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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3
4 LE PROCUREUR
5 c/
6 Tihomir BLASKIC
7 Jeudi 17 juin 1999
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9 L’audience est ouverte à 10 heures 05.
10 Audience à huis clos
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18 L'audience est suspendue à 12 heures 15.
19 L'audience est reprise à 12 heures 30.
20 Audience publique
21 M. le Président. – L'audience est reprise. Asseyez-vous.
22 Monsieur le Greffier, vous pouvez faire introduire le témoin suivant.
23 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
24 On va vous donner les écouteurs. M'entendez-vous ?
25 M. Stewart (interprétation). - Je vous entends.
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1 M. le Président. – Pouvez-vous préciser votre nom, prénom, date
2 et lieu de naissance, lieu de résidence, grade et profession dans l'armée,
3 s'il vous plaît ?
4 M. Stewart (interprétation). – Je m'appelle Robert Alexandre
5 Stewart. J'étais lieutenant-colonel en 1992 et 1993. J'étais commandant
6 britannique obéissant aux ordres des Nations Unies en Bosnie.
7 M. le Président. – Où êtes-vous né ? Je n'ai pas bien entendu.
8 Date et lieu de naissance, s'il vous plaît ?
9 M. Stewart (interprétation). – Je ne l'ai pas dit. Le
10 7 juillet 1949. Je suis né à Preston dans le Lancashire au Royaume-Uni. Je
11 suis Britannique.
12 M. le Président. – Merci beaucoup. Vous allez rester debout une
13 seconde encore, le temps de prêter serment, colonel Stewart, sur la
14 formule que va vous tendre l'huissier.
15 M. Stewart (interprétation). - Je déclare solennellement que je
16 dirai la vérité, toute la vérité rien et rien que la vérité.
17 M. le Président. – Vous pouvez vous asseoir à présent. Merci
18 d'être venu répondre en répondant à la convocation du Tribunal pénal
19 international qui, à l'heure actuelle, connaît de l'affaire Blaskic –
20 c'est-à-dire du procès intenté par le Bureau du Procureur de ce Tribunal
21 contre l'accusé Tihomir Blaskic qui est ici, situé dans cette salle à
22 votre gauche.
23 Colonel Robert Stewart, nous arrivons à la fin…
24 M. Stewart (interprétation). - Je ne vois pas M. Blaskic. Où
25 est-il ?
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1 M. le Président. – D'accord. Voilà, vous l'avez-vu ?
2 Bien, Colonel, nous avons estimé utile, pour la connaissance de
3 la manifestation de la vérité dans cette affaire, d'avoir votre point de
4 vue à travers plusieurs points évoqués dans la convocation que j'ai signée
5 à votre adresse.
6 D'abord l'évolution de la situation militaire, votre point de
7 vue militaire à la tête du bataillon britannique en Bosnie centrale entre
8 octobre 1992 et mai 1993, notamment tout ce qui est la chaîne de
9 commandement que vous avez pu apercevoir, appréhender, vous, en tant que
10 militaire ; les thèmes principaux des réunions auxquelles vous avez
11 participé, les communications, tout ce que vous avez pu percevoir du
12 témoin, de sa personnalité, comment vous l'avez approché, quelles ont été
13 ses réactions ; vous pourrez aussi nous donner des points de vue en tant
14 que militaire sur le nettoyage ethnique et l'utilisation de l'artillerie ;
15 sur les déplacements des populations et notamment les visites des prisons.
16 Nous aimerions connaître votre point de vue sur Ahmici, les
17 causes, les conséquences, les enquêtes éventuellement diligentées, et bien
18 entendu toutes sortes d'autres renseignements.
19 Vous ferez une déposition libre sur un temps que vous jugerez
20 opportun. Nous avons estimé que c'était autour de deux heures, deux heures
21 et demies, trois heures si vous voulez, une heure et demie… c'est vous qui
22 verrez en fonction de la masse de documents. Vous pourrez vous servir de
23 vos documents, par contre vous ne pourrez pas avoir une déclaration pré-
24 rédigée.
25 A titre d'information, colonel Stewart, je vous signale que la
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1 Chambre a eu l'occasion d'entendre le colonel Walters et le colonel
2 Landry.
3 Après votre déposition, c'est le Procureur qui dans un temps…
4 M. Stewart (interprétation). - Qui est le colonel Landry ?
5 M. le Président. – Le colonel Landry était commandants canadien
6 dans le cadre de la mission européenne, me semble-t-il, Monsieur Fourmy ?
7 M. Fourmy. - C'est exact.
8 M. le Président. – Si vous n'avez aucun souvenir, ce n'est pas
9 la peine d'en parler.
10 Voilà à peu près les limites dans lesquelles s'inscrit votre
11 déposition. Le Procureur vous posera des questions, la défense vous posera
12 des questions. Il n'y aura pas de contre contre-interrogatoire. Après la
13 défense ce seront les Juges qui vous poseront les questions.
14 Vous pouvez commencer.
15 M. Stewart (interprétation). - Je comprends. Puis-je utiliser
16 mes notes ou souhaitez-vous que je parle sans mes notes ?
17 M. le Président. – Vous pouvez tout à fait utiliser vos notes.
18 Ce qui n'est pas admissible, c'est d'avoir une déclaration pré-rédigée.
19 Bien entendu, vous aurez besoin de vos notes, de vos documents.
20 Ces événements sont relativement lointains donc vous pouvez utiliser
21 toutes les notes que vous souhaitez utiliser.
22 M. Stewart (interprétation). – C'est bon, parce que je n'ai pas
23 de déclaration pré-établie donc je m'appuierai sur mes notes.
24 En août 1992, pour être précis le 22 août 1992, j'étais
25 lieutenant-colonel, commandant du 1er Bataillon du régiment du Cheshire.
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1 Ma base se trouvait à Fallingbostel en Allemagne. Je me trouvais à
2 Fallingbostel depuis 8 mois, et avant cette période j'avais commandé mon
3 bataillon depuis le mois d'avril 1991, y compris au cours d'une opération
4 d'une visite en Irlande du Nord.
5 Est-ce-que je parle trop vite ou devrais-je m'arrêter pour les
6 interprètes ?
7 M. le Président. – Je vous remercie beaucoup de penser aux
8 interprètes. Pour l'instant, cela peut-il convenir sur ce rythme ? On me
9 fait signe que cela convient. Merci beaucoup d'y prêter attention. Vous
10 pouvez poursuivre.
11 M. Stewart (interprétation). - Le 22 août 1992, j'étais à
12 Berlin, j'étais en vacance et j'ai été appelé au téléphone au moment du
13 déjeuner, et on m'a dit que le Premier ministre britannique avait proposé
14 volontairement un bataillon à envoyer dans les Balkans, ce qui m'a choqué
15 notamment quand j'ai appris que je devais en être le commandant car, bien
16 entendu, je ne connaissais rien des Balkans.
17 Cependant, je suis retourné à ma base, cela m'a pris deux ou
18 trois heures en voiture et, puisque ce jour-là était un vendredi, je
19 crois, j'ai travaillé toute la nuit avec mes officiers pour déterminer de
20 quelle façon nous allions aborder le problème.
21 Le mois qui a suivi a été chaotique : nous ne savions pas quelle
22 serait la nature de notre mission, nous ne savions pas où nous allions
23 aller. Nous savions réellement très peu de choses.
24 J'ai donc formé mon bataillon pendant un mois, je l'ai entraîné
25 aux exercices d'artillerie élémentaires en me concentrant surtout sur les
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1 exercices de tir, sur des exercices médicaux et sur la formation à
2 l'histoire des Balkans telle que nous la comprenions, ce qui est une tâche
3 pratiquement inaccessible, en tout cas, pour des soldats.
4 J'ai été convoqué au ministère de la Défense à Londres le
5 20 septembre 1992. J'étais surpris d'être invité à m'y rendre un dimanche
6 alors qu'il s'agit d'une institution publique. A 10 heures le dimanche
7 20 septembre, j'ai été informé dans la pièce historique qui porte le
8 numéro 29, qui se trouve au centre du bâtiment du ministère de la Défense.
9 J'ai donc été mis au courant, informé par une série de généraux et de
10 fonctionnaires civils de haut rang quant à la nature de cette mission
11 potentielle à laquelle j'étais censé participer dans les Balkans.
12 Le problème, c'est qu'il n'y avait aucune mission. Or, c'est la
13 première exigence pour toute mission militaire, comme M. Blaskic s'en
14 souvient. Nous ne savions pas où nous étions censés aller, nous ne savions
15 même pas dans quelle région des Balkans nous allions opérer.
16 Je suppose que j'ai eu de la chance puisqu'on m'a dit que
17 j'allais m'y rendre avec des responsables de reconnaissance le mardi, deux
18 jours plus tard, pour déterminer d'un peu plus près quel serait la nature
19 du rôle joué par les Britanniques.
20 Ce mardi-là, deux jours plus tard, nous avons pris un avion pour
21 Zagreb et, à Zagreb, nous sommes arrivés à l'aéroport, puis nous nous
22 sommes rendus dans le camp dit le camp de Pleso qui était un camp des
23 Nations Unies où se trouvait également un hôpital de campagne britannique
24 placé sous le commandement d'un officier britannique.
25 C'est dans ce camp que nous avons compris que nous allions
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1 devoir tenter de nous rendre à Tuzla dans le nord de la Bosnie car, selon
2 nos renseignements, les Français avaient décidé d'être déployés à
3 Sarajevo, les Canadiens avaient décidé d'être basés à Banja Luka et les
4 Britanniques, puisqu'ils ont été un peu trop lent comme d'habitude à se
5 prononcer, ne savaient pas où ils étaient censés aller. On m'a donc dit
6 qu'on était en train d'essayer de trouver un endroit pour nous, mais un
7 endroit où notre présence allait faire la différence.
8 C'est à Tuzla que j'ai décidé de faire la différence, car Tuzla
9 était isolée en raison de la guerre et personne ne s'y trouvait à ce
10 moment-là. Nous avons donc décidé que nous allions tenter d'établir notre
11 base à Tuzla avec un accès à Belgrade et notre logistique provenant donc
12 de Belgrade.
13 C'est ainsi que nous avons pris deux Land Rover pour nous rendre
14 en Serbie. Nous avons emprunté l'autoroute qui traverse toute la Croatie
15 et qui entre en Serbie. Nous avons parcouru ce chemin à partir de Zagreb.
16 L'autoroute était assez étonnante, car il n'y avait aucune voiture sur
17 cette autoroute, mais simplement de temps en temps des barrages routiers.
18 Nous sommes arrivés en Serbie et, pendant les trois ou quatre
19 jours qui ont suivi, nous nous sommes efforcés d'atteindre Tuzla. La tâche
20 a été difficile, c'est le moins que l'on puisse dire. En fait, elle était
21 impossible à réaliser car, chaque fois que nous arrivions aux abords des
22 lignes, soit nous étions pilonnés, soit nous étions arrêtés. C'étaient des
23 soldats serbes de Bosnie ou des Serbes de Bosnie qui nous arrêtaient ou
24 nous pilonnaient.
25 Nous avons essayé d'aborder Tuzla par le pont de Zvornik, nous
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1 étions donc sur le terrain et, à un moment, j'ai essayé de parler à un
2 général serbe : je voulais établir la basse britannique au nord de la
3 Bosnie. Il pensait que c'était possible. J'ai donc décidé d'essayer de me
4 frayer un chemin jusqu'à Banja Luka pour voir si je pouvais y rencontrer
5 le commandant des Serbes de Bosnie qui, d'après ce que j'avais compris,
6 était basé à Banja Luka.
7 Nous sommes donc montés à bord d'une Land Rover, j'ai demandé
8 les services d'une interprète. Je me suis donc séparé du groupe. Au total,
9 il y avait du deux ou trois Land Rover, si je me souviens bien, et nous
10 avons essayé de nous frayer ce chemin. Ce n'était pas facile mais,
11 finalement, nous sommes arrivés à Banja Luka et je me suis rendu tout de
12 suite à la base serbe prinicpale à Banja Luka, la base de l'armée serbe de
13 Bosnie où j'ai essayé de parler au commandant.
14 Je vous dis cela pour que vous compreniez bien.
15 Parce que le 2 août 1995, j’ai fourni une déclaration très
16 détaillée au Tribunal. C’était un élément de preuve écrit, mais je n'ai
17 pas inclus cette information liminaire dans la déclaration. Je n’ai pas
18 dit de quelle façon j’étais arrivé en Bosnie centrale et, aujourd'hui, je
19 tiens à le dire car je pense que c'est important.
20 J'ai obtenu de l'armée serbe de Bosnie l'autorisation de
21 positionner mes troupes dans la zone placée sous leur contrôle. Je pensais
22 que c'était un élément assez positif, car je pensais qu’à partir de là,
23 nous arriverions à Tuzla d’une façon ou d’une autre, en traversant les
24 lignes. C'était difficile, mais je pensais pouvoir le faire.
25 Après cela, je suis retourné à Zagreb où j'ai rendu compte par
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1 radio -ce n'était pas facile d'utiliser les communications radio avec
2 Londres, car les liaisons hautes fréquences étaient en panne la plupart du
3 temps en raison des spécificités techniques des communications en haute
4 fréquence- mais c'est grâce à un téléphone par satellite que ce jour-là,
5 j’ai réussi à parler avec Londres.
6 A Londres, on m'a dit qu'on avait changé d'avis. Il n'était plus
7 acceptable d'aller à Tuzla, mais que nous devions aller en Bosnie
8 centrale. J'étais assez ébahi de voir pendant combien de temps, nous
9 avions perdu notre temps. Ce n'est pas le plus important. Le plus
10 important, c’est que deux avions sont arrivés, nous avons embarqué nos
11 véhicules à bord de ces avions et nous nous sommes envolés pour Split dans
12 le sud de la Croatie. Nous avons atterri à l’aéroport de Split, nous
13 sommes restés une nuit dans un hôtel international, après quoi nous nous
14 sommes dirigés vers la Bosnie en traversant la Croatie. C'est à partir de
15 Tomislavgrad que nous avons abordé la Bosnie.
16 A Tomislavgrad, nous avons vu le premier quartier général du HVO
17 où nous nous sommes allés rencontrer le commandant, c'était Siljeg. Il
18 n'était pas là, mais son second, un Croate canadien, était présent. Il a
19 été très gentil, car il nous a fourni un guide pour nous emmener jusqu'à
20 la Bosnie centrale, en traversant les montagnes. Sans ce guide, je pense
21 que nous ne serions pas parvenus à traverser la Bosnie centrale tant le
22 chemin était difficile.
23 Nous sommes donc arrivés en Bosnie centrale. Nous avons
24 découvert que le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
25 était présent à ce moment-là à Vitez. A Vitez, nous avons vu une école
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1 vide, elle était vide, les élèves ne l'utilisaient plus. Après quelques
2 négociations, nous avons décidé que cet endroit serait une base tout à
3 fait appropriée pour nous.
4 Nous avons établi un plan selon lequel nous allions positionner
5 le bataillon britannique avec une compagnie à Gornji Vakuf, trois
6 compagnies à Vitez, dont une de ces trois serait réservée à une avance
7 rapide vers Tuzla, dès que la chose deviendrait possible. Le quartier
8 général principal serait situé à Vitez. Je parle donc de mon quartier
9 général. Voilà quels étaient les éléments du plan que nous avons établi.
10 Nous sommes rentrés en Allemagne le 30 septembre 1992. Au cours
11 de cette visite, au mieux de mes connaissances, je n'ai pas rencontré
12 Tihomir Blaskic. Mais il ne fait aucun doute qu'il savait que j'avais été
13 présent sur les lieux.
14 Ma deuxième visite de reconnaissance en Bosnie s'est déroulée le
15 vendredi 16 octobre. Entre le 30 septembre et le 16 octobre, la salle des
16 informations du ministère britannique, qui est le personnel politique
17 dirigeant placé sous les ordres du Premier ministre, avait établi lui
18 aussi son plan. Il m'a été dit qu'à ce moment-là, ce que j'avais à faire
19 était une opération tout à fait normale pour un officier, à savoir mener
20 une opération de reconnaissance standard.
21 Nous nous sommes envolés pour Split, le 16 octobre 1992 et, le
22 dimanche 18 octobre, nous sommes allés en voiture, via Gornji Vakuf où
23 j'ai laissé un commandant, vers Vitez en traversant les montagnes. Nous
24 avons établi notre base dans l’école qui se trouvait non loin de Vitez.
25 C'est à partir de ce moment-là que j'ai mené l’opération de
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1 reconnaissance.
2 Au cours de cette opération de reconnaissance, je me suis rendu
3 à Tuzla en traversant les montagnes. Il y avait environ 180 kilomètres à
4 parcourir à travers les montagnes jusqu’à Tuzla. J'étais déterminé à faire
5 en sorte que ma 4ème Compagnie soit basée à Tuzla avant Noël. C'était mon
6 objectif.
7 La première fois où j'ai rencontré le général Tihomir Blaskic,
8 au mieux de mes souvenirs -et je m'appuie également sur mon journal
9 personnel-, cette première rencontre a eu lieu aux alentours de 2 heures
10 du matin le 31 octobre 1992 dans des circonstances malheureuses, pas
11 malheureuses en raison des rapports entre lui et moi, mais malheureuses en
12 raison de ce qui se passait dans la région .
13 Pratiquement au moment où j’effectuais mon opération de
14 reconnaissance, des opérations de guerre ont éclaté entre les Croates de
15 Bosnie et les Musulmans de Bosnie. Cette guerre, pour autant que j'ai pu
16 le vérifier grâce à mes ressources limitées, car j’avais peu d’hommes avec
17 moi, cette guerre se concentrait dans le secteur de Vitez et dans la
18 direction de Novi Travnik. J'avais organisé une rencontre avec le
19 colonel Blaskic, car c'était son grade à l'époque, bien que nous n'ayons
20 jamais eu une connaissance très précise du grade de M. Blaskic, puisque le
21 HVO n'avait pas encore achevé la structuration de ses forces. C'est
22 seulement pendant la durée de ma mission que Tihomir Blaskic a obtenu un
23 grade.
24 J'avais organisé la rencontre entre lui et moi à 9 heures du
25 matin à l’hôtel Vitez, mais il n’y n'était pas présent en raison des
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1 hostilités qui avaient éclatées. J'ai rencontré un homme, Mario Cerkez,
2 pour lequel j'ai cru comprendre qu'il était le commandant du HVO dans la
3 région de Vitez. Lui m'a dit que le colonel Blaskic était absent, qu'il
4 était à Novi Travnik. Je n'ai pas l'intention de rentrer dans le détail de
5 ce qui s’est passé le reste de la journée.
6 Il suffira, je pense, que je vous dise qu'il n'y avait qu'un
7 seul moyen pour mes soldats de se déployer. Ce moyen n'existait que si les
8 hostilités étaient suffisamment atténuées pour que les troupes des Nations
9 Unies puissent pénétrer dans le secteur.
10 Par conséquent, je me suis donné pour but de faire tout ce qui
11 était en mon pouvoir pour obtenir un cessez-le-feu. Le centre,
12 apparemment, des combats, en tout cas la cause des combats semblait se
13 situer à Novi Travnik. C'est pourquoi je me suis rendu à Novi Travnik. Une
14 bataille était en cours à Novi Travnik ainsi qu'à Vitez. Il ne fait aucun
15 doute qu'il y avait des tirs de mortier, je les ai identifiés moi-même et,
16 éventuellement peut-être aussi des tirs d'artillerie. Le 2 juin 1995, la
17 déclaration que j'ai fournie au Tribunal commence à ce moment-là.
18 Je remarque qu'il est 13 heures, je sais qu'en principe, la
19 Chambre suspend ses travaux. J’ai encore quelques mots à dire.
20 M. le Président. - C’est votre exactitude militaire.
21 Conformément à ce que nous faisons d'habitude, nous allons suspendre notre
22 séance. Nous la reprendrons en 14 heures 30. L’audience est suspendue.
23
24 L'audience est suspendue à 13 heures.
25 L'audience est reprise à 14 heures 30.
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1 M. le Président. – L'audience est reprise. Monsieur le Greffier,
2 vous faites entrer l'accusé et vous faites entrer par ailleurs le témoin.
3 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
4 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
5 Bien, vous pouvez vous asseoir.
6 Colonel Stewart, vous allez poursuivre votre témoignage.
7 Je rappelle pour le public que nous entendons le colonel
8 Stewart, témoin convoqué par la Chambre, par les Juges.
9 Colonel, c'est à vous.
10 M. Stewart (interprétation). – Messieurs les Juges, j'aimerais
11 pouvoir bénéficier de davantage de temps. Pourrais-je encore avoir
12 40 minutes à peu près, à partir de maintenant. Simplement parce que je
13 pense que vous n'êtes sans doute pas au courant de tous les détails en ce
14 qui concerne cette déclaration du 2 juin 1995 où il se peut que ceci ne
15 soit pas tout à fait remémoré, ceci s'intègre dans mes propos. Est-ce que
16 vous vous en satisfaisez ?
17 M. le Président. – Tout à fait, Colonel. Combien avez-vous prévu
18 de temps pour votre déclaration liminaire avant que nous vous posions des
19 questions ?
20 M. Stewart (interprétation). – Quinze minutes. Mais maintenant
21 j'aimerais avoir 40 minutes.
22 M. le Président. – Combien, vous, vous aviez pensé prendre le
23 temps des Juges pour faire votre déclaration liminaire spontanée ? Vous
24 pensiez une heure, une heure et demie ?
25 M. Stewart (interprétation). - Une heure et dix minutes.
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1 M. le Président. – C'est parfait. Nous avons déjà eu une demie
2 heure environ, n'est-ce pas Monsieur le Greffier ?
3 M. Abtahi. – Oui, Monsieur le Président.
4 M. le Président. – Messieurs les Juges, il n'y a pas
5 d'objection ?
6 Vous prenez les quarante minutes qui vous conviennent.
7 M. Stewart (interprétation). - Je vous remercie.
8 Est-ce que je reviens au 20 octobre 1992 ? Le 20 octobre 1992,
9 au départ j'avais l'intention de rencontrer M. Tihomir Blaskic à l'hôtel
10 Vitez à 9 heures, mais il n'était pas présent. Ce qui n'étais pas
11 surprenant parce qu'il y avait beaucoup de conflits dans la région.
12 M. Mario Cerkez était présent, lui. J'ai supposé, et on m'a dit d'ailleurs
13 que M. Cerkez était le commandant du HVO à Vitez. C'est l'interprète qui
14 m'a fourni cette information. Par le truchement de mon interprète,
15 M. Tikolas Stanfield, un capitaine de l'armée britannique m'a dit qu'il y
16 avait un gros problème aussi bien à Vitez qu'à Novi Travnik.
17 La nature du problème était celle-ci : il y avait des conflits
18 entre les Musulmans et les Croates de Bosnie. On m'a appris que le
19 commandant des Musulmans se trouvait à une école proche. Il y avait un
20 homme, Jefko, qui était commandant en second de M. Mario Cerkez qui m'a
21 offert de me servir de guide jusqu'à cette école afin que je puisse parler
22 avec le commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine. C'est ce que j'ai
23 fait. Je suis parti dans une Land Rover et j'ai rencontré un homme
24 répondant au nom de Sefkija. C'était le commandant de l'armée de Bosnie-
25 Herzégovine.
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1 Cet homme m'a dit qu'il avait fait dresser des barrages routiers
2 simplement pour empêcher que des Croates de Bosnie se rendent à Novi
3 Travnik où, d'après lui, ils étaient en train de tuer des Musulmans.
4 J'avais le sentiment de ne pas avoir le choix, il fallait que j'essaie de
5 mettre un terme à ces combats parce que j'avais pour ordre opérationnel de
6 déployer mes troupes vers la Bosnie centrale sans être impliqué dans des
7 combats. Et s'il y avait des barrages routiers qui étaient dressés, il
8 était impossible pour moi de faire parvenir mes soldats jusqu'en Bosnie
9 centrale. Il fallait donc essayer de mettre un terme à ces combats, à ces
10 affrontements.
11 A 14 heures 30, ce jour-là, j'ai constitué un groupe d'action
12 avec des Land Rover et j'allais les diriger vers la ville de Novi Travnik,
13 aux approches de Novi Travnik et le déplacement vers Novi Travnik a été
14 assez divertissant ; il y avait pas mal de tirs, des tirs croisés. Mais je
15 crois qu'ils n'étaient pas dirigés vers nous, mais c'était assez
16 divertissant et aussi effrayant, bien sûr.
17 Dès mon arrivée à Novi Travnik, j'ai posé des questions autour
18 de moi. J'ai demandé où se trouvait l'état-major, le quartier général de
19 l'armée de Novi Travnik. Je ne connaissais pas du tout cet endroit. J'ai
20 rencontré un certain Lendo. J'ai cru comprendre que cet homme avait fait
21 prisonniers sept membres du HVO. J'ai exigé leur libération immédiate.
22 J'ai exigé également que me soit remis ces hommes parce que ce n'était pas
23 une guerre qui devait être menée. Il a ri lorsque je lui ai tenu ces
24 propos.
25 Mais avant de le quitter, il a quand même veillé à ce qu'un
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1 homme, un prisonnier, soit présenté. Il était terrorisé. Je l'ai emmené
2 avec ma Land Rover et, guidé par cet homme, j'ai traversé la ville en
3 direction d'un café appelé "le grand café". C'est là que j'ai rencontré
4 Dario Kordic pour la première fois.
5 Dans une salle à l'étage, une salle obscure, un bar, j'ai
6 rencontré Kordic ainsi que plusieurs autres soldats du HVO. Il était
7 manifeste pour moi que Kordic détenait de l'autorité, il était responsable
8 des hommes qui se trouvaient dans la pièce. Lorsqu'il parlait, les autres
9 se taisaient. Quand il parlait, ils écoutaient. Quand il leur ordonnait de
10 faire quelque chose, ils s'exécutaient. Nous avons utilisé un téléphone
11 portable pour avoir un contact avec Zenica, avec Dzemo Merdan parce que
12 Kordic ne voulait pas avoir affaire avec Lendo qu'il qualifiait de
13 criminel de guerre.
14 L'accord se présentait comme suit : j'allais aller chercher cet
15 homme répondant au nom de Merdan et je l'amènerais à une réunion qui
16 devait se tenir à Vitez.
17 Au moment de rentrer à ma base, à Vitez, la nuit était
18 pratiquement tombée. Il faisait pratiquement noir, mais on m'a dit qu'il
19 me fallait aller chercher M. Merdan, à Zenica. J'ai pris deux Land Rover
20 et je me suis dirigé vers Zenica. Là, j'y ai trouvé M. Merdan qui se
21 trouvait à la mairie. Je l'ai ramené à Vitez.
22 D'abord, nous nous étions dit que la réunion aurait lieu à ma
23 base, à l'école. Puis, le lieu a changé et nous nous sommes réunis à
24 l'hôtel Vitez.
25 Vers 2 heures, le 21 octobre, 2 heures du matin j'entends, j'ai
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1 rencontré Tihomir Blaskic pour la première fois, pour autant que je m'en
2 souvienne. Je pense qu'il était en habit civil, mais je ne me souviens
3 plus tout à fait exactement. Je crois toutefois que c'était le cas. Mais
4 manifestement, il était commandant.
5 Puis, je l'ai rencontré de nouveau à plusieurs reprise pour des
6 activités sociales. Il est venu prendre un repas à mon quartier général,
7 j'ai mangé avec lui le lundi de Pâques en avril 1993. J'ai rencontré
8 également son épouse. Personnellement, je crois que lui et son épouse sont
9 des personnes tout à fait correctes. Je n'ai eu que d'excellents rapports
10 personnels avec eux.
11 Il y a eu une réunion au vu d'un cessez-le-feu qui a eu lieu de
12 2 heures à 4 heures du matin, le 21 octobre. Celle-ci s'est soldée par un
13 échec. Nous ne sommes pas parvenus à stopper les affrontements entre le
14 HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine. J'ai toutefois laissé un officier
15 qui a réussi, au cours de la semaine suivante, avec le HCR, à calmer la
16 situation afin que mes troupes puissent être amenées en Bosnie centrale.
17 Je devais rentrer en Allemagne pour donner des ordres, des
18 instructions. Je suis rentré le plus rapidement possible et je suis ravi
19 de pouvoir dire qu'à mon retour, les combats avaient suffisamment cessé
20 que pour nous permettre d'entrer.
21 Je vais reprendre certains points de ma déclaration du 2 juin
22 1995 pour mettre ceci en exergue.
23 Le 22 novembre 1992, Tihomir Blaskic m'a demandé de retrouver
24 certains soldats du HVO originaires du village Turbe et qui étaient morts.
25 Se trouvaient là les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui avaient
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1 le commandant. Je suis allé à Turbe et je n'ai pas pu récupérer les corps.
2 A ma connaissance, il y avait un soldat serbe tué, mort, à l'extérieur du
3 quartier général. J'ai demandé si je pouvais récupérer ce corps, ce qui
4 m'a été refusé.
5 Je suis reparti vers le quartier général du HVO à Travnik, le
6 22 novembre. S'y trouvait M. Blaskic, puis le colonel Filipovic. Je pense
7 que Kordic y était également ainsi que le général Prkacin. J'espère que je
8 ne prononce pas trop mal ce nom. Il faisait partie ou il a dit faire
9 partie de ce conseil conjoint HVO-armée de Bosnie-Herzégovine. Il s'était
10 trouvé à Turbe avec moi et je pense qu'il a dit à Tihomir Blaskic que
11 j'avais fait de mon mieux pour récupérer les cadavres pour le HVO.
12 Personnellement, j'aurais récupéré tous les corps, quels qu'ils
13 soient, quelle qu'en soit l'origine, afin de remettre ces corps aux
14 familles concernées.
15 Le 12 janvier 1993, un incident s'est produit à Vares.
16 Apparemment, une de mes patrouilles fut arrêtée par un soldat sur la
17 route. L'une de ces patrouilles a donc offert de transporter ce soldat
18 pour un bout de route. Apparemment, ce soldat est monté dans le véhicule
19 et a été amené quelque part. Ceci a posé un problème. En effet, le
20 commandant Inil, le commandant local du HVO, a déposé une plainte selon
21 laquelle nous aurions aidé l'armée de Bosnie-Herzégovine.
22 Honnêtement, je ne sais pas exactement ce qui s'est passé sur
23 les lieux, mais ceci a eu pour effet de stopper la construction de ponts,
24 ce que faisait les gens de mon génie pour essayer d'avoir une route
25 correcte qui nous amène à Tuzla où se trouvait une de mes compagnies, où
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1 j'avais pour mission également d'acheminer des fournitures du HCR, toute
2 fourniture que je puisse trouver pour les gens de Tuzla. Il nous fallait
3 des pont qui nous permettent de transporter du matériel ou des stocks plus
4 importants.
5 Voilà donc le problème qui se posait. Ce que je veux dire par
6 là, c'est qu'on m'a renvoyé à Tihomir Blaskic pour ce qui était des
7 décisions à prendre. C'est ce qu'avait fait le commandant Emile à Vares.
8 Lorsque le colonel Tihomir Blaskic a pris la décision, nous avons pu
9 reprendre la construction de ponts et poursuivre nos activités.
10 Le chauffeur Netwood a été tué le 13 janvier 1993, tué par une
11 balle à la tête à l'arrière de son véhicule près de la ville de Gornji
12 Vakuf. Par la suite, j'ai déposé officiellement plainte auprès des deux
13 personnes que je considérais être les commandants les plus importants.
14 L'un d'entre eux était M. Merdan que j'ai déjà cité et l'autre,
15 M. Blaskic. Je connaissais M. Blaskic et je savais également à ce moment-
16 là que que Gornji Vakuf n'était pas tout à fait dans la zone de
17 responsabilité de M. Blaskic. Cela se trouvait sous la responsabilité de
18 la brigade Tomislavgrad mais, comme j'étais proche de M. Blaskic, j'ai
19 quand même présenté un grief officiel auprès de lui.
20 Je pensais que mon chauffeur de mon escorte avait été tué, non
21 pas sur les ordres du HVO ni de l'armée de Bosnie-Herzégovine mais, à
22 l'époque, en Bosnie, il y avait beaucoup de bandits, des personnes qui
23 tiraient un peu partout. Je pense que mon chauffeur a été tué par un
24 soldat de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui n'avait pas reçu d'ordre.
25 Ce que je voulais dire, c'est que pour moi, je persiste à croire
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1 que M. Blaskic était le commandant ou pouvait en tout cas intervenir dans
2 la chaîne de commandement.
3 Il y a des complications qui se posent au niveau des rapports
4 entre Dario Kordic et Tihomir Blaskic. C'est du moins mon point de vue.
5 Le 4 février 1993, Dario Kordic a voulu me voir à l'époque et de
6 façon persistante. Il ne cessait de me répéter qu'il était président
7 adjoint ou vice-président du HVO. Je suis allé le rencontrer au bâtiment
8 des PTT à Busovaca. Il était très nerveux, agité et il m'a semblé ici
9 qu'il était le commandant de Busovaca à l'époque, mais le problème,
10 c'était qu'on avait l'impression qu'une grande part de Busovaca avait été
11 coupée, ce qui veut dire que pour le HVO, la route de Kiseljak était
12 isolée et que l'armée de Bosnie-Herzégovine s'approchait du sud de la
13 région de Zenica et semblait remporter certains succès.
14 M. Kordic a exigé de moi que j'essaie d'arrêter les combats,
15 surtout à Katici et Merdani. Cette fois-là encore, j'ai eu l'impression
16 très nette que le commandant local de Busovaca était M. Kordic. J'insiste
17 bien : commandant local.
18 Le 13 avril 1993, je me déplaçait dans Travnik à pied.
19 J'essayais de parler aux soldats sur le terrain tant du HVO que de l'armée
20 de Bosnie-Herzégovine parce que la tension était à ce point grande et il y
21 avait quand même pas mal de coups de feu.
22 C'est à ce moment-là que (expurgé)
23 (expurgé), soyez-en
24 sûrs-, m'a envoyé un message radio et m'a dit d'aller à Zenica. Je
25 répugnais d'aller à Zenica parce que ce n'était pas un endroit qui
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1 m'inquiétait. Cette zone ne m'inquiétait pas particulièrement, mais il y
2 avait un homme dénommé Totic qui avait été kidnappé. Certains de ses
3 hommes du corps avaient été tués et Totic était un commandant de brigade
4 du HVO à Zenica, ce qui fait que je me suis rendu en véhicule à Zenica où
5 j'ai assisté à une réunion où il y avait un commandant de brigade du HVO.
6 Il y avait deux commandants de brigade du HVO à Zenica : l'un
7 avait été kidnappé, c'était Totic. L'autre dont je ne me rappelle pas le
8 nom -je ne connaissais pas son nom d'ailleurs à l'époque- était également
9 présent. Tihomir Blaskic n'était pas présent, pas plus que Cerkez ou qui
10 que ce soit d'autre que j'aurais connu de la région de Vitez.
11 Le lendemain, il y a eu vraiment de véritables combats
12 importants dans la région de la Lasva. Ceci a fait que j'ai déplacé mon
13 attention de Vitez vers Travnik et que j'ai essayé d'enrayer ces combats.
14 A cet effet, je me suis rendu à l'hôtel Vitez, je pense vers 10 heures. Je
15 voulais essayer de parler à Tihomir Blaskic.
16 J'ai appris qu'il n'y avait personne du commandement qui était
17 présent à ce moment-là à l'hôtel Vitez. Il n'y avait personne. Alors que
18 je m'approchais, on m'a tiré dessus, je ne sais pas si la balle a touché
19 le véhicule. Il y avait beaucoup de coups de feu et aussi un certain
20 nombre de cadavres le long de la route.
21 Le chauffeur de mon escorte, parce que nous sommes allés de
22 Vitez en direction de Zenica, a compté à peu près 35 maisons qui avaient
23 été détruites au cours des dernières 24 heures. Il y avait aussi beaucoup
24 de cadavres. On voyait aussi les corps de familles entières à proximité
25 d'un cimetière.
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1 Avant d'arriver au lieu de la réunion, j'ai dépassé un état-
2 major au quartier général du HVO. En route, j'avais vu des groupes de
3 soldats du HVO en général de cinq ou six.
4 Mais vers 10 heures 10, d'après mes notes, j'ai dépassé ce
5 bâtiment qu'on appelait le "chalet suisse" qui se trouve à plusieurs
6 centaines de mètres au sud, sud-est d'Ahmici. S'y trouvaient, disons,
7 10 soldats à l'extérieur, tous lourdement armés, très agités et prêts à
8 partir au combat manifestement. C'était très clair, je le voyais de
9 certains soldats. Il y avait aussi quelques véhicules dont, sans doute, un
10 type d'arme antiaérienne à plusieurs canons, le type qu'on pouvait
11 utiliser sur le terrain. Ils n'ont pas aimé le fait que je passe par là.
12 J'étais content de pouvoir poursuivre parce que j'étais seul, n'ayant pour
13 compagnie que mon seul chauffeur.
14 J'ai rencontré (expurgé) à peu près une demi-heure
15 plus tard. J'ai dit que je ne pouvais plus vraiment rester très longtemps
16 à Zenica puisque je devais me trouver auprès de mon bataillon, c'était là
17 ma place. Je n'ai pas vu M. Blaskic le 16 avril, c'est un fait, même si
18 j'ai essayé de le rencontrer.
19 Autre fait : c'est que le 18 avril, Tihomir Blaskic m'a
20 téléphoné. Je ne sais pas s'il l'a fait directement. En tout cas, il a
21 lancé un appel et, si je me souviens bien, il était agité. Cela veut dire
22 que j'ai dû m'entretenir avec lui par le truchement d'un interprète. Il
23 m'a demandé, à moi, officier de métier, d'aider à sauver les Croates dans
24 une ville appelée Cajdaras (ville épelée par l'interprète). Il m'a demandé
25 d'essayer de sauver ces Croates de Bosnie qui se trouvaient vraiment en
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1 péril. Cela se situait sur une route montagneuse, sur l'autre versant de
2 la montagne. Il y avait donc cette montagne entre cet endroit et Zenica,
3 communauté croate.
4 J'ai dit que je n'avais plus de soldats, ils étaient tous sur le
5 terrain. Il a dit : "Mais vous pouvez le faire." ou quelque chose de ce
6 genre.
7 Je vous ai dit, je respecte cet homme et, s'il me demandait de
8 faire quelque chose, j'essayais de le faire. J'ai donc déployé mes
9 véhicules et je les envoyais –les véhicules qui n'étaient pas encore
10 sortis du camp- pour faire ce travail. J'ai donc séparé mon quartier
11 général et j'ai envoyé des gens de mon quartier général pour essayer de
12 protéger ces personnes. Ils ont passé une nuit ou deux à Cajdaras et,
13 effectivement, ceci a aidé à ramener un petit peu le calme et rassurer les
14 personnes qui s'y trouvaient.
15 Le 22 avril -ceci est sans doute bien connu par de nombreux
16 documents déposés devant ce Tribunal-, j'ai fait la découverte personnelle
17 de ce qui s'était passé à Ahmici. Après que l'on m'ait dirigé vers cet
18 endroit, ce sont certains soldats qui se trouvaient dans les collines au
19 nord d'Ahmici qui me l'on dit.
20 Pourquoi me trouvais-je là dans le nord d'Ahmici ? Parce que
21 (expurgé) m'avait dit qu'il voulait que, personnellement,
22 j'intervienne pour essayer d'arrêter les combats. Moi, je lui avais dit
23 que personnellement, j'avais beaucoup de choses à faire. Il m'a répliqué
24 qu'il voulait que je le fasse, ce que j'ai fait, je me suis exécuté.
25 Dans les collines qui surplombent Ahmici, j'ai appris que
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1 beaucoup d'enfants, de bébés, de femmes avaient été tués dans le village
2 d'Ahmici. Je ne croyais pas que c'était possible. Je me souviens avoir
3 répondu que je ne croyais pas ce qu'il me disait, que c'était impossible
4 et que j'allais mener une enquête, me rendre sur les lieux, ce que j'ai
5 fait.
6 J'ai retraversé les lignes pour aller vers le village d'Ahmici.
7 J'ai découvert que je m'étais trompé. Il était manifeste que des massacres
8 s'étaient produits dans le village d'Ahmici. J'étais dans un état de choc
9 absolu.
10 Autre chose qui m'est apparu clairement, c'est que les maisons
11 qui avaient été détruites étaient des maisons de Musulmans et que toutes
12 les maisons qui étaient intactes étaient occupées par des Croates.
13 Effectivement, une unité du HVO m'a demandé de façon assez
14 péremptoire pourquoi j'avais le droit d'être là. Sur quoi j'ai riposté que
15 j'étais un fonctionnaire des Nations Unies, un officier, et que j'avais
16 parfaitement le droit de me trouver là où j'étais. Enfin, je crois avoir
17 utilisé un langage un peu moins poli que celui-ci parce que j'étais
18 vraiment choqué, en état de choc.
19 Il est certain que je suis reparti cette nuit-là, que j'ai
20 envoyé un message à Tihomir Blaskic pour lui demander de savoir ce qui
21 s'était passé et si une enquête ne pouvait pas être engagée. Le 24 avril,
22 deux jours plus tard, je suis allé voir M. Blaskic personnellement. J'ai
23 exigé de savoir, d'apprendre ce qui se passait. Je voulais savoir qui
24 était responsable de cela, qui avait été arrêté, ce qui se passait !
25 Le 4 mai 1993, j'ai rencontré M. Valenta qui m'a rappelé qu'il
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1 était vice-président du HVO, qu'il venait juste d'arriver dans la région
2 -d'après ce que je savais.... Mais comme M. Kordic disait être vice-
3 président du HVO…- et j'ai rencontré aussi M. Blaskic.
4 M. le Président. – Je n'ai pas bien compris la date.
5 M. Stewart (interprétation). - Le 4 mai 1993. Excusez moi, pour
6 autant que je m'en souvienne évidemment, je puise ces dates dans mon
7 journal. Là aussi, je leur ai posé des questions. Je leur ai dit : "Mais
8 on n'a pas répondu à l'exigence que j'avais posée, qu'une enquête soit
9 menée pour savoir qui avait commis ces crimes, ces massacres dans le
10 village d'Ahmici, dans les vallées avoisinantes." Personne n'avait été
11 arrêté alors que le massacre s'était produit le 16 avril, deux semaines
12 déjà s'étaient écoulées.
13 Je leur ai soumis une suggestion, à ces deux hommes.
14 J'ai dit que ceux qui avaient eu la responsabilité d'ordonner ce
15 massacre étaient responsables, à mon avis, de complicité dans le crime de
16 génocide. Je ne suis pas un homme de loi, mais la complicité dans un acte
17 de génocide était une description exacte.
18 Je crois avoir revu Tihomir Blaskic une fois de plus avant de
19 quitter la Bosnie, mais je n'en suis pas certain.
20 Je voudrais conclure par l'impression dont je voudrais vous
21 faire part et par mon avis. Je voudrais consigner au compte rendu
22 d'audience que j'ai beaucoup de sympathie pour Tihomir Blaskic. Jusqu'au
23 massacre d'Ahmici, c'était un homme à qui on pouvait faire confiance, une
24 homme de parole, un officier responsable. J'ai été déçu par sa réponse
25 après le massacre d'Ahmici. Je sais que lui aussi est un ex-membre de la
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1 JNA, comme M. Merdan. Ces deux hommes se connaissaient bien.
2 J'ai toujours pensé que Tihomir Blaskic était le commandant.
3 C'est une première chose. Kordic, était une complication. Mais mes sources
4 m'avaient appris que le HVO ne le voyait pas en tant que soldat, alors que
5 Tihomir Blaskic, ils le voyaient, lui, comme un soldat. Après tout, Kordic
6 n'a cessé de me dire qu'il était le vice-président du HVO. Si j'ai bien
7 compris, il avait une formation de journaliste.
8 A mon avis, la zone de responsabilité de M. Blaskic va du Nord,
9 à Gornji Vakuf vers Travnik, Kiseljak et à tout le moins jusqu'à Vares
10 sans inclure Mostar ou Sarajevo. Il est certain qu'il y avait son état-
11 major à l'hôtel Vitez et je crois qu'il en avait un autre à Kiseljak. Il
12 est certain qu'il avait le droit d'opérer sur tout le territoire dans
13 n'importe quel quartier général du HVO.
14 Le commandant Siljak, avec qui j'ai opéré pendant environ dix
15 jours à partir de la mort du chauffeur de mon escorte, le 13 janvier, il
16 était certain qu'il avait le commandant de Gornji Vakuf. C'était un homme
17 que je n'aimais pas du tout, pour lequel j'avais la plus profonde
18 antipathie. Je l'ai dit, il y a eu des moments où nous savions pas trop,
19 nous, Britanniques, quelle était la structure exacte de commandement. Tout
20 ceci était compliqué par la présence de Kordic. Mais Blaskic était le lien
21 principal avec Petkovic, chef d'état-major du HVO.
22 Je les ai vu à une ou deux occasions ensemble, ce qui n'était
23 pas le cas de Kordic. Je suis catégorique. Je pense que c'est le HVO qui a
24 commis les plus importants massacres dans la vallée de la Lasva en avril
25 1993. J'éprouve de grandes difficultés à croire que le commandement du HVO
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1 à Vitez ne savait ou n'avait pas donné l'ordre de cette attaque à mener
2 contre le village d'Ahmici, qui n'était qu'à trois kilomètres et demi de
3 l'hôtel Vitez. Je ne crois pas qu'une structure de commandement, quelle
4 qu'elle soit, soit inhérente de ce que ces soldats font à si peu de
5 distance.
6 En conclusion, en dépit de la sympathie profonde que j'ai
7 personnellement pour le colonel Blaskic, je crois que Tihomir Blaskic et
8 lui seul était commandant du HVO en Bosnie centrale et avait donc la
9 responsabilité de supérieur hiérarchique s'agissant des actes menés par
10 ses soldats.
11 Et même à supposer que M. Blaskic n'était pas au courant de ces
12 massacres et ne les a pas ordonnés, pourquoi n'a-t-il rien fait lorsque
13 j'ai demandé que quelque chose soit fait ?
14 Je trouve que rien n'a été fait alors que j'étais le commandant
15 britannique en Bosnie centrale et j'y suis resté jusqu'au 10 mai 1993.
16 Pour autant que je sache, aucune enquête n'a été menée en dépit des
17 exigences que j'ai posée afin qu'une enquête complète avec des
18 représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine soit menée s'agissant des
19 massacres commis dans la vallée de la Lasva.
20 C'est à regret que je répète l'avis que j'ai, à savoir que
21 M. Blaskic était le commandant effectif des forces du HVO en Bosnie
22 centrale et qu'en tant que tel, il doit être tenu responsable des actes
23 menés par les soldats du HVO, même si je pense que personnellement il soit
24 tout à fait possible qu'il n'ait pas été présent, personnellement,
25 lorsqu'il y a eu commission de ces crimes. Ce sera là la fin de ma
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1 déclaration liminaire.
2 Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 M. le Président. – Merci, colonel Stewart, pour le bon
4 agencement de nos travaux. Je vous propose sans plus attendre que vous
5 répondiez, pendant un temps que nous allons évaluer et qui pourrait être
6 d'une heure et demi environ, sachant que le temps sera équivalent pour la
7 défense ensuite, que vous répondiez donc aux questions du procureur.
8 Monsieur le Procureur, vous avez la parole. Compte tenu de tout
9 ce que vient de dire le colonel Stewart, compte tenu aussi du nombre de
10 questions que vous avez à poser, sans pour autant vous demander un chiffre
11 précis tout de suite, nous l'affinerons au fur et à mesure, combien de
12 temps pensez-vous prendre à peu près ?
13 M. Kehoe (interprétation). - Avec votre permission, Monsieur le
14 Président, je voudrais avoir cinq minutes pour consulter mon collègue,
15 nous aurons une meilleure idée de ce que nous voulons demander.
16 M. le Président. - Allez-y, faites.
17 (...)
18 M. le Président. - Oui, Monsieur le Procureur ?
19 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, il nous
20 faudra sans doute 30 à 40 minutes.
21 M. le Président. - Bien, écoutez, allez-y.
22 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,
23 Messieurs les Juges. Bonjour, bonjour aussi aux conseils de la défense.
24 Bonjour, Monsieur, c'est la première fois que je vous à La Haye.
25 M. Stewart (interprétation). - Bonjour.
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1 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais que la pièce 21C, c'est-
2 à-dire la carte avec les cercles concentriques que je crois chacun ici
3 connaît, soit remise au Colonel. Pourrait-on retourner un peu en arrière ?
4 Ce qui nous intéresse, c'est la région d'entre Vitez et Zenica, Monsieur
5 l'Huissier. Très bien, merci. Colonel, c'est une carte qui comporte un
6 certain nombre de cercles concentriques qui partent de l'hôtel Vitez.
7 Colonel, le soir du 15, le matin du 16 -j'aimerais attirer votre
8 attention sur ces dates-, vous avez fait remarquer qu'à ce moment-là, vous
9 étiez à Zenica. Vous êtes responsable...
10 M. Stewart (interprétation). - Je me demandais où l'on peut voir
11 cette carte ?
12 M. Kehoe (interprétation). - Sur le moniteur.
13 M. Stewart (interprétation). - Très bien, j'étais aveugle en
14 fait.
15 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez mentionné la route de
16 montagne qui va de Zenica à Vitez, je sais cela, mais je vous demanderais
17 maintenant de prendre le pointeur pour montrer exactement aux Juges quelle
18 est cette route que vous avez empruntée pour aller de Zenica à Vitez ?
19 M. Stewart (interprétation). - Vous voyez ce que j'indique ?
20 M. Kehoe (interprétation). - Oui, oui.
21 M. Stewart (interprétation). - En passant par Cajdras, comme je
22 l'ai dit dans ma déposition, jusqu'au sommet de la colline, puis en
23 descendant dans la vallée de la Lasva. C'est le chemin que j'ai emprunté.
24 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, quelle heure était-il à
25 peu près le matin lorsque vous êtes arrivé à Vitez en provenance de
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1 Zenica ?
2 M. Stewart (interprétation). - 7 heures 30.
3 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, pendant le trajet que vous
4 avez fait de Zenica à Vitez, avez-vous vu des formations de l'armée de
5 Bosnie-Herzégovine sur la route ?
6 M. Stewart (interprétation). - Vous avez dit BIH ?
7 M. Kehoe (interprétation). - Je parlais de l'armée de Bosnie-
8 Herzégovine, bien entendu.
9 M. Stewart (interprétation). - Oui, en effet.
10 M. Kehoe (interprétation). - Où les avez-vous vues ?
11 M. Stewart (interprétation). - En périphérie de Zenica.
12 M. Kehoe (interprétation). - Qu'avez-vous vu aujourd'hui,
13 Monsieur ?
14 M. Stewart (interprétation). - Un barrage routier et des hommes
15 qui m'ont arrêté.
16 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous traversé ?
17 M. Stewart (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation). - En dehors de cela, Monsieur, avez-
19 vous vu d'autres formations de l'armée de Bosnie-Herzégovine importantes
20 qui se déplaçaient ?
21 M. le Président. - Le témoin et vous, vous partagez la même
22 langue et êtes doté naturellement -et je vous en félicite-, comme moi
23 d'ailleurs, d'un débit rapide. Ce que je vous demanderai, c'est de penser
24 quand même à nos interprètes, sinon il faudra arrêter encore beaucoup plus
25 tôt ce soir. Soyez gentil et pensez à eux et à moi également parce que je
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1 suis comme je peux sur le transcript.
2 Allez-y, Monsieur Kehoe.
3 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je
4 m'excuse auprès des interprètes et, Colonel, je vous demanderai de ménager
5 une brève pause entre les questions et les réponses de façon à permettre
6 un bon travail des interprètes. Je tâcherai de ralentir.
7 M. Stewart (interprétation). - Je pense, Monsieur Kehoe, que
8 vous êtes plus à blâmer que moi.
9 M. Kehoe (interprétation). - Compte tenu du fait que l'on m'a
10 déjà accusé de cela, je crois effectivement que vous avez raison, Colonel,
11 et je plaiderai dans ce sens.
12 Colonel, ce matin du 16, avez-vous vu de grandes formations de
13 l'armée de Bosnie-Herzégovine, des formations en attaque qui descendaient
14 la vallée de la Lasva ?
15 M. Stewart (interprétation). - Non.
16 M. Kehoe (interprétation). - Avant ce moment-là, Colonel, le 15
17 ou le 16 avril, avez-vous vu un essor des formations de l'armée de Bosnie-
18 Herzégovine qui se seraient apprêtées à une espèce d'attaque ?
19 M. Stewart (interprétation). - Pour autant que je le sache, je
20 ne l'ai pas vue, mais je n'étais pas toujours dans la région. Le 15, il ne
21 fait aucun doute que j'étais à Travnik.
22 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, dans votre pratique
23 courante, envoyez-vous vos soldats des diverses compagnies sur le terrain
24 pour vérifier ce qui se passait dans la vallée de la Lasva et sur tout le
25 territoire de la région placée sous votre responsabilité ?
Page 22223
1 M. Stewart (interprétation). - Oui.
2 M. Kehoe (interprétation). - Ces hommes vous ont-ils rapporté à
3 quelque moment que ce soit des informations relatives à des soldats
4 présents dans la vallée de la Lasva ?
5 M. Stewart (interprétation). - Je ne me rappelle pas.
6 M. Kehoe (interprétation). - Le 16 avril, Colonel, vous ont-ils
7 rapporté qu'ils avaient vu ou qu'ils n'avaient pas vu des soldats de
8 l'armée de Bosnie-Herzégovine en train d'attaquer dans la Lasva ?
9 M. Stewart (interprétation). - Je ne crois pas qu'ils l'aient
10 fait, mais j'ai obtenu de nombreux rapports indiquant la présence de
11 soldats du HVO dans la vallée de la Lasva.
12 M. Kehoe (interprétation). - Sur la base des informations reçues
13 par vos soldats sur le terrain et sur la base de ce que vous avez
14 personnellement vu, qui était l'auteur des attaques du 16 avril 1993 ?
15 M. Stewart (interprétation). - Il était clair à mes yeux que
16 c'était le HVO qui attaquait.
17 M. Kehoe (interprétation). - Eu égard aux villages particuliers
18 qui ont subi ces attaques, si vous deviez attaquer un village, Colonel,
19 serait-il prudent pour le commandant organisant l'attaque de faire sortir
20 les civils du village avant l'attaque ?
21 M. Stewart (interprétation). - C'est une question à laquelle il
22 est difficile de répondre, car je n'attaquerais pas un village si des
23 civils y étaient présents, car c'est inacceptable. Par conséquent et en
24 toute justice, j'essaierais de faire sortir les civils en dépit de l'effet
25 de surprise qui serait perdu, mais je dois dire que je ne comprends pas
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1 vraiment la question, je ne vois pas vraiment où vous voulez en venir.
2 M. Kehoe (interprétation). - Nous allons passer à un autre
3 sujet.
4 Colonel, vous nous avez dit que le 22 avril 1993, vous êtes allé
5 à Ahmici où vous avez découvert le massacre qui y avait été perpétré.
6 Pouvez-vous nous donner des détails complémentaires sur ce que vous y avez
7 vu, Colonel ?
8 M. Stewart (interprétation). – Eh bien, il était relativement
9 tôt le matin lorsque (expurgé) m'a demandé d'aller en
10 personne –et je dis en personne parce que je ne souhaitais pas le faire-
11 dans la montagne, au-dessus de la vallée de la Lasva pour m'efforcer de
12 séparer les soldats du HVO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
13 J'ai donc pris la tête d'une patrouille avec quatre chars
14 Warriors. Il y avait aussi deux chars et mon Warrior personnel, blindé. Je
15 me suis dirigé vers le carrefour où la route de montagne croise la route
16 principale de la vallée la Lasva. Je suis passé par un barrage routier du
17 HVO pour remonter, le long de la route, jusqu'à la route de montagne.
18 Au niveau de la crête, j'essaie de retrouver le nom sur la carte
19 mais je n'arrive pas à le lire, j'ai tourné à droite sur une piste que je
20 n'avais jamais empreintée jusque là. Je m'arrêtais régulièrement et à ce
21 moment-là, il ne fait aucun doute qu'il y avait de fortes concentrations
22 de soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans les collines. Je me suis
23 arrêté lorsque j'ai rencontré des soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine
24 et, à plusieurs reprises, j'ai plaidé auprès d'eux pour qu'ils arrêtent
25 les combats.
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1 La deuxième ou la troisième fois que j'ai agi de la sorte, on
2 m'a dit qu'ils ne pouvaient pas faire cesser les soldats en raison des
3 rumeurs selon lesquelles des bébés et des femmes avaient été tués dans le
4 village d'Ahmici. J'ai déjà dit que j'étais très choqué. Je n'ai pas cru
5 cela, mais j'ai dit à ces soldats que j'irais en personne effectuer une
6 vérification.
7 C'est ce que j'ai fait. J'ai pris une autre route en pente
8 descendante et nous sommes retournés vers la vallée de la Lasva, après
9 quoi nous sommes allés jusqu'au carrefour où la route se séparait pour
10 aller dans le village d'Ahmici. J'ai traversé le village d'Ahmici avec nos
11 véhicules. C'est un village qui est en alignement qui fait à peu près un
12 kilomètre et demi de long. Je suis arrivé à l'autre extrémité du village
13 d'Ahmici, j'ai fait descendre de leur blindé mes soldats. Je suis, moi
14 aussi, descendu de mon blindé et nous avons vérifié les maisons qui se
15 trouvaient des deux côtés de la route.
16 A un tiers du chemin à peu près, quelqu'un m'a appelé. Je me
17 suis dirigé vers cette personne et nous avons découvert la première maison
18 où nous avons identifié des corps, des cadavres, le cadavre d'un homme et
19 celui d'un garçon, sans doute un adolescent. Nous étions à la porte
20 d'entrée principale et nous sommes passés à l'arrière, où nous avons
21 trouvé les restes d'autres personnes. Tout à fait clairement, il y avait
22 le corps d'un adulte, sans doute une femme, et éventuellement les corps de
23 plusieurs enfants.
24 Ce que j'ai dit, et je le répète, n'était pas imprécis. Bien
25 entendu, il en a été rendu compte. Ces propos ont été rendu publics car il
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1 y avait beaucoup de journalistes autour de nous.
2 Après cela, je suis rentré et je crois avoir envoyé un message
3 au général Blaskic, colonel à l'époque des faits.
4 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais que nous prenions ces
5 éléments de correspondance et la réponse que vous avez reçue, colonel.
6 J'aimerais que l'on remette au témoin la pièce à conviction de
7 l'accusation n° 456/56 et la pièce à conviction de l'accusation 456/57.
8 J'aimerais que les deux documents soient présentés ensemble au colonel.
9 Pour que tout soit clair, colonel, la pièce à conviction 456/56
10 est votre lettre du 22 adressée à l'accusé et la pièce 456/57 est la
11 lettre de M. Blaskic en réponse à la vôtre. Je vous demanderai d'examiner
12 rapidement ces deux documents, puis nous en parlerons rapidement aussi.
13 M. Stewart (interprétation). – Je suis prêt.
14 M. Kehoe (interprétation). – La première lettre est la lettre
15 dont vous avez parlé dans votre première déposition. A présent, s'y ajoute
16 la lettre de Blaskic. Dans cette lettre de Blaskic, en réponse à la vôtre,
17 au paragraphe 1, il fait remarquer, je cite : "Je suis prêt à envoyer
18 immédiatement une commission d'enquête dans le village d'Ahmici."
19 M. Stewart (interprétation). – Oui.
20 M. Kehoe (interprétation). – J'aimerais que nous parlions
21 quelques instants de cette commission d'enquête, colonel. Avez-vous jamais
22 vu une commission d'enquête ?
23 M. Stewart (interprétation). – Non.
24 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous demandé qu'une commission
25 d'enquête soit constituée ?
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1 M. Stewart (interprétation). – Oui.
2 M. Kehoe (interprétation). – Pouvez-vous nous donner quelques
3 détails au sujet de ce que vous avez demandé ?
4 M. Stewart (interprétation). – J'ai demandé une enquête urgente
5 pour déterminer qui étaient les responsables. Je me rappelle avoir
6 demander à Tihomir Blaskic d'inclure également des représentants de
7 l'armée de Bosnie-Herzégovine dans cette commission.
8 M. Kehoe (interprétation). - S'agissant de cette commission,
9 M. Blaskic vous a-t-il jamais demandé votre aide pour l'établir et avez-
10 vous refusé de lui accorder cette assistance ?
11 M. Stewart (interprétation). – Certainement pas.
12 M. Kehoe (interprétation). – Vous a-t-il jamais demandé votre
13 aide dans cette enquête ?
14 M. Stewart (interprétation). - Cette lettre le dit, mais je ne
15 me rappelle rien d'autre à ce sujet.
16 M. Kehoe (interprétation). - Dans la déposition de M. Blaskic,
17 en page 19165 du compte rendu d'audience, M. Blaskic fait remarquer :
18 "J'ai envoyé une lettre au colonel Stewart, le 23, et dans cette lettre
19 ainsi que dans toutes les autres discussions que j'ai eues avec des
20 représentants de la communauté internationale, j'ai demandé de l'aide pour
21 diligenter une enquête". Au cours de vos rencontres avec lui, colonel,
22 vous a-t-il demandé votre aide pour diligenter une enquête ?
23 M. Stewart (interprétation). – Non. Je pense que mes rencontres
24 se sont limitées à exiger que quelque chose soit fait réellement. Mais
25 rien n'a semblé être fait.
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1 M. Kehoe (interprétation). – Passons maintenant à une autre
2 pièce à conviction, il s'agit de la pièce qui fait état de votre
3 rencontre, celle dont vous avez parlé. C'est un extrait de votre journal
4 personnel, colonel.
5 M. Abtahi. - Il s'agit de la pièce de l'accusation n° 742.
6 M. Kehoe (interprétation). – Vous avez cette pièce sous les
7 yeux, vous pouvez en avoir un deuxième exemplaire, si vous voulez.
8 M. Stewart (interprétation). - Je vois le contenu de cette
9 pièce.
10 M. Kehoe (interprétation). - Il y a également des exemplaires
11 pour les cabines, Monsieur l'Huissier.
12 C'est une note tirée de votre journal personnel en date du
13 24 avril 1993. Je vais attendre quelques instants que la distribution des
14 différents exemplaires soit achevée. J'appelle votre attention sur les
15 deux premiers paragraphes de cet extrait, Colonel, qui portent sur les
16 événements du 24 avril.
17 M. Stewart (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation). - J'attendais que les interprètes
19 français obtiennent un exemplaire du texte.
20 Bien, nous lisons. Je cite : "Samedi 24 avril, l'affaire
21 d'Ahmici a pris une très grande ampleur. Désormais, j'ai décidé d'aller
22 voir Santic, Président de Vitez, ainsi que Pero Skopje -est-il écrit dans
23 le texte-, dirigeant du HDZ. Je suis entré en ville dans mon blindé
24 Warrior et j'ai trouvé ces deux hommes dans les sous-sols des bâtiments
25 des P.T.T. Je suis allé droit au but. J'ai informé les deux hommes de ce
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1 que j'avais vu à Ahmici. Je leur ai dit que c'était une indignité, que
2 cela pourrait avoir une incidence sur l'opinion américaine et pousser les
3 Américains simplement à décider d'armer les Musulmans. En bref, c'était
4 une catastrophe pour la politique du HVO et les responsables devraient
5 être identifiés et impliqués le plus tôt possible. J'avais le sentiment
6 que cette affaire devrait faire l'objet d'une enquête approfondie et que
7 les Musulmans bosniens devaient faire partie de la commission d'enquête.
8 Après cela, je suis allé voir Blaskic qui se trouvait à l'hôtel
9 Vitez. Il a accepté sans difficulté que c'était bien sa zone de
10 responsabilité et qu'il devait faire quelque chose de positif. Je lui ai
11 dit qu'il était nécessaire d'agir au plus haut niveau. Par exemple, j'ai
12 proposé que les ambassadeurs du Conseil de sécurité aient la possibilité
13 de visiter Vitez plus tard, aujourd'hui. L'impact serait important et le
14 HVO ferait mieux de faire quelque chose.
15 Après cela, je suis rentré dans la maison de la Binfo où j'ai
16 informé la presse de ce qui s'était passé et, en particulier, de l'accord
17 de Blaskic quant au fait qu'il s'agissait de sa zone de responsabilité.
18 J'ai déclaré que Blaskic m'avait dit que des rencontres au plus haut
19 niveau seraient tenues à ce sujet. En toute justice, par rapport à
20 Blaskic, je leur ai aussi dit qu'il avait l'air très choqué au sujet de
21 tout cela." (Fin de citation.)
22 Alors, dans cette conversation, Colonel, cette conversation avec
23 Blaskic –au mieux de vos souvenirs- avez-vous dit quelque chose au sujet
24 des troupes qui se trouvaient aux alentours d'Ahmici ?
25 M. Stewart (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Vous a-t-il dit que c'étaient ses
2 troupes qui étaient sur le terrain ou que ce n'étaient pas ses soldats ?
3 M. Hayman (interprétation). - Question déjà posée ayant reçu
4 réponse.
5 M. Kehoe (interprétation). – Très bien. Général ou plutôt
6 Colonel, vous a-t-il jamais expliqué, quand vous avez eu des discussions
7 avec lui au sujet des événements d'Ahmici, qu'il y avait une chaîne de
8 commandement double et qu'il n'était pas responsable de l'action de ses
9 soldats à Ahmici ? Vous a-t-il jamais dit ça ?
10 M. Stewart (interprétation). - Je présume que vous me parlez à
11 moi lorsque vous dites "Général" ?
12 M. Kehoe (interprétation). – Excusez-moi, je viens de vous
13 promouvoir au grade de général, mais bien sûr vous êtes colonel.
14 M. Stewart (interprétation). – Très bien, merci.
15 Malheureusement, le bataillon britannique ne m'a pas promu.
16 Ma réponse à votre question est non.
17 M. Kehoe (interprétation). – Non, il ne vous a pas expliqué
18 qu'il y avait une chaîne de commandement double ?
19 M. Stewart (interprétation). - Bien qu'il y ait quelques
20 suspicions au sujet de quelque complexité à ce niveau –j'en ai déjà parlé
21 dans ma déposition-, apparemment, c'était le style communiste classique
22 qui s'appliquait dans cette situation. Il y aurait donc pu avoir une
23 chaîne de commandement politique et une chaîne de commandement militaire.
24 M. Kehoe (interprétation). – Mais eu égard à cela, Monsieur, eu
25 égard à la chaîne de commandement militaire, vous a-t-il jamais indiqué
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1 qu'il y avait une dualité dans la chaîne de commandement militaire ?
2 M. Stewart (interprétation). – Non.
3 M. Kehoe (interprétation). – Vous avez fait remarquer dans ce
4 document particulier qu'en toute justice pour Blaskic, vous avez également
5 dit à la presse qu'il semblait très choqué au sujet de la situation ?
6 M. Stewart (interprétation). – Oui, je l'ai fait parce que
7 c'était mon sentiment. Je le répète : cet homme semblait un homme tout à
8 fait correct, c'est ainsi qu'il m'ait apparu ; il était choqué, j'ai eu le
9 sentiment qu'il était choqué parce que nous avons tous les deux des
10 familles. C'est le sentiment que j'ai eu au sujet de Blaskic.
11 M. Kehoe (interprétation). – Colonel, j'aimerais vous présenter
12 un document que vous n'avez sans doute pas encore vu. J'aimerais vous
13 présenter la pièce à conviction de l'accusation 466/58 qui est un rapport
14 écrit par l'accusé le 24 avril, jour de votre rencontre avec Blaskic.
15 M. le Président. – Je souhaiterais que le document soit mis
16 d'abord sur le rétroprojecteur avant que vous posiez votre question. C'est
17 ce que vous alliez faire ?
18 M. Kehoe (interprétation). – Tout à fait. Oui, je voulais
19 simplement que le témoin lise d'abord ces deux pages ; c'était plus facile
20 pour lui de les lire dans la main.
21 M. le Président. – Tout à fait. Allez-y.
22 M. Kehoe (interprétation). - Dans ce document-ci rédigé par
23 Blaskic, trouve-t-on la moindre expression de remord, de regret ou
24 d'inquiétude par rapport aux événements d'Ahmici ? De sa part, non pas de
25 vous.
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1 M. Stewart (interprétation). - D'après ce que je viens de lire,
2 non. Ce n'est pas le cas.
3 M. Kehoe (interprétation). - Y demande-t-on, d'une quelconque
4 façon, qu'une enquête soit diligentée ?
5 M. Stewart (interprétation). – Je ne vois rien de ce genre. Mais
6 je peux dire que, moi, j'ai demandé cette enquête.
7 M. Kehoe (interprétation). - S'agissant des déclarations faites
8 dans ce document, M. Blaskic dit à la fin de la première page : "Je pense
9 que Mate Boban aurait dû se trouver à Vitez aujourd’hui pour indiquer que
10 la relation des événements est tout à fait tendancieuse, il y a du parti
11 pris".
12 Passons à la page suivante : deuxième point dans cette page :
13 "Parler de l'accent tout à fait unilatéral que l’on a mis sur les
14 souffrances d’un seul peuple et pour exprimer les doutes et soupçons selon
15 lesquels les journalistes sont payés pour mal relater les événements, de
16 façon erronée", qu'en pensez-vous ?
17 M. Stewart (interprétation). - C'est ridicule.
18 M. Kehoe (interprétation). - Qu’en pensez-vous ?
19 M. Stewart (interprétation). – Je pense que si la presse pouvait
20 dire quelque chose, elle aurait sans doute dit que c'étaient les Musulmans
21 qui étaient battus à l'époque. Les journalistes n'ont pas pu relater
22 autres choses que la vérité.
23 M. Kehoe (interprétation). – Excusez-moi de vous avoir promu
24 général tout de suite.
25 M. Stewart (interprétation). - Cela ne me dérangeait pas.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit qu'il n'y a pas
2 d'expression de remord, d’inquiétude à propos de Ahmici dans ce document.
3 Lorsque Blaskic manifeste qu'il est choqué dans cette réunion, est-il
4 choqué à propos de ce qui s'était passé à Ahmici, colonel, ou le fait
5 d’avoir été pris et que vous lui avez vraiment saisi et que vous le
6 rendiez responsable ?
7 M. Stewart (interprétation). - Je ne connais pas la réponse à
8 cette question, mais il semblait choqué. Ce qu’il prétendait ou pas, je ne
9 sais pas. L'impression que j'ai eue de M. Blaskic, c'est que c'est un
10 homme correct et j’ai cru, véritablement, qu'il était choqué.
11 M. Kehoe (interprétation). - Vous êtes un homme d'expérience.
12 Vous connaissez les Balkans, les Musulmans, d'après votre expérience, une
13 des parties au conflit présentait-elle sa version des faits pour la
14 communauté internationale mais disait peut-être le contraire pour sa
15 propre communauté ? Est-ce que vous avez fait cette expérience ?
16 M. Stewart (interprétation). – Oui, je ne fais confiance à
17 personne, à rien, comme cela à première vue. Mon jugement était le
18 suivant : je ne croyais jamais ce qu'on me disait, que ce soit un
19 Musulman, un Croate ou un Serbe de Bosnie, tant que je n'avais pas eu la
20 preuve que ces actions étaient répercutées dans des actes sur le terrain.
21 J’ai appris cette leçon très rapidement car j'avais passé des
22 jours interminables à négocier des cessez-le-feu, à obtenir des documents,
23 la signature de documents, de voir les dates butoirs passer. En général,
24 je prenais un verre quand arrivait la date d’échéance des cessez-le-feu et
25 que les combats se poursuivaient.
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1 En un mot comme en cent, franchement, jamais je n’ai fait
2 confiance à ce que me disaient les gens. J'avais vraiment le sentiment que
3 M. Blaskic était vraiment bouleversé.
4 M. Kehoe (interprétation). – Passons au document suivant, la
5 pièce P695, c’est un autre extrait de votre journal intime, en date du 4
6 mai 1993 et qui porte sur cette réunion que vous avez eue avec Valenta et
7 Blaskic.
8 Prenez un instant pour examiner ce document, ce qui m'intéresse
9 à l’encontre de ce document, c’est le dernier paragraphe, deuxième page.
10 Voyez-vous ce paragraphe qui commence : "Quand le déjeuner fut terminé " ?
11 M. Stewart (interprétation). - Oui.
12 M. Kehoe (interprétation). - Je vais vous en donner lecture.
13 Peut-on placer le document sur le rétroprojecteur ? Nous pourrons
14 rapidement en parler, je vais vous poser quelques questions.
15 "Une fois le déjeuner terminé, j'ai emmené les ambassadeurs à
16 Vitez, j'ai rencontré Valenta et Blaskic. J'ai déclaré que rien ne s'était
17 passé à propos d’une commission d’enquête qui porterait sur Ahmici ; que
18 pendant 18 jours, rien ne s'était passé, personne n'avait été accusé, ni
19 arrêté à ma connaissance, et je connaissais les noms des accusés remis aux
20 ambassadeurs de l'ECMM.
21 J'avais insisté pour dire que le gouvernement de Vitez était
22 aussi impliqué dans un acte de complicité, un acte de génocide.
23 J’entendais par là, Valenta qui disait ne rien savoir à propos de Ahmici
24 jusqu’à deux jours plus tard, Blaskic et Skoplijak. J'ai dit que je
25 voulais que des actions, que quelque chose soit fait, j'étais soutenu par
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1 les ambassadeurs. Après être rentré au camp de Vitez, après avoir fait
2 part de ceci à Sky News".
3 Nous parlons de cette commission d'enquête que vous exigiez.
4 Est-ce la même commission d'enquête que vous demandiez le 24 ?
5 M. Stewart (interprétation). – Effectivement, mais je n'avais vu
6 aucune preuve de ce qu'une telle commission aurait existé.
7 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce qu'à un moment quelconque de
8 cette réunion, M. Blaskic a demandé votre aide afin que soit menée cette
9 enquête ?
10 M. Stewart (interprétation). – Non, parce que s'il l'avait fait,
11 j'aurais sauté sur l'occasion et mes ambassadeurs m'auraient soutenu. Il
12 ne faut continuer à tourner autour du pot. Rien ne s'était passé et quelle
13 que soit la façon dont on présentait les choses, rien ne s'était passé au
14 cours de ces deux semaines et rien que j'ai vu n'aurait pu me convaincre
15 que quelqu'un allait vraiment passer aux actes.
16 A la fin de ma mission de Bosnie, je craignais que cela ne soit
17 oublié. Dieu merci, cela n'a pas été oublié.
18 M. Kehoe (interprétation). – Il y a une autre ligne qui dit :
19 "Deux jours plus tard, Valenta l'a appris." Vous voyez cette petite
20 parenthèse qui se trouve dans le texte ?
21 M. Stewart (interprétation). - Oui.
22 M. Kehoe (interprétation). – Quelle serait la date si Ahmici
23 s'est produit le 16 avril ?
24 M. Stewart (interprétation). - Le 18 avril.
25 M. Kehoe (interprétation). – Serait-il exact de dire, colonel,
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1 que Valenta vous disait alors qu'il avait appris ces événements le 18
2 avril ? Est-ce exact ?
3 M. Stewart (interprétation). - C'est bien l'idée que je m'en
4 suis fait.
5 M. Kehoe (interprétation). - L'accusé a dit à ses juges qu'il
6 n'avait pas appris les événements d'Ahmici jusqu'au moment de recevoir
7 votre lettre du 22 avril 1993. Mais étant donné ce que vous avez dit à
8 propos du lieu où se trouve d'Ahmici, qu'en pensez-vous ?
9 M. Stewart (interprétation). – J'ai le regret de dire que c'est
10 un mensonge. C'est la conclusion que j'ai tirée. Je ne sais pas si c'est
11 un fait, mais c'est la conclusion que j'ai tirée.
12 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, dans la
13 question il y a quelque chose que notre client n'a pas dit. Notre client a
14 dit que, eu égard aux événements d'Ahmici, il n'en a eu connaissance que
15 le 16 avril et il a été informé du crime…
16 M. le Président. – Vous aurez tout le loisir, après les
17 questions du Procureur, de poser vous-même vos questions. Je vous rappelle
18 d'ailleurs qu'il s'agit d'un témoin de la Chambre et que nous ne sommes
19 pas dans le schéma procédural auquel vous êtes habitué, d'interrogatoire
20 et de contre-interrogatoire. Vous aurez votre temps pour poser les
21 questions. Faites confiance aux juges, vous aurez le même temps que celui
22 dont dispose le Procureur.
23 Monsieur le Procureur, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.
24 M. Kehoe (interprétation). – Oui, Monsieur le président. Passons
25 au document suivant.
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1 M. Abtahi. - Pièce de l'accusation 743.
2 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, est-ce que vous
3 reconnaissez cette lettre ?
4 M. Stewart (interprétation). – Oui.
5 M. Kehoe (interprétation). – Est-ce vous qui l'avez produite ?
6 M. Stewart (interprétation). - Oui.
7 M. Kehoe (interprétation). – Est-elle adressée à (expurgé)
8 (expurgée)?
9 M. Stewart (interprétation). - Oui.
10 M. Kehoe (interprétation). - Je vous en donne lecture
11 rapidement.
12 "Massacre d'Ahmici, personnes éventuellement responsables.
13 Thomas Osorio (US) et Payam Akhavan (Canada), tous deux membres
14 des Droits l'homme m'ont fourni les informations suivantes :
15 Ahmici comptait à peu près six cents personnes, ou il y avait à
16 peu près six cents personnes à Ahmici, le 16 avril 1993. Cent trois
17 personnes furent tuées, et apparemment pour 35 personnes d'entre elles, on
18 ignore toujours leur sort.
19 2. Le Gouvernement de Vitez est sans doute complice de
20 "génocide", c'est-à-dire Valenta, Blaskic et Skopljak.
21 3. Les personnes suivantes étaient présentes au massacre
22 d'Ahmici : Nena Santic, Ivo Livancic, Kristo Sako, ainsi que Vlado
23 Krizanac qui apparemment auraient d'abord tué les hommes, puis les enfants
24 de sexe masculin, puis le reste, du moment que ce sont tous des Musulmans.
25 Cette information vous est fournie afin que vous puissiez
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1 utiliser ces éléments dans les rapports adressés aux ambassadeurs de
2 l'ECMM."
3 Je suppose que vous avez reçu ceci de M. Osorio et Akhavan ?
4 M. Stewart (interprétation). – C'est exact.
5 M. Kehoe (interprétation). – Est-ce que cela représente le total
6 des personnes impliquées ?
7 M. Stewart (interprétation). – Il y en a eu beaucoup plus, mais
8 j'ai estimé qu'il pouvait y avoir de quarante à soixante dix personnes.
9 M. Kehoe (interprétation). – Vous nous avez dit que vous aviez
10 quitté le théâtre des opérations à peu près le 11 mai 1993.
11 M. Stewart (interprétation). – Je suis parti le 10. J'étais
12 sorti de Bosnie à partir du 10.
13 M. Kehoe (interprétation). - Jusqu'au moment où vous avez quitté
14 la Bosnie, avez-vous entendu dire que M. Blaskic aurait institué une
15 commission d'enquête ?
16 M. Stewart (interprétation). – Non. Et je n'ai pas non plus
17 donné ces noms. Ces noms m'ont été fournis par le centre des Nations Unies
18 pour les Droits de l'homme et on m'a donné comme consigne de ne pas
19 diffuser ces noms, mais de les garder par- devers moi afin qu'ils soient
20 consignés.
21 Je tenais absolument à faire consigner le fait que ces noms
22 m'étaient connus. Il m'était impossible de veiller à ce que ce soit bien
23 le cas. J'ai donc utilisé l'ECMM pour que ces faits soient consignés ainsi
24 que ces noms. J'ai demandé aux ambassadeurs de veiller à ce qu'un suivi
25 soit assuré. C'est la raison pour laquelle j'ai envoyé cette lettre,
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1 simplement afin que soit pris acte de la situation. Mon propre
2 gouvernement m'a donné pour instruction de ne pas citer ces noms en
3 public.
4 M. Kehoe (interprétation). – Passons, si vous le voulez bien, à
5 une autre pièce, la pièce de l'accusation 380.
6 Il s'agit d'un entretien de Danas, hebdomadaire croate, avec
7 l'accusé.
8 C'est bien l'article qui m'intéresse. J'aimerais attirer votre
9 attention sur la dernière question, ainsi que sur la dernière réponse.
10 M. le Président. - Avez-vous eu le temps d'en prendre
11 connaissance ? Quand il s'agit de votre journal personnel ou de vos
12 messages, cela peut aller plus vite. Vous voulez un peu plus de temps pour
13 en prendre connaissance ?
14 M. Stewart (interprétation). – Monsieur le Président, je
15 demanderai simplement vingt secondes pour achever cette lecture.
16 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Juge, j'ai quelques
17 questions au sujet de ce document. Peut-être serait-il bon de faire la
18 pause maintenant. Le colonel aurait ainsi davantage de temps pour la
19 lecture.
20 M. le Président. – C'est la meilleure solution. Colonel, vous
21 allez avoir plus que 20 secondes, mais 20 minutes.
22 L'audience est suspendue.
23 L'audience, suspendue à 15 heures 45, est reprise à 16 heures 15.
24 M. le Président. – L'audience est reprise, veuillez vous
25 asseoir. Vous introduisez l'accusé, s'il vous plaît.
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1 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
2 Monsieur le Procureur ?
3 M. Kehoe (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.
4 Colonel, je souhaite attirer votre attention sur la dernière
5 question et la réponse qui se trouvent sur le rétroprojecteur. C'est une
6 partie de l'interview avec l'accusé. Vous avez fait une enquête sur le
7 crime d'Ahmici. Quel est le résultat de cette enquête, jusqu'à
8 maintenant ? Il faut dire que ceci date du mois d'octobre 1993.
9 M. Stewart (interprétation). - L'enquête dure toujours. On
10 recueille les informations. Mais de toute façon, il s'agit d'un scénario
11 bien planifié dans le cadre duquel les forces musulmanes essayent
12 d'incriminer le HVO devant la communauté internationale. Après les crimes
13 commis par des forces musulmanes dans les zones autour des villages
14 croates, Lasva, Ducina, Guci grad et d'autres villages dans la
15 municipalité de Busovaca, le cas d'Ahmici a été préparé et habilement
16 présenté aux journalistes étrangers et aux observateurs de l'ECMM, avec
17 l'assistance du commandant du bataillon britannique à l'époque, Bob
18 Stewart.
19 Pour le moment, nous sommes certains que ce sont des membres du
20 HOS, les forces de défense croate de Zenica, qui ont commis ceci. Il
21 s'agit des forces à majorité musulmane et par des parties de forces
22 musulmanes appelées MOS.
23 Comme je l'ai déjà dit, l'enquête est en cours. Il est certain
24 que ce crime n'est pas imputable au HVO, alors que d'autres personnes
25 essayent d'imputer ceci au HVO.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, ceci vous concerne de même
2 que les événements d'Ahmici. Quelle est votre réponse à ceci ?
3 M. Stewart (interprétation). - Je suis très content d'être
4 appelé "habile", mais ceci est absurde. Voici le fond de l'affaire : moi,
5 ce sont les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui m'ont dirigé vers
6 Ahmici. Cela est vrai. Et ce que j'ai découvert sur place est un crime.
7 Même lorsque j'étais sur le terrain, les soldats du HVO m'ont posé la
8 question de savoir de quel droit j'étais sur place, étant donné que ceci
9 se passait dans la région d'Ahmici. Et à Ahmici, il y a eu des soldats du
10 HVO qui étaient sur place. Moi, j'aurais cru qu'ils auraient été
11 absolument heureux de me voir s'ils n'avaient rien à voir avec ce crime.
12 J'ai supposé que les hommes qui se sont opposés à moi étaient des hommes
13 qui étaient impliqués dans cette affaire.
14 M. Kehoe (interprétation). – Merci, Monsieur le Colonel. Je n'ai
15 plus de questions.
16 M. le Président. – Pouvez-vous me préciser à peu près combien de
17 temps il a été nécessaire au Procureur pour poser des questions au témoin,
18 s'il vous plaît ?
19 A présent, Colonel Stewart, vous allez –comme je vous l'avais
20 dit- recevoir les questions du défenseur du Général Blaskic. Maître
21 Hayman, c'est à vous. Je vais vous fixer à peu près sur le temps que vous
22 avez.
23 M. Abtahi. – Environ 40 minutes, Monsieur le Président.
24 M. le Président. – Quarante minutes ? Bien. Ce sera fait avec
25 flexibilité, Maître Hayman ?
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1 M. Hayman (interprétation). – (hors micro)
2 M. le Président. – Non, je n'ai aucune traduction, excusez-moi.
3 Je sens que vous êtes véhément, donc je voudrais particulièrement avoir…
4 L'interprète. – Excusez-moi. Excusez-moi. Je vais essayer de
5 répéter ce que j'ai dit, Monsieur le Président.
6 (L'interprète se reprend).
7 Sur la base du transcript, vous avez dit, Maître Hayman :
8 "Cette Chambre a dit, avant l'arrivée de ce témoin, qu'en ce qui
9 concerne les témoins les plus importants, les parties auraient à leur
10 disposition deux heures à deux heures et demie pour interroger ces
11 témoins-là".
12 M. le Président. – Je ne sais pas si j'ai dit deux heures ou
13 deux heures et demie, Monsieur Fourmy. Il s'agit des témoins de la
14 Chambre, je le rappelle, c'est donc la décision de la Chambre.
15 Cela étant, nous avions effectivement fixé un certain programme.
16 Je pensais qu'il pouvait être assez équilibré avec l'accusation. Monsieur
17 Fourmy ? Attendez, je voudrais quand même que M. Fourmy me rappelle ce qui
18 a été dit, à peu près. J'ai toujours essayé, depuis que nous avons les
19 témoins de la Chambre -dont je rappelle qu'ils sont tout de même ceux de
20 la Chambre- qu'ils n'ont pas été appelés par les parties jusqu'à présent,
21 je voudrais aussi le rappeler, que je voudrais simplement faire quelque
22 chose d'équitable.
23 Monsieur Fourmy ?
24 M. Fourmy. – Monsieur le Président, en ce qui concerne la
25 décision écrite de la Chambre, il était mentionné, sauf erreur de ma part,
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1 que les parties auraient chacune une heure pour poser des questions aux
2 témoins convoqués par la Chambre. Cela étant, et compte tenu de ce qu'il
3 est apparu que certains des témoins de la Chambre pouvaient avoir une
4 importance particulière, il avait été envisagé que chaque partie puisse
5 bénéficier d'un temps plus long. Une heure apparaissait comme un minium et
6 non pas tellement comme un maximum et semble-t-il que c'est dans ce cadre
7 que chacune des parties s'est sentie libre de se placer. La circonstance
8 que l'accusation a utilisé 40 minutes, comme vous l'avez rappelé, Monsieur
9 le Président, n'est pas de nature à empêcher qu'un temps un peu plus long
10 soit utilisé par la défense.
11 M. le Président. – Voilà. De là à passer à deux heures ou deux
12 heures et demie, cela ne me paraît peut-être pas tout à fait adapté. Cela
13 étant...
14 Maître Hayman, oui, allez-y, je sens que vous avez quelque chose
15 à dire encore par rapport à ce qu'a dit M. Fourmy. Je ne veux pas vous
16 couper la parole encore que nous perdons du temps en ce moment. Allez-y.
17 M. Hayman (interprétation). - Puisque mes premiers commentaires
18 ne vous ont pas été traduits, Monsieur le Président, j'aimerais avoir la
19 possibilité de vous parler sur ce sujet avant que vous ne tranchiez.
20 Lors de la conférence de mise en état qui s'est déroulée avant
21 l'arrivée de ce témoin dans le prétoire, les Juges ont dit que s'agissant
22 des témoins les plus importants, les parties disposeraient d'une heure et
23 demie à deux heures pour les interroger et que cette durée ne dépendrait
24 pas du temps déjà utilisé par la partie adverse, que c'était un temps
25 qu'il leur était accordé au minimum.
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1 Ayant entendu la déposition de ce témoin et au vu des documents
2 dont je dispose -j'ai trois séries de documents des Nations Unies que je
3 voudrais examiner avec ce témoin-, il m'apparaît qu'il ne me sera pas
4 possible d'interroger ce témoin en moins de deux heures. Je ferai de mon
5 mieux, mais le fait que le Procureur tente de me limiter à 40 minutes,
6 alors qu'il a passé son temps à montrer au témoin des articles dont il
7 prétend que l'auteur soit l'accusé alors que le témoin affirme le
8 contraire, cela ne devrait pas être une façon de nous limiter nous dans
9 notre temps étant donné votre directive antérieure.
10 M. le Président. - Nous sommes tout à fait d'accord, c'est la
11 première fois dans ce Tribunal peut-être que la Chambre fait venir des
12 témoins. C'est une procédure qui est tout à fait en dehors de la procédure
13 à laquelle vous êtes habitué. Vous laisserez, s'il vous plaît, la Chambre
14 décider de la manière dont elle fait interroger ses propres témoins, dans
15 le respect bien sûr des droits de l'accusé, que nous n'oublions pas, et
16 également d'une répartition à peu près équitable.
17 C'est dans ce sens que je voulais demander à M. Fourmy ce qui
18 pouvait être fait, mais je ne veux quand même pas que nous soyons liés à
19 l'avance par un temps trop important évidemment, qui peut vous apparaître
20 tout à fait normal, mais dont moi, à l'expérience de ce procès depuis deux
21 ans, je sais le temps qui a pu être souvent gaspillé en des examens qui
22 étaient extrêmement détaillés et qui souvent étaient éloignés de l'objet.
23 Quant au témoin, évidemment, il est ici à leur disposition et il
24 a déjà compris qu'il doit revenir demain matin.
25 Je voudrais donc maintenant consulter mes collègues.
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1 (Les Juges se consultent sur le siège.)
2 M. le Président. - La Chambre, en appelant ses propres témoins
3 qui n'ont pas été appelés par les parties, je le rappelle, a comme souci
4 premier la manifestation de la vérité. La Chambre n'est pas liée par un
5 système procédural auquel vous êtes habitués. Elle établit une certaine
6 corrélation entre le temps de l'accusation et le temps de la défense
7 uniquement pour garder une certaine proportion possible au débat et
8 souhaitable.
9 Ce n'est donc pas, Maître Hayman -et je vous rassure-, parce que
10 l'accusation n'a pris que 40 minutes qu'on va vous accorder 40 minutes.
11 J'ai voulu demander à M. le Greffier quel temps il avait pris pour fixer à
12 peu près le temps qui vous serait accordé.
13 Je crois, après avoir consulté mes collègues, qu'il serait
14 raisonnable de vous accorder une heure et demie pour interroger, poser vos
15 questions au témoin. Il va de soi qu'au bout d'une heure et demie, nous
16 verrons où nous en sommes.
17 Mais encore une fois, nous verrons où nous en sommes non pas
18 forcément par rapport à l'intérêt du Procureur ou par rapport à l'intérêt
19 de la défense, mais par rapport aux Juges qui, eux, ont finalement à se
20 déterminer. Donc si vous voulez nous partons sur une heure et demie,
21 c'est-à-dire une heure à partir de maintenant. Nous lèverons la séance et
22 demain, à 9 heures, vous aurez trente minutes. Il va de soi que s'il y a
23 un élément important qui est discuté, ce sont les Juges qui décideront si
24 c'est important.
25 Je le rappelle : le principe n'est pas l'interrogatoire et le
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1 contre-interrogatoire ; il s'agit simplement pour les Juges d'avoir le
2 maximum d'informations. Je pense, cela étant dit, avoir protégé les
3 intérêts autant que vous de votre client.
4 Il est 16 heures 30, vous pouvez commencer.
5 Je remercie mes collègues, comme toujours, de me donner leurs
6 conseils avisés. Merci.
7 M. Hayman (interprétation). - Nous vous remercions, Monsieur le
8 Président, Messieurs les Juges, pour la façon dont vous avez pris en
9 compte ce problème.
10 J'ai fait distribuer la pièce à conviction de la défense 591 qui
11 est une nouvelle pièce. C'est une pièce à conviction qui se compose de
12 trois volumes, et qui est assortie d'un index que vous trouverez dans le
13 premier classeur.
14 Vous verrez Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'il
15 existe également un index de l'index que vous trouverez en première page
16 sur lequel figure des chiffres romains. Dans l'index, on trouve un certain
17 nombre de sujets. Vous trouverez ce document au début, en première page du
18 premier classeur de la pièce à conviction D591.
19 J'aimerais que nous prenions cette page. Après cette première
20 page, on trouve un index thématique avec les classeurs identifiés dans la
21 colonne de gauche, un certain nombre d'indications concernant les
22 documents, la date du document, la source du document. Et ce qui est très
23 important également, le fait de savoir si le document est sous scellés ou
24 pas.
25 Si l'on voit yes dans la colonne en question, cela signifie
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1 qu'en vertu de l'article 70 du Règlement de procédure et de preuve, ce
2 document ne peut être discuté qu'à huis clos étant donné qu'il est sous
3 scellés. Il y a un mélange de documents qui sont sous scellés et de
4 documents qui sont publics dans ces classeurs. Je m'efforcerai de demander
5 au témoin de commenter certaines de ces pièces à conviction, mais bien
6 entendu pas toutes.
7 Colonel Stewart, bonjour. Bienvenue à La Haye, un peu tard.
8 M. Stewart (interprétation). - Pourquoi un peu tard ?
9 M. Hayman (interprétation). – Parce que vous avez été occupé par
10 d'autres et je n'ai pas encore eu la possibilité de vous saluer jusqu'à
11 présent.
12 Je m'appelle Russel Hayman et, avec Anto Nobilo, nous
13 représentons les intérêts du Général Blaskic pour ce qui me concerne,
14 depuis l'été 1996 et, pour Me Nobilo, depuis quelques mois après cette
15 date. Comme je l'ai déjà dit, nous nous sommes rencontrés à Londres il y a
16 quelque temps pendant quelques heures, n'est-ce pas ?
17 M. Stewart (interprétation). - C'est exact.
18 M. Hayman (interprétation). - Je me rappelle bien cette
19 rencontre très agréable.
20 M. Stewart (interprétation). – Moi également.
21 M. Hayman (interprétation). - Je vous demanderai, maintenant, si
22 vous avez eu d'autres contacts avec le Bureau du Procureur depuis votre
23 déclaration écrite de 1995 ?
24 M. Stewart (interprétation). – Oui, comme j'en ai eu avec vous.
25 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu des contacts avec le
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1 Bureau du Procureur dans les trois derniers mois ?
2 M. Stewart (interprétation). – Non. En fait, cela m'a surpris
3 parce que je pensais au moins que l'on me donnerait quelques instructions,
4 à part la demande des Juges qui m'invitaient à me présenter ici. Ma
5 réponse est tout à fait clairement : non. Je n'ai aucune indication quand
6 à ce que je dois dire.
7 M. Hayman (interprétation). - Je demanderai que les pièces à
8 conviction D341 et D343 soient préparées.
9 Excusez-moi, Monsieur le Président, Me Hayman a rencontré le
10 témoin en mars, et je crois que M. Fourmy en a été informé, nous en avons
11 informé M. Fourmy. Je crois que ce fait a été soumis à l'attention des
12 Juges.
13 M. le Président. – (Hors micro)… à Maître Hayman sur les
14 interruptions. Je voudrais que vous sortiez de vos cadres procéduraux
15 classiques et favoris, n'est-ce pas ? Nous ne sommes pas du tout dans le
16 même cadre. Les observations que vous ferez, si vous avez à les préciser,
17 vous les ferez maintenant dans vos conclusions finales.
18 Maître Hayman, poursuivez pour interroger le témoin comme vous
19 l'entendez.
20 M. Hayman (interprétation). - Pendant que l'on prépare ces deux
21 pièces à conviction, Colonel, pièces à conviction de la défense 341
22 et 343, j'aimerais essayer de faire l'éclaircissement sur un certain
23 point.
24 Après le kidnapping de M. Totic le 15 avril 1993, vous avez été
25 invité à une réunion à Zenica, n'est-ce pas ?
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1 M. Stewart (interprétation). – Oui, c'est exact.
2 M. Hayman (interprétation). – Qui vous a appelé pour participer
3 à cette réunion ?
4 M. Stewart (interprétation). - Pour autant que je m'en
5 souvienne, (expurgé).
6 M. Hayman (interprétation). –(expurgé) ?
7 M. Stewart (interprétation). – Oui. Je ne voulais pas y aller
8 mais j'ai été forcé d'y aller.
9 M. Hayman (interprétation). - Vous avez eu une réunion le
10 24 avril 1993 avec le colonel Blaskic, c'est-à-dire après votre échange de
11 lettres en date du 22 et du 23 avril. Est-il exact que
12 (expurgé) ne participait pas à cette réunion ?
13 M. Stewart (interprétation). - Je ne sais pas.
14 M. Hayman (interprétation). - Vous vous le rappelez ?
15 M. Stewart (interprétation). – Je ne me le rappelle pas.
16 J'aimerais pouvoir regarder mon journal personnel.
17 M. Hayman (interprétation). – Eh bien, regardez votre journal
18 personnel et voyez si vous y trouvez une indication de la présence de
19 (expurgé) à cette réunion tenue le 24 avril 1993. Je crois
20 que la référence à cette réunion se trouve au premier paragraphe du texte.
21 M. Stewart (interprétation). - Je ne vois pas le nom de (expurgé)
22 dans ce passage.
23 M. Hayman (interprétation). – Donc vous êtes d'accord pour dire
24 que dans votre journal personnel en tout cas, il n'y a aucune référence à
25 M. (expurgé) ?
Page 22250
1 M. Stewart (interprétation). – En effet.
2 M. Hayman (interprétation). - Le 4 mai 1993, quelques pages plus
3 loin dans votre journal personnel, en haut de page, vous accepterez le
4 fait sans doute qu'il y a une référence faite au fait que les ambassadeurs
5 de l'ECMM ont circulé un peu partout et qu'après le déjeuner, je cite ce
6 que vous dites : "J'ai emmené les ambassadeurs à Vitez où ils ont
7 rencontré Valenta et Blaskic."
8 Cela se trouve en première ligne du paragraphe 4 de cette page,
9 la page qui se trouve au-dessus de la date du 5 mai.
10 M. Stewart (interprétation). – Vous voulez dire le paragraphe
11 qui commence : "Lorsque le déjeuner s'est terminé…
12 M. Hayman (interprétation). - … j'ai emmené les ambassadeurs à
13 Vitez et rencontré Valenta et Blaskic."
14 M. Stewart (interprétation). - Oui.
15 M. Hayman (interprétation). - (expurgé) était-il
16 avec vous ce jour-là, le 4 mai 1993, au mieux de vos souvenirs ?
17 M. Stewart (interprétation). - Je pense que c'est possible. Mais
18 ce qui est un fait, si cela ne figure pas dans mon journal intime, c'est
19 que je l'ai oublié.
20 M. Hayman (interprétation). – Est-il permis de dire que vous
21 n'avez aucun souvenir au sujet d'une éventuelle rencontre le 4 mai 1993 ?
22 Avant la date du 4 mai mais après le massacre d'Ahmici, êtes-vous allé
23 voir le colonel Blaskic avec (expurgé) ?
24 M. Stewart (interprétation). – Je vous prie de m'excuser.
25 Pouvez-vous répéter la question ?
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1 M. Hayman (interprétation). – Oui. Entre la période du massacre
2 d'Ahmici…
3 M. Stewart (interprétation). – Oui.
4 M. Hayman (interprétation). - … et le 4 mai ? Ce qui figure dans
5 votre journal.
6 M. Stewart (interprétation). - Oui.
7 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous une rencontre
8 où vous avez amené (expurgé) pour rencontrer le colonel
9 Blaskic ?
10 M. Stewart (interprétation). – Selon mes souvenirs, non. Peut-
11 être cela figure-t-il dans mon journal intime, mais je ne suis pas un
12 ordinateur.
13 M. Hayman (interprétation). – Je comprends, cela fait plusieurs
14 années. Si vous voyez quelque chose dans la nuit qui vous laisse penser
15 qu'il y a une rencontre entre (expurgé) et le colonel Blaskic
16 avant la date du 4 mai 1993, je vous prierais de bien vouloir le faire
17 savoir aux Juges de cette Chambre. Je vous demanderais d'agir de la sorte.
18 Je demanderais maintenant la pièce à conviction de la défense
19 D343. Je demande que la version anglaise soit soumise au témoin et que la
20 version française soit placée sur le rétroprojecteur.
21 Vous avez déclaré que vous n'aviez eu connaissance d'aucun ordre
22 demandant au sujet du massacre d'Ahmici, avant votre départ du théâtre des
23 opérations, le 10 mai ou aux alentours de cette date.
24 M. Stewart (interprétation). – C'est exact.
25 M. Hayman (interprétation). - Vous avez sous les yeux la pièce à
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1 conviction de la défense D341 qui est un ordre daté du 10 mai 1993, ordre
2 qui demande une enquête au sujet des événements survenus dans le village
3 d'Ahmici. Cet ordre émane du colonel Blaskic. Avez-vous déjà vu ce texte ?
4 M. Stewart (interprétation). – Non. Je tiens à faire remarquer
5 que l'heure indiquée sur ce document est celle de 5 heures. A 5 heures,
6 j'étais pratiquement à Split.
7 M. Hayman (interprétation). - Vous étiez parti, n'est-ce pas ?
8 M. Stewart (interprétation). - Je crois.
9 M. Hayman (interprétation). - Après votre départ du théâtre des
10 opérations, aviez-vous le moindre moyen de rester informé des efforts que
11 le colonel Blaskic déployait ou pas pour obtenir une enquête au sujet du
12 massacre d'Ahmici ?
13 M. Stewart (interprétation). - Pas directement. Bien entendu,
14 j'ai demandé fréquemment aux représentants britanniques ce qui se passait,
15 mais pas directement du colonel Blaskic.
16 M. Hayman (interprétation). - Vous ont-ils informé de la pièce à
17 conviction D341 ?
18 M. Stewart (interprétation). – Celle-ci ?
19 M. Hayman (interprétation). – En effet.
20 M. Stewart (interprétation). – Non.
21 M. Hayman (interprétation). – Je vous demanderai maintenant de
22 regarder la pièce à conviction D343 qui est un ordre ultérieur, daté du
23 17 août 1993, qui demande une nouvelle fois une enquête et qui fixe une
24 date limite qui se situe 30 jours plus tard. Est-ce un ordre au sujet
25 duquel vous auriez été informé par votre gouvernement, après votre départ
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1 du théâtre des opérations, le 10 mai 1993, ou aux environs de cette date ?
2 M. Stewart (interprétation). – Non. Mais je fais remarquer que
3 cela se passe quatre mois après les événements. Je veux dire que j'ai
4 exigé une action immédiate et que rien ne s'est passé et qu'au moment où
5 je suis parti, le 10 mai, aucune action n'avait été entreprise. Dans des
6 conditions de ce genre, dans une situation qui évolue rapidement, on
7 pourrait s'attendre, de la part d'officiers professionnels, qu'ils
8 agissent rapidement. Le fait de me donner des documents à ce moment-là,
9 5 heures après que je sois parti, des documents qui datent de quatre mois
10 plus tard, je pense personnellement que c'est trop tard. Cela n'exonère en
11 aucun cas l'auteur d'un acte qui aurait dû être réalisé et effectué
12 immédiatement. Cet acte n'a pas été effectué immédiatement.
13 M. Hayman (interprétation). – Colonel Stewart, je vous
14 demanderai d'écouter attentivement mes questions, cela facilitera votre
15 interrogatoire. Essayez de répondre à mes questions. Ma question était :
16 avez-vous été informé, au sujet de la pièce à conviction de la défense,
17 343, par votre gouvernement ou le contenu de ce texte a-t-il été soumis à
18 votre attention d'une autre manière, après votre départ du théâtre des
19 opérations ?
20 M. Stewart (interprétation). - J'ai répondu et ma réponse était
21 non.
22 M. Hayman (interprétation). – J'aimerais maintenant que nous
23 arrivions à votre arrivée sur le théâtre des opérations. Je vous
24 demanderai d'abord ce qui suit. Dans votre journal intime, trouve-t-on les
25 mêmes indications numériques, en haut à droite, ou votre journal ne
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1 contient-il pas ces références de dates numériques ?
2 M. Stewart (interprétation). - C'est mon journal intime, donc il
3 ne contient aucune référence de ce genre.
4 M. Hayman (interprétation). – Très bien. Je vous donnerai les
5 dates et les paragraphes pour vous aider à vous retrouver dans votre
6 journal.
7 J'appelle votre attention sur ce journal. Les notes consignées à
8 la date du 18 octobre 1992, notamment les quatre premiers paragraphes.
9 Est-il exact que lorsque vous avez effectué votre voyage vers le Nord, de
10 Tomislav Grad en direction de Vitez, le 18 octobre 1992, à 5 kilomètres au
11 sud de Travnik à peu près, vous vous êtes heurtés à un barrage routier
12 dont les hommes étaient des hommes de la Défense territoriale et qui vous
13 ont arrêtés ?
14 M. Stewart (interprétation). - C'est exact.
15 M. Hayman (interprétation). – Deux pages plus loin dans votre
16 journal, les notes consignées à la date du 20 octobre 1992. J'appelle
17 votre attention sur le troisième paragraphe entier de ce passage, qui est
18 en fait le quatrième paragraphe de cette page, si vous englobez la partie
19 du paragraphe qui se trouve en haut de la page. Vous décrivez dans ce
20 paragraphe que vous êtes allé à Novi Travnik, n'est-ce pas ?
21 M. Stewart (interprétation). - Oui.
22 M. Hayman (interprétation). - Que vous êtes allés au café
23 "Grand" et que vous y avez vous M. Kordic et les soldats du HVO ?
24 M. Stewart (interprétation). – Oui.
25 M. Hayman (interprétation). – Le colonel Blaskic était-il là ?
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1 M. Stewart (interprétation). – Non.
2 M. Hayman (interprétation). – Est-il exact que lorsque vous êtes
3 rentré aux premières heures de la matinée, le lendemain, et que vous avez
4 vu le colonel Blaskic, il portait des vêtements civils et que vous en avez
5 conclu qu'il portait sans doute des vêtements civils parce qu'il avait
6 probablement tenté d'entrer dans Novi Travnik habillé en civil ?
7 M. Stewart (interprétation). – Je crois que c'est la conclusion
8 que j'ai tirée à ce moment-là parce qu'il n'était pas facile de pénétrer
9 dans Novi Travnik.
10 M. Hayman (interprétation). – Il y avait beaucoup de combats,
11 beaucoup de barrages routiers, etc ?
12 M. Stewart (interprétation). – Nous, nous avons eu des
13 difficultés et il est certain que toute autre personne aurait eu les mêmes
14 difficultés, quelle que soit la partie d'où elle émanait.
15 M. Hayman (interprétation). – Vous rappelez-vous, après la chute
16 de Jajce la mutinerie qui s'est produite parmi les soldats du HVO de la
17 région de Tomislav Grad qui avaient été présents sur le front de Jajce ?
18 M. Stewart (interprétation). - Je me rappelle.
19 M. Hayman (interprétation). – Pourriez-vous décrire cet
20 événement pour les Juges ?
21 M. Stewart (interprétation). – Oui. C'est une circonstance, si
22 je m'en souviens bien, où apparemment il y avait eu mutinerie de la part
23 des soldats du HVO qui apparemment provenaient du secteur de Tosmislav
24 Grad. Ils ont refusé "d'exercer leurs fonctions de soldats" comme on dit
25 dans l'armée britannique. J'avais alors eu la plus grande compassion pour
Page 22256
1 le commandant Blaskic car il m'est apparu qu'il s'efforçait de commander
2 des troupes de la région, avec des renforts provenant de l'extérieur de
3 cette région et que ces soldats se retiraient du front, ce qui était pour
4 lui un très grave problème que pour ma part –et j'ai le plaisir de le dire
5 car c'est une chance pour moi- je n'ai jamais éprouvé. Je partageais sa
6 préoccupation.
7 M. Hayman (interprétation). – Mais ces soldats, bien que natifs
8 du secteur de Tomislav Grad, s'étaient battus sur le front contre les
9 Serbes à Jajce, n'est-ce pas ? Pour autant que vous l'ayez compris ?
10 M. Stewart (interprétation). – Oui, il s'agit des Serbes de
11 Bosnie, pour autant que je l'ai compris, et pas nécessairement à Jajce,
12 mais dans le village de Turbe et de Travnik. Ils avaient défendu ce
13 secteur, pour autant que je l'ai compris, aux côtés de soldats de l'armée
14 de Bosnie-Herzégovine, des Musulmans bosniens.
15 M. Hayman (interprétation). - Le groupe était-il important ?
16 M. Stewart (interprétation). – Apparemment, le groupe était
17 important car ils ont passé au moins un jour ou deux assis sur leurs
18 tracteurs, prêts à partir, et ils ont traversé Vitez. Je crois que c'était
19 un moment très embarrassant pour le HVO.
20 M. Hayman (interprétation). – Savez-vous finalement si le
21 colonel Blaskic a pu s'adresser à ces hommes comme constituant une unité
22 militaire ou ont-ils fait ce qu'ils voulaient faire et est-ce qu'ils sont
23 partis ?
24 M. Stewart (interprétation). – Je crois qu'il est permis de dire
25 qu'ils ont quitté le secteur, qu'ils se sont défilés.
Page 22257
1 M. Hayman (interprétation). – Permettez-moi de vous interroger
2 au sujet du conflit de janvier 1993. J'appelle votre attention sur la date
3 du 25 janvier 1993, dans le milieu du dernier paragraphe de cette page, il
4 est écrit, je cite: "J'ai visité la Croix Rouge internationale, puis je me
5 suis rendu auprès du commandant du 3ème Corps de l'armée de Bosnie-
6 Herzégovine à qui je me suis plaint du fait que c'étaient eux qui avaient
7 déclenché ces troubles."
8 Avez-vous trouvé ce passage ?
9 M. Stewart (interprétation). – Non.
10 M. Hayman (interprétation). – Le titre, 25 janvier 1993, est
11 suivi de plusieurs paragraphes qui se terminent au bas de cette page pour
12 passer à la page suivante. En bas de page, vous trouvez ce paragraphe où
13 il est écrit que vous avez rendu visite à quelqu'un que je suppose être
14 Hadzihasanovic et que vous vous êtes plaint auprès de lui d'un conflit
15 entamé par l'armée de Bosnie-Herzégovine en réalité. Vous rappelez-vous
16 ces événements ? Si vous avez besoin de quelques indications au sujet des
17 événements, je peux vous aider.
18 M. Stewart (interprétation). – Oui, orientez-moi au sujet des
19 événements car je suis tout à fait prêt à accepter que cela a pu se
20 produire.
21 M. Hayman (interprétation). – Au de cette même journée, du
22 passage concernant cette même journée, il y a une référence qui est faite
23 à une attaque contre Kacuni et à la mort de deux soldats du HVO. Vous
24 trouvez cela en troisième et quatrième lignes du paragraphe qui suit le
25 titre constitué par la date 25 janvier 1993.
Page 22258
1 M. Stewart (interprétation). – Ah oui, je vois.
2 M. Hayman (interprétation). – Donc pour autant que je vous vous
3 en souveniez de façon exacte, lorsque vous avez parlé au général
4 Hadzihasanovic et lorsque vous avez dit : "Vous, l'armée de Bosnie-
5 Herzégovine, avez commencé le conflit en janvier à Busovaca", faisiez-vous
6 référence à l'embuscade et aux meurtres ?
7 M. Stewart (interprétation). – Oui, probablement. Vous savez,
8 j'ai essayé d'être aussi équitable. Je tiens à ce que les choses soient
9 claires sur ce point. Je me suis toujours efforcé, au maximum, de ne
10 soutenir ni une partie ni l'autre.
11 M. Hayman (interprétation). – Je sais que c'est peut-être un peu
12 difficile colonel, mais lorsque vous répondez j'aimerais que vous
13 regardiez les Juges.
14 M. Stewart (interprétation). – Oui, je suis désolé.
15 M. Hayman (interprétation). – Lorsque la route Kiseljak-Busovaca
16 a été coupée ou bloquée, suite au conflit de janvier, le colonel Blaskic
17 a-t-il été pris au pièce dans Kiseljak ? Si vous avez besoin de faire
18 référence à votre ouvrage, en page 234 de votre ouvrage, vous trouverez la
19 référence à cet événement.
20 M. Stewart (interprétation). – Je n'ai pas mon livre sur moi,
21 mais ma réponse est que la chose est possible.
22 M. Hayman (interprétation). – Très bien. Nous allons avancer.
23 Dans votre journal personnel, trois pages après celles dont nous
24 avons déjà parlé, dans les paragraphes concernant la date du 1er février,
25 une référence est faite à une visite dans un entrepôt qui se trouve à peu
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1 près 2 kilomètres à l'écart de la route en quittant Kacuni et que vous y
2 avez trouvé des représentants du CICR dans des cellules, ainsi que Claire,
3 Denis et Ahmela. Ils interrogeaient une trentaine de Croates. Il faisait
4 très très froid et Claire s'est plainte du fait que les détenus devaient
5 avoir très froid.
6 Cela se passait-il près de Kacuni, à l'écart de la route, pour
7 autant que vous vous le rappeliez ?
8 M. Stewart (interprétation). – Je sais où cela se passait, mais
9 j'aimerais jeter un coup d'œil à la carte. Il s'agit de ma carte
10 opérationnelle, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
11 M. Hayman (interprétation). – Cet endroit était-il
12 habituellement indiqué comme les "silos" au Sud de la route proche de
13 Kacuni ? Est-ce que cela vous aide ?
14 M. Stewart (interprétation). - Je ne sais pas quel est le nom de
15 ce lieudit, c'était un endroit indigne. Mais si vous voulez m'interroger
16 plus avant, je me rappelle cet endroit.
17 M. Hayman (interprétation). – Je vous en prie, prenez votre
18 temps. Regardez la carte.
19 M. Stewart (interprétation). – Oui, oui, au Sud de Kacuni.
20 M. Hayman (interprétation). – Donc le 1er février 1993, les
21 trente prisonniers Croates… D'ailleurs, y avait-il des civils parmi eux ?
22 M. Stewart (interprétation). - C'étaient des personnes âgées,
23 des jeunes, le groupe etait mixte.
24 M. Hayman (interprétation). – D'où venaient-ils ?
25 M. Stewart (interprétation). – Je ne savais pas d'où ils
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1 venaient. La seule chose que je savais, c'est qu'ils étaient là et je n'ai
2 pas apprécié.
3 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous eu la moindre raison de
4 penser qu'ils venaient du secteur situé entre Kacuni et Bilalovac, secteur
5 repris par l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
6 M. Stewart (interprétation). – Non, je ne savais pas d'où ils
7 venaient. Je viens de le dire. Mais il est possible qu'ils soient venus de
8 cette zone. Cela semble logique.
9 M. Hayman (interprétation). – Avançons maintenant dans le temps,
10 si vous le voulez bien, pour arriver à la mi-avril 1993. Des enlèvements
11 d'officiers et de soldats du HVO se sont produits au cours des jours qui
12 ont précédé la date du 15 avril. Vous rappelez-vous ces enlèvements ?
13 M. Stewart (interprétation). – Non, pas de mémoire, mais si cela
14 figure dans mon journal...
15 M. Hayman (interprétation). – Il y a plusieurs référence qui y
16 sont faites ? Vous rappelez-vous plusieurs enlèvements qui se seraient
17 produits avant l'enlèvement de Totic, le 15, au mieux de vos souvenirs ?
18 M. Stewart (interprétation). – Oui, au mieux de mes souvenirs,
19 en effet.
20 M. Hayman (interprétation). – Dans ces conditions, j'aimerais
21 appeler votre attention sur le 15 avril et sur ce que vous avez consigné
22 dans votre journal pour cette date. Vous êtes allé à la rencontre de
23 Zenica ?
24 (Le témoin acquiesce.)
25 M. Hayman (interprétation). – Et l'enlèvement de Totic y a été
Page 22261
1 discuté ?
2 M. Stewart (interprétation). – Non, c'était la cause de la
3 convocation de la réunion ?
4 M. Hayman (interprétation). – Effectivement parce que c'était un
5 incident sérieux.
6 M. Stewart (interprétation). – Un incident très sérieux. J'ai
7 été obligé d'y aller et de participer à cette réunion simplement parce que
8 je me rendais tout à fait bien compte que si le problème lié à cet
9 enlèvement n'était pas résolu, il m'est apparu que l'ensemble de la vallée
10 de la Lasva exploserait.
11 M. Hayman (interprétation). - Le 15 avril, l'armée de Bosnie-
12 Herzégovine, ou ses représentants au cours de cette réunion, ont-ils
13 défendu le point de vue selon lequel l'enlèvement de Totic n'était pas
14 leur problème et que la police civile était responsable d'une enquête à ce
15 sujet ?
16 M. Stewart (interprétation). – Au mieux de mes souvenirs, c'est
17 une position qui correspond à peu près à la réalité. Je pense me rappeler
18 qu'au cours de cette rencontre, Merdan a dit –et je l'ai interrogé à ce
19 sujet après lui avoir dit en plein visage que c'était un incident
20 inadmissible et que quelque chose devait être fait-, en tout cas je me
21 rappelle l'avoir entendu dire que c'était une affaire relevant du chef de
22 la police ou quelque chose de ce genre. Je ne me rappelle pas exactement
23 ce qu'il a dit, mais je me rappelle avoir manifesté ma colère à ce sujet
24 et lui avoir dit que j'étais très mécontent.
25 M. Hayman (interprétation). - Conviendriezvous avec moi -et je
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1 lis la page 281 de votre livre : "Cet enlèvement d'un officier de haut
2 rang croate dans une forteresse musulmane a créé une atmosphère
3 terriblement volatile" ?
4 M. Stewart (interprétation). - Je suis d'accord que c'était bien
5 le cas.
6 M. Hayman (interprétation). - Il y a eu une autre rencontre le
7 lendemain à Zenica, toujours liée à l'enlèvement de Totic, n'est-ce pas ?
8 M. Stewart (interprétation). - Oui ,c'est exact.
9 M. Hayman (interprétation). – Là encore, les représentants de
10 l'armée de Bosnie-Herzégovine ont adopté le même point de vu en disant que
11 ce n'était pas leur affaire. D'ailleurs, se sont-ils présentés à cette
12 réunion ? Vous le rappelez-vous ?
13 M. Stewart (interprétation). - Je crois que Merdan était
14 présent, mais je suppose l'avoir inscrit dans mon journal personnel. Mais
15 je ne me rappelle pas par coeur mon journal personnel pour pouvoir vous le
16 dire de mémoire.
17 M. Hayman (interprétation). - Très bien. Nous allons avancer.
18 J'aimerais que le classeur N° 2 de la pièce à conviction 591 de
19 la défense soit remis au témoin et que le témoin examine le document 81
20 dans ce classeur.
21 (L'interprète se reprend : il peut s'agir, au lieu du
22 document 89 dans le classeur, du document E9.)
23 C'est un bulletin d'informations militaire daté du
24 15 avril 1993. Je m'intéresse plus particulièrement au paragraphe 2 de ce
25 bulletin, les interprètes n'ayant pas les pièces sous les yeux.
Page 22263
1 M. le Président. - Quelle est la référence exacte ? C'est 89 ?
2 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit du document
3 intercalaire 89 du classeur N° 2 de la pièce à conviction de la
4 défense 591. C'est un document qui a sans doute était rédigé dans la
5 soirée du 15 avril.
6 Je vous demande, Colonel, si vous avez eu une possibilité
7 d'examiner le paragraphe 2 qui traite de Vitez.
8 M. Stewart (interprétation). - Je le lis en ce moment.
9 M. Hayman (interprétation). - Très bien, prenez votre temps.
10 (Le témoin lit le document.)
11 M. Stewart (interprétation). - Je suis prêt.
12 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous avoir eu vent,
13 soit dans la nuit du 15 ou le matin du 16, du fait qu'à la suite de deux
14 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine portés disparus, l'armée de
15 Bosnie-Herzégovine à Vitez dans la nuit du 15 avait menacé de lancer des
16 mesures de représailles contre le HVO si ses officiers n'étaient pas
17 retrouvés.
18 M. Stewart (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Je n'ai
19 pas lu ces résumés d'informations militaires. Ils venaient de mon
20 état-major, mais j'étais très stressé et, en règle générale, je ne lisais
21 pas nécessairement ces milinfosum.
22 M. Hayman (interprétation). - Mais vous assistiez à des
23 briefings le soir ?
24 M. Stewart (interprétation). - Oui, c'est exact, si j'étais sur
25 les lieux et, en règle générale, je n'étais pas sur les lieux. En tout
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1 cas, je ne l'étais pas à cette époque-là.
2 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
3 maintenant utiliser une partie de l'intercalaire 92 qui est sous pli
4 scellé. Il faudra donc un huis clos partiel. Nous n'avons pas besoin de
5 placer les documents sur le rétroprojecteur. Vous avez, Messieurs les
6 Juges, un exemplaire. C'est vrai aussi pour l'accusation. Inutile de
7 passer à huis clos, il suffit d'un huis clos partiel pour un instant.
8 Est-ce que possible ?
9 M. le Président. - Huis clos partiel pour un instant.
10
11 L'audience se poursuit à huis clos partiel
12
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1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 L'audience se poursuit en audience publique
7 M. Hayman (interprétation). - Je vous renvoie à un événement que vous
8 décrivez de la façon suivante, faisant allusion à un prêtre de la
9 région, fin de la page 288 : "Je lui ai dit ce qu'on avait trouvé à
10 Prbeci et à Cajdras. Il était manifeste que près de mille Croates avaient
11 été expulsés de leur maison à cause des combats."
12 Avez-vous vu ces événements autour du 19 ? De grands groupes de
13 Croates qui avaient été expulsés de leurs foyers ?
14 M. Stewart (interprétation). - Non seulement je les ai vus, mais
15 ils bloquaient la route et ils ne voulaient pas que j'y aille.
16 M. Hayman (interprétation). - Il y a en fait une photo que
17 j'aimerais placer sur le rétroprojecteur pour voir si ceci apparaît bien
18 sur l'écran afin que nous soyons vraiment témoins de l'événement.
19 Pourrait-on agrandir quelque peu l'image ? Excusez-moi, Colonel,
20 mais je crois que dans l'intérêt du temps qu'il faut gagner, je peux vous
21 demander ceci : reconnaissez-vous cette photo ?
22 M. Stewart (interprétation). – Oui.
23 M. Hayman (interprétation). - C'est bien vous qu'on voit au
24 milieu de cette photo ?
25 M. Stewart (interprétation). – Malheureusement, c'est bien le
Page 22267
1 cas.
2 M. Hayman (interprétation). – De l'arrière ?
3 M. Stewart (interprétation). – De l'arrière. Pas bonne prise de
4 photo.
5 M. Hayman (interprétation). – Et vous avez des gens qui sont là,
6 debout, tout autour ?
7 M. Stewart (interprétation). – Ce sont des Croates de Bosnie,
8 des civils.
9 M. Hayman (interprétation). – Et comment se trouvent-ils là,
10 le 19 ou autour du 19 ?
11 M. Stewart (interprétation). – Eh bien, certains d'entre eux
12 avaient été expulsés de leurs maisons et ils se trouvaient au village de
13 Cajdras. L'homme qui parlait en leurs noms était un homme des plus
14 étonnants, c'était un prêtre qui m'a convaincu de la nécessité de faire
15 quelque chose pour protéger ces gens.
16 M. Hayman (interprétation). – Etait-ce le Père Stjepan ?
17 M. Stewart (interprétation). – Je ne connais pas son nom, mais
18 j'ai le plus profond respect pour cet homme.
19 M. Hayman (interprétation). - Je crois que cet homme a déjà
20 déposé devant ce Tribunal.
21 Est-il possible de prendre une photo de la photo ? Je ne pense
22 pas que ce soit tout à fait faisable maintenant. Il y a un geste de la
23 cabine technique, mais...
24 M. Shahabuddeen (interprétation). - L'interprète vous a demandé
25 de parler dans le micro.
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1 Interprète. – Excuses de la part de Me Hayman qui demande à la
2 régie technique s'il est possible de prendre une photo de la photo.
3 M. le Président. – Si vous vouliez bien faire votre travail,
4 cela gêne beaucoup Me Hayman de devoir parler de cette façon-là, voyons !
5 C'est à vous de tenir le livre, ce qui permettra à Me Hayman de
6 pouvoir s'exprimer plus facilement. Voyons ! Et baissez un peu la lumière
7 du rétroprojecteur.
8 M. Abtahi. – La cabine vidéo vient de m'informer qu'il est
9 possible de faire une photo, mais évidemment pas dans l'immédiat.
10 M. le Président. – D'accord. La photo sera faite, Maître Hayman.
11 Elle portera une cote.
12 M. Abtahi. – Elle portera la cote D593.
13 M. le Président. – D'accord, merci.
14 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le
15 Président.
16 Plus tard au cours de cette journée, le colonel Blaskic vous a
17 téléphoné ou vous a parlé par le truchement des interprètes. Je pense que
18 vous n'étiez pas trop sûr, avez-vous dit.
19 Il vous a demandé de faire ce qui était en votre pouvoir pour
20 assurer la protection, la sécurité de ces personnes, n'est-ce pas ?
21 M. Stewart (interprétation). – Je pense que c'est exact.
22 M. Hayman (interprétation). – Pensez-vous qu'il était sincère
23 lorsqu'il a formulé cette requête ? Ou voulait-il essayer d'envenimer les
24 choses pour pousser les gens en dehors leurs maisons ?
25 M. Stewart (interprétation). - Je pense qu'il était sincère et
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1 j'ai apprécié ce geste. J'étais donc prêt à faire quelque chose. J'ai déjà
2 déposé dans ce sens.
3 M. Hayman (interprétation). - C'est exact.
4 J'aimerais que nous revenions à votre journal personnel. La date
5 nous concernant maintenant est celle du 29 avril. Référence y est faite à
6 une visite que vous avez effectuée ainsi que les généraux Halilovic et
7 Petkovic sur une section de la municipalité de Kiseljak afin de permettre
8 une meilleure mise en oeuvre de l'accord de cessez-le-feu.
9 Vers le milieu du second paragraphe complet, vous décrivez une
10 visite effectuée dans le village de Gomjonica. Voyez-vous cet endroit ?
11 M. Stewart (interprétation). – Oui.
12 M. Hayman (interprétation). - Y avait il des troupes de l'armée
13 de Bosnie-Herzégovine à Gomjonica le 29 avril 1993 ? Le général Halilovic
14 a-t-il rencontré ces éléments ?
15 M. Stewart (interprétation). - D'après le journal, c'est le cas.
16 Et je crois que c'était bien le cas.
17 M. Hayman (interprétation). – Et ses forces se trouvaient à peu
18 près à 1,6 km au nord-est en surplomb par rapport au village de Gomjonica,
19 n'est-ce pas ?
20 M. Stewart (interprétation). - Oui.
21 M. Hayman (interprétation). – Passons, si vous le voulez bien,
22 deux pages plus loin dans votre journal personnel, aux notes consignées
23 pour le 5 mai 1993. C'est la poursuite de ces notes par rapport à la page
24 précédente. Premier paragraphe complet qui concerne une visite effectuée à
25 une prison à Poculica, prison de l'armée de Bosnie-Herzégovine, visite
Page 22270
1 effectuée avec le CICR le 5 mai 1993. Avez-vous trouvé ces notes ? C'est
2 vers le haut de la page.
3 M. Stewart (interprétation). – Est-ce au cours de l'après-midi ?
4 M. Hayman (interprétation). – Oui, c'est à la fin de la journée
5 parce que vous dites que le soir tombait et c'est un point de fait qui
6 m'intéresse ici, ce jour-là.
7 Est-ce qu'au début de la soirée, vous vous êtes rendu à
8 Poculica ? Y avez-vous découvert que l'armée de Bosnie-Herzégovine avait
9 interné quelques 20 hommes croates ? Votre visite avait-elle pour but
10 d'essayer d'obtenir leur libération aux visites que vous avez faites avec
11 le CICR ?
12 M. Stewart (interprétation). - Bien sûr. Je ne voulais pas que
13 qui que ce soit soit emprisonné par quelque parti que ce soit.
14 M. Hayman (interprétation). – A-t-il fallu des efforts de
15 persuasion aussi pour convaincre les personnes qui détenaient ces
16 prisonniers de les libérer ?
17 M. Stewart (interprétation). - Oui.
18 M. Hayman (interprétation). – Finalement, les avez-vous
19 convaincues à les libérer ?
20 M. Stewart (interprétation). - Est-ce que je peux lire ?
21 M. Hayman (interprétation). - Bien sûr.
22 M. Stewart (interprétation). – Je réponds par l'affirmative, et
23 ils l'ont fait parce que je leur ai demandé de libérer ces hommes, sinon
24 ils ne l'auraient pas fait.
25 M. Hayman (interprétation). – Y a-t-il eu un petit problème
Page 22271
1 technique au niveau de leur libération ce jour-là, le 5 mai 1993 ?
2 M. Stewart (interprétation). - Oui.
3 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous l'expliquer aux
4 Juges ?
5 M. Stewart (interprétation). – Le problème technique, c'est
6 qu'il était trop dangereux de les faire sortir la nuit parce que nous ne
7 voulions pas qu'ils soient blessés par des balles, par exemple, qui
8 auraient été tirées sur eux.
9 M. Hayman (interprétation). – Etait-ce là une condition
10 qu'imposait raisonnablement le CICR, à savoir que leur libération devait
11 s'effectuer dans un environnement sûr ?
12 M. Stewart (interprétation). - Je ne m'en souviens plus.
13 M. Hayman (interprétation). – Est-ce que ce fut le cas à cette
14 occasion-là ?
15 M. Stewart (interprétation). – Je vous l'ai dit, je ne m'en
16 souviens plus, c'est tout à fait possible.
17 M. Hayman (interprétation). – Est-ce vous qui pensiez qu'il ne
18 fallait pas les libérer ce jour-là ? Ou était-ce plutôt l'avis du CICR
19 qu'une libération de ce genre ne pouvait pas s'opérer à un moment aussi
20 dangereux de la journée ?
21 M. Stewart (interprétation). – D'après mon journal, il
22 semblerait que ce soit le CICR mais, de mémoire, je ne m'en souviens pas.
23 M. Hayman (interprétation). – Mais votre journal semble dire à
24 l'époque que c'était la position du CICR ?
25 M. Stewart (interprétation). - C'est cela.
Page 22272
1 M. Hayman (interprétation). – J’attire votre attention sur la
2 page suivante, référence est faite à une rencontre avec M. Valenta,
3 rencontre qui s'est faite le 7 mai 1993.
4 J’attire votre attention sur la ligne n° 4. Vous et Alister
5 Duncan, vous vous êtes rendus pour rencontrer Anto Valenta. Est-il exact
6 de dire : "Je ne connaissais pas bien cet homme auparavant. Je ne savais
7 même pas qu'il existait. En fait, son bureau était situé, jusqu’à il y a
8 peu, à Travnik".
9 M. Stewart (interprétation). - C'est ce qu'il a dit.
10 M. Hayman (interprétation). - L'aviez-vous vu précédemment à
11 l'hôtel Vitez ?
12 M. Stewart (interprétation). - D'après ce que j'ai comme
13 souvenir, pas.
14 M. Hayman (interprétation). – Ceci, c’était le 7 mai 1993,
15 n'est-ce pas ?
16 M. Stewart (interprétation). - Puis-je ajouter quelque chose ?
17 Cet homme, Anto Valenta, semblait être un peu comme un blagueur. Je veux
18 dire quelqu'un qui saute d'une boîte. Il ne semblait pas… Je n'avais
19 aucune connaissance de son existence pendant cette période.
20 M. Hayman (interprétation). – Venons-en à la dernière page de
21 votre journal personnel, s’il vous plaît. Le 9 mai, vous avez emmené
22 Alister Duncan et vous l'avez présenté au colonel Blaskic, n’est-ce pas ?
23 M. Stewart (interprétation). - Oui. Ce que j'ai dit auparavant
24 était donc incorrect dans la mesure où j'ai dit que c'était la dernière
25 fois que j’avais vu Tihomir Blaskic. Je m’en excuse, monsieur le Président
Page 22273
1 mais mon journal a raison. C’est ma mémoire qui se trompe.
2 M. Hayman (interprétation). – Pourriez-vous nous dire quelle fut
3 la conversation ? Etait-ce simplement une visite de politesse, ou était-ce
4 une conversation de fond ? Si c’était le cas, de quoi avez-vous parlé ?
5 M. Stewart (interprétation). – Alister Duncan m'accompagnait.
6 Avant de rencontrer Tihomir Blaskic, autant que je m’en souvienne, nous
7 avions décidé que je serais dur, parce que je partais et que, lui, ne
8 dirait pas grand-chose. Ce qui me préoccupait particulièrement, c’est que
9 rien ne s'était produit à propos du massacre d'Ahmici et de la vallée de
10 la Lasva. Je pense qu’à cette réunion, j'ai mis en question Tihomir
11 Blaskic pour savoir qui était au commandement, qui était responsable
12 s’agissant des soldats du HVO. Je m'en souviens bien, même si ce n’est pas
13 répercuté dans mon journal personnel, lorsqu'il a confirmé le fait que lui
14 était le commandant. Je croit lui avoir dit ceci, ou à peu près : un jour
15 ou l'autre, il se retrouvait dans un prétoire.
16 Je pense que c'est ce qui s'est passé à cette réunion. Je pense
17 que Duncan était présent à ce moment. Je n’ai pas parlé de la question
18 avec Duncan, je ne sais pas si c'est ma mémoire qui me joue des tours,
19 mais pour autant que je m'en souvienne, c'est de cette façon-là que je me
20 remémore cette réunion-là. On dit que Kordic est venu, je ne sais pas si
21 nous avons levé nos verres pour porter des toasts, je n’en suis pas sûr.
22 Je me souviens, c’est confirmé par mon journal personnel, le CICR était
23 présent. Je n'ai pas tenu ces propos jusqu'avant leur départ, parce que je
24 voulais être prudent. Je ne voulais pas qu'il soit mêlé à quelque chose
25 que, moi, j’allais dire.
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1 M. Hayman (interprétation). - Je vais parler d'une autre
2 question, puis nous reviendrons au 9 mai. Dans votre livre, à la page 310,
3 vous relatez une réunion que vous avez eue avec Kordic ; réunion au cours
4 de laquelle Kordic a suggéré que c'était des Serbes qui étaient
5 responsables d'Ahmici. Vous vous en souvenez ?
6 M. Stewart (interprétation). - Oui.
7 M. Hayman (interprétation). – Je suppose que cela vous paraît
8 être une exploitation assez incroyable ?
9 M. Stewart (interprétation). – Oui, j'en ai roulé par terre.
10 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que
11 le colonel Blaskic ne vous a jamais fourni de telles explications ?
12 M. Stewart (interprétation). - Oui, tout à fait. Je suis tout à
13 fait d’accord pour dire que le colonel Blaskic n’aurait jamais dit que les
14 Serbes étaient responsables d’une telle action. Cela montre aussi que
15 Kordic n'était pas un soldat, sinon il n'aurait pas osé tenir de tels
16 propos.
17 M. Hayman (interprétation). - Ce même jour, pour bien montrer
18 cet équilibre dont vous parlez, vous avez rendu visite au
19 général Hadzihasanovic. C’est le dernier paragraphe de vos notes
20 consignées du 9 mai 1993.
21 M. Stewart (interprétation). - Oui.
22 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous relevé ceci pour le
23 9 mai : «Apparemment, il y avait peut-être encore plus de 300 prisonniers
24 du HVO à Zenica, ce qui n'était pas trop bon, et qui ne plaît pas à
25 Claire, parce le HVO a libéré tous les prisonniers qu'il avait à Vitez ».
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1 M. Stewart (interprétation). - Tout à fait, je me souviens de la
2 colère qui animait Claire. Elle travaillait avec le HVO. Elle avait obtenu
3 toutes les personnes qui devaient être libérées, elle les avait fait
4 sortir. Elle était frustrée car elle avait le sentiment que le CICR
5 n'avait pas bien fait son travail à Zenica.
6 M. Hayman (interprétation). - Je vais demander l'aide de
7 l'huissier pour que soit remise la pièce de la défense 592. C'est un
8 article qui vient de l'agence Reuters en date du 24 avril 1993. « Vitez :
9 un commandant croate promet qu'une enquête sera menée sur les conditions
10 de décès de familles entières ».
11 Prenez un certain temps pour examiner le document et attachez-
12 vous particulièrement, si vous le voulez bien, à la personne qui fournit
13 cet entretien pour voir si le nom est bien correct aussi ?
14 M. Hayman (interprétation). - Le Greffier pourrait-il nous
15 donner la pièce D340 pendant que le témoin examine la pièce précédente ?
16 Monsieur le Témoin, est-ce que cet article relate une partie
17 d’un entretien avec vous ?
18 M. Stewart (interprétation). - Il y a une certaine confusion
19 dans mon esprit à la suite de ces lectures. Mon commandant en second était
20 Brian Walters.
21 M. Hayman (interprétation). - Début du deuxième paragraphe :
22 "Colonel Bob Walters, commandant des forces des Nations Unies britanniques
23 à Vitez", fait-on référence à vous-même et non pas au lieutenant-colonel
24 Walters ?
25 M. Stewart (interprétation). - Il était commandant à l'époque.
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1 Je ne sais pas dans quel sens aller, mais je suppose que c'est bien du
2 colonel Bob Stewart qu'il s'agit ici.
3 M. Hayman (interprétation). – A propos du troisième paragraphe
4 et du précédent pour avoir une traduction complète, je commence par le
5 haut : "Un commandant croate a reconnu que la zone où une famille a été
6 calcinée dans un village surtout musulman se trouvait sous son
7 commandement. C’est ce qu’a dit un porte-parole militaire des Nations
8 Unies britanniques. Colonel Brian Walters, commandant des forces
9 britanniques à Vitez en Bosnie centrale a dit qu'ils avaient protesté
10 auprès du commandement des forces bosno-croates dans la région. Le colonel
11 Tihomir Blaskic a exigé qu’une action soit entreprise contre les auteurs".
12 Je cite : "J'ai demandé au colonel Blaskic si le HVO (milice
13 croate) était responsable. Il a dit que ceci s'était bien passé dans sa
14 zone de responsabilité. Je suis sûr, il était absolument horrifié de ce
15 qui s'est passé."
16 Colonel, est-il exact de dire que le 24 avril 1993, il n'y avait
17 aucun doute dans votre esprit que le colonel Blaskic était horrifié après
18 ce qui s’était passé à Ahmici ?
19 M. Stewart (interprétation). – Ceci confirme ce que j’ai dit
20 précédemment. J’avais vraiment l'impression qu’il était bouleversé par ce
21 qui s’était passé.
22 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé d’état de choc
23 précédemment ou du fait d’être choqué. Je vous demandais des précisions,
24 je vous remercie de les avoir apportées.
25 Je poursuis la lecture de cette page avant d’abandonner la
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1 pièce D592. On discute à propos de l'idée d'un tribunal chargé d'enquête.
2 Ici, on rappelle votre nom. On dit ceci : "Stewart a dit qu’il a écrit à
3 Blaskic pour exiger que des mesures soient prises à l’encontre des auteurs
4 de ces tueries. Il lui a été répondu qu'un tribunal serait établi pour
5 mener une enquête."
6 "J'ai dit que pour que ce tribunal ait un poids quelconque,
7 quelque crédibilité que ce soit, il faut aussi que les Musulmans soient
8 représentés."
9 Est-ce correct ?
10 M. Stewart (interprétation). - Je ne suis pas sûr que ce soit
11 exact. Je ne sais pas si nous nous sommes mis d’accord sur l’établissement
12 d’un tribunal. J'ai dit précédemment, je me souviens avoir insisté pour
13 dire qu'il faudrait une représentation des Musulmans de Bosnie au sein de
14 ce Tribunal.
15 M. Hayman (interprétation). - Y a-t-il eu une réunion au cours
16 de laquelle le HVO et l’armée de Bosnie-Herzégovine étaient présents,
17 réunion de haut niveau qui avait pour vocation de discuter de
18 l'établissement de cette commission d'enquête conjointe ?
19 M. Stewart (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
20 M. Hayman (interprétation). - Après avoir reçu la lettre du
21 24 avril 1993 du colonel Blaskic, vous souvenez-vous avoir discuté avec
22 (expurgé) d’une éventuelle assistance apportée par l’ECMM
23 afin d'avoir une enquête multipartite sur Ahmici ?
24 M. Stewart (interprétation). - Je ne m'en souviens pas mais
25 c’est exactement ce que j’aurais fait avec (expurgé) parce que j’avais
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1 le sentiment que l'ECMM se prêtait mieux à ce type d’enquête.
2 M. Hayman (interprétation). – Vous avez rencontré le colonel
3 Blaskic le 24 avril. A ce moment-là, n'a-t-il pas reconnu qu'il fallait
4 faire quelque chose de positif, avoir une commission d'enquête ?
5 M. Stewart (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. J’espère
6 que ce fut le cas. Ma réponse, Monsieur le Président, c'est que je m'en
7 souviens pas. Personnellement, j’espère qu’il l’a dit.
8 M. Hayman (interprétation). – D’après ce que vous connaissez de
9 sa personne, pensez-vous probable qu'il ait exigé une telle commission
10 d'enquête ?
11 M. Stewart (interprétation). – Oui, je pense qu'il est probable
12 qu'il aurait désiré une telle commission d'enquête, je ne sais pas ce qui
13 s'est passé. Quel ordre a-t-il donné ? En effet, rien ne s'est passé
14 pendant le temps où j’étais en Bosnie.
15 M. le Président. - Je n'ai pas compris. Quelle est votre
16 question, Maître Hayman ? D’après ce que vous savez du colonel Blaskic,
17 pensez-vous qu'il aurait ou qu'il a ?
18 M. Hayman (interprétation). - Qu'il était probable qu'il ait
19 exigé une telle enquête.
20 M. le Président. - Quelle est votre réponse qui me paraît
21 maintenant différente. Quel est votre réponse, vous pouvez nous la
22 rappeler, Colonel ?
23 M. Stewart (interprétation). - Je ne sais pas s'il a exigé une
24 telle enquête. Jamais je n'ai vu de preuve. Comme je l'ai déjà dit,
25 jusqu'à ce moment-là, c'était un homme que je respectais.
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1 M. le Président. - Vous l'avez déjà dit. Continuez, Maître
2 Hayman.
3 M. Hayman (interprétation). - Je suppose que ce qui s’est alors
4 passé, c’est que la commission des Nations Unies pour les Droits de
5 l'Homme a délégué ou a envoyé certains enquêteurs sur les lieux et qu'ils
6 ont mené une enquête effectivement ?
7 M. Stewart (interprétation). - Oui, ils sont arrivés très
8 rapidement. J’ai été étonné de la rapidité avec laquelle ils sont arrivés,
9 en l’espace de quelques jours je pense. Il s'agissait de Thomas Osorio et
10 Payan Akhavan. Thomas Osorio parlait le croate ou le serbe, enfin, vous
11 appelez cela comme vous voulez.
12 M. Hayman (interprétation). - Ils sont allés à Zenica et sont
13 allés interviewer des personnes qui avaient pris la fuite, des victimes ?
14 M. Stewart (interprétation). - C'est exact.
15 M. Hayman (interprétation). – Ils ont inspecté les lieux ?
16 M. Stewart (interprétation). - C'est exact. Ils m’ont aussi
17 demandé d’examiner la maison n° 7. Nous y avons trouvé d’autres restes. Il
18 y avait aussi des chiens qui mangeaient les corps quand nous sommes
19 arrivés.
20 M. Hayman (interprétation). – Est-ce que ce sont ces personnes
21 qui le 4 mai ou autour de cette date vous ont dit qu’à leur avis, le
22 gouvernement civil du HVO à Vitez, ainsi que Tihomir Blaskic étaient
23 coupables de quelque chose ?
24 M. Stewart (interprétation). - Sans doute, mais c'était aussi ma
25 propre opinion.
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1 M. Hayman (interprétation). - Vous ont-ils dit qu'ils avaient
2 relevé quatre noms d’éventuels suspects ou auteurs ?
3 M. Stewart (interprétation). - C'est exact.
4 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez rencontré ces
5 personnes, MM. Osorio et Akhavan, le 4 mai 1993 ? Et fut-il convenu que
6 les noms de ces quatre suspects ne seraient pas communiqués ni au colonel
7 Blaskic ni au HVO ?
8 M. Stewart (interprétation). - Il est certain que j'ai rencontré
9 ces deux hommes. Je ne sais pas si la date est exacte. Mais il est certain
10 que j'ai vérifié auprès d'eux la possibilité de rendre publics ces noms
11 aux autorités compétences et j'ai demandé à ces hommes s'il faudrait
12 rendre publique cette information pour tout le monde. Nous avons décidé de
13 ne pas donner ces noms au HVO. Pour ma part, de toute façon, j'ai sans
14 doute dû dire que je ne donnerais pas ces noms au HVO.
15 Pourquoi l'ai-je fait ? Parce que je me suis dit que s'ils
16 avaient des soupçons, si les gens avaient des soupçons ou que des
17 personnes étaient soupçonnées, je ne voulais pas que ces personnes
18 disparaissent.
19 M. Hayman (interprétation). – Pourriez-vous consulter, dans
20 votre journal personnel, les notes consignées pour le 4 mai ? C'est une
21 information qui se poursuit sur deux pages, fin du deuxième paragraphe,
22 dans le contexte de cette conversation avec ces deux hommes.
23 Je cite : "Je suis convenu de soulever la question avec Blaskic
24 et Valenta sans donner de nom."
25 M. Stewart (interprétation). – Oui.
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1 M. Hayman (interprétation). – Donc vous en avez discuté et vous
2 êtes arrivé à cet accord ?
3 M. Stewart (interprétation). – Oui, je crois que c'est plus
4 exact que ce que j'avais dit à l'instant, mais c'est tout à fait la même
5 chose.
6 M. Hayman (interprétation). – Et l'avez-vous fait parce que le
7 colonel Blaskic, le 4 mai, était déjà devenu la cible d'une enquête visant
8 à déterminer qui étaient les responsables du massacre d'Ahmici ?
9 M. Stewart (interprétation). – Pas du tout. A ce moment-là, ce
10 qui me préoccupait le plus, c'était de savoir quels étaient les auteurs
11 sur le terrain. Je voulais que ces personnes soient traduites en justice
12 le plus vite possible. Pour moi, dans mon esprit, cela ne se trouve dans
13 aucun journal personnel, mais dans mon esprit, je n'accusais pas Tihomir
14 Blaskic de quoi que ce soit. Au contraire, à l'époque, je voulais qu'il
15 aide sa propre cause, la cause du HVO, en faisant traduire en justice les
16 responsables.
17 Rappelez-vous dans ma déposition, j'ai dit à plusieurs reprises
18 que ceci irait contre le HVO si ceci ne faisait pas l'objet d'une bonne
19 enquête.
20 M. Hayman (interprétation). – Alors, pourquoi n'avoir pas fourni
21 le nom des membres du HVO au colonel Blaskic pour qu'il veille à ce que
22 ces personnes soient arrêtées et emprisonnées ?
23 M. Stewart (interprétation). – Parce que je ne voulais pas que
24 ces hommes, ces quatre hommes disparaissent. C'est sans doute l'idée qui
25 m'a motivée à l'époque.
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1 M. Hayman (interprétation). – Vous étiez donc d'avis, ainsi que
2 l'ECMM, qu'on ne pouvait pas faire confiance au colonel Blaskic, qu'on ne
3 pouvait pas lui donner cette information ?
4 M. Stewart (interprétation). - Sans doute.
5 M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, est-ce que
6 le moment se prête bien à une fin d'audience ?
7 M. le Président. - Tout à fait. Nous reprendrons demain matin à
8 9 heures.
9 L'audience est levée à 17 heures 30.
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