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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Mardi 08 septembre 1998
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5 Le Procureur c/ Tihomir Blaskic
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7 L'audience est ouverte à 10 heures 10.
8 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,
9 introduisez l'accusé, s'il vous plaît.
10 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)
11 M. le Président. - Bien, je voudrais saluer les interprètes et
12 en même temps m'enquérir qu'ils m'entendent et que nous nous entendons
13 bien. Bonjour.
14 Interprète. - Bonjour, Monsieur le Président, nous sommes
15 heureux de vous voir sur l'écran.
16 M. le Président. - Très bien. Ecoutez, je salue le conseil de
17 l'accusation, le conseil de la défense, l'accusé. Je crois donc que nous
18 pouvons à présent continuer. Maître Hayman, c'est à vous.
19 Vous avez, je crois, environ une heure de préparation.
20 M. Hayman (interprétation). - Je pense que je parlerai encore
21 une heure environ. Après quoi, nous entendrons notre premier témoin,
22 Monsieur le Président.
23 M. le Président. - Bon, vous faites comme vous souhaitez. On
24 vous serrera davantage pour les témoins, bien sûr, mais là, c'est la
25 présentation introductive. C'est votre temps, c'est à vous d'en disposer.
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1 Continuez, Maître Hayman.
2 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
3 Bonjour, Monsieur le Président, bonjour, Messieurs les Juges. Je vous
4 remercie de votre patience car je sais que mes remarques liminaires sont
5 assez longues.
6 Avant de commencer, permettez-moi de faire remarquer, comme je
7 l'ai dit hier, que la maquette est à l'échelle, mais la hauteur des
8 montagnes par exemple a été multipliée par trois, donc le rapport des
9 hauteurs est de trois à un de façon à ce que la maquette soit plus facile
10 à comprendre. Si la maquette avait été faite à l'échelle dans toutes les
11 dimensions, les hauteurs seraient un tiers de ce qu'elles sont telles que
12 vous les voyez. Je voulais vous le préciser, Monsieur le Président.
13 M. le Président. - Je vous remercie de le préciser.
14 Effectivement, on avait plutôt l'impression d'être dans l'Everest qu'en
15 Bosnie centrale, c'est vrai, Je vous remercie de préciser que c'est un peu
16 moins élevé. Mais cela nous permet en même temps, pour les juges, de ne
17 pas nous déranger, de ne pas sortir de notre bureau pour s'approcher.
18 Donc, merci de l'avoir précisé. C'est noté au transcript, continuez.
19 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
20 Lorsque nous nous sommes séparés hier soir, nous avions déjà
21 parlé des journées du 16 et du 17 avril 1993 et des événements survenus
22 pendant ces deux journées. A présent, j'aimerais aborder deux autres
23 événements qui se sont produits durant ces combats très violents et très
24 chaotiques entre le 15 et le 19 avril dans la vallée de la Lasva.
25 Le 18 avril, Vitez a été secouée par une violente explosion
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1 provenant de Stari Vitez. Le quartier général de la zone opérationnelle,
2 cette zone opérationnelle de Bosnie centrale ne savait pas à l'avance que
3 cette explosion aurait lieu. Cette...
4 M. le Président. - Maître Hayman, j'essaie de vous suivre dans
5 votre plan puisque nous n'avons pas de documents, nous aurons peut-être un
6 document écrit sur cette présentation liminaire, je ne sais pas, mais
7 j'essaie de vous suivre. Vous êtes toujours dans la partie sur les
8 combats ? Non, j'avais noté cela.
9 M. Hayman (interprétation). - Le sujet que j'aborde à présent,
10 Monsieur le Président, concerne la guerre à Vitez dans la vallée de la
11 Lasva dans la deuxième moitié du mois d'avril. C'est à cette période que
12 j'en suis dans la chronologie.
13 J'ai déjà parlé des combats qui ont commencé le 16 et ont duré
14 jusqu'au 20 dans les différents villages environnants, Vitez, ainsi que
15 des combats de Gacice qui ont eu lieu le 20. Mais à présent, je vais
16 aborder deux autres événements : le camion piégé qui a explosé le 18 avril
17 et puis je parlerai du pilonnage de Zenica, du marché, le 19, c'est-à-dire
18 le lendemain du jour du camion piégé.
19 Donc le 18, Vitez a été secouée par cette explosion qui
20 provenait de derrière les lignes de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Cette
21 explosion a été due à un camion piégé et c'est un événement qui était
22 planifié et instigué par Darko Kraljevic, commandant de l'unité
23 indépendant des Vitezovi et Tihomir Blaskic n'était pas au courant de ce
24 plan. Lorsque l'explosion a été entendue, Tihomir Blaskic a été surpris et
25 a ordonné à l'état-major de découvrir ce qui s'était passé.
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1 Les rapports qui lui ont été remis ont été présentés à la
2 Chambre de première instance et au sujet de ce camion piégé, aucune
3 information concluante ne lui a été remise. Le lendemain, le 19 avril,
4 plusieurs obus ont frappé le marché du centre de Zenica en tuant et
5 blessant un grand nombre de civils. Sans un radar d'artillerie qui n'était
6 pas disponible à l'époque, il est impossible d'identifier avec précision
7 l'origine de ces obus.
8 Les moyens de preuve que nous présenterons prouveront que
9 d'avril à juin 1993, Zenica a été régulièrement pilonnée par les Serbes de
10 Bosnie à partir de Vlasic ainsi qu'à partir d'autres endroits situés au
11 nord de Travnik.
12 Tihomir Blaskic n'a pas ordonné le pilonnage de Zenica le
13 19 avril ou à quelque autre moment que ce soit. Le 19 avril, il n'avait
14 aucune raison de croire que Zenica serait pilonnée par le HVO ou par qui
15 que ce soit d'autre.
16 Après que le pilonnage ait été connu par le bataillon
17 britannique, le colonel Stewart a rendu visite à Tihomir Blaskic et lui a
18 dit que Zenica avait été atteinte par des obus de 155 millimètres. Le HVO
19 ne possédait pas de pièces d'artillerie de 155 millimètres en Bosnie
20 centrale.
21 Tihomir Blaskic a demandé au colonel Stewart d'enquêter avec lui
22 et de se rendre auprès des sites d'artillerie du HVO. Il lui a également
23 demandé d'aller à Zenica de façon à ce que les enquêteurs du HVO puissent
24 voir de leurs yeux les lieux où les impacts avaient eu lieu. Le
25 colonel Stewart a rejeté cette proposition en disant qu'il était trop
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1 dangereux pour le personnel du HVO de se rendre à Zenica.
2 Comme je l'ai déjà dit, à la mi-avril Tihomir Blaskic a émis un
3 grand nombre d'instructions destinées aux unités du HVO qui leur disaient
4 non pas de prendre pour cible les civils, mais bien de les protéger
5 pendant les opérations de guerre. Même si après la mi-avril les Serbes ont
6 régulièrement pilonné Zenica, aucune allégation n'existe dans l'acte
7 d'accusation quant au fait que le HVO aurait pilonné cette ville.
8 Tihomir Blaskic est également accusé de responsabilité eu égard
9 à la détention illégale de civils musulmans bosniens et du traitement
10 inhumain qui a été imposé à ces personnes.
11 Les moyens de preuve que nous présenterons démontreront que le
12 matin du 16 avril 1993 Tihomir Blaskic n'a pas ordonné la détention d'un
13 seul civil, bien au contraire, lorsque le conflit s'est généralisé sur le
14 territoire de la municipalité de Vitez un grand nombre de civils ont été
15 arrêtés par des unités locales. Ces unités semblent avoir été motivées en
16 partie par la crainte d'une attaque de la part de la population musulmane,
17 motivées par la crainte concernant le sort réservé aux 20 000 Croates
18 présents à Zenica à l'époque et la poursuite de la détention de ces civils
19 peut avoir été motivée par la perspective d'échanges à organiser en privé
20 et pour de l'argent.
21 La crainte et la panique subies par les civils étaient visibles
22 à Zenica où un grand nombre de civils croates ont été détenus
23 simultanément.
24 Qu'a fait Tihomir Blaskic compte tenu de ses responsabilités ?
25 Il a tenté à plusieurs reprises d'empêcher la détention des civils et de
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1 protéger les personnes déjà arrêtées. Le 18 avril 1993, il a ordonné à
2 toutes les unités du HVO d'échanger les soldats et les civils détenus
3 immédiatement. Le 21 avril, il a une nouvelle fois ordonné à toutes les
4 unités de protéger les civils arrêtés pendant les combats et de traiter de
5 façon humaine tous les civils détenus.
6 Et au cours de l'été, suite à d'autres opérations de combat, le
7 17 juin, il a ordonné et rappelé à toutes les unités du HVO qu'il
8 convenait d'empêcher l'arrestation de civils au cours des opérations de
9 combat et d'empêcher également la prise d'otages.
10 Dans l'atmosphère chaotique qui existait en Bosnie centrale, la
11 façon la plus efficace d'obtenir la libération de civils détenus
12 consistait à organiser rapidement des échanges. C'était une question qui
13 relevait des autorités civiles et, d'après toutes les personnes
14 concernées, des commissions d'échanges ont été créées à Vitez et à Zenica
15 qui étaient dirigées par des autorités civiles.
16 Dans le même temps, Blaskic a effectivement ordonné à tout le
17 personnel du HVO
18 de coopérer pleinement avec la Croix-Rouge internationale et d'autres
19 organisations, en vue de favoriser de tels échanges, mais lorsque les
20 ordres de Blaskic, visant à obtenir la libération de tous les détenus
21 entraient en conflit avec les préférences des autorités civiles, ces
22 autorités civiles faisaient ce qui leur plaisait et les moyens de preuves
23 que nous présenterons le montreront bien.
24 Nous présenterons également des moyens de preuves qui
25 démontreront que Blaskic a déployé des efforts pour atténuer et non pas
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1 attiser la situation, eu égard au sort pénible subi par les Croates de
2 Zenica en avril 1993.
3 Par exemple, lorsqu'un grand nombre de personnes déplacées ont
4 souhaité retourner à Zenica alors que le gros des violences s'était
5 atténué, il les a soutenues dans leur décision de revenir chez eux, dans
6 leur maison dans la municipalité de Zenica.
7 Les moyens de preuve que nous présenterons démontreront
8 également qu'au plus haut point du conflit à la mi-avril, le souci
9 qu'avait Tihomir Blaskic eu égard à la sécurité des civils était sincère
10 et totalement justifié.
11 A partir du 16 avril, à Zenica, les Croates de Bosnie ont été
12 des victimes et ce en grand nombre. Ils ont été assassinés, passés à
13 tabac, arrêtés, leurs maisons ont été pillées et des centaines d'entre eux
14 ont vu leur maison incendiée.
15 En raison de ces abus et de cette atmosphère et pour d'autres
16 raisons que j'aborderai dans quelques minutes, près de 9 000 Croates ont
17 fui la municipalité de Zenica entre le mois d'avril et la fin de
18 l'année 1993.
19 Ceux qui sont restés dans la municipalité de Zenica ont
20 malheureusement continué à subir des harcèlements et nombre d'entre eux,
21 les hommes en particulier, les Croates bosniaques mâles qui sont restés à
22 Zenica ont été enrôlés de force et envoyés sur les lignes de front qui les
23 séparaient des Serbes de Bosnie.
24 Ce traitement est bien prouvé par le fait qu'après la signature
25 des accord de
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1 Washington en 1994, quelque 5 000 Croates de Bosnie ont choisi de quitter
2 la municipalité de Zenica.
3 A présent, j'aimerais, si vous me le permettez, revenir à la
4 municipalité de Kiseljak qui fait l'objet d'une charge d'attaque illégale
5 liée à l'artillerie, liée à Rotilj et située en avril 1993, c'est-à-dire
6 dans la période qui nous intéresse.
7 Les moyens de preuve prouveront qu'aucun ordre n'a été émis par
8 le quartier général de la zone opérationnelle visant à provoquer une
9 attaque contre Rotilj. Que s'est-il passé à Rotilj ? Des soldats du HVO
10 sont bien allés à Rotilj ce jour-là. Ils sont entrés dans le village et
11 ont dit au commandant de l'armée Bosnie-Herzégovine qu'ils avaient reçu
12 l'ordre de désarmer l'armée de Bosnie-Herzégovine dans le village. Ils ont
13 demandé la coopération de la Défense territoriale, ils se sont assis sur
14 un porche, sur le porche d'une maison, ils ont pris un café et ont demandé
15 donc la coopération des responsables de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
16 Celui-ci n'a pas accepté, car il n'était pas en mesure de le faire et
17 c'est à ce moment-là qu'effectivement le conflit a débuté.
18 Alors qu'ils fouillaient des maisons à la recherche d'armes, un
19 soldat du HVO a apparemment été tué à Rotilj par un réfugié musulman qui
20 était hébergé dans une des maisons du village à ce moment-là.
21 J'ai déjà parlé de ce qui se passait dans ces cas-là. Un soldat
22 présent sur les lieux a immédiatement en représailles tué plusieurs civils
23 musulmans et incendié six à huit maisons, le nombre n'est pas tout à fait
24 précisé. Cette action n'était pas acceptée ni autorisée par la zone
25 opérationnelle ; elle n'a d'ailleurs pas été rapportée au quartier général
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1 de la zone opérationnelle, elle était contraire à tous les ordres émis par
2 le quartier général de la zone opérationnelle et par Tihomir Blaskic.
3 Nous prouverons également, Monsieur le Président, que Rotilj
4 n'était pas un camp de prisonniers. A la suite de l'incident que je viens
5 de décrire, le commandant local du HVO a
6 décidé d'ériger un barrage routier sur la route principale menant au
7 village de Rotilj et a émis des instructions selon lesquelles personne ne
8 devait traverser Rotilj sans son autorisation. Il l'a fait en vue de
9 protéger les résidents du village. Il y avait plusieurs routes et
10 plusieurs chemins qui sortaient de Rotilj, certains d'entre eux menant
11 directement au territoire tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine aux
12 environs de Fojnica.
13 Les résidents étaient libres de quitter Rotilj, mais des
14 réfugiés et d'autres criminels qui souhaitaient se venger sur les
15 résidents musulmans de Rotilj ont été empêchés de sortir au niveau de ce
16 barrage routier. Les vivres et autres aides humanitaires livrées à Rotilj
17 étaient les mêmes que celles qui étaient livrées aux Croates dans la
18 municipalité de Kiseljak. En fait, aucune distinction fondée sur
19 l'appartenance nationale n'existait dans la distribution de l'aide
20 humanitaire.
21 Pendant l'été et l'automne de 1993, il y avait de bonnes raisons
22 de prendre des mesures actives en vue de protéger les résidents musulmans
23 de la municipalité de Kiseljak. En effet, cette municipalité a vu le droit
24 de moins en moins efficace et la situation s'est largement dégradée sur le
25 plan de la sécurité. Un grand nombre de soldats du HVO déplacés sont
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1 arrivés à Kiseljak en provenance de Travnik et en traversant le territoire
2 serbe.
3 Le 3 juillet 1993, trois jours après que le général Morillon a
4 déclaré Fojnica une zone de paix, l'armée de Bosnie-Herzégovine a attaqué
5 le HVO dans la ville et l'a fait sortir de la ville.
6 Sur les 7 000 Croates résidant à Fojnica, il n'en est resté que
7 150, les autres ayant pris la fuite en direction de Kiseljak et leurs
8 maisons ont été pillées et parfois incendiées par des personnes en colère,
9 des réfugiés en colère et peut-être y compris des soldats de l'armée de
10 Bosnie-Herzégovine en colère, selon le schéma qui a déjà été présenté à
11 plusieurs reprises à cette Chambre de première instance.
12 Ces masses de personnes déplacées et de soldats arrivant à
13 Kiseljak ont été
14 rejointes par d'autres personnes plus tard au cours de l'année 1993,
15 lorsque l'armée de Bosnie-Herzégovine a reculé, d'abord dans la direction
16 de Kakanj, puis dans celle de Vares. Des dizaines de milliers de réfugiés,
17 de soldats déplacés sont arrivés à Kiseljak, la sécurité était si peu
18 respectée à Kiseljak qu'en 1994, y compris, c'est-à-dire après la
19 signature des accords de Washington, les observateurs de l'Union
20 européenne qui se sont rendus dans la municipalité, étaient effrayés de se
21 voir… avaient peur de se voir voler leur voiture. Des incidents se sont
22 produits à Kiseljak qui visaient les résidents musulmans et les bâtiments
23 religieux.
24 Les moyens de preuve que nous présenterons démontreront que
25 Tihomir Blaskic n'a pas pu, malgré ses efforts diligents, exercer un
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1 contrôle effectif sur le HVO dans l'enclave de Kiseljak. Comme je l'ai
2 déjà dit, l'enclave de Vitez/Busovaca était encerclée par l'armée de
3 Bosnie-Herzégovine et entourée par du territoire tenu par l'armée de
4 Bosnie-Herzégovine.
5 En revanche, l'enclave de Kiseljak était bordée par une bande de
6 territoire contrôlée par les Serbes de Bosnie, ce qui est bien montré sur
7 certaines des cartes que nous avons regardées hier, à condition de payer
8 un certain prix, des marchandises et des personnes pouvaient voyager dans
9 l'enclave de Kiseljak et en Herzégovine, en passant par le territoire
10 contrôlé par les Serbes de Bosnie.
11 Donc, la situation qui s'est développée était telle que
12 Tihomir Blaskic à Vitez était isolé et coupé du reste de l'enclave de
13 Kiseljak qui, elle, était liée à l'Herzégovine et au commandement
14 principal du HVO à Mostar.
15 Les dirigeants du HVO de Kiseljak pouvaient accéder au
16 commandement principal du HVO de Mostar et c'est cette relation qui a
17 établi les rapports de commandement qui se sont développés en 1993 entre
18 ces trois entités : le commandement central du HVO, la zone opérationnelle
19 (la troisième zone opérationnelle de Bosnie centrale) et les unités du HVO
20 commandées par le commandant du HVO de Kiseljak qui recouvraient non
21 seulement la brigade de Banja Lacic, mais également les brigades de Vares
22 et de Kakanj, ainsi qu’une unité
23 de Fojnica. Toujours en traversant le territoire serbe de Bosnie, le HVO
24 de Kiseljak pouvait se rendre à Vares et à Kakanj et, en fait, il s'est
25 rendu à Vares et a donc exercé un contrôle effectif sur les unités du HVO
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1 dans ces deux localités. Le HVO de Kiseljak était commandé par
2 Ivica Rajic. En janvier 1993, il a été remplacé par un autre officier,
3 comme vous l’avez entendu. Mais en mai 1996, Ivica Rajic avait repris la
4 direction à Kiseljak.
5 Selon Rajic... En mai 1993, Rajic a repris le contrôle, le
6 pouvoir à Kiseljak.
7 Selon Rajic (et je le cite)... Je demande que l’on montre la
8 prochaine diapositive... C’est une citation du commandant du HVO de
9 Kiseljak, je cite : "au début, Blaskic était mon supérieur. Mais, plus
10 tard, il a été transféré à Vitez, alors que je suis resté à Kiseljak. Si
11 Blaskic était officiellement mon supérieur encore à cette époque, les
12 conditions sur le terrain ont imposé une situation dans laquelle nous
13 étions, lui et moi, également responsables de l'état-major du HVO, lui
14 pour son secteur et moi pour le mien." Fin de citation. Cette proposition
15 sera confirmée par d'autres moyens de preuve documentaires.
16 En août 1993, le général Petkovic, responsable du commandement
17 du HVO à Mostar, a émis des directives adressées simultanément à
18 Tihomir Blaskic et à Ivica Rajic, leur demandant de coordonner certaines
19 opérations. En d'autres termes, le commandant émettait une directive et
20 envoyait la même feuille de papier à la zone opérationnelle de Bosnie
21 centrale et au commandant du HVO de Kiseljak (qui, censément, était
22 subordonné à la troisième zone opérationnelle), en leur demandant de
23 coordonner leurs opérations. Ceci eut été une action tout à fait normale
24 si les entités subordonnées étaient situées au même niveau, comme Rajic
25 l'avait été par rapport au commandant de la première zone opérationnelle,
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1 à Mostar ou ailleurs.
2 Mais, bien entendu, la situation ne correspondait pas à ce
3 schéma. Il était commandant d'une unité qui était censée être subordonnée
4 à Tihomir Blaskic. De même, l'officier de liaison de la brigade du HVO de
5 Kiseljak rendait compte directement au commandant du HVO de Mostar et pas
6 au quartier général de la zone opérationnelle de Vitez.
7 L'officier de liaison est, en principe, une personne qui se plaint,
8 lorsque qu'il a des plaintes à exprimer au sujet des opérations de guerre,
9 auprès des organisations internationales.
10 L'incapacité de Tihomir Blaskic de contrôler l'action
11 d'Ivica Rajic le préoccupait grandement. Il a essayé d'exercer un contrôle
12 sur Rajic. Il a continué à lui envoyer des ordres, pendant l'année 1993,
13 mais il n'a pas pu réussir à avoir une influence sur lui, tant en raison
14 de son isolement physique qu'en raison des contacts supérieurs établis
15 entre le HVO de Kiseljak et le commandement principal du HVO de Mostar.
16 Environ la moitié des charges spécifiques figurant dans l'acte
17 d'accusation concerne des événements survenus dans l'enclave de Kiseljak
18 après que celle-ci ait été isolée du quartier général de la zone
19 opérationnelle de Vitez, en avril 1993.
20 Maintenant, je voudrais reparler de l'enclave de Vitez et parler
21 brièvement de ce qui s'est passé au cours de la guerre dans cette enclave,
22 après 1993.
23 A partir du 16 avril, et par la suite, la guerre dans l'enclave
24 de Vitez et de Busovaca, était, du point de vue du HVO, une guerre de
25 survie, de survie du HVO et des résidents croates qui se trouvaient dans
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1 la vallée de la Lasva. Ils étaient complètement encerclés et dépassés
2 numériquement par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Le rapport était de un
3 pour dix. Il y avait des pénuries continues de munitions, d'eau,
4 d'électricité... L'eau et l'électricité étaient régulièrement coupées par
5 l'armée de Bosnie-Herzégovine, qui contrôlait les réseaux
6 d'approvisionnements. Le seul hôpital disponible était une structure
7 improvisée qui se trouvait dans l'église de Nova Bila.
8 Les soldats et les civils subissaient des tirs isolés et des
9 tirs de mortier à partir des différents endroits contrôlés par l'armée de
10 Bosnie-Herzégovine, et ceci quotidiennement.
11 La situation militaire a continué à se détériorer en 1993. Au
12 cours de janvier 1993, 65 % de la municipalité de Busovaca avaient été
13 perdus. Par conséquent, l'armée de Bosnie-Herzégovine avait pris le
14 contrôle de ce territoire. A la mi-avril, le mont Kuber a également été
15 perdu, comme c'est le cas de la brigade du HVO à Zenica et d'environ
16 20 villages, également dans la municipalité de Zenica.
17 Au cours de la première partie du mois de juin, Travnik a
18 également été perdue au profit de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Le
19 12 juin, la moitié de la municipalité de Travnik a été conquise par
20 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Le 12 juin, Kakanj est tombée aux mains de
21 cette même armée. En juillet, Fojnica a subi le même sort. Le 3 septembre,
22 la position dominante de Zaberje, se trouvant au sud de l'axe
23 d'approvisionnements principal entre Vitez et Busovaca, est tombée aux
24 mains de l'armée de Bosnie-Herzégovine. En décembre, Krijen Sevo Selo est
25 également tombée. Soixante-quinze personnes ont été tuées au cours de la
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1 bataille et, en janvier, Bojina Kuce est également tombée aux mains de
2 l'armée musulmane.
3 Après avril 1993, une attaque illégale s'est produite à
4 l'encontre de civils, qui figure dans l'acte d'accusation et qui concerne
5 les municipalités de Vitez et de Busovaca. Il s'agit d'une attaque qui
6 aurait eu lieu contre Vitez en août 1993. Il s'agit peut-être d'une
7 référence à une attaque qui s'est produite à Stari Vitez le mois
8 précédent, mais la défense n'en sait toujours rien après 15 mois de
9 procès. Elle ne sait pas à quel événement est liée cette charge.
10 Deux actes de destructions illégales de propriétés auraient été
11 perpétrés dans les municipalités de Vitez ou Busovaca après avril 1993.
12 Ils sont liés à Stari Vitez et Grbavica ; je m'y attarderai un instant.
13 Il y a eu effectivement une attaque contre Stari Vitez le
14 18 juillet 1993. Cette attaque a été planifiée et mise sur pied par
15 Darko Kraljevic en représailles après une attaque menée par l'armée de
16 Bosnie-Herzégovine contre son frère quelques jours auparavant.
17 Tihomir Blaskic n'a pas planifié ou approuvé une telle attaque.
18 Son absence de participation est illustrée par le fait qu'en fait il
19 s'agissait d'une tentative d'amateurs, si je puis dire, et qu'un grand
20 nombre de soldats ont été tués au cours de l'approche vers la ville de
21 Stari Vitez.
22 Vous pourrez, Messieurs les Juges, comparer cette opération avec
23 d'autres opérations qu'a approuvées le quartier général de la zone
24 opérationnelle et auxquelles ils ont participé, je parle notamment de
25 l'opération de Grbavica à laquelle je vais passer dans un instant.
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1 De nombreuses propositions ont été avancées pour attaquer
2 Stari Vitez au cours de l'été et l'automne 1993. Au moment où la situation
3 militaire du HVO commençait à se détériorer, Stari Vitez consommait
4 beaucoup de ressources du HVO ; il y avait de nombreux attaques de tireurs
5 isolés ou de mortiers qui provenaient de Stari Vitez et qui avaient pour
6 conséquence de causer des victimes parmi les civils de Vitez.
7 Tihomir Blaskic a effectivement demandé que quelque chose soit
8 fait à propos de Stari Vitez. Cependant, il a constamment rejeté la
9 possibilité de lancer une attaque contre Stari Vitez en arguant que trop
10 de civils seraient blessés ou tués au cours de cette attaque.
11 Le seul ou la seule autre attaque illégale à l'encontre de
12 propriétés de civils après avril 1993 est liée à Grbavica. Vous voyez ici,
13 Grbavica est au nord-ouest de Vitez était une position assez surélevée.
14 Elle se trouvait juste à côté de la base du BRITBAT, la base du BRITBAT se
15 trouvant ici.
16 Il y avait une unité de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Grbavica
17 qui faisait partie de la 325ème brigade de montagne et l'un des objectifs
18 de cette unité était de fermer l'accès d'approvisionnements principal à
19 cet endroit, axe d'approvisionnements qui va à Vitez, puis Travnik. Donc,
20 de fermer cet axe au HVO et à la circulation civile. Effectivement, c'est
21 ce qui a été fait grâce à des tireurs isolés qui ont été placés sur la
22 colline de Grbavica.
23 L'armée de Bosnie-Herzégovine est parvenue à fermer cet axe
24 d'approvisionnements principal et a forcé le HVO pendant de nombreux mois
25 à utiliser une piste qui passe quelque peu en-dessous de l'axe
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1 d'approvisionnements qui, bien sûr, était une route de bien meilleure
2 qualité. Le HVO a donc dû utiliser cette piste pour éviter le problème
3 plutôt que d'avoir à le confronter. Vous voyez sur cette maquette qu'il
4 s'agit en fait de la seule colline au nord de la route.
5 Il y avait beaucoup de victimes de civils, des victimes
6 militaires autour de ce point et la situation atteint son paroxysme à la
7 fin du mois d'août ou au début du mois de septembre 1993, lorsque
8 plusieurs enfants ont été tués par des tireurs isolés lorsqu'ils
9 revenaient de l'église le dimanche.
10 Le HVO a réagi à ces assassinats avec l'aval de Tihomir Blaskic
11 qui a eu le sentiment qu'il était de sa responsabilité de protéger la vie
12 des civils menacés par des tireurs isolés qui se trouvaient à Grbavica.
13 Le 7 septembre, le HVO a lancé une opération militaire contre la
14 position de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Grbavica. Un conflit ou un
15 combat s'en est suivi de deux jours à peu près. C'était une opération
16 militaire bien exécutée, bien préparée malgré le fait que des civils
17 résidaient dans le village. Il n'y a pas eu ou pratiquement pas eu, peut-
18 être une personne, de victimes civiles au cours de ces deux jours
19 d'affrontements.
20 Contrairement à l'attaque à Ahmici le 16 ou à l'attaque contre
21 Stari Vitez en juillet, cette opération contre les tireurs isolés, les
22 positions militaires de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Grbavica a reçu
23 l'approbation du quartier général de la zone opérationnelle. Les moyens de
24 preuve montreront que c'était une action militaire justifiée.
25 A la fin de l'attaque, l'armée de Bosnie-Herzégovine s'est
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1 retirée et la ligne de front s'est avancée à un nouvel endroit. Quelque
2 temps après la conclusion du conflit, des pilleurs ont commencé à arriver
3 à Grbavica. Plusieurs personnes ont commencé à arracher des planches des
4 maisons pour brûler ce bois, par exemple des cadres de fenêtres. Des gens
5 désespérés à une époque désespérée, Messieurs les Juges.
6 Le pillage de Grbavica à la fin des affrontements, le fait que
7 des maisons aient été brûlées ne relevait pas du quartier général, cela
8 n'a pas été ordonné par le quartier général. Tout soldat du HVO qui a
9 participé à ce type d'activité l'a fait contrairement aux ordres express
10 donnés par Tihomir Blaskic et ces ordres ont été délivrés avant
11 l'opération de Grbavica.
12 Après le conflit de la mi-avril -je demanderai qu'on passe la
13 diapositive suivante-, Tihomir Blaskic a délivré l'ordre suivant le
14 22 avril 1993, ce n'est pas une coïncidence, il s'agit du jour au moment
15 où il a exprimé sa surprise par rapport à l'ampleur des dégâts. Il a dit
16 la chose suivante, afin d'éviter les incidents où les maisons et les
17 facilités du commerce sont mises à feu et pillées, je donne par la
18 présente, l'ordre suivant :
19 1- "je défends strictement la provocation d'incendie sur les
20 maisons et les bâtiments de commerce, ainsi que le pillage dans la zone de
21 responsabilité du commandement de la zone opérationnelle en Bosnie
22 centrale sous le contrôle des unités du HVO.
23 Les mesures ou les moyens les plus rigoureux seront employés
24 contre les violateurs de cet ordre conformément aux ordonnances de
25 discipline militaire des unités du HVO".
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1 Il a délivré par la suite un autre ordre, le 19 juin 1993,
2 destiné là encore aux unités du HVO. Interdisant la destruction par le feu
3 de maisons, le vol de biens et il a averti ces unités en déclarant que de
4 tels comportements seraient sanctionnés devant ou par un Tribunal
5 militaire.
6 Par conséquent, avant l'opération de Grbavica, Tihomir Blaskic a
7 délivré au moins deux ordres spécifiques relatifs au type de comportements
8 qui auraient été adoptés.
9 Selon l'acte d'accusation, l'incident de Grbavica, suite aux
10 combats, a été le premier et le dernier de ce type à se produire dans
11 l'enclave de Vitez et de Busovaca.
12 Après la mi-avril 1993 en tout cas, l'acte d'accusation ne fait
13 état que d'un seul de ces incidents.
14 Que se serait-il passé après le conflit de la mi-avril dans
15 l'enclave de Vitez et de Busovaca ? Il n'y a pas d'acte spécifique de
16 destruction illégale d'objets de culte après avril 1993 dans l'enclave de
17 Vitez et Busovaca.
18 En revanche, il est fait état de tels crimes en 1993 sans date
19 précise et pour ce qui est des localités de Busovaca et Stari Vitez, si
20 les allégations relatives à Stari Vitez sont liées aux dégâts provoqués
21 par le camion piégé, j'en ai déjà parlé, si ces allégations ont trait à
22 des tirs de mitraillette ou bien de canons antiaériens vers la mosquée au
23 cours d'une autre période de 1993, les moyens de preuve montreront que les
24 dégâts provoqués sur la mosquée par de tels tirs étaient mineurs et qu'il
25 ne s'agissait pas d'une opération ou d'un projet dont le quartier général
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1 de la zone opérationnelle était à l'origne.
2 Le fait est que le HVO aurait pu détruire la mosquée à
3 Stari Vitez par des tirs d'artillerie ou tout autre tir d'ailleurs, à
4 n'importe quelle période. Cela n'a jamais été le cas et le fait qu'il ne
5 l'ait pas fait était tout à fait conforme avec les ordres donnés par
6 Tihomir Blaskic sur ce point.
7 Par exemple, le 19 juin, il a ordonné qu'une protection spéciale
8 -et cet ordre était destiné à toute les unités du HVO-, qu'une protection
9 spéciale soit fournie pour que les objets de culte ne soient pas
10 endommagés. Il parlait notamment d'une mosquée et d'autres lieux de culte.
11 Qu'a-t-il fait lorsqu'il a appris que des dégâts avaient été
12 occasionnés sur des objets de culte ? Je demanderai que l'on passe la
13 diapositive suivante.
14 Il a réagi assez violemment le 17 août, il a délivré l'ordre
15 suivant au commandant de la brigade de Kiseljak et Visarejc dont nous
16 parlions auparavant qui se trouvait dans une autre enclave que l'enclave
17 de Vitez et Busovaca, une enclave liée aux territoires serbes et au
18 commandement suprême du HVO à Mostar.
19 Que dit cet ordre ? Je cite : "Le 17 août 1993 nous avons appris
20 qu'un bâtiment religieux à Kiseljak avait été démoli. Pour établir les
21 faits et mené une enquête, j'ordonne par la présente :
22 1- envoyer un rapport précis sur la démolition du bâtiment
23 religieux ;
24 2- ce que vous avez fait pour commencer une enquête et en
25 trouver l'auteur ;
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1 3- ce que vous avez découvert et quels seront vos prochains pas
2 dans ce cas ?
3 Le bâtiment religieux qui est le sujet de cet ordre était un
4 bâtiment religieux musulman.
5 J'aimerais maintenant parler brièvement du siège de Stari-Vitez.
6 Les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Stari-Vitez
7 étaient bloquées par le HVO à partir de la mi-avril et une ligne de front
8 a été formée entre les deux. Il y a eu des bunkers qui ont été construits,
9 des tranchées, etc. Cette ligne n'a pas bougé pendant la guerre.
10 Comme je l'ai dit, Stari-Vitez ainsi que Kruscica étaient des
11 positions à partir desquelles les tireurs isolés et d'autres tirs étaient
12 lancés vers Stari-Vitez à l'encontre de civils.
13 Le HVO a tenté de contenir ces unités et d'éviter toutes
14 opérations de percée de ces formations. Tihomir Blaskic n'a jamais lancé
15 d'attaque contre Stari-Vitez. Ses contacts avec Stari-Vitez étaient
16 limités, étant donné que son quartier général était l'objet de tirs isolés
17 provenant de position de l'armée de Bosnie-Herzégovine de Stari Vitez. Il
18 n'est jamais rentré dans le quartier de Stari Vitez au cours de la guerre
19 et s'il l'avait fait, il aurait été certainement tué.
20 Il y a eu, on peut s'y attendre, des échanges de tirs sur la
21 ligne de front de Stari Vitez, mais ces échanges étaient relativement
22 ponctuels.
23 Il y a eu des victimes à Stari Vitez et à Vitez suite à ces
24 coups de feu.
25 Toute la population de Stari Vitez a été mobilisée par l'armée
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1 de Bosnie-Herzégovine, les femmes portaient des armes à Stari Vitez et
2 dans de telles circonstances, les soldats et les civils sont devenus… se
3 sont confondus, on ne pouvait plus les distinguer.
4 Chaque fois qu'il y avait des victimes à Stari Vitez, on
5 présentait ces victimes à la FORPRONU, comme étant des civils, notamment
6 par Sefkija Djidic. C'était un effort de propagande très hardi et très
7 efficace.
8 Lorsqu'une partie d'un conflit brouille la différence entre
9 soldats et civils, un commandant qui décide de lancer une attaque ne peut
10 se voir reprocher les conséquences que peut avoir son attaque sur des
11 civils. L'armée de Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez a donc mélangé en
12 quelque sorte ses positions civiles et militaires, des maisons, des caves
13 ont été utilisées afin d'abriter des munitions et de l'équipement
14 militaire. Les installations militaires ont été rendues non distinctes des
15 installations civiles, afin de réduire la possibilité que ces structures
16 militaires soient l'objet de tirs ou d'attaques.
17 Tihomir Blaskic a encouragé la livraison d'aides à Stari Vitez
18 ainsi qu'un accès libre aux organisations humanitaires dans les zones
19 contrôlées par le HVO. Il s'agit notamment du périmètre de Stari Vitez et
20 du sud de Kruscica. Nous présenterons toutes les directives émanant de
21 Tihomir Blaskic et il y en avait beaucoup. Il a encouragé l'évacuation des
22 blessés et il a rejeté les propositions d'attaque contre Stari Vitez.
23 Les civils se sont vus proposés la possibilité de partir de
24 Stari Vitez, s'ils le souhaitaient, à de nombreuses reprises.
25 Mais maintenir les voies d'approvisionnements ouvertes n'était
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1 pas véritablement une prérogative de Stari Vitez. Des civils mécontents
2 représentaient une menace pour tous ces types de convoi en Bosnie-
3 Herzégovine.
4 J'aimerais revenir brièvement, Monsieur le Président, à la
5 question de mouvements de population au cours de la guerre.
6 Il y a eu de nombreux et de massifs mouvements de population au
7 cours de la guerre en Bosnie-Herzégovine. En fait, beaucoup plus de
8 Croates de Bosnie ont été déplacés que de Musulmans de Bosnie au cours de
9 la guerre, bien que cette question ne soit pas d'une pertinence
10 particulière et vous vous demanderez sans doute pourquoi ces mouvements de
11 population se sont produits. Les moyens de preuve montreront certains
12 faits illustrateurs sur ce point.
13 Tout d'abord, Tihomir Blaskic n'a jamais commandité en quelque
14 sorte le mouvement de civils Croates… ou Musulmans, pardon.
15 D'autre part, les civils demandant à être resitués étaient une
16 question relevant des autorités civiles, Blaskic était préoccupé par la
17 défense de l'enclave de Bosnie centrale et principalement l'enclave de
18 Vitez et de Busovaca après son isolement et sa préoccupation était de
19 protéger l'enclave contre les forces musulmanes. Le mouvement de la
20 population civile ne l'intéressait pas.
21 Quelle était sa position à lui sur les mouvements de population
22 civile ? Parce que parfois il faut traverser des lignes de front, il a été
23 appelé de temps en temps à résoudre ce problème. Un groupe de civils
24 pouvait-il traverser une ligne de front militaire ? Sa position sur la
25 question était claire : liberté de mouvement. Il pensait cela déjà avant
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1 avril 1993 lorsque des dizaines de milliers de Musulmans réfugiés ou de
2 personnes déplacées ont migré vers la vallée de la Lasva.
3 Il maintenait cette position après avril lorsque la plupart de
4 ces réfugiés ont souhaité quitter la vallée de la Lasva, il a maintenu
5 cette position, qu'il s'agisse de Croates ou de Musulmans, lorsque des
6 milliers de Croates, enfin des centaines, je n'ai pas de chiffre précis à
7 vous donner, des centaines de Croates ont voulu retourner à Zenica. Il a
8 approuvé le fait qu'ils retournent à Zenica et qu'ils doivent traverser la
9 ligne de front pour ce faire.
10 Pourquoi ces groupes ethniques ont-ils voulu migrer pendant une
11 guerre civile ? La même question se pose aussi bien pour les Croates que
12 pour les Musulmans.
13 Bien entendu, des actes violents ont fait fuir des personnes
14 d'un endroit vers un autre. C'est ce qui s'est passé à Ahmici, lorsque les
15 personnes ont fui, cela s'est produit également à Ducena, à Miletici et
16 puis d'autres personnes ont vu leurs maisons détruites au cours de combats
17 ou bien sans raison particulière, sans raison légitime et ils n'avaient
18 plus de foyer.
19 Les éléments de preuve montreront qu'il y a des raisons bien
20 plus importantes qui justifient ces mouvements de population, quatre au
21 moins :
22 Tout d'abord, de nombreuses personnes se sont déplacées avant le
23 début d'une guerre ouverte en Bosnie-Herzégovine afin de se protéger
24 d'éventuels combats.
25 Deuxième raison : de nombreuses personnes ont fui au moment de
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1 l'éclatement des conflits dans leur zone de résidence, ils ont voulu fuir
2 une zone de guerre. Un exemple : Grbavica ; après l'opération militaire,
3 la FORPRONU a évacué la population civile au cours des combats. C'est une
4 situation tout à fait normale et peut-être que cet effort a réussi à
5 sauver des vies.
6 Troisième raison justifiant ces mouvements de population :
7 lorsque le HVO ou l'armée de Bosnie-Herzégovine avaient pris le contrôle
8 d'une zone particulière, de nombreuses personnes ont souhaité rejoindre un
9 territoire contrôlé par leur propre armée. Rien de bon, rien de mauvais,
10 c'est simplement une réalité que nous démontrerons.
11 Quatrième raison : nombre de ces mouvements étaient dus au fait
12 que lorsque des hommes en âge de combattre ont été détenus, notamment à
13 Zenica et à Vitez et qu'ils ont ensuite été échangés, souvent leur famille
14 souhaitait les suivre et le faisait.
15 Qu'a fait Tihomir Blaskic afin de garantir la liberté de
16 mouvement des civils, afin que personne ne soit forcé à quitter son
17 foyer ?
18 Il n'a jamais pris pour cible, dans le cadre d'opérations
19 militaires, des civils ou des objets civils. Il a donné plusieurs ordres
20 aux unités du HVO et aux commandants subordonnés des unités du HVO de
21 protéger les civils et les foyers civils au cours des opérations de
22 combats. Il a fait de son mieux pour assurer la sécurité publique de tous
23 les citoyens. Et il a plus particulièrement ordonné que personne ne soit
24 expulsé et j'aimerais vous montrer l'un de ses ordres, si je peux avoir la
25 diapositive suivante, s'il vous plaît.
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1 Le 24 avril 1993, il a demandé que la police militaire et la
2 police civile coopèrent afin de parvenir à l'objectif suivant et,
3 Monsieur le Président, il y a une traduction écrite de cette citation,
4 elle n'apparaîtra pas sur l'écran puisque celle que je vais lire est plus
5 longue, mais vous devez l'avoir quelque part sous les yeux.
6 Je citerai donc cet ordre de Tihomir Blaskic en date du
7 24 avril 1993 : "parce qu'un grand nombre d'appartements temporairement
8 vides dont les portes sont forcées par des personnes armées, des soldats
9 de la force croate de défense et d'autres personnes encore et afin de
10 garantir l'ordre, la sécurité publique et la paix dans la ville de Vitez
11 et, afin de prévenir une telle évolution négative, je donne l'ordre
12 suivant : une saisie illégale des appartements et le vol de biens qui
13 appartiennent aux citoyens et qui pour différentes raisons sont
14 temporairement absents doivent être empêchés par tous les moyens possibles
15 et notamment par l'usage de la force." Fin de citation.
16 Il a confié cette tâche essentiellement au quatrième bataillon
17 de la police militaire même s'il avait demandé à la police militaire de
18 travailler de concert afin d'appliquer cet objectif. Avec des milliers de
19 personnes déplacées et une émotion très forte dans toutes les enclaves de
20 Bosnie centrale, ceci correspondait à un objectif, un ordre très difficile
21 à exécuter. Il y avait également des éléments criminels au sein du HVO
22 dont il fallait tenir compte, mais également Tihomir Blaskic n'a pas
23 renoncé.
24 Quand il a appris que ses ordres n'étaient pas exécutés de
25 manière efficace, qu'a-t-il fait ? Le premier ordre, l'ordre antérieur,
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1 comme je l'ai dit, a été émis à la police militaire du HVO à la fin du
2 mois de mai, le 31 mai 1993, il a donné l'ordre extraordinaire suivant et
3 ici, je cite -là, de nouveau, il y a une traduction française dans le
4 document publié pour ce qui est de ce passage, donc l'ordre dans son
5 ensemble va être présenté ici au Tribunal dans le traitement de notre
6 cas- : "le 30 mai 1993, l'officier de responsabilité dans la zone
7 opérationnelle de Bosnie centrale m'a informé que M. Fringera Miljak et
8 M. Slavko Rajic, l'un et l'autre membres de la police militaire étaient en
9 train d'expulser des familles musulmanes par la force. Ceci a été fait en
10 dépit de l'ordre qui interdit de pareilles activités et pour lesquels les
11 personnes susmentionnées sont responsables. Donc il s'agit ici des
12 responsables, les responsables sont les membres de la police militaire qui
13 ont enfreint l'ordre selon lequel les membres des familles musulmanes ne
14 devaient pas être expulsés de leurs appartements, de leurs maisons."
15 Je continue à citer le passage : "Afin d'empêcher des actions
16 supplémentaires qui pourraient entraver la bonne application de ces ordres
17 et afin d'assurer un comportement correct de la police, des membres de la
18 police militaire, j'ordonne, je donne l'ordre suivant :
19 1- procéder à une enquête dans ce cas et de prendre les
20 disciplines, les mesures disciplinaires contre les coupables responsables
21 de cet incident.
22 2- me présenter un rapport expliquant la raison pour laquelle en
23 dépit d'un nombre important d'avertissements, certains membres de votre
24 unité à nouveau, et ici, c'est une nouvelle référence qui est faite aux
25 unités de la police militaire, certains de vos membres continuent encore à
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1 se livrer à ce genre de pratique au lieu de protéger l'ordre public et de
2 suggérer des actions supplémentaires afin de prévenir de pareils
3 événements à l'avenir."
4 Tihomir Blaskic lui même n'a jamais pris d'appartement à Vitez,
5 il n'avait pas d'appartement à Vitez. Il estimait qu'il y avait beaucoup
6 d'autres personnes qui avaient de plus grands besoins que lui. Il vivait
7 dans une petite pièce de l'hôtel de Vitez et ceci pendant toute la durée
8 de la guerre.
9 Le dernier sujet que j'aimerais traiter, Messieurs les Juges,
10 est celui des moyens de preuve que nous allons vous présenter pour savoir
11 si le conflit qui a éclaté entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine
12 était une guerre civile ou s'il s'agissait d'un conflit armé
13 international, comme ce terme est utilisé dans le droit international.
14 Le problème ici, n'est pas de savoir s'il y avait des troupes de
15 l'armée croate, donc de l'armée de la République de Croatie à Prozor ou
16 Gorni Vacuf ou même dans la vallée de la Lasva, même si les moyens de
17 preuve vont effectivement montrer qu'il n'y avait pas d'unité de l'armée
18 croate de la République de Croatie dans la vallée de la Lasva ou à
19 Kiseljak, à aucun moment en particulier.
20 Le problème que nous allons traiter dans ce cas est de savoir
21 s'il y avait une unité ou une identité qui existait entre l'armée croate
22 et le HVO.
23 Est-ce que l'armée croate a exercé un contrôle militaire
24 effectif sur le HVO, le conseil croate de défense ? Ceci est notre tâche
25 et les moyens de preuve vont fournir une réponse à cette question avec un
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1 nom sonore.
2 La Croatie était effectivement un Etat qui apportait, était en
3 faveur de l'intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, la Croatie
4 était le premier pays à reconnaître la République de Bosnie-Herzégovine en
5 tant qu'Etat souverain et indépendant. Et effectivement il était tout à
6 fait essentiel pour la Croatie que les nouvelles frontières nouvellement
7 constituées de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie soient acceptées et
8 respectées. Si ces frontières devaient devenir l'objet de négociations à
9 la suite des événements de la guerre, la Croatie, avec une portion
10 importante de territoires occupés par les Serbes à l'époque, aurait été
11 dans une situation plus compromise et n'aurait pas été en mesure de
12 reconquérir ces territoires.
13 En d'autres termes, si les territoires auraient pu être conquis,
14 la Croatie aurait été dans une situation d'autant plus critique avec près
15 de 30 % de son territoire occupé par la Serbie et la JNA.
16 La Croatie était un allié de la Bosnie-Herzégovine au cours de
17 la guerre contre les Serbes. Les Croates... Les attaques serbes contre la
18 Croatie ont été déclenchées à partir du territoire de la Bosnie-
19 Herzégovine et effectivement des unités de l'armée croate sont entrées en
20 Bosnie-Herzégovine pour défendre ce pays contre l'agression serbe. La
21 stratégie des Serbes de Bosnie était simple. Il s'agissait d'encercler la
22 Bosnie centrale dans un mouvement de pince et ceci pour opérer un
23 mouvement de rotation jusqu'à la côte dalmate et pour couper les routes
24 d'approvisionnements grâce auxquelles la Bosnie centrale aurait pu
25 recevoir du matériel et de l'aide. Il y a eu effectivement des tentatives
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1 dans ce sens en 1992, si nous pouvions voir ici la carte n° 1 lettre A,
2 s'il vous plaît.
3 L'armée de la République de Croatie est effectivement entrée sur
4 le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine et comme le tribunal
5 peut le voir sur la carte, si nous pouvions rester avec la carte lettre A.
6 Cette carte A présente les positions des milices serbes et de la
7 JNA qui étaient localisées dans les zones de couleur rose et mauve. Nous
8 pouvons nous... là si nous nous concentrons sur les zones bleu marine en
9 Herzégovine, en-dessous des zones en vert en Bosnie centrale, ce qui est
10 marqué avec ABIH, armée de Bosnie-Herzégovine, si cette zone était tombée
11 en bleu marine, si elle avait été encerclée, je fais un dessin avec mon
12 stylo si effectivement la JNA et les milices serbes avaient pu mener
13 jusqu'à leur terme un mouvement d'encerclement ceci jusqu'à la côte, afin
14 de couper la Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là, la Bosnie centrale, toute
15 la Bosnie centrale aurait été complètement encerclée et sans possibilité
16 de réapprovisionnements et se serait effondrée.
17 Toutes les munitions et tous les matériels qui, à destination de
18 l'armée de Bosnie-Herzégovine et également du HVO, passaient par cette
19 fenêtre, cette fenêtre que je viens d'indiquer avec cette très grande
20 flèche qui part de la côte adriatique et qui passe par la Dalmatie et qui
21 entre en Herzégovine.
22 Ainsi, l'armée de la République de Croatie était entrée sur le
23 territoire de la Bosnie-Herzégovine et là je suis en train de tracer des
24 routes très noires et ils ont effectué, bloqué ce territoire, verrouillé
25 ce territoire et grâce à ce verrouillage, ils ont pu sauver la Bosnie
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1 centrale en conséquence de cela.
2 La Croatie a également formé, instruit, entraîné les troupes de
3 l'armée de Bosnie-Herzégovine dans toute une série d'unités de l'armée de
4 Bosnie-Herzégovine qui ont été équipées et formées en Croatie et ensuite
5 sont retournées en Bosnie-Herzégovine où ils ont continué à combattre
6 comme unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine contre l'armée serbe.
7 Maintenant, je vais apporter la main à la conclusion de mes
8 observations. J'ai parlé il y a quelques instants des ordres qui avaient
9 été émis par Tihomir Blaskic les 22 et 23 avril relativement au massacre
10 qui a eu lieu à Ahmici. L'un de ces ordres traitait du problème du
11 commandement et du contrôle de façon directe. Si là, maintenant, je
12 pouvais avoir la prochaine diapositive, s'il vous plaît.
13 A nouveau, il y a une traduction française qui se trouve dans un
14 document publié, Monsieur le Président.
15 Dans cet ordre, l'ordre du 24 avril 1993, Tihomir Blaskic a fait
16 cette déclaration extraordinaire et je cite : "Après qu'une enquête ait
17 été réalisée sur le terrain, il est manifeste que les unités subordonnées
18 du commandement sont en train d'exécuter, d'agir en dehors de la chaîne de
19 commandement. Ils n'exécutent pas les ordres et sont en train de prendre
20 des décisions indépendantes qui sont contraires aux ordres reçus. Ils
21 planifient, exécutent leurs propres activités de combat. Ils exercent des
22 pressions sur les civils et empêchent le travail de la FORPRONU, de la
23 Croix-Rouge internationale, de la mission de l'Union européenne et ceci a
24 des conséquences négatives sur le HVO et ces soldats qui appliquent, qui
25 exécutent les tâches qui leur ont été confiées de manière consistante.
Page 11174
1 C'est pour cela que j'émets l'ordre suivant, que les individus du groupe
2 qui sont tout à fait hors de contrôle doivent être arrêtés immédiatement
3 et des mandats d'arrêt doivent être donnés au commandant de l'unité de la
4 police militaire. Vous êtes en charge d'empêcher avec tous les moyens à
5 votre disposition et, si nécessaire, avec le recours à la force des
6 individus les plus extrémistes et des groupes les plus extrémistes qui
7 sont hors de contrôle et qui ne sont pas en train de protéger les civils,
8 qui sont en train de procéder à des démolitions, qui procèdent à des
9 incendies, à des biens civils et dont leurs activités ne sont rien d'autre
10 que du terrorisme."
11
12 Tihomir Blaskic a émis cet ordre aux unités du HVO, aux unités
13 de la police militaire le 24 avril 1993. Mais il ne connaissait pas toutes
14 les ficelles des rapports diplomatiques et des rapports avec les médias,
15 et il traitait des problèmes de commandement et de contrôle de manière
16 interne et de manière confidentielle à l'intérieur du HVO. Il n'utilisait
17 pas de groupe de pression, il n'était pas en relation avec le BRITBAT de
18 manière continue, il n'a pas montré les ordres à d'autres personnes et le
19 bataillon britannique a réagi à ces événements, ne disposant d'aucune
20 information. Ils ne disposaient pas d'information, ils ne disposaient pas
21 de réaction et ils ont réagi avec soupçon, avec frustration et, également,
22 avec colère. Nous aurons l'occasion de traiter de ce problème au sein du
23 Tribunal.
24 Il ne s'agit pas ici de critiquer les membres du BRITBAT pour ce
25 problème, mais il faut effectivement traiter de ce problème.
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1 Tihomir Blaskic aurait dû être beaucoup plus systématique dans le
2 traitement de ce problème de transmission de l'information et peut-être ne
3 se trouverait-il pas ici aujourd'hui.
4 Le Tribunal de Nuremberg a décrit les critères de commandement
5 et de responsabilité à la page 76 du volume 12 des problèmes relatifs au
6 commandement suprême, et je cite ici : "Les actes criminels qui sont
7 commis par des subordonnés ne peuvent pas faire l'objet d'une accusation
8 portée contre le commandement, ceci compte tenu de la théorie de la
9 subordination. Il faut qu'il y ait un abandon personnel qui se produise au
10 moment où l'acte a été transmis directement à lui ou quand il y a eu
11 omission de transmission de l'acte subordonné ou quand il y a eu une
12 négligence criminelle de la part de degrés supérieurs de commandement. Par
13 conséquent, il faut qu'il y ait eu un problème de négligence personnelle,
14 donc d'une ignorance morale des conséquences possibles des unités qui
15 étaient éventuellement sous commandement. Tout autre interprétation du
16 droit international irait au-delà des principes fondamentaux du droit
17 pénal connus et pratiqués par les nations civilisées." fin de citation.
18 J'ai essayé ici dans cette déclaration liminaire de vous décrire
19 certaines des mesures que Tihomir Blaskic a prises. Il y aura plus
20 d'éléments qui seront traités au cours de notre affaire.
21 Il n'a jamais donné son aval à des activités criminelles ou à
22 des conduites criminelles de la part d'unités ou de soldats du HVO. Même
23 dans les conditions militaires les plus désespérées, il a toujours essayé
24 de continuer à appliquer des normes de professionnel de conduites qui
25 devaient être appliquées par des unités de milices paysannes. Vous allez
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1 pouvoir entendre de nos témoins que Tihomir Blaskic était un soldat
2 professionnel, un homme qui était dépourvu de préjugés à base ethnique. Il
3 a essayé de protéger des personnes qui étaient incapables de se protéger
4 elles-mêmes des horreurs de la guerre. Peut-être qu'il n'était pas la
5 personne la plus appropriée pour le commandement qui lui a été confié. Si
6 ceci est exact, ceci n'est pas un crime. Il a fait de son mieux, il n'est
7 pas coupable des accusations que le Procureur lui a assignées et la
8 totalité des moyens de preuve va pouvoir le démontrer.
9 Ceci conclut à ma déclaration liminaire, Monsieur le Président.
10 Je vous remercie.
11 M. le Président. – Merci, Maître Hayman. Nous allons bien sûr
12 faire la pause après cette longue déclaration liminaire. Je voudrais vous
13 demander si vous comptez la déposer, cette déclaration liminaire. Bien
14 sûr, nous l'avons sous forme de transcript, mais est-ce qu'elle va faire
15 l'objet d'un dépôt, traduit en français bien entendu et dans les deux
16 langues du tribunal ? Est-ce qu'elle est rédigée ? Est-ce qu'elle peut
17 être fournie sous forme de document à l'intention des juges ?
18 M. Hayman (interprétation). – L'ensemble des cartes et des
19 citations imprimées auxquelles je me suis référé vont donc être versées au
20 dossier des pièces à conviction. Il faut également que les maquettes
21 soient utilisées comme pièces à conviction, quoique qu'il s'agisse ici
22 d'un élément un peu volumineux et un peu lourd, mais il est important que
23 cela puisse être utilisé comme pièce à conviction et que cela puisse
24 rester ici auprès le tribunal.
25 M. le Président. – Donc, vous demandez d'ores et déjà le
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1 versement comme pièces à conviction, de la maquette, des différentes
2 cartes, ainsi que des ordres que vous avez cités dans votre déclaration,
3 en tout cas au moins les cartes ? Est-ce qu'aujourd'hui, vous demandez le
4 versement de pièces à conviction ? Ma question est très simple. Ensuite,
5 je reviendrai sur ma propre question.
6 Première question : est-ce qu'aujourd'hui, vous demandez le
7 versement des pièces à conviction de la maquette, des cartes et même des
8 autres documents cités ? C'est ma première question.
9 Ma seconde est une autre question : est-ce que vous comptez
10 verser votre déclaration liminaire comme document à l'intention des
11 juges ? Ou est-ce que vous préférez que ce document soit à l'intérieur du
12 transcript ? Et nous en prendrons bien sûr connaissance au fur et à mesure
13 de la transcription. Mais j'ai l'impression que vous aviez un document.
14 Première question, d'abord : est-ce que vous demandez le
15 versement comme pièces à conviction de la maquette, des cartes et des
16 autres documents cités ?
17 M. Hayman (interprétation). – Les maquettes et les cartes
18 doivent faire l'objet d'un marquage, mais il y a les témoignages qui vont
19 venir, qui vont habiliter l'ensemble des documents relatifs aux ordres à
20 propos des cartes et, là, à ce moment-là, nous pouvons donc revenir et
21 admettre également tous les moyens de démonstration que j'ai utilisés dans
22 mes déclarations.
23 Effectivement, oui, Monsieur le Président, j'ai ici une version
24 écrite de ma déclaration liminaire, mais j'ai enlevé certains fragments,
25 certaines portion de ma déclaration et, parfois, j'ai raturé certains
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1 éléments. Je pense qu'il serait utile ici de reprendre le transcript comme
2 version définitive de ma déclaration liminaire.
3 M. le Président. - C'est ce qui sera fait. Monsieur le
4 Juge Riad, vous avez une question ?
5 M. Riad (interprétation). - Que faire à propos des ordres de
6 Tihomir Blaskic, voulez-vous qu'ils soient... qu'on puisse continuer à les
7 montrer pour les témoins ?
8 M. Hayman (interprétation). - Nous n'allons pas attendre très
9 longtemps, nous allons attendre quelques jours et tous les ordres que j'ai
10 utilisés ici dans mon exposé vont être de nouveau présentés ici à
11 l'ensemble des membres du Tribunal dans leur intégralité.
12 M. le Président. - Nous allons prendre 20 à 25 minutes de pause,
13 puisque M. Hayman a parlé longuement.
14 (L'audience, suspendue à 11 h 25, est reprise à 12 h 00.)
15 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.
16 Veuillez vous asseoir.
17 (L'accusé est introduit dans la salle.)
18 M. le Président. - Je pense que c'est M. Nobilo qui va donc
19 présenter peut-être le premier témoin.
20 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je
21 vous remercie. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit ici
22 du témoin de la défense pour le général Blaskic qui va nous faire un
23 historique relatif au déroulement des événements dont nous avons parlé.
24 Cet expert pour l'historique va nous retracer le contexte du
25 conflit en ex-Yougoslavie et en particulier en Bosnie-Herzégovine et, de
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1 cette manière, il va établir un bon cadre pour une bonne compréhension des
2 événements de guerre en Bosnie-Herzégovine.
3 Notre témoin ne va pas commencer au XVIème siècle parce que nous
4 estimons que c'est quelque chose d'inutile, c'est une perte de temps,
5 mais, son exposé, il va le commencer tout d'abord par la création des
6 idées nationales sur le sol de l'ex-Yougoslavie et, en particulier, il va
7 présenter les rapports entre les Croates, les Serbes, les Musulmans au
8 cours de la première Yougoslavie.
9 Il va donc retracer les relations entre ces trois peuples au
10 cours de la deuxième guerre mondiale et il va nous présenter une image des
11 relations entre les nationalités au cours de la Yougoslavie de Tito à
12 l'époque de la République fédérative de la Yougoslavie et il va nous
13 donner les raisons de la dissolution de l'ancienne fédération yougoslave.
14 Il va nous citer les raisons des conflits permanents entre les
15 peuples sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et nous répondre aux
16 questions : pourquoi la Yougoslavie a été le pays le plus chargé de
17 conflits en Europe au cours de l'histoire du XXème siècle et, à la fin, il
18 va nous donner les résultats de sa recherche historique et scientifique et
19 qui pourrait être ramenée à la déclaration suivante : est-ce que la
20 Yougoslavie, compte tenu des conflits qu'elle n'a pas pu contrôler au
21 cours des 70 ans de démocratie, est-ce qu'elle pouvait rester dans un
22 cadre démocratique ?
23 Messieurs les Juges, l'expert certainement est l'un des
24 meilleurs experts en histoire, le meilleur connaisseur d'histoire en
25 Croatie et dans toute l'ancienne Yougoslavie. C'est une personne du monde
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1 public scientifique et déjà il est un spécialiste pour l'histoire, il
2 connaît tout particulièrement ces différentes périodes et il a directement
3 collaboré à travailler avec toutes les notabilités politiques de l'ex-
4 Yougoslavie au cours des 50 dernières années.
5 Et ceci depuis... aussi bien avec le Président Joseph Broz Tito
6 avec lequel il a collaboré jusqu'au Président Framjo Tujman avec lequel il
7 a également collaboré.
8 Notre expert est un académicien, est un membre de l'académie
9 croate des sciences et arts, il s'agit du professeur Dusan Bilandzic et je
10 proposerai qu'à présent nous puissions introduire, appeler à la barre le
11 témoin.
12 M. le Président. - Bien, c'est ce que nous faisons.
13 Monsieur l'huissier vous pouvez introduire - alors je n'ai pas bien pu
14 retenir si la traduction est bonne- le docteur Dusan Bilandzic.
15 (Le témoin est introduit dans le prétoire).
16 M. le Président. - Vous m'entendez, Professeur ?
17 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, je vous entends.
18 M. le Président. - Bien, vous allez vous présenter en donnant
19 votre nom, votre prénom, votre qualité. Puis, vous resterez debout le
20 temps de lire votre déclaration solennelle et, ensuite, vous vous
21 réassoierez pour répondre aux questions de M. Nobilo.
22 Alors présentez-vous d'abord, vous êtes ?
23 M. Bilandzic (interprétation). - Je vous remercie,
24 Monsieur le Président. Je m'appelle Dusan Bilandzic. Actuellement, je suis
25 à la retraite mais sinon j'étais professeur de l'université, membre de
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1 l'académie des sciences à Zagreb. Je suis né...
2 M. le Président. - Pour l'instant, ça suffit. Vous allez
3 maintenant lire votre déclaration solennelle, s'il vous plaît, sur le
4 document que vous tend l'huissier. Allez-y.
5 M. Bilandzic (interprétation). - Je déclare solennellement que
6 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 M. le Président. - Merci, professeur. Vous pouvez à présent vous
8 asseoir.
9 M. Bilandzic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
10 M. le Président. - Bien. Je pense que vous êtes donc venu
11 témoigner, dans le cadre du procès intenté par le Procureur du Tribunal
12 pénal international contre l'accusé ici présent, le général Blaskic. Vous
13 connaissez donc la procédure telle qu'elle va se dérouler.
14 C'est à présent Me Nobilo qui va vous poser les questions et
15 ensuite vous déposerez de façon très libre. Vous allez bien sûr à
16 l'essentiel... N'est-ce pas Me Nobilo, vous essayez d'aller sur les
17 questions essentielles sur le témoin que vous avez appelé, n'est-ce pas ?
18 Bien, allez-y.
19 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
20 Bonjour, Monsieur le Professeur. Au nom du conseil de la
21 défense, je voudrais une fois de plus vous remercier de bien vouloir
22 accepter d'être ici comme expert et je vais vous
23 demander, s'il vous plaît, Monsieur le Professeur, de bien vouloir vous
24 présenter au Tribunal. Vous êtes né en 1924, en Croatie. Tout d'abord,
25 vous étiez au lycée de franciscains et vous avez donc pensé être curé.
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1 Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est passé dans votre vie ?
2 M. Bilandzic (interprétation). - Monsieur le Président, tout
3 d'abord, j'ai été au lycée franciscain, c'est un fait, mais je n'ai pas
4 terminé ce lycée et j'ai continué mon enseignement au lycée d'Etat entre
5 1938 et 1941. En 1941, j'ai rejoint le mouvement des partisans, j'ai
6 participé à l'insurrection en 1941 et, entre 1941 et 1945, j'ai participé
7 à la guerre de libération nationale et j'ai été blessé quatre fois.
8 Après la guerre, je suis resté dans la JNA pendant 15 ans.
9 J'avais le grade de colonel et professeur des académies et hautes écoles
10 militaires, où j'ai enseigné l'histoire des guerres et notamment la
11 deuxième guerre mondiale et la guerre des partisans pendant la deuxième
12 guerre mondiale.
13 En 1960, je suis sorti de la JNA, de l'armée yougoslave. J'ai
14 quitté les rangs de la JNA et j'ai commencé à étudier les processus
15 sociaux, notamment à l'intérieur du régime social de l'ex-Yougoslavie, le
16 système politique, le système économique, juridique et, par la suite,
17 cette activité s'est développée dans le sens historique, car c'est
18 l'histoire contemporaine qui m'intéressait le plus.
19 C'est vers 1967, à peu près, que j'ai été nommé directeur d'un
20 institut de l'histoire à Zagreb (c'est un institut dont le siège est à
21 Zagreb) et par la suite, je me suis notamment occupé de la recherche
22 scientifique, de l'histoire, de tout ce qui est d'actualité au niveau des
23 systèmes contemporains. En même temps, j'étais en quelque sorte volontaire
24 et j'étais très actif dans la vie politique de la Croatie, de la
25 Yougoslavie de cette époque-là. J'ai été expert et conseiller au niveau du
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1 parti communiste yougoslave, expert pour les processus politiques -donc
2 chargé des processus politiques. J'étais membre du comité central de la
3 ligue des communistes de Croatie et de Yougoslavie. J'ai également
4 participé à la mise en place de la réforme du système
5 politique yougoslave, dès les années 60 jusqu'à l'éclatement de la
6 Yougoslavie.
7 A partir de cette époque-là, depuis l'éclatement, au nom de
8 l'opposition, j'ai été proposé pour le poste de vice-Président où je suis
9 resté pendant six mois (où la présidence collégiale a été supprimée) et
10 depuis je n'étais pas à ce poste-là. C'était le début de 1991. Depuis,
11 jusqu'à nos jours, j'ai écrit plusieurs livres, j'ai publié le livre sur
12 l'histoire de la Yougoslavie entre 1918 et 1986. J'ai également publié un
13 autre livre sous le titre "La Yougoslavie après Tito". Aujourd'hui, je
14 suis en train de travailler, de rédiger un nouveau livre, un livre qui
15 devrait être publié l'année prochaine et qui englobe la période de la
16 chute de l'empire austro-hongrois jusqu'à l'éclatement de la Yougoslavie
17 en 1991, et la répartition des forces, la création de la Croatie, etc.
18 M. Nobilo (interprétation). - Je ne vais pas rentrer dans les
19 détails... Auriez-vous la possibilité de dire que vous avez écrit les onze
20 livres sur la Yougoslavie ?
21 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je
22 voudrais dire qu'il y a bien évidemment un certain nombre de livres qui
23 sont importants que j'ai écrits, mais il y en a d'autres également... Il y
24 a un livre, par exemple, que j'ai écrit sur les mécanismes de la gestion
25 de la Yougoslavie, un livre qui a été écrit et traduit en six langues, en
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1 chinois également et ensuite, j'ai écrit également un titre sur
2 l'autogestion, la pratique de l'autogestion, il y a de tels livres.
3 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez publié plus de 400
4 articles et vous êtes membre de l'Académie des sciences et des arts, donc
5 l'institut supérieur en République de Croatie.
6 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
7 M. Nobilo (interprétation). – Maintenant, vous êtes membre du
8 parti d'opposition qui est le plus important, ce sont les sociaux-
9 démocrates de la Croatie ?
10 M. Bilandzic (interprétation). - Oui.
11 M. Nobilo (interprétation). - Vous ne faites aucune fonction,
12 vous n'avez aucune fonction dans les institutions du pouvoir en Croatie ?
13 M. Bilandzic (interprétation). - Non.
14 M. Nobilo (interprétation). – Merci, Monsieur le Professeur. Je
15 vais vous demander maintenant de bien vouloir nous présenter votre exposé,
16 si vous avez quelques notes, bien évidemment, vous pouvez vous en servir.
17 Monsieur Bilandzic est en train de parler...
18 M. Bilandzic (interprétation). - Monsieur le Président, c'est un
19 véritable honneur pour moi de pouvoir exposer dans ce prétoire une des
20 interprétations possibles bien évidemment de la crise en Yougoslavie, de
21 la constitution de la première Yougoslavie, de la crise et de
22 l'effondrement de la première Yougoslavie… Certes, l'interprétation que je
23 vais avancer ici ne pourrait en aucune sorte, à mon sens, être
24 satisfaisante dans le vrai sens de ce mot, étant donné que nous n'avons
25 pas pour le moment d'histoire écrite dans le sens de synthèse. Il y a
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1 beaucoup de livres, mais nous n'avons pas encore une synthèse, nous ne
2 disposons pas d'une telle synthèse et, bien évidemment, au cours de mon
3 exposé devant vous, je ne peux pas et je n'ose pas, et ce serait contraire
4 au code de l'Académie des sciences, être partial à l'égard de qui que ce
5 soit, mais si jamais une thèse vous paraît partiale, à ce moment-là…
6 partielle pardon, je vais vous demander de bien vouloir me comprendre, et
7 comme quelque chose d'inévitable, mais j'espère que je ne vais pas le
8 faire.
9 M. Nobilo (interprétation). - Merci Monsieur le Professeur. Nous
10 allons donc commencer. A la veille de la première Yougoslavie, quelles
11 étaient les idées nationales des peuples qui habitaient l'espace de l'ex-
12 Yougoslavie avant 1918 et avant la création du royaume de Yougoslavie,
13 s'il vous plaît ?
14 M. Bilandzic (interprétation). - Si vous me permettez,
15 j'aimerais tout simplement avancer ici quelques commentaires et attirer
16 votre attention sur un certain nombre de points qui
17 me paraissent fort importants.
18 Tout premièrement, l'histoire a donc permis la création d'une
19 communauté en 1918 qui, tout au long de sa durée, avait un certain nombre
20 de caractéristiques qui sont fort essentielles pour comprendre…
21 Je reçois le Français, donc je ne sais pas s'il faut bien que je
22 suive le BCS ou une autre langue….
23 M. Nobilo (interprétation). - Vous pouvez appuyer sur le
24 numéro 6 pour prendre le BCS. Voilà, c'est l'huissier qui va vous aider.
25 M. Bilandzic (interprétation). - Je voudrais tout simplement
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1 éviter d'entendre le français.
2 (Le professeur poursuit)
3 Donc, il y a un certain nombre de constantes de la société
4 yougoslave et ces constantes avaient déterminé l'ensemble de la vie au
5 sein de la Yougoslavie. La Yougoslavie tout d'abord est un Etat
6 multiethnique dans le cadre duquel les nations se sont formées, tout au
7 moins les trois nations les plus importantes à peu près à la même époque,
8 au moment où Bismark avait créé l'Allemagne ou au moment où Garibaldi
9 avait créé l'Italie, mais avec des idéologies bien évidemment totalement
10 différentes, c'était une communauté multireligieuse,
11 multiconfessionnelle : orthodoxe, catholique et musulmane.
12 Quatrièmement, c'est un pays où les différences du point de vue
13 développement économique sont tellement grandes, enfin c'est frappant,
14 évident que ces différences sont grandes, beaucoup plus grandes que par
15 exemple les différences entre le pays le plus développé et l'autre qui est
16 le moins développé en occident.
17 Ensuite, il y a des systèmes également différents qui ont été
18 hérités, autrichiens et turcs de l'autre côté. Par conséquent, il y avait
19 un conglomérat et c'est ce qui avait apporté tout simplement… ce qui avait
20 conduit...
21 M. le Président. - Si vous essayez de parler un peu plus
22 lentement pour que les interprètes puissent assurer la traduction dans des
23 conditions plus confortables, merci beaucoup.
24 M. Bilandzic (interprétation). - Je poursuis donc… Je pense
25 qu'il n'y a pas véritablement de cas qui pourraient être cités dans le
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1 monde de tel type que, dans un espace aussi restreint, il y a autant de
2 diversités, de complexité, cet espace yougoslave pratiquement représente
3 une densité de contradictions contemporaines. Par conséquent, si nous
4 partons du fait que de tels éléments sont vrais, -et c'est vrai- de telles
5 constantes sont une réalité, -et elles le sont- à ce moment-là, nous
6 pouvons parfaitement comprendre que de telles contradictions qui se sont
7 réunies dans un espace aussi restreint auraient pu ou bien empêcher ou
8 bien permettre la création d'un Etat stable, normal, équilibré, etc. Mon
9 hypothèse, c'est une thèse à la fois, consiste dans le fait que cet Etat a
10 testé pratiquement tous les systèmes contemporains qui nous sont connus.
11 Il a testé le parlementarisme du type occidental au cours des dix
12 premières années. Ensuite, ce modèle ne pouvant pas se maintenir, il avait
13 essayé la dictature, la dictature militaire et monarchiste ; cela aussi
14 n'a pas marché. Ensuite, il avait renouvelé le parlementarisme d'une
15 certaine façon entre 35 et 41. Par la suite, il y avait un laps de temps
16 où il y avait la guerre qui était une richesse même sur le plan
17 comportement des nations, des couches sociales, des partis différents,
18 etc. C'était le laboratoire, en quelque sorte, la guerre de quatre ans, la
19 deuxième guerre mondiale.
20 Ensuite, la dictature qui a suivi était selon l'exemple de
21 Staline. Ensuite, cette société a évolué en confédération et cela n'a pas
22 réussi, et c'est là que je vais terminer parce que c'est mon
23 introduction ; je vais m'y référer et je vais répondre à votre question de
24 manière directe.
25 Je voudrais simplement ajouter qu'en même temps, avec
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1 parallèlement, par conséquent, le changement, la transformation des
2 systèmes -le capitalisme, le socialisme-, à l'intérieur du capitalisme,
3 nous avons eu la dictature et le parlementarisme. A l'intérieur du
4 communisme, nous avons eu la période du stalinisme et l'anti-stalinisme
5 également, le
6 centralisme et le confédéralisme par la suite. Par conséquent, tout ceci
7 n'a pas réussi, tout ceci n'a pas marché avec cette tentative de trouver
8 un système qui aurait pu sauver cette communauté, le système social qui
9 aurait pu sauver cette société. Par conséquent, il y avait également
10 beaucoup de guerres sur le sol de cet espace de l'ex-Yougoslavie, il y
11 avait six guerres qui ont éclaté au cours des cent dernières années et,
12 par conséquent, cette recherche permanente du système social. Il y avait
13 parallèlement les guerres et c'était un instrument de la solution des
14 problèmes à l'intérieur du pays, donc, à l'intérieur les guerres et à
15 l'extérieur égarement.
16 C'était l'introduction, tout simplement, et, là, je veux bien
17 répondre à vos questions.
18 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Professeur, je vous
19 fais revenir à tous les débuts. Comment cela s'est passé que tous ces
20 peuples se sont trouvés dans un Etat qui était l'Etat conjoint ? Quelles
21 étaient les idées également que ces peuples ont portées ?
22 M. Bilandzic (interprétation). – Eh bien, Monsieur le Président,
23 c'est effectivement une question qui est probablement la plus importante
24 et la principale.
25 Eh bien, je ne vais pas dire que les Balkans soient le seul
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1 espace dense de contradictions et qu'il est indispensable de le pacifier.
2 Je me dois de vous dire que, malheureusement, depuis la Révolution
3 Française, jusqu'à nos jours, les idées des états-nations régnaient en
4 Europe. En Allemagne, c'était l'idée de Bismark, de la grandeur de la
5 France, de la grandeur de la Russie, de la Hongrie, de l'Italie, de la
6 Bulgarie, de la grande Serbie, de la grande Croatie et, même, la
7 communauté toute petite de 1 200 000 habitants ne pouvait pas résister à
8 cet objectif de créer un Etat-nation, ce qui a coûté à l'Europe, bien
9 évidemment, deux guerres mondiales qui ont détruit l'Europe, qui l'ont
10 jetée à genoux. Il faut tout simplement rappeler que la France et
11 l'Allemagne, les deux grandes nations, ont mené trois guerres pendant
12 juste la durée d'une seule vie, d'une génération -Bismark, Kaiser,
13 Hitler-, ce qui a bien évidemment conduit l'Europe à être invalide. Cela
14 l'a invalidée parce que les peuples se sont détruits, ont détruit les
15 acquisitions de la civilisation sur lesquelles on aurait dû construire
16 cette Europe.
17 Si je vous en parle, c'est tout simplement pour vous donner un
18 cadre, un contexte et pour vous dire que c'est un peu la même situation
19 que nous retrouvons entre les peuples de Yougoslavie.
20 En d'autres termes, l'idéologie nationale serbe a vu le jour au
21 cours de la période que l'on appelait le Printemps des Peuples Européens ;
22 c'était le mi-XIXème siècle, en 1848. C'est l'époque où l'idéologie
23 allemande… Chavarik, Kollar et les autres ont mis sur pied une théorie
24 selon laquelle tous les citoyens qui parlent une même langue appartenaient
25 à une nation. Aucun autre critère n'était mis en considération, ni
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1 l'histoire, ni la culture ; il n'y avait que la langue. Le réformateur
2 serbe, un très grand réformateur serbe au grand mérite -et d'ailleurs la
3 science ne lui retire pas ses mérites- Vuk Karadjic, chercheur au niveau
4 linguistique, a tout simplement trouvé que les Croates, les Musulmans, les
5 Montenégrins et les Serbes parlaient une seule et même langue.
6 Effectivement, ils ont parlé une seule et même langue, la langue dite
7 Stokavka.
8 10 % de Croates parlaient un autre dialecte et tous les autres
9 parlaient le même dialecte et en partant de la théorie linguistique
10 allemande, il avait dit, ici, dans les Balkans depuis les Alpes
11 autrichiennes et tout cet espace, tous les Balkans, toute cette population
12 parle une langue, une langue qui se ressemble beaucoup.
13 En d'autres termes, il s'agit d'une seule et même nation et
14 quelle est cette nation ? C'est ma nation, ce sont tous les Serbes. Quand
15 on disait : "Mais ils sont des catholiques", il dit : "Oui ce sont les
16 catholiques, mais ils sont de confession catholique, d'autres ils sont de
17 confession musulmane et etc, etc," c'est la raison pour laquelle nous
18 sommes devant une théorie linguistique et la théorie selon laquelle ce
19 sont tous les Serbes depuis les Alpes jusqu'à la Salonique et jusqu'à
20 Constantinople.
21 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, c'est peut-être le
22 moment de nous retourner vers la carte qui est sur le rétroprojecteur et
23 sur le moniteur également, sur l'écran, nous allons pouvoir donc voir
24 cette carte. Est-ce que vous pouvez nous dire, s'il vous plaît, comment
25 vous êtes parvenu à avoir cette carte ? Qui a édité, qui a publié cette
Page 11191
1 carte ?
2 M. Bilandzic (interprétation). - C'est la carte qui a été
3 publiée à Belgrade en 1873, qui a servi dans les académies militaires et
4 qui tout simplement avait pour objectif de démontrer quelle était la
5 répartition du peuple serbe et une fois de plus selon cette théorie
6 linguistique.
7 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, si vous me
8 permettez, je voudrais tout simplement aller vers le rétroprojecteur pour
9 vous montrer une deuxième carte et comme cela vous allez comprendre de
10 quoi nous allons parler.
11 (M. Nobilo s'approche du rétroprojecteur et repart.)
12 M. Bilandzic (interprétation). - Ici, vous voyez bien qu'au
13 moment où on avait dessiné les frontières ethniques à l'intérieur de la
14 Yougoslavie et si vous la comparez donc avec la carte de 1873, vous voyez
15 que la population serbe est pratiquement répartie sur l'ensemble de la
16 Croatie en dehors de Zagreb, l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, la
17 Voïvodine, une partie de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Macédoine bien
18 évidemment et jusqu'à la Grèce.
19 Jovan Svijic, le Président de l'académie des sciences et des
20 arts de Serbie, professeur Jovan Svijic et professeur à la Sorbonne membre
21 honoris de l'académie française, un professeur de très grande renommée
22 mondiale avait parlé de cet Etat en parlant d'une masse slave qui n'est
23 pas cristallisée tout à fait et qui se répand jusqu'à la Grèce, jusqu'à la
24 Salonique et même jusqu'à Constantinople et qu'il y avait là 9 625 000
25 habitants. Le royaume de Yougoslavie, l'article a été écrit en 1908 au
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1 moment de l'annexion de Bosnie-Herzégovine, la Serbie à cette époque avait
2 2 750 000 habitants et ce que le professeur Switch rangeait sous le nom de
3 Serbes voulait dire qu'il avait triplé pratiquement le nombre de Serbes et
4 c'est de cette manière là qu'il avait pratiquement créé une conviction
5 d'une puissance à travers cette présence.
6 C'est une question ethnique tout simplement, mais vous me
7 permettez tout simplement de rajouter que chaque nation traverse cette
8 étape de nationalisme et se transforme en chauvinisme qui, bien
9 évidemment, conduit à la guerre et essaie également d'appliquer un autre
10 principe, le principe ethnique.
11 Outre ce principe ethnique, il y a un autre principe également,
12 donc le principe du droit de l'histoire. J'ai le droit, je suis à la tête
13 d'une nation et j'ai le droit également de délimiter également le
14 territoire vis-à-vis des pays qui, à plusieurs dizaines d'années,
15 faisaient part d'un roi, etc.
16 Les Serbes avaient un roi célèbre, le roi Dusan,
17 l'empereur Dusan qui gouvernait une grande partie de la Grèce, de
18 l'Albanie, de la Serbie, de la Bulgarie, etc et le Président du
19 gouvernement serbe Erachanine, membre du gouvernement serbe a établi le
20 droit des Serbes sur ce qui, par le passé, relevait de l'empire de Dusan.
21 Donc voilà les critères dont je voulais parler et c'est sur ces
22 mots que j'en termine avec l'idéologie serbe.
23 M. Nobilo (interprétation). - Mais est-ce que la Bosnie-
24 Herzégovine relevait en grande partie de l'empire de Dusan ?
25 M. Bilandzic (interprétation). - C’est difficile à déterminer,
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1 je ne connais pas exactement la frontière, nous sommes là au Moyen Age et
2 je ne me risquerai pas à parler de ce qui ne fait pas partie de mon
3 domaine d'expertise.
4 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire comment les
5 Croates et les idées nationales, à peu près à la même époque, ont agi au
6 moment de la création de la Yougoslavie ?
7 M. Bilandzic (interprétation). - A la fin de la première guerre
8 mondiale ?
9 M. Bilandzic (interprétation). - La Croatie s'est développée
10 d'une façon tout à fait différente. Le gouvernement serbe est né à partir
11 de l'empire ottoman, empire ottoman qui souffrait de déliquescence depuis
12 plusieurs centaines d'années et qui était en décadence. Il s'agissait d'un
13 empire décadent où la législation n'existait pratiquement pas, etc.
14 La Croatie, elle, vivait dans le cadre de la monarchie des
15 Habsbourg et la grande différence réside dans le fait que la Croatie
16 avait, depuis près de 800 ans, la jouissance d'une souveraineté tout à
17 fait précise.
18 Après la désintégration du royaume de la Serbie, elle a établi
19 une union avec la Bulgarie mais a conservé quatre éléments de
20 souveraineté. Ce point est exceptionnellement intéressant, eu égard à
21 l'avenir de la Yougoslavie. En effet, la Croatie a conservé son nom...
22 M. Riad (interprétation). - (Hors micro).
23 Interprètes. - Micro, s'il vous plaît.
24 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit d'une erreur. C'est le
25 terme Croatie qui devrait figurer au compte-rendu.
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1 M. Bilandzic (interprétation). - Donc, nous sommes en présence
2 de deux royaumes, de deux Etats -la Bulgarie et la Croatie- qui ont un
3 seul et même roi. A Zagreb, réside le vice-roi qui porte le nom de Ban.
4 Lors d'une polémique survenue au Parlement de Bulgarie, le président du
5 gouvernement a dit : "regnum, regno non prescribit leges", autrement
6 dit...
7 M. le Président. - Excusez-moi, je suis comme le Juge Riad, je
8 voudrais comprendre. D'après la traduction, il y avait deux Etats, la
9 Hongrie et la Croatie. C'est cela ?
10 M. Nobilo (interprétation). - Le témoin va vous le préciser.
11 M. Bilandzic (interprétation). - Un accord a été conclu entre la
12 Bulgarie et la Croatie qui a permis la création d'une union, en
13 l'année 1100.
14 M. le Président. - Je reviens à ma question. Excusez-moi, je me
15 tourne vers les interprètes : donc Bulgarie, c'est Hungary ? Excusez-moi,
16 c'est une question d'interprétation tout simplement... Hungary, je pensais
17 que cela voulait dire Hongrie...
18 Interprète. - Les interprètes s'excusent. A l'époque, Bugarska
19 voulait dire Hongrie.
20 M. le Président. - Hungary, ce n'est quand même pas Bulgarie...
21 Ah, Bulgaria ! Excusez-moi, Mesdames, Messieurs les Interprètes, j'avais
22 quelques vieilles notions, il me semblait que Hungary voulait dire
23 Hongrie, tout simplement. Donc, nous sommes bien d'accord sur Bulgarie et
24 Croatie.
25 M. Nobilo (interprétation). - En fait, c'est le contraire.
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1 L'accord était conclu entre l'accord et le pays des Magyars qui, à
2 l'époque, s'appelait Ugarska. Ensemble, ils ont constitué l'empire austro-
3 hongrois. On en parlera plus tard.
4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mais il n'y a pas de
5 continuité physique entre la Bulgarie et la Croatie, n'est-ce pas, alors
6 qu'il y a une continuité physique entre la Croatie et la Hongrie ? Donc,
7 il est permis de penser que si un accord est conclu, il implique la
8 Croatie et la Hongrie, n'est-ce pas ?
9 M. Nobilo (interprétation). - Oui, c'est exact.
10 M. Bilandzic (interprétation). - Donc, deux entités fédérales
11 choisissent un roi commun qui, dans ce cas-là, était un Magyar, un
12 Hongrois. Cela dure jusqu'en 1526, date à laquelle les deux Etats en
13 question acceptent un Habsbourg comme roi. Mais la Croatie conserve son
14 statut de royaume, elle conserve ses frontières, elle conserve son
15 Parlement du Moyen-Age bien sûr -une instance qui ressemble à un
16 parlement-, elle conserve le Ban, le vice-roi, qui est à la tête du
17 gouvernement et elle continue à posséder un territoire déterminé. Donc,
18 voilà quelle était la situation de la Croatie en 1918.
19 Maintenant, s'agissant de l'idéologie nationale -et c'est sur ce
20 point que repose votre question- quelle était l'idéologie nationale de la
21 Croatie dans le cadre de la monarchie des Habsbourg ? La monarchie des
22 Habsbourg comptait 52 % de Slaves et deux peuples gouvernants : les
23 Hongrois et les Allemands d'Autriche, n'est-ce pas, qui, à eux deux,
24 constituaient 58 % de la population. Autrement dit, la majorité était
25 constituée de Slaves.
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1 Etant donné que c'était l'un des empires les plus développés,
2 les plus civilisés, les
3
4 plus ordonnés, les plus légiférés d'Europe, les Habsbourg s'appuyaient sur
5 cette monarchie très ordonnée. Mais à l'intérieur de cette monarchie des
6 Habsbourg -que certains appellaient sud-danubienne et qui, ensuite, a
7 porté le nom d'empire austro-hongrois-, donc à l'intérieur de cette
8 monarchie des Habsbourg, ce sont développés des mouvements nationaux, le
9 mouvement national croate, le mouvement national serbe, le mouvement
10 national hongrois, le mouvement national allemand, le mouvement national
11 tchèque, le mouvement national polonais, le mouvement national slovène, le
12 mouvement national italien. Il y avait un patchwork.
13 Dans la réalité de la vie politique, le royaume de Croatie
14 dépendait de Budapest parce que c'est à Budapest où se trouvait le siège,
15 la résidence de ce roi commun. Et la réalité de la position de la Croatie
16 était qu'elle dépendait de la Hongrie, même si elle jouissait de la
17 souveraineté. Il existait une rivalité entre l'Allemagne, ou plutôt
18 l'Autriche, parce qu'à cette époque-là, les Autrichiens faisaient partie
19 de la nation allemande et se considéraient comme des Allemands et non
20 comme des Autrichiens. C'est la raison pour laquelle nous les appelons
21 parfois des Allemands et parfois des Autrichiens. Mais, de facto, leur
22 conscience nationale était une conscience nationale allemande. Il y avait
23 un combat avec les Prussiens quant à savoir qui pouvait jouir de
24 l'hégémonie sur l'Allemagne, mais nous n'allons pas entrer dans ces
25 détails.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Revenons aux idées nationales, si
2 vous le voulez bien.
3 M. Bilandzic (interprétation). - Effectivement, Maître Nobilo
4 vient de me poser une question, donc je vais essayer de lui répondre le
5 plus brièvement possible.
6 Compte tenu du fait qu'à la moitié du dix-neuvième siècle, le
7 processus de formation des nations était en cours d'achèvement, la nation
8 croate, comme toutes les autres nations européennes, s'est donnée comme
9 idéal suprême la création d'un Etat national, c'est ce qu'a fait Bismark
10 en Allemagne, c'est ce qu'a fait Cavour en Italie, c'est ce qu'ont fait
11 d'autres personnes à cette époque.
12 Mais, la Croatie à ce moment-là, constituait 5,26 % de la
13 population dépendante de
14 la monarchie des Habsbourg, donc à peine plus de 5 % et il eut été
15 suicidaire et cela aurait été une véritable tragédie, cela aurait été de
16 "l'aventurisme" pour la Croatie de suivre la voie de la Serbie en
17 s'opposant à l'Austro-Hongrie. Elle a donc choisi une voie tout à fait
18 opposée.
19 Sur la base des principes intellectuels et des principes de la
20 conscience croate, elle a estimé que, grâce à un combat de longue durée,
21 la Croatie pouvait choisir le statut de ce que l'on appellera une "entité
22 tierce" dans le cadre de l'Austro-Hongrie.
23 Autrement dit, la Croatie avait absolument le même statut que
24 l'Autriche et la Hongrie et souhaitait donc que cet Etat inclue la
25 Slovénie, la Voïvodine, l'Istrie, la Dalmatie et la Bosnie-Herzégovine.
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1 M. Nobilo (interprétation). – Mais, pouvons-nous maintenant
2 parler du moment qui se situe à la fin de la première guerre mondiale,
3 c'est-à-dire en fait au moment de l'écroulement de l'Austro-Hongrie ?
4 M. Bilandzic (interprétation). – Oui, mais il y a une chose
5 qu'il importe de dire avant d'aborder le point que vous venez de citer.
6 Cette conception de la Croatie qui souhaitait faire durablement partie de
7 l'Austro-Hongrie, donc cette conception a été baptisée "trialisme". Il
8 existait le dualisme, nous en parlerons au moment où nous parlerons de
9 l'écroulement de l'Austro-Hongrie, mais là, il était question de trois
10 entités et donc, dans le cadre de cette idée de durabilité de la Croatie,
11 au sein de l'Austro-Hongrie, il y avait tout de même encore de la place
12 pour deux versions différentes. Les Oustachis vont s'appuyer sur l'une de
13 ces options qui ressemblait beaucoup à celle de l'Etat créé par Hitler. Un
14 dirigeant qui défendait cette idée voulait que la Croatie soit un Etat
15 entièrement indépendant et considérait que la Serbie était la plus
16 dangereuse par rapport à la Croatie.
17 Et puis, il existait une troisième option, une troisième
18 version, une troisième conception qui était la conception pro-yougoslave.
19 Selon cette conception, la Croatie, à certains moments, aurait pu accepter
20 avec la Serbie, le Monténégro et la Slovénie de créer un Etat yougoslave
21 commun qui eut été une fédération et même une confédération. Donc voilà
22 les trois grandes tendances qui prévalaient à l'époque.
23 M. Nobilo (interprétation). – Très brièvement, à la fin de la
24 première guerre mondiale, lorsque l'opinion a mieux connu cet Etat SHS,
25 quelle était la position des Croates à ce moment-là, à la fin de la
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1 première guerre mondiale ?
2 M. Bilandzic (interprétation). – Oui, je vous répondrai, mais
3 j'ai encore un élément à souligner. Voyez-vous la première guerre mondiale
4 a duré quatre ans et trois mois, peut-être que ces peuples européens
5 auraient pu continuer à se battre cinq ans de plus, si le Président Wilson
6 n'avait pas envoyé quelques millions de soldats américains qui se sont
7 trouvés en 1918 en Europe, afin de mettre un terme à ces combats
8 fratricides entre européens, mais cela, c'est une autre histoire.
9 Ce qu'il faut savoir c'est que pendant quatre ans et trois mois,
10 les Croates, les Slaves, les Musulmans et les Serbes, ce qui vous étonnera
11 peut-être, les Serbes que l'on appelle Precani c'est-à-dire ceux de
12 Voïvodine ainsi que ceux de Bosnie et de Croatie ont combattu quatre ans
13 et trois mois contre les Serbes de Serbie et du Monténégro. Alors, on se
14 trouve face à un phénomène qui est réellement terrifiant, un phénomène
15 selon lequel il faut unifier des peuples après quatre ans et trois mois
16 d'assassinats pendant lesquels ils se sont entretués et cette unification
17 ne peut pas se faire pendant dix ans, elle doit se faire immédiatement.
18 Elle doit se faire dès l'instant où la cloche qui sonne pour annoncer la
19 fin de la première guerre mondiale se fait entendre.
20 Donc dès ce moment-là, dès la fin de la première mondiale,
21 l'unité doit se faire.
22 M. Nobilo (interprétation). - Vous pensez sans doute à la
23 première guerre mondiale ?
24 M. Bilandzic (interprétation). - Qu'est-ce que j'ai dit ?
25 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit deuxième.
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1 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, bien sûr, il s'agit de la
2 première guerre mondiale. Donc revenons à la création de la Yougoslavie.
3 La Serbie, en fait, une élite gouvernementale, une élite monarchique,
4 poursuivait des objectifs belliqueux qui, d'une certaine façon, peuvent
5 être définis comme une vision ou un projet mais, enfin, les Serbes
6 s'adressent à la Grande-Bretagne, à l'Italie, à la Russie, à la France
7 pour leur demander un élargissement territorial, une expansion
8 territoriale.
9 Compte tenu de la théorie de la communauté ethnique, cette
10 expansion serbe doit se diriger vers la Bosnie, la Voïvodine, la Croatie,
11 la Dalmatie, je parle bien donc de cette expansion territoriale. Mais
12 puisque jusqu'au printemps de 1918 les puissances de l'entente ne
13 souhaitaient pas la désintégration de l'Austro-Hongrie soumise aux
14 Habsbourg, une grande partie de la Dalmatie, une grande partie de la
15 Slavonie, une grande partie de la Croatie auraient pu dépendre de la
16 grande Serbie et c'est dans ce cadre que l'accord de Londres a été signé
17 entre le gouvernement de la Serbie, de la Grande-Bretagne, de la France et
18 de la Russie. Ce que l'on appelle en fait le pacte secret de Londres qui
19 prévoyait l'expansion territoriale susceptible de créer la grande Serbie.
20 La Russie a suggéré à la Serbie d'éviter d'inclure la totalité
21 de la Croatie dans ce nouvel Etat, nouvel Etat constitué par une Serbie
22 étendue puisque cela poserait des problèmes du fait que les Croates
23 étaient catholiques.
24 Donc, vous voyez ce que je suis en train de dire. Grâce à
25 l'accord de Londres, la Serbie obtient le droit de s'étendre vers l'ouest,
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1 la Croatie, à ce moment là, souhaite conserver l'Austro-Hongrie en tout
2 cas contribuer à sa conservation. Pourquoi ? Toujours en raison de cette
3 idée du triptyque, du trialisme. Mais comme on entrevoit la possibilité
4 d'une désintégration de l'Austro-Hongrie, on est dans l'obligation de
5 trouver une autre solution. Et le 28 octobre 1918, les Croates rompent
6 leurs relations gouvernementales avec l'Austro-Hongrie des Habsbourg, ils
7 proclament l'indépendance de l'Etat croate et nous en arrivons à ce
8 phénomène dont vous parliez, le phénomène des quarante jours, c'est-à-dire
9 qu'à partir de cette idée de trois entités par laquelle les slaves du sud
10 sont compris dans un Etat Austro-Hongrois, les membres des quatre entités
11 fédérales à venir dans l'Etat de Tito se réunissent, la Croatie, la
12 Slovénie, la Bosnie-Herzégovine, la Dalmatie et la Voïvodine se
13 réunissent.
14 C'est la Croatie qui est la plus hégémonique dans cette
15 association. Bien entendu, elle est la plus forte sur tous les plans,
16 aussi bien sur le plan démographique, que sur le plan culturel, que sur le
17 plan politique, elle devient donc le centre hégémonique de cette
18 association, mais cet Etat conserve des gouvernements en Slovénie, en
19 Voïvodine, en Bosnie-Herzégovine, en Dalmatie et se construit donc sous la
20 forme d'une fédération.
21 Dans le même temps, un certain nombre des responsables
22 politiques croates qui dans les premiers jours de la guerre en 1914
23 avaient émigré vers l'ouest, d'abord vers l'Italie, puis vers la France,
24 puis vers la Grande-Bretagne ont créé un groupe d'intellectuels qui s'est
25 proclamé mouvement d'opposition yougoslave favorable à la création de la
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1 Yougoslavie. Et ce groupe souhaitait que la Yougoslavie soit une
2 fédération ou une confédération alors que l'Etat créé à Zagreb à la fin du
3 mois d'octobre 1918, cet Etat yougoslave a été baptisé l'Etat des Slovènes
4 des Croates et des Serbes.
5 Donc, après la désintégration de l'Austro-Hongrie, nous sommes
6 en présence de deux et même de trois Etats, il y a là le royaume des
7 Serbes qui est un Etat, le royaume du Monténégro qui est un Etat, il y a à
8 Zagreb cet Etat SHS, c'est-à-dire l'Etat des Slovènes, des Croates et des
9 Serbes. Le H représentant le Croate dans la langue croate. Bien entendu,
10 la Macédoine n'est mentionnée nulle part, c'est un sujet qui n'intéresse
11 personne. Et des pourparlers sont alors entamés entre Belgrade et Zagreb
12 et plus précisément entre le conseil populaire, c'est le nom du nouveau
13 parlement de Zagreb où il y a des délégués de la Slovénie, de la Dalmatie,
14 de la Bosnie-Herzégovine et donc cette instance négocie avec la Serbie et
15 le Monténégro quant au type de rapports à établir entre les Serbes et les
16 Croates.
17 Sous la pression de la situation concrète, il faudrait beaucoup
18 de temps pour en parler, Nikola Pasic, un dirigeant très célèbre, signe ce
19 que l'on a appelé la déclaration de Genève le 9 novembre 1918 alors qu'il
20 est Premier ministre de la Serbie.
21 Cet accord est donc signé à Genève et permet l'annexion du
22 Monténégro ; le Monténégro n'existe plus dès lors. Au début du mois de
23 novembre, je ne me rappelle pas la date exacte, mais la dynastie
24 monténégrine est donc liquidée par le gouvernement serbe. Le roi
25 Nikola Petrovic ne se voit pas autoriser à rentrer au Monténégro, il est
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1 d'abord en Italie, puis en France.
2 Donc, il reste l'Etat de Serbie, le royaume de Serbie et l'Etat
3 de Croatie. Les négociations commencent, il est entendu que deux Etats
4 vont exister, qu'une espèce de confédération va être formée, que les
5 éléments les plus importants d'un Etat commun vont être mis en place,
6 notamment une politique étrangère commune et, là, nous sommes au
7 9 novembre.
8 En même temps, dans la logique du pacte de Londres, qui n'a pas
9 été démantelé, l'armée italienne pénètre en Dalmatie et en Slovénie pour
10 faire respecter le pacte de Londres.
11 Quant à l'armée française et à l'armée serbe, elles pénètrent en
12 Voïvodine, en Dalmatie, en Istrie, en Croatie d'une part, pour empêcher
13 les Italiens de poursuivre leur avancée et d'autre part, compte tenu du
14 fait que ce nouvel Etat issu de l'Austro-Hongrie ne possède ni armée, ni
15 police, ni appareil gouvernemental et que des émeutes se produisent dans
16 le pays, des émeutes de type bolchévique pendant lesquelles les habitants
17 pillent les magasins, les paysans mettent le feu au palais, pillent les
18 entrepôts de vêtements et de nourriture, la panique se répand à Zagreb par
19 rapport à une arrivée au pouvoir des Bolchéviques.
20 Donc d'une part pour empêcher l'avancée des italiens, d'autre
21 part pour mettre un terme à ces émeutes, une délégation est envoyée à
22 Belgrade et le 1er décembre 1918 est signé un accord par lequel est créée
23 une Yougoslavie unifiée et non fédérale.
24 Donc, une Yougoslavie centralisée, unifiée en tant que pays qui
25 relève d'une
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1 expansion de la Serbie.
2 M. Nobilo (interprétation). - Eh bien, nous en sommes arrivés à
3 la fin de la création de la Yougoslavie. Donc, Monsieur le Président,
4 puisque nous sommes à une minute de 13 heures, je proposerai peut-être que
5 l'on fasse la pause déjeuner.
6 M. le Président. - Tout à fait d'accord, donc nous reprenons à
7 14 h 30.
8 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 h 30.)
9 M. le Président. – La séance est reprise. Monsieur le Greffier,
10 vous faites introduire l'accusé.
11 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
12 M. le Président. – Nous allons demander à M. l'huissier
13 d'introduire notre témoin.
14 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
15 M. le Président. – Asseyez-vous. Docteur Bilandzic, vous vous
16 êtes reposé ?
17 M. Bilandzic (interprétation). – Oui, merci
18 Monsieur le Président.
19 M. le Président. - Dans ces conditions, Maître Nobilo, c'est à
20 vous. Continuez à poser vos questions.
21 M. Nobilo (interprétation). – Merci Monsieur le Président.
22 M. le Président. – Ne laissez pas le témoin s'écarter, allez
23 directement dans le sujet.
24 M. Nobilo (interprétation). – Oui, Monsieur le Président.
25 Nous allons entrer dans la période relative au royaume de
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1 Yougoslavie. Nous n'allons pas parler ici de l'histoire du royaume de
2 Yougoslavie, mais nous allons nous limiter à quelques points précis.
3 Vous avez dit en introduction que la fondation du royaume de
4 Yougoslavie a introduit le parlementarisme, mais que ce parlementarisme
5 n'a pas réussi. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi le régime
6 parlementaire n'a pas réussi à l'époque du royaume de Yougoslavie et
7 comment l'ère parlementaire s'est-elle achevée, l'ère démocratique au
8 moment du royaume de Yougoslavie ?
9 M. Bilandzic (interprétation). – Oui, Monsieur le Président.
10 Au cours des premières années de l'existence du royaume de
11 Yougoslavie, cela a été une période d'un grand examen. Est-ce que ce pays
12 allait pouvoir se développer comme un pays du régime parlementaire ? Il
13 faut reconnaître ici que le gouvernement de la Serbie qui avait introduit
14 le régime parlementaire… Il s'agissait d'un régime parlementaire limité,
15 mais il s'agissait quand même d'un régime parlementaire et, par sa
16 décision, on a commis une erreur fatale, en partant de l'idéologie qui, en
17 termes tout à fait express, affirmait qu'il s'agissait de l'Etat d'un seul
18 pays peuple, donc qu'il n'existait pas une pluralité de peuples, mais
19 qu'il existait qu'une nation unique, composée de Serbes, Croates et
20 Slovènes, mais constituant un seul peuple.
21 En partant de ce genre de thèse, l'on supprimait l'ensemble des
22 entités historiques : la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la
23 Voïvodine, la Dalmatie et même la Serbie et le Monténégro, ceci au sens
24 administratif de l'expression.
25 Au lieu de ces entités, le pays, d'un point de vue
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1 administratif, se répartissait en 33 régions, avec un système
2 particulièrement centralisé d'administration du pays.
3 Les Croates et encore, dans une certaine mesure, les Slovènes
4 ont réagi par l'organisation d'un mouvement de masse qui prenait
5 l'ensemble de leur nation et exigeait le rétablissement des entités
6 historiques. Ceci signifiait le retour à la déclaration de Genève de
7 manière à ce que l'on puisse poursuivre des négociations qui avaient été
8 interrompues à Genève. La réponse de la Serbie a été qu'un peuple ne
9 pouvait pas négocier avec lui-même car il n'y avait pas d'entités
10 distinctes. Et c'est ainsi que c'est un conflit politique extrêmement
11 violent qui a commencé, qui a pris les formes de rassemblements, de
12 meetings extrêmement passionnés, de luttes par l'intermédiaire des moyens
13 de communication –à l'époque, c'étaient surtout les
14 journaux-.
15 On a mis sur pied des organisations, des mouvements politiques
16 dans le cadre de cette lutte politique et c'est dans ce climat de grande
17 passion que le régime de Belgrade tue dans le parlement de Belgrade un
18 groupe de leaders, d'hommes politiques croates qui avaient à leur tête un
19 chef charismatique, Stjepan Radic. Par ce fait, le régime parlementaire
20 est arrivé à son terme et le roi Alexandre s'est retrouvé dans le dilemme
21 de savoir ce qu'il devait faire. Par le meurtre de trois très hauts
22 responsables politiques croates et deux autres qui ont été blessés au
23 cours de cet attentat -et cet événement a représenté un fait politique
24 d'importance majeure-, il a fallu savoir ce qu'on voulait faire avec la
25 Yougoslavie : est-ce qu'il fallait retourner un peu en arrière ? Fallait-
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1 il rebrousser chemin pour savoir pour le régime parlementaire n'avait pas
2 réussi ? Je pense qu'il y a toute une série de raisons qui existent à
3 cela.
4 Tout d'abord, le pouvoir économique qui, dans l'Etat
5 nouvellement constitué, était plus fort en Slovénie, en Croatie qu'en
6 Serbie proprement dite. La Serbie ne disposait pas des performances, des
7 potentiels pour réaliser elle-même un leadership dans le domaine
8 économique, dans le domaine de la culture, dans le domaine de l'éducation
9 parce que, là, elle ne suffisait pas en tant que telle. D'un point de vue
10 démographique, la Serbie n'avait pas encore pris suffisamment d'importance
11 parce que les Serbes, à l'époque, en Yougoslavie, constituaient entre 36
12 et 38 % de la population de l'époque et si l'on suppose que dans le cadre
13 d'élection d'un régime parlementaire que l'ensemble des Serbes… -ceci est
14 impossible, mais nous pouvons quand même prendre ceci comme hypothèse-
15 s'ils décidaient de voter un seul parti politique, ceci donc en créant la
16 plus grande concentration politique, alors là, au Parlement, ils
17 n'auraient obtenu au maximum que 36 % des représentants des sièges
18 représentés au Parlement. De toute façon, ils n'auraient pas pu obtenir la
19 majorité.
20 Comme la conception de l'Etat yougoslave reposait sur
21 l'idéologie "grand Serbe", alors, elle ne pouvait pas à l'époque accepter
22 et appliquer un régime parlementaire.
23 M. Nobilo (interprétation). – Oui. Professeur, comment est-ce
24 que le roi Alexandre s'efforce de sauver cette Yougoslavie ? Quelles
25 étaient ses propositions ?
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1 M. Bilandzic (interprétation). – Le roi Alexandre, lui
2 effectivement, disposait d'un conseil de la couronne pour le conseiller.
3 Le roi Alexandre disposait de deux variantes pour résoudre la crise
4 yougoslave :
5 -la première variante était celle de recomposer la Yougoslavie
6 ou, à la limite, d'abandonner même le concept de Yougoslavie. Et on a
7 soulevé alors le problème si effectivement il fallait donc la
8 restructurer, la recomposer, parce qu'on ne pouvait plus l'accepter telle
9 qu'elle était. Que faire alors ? Il avait l'idée d'opérer une amputation
10 territoriale, c'est-à-dire de laisser tomber… de mettre de côté la
11 Slovénie et d'enlever des portions de territoires de la Croatie.
12 Sur la carte, nous pouvons voir que la ligne de séparation
13 territoriale allait de la manière… d'une telle manière que presque toute
14 la Dalmatie aurait été rattachée à la Serbie. A la Serbie, on aurait
15 rattaché également l'intégralité de la Bosnie-Herzégovine, on aurait
16 également rattaché une grande partie de la Slavonie et de la Baranja.
17 Ainsi, le royaume de Serbie se serait agrandi et l'on aurait ainsi réalisé
18 le vieux concept d'une grande Serbie.
19 Sur ces entrefaites, les Croates et les Slovènes, -et j'ajoute
20 également les Serbes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, en tous cas les
21 responsables politiques- se sont opposés à cette amputation territoriale
22 de la Croatie et également les grandes puissances du système de Versailles
23 se sont opposées à ce plan politique, à ce projet de partage politique.
24 Ils ont suggéré au roi de ne pas procéder à cette amputation territoriale,
25 à ce redécoupage.
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1 Dans l'ordre de Versailles, l'on avait attribué à la
2 Yougoslavie, -c'est même une des raisons les plus essentielles d'ailleurs
3 de la constitution de Yougoslavie en 1918- la Yougoslavie devait mener à
4 bien deux fonctions dans cet ordre. Il fallait qu'elle serve comme pays
5 bouclier contre une nouvelle émergence de l'impérialisme germanique, ce
6 que l'on désigne sous le nom de
7 Drang nach Osten, parce que la Yougoslavie d'un point de vue géopolitique
8 se trouvait dans une telle situation que si l'Allemagne devait s'étendre
9 vers l'est, elle devait arriver sur le territoire de la Yougoslavie.
10 La deuxième raison du rôle de la Yougoslavie en tant qu'Etat
11 était que, de concert avec un groupe d'Etats, dont les pays baltes, la
12 Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie… la Hongrie moins, mais qu'elle
13 soit membre du cordon sanitaire contre le risque, le danger du
14 bolchevisme, contre une extension de la révolution bolchevique.
15 C'est ainsi qu'un redécoupage territorial a été considéré comme
16 quelque chose de difficilement réalisable et le roi a renoncé à ce projet.
17 Il a accepté la deuxième variante, il a accepté la variante de
18 la dictature. Il a constitué un régime militaire qui avait à sa tête le
19 général Petro Jivkovic, qui était le commandant de sa garde personnelle et
20 il a estimé que le creuset, le "melting-pot" yougoslave allait réussir et
21 que l'idée yougoslave allait quand même l'emporter en fin de compte et
22 qu'il fallait, quelles que soient les circonstances, l'imposer de force et
23 de nouveau. Le roi a réparti la Yougoslavie en neuf vice-royautés, neuf
24 banvin, avec des banvin qui ne reprenaient pas les limites des vieilles
25 entités historiques. Il s'agissait ici d'unités qui revêtaient une nature
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1 strictement administrative, une répartition strictement administrative et
2 le roi estimait que quand même, l'avenir allait lui donner raison, qu'il
3 allait réussir à sauver la Yougoslavie, qu'avec l'aide de la communauté
4 internationale il allait réussir à maintenir, à conserver cet Etat sur la
5 base idéologique de la "Yougoslavité".
6 M. Nobilo (interprétation). – Oui. Professeur, comment s'est
7 achevée cette dictature ?
8 M. Bilandzic (interprétation). - Le roi Alexandre a été
9 assassiné à Marseille en octobre 1934.
10 M. Nobilo (interprétation). – De la part de qui ?
11 M. Bilandzic (interprétation). – Ce problème n'est toujours pas
12 résolu du point de vue historique. Ce sont les mouvements extrémistes
13 Oustachis croates et aussi les mouvements Macédoniens qui organisaient
14 l'attentat et également ceci sous la supervision des services de
15 renseignements allemands. On estime également que, malgré tout, c'est le
16 régime du troisième Reich allemand qui se trouvait derrière l'organisation
17 de cet attentat -régime du troisième Reich qui venait de s'emparer du
18 pouvoir en Allemagne. Ce sont donc des forces d'extrême-droite pro-
19 oustachie et des indépendantistes macédoniens qui ont mené à bien cet
20 attentat.
21 M. Nobilo (interprétation). - Après la mort du
22 roi Alexandre Amarseim, qu'a-t-on essayé de faire en Yougoslavie, dans une
23 pareille situation ? Comment a-t-on essayé de sauver la Yougoslavie dans
24 une pareille situation ?
25 M. Bilandzic (interprétation). - C'est simplement une
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1 observation en relation avec la dictature. Indépendamment du fait que le
2 roi a été assassiné, on a pu voir que la dictature ne pouvait pas se
3 maintenir très longuement parce que -et c'est là que le parti communiste a
4 élaboré une thèse erronée à mes yeux, en disant qu'il s'agissait d'une
5 dictature fasciste à la tête de laquelle se trouvait un monarque... Parler
6 d'une dictature fasciste qui aurait reposé sur des principes d'une seule
7 nation, d'un seul parti et d'un seul Führer...
8 En Yougoslavie, une pareille théorie ne pouvait pas être
9 appliquée car il s'agissait d'une communauté multinationale. Simplement,
10 elle avait perdu son souffle, sa force. Ce n'est pas seulement que les
11 Croates, les Slovènes et les Macédoniens étaient contre ce concept
12 politique, mais les partis bourgeois de Serbie étaient également contre la
13 dictature. Cette dernière est tombée de toute manière et, en 1935, on a
14 réinstauré le régime parlementaire d'un type balkanique, c'est-à-dire avec
15 beaucoup de corruption, de dessous de table, de pots de vin, etc. Mais,
16 fondamentalement, on a réorganisé une nouvelle série d'élections, en 1938.
17 Mais, fondamentalement, les élections ont permis de mettre en oeuvre un
18 mouvement anti-centraliste, de mettre en oeuvre un mouvement vers une
19 fédération.
20 C'est ainsi que, progressivement, a émergé une position
21 statique. Les forces dans l'opposition avaient, en gros, la même influence
22 que celles en faveur du régime. C'est ainsi que le nouveau leader du parti
23 paysan croate, Vlatko Matcheck (Macek) a obtenu, sur l'ensemble de la
24 Yougoslavie, 27 % des voix, en 1938.
25 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que l'on peut dire, de
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1 manière approximative, que les trois peuples dont nous parlons ici -ce
2 conflit entre les Croates, les Serbes et les Musulmans- auraient suivi
3 leurs partis nationaux également en 1937 et 1938 ? Comme cela s'est
4 produit au moment de la dissolution de la Yougoslavie ?
5 M. Bilandzic (interprétation). - Je dois dire que cette
6 polarisation sur la base nationale a été d'autant plus intensive que le
7 temps passait. Pourquoi ? Parce que la question nationale est devenue la
8 question centrale du point de vue politique et parce que les peuples non-
9 serbes étaient contre le centralisme.
10 Enfin, une bonne partie des partis non-serbes s'est polarisée
11 sur une base nationale du point de vue politique. Le régime, par
12 différentes façons, n'a réussi à obtenir que des petites fractions pro-
13 nutéristes en faveur du régime en Croatie, en Slovénie, en Bosnie-
14 Herzégovine. Mais il faut voir le fait que la majorité des peuples non-
15 serbes s'est ensuite polarisée sur un critère national.
16 M. Nobilo (interprétation). - Le régime de Belgrade essaye
17 encore une fois de sauver la Yougoslavie avant sa perte propre, et ceci
18 huit jours avant le début de la guerre en Europe -il s'agit ici de la
19 deuxième guerre mondiale. Le régime essaye de résoudre la question
20 nationale croate, dans la mesure où il propose au leader croate
21 Vlatko Matcheck (Macek) la constitution d'une banvine, d'une vice-royauté
22 de Croatie, n'est-ce pas ?
23 M. Bilandzic (interprétation). - Deux ou trois mots simplement.
24 Entre-temps, l'on assiste à l'annexion de l'Autriche de Lanchlouss et
25 également à l'annexion de la Tchécoslovaquie. Il était devenu évident que
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1 ceci étaient les signes avant-coureurs de la seconde guerre mondiale.
2 Le 1er septembre 1939, c'est l'attaque contre la Pologne de la
3 part de l'Allemagne nazie. L'ouest, la France, la Grande-Bretagne, les
4 Etats-Unis en arrière-plan ont essayé de stabiliser la Yougoslavie comme
5 pays qui va se retrouver dans la coalition contre l'hitlérisme. Et, ils
6 ont exercé des pressions sur le gouvernement de Belgrade pour résoudre le
7 problème yougoslave afin que l'on fasse des concessions importantes aux
8 Croates parce que eux -par leur importance- constituent la deuxième
9 nation, par leur importance en Yougoslavie. Et à ce moment-là que l'on
10 entame des négociations avec les responsables politiques croates,
11 Matcheck (Macek) d'un côté et les responsables politiques des partis
12 bourgeois en Serbie -il y en avait tout une série en Serbie- mais ils
13 n'ont pas réussi à conclure un accord en quoi que ce soit.
14 A ce moment-là, c'est le prince régent de Yougoslavie qui
15 intervient à ce moment-là et qui remplissait les fonctions du monarque, il
16 s'agissait du Prince Paul. Le Prince Paul a ordonné au gouvernement, en
17 tant que souverain, en tant que prince régent, il avait le droit de faire
18 cela pour que l'on conclut un accord avec les Croates. Cet accord a été
19 conclut 8 jours exactement avant le début du second conflit mondial.
20 C'est ainsi que la Croatie qui a été divisée entre deux
21 banovines, entre deux vice-royautés, celle de la Save et celle du
22 littoral. Il y avait également des parties qui se trouvaient dans la
23 banovine de Vorbaska en Bosnie. La Croatie était réunifiée mais c'est à ce
24 moment-là qu'apparaît le problème de la Bosnie-Herzégovine, il y a eu un
25 conflit qui est apparu au moment de la constitution de la vice-royauté de
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1 Croatie.
2 Comment allait-on traiter la répartition territoriale en
3 Bosnie ? Finalement, on a opté pour un découpage de la Bosnie-Herzégovine
4 à ce moment-là et on a décidé qu'entre Belgrade et Zagreb -donc autrement
5 dit, entre la Serbie et la Croatie- que l'on procède à un partage, un
6 découpage de la Bosnie-Herzégovine.
7 A la suite de cet accord avec les Croates au terme duquel la
8 Croatie a obtenu, pour parler en termes de ce... Pour parler donc au terme
9 de l'affaire qui intéresse le Tribunal, la
10 Croatie a obtenu la province de Mostar à cette époque-là et quelques
11 communautés locales et quelques territoires en Bosnie septentrionale
12 autour de Brosko, de Derventa de Omasje. Cette zone a été étendue, et
13 également on a donné la région de Sid en Srijem à l'est de la Slavonie.
14 Ceci était donc le découpage territoriale que l'on a fait.
15 M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, j'aimerais vous poser
16 la question : est-ce que ceci a suffit pour sauver la Yougoslavie ? Est-ce
17 que les Croates étaient satisfaits de ces concessions ? Et au moment de
18 l'attaque allemande, est-ce qu'il y a eu une défense efficace, de qualité
19 qui a pu être réalisée ou bien dès le moment de l'attaque germano-
20 italienne, la Yougoslavie s'est dissolue, ou dissoute ?
21 M. Bilandzic (interprétation). - Si l'on tient compte du fait
22 que la Yougoslavie était déjà déstructurée de l'intérieur d'un côté, et
23 que de l'autre côté, est-ce que sa classe dirigeante sentait que ce pays
24 était faible, qu'il ne disposait pas de forces en tant que telles ?
25 C'est à cause de ces raisons-là que cet Etat avec l'aide de sa
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1 classe dirigeante a essayé, avec l'aide des Croates et des Slovènes, de
2 faire droit aux exigences de l'Allemagne, de souscrire au pacte à trois.
3 Donc, il s'agit d'un pacte qui a été signé le 27 mars 1941 dans l'espoir
4 que la Yougoslavie allait pouvoir traverser la guerre sans conflit parce
5 que Hitler ne demandait pas de la Yougoslavie qu'elle participe à ces
6 entreprises militaires.
7 Cependant, un groupe de généraux à Belgrade étaient encouragés
8 en sous-main par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis à procéder à un coup
9 d'Etat. Elle a remplacé le gouvernement et Hitler a répondu par la guerre
10 en détruisant la Yougoslavie. Compte tenu de ces entités territoriales, ce
11 processus de destruction et de nouveaux partages territoriaux ont été
12 assez faciles à réaliser et Hitler a récompensé les Croates. Il a créé un
13 Etat satellite profasciste qui a donc introduit des lois aériennes avec
14 l'objectif qu'un jour ou l'autre ce soit ou que cela devienne un Etat pur.
15 Pour ce qui concerne la Croatie, il y a Srem qui également a été
16 annexée à la
17 Croatie, toute la Bosnie-Herzégovine et du point de vue structure ethnique
18 de l'Etat croate indépendant, était tel que c'était un Etat qui ne pouvait
19 pas se maintenir. Pourquoi ? Parce que 6 millions d'habitants ou 6 500 000
20 d'habitants, 50 % c'étaient les Serbes et les Musulmans, peut-être pas
21 tout à fait 50 %, il y avait les Croates qui étaient de l'ordre de
22 3 300 000 alors que les deux autres peuples représentaient 3 millions.
23 Donc, aucun Etat où une tension nationale et aussi puissante ne
24 pouvait pas se maintenir avec un telle structure nationale. Indépendamment
25 de tout ceci, dans une perspective lointaine, les Croates auraient été
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1 punis car ils avaient ce sort des Slaves qu'ils avaient à subir et un jour
2 ou l'autre ils se seraient confondus avec d'autres peuples slaves sous
3 l'hégémonie allemande, car il a été parfaitement connu que Hitler avait un
4 projet de "1000" ans de règne et, bien évidemment, les Croates auraient dû
5 être confondus dans d'autres peuples slaves. Il y avait une province qui a
6 été partie intégrante du troisième Reich, une deuxième partie du
7 territoire Croate est partie sous l'Italie, une autre la Hongrie, la
8 Serbie a été occupée, la Macédoine a été annexée à la Bulgarie, le Kosovo
9 à l'Albanie et Monténégro aurait dû être un Etat satellite de l'Albanie,
10 tout comme les deux dont j'ai parlé précédemment, Rome et Berlin.
11 M. Nobilo (interprétation). - Vous voulez dire que c'est les
12 meilleures parties de la Croatie qui étaient annexées.
13 Monsieur le Professeur, vous serez d'accord avec moi et vous
14 nous avez donc expliqué qu'en ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, en ce
15 qui concerne la Croatie, c'était un Etat qui se ligue, l'Etat croate
16 indépendant qui a été créé. Pourriez-vous me dire, s'il vous plaît,
17 Monsieur le Professeur, comment en Bosnie et en Croatie le peuple qui n'a
18 pas accepté un tel Etat, comment ont-ils réagi ?
19 M. Bilandzic (interprétation). – Maître, je m'excuse, mais c'est
20 une question qui demande une réponse beaucoup plus complexe. Je vais m'y
21 référer, je vais retourner à ce point-là. Je dois dire que pratiquement
22 100 % sont partis, ont rejoint les partisans, les membres de
23 Dalmatie sont partis… aux partisans…
24 M. Nobilo (interprétation). – Mais la Dalmatie fait partie de la
25 Croatie ?
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1 M. Bilandzic (interprétation). – Oui, mais c'est une question
2 fort complexe, étant donné que la Yougoslavie s'est effondrée, elle a été
3 coupée, découpée, je l'ai expliqué. L'Histoire a pris un autre cours : à
4 l'intérieur de la Yougoslavie, il y avait la monarchie, les partis serbes,
5 les partis croates et tout d'abord le parti paysan des Croates ont créé
6 une autre situation, un autre cadre et la question qui s'est posée :
7 comment agir, comment faire pendant l'occupation ? C'est une première
8 question qui s'est posée.
9 Deuxièmement, toutes les forces politiques ont également posé
10 une autre question, une question qui est beaucoup plus importante, comment
11 la deuxième guerre allait-elle se terminer et comment se préparer pour la
12 fin de la deuxième guerre mondiale ? En d'autres termes, comment se
13 préparer pour que la Yougoslavie, une fois la deuxième guerre terminée
14 puisse être renouvelée ?
15 En d'autres termes, les grandes puissances qui étaient anti-
16 coalition avaient donc l'idée que la Pologne, la Tchécoslovaquie, la
17 Yougoslavie, etc. devaient être renouvelées. Et dans ce sens-là, la
18 Yougoslavie, bien évidemment, ne pouvait que s'attendre à un
19 renouvellement, indépendamment de ce que sera le résultat de la deuxième
20 guerre mondiale.
21 Par conséquent, pour comprendre la situation ici, pour nous, il
22 est fort important de penser à deux projets de la future Yougoslavie, car
23 il y a la chute de la Wehrmacht bien évidemment qui a donné lieu à cette
24 idée de renouveler la Yougoslavie et de voir comment on allait
25 s'organiser, il y avait les deux projets :
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1 -un projet de la "grande Serbie"
2 -l'autre projet communiste, au moment où bien évidemment le
3 parti communiste de Yougoslavie a été fondé et ce parti a été celui qui a
4 poussé à l'insurrection en Yougoslavie en 1941. Elle avait 80 000
5 combattants, en 1942, 180 000 combattants et en 1943, 300 000
6 combattants.
7 Par conséquent, avec le front de l'Orient, avec l'armée rouge
8 jusqu'au débarquement, c'était le seul front qui était le front vis-à-vis
9 de l'Allemagne et les zones rouges également. Par conséquent, il y avait
10 un autre projet que les Croates ont détruit la Yougoslavie, que par
11 conséquent, ils devraient être punis. Il y avait cette idée également.
12 Et deuxièmement, la Serbie doit absolument corriger une erreur
13 catastrophique comme les auteurs du projet le disaient ; la Serbie qui
14 avait omis de démarquer les frontières occidentales de la Serbie
15 profitaient de la deuxième guerre mondiale de déterminer les frontières
16 occidentales de la Serbie, car si ceci ne pouvait pas se faire, dans ce
17 cas-là, une fois de plus, on allait créer une Yougoslavie qui n'aurait pas
18 de physionomie, etc.
19 Après la capitulation de la Yougoslavie, il y a le mouvement
20 national "grand serbe" qui a été créé, il a été également planifié en tant
21 que mouvement pour pouvoir lutter contre les occupants, c'était un
22 mouvement des libérations nationales. Mais après la guerre, ce mouvement
23 avait pour objectif de créer la grande Serbie. Vous voyez sur cette carte,
24 c'est bien visible : la Croatie est pratiquement inexistante, la Slovénie
25 a Trieste, Rijeka également, et une partie du littoral croate, on la
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1 récompense.
2 Pour ce qu'est la Serbie, elle a la Voïvodine, le Monténégro, la
3 Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, la Dalmatie et comme un pays allié
4 compte également avoir ce petit triangle couleur rouge de la Hongrie, une
5 petite part également de la Bulgarie, etc. donc, c'était l'ancien projet
6 de la grande Serbie, la Yougoslavie aurait existé du point de vue formel.
7 M. Nobilo (interprétation). – Vous avez dit que le mouvement
8 "panserbe" a été le mouvement de libération national, pourrait-on les
9 appeler chetnik ou pan ? Qu'est-ce que ce mouvement est devenu par la
10 suite ?
11 M. Bilandzic (interprétation). - Au début, c'était une armée de
12 Chetniks. Ultérieurement, pour pourvoir obtenir la légitimité au moment où
13 ils se sont développés, leur
14 Président Draza Mihajlovic a été reçu à Londres, il a été promu au grade
15 du général, il était colonel et le gouvernement royal dont le siège était
16 à Londres avait démontré aux alliés que Draza Mihaïlovic, avec son
17 mouvement, luttait tout simplement contre les occupants, contre Hitler,
18 les Allemands, les Bulgares. C'était Robin Wood des montagnes
19 balkaniques ; il y a eu tout un mythe qui a été créé en 1941, 1942 et 1943
20 sur Draza Mihaïlovic comme un combattant de premier rang contre le
21 facisme.
22 Mais qu'est-ce qui s'est passé en effet ? Il y a la guerre, la
23 guerre qui s'est déclarée entre l'armée de Tito d'un côté et l'armée de
24 Mihaïlovic, Chetniks, l'armée qui s'appelait l'armée yougoslave. Il y
25 avait à peu près 100 000 combattants qui faisaient partie de cette armée.
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1 Les communistes yougoslaves sont partis du fait que le royaume
2 de Yougoslavie ne devrait pas être à renouveler, c'est un premier but des
3 communistes. C'est la raison pour laquelle, dès 1941 et lors de la
4 première insurrection, ils ont créé une armée militaire sur le principe
5 fédéraliste.
6 En d'autres termes, chaque République aura ses autorités
7 centrales au niveau central et, dès 1941, chaque République a ses armées
8 nationales au niveau des Républiques.
9 En d'autres termes, si jamais les communistes allaient emporter
10 la victoire, la Serbie, dans ce cas-là, devait retourner dans ses propres
11 frontières, dans les frontières qui dataient à peu près d'avant 1914.
12 Il y a une question qui se posait également : comment les
13 communistes pouvaient-ils renouveler un pays qui a été détruit à
14 l'intérieur, démantelé, rongé ? Comment les communistes pouvaient-ils
15 aboutir à réunir tous ces peuples. Mais je me dois de vous dire que les
16 communistes étaient très habiles et ils sont parvenus à une synthèse
17 yougoslave, en quelque sorte. Cette synthèse, en effet, avait pour but que
18 chaque peuple en Yougoslavie puisse bénéficier du maximum possible, tout
19 en maintenant la Yougoslavie, en d'autres termes : "Vous, les Serbes, on
20 vous garantit que vous allez habiter dans un seul et même Etat.", ce qui,
21 pour les
22 Serbes, était une condition sine qua non, "En ce qui concerne les Croates,
23 nous vous accordons l'Etat. Ce ne sera un Etat indépendant, mais ce sera
24 une République Etat dans le cadre de la Yougoslavie.". Ceci est vrai pour
25 les Slovènes, pour les Macédoniens, pour les Monténégrins et pour les
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1 peuples, je le souligne, de Bosnie-Herzégovine.
2 En d'autres termes, depuis la première insurrection, même avant
3 l'insurrection, il y a donc les structures politiques et militaires qui se
4 font sur le principe de fédéralisme.
5 Par conséquent, la question qui se pose maintenant…, et je me
6 dois de vous dire que, l'armée des partisans, personnellement, en 1942,
7 j'ai été commandant. Je commandais 200 jeunes et, moi, j'avais 20 ans.
8 Nous tous, nous avions entre 18 et 25 ans. Les jeunes gens, les jeunes
9 filles, il n'y avait pas de générations âgées. C'étaient des gens entre 18
10 et 25 ans.
11 Par conséquent, les communistes ont véritablement réussi quelque
12 chose qui n'a jamais été vu auparavant ; c'était un Croate indépendant par
13 différence à Chetnik, à tout le reste, qui fondait leur avenir sur les
14 mythes et la mythologie, sur l'histoire et sur la haine à l'égard d'autres
15 peuples. Les communistes apprenaient aux partisans qu'il n'y avait pas
16 d'histoire avant et que, cette histoire, ce n'est qu'une illusion, qu'un
17 enfer, qu'un état de barbarie capitaliste et que c'était la raison pour
18 laquelle il a été indispensable de sortir du vocabulaire politique tout ce
19 qui était national et ce qui semblait être national.
20 Deuxièmement, au lieu de parler de la haine dans les peuples,
21 les communistes apprenaient aux partisans que nous sommes tous des frères
22 de classe, par conséquent que, non seulement, nous ne devons pas haïr
23 l'autre qui appartient à l'autre peuple, mais ils ont préconisé l'égalité
24 et la fraternité entre les peuples. C'était une utopie communiste et c'est
25 elle qui avait régné parmi la majorité de cette jeune génération qui était
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1 fanatique. Elle s'est fanatisée sur ce plan-là.
2 Ensuite, il y a une deuxième question qui a été soulevée :
3 comment les peuples ont-ils réagi à cette synthèse politique ? Là, il y a
4 des différences, bien évidemment, qui sont très nettes et très grandes,
5 aussi bien au sujet de la participation des peuples dans la guerre anti-
6 fascite qui, en 1943, avait 300 000 partisans dans ses rangs.
7 Tout d'abord, la Serbie a eu un rôle de guide au niveau de
8 l'insurrection. C'est elle qui avait organisé l'insurrection en 1941, la
9 première. Le Monténégro a suivi la Serbie tout de suite. Au bout de
10 deux mois, trois mois, les insurrections en Serbie et au Monténégro ont
11 été étouffées.
12 De l'autre côté, les peuples non serbes ont rejoint les rangs
13 des partisans, sachant et se disant que cela ne serait pas le royaume de
14 Yougoslavie, mais que ce serait la fédération, et c'est la raison pour
15 laquelle les Croates ou bien les Croates et les Serbes de Croatie car les
16 Serbes en Croatie avaient pris une part très active dans la guerre de
17 libération nationale. Ils ont été persécutés par le système fasciste et
18 l'appui principal du régime des Oustachis avait à lutter contre 50 % de
19 ceux qui étaient dans les partisans.
20 Par conséquent, vous aviez en Croatie la situation qui était la
21 suivante : vous aviez des Oustachis d'un côté (50 %) et 50 % ceux qui
22 étaient les partisans.
23 La Bosnie, c'était un peu pareil : ils étaient pro-partisans,
24 car les Serbes, en dehors de la Serbie, appuyaient fermement le mouvement
25 de Tito. C'est la raison pour laquelle ce n'est qu'à la fin de la guerre
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1 que les entités ont commencé à se créer au niveau de la Bosnie-
2 Herzégovine. C'est la raison pour laquelle je peux dire, en toute
3 honnêteté, que les communistes sont sortis de la guerre avec 800.000
4 combattants dans les opérations finales -donc en 44 et 45-, qu'ils avaient
5 le pouvoir total, ils avaient une armée qui reposait sur le parti, la
6 police... Au niveau politique, c'est pareil. Le parti communiste
7 travaillait en illégalité mais, de toute façon, il était un appui
8 principal de la guerre de libération nationale.
9 Donc, je dois dire que, pour l'idéologie nationale serbe, la
10 deuxième guerre mondiale s'est terminée de manière catastrophique. Ils ont
11 été perdants sur le plan du territoire, Draza Mihajlovic a été également
12 détruit et, malheureusement, son mouvement a été liquidé, la
13 monarchie a également été supprimée après la guerre. Par conséquent, la
14 Serbie a été ramenée dans le cadre qu'elle avait avant les guerres
15 balkaniques, car le Monténégro et la Macédoine sont devenus des
16 républiques. Il n'y avait que les communistes... pardon, les communistes
17 ont cédé au niveau du Kosovo. Ils ont promis l'auto-détermination en se
18 référant à des thèses de Lénine. Cette décision a été retirée, donc le
19 Kosovo est devenu partie intégrante de la Serbie, la Voïvodine également.
20 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le professeur, il s'agit
21 donc d'une guerre anti-fasciste mais, de l'autre côté, il y avait aussi la
22 guerre civile. Comment les Musulmans ont-ils réagi pendant cette deuxième
23 guerre mondiale, étant donné que nous parlons ici de la Bosnie-
24 Herzégovine, de ce qui s'est passé en Bosnie-Herégovine ?
25 M. Bilandzic (interprétation). - Monsieur le Président,
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1 Messieurs les Juges, il n'y a pas, bien évidemment, de réponse définitive.
2 Mais, personnellement, je maintiens mon idée que la Yougoslavie a connu
3 les quatre guerres.
4 D'abord, il y avait la lutte de libération nationale contre les
5 occupants, ce sont les partisans qui étaient les premiers.
6 Deuxièmement, il y avait la guerre entre les différents peuples
7 de Yougoslavie, donc la guerre entre les Serbes et les Croates ou bien, si
8 vous voulez, pour être plus précis, entre les Chetniks d'un côté et tous
9 les autres peuples qui n'étaient pas serbes.
10 Troisièmement, à l'intérieur de chaque nation, il avait une
11 guerre civile : il y avait les partisans croates contre les oustachis, les
12 Serbes partisans contre les Serbes Chetniks. Les Slovènes et les partisans
13 Slovènes menaient la guerre contre les unités militaires qui luttaient
14 pour le renouvellement du royaume de Yougoslavie. Il y avait donc quatre
15 guerres qui se déroulaient sur le sol de Yougoslavie pendant la deuxième
16 guerre mondiale, mais ce sont les communistes qui l'ont emporté.
17 Je me dois de vous dire, bien évidemment, que Staline avait aidé
18 Tito. En 44 -c'était
19 en août, fin août/début septembre-, il a mis à sa disposition neuf
20 divisions de l'armée rouge, un corps motorisé, quatre avions... C'est Tito
21 qui avait accepté que la deuxième armée bulgare rentre en Serbie et, bien
22 évidemment, tout cet espace a pu être libéré.
23 M. Nobilo (interprétation). - Mais est-ce que nous pouvons
24 revenir à cette questions des Musulmans...
25 M. Bilandzic (interprétation). - Il y a, bien évidemment, la
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1 défaite de cette idéologie de la grande Serbie, mais la défaite également
2 de la grande Croatie. Les partisans étaient partagés en trois fractions.
3 Il y avait une fraction "pro-partisans", ils avaient des brigades
4 musulmanes. Il y a même eu une brigade tchèque, une brigade hongroise, une
5 brigade musulmane, allemande (quelques-unes étaient allemandes, elles
6 s'appellaient Telmann), une unité tchèque (Janjiska)... Tout ceci pour
7 vous dire que les communistes ont profité de cette tension nationale pour
8 se renforcer à l'intérieur de leurs corps. Mais les communistes étaient,
9 en quelque sorte -c'est encore une fois, si vous voulez, un fait de
10 l'histoire... Ils étaient cosmopolites. Par conséquent, ils pouvaient très
11 facilement résoudre un certain nombre de questions.
12 Ensuite, il y avait une deuxième fraction, une fraction
13 musulmane qui était pratiquement du côté de l'Etat indépendant croate. La
14 troisième fraction, notamment parmi les intellectuels, a demandé à
15 plusieurs reprises à Hitler que la Bosnie-Herzégovine devienne un Etat
16 indépendant autonome, sous la main de l'Allemagne de Hitler.
17 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le professeur, je ne sais
18 pas si j'ai bien compris, mais, du point de vue politique, les Musulmans
19 étaient répartis entre les trois fractions. Il y avait des anti-fascistes,
20 des oustachis et la troisième fraction était une fraction autonomiste
21 musulmane. Mais du point de vue militaire, ils appartenaient soit aux
22 partisans, soit aux oustachis, n'est-ce pas ?
23 M. Bilandzic (interprétation). - Oui.
24 M. Nobilo (interprétation). - Nous n'allons pas abuser du temps
25 de tous ceux qui
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1 nous écoutent. Nous arrivons maintenant à la Yougoslavie de Tito, la
2 Yougoslavie socialiste. Auriez-vous l'amabilité de me dire quelles sont
3 les idées sur lesquelles cette Yougoslavie se fonde, comment Tito a essayé
4 de résoudre cette question nationale ? Vous nous avez dit comment il s'y
5 était pris pendant la guerre, mais comment a-t-il résolu la question
6 nationale ? Quelles étaient les expériences auxquelles il s'est adonné ?
7 M. Bilandzic (interprétation). - La politique de Tito, ou pour
8 être plus précis la politique du parti communiste de Yougoslavie a vécu un
9 drame propre, à savoir que cette politique était obsédée par le
10 triomphalisme de la victoire et sur cette base, elle estimait qu'une
11 nouvelle ère de civilisation avait débuté, que cette nouvelle ère de
12 civilisation était menée par l'Union Soviétique, que l'occident était
13 décadent, qu'il allait disparaître un jour en tant que régime, en tant que
14 système, en tant qu'entité.
15 La Yougoslavie copiait donc consciencieusement tout ce que
16 Staline a créé sur le plan institutionnel, c'est-à-dire que la Yougoslavie
17 a interdit le système multipartite. La Yougoslavie a supprimé la propriété
18 privée, elle l'a remplacée par la propriété étatique, sociale. La
19 Yougoslavie s'est lancée dans l'industrie lourde et dans
20 l'électrification, elle a procédé à un changement très rapide des
21 structures sociales et s'est mise à suivre aveuglément la politique de
22 l'Union Soviétique.
23 A la tête du parti communiste, il y en avait même qui pensaient
24 que la Yougoslavie, un jour, ferait partie de l'Union Soviétique en tant
25 que l'une des Républiques soviétiques. C'est ce que l'on trouve dans la
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1 pensée de Kardelj qui depuis le début, depuis 1937 et jusqu'à sa mort
2 était à côté de Tito et a toujours été le deuxième homme de Yougoslavie.
3 Il pensait ainsi.
4 En ce qui concerne la question nationale il existait une vision
5 utopique selon laquelle les nations allaient disparaître au fur et à
6 mesure de la montée du socialisme, c'est-à-dire qu'il y aurait une espèce
7 d'affadisme de la notion de nation au fur et à mesure que celle du
8 socialisme grandissait.
9 En ce qui concerne les guerres internes au peuple de Yougoslavie
10 au sein de la deuxième guerre mondiale, eu égard à la méfiance qui s'est
11 créée pendant ces années, il a été interdit d'exprimer une symbolique
12 nationale, de chanter des chants nationaux et une attention très stricte
13 était consacrée à l'objectif consistant à empêcher tout citoyen, tout
14 habitant dans le cadre de la législation d'insister sur une différence
15 nationale. Ce genre de chose était punie gravement.
16 Ce système a existé jusqu'à l'affrontement avec Staline en 1948,
17 date de l'affrontement avec Staline et du fameux nom bien connu dans
18 L'Histoire que Tito a adressé à Staline. A ce moment-là, la lutte contre
19 le stalinisme et contre Staline a permis de renforcer le système de Tito.
20 Pourquoi ? Parce que les forces sociales engagées dans la deuxième guerre
21 mondiale espéraient que Tito n'allait pas supporter son rapport avec
22 Staline, les forces bourgeoises notamment, et que finalement il allait se
23 séparer de Staline et passer à l'ouest.
24 Avec le temps, la conscience idéologique des communistes s'est
25 modifiée de telle façon que ceux qui jusqu'au conflit avec Staline
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1 disaient que l'Union Soviétique était le centre de la création d'une
2 nouvelle civilisation on dit en 1950, lors du congrès du parti communiste,
3 que c'était le système le plus obscurantiste de toute L'Histoire, donc une
4 opposition totale.
5 A partir de ce moment-là commence une nouvelle idéologie,
6 l'idéologie de l'autogestion et de l'autogestionnaire selon laquelle le
7 rapport avec le mécanisme du marché est modifié, c'est-à-dire qu'il est
8 convenu que le système du marché doit être rénové. Une autonomie plus
9 grande est accordée aux entreprises, la planification de type soviétique
10 est réduite, le pouvoir fédéral est réduit de façon tout à fait
11 draconienne avec suppression de plus de 100 000 fonctionnaires et un
12 accroissement de la puissance accordée aux Républiques.
13 Donc, dans le cadre de cet anti-stalinisme, on voit également
14 naître une tendance favorable au passage à un système multipartite.
15 Miloran Djilas, c'était à l'époque un dirigeant très important du parti
16 communiste yougoslave qui avait de très bons rapports avec Bevan du
17 parti travailliste britannique, et c'est à ce moment-là que la Yougoslavie
18 se tourne peu à peu vers l'Occident, que l'Occident aide la Yougoslavie à
19 se défendre contre l'agression soviétique et que peu à peu se créer une
20 idéologie qui pousse la Yougoslavie vers le modèle occidental, vers le
21 modèle européen. Djilas, et d'ailleurs pas seulement Djilas mais un grand
22 nombre de dirigeants, était l'un des précurseurs de l'opposition. Depuis
23 1937 par exemple, 35 % des Slovènes étaient favorables à Djilas, à savoir
24 que la plupart des gens qui avaient une certaine intelligence ont adopté
25 ses idées, mais Kardelj et les autres hauts responsables du parti, les
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1 autres défenseurs de Tito pensaient autrement. Moi, personnellement,
2 j'étais en 1953 aux côtés de Djilas, lorsqu'il a lancé sa plate-forme
3 favorable à la création d'un système multipartite. Mais lorsque j'ai
4 poursuivi mon analyse plus loin, je me suis rendu compte que Tito avait
5 raison. Tito a liquidé Djilas politiquement et, lors d'une séance du parti
6 communiste yougoslave, il a émis une thèse tout à fait fondamentale : si
7 la Yougoslavie se démocratise dans le sens de la création d'un système
8 multipartite, la guerre civile est inévitable en Yougoslavie.
9 Bien sûr, en disant cela, il n'a pas dit qu'une guerre civile
10 opposerait des communistes à d'autres communistes, mais il estimait que
11 les forces anticommunistes de la deuxième guerre mondiale, les forces
12 croates qui avaient soutenu l'Etat indépendant croate, les forces Chetniks
13 de Draza Mihajlovic, les forces croates pro-oustachis, les forces
14 bourgeoises allaient se lancer dans une tentative de destruction du régime
15 et que cela finirait par aboutir sur une guerre civile. Donc il était
16 impossible d'accepter d'aller vers le système européen.
17 Bien sûr, le seul remplacement, substitut à ce système était
18 l'autogestion qui était une espèce de mot miracle sans grand sens autre
19 que la dictature du parti. C'est-à-dire qu'il y avait toujours existence
20 de la dictature du parti sans changement à l'intérieur de ce parti.
21 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que Tito dans les
22 années 50 déjà s'était rendu compte que toute démocratisation de la
23 Yougoslavie ne pouvait éviter de conduire à sa désintégration et à son
24 écroulement. Vous avez également dit qu'en analysant les choses de
25 façon plus approfondie, vous vous en êtes rendu compte également. Est-ce
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1 que cela a un lien quelconque avec les événements qui ont eu lieu en 1965
2 et se sont terminés avec le printemps croate en 1971, date à laquelle une
3 libéralisation, une décentralisation du système était recherchée. Est-ce
4 que c'était également des tendances qui risquaient d'aboutir à la
5 désintégration de la Yougoslavie ?
6 M. Bilandzic (interprétation). - Au début des conflits survenus
7 au sein du parti communiste yougoslave, il y avait des raisons de
8 s'inquiéter. Le 13 mai... le 13 et le 14 mars 1962, Tito a convoqué une
9 sorte de sommet du parti communiste qui a duré trois jours et auquel ne
10 participaient que des dirigeants de très haut rang ; à peu près
11 70 personnes.
12 Sa déclaration liminaire a été la suivante : "J'ai décidé, après
13 réflexion, qu'il existait une menace de désintégration de la Yougoslavie.
14 Eh bien dites-moi, dans ces conditions, pourquoi nous avons fait la guerre
15 pendant quatre ans puisqu'aujourd'hui notre pays commence à se
16 désintégrer ?"
17 Ces propos ont été tenus dix-huit ans avant sa mort et vingt-
18 huit ou vingt-sept ans avant la désintégration effective de la
19 Yougoslavie. Qu'est-ce qui a amené Tito à jouer ce rôle de magicien en
20 prévoyant la désintégration de la Yougoslavie ? Il y a
21 deux interprétations possibles.
22 D'abord, qu'il a voulu faire peur aux dirigeants en leur donnant
23 l'ordre d'être obéissants, en leur disant : "Si vous n'obéissez pas, vous
24 perdrez le pouvoir".
25 Et la deuxième interprétation possible c'est qu'effectivement la
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1 désintégration du parti communiste yougoslave avait commencé.
2 Les plus hauts dirigeants de la Serbie lors... un des plus hauts
3 dirigeants de la Serbie lors de cette réunion a dit -et c'est important de
4 le remarquer-, il s'agit de M. Josic : "j'ai lu les informations de la
5 police secrète au sujet des propos échangés entre les intellectuels et les
6 cadres de notre système". J'ai comparé cette analyse avec l'analyse de la
7 police secrète de 1945.
8 Or, en modifiant simplement un petit peu les mots utilisés, on
9 en arrive au même résultat, à savoir que c'est de l'intérieur que commence
10 une ébullition, c'est de l'intérieur que les communistes adoptent de plus
11 en plus des positions nationales et les républiques, puisqu'il s'agit
12 d'Etats selon la constitution et selon la législation, les Républiques
13 avaient le statut d'Etat. Les Républiques faisaient tout ce qu'elles
14 pouvaient pour verser le moins possible d'argent à la fédération à
15 Belgrade et retirer le maximum d'argent de leur caisse commune et c'est
16 ainsi que l'Etat yougoslave ne pouvait même plus se réunir au niveau
17 fédéral, faute de moyens dans les années 70.
18 Et puis, Kardej, je parle toujours de ce deuxième homme de la
19 Yougoslavie, Kardej a dit à la même époque : "Camarades, notre vision
20 quant à l'affadissement des nations est une utopie. Non seulement les
21 nations ne disparaissent pas, mais elles se renforcent, elles croissent,
22 elles se développent, parce qu'elles deviennent des nations industrielles
23 modernes et plus une nation est développée, industrielle et moderne sur le
24 plan économique, culturel, éducatif, etc, plus elle se renforce. Donc
25 notre thèse selon laquelle les nations allaient peu à peu disparaître doit
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1 être éliminée, nous devons prendre en compte la réalité."
2 Et c'est à ce moment-là qu'un projet a été proposé, projet qui
3 reposait sur deux thèses fondamentales.
4 Première thèse : nous pouvons sauver la Yougoslavie uniquement
5 en tant que confédération ou en tant que communauté d'Etats indépendants.
6 Le gouvernement fédéral et les centres fédéraux doivent exister, mais ne
7 doivent être que des tables de réunions auxquelles s'inséreront, autour du
8 tapis vert les représentants des Républiques qui discuteront pour prendre
9 des décisions communes. C'était la première thèse.
10 La deuxième thèse était la suivante : nous faisons erreur sur le
11 plan du marché et je cite littéralement les mots entendus car je les ai
12 entendus des centaines de fois. "Le système du marché est la loi qui
13 permet la survie de la société humaine". Par conséquent, -et là, je ne le
14 cite plus littéralement- "en dehors du marché, nous subirons la
15 destruction".
16 Donc, deux types de thèses qui s'affrontaient : la confédération
17 d'une part et la thèse occidentale fondée sur le marché. Mais,
18 Monsieur le Président, vous pouvez alors me poser la question de savoir
19 pourquoi nous n'avons pas avancé une troisième thèse, l'existence d'un
20 système multipartite, puisque nous avions déjà avancé ces deux thèses. Eh
21 bien, ce n'était pas possible car la crainte existait toujours de voir le
22 pays se désintégrer et de voir disparaître le parti communiste.
23 Le parti communiste était autoritaire, fort, puissant il pensait
24 que dans le cadre d'une évolution à long terme il parviendrait au succès,
25 y compris dans un système dépourvu de plusieurs partis. Donc, il
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1 s'agissait de gestion du pays dans un système dominé par un parti unique.
2 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Professeur, pour que
3 les choses soient tout à fait claires, est-ce que j'ai bien compris ce que
4 vous avez dit en disant que dans les années 50 et 60, vous-mêmes,
5 personnellement, vous aviez foi dans la Yougoslavie, vous aviez foi dans
6 le système qui régissait le pays, vous pensiez qu'il permettait de le
7 faire fonctionner.
8 M. Bilandzic (interprétation). - Ecoutez, j'étais membre de
9 deux commissions à l'époque, parce qu'après Kardelj, Rankovic était
10 président-adjoint de la République et avait, de fait, entre ses mains les
11 rênes de la police secrète des services de renseignements, etc.
12 A ce moment-là, une décision du comité central est tombée selon
13 laquelle la Yougoslavie devait entrer dans le système de marché. La
14 commission, à ce moment-là, a mis en place une commission et j'étais
15 membre de cette commission, nous étions chargés d'élaborer les modalités
16 d'une transition du système existant qui devait devenir un système
17 nouveau, un système moderne dominé par le marché. C'était notre première
18 mission.
19 Puis, il faut dire aussi que le jour où Rankovic a été mis de
20 côté, le jour de la décision du comité central, je suis devenu membre
21 d'une commission qui s'est posée la question
22 de savoir ce qu'il convenait de faire avec le comité central. Après un an
23 de réflexion, nous avons décidé qu'il convenait de retirer le parti de la
24 vie des entreprises, qu'il fallait que le parti devienne ce que l'on
25 pourrait appeler une instance pédagogique, éducative, idéologique, de
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1 propagande mais dépourvue de pouvoirs directs.
2 Et donc, sur ces deux bases, démocratisation du parti et entrée
3 dans le système du marché, devait se créer la possibilité d'exprimer des
4 sentiments nationalistes. En Croatie un mouvement pour la propreté des
5 contre mouvements nationalistes a vu le jour. En Serbie s'est également
6 répandue une tendance nationaliste et libéraliste comme en Slovénie,
7 d'ailleurs.
8 Je dois dire que pendant 6 ans en Yougoslavie, il n'y a plus eu
9 une seule arrestation pour cause de délit politique étant donné cette
10 vague démocratique qui a influé sur la politique, sur la police. Et cette
11 vague démocratique est toujours allée dans le même sens, c'est-à-dire dans
12 le sens du multipartisme.
13 M. Nobilo (interprétation). - Donc désintégration.
14 M. Bilandzic (interprétation). - Oui.
15 M. Nobilo (interprétation). - Mais, pouvez-vous nous dire alors
16 pourquoi en 1971, comme certains romantiques l'appellent au moment du
17 "printemps croate", Tito a mis un terme à cette vague démocratique ?
18 M. Bilandzic (interprétation). - Tito était un autocrate, un
19 homme politique assez singulier. C'était un autocrate particulier. Il
20 avait vécu la deuxième guerre mondiale de très près, il a vu les tueries
21 causées par la deuxième guerre mondiale. Il a vécu les sentiments des
22 différents peuples yougoslaves qu'il ressentait de façon très intense. Il
23 a donc décidé et estimé qu'en Yougoslavie un nouveau conflit était en
24 préparation. Et Kardelj a insufflé en lui une peur très importante en lui
25 disant que ce qui se passait en Yougoslavie ressemblait assez à ce qui
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1 s'était passé en 1956 en Hongrie et avec le club des PTFI et que cela
2 ressemblait également au "printemps de Prague", au printemps de
3 Tchécoslovaquie et que donc deux dangers existaient,
4 qu'il fallait tout arrêter, arrêter le mécanisme du marché, arrêter la
5 démocratisation, arrêter l'affaiblissement du parti. Rendre une partie de
6 la puissance déjà enlevée au parti communiste mais qu'il n'y avait qu'une
7 seule ligne qu'il convenait de poursuivre, c'est-à-dire la ligne de la
8 confédération dans laquelle il voyait le moyen le plus sûr de maintenir
9 l'existence de la Yougoslavie.
10 Donc, dans la ligne de cette politique, la constitution de 1974
11 a été adoptée dans laquelle un grand nombre d'éléments favorables à la
12 confédération existent et je vais en citer trois : d'abord l'égalité des
13 droits de chaque membre de la fédération, c'est-à-dire qu'un albanais et
14 d'ailleurs un albanais est devenu président de la Yougoslavie, peut
15 opposer son veto à toute décision fédérale et peut même d'ailleurs prendre
16 l'initiative d'une proposition.
17 Deuxième élément : la parité tout à fait stricte en Yougoslavie.
18 Il existait entre le Monténégro et la Serbie une très grande différence du
19 point de vue du nombre des habitants qui se comptaient de 1 à 16. Le
20 rapport de la population était de 1 à 16, mais le nombre des membres de
21 chaque nationalité au gouvernement était suivi de très près à tous les
22 niveaux : présidence, ambassadeurs, etc. C'était ce que l'on appelait la
23 clef de répartition ethnique.
24 Kardelj et d'autres se sont rendus compte qu'il fallait aller
25 dans le sens de la confédération et que plus tard, si les républiques
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1 souhaitaient mettre en place un système multipartite, elles pourraient
2 peut-être le faire, mais que dans l'immédiat, ce qui était essentiel,
3 c'était d'empêcher un conflit inter-ethnique. De ce point de vue, ces
4 hommes étaient naïfs, c'est ce que l'histoire va prouver car ils ont pensé
5 qu'il était possible d'empêcher un conflit inter-ethnique en allant dans
6 le sens de la confédération.
7 Donc, le processus de libéralisation a été interrompu et on en
8 est arrivés à une politique de la main de fer qui a duré jusqu'à la mort
9 de Tito avec règne de la bureaucratie. Mais cette politique de la main de
10 fer se menait au niveau des républiques et pas au niveau du centre
11 fédéral. Ce sont les dirigeants des républiques qui menaient à bien cette
12 politique et qui, de ce
13 fait, renforçaient la fédération.
14 M. Nobilo (interprétation). - Nous en arrivons maintenant à une
15 autre question...
16 M. le Président. – Il est 15 heures 50, nous allons peut-être
17 procéder à une pause, à moins que votre question soit très courte. Sinon
18 nous allons procéder à la pause.
19 M. Nobilo (interprétation). – Tout à fait, je pense que c'est
20 effectivement un moment tout à fait opportun car nous en sommes arrivés au
21 titre que j'ai déterminé moi-même : le début de la fin de la Yougoslavie.
22 Donc, c'est un nouveau chapitre.
23 M. le Président. – Nous allons lever la séance.
24 Je vous rappelle simplement, Monsieur le Professeur, que, dans
25 cette constitution de 1974, vous avez parlé de trois exemples ; il me
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1 semble que j'en ai noté deux. Vous aviez dit trois points et j'en ai noté
2 deux : l'égalité et la répartition ethnique dans tous les postes. J'ai
3 oublié le troisième, vous me le rappellerez tout à l'heure.
4 M. Bilandzic (interprétation). – Oui.
5 (L'audience, suspendue à 15 h 54, est reprise à 16 h 17.)
6 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.
7 Maître Nobilo.
8 M. Nobilo (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.
9 A présent, nous arrivons à quelque chose que nous pourrions
10 appeler le début de la fin de la Yougoslavie.
11 Déjà au cours de la vie de Tito, un groupe de politiciens serbes
12 ont essayé d'obtenir de lui des modifications politiques d'importance et,
13 également, pour qu'il procède à une restructuration de la fédération
14 yougoslave.
15 M. Bilandzic (interprétation). – Oui, Monsieur le Président,
16 Messieurs les Juges. Maintenant, j'aimerais juste fournir une réponse à
17 propos des modalités de fonctionnement de la fédération, en fait
18 fédération - confédération.
19 Oui, la définition constitutionnelle au terme de la constitution
20 de l'Etat yougoslave et la définition au terme de la constitution de la
21 République est formulée de telle manière que les Républiques sont des
22 Etats avec droit à la séparation. En partant de cette définition
23 constitutionnelle, il était logique que l'on émette des instructions
24 constitutionnelles qui permettaient de réaliser ce droit. Donc, il
25 s'agissait du droit de veto. Il y avait également l'initiative législative
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1 qui était réservée aux Républiques, également principe de représentation
2 au sein des organes de la confédération sur la base de la parité absolue
3 et, également, comme numéro trois, une procédure particulière qui
4 définissait la manière dont il était nécessaire d'appliquer les processus
5 d'accord entre les Républiques et les provinces socialistes autonomes au
6 sein de la fédération.
7 Une pareille décision au niveau constitutionnel a suscité des
8 résistances en Serbie. Les personnes qui avaient la responsabilité
9 politique en Serbie ont, deux ans après l'adoption de la constitution de
10 74, mis en oeuvre une initiative pour que l'on applique une révision
11 mineure de la constitution, et ceci dans deux sens, dans deux
12 orientations.
13 Les éléments qui étaient trop décentralisés au niveau des
14 Républiques, ces éléments devaient être réduits et il fallait que ces
15 éléments puissent être rétrocédés au niveau supérieur de centralisation.
16 Egalement, ces responsables voulaient que l'on réduise le degré
17 d'autonomie des provinces socialistes autonomes de Voïvodine et de Kosovo,
18 mais Tito a rejeté cette proposition, cette idée, quand il avait 85 ans,
19 et les responsables politiques ont comprit que, de toute façon, Tito était
20 déjà très âgé, qu'il était nécessaire d'attendre qu'il s'en aille.
21 Tito était détenteur d'un pouvoir considérable. Personne, à
22 cette époque-là, ne pouvait à ce moment-là freiner le processus de
23 confédéralisation aussi longtemps qu'il était en
24 vie et, après la mort de Tito,…
25 M. Nobilo (interprétation). – Effectivement, après la mort de
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1 Tito, que s'est-il passé ?
2 M. Bilandzic (interprétation). – Après la mort de Tito, commence
3 une crise économique aux effets dévastateurs : une dette de 20 milliards
4 de dollars, incapacité de la part de l'Etat yougoslave à assurer le
5 service du remboursement de la dette, interruption de l'importation des
6 matières premières fondamentales dans le domaine énergétique, notamment le
7 pétrole, et cette crise économique a obligé la classe dirigeante de
8 Yougoslavie de l'époque de trouver des solutions.
9 En 1981, a commencé une révolte au Kosovo et, par cette révolte,
10 la question nationale serbe est revenue sur le tapis. La direction
11 politique de la République de Serbie a repris ce projet de modification de
12 la constitution ; mais, comme la constitution ne pouvait être modifiée
13 sans l'accord de l'ensemble des six Républiques, y compris des provinces
14 autonomes directement concernées, a commencé un processus d'attente et de
15 tension politique entre les Républiques et les provinces autonomes qui a
16 duré pendant six ans. L'ensemble des autres Républiques et des autres
17 provinces autonomes, à l'exception de la Serbie, ont entamé une guerre de
18 position afin de défendre les modalités de la constitution telles qu'elles
19 étaient. Elles ont complètement bloqué l'initiative émanant de la Serbie
20 pour que l'on procède à des modifications de la constitution.
21 Dans l'intervalle, sur la base de la conviction massive que la
22 Yougoslavie, par la confédéralisation, était devenue un Etat anti-serbe,
23 hostile aux intérêts serbes et qu'elle ne donnait pas à la Serbie ce qui
24 lui revenait en raison de sa puissance, de son importance respective, et
25 que la Serbie en tant qu'Etat était la seule à être séparée entre trois
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1 entités, donc entre la Serbie proprement dite, la petite Serbie d'une
2 part, et les deux provinces autonomes qui avaient le statut d'unité
3 fédérale.
4 En troisième lieu, apparaît dans l'ensemble des Républiques, les
5 premiers signes d'un particularisme de tendance séparatiste en Slovénie.
6 C'est un mouvement libéral qui se développe en Croatie qui montrait
7 certains signes, mais elle demeurait passive à cette époque-là. Elle
8 continuait à rester fidèle de la manière la plus expresse aux modalités de
9 la constitution de 1974.
10 En Serbie, a commencé un mouvement populaire contre la
11 constitution avec la thèse fondamentale selon laquelle la constitution est
12 la réalisation d'une vieille idée du concept de Komintern aux termes de
13 laquelle il fallait dissoudre la Yougoslavie. Effectivement, le Komintern,
14 à la fin de la seconde guerre mondiale, avait demandé la fin de la
15 Yougoslavie et les principaux responsables d'une pareille politique
16 étaient les hommes responsables politiques croates et slovènes :
17 Bakaric-Kardelj.
18 Dans la lignée de ce mouvement politique, est apparu Milosevic
19 qui a d'ailleurs mis en pratique en déclarant, je cite : "Je ne vais plus
20 négocier avec les Républiques, relativement à des modifications apportées
21 à la constitution. Je peux éventuellement entamer les pourparlers, mais il
22 faut que, pour cela, j'entame les pourparlers en-dehors des
23 institutions.". C'est un mouvement massif qui est apparu à ce moment-là et
24 ce mouvement, avec sa propre dynamique, a obtenu l'appui de l'Académie
25 serbe des sciences et des arts, de l'église orthodoxe serbe.
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1 L'Académie serbe des sciences et arts, en 85, a composé un
2 célèbre mémorandum qui représente le concept d'une liquidation de l'Etat
3 politique de l'époque de la Yougoslavie, en mettant en oeuvre un
4 renforcement de la centralisation et c'est ainsi qu'il y a eu des
5 rassemblements qui rassemblaient des centaines de milliers de personnes,
6 aussi bien à Belgrade… Au Kosovo, il y a eu un million de personnes qui se
7 sont rendues à ce meeting et Milosevic a déclaré que, si l'on ne pouvait
8 pas trouver des solutions d'une autre façon, il faudrait alors s'emparer
9 des armes.
10 Milosevic avait ainsi quatre ou cinq atouts majeurs qui étaient
11 si puissants, si effrayants à l'égard des autres républiques, le premier
12 atout majeur était qu'il disposait de soutien
13 international aussi bien des puissances occidentales que de l'est. Non pas
14 à lui en tant que personne en particulier, mais un soutien en faveur de la
15 Yougoslavie qui a été l'Etat, la solution politique préférée aussi bien
16 des puissances occidentales que de l'est et celui qui défend la
17 Yougoslavie : "C'est moi, Milosevic, qui défend cet Etat, je disposerai
18 jusqu'au bout du soutien de l'ensemble des puissances du monde et aussi
19 bien des pays du pacte de Varsovie que des pays membres de l'Otan.".
20 Ceci était le premier atout majeur. Ensuite, deuxième atout :
21 "Je peux compter sur l'appui du parti communiste de la ligue des
22 communistes de Yougoslavie qui a créé la Yougoslavie et dans lequel
23 l'esprit de la yougoslavité n'était pas mort.".
24 En troisième lieu : "Moi, j'ai créé l'ensemble des mouvements
25 nationaux populaires pour que l'on résolve la question serbe au sein de la
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1 Yougoslavie.".
2 Point numéro 4 : "Je dispose de l'armée populaire de
3 Yougoslavie, la JNA qui avait mis ses priorités et ses valeurs propres :
4 d'une part le socialisme, d'autre part la yougoslavité de la Yougoslavie,
5 et cette armée allait certainement défendre aussi bien la Yougoslavie que
6 le socialisme.". Elle a effectivement confirmé ces valeurs.
7 Et numéro 5 : "Je dispose également des émissions des
8 institutions, de l'émission de la monnaie, donc des ressources
9 financières."
10 Avec ces arguments très forts, avec cette carte très forte dans
11 les mains, on peut effectivement procéder à une modification de la
12 fédération, et sans même entamer des combats armés parce que le rapport de
13 force était si fort que les autres républiques n'ont pas suffisamment de
14 puissance et qu'elles vont devoir de toute façon procéder à des
15 concessions.
16 C'est ainsi que Milosevic pensait qu'il allait réussir ; mais,
17 dans l'intervalle, il y a eu une révolution copernicienne -si on peut
18 employer cette expression- au sein de la communauté internationale. C'est
19 le communisme qui est tombé en 1989, la ligue des communistes s'est
20 dissoute en Yougoslavie en janvier 1990, il n'est resté que l'armée
21 populaire de Yougoslavie, la JNA et les grands mouvements d'animation
22 populaire. Et ces deux instruments continuaient donc à fonctionner, les
23 autres atouts avaient disparu.
24 Après l'arrivée de Milosevic au pouvoir, Milosevic a poursuivi.
25 Donc, là, peut-être que vous n'êtes pas au courant de cet élément là ;
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1 mais, quand en Croatie on a assisté à la victoire de nouvelles forces
2 politiques, le HDZ en Croatie et que les anciennes structures politiques
3 ont également disparu en Slovénie, à ce moment-là, a commencé une série de
4 sessions des nouveaux chefs des républiques et des provinces socialistes
5 autonomes au cours desquelles Milosevic a poursuivi sa politique
6 antérieure, où il déclarait qu'il était d'abord nécessaire que ce soient
7 les républiques qui procèdent aux réformes et au même moment il se
8 préparait également à d'autres variantes et de manière concrète à la
9 lutte.
10 Je pourrais presque ici conclure parce que je sais
11 qu'ultérieurement il va y avoir encore un autre exposé qui également doit
12 être mis en rapport avec ce que je viens de dire et je pense... ce que je
13 peux dire ici là maintenant, c'est que je ne suis pas ici pour défendre
14 les thèses de qui que ce soit parce qu'ainsi je n'aurais pas respecté ma
15 discipline, mais ce que je peux dire c'est qu'après que j'ai eu de nouveau
16 analysé l'ensemble des éléments, je suis arrivé à la conclusion que la
17 Yougoslavie, dès le début, avait été créée dans les crises, dans les
18 affres de la crise et qu'elle a éternellement vécu dans la crise et
19 qu'elle réussissait à se maintenir en grande partie grâce aux grandes
20 puissances parce que Tito en 1945 est entré sans aucune réserve au sein du
21 bloc soviétique.
22 Quand il est sorti du bloc soviétique et comme Staline n'a pas
23 entamé de guerre contre lui, à ce moment-là, il a opté pour une variante :
24 pour n'entrer ni au sein du pacte Atlantique, ni au sein du pacte de
25 Varsovie, il a opté pour la politique des non alignés et il a réussi à
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1 organiser également le premier sommet des pays non alignés en 1961 à
2 Belgrade. Il est allé dans cette orientation-là et, indépendamment du fait
3 que la Yougoslavie était un pays non aligné, elle n'a jamais réussi à
4 sortir de l'étau instauré par la guerre froide. Et, également, compte
5 tenu de cet environnement international qui poussait vers la création de
6 systèmes politiques multipartite, donc dans un pareil environnement
7 international aurait été un excellent prétexte pour une intervention
8 soviétique.
9 Donc il fallait qu'il puisse maintenir un pouvoir fort pour
10 éviter la dislocation du pays. Ceci est donc ma conviction en tant
11 qu'expert. J'espère que j'aurais été tout à fait impartial et j'espère
12 qu'essentiellement j'ai réussi donc à vous assurer la partialité. Je vous
13 remercie, Monsieur le Président, pour cet exposé.
14 M. Nobilo (interprétation). - Si j'ai bien compris ici votre
15 conclusion personnelle, en tant qu'expert et également je vous remercie
16 également pour l'analyse d'expert que vous avez réalisée et la conclusion
17 de celle-ci était que la Yougoslavie n'était pas une création naturelle et
18 qu'elle ne pouvait pas continuer à se maintenir sans un régime dictatorial
19 et non pas dans des conditions de développement de la démocratie, la
20 Yougoslavie n'aurait pas eu d'avenir.
21 M. Bilandzic (interprétation). - Là il s'agit ici d'opposition
22 entre deux conceptions sur la manière de voir la Yougoslavie. Pour la plus
23 grande partie de la classe dirigeante de Serbie, ce qu'il importait
24 c'était la règle, c'est la Yougoslavie, c'est une Yougoslavie où nous
25 aurions pu être l'élément dominant ou alors aucune Yougoslavie et l'idée
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1 dominante en Croatie et en Slovénie et ultérieurement dans la Macédoine a
2 été tout à fait opposée à une pareille conception, à une pareille manière
3 de voir soit une Yougoslavie fédérative ou confédérative ou aucune
4 Yougoslavie.
5 Donc il s'agit ici de deux approches, de deux démarches à propos
6 de la Yougoslavie et de la yougoslavité, deux approches, deux conceptions
7 qui étaient en guerre sur le plan politique et aussi de manière permanente
8 et qui aboutit à une dissolution.
9 M. Nobilo (interprétation). - Merci beaucoup
10 Monsieur le Professeur. Là, maintenant, nous allons avoir une série de
11 cartes que nous allons vous présenter grâce au projecteur et sur l'une de
12 ces cartes, donc jusqu'à demain, nous allons vous photocopier ces cartes,
13 ainsi nous pourrons les transmettre aussi bien au Tribunal qu'à l'ensemble
14 ici des membres du Tribunal. J'aimerais que, maintenant, l'un des
15 greffiers puisse prendre cette série de cartes.
16 Je présente ces cartes comme éléments de preuve, comme moyens de
17 preuve de la défense.
18 M. le Président. - Monsieur le Greffier, ces cartes sont
19 présentées par la Défense comme pièces à conviction ; vous allez les
20 numéroter. Je pense qu'il n'y a pas d'objection de la part de
21 l'accusation.
22 M. Kehoe (interprétation). - Non, pas d'objection,
23 Monsieur le Président.
24 M. le Président. - Après que Monsieur le Greffier ait attribué
25 un numéro "Défense" à chacune de ces cartes... Vous le ferez, ce n'est pas
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1 obligatoire que vous le fassiez tout de suite, Monsieur Dubuisson.
2 En cet état, Monsieur le professeur, vous allez maintenant
3 recevoir les questions du Bureau du Procureur, c'est-à-dire de Me Kehoe.
4 M. Kehoe (interprétation). - Merci. Monsieur le Président,
5 Messieurs les Juges, bonjour. Je n'ai pas encore eu le plaisir de vous
6 rencontrer. Ici, les personnes qui sont à ma droite sont M. Cayley et
7 M. Harmon, représentants du Bureau de l'accusation. Je vous remercie.
8 M. Bilandzic (interprétation). - Bonjour et merci.
9 M. Kehoe (interprétation). - J'ai éprouvé beaucoup d'intérêts
10 pour la qualité historique de votre exposé. J'aimerais vous adresser
11 quelques questions, si possible, à propos de certains aspects de votre
12 témoignage.
13 Si nous pouvions revenir au départ, à la question qui a été
14 soulevée par mon collègue, Me Nobilo, à la fin de l'exposé historique et
15 qui était en relation avec votre conclusion finale relative à la
16 possibilité d'une survie de la Yougoslavie. Vous me direz si je suis assez
17 précis de ce point de vue-là, Monsieur le professeur.
18 Votre conclusion semble être que la Yougoslavie ne pouvait
19 survivre soit en tant que dictature, soit en tant que type de
20 confédération aux structures très lâches. Est-ce que je vous ai bien
21 compris ?
22 M. Bilandzic (interprétation). - La question que vous venez de
23 poser comporte une sous-question. Il y a beaucoup d'agents et d'acteurs
24 politiques en Yougoslavie, toute la République, les deux provinces, la
25 communauté internationale, etc.
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1 Si on avait... Si Ante Markovic, le Premier ministre du
2 gouvernement fédéral, qui avait un appui des Etats-Unis... Il bénéficiait
3 d'un appui très fort du Président Bush et de Baker également, de la
4 communauté européenne... Si, lui, il avait réussi, ensemble avec lui et la
5 communauté internationale, à préserver la Yougoslavie, à ce moment-là,
6 bien évidemment, on aurait parlé différemment aujourd'hui.
7 Il y avait une idée du Premier ministre Ante Markovic de
8 transformer la Yougoslavie en un Etat pluripartiste et de maintenir le
9 régime fédéral. Si les leaders de la Serbie (Milosevic également) avaient
10 accepté une négociation très durable pour une période très longue, on
11 aurait peut-être trouvé la solution. Cette solution, probablement, aurait
12 demandé l'entrée de cet Etat en Union Européenne pour véritablement
13 parvenir à la paix.
14 M. Kehoe (interprétation). - Malgré cela, Monsieur le
15 professeur, après 1980, les premières élections libres dans l'ex-
16 Yougoslavie et l'établissement de Républiques, il y a eu une série de
17 réunions qui se sont déroulées entre les Républiques. Il y a également eu
18 des réunions avec le Président Milosevic où il y a eu une tentative très
19 forte qui a été menée à bien pour essayer de sauver la Yougoslavie. Ceci
20 est-il exact ?
21 M. Bilandzic (interprétation). - Je pense que les négociations
22 dont vous parlez, Maître, étaient beaucoup plus une approche habile et un
23 petit peu rusée qu'une véritable volonté de sauver la Yougoslavie. C'est
24 mon point de vue. Milosevic, en effet, avait tout fait pour destituer le
25 Premier ministre fédéral, M. Ante Markovic, car tout simplement il avait
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1 pensé que
2 lui allait détruire le régime pour lequel il avait opté -donc le
3 socialisme- et qu'il allait introduire le capitalisme. Alors que les
4 Croates, tout simplement, et les Slovènes ont essayé de destituer Markovic
5 parce qu'ils ne voulaient pas maintenir le Premier ministre. Il y avait eu
6 une action coordonnée entre Serbes, Croates et Slovènes pour destituer
7 Markovic, ça c'est un fait.
8 Par conséquent, en Yougoslavie actuellement, beaucoup de
9 polémiques se sont ouvertes à ce sujet-là. Etait-il possible d'éviter la
10 guerre, de maintenir, de sauver la Yougoslavie, etc ? Bien évidemment, au
11 niveau scientifique, donc en dehors de tout ce qui est social, nous
12 pouvons essayer de répéter et de voir s'il est possible ou pas de
13 maintenir... Mais dans la société, et au niveau social, c'est extrêmement
14 difficile de renouveler, comme dans un laboratoire, les mêmes tests. Il
15 est extrêmement difficile de retourner dans la situation d'avant la guerre
16 pour voir si, éventuellement, cette Yougoslavie avait la possibilité de se
17 maintenir, etc.
18 Personnellement, je pense que Milosevic avait pour objectif ou
19 la Yougoslavie socialiste ou aucune autre Yougoslavie. C'était
20 pratiquement son objectif, c'était son idéologie, sa conception, il avait
21 considéré que la Serbie, tout pratiquement, a perdu son équilibre parce
22 qu'elle n'était pas égale avec d'autres -étant donné que les autres
23 n'acceptaient pas son point de vue... Je pense que le conflit était
24 inévitable. Les acteurs, ceux qui étaient à la tête et qui, en effet, ont
25 commencé à ouvrir le processus... C'est plutôt sur le temps qu'ils
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1 jouaient. C'était plutôt rusé, comme je l'ai dit. Les forces pro-
2 yougoslaves étaient moins fortes que celles qui n'étaient pas pour, dans
3 le sens de la Yougoslavie comme fédération.
4 Par conséquent, les forces qui voulaient maintenir la
5 Yougoslavie n'étaient pas aussi fortes malheureusement... Ils ne voulaient
6 pas véritablement, d'un côté ou de l'autre.
7 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit, Monsieur le
8 Professeur, dans l'une de vos dernières réponses aux questions soulevées
9 par mon collègue, quand Milosevic décidait ce qu'il était nécessaire de
10 faire, il avait cinq atouts majeurs qu'il aurait pu utiliser. Donc ici,
11 malgré cela... Il a eu effectivement cinq atouts et l'un des cinq atouts
12 que vous avez mentionnés, c'est
13 qu'il disposait de mouvements nationalistes qui le soutenaient. Ceci est-
14 il exact ?
15 M. Bilandzic (interprétation). - Oui.
16 M. Kehoe (interprétation). - Et bien, après la tenue de ces
17 élections libres en 1990, et après ces réunions (y compris les réunions
18 qui se sont déroulées entre les six Républiques en 1991, au cours
19 desquelles on essayait de maintenir la Yougoslavie), Milosevic continuait
20 à alimenter les passions nationalistes des Serbes qui soutenaient le
21 concept d'une grande Serbie. Ceci est-il exact ?
22 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, c'est exact.
23 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que ceci se déroulait
24 également, est-ce que l'armée populaire de Yougoslavie faisait également
25 des interventions dans différentes régions comme par exemple la Krajina ?
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1 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, mais je pense que c'est un
2 exposé tout particulier qui va être avancé ici dans ce prétoire à ce
3 sujet-là. Personnellement, il ne faut pas oublier que jusqu'à la période
4 juste à la veille de la guerre, au niveau de la JNA, ceux qui étaient au
5 niveau suprême, hésitaient entre être un instrument de la Serbie ou
6 essayer de sauver, de préserver la Yougoslavie et de la manière dont ils
7 n'ont pas réussi d'ailleurs. Et je vais vous rappeler tout simplement un
8 de mes entretiens que j'ai eus personnellement avec une dizaine ou
9 quinzaine de généraux à Zagreb.
10 Je suis allé les voir, c'était une manifestation, ce n'était pas
11 véritablement des entretiens et à ce moment-là, il y avait le
12 général Koracec et moi j'ai dit : "Chers camarades, généraux, je sais que
13 vous souhaitez la Yougoslavie et je n'ai rien contre votre objectif, mais
14 surtout, faites attention parce qu'il y a une personne qui va aussi bien
15 détruire quelque chose qui vous est sain, et l'autre également qui
16 représente pour vous quelque chose de très sain. Et ce serait Milosevic."
17 Personnellement, je ne vais pas attirer l'attention trop
18 longtemps sur cette rencontre
19 que j'ai eue avec les généraux, mais vous savez probablement que les
20 généraux ont essayé de convaincre Milosevic de ne pas amputer la Slovénie.
21 Personnellement, je ne dispose pas de tous les documents mais dans
22 l'opinion publique, c'était assez répandue comme idée que la Serbie avait
23 tout simplement accepté que la Slovénie fasse sécession et que la Serbie
24 de toute façon n'allait pas entreprendre les démarches quelles qu'elles
25 soient, etc. mais de toute façon, c'est en dehors de l'Histoire. Moi, je
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1 n'ai pas de documents, moi je suis un historien et je n'aurais pas
2 véritablement le droit d'en parler en détail, car je n'ai pas de
3 documents.
4 M. le Président. - Quand vous répondez, Monsieur le Professeur,
5 s'il vous plaît, vous répondez en faisant face aux Juges, s'il vous plaît.
6 M. Bilandzic (interprétation). - Excusez-moi,
7 Monsieur le Président.
8 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Professeur, au
9 début de votre témoignage vous avez remarqué que vous fournissiez ici une
10 interprétation possible à la dissolution de la Yougoslavie. J'aimerais ici
11 vous poser des questions sur d'autres aspects ou d'autres possibilités
12 d'interprétation, également si cela est possible. Les passions qui étaient
13 alimentées au niveau nationaliste ont affecté également la Croatie avec la
14 formation, avec la constitution des Krajina en territoire croate.
15 M. Bilandzic (interprétation). - Je voudrais vous demander de
16 m'excuser, mais je n'ai pas véritablement compris la question. Pour ce qui
17 est de la Croatie, il est un fait qu'il y avait des mouvements
18 nationalistes et que ce nationalisme s'est développé sur la base de l'idée
19 de la création d'un Etat national et puis il y avait également un danger
20 de la Serbie. C'était en quelque sorte une réponse à ce qui se passait en
21 Serbie, c'est un fait. Je ne sais pas si c'est cela la question.
22 M. Kehoe (interprétation). - Pour ce qui est des Krajina,
23 Monsieur le Professeur, les Serbes qui se trouvaient dans les Krajina qui
24 sont situées sur le territoire de la République de Croatie, quand ils ont
25 rejeté la constitution qui a été votée comme constitution de la République
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1 de Croatie ?
2 M. Bilandzic (interprétation). - En ce qui concerne
3 Cazinska Krajina, elle est à 100 % musulmane. Ce ne sont pas les Serbes.
4 M. Kehoe (interprétation). - Oui, effectivement. Donc, en ce qui
5 concerne les territoires de la Krajina, on y trouve la ville de Knin s'il
6 n'y a pas d'erreur de prononciation de ma part.
7 M. Bilandzic (interprétation). - Ca c'est vrai, Knin, c'est
8 serbe.
9 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, au cours de cette
10 période, les Serbes qui se trouvaient dans la région de Knin ont essayé
11 d'établir leur propre Etat. Ceci est-il exact ?
12 M. Bilandzic (interprétation). - C'est exact.
13 M. Kehoe (interprétation). - Et vous avez écrit une contribution
14 scientifique avec d'autres auteurs qui étaient intitulée comme : Croatie,
15 entre la guerre et l'indépendance. Vous y débattiez du problème de la
16 création de cet Etat en rapport avec l'apparition du mouvement
17 nationaliste serbe. Est-ce que ceci est exact ?
18 M. Bilandzic (interprétation). - Oui.
19 M. Kehoe (interprétation). - Et ceci pour être tout à fait
20 équitable, Monsieur le Professeur, vous n'êtes pas ici le seul auteur de
21 ce document. C'était donc une production en commun avec différents
22 auteurs. Ceci est-il exact ?
23 M. Bilandzic (interprétation). - Je ne peux pas me souvenir
24 exactement de quel article vous parlez. A ce moment-là, je pourrais vous
25 dire si je suis seul ou pas.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Oui, assurément. Il s'agit ici donc
2 d'une communication qui émane de l'université de Zagreb, cela a été rédigé
3 en anglais et le document est intitulé : La Croatie entre les guerres et
4 l'indépendance.
5 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, oui, je m'en souviens.
6 C'est exact.
7 M. Kehoe (interprétation). - Vous étiez le premier auteur sur
8 une liste d'auteurs.
9 M. Bilandzic (interprétation). - C'est vrai.
10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Professeur, dans ce
11 document vous portiez la conclusion selon laquelle la formation d'un Etat
12 tel que la Krajina serbe sur le territoire de la République de Croatie
13 était une situation inacceptable pour la République de Croatie.
14 M. Bilandzic (interprétation). - C'est vrai.
15 M. Kehoe (interprétation). - Je pense que vous avez
16 effectivement déclaré dans cette communication qu'en ce qui concerne
17 l'intégrité territoriale des Républiques de Croatie telles qu'elles
18 existent, celle-ci dispose de sa légitimité historique et juridique. Pour
19 ce qui est de la répartition ethnique de ces différentes parties, cette
20 République ne fournit aucun argument pour quelque type de modifications
21 territoriales au détriment de la Croatie qu'il soit, c'est ceci que vous
22 avez écrit en 1991. Est-ce que vous continuez à penser la même chose
23 aujourd'hui ?
24 M. Bilandzic (interprétation). - Oui.
25 M. Kehoe (interprétation). - Ainsi donc ce sont des accords...
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1 Excusez-moi, allez-y...
2 M. Bilandzic (interprétation). - En effet, ce n'est pas ce que
3 je souhaite moi-même ou si j'abonde ou pas dans le sens dans lequel vous
4 avez parlé. Mais, c'est une analyse à laquelle j'ai procédé et à partir du
5 moment où cette analyse nous conduit à conclure qu'un mouvement, un parti
6 politique souhaite sortir dans le cas concret, ce sont les Serbes de Knin
7 qui veulent sortir de la Croatie, à ce moment-là objectivement, cela nous
8 mène à la guerre.
9 Je dois vous rappeler également que c'est une question de
10 l'histoire et il y a une période très longue pendant laquelle ces Serbes
11 se sont trouvés sur ce territoire. Les Serbes de Knin et puis de Krajina
12 également ont joué un rôle fort important pendant la deuxième guerre
13 mondiale et notamment ont appuyé le parti communiste pendant la deuxième
14 guerre mondiale, mais en 1919, les Serbes de Knin avaient demandé ces
15 cessions. Les Serbes de Knin au moment où il y a eu la dislocation de la
16 Yougoslavie, les Serbes de Knin, les Chetniks ont demandé de
17 s'annexer à l'Italie, donc de partir de la Croatie, c'était en 1941.
18 En 1944, il y avait une autre insurrection dont nous étions
19 témoins contre la Croatie des partisans. Par conséquent, une tendance très
20 longue selon laquelle les Serbes ne voyaient pas la survie de leur propre
21 population en dehors de la protection de Belgrade, ils étaient
22 pratiquement prêts à maintenir, préserver la Yougoslavie et comme ce
23 processus de la désintégration de la Yougoslavie était évident, ils
24 avaient compté et dès 1990 d'ailleurs, ils ont proclamé un certain nombre
25 de choses, ils ont souhaité former leurs entités territoriales et
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1 s'annexer à la Serbie. La Serbie, bien évidemment, ne pouvait pas accepter
2 une telle solution ni à cette époque-là ni plus tard.
3 M. Kehoe (interprétation). - Pour revenir un petit peu en
4 arrière, Monsieur le professeur, ici au problème des Serbes de la région
5 de Knin en Krajina, ils ont tout d'abord, en premier lieu, annoncé leur
6 unification en tant qu'entité autonome. Ceci est-il exact ?
7 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, en général c'est cela. En
8 gros.
9 M. Kehoe (interprétation). - A la suite de cela, ils ont fait
10 venir dans la région de Knin, ils ont mis en oeuvre l'établissement d'une
11 République serbe de Krajina serbe et avec tous les éléments relevant d'un
12 gouvernement, tous les éléments de souveraineté étatique.
13 M. Bilandzic (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - Cette situation particulière,
15 conformément au document que vous avez composé en 1991, constituait une
16 situation intolérable pour la République de Croatie. Ceci est-il exact ?
17 M. Bilandzic (interprétation). - C'est exact.
18 M. Kehoe (interprétation). - Et ceci pour encore nous concentrer
19 mieux sur le problème, Monsieur le professeur, vous avez débattu dans ce
20 document du problème de la participation de l'armée populaire yougoslave
21 aux événements qui avaient lieu dans la région. Ceci est-il exact ?
22 M. Bilandzic (interprétation). - Oui.
23 M. Kehoe (interprétation). - Et vous estimiez, en rédigeant ce
24 texte, que l'armée populaire yougoslave dans la région de Knin
25 n'intervenait que comme une armée en faveur des Serbes, afin d'exercer une
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1 protection pour les Serbes et participer au processus de la purification
2 ethnique qui était appliqué contre les Croates afin de les expulser de la
3 région de la Krajina. Ceci est-il exact ?
4 M. Bilandzic (interprétation). - C'est exact.
5 M. le Président. - Maître Kehoe, je vous demanderai autant que
6 possible de rester dans le cadre de votre interrogatoire principal, s'il
7 vous plaît.
8 M. Kehoe (interprétation). - Vous permettez,
9 Monsieur le Président, ici il s'agit d'une interprétation possible qui
10 était effectivement fournie par le témoin à propos de notre affaire, qui
11 intéresse aussi notre affaire. Si vous me permettez donc, j'aimerais que
12 nous puissions ici boucler la boucle.
13 M. le Président. - Les articles du professeur n'ont pas été
14 versés particulièrement comme pièces à conviction, donc on ne va pas
15 passer notre temps à faire l'exégèse d'opinions qui ont été émises par le
16 professeur dans d'autres articles. Nous restons dans le cadre des
17 questions posées dans l'interrogatoire principal, s'il vous plaît, autant
18 que possible.
19 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Donc,
20 je voulais juste que l'on aborde un peu le problème d'une autre
21 interprétation possible des événements. Vous faisiez remarquer dans votre
22 article, je cite ici : "Le problème de la purification ethnique, il est
23 nécessaire, il est opportun qu'on insiste tout d'abord en forçant les
24 Croates et les autres groupes ethniques à fuir de manière à ce que ce ne
25 soit que les Serbes qui restent. En deuxième lieu, sont installés des
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1 colons serbes dans les régions qui ont été vidées. Est-ce que vous vous
2 rappelez avoir écrit ceci ?
3 M. Bilandzic (interprétation). - Oui je m'en souviens.
4 M. Kehoe (interprétation). - Et vous concluiez que ceci, qu'un
5 pareil recours aux forces armées pour expulser les Croates hors de la
6 Krajina et la réinstallation, la repopulation de ces régions par des
7 Serbes correspondait à une opération de purification ethnique, ceci est-il
8 exact ?
9 M. Bilandzic (interprétation). - Eh bien, Monsieur le Président,
10 il faudrait d'abord qu'on se mette d'accord sur ce qu'est le nettoyage
11 ethnique. Si on impose à un groupe ethnique de se déplacer et de mettre à
12 la place un autre groupe ethnique, à ce moment-là, je pense que cela peut
13 être traité comme une purification ethnique, un nettoyage ethnique.
14 M. Kehoe (interprétation). - J'abonde dans votre sens,
15 Monsieur le Professeur. Je voulais ici simplement vous adresser quelques
16 questions. En partant de la formulation du texte que vous avez composé, je
17 suis d'accord sur le fait qu'il s'agit ici d'une purification ethnique. Je
18 voulais simplement m'adresser ici à quelqu'un qui en sait plus que moi-
19 même.
20 Oui, Monsieur le Professeur, donc vous avez commencé à parler
21 des cinq atouts, vous avez commencé à parler de l'apparition du
22 nationalisme qui s'est produit auprès des Serbes et des plans qu'avait
23 élaborés Milosevic à propos de cette recrudescence de nationalisme en
24 Serbie.
25 J'aimerais maintenant parler ici du mouvement nationaliste qui
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1 s'est développé en Croatie. Tandis qu'il y avait un mouvement nationaliste
2 en Serbie qui était alimenté par Milosevic, il y avait également un large
3 mouvement nationaliste en Croatie également. Ceci est-il exact ?
4 M. Bilandzic (interprétation). - Oui c'est vrai.
5 M. Kehoe (interprétation). - Et il y a eu des individus en
6 Croatie à cette époque-là qui voulaient reconstituer, restructurer la
7 Croatie pour la faire ressembler à quelque chose de similaire à la
8 répartition territoriale relative à la Banovina de 1939, donc de l'accord
9 politique de 1939, ceci est-il exact ?
10 M. Bilandzic (interprétation). - Je ne sais pas à quelle période
11 exactement pensez-vous, je ne suis pas sûr que je vous aie suivi de très
12 près, mais si je peux dire la chose suivante : en Croatie effectivement,
13 il y avait une idée qui s'était maintenue de poursuivre la conception de
14 Matcheck (Macek), donc la solution de la question croate et de la question
15 serbe est sur la base du découpage de la Bosnie. C'est une idée qui se
16 maintenait. Mais, de l'autre côté, il faut savoir également que, dans ces
17 moments-là, quand dans l'air il y a la guerre qui est présente, à ce
18 moment-là, les acteurs de telle guerre ont tout un éventail d'idées, de
19 conceptions qui ne sont pas réelles, qui sont irrationnelles, d'autres qui
20 sont rationnelles, il y a des ruses comme je l'ai dit tout à l'heure pour
21 tromper l'ennemi, etc.
22 Pour le moment, on ne dispose pas de textes et de documents pour
23 pouvoir s'y pencher de manière très sérieuse. Ce qui a été fait pour que
24 cela soit mis en oeuvre…
25 M. Kehoe (interprétation). - Vous permettez encore un instant
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1 Monsieur le Professeur. Donc ici, pièce à conviction de l'accusation
2 n° 16, il s'agit ici de la pièce à conviction de l'accusation 16, je ne
3 sais pas si ici la défense a un document relatif à la Banovina de 1939. Il
4 s'agit du même document, de la répartition territoriale de 1939. Il faut
5 prendre la pièce à conviction concernée, l'extrait de l'album et
6 l'utiliser.
7 Monsieur le Professeur, je me rends bien compte que ce n'est pas
8 exactement la pièce à conviction que vous avez vue avant la journée
9 d'aujourd'hui, mais je crois que vous conviendrez avec moi que c'est un
10 document qui ressemble aux autres exemplaires des plans de Banovina qu'ont
11 établis plusieurs cartographes.
12 Monsieur le Professeur, si ce document est incorrect en quoi que
13 ce soit, je n'aurai aucun problème à utiliser le document de la défense.
14 Cela ne constitue aucune différence à mes yeux.
15 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, c'est effectivement la
16 carte de Banovina de Croatie et c'est tout à fait exact, correct.
17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Professeur, avec la
18 montée du mouvement nationaliste en Croatie, certains responsables
19 politiques ont souhaité une réforme de la Croatie favorable à l'absorption
20 par la Croatie d'une grande partie de la Bosnie-Herzégovine de façon à ce
21 qu'elle ressemble à une Banovina, n'est-ce pas exact ?
22 M. Bilandzic (interprétation). - Je dirai oui et non. La
23 politique croate aussi bien lors des négociations jusqu'à la chute de
24 l'ancien régime et après, avait une attitude qui était très dure, à ce que
25 les résultats de la deuxième guerre mondiale ne devaient pas être mis en
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1 question en ce qui concerne la démarcation des frontières à l'intérieur de
2 l'ex-Yougoslavie.
3 Par conséquent, la constitution de 1974 devait se maintenir.
4 Pour la politique croate, c'était un objectif primordial. Ceci dit, il y
5 avait des négociations secrètes, on est peut-être allés un peu plus loin,
6 mais moi je suis un historien, je ne dispose pas de documents et je ne
7 peux pas en parler.
8 Par conséquent, Maître, c'est probablement que vous vous référez
9 à ce qui a été écrit. On a parlé de telles idées, il y a eu des rumeurs,
10 on a parlé également de la commission de Vance-Owen, des négociations
11 également confidentielles qui ont eu lieu avec la partie serbe, avec la
12 partie bosniaque etc. C'est un problème d'actualité politique et,
13 personnellement, en ma qualité d'historien, je ne peux pas vous dire plus.
14 Je dois disposer des documents. Je ne suis pas compétent en la matière.
15 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Professeur, l'une des
16 bases de la division de la Yougoslavie au début des années 90, était
17 incarnée par le Président Tudjman, n'est-ce pas ?
18 M. Bilandzic (interprétation). - Sur le plan formel non, car il
19 a toujours parlé de la confédération, mais tout en respectant les
20 frontières de toutes les républiques, tout au moins au début. Je ne peux
21 pas dire ce qui s'est passé par la suite, je vous ai bien précisé qu'en ce
22 qui concerne toutes les négociations et les entretiens qui ont été menés
23 dans les couloirs ou
24 confidentiellement, je ne peux pas vous dire davantage. Tout ce qui a été
25 officiel, ce qui représente un document, document du parlement, du
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1 gouvernement de Tudjman lui-même, sur la base de tout cela, vous ne pouvez
2 trouver strictement rien d'autre que la Croatie n'acceptera jamais les
3 changements, les modifications des frontières. C'était une attitude
4 officielle.
5 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien, Monsieur le Professeur,
6 j'aimerais vous montrer la première bande vidéo et je demanderai aux
7 interprètes de traduire une partie des propos tenus en anglais, en
8 français et en bosno-croate serbe. Certains des mots prononcés sont en
9 bosno-croate serbe. C'est une cassette vidéo, Monsieur le Président,
10 intitulée "Dispatches" qui a été montrée au Royaume-Uni en janvier 1994.
11 J'aimerais en montrer deux séquences au témoin. Je demanderai que l'on
12 mette en marche les écrans à cet effet.
13 "L'invasion de l'Europe : la Bosnie-Herzégovine faisait partie
14 de l'Etat croate ou bien c'était un royaume de Bosnie catholique, lié avec
15 la Croatie. L'obsession de Tudjman par rapport à la Croatie allait très
16 loin. En 1991, il a rencontré son ennemi principal, Slobodan Milosevic,
17 pour des discussions secrètes. Même si la Slovénie menaçait d'envahir la
18 Croatie, Tudjman était prêt à discuter d'un plan secret destiné à diviser
19 la Bosnie et, donc, aujourd'hui, on peut trouver des personnes qui
20 pourront révéler ces plans secrets."
21 "Non, c'était dans l'opinion publique et, jamais, véritablement
22 on a donné une information complète là-dessus. C'étaient les entretiens
23 confidentiels. Mais, dans les mass media, on aurait dit que c'étaient les
24 entretiens qui ont été menés entre la Serbie et la Croatie comme des
25 problèmes qui sont en suspens entre les deux Etats, pas plus que ça ; au
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1 contraire, il y a eu un démenti de toutes les rumeurs qui ont circulé,
2 enfin toutes les hypothèses, également, qu'il s'agissait de la Bosnie.
3 Cela a été démenti."
4 "Il y avait plusieurs cartes sur la table, je crois, et l'idée
5 exprimée ressemblait beaucoup aux idées exprimées dans la période récente
6 au sujet de la Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire qu'elle portait, soit sur
7 la division de la Bosnie-Herzégovine en dix ou quinze unités, soit
8 sur la division de la Bosnie-Herzégovine en trois Etats semi-
9 indépendants."
10 "Les Musulmans ont-ils participé à cette réunion ? Non, pas du
11 tout. Aucun représentant de Bosnie-Herzégovine n'a participé aux
12 entretiens à Karageorgevic, ni après Karageorgevic. C'étaient tout
13 simplement des entretiens bilatéraux entre les représentants serbes et les
14 représentants croates et jamais aucun représentant de Bosnie et des
15 Musulmans de Bosnie n'a assisté."
16 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Professeur, ce que vous
17 discutez sur cette séquence, c'est la réunion secrète tenue à
18 Karageorgevic les 10 et 11 mars 1991 entre le Président Milosevic de
19 Serbie et le Président Tudjman de Croatie, n'est-ce pas ?
20 M. Bilandzic (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, je
21 maintiens tout ce que j'ai dit tout à l'heure. Il s'agissait des
22 entretiens secrets, on ne sait pratiquement rien de ces entretiens.
23 Ce que j'aimerais tout simplement ajouter, c'est qu'à mon avis,
24 il s'agit ici d'un problème qui a plusieurs aspects. Un de ses aspects est
25 une tactique ; on peut l'appeler "la ruse" pour éviter un conflit direct
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1 entre les deux peuples les plus grands pour parvenir à un accord quel
2 qu'il soit. Mais, personnellement, je n'ai jamais vu les cartes du
3 découpage de la Bosnie. Je n'ai jamais eu sous les yeux de tel genre de
4 carte.
5 Ces entretiens entre les délégations, c'étaient les experts, les
6 groupes d'experts. Ces entretiens se sont transformés en un dialogue très
7 violent et très animé, et le seul sujet, pratiquement, qui a été discuté,
8 c'était de savoir si la Croatie et si la Serbie, les deux ou séparément,
9 acceptaient l'inviolabilité des résultats de la deuxième guerre mondiale.
10 C'était la substance même de ces entretiens. Les Serbes ne voulaient pas
11 de manière claire dire qu'ils respectaient les frontières des Républiques
12 en question car, s'il y avait le respect, à ce moment-là, la guerre ne se
13 serait pas déclenchée.
14 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Professeur, vous avez
15 participé à une
16 réunion et, excusez-moi si je prononce mal le nom de cette ville, une
17 réunion tenue à Tikves qui se trouve près d'Osijek, le 10 avril 1991. Vous
18 faisiez partie de la délégation croate qui y a rencontré une délégation
19 serbe en vue d'examiner des cartes pour déterminer quelle était la partie
20 qui devait être donnée à la Serbie et quelle partie devait être donnée à
21 la Croatie, n'est-ce pas ?
22 M. Bilandzic (interprétation). – Non, ce n'est pas vrai. Ce qui
23 est vrai, c'est qu'il y avait des réunions. Je répète : 95 % de
24 l'entretien portait sur le fait de savoir : fallait-il reconnaître la
25 constitution et les frontières de la constitution de 1974 en ce qui
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1 concerne les cartes, en ce qui concerne le découpage de manière concrète ?
2 Cela n'existait pas, mais il y avait des cartes ethniques, bien
3 évidemment, ce qui est tout à fait normal, car on a discuté également de
4 cela. Mais il n'y avait pas d'autres documents.
5 En ce qui me concerne et à ma connaissance, nous n'avons jamais
6 discuté du découpage dans le sens de démarcation éventuelle entre la
7 Serbie et la Croatie au niveau de la Bosnie-Herzégovine, étant donné que
8 mes collègues et moi-même, nous n'avons même pas cru… C'était bien avant
9 la guerre, on ne croyait même pas à la réalité d'une telle politique, à
10 l'aspect réel d'une telle politique. Par conséquent, on avait considéré
11 qu'il ne fallait même pas y réfléchir.
12 M. Kehoe (interprétation). – Si je puis me permettre,
13 Monsieur le Professeur, je passe donc à cette pièce à conviction qui aura
14 la cote suivante dans l'ordre des pièces à conviction.
15 M. le Greffier. - Il s'agira de la pièce 464 ; 463 pour la
16 cassette vidéo.
17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Dubuisson, pour le bon
18 ordre des pièces à conviction, il y a une deuxième séquence dans cette
19 cassette vidéo, je ne sais pas s'il convient de lui affecter une autre
20 numéro, une autre cote ou de lui adjoindre une lettre "A" ou "B", c'est
21 peut être plus facile.
22 M. Bilandzic (interprétation). – Monsieur le Président, est-ce
23 que vous me permettez d'ajouter quelque chose ?
24 M. le Président. - Bien sûr, Monsieur le Professeur.
25 M. Bilandzic (interprétation). - Vous avez pu voir de l'exposé
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1 que j'ai fait ici que pendant 150 ans, sans interruption, pendant 150 ans,
2 la Bosnie-Herzégovine était aussi bien convoitée par les uns ou par les
3 autres, par les Serbes et par les Croates. J'ai parlé du "trialisme"
4 autrichien et j'ai oublié de dire à ce moment-là que Stjepan Radic avait
5 dit la chose suivante, il avait même écrit un livre en 1908. Cvijic
6 également avait écrit un livre où il avait dit que la Bosnie-Herzégovine
7 était le pays central de la Serbie. Si vous voyez bien la carte, à ce
8 moment-là, vous verrez que la Bosnie se trouve à l'occident par rapport à
9 la Serbie.
10 Il a ajouté : "Ce n'est pas l'Alsace et la Lorraine, mais la
11 Bosnie-Herzégovine pour la Serbie, est-ce que les territoires autour de
12 Moscou sont pour la Russie" alors que Radic avait écrit un livre
13 intitulé : "Le droit croate au niveau de la Bosnie-Herzégovine" et il
14 avait parlé d'une entité, une troisième entité dans le cadre de l'empire
15 austro-hongrois. Depuis cette époque-là, jusqu'à nos jours, il y avait
16 toujours une idée qui n'a jamais disparu du découpage de la Bosnie, du
17 côté de la Croatie, du côté de la Serbie également, et dans ce contexte
18 évidemment, c'est fort possible, mais je répète une fois de plus que je ne
19 dispose pas de documents et que je ne peux certainement pas porter une
20 conclusion. Je suis un expert, je suis un historien, je ne peux pas vous
21 avancer une conclusion, sauf donc cet aspect historique. Cette tendance
22 existait aussi bien du côté de la Croatie que du côté de la Serbie sur le
23 découpage de la Bosnie ou bien d'annexion de l'intégralité de ce
24 territoire.
25 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Professeur, vous avez
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1 accordé une interview au périodique "le national" publié le
2 25 octobre 1996. Cet article se trouve à présent sous vos yeux et
3 j'aimerais appeler votre attention sur la deuxième page de cet article. En
4 bas à gauche, où nous lisons, le titre étant : "Les plus grands
5 désaccords".
6 Donc, le texte commence… Vous voyez Monsieur le Professeur, où
7 se trouve ce passage, vous en avez une version en BCS. Excusez-moi,
8 Monsieur le Professeur, je parle de cette page…
9 (Les interprètes n'ont pas le texte sous les yeux)
10 Le texte commence en bas à gauche, Monsieur le Professeur, sous
11 le titre : "Les plus grands désaccords".
12 Et la question posée par "le national" se lit comme suit :
13 Monsieur le Président, excusez-moi, cet article n'est pas encore
14 traduit en Français.
15 -Le représentant du national : "Pouvez-vous dire aujourd'hui qui
16 sont ces personnes ?
17 -Réponse fournie par vous, Monsieur le Professeur :
18 "Les généraux croates Ivan Kukoc et Fabijan Turko, mais le plus
19 grand désaccord que j'ai eu personnellement a été dû… a reposé sur les
20 discussions au sujet de la Bosnie-Herzégovine, des accords avec Tudjman au
21 début de 1991."
22 Suite aux négociations de Tudjman avec Milosevic, il a été
23 convenu que deux commissions se réuniraient pour discuter de la division
24 de la Bosnie-Herzégovine. Tudjman nous a ensuite dit qu'il avait conclu un
25 accord de principe avec Milosevic et qu'il restait à travailler sur les
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1 cartes pour élaborer les détails pratiques.
2 Du côté serbe, c'est un membre de l'académie serbe
3 Kosta Mihajlovic qui a participé à ces pourparlers. Il était chef de
4 cabinet de Milosevic. Smila Kupreskic, et (excusez ma prononciation) ainsi
5 que Ramos, Ministre adjoint de Serbie ont également participé à ces
6 réunions qui se sont produites en trois séances de dix heures chacune, à
7 Tikves et à Belgrade.
8 Cependant, ces pourparlers n'ont produit aucun résultat. L'un
9 des membres de cette délégation Josip Sentija a démissionné disant que ces
10 pourparlers étaient absurdes. J'ai également essayé de prévenir Tudjman
11 que ces conversations n'avaient aucun sens. Je lui ai dit que même si un
12 accord de principe avait été atteint, il était impossible de mettre en
13 oeuvre cet accord, puisque les cartes posaient à mon avis des problèmes
14 insolubles.
15 Des conversations sans fin ont suivi par la suite pour
16 déterminer à qui devait appartenir, à qui devait revenir telle ou telle
17 petite partie de telle ou telle petite vallée, s'il fallait qu'elle soit
18 serbe ou croate selon la majorité qui vivait dans telle ou telle ville. En
19 outre, ils ne nous ont laissé que l'Herzégovine occidentale. J'ai prévenu
20 Tudjman que trois obstacles principaux s'opposaient à la division de la
21 Bosnie-Herzégovine et qu'un seul obstacle était suffisant pour que
22 l'accord échoue :
23 -Tout d'abord, le problème de décider quelles seraient les zones
24 croates et les zones serbes.
25 -Deuxièmement, le problème que posaient les Musulmans qui
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1 auraient leur mot à dire par rapport à tous les sujets en discussion.
2 Tudjman a répliqué qu'il n'aurait rien à dire si les Croates et les Serbes
3 s'entendaient les uns avec les autres.
4 -J'ai souligné qu'il existait un troisième problème qui n'était
5 pas aussi grave que les deux premiers, mais qui était néanmoins un
6 problème, à savoir : "que dirait la communauté internationale par rapport
7 à cet accord ?"
8 Tudjman a répondu que : "Le monde accepterait quelque accord que
9 ce soit s'il provenait de cette région". Fin de citation.
10 Vous rappelez-vous avoir accordé cette interview
11 Monsieur le Professeur ?
12 M. Bilandzic (interprétation). - Eh bien, je dois vous dire
13 qu'en ce qui concerne l'article que vous citez, il y avait un certain
14 nombre de thèses qui ont été avancées et j'ai été obligé de les dénoncer,
15 d'apporter un démenti, car il y avait.. c'étaient un certain nombre de
16 thèses qui ont été avancées dans une réunion tout à fait informelle en
17 buvant du whisky, etc., Par conséquent, c'étaient quelque peu un certain
18 nombre d'intellectuels qui ont philosophé et qui tout simplement ont
19 utilisé les méthodes des académiciens. J'ai personnellement demandé
20 également qu'on n'y pense pas, c'était une fois de plus une ruse politique
21 pour ajourner la guerre et essayer d'obtenir une journée ou deux, sinon un
22 mois, deux mois, et c'est comme ça qu'on peut justifier, si vous voulez,
23 une telle tactique.
24 Par conséquent, avant d'avoir les documents de caractère
25 juridique, tout ceci est hypothèse, et ne peut pas être interprété
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1 autrement.
2 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous eu cette discussion avec
3 le Président Tudjman ?
4 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, je l'ai eue mais, comme je
5 l'ai dit, pas dans ce sens-là. Je vous dis que les journalistes en ont
6 profité, ont exploité cette information. Ce n'était pas une interview
7 officielle, mais un entretien avec un groupe de journalistes en buvant du
8 whisky. Comme je l'ai précisé, c'était officieux, pas officiel. Tudjman
9 avait une attitude de principe : il fallait parvenir à un accord avec la
10 Serbie, bien évidemment. Ce qui devait appartenir aux uns et aux autres,
11 on n'en a pas parlé. C'était véritablement un certain nombre de réflexions
12 très officieuses. On avait dit que, bien évidemment... Vous aviez
13 l'enclave de Tsazina qui aurait dû appartenir aux Musulmans. La majorité
14 des Serbes se trouvait dans un autre endroit, la majorité des Croates dans
15 un autre endroit, etc. Mais c'étaient vraiment des hypothèses, il n'y
16 avait pas de carte sur le découpage, sur la division de la Bosnie. C'est
17 vraiment sous le serment que je le dis.
18 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le professeur, le
19 Président Tudjman voulait diviser la Bosnie et se la répartir avec le
20 Président Milosevic, n'est-ce pas ?
21 M. Bilandzic (interprétation). - Je ne peux pas l'affirmer de
22 manière absolue. Je vous répète : la politique croate, depuis le premier
23 jour, reposait sur le fait que les frontières ne devaient aucunement être
24 modifiées. En dehors de cela, ce sont tout simplement les réunions, les
25 négociations, les ajournements pour essayer de parvenir à un accord entre
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1 les deux grands peuples -pour bien évidemment la dimension de la
2 Yougoslavie, ce sont des grands peuples-
3 pour éviter la guerre.
4 C'est dans cette intention, donc, que le Président en a parlé.
5 C'est comme cela que j'ai compris tout ce qui a été dit autour de la
6 Bosnie, c'était à peu près à cause de cela.
7 Sans document, je le répète une fois de plus, Monsieur le
8 Président, je ne peux pas véritablement parler.
9 M. le Président. - Vous l'avez dit à plusieurs reprises, je
10 crois que les Juges ont entendu ce que vous avez dit.
11 Passez à une autre question, Maître Kehoe.
12 M. Kehoe (interprétation). - Toutefois, Monsieur le professeur,
13 personne, aucun représentant de la République de Bosnie-Herzégovine n'a
14 participé à ces pourparlers de Karageorgevic entre le Président Milosevic
15 et le Président Tudjman et aucun représentant de la République de Bosnie-
16 Herzégovine n'a participé aux discussions que vous avez eues avec les
17 Serbes -discussions qui se sont déroulées près d'un mois après la
18 rencontre de Karageorgevic, n'est-ce pas ?
19 M. Bilandzic (interprétation). - Oui, cela je l'ai déjà précisé
20 -à ma connaissance, bien évidemment. Mais s'il y a eu des entretiens qui
21 ont été menés entre Milosevic et Izetbegovic et à l'inverse, entre Tudjman
22 et Izetbegovic, cela je ne le sais pas. Mais je sais, par exemple, qu'en
23 1991, il y avait une délégation de Musulmans, sponsorisée par les
24 personnalités de renommée de Bosnie-Herzégovine, qui s'est rendue à
25 Belgrade pour essayer de parvenir à un compromis en ce qui concerne la
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1 position de la Bosnie-Herzégovine. Ceci encore est un combat politique
2 avec des éléments de ruse d'un côté, de l'autre... et du troisième
3 également. Il y a les trois parties.
4 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Professeur, vous étiez
5 à Tikves, vous étiez à Belgrade et aucun représentant du gouvernement
6 bosniaque n'était présent.
7 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je pense
8 que le Procureur n'aime pas la réponse, mais le professeur Bilandzic a
9 précisé ce qu'il savait sur l'ensemble de la situation. Je pense qu'on est
10 dans les répétitions.
11 M. le Président. - Accordé. Nous nous répétons beaucoup.
12 D'ailleurs, nous arrivons à 17 heures 30. Je crois donc que nous allons
13 interrompre et nous allons reprendre demain matin, à 10 heures. L'audience
14 est levée.
15 M. Bilandzic (interprétation). - Monsieur le Président, je tiens
16 à vous remercier...
17 M. le Président. - On ne prend pas la parole après que le
18 Président ait levé l'audience, s'il vous plaît. Demain matin, vous pourrez
19 vous expliquer.
20 M. Bilandzic (interprétation). - Est-ce que je peux retourner en
21 Croatie ? J'ai terminé ma déposition...
22 L'audience est levée à 17 h 30.
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