Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 Tihomir BLASKIC

7 Mardi 19 janvier 1999

8

9 L’audience est ouverte à 10 heures 00.

10 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

11 vous introduisez l'accusé.

12 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

13 Je salue les interprètes.

14 Je salue les conseils de l'accusation, la défense, l'accusé.

15 Nous reprenons nos travaux au point où nous en étions restés.

16 Maître Nobilo ?

17 M. Nobilo (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

18 bonjour Monsieur le Juge. Le témoin suivant s'appelle Mato Tadic.

19 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur le Président, excusez-moi

20 un instant. Monsieur Tadic nous a été présenté comme étant un témoin

21 potentiel. Son nom nous a été

22 donné il y a six jours de cela. La décision de cette Chambre est la

23 suivante : l'accusation doit être informée des témoins sept jours avant la

24 comparution de ceux-ci. J'ai reçu le nom de ce témoin le 12 janvier, tard

25 dans la soirée.

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1 Alors, je ne suis pas du tout contre l'entrée de ce témoin dans

2 la salle, mais je ferai simplement signaler que dans d'autres cas, nous

3 avons reçu le nom des témoins cités par la défense sept jours à l'avance

4 et nous nous sommes conformés à la décision qui a été la vôtre et qui nous

5 indique qu'il nous faut nous préparer sept jours avant la comparution des

6 témoins devant vous.

7 Vous comprenez que nous sommes dans une position un petit peu

8 désavantageuse pour ce qui est du contre-interrogatoire de ce témoin. Nous

9 allons l'entendre bien sûr, mais peut-être demanderons-nous à ce qu'il

10 reste jusqu'à demain pour le contre-interrogatoire.

11 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, si je ne

12 m'abuse, nous sommes le 19 aujourd'hui. L'accusation dit qu'elle a reçu le

13 nom dans la soirée du 12. Alors, comptons ensemble, 19, 18, 17, 16, 15,

14 14, 13, 12 : sept jours. Que s'est-il passé le 12 janvier dernier ? Il y a

15 eu une conférence de mise en état relative à l'état de santé du Juge Riad.

16 Nous ne savions pas si nous allions poursuivre nos travaux cette semaine

17 ou pas.

18 Nous sommes restés dans le prétoire jusqu'à 17 heures ou

19 18 heures, il me semble, le 12 janvier. Moi, je suis rentré chez moi, dans

20 mon bureau, directement après les débats. J'ai tapé le nom du témoin sur

21 les documents que j'ai immédiatement faxés aux membres du Bureau du

22 Procureur. Moi, je travaillais encore à 19 heures 30 ou 20 heures le

23 12 janvier, et j'ai travaillé toute la soirée. J'ai fait en sorte

24 d'envoyer ce papier tout de suite après les travaux de la Chambre. Voilà

25 ce que j'ai à dire, Monsieur le Président.

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1 M. le Président. - Je crois que c'est un incident qu'il faut

2 essayer de relativiser. Le Procureur a voulu signaler qu'il n'avait pas eu

3 sept jours exacts. Evidemment, tout dépend comment on calcule, mais vous

4 êtes tous de très bons calculateurs. On peut faire : du 12 au 7

5 égale 19. Mais si l'on part du 12 au soir, il faudrait que cela soit le 19

6 au soir. Ecoutez, je vous en prie. Effectivement, il y a eu un certain

7 nombre de problèmes d'organisation autour de l'indisponibilité du Juge

8 Riad.

9 Monsieur Harmon, vous serez prêt pour le contre-interrogatoire ?

10 Sinon, nous vous laisserons un petit peu de temps pour le contre-

11 interrogatoire. Est-ce que vous serez prêt ?

12 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur le Président, je serai en

13 mesure de vous le dire après avoir entendu le témoin.

14 M. le Président. - Bon, nous faisons entrer le témoin pour

15 l'instant.

16 Je vous signale que les Juges n'ont pas le transcript sous les

17 yeux. Un des Juges a le transcript...

18 M. Shahabuddeen (interprétation). - C'est en anglais.

19 M. le Président. - C'est toujours en anglais.

20 Est-ce que vous m'entendez, Monsieur ? Vous restez debout. Vous

21 nous donnez votre nom, votre prénom, votre date, votre lieu de naissance,

22 votre profession, votre résidence. Ensuite, vous prêterez serment, et

23 ensuite vous vous assiérez.

24 M. Tadic (interprétation). - Je m'appelle Mato Tadic. Je suis né

25 le 15 août 1952 à Brcko. Je réside actuellement à Sarajevo. Je suis dans

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1 la rue Mohamed Hamet au n° 43.

2 Jusqu'au 15 décembre 1998, je travaillais pour le Gouvernement

3 de la Fédération, j'y ai été ministre de la Justice. A l'heure actuelle,

4 je suis en vacances. Et je me prévaux les droits qui sont les miens

5 d'après les règlements qui régissent le fonctionnement de

6 l'administration.

7 M. le Président. - Vous pouvez prêter serment, s'il vous

8 plaît ?

9 M. Tadic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

10 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

11 M. le Président. - Comment vous appelle-t-on ? Monsieur le

12 Ministre ? Monsieur

13 le Professeur ? Asseyez-vous.

14 M. Tadic (interprétation). - Monsieur Tadic suffira. Merci,

15 Monsieur le Président.

16 M. le Président. - Vous avez accepté de venir témoigner pour la

17 défense du général Blaskic, colonel à l'époque des faits, accusé par le

18 Tribunal pénal international d'un certain nombre de chefs d'inculpation.

19 Vous allez d'abord répondre aux questions de ceux qui vous ont

20 fait venir, c'est-à-dire les défenseurs. Ensuite, vous aurez les questions

21 de l'accusation, et éventuellement celles des juges. Maître Nobilo, c'est

22 à vous.

23 M. Nobilo (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

24 Monsieur Tadic, vous nous avez expliqué que vous étiez né en

25 1952 à Brcko, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous en dire un peu plus sur

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1 votre parcours ? Où avez-vous suivi votre éducation ? Où avez-vous suivi

2 les cours de l'école primaire, de l'école secondaire et où êtes-vous allé

3 à l'université ?

4 M. Tadic (interprétation). - J'ai d'abord suivi les cours de

5 l'école primaire à Brcko et ensuite, je me suis rendu au lycée classique

6 de Visoko, ville qui se trouve à une trentaine de kilomètres au sud-ouest

7 de Sarajevo.

8 Ensuite, je suis allé à l'université de théologie de Sarajevo.

9 J'ai suivi les cours de cette université pendant deux ans. Ensuite, je

10 suis allé à la faculté de droit de Sarajevo, j'ai reçu mon diplôme le

11 1er juin 1977.

12 Après avoir reçu mon diplôme, je suis retourné à Brcko et c'est

13 là que j'ai commencé à travailler au sein du bureau municipal du Procureur

14 public. J'ai passé un certain nombre d'examens dans ce cadre et je suis

15 devenu Procureur adjoint en 1983.

16 Pendant huit ans, j'ai été Procureur public. A partir du

17 1er janvier 1991, j'ai été Procureur public adjoint de la Bosnie-

18 Herzégovine. Et c'est le poste que j'occupais lorsque la guerre a éclaté

19 en 1992. Le 28 avril 1992, j'ai quitté Sarajevo pour me rendre à Brcko. Je

20 n'y ai

21 passé qu'une journée, une nuit.

22 Par la suite, je me suis rendu dans le secteur proche de Brcko

23 qui commençait à organiser la défense et la résistance face à l'ex-armée

24 populaire yougoslave, face aux forces serbes. Ensuite, je me suis rendu

25 dans la Fosavin au nord-est de la Bosnie-Herzégovine. Je suis allé à

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1 Borzak, Bosanski Brod, et ensuite, vers la fin de 1992, au mois de

2 décembre, il me semble, je suis arrivé à Orasje, qui est une ville qui se

3 trouve au nord de la Bosnie-Herzégovine. C'est là que j'ai passé toute

4 l'année 1993.

5 J'avais pour mission d'organiser le travail des tribunaux et

6 j'avais pour tâche d'organiser également le fonctionnement des bureaux des

7 Procureurs. Je devais mettre sur pied des institutions de pouvoir civil. A

8 la fin février ou début mars 1994, j'ai quitté Odzak pour me rendre à

9 Mostar. J'ai rejoint les services du ministère de la Justice de la

10 République de Bosnie-Herzégovine. Le 30 mars, je me trouvais à Sarajevo

11 une nouvelle fois et je faisais partie de l'assemblée constitutionnelle de

12 la fédération, assemblée qui avait été formée conformément aux accords de

13 Washington.

14 Le 22 juin 1994, j'ai été nommé membre de la République et de la

15 fédération de Bosnie-Herzégovine. J'ai servi dans le gouvernement de

16 M. Silajdzic.

17 Ce gouvernement avait un rôle double : il servait à la fois la

18 République et la Fédération. Par la suite, j'ai fait partie de deux autres

19 gouvernements de la Fédération le 1er février 1996 et le 18 décembre 1996.

20 Je suis entré dans ces gouvernements et j'ai accompli mes fonctions

21 jusqu'au 15 décembre 1998. J'ai pris part à un certain nombre de

22 conférences au niveau international en tant que conseil juridique ou

23 expert juridique et j'ai pris part à l'une des plus importantes de ces

24 conférences, à savoir la Conférence de Dayton.

25 Dans le cadre des préparatifs de cette conférence, je suis resté

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1 un certain temps à New York. Ensuite, je suis resté à Dayton pendant toute

2 la durée de la conférence en tant qu'expert juridique et puis, j'ai

3 assisté à d'autres conférences à Londres, à Vienne, à Rome et à

4 d'autres endroits encore.

5 M. Nobilo (interprétation). – Je vous remercie.

6 Merci de ces éléments introductifs. Nous allons maintenant en

7 venir au sujet sur lequel nous allons vous demander de témoigner

8 aujourd'hui, en tant que témoin cité par la défense. Pourriez-vous nous

9 expliquer qu'elle était la structure législative et juridique de la

10 Bosnie-Herzégovine et qu'est-il advenu de ce système après le début de la

11 guerre en Bosnie-Herzégovine ?

12 M. Tadic (interprétation). – Le système juridique, en place en

13 Bosnie-Herzégovine, était régi par un certain nombre de règles ou

14 règlements établis par la République de Bosnie-Herzégovine. Je pense

15 notamment à la loi régissant le fonctionnement des tribunaux. Je pense

16 également à la loi régissant les fonctions de Procureur général et puis

17 d'autres règles entraient en ligne de compte.

18 Simultanément, ou parallèlement en ex-Yougoslavie, nous

19 utilisions également toutes les lois qui avaient existé au niveau de la

20 Yougoslavie. Je pense notamment à la loi relative à la procédure pénale.

21 Nous nous appuyions sur d'autres lois et d'autres textes, le Code pénal

22 notamment. Un chapitre de ce code traite des sujets de sécurité, des

23 sujets militaires. Un certain nombre de dispositions régisse les mesures à

24 prendre contre des crimes commis contre des organes fédéraux.

25 Après le début de la guerre en Bosnie-Herzégovine, au mois

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1 d'avril, plus particulièrement par la suite dans le courant de mai 1992,

2 l'anarchie s'est mise à régner dans le système d'organisation de la

3 justice. Une partie de la Bosnie-Herzégovine est devenue autonome en

4 matière de fonctionnement juridique. Je pense à ce territoire qui

5 constitue aujourd'hui la Republika Srpska.

6 Pour ce qui est du reste du territoire de la Bosnie-Herzégovine,

7 c'est le système qui avait été en place jusqu'à présent qui a continué à

8 rester en vigueur. La présidence de la

9 république de Bosnie-Herzégovine, afin de permettre le fonctionnement

10 continu de ce système, a passé un certain nombre de dispositions ayant

11 force de loi. Ce sont ces dispositions qui ont remplacé les lois régissant

12 les procédures pénales qui étaient en vigueur dans le cadre de l'ex-

13 Yougoslavie.

14 Donc de nouveaux textes sont entrés en vigueur, remplaçant les

15 textes existant jusqu'alors et ces textes ont eu force de loi sur le

16 territoire de Bosnie-Herzégovine.

17 Certaines Républiques, je l'ai déjà dit, ne disposaient pas de

18 certaines de ces lois. Par exemple, la loi régissant les travaux des

19 tribunaux militaires n'existait et la loi relative au fonctionnement du

20 Bureau du Procureur public n'existait pas. Ces lois n'existaient qu'au

21 niveau fédéral, donc au niveau de la Yougoslavie.

22 C'est pour cette raison que la présidence de la République de

23 Bosnie-Herzégovine, par voie de décret, a mis sur pied ces tribunaux

24 militaires qui ont commencé à fonctionner en Bosnie-Herzégovine. Des

25 bureaux de Procureur militaires ont également été créés. Ce décret a été

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1 voté le 13 août 1992 et il a été publié dans le Journal Officiel n° 12/92.

2 Conformément à ce décret, sept tribunaux militaires devaient

3 être mis sur pied sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, à Bihac, à

4 Banja Luka, Doboj, Tuzla, Zenica, Sarajevo et Mostar.

5 Ce décret s'appliquait donc sur l'ensemble du territoire de

6 Bosnie-Herzégovine, indépendamment du fait qu'une partie dudit territoire

7 avait déjà fait scission et avait mis un terme avec les liens qui étaient

8 les siens avec certaines instances juridiques, notamment le Tribunal

9 suprême à Sarajevo. Là, je parle bien sûr de la Republika Srpska.

10 Fin 1992, du fait de l'impossibilité de communiquer avec une

11 certain nombre de secteurs, toutes les voies de communication avaient été

12 interrompues, la Cour Suprême ou le Tribunal Suprême a créé ses propres

13 branches à l'extérieur de Sarajevo. Elles se trouvaient à Bihac, Mostar,

14 Sarajevo et Zenica.

15 Fin 1992, sur le territoire de la communauté croate d'Herceg-

16 Bosna, un décret a été passé visant à mettre sur pied des tribunaux

17 militaires et des bureaux de Procureur publics.

18 Quatre tribunaux militaires de ce type ont été créés à Mostar,

19 Livno, Travnik et Bosanski Brod.

20 Dès fin 1992, nous disposions de trois systèmes législatifs ou

21 juridiques. Peu de temps après, nous avons été dotés d'un quatrième

22 système en Bosnie-Herzégovine. C'est cette quatrième structure qui a été

23 mise sur pied sous la direction de Fikret Abdic en Bosnie occidentale.

24 M. Nobilo (interprétation). – Avant que nous poursuivions, je

25 voudrais faire circuler un certain nombre de documents, des documents qui

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1 nous montrent quelles ont été les décisions prises par les autorités de la

2 communauté croate de Herceg-Bosna, décisions qui visaient à mettre sur

3 pied ces tribunaux militaires.

4 M. Dubuisson. – Document D521, D521a pour la version française

5 et D521B pour la version anglaise.

6 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur Tadic, veuillez s'il vous

7 plaît examiner les documents qui ont été versés au dossier sous les codes

8 D521a et b et dites-nous si ces documents sont bien ceux par lesquels les

9 tribunaux militaires de District ont été mis sur pied en Bosnie ? Je parle

10 également de la mise sur pied des Bureaux des Procureurs publics sur ce

11 même territoire.

12 M. Tadic (interprétation). – Oui, ce sont bien de ces documents

13 dont il s'agit.

14 M. Nobilo (interprétation). - Pour le moment, nous n'allons pas

15 examiner ces documents dans le détail. Nous y viendrons plus tard lorsque

16 nous parlerons de la procédure pénale en place à l'époque.

17 Pour le moment, pourriez-vous nous dire, même si vous n'étiez

18 pas à Mostar à l'époque, même si vous n'avez pas pris part à l'élaboration

19 de ces textes, pourriez-vous nous

20 dire pourquoi les tribunaux militaires ont été créés en Herceg-Bosna ?

21 Vous avez expliqué que la République de la Bosnie-Herzégovine

22 avait créé sept tribunaux militaires sur l'ensemble de son territoire

23 auparavant, pourriez-vous nous dire pourquoi les autorités d'Herceg-Bosna

24 procédaient de la même façon ?

25 M. Tadic (interprétation). - Il faut bien se rappeler des

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1 circonstances qui prévalaient sur le territoire de l'Herceg-Bosna à ce

2 moment-là. Si vous vous replacez dans ce contexte-ci, les raisons pour

3 lesquelles il fallait créer ces tribunaux deviennent évidentes.

4 Je répète que les voies de communication étaient coupées. Il n'y

5 avait pas de communication possible entre Sarajevo, par exemple, et les

6 quartiers généraux des différentes institutions de la République. Il n'y

7 avait pas de communication avec les centres les plus importants ; je pense

8 à Tuzla, à Bihac, à Mostar, à Zenica, sans parler de Banja Luka ou de

9 Doboj, secteurs qui étaient constamment occupés par les forces de la

10 Republika Srpska.

11 Il faut ensuite préciser que sur ce territoire il n'y avait pas

12 de corps d'armée professionnelle. Il n'y avait que les restes de l'armée

13 populaire yougoslave. Auparavant, il n'y avait pas eu sur ces territoires

14 de tribunaux militaires. Ces tribunaux militaires existaient au niveau

15 fédéral de la Yougoslavie. Il fallait bien que nous fassions face à cette

16 nouvelle situation qui se présentait.

17 Peu à peu, les différents corps d'armée ont essayé de

18 s'organiser et de fonctionner de façon indépendante les uns par rapport

19 aux autres. Il fallait bien que des mesures disciplinaires puissent être

20 prises, il fallait pour cela disposer d'un règlement prévoyant de telles

21 sanctions disciplinaires. Et le Conseil de la Défense croate a été créé

22 assez rapidement, avant même la création de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

23 Donc, toutes ces raisons ont fait que la nécessité est apparue de

24 réglementer davantage le droit pénal, notamment. Toute question relative à

25 la responsabilité devait être mieux réglée. C'est la raison pour laquelle

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1 ce décret a été voté, décret qui établissait la structure du Conseil de

2 Défense croate.

3 M. Nobilo (interprétation). - Avant de poursuivre, je vous

4 demanderai de bien vouloir examiner ces documents. L'article 1 notamment

5 du décret qui porte création des Procureurs dans le pays.

6 Je cite : "En temps de guerre, ou de risque de guerre imminente,

7 des bureaux de Procureur militaire de district sont établis sur le

8 territoire de Herceg-Bosna".

9 Comment vous interprétez ce passage ?

10 M. Tadic (interprétation). - Des normes établies dans ce décret,

11 il apparaît manifestement que ce décret est de nature temporaire, destiné

12 uniquement à régir la situation en temps de guerre et que, par conséquent,

13 il est question dans ce texte d'une nécessité qui devient réelle en raison

14 d'une situation de guerre.

15 M. Nobilo (interprétation). - Les tribunaux qui ont été créés à

16 l'issue de cette décision, de ce décret de la communauté croate d'Herceg-

17 Bosna, est-ce que, par ces décisions, les tribunaux militaires conjoints

18 établis au niveau de la Bosnie-Herzégovine étaient reconnus ou pas ?

19 M. Tadic (interprétation). - Les tribunaux militaires de

20 district de la communauté croate d'Herceg-Bosna étaient des tribunaux de

21 première instance qui avaient des responsabilités dans des territoires

22 couvrant plusieurs municipalités. Ce qui était caractéristique, c'est que

23 la hiérarchie, eu égard aux décisions à prendre par ces tribunaux

24 militaires de district, donc cette hiérarchie relevait des tribunaux

25 civils, elle. Cela veut dire que les plaintes pour des infractions pénales

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1 donnaient lieu à des peines qui pouvaient aller jusqu'à cinq ans. Ces

2 peines d'emprisonnement jusqu'à cinq ans étaient prononcées par des

3 tribunaux qui existaient déjà par le passé, à savoir des tribunaux civils.

4 Quant à la Cour suprême, c'est-à-dire celle qui traitait les

5 appels, c'était la Cour suprême qui se situait à Mostar et qui donc

6 agissait au niveau régional.

7 Par conséquent, nous avons maintenu les compétences

8 hiérarchiques de la justice

9 civile qui l'emportaient, qui prévalaient sur les tribunaux militaires.

10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que j'ai raison de dire que

11 ces tribunaux civils fonctionnaient en Bosnie-Herzégovine avant la guerre,

12 qu'ils concernaient toute la population de Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Tadic (interprétation). - Oui, c'étaient des tribunaux civils

14 qui fonctionnaient sur la base des lois régulières de Bosnie-Herzégovine

15 et des lois également régissant l'activité du Procureur général. Dans

16 l'article 5 b) du décret dont nous sommes en train de parler, il apparaît

17 clairement que les appels sont traités par la Cour suprême de la Bosnie-

18 Herzégovine ou plus précisément par cette Cour suprême qui, à un certain

19 moment, a déménagé à Mostar.

20 Il y est établi également de la manière la plus claire qu'en cas

21 d'impossibilité de communiquer avec Sarajevo -où se trouve le siège

22 central de la Cour suprême- eh bien, c'est ce Tribunal de Mostar qui

23 fonctionne.

24 M. Nobilo (interprétation). - Mais s'agissant des conditions de

25 travail de ce Tribunal, du budget de ce Tribunal et de toutes les autres

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1 nécessités logistiques de ce Tribunal, devant qui étaient responsables, à

2 qui répondaient ces tribunaux militaires ? Je parle bien du point du vue

3 matériel, du point de vue des conditions de fonctionnement matériel de ces

4 tribunaux.

5 M. Tadic (interprétation). - Les tribunaux militaires de

6 district étaient placés sous la responsabilité du département de la

7 Justice, c'est-à-dire d'une instance civile qui, à l'époque, s'appelait

8 donc "Département de la Justice".

9 S'agissant des problèmes logistiques, c'est-à-dire création des

10 conditions de travail et création des conditions financières permettant de

11 fonctionner, c'est donc ce Département de la Défense qui avait toute la

12 responsabilité.

13 M. Nobilo (interprétation). - Mais les tribunaux en question et

14 les Juges dans leur travail, quel était leur statut ? Qui est-ce qui

15 nommait également les Juges et les Procureurs des

16 tribunaux militaires de District ?

17 M. Tadic (interprétation). - A l'article 2 du décret, il est

18 stipulé que les tribunaux militaires de District jugent sur la base de la

19 législation en vigueur et conformément à la Constitution. Je dois vous

20 rappeler que nous avions à l'époque une Constitution valable dans

21 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine. Et s'agissant du processus de

22 nomination, c'est l'article 20 du même décret qui règle la question.

23 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous dites "le même

24 décret", vous parlez du décret portant création des tribunaux militaires ?

25 M. Tadic (interprétation). - Oui, c'est bien de ce décret que je

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1 parle. L'article 20 de ce décret stipule que les Juges et leurs adjoints

2 sont choisis et nommés par la Présidence de la communauté croate d'Herceg-

3 Bosna sur proposition du chef du département de la Défense. Et c'est à là

4 Présidence également que les Juges présentaient des rapports au sujet de

5 leur travail.

6 M. Nobilo (interprétation). - Selon votre interprétation, est-ce

7 que le dirigeant de la zone opérationnelle, en l'occurrence le colonel

8 Blaskic qui était responsable devant l'état-major militaire, est-ce qu'il

9 avait la moindre fonction eu égard à l'organisation du travail des

10 tribunaux, eu égard à la nomination des personnes qui travaillaient dans

11 ces tribunaux, eu égard à la nomination des personnes travaillant dans le

12 Bureau du Procureur, ou aux décisions prises par ces tribunaux ?

13 M. Tadic (interprétation). - Non, il existe un décret spécifique

14 qui stipule que c'est bien la Présidence qui est responsable du

15 fonctionnement de ces tribunaux devant le département de la Défense. Donc,

16 lui n'avait -dans ce domaine particulier- absolument aucune compétence.

17 C'est tout à fait clair.

18 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais maintenant que vous

19 fassiez connaître aux Juges votre point de vue sur un autre élément qui

20 est la procédure pénale, ou la procédure criminelle. Quelle était cette

21 procédure criminelle au moment où le Code de procédure pénale est devenu

22 en fait le Code utilisé en Bosnie-Herzégovine ? Quelles ont été les phases

23 de transformation, de changement eu égard à cette question ?

24 M. Tadic (interprétation). - J'ai déjà dit il y a quelques

25 instants, lorsque j'ai passé en revue rapidement l'organisation du système

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1 judiciaire, que dans le cadre de la Yougoslavie à l'époque nous avions des

2 réglementations homogènes en matière de droit pénal, c'est-à-dire que nous

3 avions donc des lois régissant les sanctions pénales.

4 Ce Code de procédure pénale a été repris lors de la création de

5 la Bosnie-Herzégovine. Ce Code a été publié dans le Journal officiel

6 n° 2/22, ainsi que dans le n° 6/92 et dans le n° 9/92.

7 J'ajouterai quelques mots pour qu'il n'y ait absolument aucune

8 confusion. En effet, sur le plan technique, cette reprise, cette

9 adaptation s'est faite en deux étapes. La première étape constituait à

10 passer un décret portant sur la reprise du Code pénal de l'ex-Yougoslavie.

11 Ensuite, une deuxième séance a été tenue pour voter un deuxième décret qui

12 établissait l'entrée en vigueur de ce Code de procédure pénale dans ses

13 dispositions spécifiques en situation de guerre ou de menace éminente de

14 guerre.

15 En effet, certaines questions se règlent différemment en temps

16 de paix et en temps de guerre, d'où la multiplicité des journaux officiels

17 dans lesquels cette décision a été publiée.

18 Ce Code pénal a donc subi quelques corrections. Il a été ensuite

19 adopté et publié dans les Journaux Officiels 2/92, 8/92 et 10/92.

20 Aujourd'hui, le Code de procédure pénale est unique. Je crois

21 que c'est dans le chapitre 15 de ce Code de procédure pénale qu'il est

22 question de ce que l'on appelle la "procédure antérieure" ou la "procédure

23 préalable", à savoir le dépôt de la plainte et les décisions, les mesures

24 prises après dépôt d'une plainte.

25 M. Nobilo (interprétation). – Dites-nous, d'après le Code de

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1 procédure pénale qui était applicable dans l'ex-Yougoslavie, c'est-à-dire

2 en Bosnie-Herzégovine, en Herceg-Bosna et partout dans l'ex-Yougoslavie,

3 qui a le droit de déposer une plainte, de porter plainte contre

4 quelqu'un ?

5 M. Tadic (interprétation). – La disposition générale établit que

6 tout citoyen est en droit de porter plainte contre un autre citoyen. Mais

7 dans la pratique –et j'ai étudié cette question de très près-, 90 % de

8 toutes les plaintes criminelles déposées dans l'ex-Yougoslavie et en

9 Bosnie-Herzégovine l'étaient par la police et seulement 10 % revenaient à

10 toutes les autres institutions et aux citoyens.

11 Une énorme majorité de plaintes était déposée par les services

12 criminels de la police qui portaient plainte après des événements

13 comportant une composante criminelle. Donc c'est la police qui portait

14 plainte en apportant un certain nombre de preuves au Procureur ; le

15 Procureur général est donc la personne qui est chargée de recevoir ces

16 plaintes.

17 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Nous avons, je crois, un

18 problème terminologique qui se pose en langue anglaise. C'est mon

19 collègue, Me Hayman qui me le fait savoir. "Krivicna Prijava" est traduit

20 ici par le terme "Criminal charge" en anglais, "Accusation criminelle" en

21 français. D'après mon collègue Hayman, "Criminal charge" signifie la même

22 chose que "Indictment" qui signifie "acte d'accusation". Or en ce moment,

23 nous ne parlons pas d'un acte d'accusation, mais du dépôt d'une plainte

24 d'un citoyen auprès de la police. Je crois que le terme "complaint" en

25 anglais serait plus approprié au lieu de "charge".

Page 16495

1 Toute institution, tout citoyen peut déposer un rapport dans

2 lequel il dit : "Mon voisin m'a volé ma voiture hier". C'est de cela que

3 nous sommes en train de parler. Nous parlons donc du dépôt d'une plainte,

4 nous ne parlons pas de l'acte officiellement accompli par les instances

5 chargées de mise en accusation. C'est pourquoi je pense qu'en anglais, il

6 serait préférable d'utiliser une autre expression pour traduire les termes

7 BCH "Krivicna Prijava".

8 M. Shahabuddeen (interprétation). – Maître Nobilo, pourriez-vous

9 demander au témoin de nous expliquer un élément précis. La police, semble-

10 t-il, pouvait déposer une plainte

11 auprès de la police contre quelqu'un et que l'on appelle cela un

12 "Indictment" ou une "complaint", ce n'est pas l'élément central. Ce que

13 j'aimerais vous demander de demander au témoin, c'est si un citoyen avait

14 la possibilité de porter plainte directement auprès du Tribunal contre un

15 autre citoyen, ou si les droits du citoyen se limitaient à la possibilité

16 de déposer un rapport auprès de la police et de charger la police de

17 décider si, oui ou non, il y avait lieu de déposer une plainte ou de

18 mettre en accusation officiellement auprès des tribunaux ? Est-ce que ma

19 question est claire, Maître Nobilo ?

20 M. Nobilo (interprétation). – Oui, tout à fait claire, Monsieur

21 le Juge Shahabuddeen. Nous avons ici un expert sur le plan judiciaire qui

22 va pouvoir répondre. En effet, le mode d'organisation est très différent

23 de celui qui est en vigueur dans les pays anglo-saxons. C'est pourquoi il

24 est tout à fait important, me semble-t-il, de bien déterminer qui avait le

25 droit de déposer une plainte et auprès de qui cette plainte était déposée.

Page 16496

1 M. Tadic (interprétation). – Il n'y a pas de problème. Je peux

2 vous expliquer cela sans difficulté puisque je fais partie de ceux qui ont

3 travaillé sur cette question pendant des années.

4 Le citoyen a le droit de porter plainte auprès d'instances bien

5 précises et avant tout, auprès de la police qui va donc enquêter.

6 Le citoyen peut porter plainte auprès d'un tribunal uniquement

7 dans un certain nombre de cas précisément définis, à savoir dans le cas où

8 se produit ce que l'on appelle une plainte privée pour des incriminations

9 légères comme, par exemple en cas d'insultes, de diffamation -c'étaient

10 des délits chez nous- et d'autres questions de portée tout à fait

11 personnelle et familiale.

12 Dans ces cas précis, le citoyen peut décider s'il souhaite

13 porter plainte devant les tribunaux. Dans ce cas, il peut le faire

14 directement auprès du tribunal. Mais dans tous les autres cas, le citoyen

15 ne peut pas se présenter directement au tribunal. Il a, en fait, une

16 alternative. Il a

17 deux possibilités. La première possibilité est de faire connaître les

18 événements à la police. C'est donc la police qui va traiter la question,

19 le citoyen coopérant avec les policiers pour tenter d'identifier l'auteur

20 de l'acte, si celui-ci n'est pas connu et recueillir des éléments de

21 preuve.

22 La deuxième possibilité est de s'adresser directement au

23 Procureur.

24 M. Nobilo (interprétation). – Un instant, s'il vous plait, pour

25 que les choses soient tout à fait claires... Suis-je en droit de dire que

Page 16497

1 le Procureur général, sur le plan structurel, sur le plan de son

2 organisation, constitue une instance différente et distincte du tribunal ?

3 M. Tadic (interprétation). - L'instance judiciaire que constitue

4 le bureau du Procureur est totalement distincte de celle que constitue le

5 tribunal.

6 Là, nous avons une différence avec les pays anglo-saxons et

7 d'ailleurs une différence également avec d'autres pays d'Europe

8 occidentale. Chez nous, l'organisation des activités du procureur est très

9 différente de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons et d'autres pays

10 d'Europe occidentale.

11 Le citoyen avait le droit d'entrer dans le bureau du Procureur

12 général pour lui dire que sa voiture lui avait été volée. Dans ce cas, ce

13 que l'on appelle une note est établie. Le citoyen reçoit un avertissement

14 au sujet des risques qu'il encoure en cas de faux témoignage. Si les

15 éléments de preuve ne sont pas suffisants, on s'appuie sur l'article 153

16 du Code de procédure pénale -point 2 de cet article- pour demander à la

17 police ou à d'autres instances de fournir un certain nombre de données et

18 d'éléments, pour que des entretiens, ce que l'on appelait des entretiens

19 informatifs, se tiennent avec un certain nombre de personnes, ces éléments

20 n'ayant pas devant le tribunal valeur de preuve.

21 Mais le Procureur peut utiliser ces éléments et en demander le

22 versement au dossier de l'enquête ou pas. C'est à lui d'en décider. Je ne

23 sais pas si ces éléments suffisent…

24 M. Shahabudden (interprétation). - Maître Nobilo, je suis

25 satisfait.

Page 16498

1 M. Nobilo (interprétation). – Merci, monsieur le juge.

2 Monsieur Tadic, veuillez dire aux juges, s'agissant de la police

3 civile ou militaire, qui dans les instances policières peut donner l'ordre

4 d'exécuter un certain nombre de tâches liées à une enquête, à des

5 interrogatoires ? Qui, selon le Code pénal, est habilité à accomplir ces

6 tâches au sein de la police ?

7 M. Tadic (interprétation). - Il faut commencer par dire que la

8 police possède son mode d'organisation propre, sa hiérarchie propre. Elle

9 a donc ce que j'appellerai des chefs qui décident de ce qu'il convient de

10 faire. C'est un premier point.

11 Le deuxième point consiste à savoir qui, selon le Code de

12 procédure pénale, est habilité ou même, d'une certaine façon, a la

13 responsabilité d'agir. C'est le Procureur qui a cette responsabilité et

14 cette possibilité.

15 En effet, lorsque le Procureur reçoit une plainte de la police,

16 lorsqu'il examine cette plainte, lorsqu'il se rend compte qu'un certain

17 nombre de choses ne sont pas tout à fait claires, qu'il conviendrait

18 d'aller plus loin devant le Tribunal, il s'appuie sur l'article 153,

19 paragraphe 2 du Code de procédure pénale pour demander à la police ou à

20 une autre instance -parce qu'il peut le demander également à d'autres

21 instances- il demande des éléments supplémentaires, des documents, des

22 photographies, des schémas établis sur les lieux de l'incident, des

23 analyses de sang, d'urine, etc., par exemple, tous ces éléments étant

24 destinés à l'aider à décider si, oui ou non, il va mener l'affaire

25 jusqu'au Tribunal.

Page 16499

1 M. Nobilo (interprétation). - Mais le Juge d'instruction peut-il

2 également donner instruction à la police de mener des enquêtes ?

3 M. Tadic (interprétation). - Oui, le Juge d'instruction peut le

4 faire également. Le Code de procédure pénale établit des pouvoirs tout à

5 fait précis sur ce plan. Or, avant la guerre, ces dispositions étaient

6 plus libérales qu'elles ne le sont, pour des raisons précises. En effet,

7 la police avait plus de facilités à se rendre sur les lieux de

8 l'infraction et le Juge d'instruction, par exemple, pouvait demander à la

9 police de réaliser un certain nombre de tâches. C'est ce qui est

10 écrit dans le Code de procédure pénale.

11 Le Procureur général peut le demander également par le

12 truchement du Juge d'instruction, mais le Juge d'instruction a compétence

13 pour certaines activités pour lesquelles ni le Procureur ni la police n'a

14 compétence. Il s'agit d'exhumations et d'autopsies. Ces compétences sont

15 le droit exclusif du Juge d'instruction.

16 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez évoqué trois groupes de

17 personnes qui peuvent demander une enquête ou donner des instructions à la

18 police militaire ou civile. Ces trois entités sont le Juge d'instruction,

19 le Procureur général et les responsables de la police. Je vous pose à

20 présent la question suivante : le commandant de la zone opérationnelle, le

21 colonel Blaskic à l'époque des faits, pouvait-il charger la police

22 militaire de prendre des empreintes, par exemple, d'interroger les

23 personnes ou d'accomplir quelque autre tâche dans le cadre d'une enquête

24 préalable au dépôt d'une plainte criminelle ?

25 M. Tadic (interprétation). - Pour répondre à votre question, il

Page 16500

1 faut savoir comment fonctionnait la police militaire. Elle a son propre

2 mode d'organisation qui dépend du ministère de la Défense. Elle a ses

3 propres commandants et elle est divisée en un certain nombre de services :

4 le service d'enquêtes criminelles, le service chargé de la circulation,

5 des voies de communication dans le sens "route" ; elle a son service

6 chargé de la sécurité publique. Tous ces services sont donc sous la

7 responsabilité de la police militaire avec sa propre hiérarchie, de sorte

8 que le colonel Blaskic n'avait aucune compétence en la matière.

9 M. Nobilo (interprétation). - Nous reviendrons plus tard sur la

10 procédure qui permet de prononcer telle ou telle peine en Bosnie-

11 Herzégovine. Mais lorsque le processus d'enquête est terminé, lorsque les

12 éléments de preuve sont suffisants, lorsque le travail préalable est

13 terminé, à qui est envoyé le dossier ?

14 M. Tadic (interprétation). - Il est envoyé au Procureur général.

15 M. Nobilo (interprétation). - Mais quelles sont les possibilités

16 du Procureur général, quelles sont les décisions qu'il est habilité à

17 prendre lorsqu'il reçoit la plainte de la police et le dossier émanant de

18 la police ?

19 M. Tadic (interprétation). - Le Procureur général, lorsqu'il

20 reçoit la plainte de la police, peut prendre les mesures suivantes.

21 D'abord, il peut rejeter le dossier. L'article 153, paragraphe 1

22 du Code de procédure pénale, le permet. En effet, le Procureur est en

23 droit d'estimer que tout ce qui lui a été remis ne montre pas qu'il y a eu

24 infraction. Il y a un certain nombre de raisons bien déterminées qui lui

25 permettent de rejeter ce dossier, de rejeter la plainte notamment lorsque,

Page 16501

1 selon les termes que nous utilisons, il n'existe pas ne seraient-ce que

2 des preuves minimales de l'existence d'une infraction.

3 Deuxième possibilité pour le Procureur général : il hésite parce

4 que le dossier qu'il a reçu de la police n'est pas complet, à son avis.

5 Dans ce cas, en s'appuyant sur l'article 153 paragraphe 2 du Code de

6 procédure pénale, pour autant que je m'en souvienne, le Procureur général

7 peut demander des informations complémentaires, selon le terme utilisé. Il

8 demande ces éléments à la personne qui a déposé la plainte, mais il peut

9 les demander à des tiers également, à d'autres institutions, à des

10 services de l'Etat, à des administrations, etc.

11 Cela dépend de la nature de l'affaire, si elle est financière,

12 il peut demander ces éléments aux banques par exemple. C'est quand il a

13 reçu ces éléments complémentaires qu'il décide du sort qu'il réservera à

14 la plainte.

15 La troisième possibilité pour le Procureur général consiste à

16 demander aux tribunaux de poursuivre leur enquête ou leur action

17 investigatrice.

18 M. Nobilo (interprétation). - Mais pouvez-vous nous dire à quel

19 Tribunal, à quelle instance judiciaire il peut demander cela ?

20 M. Tadic (interprétation). - Il le demande au Tribunal

21 compétent. Si on parle du

22 Tribunal militaire, il va le demander au Tribunal militaire chargé de

23 l'affaire.

24 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demandais s'il peut

25 demander cela au juge d'instruction ou s'il doit le demander au juge

Page 16502

1 d'instruction ?

2 M. Tadic (interprétation). - Eh bien, la structure est la

3 suivante : par exemple, le rapport peut être envoyé au Tribunal municipal

4 de Brcko pour commencer, puis au juge d'instruction qui va faire une

5 demande d'investigation, d'enquête.

6 M. Nobilo (interprétation). - Qu'en est-il du juge

7 d'instruction, c'est lui qui reçoit le dossier qui ensuite arrive dans les

8 mains du juge qui préside la chambre dans un deuxième temps ?

9 M. Tadic (interprétation). - Selon le Code de procédure pénale,

10 le juge d'instruction a un rôle bien déterminé. Il ne participe pas aux

11 audiences du Tribunal. Son rôle consiste à rassembler les preuves

12 nécessaires qui permettent de déterminer à un moment donné si les éléments

13 sont suffisants pour émettre un acte d'accusation.

14 M. Nobilo (interprétation). - Mais dites aux Juges, qui décide

15 si l'enquête qui constitue le début d'une affaire criminelle, qui en

16 décide ?

17 Est-ce que le colonel Blaskic, en tant que commandant de la zone

18 opérationnelle, pouvait décider qu'il convenait d'entamer une affaire,

19 d'entamer une procédure ?

20 M. Tadic (interprétation). - Non, c'est exclu. C'est le juge

21 d'instruction qui décide de lancer une enquête. Il est permis au juge

22 d'instruction de ne pas être d'accord avec une requête du Procureur

23 général. Auquel cas, il s'adresse à un groupe de trois juges qui vont

24 décider si la demande d'enquête va être acceptée ou rejetée. Selon le code

25 de procédure pénale, la décision d'entamer une enquête est prise après

Page 16503

1 audition de la personne accusée ou incriminée. C'est seulement à moment-là

2 que le juge peut décider d'entamer une enquête ou en cas de désaccord avec

3 le Procureur s'adresser aux trois juges dont je viens de parler.

4 M. Nobilo (interprétation). - Le point suivant qui est pertinent

5 et qui a besoin d'explication est le suivant : qui décide des mesures

6 d'enquêtes qui seraient nécessaires et qui peut proposer certaines

7 mesures ?

8 M. Tadic (interprétation). - La décision est prise par le juge

9 d'instruction. C'est le droit du juge d'instruction se fondant sur le code

10 de procédure pénale. La proposition est avancée tout d'abord par le

11 Procureur public, puisque c'est lui qui a déposé cette requête. Une fois

12 que cette demande a été faite, il propose dans le même temps que tel ou

13 tel individu soit interrogé, que telles analyses soient menées à bien, que

14 ce soient des analyses financières ou de médecine légale, selon le cas en

15 cause.

16 Mais la défense, c'est-à-dire l'accusé et son conseil peuvent

17 également faire des propositions ainsi que le juge d'instruction. Ils

18 peuvent insister pour que quelque chose de supplémentaire soit fait dans

19 ce cas particulier ; par exemple, une reconstitution du crime même si cela

20 n'a pas été conseillé par le Procureur ou par le conseil de la défense.

21 C'est le juge d'instruction qui a le dernier mot. Donc, le juge

22 d'instruction peut arriver à la conclusion que le cas a été suffisamment

23 analysé.

24 M. Nobilo (interprétation). - Que se passe-t-il à ce moment-là,

25 quelle est l'étape suivante ?

Page 16504

1 M. Tadic (interprétation). - Le juge d'instruction, une fois

2 qu'il est arrivé à ces conclusions, ramène le cas devant le Procureur. Et

3 le Procureur public, à ce moment-là, a trois possibilités.

4 Premièrement, il peut mettre fin aux poursuites parce qu'il

5 considère que les preuves accumulées ne sont pas suffisantes pour une

6 condamnation. A ce moment-là, les poursuites sont donc abandonnées.

7 Deuxième possibilité, le procureur public demande des

8 informations supplémentaires au juge d'instruction. Cela ne se produit

9 qu'à de rares occasions. Mais si, entre-

10 temps, de nouvelles informations sont connues, ces informations

11 supplémentaires peuvent être exigées. Cela se base sur l'article 158 du

12 Code de procédure pénale. Je ne suis pas totalement sûr, mais je crois que

13 c'est cela.

14 La troisième possibilité, la plus fréquente en fait, consiste à

15 établir l'acte d'accusation contre l'accusé qui, ensuite, est envoyé au

16 Tribunal.

17 M. Nobilo (interprétation). - Nous voyons cela dans le contexte

18 que vous nous présentez, mais je voudrais poser encore une fois la

19 question suivante : est-ce que Blaskic avait la possibilité d'influencer

20 le procureur public dans sa décision d'émettre, d'établir un acte

21 d'accusation ?

22 M. Tadic (interprétation). – Non, certainement pas.

23 M. le Président. - … de notre débat… Vous entendez, Maître

24 Hayman. Oui, je voudrais que l'on revienne bien au centre de notre débat.

25 Il s'agit de savoir le rôle, la fonction de la police militaire en temps

Page 16505

1 de conflit par rapport à ce que peut faire l'accusé. Sinon, nous sommes en

2 train d'écouter un cours de procédure pénale qui, pour un civil layer, me

3 ramène tout à fait à des concepts que nous connaissons bien en civil law

4 qui sont peut-être moins proches de la Common Law. De ce point de vue-là,

5 c'est très intéressant.

6 Mais le centre du débat est quand même la police militaire, les

7 ordres que peut donner l'accusé en temps de guerre, en temps de conflit,

8 et non pas de savoir si, lorsqu'il y a eu un délit de contravention de la

9 voie publique, comment cela marche, si on peut aller voir le procureur

10 général, le procureur de la République. Tout ceci, c'est l'exposé du Code

11 de procédure pénale qui a été rebâti à l'usage de la communauté croate

12 d'Herceg-Bosna.

13 Aussi, reposer la dernière question me paraît aller mieux

14 focaliser sur ce qu'est notre débat. Nous gagnerions du temps. Merci.

15 M. Nobilo (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, nous

16 pensions qu'il était nécessaire de bien présenter le contexte de la

17 procédure afin de bien montrer que M. Blaskic ne jouaient aucun rôle dans

18 cela. Nous voulions également montrer qu'il n'avait absolument aucun rôle

19 tout au long de cette procédure.

20 Bien sûr, nous allons revenir à la police militaire et entrer

21 dans les détails. Mais nous voulions simplement expliciter les procédures

22 de base pour bien montrer qui sont les personnes qui décident d'entamer

23 les poursuites judiciaires ou pas et remettre cela dans le contexte avec

24 le rôle de M. Blaskic.

25 Nous en arrivons maintenant à l'acte d'accusation, les

Page 16506

1 procédures criminelles. Je voudrais maintenant passer à la distribution de

2 documents qui concernent la police militaire.

3 Nous avons une série de documents, d'abord le texte croate et

4 puis la traduction anglaise. Ils devraient être présentés ensemble. Ils

5 circulent de manière séparée, mais ils devraient n'être qu'une seule et

6 même pièce à conviction.

7 M. Dubuisson. - Document D522, D522 a pour la version anglaise.

8 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, nous avons

9 le règlement sur la formation et le travail de la police militaire des

10 forces armées de la République croate de Herceg-Bosna. Nous avons traduit

11 uniquement les articles pertinents à ce cas.

12 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, nous

13 pensons qu'il y a ici quelques problèmes. D'autres articles pourraient

14 être également importants et pertinents, or nous n'avons pas la traduction

15 de ces autres articles. Nous sommes donc en désavantage par rapport à ce

16 document qui n'a pas été totalement traduit.

17 M. le Président. - Combien d'articles y a-t-il ?

18 M. Nobilo (interprétation). - Dans ce document, nous avons

19 traduit les articles allant de l'article 53 jusqu'à l'article 73 inclus.

20 C'est un document que l'accusation a reçu mais peut-être cela n'a pas pu

21 être traduit. Déjà par le passé, la défense parfois n'a reçu qu'une partie

22 de documents qui étaient considérés comme importants et nous n'avons

23 utilisé que les documents que nous avions reçus. Parfois, il s'agissait de

24 photocopies, nous n'avions qu'une

25 seule ligne du document, par exemple, le reste n'étant pas mis à notre

Page 16507

1 disposition.

2 (Les Juges se consultent sur le Siège.)

3 M. le Président. - Monsieur le Procureur, je pense que nous

4 avons là une petite difficulté. Je vois que ce n'est pas la première fois

5 qu'une partie... Vous-même d'ailleurs estimiez que dans un ensemble de

6 documents d'ensemble, une partie, une part de cet ensemble est pertinente

7 pour la cause que vous défendiez. Je pense, n'est-ce pas ?

8 M. Harmon.(interprétation) - D'habitude, Monsieur le Président,

9 l'autre partie a quand même la possibilité de lire le document dans sa

10 totalité. Dans les circonstances actuelles, nous n'avons traduit que les

11 articles 53 jusqu'à l'article 73. Donc il y a cinquante articles avant ce

12 qui nous est présenté et je ne sais pas combien d'articles supplémentaires

13 il y a après l'article 73. Et je n'ai pas la possibilité de lire cela.

14 M. le Président. - Est-ce que l'ensemble du décret -c'est-à-dire

15 avec les articles 1 à 52- vous avait été indiqué en serbo-croate, comme

16 semblait l'indiquer Me Nobilo ? Cela vous a été communiqué ?

17 M. Harmon.(interprétation) - Nous avons reçu cela la semaine

18 dernière, Monsieur le Président.

19 M. le Président. – Ce n'est pas la première fois qu'une partie

20 reçoit l'intégralité d'un document, mais l'autre partie estime que, pour

21 sa cause, n'est pertinent qu'un certain nombre d'éléments. Il va de soi,

22 monsieur le Procureur, que vous avez le droit de prendre connaissance de

23 l'ensemble des articles.

24 Je demande, si vous en avez besoin pour votre contre-

25 interrogatoire, que vous puissiez en disposez et que le service de la

Page 16508

1 traduction soit immédiatement saisi de cette question. Cela retardera

2 peut-être le contre-interrogatoire.

3 M. Harmon (interprétation). – Merci, monsieur le Président.

4 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons

5 là une objection

6 puisque l'accusation nous a déjà fait part parfois d'une partie des

7 documents.

8 M. le Président. - J'ai dit au Procureur que ce n'est pas la

9 première fois que cela arrive. C'est la première réponse que j'ai faite,

10 maître Hayman. Ensuite, j'ai ajouté qu'il appartient à la partie, qui n'a

11 pas la connaissance de l'intégralité du document, de faire traduire

12 l'ensemble du document. Je dis au Procureur qu'il lui appartient de faire

13 traduire l'ensemble du document. Quelle est votre objection,

14 maître Hayman ?

15 M. Hayman (interprétation). - Le Tribunal a suggéré de retarder

16 le contre-interrogatoire jusqu'à ce que le document soit traduit.

17 M. le Président. – Je dis qu'éventuellement, il faudra retarder

18 le contre-interrogatoire. Si ce sont les Juges qui vous le demande,

19 maître Hayman. Je peux très bien, ainsi que le juge Shahabuddeen, poser la

20 question de savoir pourquoi, des articles 1 à 52, nous ne savons pas ce

21 qu'il y a dans le contexte. Le juge pourrait demander de retarder le

22 contre-interrogatoire. Je trouve tout à fait normal de la part d'une

23 partie de connaître le contexte général d'un document. Je ne vous critique

24 pas, maître Hayman. Je trouve normal que vous estimiez pertinents les

25 articles 63 à 73.

Page 16509

1

2 Je ne vous critique pas non plus dans la mesure où vous avez

3 communiqué l'ensemble du document et je m'en suis assuré. Peut-être que je

4 pourrais reprocher au Procureur -c'est vrai- de ne pas avoir fait traduire

5 plus tôt l'intégralité du document. Cela étant, je trouve tout à fait

6 normal que le Tribunal et l'accusation disposent de l'intégralité des

7 documents traduits. Je prends les dispositions pour que, de façon urgente,

8 on les traduise. Je pense que les services de la traduction ne mettront

9 pas très longtemps.

10 M. Hayman (interprétation). - Si c'est la règle, à ce moment-là,

11 Monsieur le Président, nous voulons que tous les documents soient toujours

12 mis à notre disposition.

13

14 M. le Président. – Maître Hayman, vous n'êtes pas dans un

15 système judiciaire déterminé. Vous êtes devant des juges qui essaient de

16 savoir la vérité d'une affaire. Laissez-moi

17 fonctionner, quand même. Tout de suite, il faut bâtir un code, une

18 réglementation. Je n'en suis pas là. Si vous aviez demandé cela à un

19 moment donné, nous aurions considéré la question à un autre moment donné.

20 Pour l'instant, je règle cette question-là. Vous avez été irréprochable en

21 fournissant l'intégralité du texte. Le Procureur aurait pu… Laissez-moi

22 terminer ! C'est quand même moi qui préside. Le Procureur aurait pu faire

23 traduire plus tôt l'intégralité du décret. Il vous a expliqué qu'il lui a

24 manqué une journée.

25

Page 16510

1

2 Il se trouve, au vu des questions que vous posez, que le

3 Procureur nous dit qu'effectivement, lui fait défaut la traduction des

4 articles 1 à 52. J'essaie de résoudre cette question-là.

5 J'ai consulté M. Shahabuddeen. Je n'essaie pas de résoudre

6 toutes les questions depuis le 23 juin 1997. J'essaie de gagner du temps,

7 de surcroît. Si c'est moi qui demande à avoir les articles 1 à 52 et en

8

9 français de surcroît… Je me plains quand je n'ai pas les documents en

10 français… Je ne dis jamais rien. L'incident est clos. De plus, je n'aime

11 pas beaucoup qu'on intervienne après qu'une décision du Tribunal est

12 prise. Je demande à monsieur le greffier que le service de la traduction

13 agisse immédiatement, pour que ces textes soient traduits le plus

14 rapidement possible. C'est normal d'avoir un contexte.

15

16 M. Hayman (interprétation). - Je suis désolé de vous avoir mis

17 en colère, monsieur le Président. C'était mon devoir simplement.

18 M. le Président. – J'ai également mon devoir de faire marcher

19 l'audience. Tout de suite, on veut bâtir un règlement, une norme. Je

20 résous des problèmes. Nous ne rencontrons que des problèmes nouveaux

21 devant ce Tribunal. Nous essayons de les résoudre au fur et à mesure.

22 Je ne vous ai jamais refusé une traduction. L'incident est clos

23 et la décision est prise. Que le service de la traduction se mette au

24 travail le plus rapidement possible. Si le Procureur a besoin

25

Page 16511

1

2 d'explications devant le témoin en le retenant, alors on retiendra le

3 témoin. On perd beaucoup de temps sur beaucoup d'autres points. Je ne

4 crois pas que ce soit le Président qui en fasse perdre le plus ici.

5 Nous allons faire la pause. Cela calmera tous les esprits, à

6 commencer par le mien.

7 L'audience, suspendue à 11 heures 29, est reprise à 11 heures 55.

8 M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Faites entrer

9 l'accusé. Nous siégerons jusqu'à 12 heures 45 et ensuite, nous reprendrons

10 cet après-midi, de 15 heures à 18 heures. La traduction des 52 articles

11 sera prête demain, Monsieur le Greffier ?

12 M. le Greffier. - La traduction sera à la disposition du

13 Procureur demain après-midi.

14 M. le Président. - Cela ne change pas que les parties

15 pertinentes à admettre comme pièces à conviction seront bien sûr celles

16 que voudra bien communiquer la défense. Nous sommes d'accord.

17 Maintenant nous reprenons. Maître Nobilo, c'est à vous.

18

19 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. J'ai

20 là un autre document. Un document qui fait partie de ce règlement relatif

21 à la formation et au fonctionnement de la police militaire des forces

22 armées de la République croate d'Herceg-Bosna. C'est un document tout à

23 fait similaire au document 522, mais il ne fait pas suite aux articles

24 contenus dans la pièce que je viens de citer. C'est la raison pour

25

Page 16512

1

2 laquelle ce document est distinct du premier. Il y a trois ou quatre

3 autres articles qui nous intéressent dans ce document. Je souhaiterais

4 qu'il soit communiqué aux Juges et à la partie adverse, s'il vous plaît.

5 Ce document, nous souhaitons en demander le versement au

6 dossier. Je le répète, il fait partie du règlement relatif au

7 fonctionnement de la police militaire. Il est en date de 1994.

8 M. le Greffier. - C'est le document D 523, D 523A pour la

9 version anglaise.

10 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur Tadic, ce document qui

11 porte la cote 522, et le document qui porte la cote D 523, est intitulé

12

13 "Règlement portant sur la formation et le fonctionnement de la police

14 militaire des forces armées de la République croate d'Herceg-Bosna". Il

15 est daté de 1994.

16 Pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer aux Juges quel est le

17 lien qui existe entre ce document et la loi régissant ce même sujet ? Quel

18 est le lien qui existe entre d'une part le règlement régissant la

19 formation et le fonctionnement de la police militaire, et la loi sur la

20 procédure criminelle d'autre part ?

21 M. Tadic (interprétation). - C'est la loi portant sur la

22 procédure pénale qui a prééminence sur tous les règlements. Les règlements

23 sont subordonnés à la loi et aux textes législatifs. Si le règlement n'est

24 pas conforme à la loi, c'est à la loi qu'il faut se reporter.

25

Page 16513

1

2 M. Nobilo (interprétation). - Ai-je raison de dire qu'il faut

3 que les textes correspondent aux lois qui sont votées ?

4 M. Tadic (interprétation). - Oui.

5

6 M. Nobilo (interprétation). - Je vais maintenant vous poser un

7 certain nombre de questions. Je vais vous lire certains passages de ces

8 documents qui feront l'objet de mes questions. Je voudrais essayer de

9 savoir où nous pouvons établir des liens entre ces textes et les lois qui

10 ont été votées. Je vais d'abord vous renvoyer à l'article 12 du document

11 D 523.

12 Je cite : "Dans l'accomplissement des tâches qui sont de son

13 domaine de compétences, les membres autorisés de la police militaire ont

14 et jouissent des mêmes compétences que celles dont disposent les

15 institutions officielles du ministre des Affaires intérieures de la

16

17 République croate d'Herceg-Bosna et dont jouissent également les autorités

18 responsables de la police, ce en vertu des règlements régissant la

19 procédure pénale."

20 Vous avez entendu ce que j'ai dit, vous avez entendu la lecture

21 que j'ai faite de l'article 12. Alors, pouvez-vous nous dire à quoi

22 pensaient les rédacteurs de ce texte ?

23 M. Tadic (interprétation). - Cet article 12 porte sur la loi de

24 procédure pénale et porte sur les règlements qui en découlent. Cet article

25

Page 16514

1 explique comment les personnes doivent se comporter dans le cadre d'une

2 procédure pénale.

3 M. Nobilo (interprétation). - J'attire maintenant votre

4 attention sur le document D522, notamment l'article 53 dudit document. Je

5 vais en lire une partie, si vous me le permettez :

6 "Le service de la police militaire responsable de combattre les

7 actes criminels est constitué d'un certain nombre de personnes

8 accomplissant un certain nombre de missions qui, en vertu de la loi

9 régissant la procédure pénale, sont exécutées par les bureaux du ministère

10 des Affaires intérieures. Ces tâches ont un lien direct avec les actes

11 criminels qui tombent dans le champ de compétences des tribunaux

12 militaires. Ces actes sont les suivants :

13 1.° Les crimes commis par des personnes servant dans les rangs

14 de l'armée,

15 2.° Les actes criminels commis par les employés et par les

16 officiers des corps d'armée, dans le cadre de leur service ou dans le

17 cadre d'activités ayant un lien avec leur service. Ces actes peuvent

18

19 également être commis dans le cadre... Pardon, les personnes qui ont

20 participé à ces crimes peuvent être également tenues responsables de ces

21 actes.

22 3.° Ceci s'applique également aux crimes commis par des civils

23 dès lors que ces actes tombent dans le champ de compétences des tribunaux

24 militaires."

25

Page 16515

1

2 Ma question est la suivante : est-ce que cette disposition a un

3 lien direct avec les dispositions de la loi sur la procédure pénale dont

4 vous avez parlé ? Est-ce qu'elle est conforme à la loi qui a été passée ?

5 M. Tadic (interprétation). - Oui, cet article 53 est tout à fait

6 conforme à la loi relative à la procédure pénale et elle est directement

7 reliée aux compétences attribuées dans le cadre de cette loi portant sur

8 la procédure pénale.

9 M. Nobilo (interprétation). - Parfait. Revenons sur un point :

10 cette loi régissant la

11 procédure pénale permet-elle au commandant de la zone opérationnelle de

12 prendre le commandement de la police militaire et peut-il demander à ce

13 que des enquêtes soient menées, ou à ce que des enquêtes préliminaires

14 soient menées ?

15 M. Tadic (interprétation). - Non, cela ne fait pas partie de son

16 champ de compétences.

17 M. Nobilo (interprétation). - Très bien, nous allons maintenant

18 en venir à la lecture de l'article 55 du document D522. Je cite : "Les

19 actes ou les actions menées dans le cadre de l'article 54 de ce règlement

20 le sont ex officio par la personne désignée officiellement par l'unité de la police militaire qui a compétence sur un territoire donné, et ces

21 mesures sont prises sur la demande du Procureur général ou du Tribunal".

22 Ma question est la suivante : est-ce que cet article reflète

23 bien ce que vous avez dit tout à l'heure ? Est-ce qu'elle correspond au

24 commentaire que vous avez émis tout à l'heure, à propos de la loi sur la

25

Page 16516

1 procédure pénale ? Est-ce que cela nous explique qui peut exercer son

2 contrôle et son commandement sur les forces de la police militaire ?

3 M. Tadic (interprétation). – Oui, cette disposition que l'on

4 trouve dans l'article 55 a également un lien direct avec la loi régissant

5 la procédure pénale ? Je pense qu'il est important de signaler ici que le

6 décret portant la création de tribunaux militaires de District, je ne sais

7 plus exactement de quel article il s'agit, je crois que c'était

8 l'article 25, cet article donc précise que les autorités chargées de la

9 gestion des affaires intérieures sont placées sur le même niveau que le

10 sont les autorités chargées d'assurer la sécurité et chargées de la

11 gestion des forces armées.

12

13 Le Tribunal de District militaire est en fait l'équivalent du

14 Tribunal de première instance et le Procureur général militaire a un poste

15 équivalent à celui du Procureur général, du Procureur de la République si

16 vous voulez.

17 Je crois que ce décret parle de lui-même. Nous avons ici une

18 description des

19 pouvoirs qui sont ceux des autorités qui font partie du ministère des

20 Affaires intérieures.

21 Nous avons également la description des pouvoirs qui sont ceux

22

23 des services de sécurité qui interviennent dans le cadre d'une guerre.

24 Dans ce cas précis, nous parlons de la police militaire. Nous avons fait

25

Page 16517

1 lecture du chapitre qui traite des enquêtes criminelles.

2 M. Nobilo (interprétation). - Vous ai-je bien compris ? Lorsque

3 c'est la police militaire qui lance des enquêtes en matière pénale, elle

4 doit se conformer aux dispositions contenues dans la loi régissant la

5 procédure pénale ?

6 M. Tadic (interprétation). - Absolument. Un certain nombre de

7 décrets ont été votés, notamment le décret portant création des tribunaux

8 miliaires. Un autre décret a été adopté, celui de l'application de la loi

9 sur la procédure pénale en cas de guerre. Dans ces deux décrets, vous

10 trouverez exactement les éléments auxquels vous faites référence.

11 M. Nobilo (interprétation). – Articles 69, 70, je ne vais pas

12 lire ces articles, mais je vais vous demander de bien vouloir y jeter un

13 coup d'œil je vais vous demander de nous expliquer s'ils se conforment

14 exactement aux dispositions de la loi régissant la procédure pénale. Est-

15 ce qu'ils correspondent également aux textes qui régissent le rôle que

16 peut jouer la police, toujours en fonction des dispositions de la loi

17 régissant la procédure pénale ?

18 M. Tadic (interprétation). - Eh bien, oui. Il s'agit là d'un

19 texte qui correspond en tous points aux dispositions portant sur la

20 procédure pénale. On y voit quels doivent être les liens qui doivent

21 exister entre la police civile et le Procureur général. Cela correspond

22 également à ce que j'ai pu vous dire tout à l'heure à propos du dépôts de

23 rapports portant sur des crimes, entre autres.

24

25 M. Nobilo (interprétation). - Très bien. Je vais vous lire un

Page 16518

1 autre article qui, à mon avis, est le seul qui fasse directement référence

2 au commandant militaire. C'est l'article 73 de la pièce de la défense

3 D522. Je cite :

4 "Les commandants des unités et tous les membres du conseil de

5 défense croate ont

6 l'obligation, dans le cadre de leur devoir et de leurs obligations,

7 d'apporter l'aide nécessaire aux membres autorisés de la police militaire.

8 Les commandants des unités doivent leur permettre de rassembler des

9 informations et de mener à bien toutes autres missions qui sont

10 mentionnées dans le Code de procédure pénale."

11 Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous faire part de votre

12 opinion ? Quels sont les devoirs d'un commandant militaire dans un tel

13 cas ? Et en l'occurrence, quelles auraient été les obligations du colonel

14 Blaskic ? Quelle est votre interprétation de cette disposition ?

15 M. Tadic (interprétation). - Je précise que ces dispositions

16 existaient déjà dans la loi portant sur la procédure pénale. Bien sûr, on

17 ne trouve pas dans cette loi l'expression "commandant des unités". On

18 parle, dans le Code de procédure pénale, des citoyens et des institutions,

19 des entités économiques, etc. On stipule que toutes ces entités ont le

20 devoir d'apporter leur aide à la police, aux autorités, dès lors qu'il

21 s'agit de traduire en justice les auteurs d'actes criminels.

22 Dans le texte que vous venez de lire, on parle de commandant et

23 de circonstances militaires.

24 Cela signifie que les commandants d'unité et d'autres membres de

25

Page 16519

1 ces unités ont le devoir et l'obligation d'apporter leur aide aux membres

2 de la police militaire et de participer au travail du département de cette

3 police militaire chargé de mener des enquêtes sur tel ou tel crime.

4 Je vais vous donner un exemple de ce que je viens de dire.

5 Il faut, par exemple, que les commandants permettent aux membres

6 des commissions d'enquête de consulter certains documents. Il faut qu'ils

7 leur donnent le droit d'accéder à telle ou telle structure militaire. Il

8 faut permettre à ces personnes d'interroger des personnes militaires,

9 fournir aux membres de ces commissions d'enquête une aide technique, si

10 cela s'avère nécessaire. Il faut donc, en tous points, aider les personnes

11 qui cherchent à

12 rassembler des informations sur des crimes commis. C'est là le devoir de

13 tout commandant militaire et de toute personne appartenant à une structure

14 militaire.

15 En effet, la police militaire, notamment le département de la

16 police militaire chargé de la sécurité, dispose d'un éventail très large

17 de pouvoirs. Ces pouvoirs lui permettent également d'interroger le

18 commandant lui-même et de mener une enquête sur ses activités.

19 M. Nobilo (interprétation). - Je crois qu'une erreur assez

20 importante a été commise dans l'interprétation de vos propos vers

21 l'anglais. Pouvez-vous nous répéter les devoirs du commandant militaire ?

22 Est-ce que le commandant militaire a des pouvoirs sur la police

23 militaire ? Est-ce que celle-ci lui est subordonnée ou non ? Pourriez-vous

24 répéter votre réponse ?

25 M. Tadic (interprétation). - Le commandant militaire a, en

Page 16520

1 priorité, le devoir d'apporter son aide aux membres de la police militaire

2 qui mènent des enquêtes sur des crimes commis.

3 Il doit tout faire pour permettre à la police de mener son

4 enquête de façon satisfaisante. Il faut donc que les commandants

5 permettent aux personnes chargées de mener des enquêtes d'avoir accès à

6 certains documents. Il faut que les personnes chargées de mener l'enquête

7 puissent entrer dans certains bâtiments, avoir accès à des structures

8 militaires, pouvoir interroger certains témoins placés sous les ordres de

9 ce commandant. Je pense notamment à des personnes faisant partie de la

10 chaîne de commandement. Il faut que les commandants soient prêts à

11 apporter une aide technique, si celle-ci s'avère nécessaire.

12 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que tous les citoyens ont

13 également ce type d'obligation et de devoir ? Est-ce que tout chef

14 d'entreprise a également ce type d'obligation, dans le cadre de la loi

15 portant sur la procédure pénale ?

16 M. Tadic (interprétation). – Oui, j'ai dit que cette disposition

17 était prévue dans cette loi. Mais la loi ne cite pas l'armée. Elle dit

18 simplement que tout citoyen, toute institution gouvernementale ou autre,

19 toute entreprise a le devoir d'aider les enquêteurs à trouver l'auteur

20 d'actes criminels.

21 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie. Revenons

22 maintenant au document D 521 et regardons notamment l'article 27 de ce

23 document.

24 C'est le seul article où le commandant est expressément nommé.

25 Nous parlons ici des dispositions spéciales relatives aux

Page 16521

1 poursuites pénales devant les tribunaux territoriaux des forces armées.

2 Cet article fait partie d'un décret ayant force de loi, décret émanant de

3 la communauté croate d'Herceg-Bosna et portant sur les tribunaux

4 militaires de district et sur leur fonctionnement en situation de guerre.

5 Je vais vous lire l'intégralité de l'article 27. Après quoi, je

6 vous demanderai de faire quelques commentaires sur sa teneur.

7 Je cite : "Article 27 : le commandant d'une unité ou institution

8 militaire doit prendre toutes les mesures requises pour empêcher l'auteur

9 d'une infraction pénale officiellement poursuivi de se cacher ou de

10 s'enfuir, afin que les traces de l'infraction ou les objets susceptibles

11 de constituer des éléments de preuve ne soient perdus. Il doit également

12 veiller à ce que toutes les informations qui pourraient être utilisées

13 lors du procès au pénal soient recueillies.

14 Le commandant de l'unité ou de l'institution doit, dès que

15 possible, transmettre au Procureur militaire territorial ou à son

16 supérieur hiérarchique imminent toute information du type décrit au

17 paragraphe 1 de cet article."

18 Le rapport du commandant, visé au paragraphe 2 de cet article,

19 peut être utilisé de la manière prescrite par les dispositions des

20 articles 84 à 86 du code de procédure pénale.

21 "Un commandant militaire occupant le poste de chef de compagnie,

22 ou tout autre poste équivalent ou supérieur, ainsi que les responsables

23 habilités des organes chargés des affaires internes de la sécurité et la

24 police militaire peuvent procéder à l'arrestation d'un

25 militaire dans les cas prévus par le code de procédure pénale en matière

Page 16522

1 de mandat d'arrêt. Le commandant et la personne habilitée aux termes du

2 paragraphe 1 de cet article doivent remettre le militaire arrêté entre les

3 mains du juge d'instruction du Tribunal territorial des forces armées

4 compétent, ou le confier à l'unité ou institution militaire la plus proche

5 et soumettre le rapport et les preuves justifiant la décision de détention

6 dans les plus brefs délais et au plus tard dans les douze heures qui

7 suivent afin que le suspect puisse être transféré imminentement au juge

8 d'instruction nommé par le Tribunal territorial des forces armées.

9 Si un commandant militaire ou un responsable officiel habilité

10 est dans l'impossibilité de confier le suspect imminentement, il en

11 informe le juge d'instruction du Tribunal territorial des forces armées

12 compétent ou l'unité, ou institution militaire la plus proche

13 imminentement ou dans les huit heures au plus tard afin que la personne

14 arrêtée puisse être transférée sans délai supplémentaire au juge

15 d'instruction nommé par le Tribunal territorial des forces armées".

16 Ma question est la suivante Monsieur Tadic : est-ce que l'on

17 fait ici référence à une personne dont l'identité est connue lorsque l'on

18 dit qu'une personne est arrêtée ou est-ce qu'il faut que le commandant

19 mène une enquête de son propre chef ?

20 Qu'en pensez-vous ?

21 M. Tadic (interprétation). - Vu la teneur de l'article 27, il

22 apparaît que l'auteur de l'acte commis est connu, que son identité est

23 connue. Il est bien précisé que cette personne doit être placée en

24 détention. Il est bien précisé que tous les éléments de preuve doivent

25 être rassemblés et il est précisé que cette personne doit être remise

Page 16523

1 entre les mains de la police militaire ou du juge d'instruction.

2 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous donner un

3 exemple. Partons d'une hypothèse, hypothèse dans le cadre de laquelle le

4 colonel Blaskic est obligé de placer une personne en détention et de

5 s'assurer que tous les éléments de preuve sont rassemblés. Quelle serait

6 la situation que nous pourrions envisager pour essayer d'illustrer ce que

7 nous venons de dire ?

8 M. Tadic (interprétation). - Imaginons qu'un meurtre a été

9 perpétré dans l'unité dont le colonel Blaskic est responsable. Chacun sait

10 qui est le meurtrier parce que le meurtre a été perpétré au sein même de

11 l'unité. L'auteur du crime est placé en détention, personne n'est autorisé

12 à pénétrer sur les lieux du crime. La scène du crime reste donc inviolée.

13 On attend la venue de la police. La police arrive, le juge d'instruction

14 arrive, le Procureur public arrive et ensuite, l'ensemble de l'affaire

15 leur est confié.

16 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie. Je vais

17 maintenant vous faire passer un autre document.

18 M. Dubuisson. - Document D524 a pour la version française, et

19 D524b pour la version anglaise.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je vais vous demander de bien

21 vouloir identifier ce document. Vous avez fait un certain nombre de

22 commentaires sur ce document. Quel est ce document que l'on vient de vous

23 mettre entre les mains ?

24 M. Tadic (interprétation). - Il s'agit du décret relatif à

25 l'application du Code pénal de la République de Bosnie-Herzégovine et du

Page 16524

1 Code pénal de la République socialiste fédérative de Yougoslavie en temps

2 de menaces de guerre imminente ou de guerre sur le territoire de la

3 République de Bosnie-Herzégovine, la communauté croate d'Herceg-Bosna.

4 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie. Je vais

5 maintenant vous poser la dernière question qui porte sur ce sujet. Nous

6 avons discuté de la création des tribunaux militaires et de la mise en

7 place de bureaux de procureurs généraux en Bosnie-Herzégovine et nous

8 avons parlé de leurs liens avec le commandant de la zone opérationnelle.

9 Maintenant, je voudrais vous poser la question suivante : dans

10 l'armée de Bosnie-Herzégovine, quels étaient les liens qui existaient

11 entre un commandant d'un corps d'armée et les institutions judiciaires qui

12 étaient en fonctionnement sur le territoire qui était placé sous sa

13 responsabilité ?

14 M. Tadic (interprétation). - La présidence de la République de

15 Bosnie-Herzégovine, comme je l'ai déjà dit, a adopté un certain nombre de

16 dispositions relatives à la création de tribunaux militaires de district

17 pour le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je vous ai énuméré les sept

18 tribunaux qui avaient été créés.

19 Ceci dit, outre ce décret, la République de Bosnie-Herzégovine a

20 adopté un autre décret relatif à la création de tribunaux militaires

21 distincts, des tribunaux militaires de district. Quelle est la différence

22 qui existe entre le premier décret dont j'ai parlé et celui-ci ?

23 D'après le premier décret, les tribunaux militaires, sur le plan

24 hiérarchique, dépendaient du ministre des Affaires intérieures. C'est

25 l'organe de présidence de la République de Bosnie-Herzégovine qui nommait

Page 16525

1 les juges qui devaient siéger dans ces tribunaux. Mais d'après ce deuxième

2 décret, des tribunaux purement militaires sont mis sur pied.

3 D'après ce second décret, ce sont les commandants des unités

4 militaires, pour autant que je m'en souvienne, ou des brigades, selon le

5 niveau auquel on se trouve, qui peuvent être chargés de créer un tribunal

6 militaire, auquel cas le commandant est la personne qui nomme les juges.

7 C'est le décret qui a été appelé "Décret portant sur la création des

8 tribunaux militaires distincts". Je crois que ce décret a été publié dans

9 le Journal officiel...

10 M. Nobilo (interprétation). - N'hésitez pas à consulter vos

11 notes personnelles, Monsieur, si vous avez besoin de vous rafraîchir la

12 mémoire ou de retrouver une date.

13 M. Tadic (interprétation). - Oui, il a été publié dans le

14 Journal officiel 12/92 du 13 août 1992. Dans ce texte, on fait référence à

15 l'armée de Bosnie-Herzégovine de façon explicite.

16 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie. Nous allons

17 maintenant aborder une dernière série de questions, si vous le voulez

18 bien. Parlons du système permettant l'application

19 de sanctions pénales. Quel était le système qui était en vigueur en

20 Bosnie-Herzégovine jusqu'au début de la guerre et quelles sont les mesures

21 qui ont été prises après la guerre et, notamment, dans le cadre de la

22 communauté croate d'Herceg-Bosna ? Quelles mesures ont été prises dans le

23 cadre de la création de centres de détention et comment les sanctions

24 pénales ont-elles été mises à exécution ?

25 M. Tadic (interprétation). - La Bosnie-Herzégovine disposait de

Page 16526

1 son propre corps de lois portant sur l'exécution de sanctions pénales. Ce

2 corps de lois existait déjà avant la guerre. C'est sur la base de ces lois

3 que les sentences étaient rendues. Toutes sortes d'institutions étaient

4 prévues : il y avait les institutions pour les mineurs, les institutions

5 médico-légales, d'autres institutions encore...

6 Au début de la guerre, la présidence de la République de Bosnie-

7 Herzégovine a également passé un décret portant sur l'application de la

8 loi qui existait auparavant dans le cas d'une situation de guerre.

9 Les caractéristiques de ce décret, qui est entré en vigueur lors

10 de l'éclatement du conflit, étaient que dans le cadre des centres de

11 détention déjà existants, un certain nombre d'unités spéciales était créé,

12 unités destinées à servir de lieux de détention aux membres des forces

13 militaires.

14 Un système similaire a été adopté dans le cadre de la communauté

15 d'Herceg-Bosna. La communauté croate de Herceg-Bosna a également adopté un

16 décret pour mettre en place le même type de structure. Dans les deux

17 systèmes, ainsi que dans le cadre des tribunaux militaires de District, il

18 était prévu que des peines d'emprisonnement soient rendues. Il y a donc

19 une phase d'enquête et, ensuite, la décision des juges est rendue. Il y a

20 éventuellement une peine d'emprisonnement. L'auteur des crimes, reconnu

21 coupable, va servir cette peine de prison dans les prisons militaires de

22 District, dans les pénitenciers ou dans des maisons de correction qui

23 disposaient de quartiers spéciaux réservés aux membres des forces

24 militaires.

25 M. Nobilo (interprétation). - Si je vous ai bien compris, il y

Page 16527

1 avait des centres de détention pour les civils et pour les membres des

2 forces armées qui étaient en cours de procès ?

3 M. Tadic (interprétation). - C'est exact.

4 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous pourriez expliquer

5 aux Juges comment fonctionnaient ces centres de détention et de quel

6 ministère ils dépendaient ? Quelle était l'autorité compétente ?

7 M. Tadic (interprétation). - Tout est expliqué dans le décret.

8 Pour ce qui est des centres de détention militaire, ce sont les tribunaux

9 de District militaire qui étaient responsables de leur administration.

10 C'est le département de la défense, qui est devenu par la suite le

11 ministère de la Défense, qui était responsable de l'administration de ces

12 centres.

13 Cette structure n'avait rien à voir avec la structure

14 équivalente pour ce qui est de la mise en détention d'auteurs de crime qui

15 étaient des civils et non pas des membre des unités militaires. Dans ce

16 cadre précis, c'est le ministère de la Justice qui était responsable de

17 l'administration de ces centres de détention.

18 M. Nobilo (interprétation). - En conséquence, nous avions deux

19 catégories de prisonniers, les prisonniers civils et les prisonniers

20 militaires, qui étaient placés soit sous le contrôle du ministère de la

21 Défense, soit sous le contrôle du ministère de la Justice. Le ministère de

22 la Justice était compétent pour les affaires civiles et le ministère de la

23 Défense était compétent pour les affaires militaires.

24 Lorsque vous parlez du ministère de la Défense, est-ce que vous

25 pensez qu'il y avait des liens entre le ministère de la Défense et les

Page 16528

1 commandants militaires de la zone opérationnelle ? Est-ce que les

2 commandants militaires des zones opérationnelles étaient placés dans une

3 position qui leur permettait d'assurer un contrôle sur les centres de

4 détention militaires ?

5 M. Tadic (interprétation). - Nous parlons ici du ministère de la

6 Défense, c'est le

7 ministère de la Défense qui avait le pouvoir exécutif en la matière. Le

8 chef de la police militaire faisait partie du ministère de la Défense et,

9 en fait, il faisait partie du département civil de ce ministère.

10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que le colonel Blaskic, sur

11 une base quelconque, était autorisé à exercer un contrôle ou un

12 commandement sur ce qui se passait au sein des centres de détention

13 militaire ?

14 M. Tadic (interprétation). – Non, cela ne relevait pas de son

15 champ de compétences. Cela ne faisait pas partie des pouvoirs qui lui

16 étaient attribués. Je suis en train de jeter un coup d'œil sur le décret

17 dont vous avez demandé le versement au dossier. Ce décret dit très

18 clairement que c'est le département de la Défense, plus tard ministère de

19 la Défense, qui est responsable de ces questions.

20 M. Nobilo (interprétation). - Vous parlez du décret relatif au

21 militaire de District.

22 M. Tadic (interprétation). – Oui.

23 M. Nobilo (interprétation). - Je demande la distribution d'un

24 nouveau document. Ce document n'est traduit qu'en français. C'est ce que

25 nous avons reçu de la section de la traduction. Il est très court, donc je

Page 16529

1 souhaite le lire de façon que chacun dans la salle d'audience puisse en

2 prendre connaissance.

3 M. Dubuisson. - Document D525, D525 a pour la version française.

4 M. Nobilo (interprétation). - Je vais donc donner lecture de ce

5 passage qui n'est pas traduit en anglais.

6 "Préambule : en vertu de l'article 7.2 du décret portant

7 création de la communauté croate de Herceg-Bosna, daté du 18 novembre

8 1991, la présidence de la communauté croate d'Herceg-Bosna, réunie en

9 session à partir du 3 juillet 1992, adopte l'ordonnance ci-après -nous

10 avons à ce moment-là le titre de l'ordonnance : Ordonnance relative au

11 traitement des personnes faites prisonnières lors de conflits armés sur le

12 territoire de la communauté croate

13 de Herceg-Bosna.

14 Article 1 : les dispositions de la Convention de Genève du

15 12 août 1949 relatives au traitement des prisonniers de guerre

16 s'appliquent aux membres de la JNA, du corps de réserve de la JNA et des

17 autres personnes faites prisonnières lors de conflits armés contre la

18 communauté croate de Herceg-Bosna".

19 Nous avons les mots "les prisonniers en communauté croate de

20 Herceg-Bosna" dans le texte ci-après. Les dispositions de la convention de

21 Genève sont reprises dans le journal officiel de la RSFY numéro 24/1950.

22 "Article 2 : le chef du département de la justice et de

23 l'administration, en collaboration avec le chef du département de la

24 défense et le chef du département de l'intérieur, détermine les sites où

25 conformément aux dispositions de la convention mentionnée à l'article

Page 16530

1 premier ci-dessus, sont installés les prisonniers.

2 Article 3 : le département de la défense administre les sites

3 visés à l'article 2.

4 Article 4 : la présente ordonnance ou le présent décret prend

5 effet le jour de son adoption".

6 Nous avons sur ce texte les signatures de Mate Boban, dirigeant

7 de la communauté croate de Herceg-Bosna, et le représentant du HVO. De

8 l'autre côté, nous avons les termes "République de Bosnie-Herzégovine

9 présidence de la communauté croate de Herceg-Bosna", le numéro de

10 référence et la date : "Mostar, le 3 juillet 1992".

11 Monsieur Tadic, j'aimerais vous demander comment s'est réglée la

12 question de l'emprisonnement des militaires, donc des membres des forces

13 armées dans la communauté croate de Herceg-Bosna. Qui décidait de

14 l'endroit où étaient installés ces prisonniers? Qui était responsable ?

15 Qui gérait ces lieux ?

16 M. Tadic (interprétation). - Eh bien, en gardant à l'esprit les

17 dispositions des Conventions de Genève relatives au traitement des

18 prisonniers de guerre, du 12 août 1949,

19 cette décision, ce décret a été adopté dès le début du conflit armé,

20 c'est-à-dire, dès le mois de juillet 1992. Le but étant d'assurer le

21 respect des dispositions des conventions de Genève. Trois départements

22 sont chargés d'assurer le respect de ces conventions au sein des

23 structures administrative existantes en communauté croate de Herceg-Bosna,

24 à savoir le département de la défense, de la justice et de l'intérieur,

25 chargé de la police. C'est à ces instances qu'il appartient de déterminer

Page 16531

1 où seront installés temporairement les prisonniers de guerre en respect

2 des conventions de Genève.

3 Ce qui est tout à fait significatif, eu égard au présent décret,

4 c'est l'obligation d'appliquer ce décret et donc d'appliquer les

5 Conventions de Genève. Et c'est le département, ou le ministère de la

6 Défense, dans le cadre de l'organisation propre à la communauté croate de

7 Herceg-Bosna qui est chargé de gérer ces lieux d'emprisonnements. La

8 gestion est la responsabilité du ministère de la défense alors que les

9 deux autres ministères ou départements ont pour tâche de trouver les

10 endroits où de telles situations peuvent être réglées.

11 M. Nobilo (interprétation). - A votre avis, est-ce que les

12 commandants militaires répondant à l'état-major, et donc y compris le

13 colonel Blaskic, responsable de la zone opérationnelle de Bosnie centrale,

14 avaient la moindre compétence pour intervenir dans ce processus de

15 localisation, de lieux d'emprisonnements, d'installation des prisonniers ?

16 Est-ce qu'ils avaient la moindre responsabilité à cet égard ?

17 M. Tadic (interprétation). - Non, ce n'étaient pas les

18 compétences du commandant. Le décret d'ailleurs retire aux commandants

19 militaires ce type de responsabilités en établissant les instances qui,

20 elles, étaient responsables. Donc M. Blaskic n'avait pas compétence en la

21 matière.

22 M. Nobilo (interprétation). - D'après vos souvenirs et vos

23 connaissances, en 1993, vous n'occupiez pas les fonctions de ministre de

24 la justice, vous n'avez été nommé qu'en 1994, au mois de mars environ,

25 mais d'après vos souvenirs et vos connaissances est-ce que le

Page 16532

1 Tribunal militaire de Travnik et les Procureurs militaires fonctionnaient

2 déjà en 1993 ?

3 M. Tadic (interprétation). - Dans ce que j'ai déjà dit ici ce

4 matin, j'ai prononcé quelques phrases pour décrire les difficultés de

5 fonctionnement auxquelles se heurtaient les tribunaux dans l'ensemble de

6 la Bosnie-Herzégovine. Indépendamment du fait que je ne me trouvais pas à

7 Mostar -puisqu'à cette époque-là j'étais dans le Nord de la Bosnie, dans

8 le couloir de la Posavina-, j'étais en contact permanent avec les

9 instances responsables puisque j'avais été détaché, en fait, par mes

10 instances judiciaires.

11 Je sais combien les tribunaux avaient des difficultés à

12 fonctionner. Il n'y avait pas suffisamment de cadres, le personnel était

13 insuffisant, les conditions de fonctionnement matériel des tribunaux

14 n'existaient pas. Et ce décret au sujet des tribunaux militaires n'a été

15 adopté qu'au mois d'octobre 1992 et n'a pu être appliqué qu'à partir du

16 mois de novembre 1992. Mais c'est seulement à partir de la fin de 1992 que

17 ce décret a pu être appliqué, en raison des difficultés.

18 A Travnik, le problème était encore plus spécifique en raison du

19 manque de moyens. Donc pendant longtemps, il n'y a eu qu'un seul Juge à

20 Travnik ou plutôt, pour être plus précis, qu'un seul Procureur.

21 Et puis, en troisième lieu, je dirais qu'à Travnik le Tribunal

22 n'a pas pu trouver de siège physique, il a dû s'installer en dehors de

23 Travnik, ce qui n'a fait qu'ajouter aux difficultés. Il y a eu beaucoup de

24 confusions, beaucoup de problèmes avant que le fonctionnement de ces

25 tribunaux ne devienne un peu plus régulier.

Page 16533

1 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous en

2 avons terminé et nous demandons le versement au dossier des pièces D521

3 à D525.

4 M. le Président. - Oui, Monsieur le Procureur ?

5 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur le Président, eu égard aux

6 pièces à conviction, je n'ai aucune objection, eu égard à la pièce 521 qui

7 est accompagnée d'une

8 traduction officielle. S'agissant maintenant de la traduction de la

9 pièce 522, apparemment elle ne s'accompagne pas d'une traduction

10 officielle. Nous n'avons pu qu'écouter les interprètes et, apparemment, il

11 y a quelques erreurs par rapport au texte que nous avons sous les yeux qui

12 est une traduction qui a été fournie à Me Nobilo par des personnes de

13 Zagreb. Mais en tout cas ce n'est pas une traduction officielle. Donc nous

14 aimerions qu'il soit pris note du fait que nous aimerions une traduction

15 officielle.

16 Eu égard à la pièce 523, Monsieur le Président, je crois que

17 cette traduction n'est pas non plus une traduction officielle, mais en

18 tout cas je parle de la traduction anglaise, une traduction anglaise donc

19 qui a été fournie aux conseils de la défense, mais qui n'est pas passée

20 par les services officiels de traduction d'ici. Il n'y a pas d'indication

21 à cet effet.

22 La pièce 524 est accompagnée d'une traduction officielle, donc

23 pas d'objection.

24 Quant à la 525, Monsieur le Président, je ne vois pas

25 l'indication d'une traduction officielle, mais Me Nobilo a dit, s'agissant

Page 16534

1 de la pièce 525, que cette traduction venait du service de traduction.

2 Donc, je n'ai de remarques à faire qu'au sujet des pièces 522 et 523 pour

3 lesquelles nous réservons notre décision en faisant remarquer que les

4 traductions anglaises ne sont pas des traductions officielles.

5 Mon objection ne porte donc que sur ces deux pièces. Monsieur le

6 Président, je demanderai simplement que ces deux pièces soient traduites

7 officiellement en anglais et en français, les deux langues officielles du

8 Tribunal.

9 M. le Président. - Nous pouvons peut-être les faire retraduire ?

10 Monsieur le Greffier, pourrions-nous demander au service de traduction,

11 qui par ailleurs doit traduire les articles 1 à 51 de la pièce 521 -donc

12 qui a du travail- ne pourrait-on pas charger le service de traduction de

13 vérifier rapidement la traduction des pièces 522 et 523 et de, soit porter

14 des corrections, soit de dire que cette traduction paraît tout à fait

15 correcte ?

16 M. Dubuisson. - Il est tout à fait possible de vérifier les

17 traductions, mais j'attire

18 cependant l'attention qu'il n'y a aucune obligation à ce que les

19 traductions qui sont fournies dans ce prétoire le soient par notre service

20 de traduction. J'attire l'attention des parties sur ce sujet.

21 M. le Président. - Je vous remercie, c'était un point que

22 j'aurais dû vous poser. Monsieur le Procureur, vous n'avez pas un droit

23 absolu, indépendamment de ce qui a été dit avant la pause, sur le service

24 de la traduction. Il vous appartiendra à vous-même, le moment venu, de

25 faire les observations qui importent.

Page 16535

1 Néanmoins, ne peut-on pas quand même, Monsieur le Greffier,

2 faire vérifier cette traduction rapidement puisque par ailleurs le service

3 de traduction se chargera de la traduction des articles 1 à 51 du D522 ?

4 M. Dubuisson. - Oui, bien sûr puisque telle est la demande, nous

5 vérifierons les documents.

6 M. le Président. - D'accord, mais il n'y a pas de droit de

7 principe ? Cela s'est d'ailleurs produit très souvent que chaque partie se

8 communique des traductions.

9 L'audience est suspendue, elle reprendra à 15 heures.

10 L'audience est suspendue à 12 heures 50.

11 L'audience est reprise à 15 heures 10

12 M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Vous faites entrer

13 l'accusé.

14 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

15 Bien, nous irons jusqu'à 6 heures. Pardonnez-moi pour mon

16 retard, j'avais une représentation extérieure, ce qui m'a retardé. Bien,

17 Monsieur Harmon, nous reprenons pour le contre-interrogatoire après avoir

18 fait introduire le témoin.

19 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur le Président, comme je

20 l'ai dit ce matin, ce témoin a été appelé un jour avant la date prévue. Je

21 n'étais pas prêt au contre-interrogatoire. Il reviendra demain peut-être.

22 Je crois comprendre, d'après ce que m'a dit M. Dubuisson, que la

23 traduction de la pièce à conviction sera achevée aux environs de midi.

24 J'ai cru comprendre que nous commençons demain à 14 heures, donc je serai

25 prêt à contre-interroger ce témoin demain à 14 heures.

Page 16536

1 M. le Président. - Avez-vous un autre témoin, Maître Hayman ?

2 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, nous

3 en avons un, mais nous avons une requête à présenter.

4 En dehors des aspects du contre-interrogatoire qui peuvent

5 impliquer la partie non traduite du document, le gros du contre-

6 interrogatoire devrait se poursuivre maintenant. Pourquoi ? Parce que nous

7 avons respecté le délai de sept jours calendaires pour remettre la

8 déposition de ce témoin. L'ordonnance du Tribunal, eu égard aux

9 dépositions, ne mentionne pas des heures, c'est-à-dire que le délai n'est

10 pas formulé en heures, mais en jours de calendrier, sept jours.

11 J'ai déjà dit que nous étions au Tribunal mardi dernier. Nous

12 avons eu une conférence de mise en état pour discuter de ce qui se

13 passerait précisément cette semaine dans le prétoire, que nous allions

14 procéder par déposition, etc. Donc, nous avons respecté

15 l'ordonnance que vous avez émise, Monsieur le Président, s'agissant de la

16 communication des pièces relatives à un témoin. Il n'y a donc aucune

17 raison sur ce fondement-là de retarder le contre-interrogatoire.

18 Quant aux documents, je ne vais pas réexprimer mon désaccord

19 assez fondamental avec l'accusation sur ce point. Mais je crois qu'il

20 suffit de dire que si le Procureur a des questions qui portent sur la

21 partie non traduite du document, eh bien ces questions ne concernent que

22 cette partie du document. Il n'y a donc aucune raison de ne pas poursuivre

23 et de ne pas procéder au gros du contre-interrogatoire cet après-midi,

24 pendant que le témoignage en réponse à l'interrogatoire principal est

25 encore frais dans nos mémoires, Monsieur le Président.

Page 16537

1 M. le Président. - Je voudrais consulter mon collègue, que l'on

2 prenne une décision.

3 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur le Président, je pense que

4 nous devrions revoir l'ordonnance du Tribunal et en tirer l'esprit

5 également. Cette ordonnance mentionnait "sept jours avant la citation du

6 témoin". Alors, ne coupons pas les cheveux en quatre : le Tribunal ne

7 mentionnerait pas une minute avant minuit du septième jour, car ce serait

8 en contradiction avec l'esprit de l'ordonnance. Mais ce que je dis,

9 Monsieur le Président, c'est que si le délai est respecté avec

10 communication à 7 heures 23 d'un jour donné, cela fait six jours de

11 préavis. Et nous avons reçu ces documents six jours avant la date prévue,

12 bien entendu sur la base de l'ordonnance du Tribunal. Ce témoin et un

13 certain nombre de dépositions des témoins que nous avons reçus à

14 7 heures 23 ce soir-là m'ont contraint à passer une grande partie de la

15 pause déjeuner à tenter de rassembler les pièces à conviction que je

16 souhaiterais utiliser avec ce témoin. Et je n'ai pas terminé ce travail.

17 Donc je suis au regret de dire que je ne suis pas prêt à

18 procéder au contre-interrogatoire de ce témoin. A présent, je pense que

19 les réponses qu'il a fournies à l'interrogatoire principal seront encore

20 fraîches dans nos esprits demain à 14 heures.

21 Monsieur le Président, Monsieur le Juge Shahabuddeen, ce que

22 nous demandons, c'est de poursuivre avec l'audition d'un autre témoin. Je

23 serai prêt demain, à 14 heures, à procéder au contre-interrogatoire de ce

24 témoin-ci.

25 M. le Président. - Je vois que le débat s'éternise. Je veux bien

Page 16538

1 vous laisser la parole. J'ai eu le sentiment que vous aviez mal vécu que

2 je vous la coupe ce matin. Je vais donc vous laisser la parole, Maître

3 Hayman, mais pour la dernière intervention. Ensuite, je voudrais consulter

4 mon collègue. Je vous rappelle que l'article 90 G) nous autorise, le Juge

5 Shahabuddeen et moi, à éviter toute perte de temps inutile et que nous

6 allons utiliser cet article au mieux des intérêts de chacune des parties.

7 Vous prenez la parole une dernière fois, Maître Hayman, pour ne

8 pas qu'il soit dit que je vous aurai coupé la parole. Allez-y rapidement.

9 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, de

10 bien vouloir me redonner la parole. Je serai bref.

11 La déposition du témoin concernant les possibilités qu'avait le

12 colonel Blaskic de sanctionner une personne pour des violations du

13 système pénal répond bien à l'acte d'accusation émis par l'accusation

14 en 1995. Le Procureur n'est pas prêt à contre-interroger ce témoin au

15 sujet du fonctionnement de ce système pénal, eh bien tant pis pour lui. Il

16 n'a pas bien fait son travail en 1995 dans ce cas-là, lorsqu'il a mis en

17 accusation mon client et celui de Me Nobilo.

18 Un instant, je vous prie.

19 Mon confrère, Monsieur le Président, me rappelle qu'à

20 l'exception de deux documents qui ont été remis au témoin, les autres sont

21 des documents publics qui ont fait l'objet d'une publication qui émane du

22 Journal Officiel que le Procureur a utilisé également. Nous sommes dans un

23 processus de la recherche de la vérité, ce qui implique un équilibre et

24 une position égale pour les deux parties. Il n'y a aucune raison valable

25 de retarder le contre-

Page 16539

1 interrogatoire qui devrait se poursuivre de la même façon que la défense a

2 dû procéder à son contre-interrogatoire dans des conditions similaires,

3 difficiles, mais nous avons fait notre travail. C'est ce qui devrait se

4 faire maintenant.

5 M. le Président. - Je consulte mon collègue.

6 (Les Juges se consultent sur le Siège.)

7 M. le Président. - Le contre-interrogatoire du témoin commencera

8 demain après-midi.

9 Maître Hayman, vous avez un autre témoin ? Vous voulez qu'on

10 reprenne à 15 heures 45 pour avoir le temps de faire venir votre témoin ?

11 M. Nobilo (interprétation). - Nous avons un autre témoin.

12 M. le Président. - Il est prêt ?

13 M. Nobilo (interprétation). - Oui, tout de suite.

14 M. le Président. - Le Tribunal vous remercie.

15 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

16 M. le Président. - Pour que les choses soient claires, Monsieur

17 Harmon, demain après-midi vous aurez très exactement le même temps que la

18 défense a eu pour le contre-interrogatoire.

19 M. Harmon (interprétation). - Puis-je demander à M. Dubuisson

20 quelle était la durée de ce temps ?

21 M. Dubuisson. - Deux heures dix.

22 M. Harmon (interprétation). - Merci Monsieur Dubuisson.

23 M. le Président. - Monsieur, vous m'entendez ?

24 M. Jankovic. - Si vous parlez français, je vous entends très

25 bien.

Page 16539

1 M. le Président. - Il faut quand même garder les écouteurs, car

2 tout le monde ne comprend pas le français dans ce Tribunal. Je vous

3 remercie de parler ma langue maternelle. Vous savez qu'il y a deux langues

4 officielles dans ce tribunal, vous pouvez utiliser celle qui vous convient

5 le plus, plus votre langue maternelle bien entendu. Toutes les cabines

6 d'interprétation sont à votre disposition.

7 Monsieur, vous allez donner votre nom, votre prénom, votre date

8 et votre lieu de naissance, votre profession, votre résidence actuelle.

9 Ensuite, vous resterez encore debout quelques instants le temps de prêter

10 serment.

11 M. Jankovic. - Je m'appelle Slobodan, mon nom de famille est

12 Jankovic, je suis né en 1932 à Bruxelles.

13 M. le Président. - Profession ?

14 M. Jankovic. - Je suis professeur en retraite, mais je donne

15 encore des cours à l'université de Zagreb.

16 M. le Président. - Professeur de quoi ?

17 M. Jankovic. - Professeur de la mécanique de vol.

18 M. le Président. – Où résidez-vous pour l'instant ?

19 M. Jankovic. - J'habite Zagreb.

20 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la

21 vérité et rien que la vérité.

22 M. le Président. - Merci, vous pouvez vous asseoir. Vous avez

23 accepté de venir à la demande de la défense, dans le cadre du procès

24 intenté au général Blaskic, colonel à l'époque des faits, l'accusé ici

25 présent. Vous répondrez d'abord aux questions des avocats qui vous ont

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1 fait venir, dont Me Nobilo. Ensuite, vous répondrez aux questions du

2 Procureur et éventuellement à celles des Juges.

3 Maître Nobilo, c'est à vous.

4 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déjà dit que vous étiez

5 né en 1932 à Bruxelles. Pourriez-vous nous donner, en quelques mots, des

6 détails complémentaires de votre cursus scolaire et nous dire ce que vous

7 avez fait après votre diplôme ?

8 M. Jankovic. - La division Polytechnique. Après cela, je

9 travaillais comme officier dans l'armée de l'ex-Yougoslavie jusqu'en 1972.

10 Comme ingénieur, j'ai d'abord travaillé dans une usine, puis à l'Institut

11 militaire à Belgrade et puis, à la Haute école technique militaire à

12 Zagreb, jusqu'en 1972.

13 En 1972, je suis devenu officier de réserve et je suis allé

14 donner des cours à l'université de Belgrade, sur la balistique extérieure.

15 Avant de quitter l'armée, j'ai fini des études post-universitaires sur

16 l'aérodynamique et présenté une thèse sur la balistique extérieure. Je

17 suis passé à l'université civile à Belgrade. Puis j'ai été embauché de

18 nouveau par l'ex-armée yougoslave. Comme spécialiste en aérodynamique, je

19 travaillais sur un engin guidé qui s'appelle Grom. Quand ce programme a

20 été fini, j'ai demandé à l'armée d'être transféré à Zagreb à l'académie

21 militaire, où je voulais finir ma carrière technique et scientifique.

22 A l'académie militaire, j'ai donné des cours jusqu'à ces

23 événements malheureux qui ont eu lieu chez nous. Juste avant ces

24 événements, j'ai demandé la retraite. J'étais en retraite quand tout cela

25 a commencé. Le gouvernement croate m'avait demandé de reprendre mon

Page 16541

1 travail et je suis donc allé travailler comme technicien dans un institut

2 à Zagreb.

3 J'ai été réengagé également comme professeur à l'université de

4 Zagreb. Entre-temps, j'étais en retraite, mais je continuais à donner mes

5 cours en attendant que mon répétiteur reprenne les cours.

6 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, votre dernier ouvrage

7 est intitulé "Mécanique de vols de projectiles". Est-ce exact ?

8 M. Jankovic. - Mon livre s'appelle "Mécanique de vols de

9 projectiles". C'est de la balistique extérieure. Je l'estime assez bien.

10 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, voulez-vous dire aux

11 Juges ce qui a été mis à votre disposition par la défense qui porte sur le

12 pilonnage de Zenica en avril 1993 ? Pourriez-vous également dire aux Juges

13 quels sont les faits pertinents que vous êtes parvenus à établir sur la

14 base des connaissances que vous avez en balistique ?

15 Après quoi, je vous demanderai de dire, dans un récit libre, ce

16 que vous pensez des problèmes balistiques que vous avez examinés en

17 rapport avec l'affaire Blaskic.

18 M. Jankovic. - J'ai eu à ma disposition les textes des témoins

19 qui étaient ici. C'était le texte de ce major des forces internationales,

20 je ne connais pas exactement son nom, du témoin V, du témoin W, c'est à

21 peu près cela, ainsi que les images et les photocopies liées à ce texte.

22 Ces copies et ces photos sont de très mauvaise qualité. Mais il

23 y avait quand même beaucoup de données dans ce texte. A la base de ces

24 données, j'ai fait des calculs dont je peux vous présenter le résultat

25 pour certains.

Page 16542

1 M. Nobilo (interprétation). - Avant de distribuer des documents,

2 est-ce que le major dont il est question dans ces documents que vous avez

3 lu était le major Baggesen ?

4 M. Jankovic. – Oui, c'est cela.

5 M. Nobilo (interprétation). - Je demanderai maintenant que l'on

6 distribue cette série de documents.

7 Je vous demanderai d'attendre quelques instants pour que tout le

8 monde ici puisse recevoir les documents que vous avez préparés.

9 M. Dubuisson. - Document D526.

10 (Correction de l'interprète : Le major Baggesen est en fait le

11 commandant Baggesen.)

12 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, les deux premiers

13 documents…

14 M. Cayley (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

15 Président, pourrions-nous avoir la traduction en anglais ? Nous ne l'avons

16 pas.

17 M. Nobilo (interprétation). - C'est exactement de cela que je

18 voulais parler. Pour les trois premiers documents, nous n'avons besoin que

19 d'une phrase sur le document. Nous nous proposons de les traduire sur le

20 rétroprojecteur. Il s'agit d'un point technique. Donc nous proposons de

21 traduire cette phrase et de la présenter sur le rétroprojecteur. Dans les

22 trois premiers documents, je le répète, nous n'avons qu'à citer une seule

23 phrase qui porte sur des éléments techniques.

24 M. Cayley (interprétation). – Mon seul commentaire est le

25 suivant, Monsieur le Président. Je comprends bien ce que dit mon collègue

Page 16543

1 de la partie adverse, mais il est possible que des éléments figurant dans

2 ces documents, et non traduits pour le moment, puissent être pertinents

3 pour l'accusation. Pour le moment, je me contenterai de dire : attendons

4 pour voir.

5 M. le Président. – Poursuivez, maître Nobilo.

6 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, je vous demanderai,

7 pour commencer, de dire aux juges, s'agissant des dépositions des

8 témoins W, du commandant Pagesan et des témoignages que vous avez pu lire,

9 quelles sont les conclusions que vous avez pu tirer ?

10 Ensuite, je vous demanderai de nous dire ce que vous pensez dans

11 une narration

12 libre, étant entendu que s'agissant des trois premiers documents que vous

13 avez préparés, nous placerons sur le rétroprojecteur, à côté de vous, le

14 document et nous lirons la phrase pertinente de façon que les collègues et

15 les personnes qui ne parlent pas croate puissent comprendre de quoi il est

16 question.

17 M. Jankovic. - Etant donné que je suis un technicien, un homme

18 de sciences disons, j'ai une logique technique et scientifique que je vais

19 exposer. Dans le texte que j'ai lu du témoin W, à la page 6016, ligne 8, à

20 la page 6020 ligne 10, page 6022 ligne 2, on dit qu'il s'agit de calibre

21 de 122 millimètres et qu'il s'agit d'un projectile explosif.

22 Ensuite, on dit, à la page 6025, lignes 10 et 11…

23 M. le Président. – Excusez-moi, maître Nobilo, mais pour la

24 bonne compréhension, nous sommes bien d'accord, et surtout aussi pour le

25 public, qu'il s'agit bien de la part de votre témoin de contester les

Page 16544

1 conclusions balistiques qui avaient été tirées, par certains témoins de

2 l'accusation, à l'occasion du pilonnage de Zenica. Nous sommes d'accord ?

3 C'est pour replacer un peu. Car là, je me doute que beaucoup de

4 gens sont perdus.

5 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez raison, Monsieur le

6 Président. C'est peut-être une erreur de ma part. Il est effectivement

7 question du pilonnage de Zenica. Par le biais de ses témoins, l'accusation

8 a affirmé que les six obus qui sont tombés sur Zenica en avril 1993 ont

9 été tirés à partir des positions du HVO à Putic.

10 Nous avons remis les pièces à conviction présentées par le

11 Procureur à notre témoin : les photographies, le schéma qui a été dessiné

12 par le témoin de l'accusation, tous les éléments concernant le pilonnage

13 en question et les impacts d'obus.

14 Nous avons demandé à notre témoin de nous fournir son point de

15 vue d'expert au sujet de ces éléments. Nous lui avons demandé s'il

16 existait des preuves montrant de façon tout à fait nette que ces obus ont

17 été tirés à partir des positions du HVO, comme l'affirme le Procureur.

18 Dans la première partie de sa déposition, notre témoin nous cite

19 des pages de ces documents qui comportent des éléments relatifs à la

20 balistique. Ensuite, il nous dira sur quelles bases il se fonde pour dire

21 s'il est d'accord ou pas avec ces conclusions.

22 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je ne

23 voudrais pas retarder le débat, mais j'ai deux observations à faire. La

24 première est la suivante : je viens d'examiner le compte rendu d'audience

25 auquel le témoin fait référence, et je ne trouve aucune référence à ce que

Page 16545

1 dit le témoin aux pages mentionnées sauf pour une référence. J'essaie

2 d'aider mon collègue en disant cela.

3 Ma deuxième observation est la suivante : je ne crois pas que ce

4 témoin est en droit de venir ici pour commenter la qualité des pièces à

5 conviction présentées par l'accusation. C'est le domaine des Juges. Le

6 témoin est expert, il peut fournir ses commentaires au sujet des

7 conclusions tirées par d'autres témoins.

8 Il peut dire si, selon lui, ces conclusions sont exactes ou pas.

9 Mais je ne crois pas qu'un témoin peut être cité ici pour formuler des

10 commentaires sur la qualité des éléments de preuve. C'est un domaine qui

11 vous appartient, Monsieur le Président, Monsieur le Juge.

12 M. le Président. - Maître Nobilo allez-y, et ensuite...

13 M. Nobilo (interprétation). - Vous souhaitez que je m'exprime au

14 sujet de ce que vient de dire le Procureur ou que je poursuive

15 l'interrogatoire principal ?

16 M. le Président. - Que vous vous exprimiez sur ce que vient de

17 dire le Procureur, sinon c'est moi qui vais m'exprimer.

18 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. Le témoin qui est ici a

19 été cité pour effectuer une expertise, pour nous donner son point de vue

20 d'expert quant au fait de savoir si les obus ont bien pu être tirés à

21 partir des positions du HVO, conformément à ce que déclare l'accusation.

22 Dans le cadre des propos qu'il va tenir ici, il va nous proposer

23 une analyse critique

24 et exacte des éléments présentés par le Procureur par le truchement de ces

25 témoins. Il est question, ici, d'un domaine qui n'est pas la spécialité

Page 16546

1 des Juges, ni notre spécialité. Il s'agit d'un expert en balistique. Un

2 expert en balistique a été cité par le Procureur. Il nous a parlé des

3 trajectoires balistiques, il nous a montré un certain nombre d'éléments

4 qu'il a considérés comme des éléments de preuve et qu'il présentait comme

5 étant la base de ses connaissances.

6 Nous avons appelé notre témoin pour qu'il donne son avis au

7 sujet des méthodes utilisées par le témoin du Procureur. Le témoin du

8 Procureur ne travaillait pas sur des connaissances personnelles de

9 l'événement. Il a travaillé sur des documents, donc de deuxième main. Il a

10 regardé des photographies et a dit : "Voilà, je pense que les obus

11 provenaient de Putic". Il y a deux choses en cause ici ; d'abord le témoin

12 est appelé à nous dire si, selon lui, il était possible ou impossible de

13 tirer ces obus à partir de Putic des positions du HVO, et en deuxième

14 lieu, ce témoin est ici en tant qu'expert pour examiner la déposition de

15 l'expert de l'accusation, mais d'un point de vue balistique.

16 (Les Juges se consultent sur le Siège).

17 M. le Président. - Oui, sur le premier point, Maître Cayley, les

18 Juges vous suivent. Si le témoin cite des phrases d'un transcript, encore

19 faut-il qu'il les cite de façon exacte. Donc aidez-le, Maître Nobilo,

20 attention l'accusation contrôle cela. Il faut que le débat soit clair.

21 Sur le deuxième point, les Juges pensent qu'il n'y a rien

22 d'anormal, Maître Cayley, que le témoin, spécialiste de la balistique,

23 vienne discuter certaines affirmations données par vos témoins, il n'y a

24 rien d'excessif ni d'illégitime à cela.

25 Alors Maître Nobilo, attention aux phrases citées par le témoin,

Page 16547

1 Maître Cayley a raison, encore faut-il qu'elles soient bien citées.

2 Maître Cayley a relevé qu'il n'y en avait qu'une qui était

3 exacte.

4 C'est cela, Maître Cayley ?

5 M. Cayley (interprétation). - Je m'efforce simplement de d'aider

6 mon collègue de la partie adverse. Nous pouvons discuter avec le témoin au

7 cours du contre-interrogatoire pour savoir s'il fait référence exactement.

8 M. le Président. - Vous devez être sensible à cette aide que

9 vous apporte l'accusation, j'en suis persuadé.

10 M. Nobilo (interprétation). - Nous remercions le Procureur pour

11 son aide.

12

13 Professeur, je vous demanderai de poursuivre si vous le voulez

14 bien. Pour un expert en balistique, quels sont les éléments pertinents que

15 vous avez trouvés dans le compte rendu que nous vous avons remis pour

16 analyse ?

17

18 M. Jankovic. - Je voudrais citer les pages et les lignes d'où

19 j'ai tiré les données qui sont nécessaires pour le calcul exact et les

20 simulations mathématiques de cet événement. Comme je l'avais dit, il était

21 dit clairement qu'il s'agit d'un calibre de 122 millimètres.

22 M. le Président. - Attendez, excusez-moi de vous arrêter, ce

23 n'est pas la peine que nous continuions à discuter si nous ne sommes pas

24 d'accord sur cette base.

25

Page 16548

1

2 Dans le compte rendu, qu'il soit anglais ou français, le

3 major Baggesen parlait-il de calibre 122 ? Maître Cayley ?

4 M. Cayley (interprétation). - Oui, c'est le cas, Monsieur le Président.

5 Peut-être que si le témoin faisait référence au compte rendu en français,

6 la numérotation était différente. Cela nous pose problème.

7 M. le Président. - Pour une fois que j'avais un témoin qui parlait

8 français, c'est vraiment tragique ! Essayez quand même de faire la

9 référence entre la citation en français et la citation en anglais

10 pour que nous ne nous perdions pas dans des discussions vaines.

11 Est-ce que, oui ou non, il y a une correspondance dans la version anglaise

12 du transcript ? Monsieur le Greffier peut nous venir en aide, peut-être ?

13 M. Dubuisson. -°Il y a une différence entre la pagination française et

14 la pagination anglaise.

15

16 M. le Président. - Il y a une différence entre la pagination. Mais ce

17 qui m'intéresse, ce n'est pas la différence entre les paginations, c'est la

18 différence de calibre, c'est cela qui est intéressant.

19 M. Jankovic. - J'ai lu les pages anglaises. Ce sont les pages

20 anglaises que j'ai lues.

21 M. le Président. - Vous voyez l'avantage d'avoir un témoin bilingue.

22 Le témoin a lu également les pages anglaises, c'est cela ?

23 M. Jankovic. - Je ne parle pas aussi bien que le français, mais je

24 comprends ce que monsieur dit.

25

Page 16549

1

2 M. le Président. - Bon, Maître Cayley, est-ce que c'était un calibre

3 de 122, ou pas un calibre de 122 ? Tout tourne autour de cela.

4 M. Cayley (interprétation). - Oui, c'était un calibre de 122,

5 Monsieur le Président.

6 M. le Président. - Des obus de 122. Alors, continuez. J'espère que

7 l'on ne vous interrompra pas encore.

8

9 M. Jankovic. - Donc la première chose que je dois arrêter votre

10 attention, c'est qu'il y a deux projectiles explosifs de 122 mm, deux types

11 différents, tout à fait deux projectiles différents. Un, c'est le

12 projectile russe du temps de la Seconde Guerre mondiale, appelons-le un

13 "vieux projectile", qui n'est pas moderne, et qui a la notation 0F462.

14 Et il y a un moderne qui a la notation M76, qui est une construction de

15 dl'ex-armée yougoslave des années 82-83-84, à peu près de ce temps-là.

16 Donc ce projectile moderne de l'armée de l'ex-Yougoslavie est plus

17 allongé, il a la vitesse initiale de 735 m et cela peut se voir : c'est le

18 document original de l'ex-armée yougoslave. Ici, au sommet, on voit

19 exactement qu'il s'agit de l'institut militaire, etc., le numéro de

20 ce document, et ici, là, on voit que la vitesse de ce projectile est 735 m.

21 C'est tout ce qu'on a besoin sur ce document. C'est uniquement pour montrer

22 'où je trouve cette source, puisqu'elle est très importante pour plus tard.

23 M. le Président. - Avec quand même une correction à la main ou à la

24 machine.

25

Page 16550

1

2 M. Jankovic. - Oui, il y a une correction et elle est dans le sens qui

3 est défavorable pour mon exposé. Il n'y a donc pas de problème puisque

4 cette correction est que la vitesse est plus grande ; et c'est défavorable

5 pour ce que je parle, alors il n'y a pas de problème, je suppose.

6 M. Nobilo (interprétation). - Pour le compte rendu, pour que ce soit

7 clair, je dirai que nous sommes en train d'examiner le document 3,

8 il s'agit du D526, au milieu, au paragraphe 3-5. Il s'agit là d'une

9 phrase qui dit la chose suivante : "avec la vitesse initiale de 735 m/s".

10 M. Jankovic. - C'est le document L. Ce projectile moderne a la

11 portée... J'ai trouvé cette portée dans le document K, ici. C'est 17 km,

12 133 m. Et le document Jot, J...

13

14 M. Nobilo (interprétation). - S'il vous plaît, nous devons agir de façon

15 très précise. La traduction précise : 70 000 km. Je voudrais que cela soit

16 bien clair pour le compte rendu : on parle là du document D526, de la page

17 2 qui a la lettre K. Il s'agit là du point 2, je cite : "Toujours

18 pour le 122 mm, D3/030J, deux différentes sortes de balles sont

19 utilisées avec des charges en poudre partielles ou totales et des

20 projecteurs illuminés à faible rotation jusqu'à 17,133 km.

21 Professeur, pouvez-vous nous dire si ces deux obus peuvent être

22 envoyés d'un seul et même canon ?

23 M. Jankovic. - A deux projectiles explosifs, donc c'est la

24 portée et la vitesse initiale de ce plus moderne construit par l'ex-armée

25

Page 16551

1

2 yougoslave, dans les années 1982 à 1984.

3 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, un instant s'il vous

4 plaît. Le Président n'a pas eu la possibilité d'entendre votre

5 déclaration. Vous avez donc confirmé que ces deux obus peuvent être

6 envoyés d'un canonnier de 122 millimètres ?

7 M. Jankovic - Oui.

8 M. Nobilo (interprétation). - Dans ce cas, y a-t-il une

9 différence dans la portée entre le vieil obus et l'obus moderne ?

10 M. Jankovic - De l'ex-armée yougoslave, comme je l'ai dit qui

11 est noté par M76. C'est son nom. Seulement pour vous ajouter qu'ici, il

12 s'agit d'un document officiel de l'ex-

13

14 armée yougoslave. C'est seulement la première page où l'on voit quand ce

15 document est imprimé et qu'il a été signé, etc. C'est vraiment un document

16 de l'ex-armée yougoslave. Cette source est sûre, c'est une donnée sûre.

17 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, il existe une certaine

18 procédure, ici, dans ce Tribunal, assez différente des points techniques

19 que vous soulevez. Je voudrais lire la première page du document D526, et

20 ensuite, je voudrais vous poser une question.

21 "Le secrétariat à la défense, département technique, n° IN23-72,

22 26 juin 1986, en se fondant sur le point 35 de l'instruction d'utilisation

23 des manuels techniques militaires, cote n° 4, cote U1/2, édition de 1982.

24 Je décris maintenant les instructions techniques suivantes : l'obus à

25

Page 16552

1

2 122 millimètres, T30 J décrivant l'entretien technique entre en vigueur

3 immédiatement, chef signé par le commandant général diplômé en sciences,

4 Vlado Sljivic."

5 Est-ce que vous pouvez me dire si cela fait référence à la

6 première page et à la troisième pages également ?

7 M. Jankovic - Ce que je vous ai montré, là où se trouve la

8 portée maximale, c'est à la dix-huitième page. Les autres pages ne sont

9 pas nécessaires. C'est simplement pour montrer que c'est un document

10 original.

11

12 M. le Président. – Renoncez-vous aux autres pages,

13 maître Cayley ? Cette fois-ci, je fais attention quand même.

14 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

15 savoir de quoi il retourne dans ces pages avant que j'y renonce. Elles

16 pourraient être utiles.

17

18 M. le Président. - C'est le même problème. Il y a 18 pages

19 avant. Je me tourne vers le témoin. Il y a 18 pages avant sur le canon

20 Obika 122 mm. Cela doit être dense.

21 M. Jankovic - C'est la description d'autres données qui ne sont

22 pas relevantes à notre discussion.

23 M. le Président. - C'est vous qui le dites, avec tout le respect

24 que je vous dois.

25

Page 16553

1

2 Nous sommes dans une discussion contradictoire ici. Il faut bien voir

3 cela.

4

5 M. Jankovic - Si c'est nécessaire, nous pouvons présenter tout

6 le document.

7 M. le Président. – On ne vous demandera pas de faire traduire

8 parce que nous ne sommes pas du tout dans la configuration de ce matin où

9 il s'agissait d'un point de décret, si vous voulez. Mais on peut peut-être

10 admettre que le manuel soit donné en serbo-croate à l'accusation. Cela ne

11 conditionnera pas le contre-interrogatoire, mais il faudra peut-être vous

12 le donne, maître Cayley, sauf si vous y renoncez ?

13 M. Nobilo (interprétation). - Si vous…

14 M. Cayley (interprétation). - Avec votre permission, maître

15 Nobilo, le Président m'a posé une question.

16 Monsieur le Président, nous aimerions avoir une copie de ce

17 manuel, si cela est possible. Comme vous pouvez voir, nous en sommes ici à

18 la page 19 et il manque plusieurs pages avant et peut-être même après. La

19 page suivante est la page 4 d'un autre document aussi imposant. Donc oui,

20 nous aimerions avoir les documents dans leur intégralité. Nous aimerions

21

22 savoir ce qu'ils disent.

23 M. Nobilo (interprétation). - Si vous me permettez, Monsieur le

24 Président…

25

Page 16554

1

2 M. le Président. - Il appartiendra à l'accusation d'en tirer le

3 parti qu'elle désirera en tirer. Mais le contre-interrogatoire ne sera pas

4 conditionner par ces parties, quitte à faire revenir un jour le témoin si

5 c'est nécessaire. Vous pourrez donner ces documents, Maître Nobilo ?

6 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, je ne peux

7 pas le faire parce que je n'ai pas ces documents. Je ne crois pas que cela

8 soit nécessaire. Si l'on continue de cette manière, nous n'en terminerons

9 jamais avec ce procès.

10

11 Je doute beaucoup que M. Cayley s'intéresse à la fabrication

12 d'un obusier. Nous avons apporté ici le matériel concernant la portée, la

13 puissance de feu d'un obusier. Nous n'avons pas besoin de passer en revue

14 la construction d'un obusier. Il s'agit ici de la construction des

15 paramètres, alors que ce qui nous intéresse c'est la portée et la

16 puissance de feu.

17 M. le Président. – Merci pour la traduction. Je comprends très

18 bien ce que vous démontrez. Vous trouvez la base de votre démonstration

19 dans cette page 19 numérotée par la lettre K. Je le comprends très bien.

20 Effectivement, on peut se poser la question de savoir si la description,

21 par ailleurs, n'auraient pas donné des arguments qui, au moins pour les

22 plaidoiries finales, permettraient à l'accusation éventuellement de

23 répondre.

24 Je suis neutre dans l'affaire, comme toujours. J'essaie de

25

Page 16555

1 maintenir la balance égale. Il ne s'agit pas de perdre de temps. Ce n'est

2 pas le même problème que ce matin qui portait sur un décret

3 constitutionnel d'une responsabilité hiérarchique.

4 Ici, il s'agit pour vous, la défense, de vouloir établir,

5 contrecarrer ce qui a été affirmé par un témoin, à savoir la portée de

6 l'obus. Votre témoin est très satisfait, vous l'êtes aussi, de pouvoir

7 apporter la preuve que sur une page on dit, et sans connaître le serbo-

8 croate, on voit bien que ce que vous dites est tout à fait vrai et merci

9 de votre aide, maître Nobilo.

10 C'est très bien, mais on peut quand même se poser légitimement

11 la question. Ce que je vous demande n'est pas très compliqué. Je vous

12 demande de fournir, pas aujourd'hui, cela ne va pas conditionner le

13 témoignage de M. Jankovic, mais cela doit, sinon se vendre en librairie à

14 Zagreb, être un manuel que l'on doit trouver. C'est un manuel

15 d'instruction militaire. Cela ne doit pas être très compliqué à trouver.

16 Je ne vous demande pas de le fournir aujourd'hui ou demain. Cela ne

17 conditionnera pas le contre-interrogatoire.

18 Il faut, si dans ses plaidoiries finales, l'accusation a envie

19 de contrecarrer ces points, qu'elle puise le trouver.

20 Vous l'avez, monsieur Jankovic ?

21 M. Jankovic. – On peut le trouver, mais…

22 M. le Président. – Certainement pas à La Haye, je suis d'accord.

23 M. Jankovic. – Pas maintenant, mais par la suite.

24 M. le Président. – Vous ne l'avez pas dans votre cartable ?

25 M. Jankovic. - C'est un collègue qui l'a et je demanderai d'en

Page 16556

1 faire une copie. Il n'y a pas de problème.

2 M. le Président. – Merci. Poursuivez.

3 M. Jankovic. – Cela portait sur le premier projectile moderne.

4 Sur l'autre projectile, quelques données encore à dire pour ce projectile

5 moderne.

6 L'armée croate, nous en Croatie, nous avions la documentation

7 sur ce projectile, c'est-à-dire les dessins. C'est-à-dire qu'on aurait pu

8 le construire. Mais on n'avait pas les tables de tir avec ces projectifs.

9 Entendons-nous bien, nous n'avions pas les tables de tir avec ces

10 projectiles.

11 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, il n'y a donc pas de

12 table de tir pour le nouveau projectile ?

13 M. le Président. - En français, c'est très clair, je vous le

14 signale.

15 M. Nobilo (interprétation). - En Croate, cela ne l'est pas.

16 Pourriez-vous nous expliquer, professeur, l'importance de ces

17 tables de tir, ces tableaux ?

18 M. Jankovic. - C'est-à-dire que l'on pouvait construire ces

19 projectiles, on pouvait faire la fabrication de ces projectiles. Mais on

20 n'avait pas les tables de tir, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas tirer

21 avec. On n'aurait pas su quel angle il fallait prendre avec l'obusier pour

22 tirer sur une cible déterminée. Donc on ne pouvait pas l'utiliser sans

23 table de tir.

24 Maintenant, je dois dire que pour construire ces tables de tir,

25 pour calculer ces tables de tir, on a besoin d'un champ de tir et de tas

Page 16557

1 d'instruments sur ce champ de tira que la Croatie n'avait pas à ce moment-

2 là. Il était donc impossible de les faire.

3 Aujourd'hui, la Croatie a un champ de tir et a les instruments

4 minimaux nécessaires

5 pour ce faire. Mais à ce moment-là, il n'y avait rien à faire.

6 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, est-il possible

7 d'entrer dans les détails quant à ce qui s'est passé à ce moment-là et

8 plus tard ? En 1993, la période qui nous intéresse, est-ce que l'armée

9 croate, d'après vos connaissances, a fabriqué des obus modernes et est-ce

10 qu'elle avait les tables de tirs pour ces projectiles modernes en 1993 ?

11 M. Jankovic. - Il serait mieux de répondre à cette question

12 après avoir expliqué l'autre projectile.

13 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous essayer de répondre

14 à la question ? Si je l'ai posée, c'est parce que dans votre réponse

15 précédente vous n'avez pas défini de date. Je sais qu'il est difficile

16 pour vous, par rapport à notre logique de juriste, essayons de concilier

17 ces deux logiques.

18 M. Jankovic. - Dans ce temps-là, en 1993, l'année 1993, je dis

19 que l'industrie croate pouvait construire ce projectile et produire, mais

20 elle ne l'a pas fait puisque nous n'avons pas eu les tables de tirs et

21 nous n'avons pas pu les calculer, puisqu'on n'avait pas le champ de tirs,

22 on n'avait pas les instruments nécessaires pour tout ce qu'il fallait

23 mesurer sur ce champ de tirs avec ce projectile. A cause de cela, on n'a

24 pas produit ce projectile moderne.

25 Par contre, l'autre projectile, vieux, OF, d'origine russe, on

Page 16558

1 pouvait l'acheter sur le marché noir. On avait les tables de tirs et on a

2 eu ce projectile vieux, OF, et on avait les tables de tirs. J'ai même ici

3 ces tables de tirs qui ont servi en ce temps-là.

4 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

5 M. Jankovic. - Pour continuer, je dois maintenant introduire la

6 mathématique. Pour calculer les trajectoires, je me sers d'un modèle

7 modifié de trajectoires des points matériels. Cela s'appelle comme cela en

8 théorie. C'est un modèle, ce sont des calculs qui sont standardisés et qui

9 se trouvent dans le standard 43.55 de NATO.

10 Toutes les explications de ce modèle se trouvent dans mon livre

11 dans le chapitre 9. Ce modèle, les résultats de ce calcul dépendent des

12 données que l'on introduit dans ce modèle. Il y a quelques données qui

13 sont très importantes. Je dois les exposer ici.

14 D'abord, ce sont les conditions initiales de vol. C'est la

15 hauteur d'arme. J'ai trouvé à la page 6024, la ligne 22, et 6029 dans la

16 ligne 10, on dit que l'arme est à la hauteur de 520 m.

17 M. le Président. - Maître Cayley, prenez votre temps pour

18 chercher la référence en version anglaise. Vous avez trouvé ?

19 M. Cayley (interprétation). - Ce n'est pas dans le compte rendu

20 que j'ai avec moi. Cela dit, comme je disais tout à l'heure, il y a peut-

21 être des différences entre le compte rendu anglais et français. Il faudra

22 que nous nous efforcions de les retrouver.

23 M. Jankovic. - J'ai ici ce document, je peux peut-être...

24 M. le Président. - Vous les avez, vous pouvez retrouver,

25 faites-le. Cela facilitera le contre-interrogatoire.

Page 16559

1 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président ?

2 M. Jankovic. - 6024.

3 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, un moment

4 s'il vous plaît.

5 Si je puis me permettre, Monsieur le Président, la vérification

6 de l'exactitude du compte rendu, cela fait partie du contre-

7 interrogatoire, on est en train de perdre du temps, notre témoin expert a

8 cité certaines pages. Et l'on pourra vérifier ces pages pendant le contre-

9 interrogatoire.

10 M. le Président. - Si vous voulez bien, on peut y renoncer. Cela

11 fera gagner du temps au contre-interrogatoire, mais c'est comme vous

12 préférez. Maître Cayley, vous verrez avec le témoin, cela m'est égal.

13 M. Cayley (interprétation). - J'ai peut-être ici une version

14 différente. Si le témoin va maintenant nous citer des pages, très bien. La

15 version que j'ai ici est différente.

16 Cela dit, je ne suis pas d'accord avec mon collègue,

17 l'accusation devrait être en mesure de pouvoir suivre ce qui est dit. Ce

18 n'est pas simplement quelque chose qui se fera lors du

19 contre-interrogatoire.

20 M. le Président. - Nous allons prendre une décision. Vous allez

21 continuer à citer. Quand le contre-interrogatoire viendra, vous serez

22 peut-être mis en contradiction.

23 Je ne veux pas du tout que la défense pense que... c'était par

24 une facilité de débat puisque l'objection de base était venue du fait,

25 vous vous en souvenez, qu'on contestait le fait qu'un témoin puisse venir

Page 16560

1 contrarier des témoignages qui étaient sous forme de transcript. Donc,

2 j'avais pensé faciliter la tâche de l'accusation en lui permettant de

3 suivre de façon très précise. Mais, Maître Nobilo, cela ne me pose pas de

4 problème. Simplement, peut-être qu'au moment du contre-interrogatoire cela

5 rallongera un tout petit peu. Alors, si vous voulez bien, poursuivez.

6 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, veuillez poursuivre,

7 citer les pages et, au cours du contre-interrogatoire, s'il y a des

8 problèmes, il sera possible de préciser. Merci.

9 M. Jankovic. - J'avais dit que la première donnée d'entrée dans

10 ce modèle est la hauteur d'arme. J'ai dit que j'ai trouvé cette donnée à

11 la page 6024, à la ligne 22, et 6029 à la ligne 10. Donc la hauteur

12 était 520. Il y a différentes données, j'ai pris celle qui est la plus

13 défavorable.

14 Deuxième donnée importante, c'est la vitesse initiale. A la

15 page 6025, les lignes 10 et 11. Le document que je vous avais montré sur

16 la vitesse initiale, la vitesse initiale est : 735 m.

17 La donnée suivante, c'est l'angle initial -élévation comme

18 disent les militaires- du tube de l'obusier. On ne le connaît pas pour le

19 moment et on le laisse ouvert.

20 Ensuite, ce sont des conditions météo. C'est le vent,

21 l'atmosphère, c'est-à-dire la pression, la température de l'air. A la

22 page 6107, lignes 5 à 8, on dit que pratiquement il n'y

23 avait pas de vent, que c'était le printemps. Les conditions initiales,

24 cela correspond à l'atmosphère standard, comme nous disons, sina. Dans le

25 modèle, on a pris aussi la rotation de la Terre, puisque pour un obusier

Page 16561

1 de ce genre il a de l'influence.

2 Ensuite, c'est la hauteur de cible. A la page 6024, à la

3 ligne 25, on dit que la hauteur de cible était de 310. Il y a aussi

4 différentes données sur la hauteur, j'ai pris la plus défavorable.

5 Donc, nous devions obtenir une portée de 16 km. C'est ce qu'on

6 dit à la page 6024, la ligne 7, 6029, aussi la ligne 7 et 6091, la

7 ligne 8.

8 Et nous devons obtenir l'angle de chute, 40 jusqu'à 44°,

9 entre 40 et 44, ce qu'on dit à la page 6020, la ligne 13, et 6034,

10 lignes 24 et 25. Voilà les résultats de la simulation.

11 J'ai avec moi mon ordinateur portatif, ici avec moi. J'ai ce

12 modèle dans l'ordinateur. Je peux vous le simuler aussi, mais pour être

13 plus pratique, je vous montre les résultats. Mais si vous voulez, si vous

14 le désirez, je peux vous les présenter ici devant vous ou même faire

15 d'autres calculs si c'est nécessaire.

16 Donc, je parle d'abord de ce projectile plus moderne et la

17 figure B.

18 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit là du document de la

19 défense D526, page B.

20 M. Jankovic. - Ce sont les résultats du test, seulement pour

21 vous montrer que le modèle est correct. Toutes les données que j'ai

22 utilisées, comme les données d'entrée dans ce modèle, sont inscrites ici

23 et vous voyez très bien qu'on a la portée que nous avons vue dans ce

24 document de l'ex-Yougoslavie. Donc le modèle est bon.

25 M. Nobilo (interprétation). - Cela fait référence au nouveau

Page 16562

1 projectile, n'est-ce pas ?

2 M. Jankovic. - Ici, vous voyez M76. Nous parlons de ce

3 projectile de l'ex-armée yougoslave ; donc les tables de tir nous n'avons

4 pas eues, et nous n'avons pas ni maintenant. Je ne les ai jamais vues.

5 Maintenant, nous allons simuler les résultats dont nous avons

6 besoin. J'avais dit que dans le modèle nous ne connaissons pas l'angle

7 initial. J'ai cherché l'angle initial, donc en faisant plusieurs calculs

8 pour avoir l'angle de chute. Le plus défavorable, c'est 44°. Voilà le

9 résultat que j'ai obtenu avec l'angle d'élévation de 26,3°. Donc j'ai eu

10 l'angle de chute.

11 Mais à ce moment-là, je n'ai pas la portée. La portée est de

12 15 km.

13 Alors j'ai cherché l'angle, l'élévation, qui donnera la portée

14 désirée de 16 km, c'est le document C. Ici, vous voyez, nous avons la

15 portée de 16 km, mais alors nous n'avons absolument l'angle de chute

16 de 44, mais quatre degrés de plus : 48. C'est une très grande différence.

17 M. Nobilo (interprétation). - Un moment, Professeur. Je voudrais

18 préciser certains points. D'où obtenez-vous les données permettant de dire

19 que l'angle de chute doit être de 40 à 44° ? Qui a déterminé cela ?

20 M. Jankovic. - J'avais dit tout à l'heure que l'angle de chute

21 devait être entre 40 et 44.

22 C'est dans la page 6020, la ligne 13, et la page 6134, les

23 lignes 24 et 25. Je répète cela se trouve dans le texte du témoin W.

24 M. Nobilo (interprétation). - Merci.

25 Vos calculs sont présentés à la page C. Ils montrent que cet

Page 16563

1 angle de chute serait alors de 48,1 degrés pour que la portée soit

2 effectivement de 16 kilomètres. Veuillez poursuivre.

3 M. Jankovic – Pour être complet, j'ai cherché la possibilité

4 d'avoir la portée 16 kilomètres et l'angle de chute de 44 degrés. C'est

5 possible, mais avec un vent très très fort. Il faut un vent de 13,5 m/s.

6 On avait dit qu'il n'y avait pas de vent. C'est le document D.

7 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, s'il vous plaît,

8 dites-nous si les conditions étaient conformes à ce que disait le

9 témoin W, c'est-à-dire pas de vent, et un angle de chute maximum de

10 44 degrés. Quelle serait alors la portée maximale avec le projectile

11 moderne que l'armée croate ne possédait pas ?

12 M. Jankovic - On voit que la portée est de 15 kilomètres.

13 M. Nobilo (interprétation). - Et cela est insuffisant pour

14 atteindre Zenica, n'est-ce pas ?

15 M. Jankovic - On a parlé qu'il fallait avoir une portée de

16 16 kilomètres. Je n'ai pas mesuré. Mais il y a 15 kilomètres.

17 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, d'après le témoin

18 de l'accusation, si l'on veut obtenir l'angle précisé, il manquerait un

19 kilomètre à la portée. C'est votre conclusion…

20 M. Jankovic - Ce n'est pas mon opinion, ce sont les

21 mathématiques, c'est l'exactitude.

22 M. Nobilo (interprétation). - Ma question suivante, monsieur le

23 professeur, nous n'avons pas ici les diagrammes et les textes, mais vos

24 calculs montrent-ils que si l'angle de chute était de 44 degrés, comme le

25 présentait le témoin de l'accusation et si l'obusier utilisait un

Page 16564

1 projectile moderne, il ne serait pas possible alors de dépasser les

2 15 kilomètres ? Merci. Si vous voulez bien poursuivre professeur.

3 M. Jankovic - Maintenant, je vais présenter le même calcul avec

4 l'autre obus OF, donc l'obus russe qu'utilisait et utilise encore

5 aujourd'hui l'armée croate, c'est le document G.

6 M. le Président. - Monsieur l'huissier, restez près du témoin,

7 vous savez que je tiens à ce que les tableaux soient visibles depuis la

8 galerie du public.

9 M. Jankovic - D'abord, je vais dire une chose très importante

10 ici. C'est l'obus OF russe, l'armée croate n'utilise pas avec cette charge

11 qui donne la vitesse 735 mètres, parce que cet obus russe à la vitesse

12 maximum 690 mètre par seconde, la vitesse initiale, et nous avons les

13 tables de tirs pour cette vitesse. Néanmoins, moi, j'ai fait les calculs

14 pour l'autre vitesse.

15 Puisqu'il est vrai que l'armée croate pourrait, ou pouvait s'il voulait,

16 ajouter la poudre pour avoir cette vitesse. Mais je répète : dans ce cas

17 là, elle n'avait pas de table de tirs pour cette vitesse initiale, elle ne

18 pouvait pas les utiliser.

19 Donc, je vais vous présenter les calculs que l'armée croate ne

20 pouvait pas utiliser puisqu'elle n'avait pas les tables de tirs pour cette

21 vitesse. Même si elle avait fait cela, elle aurait eu la portée de

22 16 kilomètres. Voilà, c'est ce document que j'ai. Dans les conditions

23 normales, la vitesse, la hauteur zéro, il n'y a pas de vent, etc…, donc

24 les conditions normales.

25 Avec cette charge qui donnerait la vitesse, 735 mètres, dans les

Page 16565

1 conditions de la hauteur d'armes dont nous avons dit, et la hauteur de

2 cible dont on a parlé, sur le document I, on voit que l'on pourrait

3 atteindre 16 kilomètres, mais avec un angle de chute 53 degrés, même plus,

4 donc beaucoup plus grand que ce qu'on avait dit dans le texte.

5 M. Nobilo (interprétation). - Professeur, excusez-moi de vous

6 interrompre. Je voudrais que l'on revienne au document G, qui utilise un

7 angle de chute assez important de 60,5 degrés, ce qui est bien plus

8 important que les 44 degrés

9 M. Jankovic. - …un test pour voir quelle la portée maximale de

10 ce projectile. Ce ne sont pas les conditions qui nous intéressent, les

11 conditions de la hauteur de l'arme et les conditions de la hauteur de

12 cible. C'est le document suivant qui est fait pour la hauteur d'arme qui

13 nous intéresse et la hauteur de cible qui nous intéresse.

14 C'est ce document-là où est l'arme à hauteur de 520 mètres, la

15 cible à hauteur de 310 et si vous tirez dans ce cas sur les 16 kilomètres,

16 vous avez un angle beaucoup plus grand, c'est-à-dire l'angle de chute de

17 53 degrés, 53,44 degrés. Ou bien, si vous voulez avoir cet angle de chute

18 de 44 degrés sur le document H, vous voyez alors que c'est la portée

19 14 kilomètres.

20 M. le Président. – Document N, je crois, pas H.

21 M. Jankovic. – N, je m'excuse. Donc, quand vous voyez, je peux

22 déclarer tout simplement que ce que le témoin W a dit est faux.

23 M. le Président. – Attendez, attendez.

24 M. Jankovic. - Du point de vue scientifique.

25 M. le Président. - Dites que vous n'êtes pas d'accord.

Page 16566

1 M. Jankovic. - La science n'est pas d'accord.

2 M. le Président. – Faux ou juste, ce sont plutôt les juges qui

3 décideront.

4 Je vais vous proposer une phrase : vos calculs ne recoupent pas

5 les hypothèses avancées par les témoins de l'accusation.

6 M. Nobilo (interprétation). - Je voudrais que tout soit

7 extrêmement clair car c'est quelque chose que nous ignorons beaucoup, la

8 balistique, pour nous les juristes. Nous avons appris beaucoup de choses,

9 mais je suis sûr que nous n'en savons pas autant que vous. Au sujet de

10 l'obus moderne, celui que l'armée croate n'a pas utilisé, nous pouvons

11 supposer que le HVO ne l'a pas utilisé non plus puisqu'elle n'avait pas

12 les tables de tir, si l'on voulait satisfaire l'angle de chute précisé par

13 le témoin de l'accusation, il manquerait donc un kilomètre à la portée.

14 M. Jankovic. – (Hors micro)

15 M. Nobilo (interprétation). - Si les obus pour lesquels les

16 tables de tir existaient, que possédaient l'armée de Croate et le HVO, que

17 faudrait-il pour satisfaire l'angle ?

18 M. Jankovic. – Des tables de tir avec la vitesse 735. Avec ce

19 qu'elle avait et ce qu'elle utilisait, elle ne pouvait pas atteindre

20 absolument pas 16 kilomètres, en aucun cas. La portée maximale que l'armée

21 croate avait était 15 kilomètres et 300 mètres. C'est dit ici. J'ai des

22 tables de tir. Je n'ai pas fait des calculs, ce n'est pas nécessaire. Il y

23 a des documents originaux là-dessus.

24 M. Nobilo (interprétation). - Sur le document, nous avons la

25 vitesse de feu, de l'obus 735 mètres par seconde.

Page 16567

1

2 M. Jankovic. – J'ai fait ces calculs puisqu'il est possible,

3 l'armée croate pouvait ajouter la poudre…

4 M. le Président. – C'est très clair. Synthétisons. Vous

5 n'arriverez jamais à trouver 16 kilomètres avec les hypothèses avancées

6 par les témoins. C'est simple. Maître Nobilo, poursuivez votre

7 démonstration.

8

9 M. Nobilo (interprétation). – J'en aurais bientôt terminé,

10 Monsieur le Président, encore une question à vous poser, monsieur le

11 Professeur. Le témoin W a parlé de munitions supplémentaires. Il a déclaré

12 que si la force et la puissance de feu étaient plus importantes, la portée

13 pouvait être augmentée et pouvait atteindre 16 kilomètres. Qu'avez-vous à

14 répondre à cela ?

15

16 M. Jankovic. – D'après ce que je sais, il faut toujours regarder

17 là documents pour les problèmes techniques. Cet obusier s'appelle en russe

18 "Puna poli". En anglais, on dit "full". En français, je dirais "complet".

19 C'est la poudre, comme l'avait dit le témoin W, 3,8 kg et c'est en un

20 morceau. Il y a des différences de poudre dedans, mélangées, mais pour les

21 artilleurs c'est un morceau de poudre qu'ils mettent dedans. Avec cela, on

22 a la vitesse initiale de 690.

23 Cette poudre, cette charge qui donne la vitesse 735 mètres, de

24 l'ex-armée yougoslave, je n'ai jamais vu, je ne sais pas ce qu'il en est.

25

Page 16568

1

2 Il est probable qu'il est possible d'ajouter la poudre encore à cette full

3 charge, à cette charge complète pour y arriver. Ce sont des problèmes

4 techniques. Je ne suis pas prêt pour répondre. Il faut regarder la

5 documentation et faire des calculs, etc.

6

7 M. le Président. - Bien, Maître Nobilo ?

8 M. Nobilo (interprétation). - Cependant, en vous fondant sur

9 votre expérience, pouvez-vous nous dire si l'armée croate, avec laquelle

10 vous avez eu une coopération technologique, si l'armée croate produisait

11 des obus qui pouvaient être utilisés avec des charges supplémentaires.

12 M. Jankovic. - De très grande portée, c'est un projectile que

13 l'on appelle techniquement le projectile base bleed. Là nous avons, mes

14 collègues ont fait cette charge

15

16 nécessaire pour avoir cette vitesse 735. Puisque nous avons maintenant les

17 champs de tirs, nous avons les instruments, nous avons ce qu'il faut et

18 nous avons produit un projectile qui a une plus grande portée. C'est

19 faisable.

20 M. Nobilo (interprétation). - Dans le courant de quelle année

21 avez-vous réalisé cela ?

22 M. Jankovic. - En 1997, au printemps, je crois que c'était au

23 mois de mai.

24

25

Page 16569

1

2 M. Nobilo (interprétation). - Pour ce qui est de l'année 1993,

3 est-ce que l'armée croate disposait de l'un quelconque des éléments dont

4 vous avez parlé ?

5 M. Jankovic. - (Inaudible).

6 M. Nobilo (interprétation). - Pour ces calculs qui vous ont

7 permis de calculer les portées, etc., quel type de programme avez-vous

8 utilisé ?

9 M. Jankovic. - Je vous ai donné exactement le nom de ce modèle.

10 Je vous ai dit que c'était standard et que cela se trouvait dans ce type

11

12 de référence. Je répète c'est stanak 43.55. Si vous voulez, je peux faire

13 le calcul dans mon ordinateur portatif et j'ai mon livre, il y a un

14 chapitre sur ces méthodes, etc.

15 M. Nobilo (interprétation). - Vous faites bien référence au

16 standard utilisé par l'OTAN ?

17 M. Jankovic. - Oui.

18 M. Nobilo (interprétation). - Très bien. J'en ai terminé de mon

19 interrogatoire principal. Nous aimerions simplement que la pièce de la

20 défense D 526 soit versée au dossier. Merci.

21 M. le Président. - Maître Cayley ?

22 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, nous

23 souhaitons attendre de disposer d'une traduction en anglais de cette

24 chemise rouge avant de commencer notre contre-interrogatoire. Nous

25

Page 16570

1

2 aimerions pouvoir avoir des copies complètes des documents auxquels il a

3 été fait référence. Nous ne saurions nous contenter des extraits qui nous

4 sont proposés ici.

5 M. le Président. - Il est difficile de retarder le contre-

6 interrogatoire, Maître Cayley, sinon nous allons le retarder pour chaque

7 témoin. Cela me paraît un peu difficile. Il s'agit de calculs. Pour

8 l'instant, vous pourrez apporter la contradiction par rapport à ce cahier.

9 J'ai moi-même demandé qu'il vous soit donné l'intégralité de l'ouvrage.

10 Comprenez-moi bien, Maître Cayley, il s'agit de calculs qui sont très

11 complexes de la part des artilleurs qui ont été, grâce au témoin, que je

12 remercie, simplifiés.

13 Le point principal de l'interrogatoire a porté sur les

14

15 trajectoires. Oui ou non, peut-on arriver à 16 kilomètres à partir des

16 hypothèses formulées par les différents témoins qui sont vos témoins. Nous

17 allons faire une pause, nous reprendrons à 5 heures et vous ferez votre

18 contre-interrogatoire. Si par la suite, dans les semaines qui viennent,

19 une fois tous ces documents traduits, il y a des objections importantes,

20 soit vous les formulerez par un mémoire écrit, mais nous ne pouvons pas, à

21 mon avis, retarder le contre-interrogatoire.

22 Comprenez-moi bien, il s'agit d'un problème différent de ce

23 matin. L'interrogatoire principal a uniquement porté sur des problèmes de

24 trajectoires et de calculs. Il faut répondre sur des problèmes de

25

Page 16571

1

2 trajectoires et de calculs, sinon on ne s'en sortira pas. Vous comprenez

3 cela ?

4 Il faut que vous refassiez les calculs. On ne peut pas tout

5 retarder.

6 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, vous le

7 savez bien, je ne suis pas expert en balistique. Je ne souhaite en aucun

8 cas que le contre-interrogatoire soit repoussé à une date ultérieure. Je

9 ne souhaite pas retarder l'avancée de nos travaux. Mais toutes les

10 références qui ont été utilisées par le témoin sont des références à des

11 passages du compte rendu dont je ne dispose pas.

12 Si je n'arrive pas à me retrouver dans le compte rendu d'ici à

13 17 heures, j'aurais du mal à couvrir trente références en l'espace de

14 25 minutes, alors oui, j'aimerais pouvoir poursuivre mon

15 contre-interrogatoire demain.

16 M. le Président. - Sous le contrôle du greffier. Cette

17

18 discussion autour des transcripts me paraît aberrante. Dans une

19 juridiction les plus moderne du monde, où nous avons les transcripts sous

20 les yeux, il me semble qu'il ne doit pas être très compliqué, le témoin a

21 cité 4, 5, 6 citations, il s'agit de faire la correspondance entre les

22 transcripts qu'a lus certainement le témoin en français avec votre

23 transcript anglais. S'il y a une contradiction, vous la soulignerez. Si

24 vous voulez, je peux vous donner 30 minutes. Si vous voulez, on va

25

Page 16572

1

2 reprendre à 17 heures 10 pour que vous ayez le temps. J'avais prévu cette

3 objection. C'est pour cela que j'avais dit à Me Nobilo que je préférais

4 que l'on perde un peu de temps sur le moment.

5

6 Je vous propose la chose suivante : nous allons prendre

7 30 minutes de pause. Pour vous, ce ne sera pas une pause, c'est certain.

8 Le greffier est à votre disposition pour retrouver les passages des

9 transcripts anglais et français.

10 M. Jankovic. - Est-ce que je peux vous dire quelque chose ? Ce

11 sont les citations des textes anglais, j'ai le texte ici, je peux mettre

12 ce texte à la disposition.

13 M. Hayman (interprétation). - J'ai vérifié toutes les références

14 de ce témoin au cours du témoignage de ce dernier à l'exception d'une, je

15 parle du compte rendu non officiel en anglais. Les références s'y

16 trouvent, Maître Cayley, je les ai trouvées.

17 M. le Président. - Vous avez 30 minutes, avec une calculette,

18 les transcripts et nous faisons le contre-interrogatoire.

19

20

21 L'audience, suspendue à 16 heures 40, est reprise à 17 heures 12.

22

23

24 M. le Président. - Nous reprenons l'audience, introduisez le

25

Page 16573

1 témoin.

2 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

3 Maître Cayley, c'est à vous.

4 M. Cayley (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

5 Bonjour, professeur. Je m'appelle Andrew Cayley. Je représente le Bureau

6 du Procureur, à ma droite mes collègues, Maître Harmon et Maître Kehoe.

7 Ma première question est celle-ci. Quel type d'armes était

8 utilisé pour tirer sur Zenica ce jour-là, pouvant utiliser des projectiles

9 de 122 millimètres ?

10 M. Jankovic - J'ai écouté la traduction croate et je n'ai pas

11 compris exactement votre question. En croate, on a demandé quelle arme on

12 avait lancé de la position. Ce que j'ai compris du texte, je n'étais pas

13 sur place, je ne sais rien, mais en lisant le texte, on parle d'obusier de

14 122 millimètres et de projectiles explosifs. J'ai dit qu'il y a deux

15 sortes de projectile.

16 M. Cayley (interprétation). - Manifestement, monsieur le

17 professeur, vous n'avez pas bien compris ma question. Veuillez m'écouter

18 attentivement, je tâcherai de m'exprimer lentement.

19 Je vous demanderai d'apporter une réponse directe à ma question.

20 Si vous n'êtes pas en mesure de le faire, dites-moi simplement "je ne sais

21 pas". Je me contenterai de cette réponse. Voici ma question : quel type

22 d'obusier de 122 millimètres a été utilisé pour tirer sur Zenica le

23 18 avril 1993 ?

24 M. Jankovic (interprétation). – Je me suis fondé sur ce que j'ai

25 trouvé dans le texte. Maintenant, si je m'appuie sur ce que je sais à

Page 16574

1 propos de l'armée croate et de ce qu'elle possédait, je peux dire que

2 c'est un obusier de 122 millimètres D30 qui a été utilisé.

3 M. Cayley (interprétation). - Vous avez déclaré que vous ne

4 saviez pas. Effectivement, professeur, à moins d'avoir été présent sur les

5 lieux, vous n'êtes pas en mesure de savoir ce qui s'est passé exactement,

6 n'est-ce pas ?

7 M. Jankovic (interprétation). - Oui.

8 M. Cayley (interprétation). - Il y a deux types de D30, ici qui

9 nous intéressent, le

10 D30 A et le D30 J. Est-ce exact ?

11 M. Jankovic (interprétation). – Oui, c'est parfaitement exact.

12 Mais du point de vue balistique, ces armes ont les mêmes caractéristiques

13 cependant.

14 M. Cayley (interprétation). - Le D30 J est la version yougoslave

15 du D30 A et le D30 J a une portée beaucoup plus longue que le D30 A.

16 M. Jankovic (interprétation). - Je ne suis pas au courant de

17 cela.

18 M. Cayley (interprétation). - Je vais vous faire passer un

19 document, en fait c'est un extrait de la revue "Jane's", une publication

20 reconnue dans le monde entier et qui porte sur les armes. Pourriez-vous

21 faire passer ce document, s'il vous plaît.

22 M. Dubuisson. - C'est le document 564.

23 M. Cayley (interprétation). - Maintenant, professeur, il s'agit

24 là de l'obusier D30 A RH Allan. Je vous renvoie directement à la deuxième

25 page du document que vous avez entre les mains.

Page 16575

1 M. le Président. - Excusez-moi, maître Cayley, est-ce la

2 première ou la deuxième page du document ?

3 M. Cayley (interprétation). - Deuxième page, monsieur le

4 Président.

5 M. le Président. - D'accord.

6 M. Cayley (interprétation). - Au milieu de la page, on voit

7 République tchèque et Slovaquie.

8 M. le Président. – Continuez, s'il vous plaît.

9 M. Cayley (interprétation). - Professeur, vous vous apercevrez

10 que la portée pour cette arme est de 20 000 mètres. Lorsqu'elle envoie un

11 projectile M76, la portée de cette arme est de 17 133 mètres.

12 M. le Président. – C'est dans les caractéristiques, je suppose.

13 M. Cayley (interprétation). - C'est sur la seconde page,

14 monsieur le Président, on

15 voit portée maximale. La traduction a dit "20 000", c'est 21 000...

16 Peut-on descendre le document sur le rétroprojecteur, s'il vous

17 plaît ?

18 M. le Président. - Encore, encore.

19 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin

20 s'est exprimé en français.

21 Il a une certaine maîtrise de la langue anglaise mais moi, je ne

22 sais pas si son niveau d'anglais est suffisant pour lui permettre de lire

23 ce document. Il serait bon que ce document lui soit lu afin que le texte

24 soit traduit en français, d'une part, et en croate, d'autre part. Ainsi

25 mon client pourra également comprendre de quoi nous traitons ici.

Page 16576

1 M. le Président. - On peut avoir la traduction ?

2 M. Jankovic. - Ce n'est pas nécessaire, je comprend

3 suffisamment.

4 M. le Président. - Alors, je reviens maintenant sur ma question

5 à moi, ce n'est pas une question de traduction. C'est : est-ce que c'est

6 21 km ou... ah ! c'est 20 000 m, c'est le canon qui est en haut de la

7 page, n'est-ce pas, Maître Cayley ?

8 M. Cayley (interprétation) - Précisément, Monsieur le Président.

9 M. le Président. - (hors micro) ...HRM94, voilà le canon dont il

10 s'agit.

11 M. Cayley (interprétation) - Exact, Monsieur le Président. Bien,

12 la portée maximale de cette arme, Monsieur le Professeur, et je sais que

13 c'est une version croate de l'arme, est de 15 300 m, dès lors que nous

14 parlons de projectile TF462 avec charge maximale, complète.

15 La portée est de 17 133 m lorsqu'il s'agit d'un projectile M76.

16 Enfin la porté maximale est de 20 000 m lorsqu'on parle d'un

17 projectile M95, dit "base bleed".

18 Je vais vous faire passer maintenant un deuxième document avant

19 de poursuivre mes questions.

20 Monsieur Dubuisson, quelle est la côte attribuée à la prochaine

21 pièce ?

22 M. Dubuisson. - Cette pièce portera le numéro 565.

23 M. Cayley (interprétation) - Veuillez m'excusez, Monsieur le

24 Président, car une fois encore ce document n'a pas été traduit, que ce

25 soit en français ou en croate.

Page 16577

1 M. le Président. - Vous savez, Maître Cayley, tant que je n'ai

2 pas trop de problèmes.

3 M. Cayley (interprétation) - Il s'agit là d'un D30J tout à fait

4 coutumier, dans sa version yougoslave tout du moins. Je vais me permettre

5 de vous lire un passage de ce document : "La portée maximale, lorsque l'on

6 parle d'un projectile tout à fait normal, est indiquée comme étant de

7 17 300 m. Le D30J peut utiliser tous les types de projectiles qui sont

8 utilisés pour le D30 russe. Les Yougoslaves ont, eux, mis au point un M32,

9 un projectile particulier mis au point pour cette arme. Pour ce qui est de

10 l'arme yougoslave utilisant des projectiles de M76, la portée maximale est

11 de 17 300 m."

12 Monsieur le Professeur, vous serez d'accord avec moi pour dire

13 que la version de 122 mm croate, le DHR94, a une portée maximale de

14 20 000 m. Quant au D30J de 122 mm -cet obusier dont nous parlions tout à

15 l'heure-, il a une portée maximale de 17 300 m. Vous êtes d'accord avec

16 cette affirmation ?

17 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce que

18 nous pourrions avoir la date de publication de ces documents, car il n'y a

19 aucune date qui apparaît sur les documents qui nous ont été remis ? Quelle

20 est la source de ces documents ?

21 M. le Président. - …c'est demander les sources à l'accusation,

22 je ne manquerai pas de le faire ; à la défense je ne manquerai pas de le

23 faire pour l'accusation. C'est une édition récente de cet ouvrage, Maître

24 Cayley ?

25 M. Cayley (interprétation). - C'est un magazine très récent,

Page 16578

1 mais je n'ai pas la date exacte, je l'avoue. Je peux faire des recherches.

2 Mais cela nous permet de replacer l'obusier dont nous parlons dans le

3 temps. Nous parlons d'une arme qui a été mise au point avant le conflit

4 qui a éclaté en l'ex-Yougoslavie. Nous parlons d'un D30J dans sa version

5 yougoslave, donc tel qu'il a été utilisé par la JNA.

6 M. le Président. - Le moment, quand vous le souhaiterez, mais de

7 sorte que la défense puisse -non pas forcément exercer son droit de

8 réplique, mais à un moment donné pouvoir ne serait-ce que dans ses

9 plaidoiries finales, pouvoir contester éventuellement. Donc vous donnerez

10 le titre exact, l'édition, pour que lumière puisse être faite. Je vous en

11 remercie. Poursuivez.

12 M. Cayley (interprétation). - Le D 30 J est bien la version

13 utilisée par la JNA du D 30 A, n'est-ce pas ?

14 Veuillez me donner une réponse orale parce que si vous ne

15 prononcez rien, les sténotypistes ne peuvent rien saisir.

16 M. Jankovic. - Je peux répondre à cette question. Tout d'abord,

17 l'obusier croate est la continuation de l'obusier yougoslave. L'obusier

18 yougoslave était fabriqué à Travnik. Beaucoup de Croates travaillaient là.

19 Ils sont venus en Croatie, ils ont continué.

20 M. Cayley (interprétation). - Pardon de vous interrompre,

21 Professeur, mais j'ai peu de temps devant moi. Même si toutes ces

22 explications sont fort intéressantes, pourriez-vous vous contenter de

23 répondre directement à la question que je vous ai posée. Le D 30 J est-il

24 la version utilisée par la JNA du D 30 A de 122 millimètres ?

25 Est-ce que cette arme était fabriquée dans l'ex-Yougoslavie

Page 16579

1 avant 1993 ?

2 M. le Président. - Première question, (hors micro) était la

3 version D 30 A, c'est cela ?

4 M. Jankovic. - Si j'ai bien compris la question, la différence

5 entre l'obusier croate et l'obusier yougoslave ?

6 M. le Président. - Non, je ne crois pas que ce soit cela.

7 L'accusation vous pose une question très simple. Pouvez-vous reformuler

8 votre question, maître Cayley, une seule

9 question ? Première partie de votre question, très simple.

10 M. Cayley (interprétation). - Toutes mes excuses, monsieur le

11 Président, monsieur le Juge, je ne perds pas l'horloge des yeux.

12 Pourriez-vous apporter une réponse affirmative ou négative à ma

13 question, monsieur le Professeur ?

14 Est-ce que le D 30 J est la version yougoslave du D 30 122

15 millimètres, cet obusier dont nous parlons ?

16 M. Jankovic (interprétation). - Oui.

17 M. Cayley (interprétation). - Mes questions vont vous paraître

18 tout à fait élémentaires, compte tenu de vos connaissances. Mais nous ne

19 sommes pas des experts. Je vous prie d'excuser la nature de mes questions.

20 Cette arme était-elle construite en ex-Yougoslavie avant 1993 ?

21 M. Jankovic. - L'obusier D 30 Jot est un obusier de l'ex-

22 Yougoslavie.

23 M. Cayley (interprétation). - La JNA connaissait donc bien cette

24 pièce d'artillerie ?

25 M. Jankovic. - Je crois, c'est normal.

Page 16580

1 M. Cayley (interprétation). - Cet extrait de la revue Jane's

2 confirme que la portée maximale du D 30 J était de 17 300 mètres.

3 Etes-vous d'accord avec cette affirmation ?

4 M. Jankovic. - Nous pouvons passer tout de suite sur

5 l'essentiel, sur la portée. Je peux donner tout de suite la réponse.

6 Donc cette portée de 20 kilomètres que vous trouvez ici est la

7 portée de projectiles que j'ai construits. C'est moi. Je vous avais dit

8 que la première pièce avait volé en 1997. C'est le modèle...

9 M. Cayley (interprétation). - Professeur, excusez-moi...

10 M. le Président. - Maître Cayley, attendez, vous avez posé une

11 question, laissez répondre le témoin.

12 M. Cayley (interprétation). - Le témoin ne répond pas à ma

13 question.

14 M. Jankovic. - Nous avons décidé de le construire en 1995. Elle

15 porte le nom...

16 M. le Président. - Elle porte le nom de ?

17 M. Jankovic. - Je peux continuer ?

18 M. le Président. - Faites-le brièvement, on vous a posé une

19 question. Vous y avez répondu. Faites un léger commentaire, mais ensuite

20 nous redonnons la parole à l'accusation.

21 C'est un projectile que vous avez vous-même construit en 1995 et

22 qui porte le nom de ?

23 M. Jankovic. - M 95 puisque nous avons décidé de le construire

24 cette année-là.

25 M. le Président. - Merci.

Page 16581

1 M. Cayley (interprétation). - Etes-vous d'accord avec ce qui est

2 dit dans l'article de Jane's, à savoir que la portée maximale du D 30 J

3 était de 17 300 mètres, si on utilise un projectile M 76 ?

4 M. Jankovic. – Je connais ces données, mais ce sont des données

5 commerciales. Pour nous, les techniciens, ce n'est pas relevant. Ce que je

6 vous ai montré, le document officiel de l'armée, est plus sûr, plus "âgé",

7 comme vous dites, dans la loi. Souvent, dans les prospectus, dans les

8 documents commerciaux, vous avez des données qui sont un peu douteuses.

9 Pour, ce n'est pas exact. Pour moi, ce qui est exact c'est ce que je vous

10 ai montré dans le document yougoslave. Sinon, je connais ce document.

11 M. Cayley (interprétation). - Etes-vous entrain de dire que la

12 revue Jane's, qui est une publication respectée dans le monde entier et

13 qui traite des systèmes d'armes dans le monde, a tort ?

14 M. Jankovic. – Je dis c'est différents du document original.

15 Pourquoi moi, c'est le document original que j'utilise.

16 M. Cayley (interprétation). - Professeur, je vous prierais de

17 bien vouloir répondre

18 à ma question car vous n'êtes pas d'accord avec le chiffre que je vous

19 donne. Etes-vous en train de déclarer que "Jane's", qui est une

20 publication respectée dans le monde entier, traitant des systèmes d'armes

21 utilisés par l'armée à tort ? Est-ce que vous dites que le fait de

22 mentionner une portée maximal de 17 300 mètres est une erreur ?

23 M. Jankovic. - Je peux répéter ma réponse.

24 M. le Président. - Ce n'est pas la peine.

25 M. Jankovic. - Je peux encore ajouter. Même si j'avais pris ce

Page 16582

1 résultat comme une donnée d'entrée dans mon modèle, rien n'aurait changé.

2 M. Cayley (interprétation). - Professeur, la portée qui est

3 parcourue par un obus dans l'air dépend du type d'obus, n'est-ce pas ? Si

4 l'on a une munition différente, la distance couverte par cette munition

5 est différente ?

6 M. Jankovic. - Oui.

7 M. Cayley (interprétation). – Quel est le type d'obus qui est

8 tombé à Zenica, en avril 1993 ? Quel est le type de projectile qui est

9 tombé à Zenica ?

10 M. Jankovic. - Ce n'est pas moi qui était sur place. La seule

11 chose est que j'ai lu ces documents, le texte. Et dans ce texte, on parle

12 de l'obus explosif de 122 millimètres. J'ai dit qu'il y a deux, pour ne

13 pas répéter tout ce que j'ai dit.

14 M. Cayley (interprétation). - Je vous prie de bien vouloir me

15 suivre professeur et j'avance le plus rapidement possible. La nature de

16 l'obus, n'est-ce pas -et je parle de l'obus qui est tombé sur Zenica-, la

17 nature de l'obus a un effet sur la portée ?

18 M. Jankovic. – Oui.

19 M. Cayley (interprétation). - Certains obus voyagent plus vite

20 que d'autres, n'est-ce pas professeur ? Certains obus ont la possibilité

21 de couvrir les distances plus importantes que d'autres ?

22 M. Jankovic. – Bien sûr.

23 M. Cayley (interprétation). - Vous n'avez aucune idée du type

24 d'obus qui est tombé à Zenica le 18 avril, n'est-ce pas professeur ?

25 M. Jankovic. - Seulement ce que j'ai lu dans ce document.

Page 16583

1 M. Cayley (interprétation). – La seule chose que vous avez lue,

2 c'est qu'il s'agissait d'un obus de 122 millimètres, n'est-ce pas ?

3 M. Jankovic. – Non, j'ai lu que c'est l'obus explosif. J'ai dit

4 qu'il y avait deux obus explosifs. J'ai exposé les résultats sur les deux

5 obus explosifs.

6 M. Cayley (interprétation). - Vous avez parlé de la différence

7 de portée entre les obus anciens et les obus modernes.

8 M. Jankovic. – Oui.

9 M. Cayley (interprétation). – Et vous avez déclaré que les obus

10 modernes avaient la possibilité de couvrir des distances plus importantes

11 que les obus anciens.

12 M. Jankovic. - Oui.

13 M. Cayley (interprétation). - Quels types de munitions utilisées

14 le HVO en Bosnie ?

15 M. Jankovic. – Moi, je ne sais rien sur le HVO en Bosnie. Je

16 suis professeur à Zagreb et j'ai eu des contacts avec l'armée croate. Tout

17 ce dont j'ai parlé, c'est relevant sur l'armée croate.

18 M. Cayley (interprétation). - Donc vous n'êtes pas en mesure de

19 dire aux juges quoi que ce soit au sujet du type de munitions qui a été

20 tiré le 18 avril 1993.

21 M. Jankovic. - Seulement ce que j'ai lu dans ces documents.

22 M. Cayley (interprétation). - Professeur, pour faire vos

23 calculs, vous êtes-vous rendu sur le site, à Zenica, pour voir quels

24 étaient les éléments géographiques et les divers éléments liés au site

25 d'impact ?

Page 16584

1 M. Jankovic. - Je n'en ai pas besoin.

2 M. Cayley (interprétation). - Conviendriez-vous avec moi que les

3 meilleurs témoins d'un incident de cette nature sont des personnes

4 présentes sur les lieux au moment du pilonnage, qui disent aux Juges ce

5 qu'elles ont vu en tant que témoin des faits.

6 M. Jankovic – Je parle ici de la mathématique, des calculs. Je

7 ne vois pas ce que je peux dire sur le témoin qui était sur place. Je n'en

8 sais rien.

9 M. Cayley (interprétation). - Vous n'avez pas répondu à ma

10 question. Ne croyez-vous pas que les experts qui se sont rendus sur les

11 lieux à Zenica, le jour de l'incident -je parle de militaires de plusieurs

12 régions du monde- sont plus à même d'informer les Juges sur ce qui s'est

13 passé ?

14 M. Jankovic – Je ne suis pas d'accord avec le matériel dans ce

15 texte. C'est tout ce que je peux dire. Je ne peux pas donner une opinion

16 sur quelque chose que je ne connais pas.

17 M. Cayley (interprétation). – Quelles sont les dépositions de

18 témoins que vous avez pu lire au moment où vous avez étudié la question du

19 pilonnage de Zenica ?

20 M. Jankovic - J'ai lu le texte qu'a donné le major, le texte du

21 témoin V, et le texte du témoin W.

22 M. Cayley (interprétation). - Professeur, avez-vous jamais

23 participé à une analyse de cratère au cours de votre carrière ?

24 M. Jankovic - Oui, très souvent, sur le champ de tir, j'ai

25 regardé des cratères. C'est exact.

Page 16585

1 M. Cayley (interprétation). - Conviendrez-vous avec moi qu'une

2 analyse de cratère peut fournir une indication valable quant aux types et

3 aux calibres du projectile, et quant à la direction d'où a été tiré le

4 projectile ?

5 M. Jankovic – Oui, j'ai lu beaucoup de choses sur ce sujet dans

6 ce matériau. Je me suis préparé à une opinion pareille.

7 Je n'ai jamais vu, dans la littérature technique ou

8 scientifique, la détermination du

9 calibre, de la direction et de l'angle de chute à partir de cratères. Donc

10 ce n'est pas un problème résolu d'avance. Ce sont des problèmes que les

11 techniciens ou les gens doivent résoudre sur place avec leur connaissance.

12 Donc, en pratique, par les essais sur le champ de tir, nous

13 enregistrons les effets, c'est-à-dire le cratère d'un projectile donné.

14 Nous connaissons le projectile avec lequel nous tirons et nous constatons

15 par les essais le cratère qu'il fait dans le champ de tir. Nous donnons

16 cela comme performance de cet obus, de ce projectile.

17 Pour l'inverse, c'est un grand problème. Je ne connais pas la

18 solution. Il faut dire qu'en effet, quand nous regardons les fragments et

19 les morceaux de projectile, on peut reconnaître le projectile qui est

20 tombé normalement par des grands morceaux. C'est-à-dire que, très souvent,

21 la fusée reste entière et que le culot, la partie arrière du projectile,

22 donne des grands morceaux, et nous pouvons reconnaître ces morceaux comme

23 partie de projectile.

24 C'est possible et on le fait. Mais là, il faut faire encore

25 attention puisque la même fusée peut utiliser plusieurs projectiles,

Page 16586

1 plusieurs obus. Par exemple, la fusée RGM 2, russe, dont il y a une copie

2 yougoslave, utilise 122 millimètres, l'obusier dont nous parlons tout le

3 temps l'utilise aussi. 130 canons et 152 canons obusiers. Donc, les trois.

4 C'est une chose à laquelle il faut également faire attention.

5 M. Hayman (interprétation). – Professeur, permettez-moi de vous

6 interrompre. Monsieur le Président, au début de ce paragraphe, le mot

7 "inverse" en anglais a été traduit par contraire. Or je suis pratiquement

8 sûr que c'est le mot "inverse" qui a été utilisé. Le professeur parlait de

9 la possibilité de raisonner dans les deux sens. C'est-à-dire qu'à partir

10 d'un obus que l'on connaît, on peut déterminer les caractéristiques.

11 Ensuite, il a parlé de la possibilité de déterminer la nature de l'obus à

12 partir des caractéristiques. Mais le terme en anglais était "inverse" ou

13 "converse", mais en tout cas, ce n'est pas le terme "contraire" qui

14 s'applique, mais le terme "en sens inverse".

15 M. Cayley (interprétation). - Je dois dire, Monsieur le

16 Président, que je n'ai pas remarqué cela. La seule chose que j'ai

17 remarquée, c'est que Me Hayman et moi-même avons été confondus dans le

18 compte rendu. Nos noms ont été confondus. Mais ce n'est peut-être pas

19 capital.

20 M. le Président. - C'est inverse ou converse ?

21 M. Cayley (interprétation). - Il faut demander au témoin.

22 M. le Président. - Le témoin peut-il préciser ?

23 M. Jankovic. - Pour être précis, pour un projectile déterminé,

24 pour un projectile donné plutôt, nous, par les essais, nous déterminons le

25 cratère. Nous savons que ce projectile a ce cratère. Mais ce cratère peut

Page 16587

1 être donné par un autre projectile. Cela, nous ne le savons pas. Jamais

2 nous n'avons pas de cratère pour dire quel est le projectile qui a fait ce

3 cratère. Mais nous savons qu'un projectile fait ce cratère.

4 M. le Président. - Avançons, Maître Cayley ?

5 M. Cayley (interprétation). - Professeur, vous avez examiné la

6 déposition du commandant Baggesen et je vous demande si vous êtes d'accord

7 avec moi pour dire qu'il a évalué la direction du tir comme étant un tir à

8 2,60 degrés, d'un angle de 2,60 degrés ?

9 M. Jankovic. - Je ne peux pas répondre. Je vais expliquer

10 pourquoi. Chaque fois que je regarde le cratère sur le champ de tir, sur

11 la terre, je n'ai jamais vu un cratère sur asphalte. On ne le fait pas en

12 technique. Je n'ai jamais vu des cratères pareils, et je ne peux pas

13 répondre. Les images que je regardais étaient inutilisables. Ils n'étaient

14 pas orientés pour pouvoir dire quoi que ce soit.

15 (Correction de l'interprète : 270 degrés et non 2,70)

16 M. Cayley (interprétation). - Les photographies sont

17 illustratives, Professeur, mais vous ne pouvez pas les utiliser pour

18 calculer une portée ou une direction de tirs, n'est-ce pas ? C'est très

19 difficile ?

20 M. Jankovic. - J'ai dit que d'après les copies des photos que

21 j'ai regardées, je ne peux rien dire de la direction sur un asphalte et,

22 surtout, puisque je n'ai jamais vu dans ma pratique un cratère sur

23 asphalte.

24 M. le Président. - Si vous préférez vous exprimer dans votre

25 langue, Professeur, ce sera peut-être plus facile parce que chaque fois

Page 16588

1 vous buttez sur la question que vous pose Me Cayley.

2 Je suis très sensible au fait que vous parliez français, mais il

3 serait peut-être mieux que vous parliez dans votre langue, les cabines

4 traduiront comme cela se produit très souvent. C'est vous qui choisissez.

5 J'observe souvent que vous dites que vous n'avez pas compris la question

6 que vous a posée l'avocat.

7 M. Jankovic. - C'est plutôt comprendre la question. Ce n'est pas

8 pour moi le problème de la réponse.

9 M. le Président. - Si vous gardiez les écouteurs...

10 M. Jankovic. - Il y a beaucoup de termes techniques, alors

11 peut-être qu'en traduction... Il y a un décalage de traduction, etc. C'est

12 seulement pour bien comprendre la question.

13 M. le Président. - Faites comme vous voulez. Maître Nobilo ?

14 M. Nobilo (interprétation). - En accord avec le témoin, le

15 témoin a exprimé le voeu de s'exprimer en français et la défense a estimé

16 que c'était indispensable. Au cours de cette audition, la preuve a été

17 apportée que c'était absolument indispensable.

18 En effet, avec tout le respect que je dois aux interprètes qui

19 traduisent fantastiquement bien les termes techniques, je dois dire que la

20 traduction que j'entends en croate n'est pas sur le plan technique

21 absolument exacte. Je pense qu'il est préférable, au cours de cette

22 audience, que les Juges entendent les renseignements exacts, et si nous

23 entendons en croate quelque chose qui n'est pas tout à fait exact, c'est

24 moins important.

25 M. le Président. - Maître Cayley, poursuivez.

Page 16589

1 M. Cayley (interprétation). - Il est beaucoup plus facile

2 d'effectuer une évaluation de la portée de l'angle tir à partir de la

3 vision du cratère si on est présent physiquement, plutôt que de travailler

4 sur des photographies. Etes-vous d'accord avec cette affirmation ?

5 M. Jankovic. - Vous avez dit deux choses, de faire appréciation

6 à la base des cratères, appréciation de la portée et de la direction.

7 Donc, la première question, impossible. On ne peut pas faire appréciation

8 de la portée à la base de cratère. Cela, je ne crois pas. C'est mon

9 opinion.

10 M. Cayley (interprétation). - Vous avez mal compris ma question.

11 M. le Président. - Excusez-moi d'intervenir. Vous n'avez pas

12 compris la question.

13 Le conseil de l'accusation vous a demandé s'il était plus facile

14 d'apprécier à partir d'une photo ou en étant sur le terrain. C'est cela la

15 question.

16 M. Jankovic. - Comme je viens de dire, c'est un problème de bien

17 comprendre la traduction.

18 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Ce que vous

19 venez de faire est exacte, mais il y a deux éléments qui ont été ajoutés,

20 la portée et l'angle de tir, ou la direction d'où provenait le tir. Le

21 professeur a répondu à la première partie.

22 M. le Président. - Je comprends les réponses. N'interprétez pas en

23 plus ce que dit votre témoin. Il est assez grand pour savoir ce qu'il a à

24 dire. Renouvelez votre question, Maître Cayley, s'il vous plaît.

25 M. Cayley (interprétation). - Eh bien, je vais segmenter ma question

Page 16590

1 de façon à la rendre plus simple. S'agissant d'analyse de cratère,

2 Professeur, est-il plus facile de réaliser l'observation d'un cratère

3 lorsqu'on se trouve sur le site ou lorsque l'on travaille sur photo ?

4 M. Jankovic. - Sur le lieu, sur la place.

5 M. Cayley (interprétation). - Vous avez examiné la déposition du

6 commandant Baggesen,

7 n'est-ce pas ?

8 M. Jankovic. - Oui.

9 M. Cayley (interprétation). - Vous serez d'accord avec moi quant au fait

10 que la conclusion qu'il a tirée consistait à dire que l'angle de tir était

11 de 270° ? C'est bien ce qu'il a dit dans sa déposition, n'est-ce pas,

12 Professeur ?

13 M. Jankovic. - Oui.

14 M. Cayley (interprétation). - Le commandant Baggesen a également

15 apprécié l'obus comme étant un obus de 122 mm, n'est-ce pas ?

16 M. Jankovic. - Je ne me rappelle pas.

17 M. Cayley (interprétation). - Eh bien, permettez-moi de vous le rappeler.

18 Je répète que les références faites au compte rendu d'audience ne sont

19 peut-être pas exactes, et après avoir discuté avec mon collègue, Me Hayman,

20 nous avons constaté que nous avions des versions un peu différentes.

21 Mais en page 1939, je cite : "Nous avons discuté, nous sommes arrivés à la

22 conclusion qu'il devait s'agir de pièces d'artillerie moyenne, c'est-à-dire

23 d'obus de 122 mm". Vous rappelez-vous avoir lu ce passage, Professeur ?

24 M. Jankovic. - Non, j'ai lu le matériel à la page 2 112.

25 M. Cayley (interprétation). - Donc vous n'avez pas étudié les réponses

Page 16591

1 du commandant Baggesen aux questions de l'interrogatoire principal ? Vous

2 n'en n'avez pas tenu compte dans les réponses que vous avez

3 fournies aujourd'hui au Tribunal ?

4 M. Jankovic. - J'ai préparé à partir de la page 2 112.

5 M. Cayley (interprétation). - Seriez-vous surpris, Professeur,

6 d'apprendre que vous n'avez pas en votre possession la totalité de la

7 déposition du commandant Baggesen ?

8 M. Jankovic. - Je ne sais pas.

9 M. Cayley (interprétation). - Ne pensez-vous pas que vous auriez été

10 capable de fournir des informations plus précises aux Juges si vous aviez

11 disposé de la totalité du compte rendu de la

12 déposition du commandant Baggesen au sujet du pilonnage de Zenica ?

13 M. Jankovic. - J'ai donné l'opinion sur ce que j'ai lu. Je n'avais pas

14 besoin de rien de plus.

15 M. Cayley (interprétation). - Vous dites aux Juges que vous estimez

16 pouvoir fournir votre avis d'expert sur une déposition incomplète d'un

17 témoin oculaire, qui est également un expert et qui était présent

18 au moment du pilonnage de Zenica ?

19 M. Jankovic. - Je ne sais pas répondre.

20 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin a répondu.

21 Il a dit qu'il n'a pas tenu compte de cela et le fait de lui répéter la

22 question n'a aucun sens. Si le Procureur le souhaite, il peut citer des

23 passages et le témoin donnera son avis. Sinon nous répétons tout

24 le temps la même chose.

25

Page 16592

1

2 M. le Président. - Non, je ne le crois pas, là. Il me semble que le

3

4 Procureur poursuit un plan. Continuez, Maître Cayley. Je vois qu'il est

5 bientôt 6 heures, mais continuez un peu sur ce thème-là. Et nous

6 continuerons en tout cas demain, bien sûr. Allez-y.

7 M. Cayley (interprétation). - Estimez-vous que vous auriez été en

8 mesure de fournir un avis plus précis aux Juges si Me Nobilo vous avait

9 fourni la totalité du témoignage du commandant Baggesen ?

10

11 M. le Président. - Là, il vous a répondu, Maître Cayley. Il vous a dit

12 que les éléments qu'il a eus lui ont suffi pour apporter la réponse. Donc,

13 passez à une autre question.

14 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous lu la partie de la déposition

15 du commandant Baggesen où il apprécie la portée comme étant de 15 km ? Vous

16 rappelez-vous ce passage ?

17 M. Jankovic. - Non.

18

19 M. Cayley (interprétation). - Pensez-vous que cela aurait pu vous être

20 utile pour préparer votre déposition à vous, ici aujourd'hui, que l'on vous

21 fournisse cette partie de la déposition faite par le commandant Baggesen

22 devant le Tribunal ?

23 M. Jankovic. - Je n'avais pas besoin de plus que ce que j'avais.

24 M. le Président. - Cela vous a été répondu déjà, Maître Cayley. Il

25

Page 16593

1

2 vous l'a dit, le témoin se satisfait des éléments qu'il a eus. Donc contre-

3 interrogez-le sur des éléments...

4 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, nous parlons ici d'un

5 point différent, d'une information différente que le témoin n'avait pas en

6 sa possession. Je crois qu'il est grave qu'un témoin vienne ici pour

7 commenter une déposition qui, en fait, lui a été fournie partiellement.

8

9 M. le Président. - C'est votre appréciation. Allez-y, poursuivez.

10 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, ce que je suis en

11 train de dire, c'est qu'il est manifeste que le témoin n'a pas reçu la

12 totalité de la déposition du commandant Baggesen.

13 M. le Président. - Allez-y, poursuivez.

14

15 M. Cayley (interprétation). - Je le dis simplement aux Juges et c'est

16 peut-être un sujet que nous reprendrons dans notre réquisitoire : j'estime

17 que c'est grave car il ne fait que commenter des pièces écrites.

18 M. Hayman (interprétation). - Puisque nous parlons de cela,

19 Monsieur le Président, le commandant Baggesen n'a pas entamé une étude

20 balistique, mais le témoin W l'a fait.

21 Le commandant Baggesen ne s'est pas lancé dans une étude

22 balistique, pas du tout. Il n'a pas fait de calculs mathématiques, donc on

23 compare des torchons et des serviettes. Le Procureur peut présenter ses

24 arguments dans le réquisitoire, mais si nous le faisons maintenant, il

25

Page 16594

1

2 faudrait que les deux parties se lancent dans la discussion car nous avons

3 quelque chose à dire sur cette question;

4 M. le Président. - Il ne s'agit pas de faire des réquisitoires.

5 Nous reprendrons demain à 14 heures. Je voudrais simplement faire observer

6 à Me Cayley que cela fait trois fois que l'on sait que le témoin… On sait

7 deux choses, que le témoin n'a pas eu la totalité de la déposition. Vous

8 en tirerez toutes les conséquences que vous voudrez.

9 Mais, deuxièmement, nous savons que le témoin a trouvé

10 suffisamment d'éléments dans ce qui lui a été communiqué pour faire ses

11 calculs. A partir de là, poursuivez, si vous

12

13 voulez. Vous faites encore deux ou trois questions sur ce thème-là avant

14 que nous clôturerions.

15 M. Cayley (interprétation). – Monsieur le Président, je vais

16 sans doute passer à un autre sujet alors je pense que le moment est

17 opportun pour suspendre.

18 M. le Président. - Je le pense aussi. Nous reprendrons demain à

19 14 heures pour la poursuite du contre-interrogatoire. Nous poursuivrons en

20 premier le contre-interrogatoire du témoin actuel, M. Jankovic, avant

21 d'aborder le contre-interrogatoire du témoin précédent. L'audience est

22 levée.

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24 Elle reprendra demain à 14 heures.

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1 L'audience est levée à 18 heures.

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