Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 04 mai 1999

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5 Le Procureur c/ Tihomir Blaskic

6 L'audience est ouverte à 10 h 10.

7 M. le Président. - Monsieur le Greffier, pouvez-vous introduire

8 le témoin ?

9 Je salue les interprètes.

10 Les interprètes. - Bonjour monsieur le Président.

11 M. le Président. - Je salue les conseils de l'accusation et de

12 la défense. Je rappelle au public, qui a l'air d'être nombreux

13 aujourd'hui, que nous continuons. Il s'agit de la phase du contre-

14 interrogatoire de l'accusé, mais qui est en position de témoin. Il est

15 donc sous serment.

16 Je donne la parole au Procureur dès que le Général Blaskic sera

17 installé, Général Blaskic que je salue.

18 (Le général salue le Président.)

19 M. le Président. – Monsieur le Procureur ?

20 M. Kehoe (interprétation). – Bonjour monsieur le Président,

21 bonjour messieurs les conseils de la défense, bonjour Général.

22 Suite aux instructions que j'ai reçues de votre part,

23 monsieur le Président, ou plutôt de la part de M. le Greffier, puis-je

24 revenir sur les documents que nous avons examinés hier ?

25 J'ai divisé le temps comme cela m'a été demandé.

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1 M. le Président. - Nous pouvons affecter des cotes séparées à

2 chacune de ces séquences de document, n'est-ce pas ?

3 M. Abtahi (interprétation). – Oui, monsieur le Président.

4 (Les Juges se consultent sur le Siège.)

5 M. Abtahi (interprétation). – Il s'agira de la pièce de

6 l'accusation 609, 609 a) pour la version en français et 609 b) pour la

7 version anglaise.

8 M. Kehoe (interprétation). – Nous aurons davantage de documents,

9 monsieur le Greffier. Puis-je maintenant demander l'assistance de

10 l'huissier s'il vous plaît ?

11 M. le Président. - Les Juges vous donnent la décision concernant

12 les demandes de huis clos qui avait été présentées par la défense au vu

13 des circonstances.

14 M. Kehoe (interprétation). – Excusez-moi, monsieur le Président.

15 Je pense que Me Harmon voudrait vous apporter des éléments

16 supplémentaires.

17 M. Hayman (interprétation). – Peut-on passer en audience à huis

18 clos partiel s'il vous plaît ? Plus tôt.

19 M. le Président. - Je vous rappelle que normalement, c'était

20 maintenant aux Juges de rendre leur décision. Le débat était en principe

21 clos, mais il est d'usage dans cette enceinte que tant que les parties ont

22 des observations à formuler, elles les formulent.

23 M. Hayman (interprétation). – Oui, tout à fait. Nous pensons

24 simplement que le sujet de notre objection est tel que ce serait mieux de

25 le discuter à huis clos partiel plutôt qu'autrement.

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1 Bien entendu, la Chambre peut prononcer sa décision sans

2 identifier les personnes concernées, mais sinon ce serait peut-être mieux

3 de passer à huis clos partiel.

4 M. le Président. - Voulez-vous, monsieur le Procureur, qu'on

5 passe à huis clos partiel pour recueillir vos dernières observations ?

6 Sinon, la Chambre était sur le point de rendre sa décision. Nous avions en

7 principe terminé le débat hier.

8 M. Harmon (interprétation). – Je voudrais simplement ajouter

9 quelques informations, monsieur le Président, deux informations à

10 destination des Juges.

11 M. le Président. - Si vous voulez ajouter des informations,

12 d'abord il y a le préalable demandé par la défense, à savoir si vous

13 voulez présenter ces observations.

14 M. Harmon (interprétation). – Je suis d'accord avec cette

15 demande.

16 M. le Président. - Alors une session courte de huis clos.

17 Il s'agit d'un incident qui a été provoqué sur une requête de la

18 défense concernant un point qui doit être traité à huis clos partiel et

19 temporaire. Les Juges doivent rendre leur décision, mais il semble qu'il y

20 ait quelques observations supplémentaires. Nous rouvrons le débat

21 exceptionnellement. Les Juges n'aiment pas beaucoup cela, mais ils vont le

22 faire exceptionnellement.

23 Audience à huis clos partiel

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15 Audience publique

16 Monsieur le Président, pendant que la Chambre s'était retirée,

17 M. le Greffier et moi-même avons pré-numéroté un certain nombre de

18 documents ; cela va de 609 jusqu'à 614, pièces de l'accusation.

19 Tous ces documents, monsieur le Président, messieurs les Juges,

20 devraient figurer dans les trois versions BCS, français et anglais.

21 M. Abtahi. - Il s'agira des pièces de l'accusation portant les

22 cotes 609, 610, 611, 612, 613 et 614 avec, à chaque fois, une version en

23 français, une version en anglais. La version française portant la cote

24 avec a) et la version en anglais portera toujours la cote b).

25 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, le Procureur

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1 n'a pas l'intention de passer en détail tous ces documents qui parlent

2 d'eux-mêmes, mais nous allons voir brièvement chacun de ces documents.

3 Le premier de ces documents a à voir avec l'assassinat d'un

4 individu qui s'appellera Drazen Gvozden qui était membre de l'armée de la

5 République de Croatie. Il a été tué le 03 octobre 1993, dans la région de

6 Siroki Brijeg en Herzégovine. Quand il a été tué, il était membre de

7 l'armée de Croatie.

8 M. le Président. – Document 610 ou 609 ? Il me semblait que

9 le 609 faisait allusion à Marinko Musa.

10 M. Kehoe (interprétation). - Je vais les prendre dans l'ordre

11 chronologique.

12 Donc la pièce 609 : il s'agit d'un jugement de Marinko Musa qui

13 a été accusé d'avoir tué un homme. Puis nous avons l'assassinat de Drazen.

14 (L'interprète ne peut pas comprendre le nom.)

15 Nous avons également le jugement du Tribunal militaire de

16 Mostar. M. Musa a été acquitté. Le jugement dans la pièce 609 montre que

17 M. Musa a tiré et a tué M. Gvozden, mais il a été acquitté pour des

18 raisons de circonstances atténuantes.

19 Puis nous avons le document 610, un certificat du HVO où il est

20 dit que M. Gvozden a été tué dans un combat contre les forces armées

21 musulmanes sur la montagne Hum près de Mostar, le 03 octobre 1993. Ce qui

22 s'oppose au document précédent où M. Musa a effectivement tiré sur

23 M. Gvozden et l'a tué.

24 Nous avons un document suivant, monsieur le Président, un

25 article de journal qui montre que la famille Gvozden a porté plainte

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1 contre la République de Croatie et la République de Herceg-Bosna au sujet

2 de l'assassinat de M. Gvozden. Et dès l'entrée de ce texte, j'appelle

3 votre attention sur la première ligne de la pièce 611, il est dit :

4 " Drazen Gvozden, membre de l'armée de Croatie de Sesvete a été tué sur le

5 mont Hum, près de Mostar en octobre 1993."

6 Cette plainte a été déposée à Zagreb et le document passe par

7 l'avocat Ranko Radovic qui représente la famille Gvozden et cela revient à

8 Mostar, à la République croate d'Herceg-Bosnie. Dans le deuxième

9 paragraphe de cet article, il est dit que la famille Gvozden estime que

10 Drazen est mort en tant que membre de l'armée croate -145ème brigade- après

11 avoir été tué par Marinko, membre du HVO.

12 Dans le troisième paragraphe il est dit que M. Gvozden au moment

13 de sa mort, était commandant adjoint de la 145ème brigade de l'armée

14 croate. Puis, excusez-moi, au quatrième paragraphe, l'avant-dernier

15 paragraphe, il est dit que les dommages et intérêts qui sont demandés par

16 la mère et le père s'élèvent à 60 millions de dinars croates, alors que

17 40 millions de dinars sont demandés par la soeur du défunt.

18 Puis, c'est dans le dernier paragraphe, la première phrase est :

19 " Que s'est-il passé près de Mostar, comment Gvozden est-il mort ? " Et

20 d'après l'avocat, il est parti pour le front du sud, en tant que membre de

21 l'armée croate et il portait l'insigne du HVO au moment de sa mort.

22 C'est donc l'avocat Ranko Radovic qui défend ici un des co-

23 accusés dans l'affaire Kupreskic. Le certificat suivant, la pièce 612, est

24 une décision qui émane du Président de la République de Croatie, docteur

25 Frandjo Tudjman, qui, à titre posthume, accorde le grade d'officier de

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1 réserve à Drazen Gvozden de l'armée de République de Croatie.

2 Il est dit que M. Gvozden était membre de la 145ème brigade de

3 Zagreb de Dubrava.

4 La pièce 613, monsieur le Président, messieurs les Juges est un

5 document qui vient de l'Association des familles des morts et des blessés

6 de République de Croatie. Ce document est un document qui porte la

7 photographie de M. Gvozden. Il en ressort que Drazen Gvozden était membre

8 de la 145ème brigade de l'armée croate, qu'il est mort dimanche, le

9 03 octobre 1993, sur le front sud.

10 Le dernier document est le certificat de décès, excusez-moi, ce

11 serait la pièce 614 de l'accusation. Ce document également montre que

12 Gvozden était membre de la

13 145ème brigade et qu'au moment où il est mort, il était déployé sur le

14 front sud.

15 Général, nous avons donc un officier, excusez-moi un soldat de

16 l'armée croate qui a été tué dans la zone de Mostar le 03 octobre 1993.

17 Nous avons une décision qui fait porter la responsabilité de cet

18 assassinat à Marinko Musa et cela, à la date du 09 septembre 1994. Je

19 parle de la pièce 609.

20 Monsieur, le 09 septembre 1994 vous étiez chef d'état-major du

21 HVO à Mostar. En cette qualité, avez-vous étudié ce cas-là où d'autres cas

22 de cette nature où des soldats de la HV ou de la République de Croatie ont

23 été morts ou blessés dans la région de Mostar ?

24 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président,

25 messieurs les Juges, avant tout, je dois dire que cet événement s'est

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1 produit le 03 octobre 1993. Je ne suis pas un juriste. Il y a ici beaucoup

2 de documents et je ne peux que les commenter. Le 03 octobre 1993, je me

3 trouvais dans l'enclave de la Lasva, je devais lutter pour la survie de

4 mes hommes et j'avais 35 000 réfugiés dans l'enclave de la Lasva.

5 Puis, je dois dire également qu'en tant que chef d'état-major,

6 en ce qui concerne le 09 septembre -la date où le Tribunal militaire se

7 prononce-, je dois dire que ce n'était pas dans mes compétences de

8 surveiller le travail du Tribunal militaire. Et je n'ai jamais pris

9 connaissance de cette affaire, même pas auparavant. Ce n'est

10 qu'aujourd'hui que je l'apprends, parce que ce Tribunal militaire était

11 sous les compétences du ministère de la Justice et de l'administration de

12 la République croate d'Herceg-Bosnie et du ministère de la Défense de la

13 République croate d'Herceg-Bosna.

14 Donc, concernant ces événements, je ne peux en savoir que ce que

15 je viens d'apprendre en prenant connaissance de ces documents. C'est la

16 première fois que je l'apprends.

17 Ce que je peux dire, c'est qu'il y a eu effectivement, à un

18 certain nombre d'occasions, ce genre de situation où, suite à la trêve,

19 les officiers ou les soldats de l'armée croate gelaient leur service en

20 Croatie. Ceux qui étaient nés en Bosnie-Herzégovine, souvent,

21 reprenaient service au sein du HVO. Mais concernant ce cas particulier, je

22 viens de l'apprendre à l'instant.

23 M. Kehoe (interprétation). - C'est une décision du Tribunal

24 militaire régional, le 09 septembre. Et l'article du journal, la

25 pièce 611, date du 28 octobre 1994. Vous dites que, suite à cette décision

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1 et suite à la plainte qui a été portée contre la République croate

2 d'Herceg-Bosnie, vous ne saviez rien de cette affaire touchant

3 Drazen Gvozden et sa mort en tant que soldat de l'armée croate qui était

4 déployée sur le front sud ?

5 M. Blaskic (interprétation). – Ce que je peux affirmer, c'est

6 que je n'ai jamais pris connaissance officiellement de cet événement. Je

7 ne m'en souviens pas. Quant à cet événement du 03 octobre, monsieur le

8 Président, messieurs les Juges, j'étais commandant dans l'enclave de la

9 Lasva. J'étais totalement encerclé ; c'était cette région-là. Quant à ce

10 Tribunal militaire de district, je n'ai jamais eu ce Tribunal sous mes

11 compétences. Je n'ai eu aucune autorité sur ce Tribunal et ce n'était

12 pas...

13 M. le Président. – (inaudible)… répéter le témoin. Il vous a

14 donné deux arguments en réponse. Soit c'est le 03 octobre, il était dans

15 son enclave, soit c'est septembre 1994 et ce n'était pas dans ses

16 compétences. Donc, essayons d'avancer s'il vous plaît.

17 M. Kehoe (interprétation). – Oui, je comprends, monsieur le

18 Président. Une dernière question : cet individu est né à Zagreb d'après

19 son certificat de décès. Vous venez de dire, Général, que vous n'aviez pas

20 d'informations officielles.

21 Pendant que vous étiez chef d'état-major ou chef d'état-major

22 adjoint ou à un moment quelconque de votre carrière, avez-vous entendu

23 parler de cette affaire concernant Drazen Gvozden ?

24 M. Blaskic (interprétation). - A un moment quelconque, j'en ai

25 entendu parler. Aujourd'hui, quant au passé, je ne peux pas le dire avec

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1 une certitude absolue. J'ai essayé de vous répondre dans la mesure du

2 possible concernant ce cas et d'autres. Mais d'ailleurs, cette

3 décision du Tribunal militaire ne m'a pas été communiquée. Peut-être,

4 ultérieurement dans une correspondance, quelqu'un aurait demandé des

5 documents concernant ce soldat. C'est possible. Je ne l'exclus pas. Mais

6 moi personnellement, je n'ai pas connaissance, je n'avais pas connaissance

7 de ce cas. Je vous dis : je ne savais pas pendant combien d'heures

8 j'allais rester à Vitez. Ce qui m'intéressait avant tout, c'était de

9 survivre ; j'avais 35, 40 000 réfugiés dans cette enclave en octobre 1993.

10 M. Kehoe (interprétation). - Bien entendu, les documents que

11 vous avez vus, le jugement du Tribunal militaire de Mostar et l'article de

12 presse, cela date de la période où vous étiez à Mostar et où vous étiez

13 chef d'état-major. N'est-ce pas exact ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Je n'étais pas à Mostar chef

15 d'état-major. Il faut être précis, monsieur le Président, messieurs les

16 Juges. Le quartier général, au moment où moi j'étais chef d'état-major, se

17 trouvait à Posusje. Or, la date du 28 octobre 1994, c'est le moment qui

18 précède l'opération de libération de Kupres et de tout le plateau de

19 Kupres. Il s'agit de 600 km2 d'une immense opération. Moi j'étais une des

20 personnes qui ont participé à la préparation de cette opération, ensemble

21 avec le commandant du 7ème corps d'armée de Bosnie-Herzégovine. Je l'ai

22 déjà dit, je m'intéressais avant tout à des opérations de combat ; j'étais

23 commandant pendant la guerre.

24 M. le Président. – Désormais, je voudrais qu'on avance de façon

25 efficace. Quand une question a été posée, il y a apporté une réponse ;

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1 elle vous convient, elle ne vous convient pas, c'est le problème de

2 chacune des parties. Nous n'allons pas revenir éternellement à cette

3 question. Le témoin a répondu. Monsieur le Procureur, essayez de passer à

4 un autre sujet ou si vous voulez rester à ce sujet, posez une question de

5 nature différente. Nous n'allons pas répéter toujours la même chose. Sinon

6 nous ne nous en sortirons jamais.

7 M. Kehoe (interprétation). – Oui, tout à fait monsieur le

8 Président. Une dernière question, si vous me le permettez, puis je vais

9 changer de sujet.

10 Nous allons passer à la situation en Bosnie-Herzégovine au

11 moment où vous y êtes arrivé en avril 1992. Et le premier document que je

12 souhaite vous montrer, c'est la pièce de l'accusation 406/2.

13 Une question, Général ! Vous avez déjà vu ce document. Nous

14 allons focaliser notre attention… Avant de parler de ce document, il porte

15 la date du 12 novembre 1991. Les noms qu'il porte sont ceux du Président

16 du centre de crise régionale, Mate Boban et du Président de la communauté

17 régionale de Travnik, Dario Kordic. Nous allons lire le paragraphe n° 1 de

18 ce document. La date est le 12 novembre 1991.

19 " La communauté régionale croate et la communauté régionale de Travnik

20 considèrent toujours que sont valables les conclusions adoptées lors des

21 réunions précédentes, à savoir que le peuple croate de cette région ainsi

22 que de l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine soutient à l'unanimité

23 l'orientation qui a été acceptée ainsi que les conclusions qui ont été

24 adoptées en accord avec le Président, le docteur Franjo Tudjman les 13 et

25 20 juin 1991 à Zagreb.

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1 Sur la base des conclusions de ces réunions ci-dessus

2 mentionnées ainsi que de l'accord de Zagreb, ainsi des conclusions

3 séparées du 15 octobre 1991 de Grude et du 22 octobre 1991 de Busovaca, et

4 à cette occasion, le 12 novembre 1991, ces deux communautés régionales ont

5 décidé à l'unanimité que le peuple croate de Bosnie-Herzégovine doit enfin

6 adopter une politique déterminée et active qui lui permettra de réaliser

7 son rêve de toujours, à savoir un Etat croate commun. "

8 Général, ce rêve éternel de se doter d'un Etat croate commun est

9 le fait de réunifier... vise à réunifier le peuple croate de Bosnie-

10 Herzégovine avec celui de la République de Croatie, n'est-ce pas ?

11 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président,

12 messieurs les Juges, le 12 novembre 1991 je me trouvais en Autriche. Quant

13 à ces événements, je n'en avais pas connaissance hormis ce que je viens

14 d'en apprendre. Je n'ai pas participé à ces réunions, à

15 aucune d'elles. Je ne me suis pas entretenu avec le Président du centre de

16 crises régionales pour la Herzégovine ni avec le Président de la

17 communauté de Travnik au sujet de ce document. Ce que je sais, c’est que

18 les Croates d’Herzégovine, lors du référendum au sujet de la Bosnie-

19 Herzégovine, se sont prononcés pour une Bosnie-Herzégovine unitaire et

20 souveraine. Ce qui ressort de ce document, là, je n'en ai aucune

21 connaissance de première main. Est-ce que je peux le consulter encore un

22 petit peu, l'ensemble du document ?

23 M. Kehoe (interprétation). – Bien entendu, Général.

24 M. le Président. - Je voudrais recentrer un peu le débat. Le

25 problème n'est pas tellement de savoir s'il faut lire tout ce document. De

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1 toutes façons, le témoin n'était pas là le 12 novembre 1991. Peut-être la

2 question est-elle de savoir si le témoin adhérait à cette thèse de l'Etat

3 croate. C'est cela la question. Il faut aller droit au but. Ne perdons pas

4 de temps s'il vous plaît.

5 La phrase est très claire : " ont décidé à l'unanimité que le

6 peuple croate de Bosnie-Herzégovine devait enfin opter pour une politique

7 active et déterminée en vue de réaliser notre rêve éternel, un Etat croate

8 commun. " Le problème est de savoir ce que le témoin en pense. Adhérait-il

9 ou pas ? Cela lui était-il indifférent ? Voilà les questions ! On ne va

10 pas faire relire tout le document.

11 M. Blaskic (interprétation). – Si vous me le permettez, je

12 souhaite répondre, monsieur le Président. Au point 2 de ce document, il

13 est dit que même dans une partie des dirigeants du HDZ, il y a… en fait je

14 ne veux pas lire le reste. Je dois dire que j'étais prêt à venir en

15 Bosnie-Herzégovine pour apporter mon aide professionnelle pour la défense

16 contre l'agression. Telle était ma position depuis le début. Je n'ai

17 jamais pris part à l'élaboration d'un projet politique quelconque. Je n'ai

18 jamais mis en application un projet politique quelconque. Celui-ci non

19 plus par conséquent. Je peux vous parler des positions, des tranchées, des

20 fronts où j’ai moi-même combattu en tant que soldat dans la défense.

21 M. le Président. - Je vous remercie. Je remercie monsieur le

22 Témoin. C'est le type de question qu'on doit attendre dans un débat comme

23 celui-ci.

24 M. Kehoe (interprétation). – Général, ces deux auteurs des

25 documents, Mate Boban était Président de la communauté croate de Herceg-

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1 Bosna et Dario Kordic était le vice-Président. Ils se trouvaient tous les

2 deux dans la région de Bosnie centrale au moment où vous étiez commandant

3 de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, n'est-ce pas ?

4 M. Blaskic (interprétation). – C'est exact, mais lors de la

5 première rencontre que j'ai eue avec Mate Boban, il m'a été dit

6 précisément que ce qu'il demandait aux officiers du HVO, c'était d'être

7 apolitique et que toutes les actions politiques, il souhaitait que les

8 officiers les laissent entre les mains des représentants politiques des

9 Croates de Bosnie-Herzégovine. Et le règlement du HVO prévoit également le

10 caractère apolitique du HVO. Lors de mes rencontres avec mes

11 collaborateurs, j'ai toujours insisté sur le fait que la politique n'était

12 pas notre préoccupation à nous, soldats.

13 M. Kehoe (interprétation). – Général, restons sur ce même

14 document. Je vous prierai de bien vouloir lire le paragraphe suivant de ce

15 document où il est question de la Banovina croate.

16 " De façon à ce que cet objectif devienne bientôt une réalité,

17 ces deux communautés régionales demandent que des documents légaux et

18 politiques soient préparés et rédigés, qui prévoient la création d'une

19 Banovina croate en Herceg-Bosna et l'organisation d'un référendum au sujet

20 de l'adhésion à la République de Croatie, ce qui constituera la première

21 étape sur la voie du règlement définitif de la question croate vers la

22 création de… " et là, il y a quelques mots illisibles.

23 Phrase suivante du paragraphe 2, ensuite, je cite : " Il y a des

24 forces au sein de la direction politique du HDZ qui s'opposent à la

25 réalisation de l'objectif du peuple. Il existe encore des forces au sein

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1 du HDZ et de sa direction en Bosnie-Herzégovine qui s'opposent aux

2 intérêts historiques du peuple croate de Bosnie-Herzégovine. Ces forces

3 sont favorables à la non-existence de la souveraineté de la Bosnie-

4 Herzégovine dans laquelle le peuple croate serait condamné au génocide et

5 disparaîtrait de l'histoire. " Fin de citation.

6 Alors Général, avez-vous jamais fait des commentaires dans des

7 documents au sujet des intérêts historiques et de la responsabilité

8 historique ? Quel est le fond de l'intérêt historique ou de la

9 responsabilité historique du peuple croate ? Que pensez-vous de cela ?

10 M. Blaskic (interprétation). – En tant que soldat, lorsque je

11 parlais à mes soldats, j'insistais sur la nécessité que mes soldats soient

12 à la hauteur de la responsabilité historique. Je dis bien responsabilité

13 historique, et en disant cela je pensais au fait que l'Histoire

14 déterminerait le rôle de chaque soldat et de chaque officier, y compris

15 s'agissant de la nature des ordres et de la qualité de l'exécution des

16 activités de combat.

17 C'est dans ce sens que je parlais dans le but d'élever le moral

18 des troupes qui étaient placées sous mes ordres. D'ailleurs, c'est ce qui

19 émane de ce que l'on m'a appris dans l'ancienne JNA, s'agissant du contenu

20 des ordres qui avaient en général pour but d'élever le moral des troupes.

21 Je crois que c'est le devoir de tout commandant militaire.

22 M. Kehoe (interprétation). - Général, l'importance de cette

23 Banovina a continué à exister, a continué à faire l'objet de débats au

24 sein des dirigeants de la communauté croate de Herceg-Bosna, même après

25 votre arrivée en Bosnie centrale, le 14 avril 1992. N'est-ce pas ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Dans ce document, nous lisons que

2 des documents seront publiés, qu'un référendum sera organisé. Moi, je n'ai

3 pas connaissance qu'un tel référendum ait eu lieu. Peut-être a-t-il eu

4 lieu ? Je ne sais pas. Ce que je dis encore, c'est que je n'ai participé

5 qu'à deux réunions de représentants politiques en Bosnie centrale.

6 Car, une fois que j'ai été nommé commandant de la zone

7 opérationnelle de Bosnie centrale, j'ai passé la majeure partie de mon

8 temps sur les champs de bataille de Jajce. En tout cas, une grande partie

9 du mois d'août et le mois de septembre !

10 Je sais que par la suite, le peuple croate a opté pour

11 l'indépendance, la souveraineté de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, avec

12 trois constituantes, trois composantes ; c'est ce qui est dit ici. Mais je

13 ne me rappelle pas qu'il y ait eu un référendum tel que celui mentionné

14 dans le texte.

15 M. Kehoe (interprétation). - Général, je vous demande si la

16 discussion au sujet de la Banovina s'est poursuivie après, dans la période

17 ultérieure à votre arrivée en Bosnie centrale le 14 avril 1992. Oui ou

18 non ?

19 M. Blaskic (interprétation). – Si vous m'interrogez sur le plan

20 militaire, si vous m'interrogez au sujet de mes collaborateurs, je n'ai

21 aucune connaissance de cela. Ce débat s'est-il poursuivi ou pas ? Je ne me

22 considère pas compétent pour répondre à cela parce que je ne sais pas.

23 Peut-être s'est-il poursuivi ? Peut-être pas ? Mais je crois que les

24 représentants politiques sont mieux à même de répondre à cette question.

25 M. Kehoe (interprétation). – Eh bien, parlons encore de quelques

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1 autres documents.

2 M. le Président. – Attendez, je voudrais poser au témoin une

3 question : dans ce document, Général Blaskic, je suis intéressé par la fin

4 de ce document. Vous avez la fin ?

5 On dit : " Afin de mettre en œuvre les conclusions énoncées aux

6 deux premiers points, nous devons -c'est Mate Boban, Dario Kordic qui dit

7 ça.

8 M. Blaskic (interprétation). – Oui, oui, monsieur le Président.

9 M. le Président. – Les conclusions énoncées, c'est-à-dire le

10 rêve éternel, l'Etat croate commun, nous devons et j'appelle votre

11 attention sur le petit c) et le petit d).

12 " Mieux se préparer militairement à la lutte contre toutes ces

13 forces qui tendent d'entraver l'inévitable processus de création d'un Etat

14 croate libre ", souligné à la main.

15 Et petit d) : " Prévoir et empêcher catégoriquement toute

16 activité publique ou secrète au sein de la direction qui viserait de

17 quelque manière que ce soit à s'opposer à ces

18 décisions. "

19 Alors moi, la question qui m'intéresse est celle-ci : vous

20 n'êtes pas là ; vous êtes encore en Autriche, mais quand vous êtes nommé

21 pour exercer des fonctions de responsabilité militaire de haut niveau,

22 est-ce que Mate Boban ou Dario Kordic vous entretiennent de ce projet

23 d'Etat croate libre ? Ou bien est-ce qu'ils vous disent : tu n'es qu'un

24 militaire ; tu ne t'occupes que de troupes ?

25 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, j'ai parlé

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1 de ma nomination. Je suppose que vous parlez de la date à laquelle j'ai

2 été nommé au poste de commandant de la zone opérationnelle de Bosnie

3 centrale ?

4 M. le Président (interprétation). – Oui.

5 M. Blaskic (interprétation). – En un mois, j'ai été le cinquième

6 commandant nommé à ce poste. Donc, au moment de ma nomination et également

7 par la suite, il ne m'a jamais été demandé d'exécuter un programme

8 politique. La situation était telle qu'il importait de se concentrer avant

9 tout sur la défense, sur les nécessités de la défense car c'était une

10 époque où plus de 70 % de la Bosnie-Herzégovine était occupée par les

11 forces de l'armée serbe en 1992.

12 M. le Président. – J'y vois plutôt, au contraire, un argument

13 pour dire qu'au cinquième commandant, justement, les politiques ont

14 tendance à choisir quelqu'un qui va dans leur sens politique. Quand même,

15 vous voyez un Mate Boban, un Dario Kordic choisir un opposant aux thèses

16 politiques pour occuper une telle responsabilité militaire ?

17 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président,

18 messieurs les Juges, personne ne m'a confronté à des objectifs politiques.

19 Il m'a été dit précisément que le HVO, c'est-à-dire la composante

20 militaire, était apolitique et que j'avais pour tâche, exclusivement, une

21 mission militaire. C'est-à-dire préparer la défense et organiser le peuple

22 armé. C'est de cette façon que j'ai compris ces instructions.

23 Le règlement du HVO prévoit également le caractère apolitique du

24 HVO. Je n'ai jamais été responsabilisé pour la réalisation d'un programme

25 politique et je n'étais pas membre du Parti.

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1 M. le Président. – Vous êtes libre de ne pas répondre, si vous

2 le voulez. Mais, finalement, avec le recul du temps, vous étiez pour un

3 Etat croate libre ? Ou vous étiez plutôt un souverainiste ? C'est-à-dire

4 quelqu'un plutôt estimant que le seul Etat véritablement valable était la

5 Bosnie.

6 Si vous estimez que cette question peut vous porter préjudice,

7 vous n'y répondez pas, je vous mets très à l'aise. Mais quand même, on

8 peut se poser la question de savoir : qu'est-ce que c'est ces chaires

9 politiques qui ont un grand rêve d'Etat croate et puis qui, tout d'un

10 coup, choisiraient un militaire qui leur dirait : oh ! Moi, vous savez je

11 suis complètement apolitique et même je vais vous dire tout de suite que

12 je suis pour la souveraineté de Sarajevo parce que c'est cela qui me plaît

13 davantage sur le plan institutionnel ?

14 Quand même, Général Blaskic, il y a quand même quelque chose qui

15 ne colle pas quand on voit la fin de ce document. Vous pouvez nous

16 expliquer un peu ?

17 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président,

18 messieurs les Juges, je crois qu'au mois de mars 1993, si je ne me trompe

19 pas de mois, lors d'une réunion d'une conférence de presse publique dont

20 j'ai parlé ici, la conférence de presse qui s'est tenue à Busovaca, la

21 même question a été abordée par moi. J'ai dit que le HVO se battait pour

22 notre patrie, la Bosnie-Herzégovine, que notre objectif était de combattre

23 l'agresseur de notre patrie qui était également notre patrie. Donc,

24 j'avais en tête le principe de l'égalité avec les autres composantes. Je

25 l'ai dit publiquement en 1993.

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1 M. le Président. – Alors je vous pose ma dernière question :

2 est-ce que dans cette clause de conscience que vous faites jouer, est-ce

3 qu'un jour, vous dites à Mate Boban ou à Dario Kordic, vous leur dites :

4 " Vous savez, moi, je viens parce que je suis un brillant officier ; moi,

5 je sais faire des tranchées ; moi, je sais placer des mitrailleuses ; moi,

6 je sais entraîner des troupes ; mais par contre, votre histoire de l'Etat

7 croate ne m'intéresse pas ? "

8 Est-ce que vous avez fait cela une fois avec Mate Boban et

9 Dario Kordic ?

10 M. Blaskic (interprétation). - J'ai eu de très rares rencontres

11 avec M. Mate Boban. Le document que j'ai sous les yeux, je ne l'ai pas vu

12 avant de le voir ici au Tribunal. Je n'avais pas la possibilité…

13 M. le Président. – Ne me répondez pas en disant que vous n'étiez

14 pas là. Je sais très bien que vous étiez en Autriche. Ce qui m'intéresse,

15 c'est de savoir si vous avez un degré de conviction politique tel que

16 quand vous mettez votre savoir-faire militaire à la disposition de ces

17 dirigeants politiques enflammés, est-ce que vous savez ce que vous

18 faites ? Voilà, c'est cela ma question.

19 Vous luttez pour un Etat croate un jour futur ? Ou est-ce que

20 vous luttez pour un Etat institutionnel à Sarajevo ? Vous luttez pour

21 quoi ? Vous ne luttez pas pour rien quand même ? Vous rentrez d'Autriche,

22 vous prenez un commandant très périlleux, très risqué, vous luttez bien

23 pour quelque chose, Général Blaskic ?

24 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, le

25 gouvernement de Sarajevo avait cessé de fonctionner et l'Etat de Bosnie-

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1 Herzégovine pour partie était démantelé. Moi, je me battais pour la

2 défense, pour la création d'un commandement conjoint et j'y ai mis tous

3 mes efforts pour la défense de Maglaj, d'Olovo et de Gorazde qui étaient

4 des villes majoritairement musulmanes, dans la limite des possibilités.

5 M. le Président. - Je n'insiste pas davantage. Je voudrais que

6 mes collègues puissent poser leurs questions. Je pense que peut-être

7 M. Shahabuddeen a des questions.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). – Général Blaskic, pourriez-

9 vous m'aider à comprendre ce que vous avez dit, à savoir que l'armée elle-

10 même n'était pas politisée. Vous avez fait référence au décret par lequel

11 l'armée a été créée et qui en a défini le cadre, l'organisation. Quand

12 vous dites la chose suivante : " L'armée était une armée simplement

13 professionnelle ", vous ai-je bien compris ?

14 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Juge, c'est tout à

15 fait exact. Je pensais que nous devions mettre sur pieds une armée

16 professionnelle, qu'il était nécessaire de la créer. Il y avait

17 effectivement des personnes qui étaient armées, mais il fallait former ces

18 personnes afin qu'elles puissent exécuter certaines tâches de défense.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). – Mais je crois que le

20 Président de cette Chambre vous a posé une question disant la chose

21 suivante : " Bien entendu, vous vous battiez pour quelque chose. Sans

22 doute ! " Vous souvenez-vous de cette question posée en ces termes par le

23 Président ?

24 M. Blaskic (interprétation). – Oui, effectivement. Oui.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). – Pourriez-vous clarifier ce

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1 point pour moi ? Reconnaissez-vous la situation que je m'apprête à vous

2 décrire : une armée pourrait être dépolitisée de telle sorte que les

3 personnes qui dirigent l'armée de l'intérieur, telles que vous, ne sont

4 pas des personnes politisées et que la politique n'a rien à voir, n'entre

5 pas dans le fonctionnement de l'armée, mais que cependant, l'armée est

6 disposée à poursuivre certains objectifs et à accomplir certaines tâches

7 déterminées par les dirigeants politiques. Ainsi, si ces dirigeants

8 politiques devaient par exemple déterminer la nécessité de mener à bien un

9 nettoyage ethnique, cette armée apolitique, en quelque sorte, exécuterait

10 cette tâche politique. Pouvez-vous envisager une telle situation ?

11 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Juge, je crois que

12 votre question est composée de 4 ou 5 sous-questions. Je reconnais, oui,

13 la situation que vous venez de décrire, mais tout soldat doit adopter une

14 position raisonnable, une attitude raisonnable et il doit pouvoir

15 reconnaître ou envisager de tels ordres. Le décret relatif aux forces

16 armées envisageait ceci. C'était également ma position parce que dès 1989,

17 j'ai cessé d'être membre du parti

18 communiste ou plutôt de la Ligue des communistes de Yougoslavie. Et je

19 crois que la majorité des jeunes gens qui se trouvaient dans l'armée, dans

20 la JNA, étaient satisfaits lorsqu'ils ont appris qu'ils devaient être

21 apolitiques et qu'ils devaient se concentrer sur leur travail au sein de

22 l'armée.

23 Moi je suis arrivé en Bosnie-Herzégovine ; je me suis battu pour

24 quelque chose. Je voulais contribuer à la défense contre l'agression serbe

25 et organiser la population armée. Je voulais appliquer mon idée au

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1 territoire de la Bosnie centrale. Mes postes de commandement étaient

2 principalement sur les lignes de front, à partir du front qui se trouvait

3 à Sarajevo jusqu’à Jajce, Maglaj, Olovo et dans des endroits où la

4 situation était extrêmement critique. A Gorazde également. Par conséquent,

5 j'ai tenté de mettre sur pieds et de maintenir la défense contre une

6 agression. Etant données les circonstances, un conflit a éclaté entre deux

7 composantes de ces forces de Bosnie-Herzégovine : l'armée de Bosnie-

8 Herzégovine et le HVO.

9 D'autre part, pour ce qui est de votre question relative aux

10 dirigeants politiques imposant certaines tâches telles que le nettoyage

11 ethnique, je n'ai jamais été à même d'accepter le nettoyage ethnique. Je

12 ne l'aurais pas accepté car un soldat obéissant doit rester raisonnable et

13 doué de raison.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). – Général, oui, je ne sais pas

15 si c'était la quatrième ou la cinquième question que je vous ai posée en

16 même temps, mais poursuivons quelque peu dans ce domaine. Poussons

17 l'hypothèse un peu plus loin.

18 Supposons que les dirigeants politiques fixent comme l'un de

19 leurs objectifs la mise en place, la création d'une grande Croatie.

20 L'armée placée sous votre commandement aurait-elle pu contribuer à la

21 réalisation de cet objectif ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Sur le territoire de la Bosnie-

23 Herzégovine, à ce moment-là, à la période dont je veux parler ou dont je

24 peux parler, nous n'occupions pas cette position-là et je ne pense pas que

25 c'est ainsi que les choses se seraient passées. Peut-être qu'une

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1 partie de cette armée aurait pu effectivement contribuer à la réalisation

2 de cet objectif, mais comme je l'ai dit, la tendance était de rendre

3 l'armée totalement apolitique. Mais il est vrai, comme vous l'avez dit

4 dans votre question, qu'il y avait un certain degré de politisation et

5 c'est le cas dans toutes les armées, quels que soient les efforts de cette

6 armée visant à rester apolitique.

7 Ce n'est pas là l'objectif qui m'a incité à venir en Bosnie-

8 Herzégovine et on ne m'a pas d'ailleurs invité à remplir ce type

9 d'objectif. J'étais là pour contribuer et participer à la défense de la

10 Bosnie-Herzégovine. Je l'ai dit très clairement au cours de conférences de

11 presse en 1993, parce que la Bosnie-Herzégovine, c'est également l'Etat

12 des Croates de Bosnie-Herzégovine, sur un pied d'égalité avec les deux

13 autres nationalités qui se trouvent également en Bosnie-Herzégovine.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, vous admettrez, je pense, que

15 parfois, il peut y avoir une certaine dynamique dans la détermination de

16 certains objectifs. Il peut y avoir certains objectifs qui sont fixés au

17 départ et qui sont amenés à être modifiés, de façon progressive ou de

18 façon immédiate, au cours de la situation qui suit et suite à des

19 événements ultérieurs.

20 Alors, dites-vous la chose suivante : si à une certaine période

21 les dirigeants politiques avaient décidé que l'un de leurs objectifs était

22 de créer une grande Croatie, êtes-vous en train de dire que vous n'auriez

23 pas accepté d'instructions visant à vous faire contribuer à la réalisation

24 de cet objectif ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Eu égard à cette dynamique de la

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1 détermination d'objectifs dont vous avez parlé, j'ai peut-être, je n'ai

2 peut-être pas très bien compris comment ceci se passait, parce que je

3 n'avais peut-être pas suffisamment d'expérience dans ce domaine et je n'en

4 ai peut-être toujours pas suffisamment. Je ne me considère pas comme étant

5 très compétent pour parler de ce type d'objectif politique.

6 Mais je pense, qu'effectivement, il y avait un processus

7 dynamique qui était en présence. Je crois que j'ai pu le voir à partir des

8 négociations menées en Bosnie centrale, sous l'égide de la Communauté

9 internationale. Mais ce que j'ai compris à ce moment-là, c'est que la

10 tâche des représentants politiques du peuple croate et des Musulmans de

11 Bosnie-Herzégovine était de participer à ce processus dynamique et de

12 parvenir à un accord sous l'égide de la Communauté internationale, de

13 parvenir à un accord sur l'avenir, la composition de la Bosnie-Herzégovine

14 et sa configuration.

15 Par conséquent, mon rôle, en tout cas c'est ainsi que je

16 l'envisageais, était de défendre la Bosnie-Herzégovine contre l'agression

17 dont elle était victime.

18 Et lorsque je dis nous, je parle de l'armée de Bosnie-

19 Herzégovine et du HVO. Nous avions un ennemi commun, à savoir l'armée de

20 la République Srpska qui contrôlait une grande partie, 30 % de la Bosnie-

21 Herzégovine.

22 Je n'ai jamais véritablement, je ne me suis jamais véritablement penché

23 sur les décisions et sur les actes des hommes politiques parce que ce

24 n'était pas mon travail. Personne ne m'a jamais demandé de participer à la

25 mise en place d'un programme politique. Je n'étais pas présent au cours de

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1 cette réunion et je n'avais pas d'informations de première main me

2 permettant de savoir qu'il y avait une discussion sur la création et la

3 mise en place d'un tel projet politique.

4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, pourriez-vous

5 résumer quelle aurait été votre réaction à une éventuelle demande formulée

6 par les dirigeants politiques, afin que vous participiez à cet objectif de

7 la création d'une grande Croatie ? Auriez-vous obtempéré ou bien auriez-

8 vous refusé d'obéir à ces instructions, si toutefois elles avaient été

9 formulées ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Aucune demande de ce type ne m'a

11 été adressé. Et je n'ai jamais participé à l'élaboration d'un tel

12 programme personnellement, et je ne l'aurais pas mis en oeuvre en Bosnie-

13 Herzégovine. Nous parlons des événements qui ont eu lieu en Bosnie-

14 Herzégovine.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, vers la fin de votre

16 réponse, vous avez dit que jamais vous n'auriez accepté ce type

17 d'instruction. Je vous remercie de la clarté de votre réponse.

18 M. Rodrigues (interprétation). – Monsieur Blaskic, j'ai aussi

19 quelques questions et je vais vous poser, dans la mesure du possible, des

20 questions directes.

21 A votre avis, quelle est la meilleure situation, d'un point de

22 vue exécutif ? Donc vous pouvez penser à une organisation quelconque. Du

23 point de vue exécutif, quelle est la meilleure situation ? C'est dire à

24 quelqu'un qui doit faire quelque chose afin d'obtenir cela, vous allez

25 faire cela ou seulement dire : vous allez faire cela.

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1 M. Blaskic (interprétation). - A mon avis, il est plus approprié

2 de parler en toute franchise et de tenter de donner une certaine

3 explication, de définir la tâche en question et de donner l'objectif de

4 cette tâche. Pour moi, c'est la meilleure démarche, c'est-à-dire de

5 communiquer le plus d'informations possible et notamment l'objectif d'une

6 tâche ; pourquoi demander qu'une telle tâche soit exécutée.

7 M. Rodrigues (interprétation). – Ma deuxième question est

8 celle-ci : dans quelle mesure peut-il aider un soldat à savoir bien les

9 raisons pour lesquelles il lutte ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, ceci peut aider dans une

11 large mesure le soldat, et il est tout à fait souhaitable que le soldat

12 soit au courant de l'objectif de sa lutte et de son combat.

13 M. Rodrigues (interprétation). – Dans une perspective des idées

14 que nous avons déjà abordées, ici, dans cette salle de stratégie et de

15 tactique, est-ce que pour un officier, -je ne parle pas d'un soldat, mais

16 d'un officier- il est important de savoir quelque chose sur la stratégie,

17 c'est-à-dire sur les objectifs de la tactique ?

18 M. Blaskic (interprétation). – Pour un officier, oui, c'est

19 important. Et d'ailleurs, on peut s'attendre à ce qu'il fasse tout ce qui

20 est en son pouvoir pour déterminer quels sont les

21 objectifs d'une tactique particulière.

22 M. Rodrigues. - Donc est-il possible de dire qu'à certains

23 niveaux d'un commandement, il faut avoir une certaine jonction entre la

24 stratégie et la tactique ?

25 M. Blaskic (interprétation). – Oui, à un certain niveau

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1 effectivement, c'est nécessaire. Dans la plupart des cas effectivement,

2 c'est la tâche du commandement opérationnel, stratégique.

3 M. Rodrigues. - Vous nous avez dit que vous êtes venu d'Autriche

4 pour Kiseljak seulement pour deux mois Quel était à ce moment-là votre

5 rêve ? Pourquoi êtes-vous venu ?

6 M. Blaskic (interprétation). – Je suis venu afin de contribuer à

7 la préparation et à l'organisation de la municipalité de Kiseljak dans le

8 domaine de la défense. Mes parents vivaient là-bas, mes beaux-parents,

9 également certains autres membres de ma famille. Donc, je suis venu après

10 y avoir été invité par les autorités officielles de la municipalité de

11 Kiseljak. Et puis également sur la demande de mon père décédé depuis, de

12 mon oncle décédé également et d'autres personnes encore. Mon objectif

13 était, à l'époque, d'organiser une structure de défense, d'organiser la

14 population armée sur le territoire de la municipalité de Kiseljak afin

15 qu'elles se défendent contre la JNA et l'armée de la Republika Srpska.

16 M. Rodrigues. - Mais pouvons-nous dire que vous étiez là dans un

17 plan tactique ?

18 M. Blaskic (interprétation). – Oui.

19 M. Rodrigues. - Quelle était la stratégie ?

20 M. Blaskic (interprétation). – Au niveau de la municipalité de

21 Kiseljak, la stratégie était de survivre et de se préparer à l'attaque

22 imminente et tout semblait indiquer qu'elle allait avoir lieu, puisque la

23 municipalité toute proche de Rakovica avait été nettoyée du point de vue

24 ethnique.

25 M. Rodrigues. - Général, je pose la même question : quand vous

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1 avez été nommé commandant dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale,

2 quelle était la stratégie ?

3 M. Blaskic (interprétation). – La stratégie ? Eh bien en deux

4 mots, parce que je souhaiterais être le plus bref possible, la stratégie

5 était de joindre toutes les forces, tous les potentiels de la Bosnie

6 centrale afin de lutter contre la conquête serbe afin de ralentir cette

7 avancée et afin de l'interrompre.

8 J'ai communiqué mon opinion quant à la situation militaire en

9 Bosnie centrale au Président Mate Boban.

10 M. Rodrigues. – Peut-on dire que la stratégie était d'avoir un

11 Etat indépendant, la Bosnie-Herzégovine ?

12 M. Blaskic (interprétation). – La stratégie au niveau politique,

13 à ma connaissance, était de parvenir à un accord politique sur

14 l'établissement de la Bosnie-Herzégovine avec des représentants des

15 Musulmans de Bosnie, des Serbes, grâce à la médiation de la Communauté

16 internationale. Ma stratégie militaire était de défendre le plus possible

17 du territoire restant de Bosnie-Herzégovine -peut-être 40 %- qui n'était

18 pas encore occupé par les Serbes.

19 M. Rodrigues. - Une autre question pour terminer. Excusez-moi,

20 comme vous savez, je suis arrivé en retard ici. Il y a une question pour

21 moi : quelle est votre nationalité ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Je suis croate.

23 M. Rodrigues. - Merci Général.

24 M. le Président. - Juste un point avant de faire la pause,

25 Général Blaskic, est-ce que l'on peut s'accorder sur le fait que

Page 19799

1 Mate Boban et Dario Kordic avaient, eux, un projet politique de grande

2 Croatie ?

3 M. Blaskic (interprétation). – Quel projet, quel programme

4 avaient-ils ? Je ne pourrais le dire parce que je n'ai eu que deux

5 réunions avec M. Mate Boban.

6 M. le Président. - Général, écoutez, je vous demande si vous

7 estimez que Mate Boban et Dario Kordic, qui étaient les chefs politiques,

8 avaient-ils, eux, un projet d'un Etat croate et d'une communauté croate ?

9 M. Blaskic (interprétation). – Le projet d'une communauté croate

10 de Herceg-Bosna au sein de la Bosnie-Herzégovine était effectivement un

11 projet qui était le leur et quelque chose qu'ils partageaient, mais non

12 pas aux dépens de la Bosnie-Herzégovine. C'était plutôt un moyen d'obtenir

13 une certaine égalité des droits entre les Croates de Bosnie-Herzégovine et

14 les autres nationalités de Bosnie-Herzégovine.

15 M. le Président. - Je sais que vous êtes un militaire qui ne

16 vous occupez que de choses militaires, mais vous venez de dire au

17 Juge Rodrigues qu'à partir d'un certain niveau on n'a pas des lunettes

18 noires et on n'a pas les oreilles bouchées. Ma question est très simple :

19 est-ce qu'il y avait quand même chez les dirigeants politiques des Croates

20 de Bosnie un projet politique soit de grande Croatie, soit de communauté

21 croate structurée ? Est-ce que cela existait chez Mate Boban et chez

22 Dario Kordic ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, dans le

24 document 406/2, dans les points 1 et 2, on voit qu'il n'y a pas de

25 démarche commune au sein des dirigeants vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine

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1 -je parle des dirigeants du HDZ. Je sais que les Croates ont participé au

2 référendum sur la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, et la question

3 qui m'a été posée par le Juge Shahabuddeen le montre. Peut-être qu'à une

4 certaine époque il y avait certains objectifs politiques, mais la

5 politique, le programme politique a évolué et les accords de Washington

6 ont montré -accords acceptés par les Croates et j'y ai participé

7 d'ailleurs.

8 M. le Président. - Est-ce qu'à vos yeux -je ne vous parle pas de

9 ce document- vous étiez en Autriche ? Est-ce qu'à vos yeux Mate Boban et

10 Dario Kordic avaient un projet politique ? Oui ou non ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Je pense qu'effectivement, oui,

12 ils avaient un projet politique.

13 M. le Président. – Quel était ce projet politique, d'après

14 vous ?

15 M. Blaskic (interprétation). – A mon avis, ce programme

16 politique était d'assurer

17 l'égalité des droits entre les Croates de Bosnie-Herzégovine et les autres

18 nationalités par le biais de la médiation de la Communauté internationale,

19 et par le biais d'un accord avec les autres éléments constitutifs de la

20 Bosnie-Herzégovine.

21 M. le Président. - Est-ce que, d'après ce que vous savez, est-ce

22 ce qu'ils ont essayé de réaliser ou est-ce qu'ils ont essayé de réaliser

23 autres choses ? Dans les faits ? D'après ce que vous savez ?

24 M. Blaskic (interprétation). - D'après ce que je sais (et mes

25 seules sources sont les négociations qui ont eu lieu grâce à la médiation

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1 de la Communauté internationale), à ma connaissance, la partie croate a

2 fait preuve de coopération dans le cadre de ces négociations.

3 M. le Président. - Vous ne répondez pas à ma question. Je vous

4 pose la question de savoir si, dans la mesure ou Mate Boban et

5 Dario Kordic avaient des projets politiques, est-ce qu'ils ont essayé de

6 le réaliser à travers cette communauté croate de défense ?

7 M. Blaskic (interprétation). – Ils avaient un programme. Une

8 fois de plus, j'exprime mon opinion. Il est possible qu'ils aient tenté de

9 mettre en oeuvre ce programme, par le biais de leurs activités mais moi,

10 j'utilise les informations dont je dispose sur les négociations

11 internationales qui ont eu lieu.

12 M. le Président. - Enfin au-delà des informations dont vous

13 disposez, Général Blaskic, vous êtes commandant opérationnel de la zone de

14 Bosnie centrale, vous n'êtes pas aveugle sur les journaux que vous lisez,

15 aveugle sur les télévisions que vous voyez, sourd sur les radios que vous

16 entendez.

17 Quand même, je crois que vous ne pouvez pas dire : je suis un

18 simple soldat. Vous n'êtes pas un simple soldat. Alors ma question est

19 celle-ci : est-ce qu'à un moment donné, après la période de deux mois que

20 vous vous étiez fixée pour la défense de Kiseljak, est-ce que vous vous

21 êtes dit, à un moment donné, que vous aviez été manipulé par M. Mate Boban

22 et par Dario Kordic ? C'est-à-dire qu'eux poursuivaient un but politique

23 alors que vous, vous

24 comptiez simplement défendre votre territoire bosno-croate contre les

25 Serbes ?

Page 19802

1 Est-ce que vous avez eu le sentiment d'avoir été manipulé par

2 eux ?

3 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, permettez-

4 moi de dire la chose suivante : sur le territoire où je me trouvais nous

5 étions isolés. Il n'y avait ni eau ni électricité, pas de presse non plus.

6 Je n'avais pas la possibilité de lire un quotidien, nous nous trouvions

7 dans une situation complexe. J'avais 35 000 réfugiés dans la région. Mais

8 c'est un fait qu'il y a eu un virage politique, en quelque sorte, dans le

9 programme de la direction politique croate de Bosnie-Herzégovine puisque

10 M. Boban a donné sa démission et M. Krijimir Jubac a pris la tête de la

11 Fédération.

12 Par conséquent, je ne connais pas très bien les circonstances dans

13 lesquelles M. Boban a donné sa démission. Je n'étais pas là, donc je n'ai

14 pas de connaissance directe de ce qui s'est passé. Sans doute

15 qu'effectivement ce virage a eu lieu et que de nouvelles personnes sont

16 arrivées.

17 M. le Président. – Monsieur Rodrigues a une question.

18 M. Rodrigues (interprétation). – Pour finir cette partie, il y a

19 une chose que j'aimerais bien comprendre. Votre projet de vie était de

20 laisser la carrière militaire.

21 Vous aviez demandé d'abandonner la JNA. Vous aviez un projet de

22 vie de rêve en Autriche avec votre femme, etc.

23 Vous aviez accepté de venir à Kiseljak pour deux mois, pour

24 organiser la défense. Là, je comprends parce qu'il y a quand même des

25 raisons émotionnelles.

Page 19803

1 Et à la fin, sans soldats, sans structure, sans organisation,

2 etc., vous décidez de rester en Bosnie-Herzégovine. Je crois qu'il y a là

3 des raisons très fortes. Votre projet n'était pas quand même être ou

4 devenir général ; la carrière militaire était un projet, pour vous ;

5 abandonné.

6 Avec toutes ces circonstances, comment dire… adverses, vous êtes

7 resté et donc, je crois qu'il y a là des raisons très fortes. Mais

8 j'aimerais bien comprendre quelles sont vraiment

9 les raisons, si vous aviez abandonné tout votre projet de carrière

10 militaire.

11 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Juge, vous l'avez dit

12 vous-même. Il y avait certaines raisons émotionnelles, entre autre, qui

13 ont motivé mon retour. Il y avait une guerre qui a été accompagnée de

14 certaines circonstances tout à fait imprévisibles. Notamment le fait que

15 je sois resté sur le territoire. Ce territoire de la Bosnie centrale que

16 nous sommes parvenus à défendre m'a coûté en tant que commandant. Je suis

17 désolé d'ajouter ceci : plus de 2 000 tués, plus de 5 000 personnes

18 blessées et 22 membres de ma famille -je parle de l'ensemble de ma

19 famille, et notamment mon père.

20 Je suis resté jusqu'à la signature de l'accord Washington,

21 pensant que nous pourrions mettre sur pied l'armée de la Fédération. J'ai

22 pris part à la dernière opération avec l'armée de Bosnie-Herzégovine

23 malgré cette guerre tragique qui a duré un an.

24 Mon projet de vie, effectivement, n'avait rien à voir avec une éventuelle

25 carrière militaire parce que j'ai également étudié d'autres choses ayant

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1 l'espoir d'abandonner ma carrière militaire. Je pensais que je pourrais le

2 faire après la mise en oeuvre de l'accord de Washington et de Dayton,

3 éventuellement. Mais j'ai également parlé à M. Krejimir Zubac en tant que

4 Président de la Fédération et il a exprimé le souhait de me voir adopter

5 la position de chef d'état-major adjoint et ensuite, de chef d'état-major

6 au sein du HVO, me concentrant sur les gens de l'armée qui auraient pu

7 contribuer à la construction de l'armée de la Fédération par la suite.

8 M. le Président. - Nous allons faire la pause. Les interprètes

9 ont beaucoup prolongé. Nous reprendrons à 12 h 30.

10 (La séance suspendue à 12 h 05 est reprise à 12 h 30.)

11 M. le Président. - Monsieur Kehoe.

12 M. Kehoe (interprétation). – Merci, monsieur le Président,

13 messieurs les Juges.

14 Général, quelques questions seulement qui sont fondées sur des

15 réponses que vous avez données à la Chambre, en répondant aux questions du

16 Président et du Juge Rodrigues. Par

17 rapport au paragraphe 3c) où il est dit que des préparatifs militaires

18 meilleurs doivent être faits pour combattre ces forces qui tenteront de

19 mettre une fin à ce processus inévitable de la création d'un Etat croate

20 libre, vous avez dit dans votre réponse -et je pense que c'était en

21 réponse à la question du Juge Rodrigues- que la stratégie, en substance,

22 était d’opérer une jonction entre toutes les forces qui devaient arrêter

23 l'agression serbe. C'est cela que vous avez dit au Juge Rodrigues ?

24 M. Blaskic (interprétation). – Oui. Je pense, monsieur le

25 Président, messieurs les Juges, qu'il s'agissait de la période où j'étais

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1 à Kiseljak commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Je

2 pense qu'il en était ainsi.

3 M. Kehoe (interprétation). – Général, je souhaite vous montrer

4 la pièce de l'accusation 502.

5 A partir de votre arrivée à Kiseljak, un mois plus tard, vous

6 avez émis un ordre, la pièce de l'accusation 502. Il s'agit d'un ordre qui

7 émane de Mate Boban qui descend vers le général Roso et que vous émettez

8 vous-même en déclarant que la Défense territoriale est illégale. N'est-ce

9 pas un fait ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Oui. C’est ce qui figure au

11 point 5. Mais ce document date du 11 mai 1992. A cette date, la Défense

12 territoriale et la JNA constituaient les forces armées de la République

13 socialiste fédérative de Yougoslavie. A cette époque, l'armée populaire

14 yougoslave était encore une force armée légale censée défendre la Bosnie-

15 Herzégovine.

16 M. Kehoe (interprétation). – Eh bien, Général, cet ordre est

17 daté du 11 mai 1992, n'est-ce pas ?

18 M. Blaskic (interprétation). – Oui, du 11 mai 1992. Et à cette

19 date, la JNA se trouvait en Bosnie-Herzégovine.

20 M. Kehoe (interprétation). – Et c'est le même jour où vous avez

21 dit à l'agence France-Presse, à un journaliste de l'AFP, que concernant le

22 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo, vous avez dit et je cite :

23 " Il n'a aucune légitimité ici ". Fin de citation.

24 Le même jour, vous dites que vous avez voulu motiver et

25 organiser les forces pour qu'elles se défendent contre l'agression serbe ?

Page 19806

1 M. Hayman (interprétation). – Il y a plusieurs questions ici.

2 M. Kehoe a posé plusieurs questions en une seule.

3 M. le Président. - Je comprends bien votre question, mais je

4 comprends aussi l'objection de Me Hayman. Vous avez posé plusieurs

5 questions.

6 M. Kehoe (interprétation). – Oui, je vois, monsieur le

7 Président. Veuillez m'en excuser. Je vais séparer cette question en

8 plusieurs.

9 Le même jour, le jour où vous ordonnez que les forces de la

10 Défense territoriale soient rendues illégitimes, il y a un article de

11 l'agence France-Presse où vous dites vous-même que le Gouvernement de

12 Bosnie-Herzégovine, de Sarajevo, n'a pas de légitimité ici, ici signifiant

13 à Kiseljak. C'est le même jour.

14 M. Blaskic (interprétation). – J'aimerais voir quelle est la

15 question qui m'a été posée au sujet de cette légitimité, mais je suis prêt

16 à préciser les circonstances qui prévalaient.

17 Kiseljak, c'est une zone frontalière avec la zone qui est

18 contrôlée par les Serbes, ensemble avec l'armée de la Republica Srpska.

19 Or, le Gouvernement de Bosnie qui se trouve à Sarajevo, y compris le

20 ministère de la Défense, envoie des ordres non codés demandant qu'on lève

21 le siège de la ville de Sarajevo. Il y a une distance de trente kilomètres

22 entre Kiseljak et Sarajevo et ces ordres, vu que ces ordres tombaient

23 entre les mains de l'armée de la Republica Srpska, pouvaient provoquer une

24 activité de l'artillerie, des pilonnages et pouvaient détruire ce

25 territoire, à l'époque où nous n'avions que quelques centaines de

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1 personnes armées à Kiseljak.

2 Donc, j'ai mis en garde à plusieurs reprises en disant qu'il ne

3 fallait pas réagir de telle sorte en direction de Kiseljak, puisque peut-

4 être que certaines instances cherchaient à impliquer Kiseljak dans la

5 guerre.

6 M. le Président. - Vous pouvez essayer d'aider les Juges en

7 essayant de répondre à la question. Je crois que vous n’y répondez pas,

8 là. Vous avez dit tout à l'heure au Juge Shahabuddeen, ou au

9 Juge Rodrigues, que vous ne faisiez pas de politique, que vous ne

10 formuliez jamais aucun jugement politique. Il y a donc une déclaration qui

11 semble en contradiction avec l'ordre, le même jour. C'est cela. Essayez de

12 nous aider, car la question nous était apparue claire, en tout cas en ce

13 qui me concerne.

14 M. Kehoe (interprétation). – Avez-vous compris ma question,

15 Général ?

16 M. Hayman (interprétation). – Le témoin a demandé de voir le

17 texte de l'AFP. C'est en anglais et ce n'est pas en BCS. On lui demande

18 d'interpréter un texte qu'il n'a pas vu.

19 M. le Président. - Tout à fait. Vous avez tout à fait raison,

20 maître Hayman. Mais je pense que Me Kehoe pensait que le général se

21 souvenait de cette interview, de cette intervention. Je crois que ce

22 serait mieux, effectivement, que le témoin ait le texte. Tout à fait

23 d'accord, maître Hayman.

24 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, je voudrais

25 qu'il soit consigné au procès-verbal que ce témoin a vu pendant la

Page 19808

1 dernière semaine du contre-interrogatoire ce texte et qu'il a admis qu'il

2 a fait cette déclaration. Nous pouvons aller chercher ce texte. Je le

3 trouverai pendant la pause déjeuner.

4 M. le Président. - Je suis comme vous. Je trouve qu'on perd

5 beaucoup de temps en circonvolutions. Mais là, il s'agit d'un droit

6 fondamental que tout témoin -et surtout quand il s'agit d'un accusé- a de

7 lire les documents quand on lui donne deux documents à comparer. Je pense

8 que c'est tout à fait normal en espérant aller assez vite quand même.

9 Peut-on retrouver ce document assez rapidement, monsieur le Greffier ?

10 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, monsieur le Greffier,

11 il s'agit de la pièce de l'accusation 545.

12 M. le Président. - Ce texte est en français puisqu'il s'agit de

13 l'agence France-Presse. Et vous l'avez traduit en anglais ?

14 M. Abtahi. – Oui, je dispose également de la traduction en

15 anglais.

16 M. le Président. - Ce que va faire le Procureur, c'est lire le

17 passage et je pense que les traducteurs… je pense que notre témoin doit

18 s'en souvenir.

19 Allez-y, maître Kehoe, c'est un passage qui est important pour

20 vous.

21 M. Kehoe (interprétation). – Oui, monsieur le Président, cela

22 commence… excusez-moi...

23 Je pense que c'est le cinquième paragraphe, là où apparaît le

24 nom de M. Blaskic : " Tiho Blaskic qui, à la tête des forces de la CVO de

25 Kiseljak, a expliqué que la région a été en paix puisque les Serbes ne

Page 19809

1 constituaient que 3 % de la population de la ville, il n'avait aucune

2 visée sur ces terres ". Fin de citation.

3 " Concernant le gouvernement de Bosnie-Herzégovine de Sarajevo,

4 il n'a aucune légitimité ici ". Fin de citation.

5 Et à la page suivante, les derniers paragraphes de la deuxième

6 page, il est dit : " Kiseljak serait donc une partie du canton croate ou

7 de la région administrative et serait orientée plutôt vers l'ouest que

8 vers l'est " a dit Tiho Blaskic.

9 Et à la fin, une citation : " La proximité de Sarajevo n'a

10 jamais contribué à cette ville de toute façon ", a-t-il dit.

11 Général, vous avez donc pu entendre la traduction de cet

12 article. Vous nous avez déjà dit que cet article a été publié le même jour

13 où vous avez donné l'ordre rendant illégitime la Défense territoriale,

14 n'est-ce pas exact ?

15 M. Blaskic (interprétation). – La date de l'ordre correspond à

16 la date de l'interview.

17 Mais permettez-moi de préciser que cet ordre a été émis suite à un ordre

18 émanant du grand quartier général. Comme je l'ai déjà dit, à l'époque, les

19 conscrits, y compris de Kiseljak -je le sais concrètement puisque mon père

20 par exemple devait se rendre à Breza ou à Ilijas- pouvaient être mobilisés

21 de la part de cette même JNA, ou de la part de la Défense territoriale,

22 pour être mobilisés à Ilijas dans la zone qui était déjà sous le contrôle

23 des Serbes ou de l'armée de la Republika Srpska ou de la JNA.

24 Pour ce qui est des Serbes de Kiseljak, disons ici qu'il n'y en

25 a que 3 %, -je fais référence à la municipalité de Kiseljak et aux

Page 19810

1 quelques villages en direction d'Ilijas. Il n'y avait aucun danger qui

2 menaçait ces villages, et ils n'ont jamais été attaqués par le HVO. Plus

3 tard, ils l'ont été, certes, par la Défense territoriale.

4 Ici, il est dit : " Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine n'a

5 pas de légitimité " ; peut-être voulais-je dire n'avait pas d'influence

6 sur cette zone. Mais cette Chambre sait que j'ai envoyé personnellement

7 des rapports au ministre de la Défense de Sarajevo en août 1992 au moment

8 où il me l'a demandé. Je recevais des ordres également, tout un lot, toute

9 une série d'ordres émanant de l'état-major suprême de la défense de

10 Bosnie-Herzégovine concernant la levée du siège de Sarajevo et notre

11 participation à cette opération. Et j'en ai informé mes supérieurs.

12 Quant à la position de Kiseljak et son orientation, je ne sais

13 pas dans quel contexte cela a été dit. Par rapport aux négociations, peut-

14 être, qui ont eu lieu à l'époque avec la médiation des représentants de la

15 Communauté internationale. J'ai déjà dit que nous étions plutôt orientés

16 vers l'Ouest, vers l'Occident et non pas vers l'Est. Cela figure déjà dans

17 le procès-verbal. Tous mes commentaires au sujet de ces déclarations font

18 savoir que les aspirations de toute la population de la région étaient

19 l'Occident et la démocratie occidentale, et non pas l'Est, en faisant

20 référence à la JNA et à tous ceux dont cette population devait se

21 défendre.

22 M. Kehoe (interprétation). – Général, votre commentaire disant

23 que le Gouvernement de Sarajevo n'a pas de légitimité ici, je l'ai encore

24 à l'esprit parce que je voudrais vous demander de comparer cela à la

25 déclaration de Mate Boban à Ed Vulliamy.

Page 19811

1 Monsieur le Président, messieursles Juges, c'est une interview

2 du 13 août 1992, à la page 7754. Il s'agit, monsieur le Juge Rodrigues,

3 d'un journaliste de Guardian : Ed Vulliamy qui a déposé ici.

4 Boban aurait dit à Vulliamy qu'il ne pouvait pas accepter la

5 constitution de la Bosnie-Herzégovine ni sa capitale Sarajevo. Et cette

6 citation, cette déclaration donnée à M. Vulliamy ressemble étrangement à

7 votre citation où vous dites que le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine à

8 Sarajevo n'a pas de légitimité à Kiseljak. N'est-ce pas exact ?

9 M. Blaskic (interprétation). – J'ai déjà commenté cela, j'ai dit que je

10 n'avais pas vu au préalable cette interview. Je pensais dire " n'avait pas

11 d'influence ici ". Comment cela a-t-il été traduit, traduit par le mot

12 légitimité ? Alors cela je ne sais pas si Boras, si Doko m'ont demandé des

13 rapports et si je les ai envoyés au ministre de la Défense. Alors il faut

14 voir, je ne sais pas dans quel contexte ces traductions étaient faites.

15 M. le Président. - Le problème n'est pas tout à fait ici.

16 D'abord, je dirai au Procureur qu'il ne s'agit pas de vous opposer une

17 déclaration de Mate Boban. Ce qui m'intéresse ce n'est pas le mot

18 légitimité. Vous pouvez dire que ce n'était pas tout à fait ce que vous

19 vouliez dire. Mais l'ensemble de cette interview, de cette déclaration est

20 plutôt politique.

21 Ma question est celle-ci : vous nous avez dit tout à l'heure que

22 vous étiez un général, un militaire qui ne s'occupait pas de politique. Il

23 me semble quand même qu'il y a au moins trois phrases où quand même vous

24 vous occupez un petit peu de politique.

25 Donc, un général s'occupe un peu de politique. Je ne vous le

Page 19812

1 reproche pas. Je constate par rapport à vos déclarations que vous êtes

2 quand même un général qui s'occupe un peu de politique.

3 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, c'est tout

4 à fait possible que dans cette question il y ait eu des connotations

5 politiques. A l'époque, j'étais capitaine de l'ex-JNA. Je venais d'arriver

6 à peine 15 jours, ou peut-être un peu plus 20 jours, auparavant à Kiseljak

7 suite à plusieurs années d'absence –depuis 1975 à peu près. Je ne sais pas

8 dans quel contexte ces questions m'ont été posé. Je ne me souviens plus

9 pourquoi ai-je donné ce genre de réponse. Mais ce qui m'a toujours

10 intéressé c'était l'armée et les questions militaires.

11 M. le Président. – Poursuivez monsieur Kehoe.

12 M. Kehoe (interprétation). - Cependant Général, quatre mois plus

13 tard, à partir de cette interview, vous avez un entretien, une réunion

14 avec les autres dirigeants de la communauté croate de Herceg-Bosna. Et

15 vous vous préparez, vous recevez des instructions de vous préparer pour

16 des combats contre les Musulmans, quatre mois plus tard, en

17 septembre 1992.

18 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, cette question-là n'est

19 pas exacte. Vous me suggérez la réponse. Je ne me prépare pas à combattre

20 les Musulmans en septembre 1992.

21 Je suis arrivé à cette réunion après une convocation qui m'a été

22 envoyée et j'y suis venu pour être présenté aux représentants politiques

23 et tous les autres qui participaient à cette réunion. Quant aux

24 circonstances générales, elles étaient les suivantes : c'était le moment

25 où les opérations les plus violentes étaient celles de Jajce, Maglaj,

Page 19813

1 Olovo et Travnik et ainsi de suite. Il ressort de toute une série de

2 documents que nous essayons d'agir conjointement avec l'armée de Bosnie-

3 Herzégovine, donc le HVO et l'armée, pour défendre conjointement Jajce

4 Maglaj, Usora, Olovo et d'autres endroits.

5 Lors de cette réunion, je n'ai reçu aucune mission et je

6 n'aurais pas pu en recevoir. Mon supérieur était le chef du grand état-

7 major du HVO, c'est lui qui aurait pu m'en donner. Quand aux représentants

8 politiques de la Bosnie centrale, ils ne m'ont donné aucune mission.

9 M. Kehoe (interprétation). - Général, pouvez-vous consulter la

10 pièce 546//95, pièce de l'accusation. Je voudrais que vous portiez votre

11 attention à l'avant-dernier paragraphe. L'avant-dernier paragraphe de la

12 dernière page, s'il vous plaît.

13 C'est un extrait du compte-rendu d'une réunion qui s'est tenue

14 le 22 septembre 1992, du conseil croate de défense dans les municipalités

15 de la Bosnie centrale.

16 Alors étiez-vous un des membres de la présidence de travail avec

17 Dario Kordic, Anto Valenta et Ignac Kostroman ? Il est dit dans ce

18 paragraphe : " Les organes militaires HVO, chargés de la Bosnie centrale

19 se prépareront, établiront des plans de défense contre une attaque

20 possible menée par des forces fondamentalistes de Moudjahidin islamiques

21 et introduisant une discipline militaire et l'ordre dans les formations

22 militaires. "

23 M. Nobilo (interprétation). - La traduction est totalement

24 erronée, monsieur le Président, messieurs les Juges.

25 La traduction du texte anglais que nous voyons ici, deux paragraphes sont

Page 19814

1 condensés en un seul paragraphe, ce qui a complètement effacé le sens du

2 texte original. Je propose que l'on place sur le rétroprojecteur

3 l'original croate et que les interprètes qui sont présents ici nous le

4 traduisent. Vous verrez que la traduction anglaise est erronée.

5 M. le Président. - Alors on va mettre sur le rétroprojecteur la

6 version en croate. Quel est le paragraphe ? Avant de passer le paragraphe

7 à mes collègues, je voudrais l'identifier.

8 M. Kehoe (interprétation). - C'est la dernière page, l'avant-

9 dernier paragraphe de la dernière page, monsieur le Président.

10 M. le Président. - Je ne sais pas si on peut faire… Comment

11 comptez-vous procéder ? Ce qui est certain, maintenant, c'est que les

12 Juges ont bien la version en serbo-croate sous les yeux. Moi, j'ai une

13 version française que je vais communiquer à mes collègues. Mais j'aimerais

14 bien avoir la traduction par les interprètes.

15 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, ce que je

16 propose est de lire

17 moi-même ce texte en croate et les interprètes peuvent vous le traduire;

18 si vous êtes d'accord.

19 M. Kehoe (interprétation). - Je propose que les interprètes

20 lisent la traduction qui est déjà faite. Nous avons ici une traduction qui

21 émane de nos services linguistiques. Ni moi ni M. Harmon ne pouvons lire

22 le BCS. Donc c'est-ce que nous avons reçu du service linguistique de ce

23 Tribunal.

24 M. le Président. - Comme il y a une contestation sur ce point-

25 là, je propose tout simplement qu'il y ait soit Me Nobilo, soit un

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1 interprète serbo-croate qui lise la version serbo-croate, et que les

2 interprètes la traduisent tout simplement. C'est très simple.

3 Comment voulez-vous procéder ?

4 Maître Nobilo, vous n'avez qu'à le lire, si vous voulez. Lisez

5 le paragraphe. D'abord le premier paragraphe et allez doucement. Lisez le

6 paragraphe qui commence à " vogni organisagion ".

7 M. Nobilo (interprétation). – Oui, et je pense que c'est

8 important. Il est important qu'il soit consigné en procès-verbal, ce texte

9 tel qu'il est dans l'original. S'il s'avère qu'il est différent, comme je

10 le considère, il faudra modifier, corriger la traduction dont dispose le

11 Bureau du Procureur.

12 M. le Président. - On n'en est pas là, maître Nobilo. Pour

13 l'instant, ce qui est important, c'est que vous lisiez tout simplement.

14 M. Nobilo (interprétation). - Je lis le texte donc.

15 " Les organes militaires du HVO de Bosnie centrale sont tenus

16 d'établir des plans de défense face à une éventuelle attaque menée par des

17 forces islamiques fondamentalistes moudjahidin qui ont infiltré, y compris

18 les organes de l'armée de Bosnie-Herzégovine. "

19 Le paragraphe suivant…

20 M. le Président. - Je voudrais écouter la dernière… C'est très

21 différent. Je demande aux interprètes… Excusez-moi, maître Nobilo.

22 Effectivement, la version française que j'ai sous les yeux

23 c'est : " que les organes militaires introduiront l'ordre et la discipline

24 militaire dans les formations militaires ", et c'est très différent. Vous

25 pouvez répéter la dernière… après les forces moudjahidin. Je voudrais que

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1 mes collègues s'ils le peuvent…

2 (Cabine française : Monsieur le Président, c'est le paragraphe

3 suivant.)

4 M. Nobilo (interprétation). – " Il s'agit donc de forces

5 islamiques, fondamentalistes, moudjahidin qui ont infiltré y compris les

6 organes de l'armée de Bosnie-Herzégovine. "

7 M. le Président. – C'est tellement éloigné de ma traduction,

8 effectivement.

9 (Cabine française : c'est le paragraphe suivant, Monsieur le

10 Président, celui auquel vous faites référence.)

11 M. le Président. – Je regrette, dans ma traduction c'est : " Le

12 ministère de la Défense assurera la logistique militaire pour la Bosnie

13 centrale conjointement avec le commandement militaire. "

14 Cela ne va pas du tout cela.

15 M. Nobilo (interprétation). - Non, je vais vous lire le

16 paragraphe suivant.

17 " Les organes militaires de Bosnie centrale sont tenus

18 d'accélérer le processus de professionnalisation des unités militaires et

19 de mettre en place une discipline militaire entière ainsi que l'ordre dans

20 les unités militaires. "

21 M. le Président. – Oui, on retrouve là quelque chose... Bon, en

22 tout cas, cela ne va pas. Monsieur le Greffier, c'est une traduction

23 officielle de notre service de traduction ? Je parle de la version

24 française qui est la seule que je peux contrôler.

25 M. Abtahi. – Oui, monsieur le Président. Je vous demande juste

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1 un instant pour une vérification.

2 M. le Président. – Bien, alors écoutez. En accord avec les

3 Juges, Maître Nobilo,

4 vous allez relire ces deux paragraphes comme vous l'avez fait lentement.

5 La cabine va traduire comme elle entend le traduire. Ceci sera dans le

6 transcript et, par ailleurs, je demande officiellement, au nom de mes

7 collègues et moi-même, au Greffe d'assurer une nouvelle traduction de ces

8 deux paragraphes.

9 Maître Nobilo, lisez lentement.

10 M. Nobilo (interprétation). - Je lis le texte : " Les organes

11 militaires du HVO de Bosnie centrale sont tenus d'établir des plans de

12 défense face à une éventuelle attaque menée par des forces islamiques

13 fondamentalistes moudjahidin qui ont infiltré y compris les organes de

14 l'armée de Bosnie-Herzégovine. "

15 Le paragraphe suivant :.

16 " Les organes militaires de Bosnie centrale sont tenus

17 d'accélérer le processus de professionnalisation des unités militaires et

18 d'établir une discipline militaire entière ainsi que l'ordre dans les

19 unités militaires. " Fin de citation.

20 M. le Président. – Oui, il y a deux points qui sont très

21 différents. Le dernier paragraphe parle de professionnalisation plutôt que

22 de logistique et le premier paragraphe -c'est peut-être celui-là qui est

23 le plus controversé-, on parle là, dans la nouvelle traduction, de ces

24 forces moudjahidin qui auraient introduit, qui ont infiltré les forces de

25 l'armée de Bosnie. Donc, c'est très différent. Donc, je maintiens la

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1 demande d'une nouvelle traduction officielle.

2 Voulez-vous poursuivre…

3 Non, il est 13h05, nous allons nous arrêter. Peut-être que nous

4 pourrons revenir lorsque nous aurons la traduction, monsieur le

5 Procureur ? Ce serait peut-être plus simple ? Il faut que le témoin puisse

6 répondre sur des choses sur lesquelles tout le monde s'accorde pour la

7 traduction. Je crois que c'est le mieux. D'accord ?

8 M. Kehoe (interprétation). - Bien entendu, monsieur le

9 Président. Je suis tout à fait d'accord.

10 M. le Président. – Nous reprendrons à 14 h 30. Je redonne le

11 document au Greffier. L'audience est suspendue.

12 (L'audience suspendue à 13 h 05 est reprise à 14 h 40)

13 M. le Président. – Monsieur le Greffier ainsi que messieurs les

14 défenseurs et conseils de l'accusation, veuillez noter : demain mercredi,

15 je vous rappelle que nous commencerons à 10 h 00. Nous ferons une journée

16 comme le mardi et comme le jeudi.

17 Toutefois, pour cette semaine-ci, il y a un changement pour

18 jeudi et un changement pour vendredi. Jeudi matin, nous ne siégerons pas

19 et nous reprendrons jeudi après-midi à 15 h 30.

20 Vendredi matin, nous ne siégerons qu'à 10 h 00 et non pas à

21 9 h 00. Monsieur le Greffier, vous avez noté ?

22 M. Abtahi (interprétation). – Oui, monsieur le Président.

23 M. le Président. - Pour le service sécurité et surtout pour les

24 unités spéciales qui assurent le déplacement de l'accusé.

25 Monsieur Kehoe ?

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1 M. Kehoe (interprétation). – Puis-je procéder, monsieur le

2 Président ?

3 Général, le document dont nous étions en train de parler, la

4 pièce 456/95 datée du 22 septembre 1992, est un document qui présente des

5 aspects politiques, n'est-ce pas ?

6 M. Blaskic (interprétation). – Oui, c'est un document qui est

7 issu des rencontres régulières des responsables officiels de la Bosnie

8 centrale, donc il présente tous les aspects. Mais je tiens à signaler que

9 c'est ici, dans ce prétoire, que j'ai vu ce document pour la première

10 fois. Même s'il y est dit que j'étais membre de la présidence de travail,

11 il est évident que tous les membres de la présidence de travail ont signé

12 ce document alors que je ne l'ai pas signé. Je ne l'ai pas reçu entre les

13 mains avant de venir ici dans ce prétoire. Je ne l'avais d'ailleurs jamais

14 vu. J'étais informé du contenu des débats dans la mesure où à l'époque,

15 j'ai pu en être informé, au moment où s'est tenue la réunion. Cela, c'est

16 exact, mais j'étais invité à cette réunion.

17 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous nous avez dit ce

18 matin que vous n'aviez participé qu'à deux réunions auxquelles avaient

19 participé des représentants politiques de Bosnie centrale. Ce n'est pas

20 cela que vous avez dit aux Juges ce matin ?

21 M. Blaskic (interprétation). – Il y a eu très peu de réunions.

22 Il est possible qu'il n'y en ait eu que deux. La réunion dont nous sommes

23 en train de parler était une réunion destinée à me présenter aux

24 responsables officiels du Gouvernement en septembre 1992. Et une réunion

25 s'est tenue en avril 1993 qui était de nature similaire, une réunion de

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1 coordination à laquelle j'ai assisté. Sinon ces rencontres se tenaient

2 tous les 15 jours en Bosnie centrale, mais il s'agissait de rencontres de

3 représentants civils. Je n'assistais pas aux réunions de ces organes.

4 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Greffier, je demanderai

5 la pièce à conviction de l'accusation 572/1. J'aimerais qu'on la place sur

6 le rétroprojecteur, je vous prie.

7 Pouvez-vous remonter un peu en arrière ? Très bien.

8 Général, je propose que nous voyions de quels hommes il s'agit.

9 Sur cette photo à gauche, c'est Ignac Kostroman, secrétaire du HVO, n'est-

10 ce pas ?

11 M. Blaskic (interprétation). – Oui, il s'agit bien d'Ignac

12 Kostroman. Je crois qu'il était secrétaire général du HDZ pour la Bosnie-

13 Herzégovine. Peut-être était-il aussi membre du HVO, mais en tout cas, il

14 était secrétaire.

15 M. Kehoe (interprétation). – Et c'était un représentant

16 politique, n'est-ce pas ?

17 M. Blaskic (interprétation). – Oui. C'était une personnalité

18 politique.

19 M. Kehoe (interprétation). – L'homme à côté de lui est Anto

20 Valenta, vice-Président du HVO, n'est-ce pas ?

21 M. Blaskic (interprétation). – Oui Anto Valenta était vice-

22 Président du Gouvernement, enfin du HVO, en tout cas coordinateur pour la

23 Bosnie centrale.

24 M. Kehoe (interprétation). – A partir du 8 avril, c'est bien cet

25 homme qui avait un bureau au fond du couloir où se trouvait votre bureau à

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1 l'hôtel Vitez, n'est-ce pas ?

2 M. Blaskic (interprétation). – Non, c'est l'homme qui a été

3 expulsé de son bureau à Travnik en raison des événements. Il a donc été

4 expulsé et il a utilisé le bureau du chef d'état-major de M. Franjo Nakic

5 pendant une certaine période à partir du 8 avril, pendant très peu de

6 temps à l’hôtel Vitez. Après quoi, il a eu un bureau dans un bâtiment

7 voisin à Vitez. Je ne sais pas comment s'appelait ce bâtiment, mais en

8 tout cas, il se trouvait en face de l'hôtel à une centaine de mètres. Il

9 ne pouvait pas retourner à Travnik puisque l'armée de Bosnie-Herzégovine

10 s'était emparée de Travnik.

11 M. Kehoe (interprétation). – Valenta était également une

12 personnalité politique, n'est-ce pas ?

13 M. Blaskic (interprétation). – Oui. Valenta, j'ai déjà donné ses

14 fonctions.

15 M. Kehoe (interprétation). – A côté de Valenta et à côté de

16 vous, entre Valenta et vous même, se trouve Dario Kordic, vice-Président

17 du HVO. Est-ce exact ?

18 M. Blaskic (interprétation). – Oui.

19 M. Kehoe (interprétation). – C'était également une personnalité

20 politique ?

21 M. Blaskic (interprétation). – Oui, lui aussi était une

22 personnalité politique.

23 M. Kehoe (interprétation). – Vous avez rencontré ces hommes à

24 ces conférences de presse dont vous avez parlé, au moins une fois par

25 semaine à Busovaca ?

Page 19822

1 M. Blaskic (interprétation). – Non, je ne rencontrais pas ces

2 hommes. Je participais aux conférences de presse. On le voit clairement.

3 La conférence de presse se tenait en général toutes les semaines et

4 c'était une conférence publique à laquelle assistaient des représentants

5 des Nations unies et des journalistes.

6 Donc, je répondais aux questions posées par les journalistes,

7 mais chacun répondait aux questions relevant de lui. Moi, je répondais aux

8 questions de nature militaire donc, des

9 questions militaires. Il n'a jamais été question de rencontres ou de

10 réunions avec des représentants politiques, contrairement à ce qu'y est

11 dit dans ce document du 22 septembre 1992 dont nous avons parlé il y a

12 quelques instants, ou dans le document du mois d'avril 1993.

13 M. Kehoe (interprétation). - Général, à ces conférences de

14 presse auxquelles vous assistiez toutes les semaines, la politique

15 concernant la communauté croate de Herceg-Bosna était discutée par

16 Kostroman, Valenta et Kordic en votre présence, n'est-ce pas ?

17 M. Blaskic (interprétation). – Aux questions posées par les

18 journalistes, ils répondaient en ma présence. Mais ce n'est pas moi qui

19 leur posais ces questions et je ne participais pas avec eux à quelque

20 débat que ce que soit dans le cadre de ces conférences.

21 Comme je l'ai déjà dit, il s'agissait de conférences auxquelles

22 assistaient tous les journalistes de la communauté croate et tout

23 dépendait des questions. Si les questions étaient politiques ou

24 concernaient des questions civiles, d'autres représentants que moi

25 répondaient. Mais s'il s'agissait de questions militaires, puisqu'il y

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1 avait des combats très violents contre l'armée de la Republica Srpska et

2 plus tard contre l'armée de Bosnie-Herzégovine, dans ces cas-là, c'est moi

3 qui répondais aux questions.

4 M. Kehoe (interprétation). – Mais, sur la base de ces questions,

5 Général, vous connaissiez bien les positions politiques de ces trois

6 hommes, n'est-ce pas ?

7 M. Blaskic (interprétation). - J'étais dans la capacité

8 d'entendre -comme pouvaient le faire toutes les personnes présentes-, les

9 positions exprimées par ces représentants. Mais je souligne que ces

10 réunions n'étaient pas des réunions avec des représentants civils. Je m'en

11 tiens à mon affirmation selon laquelle je n'ai participé qu'à deux

12 réunions ; une réunion et une conférence de presse sont deux choses

13 différentes.

14 M. Kehoe (interprétation). - Général, mais à ces conférences de

15 presse où étaient discutés des programmes politiques, ou des commentaires

16 politiques, étaient exprimés par ces trois hommes, avez-vous vous jamais

17 exprimé publiquement votre désaccord avec ces positions ?

18 M. Blaskic (interprétation). – Ces hommes faisaient connaître

19 leurs commentaires sans m'en informer. Ils formulaient des commentaires

20 effectivement avec lesquels parfois je n'étais pas d'accord. J''ai eu

21 l'occasion de le dire à certains d'entre eux, mais leurs commentaires ne

22 me liaient en aucune façon car moi, j'avais un grand quartier général. En

23 tant que militaire, je recevais des ordres du chef d'état-major principal.

24 Quant au plan politique, il y avait des représentants locaux ou

25 régionaux, des représentants politiques qui s'exprimaient, mais cela ne me

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1 liait en aucune façon.

2 M. Kehoe (interprétation). - Ces déclarations politiques avec

3 lesquelles vous n'étiez pas d'accord, pouvez-vous les faire connaître aux

4 Juges ? Et pouvez-vous dire aux Juges à l'encontre de qui vous dirigiez

5 vos critiques et à quel moment vous avez formulé ces critiques ?

6 M. Blaskic (interprétation). – Il m'est difficile de dire à quel

7 moment je les ai formulées. Je sais que lors d'une de ces conférences de

8 presse, à l'époque où nous n'avions ni eau ni électricité... C'était une

9 période où le conflit avec l'armée de Bosnie-Herzégovine durait déjà

10 depuis quelques temps. Je pense que c'était peut-être la fin du mois de

11 mars 1993. Je me rappelle que M. Valenta, à cette occasion, a dit

12 condamner l'attitude de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui avait causé la

13 suppression de l'eau et de l'électricité dans l'enclave de la Lasva, et

14 que si la situation durait, le HVO prendrait les mesures nécessaires pour

15 que l'eau et l'électricité soient coupées là où le HVO pouvait couper

16 l'eau et l'électricité à l'armée de Bosnie-Herzégovine, et donc sur les

17 territoires ou vivaient des Musulmans bosniens.

18 Je lui ai dit, après l'avoir entendu, que je ne soutenais pas

19 cette position et que je ne souhaitais plus participer à des conférences

20 de presse où seraient faites de telle déclaration. J'ai dit que je n'étais

21 pas d'accord avec ce qu'il a dit aux journalistes, au moment de cette

22 conférence

23 de presse. Je crois, qu'à partir de ce moment-là, il n'a plus participé

24 aux conférences de presse, mais les conférences de presse tenues par lui

25 en tant que représentant du gouvernement civil. Et les conférences de

Page 19825

1 presse tenues par les membres du commandement de la zone opérationnelle de

2 Bosnie centrale se sont tenues séparément. Dans les deuxièmes conférences

3 de presse on discutait de questions militaires.

4 M. Kehoe (interprétation). - Général, est-ce la seule

5 déclaration avec laquelle vous vous souvenez avoir été en désaccord ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Vous m'avez demandé quand et où,

7 peut-être y a-t-il eu d'autres occasions. Mais je tiens à dire,

8 monsieur le Président, messieurs les Juges, qu'il y a eu pas mal de

9 déclarations faites par des représentants politiques y compris locaux. On

10 voit, à la lecture de ce document, qu'au niveau de la municipalité on

11 décidait finalement de ce que feraient le ministère et l'armée, etc. Et

12 moi, je considérais que de telles déclarations ne me liaient en aucune

13 façon, pas plus que ne le faisaient de telles conceptions.

14 Je considérais que je dépendais uniquement du grand quartier

15 général et des ordres officiels qui m'étaient destiné. Quant aux positions

16 des responsables politiques locaux, il y en a eu pas mal qui ont été

17 exprimées. Il ne s'agissait pas de positions officielles ou de documents

18 officiels.

19 M. Kehoe (interprétation). - Mais Général, n'est-il pas vrai que

20 vous avez eu une participation politique, comme nous l'avons vu, dans les

21 dépêches de l'AFP, lors de cette rencontre du 22 septembre et au moment ou

22 vous avez fait des commentaires publics au sujet du plan Vance-Owen ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Non, ce n'est pas un fait, ce

24 n'est pas une réalité. J'étais préoccupé constamment que par la nécessité

25 de tenir. Il faut se rendre compte, ici, qu'au mois d'août, j'étais sur le

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1 front à Jajce. Au mois de septembre, j'ai passé une grande partie du mois

2 sur le front de Jajce. Au mois d'octobre, j'étais sur le front à Travnik.

3 Je peux vous indiquer ici où se trouvaient les lignes de front et mes

4 postes de commandement avancé. J'affirme qu'à Jajce et à Travnik j'avais

5 mon poste de commandement en août et en septembre.

6 Et j'ai consacré la majeure partie de mon temps à me concentrer

7 sur des questions militaires, le quartier général étant basé à Vitez. Donc

8 ce que vous êtes en train de montrer n'indique rien au sujet de ma

9 position politique. D'autant plus que, lors de la première rencontre dont

10 nous parlons, j'ai été présenté en tant qu'invité à la réunion et pas en

11 tant que participant.

12 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous avez formulé des

13 commentaires au sujet du plan Vance-Owen, n'est-ce pas ?

14 M. Blaskic (interprétation). – J'ai formulé des commentaires au

15 sujet du plan Vance-Owen qui concernaient la structuration interne de la

16 Bosnie-Herzégovine. Je l'ai fait eu égard aux aspects militaires et eu

17 égard aux aspects du plan que je connaissais qui portait donc sur des

18 questions militaires, pour autant que j'ai été informé complètement de ce

19 plan, parce que le plan Vance-Owen n'est pas uniquement un plan politique.

20 C'est un plan qui prévoit la structuration complète de la Bosnie-

21 Herzégovine. C'est un plan qui s'occupe des aspects politiques mais

22 également des aspects militaires. Peut-être n'étais-je pas très expert en

23 matière politique, mais pour l'essentiel, les commentaires que j'ai

24 formulés portaient sur l'aspect militaire du plan de paix Vance-Owen, pour

25 autant que je le sache.

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1 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais que l'on vous montre la

2 pièce à conviction de l'accusation 456/12.

3 M. le Président. - Le Juge Rodrigues voudrait vous poser une

4 question.

5 M. Kehoe (interprétation). – Excusez-moi.

6 M. Rodrigues. – Merci, monsieur le Président.

7 Général Blaskic, combien de fois, plus ou moins, avez-vous été

8 assis dans ces conditions que vous voyez sur la photo ?

9 M. Blaskic (interprétation). – Il m'est difficile de dire

10 combien de fois cela s'est

11 produit, monsieur le Juge. Parfois, cela arrivait une fois par semaine,

12 quelquefois, une fois tous les 15 jours. Cela dépendait des conditions,

13 des opérations de combat, des besoins. Il fallait que nous ayons quelque

14 chose à dire à de telles conférences de presse.

15 M. Rodrigues. – Autre question : pourquoi avez-vous dit que

16 Kostroman, Kordic et Valenta dans cette photo sont des politiciens, des

17 hommes politiques ? Pourquoi ?

18 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, parce qu'ils occupaient

19 des fonctions politiques déterminées au sein de la communauté croate de

20 Herceg-Bosna et plus tard, au sein de la République croate de Herceg-

21 Bosna. Avant, ils avaient occupé au sein du parti HDZ des fonctions

22 également car ils en étaient membres.

23 M. Rodrigues. – Si vous regardez la photo ou les photos, je

24 crois qu'on peut voir Kordic et Kostroman avec des vêtements militaires,

25 non ?

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1 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Juge, pratiquement

2 tous les représentants civils à une certaine période -maintenant je ne

3 peux pas dire que cela s'est produit pendant toute la période- mais

4 pendant une période prolongée au cours de la guerre en Bosnie-Herzégovine,

5 ces hommes portaient des uniformes militaires, y compris M. Valenta. Cela

6 me surprend ici de voir M. Valenta en civil sur cette photo. Je l'ai vu en

7 uniforme militaire à de nombreuses reprises.

8 M. Rodrigues. - On dit qu'une figure parle plus haut que les

9 mots. Si une personne regarde cette photo, sans voir ce que les personnes

10 ont à l'intérieur de leur tête, qui sont les civils ? Qui sont les

11 militaires ?

12 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, monsieur le Juge, vous

13 posez une très bonne question. Les photos parlent très clairement et il

14 est possible de déterminer, à la vue de cette photo, que tous les hommes

15 présentés ici sont des militaires, à l'exception d'un seul. Mais en

16 Bosnie-Herzégovine à ce moment-là, même les enfants de cinq ans portaient

17 les uniformes et notamment les uniformes de camouflage. Même les enfants

18 les portaient s'ils pouvaient en obtenir car l'uniforme de camouflage

19 était l'élément le plus recherché, le vêtement le plus recherché à

20 l'époque.

21 M. Rodrigues. – Un voyant, en regardant cette photo, dirait : il

22 y a un civil et trois militaires. A la fin, il y a trois politiques et un

23 seul militaire. Pourquoi ? Parce que vous avez dit que cette photo, cette

24 réunion où vous avez été assis plusieurs fois. Mais vous, vous étiez bien

25 conscient que la photo parle plus haut que les mots. Vous avez accepté de

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1 vous asseoir dans ces conditions ou non ?

2 M. Blaskic (interprétation). – Oui, j'ai accepté. Et comme je

3 l’ai dit, il s'agissait de conférences de presse. C'était donc le seul

4 moyen pour fournir à la population de l'enclave des positions qu'elles

5 soient civiles, militaires ou politiques. A ces conférences de presse, je

6 m'exprimais principalement sur les questions militaires.

7 M. Rodrigues. – Imaginez, Général, qu'il s'agisse d'une

8 conférence de presse et il y a peut-être des journalistes de BBC, de la

9 CNN ou des journalistes étrangers. Ils ont une question militaire. Si j'ai

10 bien compris, vous avez dit que vous étiez là pour répondre aux questions

11 de nature militaire. Si je suis un journaliste étranger dans la salle,

12 dans une conférence de presse, j'ai une question militaire. Peut-être, je

13 pourrais adresser la question soit à Kostroman, soit à Kordic. Peut-être,

14 je l'adresserais à vous parce que vous me semblez un peu plus sympathique.

15 Mais vous pouvez. Si j'ai une question de nature militaire, je peux

16 adresser à la personne, mais jamais, je n'adresserais la question à Anto

17 Valenta qui est avec une cravate, mais à quelque autre. Trouvez-vous que

18 je serais raisonnable ?

19 M. Blaskic (interprétation). – Absolument, monsieur le Juge,

20 puisque ces trois hommes portent un uniforme. Mais, il y a deux autres

21 détails à prendre en compte, sans doute. Il y avait des conférences qui

22 traitaient de questions particulières. Si la question était d'ordre

23 militaire, l'interprète me l’adressait directement à moi. Et ici, vous

24 voyez ce badge. Il était écrit : commandant militaire de la zone

25 opérationnelle de Bosnie centrale sur ce badge. C'était

Page 19830

1 principalement destiné aux journalistes étrangers alors que les autres

2 hommes ne portaient pas ce badge. Donc, s'ils posaient une question, ils

3 déterminaient eux-mêmes le thème de leur question et ils l'adressaient à

4 telle ou telle personne.

5 M. Rodrigues. – Une autre question, Général Blaskic. Dans ces

6 conditions, dans la photo, qui présidait la réunion ? Qui présidait à

7 cette table ?

8 M. Blaskic (interprétation). – Personne ne présidait. Il y avait

9 un présentateur. On ne le voit pas ici. Je crois qu'il est assis après la

10 personne qui est à ma gauche. C'est lui qui dirigeait la réunion. En

11 général, monsieur le Juge, il disait : " J'ouvre la conférence de presse

12 en Bosnie centrale, les hôtes de la conférence aujourd'hui sont tels et

13 tels. "

14 Permettez-moi de dire encore la chose qui suit : à ces

15 conférences ne participaient pas uniquement des représentants du HVO. Par

16 exemple, le 16 novembre 1992, lors d'une conférence de la même nature, le

17 Président de la Présidence de guerre de la municipalité de Gorajde,

18 M. Hadzo Efendic était assis à côté de moi. Il est venu me remercier

19 publiquement pour la défense de Gorajde et remercier les autres

20 responsables de cette défense.

21 D’autres fois, il y avait des représentants de la Défense

22 territoriale, d'autres invités qui participaient à ces réunions. Mais

23 personne ne présidait en tant que Président. Tout dépendait du sujet. Si

24 la conférence de presse était convoquée pour traiter de certaines

25 questions relatives à l'organisation interne de la Bosnie centrale, bien

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1 entendu, n’y participaient que des représentants politiques. C'était notre

2 seul moyen de communiquer pour transmettre les informations officielles

3 que nous recevions éventuellement à ce moment-là.

4 M. Rodrigues. – Merci, Général.

5 M. Kehoe (interprétation). – Pour poursuivre, après la question

6 posée par le Juge Rodrigues, outre ces réunions hebdomadaires, combien de

7 fois par semaine parliez-vous avec Dario Kordic ou le rencontriez-vous ?

8 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président,

9 messieurs les Juges, je le répète, il ne s'agissait pas là de réunions

10 hebdomadaires. Peut-être qu'on m'a mal interprété. Pour moi, une réunion,

11 c'était une réunion de travail en quelque sorte.

12 Or là, il s'agissait d'une conférence organisée chaque semaine

13 pour le public. Pour ce qui est des réunions avec Dario Kordic, parfois il

14 n'y en avait pas pendant toute la semaine. Et s'il y avait soudain des

15 informations liées à des questions militaires, dans ce cas, nous nous

16 rencontrions à l'église, par exemple, si moi j'étais à l'église de

17 Busovaca.

18 Mais il n'y avait pas de contacts réguliers, parce que ce

19 n'était pas mon supérieur. Mon supérieur était le chef d'état-major

20 principal.

21 M. Kehoe (interprétation). - Mais outre ces conférences de

22 presse hebdomadaires, à quelle fréquence à peu près rencontriez-vous

23 M. Kordic ?

24 M. Blaskic (interprétation). – J'ai déjà dit qu'il n'y avait pas

25 de chiffre déterminé. Parfois, je le rencontrais pendant la messe, à

Page 19832

1 l'église de Busovaca, parfois je le rencontrais ailleurs.

2 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien, Kostroman s'est rendu à de

3 nombreuses réunions avec des organisations internationales, réunions

4 auxquelles vous avez participé également.

5 M. Blaskic (interprétation). - Non, cela n'est pas vrai.

6 Ignac Kostroman a assisté à des réunions -je pourrais même tenter d'en

7 faire la liste-, réunions qui ont eu lieu à partir du 23 octobre.

8 A ce moment-là il y a eu une délégation plus importante du HVO

9 au court d'une réunion de la présidence de la République de Bosnie-

10 Herzégovine, à l'aéroport militaire. Cette réunion était convoquée par le

11 Général Morillon et la réunion suivante s'est tenue le 30 octobre, je

12 crois, et la suivante a eu lieu en novembre, le 5 peut-être.

13 Et puis, il y a eu également, au mois de mars, une réunion à

14 Zenica. En fait, il y a eu très peu de réunions auxquelles il a assisté,

15 entre cinq, six, sept peut-être. Cela dit, il a peut-être assisté à

16 certaines réunions dont je n'ai pas eu vent.

17 M. Kehoe (interprétation). - Mais outre ces conférences de

18 presse, à peu près à quelle fréquence avez-vous pu vous entretenir ou

19 rencontrer M. Kostroman ?

20 M. Blaskic (interprétation). – Il s'occupait d'un secteur tout à

21 fait différent. Il était secrétaire, même chose pour Kordic. Et moi,

22 j'avais mon commandement à Vitez et je passais la plupart de mon temps à

23 la ligne de front. Par conséquent, pendant toute la période d'août à

24 Jajce, octobre/novembre à Travnik, Jebse, Mucora, donc je ne le

25 rencontrais que très rarement.

Page 19833

1 M. Kehoe (interprétation). - Et Valenta, qu'en est-il ? Outre

2 ces conférences de presse auxquelles vous participiez, à quelle fréquence

3 le rencontriez-vous ?

4 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, j'étais invité par le

5 Président Thebault, à une reprise, afin de participer à une réunion deux

6 ou trois fois peut-être.

7 Je l'ai vu à l'hôtel, lorsqu'il y résidait de façon temporaire.

8 Mais à l'exception des réunions auxquelles on m'a invité, par l'ECMM et

9 par le colonel Stewart, je n'ai pas assisté à d'autres réunions avec

10 M. Valenta. Je ne me considérais pas comme étant obligé de le rencontrer,

11 parce qu'il n'était pas nécessaire pour moi de le faire, à moins qu'il y

12 ait des ordres officiels émanant du chef d'état-major principal du HVO. Je

13 n'avais pas de comptes à rendre à ces trois hommes.

14 M. Kehoe (interprétation). - Mais Général, M. Valenta n'était-il

15 pas présent, lorsqu'au cours d'une réunion vous avez abordé des questions

16 relatives à Ahmici avec le colonel Stewart ?

17 M. Blaskic (interprétation). – Non, il n'était pas là. La

18 réunion s'est tenue dans son bureau au mois de mai 1993. Je ne sais pas ce

19 qui était à l'ordre du jour. Je sais qu'il y avait toute une délégation

20 d'ECMM qui était là, dirigée par le représentant M. Thebault. Le colonel

21 Stewart était également présent et ils m'ont invité à participer, à

22 assister à cette réunion, pour une partie de cette réunion lorsqu'il a été

23 question d'Ahmici et de l'enquête relative à Ahmici et lorsque différents

24 sujets ont également fait l'objet d'une discussion. Si vous voulez, je

25 pourrais regarder ma chronologie.

Page 19834

1 M. Kehoe (interprétation). - Nous y reviendrons en temps

2 opportun. Je voudrais maintenant revenir sur les commentaires politiques

3 formulés à l'égard du plan de paix Vance-Owen et je vous invite à

4 consulter la pièce de l'accusation 456/12, dans ce domaine-là.

5 Général, il s'agit d'un document dont vous avez parlé au cours

6 de votre interrogatoire principal. Me Nobilo a dit, à la page 20110 du

7 compte-rendu, qu'il s'agissait d'un document quelque peu délicat. Et

8 Me Nobilo, en faisant référence à ce document, a dit qu'il faisait mention

9 de certaines questions de nature politique.

10 Je crois que c'est un document daté du 26 mai 1993 envoyé à la

11 mission de l'Union européenne et à son représentant principal M. Thebault,

12 n'est-ce pas ? Je vous repose la question : est-ce là un document qui

13 aborde de façon très claire des questions politiques ?

14 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président,

15 messieurs les Juges, je voudrais tout d'abord dire quelque chose sur le

16 document lui-même. A en juger par les initiales qui figurent sur ce

17 document, il a été rédigé par M. Drago Dujmovic. Je ne sais pas s'il l'a

18 écrit mais il l'a signé et il n'avait pas l'autorisation de le faire.

19 En fait, il ne faisait pas partie de mon groupe d'assistants,

20 donc il ne pouvait pas signer ce type de document. Si j'avais su qu'il

21 l'avait signé, ce document n'aurait jamais quitté mon commandement et

22 n'aurait jamais été envoyé à M. Thebault.

23 J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Thebault à plusieurs

24 reprises. Je ne suis jamais rentré dans des questions politiques avec lui,

25 il le sait très bien.

Page 19835

1 En ce qui concerne le plan Vance-Owen, et l'argument de

2 l'accusation selon lequel

3 ce document ne traite que de questions politiques, eh bien peut-être que

4 je ne comprends pas suffisamment bien le plan Vance-Owen, mais je crois

5 qu'il est question d'organisation interne de la Bosnie-Herzégovine et de

6 ses structures. Effectivement il est question de politique, mais il est

7 également question d'autres sujets, notamment militaires, et puis de la

8 création de l'état de Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat abritant trois

9 nationalités différentes.

10 C'est un plan qui a été élaboré sous l'égide de la Communauté

11 internationale ; c'est ainsi que j'ai compris les choses. Mais comme je

12 l'ai déjà souligné, je n'ai pas autorisé l'envoi de ce document et je n'ai

13 pas signé ce document, bien que le dernier passage de ce document demande

14 une réunion conjointe afin d'éclaircir certains points qui n'étaient pas

15 clairs.

16 Je n'ai jamais demandé ou parlé de questions politiques avec le

17 responsable du troisième corps d'armée.

18 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien, soyons bien clairs. En ce

19 qui concerne la référence qui est faite à des questions politiques, je

20 vous renvoie la question de Me Nobilo et à votre réponse. Cette référence

21 figure à la page 20174, ligne 22 du compte rendu anglais ; c'est la

22 question de Me Nobilo qui porte sur le document, la pièce de

23 l'accusation 456/112.

24 Il est dit -c'est donc une lettre qui est envoyée à l'ECMM sur

25 laquelle votre nom figure, a été dactylographiée et dans laquelle on fait

Page 19836

1 référence à des questions politiques telles que l'application du plan

2 Vance-Owen- la question est donc : " Avez-vous rédigé cette lettre ?

3 L'avez-vous signée ? L'auriez-vous signée ? Auriez-vous envoyé un tel

4 document ?"

5 Votre réponse est -elle commence à la ligne 3 de la page

6 suivante, la page 20175 : " Je n'approuve pas ce document, je ne l'ai pas

7 rédigé et je ne l'ai pas signé. Ce document était signé par

8 M. Drago Dujmovic. Il était l'assistant chargé des affaires de sécurité et

9 de propagande et il n'a jamais occupé une fonction qui lui aurait permis

10 de signer un quelconque document en mon nom ".

11 Est-ce bien exact, monsieur ?

12 M. Hayman (interprétation). - Je crois que vous avez mal cité le

13 compte rendu à la ligne 5. Lorsque vous dites " signée par

14 M. Drago Dujmovic ", le transcript dit " rédigée par.. "

15 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, je me corrige si j'ai

16 fait une erreur. Effectivement, dans le transcript, il est dit : " Ce

17 document a été rédigé par M. Drago Dujmovic ", mais je crois que ce que

18 j'ai cité par la suite était exact. N'est-ce pas maître Hayman ?

19 (Me Hayman acquiesce.)

20 M. Kehoe (interprétation). – " Il n'a jamais occupé une fonction

21 qui lui aurait permis de signer un quelconque document en mon nom " ; est-

22 ce bien exact Général ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Oui.

24 M. Kehoe (interprétation). - M. Dujmovic n'a jamais occupé une

25 fonction lui permettant de signer un quelconque document en votre nom ;

Page 19837

1 c'est bien ce que vous dites ?

2 M. Blaskic (interprétation). – M. Dujmovic, effectivement,

3 n'occupait pas de fonction lui permettant de signer des documents en mon

4 nom. Il n'était pas assistant en tant que tel. Seuls mes assistants

5 étaient autorisés à signer ces documents en mon nom, et, à ma

6 connaissance, il n'occupait pas la fonction d'assistant chargé des

7 questions politiques sauf si Marko Prskalo avait été blessé. Mais je crois

8 que c'est Dragan Ramljak qui, alors, occupait ce poste d'assistant chargé

9 des questions politiques à Vitez, au district militaire de Vitez.

10 Cela dit, si j'avais su que ce document existait, je ne l'aurais

11 pas envoyé à M. Thebault et je n'aurais pas non plus parlé de problèmes

12 politiques avec lui.

13 M. Kehoe (interprétation). - Je vous montrerai le document

14 suivant.

15 M. Abtahi. - Il s'agit de la pièce 615 et 615 a) pour la version

16 en anglais.

17 M. Kehoe (interprétation). - Général, il s'agit-là d'un ordre du

18 30 avril 1993. Là encore, vous conviendrez avec moi qu'il a été rédigé par

19 Drago Dujmovic qui a signé ce document ?

20 M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, le conseil

21 dit qu'il s'agit d'un ordre.

22 M. Kehoe (interprétation). - C'est une demande d'intervention,

23 vous avez tout à fait raison, excusez-moi, une demande d'intervention.

24 Général, qui a signé ce document ?

25 M. Blaskic (interprétation). – C'est également Drago Dujmovic

Page 19838

1 qui a signé ce document.

2 M. Kehoe (interprétation). – Avez-vous autorisé l'envoi de ce

3 document ?

4 M. Blaskic (interprétation). – Il faudrait que je lise ce

5 document afin d'en comprendre la teneur. Puis-je le lire afin de me

6 rafraîchir la mémoire ?

7 M. le Président. – Excusez-moi, Général, c'est une question de

8 forme. Je m'adresse au témoin : c'est un peu gênant lorsqu'on a des

9 ordres, des requêtes -peu importe- qui sont signés de votre sceau, qui

10 sont approuvés de votre sceau et rédigés par quelqu'un d'autre. De temps

11 en temps, vous dites : je n'approuve pas. C'est un peu gênant quand même.

12 Vous imaginez, demain je rends une décision et il y a mon sceau et je

13 dis : écoutez, c'est l'assistant qui l'a rédigé, je ne reconnais pas du

14 tout, cela ne va pas du tout.

15 C'est une question, Général, qui dépasse ce problème-là. A

16 plusieurs reprises, depuis le début, on a : il y a le sceau, le cachet

17 Tihomir Blaskic et vous dites : untel a rédigé cela, il n'était pas

18 mandaté pour, pas compétent pour, etc. Reconnaissez que c'est un peu

19 compliqué. En plus, quand on a uniquement la traduction anglaise,

20 monsieur le Procureur, ou française, on a également Tihomir Blaskic. C'est

21 exceptionnel que j'ai la version serbo-croate.

22 Là on voit bien qu'il y a… on met votre nom Tihomir Blaskic. Il

23 faut bien reconnaître que c'est un peu gênant. Vous êtes d'accord que

24 c'est gênant ?

25 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, oui

Page 19839

1 effectivement, c'est un peu embarrassant. Parce que selon le règlement en

2 vigueur qui régissait le travail du

3 commandement de la zone opérationnelle, théoriquement, c'était moi qui

4 devais signer les documents. Si ce n'était pas moi, c'était Franjo Nakic,

5 le chef de l'état-major principal, mais il a été absent pendant un certain

6 temps. Le chef d'état-major Franjo Nakic, donc. Mais il a été absent

7 pendant un certain temps. Nous le savons déjà, je ne vais pas me répéter.

8 Par conséquent si je n'étais pas là, c'étaient mes assistants

9 qui signaient les documents, notamment Marko Prskalo. Mais il avait été

10 blessé et se trouvait à l'hôpital. Alors, je ne sais pas à quel moment son

11 adjoint a assumé ses propres fonctions afin qu'il puisse signer. Mais je

12 sais que les autres personnes, généralement, ne pouvaient pas, n'étaient

13 pas autorisées à

14 signer les documents à part mes assistants.

15 M. le Président. - Général Blaskic est-ce que, de façon

16 générale, vous vous estimez responsable de tous les documents qui sont

17 frappés du sceau Blaskic ?

18 En plus vous ne faîtes pas que le sceau, il y a quelque chose

19 qui dans un mode organisationnel classique paraît assez paradoxal. Non

20 seulement, il y a le sceau du commandement de la zone opérationnelle, mais

21 en même temps, il y a votre nom tapé à la machine.

22 Et puis c'est vrai que parfois c'est votre signature, parfois ce

23 n'est pas la vôtre. Mais ma question est très simple : est-ce que, de

24 façon générale, vous vous reconnaissez responsable de tout ce qui est

25 marqué de votre sceau avec votre identité ?

Page 19840

1 M. Blaskic (interprétation). – Je me sens responsable,

2 monsieur le Président, messieurs les Juges. Mais tous les documents

3 provenant du commandent de la zone opérationnelle portent mon nom et mon

4 sceau. Et il s'agissait de notre règlement interne. Il y avait le

5 commandant, quelque soit la personne qui signe le document. Ce que je

6 disais, c'est que le droit de signer était quelque chose qui revenait à

7 mes assistants.

8 M. le Président. – Vous donnez à vos assistants le droit de

9 signer. Quand on donne à un assistants le droit de signer, on se reconnaît

10 responsable de l'assistant. Ou alors on ne donne pas la signature. Est-ce

11 que vous êtes d'accord sur ce principe général d'organisation

12 administrative d'ailleurs ?

13 Ou vous donnez votre signature ou vous ne la donnez pas. Si vous

14 la donnez, vous êtes responsable ? Je parle en général. Je parle de façon

15 générale. On oublie Blaskic. Ou l'on donne sa signature ou on ne la donne

16 pas.

17 M. Blaskic (interprétation). – Je ne suis pas sûr de vous avoir

18 bien compris, mais je me considère responsable des documents qui portent

19 mon nom et mon prénom. Mais tous les documents de la zone opérationnelle

20 portent mon nom et mon prénom.

21 M. le Président. - Je vous remercie. C'est clair. Il y a deux

22 catégories de documents : des documents d'ordre interne sur lesquels vous

23 devez vous sentir responsable, mais là, particulièrement, il me semble que

24 les documents qui sortent de la zone opérationnelle et qui s'adressent à

25 des institutions extérieures comme le bataillon comme le Britbat, comme la

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1 mission de contrôle, comme la Croix-Rouge, ceux-là je pense que vous devez

2 vous en sentir particulièrement responsable. Vous devez vous sentir

3 responsable de tous, mais particulièrement de ceux là, car comment voulez-

4 vous que la Croix-Rouge puisse savoir qui est l'interlocuteur de la zone

5 opérationnelle, si vous vous dites : ah, mais là, l'assistant a mis des

6 choses qui ne me conviennent pas.

7 Ce sont des documents qui vous engagent particulièrement me

8 semble-t-il, la Croix-Rouge, le bataillon britannique. Je pense à ce

9 document, celui-là. Vous êtes d'accord avec cela, avec ce que je vous

10 dis ?

11 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, je suis

12 d'accord. Mais là, à propos de ce document, une fois de plus, il s'agit

13 d'un document du 30 avril 1993 ; je pense que vous voyez la confusion qui

14 pouvait régner. Nous n'étions plus que sept à travailler. Il y avait des

15 blessés.

16 M. le Président. - C'est une autre forme de réponse que je peux

17 comprendre aussi.

18 Mais je parlais de façon générale. Qu'après, selon tel ou tel document,

19 vous fassiez un commentaire en disant : oui cela a pu m'échapper, j'étais

20 sur un front avancé, cela je peux le comprendre. Mais je voulais que nous

21 soyons très clairs et que cela soit bien marqué dans le transcript ; que

22 le Général Blaskic se reconnaît, de manière générale, comme responsable de

23 tout ce qui sort de la zone opérationnelle, qui est frappé de son sceau et

24 qui est marqué Tihomir Blaskic.

25 Je vous remercie d'avoir bien éclairé les Juges sur ce point-là.

Page 19842

1 Maintenant, excusez-moi, je rends la parole au Procureur.

2 M. Kehoe (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

3 Monsieur le Greffier, peut-on consulter cette série de documents, s'il

4 vous plaît, rapidement ? Il y a cinq documents.

5 Peut-on les prendre dans leur ordre chronologique s'il vous

6 plaît ?

7 Monsieur le Président, peut-être peut-on traiter tous ces

8 documents en même temps, je crois que cela serait plus simple et plus

9 rapide.

10 M. le Président. - Chaque fois que vous prononcez le mot " plus

11 rapide ", c'est très bien. Allons-y ! !

12 M. Kehoe (interprétation). - Tant que je ne vous verrai pas vous

13 endormir en ce milieu d'après-midi, je penserai avoir réussi dans mon

14 entreprise.

15 M. le Président. – Allons-y !

16 M. Abtahi. – Il s'agit des documents 616, 616 a), 617, 617 a),

17 618, 618 a), 619, 619 a) et 620, 620 a). Les a) correspondent aux versions

18 anglaises à chaque fois.

19 M. Kehoe (interprétation). - Général, veuillez consulter tous

20 ces documents, s'il vous plaît.

21 Comme pour le document précédent, il s'agit de différentes

22 réponses ou requêtes, demandes d'assistance, un commentaire envoyé à un

23 commandant, etc. Tous ces documents sont rédigés par M. Dujmovic. Il a

24 également signé ces documents en votre nom, n'est-ce pas ?

25 Tous ces documents ?

Page 19843

1 M. Blaskic (interprétation). - Oui, et tous les documents ont

2 été créés après la mort de mon assistant, M. Marko Prskalo, après le

3 17 avril 1994. Lorsque M. Prskalo… Non, excusez-moi, il n'a pas été tué,

4 il a été blessé. Il a été blessé par un tireur isolé de l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine à Stari Vitez.

6 M. Kehoe (interprétation). - Alors voyons la première pièce en

7 date du 3 mai 1993, la pièce 616.

8 Ces documents, Général -je parle de la pièce 615-, vont de la

9 date du 30 avril jusqu'à la date, jusqu'à la mi-mai 1993.

10 Alors pendant cette période M. Dujmovic avait, en effet, la

11 compétence de signer en votre nom. Est-ce exact ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Pendant toute cette période,

13 Dujmovic était un employé au sein du département de l'IPD. Il n'était pas

14 assistant. Ce qui est possible, c'est que cette situation s'est créée à

15 partir du moment où l'assistant chargé de l'IPD a été blessé ;

16 M. Marko Prskalo j'entends.

17 Mais la situation réelle, quelle était-elle ? Elle était que les

18 assistants et le chef d'état-major pouvaient signer en mon nom, alors que

19 les officiers inférieurs ne pouvaient pas le faire ; ils n'avaient pas ce

20 droit. Mais la situation de fait était un peu différente car nous n'étions

21 que sept au sein du commandement à partir du 17 avril. Prskalo était

22 blessé, hospitalisé à Nova Bila, l'hôpital église. Il est possible que,

23 pendant cette période assez brève, il soit arrivé que Dujmovic signe aussi

24 quelques documents, textes de protestation…, enfin, le reste de la

25 correspondance.

Page 19844

1 M. Kehoe (interprétation). - Général, consultons la pièce 620.

2 Il s'agit d'une demande qui s'adresse au commandement de l'ONU à la date

3 du 18 mai 1993.

4 Dujmovic a-t-il signé ce document en votre nom ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'est Dujmovic qui l'a

6 signé.

7 M. Kehoe (interprétation). – A t-il signé tous ces documents

8 avec votre approbation et en votre nom ?

9 M. Blaskic (interprétation). – Il a signé tous les documents que

10 vous me montrez là. Mais, comme je l'ai déjà dit, cela s'est produit dans

11 une situation spécifique où mon assistant était blessé et où il n'était

12 pas en mesure de s'acquitter de ses fonctions. J'étais au courant d'un

13 certain nombre de ces événements, j'étais au courant de ces activités.

14 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant à la

15 pièce 456/112, le document dont nous avons parlé au début. Il s'agit d'un

16 document qui s'adresse à M. Thebault et qui a été signé par M. Dujmovic en

17 votre nom.

18 Quand vous avez dit à la Chambre, Général, le 12 avril 1999, par

19 rapport à ce sujet, que M. Dujmovic n'a jamais occupé une position lui

20 permettant de signer un document quelconque en mon nom, cela n'était pas

21 vrai n'est-ce pas ? Puisqu'il avait bel et bien l'autorisation, il était

22 habilité à signer les documents en votre nom.

23 M. Blaskic (interprétation). - Quand je parle de fonction, je

24 fais référence à sa fonction officielle. Or, officiellement, il n'était

25 qu'un employé chargé de l'IPD. Il n'a jamais été mon assistant direct.

Page 19845

1 D'après le règlement interne concernant les activités du

2 commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, il n'a jamais

3 eu, au sein de la structure du commandement, une position qui lui aurait

4 permis d'utiliser ma signature. Je parle donc de son affectation au sein

5 de la structure militaire. Il n'a jamais occupé cette fonction.

6 M. le Président. – Vous l'avez, monsieur le Procureur, ce

7 règlement interne ?

8 M. Kehoe (interprétation). - Je ne l'ai jamais vu, monsieur le

9 Président.

10 M. le Président. – Il faudrait au moins que les Juges disposent

11 de ce règlement interne qui fixe la limite de votre responsabilité.

12 Poursuivez Maître Kehoe, mais c'est une

13 question que les Juges poseront.

14 M. Kehoe (interprétation). – Général, en dépit des réponses que

15 vous avez données à Me Nobilo, il y a eu des moments où M. Dujmovic,

16 Drago Dujmovic était habilité à signer en votre nom. N'est-ce pas exact ?

17 M. Blaskic (interprétation). – Il l'a fait, mais il n'occupait

18 pas un poste officiel l'autorisant à le faire, donc si M. Dujmovic avait

19 fait son travail avec toute sa responsabilité, il m'aurait remis tous ces

20 documents pour que je les signe. Parce que j'insiste, il n'était qu'un

21 employé simple et il ne pouvait pas faire cela. Si j'étais présent, je

22 devais le signer ; si je n'étais pas présent, c'était mon chef d'état-

23 major ou bien la personne à qui cela incombait.

24 M. le Président. - Le 18 mai, pour ces six ordres, vous n'étiez

25 pas là ? Vous étiez absent ?

Page 19846

1 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, je devrais

2 consulter ma chronologie. Je suppose que non, que je n'étais pas là, que

3 j'étais absent, que j'étais dans le commandement.

4 M. le Président. - Quand vous n'étiez pas là, vous aviez

5 quelqu'un qui n'occupait pas une position officielle, d'après ce que vous

6 dites. D'après votre règlement intérieur -que nous n'avons jamais vu-, il

7 n'a pas le droit de signer. Vous venez de nous dire quand même, que, de

8 façon générale, vous vous reconnaissiez responsable de tout ce qui porte

9 votre sceau. Alors, je suppose que vous ne devez pas être content quand

10 vous avez dû prendre connaissance de tout cela. Voilà quelqu’un, un

11 monsieur qui écrit à la Croix-Rouge, qui écrit au Britbat, qui écrit au

12 3ème corps d'armée, qui envoie des copies au British bataillon, au HCR de

13 Zenica, au haut-commandement de la Forpronu à Kiseljak. Vous ne deviez pas

14 être content, je suppose. Cela ne marche pas votre zone. Vous êtes

15 furieux ; je suppose que vous le mettez aux arrêts. Vous le mettez

16 dehors ? Vous prenez des sanctions ? On veut des réponses, là, quand

17 même ! 616 à 620 !

18 Vous dites vous-même que tout ce qui est marqué de votre sceau,

19 vous en êtes responsable. Et là, maintenant, vous nous dites : mais il

20 n'avait pas le droit. Il n'avait pas le droit. Moi, si quelqu'un, demain,

21 signe en mon nom des décisions de la Chambre, je ne serais peut-être pas

22 content. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il faut que vous nous

23 expliquiez. Il faut que vous répondiez précisément aux questions du

24 Procureur. Les Juges en ont besoin, de cette précision ! Vous vous sentez

25 responsable de tout ce qui est marqué de votre sceau.

Page 19847

1 Je vais trop vite, excusez-moi.

2 Vous vous sentez responsable de ce qui est marqué de votre

3 sceau. Vous avez des documents qui, sur une période de 15 jours, numérotés

4 616 à 620, M. Dujmovic. Alors vous vous sentez responsable, oui ou non, de

5 ces documents signés Dujmovic ? C'est une question précise, cela !

6 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, c'était

7 une pratique que je n'approuvais pas de la part de mes collaborateurs. Je

8 ne peux pas vous dire concrètement quelles sont les mesures que j'ai

9 prises. Mais je demandais, j’exigeais de la part de mes collaborateurs de

10 tenir compte du fait de qui est en droit et qui n'est pas en droit de

11 signer les documents. Si j'étais présent au sein du commandement, si un

12 document n'était pas urgent, ils devaient attendre mon retour pour que je

13 le signe. Mais les circonstances dans lesquelles nous travaillions étaient

14 telles qu'il y a eu des erreurs, des omissions et je considère que cela

15 est une erreur qui a été faite par M. Dujmovic. Il aurait dû me soumettre

16 ce document pour que je le signe si j'étais présent.

17 M. le Président. - Quand vous êtes présent auprès de M. Valenta

18 ou de M. Kostroman, est-ce que vous vous sentez responsable de ce qui se

19 dit ? Là, moi, je ne sais plus quand est-ce que votre présence vous engage

20 et qu'en est-ce… Oui, je change de sujet, mais je suis ma logique, Maître

21 Hayman. C'est le problème de la présence. C'est le problème de la

22 présence, de la représentation. Quand on a ces documents-là, votre client

23 nous dit : « Oui, si

24 j'étais présent ».

25 Donc il pose beaucoup de conditions. Il dit : « Je me sens

Page 19848

1 responsable si j'étais présent. Si je vois l'assistant rédiger un

2 courrier, il le signe en mon nom. Et à ce moment-là, je suis

3 responsable ».

4 Ou alors, c'est la traduction qui ne va pas !

5 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, c'est

6 possible que cela soit un problème d'interprétation. Notre client a

7 répondu très clairement que Dujmovic n'occupait pas un poste lui

8 permettant de signer et que c'était une erreur. Mais notre client a dit

9 qu'il acceptait

10 tous les documents qui émanent du commandement.

11 M. le Président. - Poursuivez Maître Kehoe ! Merci

12 Maître Nobilo. Cela, c’est clair !

13 M. Kehoe (interprétation). – Alors Général, saviez-vous que

14 Dujmovic signait tous ces documents en votre nom ?

15 M. Blaskic (interprétation). – J'ai appris ultérieurement que

16 Dujmovic avait fait cette erreur et je m'en suis entretenu aussi bien avec

17 Dujmovic qu'avec son supérieur ultérieur, M. Ramljak. Je pense que nous

18 avons pris un certain nombre de mesures dans ce sens. Etait-ce une mesure

19 disciplinaire ? Une réprimande orale ? Je ne sais pas exactement. Mais je

20 dis que Dujmovic n'était pas en position de signer des documents en mon

21 nom. Ce que je tiens à préciser est qu'il s'agit d’évènements qui sont

22 liés au conflit de Travno et que j'avais peu de personnes en poste alors

23 que les opérations de combat étaient très intenses.

24 M. Kehoe (interprétation). – Donc au fond, Général, ces

25 documents ont été signés par Dujmovic en votre nom et vous approuvez la

Page 19849

1 teneur de ces documents. Est-ce cela votre déposition ?

2 M. Hayman (interprétation). – Peut-on préciser de quels

3 documents on parle ?

4 M. Kehoe (interprétation). – On parle des documents allant de la

5 pièce 615 à la

6 pièce 620.

7 M. le Président. - Vous avez tout à fait le droit d’y jeter un

8 coup d’œil à nouveau, Général Blaskic, parce que cela fait beaucoup de

9 documents.

10 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, je vais

11 changer de sujet. Peut-être que le général pourrait consulter ces

12 documents pendant la pause. Nous pourrions revenir et lui poser des

13 questions là-dessus. Comme cela, nous n'allons pas gaspiller de temps.

14 M. le Président. - Je vous propose peut-être de faire, puisque

15 vous le suggérez, monsieur le Procureur, une pause de 20 mn.

16 (L'audience suspendue à 15 h 40 est reprise à 16 h 05.)

17 M. le Président. – L'audience est reprise. Monsieur le Procureur

18 c'est à vous.

19 M. Kehoe (interprétation). - Merci, monsieur le Président,

20 messieurs les Juges.

21 Général, nous avons parlé des documents allant de 615 au

22 document 620. Il s'agit bien de documents qui ont été signés par

23 Drago Dujmovic. Vous déposez, ici, en disant que vous avez approuvé ces

24 documents et leur contenu.

25 M. Blaskic (interprétation). - S'agissant de ces documents,

Page 19850

1 j'affirme qu'ils portent tous le numéro de référence 01 et que, d'après le

2 règlement, j'étais tenu de les signer personnellement. Quant à

3 Drago Dujmovic, il a agi correctement en composant la teneur de ces

4 documents. Son erreur consiste à les avoir signés. Le règlement voulait

5 que ce soit moi qui signe tous les documents. C'est uniquement à titre

6 exceptionnel, lorsque moi je n'étais pas capable de le faire -et il

7 s'agissait de documents urgents- que mes assistants les signent ; donc les

8 adjoints, les chefs d'état-major, etc.

9 Drago Dujmovic n'était pas habilité à le faire. J'ai pu

10 consulter ces documents, j'approuve le contenu des pièces allant de 615

11 à 620. Je dis que je les aurais certainement signés et mes assistants

12 étaient habilités à le faire en mon absence.

13 M. le Président. – Nous pouvons avancer monsieur le Procureur.

14 Merci

15 général Blaskic, c'est clair.

16 M. Kehoe (interprétation). - J'appelle votre attention, une fois

17 de plus, sur la pièce 456/112. La date de ce document est le 26 mai 1993.

18 Il s'agit d'une lettre qui est adressée à M. Thebault.

19 Général, il s'agit d'un document dont nous avons déjà discuté,

20 un document qui a été signé par M. Drago Dujmovic. Est-ce que vous

21 approuvez la teneur de ce document ? Et sinon, pourquoi ?

22 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit qu'il s'agissait,

23 une fois de plus, d'un document portant référence 01-5-689. Donc d'un

24 document que j'étais le seul habilité à signer. Drago Dujmovic n'était pas

25 habilité à le faire en mon nom.

Page 19851

1 Un document de ce contenu ne pouvait pas être approuvé par moi-

2 même. Parce que je considérais qu'il y avait dans ce document des détails

3 qui relevaient des compétences des représentants du peuple croate et

4 bosniaque musulman qui s'occupaient de la politique, et qui représentait

5 les pouvoirs civils.

6 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit pendant

7 l'interrogatoire principal, Général, à la page 20175 : " J'ai eu toute une

8 série de réunions avec M. Thebault, mais je n'ai jamais abordé avec lui

9 des questions politiques puisque ce n'était pas dans mes tâches et je

10 n'étais pas habilité à le faire. "

11 Alors si nous revenons maintenant à la pièce 456/112 : " Si

12 j'avais été au courant de ce document, je ne l'aurais pas approuvé, je

13 n'aurais pas approuvé que ce document soit envoyé à cette adresse. " Vous

14 maintenez ces dépositions ?

15 M. Blaskic (interprétation). – Oui, je maintiens ce que j'ai

16 dit. J'ai parlé à M. Thebault, nous avons abordé le plus souvent des

17 questions militaires. Tels étaient les sujets de nos conversations. Et je

18 lui ai toujours laissé entendre que s'il souhaitait aborder des questions

19 politiques avec moi, ou bien des questions touchant les pouvoirs civils,

20 que cela n'était pas dans mes compétences et qu'il fallait qu'il contacte

21 les représentants des autorités civiles de la région.

22 M. Kehoe (interprétation). - J'appelle votre attention sur un

23 autre document, général. C'est la pièce, dans cette séquence, la pièce

24 suivante :

25 M. Abtahi. – Il s'agit de la pièce 621 et 621 a) pour la version

Page 19852

1 anglaise.

2 M. Kehoe (interprétation). - Je vous demande de consulter encore

3 une fois ce document. Il s'agit d'un document de plus rédigé, ou signé,

4 par Drago Dujmovic en votre nom. N'est-ce pas exact ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'est un document qui a été

6 rédigé et signé en mon nom. Permettez-moi de le lire.

7 M. Kehoe (interprétation). - Il n'y a pas de version française,

8 donc je le lirai. Il s'agit d'un document très bref qui est daté du

9 26 mai 1993 à 18 h 10, adressé au CICR de Zenica :

10 " Demande pour un engagement supplémentaire.

11 Puisque les représentants à la fois des directions militaires et

12 politiques des peuples croates et musulmans se sont officiellement mis

13 d'accord sur l'organisation des provinces n°8, 9 et 10 conformément au

14 plan Vance-Owen, et puisque cela anticipe sur l'organisation et le

15 fonctionnement de la vie normale, nous vous demandons d'agir en tant que

16 médiateur avec les représentants du commandement du troisième corps pour

17 qu'ils remplissent leurs obligations et relâchent les Croates qui se

18 trouvent dans les prisons de Zenica.

19 Nous insistons sur les points suivants : la maison de détention

20 de Zenica, l'école secondaire de Bilmiste, l'école secondaire de musique,

21 le dortoir, le foyer des étudiants, la maison du troisième âge ainsi que

22 le jardin d'enfants de la rue Travnika où un grand nombre de Croates sont

23 détenus. Nous avons relâché tous les détenus qui se trouvaient sur les

24 territoires contrôlés par le HVO. La réalisation de ce propos permettrait

25 de reconstruire la

Page 19853

1 confiance dans la population et faciliterait la mise en oeuvre des

2 accords. "

3 Général, comme vous pouvez le voir, il s'agit d'un document qui

4 suit la pièce 456/112. Là, je suis en train de lire votre numéro de

5 référence : 01-5-689/93.

6 Concernant la pièce 621, il s'agit d'un nouveau document qui

7 portent sur la mise en oeuvre du plan Vance-Owen. Avez-vous ou auriez vous

8 approuvé le contenu de ce document ?

9 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, messieurs

10 les Juges, si nous examinons le document 456/112, il s'agit d'un document

11 qui a été rédigé à 18 heures alors que celui-ci a été rédigé à 18 h 10. Le

12 document 621 date donc du même jour à 18 h 10. Ce document est intitulé

13 "demande requête adressée au CICR". Si j'avais été en position d'étudier

14 ce document avant la signature et de le signer, il est certain que cette

15 introduction n'y aurait pas figuré, eu égard au plan Vance-Owen. Mais la

16 demande concernant la mise en liberté des détenus aurait été gardée dans

17 le document. Je souligne que M. Dujmovic, visiblement, a abusé donc de ses

18 droits. Il a signé alors qu'il n'avait pas le droit. C'est une erreur

19 administrative.

20 Concernant donc les paragraphes 2 et 3, je les aurais autorisés

21 à les envoyer à la Croix-Rouge internationale, alors que je n'aurais pas

22 fait cela pour le paragraphe 1 parce que cela ne concerne pas directement

23 la Croix-Rouge internationale.

24 M. Kehoe (interprétation). - Général, qui a signé ce document ?

25 Nous parlons de la pièce à conviction 621.

Page 19854

1 M. Blaskic (interprétation). - Le document 621 a été signé sans

2 agrément, sans habilitation par M. Drago Dujmovic.

3 M. Kehoe (interprétation). - Vous dites dans votre déposition

4 que vous n'auriez jamais approuvé la lettre destinée à M. Thebault, pièce

5 à conviction 456/112 et que vous n'auriez jamais inclus le paragraphe 1

6 dans la pièce à conviction 621. C'est bien cela ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Je n'aurais pas approuvé le

8 document adressé à M. Thebault, dans la rédaction que j'ai sous les yeux.

9 Donc, dans cette rédaction je ne l'aurais

10 pas approuvée, telle est ma position.

11 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais vous montrer un

12 document, général, mais avant de le faire, j'aimerais vous poser une

13 question.

14 Vous avez fait remarquer au cours de l'interrogatoire principal

15 et du contre-interrogatoire et je vous demanderai d'abord de regarder la

16 pièce à conviction 456/112.

17 Vous avez fait remarquer donc, en réponse aux questions, qui

18 vous étaient posées par Me Nobilo, ainsi que cet après-midi, que vous

19 n'aviez jamais parlé politique avec M. Thebault. Et si j'avais eu

20 connaissance de l'existence de ce document, pièce à conviction 456/112, je

21 ne l'aurais jamais approuvé, je n'aurais jamais approuvé son envoi à

22 M. Thebault. C'est-ce que vous avez dit.

23 La question que je vous pose, général, est la suivante : cette

24 déposition que vous avez faite est-elle aussi vraie que les autres

25 dépositions que vous avez faites devant les Juges ?

Page 19855

1 M. Hayman (interprétation). - Objection sur la forme, Monsieur

2 le Président.

3 M. Kehoe (interprétation). - La question est très simple.

4 M. le Président. - Changez la forme de la question. Elle n'est

5 pas correcte.

6 M. Kehoe (interprétation). - La déposition que vous avez faite

7 devant les Juges de cette Chambre, quant au fait que vous n'auriez pas

8 approuvé ce document, pièce à conviction 456/112, était-ce une déposition,

9 un témoignage véridique, général ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Oui.

11 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais vous montrer un autre

12 document.

13 M. le Président. - Je vous rappelle que le témoin est sous

14 serment, Monsieur le Procureur.

15 M. Kehoe (interprétation). – Oui, je le comprends bien.

16 M. le Président. - Toutes ces déclarations sont véridiques, sauf

17 à faire la preuve de faux témoignage.

18 M. Abtahi. – Il s'agit de la pièce de l'accusation 622.

19 M. Kehoe (interprétation). - J'en ai un exemplaire

20 supplémentaire pour le témoin, si c'est nécessaire.

21 Général, est-ce votre signature que nous voyons au bas du

22 document ?

23 M. Hayman (interprétation). – Pourrait-on donne lecture du

24 document au témoin ?

25 M. Kehoe (interprétation). - Je vais passer en revue le contenu

Page 19856

1 du document, mais la question que je pose actuellement au témoin consiste

2 à lui demander s'il s'agit bien de sa signature.

3 M. Blaskic (interprétation). – Oui, c'est ma signature mais j'ai

4 le document en anglais entre les mains. Donc, ne comprenant pas la langue

5 anglaise, je ne comprends pas la teneur de ce document.

6 M. le Président. - Vous l'avez signé en anglais, je crois, si

7 j'ai bien compris. Vous aviez une équipe de traducteurs aussi compétents

8 que les nôtres, Général Blaskic ?

9 M. Blaskic (interprétation). – Je n'avais pas d'interprètes

10 aussi compétents. Je n'avais qu'un seul interprète qui, outre ses

11 responsabilités d'interprète, en exerçait bien d'autres. J'aurais beaucoup

12 aimé avoir des interprètes comme ceux que nous avons ici.

13 M. le Président. - Merci pour eux.

14 Allez-y !

15 Il faut donc le relire. Le témoin a signé mais ne s'en souvient

16 plus, ce qui peut se concevoir.

17 M. Kehoe (interprétation). – Général, avant de commencer la

18 lecture de ce texte, je vous demanderais de comparer les numéros de

19 références qui figurent sur la pièce 456/112, dont vous maintenez que vous

20 n'avez pas approuvé l'envoi, avec le numéro de référence de la pièce 622.

21 Et je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que les numéros

22 sont les mêmes à savoir 01-5-6,8,9/93, sur ces deux documents n'est-ce

23 pas ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Oui, les numéros de référence que

25 je vois ici sont les mêmes. Celui-ci est écrit au crayon mais les numéros

Page 19857

1 sont les mêmes.

2 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, messieurs

3 les Juges, le présent document est adressé à la Mission de contrôle de la

4 Communauté européenne et j'ajouterai, Monsieur le Président, que le

5 document que je suis en train de lire, à savoir la pièce à conviction de

6 l'accusation 622 a été fourni au Bureau du Procureur par la partie croate

7 du ministère de la Défense de la Fédération.

8 Mission de contrôle européenne délivrée personnellement à

9 M. Jean-Pierre Thebault.

10 "Monsieur, je vous prie de bien vouloir déployer des efforts

11 supplémentaires et d'user de votre influence pour persuader le commandant

12 du troisième corps d'armée de Bosnie-Herzégovine de bien vouloir exécuter

13 les accords conclus. Il est bien connu, aujourd'hui, que des représentants

14 de haut niveau du peuple croate et musulman ont convenu militairement et

15 politiquement d'appliquer le plan Vance-Owen qui crée les provinces

16 numéro 8, 9 et 10.

17 Le retard dans l'exécution de ces actions a pour conséquence des

18 souffrances parmi la population, des destructions de biens et de

19 propriétés ainsi qu'un accroissement des problèmes dans la vie normale et

20 son organisation.

21 Je vous prie de faire savoir au commandant du troisième corps

22 d'armée de Bosnie-Herzégovine les conséquences et les responsabilités qui

23 seront les leurs s'ils font obstruction à la réalisation de ce qui a été

24 convenu de ce que nous sommes convenus de faire (se reprend l'interprète).

25 Je vous propose de convoquer une réunion conjointe qui pourrait nous aider

Page 19858

1 à définir les problèmes qui se posent éventuellement…" Fin de citation.

2 Général, ce texte est le même que celui de la version en BCS qui

3 a été signée par Drago Dujmovic et dont vous dites que vous ne l'avait pas

4 approuvé et que vous ne l'auriez pas envoyé. N'est-ce pas ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Oui, et je suppose et je crois

6 que Drago Dujmovic, après avoir rédigé et signé ce document l'a donné pour

7 traduction à la traductrice et que ce texte m'est parvenu en version

8 anglaise.

9 C'est pourquoi malheureusement je n'ai pas été capable de le

10 lire. Car je paraphais toujours un document au bas du texte ou en haut du

11 texte, si je l'avais lu et si je l'approuvais, car l'original en BCS a été

12 écrit et signé par Drago Dujmovic.

13 M. Kehoe (interprétation). - Passons au document suivant,

14 Général.

15 Pendant que nous consultons ce document, Général, je vous

16 demanderai également d'examiner la pièce à conviction 621.

17 M. le Président. - Il n'était pas plus simple, Général Blaskic,

18 -votre dernière observation en appelle une de ma part- que vous écriviez

19 dans votre langue et que cela soit M. Thébault qui fasse traduire votre

20 courrier ? Je suppose que chez M. Thébault -on lui demandera au besoin-,

21 je suppose qu'il avait des interprètes. Vous vous trouvez dans une

22 situation tout à fait paradoxale.

23 Vous êtes en train le 26 mai 1993 de signer un document dans une

24 langue que vous ne comprenez pas, qui a été rédigé par un collaborateur

25 dont vous ne reconnaissez pas les fonctions officielles et dont vous nous

Page 19859

1 dites vous-même que cela fait un mois qu'il prend, qu'il fait des

2 correspondances en votre nom qu'il n'aurait pas dû faire.

3 Vous reconnaîtrez que c'est un peu compliqué comme système. Il

4 valait peut-être mieux que vous écriviez en serbo-croate et M. Thébault

5 aurait traduit tout simplement. Qu'en pensez vous ?

6 M. Blaskic (interprétation). – Bien entendu, il aurait été

7 préférable que je sois en

8 mesure de lire la version de ce document en croate avant d'adresser ce

9 document, d'envoyer ce document à M. Thébault. Mais monsieur le Président,

10 M. Dujmovic était habilité à rédiger ces documents, à en tracer les

11 grandes lignes, mais il avait pour devoir de me soumettre ces documents.

12 Il n'a jamais été habilité à les signer. Il a enfreint le règlement en

13 signant des documents pour ensuite les transmettre.

14 M. le Président. - Le 26 mai, quand on vous fait signer ce

15 document, sachant ce que M. Dujmovic est capable de faire, il me semble

16 que s'il y avait un document que je n'aurais pas signé en anglais, c'est

17 bien celui-là puisque vous dites que vous ne comprenez pas l'anglais. S'il

18 y en a un que vous n'auriez pas dû signer, c'est celui-là. Or, vous le

19 signez.

20 M. Blaskic (interprétation). – Je sais, mais, eh bien, les

21 circonstances étaient telles, la situation était telle, que j'ai fait ce

22 qu'il fallait pour que M. Thébault reçoive les nouveaux documents le plus

23 rapidement possible. Il avait un ou deux interprètes ; c'est tout, mais en

24 tout état de cause, dans ce cas précis, je crois que Drago Dujmovic a

25 transmis directement le document pour traduction et que j'ai reçu ce

Page 19860

1 document pour le signer. Parce que le document 456/112, je l'aurais sans

2 doute vérifié et je ne l'aurais pas approuvé.

3 M. Kehoe (interprétation). – Puis-je vous comprendre, Général ?

4 Ce document 456/112, vous l'aviez sous les yeux en BCS. Il était signé par

5 Drago Dujmovic et vous aviez aussi sous les yeux la pièce à conviction 622

6 en anglais que vous avez signée.

7 M. Blaskic (interprétation). – Ce n'est pas ce que j'ai dit et

8 ce n'est pas exact. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit, Monsieur le

9 Président, messieurs les Juges, que Drago Dujmovic a rédigé le document

10 pièce à conviction 456/112 et il a commis une erreur administrative en

11 signant également ce document. Il n'avait pas la capacité de signer ce

12 document. Il n'avait pas le poste pour le faire et je crois qu'il a

13 ensuite remis ce document à un assistant pour traduction. Moi, j'ai reçu

14 ce document en version anglaise pour signature et j'ai signé ce document

15 sans connaître la teneur du document qui a été rédigé et signé par

16 Drago Dujmovic qui constitue la pièce à conviction 456/112.

17 M. Kehoe (interprétation). – Général, êtes-vous en train de dire

18 dans votre déposition que la pièce à conviction 622, ce document que vous

19 avez signé en anglais et qui était adressé à M. l'ambassadeur Thébault,

20 vous l'avez signé sans en connaître la teneur ? C'est bien ce que vous

21 dites dans votre déposition ?

22 M. le Président. - Réfléchissez à cette question. Vous avez

23 signé sans en prendre connaissance ?

24 M. Blaskic (interprétation). – Je ne connaissais pas

25 certainement tous les détails. Je ne connaissais pas complètement la

Page 19861

1 teneur du document qui constitue la pièce à conviction 456/112. Peut-être

2 n'avais-je que des idées générales quant à sa teneur, une ou deux phrases.

3 Parce que je n'avais pas un seul document à signer, j'en avais une

4 vingtaine parfois.

5 M. le Président. - On parlait de 622 s'il vous plaît.

6 M. Kehoe (interprétation). – Oui, en effet, monsieur le

7 Président.

8 M. le Président. - Vous avez signé le document en anglais sans

9 en comprendre le sens ? C'est possible, mais il faudrait que vous nous le

10 disiez.

11 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, je crois

12 que j'ai reçu des informations générales quant à ce dont traitait le

13 document, mais que je n'ai pas été informé de la teneur détaillée du

14 document comme si j'avais eu la possibilité de le lire complètement. C'est

15 cela que je disais.

16 M. le Président. - Vous en connaissiez la teneur générale.

17 M. Blaskic (interprétation). – Globalement, peut-être

18 connaissais-je la teneur de ce document. Globalement, je dis bien.

19 M. le Président. – Globalement, vous savez que vous vous

20 adressez à M. Jean-Pierre Thébault au sujet de l'application du plan

21 Vance-Owen. C'est bien cela ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Il est possible que cela m'ait

23 été dit, je suppose ; il

24 est possible qu'il m'ait été dit qu'il s'agissait des aspects militaires

25 du plan Vance-Owen et de l'organisation impliquant également le 3ème corps

Page 19862

1 d'armée de Bosnie-Herzégovine, mais la totalité du contenu du

2 document 456/112, je ne la connaissais pas. Je n'ai pas eu la possibilité

3 de lire ce document.

4 M. le Président. – Pardon. Excusez-moi. Monsieur le Juge

5 Rodrigues.

6 C'est un point important : on ne sait plus très bien ce que

7 vous signez, ce que vous ne signez pas, ce que vous comprenez, ce que vous

8 ne comprenez pas. C'est un peu compliqué pour les Juges. Il faut que vous

9 nous aidiez. On ne sait plus quand est-ce que vous avez l'autorité, quand

10 est-ce que vous reconnaissez ce qui a été signé, lu, pas lu, traduit, pas

11 traduit. Donc, moi, je veux y voir clair. Monsieur le Juge Rodrigues !

12 Aidez-nous, monsieur le Juge.

13 M. Rodrigues. - Si je pouvais, monsieur le Président !

14 Général Blaskic, si on voit ce document rédigé en anglais, même

15 si je ne comprends pas le Croate, si je lis un document en Croate et je

16 vois les mots Vance-Owen, provinces 8, 9 et 10 et si j'ai une phobie

17 -excusez-moi d'utiliser le terme, si j'ai une phobie politique, je

18 comprends tout de suite que les mots Vance-Owen et provinces 8, 9 et 10

19 devaient être enlevés. Est-ce que je suis correct à penser comme cela ?

20 Parce que vous ne comprenez pas l'anglais, mais je crois que les mots, les

21 noms sont les mêmes en croate ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Oui, monsieur le Juge, je

23 comprends ce que vous voulez dire. Je savais qu'en rapport avec le plan

24 Vance-Owen, s'agissant des aspects militaires, il fallait qu'il y ait

25 démobilisation et une série de vérifications réalisées si ce plan en

Page 19863

1 arrivait à être appliqué par les représentants musulmans bosniens. Donc,

2 si le plan devait être appliqué, je n'aurais pas eu de phobie et je

3 n'aurais pas fui.

4 M. Rodrigues. – Maintenant, si vous regardez le document écrit

5 en anglais, maintenant, si vous regardez le document, vous pouvez lire

6 Vance-Owen plan et provinces n° 8, 9 et 10.

7 Je crois que c'est la même chose si vous lisez un texte en

8 anglais ou si vous lisez un texte en croate.

9 Peut-être est il possible de reconnaître ces mots Vance-Owen

10 plan et provinces n° 8, 9 et 10.

11 M. Blaskic (interprétation). - Oui, il est possible de

12 reconnaître ces mots : plan Vance-Owen et provinces 8, 9 et 10.

13 M. Rodrigues. - Merci Général.

14 M. le Président. – Juge Shahabuddeen ?

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, je souhaiterais que

16 nous lisions le premier paragraphe de cette lettre. J'aimerais vous

17 demander si les mots que nous lirons auraient pu être prononcés par vous.

18 Au premier paragraphe, nous lisons ce qui suis, je cite : " Je

19 vous prie de bien vouloir déployer des efforts supplémentaires et d'user

20 de votre influence pour persuader le commandant du troisième corps d'armée

21 de Bosnie-Herzégovine de réaliser les accords conclus. " Fin de citation.

22 Ces mots sont-ils des mots que vous auriez pu dire ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Ce sont des mots que j'aurais pu

24 dire, car il existait cet accord relatif à un commandement conjoint des

25 forces armées de Bosnie-Herzégovine et donc, ces mots sont très

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1 certainement des mots que j'aurais pu dire, eu égard à l'accord militaire

2 qui avait été conclu.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Maintenant, je prends le

4 deuxième paragraphe qui se lit comme suit, je cite :

5 " C'est un fait bien connu aujourd'hui que des représentants de

6 haut niveau des peuples croates et musulmans sont conclus militairement et

7 politiquement d'appliquer le plan Vance-Owen dans les provinces 8,

8 9 et 10. " Fin de citation.

9 Ces mots sont-ils des mots que vous auriez pu dire ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Non.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous ne connaissiez pas le

12 plan Vance-Owen ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Je connaissais le plan Vance-Owen

14 mais je savais aussi que c'étaient les dirigeants musulmans qui avaient

15 signé ce plan en imposant des conditions afférant aux cartes, si je ne

16 m'abuse. En tout cas, il y avait des conditions. De sorte que l'accord

17 relatif à l'application du plan Vance-Owen n'était pas totalement décidé.

18 Et si j'avais du écrire provinces 8, 9 et 10, je crois que j'aurais

19 également ajouté les provinces 1, 3 et 5, à savoir les autres provinces

20 qui, selon le plan Vance-Owen, auraient été celles où les unités

21 militaires du HVO étaient subordonnées aux unités militaires de Bosnie-

22 Herzégovine.

23 Donc, de ce point de vue, s'agissant de l'aspect militaire du

24 plan Vance-Owen, je n'aurais pas été d'accord. Voilà ce que j'aurais pu

25 dire au sujet de l'aspect militaire. Je n'aurais certainement pas pris de

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1 position au sujet des aspects politiques de ce plan Vance-Owen.

2 M. Shahabuddeen (interprétation). – Donc l'erreur, dont vous

3 dites qu'elle existe dans ce paragraphe, résidait dans la référence qui

4 est faite à un accord politique. Je m'efforce de comprendre exactement ce

5 que vous considérez être la nature de l'erreur commise dans ce paragraphe.

6 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Juge, ce que je

7 considère être une erreur, c'est le fait que dans ce document on renvoie à

8 un commandement militaire, à un accord politique conclu entre les

9 représentants des peuples musulmans et croates. Et la même chose pour

10 l'aspect militaire, parce que je ne suis pas au courant qu'un tel accord

11 ait été conclu. Je ne suis pas au courant qu'un accord correspondant

12 exactement à ce qui est dit dans ce document ait été conclu.

13 Dans le document, il est dit qu'un accord a été conclu

14 uniquement sur les

15 provinces 8, 9, 10. Qu'en est-il des provinces 1,3, 5 ? Et par ailleurs,

16 je considère que le contenu d'accord politique n'a pas nécessité de

17 figurer dans un tel document. Dans un document de ce genre, j'aurais parlé

18 de l'accord conclu entre le grand quartier général du HVO et le commandant

19 de l'état-major de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Le chef d'état-major de

20 l'armée de Bosnie-

21 Herzégovine.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). – Donc, ce paragraphe vous

23 posait deux problèmes :

24 1) le fait qu'il y soit fait référence à

25 un accord politique,

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1 2) le fait qu'il n'y ait pas de

2 références faites à d'autres provinces.

3 M. Blaskic (interprétation). - Oui, bien que si l'on considère

4 le texte de façon générale, il n'y est fait mention que des provinces 8,

5 9 et 10.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, donc si vous aviez

7 rédigé ce document en langue croate, vous auriez mentionné précisément

8 d'autres provinces outre celles qui sont mentionnées ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Si c'est moi qui avais rédigé ce

10 document, j'aurais fait référence à l'accord militaire conclu entre le

11 chef du grand quartier général du grand état-major du HVO et le commandant

12 de l'état-major de l'armée de Bosnie-Herzégovine. En rapport avec la

13 structuration, l'organisation des forces armées.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). – Avez-vous des objections par

15 rapport au reste du texte ?

16 M. Blaskic (interprétation). - J'en ai par rapport au paragraphe

17 où il est indiqué (le paragraphe suivant) que les conséquences de

18 l'application de ce plan -je suppose que mon

19 collaborateur pensait au plan Vance-Owen-, que ces conséquences sont des

20 souffrances pour la population, etc. Encore une fois, j'aurais fait

21 référence aux deux accords conclus le 20 avril et 28 avril sur le plan

22 militaire entre les commandants des deux armées, le général Petkovic et le

23 général Halilovic. J'aurais demandé que soient strictement appliqués ces

24 accords qui portaient sur l'interruption des opérations militaires, la

25 création d'un commandement conjoint et l'organisation de forces armées

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1 conjointes.

2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, ce que vous êtes en

3 train de dire, c'est que la référence qui est faite aux souffrances de la

4 population, aurait dû être liée, mise en parallèle à la non application de

5 certains accords militaires également. C'est bien cela, je vous suis

6 bien ?

7 M. Blaskic (interprétation). – Oui, oui.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Très bien. Maintenant,

9 admettez-vous que le plan Vance-Owen était un plan politique de par sa

10 nature même ?

11 M. Blaskic (interprétation). - J'ai personnellement des

12 difficultés à tracer la frontière très nette entre ces aspects politiques

13 et ces aspects militaires. Il prévoyait également des dispositions

14 relatives à l'organisation interne de la Bosnie-Herzégovine en provinces,

15 si j'ai bien compris. Ce plan sous-entendait également la démilitarisation

16 de ces provinces, et sous-entendait l'application de certains principes

17 tels que la liberté de circulation et d'autres principes.

18 Mais de façon générale, je crois qu'il s'agissait d'un plan qui

19 était assez global, qui comportait des aspects politiques, des aspects

20 d'organisation interne et des aspects militaires. Mais je n'en connais pas

21 suffisamment les détails. Ce que je connais ce sont les aspects militaires

22 dont on m'a parlé.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Au poste qui était le vôtre,

24 estimiez-vous qu'il était possible de distinguer entre les aspects

25 militaires du plan Vance-Owen et ces aspects politiques ? Ou bien auriez-

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1 vous dit que les aspects politiques et les aspects militaires de ce plan

2 constituait un tout intégré et indivisible ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Je pense que les aspects

4 politiques ont sans doute priorité sur tous les autres aspects, sur tous

5 les autres accords de façon à ce que ce plan puisse être appliqué.

6 D'autant plus que des plans de ce genre il y en a vraiment eu un certain

7 nombre qui ont été conclus, signés. Au moment de l'accord de Washington,

8 nous avons constaté qu'au moment où les politiques se sont entendus -et la

9 même chose est arrivée au moment de l'accord de Dayton- eh bien, la part

10 de responsabilité militaire a très vite été exécutée suite à l'accord des

11 politiques.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous suis, Général.

13 Merci.

14 M. Kehoe (interprétation). – Général, conviendriez-vous avec moi

15 que cette lettre envoyée à l'ambassadeur Thebault est -comme l'a dit le

16 Président, M. Jorda- une lettre extrêmement importante envoyée au haut

17 représentant de la mission de contrôle de la Communauté européenne ? Vous

18 en convenez, n'est-ce pas ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Cette pièce 622 a été envoyée à

20 M. Thebault. Je pense oui, qu'effectivement, elle a été donnée à

21 l'ambassadeur.

22 M. Kehoe (interprétation). - Ce n'est pas ma question. Je vous

23 demandais si vous ne considériez pas que cette lettre à l'ambassadeur

24 Thebault était une lettre d'une importance particulière ?

25 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, nous pourrions la

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1 qualifier de lettre importante, mais comme je l'ai déjà dit, si j'avais

2 connu le contenu et si j'avais pu le faire, j'aurais modifié certaines

3 parties de cette lettre. J'ai demandé qu'une réunion soit organisée avec

4 le commandant du troisième corps d'armée, non seulement par

5 l'intermédiaire de l'ambassadeur Thebault mais également par le colonel

6 Stewart (Duncan se corrige l'interprète) et toute personne avec qui j'ai

7 pu entrer en contact à ce moment-là. Je voulais absolument avoir une

8 réunion avec le commandant du troisième corps d'armée, afin de nous

9 décider sur la mise en place du cessez-le-feu.

10 Malheureusement, mes demandes n'ont pas porté leurs fruits et je

11 n'ai pas eu la possibilité de le rencontrer pendant une très longue

12 période.

13 M. Kehoe (interprétation). – L'ambassadeur Thebault était le

14 haut représentant de la mission de contrôle de la Communauté européenne en

15 Bosnie centrale, n'est-ce pas ?

16 M. Blaskic (interprétation). - L'ambassadeur Thebault était le

17 responsable de la mission de contrôle de la Communauté européenne. Nous

18 avons eu de nombreuses réunions ensemble en tant que responsable des

19 observateurs européens pour la région de Zenica. Je ne sais pas très

20 exactement quelle région il couvrait, mais je sais qu'il était basé à

21 Zenica.

22 M. Kehoe (interprétation). – Dites-vous que vous avez signé une

23 lettre adressée à une personnalité relativement puissante sans en

24 connaître totalement la teneur ? Est-ce bien ce que vous êtes en train

25 d'affirmer ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Je crois que j'ai déjà répondu en

2 disant que j'avais signé ce document et j'ai dit dans quelles

3 circonstances je l'avais fait. Malheureusement, je n'ai pas lu en détails

4 ce document. Mais je pensais connaître le contenu général de ce document

5 mais pas les détails.

6 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, lorsque vous avez

7 dit à M. Nobilo et à ces Juges, le 12 avril, que si vous aviez connu

8 l'existence de ce document, vous ne l'auriez jamais approuvé, ou vous

9 n'auriez jamais approuvé l'envoi de ce document à l'adresse spécifiée, le

10 12 avril donc. Eh bien, ce n'était pas exact n'est-ce pas ? Ce n'était pas

11 vrai ?

12 M. Blaskic (interprétation). - C'est vrai. Parce que même

13 maintenant, j'exclurai ce paragraphe dont j'ai déjà parlé. Lorsque j'ai

14 répondu à une question posée par le Juge Shahabuddeen, j'ai dit que

15 j'exclurais ce paragraphe et que j'aurais modifié le contenu de cette

16 lettre si j'avais été à même de l'autoriser.

17 M. Kehoe (interprétation). – Général, n'est-il pas exact que la

18 seule raison pour laquelle vous reconnaissez votre participation à

19 l'élaboration de ce document, c'est parce que nous vous avons montré votre

20 signature sur la version en anglais de ce document ? N'est-ce pas exact ?

21 M. Blaskic (interprétation). – Non, non, ce n'est pas la seule

22 raison. J'ai déjà dit qu'il y avait un certain nombre d'initiatives de ma

23 part et que j'avais demandé qu'une réunion soit organisée avec M. Thebault

24 afin qu'il puisse agir en tant que médiateur, et qu'une autre réunion avec

25 le commandant du troisième corps d'armée soit organisée. Mais je souligne,

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1 une fois de plus, que mon associé en l'occurrence n'était pas habilité à

2 signer cette lettre. Si j'avais lu ce document en détails, je ne l'aurais

3 pas approuvé, j'en aurais changé la teneur. C'est certain.

4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je voudrais poser une

5 question, s'il vous plaît.

6 Avez-vous demandé à votre collaborateur de rédiger une lettre en

7 votre nom ? Ou lui avez-vous donné des instructions à cet effet ou bien a-

8 t-il pris l'initiative de rédiger cette lettre et vous l'a-t-il ensuite

9 soumise ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais plus très bien

11 monsieur le Juge.

12 Je ne sais plus très bien ce qui a amené à la rédaction de cette

13 lettre. Mais il est possible que je lui aie demandé de la rédiger. Cela

14 dit, ce qui est certain : je n'ai jamais approuvé le fait qu'il signe

15 cette lettre parce que, comme je l'ai dit, sa fonction ne l'habilitait pas

16 à le faire.

17 Mais, pour ce qui est des circonstances dans lesquelles ce

18 document a été rédigé, je n'en suis plus certain.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous ne pensiez pas que

20 c'était à lui de signer ce document. Vous pensiez que vous deviez le

21 faire. Pourquoi ? Etait-ce à cause de l'importance que vous attachiez à

22 cette lettre ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, en général, il y avait

24 certains règlements, certaines règles qui régissaient la correspondance

25 officielle, au sein de la zone opérationnelle et de son commandement.

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1 Et toutes les lettres qui portaient le code 01 devaient être

2 signées par moi, et ce n'est que lors de mon absence, que mon adjoint

3 pouvait prendre cette responsabilité. Je parle de M. Franjo Nakic.

4 Mais, là encore, le document attendait mon retour et mon examen

5 afin de voir quels documents il avait signé en mon nom. Il y avait, par

6 conséquent, certains principes internes qui régissaient, au sein du

7 commandement de la zone opérationnelle, ce type de correspondance. Puisque

8 sur le document, on voit ce code 01, il s'agit de mon code personnel.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourquoi a-t-on décidé que

10 les documents portant le chiffre 01 devaient être signés par vous ? Etait-

11 ce à cause de l'importance de ce type de document ?

12 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Juge, l'une des

13 raisons ayant motivé l'adoption de cette règle était effectivement celle-

14 ci.

15 Cependant, nous avons utilisé le règlement intérieur précédent

16 qui provenait de la JNA, et notamment la section intitulée "Correspondance

17 officielle et procédure officielle".

18 Nous avons donc dit que tous les documents portant le code 01

19 seraient les miens et que je serais seul à avoir l'autorisation de les

20 signer, et que ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles, en mon

21 absence, lorsque le document était urgent, qu'une autre personne pourrait

22 le faire en mon nom.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Qui décidait du chiffre

24 qu'allait porter tel ou tel document et qui déterminait que certains

25 documents allaient porter le numéro 01 ?

Page 19873

1 M. Blaskic (interprétation). – La plupart des documents qui

2 allaient être adressés à l'extérieur, qui reflétaient la position du

3 commandement, portaient cette cote.

4 Et dans la section des affaires courantes, il y avait une liste

5 de différentes instructions, et un officier, au sein de cette section,

6 marquait, apposait un numéro sur les documents qui se trouvaient dans ma

7 sphère de responsabilité.

8 Ainsi, les documents étaient classés en différentes catégories.

9 Il y avait certains documents qui me concernaient. Certains concernaient

10 le chef d'état-major, le département logistique, etc.

11 M. le Président. – Monsieur Rodrigues, voulez vous intervenir ?

12 M. Rodrigues (interprétation). – Général, je crois que je vous

13 ai entendu dire que vous ne signiez pas le document parce que vous n'étiez

14 pas disponible. Donc il y avait une raison pour que l'autre personne signe

15 un document à votre place. Ai-je bien compris ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge. Parfois,

17 les documents étaient extrêmement urgents, et parfois, une personne

18 autorisée à le faire signait ce document à ma place. Mais il s'agissait là

19 de cas exceptionnels.

20 M. Rodrigues (interprétation). – Général Blaskic, comme vous

21 pouvez voir, le document 456 et le document 622 ont la même date et la

22 même heure. Pourquoi étiez-vous là pour signer le document 622 et pourquoi

23 n'étiez-vous pas là pour signer le document 456 ?

24 Parce qu'ils ont la même date : le 26 mai 1993 à 18 h 00

25 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, je pense, et je

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1 pourrais le vérifier, au cours de la pause, que j'étais au commandement le

2 26 mai. Je peux le vérifier dans ma chronologie. A ce moment-là,

3 précisément, par conséquent, j'aurais pu signer ce document également.

4 Mais malheureusement, mon assistant, mon employé, M. Drago Dujmovic

5 n'occupait pas un poste de commandement lui permettant de signer ce

6 document à ma place. M. Drago Dujmovic a commis cette erreur en signant ce

7 document sans me le montrer, sans me donner la possibilité de le lire ou

8 de le signer.

9 Et je suppose, qu'ensuite, il a donné ce document afin que ce

10 document soit traduit. E ensuite toute une série de documents m'est

11 parvenue, celui-ci y compris. Et c'est un document que j'ai signé sans le

12 consulter en détail.

13 M. Rodrigues (interprétation). – Vous avez dit à M. le

14 Juge Shahabuddeen que vous aviez au moins deux problèmes avec le

15 document 622. Mais peut-être que vous allez avoir un troisième problème.

16 Comment signez-vous un document si vous n'étiez pas au commandement ? Mais

17 je crois qu'il faut faire la pause.

18 M. le Président. – Ecoutez, je pense que vous avez vu quand même

19 la perplexité des Juges sur ce problème de signatures qui engage votre

20 autorité. Je crois que les interprètes comprendront tout à fait que l'on

21 va leur donner une pause d'un quart d'heure, quitte à reprendre pour un

22 quart d'heure, 20 mn ensuite. Nous suspendons.

23 (La séance suspendue à 17 h 00 est reprise à 17 h 15.)

24 M. Kehoe (interprétation). – Puis-je recommencer monsieur le

25 Président ?

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1 M. le Président. - Oui.

2 M. Kehoe (interprétation). – Général, monsieur le Greffier,

3 consultons le document 623 s'il vous plaît. Je ne sais pas si le témoin

4 dispose déjà d'un exemplaire. Le voilà, merci.

5 Peut-on également soumettre au témoin la pièce de

6 l'accusation 621 ?

7 Tout comme nous l'avons fait avec les documents précédents, nous

8 voyons que les documents 622 et 623 sont des documents qui ont été

9 communiqués au Bureau du Procureur par le ministère de la Défense de la

10 Fédération. Je parle de la partie croate de la Fédération.

11 Avez-vous le document 623 sous les yeux ? Je me rends compte que

12 c'est un document en anglais, l'avez vous sous les yeux ?

13 M. Blaskic (interprétation). – Oui, j'ai le document 623 en

14 anglais sous les yeux, effectivement.

15 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais que vous compariez les

16 numéros de référence apposés sur les documents 621 et 623. Je pense que

17 vous conviendrez avec moi qu'il s'agit des mêmes numéros 01-5-690-93. Est-

18 ce bien exact ?

19 M. Blaskic (interprétation). – Ces numéros sont les mêmes et

20 vraisemblablement le document 621 était en fait une traduction… ou plutôt

21 le document 623 était une traduction du document 621.

22 M. Kehoe (interprétation). - La signature au bas du document 623

23 est bien la vôtre, n'est-ce pas ?

24 M. Blaskic (interprétation). – Oui, effectivement, c'est ma

25 signature qui figure sur la version en anglais de ce document.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Là encore, il s'agit d'un document

2 qui a été signé. En tout cas, la version BCS a été signée par M. Dujmovic,

3 c'est bien exact ?

4 M. Blaskic (interprétation). – C'est exact. J'ai vérifié dans ma

5 chronologie et je pourrai répondre à la question qui m'a été posée par

6 l'un des Juges, il y a un instant : M. Dujmovic a effectivement signé le

7 document, bien que, comme je l'ai déjà dit, il n'était pas habilité à le

8 faire. Mais moi, j'étais au commandement à ce moment-là, j'étais en

9 réunion avec le colonel Duncan. Et j'ai demandé au colonel Duncan qu'il

10 intervienne afin de convoquer une réunion avec le commandant du troisième

11 corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine afin de débattre de la mise en

12 oeuvre du plan militaire et de l'accord militaire qui avait été conclu.

13 Par conséquent, j'ai demandé au colonel Duncan, à M. Thébault et

14 autres représentants officiels d'agir en tant qu'intermédiaires afin de

15 m'aider à mettre sur pieds une réunion avec le commandant du troisième

16 corps d'armée afin d'éviter de nouveaux conflits, et de mettre en oeuvre

17 l'accord militaire conclu et signé par nos supérieurs.

18 M. Kehoe (interprétation). - Ce document 623 est un document

19 envoyé à une autre organisation internationale importante. N'est-ce pas le

20 CICR, comité international de la Croix-

21 Rouge ? C'est bien exact ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Et vous avez fait remarquer, au

24 cours de votre témoignage et eu égard à la pièce 621, que vous n'auriez

25 pas approuvé le premier paragraphe de ce document, n'est-ce pas ?

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1 M. Blaskic (interprétation). – Oui, le style dans lequel ce

2 premier paragraphe a été rédigé ne me convient pas et je l'aurais modifié.

3 J'aurais fait référence à l'accord militaire conclu entre le chef d'état-

4 major principal de mon côté et le chef d'état-major de l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine. Par conséquent, cette section-là, cette partie du document,

6 je l'aurais modifiée, si on m'avait soumis le document et si je l'avais

7 signé.

8 M. Kehoe (interprétation). - Mais vous avez eu la possibilité de

9 consulter ce document n'est-ce pas ? A la fois en BCS avant de le signer

10 en anglais en tout cas, ou bien quelqu'un vous a-t-il forcé à signer ce

11 document en anglais, avant même que vous ayez eu la chance de lire sa

12 version BCS ?

13 M. Blaskic (interprétation). – Mais personne ne m'a forcé à

14 signer quoique ce soit et on m'a dit en gros ce que contenait ce document.

15 Et je pensais que le responsable de la section des opérations m'avait dit

16 en gros ce qu'était ce détail : s'il s'agissait d'une demande

17 d'organisation d'une réunion, une demande de libération de prisonniers ou

18 ce genre de choses. Mais je le répète, si M. Drago Dujmovic avait agi de

19 façon appropriée, une fois le document rédigé, il me l'aurait soumis afin

20 que je l'examine et que je le signe ensuite. Et enfin, j'y aurais apposé

21 certaines corrections, notamment au premier paragraphe, et j'aurais signé

22 le reste.

23 Et le document aurait été beaucoup plus clair pour moi.

24 M. Kehoe (interprétation). - Mais comme vous l'a demandé le

25 Juge Rodrigues au sujet du document précédent, il est question du plan de

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1 paix Vance-Owen et des provinces 8, 9 et 10 dans ce document également,

2 bien entendu. Et cela aussi vous auriez pu le voir dans la

3 version en anglais n'est-ce pas ?

4 M. Blaskic (interprétation). – Oui. Effectivement, on peut

5 identifier ces différents éléments dans la version en anglais.

6 M. Kehoe (interprétation). - Et ce plan de paix Vance-Owen ? Et

7 ces provinces mentionnées dans le plan Vance-Owen, ce sont des questions

8 extrêmement politiques n'est-ce pas ?

9 M. Blaskic (interprétation). – C'est une question politique,

10 militaire et une question d'Etat également. Parce que dans chacune de ces

11 provinces, il y avait un certain nombre de problèmes qui devaient être

12 résolus grâce aux structures d'Etat de la Bosnie-Herzégovine, notamment

13 par le biais de l'armée.

14 M. Kehoe (interprétation). - Mais les problèmes politiques se

15 présentant dans ces différentes provinces étaient extrêmement importants

16 pour vous, n'est-ce pas ?

17 M. Blaskic (interprétation). – Effectivement, ces problèmes

18 politiques étaient importants, mais je ne m'y suis pas véritablement

19 penché et je ne me considérais pas comme étant un responsable dans la

20 sphère de ces problèmes politiques. Moi, c'étaient les aspects militaires

21 du plan Vance-Owen qui m'intéressaient. Et si le plan était signé par

22 toutes les parties, quelles étaient mes responsabilités en tant que

23 commandant militaire ? Quel était mon rôle ?

24 C'est ainsi que j'abordais le plan par le biais militaire. Les

25 aspects politiques du plan Vance-Owen étaient des aspects dont devaient

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1 s'occuper les représentants politiques, les représentants des communautés

2 croates et musulmanes, comme dans le cadre de toute application de tout

3 plan de paix.

4 M. Kehoe (interprétation). - Mais il est clair, Général, qu'au

5 cours de cette période les Croates de Bosnie voulaient que soit appliqué

6 le plan de paix Vance-Owen. Ils le voulaient n'est-ce pas ?

7 M. Blaskic (interprétation). – Les représentants politiques du

8 peuple croate en Bosnie-Herzégovine ont signé, je crois, tous les plans

9 proposés par les médiateurs internationaux. J'ai peut-être tort, je ne

10 sais pas si le premier était le plan de Lisbonne ou un autre. Bref, ils

11 ont tout signé jusqu'aux accords de Dayton. Les représentants ont signé

12 tous les plans proposés par la Communauté internationale, à ma

13 connaissance, d'après les informations officielles que j'ai reçues.

14 M. Kehoe (interprétation). - Regardons ce plan dont il est fait

15 mention dans ces différents documents. Monsieur le Greffier, peut-on avoir

16 la pièce de l'accusation numéro 20 ,c'est la première carte de toute la

17 série de cartes dont vous disposez.

18 Regardons les provinces 8, 9 et 10, pièces de l'accusation 20,

19 monsieur le Greffier. C'est une petite carte que nous pourrons placer sur

20 le rétroprojecteur.

21 Nous voudrions avoir la carte du haut. Il s'agit du plan de paix

22 Vance-Owen tel qu'il existait le 2 janvier 1993. Peut-on agrandir l'image

23 s'il vous plaît, afin que nous puissions apercevoir les chiffres. Très

24 bien. Merci beaucoup. Général, d'après ce document, nous voyons que les

25 zones qui vous intéressaient, les provinces 8, 9 et 10 étaient des zones

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1 qui en fait, constituaient ou étaient limitrophes de la zone

2 opérationnelle de Bosnie centrale.

3 M. Blaskic (interprétation). – Je ne vois pas très bien encore.

4 Laissez-moi consulter cette carte s'il vous plaît. Voilà ! C'est mieux là.

5 Pourriez-vous répéter la question s'il vous plaît ?

6 M. Kehoe (interprétation). – Les zones dont vous parlez dans

7 cette lettre envoyée à l'ambassadeur Thébault et au CICR sont les

8 provinces déterminées par le plan Vance-Owen 8, 9 et 10. Et les provinces

9 qui vous intéressent particulièrement sont ces dernières car elles ont une

10 influence ou un impact certain sur la zone opérationnelle de Bosnie

11 centrale. C'est bien exact ?

12 M. Blaskic (interprétation). – Bien, pas seulement ces

13 provinces-là. J'ai dit que le

14 problème principal que me posait le plan Vance-Owen, c'était la

15 démobilisation et le désarmement d'une armée qui n'avait pas une structure

16 bien définie et qui n'avait pas été armée de façon organisée. Cependant,

17 le plan Vance-Owen, comme on le voit sur cette carte, inclut la

18 province 7, la province de Sarajevo et Krecevo également, d'autres

19 régions, Kiseljak. Toutes ces provinces, toutes ces municipalités devaient

20 entrer dans la composition de cette zone de Sarajevo ainsi qu'une grande

21 partie de la zone opérationnelle du 3ème corps ou de la 3ème zone

22 opérationnelle de Bosnie centrale, c’est à dire Zepce, Maglaj, Usora qui

23 auraient été placées sous le commandement du 3ème corps d'armée. Par

24 conséquent d'un point de vue territoriale, ce plan Vance-Owen n'inclut pas

25 seulement la zone de la Bosnie centrale, mais également la zone couverte

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1 par le 3ème corps d'armée de la Bosnie-Herzégovine ainsi que des zones

2 couvertes par le 4ème corps d'armée de la Bosnie-Herzégovine, le 2ème corps

3 d'armée également, c'est-à-dire finalement, un territoire regroupant un

4 très grand nombre d'unités en 1993, environ 200 000 soldats.

5 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, ces zones

6 coloriées en bleu étaient les zones qui étaient contrôlées par les Croates

7 et M. Donja déclarait également au cours de son témoignage que la

8 province 9 devait aller aux Musulmans. Par conséquent, 3, 8 et 10 devaient

9 aller aux Croates et 9, pour clarifier les choses, devait aller aux

10 Musulmans.

11 M. Blaskic (interprétation). – Il y avait également la

12 province 7, Sarajevo, incluant Kiseljak et Krecevo, dans le district de

13 Sarajevo, en tout cas à ma connaissance. Par conséquent, nous parlons

14 également de la province 7.

15 M. Kehoe (interprétation). – Regardons la lettre 623 que vous

16 avez signée et qui devait être envoyée au CICR. Voyons le paragraphe que

17 vous n'approuvez pas. A nouveau, il s'agit d'une demande d'intervention ou

18 d'engagement supplémentaire. Il est dit dans ce document : les

19 représentants au sommet des peuples croates et musulmans se sont mis

20 d'accord officiellement, du point de vue militaire et du point de vue

21 politique, pour mettre en œuvre le plan Vance-Owen dans les provinces 8,

22 9 et 10, ce qui est tout à fait nécessaire et indispensable pour assurer

23 une plus grande sécurité et un retour à la vie normale.

24 Et ensuite, il est question de la libération de certains Croates

25 de différents établissements pénitentiaires à Zenica. Général, vous dites

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1 donc que cette lettre devait être envoyée au comité international de la

2 Croix-Rouge à Zenica, qu'elle a été signée par vous, mais que, néanmoins,

3 vous ne connaissiez pas la teneur exacte de ce document.

4 M. Blaskic (interprétation). – Je dis que je n'ai pas été

5 informé du contenu du document original 621, que je n'ai pas eu l'occasion

6 de le lire et que ce document a été signé par mon auxiliaire M. Dujmovic.

7 Et que la demande envoyée à la Croix-Rouge, je l'ai soutenue, si ce n'est

8 le style qui a été adopté et la démarche qui a été adoptée ainsi que la

9 description de l'accord du plan Vance-Owen et d'autres questions.

10 M. le Président. - Général Blaskic, je ne comprends pas très

11 bien. Vous dites : "Je l'ai soutenu à l'exception du style". Comment

12 pouvez-vous juger du style puisque vous ne comprenez pas la lettre ? C'est

13 subtil pour moi, je dois dire.

14 Avant de juger d'un style, il faut encore lire la lettre !

15 Voyons !

16 M. Blaskic (interprétation). – Oui. Ce que je dis, c’est que je

17 n'ai pas eu la possibilité de lire la lettre et que je ne suis pas

18 d'accord avec les détails de la première partie de la lettre. Et de façon

19 générale, j'approuve les parties concernant la demande formulée à la

20 Croix-Rouge afin qu'elle agisse en tant que médiateur. Et j'ai déclaré

21 également que si mon auxiliaire M. Dujmovic avait travaillé de façon

22 appropriée, il m'aurait amené l'ensemble de la lettre afin que je puisse

23 l'examiner et que je puisse la signer en connaissance de cause. Je ne sais

24 pas pourquoi il ne l'a pas fait car j'étais sur place à l'époque.

25 M. le Président. - Cette distinction très subtile que vous

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1 faites entre le militaire et le politique, distinction subtile -il faut

2 reconnaître ce qui est- mais enfin admettons que ce soit votre

3 distinction, est-ce que pour vos interlocuteurs, c'était également la même

4 distinction ?

5 Est-ce que, par exemple, quand vous écrivez une lettre comme celle-là à

6 M. Thébault, est-ce qu'il vous répond : "Ah ! Colonel Blaskic ! Nous vous

7 considérons, vous, comme le militaire de l'équipe et pas comme le

8 politique. Alors, occupez-vous des choses militaires et pas des choses

9 politiques !" Moi, j'avais l'impression qu'on vous considérait quand même

10 comme capable de rédiger une lettre comme celle-là. On ne vous a jamais

11 dit -autrement dit je reformule ma question- : est-ce que un jour un de

12 vos interlocuteurs vous a dit : "Pour nous, vous êtes le militaire et pas

13 le politique. Ne vous occupez pas de cela ! De quoi, vous vous occupez ?"

14 Est-ce que l’on vous a répondu cela ?

15 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président,

16 M. Thebault a tenté au cours de nos réunions et de nos conversations, de

17 recueillir certains commentaires, et a tenté d'obtenir de moi certains

18 commentaires de nature politique et sur des questions civiles. Et parfois,

19 lui-même m'exprimait ses opinions. Il ne m'a jamais dit directement : " Je

20 ne vous ai pas demandé de vous exprimer sur des questions politiques ou

21 sur des problèmes politiques. "

22 Mais je lui ai dit lors de certaines réunions, lorsque ce type

23 de questions apparaissait dans la conversation qu'il devait se tourner

24 vers les autorités compétentes, vers les représentants politiques

25 lorsqu'il avait de telles questions, parce que je ne me considérais pas

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1 comme étant compétent pour y répondre.

2 Si on me demandait mes opinions personnelles -peut-être que cela

3 est arrivé une ou deux fois- je l'ai fait, mais je lui ai dit que je ne me

4 sentais pas compétent pour parler de ce type de questions.

5 M. le Président. – Alors, nous avons vu les relations Blaskic

6 votre assistant, nous avons vu les relations avec les destinataires, et

7 maintenant les relations avec vos supérieurs. Est-ce qu'un jour vos

8 supérieurs vous ont dit : "N'écrivez plus cela, car cela ne vous regarde

9 pas". Je ne pense pas. Est-ce que l'on vous a dit cela une fois ? Est-ce

10 que le général Petkovic vous a dit un jour : "Ce paragraphe…(il devait

11 comprendre l'anglais, lui) est inadmissible" ?

12 Est-ce que l'on vous a dit cela une fois ?

13 M. Blaskic (interprétation). – Lorsque j'étais nommé commandant

14 de la zone opérationnelle, on m'a dit que je ne devais pas m'occuper de

15 politique, qu'il fallait que je laisse la politique aux hommes politiques,

16 que, moi, j'étais chargé de questions et de problèmes militaires. C'est

17 ainsi que j'ai compris mon rôle et mes tâches et c'est ce que le général

18 Petkovic m'a fait comprendre par le biais de ses ordres.

19 M. le Président. – Cette distinction peut être subtile ! Mes

20 collègues veulent-ils poser une question ?

21 Vous n'avez pas de questions.

22 Est-ce que, sur ce document, vous avez terminé ? Nous allons

23 terminer ce document, monsieur le Procureur.

24 M. Kehoe (interprétation). – Une dernière question sur ce

25 document, Général. Au fond, vous avez signé deux lettres adressées à deux

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1 organisations internationales dans lesquelles il était question d'un sujet

2 très politique, le plan Vance-Owen, n'est-ce pas exact ?

3 M. Blaskic (interprétation). – C'est vrai que j'ai signé les

4 deux traductions, enfin les deux versions anglaises et que je n'ai pas

5 signé les deux versions croates de ces documents, parce que mon auxiliaire

6 n'a pas soumis ces documents à mon examen. Et il est exact que j'aurais

7 modifié certaines choses dans ces deux lettres si j'avais pu le faire ?.

8 Je crois qu'il y a eu là une erreur administrative de la part de la

9 personne qui a signé ce document en mon nom.

10 M. Kehoe (interprétation). – Je n'ai plus de question sur ce

11 document, monsieur le Président, messieurs les Juges. Merci, Général.

12 M. le Président. – Nous remercions les interprètes qui ont fait

13 une lourde journée et les sténotypistes aussi.

14 Nous reprenons demain matin à 10 h 00.

15 L'audience est levée à 17 heures 35.

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