Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 07 avril 1999

4 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 12 heures)

5 M. le Président. – L'audience est reprise. Veuillez vous asseoir. Sur la

6 demande de la défense, présentée ce matin en conférence de mise en état à

7 huis clos,je rends une décision publique : sur le demande de la défense

8 concernant la prohibition de tout contact préalable à l'audition des

9 témoins convoqués par la Chambre, la Chambre rend la décision suivante.

10 Premièrement, tout contact avec les témoins de la Chambre, dès ce jour et

11 jusqu'à leur comparution, est prohibée, formellement prohibée, s'agissant

12 des témoins de la Chambre, c'est-à-dire des témoins qui ont fait l'objet de

13 l'ordonnance de la Chambre rendue le 25 mars. Je rappelle qu'il s'agit du

14 général Petkovic, du général Morillon, du colonel Robert Stewart, du général

15 Enver Hadzi Hasanovic, du ou des commandants de la 7ème Brigade musulmane de

16 de l'armée de Bosnie-Herzégovine et de l'ambassadeur Jean-Pierre Thebault.

17 Deuxièmement, ces témoins seront convoqués par la Chambre tout de suite

18 après la présentation par la défense de ses moyens. C'est-à-dire que ces

19 témoins comparaîtront devant la Chambre avant l'exercice par le Procureur

20 de son droit de réplique et avant l'exercice par la défense de second de

21 duplique. Troisièmement, après la comparution des témoins de la Chambre,

22 les parties seront libres, dans le cadre respectivement de leur droit de

23 réplique ou de leur droit de duplique, de convoquer tous les témoins

24 qu'elles souhaiteront convoquer, y inclus les témoins de la Chambre, si

25 l'une des parties le juge utile. Dans le cadre de ce droit de réplique ou

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1 de ce droit de duplique, les contacts seront autorisés, la Cour se réservant

2 évidemment le droit d'apprécier, selon la teneur des déclarations du même

3 témoin lors de la convocation devant la Chambre et lors de sa convocation

4 dans le cadre d'un droit de réplique. Enfin, dernier point : pendant

5 l'audition des témoins de la Chambre, les parties pourront poser les

6 questions qu'elles jugeront utiles de poser aux témoins, en liaison avec

7 les déclarations de l'accusé, conformément à l'ordonnance rendue par la

8 Chambre le 25 mars, et ceci dans un temps limité, qui sera fixé le jour où

9 le témoin se présentera. Simple commentaire : simplement je rappelle

10 qu'après la fin de l'audition de l'interrogatoire principal du général

11 Blaskic ici présent, après que le Procureur a exercé son droit de

12 contre-interrogatoire et après que la défense a fait convoquer ses derniers

13 témoins,c'est à ce moment-là, je le dis pour M. le Greffier, que les

14 témoins de la Chambre devront être présentés. Vous voudrez bien rendre

15 compte à M. Olivier Fourmy de toutes les démarches auprès des différentes

16 ambassades des pays concernés par la nationalité de ces témoins. Cette

17 décision étant rendue, nous pouvons reprendre notre ordre du jour. Je

18 rappelle que l'accusé est sous statut de témoin et qu'il répond pour la fin

19 de son interrogatoire principal aux questions de son défenseur, Me Nobilo.

20 M. Fourmy. - Un petit instant. Je crois que ça ne concernera que le

21 transcript français, mais, si je vous ai bien entendu, vous avez précisé,

22 dans votre dernier point, que les parties pourraient poser des questions

23 aux témoins "dans le cadre de ce que l'accusé a déclaré". Je pense que vous

24 aviez en tête : "dans le cadre de ce que le témoin a déclaré" ?

25 M. le Président. – Tout à fait, l'accusé étant pris comme témoin. Je suis

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1 d'accord, il vaut mieux le préciser : c'est dans le cadre de la déposition

2 comme témoin du général Blaskic. Merci de cette précision.

3 M. Fourmy. - Les parties pourront poser aux témoins de la Chambre des

4 questions dans le cadre de la déposition du témoin de la Chambre, pas du

5 tout de l'accusé en tant que témoin, si je puis me permettre.

6 M. le Président. – Oui, du témoin de la Chambre mais, par

7 rapport à l'accusé, ce sera uniquement dans le cadre des déclarations

8 qu'aura faites l'accusé quand même. Mais nous verrons à ce moment-là.

9 M. Fourmy. – Ce sera évoqué à ce moment-là.

10 M. le Président. - Vous avez bien fait de faire cette précision,

11 Maître Fourmy. S'il n'y a pas d'autres observations, Maître Nobilo, vous

12 pouvez reprendre.

13 M. Nobilo (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Je

14 voudrais rappeler qu'avant la suspension, il y a sept jours, nous en

15 étions arrivés au 24 octobre 1993 dans le récit chronologique. C'est à ce

16 stade que nous nous sommes arrêtés.

17 Général, si vous vous rappelez le moment où nous nous sommes

18 interrompus, je vous prie de poursuivre.

19 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

20 le 24 octobre, j'ai eu une rencontre avec la police militaire, avec le

21 commandant de la police militaire à qui j'ai demandé une enquête, eu égard

22 aux affrontements qui s'étaient produits à Novi Travnik, entre les deux

23 ommandants locaux : Tuka et Zuti. J'ai demandé également à l'adjoint chargé

24 de la sécurité une enquête sur les mêmes faits. A ce moment-là, j'ai été

25 informé que des mesures disciplinaires avaient été prises contre deux

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1 membres de la police militaire, des mesures d'arrêt de rigueur et, entre 12

2 heures et 13 heures, j'ai été convoqué à une rencontre avec le chef du

3 service central de sécurité pour Vitez, M. Miso Mijic qui, au moment où nous

4 nous sommes rencontrés, m'a fourni des informations au sujet des cadres du

5 service central de sécurité, au sujet des compétences de ces hommes, au

6 sujet de leurs compétences en matière d'atterrissage d'hélicoptères et dans

7 d'autres domaines. Il a insisté sur le fait que le service central de

8 sécurité était directement soumis aux ordres de la direction de la sécurité

9 de Mostar et qu'il était totalement indépendant vis-à-vis du commandement

10 de la zone opérationnelle de Bosnie Centrale.

11 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demanderai de vous arrêter

12 un instant pour que ces documents vous soient distribués, documents pour

13 lesquels je demande une cote. Versions croate et anglaise.

14 M. Abtahi. - Pièce D552 pour la version croate et D522A pour la

15 version anglaise.

16 (Distribution de tous les documents à tous les Juges.)

17 M. Nobilo (interprétation). - Le texte est court et j'en lirai les parties

18 les plus importantes. Le document provient du département de la Défense,

19 centre du SIS, zone opérationnelle de Bosnie centrale. La date est celle du

20 18 juin 1993, secret militaire. Ce document est adressé au colonel Tihomir

21 Blaskic, donc à vous, commandant de la zone. Le titre est "Autorisation".

22 En vertu de l'ordre numéro 024/1533/93 du 19 mars 1993, portant sur la

23 création du centre de sécurité SIS de Bosnie centrale et provenant de

24 l'adjoint,M. Ivica Lucic, document qui donne toute liberté à M. Miso Mijic,

25 chef du centre, pour choisir ses associés et au sujet duquel vous avez été

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1 informé avec les documents destinés à améliorer le travail du centre du SIS

2 de Bosnie centrale : "Je nomme le colonel Darko Kraljevic chef-adjoint du

3 service SIS central de Bosnie. Dans le même temps, je l'autorise à signer

4 les lettres, les rapports et autres documents relatifs au travail du SIS

5 central de Bosnie centrale, lorsque le besoin s'en fera sentir." En tant

6 que signature, nous avons celle de M. Miso Mijic, centre du SIS pour la

7 Bosnie centrale. Ensuite, nous avons une dernière phrase qui se lit comme

8 suit : "Le département de la Défense de Mostar a également été informé de

9 la décision ci-dessus que nous vous transmettons à titre d'information".

10 Je vous demanderai maintenant, Général, si vous connaissez le sceau qui est

11 apposé sur ce document et la signature de M. Miso Mijic ?

12 M. Blaskic (interprétation). – Oui, je connais ce sceau : c'est celui du

13 centre de sécurité d'information à Mostar, département de la Défense. Je

14 onnais également la signature de M. Miso Mijic que l'on voit dans ce texte.

15 M. Nobilo (interprétation). - Le 18 juin 1993, ou à peu près à

16 cette date, avez-vous reçu une lettre de ce type provenant de Mico Mijic ?

17 M. Blaskic (interprétation). – Oui, j'ai reçu ce document aux

18 alentours de la date du 18 juin 1993.

19 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez dire aux Juges : sur la

20 base de ce document et sur la base de vos souvenirs, aviez-vous la moindre

21 possibilité d'agir, de quelque façon que ce soit, sur ce service central

22 d'information et de sécurité eu égard aux choix de ces cadres ? Pouvez-

23 vous dire de quelle façon Darko Kraljevic s'est vu octroyer le même grade

24 que vous ? Et quelles étaient les compétences de Darko Kraljevic et de

25 Miso Mijic eu égard à la création de ce centre du SIS ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Je n'avais aucune compétence sur le SIS

2 central qui n'était pas sous mes ordres ; il était placé directement sous

3 les ordres de la direction des services de sécurité. Donc les membres du

4 SIS n'avaient même pas pour obligation de m'informer de leurs intentions,

5 des tâches qu'ils exécutaient ou de leurs activités. Quant au colonel Darko

6 Kraljevic, en tant que commandant de l'unité spéciale des Vitezovi qui,

7 elle aussi,était directement placée sous les ordres du département de la

8 Défense de Mostar, il avait le grade de colonel. Les informations contenues

9 dans ce document montrent que c'est dans le cadre de ses responsabilités de

10 commandant d'une unité spéciale que lui a été octroyée une responsabilité

11 supplémentaire, à savoir celle d'adjoint du chef du centre de service de

12 sécurité de Mostar. Responsabilité accompagnée des compétences énumérées

13 dans le document dont il vient d'être donné lecture. Ces hommes

14 fonctionnaient de façon totalement indépendante par rapport à moi et par

15 rapport au commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

16 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déjà dit aux Juges que,

17 parfois, lors des combat, les Vitezovi ou Darko Kraljevic étaient vos

18 inférieurs, vos subordonnés. Dites aux Juges, s'il vous plaît, cette

19 nouvelle fonction de Darko Kraljevic : que représentait-elle par rapport à

20 son indépendance vis-à-vis de vous-même ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Bien sûr. Certainement ceci constituait, tout

22 d'abord, une beaucoup plus grande autonomie et un pouvoir beaucoup plus

23 grand de commandement pour lui, étant donné qu'avec cette fonction, pour

24 toute la Bosnie centrale, il est devenu le n° 2 du service de sécurité de

25 renseignements -c'est-à-dire "services secrets"- qui n'avait aucune

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1 obligation vis-à-vis du commandement de la zone opérationnelle de la Bosnie

2 centrale et qui, au cours de son fonctionnement,était complètement autonome,

3 indépendant vis-à-vis du commandement. Cette nouvelle fonction a encore

4 accru le pouvoir déjà assez grand, pouvoir de commandement de cette personne.

5 M. Nobilo (interprétation). – Ce centre indépendant de SIS

6 avait-il un pouvoir de contrôle vis-à-vis de vous, de votre commandement

7 et du personnel de votre commandement ?

8 M. Blaskic (interprétation). – Bien sûr que oui. Il s'agissait du service

9 secret qui avait des entretiens d'information avec mes subordonnés, mes

10 collaborateurs. Parfois ils ont dû s'entretenir avec eux et, parfois,

11 certains de mes collaborateurs se sont plaint auprès de moi en me disant

12 qu'ils ne pouvaient pas s'acquitter de leurs tâches que je leur donnais. Il

13 fallait qu'ils aillent, sans tarder, avoir un entretien avec le centre du

14 SIS.La même situation concernait les chefs de brigade. Le service SIS les

15 obligeait d'aller suivre des entretiens avec leurs employés sans m'en

16 informer auparavant. De plus, ce centre avait le contrôle, en ce qui

17 concerne la sécurité, de tout le commandement. C'est eux qui choisissaient

18 leurs propres méthodes par rapport à la manière d'aborder les membres du

19 personnel avec qui ils souhaitaient un entretien.

20 M. Nobilo (interprétation). - Pour parler plus brièvement, avec

21 la création de ce nouveau service du SIS, et avec Darko Kraljevic là-bas,

22 est-ce que votre pouvoir de commandement dans la vallée de la Lasva s'est

23 accru ou a diminué ?

24 M. Blaskic (interprétation). – Il a diminué de manière

25 considérable et toute la situation est devenue plus complexe, plus

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1 compliquée. Je me suis retrouvé dans un situation difficile, étant donné

2 que mes pouvoirs de commandement ont diminué de manière importante.

3 M. Nobilo (interprétation). - Continuez avec la chronologie,

4 s'il vous plaît.

5 M. Blaskic (interprétation). - Durant ce jour-là, j'ai travaillé avec le

6 commandant de la police militaire. Le 24 octobre, j'ai travaillé sur un

7 plan d'action contre les groupes criminels dans la vallée de la Lasva. Le

8 25 octobre 1993, durant le briefing du matin, l'assistant chargé de la

9 sécurité m'a informé que des hauts officiels du quartier général chargés de

10 la sécurité sont venus rendre visite dans la vallée de la Lasva et qu'ils

11 voulaient vérifier les résultats de l'enquête concernant le crime qui a eu

12 lieu à Ahmici. J'ai également, le même jour, c'est-à-dire le 25 octobre, eu

13 une rencontre avec le commandant de la brigage Nikola Subic Zrinski. Le 26

14 octobre 1993, lorsqu'un convoi de l'UNHCR escorté par le Bataillon

15 britannique...

16 M. le Président. - Général Blaskic, vous les rencontrez, ces

17 hauts responsables qui viennent vérifier l'exécution des ordres sur

18 l'enquête du crime d'Ahmici ? Vous les avez rencontrés ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, les

20 responsables du service de sécurité qui se rendaient dans la région de la

21 vallée de la Lasva ne m'ont jamais contacté, ils ne l'ont pas fait cette

22 fois-ci non plus. Ils contrôlaient le travail de leur propre service, mais

23 moi je ne les rencontrais pas et eux ne prenaient pas contact avec moi.

24 M. le Président. - Poursuivez, Maître Nobilo.

25 M. Nobilo (interprétation). - Continuez, s'il vous plaît, avec

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1 la chronologie des événements.

2 M. Blaskic (interprétation). - Le 26 octobre 1993, un convoi de

3 l'UNHCR se déplaçait de Gornji Vakuk vers Novi Travnik, Vitez et Zenica.

4 Il a été escorté par la Forpronu et un groupe de sabotage appartenant à la

5 7ème Brigade musulmane a profité de l'occasion du déplacement de ce convoi

6 pour se mettre à la queue du convoi et pour faire irruption dans le

7 village de Rastovci dans la municipalité de Novi Travnik où ils ont tué

8 7 civils et ont ouvert le feu contre les paysans, contre les habitants de

9 ce village. Et c'est seulement après l'intervention de la police militaire

10 que ce groupe de sabotage de la 7ème Brigade musulmane a dû se retirer vers

11 Ravno et Rostovo. Moi-même, j'ai reçu ce jour-là une information selon

12 laquelle, à Vitez, le commandant Tuka avait été tué -il appartenait à la

13 brigade de Travnik- et que les suspects, les personnes suspectes étaient

14 les deux frères Biljaka (l'interprète dit qu'elle n'a pas entendu l'autre

15 nom) et qu'ils avaient pris la fuite.

16 M. Nobilo (interprétation). - Arrêtez-vous un instant là.

17 Pourquoi le commandant Tuka a-t-il été tué ? Est-ce que à la fois l'auteur

18 du crime et la victime étaient des Croates ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Oui, à la fois les auteurs et la

20 victime étaient des Croates. J'ai déjà dit que Tuka avait, dans la région

21 à Novi Travnik, auparavant il avait blessé l'un des leaders d'un groupe

22 local et que c'est pour cela qu'il a provoqué la colère de Zuti et les

23 gens autour de Zuti ont souhaité se venger contre le commandant Tuka.

24 M. Nobilo (interprétation). - Continuez, s'il vous plaît.

25 M. Blaskic (interprétation). - Le même jour, l'assistant chargé des

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1 renseignements et de la propagande m'a informé que la radio Zenica qui

2 était contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine diffusait sans cesse les

3 nouvelles selon lesquelles un crime avait été commis à Stupni Do. J'ai

4 parlé avec le quartier général et j'ai demandé que l'on m'informe au sujet

5 de ce qui s'était passé à Stupni DO. L'information que j'ai reçue était

6 qu'il y avait eu un conflit là-bas, un conflit entre l'armée de Bosnie-

7 Herzégovine et le HVO, et qu'il s'agissait là purement d'une opération de

8 combat entre ces deux formations. Ce même jour, j'ai eu un entretien avec

9 les personnes qui étaient proches du commandant Tuka, qui avait été proches

10 de ce commandant, et qui appartenaient à la brigade de Travnik. Je l'ai fait

11 afin de calmer la situation et d'éviter qu'un règlement de compte ait lieu

12 entre les membres de la brigade Francopan et de la brigade de Travnik.

13 J'ai eu également une rencontre à 15 heures avec le représentant

14 de la Croix-Rouge internationale mais je n'ai pas noté son nom, donc je ne

15 m'en souviens pas. Nous avons débattu des questions suivantes : la

16 libération des Croates détenus, l'ouverture du passage vers Stari Vitez.

17 J'ai expliqué au responsable de la Croix-Rouge internationale qu'il nous

18 était nécessaire de recevoir au moins la veille une annonce concernant le

19 passage de la Croix-Rouge internationale vers Stari Vitez qui était

20 contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine étant donné que, dans le cas

21 contraire, nous ne pouvions pas déminer les lignes de front, étant donné

22 que nos positions à nous se trouvaient à proximité directe de l'endroit où

23 se trouvaient les tireurs embusqués de l'armée de Bosnie-Herzégovine C'est

24 pour cela que j'ai demandé que l'on nous donne, si possible, une annonce

25 de l'arrivée à Stari Vitez la veille et que c'était l'unique restriction à

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1 l'entrée dans Stari Vitez, du moins en ce qui concerne le HVO. Le problème

2 qui s'est posé alors est que, pour entrer ou bien pour sortir, il fallait

3 passer par deux lignes de front : d'un côté, la ligne de front du HVO et,

4 de l'autre,celle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. J'ai également demandé au

5 responsable représentant de la Croix-Rouge internationale d'essayer de se

6 rendre dans la région de Vares et de me donner des informations, si possible,

7 s'il en disposait, concernant la situation à Vares et surtout concernant les

8 événements qui se sont produits à Stupni Do. Moi, j'ai reçu la promesse de

9 ce responsable de la Croix-Rouge internationale qu'il allait se rendre sur

10 place et qu'il me transmettrait les informations dont il disposerait. J'ai

11 également parlé avec lui de la période durant laquelle il fallait organiser

12 un séminaire, des conférences pour les officiers du HVO concernant la Croix-

13 Rouge internationale, leur mandat, les conventions de Genève et le droit de

14 guerre international. J'ai reçu à ce sujet... auparavant j'avais reçu une

15 promesse de la part des représentants des organisations internationales selon

16 lesquelles ils avaient promis qu'ils allaient organiser ce séminaire ; je

17 voulais savoir à quel moment il allait avoir lieu. Le représentant de la

18 Croix-Rouge internationale m'avait dit que cela allait se produire à peu près

19 une semaine plus tard. J'ai également informé le représentant de la Croix-

20 Rouge internationale du meurtre de sept civils, qui a eu lieu dans le village

21 de Ravno Rostovo, dans la municipalité de Novi Travnik, qui a été commis par

22 le groupe de sabotage de la 7ème Brigade musulmane.Le 27 octobre 1993, vers

23 10 heures, j'ai rencontré le colonel Duncan ; nous avons parlé de plusieurs

24 sujets, y compris de l'irruption du groupe de terroristes de la 7ème Brigade

25 musulmane dans le village de Rastovci. J'ai souligné au colonel Duncan les

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1 problèmes que cela pose sur le plan de la sécurité étant donné que, sur les

2 points de contrôle, la police militaire du HVO n'arrêtait pas et ne

3 contrôlait pas les véhicules de la Forpronu, de l'UNHCR,, de toutes façons,

4 tous les véhicules blancs qui appartenaient aux organisations

5 internationales. D'après les informations que nous avions, certains de ces

6 véhicules avaient été enlevés, volés et étaient utilisés pour des activités

7 de sabotage semblables à celle qui a eu lieu dans la municipalité de Novi

8 Travnik. J'ai exprimé mes craintes selon lesquelles de telles activités

9 pourraient se multiplier et j'ai voulu que quelque chose soit fait pour

10 empêcher de nouveaux incidents de ce genre. J'ai également demandé au colonel

11 Duncan de vérifier le rapport que j'ai reçu concernant l'exécution de trente

12 Croates à Zeljezno Polje, sur la route entre Zenica et Zepce. Ce fait a été

13 commis par des membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Les personnes

14 exécutées étaient des recrues croates mobilisées par l'armée de Bosnie-

15 Herzégovine, qui ont refusé de participer aux opérations de combat contre le

16 HVO de Zepce. Je n'ai pas reçu de confirmation de cette information de la

17 part du colonel Duncan.Lors de cette réunion, j'ai demandé également que l'on

18 nous achemine une quantité plus grande de carburant destiné à l'hôpital,

19 étant donné que la vallée de la Lasva était en pénurie d'électricité : nous

20 utilisions ce carburant uniquement pour faire fonctionner l'hôpital de

21 Nova Bila qui se trouvait à l'église pendant les opérations. Nous

22 utilisions le carburant pour le groupe électrogène de cet hôpital.

23 Nous avons également parlé du passage du convoi de Tuzla qui comportait les

24 équipements militaires pour l'armée de Bosnie-Herzégovine et qui a réussi

25 à passer à travers la vallée de la Lasva sans aucun problème.

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1 Ce même jour, j'ai passé en revue la sécurité de l'usine des

2 explosifs et j'ai assisté également encore une fois à la réunion du

3 commandement de la brigade de Busovaca, étant donné qu'il a fallu débattre

4 de plusieurs problèmes concernant le fait que des soldats du HVO

5 quittaient les lignes de front. Ces incidents se sont produits parfois de

6 manière individuelle, parfois en groupe et ceci risquait de menacer la

7 sécurité de nos positions et de toute la défense dans la région de

8 Busovaca et de toute la région sous le contrôle du HVO. Il y a eu

9 plusieurs propositions faites par des membres de ce commandement:

10 parfois, des gens proposaient des mesures radicales également telles

11 que, par exemple, l'exécution. J'ai été absolument contre ceci.

12 M. le Président. - Les soldats du HVO quittent les lignes de

13 front, précisez-nous bien. Vous parlez du front serbe ou du front contre

14 l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

15 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, je parle

16 ici de la ligne de front avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ces lignes de

17 front, on les voit ici, mais maintenant je parle des lignes de front dans

18 la région de Busovaca.

19 M. le Président. – Merci, poursuivez.

20 M. Nobilo (interprétation). – Continuez, Général, s'il vous plaît.

21 M. Blaskic (interprétation). - Le 28 octobre 1993, j'ai reçu le

22 rapport de la police militaire selon lequel une voiture saisie par force

23 par l'unité de Vitezovi a été restituée par la police militaire et a été

24 restituée au propriétaire.

25 M. Nobilo (interprétation). – Ceci a-t-il été une exception ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - C'était plutôt un miracle dans la vallée de

2 la Lasva. Il s'agissait là d'un test de l'efficacité de la police militaire

3 et certainement ceci constituait un événement rare, une exception. A 10

4 heures 30,je me suis entretenu avec les commandants des brigades de la vallée

5 de la Lasva et nous avons parlé des problèmes concernant les lignes de front,

6 le fait que les soldats quittent les lignes de front, la fatigue des soldats

7 sur les lignes de front. Moi-même, j'ai envoyé un message à tous ceux qui

8 appartenaient et à tous ceux qui supportaient l'un des groupes criminels qui

9 devaient prendre contact avec le département de la Défense pour être affectés

10 ailleurs.En fait, nous avons commencé à mettre en œuvre notre plan de

11 désarmer et d'éliminer ces groupes criminels qui existaient dans la région

12 de la vallée de la Lasva. Ceci était l'un des exemples de cette pression

13 exercée contre ce genre de groupes. Le 29 octobre 1993, j'ai été engagé dans

14 le cadre de l'entraînement de la police militaire. Nous avons parlé des

15 questions de l'organisation de la police militaire, de la structure et de la

16 chaîne de commandement. Après, au cours d'une réunion avec la police

17 militaire, j'ai demandé qu'on me renseigne sur les résultats de l'enquête

18 oncernant le meurtre de l'interprète et j'ai souhaité connaître les noms des

19 auteurs.Lors de cette réunion, je n'ai pas réussi à obtenir les noms des c

20 suspects, des personnes suspectes d'avoir commis ce meurtre. Le matin du

21 30 octobre 1993, nous avons subi une attaque violente depuis la direction

22 de Kruscica, Sljivcica et Zabrde, vers l'usine des explosifs. Ce jour-là,

23 j'ai reçu la demande de l'assistant chargé pour la logistique qui m'a dit

24 qu'il leur manquait de la nourriture pour les enfants. Autrement dit, il

25 disposait d'un kilogramme de lait en poudre pour un grand nombre d'enfants ce

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1 jour-là. Le 1er novembre 1993, nous avons rencontré des difficultés dans le

2 domaine du contrôle et du commandement par rapport aux différentes brigades.

3 Par exemple, en ce qui concerne la brigade de Francopan, nous n'avons même

4 pas pu organiser l'envoi de dix soldats pour renforcer les lignes de front

5 contrôlée par cette brigade. La situation dans laquelle nous nous sommes

6 trouvés était la suivante : les soldats étaient dans les tranchées qui se

7 trouvaient près de leurs propres maisons. Ils étaient entourés par leur

8 famille et ne souhaitaient pas quitter cette région près de leur maison pour

9 aller ailleurs sur les lignes de front conformément à la logique militaire.

10 Ce même jour, le 1er novembre, dans l'hôtel Vitez, les responsables de la

11 Croix-Rouge internationale ont organisé une conférence comme cela avait été

12 prévu auparavant. Ils ont donné une conférence sur le mandat de la Croix-

13 Rouge internationale concernant les conventions de Genève, le droit de guerre

14 international. Environ trente officiers de la vallée de la Lasva ont assisté

15 à cette conférence. Le 2 novembre, j'ai reçu l'information selon laquelle

16 les membres, une vingtaine de membres de l'unité de Tuka de la brigade de

17 Travnik ont donné leur position sur la ligne de front face à l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine, et qu'ils étaient en train de se préparer pour se venger

19 contre le crime commis par des gens autour de Zuti. Moi, j'avais organisé

20 une autre réunion en essayant de les persuader que la vengeance n'allait pas

21 résoudre les choses. La seule manière efficace était de mener une enquête

22 concernant ce meurtre. Ce même jour, j'ai également eu une réunion avec le

23 commandant de la police militaire. Nous avons essayé de trouver une solution

24 à ce problème, de calmer la situation concernant les menaces de vengeance, et

25 aussi de trouver une solution pour les groupes criminels. Nous avions peur

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1 que ces groupes criminels commencent à régler leurs propres comptes. Le plus

2 grand problème était de trouver la manière de les désarmer. J'ai également

3 reçu l'information de l'assistant chargé de la logistique selon laquelle la

4 situation concernant la nourriture était critique. Il n'avait plus qu'un peu

5 de riz et de lentilles. Il a dit également qu'en ce qui concernait la

6 préparation pour les opérations de combat, la situation était dramatique

7 aussi. J'ai encore reçu l'information que des entretiens étaient en

8 train de se dérouler, entretiens avec les représentants du 3ème Corps

9 d'armée avec la médiation des organisations internationales. Selon

10 certaines indications, le 3ème Corps d'armée allait permettre le passage

11 d'un convoi d'aide humanitaire avec la nourriture, le passage de la vallée

12 de la Lasva contre une commission de 30 %. Cependant, ce convoi et le passage

13 de ce convoi n'ont jamais été permis. Il y a eu également une grande pénurie

14 de carburant et de cigarettes. A l'époque, un bock de cigarettes dans la

15 vallée de La Lasva coûtait entre 60 et 100 marks allemands. Alors qu'un litre

16 de carburant coûtait, à peu près, 6 et parfois jusqu'à 10 deutsch marks.

17 Ce jour-là, à Sljivcica, l'armée de Bosnie-Herzégovine a détruit un pylône

18 électrique, ce qui a rendu la situation concernant l'électricité encore

19 plus difficile dans la vallée. Concernant les opérations de combat, elles

20 étaient les plus intenses à Novi Travnik, et tout près de Stojkovici, de

21 la base logistique à Stojkovici. Et la ligne de front entre le HVO et

22 l'armée de Bosnie-Herzégovine se trouvaient à proximité directe de cette

23 base logistique. A 21 h 15, j'ai parlé avec le chef d'état-major par

24 téléphone, et je l'ai informé sur la situation dans la vallée de la Lasva. Je

25 lui ai dit qu'elle était critique et que nous étions sur le point de tomber.

Page 18900

1 Je lui ai demandé s'il disposait d'informations concernant la situation à

2 Vares et ce qui s'était produit à Stupni Do. La réponse que j'ai reçue

3 était que je ne devais pas m'inquiéter de cela et que je devais continuer

4 à travailler et à organiser la défense de la vallée de la Lasva. J'ai

5 également demandé quelle était la situation à Kiseljak et j'ai voulu savoir

6 s'il était possible d'organiser des opérations à partir de Kiseljak. J'ai

7 également demandé que la route entre Busovaca et Kiseljak soit débloquée.

8 J'ai dit que, dans l'enclave de la Lasva, la famine régnait, que les combats

9 étaient intenses et que la situation était très dure pour nous. Le chef de

10 l'état-major m'a dit qu'il allait examiner ce problème et qu'il allait voir

11 s'il pouvait faire quelque chose à partir de Kiseljak. Le 3 novembre 1993,

12 j'ai reçu l'information selon laquelle les Médecins sans frontières, c'est-à-

13 dire une organisation humanitaire qui portait ce nom, étaient en train

14 d'entrer dans Stari Vitez avec les véhicules sanitaires et que le HVO leur

15 fournissait de l'aide afin qu'ils entrent à Stari Vitez. Nous avons encore

16 une fois réorganisé les secteurs de la défense pour la ville de Vitez et les

17 autres parties de la région qui était contrôlée par le HVO, vu que la

18 pression était extrêmement forte, surtout dans la ville de Vitez, c'est-à-

19 dire à l'endroit où se trouvait l'usine d'explosifs. J'ai également reçu une

20 demande le 3 novembre concernant l'hôpital à Nova Bila pour que les patients

21 de l'hôpital, pour qui ceci était nécessaire, puissent être évacués.

22 Le 4 novembre 1993...

23 M. le Président. - Excusez-moi, c'est un problème technique.

24 J'ai l'impression que la cabine d'interprétation a du mal à suivre.

25 L'Interprète (interprétation). - Nous avons pris un peu de

Page 18901

1 retard, effectivement.

2 M. le Président. - Je parle par rapport au transcript. Je crois

3 que la cabine française passe par le transcript, c'est cela ?

4 L'Interprète (interprétation). - Parfois. Merci, Monsieur le Président.

5 M. le Président. - Nous allons d'ailleurs bientôt arrêter car il

6 faut arrêter plus tôt aujourd'hui, mais essayez de parler plus lentement,

7 s'il vous plaît, pour les interprètes. Allez-y, poursuivez.

8 M. Blaskic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. J'ai donc

9 demandé à tous les conscrits d'être mobilisés quel que soit l'endroit où ils

10 se trouvaient et la ligne de front où ils se trouvaient également. Je pensais

11 que, sans ces personnes, nous parviendrions aussi bien à nous défendre. A

12 11 heures 45, j'ai reçu des informations de l'assistant chargé de la

13 propagande et de l'information selon lesquelles Radio Zenica qui était

14 contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine ne cessait de dire que la ville

15 de Vares avait été libérée par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Et au cours de

16 la journée avec mes collaborateurs, j'ai parlé des responsabilités au sein de

17 la structure de commandement, des problèmes auxquels nous devions faire face

18 et du fait également que certains groupes avaient un statut quelque peu

19 privilégié vis-à-vis des commandants. Le 5 novembre 1993, une unité anti-

20 sabotage de l'armée de Bosnie-Herzégovine est venue de la zone de Zabrde et

21 est rentrée dans l'usine d'explosifs qui se trouvait à Vitez. Par conséquent,

22 pendant une longue période au cours de la journée, nous nous sommes battus

23 juste au niveau de la barrière qui entourait cette usine d'explosifs, sur le

24 flanc sud. C'est là que se trouvaient les entrepôts et il y avait des

25 centaines de tonnes d'explosifs qui étaient entreposées là. Par conséquent,

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1 nous étions très inquiets. Nous avions peur que l'un de ces entrepôts ne

2 saute. Entre 18 heures et 24 heures, le même problème s'est posé, mais

3 cette fois c'était la brigade de Francopan qui ne parvenait pas à envoyer

4 de l'aide à Vitez. Toute la brigade devait envoyer seulement dix soldats

5 de ses rangs afin d'aider à renforcer les positions sur la ligne de front

6 de Vitez.Au cours de la journée, une femme m'a téléphoné, elle ne s'est pas

7 présentée, elle ne m'a pas donné son nom, mais elle m'a dit qu'elle était

8 l'épouse d'Abdulah Tuco. Et au téléphone elle m'a demandé ma protection et

9 mon aide. Elle a déclaré que, chez elle, à Rijeka, au numéro 5 -c'était le

10 numéro de sa maison-, des hommes inconnus s'étaient introduits dans la maison

11 et qu'ils voulaient l'expulser, elle et sa famille.

12 M. Nobilo (interprétation). - Général, quelle était

13 l'appartenance ethnique de la famille d'Abdulah Tuco ?

14 M. Blaskic (interprétation). - C'étaient des Musulmans de

15 Bosnie. Ils vivaient à Vitez.

16 M. Nobilo (interprétation). - Et quelle a été votre réaction ?

17 M. Blaskic (interprétation). - A ce moment-là, j'ai immédiatement envoyé mon

18 mon chauffeur et l'un de mes gardes du corps afin d'assurer la protection de

19 cette femme, la femme d'Abdulah Tuco. Je lui ai dit que j'envoyais

20 immédiatement mon chauffeur parce que je n'avais personne d'autre sous la

21 main. J'ai également appelé le commandant Mario Cerkez et j'ai donné un ordre

22 afin que lui envoie une patrouille des gardes sur place et afin qu'il les

23 déploie tout autour de la maison. Je lui ai également dit que les gardes

24 devraient se présenter à la famille Tuco et leur dire que leur tâche était de

25 protéger cette famille d'autres persécutions et autres actes.

Page 18903

1 M. le Président. - Nous allons arrêter dix minutes avant et nous

2 reprendrons à 14 heures 45.

3 Monsieur le Procureur, vous vouliez intervenir ?

4 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je serai très bref. Je

5 voudrais simplement soulever une question de clarification vis-à-vis de la

6 décision que vous avez rendue. D'abord, nous acceptons la décision, bien

7 entendu. Nous ne contestons pas cette décision.

8 M. le Président. - Bien, Monsieur le Procureur.

9 M. Harmon (interprétation). - Cependant, d'après la décision, ceci

10 empêcherait l'équipe de Kordic d'avoir tout contact avec des témoins qu'ils

11 ont peut-être l'intention d'appeler dans le cadre de la présentation de leurs

12 éléments de preuve, et l'équipe Kordic a peut-être l'intention de citer ces

13 témoins avant même que les Juges aient la possibilité d'entendre ces témoins

14 dans le cadre de la présente affaire. Je comprends, bien entendu, quelle est

15 votre motivation dans cette décision ; vous voulez que l'accusation dans

16 l'affaire Blaskic ne contacte pas ces témoins. Cependant, je voudrais une

17 clarification sur ce point. Cet ordre d'ordonnance de la Chambre s'applique-

18 t-il de façon égale aux équipes de l'accusation qui participent à un procès

19 qui, je vous le rappelle, doit commencer la semaine prochaine, car ceci

20 risque de poser un certain nombre de problèmes au Bureau du Procureur ?

21 M. le Président. - Nous en reparlerons avec mes collègues, mais il y a une

22 chose certaine, c'est que la Chambre ne peut pas légiférer sur les autres

23 affaires, la Chambre ne peut pas statuer sur les autres affaires.

24 (Maître Harmon se retourne vers la cabine de traduction).

25 Qu'est-ce qu'il y a ? Vous avez la traduction ?La Chambre ne peut pas statuer

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1 pour les autres affaires. Le Bureau du Procureur, je me doute bien, doit être

2 en train de procéder à des contacts avec certains témoins. Je suis désolé de

3 savoir que la coïncidence veut que les trois témoins, ou au moins le colonel

4 Stewart, sont ceux que, justement, peut-être, en ce moment le Bureau du

5 Procureur... Je dirais simplement que c'est sous le contrôle de la Chambre.

6 La Chambre vient de dire qu'elle ne veut aucun contact avec le colonel

7 Stewart, avec M. Thebault, avec le général Morillon, avec M. Hadzihasanovic,

8 etc., dans le cadre de ces convocations de ces témoins qui vont se produire

9 dans les jours et les semaines qui viennent, aucun contact par rapport bien

10 entendu à l'affaire Blaskic. Je ne peux pas vous interdire d'aller voir. Je

11 vous mets simplement en garde, Monsieur le Procureur, que si, à l'occasion de

12 ces contacts, vous en profitiez pour faire des pressions ou avoir des

13 contacts avec ces témoins, par rapport à ce qu'ils vont dire, dans le cadre

14 de leur convocation par la Chambre, dans la présente affaire Blaskic, vous le

15 faites sous votre responsabilité et en contradiction avec l'ordonnance que

16 nous avons rendue. Mais, pour le reste, je ne crois pas que mes collègues

17 puissent interdire tout contact avec des témoins dans le cadre d'autres

18 affaires ; cela, je crois qu'on ne le peut pas.

19 M. Harmon (interprétation). - Comme je l'ai dit, effectivement, Monsieur le

20 Président, j'accepte complètement votre décision. Je ne suis pas en train de

21 contester votre décision. Le Bureau du Procureur ne veut pas se trouver dans

22 la position dans laquelle l'accusation, dans Kordic, dans le cadre de la

23 présentation de ses éléments de preuve, doit contacter ces témoins et que,

24 par la suite, il entende une plainte, à savoir que le Bureau du Procureur a

25 violé l'ordonnance de cette Chambre. Ce que je veux simplement, c'est que

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1 tout soit bien clair afin d'éviter des problèmes potentiels. Comme j'ai

2 compris la décision de la Chambre...

3 M. le Président. - Si vous voulez être bien rassuré : 1/ C'est une question

4 de déontologie. Elle est soumise au contrôle permanent de la Chambre.

5 2/ Je demande à M. Fourmy et au Greffier que le sens de cette décision

6 soit communiqué à chacun des sept témoins qui sont convoqués, et ainsi le

7 colonel Stewart saura à quoi -si vous deviez le contacter avant, ce qui

8 serait une fâcheuse coïncidence- il doit répondre et à quoi il ne doit pas

9 répondre, ceci sous le contrôle de la Chambre, et au besoin je m'en

10 assurerais. Lorsque le colonel Stewart sera ici, à la place du général

11 Blaskic, je lui dirai : "Avez-vous reçu des contacts de la part du Bureau du

12 Procureur à l'occasion de l'affaire Blaskic ?". Comme il témoigne sous

13 serment, il sera obligé de respecter les termes de l'ordonnance. Est-ce que

14 c'est clair ?

15 M. Harmon (interprétation). - Oui, tout à fait. Pour être parfaitement clair,

16 l'équipe Kordic peut contacter ces témoins dans le cadre de l'affaire Kordic.

17 M. le Président. - Cela ne me concerne pas. Je vous mets

18 simplement en garde contre les risques d'interférences.

19 M. Harmon (interprétation). - Je comprends, Monsieur le

20 Président. Merci beaucoup.

21 M. le Président. - L'audience est suspendue.

22 (L'audience, suspendue à 12 heures 55, est reprise à 15 heures).

23 M. le Président. - L'audience est reprise. Asseyez-vous.

24 Maître Nobilo, c'est à vous.

25 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

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1 Avant l'interruption, nous avons parlé du 5 novembre 1993,

2 Général. Voulez-vous poursuivre, s'il vous plaît, et nous parler -dans

3 l'ordre chronologique- des deux derniers mois qui nous intéressent ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le

5 5 novembre j'ai reçu des informations selon lesquelles l'unité spéciale

6 Tvrtko avait quitté la ligne de front face à l'armée de Bosnie-Herzégovine et

7 s'était volontairement rendue à la base. En ce qui concerne l'événement du 5

8 novembre, j'ai informé, par écrit, le chef d'état-major et lui ai demandé, à

9 nouveau, de me permettre de réorganiser les unités spéciales et de modifier

10 la structure, l'organisation de ces unités, afin qu'elles soient placées

11 directement sous le commandement du commandement de la zone opérationnelle.

12 Le 6 novembre 1993, l'armée de Bosnie-Herzégovine a lancé une

13 attaque intense de la partie sud...

14 M. le Président. - Quel est le résultat que vous obtenez, s'il

15 vous plaît ? Vous demandez la réorganisation des unités spéciales. Vous

16 obtenez ou vous n'obtenez pas ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, ce jour- là, ce mois-

18 là,je n'ai pas reçu de réponse du chef d'état-major mais, par la suite, j'ai

19 reçu l'autorisation nécessaire et j'y reviendrai au cours de la chronologie.

20 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

21 M. Blaskic (interprétation). - Par conséquent, le 6 novembre 1993, à partir

22 des positions sud, l'armée de Bosnie-Herzégovine a lancé une attaque forte. A

23 cet endroit-là, l'armée de Bosnie-Herzégovine continuait à repousser le HVO

24 vers l'usine d'explosifs. A ce moment-là, nous avons subi des pertes, à

25 savoir 71 personnes : 6 ont été tuées, 17 ont été blessées et 48 personnes

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1 ont disparu. Par la suite, il a été établi que 43 des 48 hommes disparus

2 étaient encore en vie. Au cours de l'après-midi, quand nous sommes parvenus

3 à renforcer nos nouvelles positions, les troupes qui occupaient ces nouvelles

4 positions, j'ai eu, une fois de plus, une réunion avec la police militaire.

5 J'étais chargé d'entraîner certaines parties des unités de la police

6 militaire. Nous formions ces hommes pour des tâches telles que des

7 patrouilles et j'ai essayé de comprendre comment les unités étaient

8 organisées, comment les nouvelles recrues avaient intégré les unités de la

9 police militaire. Ces nouvelles recrues étaient arrivées, pour la majeure

10 partie, des lignes de front et des lignes de défense. Au cours de la soirée,

11 j'ai donné une tâche à exécuter à l'assistant chargé de la logistique afin

12 qu'il commence à retirer les explosifs des différents entrepôts qui

13 entouraient l'usine et qu'il les transfère dans de nouveaux entrepôts qui se

14 trouvaient vers Busovaca et vers Nova Bila.

15 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi avez-vous vous fait cela ? Pourquoi

16 avez-vous transféré ces différents explosifs de l'usine d'explosifs ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Ceci était dû aux différents

18 dangers dus aux combats qui avaient déjà eu lieu autour des entrepôts près

19 de l'usine d'explosifs. Il aurait pu y avoir des explosions, des

20 détonations dans les différents entrepôts car il y avait des centaines de

21 tonnes d'explosifs qui étaient entreposées dans ces différents bâtiments.

22 Il y en avait 500 tonnes environ. Ces entrepôts se trouvaient entre 50 et

23 100 mètres de la ligne de front. Donc des unités de sabotage auraient pu

24 faire exploser les explosifs dans les entrepôts et, au cours des conflits,

25 il aurait pu y avoir des accidents qui auraient entraîné l'explosion de

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1 certaines matières explosives dans les entrepôts.

2 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

3 M. Blaskic (interprétation). - Le 6 novembre, j'ai passé la plus grande

4 partie de la journée à Gornja et Donja Veceriska, sur cette ligne de front-

5 là. Le 7 novembre, je suis allé à la ligne de front dans le secteur 1 ;

6 c'était dans la ville de Zaselje. Quand je me suis retrouvé sur cette ligne

7 de front, je me suis rendu compte que, parmi les 90 soldats se trouvant sur

8 la ligne de front, 30 d'entre eux ne disposaient d'aucune arme et que la

9 plupart d'entre eux évacuaient les blessés ou les tués. Si une personne était

10 tuée, qu'elle disposait d'une arme, c'étaient ceux qui n'en avaient pas qui

11 utilisaient l'arme de la personne tuée. Donc il y avait besoin de nombreux

12 hommes pour occuper cette partie-là de la ligne de front.

13 Le 8 novembre 93, nous avons établi de nouvelles positions.

14 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez ralentir quelque peu, Général.

15 M. Blaskic (interprétation). - Au sud de l'usine d'explosifs, nous avions

16 certaines positions. Nous nous sommes éloignés quelque peu de la ligne de

17 front, de cinquante ou cent mètres pour nous rapprocher de l'enceinte de

18 l'usine d'explosifs à cause des attaques menées par l'armée de Bosnie-

19 Herzégovine.Le 9 novembre 1993, j'ai reçu des informations selon lesquelles

20 le nouveau chef d'état-major du HVO avait été nommé : c'était le général Ante

21 Roso. Le 10 novembre 1993, à Gornja Veceriska, j'ai eu une réunion avec les

22 commandants des différents secteurs. Nous avons parlé de la défense des voies

23 d'accès à l'usine d'explosifs. Mais, une fois de plus, les commandants des

24 unités spéciales n'ont pas assisté à la réunion. Nous n'avons pas réussi à

25 les localiser afin de les inviter à participer à la réunion. Ce jour-là,

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1 j'ai également reçu des informations du commandant de la brigade Nikola Subic

2 Zrinski. Il a déclaré qu'au cours du 9 novembre, ce jour-là, l'armée de

3 Bosnie-Herzégovine avait lancé trois attaques vers le carrefour de Kaonik,

4 sur la route principale donc, entre Vitez, Busovaca et Zenica. Cette

5 information nous est arrivée le lendemain pratiquement. Une fois de plus,

6 avec mes collaborateurs, j'ai étudié la nécessité de réorganiser la défense

7 de la poche de la Lasva et de réorganiser les forces chargées de la défense

8 dans la zone. J'ai tenté également d'élaborer une proposition visant à

9 trouver une personne remplaçant le chef d'état-major principal afin de

10 réorganiser les unités spéciales et les unités des gardes qui seraient

11 placées sous mon commandement direct. Le 10 novembre 1993, j'ai envoyé cette

12 proposition au chef d'état-major du HVO. Mais je n'ai pas reçu,

13 immédiatement, de réponse à cette proposition. Nous avons également

14 remarqué que des groupes individuels, venant des unités spéciales,

15 cherchaient à obtenir une rémunération en échange de leurs services rendus

16 sur la ligne de front. Ils demandaient de l'argent auprès des personnes

17 riches et leur demandaient de payer leurs services. L'armée de Bosnie-

18 Herzégovine, au cours de la journée, a utilisé des mortiers de 60 mm à partir

19 de Stari Vitez, a fait feu à partir de tireurs isolés. Des tirs ont été

20 lancés à partir de Sljivcica, Sivrino Selo et Kruscica également. Le 11

21 novembre 1993, nous avons étudié la possibilité d'affecter plus d'hommes aux

22 unités des gardes qui se trouvaient dans la vallée de la Lasva. Nous avons

23 décidé que ces hommes proviendraient des unités spéciales. Il s'agissait des

24 hommes âgés de 35 ans maximum. J'ai également assisté à une réunion qui a eu

25 lieu à l'hôtel Vitez. Le sujet de cette réunion était l'ordre, la sécurité

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1 publique, comment éradiquer la criminalité. C'était une réunion de

2 coordination et moi, je m'y trouvais en ma qualité de commandant de la zone

3 opérationnelle.

4 M. le Président. - Pour bien suivre que ce que vous dites, parce

5 que cela a de l'importance, pour moi en tout cas, vous affectez davantage

6 d'hommes provenant d'unités spéciales, mais ce qui manque toujours c'est

7 ce qui va se passer après. Votre catalogue est le catalogue d'intentions,

8 c'est un problème important, je suppose : c'est la première fois que vous

9 dites : "Je manifeste mon commandement sur les unités spéciales. Je veux

10 des hommes provenant des unités spéciales que j'envoie sur le front".

11 Alors je vous demande : qu'en est-il du résultat ? Ou cela va-t-

12 il venir après ? Vous allez le dire après ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, j'y reviendrai plus

14 tard, mais je voulais simplement mentionner le fait que, le 9 novembre, un

15 nouveau chef de l'état-major principal du HVO a pris ses fonctions. C'est

16 pour cette raison que, une fois de plus, j'ai dû présenter une proposition

17 visant à réorganiser les unités spéciales. Mais dans mon récit des

18 événements, je vous dirai quand cette réorganisation a eu lieu, à savoir

19 quand j'ai eu l'autorisation du chef d'état-major principal de mener à bien

20 cette réorganisation.

21 M. le Président. - Ce n'est pas une autorisation, c'est votre

22 terminologie. Il faut faire très attention, Général. Nous vous suivons de

23 très près, vous dites : "Je prend la décision d'affecter davantage

24 d'hommes provenant des unités spéciales". C'est une décision que vous

25 prenez, ce n'est pas une proposition, ou alors c'est la traduction qui m'a

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1 fait défaut. Que dites-vous ? Maître Nobilo, aidez-moi.

2 M. Nobilo (interprétation). - Oui, je crois que peut-être la traduction n'a

3 pas été suffisamment précise. Il a dit que, avec ses collaborateurs, il avait

4 élaboré un plan de réorganisation des unités qui inclurait des individus

5 provenant des unités spéciales et des hommes jusqu'à 35 ans maximum. Voilà,

6 c'était un plan sur le papier.

7 M. le Président. - Vous le dites très bien, Maître Nobilo, mais ce n'est

8 pas vous le témoin. Général Blaskic, c'est bien ce que vous vouliez me dire :

9 "qui inclurait", au conditionnel ? Je parle de l'interprétation.

10 (Le témoin fait un signe affirmatif de la tête).

11 C'est cela, donc. Soyez très précis là-dessus, parce que j'attends de savoir

12 ce qui est concret : si c'est un plan, vous établirez un plan et puis l'on

13 verra ensuite les effets ; si vous affectez des hommes, c'est différent.

14 Est-ce ce qu'a dit Me Nobilo ? Vous élaborez un plan pour le

15 nouveau chef d'état-major, plan qui inclurait -pour les traducteurs, au

16 conditionnel-, l'affectation des unités d'hommes provenant d'unités

17 spéciales. Est-ce cela, Général Blaskic ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, je peux répéter ce

19 que j'ai dit. J'ai fait référence au 10 novembre 1993, je vois les choses

20 bien plus clairement maintenant, et j'ai examiné avec mes collaborateurs la

21 nécessité de mener à bien la réorganisation des unités qui inclurait

22 l'abolition des unités spéciales et la création d'une nouvelle formation, une

23 unité de gardes qui serait placée sous le commandement direct de la zone

24 opérationnelle. Un plan de cette nature a été envoyé par moi-même au nouveau

25 chef de l'état-major du HVO.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Peut-être, Général, serait-il bon

2 pour que les choses soient absolument claires pour l'ensemble des

3 personnes dans ce prétoire et notamment pour les Juges. Pouvez-vous vous

4 rappeler aujourd'hui de quelle période à quelle période ces chefs d'état-

5 major ont occupé leurs fonctions car il y a eu plusieurs changements de

6 postes à ce niveau-là ? Pouvez-vous vous rappeler le nom des personnes

7 concernées, le nom de ce nouveau chef d'état-major et pendant combien de

8 temps il a occupé ses fonctions ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Dans mon souvenir, je ne sais pas

10 exactement quand, le général Petkovic a été remplacé par le général

11 Praljak qui est devenu le nouveau chef d'état-major principal, mais à la

12 fin du mois de septembre 1993, j'ai eu une rencontre avec le

13 général Praljak dans l'entrée du quartier général principal du HVO. Selon

14 les notes que j'ai prises, le général Praljak a remplacé le général Roso

15 le 9 novembre 1993 ; il s'agissait donc d'un troisième remplacement.

16 M. Nobilo (interprétation). – Général, avez-vous répété votre

17 conception relative à la création de nouvelles unités armées et concernant

18 le démantèlement des unités spéciales à tous les nouveaux chefs d'état-

19 major principaux ?

20 M. Blaskic (interprétation). – Oui, j'ai été obligé de le faire, je devais

21 le faire car je voulais proposer une nouvelle structure. Mon intention était

22 de proposer une structure qui aurait été la création du ministère de la

23 Défense sans doute, ou du quartier général principal du HVO.

24 M. Nobilo (interprétation). - Poursuivons la chronologie pour vous

25 rapprocher du moment où vous êtes parvenu à démanteler les unités spéciales.

Page 18913

1 M. Blaskic (interprétation). - Nous nous étions arrêtés au 11 novembre 1993,

2 date à laquelle j'ai eu une réunion dont l'objet était de discuter de l'ordre

3 public et de mesures à prendre contre les criminels. Les commandants de la

4 police militaire y ont participé, ainsi que le chef de la direction de la

5 police civile de Travnik. Il y avait également l'adjoint chargé de la

6 sécurité. Durant cette réunion, nous avons discuté d'un plan destiné à

7 désarmer 8 criminels très connus de l'enclave de la Lasva, ainsi que les

8 hommes qui les suivaient. Au moment de cette réunion, le problème de la

9 falsification des certificats médicaux a également été abordé, certificats

10 médicaux qui portaient sur l'inaptitude à se plier aux obligations

11 militaires. Ces certificats étaient utilisés par certains soldats pour éviter

12 de se rendre sur la ligne de front face à l'armée de Bosnie-Herzégovine.

13 Le 12 novembre 1993, des combats importants se poursuivaient surtout au

14 Ces combats avaient lieu à une centaine de mètres de brigade de Vitez. Ces

15 combats avaient lieu à une centaine de mètres de l'entrée de l'usine

16 d'explosifs. Dans l'après-midi, aux alentours de 16 heures 30, j'ai appris

17 que mon père était décédé. J'ai demandé à l'officier chargé des transmissions

18 M. Gelic, d'envoyer une demande par écrit au commandant du Bataillon

19 britannique, demande destinée à prier le commandant d'organiser mon transfert

20 Ce qui me permettrait d'aller à l'enterrement de mon père à Kiseljak.

21 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous dire de quelle façon

22 votre père est mort, Général ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Mon père est mort sur le

24 territoire de la municipalité de Kiseljak, dans le village d'Oglavak. Ce

25 village se trouvait sur le front, entre le HVO et l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine, à ce moment-là. Il était dans une tranchée, il était en train

2 d'essayer de sortir de cette tranchée pour apporter de l'aide à un soldat

3 du HVO qui avait marché sur une mine et qui était couché au sol, incapable

4 de bouger car il avait perdu un pied. Je ne sais pas si mon père a essayé de

5 l'extirper de cet endroit, ou s'il a simplement essayé de lui bander le pied.

6 En tout cas, mon père a reçu une balle tirée par un tireur embusqué, balle

7 d'une arme de 763 mm de calibre qui l'a atteint au coeur.

8 M. Nobilo (interprétation). – Quel était l'âge de votre père

9 quand il est mort ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Il avait presque 61 ans. D'après

11 la loi de l'ex-Yougoslavie, il n'était pas en âge de combattre.

12 M. Nobilo (interprétation). - Comment se fait-il qu'il se soit

13 trouvé dans une tranchée ?

14 M. Blaskic (interprétation). – Il était volontaire car la

15, situation était telle que tout ce que je viens de dire au sujet de

16 l'enclave de la Lasva se reproduisait pratiquement à l'identique sur le

17. territoire où il se trouvait.

18 M. Nobilo (interprétation). – Et finalement, la Forpronu vous a

19 donné la possibilité de vous rendre à l'enterrement de votre père ?

20 M. Blaskic (interprétation). – Non, elle ne l'a pas fait. D'ailleurs c'est

21 la raison pour laquelle j'ai demandé de rencontrer le colonel Duncan pour lui

22 présenter cette requête personnellement. Je lui ai dit que j'avais besoin de

23 ce transport en raison des circonstances très particulières et que je n'avais

24 besoin d'aucune autre aide que d'un transport me permettant d'aller de Vitez

25 jusqu'au cimetière de Kiseljak pour revenir ensuite jusqu'à Vitez. Le colonel

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1 Duncan m'a dit qu'il n'avait pas la possibilité de me fournir une aide de ce

2 type car c'était une aide peu appréciée par l'armée de Bosnie-Herzégovine et

3 que, s'il me fournissait cette aide en désaccord avec l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine, il commettrait une infraction en tant qu'officier.

5 M. Nobilo (interprétation). - Auriez-vous pu, de quelque façon

6 que ce soit, vous rendre à l'enterrement, si la Forpronu ne vous avait pas

7 transporté dans ses véhicules ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Si j'avais eu une possibilité, je

9 l'aurais fait, c'est sûr, mais je n'avais absolument aucune manière de m'y

10 rendre, je n'y suis donc pas allé.

11 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Voulez-vous poursuivre ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Le 13 novembre 1993, j'ai reçu des

13 informations selon lesquelles, et j'ai reçu ces informations du service de

14 de renseignements militaires, deux curés avaient été tués à Fojnica. J'ai

15 demandé que la Forpronu mène une enquête pour vérifier l'exactitude de ces

16 informations qui, par la suite, se sont avérées exactes. J'ai demandé cela à

17 la Forpronu par l'intermédiaire de Gelic, l'officier chargé des liaisons.

18 Ce même jour, le problème de sécurité s'est posé grièvement au niveau du

19 commandement de la zone opérationnelle sur le front, car nous avions subi des

20 pertes importantes. Tous les soldats étaient donc nécessaires sur les fronts.

21 Et, plus tard dans la soirée, ce 13 novembre 1993, nous avons mené la

22 première action armée contre des groupes de criminels qui ont tiré sur les

23 membres de la police militaire après que celle-ci a lancé ses sommations. Au

24 cours de cet échange de coups de feu, il y a eu des blessés et des morts.

25 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi est-ce seulement le 13 novembre que

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1 vous avez décidé de combattre par les armes l'une des bandes de criminels les

2 plus actives ? Pourquoi n'aviez-vous pas pu le faire avant ?

3 M. Blaskic (interprétation). - C'était impossible avant, car il fallait

4 d'abord que la police militaire, capable d'agir dans ce sens, soit créée,

5 qu'une police militaire capable de réagir de cette façon à l'encontre des

6 criminels soit en place. Entre le mois d'août et le mois de novembre, j'ai

7 consacré mes efforts à organiser, à créer et à former une unité de la police

8 militaire destinée à effectuer des tâches policières régulières au nombre

9 desquelles se trouvait malheureusement une tâche de ce genre.

10 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit de la police militaire du HVO, donc

11 de policiers militaires croates qui doivent, dans le cadre d'une action

12 militaire de ce genre, combattre d'autres Croates dans l'enclave de la Lasva.

13 Quel a été l'effet de cela sur les autres gangs armés, ainsi que sur les

14 membres des unités spéciales, Vitezovis et autres ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, cela s'est avéré très bénéfique,

16 car il n'a plus été nécessaire de combattre les autres gangs armés puisque le

17 fait de combattre ceux que j'appellerais les leaders, les caïds, sur ce

18 territoire, et de les combattre en s'intéressant également à ceux qui les

19 suivaient, a suffi. D'ailleurs, j'ai participé à une conférence de presse où

20 nous avons exposé un certain nombre de nos moyens, en armes et en autres

21 matériels, ce qui a eu un effet dissuasif et a amélioré la situation en

22 permettant de paralyser l'ensemble de tous les autres gangs qui agissaient

23 sur ce territoire.

24 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre le récit

25 chronologique, je vous prie.

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1 M. Blaskic (interprétation). - Le 15 novembre 1993, comme je l'ai dit, j'ai

2 donc organisé une conférence de presse au cours de laquelle nous avons exposé

3 une partie des armes qui avaient été saisies sur ces gangs de voyous, de

4 criminels. Nous avons également commenté l'action que nous avions menée,

5 nous l'avons expliquée. Nous avons parlé de la nécessité de la mener à

6 bien. Dans l'après-midi...

7 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, je vous prie. Quand vous parlez de

8 conférence de presse, pouvez-vous nous dire quel était le moyen le plus

9 élémentaire d'informer les habitants de l'enclave de la Lasva à ce moment-là?

10 M. Blaskic (interprétation). - Le moyen élémentaire d'informer la

11 population passait par l'organisation de conférences de presse que nous

12 organisions, d'ailleurs, une fois par semaine. Au cours de ces conférences

13 de presse, la télévision locale était présente. Elle émettait les images

14 de chaque conférence de presse pendant la période séparant cette

15 conférence de presse de la suivante, de sorte que les habitants de

16 l'enclave de la Lasva avaient la possibilité de voir les images, mais

17 aussi d'entendre les informations les plus importantes relatives aux

18 événements de la dernière période.

19 M. Nobilo (interprétation). – Poursuivez, je vous en prie.

20 M. Blaskic (interprétation). - Dans l'après-midi du 15 novembre, j'ai eu une

21 rencontre avec le représentant des Serbes de Vitez, qui s'appelait Risto. Cet

22 homme m'a demandé la possibilité pour lui et quelques-uns de ses amis qui

23 avaient des problèmes de santé d'être dégagés de leurs obligations sur le

24 front. Il a également sollicité une aide plus concrète en demandant des

25 bottes et d'autres équipements. Je l'ai donc aidé à régler ces problèmes.

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1 Le 15 novembre, j'ai passé un certain temps également parmi la brigade de

2 Travnik. C'était une unité pratiquement entièrement composée de réfugiés.

3 J'ai appris que des groupes de Vitezovi avaient saisi des fusils

4 automatiques, un revolver, des cigarettes destinés aux soldats du 1er

5 Bataillon de la brigade de Vitez après avoir attaqué ce 1er Bataillon de la

6 brigade de Vitez. A ce moment-là, nous manquions de cigarettes, de sorte que

7 le tabac contenu dans une cigarette était partagé entre trois soldats. La

8 pénurie était importante. Ce même groupe de Vitezovi avait attaqué la maison

9 de Ivo Livancic, à Vitez, un Croate. J'ai demandé à la police militaire

10 d'obtenir des informations au sujet de ces événements, au sujet de ces

11 agressions. C'est ainsi que j'ai appris qu'une enquête au sujet de ces

12 incidents serait menée par la police militaire répondant au nom de l'unité

13 Vitezovi. Je savais qu'il n'existait pas d'unité de la police militaire

14 portant ce nom. J'ai donc appelé le commandant pour lui demander des

15 explications au sujet de l'existence de cette prétendue unité de la police

16 militaire. Je lui ai demandé quelle était la structure de cette unité et

17 qui était le commandant des Vitezovi. Monsieur Darko Kraljevic m'a dit que

18 c'est lui qui avait créé une unité de la police militaire chargée d'agir

19 uniquement eu égard aux événements impliquant des membres des Vitezovi. Je

20 lui ai demandé à ce moment-là sur quelle base documentaire il avait pu créer

21 une telle unité de police militaire. Ce à quoi il m'a répondu en me disant

22 qu'il n'avait aucune obligation de me rendre des comptes à ce sujet.

23 M. Nobilo (interprétation). – Pourquoi, tout à coup, au milieu de novembre

24 1993, Darko Kraljevic crée une unité de police militaire au sein des

25 Vitezovi ? Avec le recul du temps, quelle explication trouvez-vous à ce fait?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Il est certain qu'une des raisons pour agir

2 ainsi résidait dans le poste occupé par Darko Kraljevic. Mais, au nombre des

3 motifs, il y avait aussi sans doute la volonté pour lui que les membres de

4 son unité échappent au commandement de l'unité placée directement sous mes

5 ordres, qui était le 4e Bataillon de police militaire, devenu entre-temps le

6 7e Bataillon de police militaire, de façon à échapper à l'exécution des

7 tâches de police régulière. Les membres de l'unité spéciale des Vitezovi, par

8 création de cette police militaire des Vitezovi, échappent au commandement de

9 la police militaire du HVO, du 7e Bataillon de la police militaire du HVO, et

10 acquièrent d'une certaine façon un statut indépendant.

11 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre, je vous prie.

12 M. Blaskic (interprétation). – Le 16 novembre 1993, une nouvelle attaque a

13 lieu contre la maison de Ivo Livancic, à Vitez. L'IPD, au cours de la journée

14 du 16 novembre, a organisé une visite de l'usine d'explosifs destinée à

15 permettre à une équipe de télévision -je crois qu'il s'agissait d'ITN, mais

16 je ne suis pas sûr du nom de cette station- de voir ce qui se passait dans

17 l'usine. L'équipe de télévision a filmé une partie des explosifs contenus

18 dans l'usine, qui était en partie minée. Mais l'intention consistait à

19 adresser un message aux membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine pour lui

20 signifier qu'il était inutile d'attaquer cette usine d'explosifs. En agissant

21 de la sorte, en menant cette action de propagande, l'intention était de

22 réduire un peu la pression qui pesait sur le front de Vitez.

23 M. Nobilo (interprétation). - Quelle était votre intention en minant

24 l'usine d'explosifs ? Qu'a dit l'officier de l'IPD à ce sujet aux

25 journalistes ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, il était déjà prévu

2 depuis quelques temps que, en cas de prise de l'usine par l'armée de

3 Bosnie-Herzégovine, cette usine sauterait, c'est-à-dire que tous les

4 explosifs qu'elle contenait devaient être activés à ce moment-là et faire

5 exploser l'usine. Mais nous, nous avions déjà déménagé pas mal de ces

6 explosifs pour les transporter ailleurs.

7 M. Nobilo (interprétation). - Je vous en prie, poursuivez.

8 M. Blaskic (interprétation). - A 15 heures, j'ai eu une réunion avec des

9 représentants du HCR qui m'ont demandé des garanties de sécurité eu égard au

10 passage d'un convoi dans l'enclave de la Lasva en direction de Zenica, Zepce

11 et Maglaj. J'ai informé ces représentants du HCR des difficultés que

12 j'éprouvais à communiquer notamment avec Zepce, mais je leur ai dit pour je

13 ferai tout ce qui était en mon pouvoir pour permettre le passage de ces

14 convois dans les limites où j'avais la possibilité de garantir la sécurité de

15 ces convois. Nous avons également discuté d'un autre sujet, c'est

16 d'ailleurs un sujet sur lequel j'ai insisté dans mes contacts avec les

17 représentants du HCR. Il s'agissait du problème de l'encerclement que

18 subissait l'enclave de la Lasva et des pénuries en vivres, en électricité et

19 en eau. Les responsables du HCR -je crois qu'il y avait également un

20 responsable des Nations Unies- ont demandé la possibilité de faire sortir

21 deux soldats de Stari Vitez pour les emmener à Zenica. J'ai accordé cette

22 autorisation et cela a été fait un peu plus tard. Le 17 novembre 1993, le

23 chef d'état-major principal du HVO m'a autorisé à procéder à la

24 réorganisation des unités spéciales de type B. Il n'y en avait qu'une à

25 l'époque dans l'enclave de la Lasva, il s'agissait de l'unité spéciale

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1 Tvrtko. L'autorisation qui m'était accordée était de verser les hommes de

2 cette unité spéciale dans les Domobrani. Et, ce même jour, j'ai reçu

3 également des informations selon lesquelles un groupe de l'unité spéciale des

4 Vitezovi était entré dans la maison de Branko Mlakic le 15 novembre 1993,.

5 déjà. Mais je n'en ai été informé que le 17 novembre Dans l'après-midi, j'ai

6 travaillé à la proposition faite pas le maire de Vitez, à l'élaboration donc

7 de cette proposition qui, souhaitant améliorer la sécurité globale du

8 territoire de Vitez, proposait de fermer certains commerces. Les autorités

9 municipales de Vitez avaient donc pris la décision de limiter les heures

10 d'ouverture des commerces de restauration. Cette limitation concernait les

11 civils et relevait de la responsabilité de la police civile. Mais, compte

12 tenu que la décision des autorités civiles de Vitez n'était pas obligatoire

13 ou exécutoire pour les soldats, le maire de la ville de Vitez m'a demandé

14 d'émettre un ordre destiné à tous les soldats de la Lasva et confirmant

15 l'ordre qu'il avait émis lui-même. J'ai donc confirmé cet ordre destiné à

16 limiter les heures d'ouverture des lieux de restauration sur le territoire de

17 Vitez. J'ai également été informé du fait que des échanges privés

18 continuaient à s'effectuer, échanges privés auxquels participaient des

19 éléments criminels locaux moyennant finances. Mais j'ai appris que ces

20 échanges privés étaient également réalisés par certains membres de la

21 Forpronu, du CICR et du HCR, et même par des représentants des autorités

22 locales selon des critères qui leur étaient propres. C'est l'assistant

23 chargé de la sécurité qui m'a transmis ces renseignements.

24 A 15 heures 45, j'ai eu...

25 M. le Président. - Qu'appelez-vous "échanges privés" ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, il s'agit

2 d'échanges qui s'effectuent sans que la commission municipale compétente

3 en soit informée et au cours desquels des individus emmènent des familles.

4 Je vais prendre un exempt concret : par exemple, des Musulmans bosniens de

5 Vitez vers Zenica et, en échange, ils ramènent de Zenica des civils, des

6 habitants de Zenica pour les amener à Vitez.

7 Mais ce genre de choses se passait sans que les autorités

8 municipales de Vitez qui étaient en majorité croates n'en soient informées

9 et sans que, le plus souvent, la commission municipale de Zenica,

10 commission civile bien entendu, n'en soit informée non plus.

11 Donc, ces deux commissions n'étaient pas au courant de ces

12 échanges et les commandants militaires n'en étaient pas informés non plus,

13 sauf si les services de renseignements et de sécurité en découvraient

14 l'existence par des voies secrètes.

15 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, Général, en ce qui

16 concerne ces échanges privés, les civils étaient-ils contraints d'aller de

17 Zenica à Vitez ou en sens inverse, ou est-ce que ces civils prenaient

18 l'initiative de participer à de tels échanges ?

19 M. Blaskic (interprétation). – Dans 99 % des cas, ces échanges

20 se produisaient à l'initiative des civils concernés.

21 M. Nobilo (interprétation). – Devaient-ils payer certaines

22 sommes pour participer à ces échanges ?

23 M. Blaskic (interprétation). - J'étais informé du fait que ces

24 services étaient payés, que des sommes étaient versées, notamment à ces

25 gangs de criminels qui faisaient un profit important à l'occasion. Ce

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1 genre de choses se passait non seulement dans l'enclave de la Lasva mais

2 également j'avais appris en 1992, par exemple, que des situations du même

3 genre avaient existé à Sarajevo, ville dans laquelle des échanges très

4 nombreux ont été effectués et ont produit des gains très importants.

5 En effet, sur la route principale menant à Kiseljak, en dépit des points de

6 contrôle, des barrages routiers qui existaient sur les routes, en dépit du

7 siège, les échanges s'effectuaient même malgré la présence de l'armée de la

8 Republika Srpska et du HVO un peu partout aux alentours.

9 M. Nobilo (interprétation). – Je vous en prie, veuillez poursuivre.

10 M. Blaskic (interprétation). – A 15 h 45, j'ai donc eu une rencontre avec

11 M. Leod qui m'a demandé une nouvelle fois des garanties de sécurité pour

12 qu'un convoi puisse passer par Zepce pour se rendre à Maglaj. C'était un

13 représentant du HCR. Je lui ai renouvelé ce que je savais des difficultés que

14 j'avais dans mes communications avec le commandement de Zepce et je lui ai

15 dit que j'allais faire tout ce que je pouvais faire dans mes conversations

16 avec le commandant Lozancic –conversations téléphoniques qui n'étaient pas

17 cryptées- pour créer des conditions de sécurité permettant à ces convois de

18 passer par Zepce pour se rendra à Maglaj et distribuer l'aide humanitaire

19 dont avaient besoin les habitants de Maglaj et d'autres localités. Le 18

20 novembre 1993, aux alentours de midi, Filip Filipovic, mon commandant

21 adjoint, a été blessé à la tête par une balle tirée par un tireur embusqué de

22 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Heureusement sa vie ne s'est pas trouvée en

23 danger. J'ai également été informé de l'installation d'un barrage

24 routier privé à Nova Bila, à savoir donc que des voyous avaient créé un

25 barrage routier pour racketter les gens qui souhaitaient passer. Très

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1 rapidement, ce barrage routier a été démantelé. La route a donc été libérée

2 très rapidement par la police militaire. Durant cette même journée, je me

3 suis rendu une nouvelle fois auprès de l'unité des polices militaires pour

4 participer à la formation des hommes et continuer à travailler à la création

5 et à l'organisation de nouvelles unités de police militaire. J'ai également

6 reçu une requête de l'hôpital de Nova Bila dans laquelle il m'était dit qu'il

7 était indispensable d'évacuer le plus rapidement possible 7 enfants et 33

8 blessés graves. J'ai transmis cette requête au commandement de la Forpronu à

9 Nova Bila. Vers 10 h 30, j'ai eu une rencontre avec les commandants des

10 brigades de l'enclave de la Lasva, rencontre au cours de laquelle j'ai dit

11 à tous les commandants que l'unité spéciale de type B serait réorganisée

12 et que les soldats, membres de cette unité, seraient dirigés sur les

13 bureaux du département de la Défense compétent pour se voir assigner de

14 nouvelles positions. Le responsable de la sécurité, l'adjoint chargé de la

15 sécurité, m'a informé à ce moment-là que les autorités civiles municipales

16 de Vitez avaient pris une décision concernant l'achat d'armes à des hommes en

17 âge de porter les armes, indépendamment de l'origine de ces armes. Par la

18 suite, j'ai demandé que l'exécution de cette décision soit arrêtée car elle

19 risquait de provoquer un accroissement des vols d'armes et des reventes

20 d'armes au moment même où l'unité spéciale était transformée. Cela risquait

21 de nuire à la situation du point de vue de la sécurité. Après la réunion,

22 j'ai parlé au chef de l'état-major pour l'informer de la création d'une

23 nouvelle unité de police militaire. Je lui ai dit qu'une unité de la police

24 militaire avait été créée au sein des Vitezovi. J'ai demandé au chef d'état-

25 major principal de m'expliquer quelles étaient les bases juridiques

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1 permettant la création de ce genre d'unité de police militaire. Je lui ai dit

2 que les conséquences de cet acte seraient une réduction de la sécurité et de

3 ma capacité à commander. Plus tard, j'ai reçu une réponse selon laquelle les

4 membres de Vitezovi n'avaient pas le droit de créer cette unité de police

5 militaire. Le chef d'état-major principal m'a dit qu'il allait s'en occuper

6 dans ses rapports avec le ministre de la Défense. J'ai également été informé

7 par l'assistant de l'IPD que le moral sur les lignes était plutôt bas, que

8 les soldats étaient épuisés, terrorisés et paniqués. A 14 h 20, j'ai eu une

9 rencontre avec le colonel Williams qui avait remplacé le colonel Duncan au

10 sein de la Forpronu où il commandait le Bataillon britannique. Nous avons

11 discuté de la situation des blessés, de l'évacuation des blessés ; je lui ai

12 demandé de m'aider à trouver les moyens d'évacuer les blessés de l'église

13 hôpital. Le colonel Williams m'a demandé, à moi, si je savais quoi que ce

14 soit au sujet des négociations de Genève. J'ai répondu que je ne savais

15 absolument rien au sujet de ces négociations-là. Après cela, le colonel

16 Williams m'a demandé quelles étaient les informations dont je disposais

17 concernant la situation à Gornji Vakuf. Je lui ai répondu que tout ce que je

18 savais en ce qui concerne cette situation, c'était la situation concernant 20

19 % de la municipalité de Novi Travnik qui était contrôlée par le HVO et que

20 je ne disposais pas de données concernant la situation à Gornji Vakuf, étant

21 donné que cette partie était sous le contrôle de la zone opérationnelle de

22 l'Herzégovine nord-ouest.Nous avons également parlé des incidents criminels

23 dans la vallée de la Lasva et le colonel Williams m'a informé que de tels

24 incidents se produisaient aussi près de la base de la Forpronu où les voyous

25 volaient le carburant appartenant aux membres de la Forpronu. Moi, je l'ai

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1 remercié de la collaboration que nous avons eue avec la Forpronu jusqu'à ce

2 moment-là et je lui ai demandé de continuer à collaborer ensemble avec le

3 Bataillon britannique et avec la police civile et militaire pour réduire la

4 criminalité dans la vallée de la Lasva. A 15 heures, j'ai eu une réunion avec

5 les personnes de l'ECMM. Ce que je sais, c'est que ces personnes-là étaient

6 basées à Zenica mais je ne me souviens plus de leur nom. Ils m'ont remercié

7 de l'approche ouverte et pleine de collaboration du HVO à l'égard de leur

8 mission. Et moi-même je leur ai posé la question de savoir quels étaient les

9 développements de la situation à Vares. La réponse que j'ai reçue est que la

10 situation à Vares était très confuse et qu'un grand nombre de réfugiés ont

11 quitté la ville alors qu'il faisait extrêmement froid dehors. A ce moment-

12 là, les membres de l'ECMM ont mentionné la possibilité de voir les réfugiés

13 retourner à Vares et ils ont exprimé leur opinion selon laquelle les

14 représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine et les représentants des

15 autorités bosniennes musulmanes n'allaient pas s'opposer à une telle

16 initiative. Nous avons également parlé de la liberté de circulation et je

17 leur ai dit que dans la région contrôlée par mes forces, ils avaient la

18 liberté totale de circulation. Le 19 novembre 1993, à 8 heures 30, j'ai eu un

19 briefing avec mes collaborateurs et l'adjoint chargé de la sécurité m'a

20 informé qu'il avait reçu encore une fois la visite des officiers travaillant

21 pour le service de sécurité qui était en train de mener l'enquête sur le

22 crime qui a eu lieu à Ahmici. Lors de cette réunion, j'ai demandé que l'on

23 fournisse de l'aide à la police militaire en ce qui concerne la logistique,

24 l'approvisionnement et l'organisation du travail de la police militaire et

25 nous avons également parlé de la sécurité des convois humanitaires qui

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1 traversaient l'enclave de la Lasva pour aller vers Zepce et Maglaj durant

2 une période où la famine régnait dans la vallée de la Lasva. Et,

3 personnellement, j'avais peur que les réfugiés aillent prendre

4 l'initiative eux-mêmes pour s'attaquer à de tels convois. A 10 heures, j'ai

5 eu une réunion avec les commandants moins importants de la police militaire,

6 c'étaient des commandants de peloton et de compagnie et j'ai également eu une

7 réunion avec des membres du commandement du bataillon de la police militaire

8 et je leur ai demandé de m'informer sur la situation en ce qui concerne

9 l'exécution de mon ordre concernant l'enquête et la restitution des biens qui

10 avaient été saisis du convoi de Tuzla. Nous avons également parlé du

11 renforcement de la police militaire, puis des problèmes concernant les

12 comparutions des témoins, étant donné qu'ils m'ont informé que les témoins

13 étaient saisis de peur quand ils devaient comparaître devant la Cour

14 militaire. J'ai également souhaité parler un peu plus de la saisie des

15 équipements et des biens du convoi de Tuzla. Durant la journée, j'ai reçu

16 également l'information selon laquelle de nouvelles unités de l'armée de

17 Bosnie-Herzégovine se déplaçaient vers les lignes de front de Busovaca et

18 de Vitez et que, dans huit à dix jours, de nouvelles attaques plus

19 importantes allaient se produire. Ce jour-là, j'ai également été dans le

20 centre d'entraînement à Nova Bila, étant donné que les commandants m'y

21 avaient convoqué. Le problème dont ils souhaitaient parler était la

22 nourriture des recrues. Ils n'avaient que du riz et très peu de matières

23 grasses pour les nourrir. Ils n'avaient même pas de pain. Le même problème se

24 posait dans l'hôpital de Nova Bila, ils ne pouvaient pas produire de pain.

25 Encore une fois, nous avons eu un problème concernant le transfert des

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1 recrues dans les unités spéciales de Vitezovi et d'autres institutions, ces

2 soldats le faisaient afin d'éviter les lignes de front. Moi, j'ai donné

3 l'ordre à la police militaire d'entreprendre de prendre toutes les mesures

4 nécessaires afin de garantir la sécurité aux responsables de la Croix-Rouge

5 internationale de l'ONU et de l'UNHCR. J'ai également demandé qu'ils

6 fournissent l'aide dans le cadre de la coordination et l'harmonisation des

7 structures des procédures avec la prison militaire de district.

8 J'ai également reçu l'information de deux chirurgiens qui m'ont

9 dit que des soldats du HVO les menaçaient pendant qu'ils étaient en train

10 d'opérer les patients. Les soldats du HVO les menaçaient parfois en disant

11 que le patient devait absolument rester en vie.

12 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, cela fait

13 presque une heure que le témoin parle maintenant. D'après la pratique que

14 l'on a adoptée, c'est le moment de la pause.

15 M. le Président. - Oui, nous suspendons pendant vingt minutes.

16 (L'audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 30).

17 M. le Président. – Asseyez-vous. Nous reprenons l'audience. Maître Nobilo ?

18 M. Nobilo (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

19 Nous nous sommes arrêtés à la date du 20 novembre 1993. Veuillez

20 poursuivre avec la chronologie des événements, Général.

21 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le

22 20 novembre 1993, j'ai reçu l'information de mes collaborateurs selon

23 laquelle, dans la brigade de Vitez, nous disposions au total, sur la ligne de

24 front, d'environ 1 698 soldats dont 1 175 étaient armés ; ce qui veut dire

25 qu'environ 500 soldats étaient sans armes, d'après les données que nous avons

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1 enregistrées. Le 21 novembre 1993, j'ai demandé à la police militaire et au

2 service de sécurité de prendre des mesures supplémentaires afin d'assurer

3 la sécurité et la protection des équipes de télévisions étrangères dans

4 une partie de la municipalité de Vitez que l'on appelait "la rue des

5 journalistes". Aussi, ce jour-là, on a commencé avec la transformation de

6 l'unité spéciale Darko. Il s'agissait de l'unité spéciale de type B qui

7 était en cours de restructuration, qui était démantelée. Les soldats qui

8 appartenaient à cette unité-là ont été envoyés au département de la

9 Défense compétent pour recevoir leurs nouvelles affectations. J'ai également

10 eu une réunion avec le président de la Cour militaire du Tribunal militaire

11 de district. Il m'a demandé encore une fois de lui fournir de l'aide en

12 matière logistique, de même qu'un soutien en ce qui concerne l'envoi des

13 soldats devant ce Tribunal, au cas où le Tribunal le demanderait. Durant une

14 partie de la journée, j'ai travaillé encore un peu sur l'élaboration de la

15 proposition d'un nouveau…, c'est-à-dire une proposition que j'allais envoyer

16 au chef d'état-major concernant la création de l'unité de gardes dans la

17 vallée de la Lasva et concernant également la restructuration du système de

18 défense, vu que nous avons perdu beaucoup de territoires et de personnel.

19 J'ai envoyé ce document au chef d'état-major du HVO. Ce jour-là, le 21

20 novembre 1993, les tireurs embusqués étaient actifs, les tireurs embusqués de

21 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui pilonnaient également les lignes de front

22 dans la région de Vitez. Ce jour-là, j'ai reçu l'information que la police

23 militaire avait saisi 6 véhicules d'une bande criminelle, et que l'une de

24 ces voitures avait été restituée à son propriétaire. En ce qui concerne les

25 cinq autres, elles sont restées dans la base logistique de Stojkovici, étant

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1 donné qu'il a été constaté que ces véhicules-là avaient été saisis du convoi

2 de Tuzla. J'ai également reçu l'information selon laquelle, dans la

3 direction de Stari Vitez, la brigade de Vitez avait engagé 200 soldats

4 environ pour travailler au sein d'une équipe pendant une journée. Ces

5 troupes-là bloquaient l'entrée de Stari Vitez et n'avaient aucun droit de

6 lancer quelque activité offensive que ce soit à l'encontre de Stari Vitez.

7 Le 22 novembre 1993, les chars de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont tiré

8 sur la ville de Vitez et les attaques d'infanterie se sont poursuivies :

9 elles se sont concentrées sur l'usine d'explosifs. J'ai passé ce jour-là avec

10 les troupes dans Zaselje. Dans la soirée, je suis allé au poste de

11 commandement avancé à Donja Veceriska, où j'ai eu une rencontre avec les

12 commandants du département de la Défense de Vitez. Le 23 novembre, j'ai reçu

13 la confirmation du rapport de la nouvelle selon laquelle l'unité nouvelle,

14 qui avait déjà été créée auparavant et qui s'appelait Alpha, était commandée

15 à partir de ce moment-là par le chef chargé de la sécurité et des

16 informations, M. Miso Mijic. J'ai également reçu l'information que le chef

17 du service de sécurité détenait des officiers du commandement de la zone

18 opérationnelle et qu'il était en train de les interroger.

19 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agissait de vos propres officiers ?

20 M. Blaskic (interprétation). – Oui, il s'agissait des officiers

21 qui étaient sous mes ordres. Je me suis adressé à M. Miso Mijic, le

22 responsable du centre de sécurité, pour qu'il me donne une explication. Il

23 m'a répondu que son service était indépendant et qu'ils étaient compétents

24 pour s'acquitter de toutes leurs tâches, quel que soit leur sujet, même si

25 cela m'implique moi-même et mes collaborateurs.Ce jour-là, j'ai également eu

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1 une réunion avec un responsable de l'UNHCR. J'ai oublié son nom, mais j'ai

2 demandé à cette personne que l'aide humanitaire soit distribuée de manière

3 équitable aux deux camps. Là, je parle des régions à la fois sous le

4 contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine et sous le contrôle du HVO. De

5 même, j'ai reçu l'information du commandant de la police militaire que

6 l'équipement volé de l'équipe de télévision de Reuter avait été retrouvé, que

7 le suspect avait été arrêté et que les équipements allaient bientôt être

8 restitués à l'équipe de télévision. Durant la journée, j'ai également reçu

9 l'information de l'assistant du service d'information et de propagande selon

10 laquelle la famine et la fatigue parmi les troupes étaient grandes, que ceci

11 constituait l'un des problèmes principaux sur la ligne de front. Il a

12 également lu une liste de noms des soldats qui avaient abandonné les

13 municipalités afin de renforcer le moral des troupes impliquées dans la

14 défense de la région. J'ai également reçu l'information selon laquelle les

15 tireurs embusqués étaient de nouveau très actifs à Stari Vitez. J'ai aussi

16 reçu l'information du commandant de la brigade de Vitez que les bandes

17 criminelles faisaient des irruptions un peu partout dans la ville, qu'ils

18 provoquaient une situation chaotique et qu'il s'agissait surtout des groupes

19 criminels venant de la région de Novi Travnik et Busovaca. Le 24 novembre,

20 le service de sécurité m'a informé que certaines personnes sont entrées par

21 la force dans l'entrepôt de nourriture à Vitez et qu'une certaine quantité de

22 cette nourriture a été pillée. Nous avons continué à recevoir des

23 informations concernant les problèmes liés à l'état psychologique et à la

24 fatigue des soldats sur les lignes de front. J'ai demandé encore une fois au

25 service de sécurité de m'informer du travail de la police militaire, police

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1 militaire créée par l'unité spéciale de Vitezovi, et mon adjoint chargé de la

2 sécurité m'a dit que pour autant qu'il le savait, effectivement cette unité

3 n'avait aucun droit de créer sa propre police militaire. Nous avons également

4 examiné la question des convois humanitaires qui devaient passer à travers la

5 vallée de la Lasva et des problèmes de sécurité potentielle.

6 Durant ce jour-là, j'ai aussi rencontré le colonel Williams et

7 un représentant de l'UNHCR, M. Hollingworth, qui m'a informé qu'un nouveau

8 convoi allait arriver de Metkovici et de Banja Luka transportant la

9 nourriture pour la région de la Bosnie centrale et il m'a dit que dix

10 camions de nourriture allaient arriver dans la région de la Bosnie

11 centrale. Sept de ces camions-là étaient destinés à la partie du

12 territoire sous le contrôle des autorités croates, deux pour Kruscica

13 contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine et un camion pour Stari Vitez.

14 Après cette réunion-là, j'ai reçu encore une fois une

15 information concernant les conflits entre l'adjoint chargé de la sécurité

16 et le chef du service de sécurité et j'ai parlé avec le chef d'état-major

17 du HVO vers 18 heures 55 et je l'ai informé du problème des rapports entre

18 le centre SIS et l'adjoint chargé de la sécurité, puis j'ai parlé

19 également du rôle du chef de service du SIS. Je l'ai également informé du

20 problème concernant les unités spéciales et je lui ai demandé d'accélérer

21 la recherche des solutions à toutes ces difficultés-là. Il m'a répondu :

22 "Essaie de tenir, je vais aider dans la mesure de mes possibilités, nous

23 allons voir ce que nous pouvons faire."

24 Vers 19 heures 30, une nouvelle attaque a été lancée contre

25 Vitez et des opérations de combat se sont poursuivies.

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1 Le 25 novembre 1993, un convoi est passé comportant environ

2 18 poids lourds, camions transportant la nourriture. Il s'agissait de

3 camions de l'UNHCR et son passage n'a pas été bloqué ni entravé par des

4 problèmes. Le convoi est passé vers Zenica.

5 Le commandant de la police militaire m'a informé que le policier

6 militaire Anton Zepackic était en train de persécuté des Musulmans et de

7 les expulser de leurs appartements dans la ville de Vitez et j'ai demandé

8 que des mesures disciplinaires soient prises et cet ordre a été exécuté.

9 J'ai également demandé à l'adjoint chargé de la sécurité de

10 m'informer sur les résultats de mes demandes qui avaient été faites avant

11 le 30 novembre 1993, et l'adjoint chargé de la sécurité m'a informé que la

12 situation en général, en ce qui concerne le bataillon léger, était

13 dramatique.

14 A 10 heures, j'ai eu une réunion avec tous les commandants de

15 brigade de la vallée de la Lasva. Nous avons parlé de la mise en oeuvre

16 des ordres reçus au cours du mois de novembre 1993. Nous avons également

17 parlé du déplacement des soldats entre les lignes de front de Busovaca et

18 Vitez. Ces déplacements se faisaient dans les deux sens en fonction de

19 l'intensité des opérations de combat et le plus souvent les soldats

20 prenaient eux-mêmes l'initiative de se déplacer de cette manière-là.

21 J'ai également reçu l'information selon laquelle certains

22 Croates expulsaient également des réfugiés croates : à savoir dans les

23 villages de Krcevine et de Jardol, les réfugiés croates de Zenica y ont

24 été logés avec leurs familles. Au moment où une partie des soldats ont dû

25 être déplacés de Krcevine et de Jardol à Zaselje et Gornja Veceriska, ils

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1 ont décidé de ne plus fournir le logement et l'hospitalité aux familles de

2 ces soldats qui étaient déplacés de Jardol et Krcevine à Gornja Zenica et

3 Zaselje. Donc, encore une fois, nous nous sommes retrouvés en difficulté

4 de loger un grand nombre de réfugiés.

5 Le commandant du bataillon léger n'a pas répondu à ma

6 convocation à la réunion. Mais il m'a néanmoins envoyé le message qu'ils

7 étaient sous le contrôle de la police militaire.

8 M. Nobilo (interprétation). - Ce bataillon d'assaut léger,

9 comment s'appelait-il avant et de quoi s'agissait-il, en fait ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Il s'agissait d'une formation qui

11 a été créée avec le renforcement du groupe antiterroriste ATG qui

12 s'appelait Jockeri et qui était contrôlé directement par l'administration

13 de la police militaire.

14 M. Nobilo (interprétation). - Poursuivez, s'il vous plaît.

15 M. Blaskic (interprétation). - Ce jour-là, j'ai encore une fois

16 reçu l'information de Darko Kraljevic, commandant des Vitevozi, concernant

17 sa police militaire et j'ai demandé que le registre, c'est-à-dire le

18 règlement concernant la création de l'unité spéciale, me soit remis, mais

19 je n'ai jamais reçu ce document-là. Cependant, cette police militaire a

20 continué à être opérationnelle. Le service de renseignements militaires

21 m'a informé que des préparations étaient en cours, faites par l'armée de

22 Bosnie-Herzégovine afin de procéder à une attaque de grande envergure

23 lancée de Sivrino Selo et Kruscica afin de prendre le contrôle de l'usine

24 d'explosifs et le centre même, autrement dit la ville de Vitez.

25 J'ai également reçu l'information selon laquelle on envoyait des

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1 munitions à Stari Vitez par le biais de l'organisation humanitaire et que

2 l'on effectuait des paiements à cette organisation humanitaire par l'armée

3 de Bosnie-Herzégovine. Le montant s'élevait à 30 000 deutsch marks pour un

4 service de ce genre, c'est-à-dire pour un convoi qui allait transporter

5 les munitions dans Stari Vitez et les paiements étaient effectués à

6 l'étranger.

7 Le 26 novembre 1993, j'ai demandé encore une fois de recevoir le

8 règlement des Vitezovi mais je ne l'ai pas reçu. Vers 10 heures, entre

9 10 heures et 13 heures, je me suis trouvé dans le centre d'entraînement où

10 j'étais en contact avec les instructeurs de ce centre. J'ai parlé avec le

11 commandant chargé de la sécurité de l'usine d'explosifs et il m'a informé

12 qu'il avait licencié un policier militaire qui pillait des maisons.

13 Le 27 novembre 1993, j'ai reçu un rapport de la police militaire

14 qu'une unité bien entraînée existait avec le but d'assurer la sécurité des

15 convois et que tous les équipements avaient été restitués à l'équipe de

16 télévision de Reuter et que, à Busovaca, une attaque armée a été effectuée

17 par les membres du bataillon d'assaut léger.

18 M. Nobilo (interprétation). - Général, à qui appartenait ce

19 bataillon d'assaut léger ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Il appartenait à

21 l'administration, il était sous les ordres de l'administration de la

22 police militaire.

23 M. Nobilo (interprétation). - Poursuivez.

24 M. Blaskic (interprétation). - Le 28 novembre, les responsables

25 du service d'information et de propagande ont organisé un séminaire, une

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1 réunion à l'hôtel Vitez qui, en fait, était la reproduction d'un séminaire

2 tenu précédemment et destiné aux officiers de rang inférieur, commandants

3 de secteurs et commandants de compagnie. Le sujet qui a été discuté était

4 les organisations humanitaires internationales et leurs missions, leurs

5 mandats, le mandat de ces organisations en vertu des conventions de Genève

6 et du droit de la guerre internationale.

7 Une nouvelle fois, ce jour-là, j'ai reçu une invitation de

8 M. Abdulah Tuco qui m'a expliqué que quatre soldat du HVO lui avaient

9 demandé de quitter sa maison. J'ai demandé une protection de la police

10 militaire qui était chargée de défendre cette famille.

11 Le 29 novembre 1993, j'ai reçu un rapport de l'adjoint chargé de

12 la santé qui parlait d'hépatites et de nombreux problèmes de santé

13 survenus parmi les soldats sur le front.

14 Cet adjoint chargé de la santé s'est plaint également auprès de

15 moi du fait que l'évacuation des blessés graves n'avait pas eu lieu malgré

16 les requêtes, malgré les promesses faites sur réception de ces requêtes.

17 Il m'a dit que les blessés étaient morts dans l'église hôpital.

18 Le 30 novembre 1993, j'ai transmis une information, par écrit,

19 au quartier général principal du HVO portant sur les problèmes posés par

20 les vols et les actes des gangs de voyous armés dans l'enclave de

21 la Lasva.

22 J'ai eu, ce jour-là, une réunion avec M. Topkin qui appartenait

23 à la mission des observateurs européens, c'était un responsable de l'ECMM,

24 qui m'a informé de la situation prévalant à Vares.

25 Quant à moi, je l'ai informé du fait que, selon ce que nous

Page 18937

1 savions, l'armée de Bosnie-Herzégovine dans l'enclave de la Lasva

2 utilisait des projectiles d'artillerie comportant du chlore et que nous

3 avions déjà quelques preuves montrant que cette espèce d'obus était

4 utilisée, ainsi que des conclusions provenant de médecins ayant examiné

5 des patients souffrant de blessures provoquées par ce type d'obus.

6 Le 31 novembre 1993, nous avons reçu des informations à notre

7 quartier général du commandement de la zone opérationnelle de Bosnie

8 centrale portant sur des groupes de criminels qui annonçaient vouloir

9 attaquer la police militaire et le commandement de la zone opérationnelle

10 de Bosnie centrale pour régler leurs comptes. Une nouvelle fois, nous

11 avons dû faire face à des problèmes d'approvisionnement en eau et en

12 électricité, notamment s'agissant de l'eau et de l'électricité utilisées à

13 des fins militaires ainsi que dans l'ensemble de l'enclave de la Lasva et,

14 plus particulièrement, à Novi Travnik, Vitez et dans une partie d'autres

15 municipalités de Travnik, notamment à l'hôpital.

16 Ce jour-là, les soldats de la brigade de Vitez ont lancé

17 l'initiative de créer un club, autrement dit une association civile qui

18 était censée s'attaquer au problème du ravitaillement alimentaire et de la

19 famine dans l'enclave de la Lasva. Un soldat de la municipalité de Vitez,

20 de Busovaca et de Novi Travnik a été démobilisé, ainsi que dans la

21 municipalité de Novi Travnik. Donc un soldat de chacune de ces

22 municipalités a été démobilisé pour s'occuper de la constitution de cet

23 organisme chargé d'assurer le ravitaillement alimentaire.

24 Le 2 décembre, j'étais auprès du commandement de la brigade

25 Nikola Subic Zrinski où j'ai eu une réunion au cours de laquelle les

Page 18938

1 problèmes de sécurité sur le front ont été discutés, ainsi qu'une

2 nouvelles fois les problèmes de lutte contre la criminalité.

3 Dans le courant de la journée du 2 décembre, une nouvelle fois,

4 l'armée de Bosnie-Herzégovine a utilisé ses projectiles d'artillerie

5 remplis de chlore selon ce que nous savions. J'ai envoyé un message à ce

6 sujet au quartier général via l'officier de liaison auprès de la Forpronu.

7 J'ai demandé qu'un médecin civil du Bataillon britannique de la Forpronu

8 se rende à l'hôpital église pour examiner les patients qui étaient

9 hospitalisés et blessés par ces projectiles.

10 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais maintenant que nous

11 examinions la pièce à conviction de la défense D389 en date du

12 1er décembre 1993.

13 (Le Greffier s'exécute.)

14 Il s'agit du document de la défense, pièce à conviction D389.

15 Vous l'envoyez le 1er décembre 1993 à un grand nombre d'unités cantonnées

16 en Bosnie centrale ainsi qu'à un certain nombre de services.

17 Le titre est le suivant : "Traitement des prisonniers de guerre,

18 ordre.

19 En vertu du mémoire GS, numéro 02-211-101-411-7/93 du

20 30 novembre 1993 qui porte sur le traitement des prisonniers de guerre sur

21 le territoire de la République croate d'Herzeg-Bosna, j'ordonne ce qui

22 suit :

23 1.- Dans les zones de responsabilité des brigades, veillez à ce

24 que les prisonniers de guerre militaire, à savoir des personnes portant un

25 signe visible d'appartenance à une formation ennemie et portant des armes

Page 18939

1 à feu, soient traités, au moment de leur capture de la façon suivante :

2 a) désarmement obligatoire, saisie des documents personnels et

3 tris par catégories militaires. Plus précisément, en fonction du grade, à

4 savoir simples soldats, sous-officiers, officiers, officiers supérieurs,

5 donc en fonction du rang ;

6 b) les prisonniers de guerre militaires doivent être enlevés de

7 première ligne au moins -il y a là quelques mots illisibles- plus

8 précisément, de toute urgence, ils doivent être placés en dehors des zones

9 de combat, dans la zone de Busovac

10 c) les prisonniers de guerre militaires doivent effectuer des

11 tâches quotidiennes spécifiées et loger à l'endroit où ils réalisent ces

12 tâches. Ils ont le droit de recevoir des lettres et des paquets de

13 prisonniers par le biais de la Croix-Rouge internationale ;

14 d) tous les éléments de preuve juridiques et administratifs

15 relatifs aux prisonniers de guerre et aux personnes bénéficiant de ce

16 statut doivent être conservés de façon ordonnée et comme il se doit ;

17 e) toutes les actions des prisonniers de guerre militaire

18 doivent être justifiées ;

19 f) le traitement des prisonniers de guerre militaire doit se

20 conformer aux conventions de Genève et au droit international relatif au

21 traitement des prisonniers de guerre militaire.

22 2.- Il convient de faire connaître à tous les soldats le contenu

23 de cet ordre par le biais des commandants d'unité et des autorités de

24 propagande ;

25 3.- Le présent ordre entre en vigueur immédiatement. Les

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1 commandants de brigades et d'unités indépendantes dans la zone de Vitez

2 sont responsables devant moi de son exécution complète.

3 Signature : colonel Tihomir Balskic. "

4 Général, s'il vous plaît, dites-moi si vous avez rédigé cet

5 ordre ? Si c'est vous qui l'avez envoyé parce qu'il est bien destiné à

6 toutes les unités ?

7 M. Blaskic (interprétation). – Oui, cet ordre a été discuté

8 également lors du séminaire dont j'ai parlé il y a quelques instants, au

9 moment où j'ai rencontré les commandants militaires et où nous avons parlé

10 des organisations internationales -Croix-Rouge et autres- avec les

11 représentants du service d'information et de propagande, responsables

12 présents dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

13 M. Nobilo (interprétation). – Je pense que cet ordre parle de

14 lui-même, nous n'allons pas l'analyser en détail, j'aimerais simplement

15 vous demander de poursuivre le récit chronologique des événements.

16 M. Blaskic (interprétation). - Le 3 décembre 1993, nous avons eu

17 à faire face à une épidémie de grippe, de sorte qu'en trois jours, dans la

18 brigade Nikola Subic Zrinski de Busovaca, 84 soldats étaient déjà en

19 traitement loin des champs de bataille ; ils souffraient de la grippe et

20 la situation au sein de la brigade de Vitez était assez comparable.

21 Ce jour-là, j'ai été invité par le commandant du bataillon

22 d'assaut léger de Busovaca à me rendre à une réunion au cours de laquelle

23 nous avons discuté d'un certain nombre de questions. J'ai personnellement

24 demandé qu'il veille à rétablir l'ordre et un comportement militaire face

25 aux responsabilités des soldats au sein de leurs unités.

Page 18941

1 J'ai demandé qu'il remette de l'ordre dans leur structure

2 interne et qu'il harmonise le rôle de ces unités en fonction des

3 réglementations existantes. Il a également été question des garanties par

4 rapport à un futur encerclement éventuel et j'ai souligné notamment

5 qu'indépendamment de ce qui allait se produire un Etat de droit devait se

6 construire en Bosnie centrale et Bosnie-Herzégovine en dehors des points

7 de vue et des positions personnelles de telle ou telle personne.

8 Le 4 décembre 1993, j'ai travaillé à l'élaboration d'un plan de

9 lutte contre la criminalité en collaboration avec un certain nombre de

10 personnes qui y ont travaillé avec moi.

11 J'ai également recommencé à travailler à l'élaboration d'un

12 document destiné au quartier général principal portant sur le

13 démantèlement des unités spéciales, notamment unités spéciales de type A

14 en Bosnie centrale.

15 Le 6 décembre 1993, j'ai eu une réunion avec des représentants

16 du CICR avec un homme répondant au nom de "Dominique". Lors de cette

17 réunion, nous avons discuté d'un certain nombre de points, notamment du

18 problème du regroupement des familles suite aux combats et j'ai prié le

19 représentant du CICR de me dire quels étaient les critères applicables

20 dans ce type de regroupement familial, mais ces critères ne m'ont pas été

21 exposés.

22 Ce qui m'a été dit, en revanche, c'est que les regroupements

23 familiaux s'effectuaient bien en effet, mais uniquement dans des cas

24 particuliers.

25 Ensuite, j'ai fait savoir au représentant du CICR que des

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1 enfants étaient morts dans l'enclave de la Lasva. J'ai ajouté que nous

2 avions eu une centaine d'enfants blessés et décédés dans l'enclave et que,

3 ce jour-là, il y avait dans l'enclave près de 15 000 enfants âgés de moins

4 de 14 ans. Je l'ai informé de la pénurie que nous vivions, car nous

5 manquions de médecins. Je lui ai parlé de la famine qui existait dans la

6 vallée de la Lasva.

7 Le 7 décembre, j'ai reçu l'autorisation du chef de l'état-major

8 principal qui me permettait d'engager un juriste auprès des commandements

9 de brigade ; le but étant que ces juristes fournissent une aide

10 professionnelle vis-à-vis des actions et des mesures disciplinaires à

11 appliquer et que la discipline puisse être rétablie plus facilement.

12 J'ai eu une rencontre avec le colonel Williams, commandant du

13 Bataillon britannique de la Forpronu, ainsi qu'avec un officier de la

14 Forpronu, le major Laar, qui venait de Kiseljak, c'est-à-dire du

15 commandement de la Bosnie-Herzégovine. Au cours de cette réunion, nous

16 avons discuté des points suivants : la question de l'adduction d'eau

17 destinée à Novi Travnik, Nova Bila et Vitez. A ce sujet, il m'a été dit

18 que le commandant Kucic, commandant de la 10ème Brigade de Krajina de

19 l'armée de Bosnie-Herzégovine, allait dans la journée rouvrir l'eau

20 destinée à Novi Travnik et à Nova Bila. Nous avons discuté également du

21 problème de l'électricité, de la nécessité d'un certain nombre de

22 délestages. J'ai accepté d'apporter toute l'aide possible au responsable

23 chargé de réparer les lignes électriques.

24 J'ai prié le colonel Williams de transmettre au commandant du

25 3ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine notre proposition qui consistait à

Page 18943

1 demander une interruption des actions de combat pendant les congés de

2 Noël. J'ai proposé également personnellement que le HVO agisse de même au

3 moment des fêtes du Baïram et d'autres fêtes liées à la religion

4 musulmane.

5 Le 8 décembre, nous avons travaillé au sein du commandement à

6 l'élaboration d'un certain nombre de plans destinés à l'entraînement des

7 hommes : plans par thèmes, plans de déploiement, plans de répartition du

8 travail.

9 Le 9 décembre, nous avons organisé au sein du commandement une

10 manœuvre, un exercice qui portait sur les méthodes utilisées par les

11 tribunaux disciplinaires militaires au niveau des brigades et de la zone

12 opérationnelle. A cette occasion, nous avons fourni à tous les

13 participants à la réunion des documents qui établissaient les procédures à

14 suivre en la matière. Nous avons initié les hommes présents à toutes les

15 infractions de la discipline militaire pouvant faire l'objet de sanctions

16 disciplinaires. Nous avons également donné des exemples pratiques montrant

17 comment fonctionnait un tribunal de discipline militaire.

18 Au cours de la journée, j'ai également eu une conversation

19 téléphonique non cryptée avec le commandant Lozancic, de Zepce, qui nous a

20 permis d'organiser en toute sécurité le passage de trente camions du HCR

21 destinés à apporter de l'aide à la ville de Maglaj.

22 Le 13 décembre 1993, j'ai eu une rencontre avec un commandant de

23 la Forpronu, du bataillon nordique. Dans mes notes, il est écrit qu'il

24 s'appelait Harry Smith, mais je ne suis pas sûr de ce nom. Il m'a informé

25 quant à la situation de Vares : il m'a dit que près de 200 Croates

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1 résidaient dans la ville de Vares et que les villages croates environnants

2 avaient été incendiés et pillés. Je parle des villages de la municipalité

3 de Vares.

4 Le 14 décembre, j'ai reçu du commandant de la police militaire

5 un rapport portant sur les enquêtes relatives au convoi de Tuzla qui avait

6 été pillé. J'ai été informé que les véhicules du convoi de Tuzla, qui

7 avaient été enregistrés, étaient concernés par cette enquête : ils

8 allaient être restitués à la brigade logistique de Stojkovici. Un registre

9 spécial serait ouvert pour inscrire les véhicules à moteur et permettre la

10 restitution de ce type d'équipement.

11 Le 15 décembre 1993, à 15 heures, j'ai eu une rencontre avec

12 Brian Carter et M. Staf qui m'ont demandé des informations au sujet de ce

13 qui s'était dit au cours d'une réunion précédente entre le général Rasim

14 Delic et le général Ante Roso, chef d'état-major principal du HVO, réunion

15 qui s'était tenue à Visoko. J'ai répondu que je ne savais même pas que

16 cette réunion avait eu lieu, que je n'avais donc aucune connaissance liée

17 au déroulement de cette rencontre.

18 Le 17 décembre, j'ai eu une rencontre avec le colonel Williams,

19 commandant du Bataillon britannique de la Forpronu à Vitez à 9 heures 30.

20 Lors de cette réunion, j'ai appris que les convois "bijeliput", c'est-à-

21 dire "chemin blanc", et "mir", c'est-à-dire "paix", se préparaient. Le

22 convoi du chemin blanc était censé apporter de l'aide aux Croates et le

23 convoi de la paix était organisé par l'ambassade de Bosnie-Herzégovine à

24 Zagreb et destiné aux Musulmans bosniens de Bosnie centrale.

25 Le commandant Williams m'a également informé que le commandement

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1 du 3ème Corps d'armée avait fait droit à la demande que j'avais présentée

2 et que la décision prise par le 3ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine

3 consistait à entamer un cessez-le-feu à zéro heure une minute, le

4 23 décembre, et que cette trêve durerait jusqu'au 3 janvier à 24 heures.

5 Il s'agissait donc d'un cessez-le-feu, d'une trêve de Noël qui avait été

6 acceptée par le 3ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine.

7 Le 19 décembre 1993, je travaillais au sein du commandement de

8 la police militaire avec les commandants de compagnie et de patrouille

9 pour organiser l'entraînement et la formation des policiers militaires au

10 niveau inférieur de celle-ci, c'est-à-dire au niveau des pelotons et

11 escadrons. Nous avons travaillé sur l'élaboration de documents internes.

12 A partir du 19 décembre et jusqu'au 22 décembre 1993, les

13 convois "bijeliput", chemin blanc, et "mir", convois de la paix, sont

14 arrivés en Bosnie centrale.

15 Le 22 décembre, un ultimatum a été lancé par le 3ème Corps

16 d'armée de Bosnie-Herzégovine stipulant que le convoi "bijeliput" devait

17 rebrousser chemin.

18 M. Nobilo (interprétation). – Dites-nous, Général, le convoi

19 "bijeliput", chemin blanc, était-il le premier convoi d'aide que vous ayez

20 reçu ? Je parle d'aide alimentaire provenant de Croatie depuis le début du

21 siège, le 16 avril ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Oui, c'était le premier convoi de

23 ce type, mais nous consommions par jour 2 tonnes de farine alors que ce

24 convoi ne nous a permis de recevoir que 32 tonnes de farine.

25 M. Nobilo (interprétation). – Veuillez poursuivre, je vous prie.

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1 M. Blaskic (interprétation). - Le 22 décembre, le convoi

2 "bijeliput", chemin blanc, a donc dû rebrousser chemin.

3 A 5 heures 50, c'est-à-dire tôt le matin, une attaque

4 exceptionnellement violente a démarré à partir de Zenica et de Zabrde,

5 c'est-à-dire des positions tenues par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Les

6 combats ont duré jusqu'à 23 heures zéro minute et les actions les plus

7 violentes se sont déroulées dans les environs de Krizancevo Selo et au

8 niveau du hameau de Gornje Veceriska.

9 Nous avons perdu 217 soldats au cours de cette journée et

10 75 d'entre eux ont trouvé la mort à Krizancevo Selo. Si l'on compte le

11 nombre d'hommes rendus incapables de combattre, c'est-à-dire blessés et

12 disparus, ils étaient au nombre de 157 et, en provenance de Zabrde en

13 direction de l'usine d'explosifs, 60 soldats au total ont été rendus

14 inaptes au combat.

15 Cette attaque avait pour objet la prise de l'usine d'explosifs

16 et de la ville de Vitez même et l'armée de Bosnie-Herzégovine a réussi à

17 s'emparer de Krizancevo Selo à l'issue de cette attaque, ce qui lui a

18 ouvert la voie vers Vitez et Stari Vitez.

19 En même temps qu'avait lieu cette attaque, le retour du convoi

20 "bijeliput" a été organisé, ce convoi ayant dû rebrousser chemin sous les

21 balles.

22 J'étais au quartier général du 1er Bataillon au niveau de

23 Impregnacija, l'entreprise Impregnacija, et Krizancevo Selo. Quant au

24 commandant adjoint, M. Filipovic, il se trouvait à Donja Veceriska et,

25 pendant la deuxième partie de la nuit, nous avons échangé nos positions,

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1 c'est-à-dire que j'ai passé la deuxième partie de la nuit à

2 Donja Veceriska et lui à Krizancevo Selo.

3 A 23 heures, nous avons dû faire face à une pénurie en

4 munitions, à une disparition des munitions. J'ai demandé au chef d'état-

5 major de l'aide et, tôt le matin, nous avons reçu 14 762 balles, ce qui

6 était un nombre tout à fait infime, insuffisant pour un soldat qui combat

7 sur le front.

8 Tout au long de la journée du 23 décembre, Radio Zenica a

9 diffusé des appels destinés aux soldats du HVO, appels à la reddition. Les

10 attaques se sont poursuivies à partir de Bukve en direction de Jardol,

11 ainsi que dans le territoire situé entre Sljibcica, Krizancevo Selo et

12 dans la direction de Stari Vitez ainsi que depuis Kruscica dans la

13 direction de Bobasi et de l'usine d'explosifs.

14 Une nouvelle fois, le 23 décembre ou, pour être plus précis,

15 dans la nuit du 23 au 24 décembre, j'ai appelé le chef d'état-major

16 principal pour lui demander de faire quelque chose à partir de Kiseljak

17 afin d'alléger le fardeau qui pesait sur les positions de Vitez. Je lui ai

18 dit qu'il serait très difficile pour nous de tenir ces positions si les

19 attaques se poursuivaient. Je lui ai également parlé des pertes

20 importantes que nous avions subies et des difficultés que nous avions du

21 point de vue des munitions, ce qui nous empêchait de nous défendre

22 convenablement.

23 Le 25 décembre, nous avons travaillé à la consolidation des

24 positions défensives à Krizancevo Selo où une partie du front traversait

25 le village et se poursuivait derrière le village. Nous avons donc

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1 travaillé à la construction de nouvelles positions à Donja Veceriska.

2 Le 23 décembre, une attaque a eu lieu sur Busovaca et sur le

3 front de Vitez. L'attaque a été particulièrement violente aux alentours de

4 1 heure 30 à Zaselje.

5 Le 28 décembre 1993, M. Franjo Nakic, chef d'état-major du HVO,

6 a visité le secteur n° 2 de la défense de la brigade de Vitez. Au moment

7 où il a effectué cette visite, il s'est rendu compte que la moitié à peu

8 près des positions, c'est-à-dire des tranchées, avait été perdue et que le

9 commandant du bataillon n'en avait informé ni le commandant de la brigade

10 de Vitez ni le commandement de la zone opérationnelle qui ne savait pas

11 quand ces combats avaient commencé et quand ces positions avaient été

12 perdues. De sorte que ceci est encore un signe typique de la façon dont

13 les informations relatives aux pertes n'étaient pas transmises.

14 Le 31 décembre, le service de renseignements militaires m'a

15 informé du fait que l'armée de Bosnie-Herzégovine avait construit un poste

16 de commandement nouveau pour le 3ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine

17 dans l'église de Guca Gora.

18 Le 1er janvier 1994, j'ai émis un ordre destiné à la police

19 militaire à qui j'ordonnais de défendre les biens immeubles de

20 Krizancevo Selo contre le pillage, la destruction et l'incendie. Mais, en

21 raison du grand nombre de réfugiés, il était impossible de défendre ces

22 bâtiments. Les réfugiés ne pouvaient pas être arrêtés lorsqu'ils

23 essayaient de trouver des couvertures, du bois pour faire le feu, de la

24 nourriture et d'autres éléments, d'autres articles dans les bâtiments de

25 ce village.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Général, dites-nous, qui emportait

2 ces produits ? Quel était leur nationalité et quelle était la nationalité

3 des propriétaires des maisons de Krizancevo Selo où ces objets étaient

4 saisis ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Les Croates emportaient ces

6 articles et les propriétés des bâtiments de Krizancevo Selo d'où ces

7 articles étaient emportés étaient également des Croates. Mais il était

8 impossible, malgré tous les efforts, de les arrêter en raison de la faim

9 qui régnait et parce que les gens avaient besoin de survivre.

10 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre, je vous prie.

11 M. Blaskic (interprétation). - Le 1er janvier, douze policiers

12 militaires ont été expulsés de la police militaire pour faute

13 disciplinaire et en raison de l'attitude qu'ils avaient manifestée en

14 général dans leur travail, pour cause de vols notamment.

15 Le 2 janvier, les attaques de l'armée de Bosnie-Herzégovine se

16 sont poursuivies à Vitez et à Busovaca.

17 M. Nobilo (interprétation). - Un peu plus lentement, je vous

18 prie.

19 M. Blaskic (interprétation). - Donc, la direction principale de

20 ces attaques était dirigée vers Busovaca à partir de Kacuni. J'ai

21 travaillé à l'élaboration d'un nouveau plan avec mes collaborateurs pour

22 la vallée de la Lasva, pour l'enclave de la Lasva. Nous avons

23 principalement travaillé à la réorganisation des unités, à la création de

24 conditions favorables pour cette réorganisation et à la formation des

25 policiers militaires.

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1 Ce jour-là, nous avons fait le gros du travail, nous avons

2 défini les priorités de la défense comme étant la lutte contre les

3 criminels et le désarmement des gangs de voyous, ainsi que la définition

4 du rapport entre le commandant et les soldats, c'est-à-dire des relations

5 de commandement, le règlement des problèmes de vol et de saisie

6 d'appartement, ainsi que la tentative de convaincre certains commandants

7 par voie de rapports quant à la nécessité pour eux de nous transmettre des

8 informations en temps opportuns et des informations exactes nous

9 permettant de savoir réellement ce qui se passait et d'exercer notre

10 commandement.

11 J'ai également demandé de recevoir un rapport sommaire sur

12 toutes les mesures disciplinaires prises au sein des brigades. Et, en

13 général, une fois par semaine, j'ai continué à appliquer la pratique de

14 passer la journée dans le centre d'entraînement de la police militaire.

15 Le 3 janvier, j'ai déplacé mon poste de commandement à

16 Nova Bila, je l'ai transféré à Nova Bila, et ce jour-là j'ai reçu l'ordre

17 de prendre contact avec le chef d'état-major à Mostar.

18 Pendant la nuit du 3 janvier, je suis parti en hélicoptère pour

19 me rendre à l'état-major du HVO. Je me suis entretenu avec l'adjoint du

20 chef d'état-major le 5 janvier. Et c'est au cours de cet entretien que

21 j'ai informé le chef d'état-major de la situation militaire, des documents

22 que j'ai envoyés concernant la restructuration des unités du HVO dans la

23 vallée de la Lasva, et du besoin de placer toutes les unités sous les

24 ordres directs. Ensuite, j'ai parlé des rapports entre le centre SIS et

25 l'adjoint chargé de la sécurité, j'ai également demandé que l'on

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1 m'explique ce que je devais faire très exactement à propos des véhicules

2 et des équipements du convoi de Tuzla, que la police militaire réussissait

3 à trouver et à saisir les personnes qui les avaient volés auparavant. La

4 réponse que l'on m'a donnée, c'était que, pour le moment, ces équipements

5 et ces véhicules devaient rester à la base logistique de Stojkovici.

6 Après cette réunion qui a eu lieu le 5 janvier, j'ai reçu

7 l'autorisation de rendre visite à ma famille. Le 6 janvier, je suis parti

8 pour l'Autriche.

9 Dès le 8 janvier, le ministre de la Défense m'a rappelé

10 d'urgence en me disant que, vu la situation qui devenait de plus en plus

11 compliquée, je devais retourner tout de suite à Vitez. J'ai d'abord voyagé

12 en Autriche en voiture ; ensuite, j'ai pris un avion et après j'ai repris

13 une voiture. Le 8 janvier, je suis retourné sur place et j'ai pris contact

14 avec le chef d'état-major.

15 J'ai reçu l'information que la création de la brigade de gardes

16 avait été octroyée par le ministre de la Défense et que je pouvais

17 procéder à la restructuration des unités spéciales de type A -donc il

18 s'agissait de l'unité des Vitezovi- et que je pouvais aussi restructurer

19 les unités du bataillon d'assaut léger faisant partie de la 3ème Brigade de

20 gardes.

21 M. Nobilo (interprétation). - Etant donné qu'il s'agit là d'un

22 sujet très important et qu'on a presque terminé avec nos travaux

23 aujourd'hui, je propose que l'on suspende l'audience maintenant et que

24 l'on continue demain matin.

25 M. le Président. - D'accord, Maître Nobilo.

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1 Je voulais simplement vous demander où vous en étiez par rapport

2 à la fin de l'interrogatoire principal ?

3 M. Nobilo (interprétation). - Nous avons presque terminé.

4 D'après mes notes, nous avons deux ou trois pages de chronologie.

5 Après cela, nous souhaitons présenter au témoin certaines pièces

6 à conviction liées aux témoignages d'autres témoins.

7 Ensuite, nous souhaitons attirer votre attention sur quelques

8 résumés concernant les éléments clés de son témoignage.

9 Donc, en tout, nous pouvons dire que nous aurons encore besoin

10 de trois ou quatre heures. Après cela, nous aurons terminé.

11 M. le Président. - On peut penser terminer demain ?

12 M. Nobilo (interprétation). - Si demain nous avons un autre

13 témoin, cela veut dire...

14 M. le Président. - Oui, nous avons demain un témoin qui va peut-

15 être prendre la journée. Donc, demain jeudi, nous avons un témoin à huis

16 clos. J'espère que cela ne prendra pas la toute la journée de demain.

17 Nous allons nous retrouver demain matin à 10 heures.

18 Monsieur le Greffier, vous notez que demain nous avons un témoin

19 à huis clos, avec mesures de protection.

20 J'espère que nous pourrons terminer demain après-midi, avec la

21 longue déposition de l'accusé.

22 Merci, Maître Nobilo.

23 L'audience est levée. Elle reprendra demain matin à 10 heures.

24 L'audience est levée à 17 heures 30.

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