Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 15 octobre 1998

4 L'audience est ouverte à 10 heures 10.

5 M. le Président. - Faites entrer l'accusé, Monsieur le Greffier.

6 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

7 Nous faisons entrer le témoin, le général Marin.

8 Je salue les interprètes. Je constate que tout marche. Le conseil de

9 l'accusation, le conseil de la défense, l'accusé. Et nous reprenons nos

10 travaux dès que le Général Marin est introduit.

11 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

12 Bonjour, Général.

13 M. Marin (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

14 M. le Président. - Vous êtes prêt à continuer ? Vous êtes reposé ?

15 M. Marin (interprétation). - Je suis prêt et je me suis reposé autant

16 qu'il est possible de se reposer en une nuit.

17 M. le Président. - D'accord. Nous allons faire une longue journée et on

18 peut espérer que le Procureur achèvera son contre-interrogatoire

19 aujourd'hui, n'est-ce pas, Maître Kehoe ? Vous avez dû concentrer toutes

20 vos questions, vous avez dû réfléchir toute la nuit à des questions bien

21 concentrées et bien directes au témoin, j'en suis persuadé.

22 M. Kehoe (interprétation). - Une nuit sans sommeil à y réfléchir,

23 Monsieur le Président, mais je vais concentrer toute mon attention pour en

24 terminer le plus rapidement possible.

25 M. le Président. - Nous vous en remercions, le Juge Shahabuddeen et moi.

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1 Allons-y, poursuivons sans tarder.

2 M. Kehoe (interprétation). - Bonjour Général. Bonjour, Monsieur le

3 Président, bonjour Messieurs les Juges, bonjour conseil de la partie

4 adverse.

5 M. Marin (interprétation). - Bonjour.

6 M. Kehoe (interprétation). - Général, j'aimerais vous ramener un instant

7 vers la pièce à conviction 321, la carte dont vous avez parlé hier lorsque

8 nous parlions du pilonnage de la région de Vitez et je vous pose la

9 question suivante : lorsque la région de Vitez a été pilonnée, les

10 prisonniers dont vous avez parlé avant-hier, ces prisonniers musulmans

11 bosniens étaient-ils toujours dans la salle de cinéma et dans le sous-sol

12 de cette salle de cinéma, à une centaine de mètres derrière l'hôtel

13 Vitez ?

14 M. Marin (interprétation). - Pour autant que je le sache, les prisonniers

15 se trouvaient à ce moment-là dans le bâtiment du cinéma.

16 M. Kehoe (interprétation). - Savez vous si un ordre a été émis pour tenter

17 de les transférer afin qu'ils ne soient pas sur les lieux qui allaient

18 subir le pilonnage ?

19 M. Marin (interprétation). - Je sais que, ce jour-là, un certain nombre de

20 civils détenus ont été ramenés dans le village de Gacice, je parle de

21 femmes et d'enfants, mais je ne suis pas au courant qu'un quelconque ordre

22 ait été émis ayant un rapport avec cet acte. Cela étant, puisque je

23 connais la ville de Vitez, il n'y a aucun bâtiment, autre que celui-ci, où

24 des personnes pourraient être en sécurité en cas de pilonnage.

25 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien, Général, parlons de ces femmes et de

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1 ces enfants qui ont été ramenés à Gacice. Ces femmes et ces enfants se

2 trouvaient ils dans le centre de Vitez avant d'être ramenés à Gacice ?

3 M. Marin (interprétation). - Le village de Gacice se trouve aux abords

4 immédiats de la ville de Vitez et, pour autant que je le sache, ces civils

5 se trouvaient dans la ville. Mais à quel endroit exact, je ne peux pas le

6 dire aujourd'hui. Cela étant, la ville de Vitez n'est pas une grande

7 ville, donc il est probable que ces civils se soient trouvés dans

8 l'enceinte de la poste, de la mairie, de la salle de cinéma, ce genre de

9 bâtiment.

10 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous vu ces habitants de Gacice

11 lorsqu'ils étaient en ville ?

12 M. Marin (interprétation). - Je n'ai pas vu ces personnes car j'ai déjà

13 dit dans quelles conditions je travaillais. Ce que je viens de dire, je

14 l'ai appris par la suite.

15 M. Kehoe (interprétation). - Et qui vous l'a appris ?

16 M. Marin (interprétation). - Pour autant que je m'en souvienne, cela est

17 écrit dans un rapport de la brigade de Vitez en date du 19. Je crois que

18 c'est un rapport qui a été présenté au cours de l'interrogatoire principal

19 de la défense.

20 M. Kehoe (interprétation). - Nous reviendrons sur ce point, Monsieur,

21 mais, avant d'en passer à ce sujet, Monsieur le Président, j'aimerais

22 appeler l'attention du Tribunal sur un document ECMM qui malheureusement

23 n'existe qu'en version anglaise, mais je peux le distribuer et donner

24 quelques explications au sujet de la façon dont il est imprimé, car au

25 moment de son émission il y a eu quelques impressions doubles.

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1 Monsieur le Président, pour tenter d'être le plus rapide possible, nous

2 n'en lirons que deux paragraphes qui feront, qui seront au coeur de nos

3 questions.

4 M. le Président. - Merci. C'est comme cela qu'il faut procéder.

5 M. Dubuisson. - Document 529.

6 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le Juge, il

7 s'agit d'un rapport de l'ECMM en date du 19 avril 1993, et nous en lirons

8 le premier paragraphe intitulé : "Situation générale toujours très tendue

9 à Vitez et dans ses environs. Le camion piégé qui a explosé près de la

10 mosquée à Vitez, le 18 avril, a provoqué des dommages importants.

11 Des combats se poursuivent avec des mortiers, des armes d'artillerie et

12 des BA."

13 Nous passons ensuite au paragraphe 6 intitulé "Humanitaire" : A. L'équipe

14 a rendu visite à 62 prisonniers musulmans de sexe masculin détenus dans la

15 prison sous la garde du HVO et du quartier général de Vitez. Ces

16 prisonniers sont bien traités bien qu'ils soient dans un espace restreint

17 compte tenu de l'importance du groupe. Le lieu constitue une violation des

18 Conventions de Genève."

19 Donc, ce que je voudrais vous expliquer, c'est que certains de ces termes

20 sont une répétition de ce qui figurait précédemment dans le texte. C'est

21 pourquoi d'autres termes sont rayés.

22 Nous passons maintenant au 20 avril : "B. L'équipe a rendu visite hier au

23 HVO à Vitez et a émis des plaintes quant au fait qu'elle a subi des tirs à

24 partir de positions du HVO. La suppression des barrages et un cessez-le-

25 feu ont été organisés par l'équipe et sont effectifs. L'enquête au sujet

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1 des événements de Vitez d'hier a été discutée."

2 Est-ce bien ce qui est écrit ?

3 M. Marin (interprétation). - Le commandant de la brigade de Vitez était

4 Mario Cerkez, si c'est ce que signifie ce texte. Dans ce cas, je peux le

5 confirmer mais "commandant du HVO" est un terme trop général. Le

6 "commandant de la brigade" de Vitez était Mario Cerkez.

7 Donc, si cette visite était destinée à la brigade de Vitez, je peux le

8 confirmer parce qu'à cette époque Mario commandait bien la brigade de

9 Vitez.

10 M. Kehoe (interprétation). - Très bien, Monsieur.

11 Passons maintenant à la journée du 20 avril. Nous allons discuter les

12 rapports que vous venez de mentionner au sujet de Gacice qui ont été

13 versés au dossier au cours de l'interrogatoire principal de la défense. Je

14 parle de la pièce à conviction de la défense 330 et de la pièce à

15 conviction de la défense 331.

16 Nous allons avancer, Général, et nous n’allons pas parler de la journée du

17 20 avril.

18 Monsieur l'Huissier et Monsieur Dubuisson, nous demandons donc que les

19 pièces à conviction de la défense 330 et 331 soient remises au témoin.

20 (L'huissier s'exécute.)

21 Je crois qu'il s'agit des deux rapports qui ont été soumis par la défense

22 et qui portent sur les combats de Gacice, Général. Ce sont des rapports

23 qui concernent les combats du 20 avril. Je vous prierai d'examiner ces

24 deux documents et, en examinant le document de la défense 330, vous

25 constaterez qu'à une certaine heure du matin, semble-t-il, des combats se

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1 déroulent à Gacice mais, à 18 heures, Gacice est prise, 47 hommes sont

2 faits prisonniers, les femmes et les enfants étant renvoyés à leur

3 domicile.

4 Vous voyez, Monsieur, ces deux rapports ? Je vous demanderai de les

5 examiner ensemble pour que nous puissions avancer rapidement.

6 M. Marin (interprétation). - Cette constatation, le fait que 47 hommes ont

7 été arrêtés et que les femmes et les enfants ont été ramenés chez eux, je

8 l'ai confirmée en réponse aux questions de la défense car c'est une

9 information que j'ai apprise grâce à ce rapport.

10 Mais votre question portait également sur le document 330 ? Pouvez-vous

11 répéter votre question, Monsieur ?

12 M. Kehoe (interprétation). - J'essaie simplement de placer votre

13 déclaration selon laquelle des combats se déroulaient à Gacice et que les

14 femmes et les enfants ont été ramenés au centre de Vitez. J'essaie de

15 placer ces propos en coordination avec ces documents.

16 Conviendrez-vous que le 20 avril 1993, ces femmes et ces enfants ont été

17 ramenés à leur domicile ?

18 M. Marin (interprétation). - Eh bien c'est ce qui est écrit dans ce

19 rapport.

20 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien, prenons maintenant le document

21 D 331. A la première ligne, nous lisons : "Des attaques importantes contre

22 les unités du HVO dues aux forces musulmanes se sont poursuivies tout

23 l'après-midi". Vous voyez cette phrase dans ce

24 rapport daté du 20 avril 1993, 18 heures, pièce à conviction 331 de la

25 défense ?

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1 M. Marin (interprétation). - Oui, il est écrit ici que l'ennemi, c'est-à-

2 dire l'armée de Bosnie-Herzégovine, à l'époque a, à plusieurs reprises,

3 tenté des percées contre les unités du HVO sur le territoire de Krcevina

4 et Krizancevo. Et puis ensuite, le village de Bukve, Ljubica, Slatina,

5 Stolovice, Krizancevo Selo. Ce sont des villages qui se trouvent dans la

6 direction de Zenica. Et le village de Gacice est au sud de la ville de

7 Vitez.

8 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous vous déplacer un instant

9 Monsieur ? Je crois que ce serait utile pour les Juges que vous montriez

10 ces villages sur la carte.

11 M. Marin (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le Juge, sur

12 la base d'un rapport opérationnel de la brigade de Vitez que nous avons

13 reçu le 24 à 18 heures, nous avons constaté que les unités de l'armée de

14 Bosnie-Herzégovine attaquait dans les endroits suivants : Kajan Selo...

15 J'essaie de m'orienter... Voilà, cela se trouve ici. Krcevine, qui se

16 trouve ici, Bukve, Ljubica Grobic se trouvent ici, Stolovice se trouve

17 ici, et puis toujours Slavina et Krcevine.

18 Donc globalement, l'attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine portait sur

19 le territoire situé ici et le village de Gacice se trouve ici. Et ici vous

20 voyez la ville de Vitez.

21 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur l'Huissier. Donc, Général,

22 le 20 des combats très violents se déroulaient sur cette ligne de front ?

23 M. Marin (interprétation). - Selon ces rapports, on constate que des

24 combats avaient lieu, que ces combats étaient violents, le rapport de la

25 brigade de Vitez évoque quatre morts et quatre blessés graves au cours de

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1 ces combats.

2 M. Kehoe (interprétation). - J'évoque maintenant la pièce à conviction 127

3 de l'accusation. L'ECMM dit qu'un char T 24 se trouvait sur la route de

4 montagne entre Zenica et Vitez et pilonnait le quartier général du HVO,

5 ainsi que le bâtiment de la poste de Vitez.

6 Ces pilonnages avaient-ils lieu et avaient-ils un lien avec ces attaques

7 violentes

8 contre les unités du HVO que vous venez de mentionner ?

9 M. Marin (interprétation). - Je ne puis pas dire si c'est le 20 que le

10 char a pilonné, mais je sais que le char a frappé la poste. Je ne me

11 rappelle pas la date exacte, mais des obus tirés par des chars sont

12 considérés également comme une forme de pilonnage.

13 M. Kehoe (interprétation). - Mais il y avait des attaques importantes de

14 la part des unités du HVO le 20 et les forces musulmanes, pour ce qui les

15 concerne, pilonnaient la ville de Vitez, n'est-ce pas ?

16 M. Marin (interprétation). - Oui, pendant la journée du 20, selon les

17 rapports que nous avons ici, nous constatons qu'un pilonnage intensif ne

18 s'est pas produit ce jour-là contre la ville de Vitez. Je dis bien

19 "pilonnage intensif".

20 Maintenant, si un obus ou deux ont frappé la poste, dans ma déposition je

21 n'ai jamais parlé de cela comme d'un pilonnage intensif, n'est-ce pas ?

22 M. Kehoe (interprétation). - Très bien, Monsieur. Mais vous vous rappelez

23 qu'à un certain moment la poste a été pilonnée effectivement, que cela

24 soit le 20 ou un autre jour, en tout cas, à un moment donné, la poste a

25 été pilonnée.

Page 13251

1 M. Marin (interprétation). - Je sais que la poste a été atteinte par

2 l'obus d'un char, cela je le sais. Quant à l'origine de ce tir, je crois

3 qu'il n'est pas encore déterminé aujourd'hui.

4 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais vous montrer la pièce à

5 conviction 158 de l'accusation, si vous le voulez bien. Ce document doit

6 avoir l'aspect que vous voyez ici, Monsieur l'Huissier.

7 Général, je vais essayer de vous orienter un peu sur cette pièce à

8 conviction qui a été versée au dossier et si vous me le permettez, en me

9 fondant sur cette photographie, le point A qui figure sur cette

10 photographie est l'hôtel Vitez. Il s'agit bien sûr d'une photographie

11 aérienne. Le point B correspond aux bâtiments dont nous avons parlé

12 précédemment, à savoir le quartier général de la brigade de Vitez et la

13 salle de cinéma adjacente à ce quartier général. Vous vous rappellerez que

14 nous en avons déjà parlé. Et le point C correspond au bâtiment de la

15 poste.

16 Je sais que vous n'avez peut-être pas déjà vu cette photographie aérienne,

17 Général, donc je vous laisserai quelques instants pour vous orienter si

18 vous en avez besoin.

19 M. Marin (interprétation). - J'ai vu la photographie.

20 M. Kehoe (interprétation). - Très bien. Alors, le point 1 qui se trouve

21 dans un cercle, vous le voyez ? Il y a un "1" qui est inscrit dans un

22 cercle.

23 M. Marin (interprétation). - Oui.

24 M. Kehoe (interprétation). - Les femmes et les enfants de Gacice que vous

25 avez vu emmenés au cours de la journée du 20, est-ce que vous les avez vu

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1 emmenés à l'intérieur de ce cercle ? Je parle de 247 femmes et enfants.

2 M. Marin (interprétation). - J'ai déjà dit que les femmes et les enfants

3 ainsi que les prisonniers de Gacice, je ne les ai pas vus mais, j'ai dit

4 ce que je savais, à savoir que j'ai été informé par un rapport de la

5 brigade de Vitez que ces personnes se trouvaient en ville, que les femmes

6 et les enfants ont été renvoyés dans leur domicile et que le 20 avril,

7 déjà, un certain nombre d'activités ont été mises en oeuvre, qu'une

8 commission a été créée pour décider du sort des femmes et des enfants qui

9 étaient entre les mains du HVO, ainsi que des prisonniers entre les mains

10 de l'armée de Bosnie-Herzégovine afin que soient organisés des échanges.

11 Et le 20, une réunion s'est déjà tenue à Zenica.

12 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur, vous dites avoir reçu un rapport

13 selon lequel les civils se trouvaient en ville. Ce fait n'est évoqué dans

14 aucun des rapports que vous avez discuté au cours de l'interrogatoire

15 principal de la défense, je parle des pièces à conviction de la

16 défense 330 et 331. Existe-t-il un autre rapport de la brigade de Vitez

17 qui rend compte du fait que les femmes et les enfants de Gacice se

18 trouvaient en ville ?

19 M. Marin (interprétation). - Je suis incapable de me rappeler un tel

20 rapport

21 aujourd'hui mais, si nous tenons compte du fait que le rapport dont j'ai

22 parlé est arrivé à 18 heures, ce rapport déterminait les activités de

23 cette journée. C'est-à-dire qu'il présentait toutes les activités

24 réalisées au cours de cette journée et à 18 heures, pour autant que je

25 m'en rappelle, le commandant, le général Blaskic, était déjà parti à une

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1 réunion conjointe avec les représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

2 en présence du général Sefer Halilovic et du général Petkovic, c'est-à-

3 dire au plus haut niveau pour parler du cessez-le-feu.

4 Donc ce rapport décrit toutes les activités dans la zone de responsabilité

5 de la brigade de Vitez ce jour-là. C'est la raison pour laquelle l'heure

6 est indiquée, cette heure étant 18 heures.

7 M. Kehoe (interprétation). - La question que je vous posais, Général,

8 était la suivante : le fait que des femmes et des enfants ont été amenés à

9 Gacice n'est pas indiqué dans la pièce à conviction de la défense 331 qui

10 est un rapport du 20 avril 1993 à 18 heures. Ou plutôt, excusez-moi, le

11 fait que ces femmes et ces enfants aient été ramenés de Gacice à Vitez (se

12 corrige Me Kehoe, dit l'interprète), n'est pas indiqué dans ce rapport,

13 pièce à conviction de la défense 331. Je vous demande de relire ce texte.

14 M. le Président. - Votre question, c'est le fait que les femmes et les

15 enfants aient été ramenés de Gacice à Vitez, Monsieur Kehoe ?

16 M. Kehoe (interprétation). - C'est exact, Monsieur le Président.

17 M. Marin (interprétation). - Monsieur le Président, dans le rapport, il

18 est écrit de la façon la plus claire -et c'est un rapport que nous avons

19 reçu du territoire placé sous la responsabilité de la brigade de Vitez le

20 20 avril, à 18 heures-, il y est stipulé que les femmes et les enfants ont

21 été renvoyés et que 40 hommes ont été faits prisonniers… 47 hommes ont été

22 faits prisonniers (mais le témoin a dit 40, indique l'interprète). Cela

23 étant, je ne sais pas à quel moment exact ces personnes ont été renvoyées.

24 M. Kehoe (interprétation). - Je comprends, Général. Tout ce que je vous

25 demande, c'est : existe-t-il un autre rapport de la brigade de Vitez que

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1 vous ayez reçu au quartier général et qui vous aurait informé que les

2 femmes et les enfants ont été transférés de Gacice à Vitez ?

3 M. Marin (interprétation). - Je suis dans l'incapacité de me rappeler un

4 tel rapport à l'instant. Si j'en voyais le contenu, si j'avais ce document

5 entre les mains, je me rappellerais son contenu, notamment si le contenu

6 traite de ce genre de sujet, c'est-à-dire de prisonniers, de combats

7 importants... Dans ce cas, la mémoire revient sur les événements et on se

8 souvient.

9 Aujourd'hui, affirmer qu'il y avait ou qu'il n'y avait pas de tels

10 rapports serait irresponsable de ma part. Mais pour autant que je me

11 rappelle, il n'y en a pas eu car ce rapport n'est pas un rapport

12 extraordinaire, c'est un rapport ordinaire que nous recevions

13 régulièrement au cours des combats de la part des brigades engagées.

14 M. Kehoe (interprétation). - Général, sur la base de la pièce à conviction

15 de la défense 331, ce rapport que vous avez entre les mains, vous pouvez

16 tirer deux conclusions -en tout cas au moins une-, à savoir que des

17 combats importants ont eu lieu tout l’après-midi contre les forces

18 musulmanes, et vous nous avez dit qu'avant 18 heures, les femmes et les

19 enfants de Gacice se trouvaient à Vitez. Est-ce bien cela ?

20 M. Marin (interprétation). - Oui, c'est ce qui est écrit dans le rapport.

21 Des combats importants qui se sont déroulés dans les lieux que j'ai déjà

22 indiqués, et je répète leur nom : Krcevina, Krizancevo Selo. Il s'agit de

23 combats d'infanterie. Ces villages sont à 3 ou 4 kilomètres de la ville de

24 Vitez et ce sont des combats menés par l'armée, c'est-à-dire à partir des

25 tranchées, avec les unités du HVO d'un côté et les représentants de

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1 l'armée de Bosnie-Herzégovine de l'autre. Ce sont les informations qui

2 figurent dans ce rapport.

3 M. le Président. - On tourne en rond.

4 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

5 Général, le 20 avril, un quelconque membre du HVO est-il entré dans

6 l'hôtel Vitez

7 pour vous dire, à vous ou au colonel Blaskic ou à quelconque autre

8 officier du quartier général, que des femmes et des enfants se trouvaient

9 devant l'hôtel Vitez à cet endroit qui est représenté par un cercle sur la

10 pièce à conviction 158, celle qui se trouve sur le rétroprojecteur ? Est-

11 ce que quelque soldat que ce soit a agi de la sorte ?

12 M. Marin (interprétation). - Je ne suis pas au courant de cela, mais je

13 sais que de ces civils qui ont été emmenés, aucun d'entre eux n'a été

14 blessé ou tué ce jour-là. Cela, je le sais.

15 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous nous avez dit que ce rapport de

16 18 heures -je parle de la pièce à conviction de la défense 331-, donc que

17 ce rapport a été émis à 18 heures, après que les femmes et les enfants ont

18 été renvoyés dans leur foyer. A quelle heure le colonel Blaskic est-il

19 parti pour... S'est-il rendu à cette réunion à Zenica ?

20 M. Marin (interprétation). - Pour autant que je le sache, le

21 général Blaskic est parti à Zenica entre 17 heures et 18 heures mais,

22 véritablement, je ne peux affirmer exactement à quelle heure. Pour autant

23 que je le sache, la réunion devait se dérouler aux alentours de 19 heures.

24 Mais ce que je sais avec certitude et très concrètement, c'est que cette

25 réunion a bien eu lieu le 20 -je ne peux pas confirmer exactement l'heure-

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1 et, dans les conditions de guerre, il faut une heure en voiture pour aller

2 de Vitez à Zenica. Donc cette heure de tenue de la réunion peut être

3 vérifiée exactement.

4 M. Kehoe (interprétation). - Général, revenons, si vous le voulez bien,

5 sur cette pièce à conviction de la défense 331 dans laquelle la brigade de

6 Vitez déclare que les femmes et les enfants ont été renvoyés dans leur

7 foyer.

8 Général, qu'est-il arrivé à ces femmes et ces enfants ?

9 M. Marin (interprétation). - Je sais qu'ils ont été renvoyés dans leurs

10 foyers, qu'ils ont donc séjourné dans leur village et qu'après les combats

11 qui ont affecté le village de Gacice, le HVO a pris le contrôle de la

12 totalité du village de Gacice. Les membres de l'armée de

13 Bosnie-Herzégovine qui se trouvaient dans le village ont été expulsés du

14 village. Quant au sort ultérieur de ces personnes, je ne le connais pas,

15 mais si ces personnes ne sont pas restées dans le village de Gacice par le

16 biais du travail accompli par la Commission, je suppose -je répète que je

17 suppose- que ces mêmes personnes ont, sous l'égide de la Forpronu, pris le

18 chemin de Zenica ou d'autres lieux.

19 Je ne dispose pas d'éléments précis me permettant de savoir si

20 des membres de ces familles sont restés dans le village de Gacice

21 après 1993. Mais dans ce village de Gacice dans un certain nombre de

22 maisons où, à l'époque, vivaient des Musulmans bosniens, au moment où les

23 échanges ont eu lieu, des réfugiés de Zenica et d'autres villages, des

24 Croates, ont emménagé, réfugiés qui, au cours des combats entre les unités

25 de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO, donc après ces combats, ont

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1 été obligés de déménager.

2 M. Kehoe (interprétation). – Général, étiez-vous présent au quartier

3 général lorsque des membres d'une organisation humanitaire sont venus voir

4 le colonel Blaskic pour discuter du sort des femmes et des enfants de

5 Gacice ?

6 M. Marin (interprétation). - Monsieur le Président, s'agissant des

7 activités qui ont été les miennes entre le 16 et le 25, j'ai passé tout

8 mon temps au centre opérationnel. A cette époque, les représentants des

9 organisations internationales ne venaient pas dans ce centre opérationnel.

10 Il y avait une autre entrée pour le bureau du commandant.

11 Alors, ces représentants d'organisation internationale sont-ils venus voir

12 le commandant ? Je ne peux pas le confirmer mais, lorsque j'ai reçu ce

13 rapport de brigade de Vitez; ce qui m'a paru le plus important, c'est que

14 les femmes et les enfants sont rentrés dans leurs foyers, qu'il n'y avait

15 pas eu de victimes et donc, eu égard à mes responsabilités, j'ai considéré

16 que la question était réglée.

17 M. Kehoe (interprétation). - Général, je vous parle maintenant de la

18 période qui porte sur la première ou la deuxième semaine du mois de mai.

19 Je ne limite pas mes questions au 20 ou 25 avril. Donc, entre le 20 avril

20 et la deuxième semaine du mois de mai disons, avez-vous eu connaissance

21 d'une quelconque organisation internationale qui aurait envoyé des

22 représentants auprès du colonel Blaskic pour parler avec lui du sort

23 réservé à ces femmes et à ces enfants qui se trouvaient à Gacice ?

24 M. Kehoe (interprétation). - Pour répondre exactement à cette question

25 quant à la venue de quelqu'un, je ne peux pas vous répondre avec

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1 exactitude mais, ce que je sais, c'est qu'après la réunion de Zenica les

2 conditions d'un cessez-le-feu ont été définies et signées. Dans le cadre

3 de ces activités, des échanges mutuels de prisonniers ont été décidés et

4 donc les Musulmans bosniens arrêtés par le HVO devaient être échangés

5 contre les Croates prisonniers de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

6 Ce sont les autorités civiles du gouvernement de Vitez et les autorités

7 civiles des Musulmans bosniens qui se sont chargés, dans le cadre des

8 travaux de la commission, d'accomplir cette tâche. Maintenant, dans quelle

9 mesure l'ont-ils accomplie ? Qu'est-ce qu'ils ont fait exactement ? Je ne

10 peux pas le dire concrètement ici aujourd'hui. Je sais que c'était la

11 responsabilité de la commission et je sais que cette tâche a été

12 accomplie.

13 Donc, après la fin du travail de la commission, eu égard aux échanges,

14 personne n'est resté prisonnier, c'est-à-dire que les prisonniers qui se

15 trouvaient entre les mains des Croates et les prisonniers qui se

16 trouvaient entre les mains de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont été

17 relâchés, tous.

18 M. Kehoe (interprétation). - Général, quelle est la distance qui sépare le

19 village de Gacice de l'Hôtel de Vitez ?

20 M. Marin (interprétation). - La distance entre Gacice et l'hôtel de Vitez

21 est de 1,5 kilomètre à 2 kilomètres selon mon estimation personnelle.

22 M. Kehoe (interprétation). - Général, avez-vous été au courant ou bien

23 savez-vous si le colonel Blaskic a été au courant du fait qu'au début du

24 mois de mai 1993, les soldats du HVO sont entrés dans ce village, ont

25 rassemblé ces femmes et ces enfants, les ont embarqués à bord de camions

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1 pour les emmener sur la route qui mène à Zenica où ils ont reçu l'ordre de

2 traverser la ligne de front à pied ? Avez-vous été informé de cela ? Vous

3 étiez chef des opérations à l'époque, avez-vous été informé ? Etiez-vous

4 au courant de cette réalité ?

5 M. Marin (interprétation). - J'étais effectivement chef des opérations,

6 mais je ne suis pas au courant de cela. Le travail du chef des opérations

7 ne porte pas sur les civils, les femmes et les enfants. A partir de la

8 réunion de Zenica, à partir de la réunion de Bila le 21, toute question

9 liée aux prisonniers civils relevait des responsabilités de la commission

10 que coordonnaient et dirigeaient les représentants des autorités civiles

11 de Vitez, qu'ils soient Bosniens ou Croates.

12 M. Kehoe (interprétation). - Général, si vous étiez chef des opérations

13 pendant cette période, n'était-ce pas votre travail de savoir pratiquement

14 tout ce qui se passait au quartier général eu égard aux ordres de Blaskic

15 et aux réunions ? N'était-ce pas également de votre compétence de savoir

16 exactement ce que faisaient les forces du HVO ?

17 M. Marin (interprétation). - Oui, c'était mon travail et je sais cela. Je

18 sais que Blaskic s'était rendu à Zenica, qu'une commission a été créée

19 suite à ses ordres, que des avis ont été exprimés et des actions mises en

20 oeuvre. Mais ces actions ont-elles été mises en oeuvre en un jour, deux

21 jours ou trois jours, y a-t-il eu des problèmes ? Je ne le sais pas.

22 M. Kehoe (interprétation). - Mais n'était-ce pas également votre travail

23 de savoir que des soldats du HVO, qui étaient sous les ordres du

24 colonel Blaskic, ont placé des civils à bord de camions et les ont emmenés

25 sur la route ? Cela ne faisait-il pas partie de votre travail de connaître

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1 ces faits ?

2 M. Marin (interprétation). - Oui, si je recevais ce genre d'information,

3 il était tout à fait normal que le commandant réagisse. Et moi j'aurais

4 proposé une réaction sur la base d'un document que j'aurais rédigé, mais

5 je n'ai pas eu ces informations. Je répète : au sujet des réfugiés, après

6 le 20, ce sont les autorités, c'est le gouvernement civil qui en a pris la

7 totale responsabilité.

8 M. Kehoe (interprétation). - Une autre question avant de passer à un autre

9 domaine : n'est-il pas vrai que les maisons musulmanes à Gacice qui se

10 trouvaient à 1,5 km du quartier général ont été incendiées ? Est-ce vrai,

11 oui ou non ?

12 M. Marin (interprétation). - Pour ce qui est de l'incendie des maisons

13 dans le village de Gacice, il y eu des incendies pendant les combats et il

14 y a eu également des incendies après les combats. J'ai parlé des incendies

15 et j'ai dit dans quelles circonstances ils se produisaient. A Gacice, il y

16 a eu des incendies de maisons de Croates et de Bosniens.

17 Les suites et les conséquences de ces incendies pendant le conflit et

18 pendant le cessez-le-feu, j'en ai déjà parlé. Je ne souhaite pas vous

19 faire perdre votre temps mais, j'ai dit que la raison était la suivante :

20 si une maison brûle, une maison croate, il n'est pas exclu que du côté

21 bosnien, quelqu'un ne va pas mettre le feu à deux, trois autres maisons.

22 Et l'incendie des maisons constituait un problème pendant l'ensemble de

23 l'année 1993 en Bosnie centrale. C'était un problème auquel nous étions

24 confrontés au commandement de la zone opérationnelle.

25 Dans des ordres, nous l'interdisions formellement, mais cela se faisait en

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1 secret. Il était impossible de connaître les noms. Un exemple : après les

2 combats à Krizancevo Selo, l'armée de Bosnie-Herzégovine, en une seule

3 nuit, au cours d'une attaque, a tué 70 membres du HVO, y compris des

4 civils. Dix maisons ont tout de suite brûlé à Grbavica. Voilà donc les

5 conséquences. Il s'agit là de la tragédie de la guerre en

6 Bosnie-Herzégovine et je condamne de tels faits.

7 M. Kehoe (interprétation). - Général, début mai 1993, est-ce que le chef

8 des opérations savait qu'il n'y avait plus de Musulmans dans le village de

9 Gacice. Est-ce exact ? Il le savait ?

10 M. Marin (interprétation). - Jusqu'au début du mois de mai, je ne savais

11 pas si tous les Musulmans, dans le cadre des échanges, avaient quitté le

12 village de Gacice ou si quelqu'un est resté et a continué à habiter dans

13 le village de Gacice. Cela, je ne peux le dire avec certitude.

14 En effet, dans la région qui était sous ma responsabilité, il n'y avait

15 pas que le village de Gacice, il y avait 50 villages semblables.

16 M. Kehoe (interprétation). - Oui, je comprends mais, début mai, tous les

17 Musulmans avaient quitté le village de Gacice, n'est-ce pas ?

18 M. Marin (interprétation). - Je ne peux l'affirmer mais je crois qu'il en

19 a été ainsi. Je ne peux l'affirmer mais je crois que c'est le cas.

20 M. Kehoe (interprétation). - Avez vous demandé à quelqu'un où ils étaient

21 partis ?

22 M. Marin (interprétation). - Je l'ai dit. J'ai dit que par le biais de

23 l'échange, des échanges, ceux qui étaient prisonniers ont eu la

24 possibilité suivante : ils pouvaient rentrer chez eux. La Forpronu pouvait

25 leur permettre de déménager, d'aller s'installer ailleurs, mais les gens

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1 et les Croates et les Bosniens, en raison de la situation qui prévalait

2 -c'est-à-dire la situation de guerre- décidaient d'aller à l'endroit et

3 dans les hameaux contrôlés par leur armée, les Croates déménageaient dans

4 les endroits contrôlés par le HVO et les Musulmans, les Bosniens, se

5 rendaient dans les endroits contrôlés par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

6 L'autre raison était la suivante : après les combats, si une unité était

7 détenue par le HVO, les soldats partaient et la famille suivait et, de

8 l'autre côté, il en allait de même.

9 M. Kehoe (interprétation). - Général, passons à un autre sujet. Nous avons

10 déjà parlé dans la pièce à conviction dont nous avons discuté hier et

11 avant-hier, c'est-à-dire la pièce à conviction 514, qui est un rapport de

12 l'ECMM en date du mois de février 1993. Nous avons parlé des tranchées qui

13 étaient construites par des Musulmans sous les ordres du HVO dans la

14 région de Busovaca.

15 Je voudrais vous poser une question. A cette époque, aviez-vous des

16 informations... Non, ce n'est pas nécessaire de revoir le document, on l'a

17 déjà vu, c'est un simple point de référence. Au mois d'avril 1993,

18 avez-vous reçu des informations vous disant que des Bosniens croates

19 étaient faits prisonniers dans le village de Poculice et que des Croates

20 bosniens étaient obligés de creuser des tranchées pour les Bosniens

21 musulmans ?

22 M. Marin (interprétation). - Pouvez-vous me dire de quel compte rendu il

23 s'agit, de quel rapport il s'agit ? En effet, je suis incapable de me

24 souvenir maintenant d'un tel rapport.

25 M. Kehoe (interprétation). - En fait, c'est la déclaration de Me Hayman.

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1 C'est à la page 11 217. Il dit que : "le 16 avril, à Poculice, que

2 s'est-il passé ? Eh bien, c'était un village mixte de Musulmans et de

3 Croates et, le matin du 16, les unités de Défense territoriale de Poculice

4 ont attaqué la partie croate du village. Cent Croates se sont sauvés, ils

5 ont descendu la colline. Soixante-dix n'ont pas pu se sauver et ont été

6 capturés à Poculice. Le lendemain, malheureusement, ces prisonniers ont

7 été obligés de creuser des tranchées, certains ont été obligés de

8 travailler dans le no man's land pour recueillir des cadavres. Ils étaient

9 attachés par une corde tenue par les gardiens. Un certain nombre d'entre

10 eux ont été tués lors d'échanges de feu avec des soldats du HVO." Vous

11 vous rappelez cette déclaration ?

12 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, aux fins de clarté,

13 j'aimerais dire qu'il s'agissait de Croates qui étaient faits prisonniers

14 et non pas de Musulmans qui ont été faits prisonniers par les Croates.

15 Cela n'est pas ressorti très clairement de la traduction. Il s'agit donc

16 de Croates qui ont été faits prisonniers par la Défense territoriale.

17 M. le Président. - On pouvait penser qu'il pouvait y avoir des divergences

18 d'interprétation, surtout si les propos venaient de la défense. Rectifiez,

19 Maître Kehoe, pour que la question soit clairement posée au témoin, s'il

20 vous plaît.

21 M. Kehoe (interprétation). - Le conseil de la défense a tout à fait

22 raison, c'est d'ailleurs ce que j'ai dit. C'est un incident où des Croates

23 ont été faits prisonniers, ont été obligés de creuser des tranchées.

24 M. le Président. - Ce n'était pas aussi clair mais, enfin, merci de

25 préciser.

Page 13264

1 M. Kehoe (interprétation). - Vous vous souvenez de cet incident ?

2 M. Marin (interprétation). - Lorsqu'on parle du village de Poculice qui

3 avait une population mélangée, faite de Croates et de Musulmans, après les

4 combats, étant donné qu'il y avait des Croates, le HVO y était également

5 et les Musulmans ont expulsé les Croates de ce village.

6 Je n'ai pas vu de Croates en train de creuser des tranchées, je ne les ai

7 pas vus mais, étant donné que je connaissais la situation, c'est possible.

8 Je ne peux vous confirmer que cela a été le cas car je ne l'ai pas vu.

9 M. Kehoe (interprétation). - Je comprends. Vous ne l'avez pas vu

10 personnellement. Mais ma question était la suivante : est-ce que vous avez

11 entendu parler de cet incident à l'hôtel Vitez ? Est-ce que cette

12 information vous est parvenue au quartier général ?

13 M. Marin (interprétation). - Je ne me souviens pas d'une telle information

14 mais, compte tenu de la situation globale qui était une conséquence du

15 conflit, des combats, c'est possible.

16 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous entendu des informations au mois

17 d'avril disant que l'armée de Bosnie-Herzégovine obligeait des Croates

18 bosniens à creuser des tranchées ?

19 M. Marin (interprétation). - De telles informations, on pouvait les

20 entendre le plus souvent, si cela ne venait pas de comptes rendus des

21 unités, par le biais des médias. Donc, les médias diffusaient de tels

22 renseignements et ils utilisaient de tels renseignements. Ainsi, à chaque

23 fois que vous entendiez de telles données à la radio, moi, en tant que

24 militaire professionnel, je ne les acceptais pas immédiatement, je les

25 prenais avec quelques réserves.

Page 13265

1 M. Kehoe (interprétation). - Général, parlons de toute une série de pièces

2 à conviction.

3 En me fondant sur ce que vous venez de nous déclarer, ce que vous estimiez

4 possible, ce que vous aviez entendu à la radio, j'aimerais passer aux

5 pièces à conviction 298 et 314 de la défense. Je vais les utiliser dans

6 l'ordre. Ensuite la 301 et la 325. Dans l'ordre suivant : 298, 314, 301,

7 325.

8 Général, la pièce à conviction 298 de la défense est un ordre que vous

9 avez rédigé le 17 avril 1993, à 20 heures, et qui s'adresse à toutes ces

10 unités et unités spécialisées. C'est signé par le colonel Blaskic. Et, au

11 point 4 de cet ordre, vous donnez l'ordre de creuser sur la ligne de front

12 et de préparer une contre-attaque. Vous voyez ce point 4 ?

13 M. Marin (interprétation). - Oui.

14 M. Kehoe (interprétation). - En réponse à cet ordre, passons maintenant à

15 la pièce à conviction 314. C'est la réponse qui vient de la brigade

16 Nikola Subisic Zrinski qui répond le 18 avril 1993. On prend note du fait

17 que c'est une suite à votre ordre, l'ordre dont nous venons de discuter

18 qui fait l'objet de la pièce à conviction 298. On répond donc à

19 l'ordre 323 et on dit, entre autres choses, au point 4 : "Le retranchement

20 a été effectué sur toutes les lignes de défense afin d'organiser une

21 défense aussi efficace que possible contre l'ennemi". Vous voyez ce

22 point 4 ?

23 M. Marin (interprétation). - Oui. Vous parlez du document 314, n'est-ce

24 pas ?

25 M. Kehoe (interprétation). - Oui, c'est bien cela. On parle bien de

Page 13266

1 creuser des tranchées, c'est exact ?

2 M. Marin (interprétation). - Dans le document 298, au point 4, on dit

3 clairement qu'il s'agit de creuser des tranchées sur le front et de se

4 préparer à une contre-attaque.

5 M. le Président. - C'est-à-dire qu'en français -je me tourne vers

6 M. Fourmy qui parle très bien les deux langues-, "retranchement" peut

7 vouloir dire autre chose, je vous le signale. Je veux bien...

8 "retranchement" peut vouloir interpréter "creuser des tranchées",

9 Olivier ?

10 M. Fourmy. - Les deux choses.

11 M. le Président. - Le "retranchement" veut dire en français "se

12 retrancher". C'est un peu ambigu comme terme. C'est ce que je voulais vous

13 dire.

14 M. Kehoe (interprétation). - Ce dont nous parlons ici, c'est bien de

15 creuser des tranchées. Vous avez donné l'ordre de creuser des tranchées

16 sur la ligne de front ?

17 M. Marin (interprétation). - Oui, creuser des tranchées sur la ligne de

18 front, il faut entendre la chose suivante : il s'agit de creuser des

19 tranchées, donc de creuser des tranchées pour les activités des soldats et

20 le fait de creuser ces tranchées dépend de la situation en question. Dans

21 la terminologie militaire, on dit qu'on utilise un agent ou plutôt qu'il y

22 a des lignes de communication qui relient ces tranchées pour que l'on

23 puisse mettre en oeuvre de manière efficace la défense.

24 M. Kehoe (interprétation). - Passons à présent à la pièce à conviction de

25 la défense 301. Une fois de plus, c'est un ordre que vous avez rédigé le

Page 13267

1 17 avril 1993. Il s'adresse au commandant de la brigade de Vitez en

2 personne. Vous avez cet ordre sous les yeux ?

3 M. Marin (interprétation). - Oui, je l'ai et je me souviens de ce contenu.

4 C'est moi qui l'ai rédigé.

5 M. Kehoe (interprétation). - ...figure dans le coin gauche, c'est exact ?

6 M. Marin (interprétation). - Oui.

7 M. Kehoe (interprétation). - Vous en avez parlé lors de votre témoignage

8 principal. Et au point 3, vous donnez l'ordre à la brigade de Vitez

9 d'exécuter les travaux de Génie de premier niveau dans les secteurs, de

10 creuser des tranchées permanentes. Date limite : 18 avril 1993 à 5 heures.

11 M. Marin (interprétation). - Oui, et c'est normal lorsqu'on donne un

12 ordre. On ne peut se défendre s'il n'y a pas de tranchées. C'est une

13 activité militaire.

14 M. Kehoe (interprétation). - Dans la pièce à conviction 325, nous avons

15 une réponse, un compte rendu quant au creusement des tranchées provenant

16 de la brigade de Vitez. C'est la réaction qui intervient le 19 avril 1993

17 à 6 heures.

18 Au troisième paragraphe, en commençant par le haut, on dit : "La

19 mobilisation du personnel se poursuit et de nouvelles tranchées et des

20 travaux de renforcement sont effectués de façon continue sur toutes les

21 lignes de défense". Vous voyez cette ligne ?

22 M. Marin (interprétation). - Oui, je la vois, c'est cela.

23 M. Kehoe (interprétation). - Ces tranchées étaient creusées tout le long

24 des lignes, dans le secteur que vous nous avez décrit dans la pièce à

25 conviction 301 de la défense. C'est bien cela ?

Page 13268

1 M. Marin (interprétation). - Oui, oui, dans tous ces secteurs, sur toutes

2 ces lignes, qui étaient occupées, et tous ces villages sont des villages

3 croates.

4 Il s'agit donc de creuser des tranchées devant les villages croates pour

5 défendre ces villages par rapport aux unités de l'armée de Bosnie-

6 Herzégovine qui étaient de l'autre côté.

7 M. Kehoe (interprétation). - Ce creusement de tranchées constitue un

8 travail très dangereux, n'est-ce pas ?

9 M. Marin (interprétation). - Toute activité de combat, y compris le fait

10 de creuser des tranchées, est dangereuse. En temps de guerre, toutes les

11 activités sont dangereuses, y compris le fait de creuser des tranchées.

12 M. Kehoe (interprétation). - Mais creuser des tranchées, vous serez

13 d'accord avec moi pour dire que c'est une activité particulièrement

14 dangereuse puisqu'on creuse les tranchées sur la ligne de front, face à

15 l'ennemi. Ce n'est pas vrai ?

16 M. Marin (interprétation). - Oui, c'est cela. Ce ne serait pas

17 professionnel de dire qu'il n'est pas dangereux d'être en première ligne.

18 M. Kehoe (interprétation). - Dans le secteur que vous nous décrivez, dans

19 la pièce à conviction 301, où l'ordre est donné à la brigade de Vitez, ces

20 secteurs se trouvent surtout dans la municipalité de Vitez, n'est-ce pas ?

21 M. Marin (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, permettez-moi

22 d'éclaircir pourquoi cet ordre a été donné. Nous avons parlé de

23 l'organisation de la brigade de Vitez et nous avons vu à quel niveau elle

24 était organisée. Le 17, lorsque nous avons conclu au sujet des forces de

25 l'attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine qu'il y avait un danger, une

Page 13269

1 menace, que l'armée de Bosnie-Herzégovine allait repousser les forces de

2 la brigade de Vitez, à ce moment-là, nous avons décidé, en raison de

3 l'organisation qui existait, de relier les villages entre eux, car c'est

4 ainsi que se trouvaient les unités. Ensuite, on a appelé cela "secteur 1".

5 On a relié d'autres villages et on a appelé cela "secteur 2". Nous avions

6 une organisation où il n'y avait pas de bataillon, pas de peloton, pas de

7 compagnie et cela nous a permis de trouver une bonne solution.

8 M. Kehoe (interprétation). - Général, d'après le témoignage du général

9 Ivica Zeko, l'armée de Bosnie-Herzégovine avait 82 000 soldats alors que

10 la zone opérationnelle de Bosnie centrale avait 8 200 soldats. Alors, pour

11 répondre à une question de Me Nobilo, à la page 11 717, on a demandé au

12 général Zeko si cette proportion était bien de dix à un, et vous aviez

13 répondu qu'en effet, c'était une proportion de dix à un.

14 M. Marin (interprétation). - J'aimerais ajouter quelque chose : le chiffre

15 de 8 000 et quelque que vous avez mentionné est le chiffre qui correspond

16 aux soldats sous les armes qui étaient prêts à combattre. Mais si vous

17 prenez encore d'autres soldats, il y en avait pratiquement 13 000, si vous

18 prenez tous ceux qui étaient sur les listes et donc sans arme. Mais les

19 soldats qui étaient en état de combattre, qui avaient des fusils, qui

20 avaient des armes, eh bien, c'était plus ou moins ce chiffre.

21 M. Kehoe (interprétation). - Revenons à la pièce à conviction 345, pièces

22 à conviction de la défense, et gardez les autres pièces sous les yeux. Il

23 s'agit une fois de plus du document dont nous avons déjà parlé à plusieurs

24 reprises : c'est la liste des personnes du HVO qui sont mortes au combat

25 dans la zone de Vitez au cours des années 1993 et 1994.

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1 Si vous me le permettez, Monsieur le Président, nous pouvons accélérer les

2 choses, vous pouvez regarder cette liste à votre aise. Nous avons vu le

3 nombre de décès le 19 mai, le 20, nous avons deux soldats HVO tués sur

4 cette liste. Alors d'après les listes dont nous disposons du 16 au 20,

5 parmi tous ces échanges de feu, parmi ces creusements de tranchées, nous

6 avons à peu près une douzaine de soldats HVO qui se sont fait tuer à

7 Vitez.

8 D'après la liste de la pièce à conviction 345, nous pouvons tout recompter

9 si vous le souhaitez.

10 C'est une époque où on creuse énormément de tranchées, vous prétendez

11 qu'il y a des échanges de feu intensifs également. Vous êtes attaqués par

12 l'armée de Bosnie-Herzégovine, c'est bien le cas ?

13 M. Marin (interprétation). - Nous avons ordonné donc que les lignes de

14 front que nous tenions devaient être fortifiées. Cela a été fait par la

15 mobilisation, par la protection civile, et tous les citoyens qui n'avaient

16 pas d'armes sont allés creuser des tranchées avec les soldats. C'est ainsi

17 que nous avons procédé. Il n'y avait pas d'autre solution possible. Il y

18 avait donc et la protection civile qui s'en occupait, et les pelotons de

19 travail. Tout cela était entre les mains du département de la défense.

20 M. Kehoe (interprétation). - C'est une époque également où vous étiez

21 dépassés en hommes, puisque la proportion était de dix à un d'après ce qui

22 a été déclaré par le général Zeko.

23 Alors, au milieu de ces activités aussi intenses, vous êtes-vous demandé

24 pourquoi le HVO avait enregistré aussi peu de victimes au milieu

25 d'activités aussi dangereuses sur la ligne de front et en plein combat ?

Page 13271

1 M. Marin (interprétation). - Je sais qu'il y a eu plus de victimes, mais

2 probablement que dans le temps qui nous reste, nous allons le montrer.

3 M. Kehoe (interprétation). - Ma question est la suivante : étant donné

4 toutes ces activités dangereuses : la défense, la construction des

5 tranchées, vous êtes-vous demandé, Général, pourquoi le HVO avait

6 enregistré aussi peu de pertes ? Vous savez pourquoi, franchement ?

7 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin a dit qu'il

8 y a eu plus de vingt victimes.

9 M. le Président. - Maître Kehoe. Sur ce point-là, il vous a dit qu'il y

10 avait peu de victimes et qu'il pensait qu'il y en avait eu d'autres et

11 qu'il espérait pouvoir le démontrer.

12 M. Kehoe (interprétation). - Bien, alors j'aimerais projeter une

13 photographie. C'est la pièce à conviction 263 de l'accusation.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le témoin pourrait-il nous dire si les

15 autres victimes figurent également sur cette liste, les autres victimes

16 dont vous avez parlé ?

17 M. Marin (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le Juge, si

18 vous me permettez de retrouver les données que j'ai sur les victimes, il

19 est vrai que ces victimes sont les victimes qui appartenaient au HVO, à

20 Vitez pendant la guerre avec l'armée de la Republika Srpska et l'armée de

21 Bosnie-Herzégovine : 657 personnes sont mentionnées, 657, les dates sont

22 en cause, et pour ce qui est des blessés, il y a eu 624 soldats et

23 140 civils, au total, 764.

24 Pour comprendre ces chiffres, et pour comprendre quelle a été la tragédie,

25 il faut comparer cela à 12 600 et plus de Croates qui vivaient dans la

Page 13272

1 municipalité de Vitez. Si vous prenez en compte le fait que la guerre a

2 duré un an, il en ressort que tous les mois, 60 personnes ont trouvé la

3 mort. Tous les mois, 60 personnes, ou plus, ont été blessées.

4 Cette liste, que j'ai confirmée, fait état du nombre de morts qui

5 appartenaient au HVO, les civils n'en ressortent pas, mais la différence

6 entre 657 et 624, c'est la différence entre les civils et les membres du

7 HVO à proprement parler.

8 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, si vous me le

9 permettez, le Juge Shahabuddeen a posé une question et je me sens dans

10 l'obligation de dire quelques mots. Nous ne souhaitions pas intervenir,

11 nous souhaitions éclaircir les choses lors de notre droit de réplique

12 mais, étant donné que le Juge a posé une question, nous nous sentons dans

13 l'obligation de donner des explications. L'accusation dit, en lisant les

14 dates de cette colonne : "A aucun moment on ne voit qu'il s'agit de la

15 date de décès". Nous avons écouté ce qu'a dit l'accusation. Pour chaque

16 jour, deux à trois morts... Nous interviendrons par la suite lors de notre

17 droit de réplique mais, à ce stade, je souhaitais préciser cet élément.

18 M. le Président. - Quelle est la date alors qui figure dans la deuxième

19 colonne ? le 25 10, par exemple, le premier : Ajanovic Nedzib Denis qui

20 est né en 1970, je pense, 25 octobre 1993, qu'est-ce que c'est ?

21 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, sur le document, on

22 ne voit rien, il n'est rien écrit d'autre à part "date". Nous montrerons

23 qu'il s'agit de la date de l'enterrement. Personne ne pouvait être enterré

24 le 16 ou le 17. On a pu enterrer les gens qu'au moment où les conflits se

25 sont arrêtés. Je parle de la colonne de la date. Tout d'abord on a le nom,

Page 13273

1 le prénom, l'année de naissance de la personne qui est morte, et ensuite

2 la date de l'enterrement. Mais, sur le document, on ne dit pas de quelle

3 date il s'agit.

4 M. le Président. - L'enterrement ce n'est pas... la date de l'enterrement

5 n'est pas dans la dernière colonne ? Par exemple, vous prenez le 12 :

6 Babic, si je lis bien "1976" ; je pensais qu'il avait été tué le

7 17 février 94, à Krcevine et qu'il avait été "burried" à Krcevine le

8 lendemain 18 février 94. Ce n'est pas cela ? "Burried at", cela ne veut

9 pas dire enterré ?

10 M. Nobilo (interprétation). - On parle du lieu où la personne a été

11 enterrée mais pas de la date.

12 M. le Président. - Il y a une date, Maître Nobilo, à côté. Par exemple,

13 prenez le numéro 1. Nous revenons au numéro 1 puisqu'il s'agit d'un

14 Musulman membre du HVO, sur lequel tout le monde devrait être d'accord.

15 C'est Ajanovic Nedzib Denis. Première colonne, l'année, 1970, je pense que

16 c'est sa date de naissance. La deuxième colonne, 25 10 93. Je pense

17 raisonnablement que c'est le jour où il a été tué. Ples, c'est l'endroit

18 où il a été tué, je pense que c'est sur le mont Kuber, son adresse c'est

19 son adresse d'origine et je crois qu'il a été enterré à Kruscica, le

20 25 octobre, le jour même d'ailleurs, ce n'est pas illogique. Cela peut

21 s'interpréter comme cela, me semble-t-il.

22 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je vous suggère

23 d'examiner le numéro 322, Vidovic Zoran.

24 M. le Président. - Si vous citez celui-là, c'est qu'il doit aller bien

25 dans votre hypothèse.

Page 13274

1 322 : Vuleta Mirko, il est né en 1960. Pour moi, il a été...

2 M. Nobilo (interprétation). - 322. Monsieur le Président, c'est

3 Vidovic Ivica Zoran.

4 M. le Président. - Je ne sais pas. A Vidovic, oui, je vois. Mais c'est un

5 autre tableau, cela. Monsieur Vidovic pour moi a été tué le 21 avril 1993.

6 Ce que l'on sait, c'est qu'il a été enterré à Ljubica. On n'a pas la date.

7 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai ici le registre,

8 un extrait du registre des décès de l'état-civil de Vitez. Il s'agit donc

9 d'un document officiel où il est dit que Vidovic Zoran est mort le

10 16 avril 1993, le 16 avril. Et il s'agit là du document officiel qui donne

11 la date du décès officiel. Et j'en ai un certain nombre.

12 M. le Président. - Attention, c'est une liste, la liste qui m'a été

13 communiquée par vous, qui est la cote D 345, c'est la liste des membres du

14 HVO qui ont été tués. Quand je lis une date, j'ai tendance à penser, je me

15 trompe peut-être, que c'est la date où ils ont été tués. Ecoutez, je crois

16 qu'il vaut mieux en rester là.

17 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, c'est rédigé par une

18 organisation qui s'occupe des retraites, etc., mais les documents

19 officiels, les documents légaux diffèrent pour ce qui est de la date du

20 décès.

21 Pour ce qui est des noms, ce sont bien les noms exacts, mais lorsqu'il

22 s'agit de dates, les données diffèrent entièrement.

23 M. le Président. - Je vous remercie entièrement de cette précision,

24 Maître Nobilo, je vous rappelle simplement, pour la clarté du débat, que

25 c'est une précision que vous êtes obligé d'apporter sur votre propre

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1 document. Je vous rappelle qu'à la base, au départ, c'est votre document.

2 Voilà pourquoi nous étions, nous sommes obligés de partir de ce document.

3 Maintenant libre à vous d'apporter des précisions. C'est votre droit.

4 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, nous avons

5 utilisé ce document pour montrer quel était le nombre de morts. Nous

6 n'avons pas prêté attention aux dates. Lorsque l'accusation a commencé à

7 mentionner les dates, nous avons essayé de retrouver des documents qui

8 indiquent d'autres dates. Ce que nous souhaitons, c'est donner ces

9 chiffres concernant les décès à Vitez.

10 M. le Président. - Merci. Il est 11 h 20. Maître Kehoe, vous avez encore

11 une question à poser ? Voulez-vous qu'on termine sur ce problème de date

12 ou vous voulez changer de sujet, ou vous êtes toujours sur le même sujet ?

13 Que voulez-vous faire ?

14 M. Kehoe (interprétation). - Je n'ai plus de questions sur les dates des

15 décès. Je vais continuer sur la même longueur d'onde, mais j'ai encore

16 plusieurs questions à poser dans le même domaine.

17 M. le Président. - Ecoutez, alors, nous allons faire la pause. Et nous

18 reprendrons dans vingt minutes.

19 (Suspendue à 11 h 20, l'audience est reprise à 11 h 50.)

20 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

21 Maître Kehoe, pouvons-nous ranger tous ces documents ou allez-vous les

22 utiliser encore ?

23 M. Kehoe (interprétation). - Je ne pense pas que nous ayons encore à les

24 utiliser, Monsieur le Président, nous pouvons les ranger.

25 M. le Président. - Merci.

Page 13276

1 M. Kehoe (interprétation). - Je ne pense pas. Général, vous nous avez dit

2 ce matin que vous aviez entendu à la radio, à la radio musulmane et à la

3 radio croate, que des civils étaient utilisés pour creuser des tranchées.

4 Vous rappelez-vous ce témoignage de ce matin ?

5 M. Marin (interprétation). - Oui, je l'ai dit, mais pas exactement de la

6 manière dont vous venez de le dire. J'ai dit qu'à la radio on entendait

7 des informations liées à toutes les activités, si c'était de la partie de

8 l'armée de Bosnie-Herzégovine, on parlait des actions répréhensibles du

9 HVO, et l'inverse.

10 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que le colonel Blaskic a écouté ces

11 nouvelles à la radio également ?

12 M. Marin (interprétation). - Je suppose qu'il entendait de tels comptes

13 rendus, et autant que je puisse m'en souvenir, après tout ces événements,

14 au moment où le général Blaskic a complété tous les renseignements dont il

15 disposait sur la situation sur le terrain, autant que je m'en souvienne,

16 il a donné un ordre où, de manière expresse, il dicte le comportement des

17 soldats et il ordonne de mettre un terme à toutes les activités négatives

18 dont il a entendu parler.

19 Il souhaite que dans les unités, dans les villes, les soldats doivent se

20 comporter de manière appropriée.

21 M. Kehoe (interprétation). - Ce que vous voulez dire par là, c'est que

22 M. Blaskic a entendu dire que les soldats HVO obligeaient des Musulmans à

23 creuser des tranchées ?

24 M. Kehoe (interprétation). - Je crois que dans ses entretiens avec les

25 représentants des organisations internationales, lors de ces réunions avec

Page 13277

1 les représentants de Bosnie-Herzégovine, de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

2 on en parlait, car cela se produisait des deux côtés.

3 M. Kehoe (interprétation). - Général, est-ce qu'un membre du HVO a été

4 arrêté pour avoir obligé des Musulmans à creuser des tranchées ?

5 M. Marin (interprétation). - Le fait de creuser des tranchées, donc

6 d'engager des personnes pour fortifier -c'est ainsi qu'on le dit- des

7 lignes de défense, ce qui implique à la fois le creusement de tranchées,

8 et d'endroits où les hommes pourront rester pendant la nuit, se mettre à

9 l'abri de la pluie, etc., cette activité-là était effectuée par les

10 soldats dans le cadre de leurs obligations de travail, lorsque c'était

11 nécessaire. Il y avait également la protection civile et le reste de la

12 population civile, si c'était nécessaire, à un endroit donné. Je ne peux

13 vous dire si à Krcevine il y en avait dix ou quinze.

14 Mais, Monsieur le Président; pour avoir une image globale de la situation,

15 j'aimerais vous montrer sur la carte où ces lignes de défense se

16 trouvaient, dans quelles villes on a creusé ces tranchées.

17 M. le Président. - Est-ce nécessaire ? Je voudrais poser la question.

18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, quelle est votre réponse à la

19 question concrète de l'accusation ? Est-ce qu'un soldat HVO a été arrêté

20 pour avoir obligé des civils à creuser des tranchées ?

21 M. Marin (interprétation). - Je n'ai pas connaissance du fait qu'un

22 quelconque soldat aurait jamais été arrêté.

23 Si vous me le permettez, je n'en ai pas pour longtemps et je peux vous

24 l'indiquer. Voilà les lignes de défense du HVO après l'attaque de l'armée

25 de Bosnie-Herzégovine. Ces lignes allaient dans les villages, directement

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1 dans les villages, elles étaient juste à côte des villages croates. Si

2 votre maison est là, à 10 mètres de cette maison se trouve la tranchée.

3 Vous-même, votre famille, etc., habitez dans cette maison.

4 Pourquoi est-ce que je vous dis tout cela ? Pour qu'on n'envisage pas cela

5 comme un front où on rassemble des gens ici et qu'on les emmène à une

6 cinquantaine de kilomètres,

7 quelque part dans les montagnes pour creuser des tranchées.

8 Prenons l'exemple du village de Krcevina. Qui est-ce qui creusait des

9 tranchées la plupart du temps ? Les soldats de ce village, les villageois

10 et, si des unités étaient mobilisées, elles le faisaient selon le type

11 d'activités.

12 Voilà ce qu'il faut dire sur le fait de creuser des tranchées.

13 En effet, toute la ligne à Vitez passe parfois par le village ou est à

14 proximité immédiate du village. Les lignes de défense entre le HVO et

15 l'armée de Bosnie-Herzégovine, par endroits, étaient éloignées de

16 50 mètres l'une de l'autre. Il s'agissait de défendre toute parcelle de

17 terre. Voilà donc l'image fidèle de la situation.

18 M. le Président. - Merci. Poursuivez, Maître Kehoe.

19 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais qu'on recule le rétroprojecteur.

20 Voilà. Général, vous étiez Procureur à la Cour de discipline de Vitez.

21 Etes-vous au courant qu'un membre du HVO se soit vu imposer des sanctions

22 disciplinaires pour avoir obligé des Musulmans, des civils musulmans à

23 creuser des tranchées ?

24 M. Marin (interprétation). - J'étais l'adjoint du Procureur de discipline.

25 Je l'ai déjà dit, et ce Tribunal de discipline a été créé au mois de

Page 13279

1 septembre ou octobre 1993 en Bosnie centrale et, à partir de ce moment-là,

2 ce Tribunal disciplinaire a engagé des procédures contre des officiers,

3 des sous-officiers et non pas des soldats.

4 Vous avez mentionné le Tribunal disciplinaire. Eh bien, ce Tribunal ne

5 pouvait imposer une sanction disciplinaire au soldat pour ses actions. Et

6 comme je l'ai dit, je n'ai pas connaissance de cas où un quelconque soldat

7 aurait été puni ou arrêté pour ses activités liées au fait de creuser les

8 tranchées.

9 M. Kehoe (interprétation). - Etes-vous au courant qu'un soldat HVO aurait

10 été renvoyé des forces armées pour avoir obligé des civils musulmans à

11 creuser des tranchées ? N'importe qui ?

12 M. Marin (interprétation). - A l'époque, ce n'était pas possible. Ce

13 n'était pas possible. Nous nous défendions. Mais je sais qu'au moment où

14 cela a eu lieu à Busovaca, à Kaonik, là, oui, nous avions l'ordre. Le

15 général Blaskic, le commandant a ordonné... Enfin, ce sont les policiers

16 militaires qui avaient fait quelque chose avec les prisonniers, ils les

17 ont emmenés ou je ne sais quoi, et il a ordonné une telle chose et donc le

18 fait de voir ce qu'il en était et dans quelles circonstances cela s'était

19 produit.

20 M. Kehoe (interprétation). - Général, c'était au mois de février, cet

21 ordre.

22 M. Marin (interprétation). - Oui, au mois de février.

23 M. Kehoe (interprétation). - Moi, je vous parle du mois d'avril, du mois

24 de mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre,

25 janvier, jusqu'à décembre 1993, janvier, février, mars 1994. Dites-moi

Page 13280

1 s'il y a eu un soldat HVO qui se soit vu imposer des sanctions

2 disciplinaires, qui ait été renvoyé ou qui était poursuivi par le

3 Procureur militaire pour avoir obligé un Musulman à creuser des tranchées,

4 un civil musulman. Dites-moi le nom d'un de ces soldats.

5 M. Marin (interprétation). - Je ne peux vous le confirmer pour l'un

6 quelconque des soldats.

7 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais vous montrer la pièce à

8 conviction 263 de l'accusation.

9 Général, vous avez ici une photo d'un individu qui a été identifié comme

10 étant Zlatko Aleksovski. Il était directeur de la prison militaire de

11 Busovaca.

12 M. Marin (interprétation). - Autant que je m'en souvienne, il s'agit de

13 Zlatko Aleksovski sur cette photographie.

14 M. Kehoe (interprétation). - Je vais vous lire, il s'agit de la pièce à

15 conviction 242 de l'accusation, annexe O à la pièce 242 en date du

16 10 mai 1993.

17 Dans une conversation avec les membres de la mission ECMM,

18 Zlatko Aleksovski a dit ceci, il parle des problèmes dans les prisons à

19 Busovaca : "Le cinquième problème -c'est la page 2 de ce document-, c'est

20 le type de travail confié aux prisonniers. Je sais que la Convention de

21 Genève n'autorise pas qu'on prenne, qu'on oblige les prisonniers à faire

22 un travail dangereux pour leur santé. On m'en a averti, c'est le CSC qui

23 m'a prévenu, mais je ne suis pas la seule personne responsable. C'est le

24 CICR qui me l'a communiqué mais moi je ne fais qu'exécuter des ordres. Le

25 commandant de la brigade de Busovaca et de Vitez donne ces ordres.

Page 13281

1 Ce n'est pas que je veuille évacuer mes responsabilités. Je suis la

2 personne chargée de libérer ces gens pour faire ce genre de travail. Pour

3 tirer les choses au clair, je me suis rendu, j'ai parlé au commandant de

4 Busovaca et je sais que le CICR a protesté parce qu'on avait fait

5 travailler les gens dans de telles conditions.

6 On a répondu à Béatrice de la CICR qu'on était pratiquement d'accord avec

7 elle mais qu'il n'y avait pas assez de personnel pour leur confier toutes

8 ces tâches de sécurité et que quelqu'un devait bien creuser ces tranchées.

9 Il se trouve que les hommes qui creusent des tranchées sont les

10 prisonniers."

11 Général, saviez-vous que les prisonniers musulmans étaient sortis des

12 prisons militaires, notamment de la prison militaire de Busovaca, qu'ils

13 étaient transportés par ordre du commandant de la brigade de Vitez et

14 qu'ils étaient obligés de creuser des tranchées ? Le saviez-vous, oui ou

15 non ?

16 M. Marin (interprétation). - Un tel fait, c'est-à-dire ce que vous venez

17 de mentionner, je l'ignorais à l'époque mais, par la suite, j'ai appris

18 que de tels cas se sont produits. En effet, dans la période qui va du mois

19 d'avril à la suite, autant que je m'en souvienne, le commandant de la zone

20 opérationnelle a donné l'ordre de ne pas autoriser de telles actions.

21 M. Kehoe (interprétation). - Général, les deux brigades dont nous avons

22 parlé précédemment, qui ont donné ces ordres, c'était la brigade de Vitez

23 et la brigade Nikola Subisic Zrinski. C'est bien cela ?

24 M. Kehoe (interprétation). - Oui, il s'agit de ces deux brigades. Mais ces

25 brigades n'étaient pas compétentes pour donner des ordres aux prisons

Page 13282

1 militaires. D'ailleurs le commandant de la zone opérationnelle non plus

2 n'était pas compétent. La prison militaire de Busovaca était contrôlée par

3 le ministère de la Justice, et autant que je sache, dans cette prison, il

4 y avait également des détenus mais combien de temps, dans quelles

5 conditions ? Je l'ignore.

6 M. Nobilo (interprétation). - Je crois qu'il y a une erreur dans la

7 traduction. Le témoin a dit que la prison militaire de Busovaca relevait

8 de la compétence du ministère de la Justice. Or, ce n'est pas ce qui

9 figure dans la traduction anglaise. C'est donc le ministère de la Justice.

10 M. le Président. - Dont acte.

11 M. Kehoe (interprétation). - Général, nous avons déjà établi, lors d'un

12 ordre donné par Blaskic, qu'il avait donné des ordres aux directeurs de

13 toutes les prisons militaires au mois de juin 1993, interdisant de forcer

14 des prisonniers à creuser des tranchées. Donc, sur une pièce à conviction

15 de la défense, dans un cas au moins, Blaskic interdit aux directeurs des

16 prisons d'autoriser les prisonniers à creuser des tranchées. C'est exact ?

17 Vous vous rappelez cela ou vous voulez que je vous remontre ce document ?

18 M. le Président. - Remontrez le document, Maître Kehoe.

19 M. Kehoe (interprétation). - C'est la pièce à conviction 373 de la

20 défense.

21 M. le Président. - Général, je vous demande de vous rappeler une fois de

22 plus que vous étiez chef numéro°2, chef des opérations militaires. Il

23 s'agit de créer des lignes de défense. Remontrez le document au témoin,

24 s'il vous plaît. Nous allons perdre du temps mais tant pis.

25 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit d'un ordre provenant du colonel

Page 13283

1 Blaskic qui s'adresse à tous les commandants des brigades et aux

2 directeurs des prisons militaires, un ordre du 21 juin 1993. Regardez le

3 point 2 : "On interdit d'utiliser des prisonniers de guerre pour creuser

4 des tranchées".

5 M. Marin (interprétation). - Oui. Cet ordre a été adressé aux commandants

6 des brigades pour exécution. Il est adressé aux directeurs de prisons

7 militaires parce que certains soldats venaient spontanément voir les

8 directeurs des prisons et souhaitaient emmener des gens.

9 On a donné cet ordre pour que le directeur de la prison puisse montrer cet

10 ordre et dire : "Voilà le général Blaskic l'interdit, je ne peux le

11 faire". C'est ainsi que je comprends cet ordre. Je pense qu'il a été donné

12 dans ce but.

13 M. le Président. - Maintenant posez votre question, Maître Kehoe.

14 M. Kehoe (interprétation). - Au point 4, M. Blaskic dit que les directeurs

15 de prisons militaires seront responsables de l'exécution de cet ordre.

16 M. le Président. - Non, pas tout à fait, Maître Hayman, je vois que vous

17 faites ce geste, pas tout à fait. C'est la réponse de votre témoin qui

18 amène le Procureur à devoir préciser. Votre témoin a dit que les prisons

19 militaires, voulant éviter la question qui lui était posée, a fait une

20 réponse sur la compétence. Vous êtes d'accord ? Il a fait une réponse...

21 Si, si, il a dit, Me Nobilo l'a fait corriger au transcript, il a dit que

22 les prisons étaient sous l'autorité du ministère.

23 Il est donc légitime de la part du Procureur de ramener à ce document. Ce

24 document doit être vu avec une cohérence d'ensemble. Je regrette. C'est

25 une question de logique judiciaire, Maître Hayman, c'est tout. Donc le

Page 13284

1 Procureur doit poser sa question.

2 M. Hayman (interprétation). - D'accord, d'accord, je n'ai pas d'objection.

3 Ce à quoi je m'oppose, c'est qu'on a déjà posé ce genre de questions il y

4 a deux ou trois jours, on répète, on répète.

5 M. le Président. - Oui, c'est vrai, mais il faut bien reconnaître,

6 Maître Hayman, qu'il est très difficile, en tout cas pour le Juge qui vous

7 parle à titre personnel, et je ne me prononcerai pas pour mon collègue,

8 d'arriver à trouver la ligne cohérente et logique du témoin.

9 Quand une question comme celle-ci lui pose un problème, car il s'agit

10 quand même d'un document qui est à décharge de l'accusé, vous le savez

11 bien, vous l'avez cité, vous, la défense. Mais s'il est à décharge de

12 l'accusé, il est tout à fait normal que, le Procureur également, ce

13 document a une cohérence d'ensemble. Vous l'avez cité.

14 Maintenant le Procureur essaie de l'utiliser dans une question qui me

15 paraît légitime. Monsieur le Procureur, vous posez votre question.

16 M. Kehoe (interprétation). - Général, la personne qui gère la prison

17 militaire de Busovaca, c'est Zlatko Aleksovski ?

18 M. Marin (interprétation). - Oui, c'est lui qui était directeur de la

19 prison.

20 M. Kehoe (interprétation). - C'est lui qui a déclaré que les commandants

21 de brigade de Busovaca et de Vitez emmènent des prisonniers pour creuser

22 des tranchées ?

23 M. Marin (interprétation). - C'est ce que j'ai entendu de votre compte

24 rendu dont vous avez donné lecture.

25 M. Kehoe (interprétation). - Général, le fait de forcer des prisonniers

Page 13285

1 musulmans à creuser des tranchées est une violation de la Convention de

2 Genève, c'est un crime de guerre, n'est-ce pas ?

3 M. Marin (interprétation). - Autant que je sache, le fait de forcer

4 n'importe quel civil à creuser des tranchées est une violation des

5 Conventions de Genève. Ce qui est écrit dans cet ordre également.

6 M. Kehoe (interprétation). - Quand avez-vous entendu dire pour la première

7 fois que des prisonniers musulmans étaient obligés de creuser des

8 tranchées ? Quand avez-vous été mis au courant ?

9 M. Marin (interprétation). - Véritablement je ne peux vous donner la date

10 exacte et le moment exact mais, étant donné qu'il y avait de tels ordres,

11 je savais qu'il y avait de tels cas. La réaction du commandement de la

12 zone opérationnelle a visé à faire cesser ce genre d'acte.

13 M. Kehoe (interprétation). - Dans le même ordre d'idée, il est vrai que

14 des membres de la Croix-Rouge internationale se sont rendus à l'hôtel

15 Vitez, sont venus parler au colonel Blaskic et ont protesté contre

16 l'utilisation des prisonniers musulmans pour creuser des tranchées, n'est-

17 ce pas ?

18 M. Marin (interprétation). - Je ne peux confirmer s'ils sont venus pour

19 parler de cette question. Je sais que les organisations internationales,

20 toute l'année, venaient voir le commandant de la zone opérationnelle. Ce

21 dont je peux vous parler avec certitude, ce sont les actions que nous

22 avons entreprises, les documents que nous avons rédigés pour résoudre un

23 certain nombre de problèmes.

24 M. Hayman (interprétation). - Objection, Monsieur le Président. Le

25 Procureur nous fait perdre du temps pour que nous ne puissions pas

Page 13286

1 terminer le contre-interrogatoire. Ce sont toujours les mêmes questions

2 qu'il pose et repose depuis deux, trois jours. Objection.

3 M. Kehoe (interprétation). - J'essaie...

4 M. le Président. - Vous poursuivez sur ce domaine. Il s'agit d'un témoin

5 que vous avez cité, qui est le numéro 2 opérationnel et qui s'occupe

6 d'organiser les lignes de défense. Il se trouve que ces lignes de

7 défense... Il peut y avoir -je ne dis pas qu'il y a- une probabilité que

8 des civils prisonniers aient creusé ces tranchées. Je pense qu'à tous les

9 briefings, le matin, on devait parler de l'organisation des lignes de

10 défense. Et je regrette, Maître Hayman, pour l'instant le Juge qui vous

11 parle n'a pas encore la réponse du numéro 2 de l'état-major de l'accusé.

12 Monsieur le Procureur, poursuivez. Nous continuerons s'il le faut le 26.

13 Monsieur le Procureur, vous poursuivez.

14 M. Kehoe (interprétation). - Général, en tant que chef des opérations, en

15 tant que numéro 2, je vous demande si Blaskic s'est rendu à la prison

16 militaire de Kaonik pour essayer de juger par lui-même si les Musulmans

17 étaient obligés de creuser des tranchées ou non. Est-ce qu’il l'a fait,

18 oui ou non ?

19 M. Marin (interprétation). - Cela, je ne peux vous le confirmer. Je ne

20 sais pas si le général a fait cela.

21 M. Kehoe (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté à

22 l'état-major à Vitez, au quartier général de Vitez ? Jusqu'en 1994, vous

23 étiez encore là ? Ou bien est-ce que vous êtes resté jusqu'à

24 novembre 1993 ?

25 M. Marin (interprétation). - En 1993, oui, j'y étais jusqu'à l'accord de

Page 13287

1 Washington et, après, au mois de mars 1995, je suis parti en service à

2 Tomislavgrad.

3 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais vous montrer une pièce à

4 conviction 448, pièce à conviction de l'accusation. C'est une photo.

5 Général, regardez les trois zones qui sont encerclées. Regardez surtout la

6 zone de droite. La zone de droite reprend la zone de Bobasi, n'est-ce

7 pas ?

8 M. Marin (interprétation). - Oui, Bobasi.

9 M. Kehoe (interprétation). - Aux mois de septembre, d'octobre et novembre

10 également, il y avait beaucoup de combats dans cette zone de Bobasi,

11 n'est-ce pas ?

12 M. Marin (interprétation). - Oui, oui.

13 M. Kehoe (interprétation). - Au mois de septembre, jusqu'au mois de

14 novembre..

15 Non, avant de passer à cette question, quelle est la distance entre Bobasi

16 et l'hôtel Vitez ?

17 M. Marin (interprétation). - De 2 kilomètre 500 à 2 kilomètre 700,

18 3 kilomètre maximum, pas plus.

19 M. Kehoe (interprétation). - On a témoigné devant cette Cour que des

20 Musulmans bosniaques, de septembre à novembre, ont été obligés de creuser

21 des tranchées dans la zone entourée sur la droite qui inclut Bobasi.

22 Alors, vous, en tant que chef des opérations à l'époque, étiez-vous au

23 courant du fait que des hommes musulmans bosniaques avaient été emmenés

24 dans la zone de Bobasi et obligés de creuser des tranchées sur la ligne de

25 front ?

Page 13288

1 M. Marin (interprétation). - Je n'ai pas connaissance de cela pour Bobasi.

2 Je sais qu’on creusait des tranchées à Bobasi. C'étaient les soldats ainsi

3 que les pelotons de travail qui existaient déjà au sein des unités. Au

4 mois de septembre...

5 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous dites que des unités creusaient

6 des tranchées mais que vous ne savez rien des hommes musulmans qui étaient

7 obligés de creuser ces tranchées. C'est ce que vous voulez dire ?

8 M. Marin (interprétation). - Des tranchées étaient creusées par les

9 soldats, des formations qui se trouvaient à cet endroit, ainsi que des

10 pelotons de travail qui ont été formés au sein de la brigade de Vitez.

11 M. Kehoe (interprétation). - Général, nous allons passer à un autre sujet.

12 J'aimerais vous parler de certains passages de votre témoignage sur le

13 colonel Blaskic lorsqu'il recevait des informations relatives à un crime.

14 Vous avez témoigné du fait qu'il réagissait très rapidement lorsqu'il

15 recevait des informations. Je voudrais vous donner un échantillon des

16 commentaires que vous nous avez présentés ici. C'est à la page 12 551.

17 Vous dites que, chaque fois que le général Blaskic avait des informations

18 complètes sur un événement donné, il réagissait immédiatement afin de

19 résoudre le problème.

20 A la page 12 561, vous dites, en parlant d'une pièce à conviction, que

21 cela confirme que les informations étaient parvenues à temps au général

22 Blaskic et qu’il avait pris immédiatement des mesures pour résoudre le

23 problème.

24 Page 12 566 : une fois de plus, un commentaire sur une réaction de Blaskic

25 à des informations reçues en temps voulu. Il a pris des mesures immédiates

Page 13289

1 pour réagir.

2 Dernière référence, 12 374 : le général Blaskic, chaque fois qu'il en

3 avait l'occasion et le temps, et qu'il disposait des informations

4 requises, n'attendait pas une seconde, pas une minute ; il prenait des

5 mesures immédiatement pour résoudre le problème.

6 Vous nous avez également dit... Je vais vous montrer la pièce à

7 conviction 379, pièce à conviction de la défense. Dans cette pièce à

8 conviction de la défense 379... Vous savez que ce n'est pas un rapport

9 complet, cependant vous avez dit, lors de votre témoignage, que le général

10 Blaskic aurait réagi même si le document n'était pas complet parce qu'il

11 s'agit de la démolition d'une mosquée à Kiseljak. Je m'en réfère à votre

12 témoignage à la page 12 615.

13 M. Marin (interprétation). - Oui, c'est ce qui est dit dans ce document.

14 M. Kehoe (interprétation). - Alors, d'après votre témoignage, Blaskic

15 réagissait toujours immédiatement lorsqu'il disposait des informations

16 précises et, même dans ce cas-ci, lorsque les informations étaient

17 incomplètes, vous prétendez qu'il ne manquait jamais de réagir.

18 Je voudrais donc vous poser une question liminaire à propos de la période

19 de temps autour du 16 : vous receviez pas mal d'informations, d'après

20 votre témoignage, provenant de civils qui venaient à l'hôtel Vitez et qui

21 parlaient des combats et des échanges de feu.

22 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, si vous me le

23 permettez, la défense aimerait que nous passions maintenant en audience à

24 huis clos. Nous pensons en effet

25 que, pour les raisons que nous avons déjà soulignées précédemment, nous

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1 arrivons précisément maintenant à cette date et à ces circonstances-là.

2 M. le Président. - Pas d'objection, Monsieur le Procureur ?

3 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

4 d'objection. Je ne veux rien faire pour mettre en danger la vie du

5 général. Donc, si quelque chose pouvait représenter un danger… Je suis

6 d'accord. Plus tard, s'il n'y a pas d'objection, on pourra peut-être

7 publier le témoignage. On verra.

8 M. le Président. - Bien, nous passons à huis clos.

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1 (Suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 45.)

2 M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Faites entrer l'accusé,

3 faites entrer le témoin. Nous sommes en audience publique. Maître Kehoe,

4 nous terminons à 17 heures 45. Vous concentrez donc vos questions.

5 M. Kehoe (interprétation). - Je vais essayer, Monsieur le Président.

6 M. le Président. - D'accord et je suis sûr que le témoin concentrera ses

7 réponses.

8 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

9 J'informe la défense que j'ai signé l'ordonnance convoquant à nouveau le

10 témoin pour le 26.

11 Général, je vous demande de faire un effort pour essayer de répondre de

12 façon très concise aux questions qui vous sont posées pour que nous

13 achevions le contre-interrogatoire à 17 heures 45.

14 M. Marin (interprétation). - Monsieur le Président, je ferai tout ce qui

15 est en mon pouvoir pour être aussi précis que possible, mais les questions

16 induisent certaines réponses.

17 M. le Président. - Bien sûr. Allez-y, Maître Kehoe.

18 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, Monsieur

19 le Juge. Peut-être pourrait-on donner au témoin la pièce à conviction 335

20 de la défense ? C'est le document dont nous avions parlé juste avant le

21 déjeuner.

22 Général, cette pièce à conviction 335, à cet égard, lorsque Blaskic est

23 revenu de la réunion à Zenica, que ce soit le 20 ou le 21 -ici ce rapport

24 date du 21-, il vous a parlé de la tragédie d'Ahmici, oui ou non ?

25 M. Marin (interprétation). - Oui, cela nous l'avons déjà établi plusieurs

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1 fois.

2 M. Kehoe (interprétation). - Général, il savait donc à cette époque que

3 des soldats du HVO avaient été impliqués dans des événements terribles à

4 Ahmici, n'est-ce pas ?

5 M. Marin (interprétation). - Oui, il avait des renseignements au sujet de

6 cela. C'est-à-dire qu'un massacre de civils avait eu lieu et qu'un grand

7 nombre de maisons avaient été incendiées.

8 M. Kehoe (interprétation). - Il savait également que des soldats du HVO

9 étaient impliqués ?

10 M. Marin (interprétation). - Personne d'autre n'aurait pu y participer, à

11 part les soldats du HVO. Il savait donc que c'étaient les soldats du HVO.

12 M. Kehoe (interprétation). - Alors, j'attire votre attention, et je vais

13 vous le lire sur la pièce à conviction 184 de l'accusation -il s'agit d'un

14 rapport de la commission des Droits de l'Homme-, c'est un document qui

15 existe en français et en anglais.

16 M. le Président. - De l'accusation ?

17 M. Kehoe (interprétation). - Oui, l'accusation. Blaskic a dit à un

18 enquêteur des Nations Unies, de la commission des Droits de l'Homme, le

19 5 mai 1993, qu'il niait toute allégation selon laquelle des soldats du HVO

20 avaient réalisé ce genre d'attaque autour de Vitez, en incluant Ahmici.

21 M. Hayman (interprétation). - Peut-on me dire de quoi sort cette

22 citation ?

23 M. Kehoe (interprétation). - Oui, je vous donne la citation. Je cite,

24 page 597, je pense, c'est le transcript 2597 : "Le colonel Blaskic n'a pas

25 nié que des atrocités avaient été commises à Ahmici. Il n'a pas essayé de

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1 me persuader que ces atrocités n'avaient pas eu lieu mais il a nié que ces

2 soldats aient été impliqués dans ce genre d'opération." Je vais répéter

3 une fois de plus : "que toute preuve liant les soldats du HVO à cette

4 attaque...", enfin je vais répéter toutes ces preuves. Il a répété sa

5 position en disant : "qu'en ce qui le concernait, ces soldats n'avaient

6 certainement pas commis ce genre d'atrocité."

7 M. Hayman (interprétation). - Il a dit que ce n'étaient pas "mes" soldats.

8 Il a dit : "ce n'étaient pas mes soldats."

9 M. Kehoe (interprétation). - (expurgée)

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12 M. Nobilo (interprétation). - (expurgée)

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15 M. Dubuisson. - (expurgée)

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17 M. le Président. - (expurgée)

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9 M. Dubuisson. - Nous sommes en huis clos.

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25 L'audience est levée à 17 heures 55.