

11 arrivent du bas vers le haut de la chaîne du commandement.

12 Ces ordres rendaient responsables les personnes destinataires de

13 ces ordres pour l'application de ces derniers, et il demandait souvent

14 qu'un rapport lui soit transmis très rapidement sur les mesures prises

15 dans le cadre de cet ordre. Cependant, il n'y avait pas suffisamment de

16 personnel éduqué au HVO pour pouvoir assumer des postes de responsabilité,

17 notamment dans les milices du HVO.

18 Quelles ont été les conséquences de cet état de fait ? Passons à

19 la diapositive suivante. Vous avez une copie papier de ce document. Il y a

20 également une copie vidéo et, sur ma gauche, vous le voyez également en

21 format agrandi. Ce tableau montre les différents niveaux de commandement

22 qui existaient dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Ces

23 niveaux commencent, en tout cas pour ce qui nous intéresse, avec le

24 commandant de la zone opérationnelle, c'est-à-dire Tihomir Blaskic. Si

25 nous descendons, nous tombons sur le niveau subordonné de commandement, à

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1 savoir : les groupes opérationnels, les brigades, et ceci bien sûr après

2 la formation des brigades, les bataillons, les compagnies, les sections,

3 les pelotons, les sections et les groupes de combat, c'est-à-dire

4 l'élément de base d'une force au combat. Le nombre de personnes

5 constituant ces différentes formations figurent plus ou moins à droite des

6 catégories elles-mêmes.

7 Que nous dit encore ce tableau ?

8 Sur la gauche, on voit qu'il est nécessaire que des ordres

9 soient délivrés par tous les commandants des unités subordonnées, et ceci

10 jusqu'au bas de la voie de commandement, à savoir : jusqu'aux groupes de

11 combat. Les ordres délivrés à chacun de ces niveaux hiérarchiques doivent

12 varier bien entendu ; dans les groupes de niveau hiérarchique inférieur,

13 le contenu de ces ordres sera plus matériel, plus concentré sur des actes

14 et des événements précis, et cette délivrance d'ordres et de sous-ordres

15 jusqu'aux soldats qui se trouvaient sur le terrain nécessitait la présence

16 de personnels qualifiés. Or, leur nombre était limité dans les milices

17 croates. En fait, la plupart des brigades du HVO n'avait pas d'officier du

18 tout, ayant suivi une formation militaire ou bien seulement un ou deux.

19 Cela, nous pouvons le comparer avec par exemple un critère de l’OTAN :

20 pour l’OTAN, il faudrait 25 fois plus de personnel de ce type dans le

21 cadre des unités de taille équivalente.

22 Même les commandants à un niveau hiérarchique relativement

23 élevé, notamment celui de la brigade, n'avaient pas de formation

24 militaire. Un commandant de brigade notamment avait été mécanicien avant

25 la guerre. Cela ne pose aucun problème, c'est un métier et des personnes

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1 dont nous avons tous besoin à un moment donné, mais il ne s'agit pas du

2 tout de formation militaire. Un autre de ces commandants d'une unité de

3 taille importante vendait des assurances-vie jusqu'au milieu de la guerre

4 à peu près.

5 Un commandement et… un contrôle effectif et efficace demandent

6 également que le commandant reçoive en temps opportun des rapports précis

7 relatifs à des événements qui se produisent sur le terrain. Si un

8 commandant ne sait pas quelle est la situation qui règne sur le terrain,

9 il ne peut pas délivrer d'ordres efficaces afin de diriger ou de contrôler

10 ces événements.

11 Là, je m'intéresse surtout à la partie droite du tableau, vous

12 voyez une flèche qui remonte la voie hiérarchique jusqu'au commandant. Par

13 conséquent, ce système de rapports qui se dirige vers le haut de la chaîne

14 de commandement demande que des rapports qui émanent des commandants au

15 départ… La question que l'on peut se poser à ce moment-là est : à quel

16 niveau l'événement se produit-il ? Au niveau des pelotons ? Au niveau de

17 la compagnie ? Ou bien à un niveau supérieur ? Par conséquent, ce système

18 de rapports nécessite des rapports précis, bien entendu, et il faut qu'au

19 fur et à mesure que le rapport monte, il faut que ce rapport remonte

20 jusqu'au commandement supérieur car, si ce n'est pas le cas, dans ce cas-

21 là, ce rapport n'existe plus.

22 A droite du tableau, vous voyez également un même niveau de

23 commandement, mais, cette fois-ci, ce niveau de commandement au travers

24 duquel ces rapports doivent être transmis afin d'arriver au commandement

25 supérieur.

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1 Les éléments de preuve que nous présenterons montreront qu'au

2 cours de périodes cruciales, les rapports, soit n'ont pas été rédigés du

3 tout, rapports relatifs à des actes criminels commis par des membres du

4 HVO, ou bien ces rapports ont été effectivement rédigés, mais ils ne sont

5 pas remontés par la voie hiérarchique et ne sont pas arrivés à

6 Tihomir Blaskic.

7 Il faut donc qu'il y ait un bon système de rapports, de rapports

8 précis qui remontent cette voie hiérarchique et il faut que les ordres

9 soient transmis du haut vers le bas de cette même voix hiérarchique. Ce

10 sont deux critères nécessaires.

11 Le commandement et le contrôle dans la zone opérationnelle ont

12 également été détériorés, étant donné le degré de chaos qui régnait à un

13 niveau supérieur du commandant de

14 la zone opérationnelle qui ne figure même pas sur le tableau que vous avez

15 sous les yeux.

16 Au cours de trois périodes différentes, Tihomir Blaskic a été

17 placé sous un commandement conjoint, constitué de commandants de l'armée

18 de Bosnie-Herzégovine, du HVO et d'anciens commandant du HOS.

19 En novembre 1992, on lui a donné l'ordre de se subordonner à un

20 commandement conjoint composé d’Harif Pasalic de l’armée de Bosnie-

21 Herzégovine, et d’un ancien commandant du HOS, Ante Perkacin.

22 En janvier 1993, on lui a dit de former un commandement conjoint

23 avec le général Hadzi Hazanovic et, en avril, il a reçu un nouvel ordre :

24 celui de former un autre commandement conjoint avec l'armée de Bosnie-

25 Herzégovine, ce qui était en fait une tâche extrêmement complexe puisque

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1 les deux parties étaient en guerre à l'époque.

2 La défense ne critique pas les efforts qui avaient pour objectif

3 de ramener la paix ou de former ces commandements conjoints, mais les

4 éléments de preuve montreront que ces changements constants de

5 responsabilité ont introduit un élément de chaos, même au niveau

6 hiérarchique supérieur de commandement sur le terrain.

7 Je reviendrai maintenant à la reprise de la guerre, en

8 avril 1993.

9 Après la guerre du mois de janvier, Tihomir Blaskic s'est

10 retrouvé dans une position militaire très vulnérable. La région de

11 Vitez/Busovaca/Kiseljak était séparée en deux enclaves différentes et, par

12 conséquent, la possibilité des milices du HVO de se défendre contre la

13 supériorité numérique énorme de l'armée et des forces de l'armée de

14 Bosnie-Herzégovine a été réduite, et les voies de communication et

15 d'approvisionnement n'étaient pas fiables pour les enclaves de Vitez et de

16 Busovaca.

17 Malgré tout, il a essayé de maintenir un effort de

18 réconciliation avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il savait qu'une

19 confrontation allait mener à un désastre pour le HVO. Alors qu’a-t-il

20 fait ?

21 En mars 1993, il a approuvé la livraison de plus de 6 000 kilos

22 d'explosif destinés à la base logistique de l'armée de Bosnie-Herzégovine

23 qui se trouvait à Visoko et, le 1er avril 1993, le troisième corps a reçu

24 une cargaison importante d'armes qui sont passées par des territoires

25 contrôlés par le HVO. Il y avait notamment 15 lances roquettes légers,

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1 1 500 grenades munitions pour ces lances roquettes légers et d'autres

2 balles au nombre de 150 000. L'armée de Bosnie-Herzégovine se préparait,

3 mais à quoi ? Où se trouvaient les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine

4 dans la vallée de la Lasva ?

5 Le 20 juin 1992, le Président Izetbegovic avait déclaré la

6 mobilisation générale en Bosnie-Herzégovine de tous les hommes âgés de 18

7 à 65 ans et toutes les femmes âgées de 18 à 55 ans. Toute la population

8 adulte, en d'autres termes, a reçu pour ordre de se présenter à la plus

9 proche unité de la Défense territoriale.

10 Le troisième corps, comme je l’ai dit, commandait les unités de

11 l'armée de Bosnie-Herzégovine et de la Défense territoriale dans la vallée

12 de la Lasva. Il y avait quatre brigades à Zenica, trois ou plus à Travnik,

13 et j’y inclus la septième brigade musulmane, ainsi que d'autres brigades à

14 Novi Travnik, Busovaca et Vitez. Il s'agit donc de forces de l'armée de

15 Bosnie-Herzégovine.

16 La brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Vitez, connue sous

17 le nom de 325èmebrigade de montagne, avait la force d'un bataillon et se

18 trouvait à Stari-Vitez, Krusica, Preocica et Posulica. Des compagnies

19 subordonnées se trouvaient à Bila, Vrhovine, Ahmici et Vranicka ; il y

20 avait également d'autres pelotons.

21 La compagnie se trouvant à Ahmici faisait partie du bataillon

22 basé Preocica, la compagnie d'Ahmici était stationnée dans l'école

23 primaire, elle disposait d'une station radio et d'un stock centralisé

24 d'armes.

25 L'armée de Bosnie-Herzégovine souhaitait prendre Vitez. L'usine

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1 SPS, l'une des usines les plus importantes d'explosifs et de munitions en

2 ex-Yougoslavie, était une cible

3 principale de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ils voulaient absolument

4 contrôler cette usine qui se trouvait à la périphérie de Vitez. Dans des

5 négociations internationales ultérieures le Président Izetbegovic a exigé

6 que l'armée de Bosnie-Herzégovine obtienne le contrôle de Vitez pour cette

7 raison en particulier.

8 Et tout comme en janvier, une pression plus forte a été exercée

9 afin que l'armée de Bosnie-Herzégovine obtienne plus de territoires afin

10 d'y héberger les personnes déplacées.

11 En avril 1993, une violence plus directe a vu le jour contre le

12 HVO. Le 8 avril, dimanche de Pâques, il y a de nombreuses violences à

13 Travnik puisque le drapeau croate a été hissé sur certains bâtiments et il

14 y a eu de nombreuses victimes croates et musulmanes suite à ces incidents.

15 Le 12 avril, plusieurs membres du HVO ont été arrêtés à Stari Vitez ils

16 ont été également interrogés et frappés.

17 Le 13 avril, quatre officiers du HVO à Novi Travnik et Travnik

18 ont été enlevés. Le 14 avril, une tentative d'assassinat a été perpétrée

19 contre Darko Kraljevic, commandant de l'unité indépendante des Vitesovis,

20 comme vous le savez le 15 avril 1993 à Zenica, le commandant de brigade du

21 HVO, Jivko Totic a été enlevé et quatre soldats du HVO ont été assassinés.

22 Ceci a été suivi par un blocus total de Zenica par les forces de l'armée

23 de Bosnie-Herzégovine.

24 (Me Hayman vient devant la maquette.)

25 Nous présenterons également des moyens de preuve montrant que le

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1 15 avril, pas le 16, lorsque le conflit général a éclaté, mais la veille,

2 à savoir le 15 avril 1993, le conflit, un conflit a éclaté à un endroit

3 stratégique sur le mont Kuber. Vous voyez ici ce petit drapeau vert qui

4 montre ce mont Kuber, c'était le point dominant entre la vallée de la

5 Lasva et Zenica.

6 Zenica était l'endroit où était stationné le troisième corps

7 d'armée et il y avait environ 20 000 à 30 000 soldats qui s'y trouvaient,

8 nous ne connaissons pas le chiffre exact. Le mont Kuber était donc

9 stratégique pour le contrôle de la vallée de la Lasva. Avant le 16 avril,

10 le

11 HVO contrôlait des points très élevés sur le mont Kuber, mais le 15, des

12 conflits ont éclaté entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO sur le

13 mont Kuber. Et à 18 heures, le 15, des rapports ont signalé des victimes

14 dans les rangs du HVO. Et ces rapports ont été reçus par Tihomir Blaskic

15 au quartier général de la zone opérationnelle.

16 (Me Hayman revient à sa place.)

17 Il suffit de dire que le 15 avril 1993 le HVO était attaqué,

18 bien que les attaques visaient particulièrement les dirigeants du HVO. Si

19 le HVO avait été attaqué directement par l'armée de Bosnie-Herzégovine à

20 cette époque à Vitez, le HVO n'aurait pas pu, en occupant les positions

21 qu'il occupait à l'époque, défendre la ville. Une attaque aurait

22 probablement divisé, coupé la poche de Vitez et mené à la défaite du HVO

23 dans cette enclave.

24 Si cette enclave avait été divisée en plus petites poches, le

25 HVO n'aurait pas pu se mouvoir et n'aurait pas pu concentrer ses forces de

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1 défense. C'est la route d'approvisionnement qui leur a permis de faire

2 venir leurs troupes, leurs troupes de défense.

3 D'autre part, la proximité des forces de la Défense territoriale

4 par rapport à la voie d'approvisionnements, comme à Ahmici, mais à

5 d'autres endroits également, a menacé le contrôle exercé par le HVO sur

6 cette voie d'approvisionnements. Les barricades d'octobre 1992 à Ahmici

7 l'ont bien prouvé.

8 D'autre part, les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans

9 l'enclave étaient également une préoccupation pour le HVO, je parle des

10 forces qui se trouvaient à Kruscica et à Stari Vitez ; elles auraient pu

11 lancer des attaques de tireurs isolés, des attaques d'infanterie dans

12 l'enclave Vitez Busovaca même. D'autre part, le HVO était préoccupé par

13 des unités qui se trouvaient à Gacice et Donja Veceriska qui occupaient

14 des positions élevées au-dessus de l'usine SPS qui se trouvaient juste à

15 l'ouest de Vitez.

16 Voilà la situation militaire dans laquelle se trouvait

17 Tihomir Blaskic, une situation qui se détériorait le 15 avril 1993.

18 Il avait également reçu deux rapports d'informations les

19 semaines précédentes. Nous présenterons ces rapports au cours de la

20 présentation de nos moyens de preuve.

21 A la mi-mars, on lui a dit qu'il devait s'attendre à une attaque

22 de l'armée de Bosnie-Herzégovine sur Vitez, de la direction de Zenica.

23 (Maître Hayman rejoint la maquette.)

24 On lui a donc signalé qu'une attaque allait probablement se

25 produire de Zenica contre Vitez. Les forces de l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine traverseraient Vrhovine qui se trouve juste ici en amont de la

2 colline d'Ahmici. Et ce rapport lui disait que l'armée de Bosnie-

3 Herzégovine souhaitait rejoindre des forces qui se trouvaient déjà à

4 Vraniska, c'est le point que je montre actuellement sur la maquette qui

5 est de l'autre côté de l'axe principal d'approvisionnements, donc de

6 rejoindre ces forces entre Vrhovine, Vraniska etc. En faisant cela,

7 l'enclave de Vitez et de Busovaca aurait été coupée en deux.

8 Vers la fin du mois de mars, il a reçu un deuxième rapport

9 d'informations qui sera également versé au dossier et qui prévoyait une

10 attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine et une tentative de rejoindre

11 Zenica, ici, et de lier Zenica à Travnik qui se trouve plus à l'ouest. Ce

12 rapport signalait que l'attaque proviendrait probablement de la direction

13 de Preocica qui se trouve ici, -il n'y a pas de drapeau pour l'indiquer-,

14 mais également de Posulica qui se trouve ici et en descendant la colline

15 vers Sivrino Selo, une position contrôlée par l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine pendant la totalité de la guerre et à quelques pas de la voie

17 d'approvisionnements traversant l'enclave de Vitez et Busovaca.

18 A la vue de ces rapports et des attaques multiples contre les

19 dirigeants du HVO et du blocus de Zenica le 15, Tihomir Blaskic en est

20 arrivé à la conclusion suivante : il devait prendre des mesures

21 nécessaires à la défense de Vitez contre une attaque potentielle de

22 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

23 Qu'a-t-il fait ? Eh bien, nous vous montrerons précisément ce

24 qu'il a fait, quelles

25 ont été ses instructions écrites dirigées aux forces du HVO les 15 et

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1 16 avril. Le 15 avril, à 10 heures du matin, Tihomir Blaskic a délivré un

2 ordre écrit à toutes les unités du HVO.

3 Tout d'abord, il a déclaré que l'armée de Bosnie-Herzégovine

4 allait probablement attaquer le mont Kuber. En fait, cette attaque a bien

5 eu lieu plus tard dans la journée, comme je l'ai dit. Et qu'il allait y

6 avoir une tentative de rejoindre les forces de l'armée de Bosnie-

7 Herzégovine qui se trouvaient à l'ouest à Posulica et qu'elles allaient

8 tenter de traverser la route d'approvisionnements à Vranicka, que je viens

9 d'indiquer sur la maquette il y a un instant.

10 Il a ensuite assigné des tâches très précises dans cet ordre. Il

11 a ordonné au quatrième bataillon de la police militaire du HVO d'assurer

12 la sécurité du quartier général de la zone opérationnelle et d'assurer, de

13 s'assurer que la route Busovaca/Vitez/Travnik reste ouverte. Si un barrage

14 quelconque devait être placé sur cette route, comme cela avait été le cas

15 en octobre 1992, il ordonnait pour instruction d'empêcher que ceci ne se

16 reproduise. Il a ensuite donné des instructions qui sont cruciales en

17 l'espèce et je demanderai que la diapositive suivante soit passée.

18 Pourriez-vous, s'il vous plaît, agrandir l'image afin qu'elle

19 soit plus lisible ? Ou arranger la netteté, s'il vous plaît ? Non, ce

20 n'est pas possible. Bon, très bien merci.

21 C'est une partie de l'ordre du 15 avril à 10 heures du matin. Et

22 là je cite : "En cas d'une attaque plutôt forte de la part des forces

23 extrémistes musulmanes provenant de la direction de Nadioci, Ahmici,

24 Sivrinoselo ou Pirici, signalez-moi si c'est le cas, et si l'on vous tire

25 directement dessus, ripostez et neutralisez l'attaquant".

Page 11119

1 A l'unité indépendante des Vitezovi, il a ordonné -et ceci ne

2 figure pas sur la diapositive, mais nous présenterons cette pièce au

3 dossier dans son intégralité- à l'unité des Vitezovi, il donne pour ordre

4 de répondre à toutes percées de l'armée de Bosnie-Herzégovine, des

5 positions sur la ligne de front du HVO, notamment si une attaque se

6 produit dans Stari Vitez vers l'hôtel Vitez donc le quartier général du

7 HVO. Les Vitezovi ont reçu pour

8 ordre de contrer toute attaque de ce type et de faire rapport de leurs

9 activités au quartier général.

10 A toutes les autres brigades, il a dit d'être prêtes à défendre

11 leur zone de responsabilité. Il a ordonné aux brigades du HVO, en cas

12 d'attaque, de se retirer seulement après avoir évacué la population et si

13 son consentement était obtenu. Si le 15 avril, il parlait déjà d'une

14 éventuelle possibilité de retirer la population ou ses soldats devant une

15 attaque éventuelle, c'est bien qu'il attendait cette attaque. Aucune de

16 ses unités n'ont reçu pour ordre d'attaquer l'armée de Bosnie-Herzégovine

17 et encore moins un civil ou la propriété de civils.

18 A 15 h 45, il a délivré un nouvel ordre. Cet ordre a été

19 transmis au HVO de Vitez, Busovaca, Kiseljak, Zenica, Travnik et

20 Novi Travnik. Dans cet ordre, il soulignait la menace dirigée vers les

21 dirigeants du HVO de tentative possible d'attentat à l'encontre des

22 dirigeants du HVO et a ordonné aux unités de préparer de petits groupes de

23 soldats afin de pouvoir défendre les dirigeants du HVO contre

24 d'éventuelles attaques terroristes menées contre des commandants du HVO.

25 Le 16 avril, Blaskic a délivré un nouvel ordre. A 1 h 30 du

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1 matin, donc aux premières heures du 16, il a délivré un nouvel ordre de

2 combats destiné à la brigade de Vitez et à l'unité spéciale de Zvorko. Ils

3 ont reçu pour ordre de contrer l'attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

4 de bloquer les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Krusica, Vranicka

5 que je viens d'indiquer sur la maquette et Donja Veceriska, l'un des

6 villages se trouvant juste à côté de l'usine SPS.

7 Il explique dans cet ordre qu'une attaque de l'ennemi était

8 imminente de la direction de Krusica et de Vranicka, du sud donc et que

9 l'obligation de ces unités était de bloquer ces villages et d'interdire

10 tout mouvement à l'intérieur et à l'extérieur du village.

11 Par conséquent, il a donné l'ordre de stopper tout mouvement

12 éventuel si l'ennemi lançait une attaque.

13 Tous ses ordres étaient des ordres défensifs, aucun d'eux

14 n'ordonnaient d'attaquer les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais

15 seulement de répondre en cas d'attaque, aucun de ces ordres n'étaient

16 dirigés à entamer une attaque contre des civils ou des propriétés civiles,

17 aucun de ces ordres ne signalait Ahmici comme devant être la cible

18 préférée d'une action militaire quelconque, aucun de ces ordres n'a été

19 émis à Blaskic le 15 avril ou à quelque autre moment que ce soit.

20 M. le Président. - Nous pourrions faire une pause puisqu'ensuite

21 il y a un certain temps de reprise. Donc l'audience est suspendue.

22 (L'audience, suspendue à 16 h 45, est reprise à 17 h 05).

23 M. le Président. - L'audience est reprise, veuillez faire entrer

24 l'accusé.

25 (L'accusé, Tihomir Blaskic, est introduit.)

Page 11121

1 Maître Hayman, continuez.

2 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

3 J'ai décrit des ordres de combats émis par Tihomir Blaskic le 15

4 et tôt le matin le 16 avril. Que s'est-il passé le matin du 16 avril ?

5 A l'évidence, des combats ont éclaté entre les milices

6 musulmanes et croates dans la vallée de la Lasva. Qui a tiré la première

7 balle n'est pas d'un intérêt particulier dans notre affaire, mais ce qui

8 est clair c'est que tant les forces du HVO que les forces de l'armée de

9 Bosnie-Herzégovine étaient très proches les unes des autres en plusieurs

10 lieux et que les combats qui les ont opposées se sont étendus dans

11 l'ensemble de la région de Vitez le matin du 16 avril.

12 Avant de continuer de parler des événements du 16 avril,

13 j'aimerais revenir brièvement sur la question de la structure de

14 commandement du HVO.

15 Les ordres dont j'ai parlés avant la pause comprenaient des

16 ordres destinés aux brigades du HVO, des ordres destinés au quatrième

17 bataillon de la police militaire régionale et des ordres destinés à

18 l'unité indépendante des Vitezovi.

19 Quel était le rapport de commandement qu'entretenait Blaskic

20 avec ses unités ? C'est là une question qui est tout à fait primordiale

21 lorsqu'on parle de la responsabilité hiérarchique et j'aimerais maintenant

22 que nous voyons la diapositive suivante.

23 Cette diapositive, Monsieur le Président, est montrée également

24 en vidéo et vous avez un exemplaire imprimé de cette diapositive dans vos

25 documents, vous en voyez également une version agrandie sur ma gauche. Ce

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1 schéma montre l'organisation militaire du HVO dans la zone opérationnelle

2 de Bosnie centrale et dans un contexte plus large encore. C'est-à-dire

3 dans le cadre général qui incluait la zone opérationnelle de Bosnie

4 centrale.

5 Au sommet de ce diagramme, vous voyez les différents

6 départements des structures civiles du HVO, en Herceg-Bosna. Vous voyez,

7 par exemple, le département des activités sociales, le département du

8 commerce, le département des affaires internes, le département des

9 finances, le département de la justice qui sont des départements ou des

10 bureaux tout à fait habituels dans une société civile. Mais le département

11 qui nous intéresse dans notre affaire, c'est le département de la défense

12 que l'on voit au centre de la ligne supérieure de ce diagramme.

13 Et, ce département de défense comprend trois éléments qui sont

14 pertinents pour notre affaire. Il y en a quatre au total en fait, trois en

15 haut, et un qui est inscrit plus bas à droite pour des raisons d'espace.

16 Alors quels sont ces différents éléments qui relèvent du

17 département de la défense ? Il y a d'abord le HVO militaire, basé à Mostar

18 et relevant du département de la défense et puis, au même niveau il y a

19 d'autres éléments au même niveau que le HVO militaire. A gauche, on voit

20 le siège de la police militaire, qui était un bureau distinct du

21 département de la défense qui

22 ne dépendait pas du quartier général du HVO. Et ensuite à droite, nous

23 voyons le siège des services d'information de la sécurité. Il ne s'agit

24 pas là d'une unité, mais d'un service. C'est un service de sécurité

25 interne, si on veut l'appeler ainsi, qui existait au sein du département

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1 de la défense et qui lui non plus ne dépendait pas du quartier général du

2 HVO.

3 Et puis, en quatrième lieu, si l'on suit la ligne vers la droite

4 et que l'on descend un petit peu, on trouve trois unités spéciales qui

5 sont directement liées, du point de vue du commandement, au département de

6 la défense. Il s'agit de l'unité des Vitezovi, de l'unité Busic et de

7 l'unité Pavlovic ou Ludvic Pavlovic que l'on voit ici sur la droite du

8 diagramme.

9 Dépendant du quartier général militaire du HVO, de l'état-major

10 du HVO, on trouve trois zones opérationnelles. Elles ne sont pas montrées

11 au même niveau sur ce diagramme par manque de place, mais vous voyez qu'il

12 y a la première et deuxième zone opérationnelle qui sont au même niveau et

13 la troisième zone opérationnelle est inscrite un peu plus bas de façon à

14 permettre de montrer graphiquement les rapports existants entre ces zones.

15 La zone qui nous intéresse bien entendu, c'est la troisième zone

16 opérationnelle de Bosnie centrale. En-dessous de cette troisième zone

17 opérationnelle, avec une filière de commandement directement liée aux

18 autres, on trouve diverses brigades et unités qui étaient donc directement

19 subordonnées à la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Pour bien

20 expliquer les choses, certaines de ces brigades sont reconnaissables

21 instantanément telles la brigade de Vitez et de Travnik et il y a d'autres

22 brigades, la brigade Banjelacic notamment, qui était basée à Kiseljak, la

23 brigade Cepan de Travnik, la brigade Bubovac de Vares, la

24 111ème brigade XP basée à Cepce et la brigade du roi Tovko basée à

25 Sarajevo.

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1 L'unité de défense antiaérienne était une unité centrale qui

2 regroupait toutes les armes antiaériennes et l'unité d'artillerie légère

3 et la division des roquettes étaient une unité de plus petite dimension

4 qui possédait d'autres pièces d'artillerie. On ne voit pas sur ce

5 diagramme, toujours par manque de place, les brigades de Zenica et de

6 Travnik du HVO qui

7 sont tombées en avril et juin 1993 respectivement et on ne voit pas non

8 plus sur le diagramme la 110ème brigade de Usora.

9 Nous allons présenter des moyens de preuve spécifiques pour la

10 défense qui seront liés aux trois entités qui existaient au même niveau

11 que la zone opérationnelle de Bosnie centrale et qui sont liés à la zone

12 opérationnelle en question par des lignes en pointillé. Vous voyez une

13 ligne en pointillé ici, une autre ici et une troisième qui remonte jusqu'à

14 l'unité des Vitezovi.

15 Ces lignes en pointillé reflètent le fait que chacune de ces

16 unités ou services dans le cas des services de sécurité étaient tenus dans

17 le cadre de diagramme de coordonner et d'aider le commandement exercé par

18 la zone opérationnelle en cas de nécessité. C'est-à-dire que lorsqu'elles

19 se trouvaient sur le théâtre des opérations, dans la zone relevant de

20 leurs responsabilités, elles avaient pour devoir de se coordonner avec la

21 zone opérationnelle. Mais la filière de commandement principale se

22 trouvait ailleurs. La police militaire était directement liée, du point de

23 vue du commandement, à son siège de la police militaire, à Mostar. Le

24 service de la sécurité de Mostar relevait directement du service de

25 sécurité central de Mostar et l'unité des Vitezovi relevait directement,

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1 du point de vue du commandement et de ses responsabilités, du département

2 de la défense. Donc, la filière de commandement, peut-on dire, était

3 double pour ces trois unités et le quartier général de la zone

4 opérationnelle n'avait pas de commandement exclusif, même sur le papier,

5 sur ces unités.

6 Je reviens maintenant, si vous le voulez bien, à la journée du

7 16 avril. Les ordres fournis aux unités de la région de Vitez consistaient

8 donc à bloquer les forces ennemies, à s'assurer le contrôle de la route et

9 à retourner le feu uniquement si des coups de feu étaient directement

10 tirés sur ces unités.

11 Les éléments de preuve que nous présenterons démontreront que

12 ces ordres n'ont pas été mis en oeuvre de façon uniforme. Diverses actions

13 ont été entreprises en divers lieux,

14 reposant sur les mêmes ordres provenant du quartier général de la zone

15 opérationnelle. Je reprendrai chacun des lieux géographiques concernés, en

16 commençant par Stari Vitez.

17 Des coups de feu ont été échangés entre le HVO et la Défense

18 territoriale à Stari Vitez, le matin du 16 avril. Il y avait environ

19 250 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez et, suite à ces

20 combats, aucune des deux parties n'a acquis une portion importante de

21 territoire. Des maisons et d'autres bâtiments ont été endommagés, des

22 tranchées ont été utilisées par les deux milices au cours des combats et

23 des maisons de Croates et de Musulmans ont été brûlées, incendiées et

24 détruites, suite à ces combats. D'autres maisons musulmanes, situées près

25 de ce que l'on a appelé « le bâtiment jaune », semblent également avoir

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1 été pillées et incendiées intentionnellement, mais pas en raison

2 d'activités de combat.

3 Cette région était celle dans laquelle les soldats de l'unité

4 des Vitezovi opéraient et toutes ces activités se sont limitées à un

5 nombre réduit de maisons, en contradiction directe aux ordres émis par

6 Tihomir Blaskic. Bien qu'il n'ait pas ordonné l'attaque contre

7 Stari Vitez, il a ordonné que l'armée de Bosnie-Herzégovine soit bloquée à

8 Stari Vitez, que l'armée de Bosnie-Herzégovine ne puisse donc plus être

9 présente à Stari Vitez, ce qui était important pour le HVO. Et Stari Vitez

10 a été défendue, des pertes importantes étant infligées aux forces du HVO

11 engagées dans les combats.

12 Au cours de la journée du 16 avril, les soldats du HVO ont subi

13 des pertes et ont eu un grand nombre de blessés dans les échanges qui les

14 ont opposé à l'armée de Bosnie-Herzégovine, aux environs, en périphérie de

15 Stari Vitez.

16 Maintenant, je vais parler de Krusica. Une bataille s’est

17 également produite à Krusica le 16 avril. Tihomir Blaskic a émis les mêmes

18 ordres, eu égard à Krusica, que les ordres qu'il avait émis en direction

19 de Donja Veceriska. Mais aucun crime ne lui est imputé à cet égard dans

20 l'acte d'accusation, eu égard à Krusica.

21 Krusica était défendue par l’armée de Bosnie-Herzégovine. La

22 défense de cette

23 ville a été organisée et a obtenu des succès. Krusica n'a jamais été

24 saisie par le HVO pendant tout le reste de la guerre.

25 Que s'est-il maintenant passé à Donja Veceriska ?

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1 Donja Veceriska était défendue par une unité de la Défense territoriale.

2 Le village avait un plan de défense, disposait d'armes automatiques, de

3 mitrailleuses, de mitraillettes, et il a appliqué son plan de défense.

4 750 résidents musulmans vivaient dans ce village. La bataille opposant le

5 HVO et la Défense territoriale a duré toute la journée du 16 avril, toute

6 la journée du 17, et jusqu'à la moitié de la journée du 18. Les unités de

7 la Défense territoriale se sont alors retirées du village. En dépit du

8 fait que les combats dans ce village se sont poursuivis pendant deux jours

9 et demi, huit Musulmans, huit soldats musulmans et civils, ont été blessés

10 ou tués, sur les 700 habitants présents. Neuf Croates environ ont été

11 blessés et un seul a été tué.

12 L'acte d'accusation ne mentionne aucune charge d'attaque

13 illégale contre des civils ou des bâtiments, des biens civils, à

14 Donja Veceriska, le 16 avril. Donja Veceriska est identifiée dans l'acte

15 d'accusation comme un lieu dans lequel, en avril 1993, des destructions

16 illégales et des pillages de propriétés ont eu lieu.

17 Alors que la ligne de front située dans le village s'est

18 déplacée au cours des combats, des maisons ont été incendiées, mais

19 c’étaient des maisons croates et des maisons musulmanes. Les voisins ont

20 pu voir, chacun, les maisons de l'autre en train de brûler et des

21 réactions, des représailles s'en sont suivies. Les éléments de preuve que

22 nous présenterons montreront quelles ont été les caractéristiques de ces

23 trois jours de bataille et quels biens ont été détruits pendant ces trois

24 journées. Mais ils montreront également qu'il s'agissait d'événements

25 locaux et d'acteurs locaux n'obéissant pas aux ordres du commandant de la

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1 zone opérationnelle.

2 Parlons maintenant de Posulica. Posulica est un autre village

3 qui ne fait l'objet d'aucune charge dans l'acte d'accusation. Posulica se

4 trouve ici, comme l'indique le drapeau vert que vous voyez ici, et se

5 trouve au-dessus de la ligne de collines qui relient Nadioci, Perioci,

6 Pirici, Sivrino Selo, sur la route entre Vitez et Zenica. Que s'est-il

7 passé à Posulica, le matin du 16 avril ? Posulica était un village dont la

8 population était mixte. Le matin du 16, les unités de la Défense

9 territoriale de Posulica ont attaqué les Croates du village. Des centaines

10 de Croates ont fui, pour tenter de redescendre les collines. Soixante-dix,

11 environ, n'ont pas fui et ont été capturés par les forces de la Défense

12 territoriale, à Posulica. Dans les jours qui ont suivi, malheureusement,

13 ces détenus ont été emmenés en groupes pour creuser des tranchées.

14 Certains ont été contraints d'aller recueillir des corps dans des no-man’s

15 lands, et un grand nombre d'entre eux ont été tués au cours d'échanges de

16 coups de feu impliquant des soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

17 Certains de ces détenus, mais pas tous, ont été échangés dans les jours

18 suivants.

19 Les événements de Posulica ne seront pas évoqués pour prétendre

20 qu'un crime justifie un autre crime. Je tiens à dire de la façon la plus

21 claire que tel n'est pas le cas, mais ce qui s'est passé à Posulica à

22 partir du matin du 16 avril est tout de même pertinent pour savoir si ce

23 jour-là il y a eu ou pas des attaques dirigées contre les Croates de la

24 vallée de la Lasva et pour déterminer si ces attaques ont été rapportées à

25 l'hôtel Vitez où se trouvait Tihomir Blaskic, ce qui permettrait

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1 d'expliquer que ces informations ont eu une influence sur sa façon de

2 penser ce jour-là, et ont donc influé également sur la suite des

3 événements et sur les réactions que Tihomir Blaskic a eues aux

4 informations qu'il a reçues.

5 Vacice est un autre village situé près de Vitez, un village qui

6 surplombe l'usine SPS sur une colline. Il n'existe aucune charge d'attaque

7 illégale contre des civils à Vacice dans l'acte d'accusation. La seule

8 charge spécifique figurant dans l'acte d'accusation est celle de

9 destruction illégale ou de pillage de biens.

10 A Vacice, il existait une unité de la Défense territoriale qui

11 comptait 50 à 60 soldats. Le 16 avril, les milices musulmanes et croates

12 de Vacice se sont regroupées, mais elles n'ont pas combattu. Pendant trois

13 jours, elles ont négocié la restitution des armes et, des

14 deux côtés, des positions ont été établies. Des tranchées ont été

15 creusées. Le 20 avril, ces négociations ont échoué et l'unité indépendante

16 de Vitezovi a attaqué la formation de l'armée de Bosnie-Herzégovine de

17 Vacice. Au cours de ce conflit du 20, cinq hommes ont été tués dont un

18 Croate et quatre Musulmans. Dans la partie inférieure du village, l'unité

19 de la Défense territoriale s'est rendue et a donc rendu ses explosifs et

20 ses armes ; et, dans la partie supérieure du village, les soldats de la

21 Défense territoriale se sont retirés vers le territoire tenu par l'armée

22 de Bosnie-Herzégovine. Au cours de cette bataille, un soldat de Vitezovi a

23 été tué.

24 Un grand nombre de maisons semble avoir été incendié à titre de

25 représailles pour la mort de ce soldat de Vitezovi. C'est un schéma que le

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1 Tribunal constatera à partir des éléments de preuve comme un phénomène

2 répétitif et survenu en divers endroits, à savoir plus précisément que,

3 tant les milices du HVO que de l'armée de Bosnie-Herzégovine, par manque

4 de discipline et de contrôle au sein de ces unités, exerçaient

5 immédiatement des représailles lorsqu'un de leurs soldats, l'un de leurs

6 camarades, de leurs collègues était tué, et ces représailles prenaient

7 pour cible les civils ou des bâtiments civils. Cela s'est passé, non

8 seulement à Vacice, mais également à Rotilj dont je parlerai plus tard,

9 cela s’est passé à Mletitic où quatre Croates ont été exécutés en

10 représailles directes pour la mort d'un combattant Mudjahidin.

11 Parlons à présent des villages ou plutôt des hameaux de Nadioci,

12 Ahmici, Pirici et Santici. Ces villages ou hameaux étaient tous à une

13 distance d'un kilomètre ou deux les uns des autres, donc regroupés sur une

14 zone très restreinte, le long de cet axe d'approvisionnement qui relie

15 Vitez à Busovaca.

16 J’attire l’attention du Tribunal sur la proximité très

17 importante de ces quatre villages. Nous présenterons des moyens de preuve,

18 du côté de la défense, qui montreront la nature de la défense organisée,

19 préparée à Ahmici avant le conflit. Si Tihomir Blaskic n'a pas ordonné

20 l'attaque contre Ahmici, il est tout de même pertinent de savoir qu'il

21 existait une

22 défense organisée et qu’une bataille importante s'est déroulée à cet

23 endroit le 16. Cela a sans aucun doute une pertinence par rapport au

24 rapport qu'il a reçu par la suite.

25 Le 11 avril, une réunion des unités de la Défense territoriale

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1 d'Ahmici a eu lieu, réunion au cours de laquelle un plan de défense a été

2 discuté et une ligne de front établie en cas d'attaque. Le 15 avril,

3 l'unité de la Défense territoriale d'Ahmici a constaté que des Croates se

4 regroupaient dans le village et, à 20 heures, une réunion a été convoquée.

5 Au cours de cette réunion, les Croates ont examiné leur ligne de défense

6 et ont fait le compte de leurs munitions, ces munitions, y compris des

7 lances roquettes légers étant distribués à l'unité. Comme je l'ai déjà

8 dit, l'ordre de Tihomir Blaskic concernant cette région, et dirigé à la

9 police militaire, lui donnant l'ordre de prendre le contrôle de la route

10 principale et, en cas d'attaque, d'informer Tihomir Blaskic en ne

11 ripostant que si elle était directement attaquée, date de ce jour-là.

12 La résistance organisée a été importante de la part des soldats

13 de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Ahmici.

14 " Comment les combats ont commencé " est une question à laquelle

15 je ne peux pas répondre personnellement, nous y répondrons plus

16 précisément après avoir entendu nos témoins. Mais les combats entre les

17 unités militaires présentes à Ahmici ont duré toute la journée du 16 et

18 des pertes ont été subies par la police militaire présente sur les lieux.

19 Néanmoins, ce qui est clair et ce que montreront nos moyens de

20 preuve, c'est que Tihomir Blaskic n'a pas vu ses ordres obéis à Ahmici.

21 Les civils d'Ahmici ont été intentionnellement pris pour cible et tués.

22 Toutes les maisons musulmanes d'Ahmici ont été incendiées et ces actions

23 ne répondaient à aucun ordre émanant de Tihomir Blaskic. Ces actions ont

24 été contraires aux ordres express émis par Tihomir Blaskic. Le pillage et

25 la destruction d'Ahmici se sont produits sans que Tihomir Blaskic en soit

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1 informé et en l'absence de quelque moyen pour lui d'être informé qu'un

2 massacre s'était produit à Ahmici.

3 Ce massacre s'est produit pendant quelques heures, à la mi-

4 journée le 16 avril. Les

5 combats entre les unités militaires se sont poursuivis jusqu'à la nuit,

6 moment où l'armée de Bosnie-Herzégovine a été évacuée vers Vrhovine, en

7 amont du village. Nous présenterons des éléments de preuve directe

8 concernant les informations reçues par Tihomir Blaskic au sujet des

9 activités de combat qui ont eu lieu le 16 avril 1993.

10 Le matin du 16, il s'est réveillé pour constater qu'un conflit

11 généralisé se déroulait dans la municipalité de Vitez entre le HVO et les

12 unités et les milices de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Les pilonnages se

13 produisaient à Vitez et l'hôtel Vitez était soumis à des tirs de tireurs

14 embusqués à partir de Stari Vitez. Il a déplacé le quartier général, donc

15 la salle des opérations dans la cave de l'hôtel Vitez par mesure de

16 sécurité. Mais, à partir de cette cave, il ne pouvait rien observer

17 directement de ce qui se passait dans la région. Le HVO n’avait pas de

18 véhicule blindé pour se déplacer de façon sûre et il a donc nécessairement

19 passé la journée dans la cave de l’hôtel Vitez.

20 Il a demandé des rapports réguliers pour être informé de ce qui

21 se passait sur le terrain, mais quel genre de rapports a-t-il reçu ? Nous

22 montrerons dans nos moyens de preuves un certain nombre de ces rapports. A

23 7 heures du matin, la brigade de Vitez a rendu compte du fait que la

24 majeure partie de l'état-major ne pouvait pas atteindre le quartier

25 général de la brigade et que la situation au niveau du quartier général

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1 était chaotique, c’était un rapport écrit. A 9 heures ce matin-là, la

2 brigade de Vitez a rendu compte du fait que des attaques aux mortiers se

3 produisaient contre Vitez et que des combats d'infanterie se déroulaient à

4 Stari Vitez, ainsi qu'à partir de Kruscica, et que les Croates de Posulica

5 subissaient une attaque et demandaient que faire.

6 Le HVO de Busovaca a déclaré qu'à 6 heures 30 le matin du 16,

7 l'armée de Bosnie-Herzégovine avait lancé des attaques contre Gonjerevna,

8 Pirici, Donjarevna et Bare. C'est par des rapports de ce genre que

9 Tihomir Blaskic a pu être informé de ce qui se passait au cours de ces

10 journées.

11 Les événements authentiques d'Ahmici n’ont jamais été rapportés

12 à Tihomir Blaskic par les membres de la police militaire présents dans le

13 village. L'incendie illégal des maisons dans d'autres lieux de la

14 municipalité de Vitez ne lui a pas non plus été rapporté.

15 Quelle a été sa réaction à ce conflit généralisé du 16 ?

16 D'abord, il a essayé d'arrêter les combats. A 10 heures, il a

17 envoyé des membres du bataillon britannique tenter de négocier un cessez-

18 le-feu, il a envoyé un messager, une réunion a été organisée grâce aux

19 transports fournis par les Nations-Unies et il a envoyé deux membres de

20 son état-major participer à cette réunion. Si aucun représentant du

21 troisième corps d'armée n'est allé à cette réunion, le HVO, lui, a accepté

22 le cessez-le-feu et, à 16 heures, le 16, Tihomir Blaskic a ordonné un

23 cessez-le-feu immédiat et inconditionnel aux unités du HVO.

24 Le matin du 16, également, il a essayé d’obtenir un cessez-le-

25 feu par un autre canal. Il a tenté de contacter Alija Izetbegovic grâce à

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1 un représentant religieux de haut rang pour que les combats cessent. Il

2 souhaitait l'arrêt des combats car il savait qu'un conflit généralisé

3 entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine aurait un effet désastreux

4 sur le HVO et sur les Croates de Bosnie centrale. Mais ce cessez-le-feu

5 n'a pas tenu et l'armée de Bosnie-Herzégovine a immédiatement lancé

6 l'attaque.

7 Il a continué à rechercher un cessez-le-feu, le 17 avril, ainsi

8 que le 18 avril et, à ce moment-là, un autre accord de cessez-le-feu a été

9 obtenu. Il a également tenté de renforcer la défense de l'enclave Vitez –

10 Busovaca, et ceci est bien montré dans les ordres émis par lui.

11 Dans la soirée du 16, il a ordonné à la brigade de Zenica de

12 tenter d'arrêter l'avance de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui avançait de

13 Zenica en direction de Vitez. Il a ordonné à une unité de la police

14 militaire de Travnik de se placer vers Vitez pour y apporter des renforts.

15 Et à 4 heures du matin, le 17 avril, il a ordonné à la brigade de Busovaca

16 et de Vitez de se défendre contre la poursuite attendue de l'attaque due à

17 l’armée de Bosnie-Herzégovine.

18 Dans cet ordre, émis moins de 24 heures après la généralisation

19 du conflit le matin du 16, il commande, il ordonne spécifiquement aux

20 commandants des brigades de Busovaca et de Vitez, ce qui suit,

21 diapositive, s'il vous plaît, je cite :

22 "Les soldats sont spécifiquement mis en garde de la façon de

23 traiter les civils, personnes âgées, femmes et enfants qu'il est interdit

24 de tuer, car c'est un crime."

25 Et l'accent est mis dans le texte original sur le mot "crime".

Page 11135

1 Pendant la suite de la journée du 16, les attaques de l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine se sont étendues contre les positions du HVO. A midi

3 le 16, les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont reçu l'ordre

4 d'attaquer le HVO dans la région de Jelinak, Loncari dans le but d'avancer

5 vers Katici et de couper donc la route de communication principale entre

6 Busovaca et Vitez.

7 Ces unités ont bien lancé l'attaque en question et le 16, la

8 situation du HVO a continué à se dégrader. L'attaque, comme je viens de le

9 dire, s'est produite contre le mont Kuber et contre Jelinak. Le HVO a été

10 coupé de sa base et encerclé à Krusica également.

11 Dans la nuit du 17 au 18 avril, Tihomir Blaskic a ordonné à la

12 brigade de Kiseljak d'essayer d'entreprendre des actions, afin de bloquer

13 les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans les villages, notamment à

14 Visnijca et dans d'autres villages, à partir desquels des attaques

15 pouvaient être lancées. Il a ordonné à la brigade de Kiseljak d'essayer de

16 capturer Gomionica et Svinjarevo où un grand nombre de soldats de l'armée

17 de Bosnie-Herzégovine se trouvaient. Gomionica, vous vous le rappellerez,

18 était le quartier général de la Défense territoriale de la municipalité de

19 Kiseljak et les moyens de preuve que nous présenterons montreront que ce

20 village a été bien défendu par 200 soldats ou plus de l'armée de Bosnie-

21 Herzégovine et que c'était un village qui avait une importance

22 stratégique, comme je vais maintenant vous l'indiquer.

23 Gomionica qui est localisé approximativement par ce petit

24 drapeau vert, se trouve

25 sur la principale route d'approvisionnements le long de la vallée de

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1 Kiseljak, route donc qui part de l'état-major des forces du HVO à

2 Gomionica. Il s'agit ici d'un territoire qui se porte vers le territoire

3 autour de Fojnica contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine, il s'agit

4 ici des unités de la Défense territoriale, qui ont contrôlé un territoire

5 contigu à celui qui était contrôlé par le HVO autour de Visoko.

6 Donc, cette ligne qui passe par Svinjarevo était le point le

7 plus étroit de l'enclave et donc, c'était un point logique sur lequel

8 l'armée de Bosnie-Herzégovine pouvait essayer de couper en deux l'enclave,

9 comme effectivement cela s'est produit.

10 Le 18 avril, il y a eu effectivement un conflit qui a démarré à

11 Gomionica et qui s'est poursuivi pendant une longue période de temps. A

12 Gomionica, les combats ont duré pendant plusieurs journées, après que les

13 unités de la Défense territoriale et de l'armée de Bosnie-Herzégovine se

14 sont retirées sur les collines au-dessus de Gomionica, les combats ont

15 continué pendant plusieurs semaines.

16 Les ordres de Tihomir Blaskic aux unités de Kiseljak d'entamer

17 une action contre ce bastion territorial sont des ordres de nature

18 strictement militaire. Il n'y a pas d'allégations spécifiques relatives à

19 des attaques contre des civils à Gomionica. Tihomir Blaskic n'a reçu aucun

20 rapport sur un comportement inapproprié ou relatif à des activités

21 militaires dans cette zone et, effectivement, il ne pouvait pas visiter,

22 inspecter cette région pendant cette période parce qu'il était coupé tout

23 au long de cette période dans l'enclave de Vitez/Busovaca.

24 Le 18 avril, Mate Boban et le Président Izetbegovic se sont

25 rencontrés à Zagreb. Ils se sont mis d'accord sur un autre cessez-le-feu.

Page 11137

1 Ce cessez-le-feu a été ordonné par le général Izetbegovic et a également

2 été ordonné par Tihomir Blaskic, l'après-midi du 18 avril. Mais, ce

3 cessez-le-feu n'a pas tenu lui non plus et, à la fin de cette journée,

4 l'état-major de la zone opérationnelle a donné des ordres et a rapporté

5 que les unités du HVO étaient toujours en train d'attaquer, et qu'il y a

6 eu donc… il y avait toute une série de combats qui continuaient à se

7 poursuivre à Visnjica, à Brestovsko et on a rapporté également des combats

8 très intenses à Gomionica.

9 Effectivement, un autre cessez-le-feu le 19 avril n'a pas pu

10 tenir lui non plus. Le 20, il y a eu des pourparlers de paix qui ont eu

11 lieu à Zenica auxquels Tihomir Blaskic a également participé et on a donné

12 aussi un autre ordre pour l'application d'un autre cessez-le-feu.

13 La majeure partie de l'affaire que nous avons entendue ici est

14 relative au massacre d'Ahmici qui a eu lieu le 16 avril et la défense a

15 introduit des moyens de preuve relatifs au moment où Tihomir Blaskic a

16 appris la nouvelle du massacre d'Ahmici et quelles étaient ses réactions à

17 cet effet. De la période du 16 avril au 28 avril, il n'y a eu aucun

18 rapport, pas de rapport présenté relatif au massacre perpétré à Ahmici. Le

19 bataillon britannique était localisé quelques kilomètres un peu plus bas

20 le long de la route en direction de l'Hôtel Vitez, il opérait des

21 patrouilles régulières au cours du conflit qui a eu lieu à Ahmici quand

22 ils ont découvert l'importance du massacre d'Ahmici, ce n'est pas avant le

23 22 avril, donc six jours consécutifs à l'événement.

24 Tout de suite après cette découverte, cette nouvelle, le

25 colonel Stewart du BRITBAT a rendu visite à Tihomir Blaskic et a exercé

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1 une pression auprès de lui et insisté auprès de lui sur l'importance du

2 crime perpétré à Ahmici. Au cours de cette réunion, il a trouvé qu'au

3 cours de cette réunion que Tihomir Blaskic "était absolument horrifié" par

4 ce qui s'était produit à Ahmici. (Fin de citation.)

5 Dans la suite de la lettre, le Colonel Stewart a demandé l'aide

6 de Tihomir Blaskic dans la quête relative au pillage d'Ahmici.

7 Tihomir Blaskic a été surpris par ce qu'il venait d'entendre, il n'avait

8 reçu aucun rapport émanant du HVO, relatif à des meurtres de civils à

9 Ahmici. Qu'a-t-il fait ? Dans un délai de 48 heures, à la suite du

10 22 avril, il a émis toute une autre série d'ordres directs en vue de la

11 protection des civils et afin que l'on soustraie les éléments incontrôlés

12 et civils présents dans les unités du HVO et que l'on recoure à la force à

13 leur égard afin que l'on puisse réprimer donc (je cite ici) "tous les

14 actes de terrorisme" (fin de citation.)

15 Je vous montrerai ultérieurement ce texte en tant que moyen de

16 preuve ultérieurement dans mes observations.

17 Quelques jours plus tard, il a tenu une conférence de presse et

18 au cours de cette conférence de presse, il a dénoncé publiquement le

19 massacre. Il a déclaré qu'il était horrifié vis-à-vis de ce qui s'était

20 produit à Ahmici et qu'il avait l'intention de prendre des mesures pour

21 mener une enquête sur ces atrocités.

22 Il a dit ultérieurement au cours de cette conférence de presse

23 qu'Ahmici avait été perpétrée par un groupe organisé de personnes,

24 conformément à un plan qui était supervisé, contrôlé par quelqu'un, il a

25 dit publiquement que les coupables devaient être découverts et qu'ils

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1 devaient être présentés à la justice.

2 Il a également répliqué, il a également répondu à la lettre du

3 colonel Stewart en déclarant qu'il était également prêt à envoyer une

4 commission d'enquêtes à Ahmici immédiatement et qu'il demandait également

5 l'aide des Nations-Unies afin de créer les conditions appropriées pour que

6 la commission puisse fonctionner. Comme il y avait des tirs de tireurs

7 embusqués qui continuaient à se dérouler des collines au-dessus d'Ahmici,

8 l'enquête menée par le colonel Stewart s'est faite dans des conditions

9 extrêmement difficiles. Il n'y a eu aucune commission conjointe qui n'a

10 été constituée à cette occasion-là et bien que différentes autorités

11 avaient collecté une information importante à propos du massacre auprès de

12 centaines de survivants, cette information n'a pas pu être diffusée, pas

13 pu être transmise à Tihomir Blaskic parce que les autorités qui

14 disposaient de cette information ont décidé de ne transmettre aucun

15 élément de ces informations au responsable du HVO.

16 Tihomir Blaskic, malgré cela, a continué et a émis des ordres

17 pour qu'on procède à une enquête à Ahmici. Cet ordre a été émis le

18 10 mai 1993 et si je peux avoir ici la prochaine

19 diapositive, s'il vous plaît.

20 Cet ordre contenait la directive pour la collecte de l'ensemble

21 de l'information, afin que l'on puisse soumettre un rapport relatif aux

22 événements qui ont effectivement eu lieu dans le village d'Ahmici et, en

23 particulier, à propos du nombre des victimes, la manière dont ce massacre

24 a été perpétré et qui étaient les personnes qui l'ont perpétré.

25 Paragraphe 2 : " je nomme l'assistant du service de sécurité

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1 d'information de la zone opérationnelle de la Bosnie centrale comme la

2 personne responsable pour cette tâche, la date limite est le

3 25 mai 1993. "

4 Pourquoi a-t-il donné cet ordre ? Pourquoi l'a-t-il transmis au

5 service d'information et de sécurité ? Ici, je me réfère au plan général

6 relatif à l'organisation du HVO, ceci afin de répondre à la question que

7 je viens de soulever. Les enquêtes criminelles sur des personnels

8 militaires sont normalement réalisées par la police militaire. Ceci est

9 l'une des fonctions principales dudit service mais, dans ce cas

10 particulier, la police militaire était l'unité qui avait été la

11 responsable pour la zone dans laquelle les crimes d'Ahmici avaient eu

12 lieu, au moment où ces crimes ont été perpétrés.

13 Et Tihomir Blaskic a vu qu'il n'était pas possible pour lui de

14 mener à bien une enquête, de traiter de cette affaire au sein de la police

15 militaire, que ce service n'allait pas pouvoir réaliser cette enquête au

16 sein de leurs propres unités. Donc, il a désigné l'unité de Vitez, les

17 personnels militaires ordinaires ne sont pas compétents pour mener à bien

18 une procédure d'enquête criminelle, à propos d'activité criminelle au sein

19 des personnels militaires, c'est pour cela qu'une expertise particulière

20 est nécessaire à cet effet.

21 Il a demandé à cet effet de l'aide afin de mener à bien cette

22 enquête et qu'on lui présente un rapport à ce sujet dans un délai de

23 15 jours. Il a reçu ce rapport, mais Tihomir Blaskic n'a pas été satisfait

24 dudit rapport. Le rapport n'a pas expliqué de manière appropriée comment

25 le drame d'Ahmici a eu lieu et comment la chose a pu... qui était

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1 responsable de cet événement. Et, c'est pour cela qu'en août 1993, il a

2 ordonné qu'un autre rapport plus minutieux, plus détaillé soit préparé. Et

3 ce rapport a été demandé au commandement du HVO à Mostar, les services de

4 commandement du commandement du HVO à Mostar.

5 Le commandement du HVO à Mostar, à la suite de cela, a envoyé

6 leurs enquêteurs en Bosnie centrale pour mener à bien cette enquête et ces

7 enquêteurs ont travaillé en dehors du commandement de Tihomir Blaskic. Il

8 a été accusé également de non punition des responsables du massacre

9 d'Ahmici. Les moyens à preuve prouvent qu'il ne disposait d'aucune

10 autorité pour punir qui que ce soit au sein du HVO pour des actes

11 criminels perpétrés au sein du HVO.

12 Tout ce qui pouvait être... en ce qui concerne les actes

13 criminels, son activité était limitée à sa capacité à référer les

14 questions à la police militaire pour mener à bien des enquêtes et celle-ci

15 à son tour allait mener à bien leurs enquêtes et établir les rapports qui

16 allaient être présentés ensuite au Procureur militaire.

17 Bien entendu, toute décision relative à l'établissement de

18 l'innocence ou de la culpabilité, bien sûr, dépendait de cette dernière

19 instance. Tihomir Blaskic ne disposait d'aucune autorité pour mener à

20 bien, pour s'adresser directement à un Procureur militaire ou à une

21 instance judiciaire militaire pour entamer une action judiciaire. Il était

22 uniquement responsable devant le ministère de la Défense à Mostar et non

23 pas responsable devant lui.

24 Monsieur le Président, j'estime que je dispose d'une heure

25 supplémentaire d'observation. Je voulais vous dire que j'aimerais... il y

Page 11142

1 a la possibilité maintenant qu'on organise le reste de la journée comme

2 vous le souhaitez.

3 M. le Président. - Il est 18 heures, nous allons lever

4 l'audience. Nous la reprendrons demain matin. C'est une journée complète.

5 Donc, selon l'horaire habituel, c'est-à-dire 10 heures-13 heures et

6 14 h 30-17 h 30.

7 L'audience est levée à 18 heures.

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