Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                    Affaire IT-95-14-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3   LE PROCUREUR

  4   C/

  5   BLASKIC

  6   Lundi 26 juillet 1999

  7   L'audience est ouverte à 10 heures 05.

  8   M. le Président. – Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

  9   vous pouvez faire entrer l'accusé, s'il vous plaît.

 10   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 11   Je voudrais saluer les interprètes, m'assurer de leur présence

 12   fidèle.

 13   L'interprète. – Bonjour, Monsieur le Président.

 14   M. le Président. - Je voudrais savoir si la technique est au

 15   rendez-vous. Je vois les conseils de l'accusation au complet, que je

 16   voudrais saluer, et les conseils de la défense. Nous avons beaucoup de

 17   conseils de la défense. Maître Nobilo et Me Hayman vont nous expliquer

 18   cela.

 19   Je voudrais saluer l'accusé, bien sûr. Je vois que le public est

 20   nombreux. Je voudrais donc indiquer que nous sommes dans la phase finale

 21   de la procédure intentée par le Tribunal Pénal International contre le

 22   général Blaskic, l'accusé ici présent, et que nous allons cette semaine,

 23   qui sera la dernière semaine de ce procès, nous consacrer à l'audition du

 24   réquisitoire et des conclusions finales du Bureau du Procureur et du

 25   réquisitoire et des


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  1   conclusions finales de la défense.

  2   Mais tout de suite, je voudrais me tourner vers Me Hayman et

  3   Me Nobilo pour qu'ils nous présentent les collaborateurs qui sont venus en

  4   renfort de dernière heure, si je comprends bien. Maître Hayman et Maître

  5   Nobilo, c'étaient des équipiers obscurs qui étaient dans les cales du

  6   navire et que vous faites tout d'un coup monter sur le pont ? Expliquez-

  7   nous.

  8   M. Hayman (interprétation). – Ils ont refusé de quitter la

  9   Californie du sud jusqu'aux réquisitions, Monsieur le Président. Bonjour,

 10   Monsieur le Président, bonjour Messieurs les Juges. Maître Nobilo et moi-

 11   même avons été rejoints aujourd'hui par deux juristes de mon cabinet. Je

 12   crois que le Tribunal connaît déjà Me Andrew Paley qui était déjà présent

 13   au début du procès. Il est assis à la gauche de Me Nobilo. Puis, à la

 14   gauche de Me Paley, vous voyez  Me Robert Perrin, qui est également

 15   juriste, membre de mon cabinet.

 16   Ils seront avec nous cette semaine, ainsi que de temps en temps

 17   Me Elias Guzman, un assistant de mon cabinet.

 18   M. le Président. - Il n'y a aucune objection de la part des

 19   Juges, de ma part, de la part de mes collègues, de même que de la part de

 20   l'accusation. Ces collaborateurs ont été présentés au Bureau du Procureur

 21   également ; la question est claire. Maître Harmon, pas de problème ?

 22   M. Harmon (interprétation). – Bonjour, Monsieur le Président,

 23   Messieurs les Juges. Bonjour, conseils de la défense; bonjour, nouveaux

 24   conseils de la défense.

 25   Monsieur le Président, Mme Kirsten Keith est également avec nous


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  1   aujourd'hui. Elle nous aidera dans la présentation de nos conclusions.

  2   C'est également quelqu'un qui n'était pas dans ce prétoire avant la date

  3   d'aujourd'hui et je voulais la présenter.

  4   Monsieur le Président, nous allons procéder de la façon

  5   suivante : nous allons nous répartir la présentation des réquisitions.

  6   Moi-même et mes collègues allons présenter des aspects différents de cette

  7   affaire.

  8   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comme vous le savez, ce procès

  9   dure depuis deux ans et les éléments à traiter sont donc très nombreux.

 10   Les éléments qui sont présentés dans le mémoire -je crois m'exprimer aussi

 11   bien au nom du Procureur que de la défense- ont été abordés de façon

 12   détaillée. Nous n'avons que peu de temps pour nous adresser à vous

 13   aujourd'hui ; donc nous y reviendrons moins en détail.

 14   Dans le courant de la présentation de nos réquisitions, il nous

 15   faudra passer de temps à autres, assez souvent d'ailleurs, en séance à

 16   huis clos partiel, car nous ferons référence à des témoins qui ont été

 17   entendus à huis clos ou à huis clos partiel. De façon à préserver la

 18   protection qui leur a été accordée, il nous sera nécessaire, de temps à

 19   autres, de passer à huis clos partiel.

 20   Nous tâcherons de limiter ce nombre d'occurrences pour ne pas

 21   perturber la présentation des réquisitions, mais cela sera nécessaire de

 22   temps à autres et nous vous le ferons savoir.

 23   J'aimerais inviter les Juges de cette Chambre à nous

 24   interrompre, chaque fois qu'ils le jugeront nécessaire, dans le cadre de

 25   cette présentation. Nous accueillerons toutes les questions posées par les


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  1   Juges lorsqu'ils le jugeront nécessaire.

  2   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, sans plus attendre,

  3   M. Kehoe va donc commencer la présentation des conclusions finales pour le

  4   Bureau du Procureur.

  5   M. le Président. – Monsieur le Procureur, merci de toutes ces

  6   explications. Je le dis aussi à l'intention du public : en principe

  7   l'audience sera publique toute la semaine, mais il peut y avoir des

  8   moments où, soit pour quelques minutes soit pour un temps plus long, nous

  9   serons obligés de passer en huis clos partiel. Il faut le savoir.

 10   Normalement, vous disposez de deux jours et demi, Monsieur le

 11   Procureur. Comptez-vous utiliser vos deux jours et demi ?

 12   M. Harmon (interprétation). – Nous utiliserons la plus grande

 13   partie de ce temps.

 14   Mais nous serons plus en mesure de vous donner des détails à ce sujet ce

 15   soir. Il y a un point que je n'ai pas pris en compte, Monsieur le

 16   Président, dans mes calculs antérieurs : il s'agit du temps nécessaire à

 17   la manipulation physique des éléments de preuve, l'installation de ces

 18   éléments sur le rétroprojecteur et le temps qu'il faut pour installer le

 19   huis clos partiel et en sortir.

 20   Mais, Monsieur le Président, sans plus attendre, j'aimerais que

 21   M. Kehoe commence son réquisitoire.

 22   M. le Président. – Avant de donner la parole à Me Kehoe,

 23   Maître Hayman, vous-même utiliserez-vous vos deux jours et demi ?

 24   M. Hayman (interprétation). - Nous le ferons, Monsieur le

 25   Président. Maître Nobilo et moi-même le ferons. Mais j'aimerais évoquer un


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  1   point pratique avant que nous ne débutions, à savoir le problème de

  2   l'admission de la pièce D 197, pièce à conviction de la défense, qui

  3   n'était pas encore admise lorsque nous avons suspendu l'audience il y a

  4   deux semaines. Il s'agit du journal personnel. Nous demanderions que ce

  5   journal soit admis et versé au dossier avant le début des réquisitions de

  6   façon que le problème soit réglé.

  7   M. le Président. – Monsieur le Procureur, avez-vous une

  8   objection ? Il s'agit de ce journal produit, me semble-t-il, dans le cadre

  9   d'une autre affaire. N'est-ce pas, Monsieur Fourmy ?

 10   M. Fourmy. – C'est exact, Monsieur le Président.

 11   M. le Président. – Monsieur le Procureur, y a-t-il une objection

 12   de votre part ? Et y a-t-il une objection de l'autre Chambre ?

 13   M. Harmon (interprétation). – J'ignore ce qu'il en est de

 14   l'autre Chambre, Monsieur le Président. Je sais seulement que nous avons

 15   déposé les documents nécessaires auprès de l'autre Chambre. Nous avons

 16   maintenu notre objection quant au fait que seules les pages de ce document

 17   identifiées par le témoin devraient pouvoir être versées au dossier. Si

 18   l'autre Chambre a pris une décision, nous l'accepterons.

 19   M. le Président. - A ma connaissance, elle n'a pas pris de

 20   décision. Il faut bien que, maintenant nous prenions nous-mêmes notre

 21   propre décision. Qu'en pensez-vous, Monsieur Fourmy ?

 22   A priori, il semblerait que le témoin concerné aurait donné son

 23   autorisation pour que les transcripts pertinents puissent être

 24   communiqués. On peut se fonder sur cette information, Monsieur Fourmy, ou

 25   alors on a besoin de la confirmer dans la journée, peut-être ?


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  1   M. Fourmy. - Cette information m'a été transmise,

  2   Monsieur le Président, par l'intermédiaire de la section de protection des

  3   victimes et des témoins, qui a contacté le témoin concerné. Celui-ci, à ma

  4   connaissance, a donc donné son autorisation pour que les parties

  5   pertinentes des comptes rendus de sa déposition, faites dans le cadre

  6   d'une autre affaire, puissent être utilisées dans le cadre de cette

  7   affaire-ci ; sous réserve, évidemment, des mêmes mesures de

  8   confidentialité. Ce qui devrait permettre de régler le débat, au moins

  9   pour ce qui concerne la partie en cause du journal dont vous avez parlé.

 10   M. le Président. - Bien, je me tourne vers les parties. Il n'y

 11   aura donc pas d'objection ? Monsieur le Juge Shahabuddeen,

 12   Monsieur le Juge Rodrigues ?

 13   Le témoin principal est concerné : nous reprendrons les mêmes

 14   mesures de protection qui avaient été prises. Donc, nous pouvons admettre

 15   que les parties pertinentes sont admises. Etes-vous d'accord,

 16   Maître Hayman ?

 17   M. Hayman (interprétation). - Je pense que l'admission du

 18   journal, Monsieur le Président, ne pose aucun problème. Mais, je ne puis

 19   consentir à l'avance à l'admission d'un compte rendu d'audience que nous

 20   n'avons pas vu. Je ne sais pas si ce compte rendu d'audience peut être

 21   admis sans contre-interrogatoire, par exemple. Mais, si l'autre Chambre

 22   peut confirmer que le journal a été authentifié par le témoin, alors

 23   compte tenu du faite que les deux parties ont vu ce journal, on pourra le

 24   traiter dans nos arguments finaux. Mais, si des comptes rendus sont admis

 25   après la présentation de ces arguments, nous ne pourrons pas contre-


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  1   interroger le témoin. Pour l'instant, nous demandons donc simplement

  2   l'admission du journal. Merci.

  3   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, notre

  4   position était et continue à consister à dire que nous n'avons aucune

  5   objection à l'admission au dossier des parties du journal qui ont été

  6   authentifiées par le témoin. Celui-ci n'a pas authentifié la totalité du

  7   journal.

  8   M. le Président. - Ecoutez, je pense qu'il faut en sortir. Nous

  9   n'allons pas recommencer une bataille procédurale autour de cette pièce à

 10   conviction. Je ne pense pas empiéter sur la compétence de l'autre Chambre,

 11   dès lors que nous conservons les mêmes mesures de protection. Le témoin

 12   est d'accord : le journal sera donc versé.

 13   Qu'en pensez-vous, Monsieur Fourmy ? Je crois qu'il faut quand

 14   même pas…, il faut en sortir de ces questions-là. Nous en sommes aux

 15   plaidoiries finales, nous n'allons pas batailler autour de la pièce D197

 16   trop longtemps.

 17   M. Fourmy. - Sauf erreur de ma part, je pense qu'il existe un

 18   accord entre les parties pour l'admission uniquement des sections du

 19   journal qui ont été identifiées par le témoin en question, pas sur la

 20   totalité du journal.

 21   M. le Président. - Nous admettons donc les sections identifiées

 22   par le témoin. Pas d'autres observations ?

 23   S’il y a une autre observation, faites-la tout de suite, maître

 24   Hayman ; parce que nous allons décider tout de suite et, après, nous n'en

 25   parlerons plus. Mais, allez-y, faites votre observation si vous en avez


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  1   une.

  2   M. Hayman (interprétation). - Mais, pour présenter notre

  3   plaidoirie, nous avons besoin de savoir les sections qui ont été admises

  4   et les sections qui n'ont pas été admises.

  5   Je ne joue pas avec la décision de la Chambre. Le Procureur est

  6   au courant, car il a accès aux comptes rendus d'audience sous scellés.

  7   Nous, nous sommes aveugles et nous touchons un éléphant sans savoir

  8   quelles sont les parties de l'éléphant que nous sommes en train de

  9   toucher.

 10   M. Harmon (interprétation). - Ce que je propose, Monsieur le

 11   Président, c'est que M. Fourmy dise aux parties les sections du journal

 12   qui ont été admises. Je pense que nous devrons ensuite passer à la

 13   présentation de nos arguments. La défense peut attendre quelques jours

 14   pour obtenir cette décision. Mais, en ce moment, nous retardons le début

 15   des réquisitions. Je pense que Me Hayman peut s'entendre dire par

 16   M. Fourmy quelles sont les pages qui n'ont pas été identifiées un peu plus

 17   tard.

 18   M. le Président. – Ce qui sera admis seront les pages

 19   authentifiées avec le transcript correspondant. C'est la décision de la

 20   Chambre. Ceci sera communiqué à Me Hayman dans les jours, dans les heures

 21   qui viennent, lorsque M. Fourmy aura eu le temps de faire calmement sa

 22   recherche avec ses assistants.

 23   La décision est prise et nous n'y reviendrons pas maintenant.

 24   Nous tenons comme clos cet incident.

 25   IL est 10 heures 20. Monsieur le Procureur, vous pouvez


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  1   commencer. Vous voulez donner la parole à M. Kehoe ?

  2   M. Hayman (interprétation). - Oui, merci beaucoup, Monsieur le

  3   Président, Messieurs les Juges.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

  5   les Juges, conseils de la défense, bonjour.

  6   Nous en sommes arrivés à la fin de ce procès. Les faits qui ont

  7   été examinés au cours de ce procès, notamment durant les dix à quinze

  8   jours qui nous séparent de la dernière suspension d'audience, me font

  9   repenser à une allocution prononcée à la fin du dix-huitième siècle,

 10   devant le Parlement britannique, par un député et philosophe politique

 11   répondant au nom de Edmond Burke.

 12   Cet homme a dit au cours de son allocution, parlant d'événements

 13   religieux qui avaient suscité de nombreuses tensions, qu'un événement

 14   s'était produit au sujet duquel il était difficile de parler et au sujet

 15   duquel il était impossible de garder le silence. Nous sommes ici, depuis

 16   de longues années, à discuter des faits relatifs à cette affaire, à

 17   discuter des événements catastrophiques qui ont eu lieu en Bosnie

 18   centrale, en 1992 jusqu'en 1994. Alors que nous sommes dans ce prétoire

 19   depuis deux ans et ce, six années après les événements, il est encore

 20   aujourd'hui difficile de parler de ces événements.

 21   Parce que ce qui s'est passé, ce qui a été laissé dans le

 22   sillage de ces violences est absolument terrible. Le meurtre, la violence,

 23   la destruction d'un mode de vie, la destruction de toute une partie d'un

 24   groupe ethnique résidant précédemment en Bosnie centrale et ce, en

 25   application d'une politique, d'une politique qui visait à atteindre des


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  1   objectifs de monoethnicité et d'ambitions territoriales. La tragédie, bien

  2   sûr, c'est que, dans l'application de cette politique, des centaines de

  3   victimes ont été faites, des victimes qui sont aujourd'hui, en vie ou

  4   décédées.

  5   Et je pense qu'aujourd'hui, il est permis de se demander qui se

  6   trouve dans la pire situation : est-ce ceux qui ont eu accès a une vie

  7   meilleure ou ceux marqués à jamais par les événements de Bosnie centrale ?

  8   Avant de passer à l'examen et à la discussion de l'élaboration

  9   de ce plan politique qui a été élaboré par les pouvoirs de Zagreb, en

 10   Croatie, par le président Franjo Tudjman et ses associés politiques, avant

 11   d'être utilisé et appliqué par la structure politique que représentait la

 12   communauté croate d'Herceg-Bosna, ainsi que par l'appareil militaire de la

 13   communauté croate d'Herceg-Bosna, le HVO, avant de nous lancer dans le

 14   débat relatif à tous ces événements, j'aimerais que nous jetions un coup

 15   d'œil à l'acte d'accusation et à certains des faits reprochés à l'accusé.

 16   Comme je viens de le faire remarquer, l'examen des faits liés à

 17   cette affaire a été difficile à chacun d'entre nous. En dépit du temps qui

 18   s'est écoulé, ces événements sont encore très pénibles. L'acte

 19   d'accusation a été rédigé et les faits énumérés dans cet acte

 20   d'accusation, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, sont pour

 21   l'essentiel très simples. Ils ont trait au caractère sacré de la vie, à la

 22   protection des civils, à la protection de civils appartenant à un groupe

 23   ethnique particulier notamment. L'acte d'accusation de cette affaire fait

 24   état de crimes contre l'humanité, de violation des lois ou coutumes de la

 25   guerre, de violations des Conventions de Genève, dans leurs différentes


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  1   composantes. Tous ces éléments peuvent être décrits en termes relativement

  2   simples. 

  3   Les accusations portées dans cette affaire constituent une série

  4   de crimes ordonnés par l'accusé, Blaskic, et ses associés, des crimes

  5   visant la population civile, la population civile musulmane bosnienne de

  6   Bosnie centrale. Ces crimes sont des persécutions visant le groupe

  7   ethnique de des Musulmans de Bosnie, en Bosnie centrale ; ces persécutions

  8   ont eu lieu en Bosnie centrale, mais, en outre, elles faisaient partie

  9   d'un plan global, d'un plan généralisé, systématique existant dans

 10   l'ensemble de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

 11   Les autres crimes sont des meurtres, des assassinats de

 12   Musulmans bosniens, des destructions de biens appartenant à des civils

 13   musulmans de Bosnie, ainsi que des destructions, des atteintes à des

 14   édifices religieux, des profanations de ces bâtiments dans le but de faire

 15   quitter la région à ces civils, de les contraindre à partir. Il suffira de

 16   dire que ces crimes sont des attaques armées qui ont démarré dans le cadre

 17   d'une politique avant de passer à l'usage de la force contre cette

 18   population. Il s'agit de meurtres qui, comme je l'ai indiqué, visaient à

 19   faire partir toute cette population. L'accusé, M. Blaskic, est accusé

 20   d'avoir été le commandant, le commandant des troupes du HVO, qui a eu

 21   recours à cette politique établie par la communauté croate d'Herceg-Bosna

 22   et le HVO, cette politique élaborée à Zagreb pour arriver, jusqu'à Grude

 23   et Mostar, entre les mains du président de la communauté croate d'Herceg-

 24   Bosna, Mate Boban, avant d'être appliquée, sur le plan politique, en

 25   Bosnie centrale par le truchement d'individus tels que Dario Kordic, Ignas


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  1   Kostroman, Anto Valenta. Blaskic a été l'outil. Blaskic a été l'individu

  2   qui était lié comme les doigts de la main à ces individus dans

  3   l'accomplissement de cette politique de l'Herceg-Bosna.

  4   Ces objectifs politiques, comme je viens de le faire remarquer,

  5   englobent l'établissement d'une zone monoethnique en Bosnie centrale,

  6   englobent l'élimination des Musulmans bosniens de la zone que les Croates

  7   de Bosnie considéraient comme la leur et englobent, finalement, l'annexion

  8   de la communauté croate d'Herceg-Bosna par la République de Croatie.

  9   Monsieur Blaskic est le commandant et, en vertu du Statut de ce

 10   Tribunal, il est accusé au titre des articles 7.1 et 7.3 de ce Statut. Au

 11   point 7.1, le Statut accuse Blaskic d'avoir planifié, incité à commettre,

 12   ordonné, commis ou, de toute autre manière, aidé et encouragé à planifier,

 13   préparer ou exécuter un crime défini dans l'acte d'accusation.

 14   Cet article accuse M. Blaskic d'avoir fait partie de ce plan,

 15   d'avoir instigué à l'application d'un plan coordonné destiné à éliminer la

 16   population musulmane de Bosnie centrale.

 17   A l'article 7.3 du Statut, nous voyons des accusations qui

 18   accusent M. Blaskic de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour

 19   empêcher que ces actes soient commis. Monsieur Blaskic savait que les

 20   troupes placées sous son commandement avaient commis des crimes ou

 21   qu'elles s'apprêtaient à commettre des crimes. Et, en fin de compte, il

 22   savait qu'après la commission de ces crimes, en tant que commandant, il

 23   n'allait pas punir les auteurs de ces crimes, les auteurs individuels de

 24   ces crimes, une fois que ces crimes auraient été connus du public.

 25   Avant de passer à l'aspect historique et chronologique, pour


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  1   comprendre comment cela s'est passé, il importe que nous situions

  2   M. Blaskic et les membres de son commandement dans la région où il

  3   travaillait. Avec l'aide de mon collègue, M. Hooper, j'aimerais que la

  4   première carte soit placée sur le chevalet.

  5   Monsieur le Président, Messieurs les juges, vous voyez ici une

  6   carte. Je vous demanderai l'autorisation de m'en approcher pour pouvoir

  7   vous l'expliquer en détail.

  8   C'est une carte dont je sais que nous vous ne l'avez pas vue

  9   depuis quelque temps, mais elle a été versée au dossier au début de la

 10   présente affaire, il y a deux ans environ. J'aimerais que nous

 11   concentrions notre attention sur les trois municipalités dont nous avons

 12   parlé ces deux dernières années. Il s'agit de la municipalité de Kiseljak,

 13   de la municipalité de Busovaca et de la municipalité de Vitez. Cette carte

 14   a pour objet de resituer dans leur contexte les différentes zones du

 15   commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, dont le

 16   commandant suprême était Blaskic.

 17   Cette région, ici, ne constitue qu'une partie de la zone

 18   opérationnelle de Bosnie centrale. Ce sont les trois municipalités dont

 19   nous avons beaucoup parlé au cours de ce procès. Bien sûr, l'accusé nous a

 20   fait savoir que d'autres localités telles que Zepce, Vares, Sarajevo ou

 21   autres faisaient également partie de la zone opérationnelle. Mais les

 22   trois municipalités que vous voyez ici font l'objet principal de l'acte

 23   d'accusation.

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous voyez sur cette

 25   carte ce dont nous beaucoup parlé puisque nous avons inscrit le nom des


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  1   trois principales municipalités en grosses lettres sur cette carte.

  2   Vous verrez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que les

  3   secteurs où les crimes mentionnés à l'acte d'accusation ont été commis

  4   équivalent en superficie à la région de La Haye à Harlem, au Nord de la

  5   Hollande. C'est donc une région relativement restreinte.

  6   Avant de passer au détail des crimes commis sur le terrain,

  7   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je pense qu'il peut être utile

  8   de resituer ce qui s'est passé en Bosnie centrale, dans un contexte plus

  9   général impliquant tout ce qui s'est passé dans le reste de la Bosnie-

 10   Herzégovine, mais également, les causes plus générales ou le contexte plus

 11   général de ces événements. Ce qui s'est passé, ce qui a explosé en Bosnie

 12   centrale, le 16 avril 1993, lorsque Ahmici a été attaquée, est-il un

 13   élément singulier ou fait-il partie d'un processus plus large, d'une

 14   séquence d'événements qui, rétrospectivement, apparaissent très logiques

 15   dans leur évolution ?

 16   C'est ce que j'affirme, Monsieur le Président, Messieurs les

 17   Juges.

 18   Le point de départ nous ramène sans aucun doute aux aspirations

 19   politiques de la République de Croatie définis par le Président de cette

 20   même République, Franjo Tudjman. Franjo Tudjman, comme vous le savez,

 21   Monsieur le Président, Messieurs, les juges, était et est encore

 22   aujourd'hui le président de la Croatie. Ses aspirations vis-à-vis de

 23   certaines parties de la Bosnie-Herzégovine ne sont pas nées en 1993, en

 24   1992 ou en 1991, ni même d'ailleurs en 1990. Nous pouvons, à cet égard,

 25   remonter jusqu'à au moins 1981. Dans les écrits de Tudjman, celui-ci a


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  1   commencé à définir le désir de la République de Croatie d'absorber

  2   certaines parties de la Bosnie-Herzégovine et il a lié ses aspirations à

  3   des événements passés.

  4   Je demanderai que l'on allume le rétroprojecteur, je vous prie.

  5   Merci beaucoup. Peut-on baisser un peu l'image ?

  6   (L'huissier s'exécute.)

  7   Vous voyez ici la page d'un livre dont Tudjman est l'auteur ; il

  8   l'a publié en 1981. J'aimerais en lire un extrait qui commence à la

  9   page 113. Vous voyez la numérotation en haut, à droite.

 10   Je commencerai par les mots anglais : "Large parts…"

 11   "Des parties importantes de la Bosnie ont été intégrées à la

 12   Croatie par les Turcs. La Bosnie et la Herzégovine sont historiquement

 13   liées à la Croatie ; ensemble, elles constituent une entité géographique

 14   et économique indivisible. La Bosnie-Herzégovine se trouve dans la partie

 15   centrale de cette unité, séparant la Croatie du sud, la Dalmatie, de la

 16   Croatie du Nord, la Panonie. La création d'une Bosnie-Herzégovine

 17   distincte rend la position territoriale et géographique de la Croatie

 18   extrêmement peu naturelle sur le plus plan économique. Par conséquent, sur

 19   le plan national et politique plus large, cela place la Croatie dans une

 20   situation très peu favorable à la vie et au développement, ainsi que, sur

 21   un plan administratif plus étroit, dans une situation plus difficile et

 22   peu avantageuse.

 23   Ces éléments expliquent largement les raisons pour lesquelles

 24   l'accord de 1939, entre Belgrade et Zagreb, entre le prince Paul et le

 25   gouvernement Cvetkovic, d'une part, et la direction croate de Macek,


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  1   d'autre part, pourquoi donc cet accord incluait les secteurs suivants de

  2   la Bosnie dans la Banovina de Croatie. L'ensemble de la Herzégovine

  3   occidentale ainsi que Mostar et les régions de la Bosnie où les Croates

  4   étaient clairement en majorité : Bugojno, Fojnica, Travnik, Derventa,

  5   Gradacac et Bosko." (Fin de citation.)

  6   Comme vous le constaterez à la lecture de cette liste de

  7   localités, Travnik est la ville la plus importante dans la zone

  8   opérationnelle de Bosnie centrale, à savoir dans la zone placée sous le

  9   commandement de l'accusé. Je crois que ce qui est intéressant au stade

 10   présent de notre débat, lorsque nous relisons ces mots écrits par Tudjman

 11   en 1981, c'est que nous pouvons situer la Banovina dans un contexte. Parce

 12   que la Banovina est devenue quelque chose de très important, non seulement

 13   aux yeux de Tudjman, mais c'est également quelque chose de très important

 14   pour Mate Boban, le président de la communauté croate d'Herceg-Bosna, et

 15   pour Dario Kordic, le vice-président local de la communauté croate

 16   d'Herceg-Bosna.

 17   Avant de commencer à discuter d'un certain nombre d'éléments

 18   liés à la Banovina, j'aimerais demander à M. Hooper de bien vouloir placer

 19   la carte de la Banovina sur le chevalet. Il s'agit de la pièce à

 20   conviction 16.

 21   J'espère, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que vous

 22   voyez bien cette carte. Il s'agit de la carte résumant l'accord de 1939,

 23   sur la Banovina, donc le résultat de l'accord Cvetkovic-Macek, de 1939. Il

 24   s'agit de la Banovina à laquelle Boban fait référence dans ses écrits de

 25   1981, comme étant un secteur territorialement acceptable pour la


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  1   République de Croatie.

  2   Ce qui intéressant ici, c'est que nous voyons une étendue de

  3   territoire relativement importante qui s'intègre à la Croatie

  4   d'aujourd'hui. Je vous demanderais de bien vouloir concentrer votre

  5   attention sur la partie de territoire qui se trouve à l'extrémité de cette

  6   entité. Vous réaliserez que la Banovina englobe, bien entendu, Travnik, en

  7   laissant la ville de Zenica à l'extérieur de cette Banovina.

  8   Il apparaît donc clairement que, lorsque Tudjman discutait de

  9   ses ambitions territoriales -et nous constaterons que ces ambitions sont

 10   demeurées présentes bien longtemps après la fin de la guerre en Bosnie-

 11   Herzégovine-, quand il a commencé à parler de ses ambitions territoriales

 12   en Bosnie-Herzégovine, il s'est toujours intéressé à l'intégration de la

 13   zone constituée par la zone opérationnelle de Bosnie centrale, c'est-à-

 14   dire la zone opérationnelle, située autour de Vitez, Travnik et d'autres

 15   localités et allant au sud jusqu'à Prozor.

 16   M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Kehoe, vous avez

 17   parlé des écrits de Mate Boban, en 1981, au sujet de ces éléments, mais

 18   n'avez-vous vous pas confondu avec Franjo Tudjman ?

 19   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge, j'ai fait un

 20   lapsus : j'ai parlé de Mate Boban ; en fait, je faisais référence à Franjo

 21   Tudjman. Effectivement, les écrits dont je suis en train de parler sont

 22   les écrits de Franjo Tudjman, datant de 1981, au sujet de cette Banovina

 23   et non les écrits de Mate Boban. Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

 24   Juge.

 25   Cette idée particulière que nourrissait Boban a été décrite par


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  1   certains des témoins que nous avons entendus ici à l'audience, de diverses

  2   manières, dont la moindre n'est sans doute pas celle présentée par un

  3   témoin cité à la barre ici, qui a décrit cette idée comme étant une

  4   obsession qu'avait Tudjman. Il voulait annexer certaines sections du

  5   territoire de la Bosnie-Herzégovine pour faire partie de la République de

  6   Croatie.

  7   Tudjman ne s'est pas contenté d'annexion de certaines parties de

  8   la Bosnie-Herzégovine pour les incorporer dans la République de Croatie :

  9   les événements tels qu'ils se sont produits en Bosnie-Herzégovine, mais

 10   aussi sur tout le territoire de l'ex-Yougoslavie, montrent que Tudjman a

 11   pris des mesures pour réussir cette annexion, bien sûr, en accord avec ses

 12   homologues, Milosevic, M. Slobodan Milosevic, en Serbie. En 1991, après

 13   déjà l'apparition de tensions, mais avant que la guerre n'éclate dans de

 14   grandes parties de la République de Croatie, le président Tudjman a

 15   rencontré le président Milosevic dans la ville de Karadjordjevo, fin mars

 16   1991. Ces deux hommes ont discuté dans le détail quelle pourrait être la

 17   division de la Bosnie-Herzégovine, certaines sections importantes étant

 18   attribuées à la Croatie, d'autres tout aussi importantes à la Serbie, en

 19   envisageant éventuellement un petit territoire réservé aux Musulmans

 20   autour de Sarajevo.

 21   Un témoin de la défense lui-même, Manacic, un homme qui est venu

 22   déposer ici, au titre de la défense, était lui-même une des personnes

 23   ayant participé à la réunion avec les Serbes à propos de la division de la

 24   Bosnie-Herzégovine, réunion au cours de laquelle ils se sont penchés sur

 25   des cartes pour voir quels groupes ethniques se verraient réserver quelle


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  1   portion de la Bosnie-Herzégovine. J'avoue que M. Bilandzic a nié

  2   l'essentiel de tout cela devant vous, Messieurs les Juges. Toutefois, il y

  3   a eu un entretien publié dans l'hebdomadaire croate national, qui a décrit

  4   les actes de M. Bilandzic et ses commentaires relatifs à la division de la

  5   Bosnie-Herzégovine à partir des instructions de Tudjman. Il les a décrits

  6   avec force détails.

  7   Une des dernières pièces soumises par l'accusation était

  8   effectivement un éditorial de l'hebdomadaire national qui disait en

  9   substance ce que Bilandzic nous avait dit à propos de la réunion qu'il

 10   avait eue concernant la division de la Bosnie-Herzégovine, réunion qui

 11   effectivement avait eu lieu. Il vous avait dit que, d'après Tudjman, les

 12   Musulmans devraient se ranger face à ces accords qui seraient passés.

 13   Toutefois, il ne faut pas nécessairement écouter les commentaires de

 14   Bilandzic de façon isolée. D'autres témoins sont apparus devant vous,

 15   Messieurs les Juges, et vous ont relaté avec force détails ceux qui

 16   occupaient des positions importantes. Ces mêmes questions…

 17   Permettez-moi de passer rapidement à huis clos partiel,

 18   Monsieur le Président, afin d'évoquer ce que nous ont dit certains de ces

 19   témoins. Etant donné qu'il s'agissait là de témoins protégés, j'aimerais

 20   fournir mes commentaires à huis clos partiel.

 21  

 22   L'audience se poursuit en session à huis clos partiel.

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  8   L'audience se poursuit en session publique.

  9   M. le Président. - Nous poursuivons en audience publique.

 10   M. Kehoe (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Le

 11   témoignage de M. Ashdown montre clairement que dès le milieu de l'année

 12   1995, Tudjman n'avait pas renoncé à son aspiration, au souhait qu'il avait

 13   de voir la République de la Croatie annexer une partie de la République de

 14   la Bosnie. Il y a eu une conversation entre Tudjman et Ashdown. Elle a eu

 15   lieu à Guild Hall, à Londres, le 6 mai 1995, à l'occasion du 6 mai de la

 16   victoire en Europe. C'était le 50e anniversaire de la victoire des alliés

 17   en Europe et beaucoup de dignitaires, de hauts représentants avaient été

 18   invités à cette fête. Il y a eu une conversation "extraordinaire".

 19   J'utilise ce mot entre guillemets car, en effet, ce sont là les

 20   commentaires de Ashdown. Cette conversation qu'il a eue avec Tudjman

 21   montrait que Tudjman avait prévu cette division, cette répartition de la

 22   Bosnie-Herzégovine entre les Serbes et les Croates.

 23   Quels sont les faits qui apparaissent ? Une carte est dessinée

 24   sur un menu par Tudjman et Ashdown… Tudjman a signé ou a écrit quelque

 25   chose au milieu de ce menu indiquant de façon approximative les parties


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  1   qui seraient réservées à la Croatie ou à la Serbie.

  2   Après cela, M. Ashdown a posé une question à Tudjman. La réponse

  3   est captivante, page 7331, ligne 22, c'est bien sûr M. Ashdown qui

  4   s'exprime : "Je lui ai demandé ce qu'il en serait de la partie

  5   musulmane ?"

  6   Il a dit : Il  n'y aura pas de partie musulmane, si ce n'est une

  7   petite partie qui ferait partie, elle aussi, de l'Etat croate."

  8   Page 7332, la conversation se poursuit. Ashdown dit : "Il a

  9   alors parlé des rapports qu'il avait avec les deux autres dirigeants,

 10   Izetbegovic d'un côté et Milosevic de l'autre. Il était très critique à

 11   l'égard d'Izetbegovic qu'il considérait comme étant un Algérien, un

 12   intégriste. Ce sont les mots qu'il a employé. J'ai trouvé qu'il a utilisé

 13   ce terme, je l'ai repris dans mon journal. Il trouvait qu'il était

 14   beaucoup plus facile d'avoir des rapports avec Milosevic dont il disait

 15   que c'était l'un d'entre nous. Ce qui n'était pas le cas pour Izetbegovic.

 16   Je me souviens qu'il a dit que les Musulmans, après tout, n'étaient que

 17   des Serbes et des Croates qui n'avaient pas pu résister aux Turcs au cours

 18   de l'Empire ottoman."

 19   Je trouve que cette conversation est tout à fait extraordinaire.

 20   Dans le cadre du contre-interrogatoire, on lui demande ce que cela

 21   signifie. A la page 7345, M. Paddy Ashdown dit ceci : "S'agissant du

 22   territoire, de la terre de la Bosnie-Herzégovine, j'ai compris

 23   parfaitement qu'il s'agirait d'une fédération avec la Croatie. Pour ma

 24   propre gouverne, en tout cas c'est l'impression que j'ai eue, je me suis

 25   dit qu'il s'agirait alors d'une grande Croatie."


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  1   Monsieur Ashdown poursuit en disant qu'il avait eu pour autre

  2   interprétation que l'affaire était déjà faite, que l'accord était déjà

  3   passé. Cette séquence d'événement était déjà claire. Il apparaît de façon

  4   limpide que non seulement Tudjman a une idée très précise de ce qu'il

  5   attend, de ce qu'il veut de la République de Croatie. Manifestement, il

  6   est tout à fait prêt à discuter de la question avec des personnalités

  7   politiques d'envergure internationale.

  8   La question qui se pose est celle-ci : "Alors que les événements

  9   se produisaient en Bosnie centrale, est-ce que Tudjman avait oublié ceci,

 10   est-ce qu'il avait tout d'un coup oublié ses aspirations territoriales

 11   s'agissant de la République de Croatie, alors qu'il déployait des troupes

 12   depuis la République de Croatie à destination de la Bosnie-Herzégovine

 13   afin de combattre l'armée de Bosnie-Herzégovine, alors qu'il

 14   approvisionnait le HVO, dépêchait les officiers sur le terrain, des

 15   conseillers, des chefs d'état-major. Vous savez bien sûr qu'il n'avait

 16   bien sûr pas oublié. Les efforts développés par Tudjman relevait d'un

 17   effort concerté destiné à faire réaliser cette aspiration territoriale

 18   dans la Bosnie-Herzégovine qu'il voulait."

 19   Et comment y est-il parvenu ? Quelle mesure a-t-il pris pour

 20   parvenir à ses fins ?

 21   Là, bien sûr, nous ne parlons pas directement de la guerre en

 22   Bosnie-Herzégovine. Vous savez que très rapidement il y a eu une guerre

 23   courte en Slovénie et d'autres combats atroces dans d'autres parties de la

 24   République de Croatie où des villes, des localités de la République de

 25   Croatie telle que Vukovar ont été ravagées, dévastées par l'armée ou l'ex-


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  1   armée de la République de Yougoslavie. Mais là, nous avançons dans le

  2   temps. Nous arrivons vers la fin de 1991, début 1992. Nous assistons à une

  3   évolution, à un affinement de Tudjman pour ce qui est de sa politique en

  4   Bosnie-Herzégovine afin de vraiment parvenir à ses fins. Nonobstant les

  5   difficultés qui se font jour en République de Croatie en 1991, il sait

  6   malgré tout qu'au bout du compte, il résoudra ces difficultés et, très

  7   ouvertement, il se prépare à l'avenir.

  8   Nous assistons au développement d'une organisation qui apparaît

  9   en novembre 1991, à savoir la communauté croate d'Herceg-Bosna.

 10   Il est important d'examiner cette communauté croate de Herceg-

 11   Bosna dans son contexte, en novembre 1991, puisque le contexte est aussi

 12   évolutif.

 13   En novembre 1991, au moment où se crée la communauté croate

 14   d'Herceg-Bosna, il s'agit là d'une entité qui est différente de ce qu'est

 15   le parti HDZ en Bosnie. Le parti HDZ est un des partis politiques qui

 16   existe alors en Bosnie-Herzégovine, c'est le parti des Croates de Bosnie

 17   HDZ. C'est bien sûr le même parti que le parti de Tudjman en République de

 18   Croatie. A ce moment-là, le dirigeant du HDZ, dirigeant élu au sein du

 19   HDZ, était un homme qui répondait au nom de Stjepan Kljujic. Qui est cet

 20   homme ? Il est intéressant de remarquer que Stjepan Kljujic a déposé ou

 21   dépose aujourd'hui, ici, au deuxième étage, alors que nous sommes au

 22   premier.

 23   C'était un homme modéré. En quoi croyait-il ? Il croyait en une

 24   démarche politique multiethnique s'agissant de la Bosnie-Herzégovine. Ses

 25   convictions d'une possibilité de développement multiethnique ont été


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  1   malheureusement la raison de sa chute. Tout un croyant en cette

  2   multiethnicité, le pouvoir réel qui se trouvait derrière les Croates,

  3   c’est-à-dire Franjo Tudjman, lui, n'y croyait pas.

  4   Qu'a donc fait Tudjman ? Il a commencé, il s'est mis à éloigner,

  5   à démettre Stjepan Kljujic du poste qu'il occupait, qui était celui de

  6   dirigeant politique du parti HDZ en Bosnie-Herzégovine.

  7   Un certain temps s'est écoulé au terme duquel il a mis à sa

  8   place Mate Boban qui était le représentant consacré de Franjo Tudjman,

  9   qui, selon ses propres termes, était là pour réaliser la politique conçue

 10   par Franjo Tudjman et par le HDZ de Croatie.

 11   Permettez-moi de revenir à nouveau en huis clos partiel pour une

 12   minute ou deux. J'aimerais vous renvoyer, Messieurs les Juges, à une

 13   déposition précise à ce sujet.

 14   L'audience se poursuit en session à huis clos partiel.

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 14   L'audience se poursuit en session publique.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Merci. Ce à quoi nous assistons

 16   ici, Monsieur le Président, c'est la descente de la politique de Franjo

 17   Tudjman, sur le plan politique, dans les différents niveaux inférieurs, ce

 18   jusqu'à la communauté croate d'air d'Herceg-Bosna. Cette infiltration de

 19   la politique de Franjo Tudjman en arrive à l'élaboration de la politique

 20   de Boban et finalement de ses subordonnés, c'est-à-dire au niveau local,

 21   dans la zone commandée par Blaskic, au niveau de Dario Kordic.

 22   Ce qui est intéressant à constater, c'est que, très tôt dans la

 23   politique de la communauté croate d'Herceg-Bosna, très tôt dans la

 24   définition des objectifs politiques de l'Herceg-Bosna, nous assistons à la

 25   manifestation de points de vue nationalistes exprimés par Mate Boban et


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  1   Dario Kordic.

  2   J'aimerais maintenant passer à une autre pièce à conviction, la

  3   pièce 406 ; je crois qu'il s'agit d'une carte. J'aimerais que nous la

  4   placions sur le rétroprojecteur, pour que les Juges puissent la voir. Il

  5   s'agit plutôt d'une charte.

  6   Monsieur le Président, comme vous le voyez, il s'agit de cette

  7   pièce à conviction de l'accusation 406.2 : c'est un document dont une

  8   copie figure sur le chevalet, avec la version anglaise à gauche et à

  9   droite. Ce document est l'œuvre de Mate Boban et de Dario Kordic. Il porte

 10   la date du 12 novembre 1991.

 11   Ce document est la conclusion d'une réunion conjointe du comité

 12   régional de la Herzégovine et de Travnik, donc deux comités qui faisaient

 13   partie de la communauté croate d'Herceg-Bosna, l'un en Herzégovine,

 14   l'autre à Travnik. Ces deux comités se sont réunis et ont tiré des

 15   conclusions que l'on retrouve dans ce document.

 16   Je vous rappelle, Messieurs les Juges, qu'il s'agit du mois de

 17   novembre 1991, date à laquelle les points de vue de Mate Boban sont

 18   exprimés. Le premier point de ce document est très intéressant, très

 19   instructif. Il corrobore des témoignages que nous avons entendus et qui

 20   portaient sur la façon dont les dirigeants et les représentants locaux de

 21   la communauté croate d'Herceg-Bosna étaient en accord avec Franjo Tudjman

 22   dans leurs actions.

 23   Dans la deuxième phrase que nous voyons ici, nous lisons -je

 24   cite- : "Sur la base des conclusions adoptées à l'issue des réunions

 25   susmentionnées ou retenues dans l'accord passé à Zagreb, des conclusions


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  1   séparées, adoptées le 15 octobre 1991 à Grude, le 22 octobre 1991 à

  2   Busovaca et lors de cette réunion du 12 novembre 1991, ces deux

  3   communautés régionales ont décidé à l'unanimité que le peuple croate de

  4   Bosnie-Herzégovine, devait enfin opter pour une politique active et

  5   déterminée en vue de réaliser notre rêve éternel : un Etat croate commun".

  6   (Fin de citation.)

  7   Donc, dans les derniers mois de 1991, nous constatons par le

  8   biais des actes des subordonnés de Tudjman, nous constatons une

  9   intégration ; je ne dis pas que c'est le seul signe, mais nous n'avons

 10   qu'un seul document pour le prouver. Nous voyons en tout cas une

 11   intégration plus grande de ce désir d'annexion à la Croatie, à une

 12   expression plus claire de ce désir.

 13   Ensuite, nous pouvons passer à la lecture du point 2 de ce même

 14   document, d'une phrase du point 2. Je cite : "Nous devons montrer à

 15   l'Europe et au monde quels sont les territoires de Bosnie-Herzégovine qui

 16   sont croates et où réside notre avenir. Notre peuple n'acceptera, sous

 17   aucune condition, une quelconque autre solution qu'une solution contenue

 18   dans les frontières d'une Croatie libre." (Fin de citation.)

 19   Nous poursuivons la lecture de ce document. Nous voyons un autre

 20   élément qui nous relie directement à l'accusé, à savoir l'élément que

 21   constitue le choix de l'accusé en tant que commandant de la zone

 22   opérationnelle de Bosnie centrale par les hommes qui ont élaboré ce

 23   document. Ils le choisissent finalement comme chef du HVO.

 24   Au point 3 de ce document, nous lisons entre autres choses :

 25   "Afin de mettre en œuvre les conclusions énoncées aux deux premiers


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  1   points, nous devons définir clairement la politique du HDZ en Bosnie-

  2   Herzégovine, accroître le nombre de ses membres et choisir des personnes à

  3   même d'accomplir les tâches qui sont les siennes". (Fin de citation.)

  4   Donc sélectionner les personnes qui seront employées à

  5   l'application de la politique de la communauté croate d'Herceg-Bosna,

  6   c'est ce que ces hommes souhaitaient en novembre 1991 et c'est ce qu'il

  7   n'ont jamais cessé de souhaiter. Nous le verrons lorsque nous passerons à

  8   la chronologie de ces événements. Nous verrons que c'est pour cette raison

  9   précise qu'ils ont choisi l'accusé pour effectuer cette tâche. C'était

 10   l'homme et nous le constaterons lorsque nous examinerons la chronologie

 11   des événements. C'est la raison pour laquelle il a été choisi : parce

 12   qu'il a été perçu par les dirigeants politiques comme susceptible

 13   d'appliquer le programme souhaité.

 14   Monsieur le Président, j'ai l'intention maintenant d'entrer dans

 15   une partie importante de notre exposé. Je me demande si nous pouvons faire

 16   la pause ?

 17   M. le Président. – Bien sûr : pause de vingt minutes.

 18   L'audience, suspendue à 11 heures 20, est reprise à11 heures 55.

 19   M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

 20   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 21   Monsieur le Procureur, poursuivez.

 22   M. Kehoe (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

 23   Monsieur le Président, nous discutions de la pièce à conviction

 24   datant du 12 novembre 1991, avant la suspension. Cette pièce à conviction

 25   montre, de la part de Boban et de Kordic, l'expression d'un désir


Page 22916

  1   d'annexion destiné à créer une Etat croate commun, ainsi que le désir de

  2   sélectionner les hommes susceptibles d'appliquer ces objectifs et de mener

  3   ces objectifs à leur terme.

  4   L'expression la plus nette des motivations nationalistes que

  5   nous avons pu constater de la part des dirigeants en Bosnie centrale se

  6   retrouve dans la cassette vidéo du 16 janvier 1992, une cassette qui nous

  7   montre une allocution prononcée par Kordic, ainsi que par un autre

  8   dirigeant politique de haut niveau du HDZ et du HVO, Ignas Kostroman, lors

  9   d'une célébration marquant la reconnaissance de la République de Croatie

 10   par la communauté internationale.

 11   Lorsque nous étudions les évolutions des événements sur le

 12   terrain, lorsque nous examinons les opinions des responsables politiques

 13   de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, où l'accusé occupait le

 14   poste de commandant, il devient beaucoup plus aisé de comprendre de quelle

 15   façon le HVO a décidé d'utiliser des moyens militaires pour accomplir ces

 16   objectifs.

 17   Je sais que nous avons déjà diffusé cette cassette, mais nous ne

 18   l'avons pas fait dans le contexte des autres éléments qui ont déjà été

 19   abordés ce matin, ni d'ailleurs des autres éléments qui seront abordés

 20   plus tard dans mon exposé. Donc, Monsieur le Président, Messieurs les

 21   Juges, avec votre permission, j'aimerais demander que l'on diffuse une

 22   nouvelle fois cette cassette, la pièce à conviction de l'accusation 234,

 23   qui a été filmée au moment des célébrations du 16 janvier 1992. Le premier

 24   orateur est Dario Kordic et le deuxième est Ignas Kostroman.

 25   Je crois, Monsieur le Président, avoir fourni des exemplaires de


Page 22917

  1   cette pièce à conviction aux juges de cette Chambre par le truchement de

  2   M. Fourmy. Je demande que l'on commence la diffusion de cette cassette.

  3   M. le Président. – Je voudrais consulter mes collègues.

  4   (Les Juges se consultent sur le siège.)

  5   M. le Président. - Merci. Poursuivez, Monsieur le Procureur.

  6   M. Kehoe (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, avec

  7   votre permission, nous allons demander la diffusion de la pièce à

  8   conviction. Je prierai les techniciens de bien vouloir baisser les

  9   lumières avant la diffusion de cette cassette vidéo.

 10   (Diffusion de la cassette vidéo.)

 11   "Kordic : Permettez-moi de saluer, pour commencer, l'Etat

 12   indépendant de la Croatie.

 13   Le public : Vive la Croatie. Croatie, Croatie, Croatie.

 14   Dario Kordic : Croatie, Croatie.

 15   Le public : Croatie, Croatie, Croatie.

 16   Dario Kordic : – Ce rassemblement splendide et magnifique

 17   méritait les litres de sang et de sueur pour vivre enfin ce rêve vieux de

 18   neuf siècles du peuple croate, un Etat indépendant, souverain… (des termes

 19   inaudibles)… de dizaines de milliers… (des termes inaudibles)… et

 20   cinquante… (des termes inaudibles)…. Etat de Croatie.

 21   Si la nuit dernière, nous avons craint qu'il n'y ait pas de

 22   célébration ici, à Busovaca, beaucoup sont surpris aujourd'hui. L'esprit

 23   croate vit ici, à Busovaca. Ce rassemblement de ce soir est la preuve que

 24   la population croate de Busovaca fait aussi partie de la nation croate

 25   unie et montre que les Croates de l'Etat de Croatie… (termes inaudible)…


Page 22918

  1   frontière… (termes inaudibles).

  2   Les Croates de Busovaca vivent autant avec l'Etat de Croatie

  3   (son défectueux)…

  4   (Applaudissements du public.)

  5   Le public : Bravo, bravo !

  6   Dario Kordic : On a annoncé que les habitants de Kiseljak, de

  7   Kresevo, de Fojnica, de Vitez seraient nos invités ce soir. J'espère

  8   qu'ils viendront. Si certains d'entre eux sont arrivés, en attendant je

  9   les accueille chaleureusement et les remercie d'être venus nous rejoindre

 10   pour… (termes inaudibles)  notre rassemblement.

 11   (Applaudissements du public.)

 12   Lorsque je dis que le peuple croate a attendu neuf siècles

 13   pour.. (termes inaudibles)… nous devons nous rappeler les dizaines de

 14   milliers de morts et les nombreuses personnes en vie.. (termes

 15   inaudibles)… des siècles pour l'Etat croate. Pour tous ceux qui pendant

 16   des siècles ont sacrifié leur vie… (termes inaudibles)… pour leur patrie

 17   et les milliers de Croates qui ont perdu la vie dans la guerre pourrie

 18   lancée par l'agresseur, l'armée de la Grande Serbie contre la nation

 19   croate, je voudrais que nous observions une minute de silence pour le

 20   repos éternel de tous ces Croates qui ont donné leur vie pour que nous

 21   puissions vivre ce rêve aujourd'hui.

 22   Mon Dieu, donnez leur la paix éternel… (termes inaudibles)…

 23   Suite à ces quelques mots d'introduction relatifs à Busovaca,

 24   permettez-moi de dire à présent que cette communauté croate d'Herceg-Bosna

 25   qui englobe Busovaca, a également le droit de célébrer le grand jour de la


Page 22919

  1   création de l'Etat croate. J'ajouterai aussi qu'aujourd'hui nous devenons

  2   partie de… (termes inaudibles)… Yougoslavie dans laquelle… (termes

  3   inaudibles)… dans laquelle quatre Républiques… (termes inaudibles)… que le

  4   peuple croate ne fera pas partie d'une autre… (termes inaudibles)… c'est

  5   la terre croate et elle le restera.

  6   Ne m'en voulez pas si je manifeste quelque anxiété au cours de

  7   ce rassemblement et s'il ne m'arrive presque jamais de m'emporter, je suis

  8   maintenant un peu tendu. Je dois souligner deux choses : nous devons un

  9   grand remerciement à la nation allemande. Vive le peuple et l'Etat

 10   allemands qui nous ont beaucoup aidé.

 11   J'aurais dû commencer par mentionner sa Sainteté le Pape, mais

 12   que Dieu prête longue vit au Vatican et à l'église catholique.

 13   Si les mots prononcés la nuit dernière par notre grand ami, le

 14   responsable de la population croate de Vitez qui a dit [le bien va

 15   toujours au bien] sont exacts, j'aimerais les paraphraser. Le peuple et

 16   l'Etat allemands ont également rendu au peuple croate ce que celui-ci n'a

 17   jamais trahi durant l'histoire et aussi… (quelques mots inaudibles)… tout

 18   ce que… (quelques mots inaudibles)… de la chrétienté. Le peuple croate est

 19   toujours resté fidèle à sa foi en Dieu.

 20   Enfin, permettez-moi de dire que ceux qui n'ont pas cru qu'ils

 21   vivraient ce jour et d'ailleurs, au début, rare étaient ceux qui y

 22   croyaient, nous voyons aujourd'hui que le rêve impossible est devenu

 23   réalité et que l'appareil de la Grande Serbie s'est brisé sur le roc

 24   solide des guerriers croates qui ont fait montre d'un moral hors du commun

 25   et écrasé l'une des forces militaires les plus puissantes d'Europe. Le


Page 22920

  1   peuple croate a prouvé qu'il était et qu'il restera fort, et qu'il ne peut

  2   cesser d'exister aussi longtemps que… (quelques termes inaudibles) et que

  3   Dieu nous prêtera assistance. (Applaudissements.)

  4   Si nous donnons notre confiance à Dieu, or, les Croates ont foi

  5   en Dieu, alors… (quelque termes inaudibles) sur le sol croate de

  6   Medjugordje, juste avant les événements qui ont suivi la guerre et précédé

  7   l'instauration du système communiste, qui signifient que Dieu est aux

  8   côtés des Croates.

  9   Et, comme le dit le vieux salut croate : "Dieu et les Croates"

 10   et que l'Etat indépendant de Croatie vive à jamais !"

 11   Interprète - L'interprète lit la traduction officielle du

 12   transcript de la cassette vidéo.

 13   (Reprise de l'audition.)

 14   Le présentateur demande aux personnes présentes dans la salle de

 15   se déplacer vers l'avant de la salle, car elles sont quelque peu massées à

 16   l'arrière.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Nous allons maintenant entendre le

 18   deuxième orateur, Ignas Kostroman.

 19   (Reprise de l'audition.)

 20   "M. I. Kostroman : Citoyens de l'Etat de Croatie, il est

 21   difficile de s'exprimer au nom d'un tiers, de pénétrer dans les pensées et

 22   les cœurs de chacun, et de dire davantage que ce que nous ressentons tous

 23   ici pour exprimer ce qui nous réunit. Frères croates, notre rêve

 24   historique est un rêve multiséculaire et personne ne peut nous l'enlever !

 25   Le public : Bravo, bravo ! Oui !


Page 22921

  1   M. I. Kostroman : "Nous allons édifier un Etat qui sera l'Etat

  2   des citoyens, mais, avant tout, un Etat libre dans lequel nous aurons tous

  3   les mêmes droits et un Etat dans lequel nous pourrons dire librement que

  4   nous sommes Croates et que ceci est notre Etat croate.

  5   Le public : Bravo, oui.

  6   M. I. Kostroman : Ici, nous avons suivi l'exemple que nous a

  7   donné la Bible : "La clarté succède aux ténèbres". Tout comme dans la

  8   bible, nous avons été d'une certaine façon réduits au silence, au moment

  9   où nous pensions que le mal l'emporterait et nous nous sommes rendus

 10   compte que seul le bien pouvait l'emporter sur le mal. Notre force a

 11   résidé précisément dans la foi que nous avions dans notre unité. Grâce à

 12   la fois inébranlable que nous avons eue à l'égard de l'Etat à venir, à

 13   l'égard du Dieu de bonté qui nous a très certainement guidés, nous nous

 14   sommes taillé un Etat où ils avaient fait régner la haine, la discorde, et

 15   qui a subi le meurtre. C'est un Etat qui, aujourd'hui, est reconnu par le

 16   monde entier.

 17   Mais personne n'aurait connu la Croatie sans le sang versé pour

 18   elle. Personne ne l'aurait connue si nous n'avions pas vaincu d'une façon

 19   aussi digne. Aujourd'hui, le monde entier connaît la Croatie. Nous

 20   saisirons cette occasion, nous ouvrirons l'Etat à toutes les personnes

 21   animées de bonnes intentions et, dans le même temps, comme je l'ai dit il

 22   y a un instant, cet Etat sera notre cher Etat de Croatie, où chacun se

 23   sentira chez soi, au sein de sa famille, sans distinction ethnique ou

 24   religieuse.

 25   En même temps, à tous ceux qui… (quelques termes inaudibles) nos


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  1   droits, nous dirons qu'ils ne sont pas bienvenus et doivent chercher abri

  2   ailleurs.

  3   Je voudrais simplement ajouter quelques mots. Nous nous

  4   demandons aujourd'hui, ce qu'il en est du territoire de l'Herceg-Bosna. Je

  5   suis convaincu et je maintiens que nous faisons partie intégrante de

  6   l'Etat de Croatie.

  7   Le public : Bravo, bravo ! Croatie, Croatie, Croatie !

  8   M. I. Kostroman : Par tous les moyens, nous allons faire partie

  9   intégrante de notre cher Etat de Croatie.

 10   Le public : Bravo, bravo !

 11   M. I. Kostroman : Nous ferons tout, dans le cadre des

 12   pourparlers, pour être intégrés dans le grand état de Croatie. Il est fort

 13   probable que les frontières de notre Etat se situeront précisément dans

 14   ces régions. Nous sommes et resterons la meilleure garantie de ces

 15   frontières. Aujourd'hui, nous nous sommes tous réunis ici. Une

 16   cinquantaine d'autocars sont venus de Kiseljak, de Kresevo, de Fojnica ;

 17   plus de 200 à 300 voitures sont arrivées également, ce qui signifie que,

 18   réunis tous ensemble ici, nous partageons le même but.

 19   Frères croates, nous savons que vous combattez ici, et que vous

 20   méritez de nous recevoir en tant que vos hôtes, ce soir, au cours de cette

 21   célébration commune.

 22   Je souhaite prier tous les citoyens de l'Etat de Croatie

 23   d'éviter de susciter le moindre incident, de recourir à la moindre

 24   provocation pendant cette période intérimaire. Attaques et provocations

 25   seront probablement plus nombreuses que jamais. Ne provoquons l'ennemi


Page 22923

  1   d'aucune façon. Nous essaierons de faire en sorte, par la négociation, que

  2   les forces armées et ceux qui les accompagnent se retirent de ces régions.

  3   Le public : Bravo, bravo !

  4   M. I. Kostroman : L'armé serbe est l'agresseur : nous le disons

  5   depuis longtemps. Mais nous leur permettrons une retraite honorable, parce

  6   que ce n'est pas à eux qu'il appartient de défendre nos maisons et nos

  7   foyers.

  8   Le public : "Bravo, bravo !

  9   M. I. Kostroman : Pour la population qui demeure dans nos

 10   régions, on nous demande ce qu'il adviendra des Musulmans, des Serbes et

 11   de tous les autres. Nous pouvons répondre qu'il n'y a pas de raison de

 12   s'inquiéter, que ces personnes peuvent vivre dans cet Etat de Croatie, que

 13   personne ne touchera à un cheveu de leur tête s'ils nous acceptent comme

 14   frères, s'ils acceptent le fait d'être citoyens de l'Etat de Croatie.

 15   Le public : Bravo, bravo !

 16   M. Kostroman : Je saisis l'occasion qui m'est donnée ce soir

 17   pour vous accueillir au nom du président de l'Herceg-Bosna, M. Mate Boban,

 18   qui est à Sarajevo aujourd'hui et n'a pas pu se joindre à nous. Mais il

 19   nous envoie ses salutations et ses félicitations au cours de la présente

 20   célébration.

 21   Le public : Mate, Mate, Mate ! Dario, Dario, Dario !

 22   M. I. Kostroman : C'est un grand honneur pour moi d'accueillir

 23   nos dirigeants, notamment le vice-président de l'Herceg-Bosna, M. Dario

 24   Kordic, qui a certainement participé… (quelques termes inaudibles).

 25   Le public : Vive Dario !


Page 22924

  1   M. I. Kostroman : Je salue également ses compagnons les plus

  2   proches, notamment M. Ante Stipac, qui m'a précédé au micro et qui a sans

  3   aucun doute accompli une tâche considérable. Je tiens à souligner encore

  4   une chose : nous pensons qu'il n'y aura peut-être pas de conflit dans nos

  5   régions, si nous parvenons à conclure ce que j'appellerai des accords

  6   fraternels, en vue de fortifier pacifiquement les frontières de l'Etat de

  7   Croatie.

  8   Le public : C'est cela, c'est cela ! Bravo, bravo !

  9   M. I. Kostroman :  Si nous ne réunissons pas, vous savez que les

 10   frontières de tout Etat doivent être défendues. Tel sera le cas de ces

 11   frontières-ci. Nous sommes la meilleure garantie de leur protection.

 12   Le public : Bravo, bravo.

 13   M. I. Kostroman : Je le répète, je vous accueille sincèrement et

 14   vous remercie de tous les efforts que vous avez accomplis, de toutes vos

 15   actions, en particulier des actions de la population de Busovaca qui a

 16   beaucoup fait aussi pour les municipalité voisines. J'espère que nous

 17   persévérerons ensemble sur la voie de la liberté totale.

 18   Le public : Oui, oui.

 19   M. I Kostroman : Au revoir et merci."

 20   (Fin de l'audition.)

 21   M. Kehoe (interprétation). - Merci à la régie.

 22   Monsieur le Président, qu'avons-nous entendu ici une fois de

 23   plus ? Eh bien, c'est l'expression d'un programme nationaliste tel qu'il

 24   est formulé par deux des dirigeants politiques les plus importants de

 25   Bosnie centrale, qui avaient des liens avec la communauté croate d'Herceg-


Page 22925

  1   Bosna située à Grude.

  2   Sans parcourir le détail de ces allocutions, je crois que

  3   certains des commentaires formulés par Kordic et Kostroman méritent de s'y

  4   attarder. Kordic lui-même fait allusion à une zone dans laquelle il se

  5   trouve et la qualifie de l'Etat indépendant de la Croatie, alors qu'eux se

  6   trouvent à Busovaca, en Bosnie. Et ils décrivent cette région comme étant

  7   l'Etat indépendant de Croatie.

  8   Ceci est en soi déjà intéressant, car ceci exprime les ambitions

  9   territoriales qui sont sans doute les siennes. Toutefois, il y a une autre

 10   interprétation qui mérite d'être évoquée.

 11   Il utilise le terme "d'Etat indépendant de Croatie",  NDH en

 12   d'autres termes. C'était, bien sûr, l'Etat indépendant ; au cours de la

 13   Seconde guerre mondiale, c'était "le régime oustachi" qui était dirigé par

 14   le fantoche Ante Pavelic ; c'était bien sûr l'Etat qui collaborait avec le

 15   régime nazi pour persécuter la population, là et dans d'autres parties de

 16   la Yougoslavie. Il s'adresse à ces citoyens de l'Etat indépendant de

 17   Croatie et Kostroman les qualifie de citoyens de l'Etat de Croatie.

 18   La reconnaissance de la Croatie est, et je cite :

 19   "l'accomplissement, la réalisation d'un rêve historique". Cette idée du

 20   rêve historique, d'un destin ou d'une destinée historique, c'est un terme,

 21   un concept que l'on retrouve en filigrane de beaucoup des documents que

 22   vous aurez examinés et qui est repris, notamment dans la pièce 406.2, du

 23   12 novembre 1991, dans ce que disaient Boban et Kordic. C'est, bien sûr,

 24   ici, Kostroman qui parle de ce rêve historique, une fois de plus, cette

 25   réalisation de leur aspiration territoriale.


Page 22926

  1   Mais il est intéressant de voir que M. Blaskic fait de même.

  2   Même s'il n'est pas présent au moment de cette allocution, le 16 janvier

  3   1992, dans les documents qui vont s'ensuivre, il s'attache aussi à cette

  4   idée d'un rêve historique, d'un idéal ou d'une idée historique. Je vous

  5   renvoie à l'ordre d'attaque de Kiseljak, en date du 17 avril 1993, où vers

  6   23 heures 45, le 17, il donne l'ordre d'attaquer Kiseljak, qui devrait

  7   commencer à 5 heures 30, le lendemain matin. Ils donnent deux ordres. Si

  8   je peux me permettre de vous renvoyer à ceux-ci, vous vous souviendrez de

  9   la séquence des vêtements. Il donne un ordre vers 9 heures du matin,

 10   le 17, visant à ce qu'une attaque soit menée sur divers villages de

 11   Kiseljak. Puis, vers 23 heures 45, ce soir-là, il leur dit à quelle heure

 12   il faudra mener l'attaque le lendemain, c'est-à-dire à 5 heures 30.

 13   Mais que dit-il finalement au bas de ce document ? Il enjoint

 14   ses troupes à se souvenir de leur responsabilité historique. Qu'est-ce que

 15   cela veut dire ? Cela veut dire que c'est une responsabilité historique.

 16   Ceci est inscrit dans cette idée qu'il s'agit d'une terre croate et que

 17   "vous, mes soldats, mes éléments, mes brigades de Kiseljak, que j'envoie

 18   au combat, vous devez vous en souvenir, vous devez vous rappeler ces

 19   objectifs historiques que nous avons formulés. Il s'agit de votre

 20   responsabilité à vous de veiller à ce que ceci soit réalisé."

 21   C'est à cela que renvoyait Kostroman. Il voulait que l'on

 22   défende les frontières, même par la force si besoin en était.

 23   Ces deux idées sont indissociables. Et ce n'est pas une erreur

 24   qui a été commise par Blaskic lorsqu'il a utilisé ces termes, lorsqu'il a

 25   demandé à ses soldats de se souvenir de "leur responsabilité historique",


Page 22927

  1   troupes qu'il envoyait au combat.

  2   Passons rapidement en revue cette allocution de Kostroman. Nous

  3   avons là un homme qui était une figure de proue, un dirigeant participant

  4   au gouvernement de la Bosnie centrale, de cette région de Busovaca qui

  5   fait partie de façon indissociables de la Croatie. C'est bien, ce qu'il

  6   dit.

  7   Il nous ajoute que ceci va faire partie de la Croatie coûte que

  8   coûte. Qu'est-ce que cela veut dire "coûte que coûte" ? Est-ce que cela

  9   permet d'envisager, si c'est nécessaire, une action militaire ? D'après

 10   nous c'est vrai. Si on parcourt le reste de son allocution, il le

 11   corrobore. Il parle des frontières de la Croatie qu'il situe à cet endroit

 12   même où il se trouve à ce moment-là, en Bosnie centrale dans la

 13   municipalité de Busovaca. Kostroman dit que ceci constituera l'une des

 14   frontières de la Croatie. Il dit que c'est une période transitoire.

 15   Quel est le rôle que joueraient les Serbes et les Musulmans qui

 16   resteraient sur le territoire, après que cette partie de la Bosnie soit

 17   devenue une partie de la Croatie ? Il dit que c'est intéressant. Ils

 18   peuvent rester tant qu'ils reconnaissent le fait que c'est là un

 19   territoire croate, que c'est la Croatie et que, eux, sont aussi des

 20   citoyens de Croatie. Il termine son allocution en disant : "Nous, les

 21   Croates, nous sommes les meilleurs garants de nos frontières et nous

 22   ferons ce qu'il faut faire pour les défendre ces frontières." Car il sait

 23   qu'elles doivent être défendues. Est-ce là un discours, une allocution

 24   isolée ? Non.

 25   Si vous me permettez de passer à huis clos partiel pour formuler


Page 22928

  1   un bref commentaire avant de revenir en audience publique, nous pourrons

  2   parler de ce témoignage et d'autres témoignages pour inscrire ce discours

  3   dans le programme politique de la communauté croate de Herceg-Bosna.

  4   L'audience se poursuit en session à huis clos partiel.

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

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 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


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  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   L'audience se poursuit en session publique.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Suite à cette allocution de

  5   janvier 1992, se succèdent des événements cataclysmiques qui font bien sûr

  6   que la Bosnie-Herzégovine est déchirée entre les différentes entités. A ce

  7   moment-là, se déclenchent des opérations de combats avec l'armée de la

  8   RSFY, la JNA. Nous évoluons dans le temps, nous sommes en février, mars

  9   même avril. Les combats se poursuivent et au début d'avril 1992, après que

 10   la République de Bosnie-Herzégovine a déclaré son indépendance au mois de

 11   mars, un ordre est émis, est donné par le Président Izetbegovic, le 8

 12   avril 1992, par lequel il dit ceci : "Je démantèle les structures de la

 13   Défense territoriale qui existaient sous l'ancien régime dans le cadre de

 14   la RSFY et les forces militaires destinées à protéger la Bosnie-

 15   Herzégovine seront la Défense territoriale nouvellement constituée".

 16   Se déclenche alors toute une série d'événements particulièrement

 17   intéressants qui met en place le plan ou une idée de ce que veut cette

 18   communauté croate d'Herceg-Bosna. Le 7 avril 1992, Franjo Tudjman

 19   reconnaît l'existence d'une République de Bosnie-Herzégovine. Ce faisant,

 20   il accorde la citoyenneté aux Croates de Bosnie en République de Bosnie-

 21   Herzégovine.

 22   Ceci a constitué un facteur très déstabilisant sur le climat

 23   politique et sur la situation politique en République de Bosnie-

 24   Herzégovine. Le lendemain, le 8 avril 1992, le HVO est créé par la

 25   communauté croate de Herceg-Bosna. Entité militaro-politique, ou politico-


Page 22930

  1   militaire, qui englobe tout le cadre, toutes les structures politiques de

  2   la communauté croate de Herceg-Bosna. Le 10 mai se succède toute une

  3   séquence d'événements qui met en exergue effectivement ce dualisme dans la

  4   politique de la République de Croatie. J'aimerais placer sur le

  5   rétroprojecteur un premier document du 10 mai, ordre exécuté par le

  6   Président Mate Boban en réponse à l'ordre donné par le Président

  7   Izetbegovic aux fins de constitution de la Défense territoriale.

  8   Excusez moi, j'ai parlé du 10 mai, il s'agit du 10 avril.

  9   Ordre en date du 10 avril 1992, lequel rejette la décision prise

 10   par le Président Izetbegovic. Et le 10 avril, je le précise, le Président

 11   Boban remarque ceci. "La présidence de la communauté croate de Herceg-

 12   Bosna a pris une décision selon laquelle le commandement de ces unités est

 13   le seul apanage du HVO. Cette entité est le seul organe légal et seule son

 14   appellation est officielle. Le HVO dispose d'un état-major principal,

 15   d'états-majors municipaux, et chacune des municipalités de la communauté

 16   croate de Herceg-Bosna, à partir d'aujourd'hui, 10 avril 1992, signifie

 17   que le HVO et son état-major principal ne communiquera qu'avec les états-

 18   majors municipaux". Cette dernière phrase, montre à la perfection pourquoi

 19   le HVO a été constitué et quels étaient ses projets.

 20   Boban écrit ceci : "Toutes les autres formations militaires se

 21   trouvant sur le territoire de la communauté croate d'Herceg-Bosna seront

 22   ou illégales ou hostiles. Toutes les autres appellations, tous les autres

 23   noms ne seront plus utilisés officiellement". Ce qui veut dire que cet

 24   état, au sein de l'Etat de la communauté croate de Herceg-Bosna, a pris

 25   sur lui de déclarer illégale la Défense territoriale dès le 10 avril 1992,


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  1   c'est-à-dire deux jours après la création de cette entité de la Défense

  2   territoriale par le Président Izetbegovic et la présidence collégiale.

  3   Que se passe-t-il d'autre ce jour-là, le 10 avril 1992, en

  4   rapport avec ces événements ?

  5   Ceci nous montre une fois de plus le dualisme, cette dualité

  6   dans la politique de Tudjman, les efforts qu'il a déployés pour mieux

  7   asseoir la position qu'il avait en Bosnie-Herzégovine. Alors que Boban

  8   déclare illégale la Défense territoriale, le 10 mai Tudjman désigne le

  9   général Bobetko pour qu'il opère sur le front du Sud, ceci dans un ordre

 10   en date du 10 avril 1992.

 11   Mon confrère me dit qu'une fois de plus, j'ai parlé du 10 mai,

 12   c'est bien sûr le 10 avril qu'il faut entendre.

 13   Mais, que constatons-nous dans cet ordre du 10 avril 1992,

 14   aussitôt après la formulation de cet ordre ? De nombreux soldats de la

 15   République de Croatie, de la HV, sont transférés dans les unités du HVO et

 16   dans la communauté croate de Herceg-Bosna. Cet engagement singulier de la

 17   HV, cette participation au sort du HVO et à la communauté croate d'Herceg-

 18   Bosna fera l'objet de discussions plus approfondies par Me Cayley. Je ne

 19   veux pas ici anticiper et vous importuner par trop détails puisque ceci

 20   nous renvoie à la question du conflit armé international au titre de

 21   l'article 2 du Statut.

 22   Il n'empêche que, outre ces répercutions, les implications

 23   juridiques, les implications factuelles sont énormes. Que voyons-nous

 24   ici ? Et qu'avons-nous examiné au fil du temps ? C'est le fait que toute

 25   une série de chefs d'état-major au sein du HVO sont désignés, sont nommés.


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  1   Ce sont des soldats pratiquement de la République de Croatie.

  2   Commençons par Milivoj Petkovic. De lui, nous passons à Slobodna

  3   Praljak. De lui, nous passons à Ante Roso et nous revenons au Général

  4   Petkovic pendant un instant. Tous ces officiers viennent de la HV, sont

  5   versés dans le HVO et retourneront à la HV, une fois l'exécution de leur

  6   service faite. Mais ce sont, bien sûr, les trois plus connus. Il y en a

  7   d'autres, cela va de soi, que vous aurez entendu mentionner au cours de la

  8   présentation des éléments de preuve, personnes qui furent également

  9   déployées dans la région.

 10   Il est intéressant de constater que la général Bobetko émet des

 11   ordres au cours de cette même période, parfois avec l'en-tête du HVO et

 12   parfois avec l'en-tête de la République de Croatie. Il ne semble pas y

 13   avoir de distinction entre ces deux entités militaires, ce qui force à

 14   conclure que ce n'est qu'une et seule même entité dirigée du même endroit

 15   ou du même pouvoir et dotée des mêmes politiques.

 16   Au milieu de tout ceci, au sein de cette stratégie préparée et

 17   planifiée par la République de Croatie, par Tudjman, de concert avec la

 18   communauté croate d'Herceg-Bosna, ceci se déroule au début du mois d'avril

 19   1992 et nous voyons l'arrivée de l'accusé. Et tout ceci se produit dans

 20   les premières semaines d'avril 1992. Je vous l'ai fait remarquer, le HVO

 21   est créé le 8 avril 1992. Qui est censé apparaître dans le cadre de ces

 22   activités planifiées et préparées qui sont en train de se produire ? Eh

 23   bien, personne d'autre que l'accusé.

 24   Blaskic nous a dit, dans le cadre de sa déposition, qu'il était

 25   arrivé à Zagreb le 6 avril 1992. Il venait de Vienne. Il a passé la nuit


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  1   et puis, il avait l'intention de poursuivre sa route jusqu'à Kiseljak, le

  2   lendemain. Si ses plans s'étaient réalisés comme il les avait prévus,

  3   Blaskic serait arrivé à Kiseljak soit la veille ou le jour même de

  4   l'établissement du HVO. Du fait des circonstances et du fait du travail

  5   qu'il avait fait au sein de la JNA précédemment, il a été arrêté,

  6   incarcéré pendant un certain temps par la JNA, ce qui a retardé son

  7   arrivée à Kiseljak. Il n'est arrivé sur place que dans la deuxième semaine

  8   d'avril.

  9   Je crois qu'il faut revenir à sa déposition pour voir quels

 10   étaient ses projets, son plan. Monsieur Blaskic était censé arriver à

 11   Kiseljak, le même jour ou au même moment où Petkovic est arrivé au HVO, au

 12   moment où Pepenko est envoyé sur le front du sud, au moment même où le HVO

 13   est créé. Est-ce là un pur hasard ? Je ne le crois pas.

 14   Je vous fais valoir que ce qui se passe à ce moment-là et la

 15   façon dont l'accusé habille un peu la vérité à cet égard, c'est qu'il

 16   savait pertinemment bien quel était l'ordre du jour, ce qui allait se

 17   passer à son arrivée en Bosnie centrale et dans l'ensemble de la Bosnie.

 18   Lorsqu'il nous a dit qu'il n'était pas au courant, qu'il n'était pas

 19   conscient de ce qui était préparé, de ce qui allait se produire,

 20   j'avancerai que ce n'est là qu'une des nombreuses non-vérités qui ont été

 21   soumises par l'accusé à ses juges alors qu'il était sous serment.

 22   Cependant, son arrivée intervient au cours de la deuxième

 23   semaine d'avril 1992 et elle est suivie très rapidement de sa désignation

 24   par l'état-major municipal au poste de commandement des forces armées du

 25   HVO. Même pas deux semaines, un peu plus d'une semaine à peine, et déjà il


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  1   est à des postes de commandement.

  2   Lorsque que M. Blaskic est en place, je pense qu'il commence à

  3   opérer vers le 23 avril 1992, que voyons-nous ? Eh bien, c'est

  4   l'expression de la politique de la communauté croate de Herceg-Bosna.

  5   Rappelez-vous que le 10 avril 1992, nous avons déjà vu que la Défense

  6   territoriale était déclarée illégale. Que va-t-il s'ensuivre au cours des

  7   semaines suivantes ?

  8   A certains endroits, et sans nul doute à Kiseljak, Vitez et

  9   Busovaca, nous assistons à la prise du pouvoir dans ces municipalités par

 10   le HVO. Nous assistons à une marginalisation croissante des Musulmans de

 11   Bosnie au plan politique, au plan culturel, au plan économique et, sans

 12   nul doute, au plan militaire. Politiquement, que se passe-t-il ?

 13   Il y a la création des cellules au comité de crise où finalement

 14   les Croates de Bosnie ont gagné toutes les voix et où les Musulmans ont

 15   été écartés. Puis, nous avons la création ou l'introduction de ce que l'on

 16   appelle la langue des Croates de Bosnie, de la devise puisque tous les

 17   prix doivent être affichés en dinars croates ; il y a des programmes

 18   scolaires supplémentaires en provenance de Zagreb qui sont enseignés en

 19   fonction des préceptes édictés par Zagreb.

 20   Alors que tout ceci se produit, la personne qui veille au succès

 21   des Croates de Bosnie dans la mise en place de ce plan, et notamment à

 22   Kiseljak, c'est l'accusé. C'est lui qui est le commandant militaire à tout

 23   moment et qui veille à l'exécution de ces projets. Si nous voyons la

 24   séquence des événements peu de temps après son arrivée, il est aisé de

 25   voir quelle est sa philosophie, en tout cas l'expression de sa pensée,


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  1   laquelle est tout à fait conforme à ce qui est fait par les dirigeants

  2   politiques de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

  3   Gardons ceci à l'esprit. Ici, nous parlons simplement de

  4   Kiseljak, mais ces mêmes événements se répercutent sur tout le territoire

  5   de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Messieurs les Juges, vous aurez

  6   entendu de nombreux éléments de preuve relatifs à Busovaca, Vitez, Mostar

  7   ou ailleurs.

  8   La première séquence des événements dans le droit fil des

  9   accords de Karadjordjevo de Milosevic et Tudjman, c'est une réunion

 10   similaire d'ailleurs qu'a Mate Boban avec Radovan Karadzic. A ce moment-

 11   là, Radovan Karadzic est, bien entendu, le dirigeant des Serbes de Bosnie

 12   et il sera le Président de la Republika Srpska, le bras militaire de la

 13   Republika Srpska. Il est désigné un accord, est désigné sous le sigle de

 14   VRS. En tout cas, un accord est conclu le 6 mai 1992 par lequel toutes

 15   leurs différences sont résolues, sont aplanies. C'est du moins ce que dit

 16   le communiqué officiel que nous avons versé au dossier. Nous parlons bien

 17   sûr ici des différences existant entre les Croates et les Musulmans de

 18   Bosnie. Ceci se passe le 6.

 19   Le lendemain, en tout cas le 8 mai 1992, un ordre est émis par

 20   l'état-major principal de la communauté croate d'Herceg-Bosna signé de la

 21   main du général Ante Roso. Peut-on placer ceci sur le rétroprojecteur ?

 22   Avant d'étudier ce document, on peut dire qu'Ante Roso est un

 23   personnage tout à fait captivant dans l'ordre des choses. Nous allons

 24   davantage entendre parler de lui, mais à ce moment-ci, il est officier

 25   dans l'armée de la République de Croatie. Vous avez vu les éléments de


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  1   preuve qui sont vraiment au-delà de tout doute raisonnable. Il est prouvé

  2   à ce moment-là que, le 8 mai 1992, il fait partie de la HV. Que fait-il,

  3   ce Roso ? Il émet un ordre, le 8 mai 1992, où il dira ceci. Je ne vais pas

  4   vous donner lecture de la totalité de cet ordre :

  5   "1°. Les seules unités militaires légales déployées sur le

  6   territoire de la communauté croate d'Herceg-Bosna sont des unités du HVO.

  7   2°. Toute autre unité militaire se trouvant sur ce territoire

  8   doit rejoindre le système de défense unique et accepter l'état-major

  9   principal du HVO comme étant leur commandement suprême”.

 10   Nous passons au point 5 : “ Cet ordre remplace tous les ordres

 11   donnés par le commandement de la Défense territoriale, laquelle sera

 12   considérée comme illégale sur ce territoire" .

 13   Il s'agit ici d'un ordre qui parvient à l'état-major principal

 14   et que reçoit Blaskic. Il le met en exécution. Or, c'est l'homme qui nous

 15   a dit qui, dans l'esprit d'accommodation des Musulmans de Bosnie, a tout

 16   fait pour parvenir à atteindre la réconciliation et la cohabitation. Mais

 17   cela n'est pas vrai.

 18   Consultons la pièce 502. La pièce 502 est l'ordre qu'il a émis

 19   lui-même le 11 mai. Il est très difficile de lire sur le rétroprojecteur,

 20   alors je vais essayer de passer très rapidement sur le document. Il s'agit

 21   d'un ordre qu'émet Blaskic suite à l’ordre de Roso. Nous avons Blaskic à

 22   Kiseljak qui suit l'ordre qui émane d'un général, qui est un officier de

 23   la République de Croatie. Ici, vous voyez dans l'en-tête : “ Sur la base

 24   de l'ordre reçu par l’état-major ” et suit le numéro de référence. C’est

 25   le numéro de référence de l’ordre de Roso, 01331/92, dans la pièce 584.


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  1   Il est dit, ici, premièrement : “ Toutes les unités militaires

  2   dans la municipalité de Kiseljak, les seules unités légales sont les

  3   unités du HVO ”.

  4   Nous passons au point 5 où il est dit en fonction de cet ordre :

  5   “ Tous les ordres de la Défense territoriale ne seront plus valides et la

  6   Défense territoriale dans cette zone sera considérée comme illégale ”.

  7   Je suis donc sûr que nous pouvons être d’accord sur le fait

  8   qu’il ne s'agit pas d'une série d'ordres que l'on pourrait émettre afin

  9   d'assurer la coexistence des peuples. Cela correspond davantage avec le

 10   plan, ou correspond parfaitement avec le plan de la communauté croate

 11   d’Herceg Bosnie de prendre le pouvoir. Alors comment pouvons-nous le

 12   savoir ? Nous ne le savons pas uniquement grâce à ce qu’écrit Blaskic,

 13   mais grâce aussi à ce qu’il dit.

 14   Si M. Hooper peut nous aider, nous pouvons consulter à présent

 15   la pièce, le communiqué de l’AFP, qui est la pièce 545. Plusieurs extraits

 16   existent de cet entretien, qui date du même jour que l'ordre qu'il a

 17   rédigé et qui concerne la Défense territoriale.

 18   M. Blaskic émet donc un certain nombre d’ordres pour rendre plus

 19   claires ces positions politiques à l’époque. Il dit dans cette pièce à

 20   conviction : "Tihomir Blaskic, qui dirige les force du HVO à Kiseljak,

 21   explique que la région est pacifique parce que les Serbes ne représentent

 22   que 3 % de la population dans la ville et n’ont aucune prétention sur ce

 23   territoire".

 24   En ce qui concerne les combats à Sarajevo et le gouvernement de

 25   la Bosnie-Herzégovine à Sarajevo, il est dit qu'il n'a aucune légitimité


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  1   ici. “ Kiseljak fera partie d'un canton croate qui regardera plutôt vers

  2   l'ouest que vers l'est ”, a déclaré Tihomir Blaskic. “Sa proximité de

  3   Sarajevo n'a jamais apporté grand-chose à notre ville de toute façon”, a-

  4   t-il déclaré.

  5   J'aimerais maintenant vous donner lecture d'une partie de la

  6   déposition d'un autre témoin. Voilà ce qu'a dit ce témoin au sujet d'une

  7   autre personnalité de la structure, de l'appareil du HVO. Ce témoin a

  8   dit : “ Il ne pouvait pas accepter la constitution de la Bosnie-

  9   Herzégovine ni sa capitale Sarajevo ”. Ces propos pourraient être

 10   prononcés par Blaskic, puisqu'il a dit que le gouvernement de Sarajevo

 11   n'avait pas légitimité ici. Il aurait très bien pu dire qu’il n’acceptait

 12   pas la constitution de la Bosnie-Herzégovine ni sa capitale Sarajevo.

 13   Cette dernière citation provient d'une conversation entre Ed Vulliamy,

 14   journaliste du Gardian et Mate Boban. Mate Boban a dit à Vulliamy qu'il ne

 15   pouvait pas accepter la Constitution de la Bosnie-Herzégovine ni sa

 16   capitale Sarajevo. C'est pratiquement la même chose que ce que disait

 17   Blaskic au représentant de l'AFP autour du 11 mai 1993.

 18   Quel est l'effet de tout cela ? Cela remet en cause de façon

 19   grave la vérité. Il semblerait qu'il y ait déguisement de la vérité.

 20   M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous parlez de la date du

 21   11 mai 1993 ?

 22   M. Kehoe (interprétation). – Excusez-moi, il s'agit du 13

 23   mai 1992. Je vous prie de m’excuser. Il m'arrive, dans mon exposé, de

 24   faire juxtaposer les dates dans mon esprit et je m’exprime parfois de

 25   façon confuse. Ce que je voulais dire, c’est que l'article de l'Agence


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  1   France Presse date de 1992, bien entendu. Le commentaire entendu par

  2   M. Vulliamy de la bouche de Mate Boban date du 13 août 1992. L'année est

  3   bien celle de 1992. Je vous prie tous de m'excuser pour ces confusions au

  4   niveau des chiffres.

  5   Quoi qu’il en soit, ces deux commentaires se situent

  6   pratiquement au même moment. Pour l'essentiel, ils proposent la même idée,

  7   à savoir que, sur le territoire croate, le pouvoir du gouvernement de la

  8   République de Bosnie-Herzégovine est pratiquement inexistant, alors que

  9   ces événements se déroulent à Kiseljak. Je parle de la marginalisation des

 10   Musulmans, de la déclaration d'illégalité de la Défense territoriale,

 11   Monsieur le Président, Messieurs les Juges ; vous avez vu d'autres

 12   éléments de preuve qui vous indiquent que le même genre de choses se

 13   produit dans d'autres localités, et notamment à Busovaca.

 14   J'aimerais maintenant que nous passions à la pièce à

 15   conviction 208, ordre émanant de Dario Kordic. Je ne crois pas que vous

 16   pourrez le lire sur le rétroprojecteur.

 17   En fait, à la deuxième page du document, cela est indiqué. Ce

 18   qui est intéressant, c’est que, deux jours après l'ordre d’Ante Roso du

 19   8 mai, à la date du 10 mai 1992, Kordic donne l'ordre suivant -je cite le

 20   point 3 de cet ordre- : "Toutes les formations paramilitaires de ce que

 21   l’on appelle la Défense territoriale, ainsi que les autres formations, se

 22   voient soumises à l’ultimatum de restituer toutes les armes en leur

 23   possession avant dimanche à 12 heures, à moins qu'elles n'acceptent de se

 24   placer sous l'autorité du HVO, ce qui inclut le port des insignes des

 25   HVO". 


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  1   Alors que la marginalisation des Musulmans se produit dans toute

  2   la zone opérationnelle de Bosnie centrale, Blaskic poursuit l’objectif

  3   consistant à faire de même au nom du HVO dans la région de Kiseljak et

  4   d'appliquer les ordres de Dario Kordic dans la région où il se trouve.

  5   Nous avons des éléments de preuve (la pièce à conviction 631 notamment)

  6   qui montrent que ces ordres doivent être exécutés ; et, dans la même

  7   période, des combats éclatent entre la Défense territoriale et le HVO, ce

  8   qui n'étonne personne puisque le HVO a pris des mesures pour mettre hors-

  9   la-loi l'organe créé par le président Izetbegovic, président de la Bosnie-

 10   Herzégovine.

 11   Les combats se développent pendant toute cette période et ce que

 12   nous avons pu constater à l'audition des témoins qui ont parlé du mois de

 13   mai et du mois de juin de cette année-là, c'est la prise du pouvoir par le

 14   HVO, en tout cas dans la municipalité de Kiseljak, pendant que Blaskic s'y

 15   trouve. Le 25 juin 1992, déjà, la totalité de la structure politique de

 16   Kiseljak est désormais sous le contrôle du conseil exécutif du HVO. C'est

 17   donc un organe exécutif du HVO qui est aux commandes dans la municipalité

 18   de Kiseljak aux environs du 25 juin 1992.

 19   Alors, au vu de ces succès, au vu de tout ce qui s'est passé, au

 20   vu du contrôle exercé désormais par le HVO à Kiseljak, on peut se demander

 21   quel est le sort de l'accusé. Qu'est en train de vivre Tihomir Blaskic ?

 22   Eh bien, il vit une promotion. Le 27 juin 1992, Blaskic pénètre dans une

 23   salle où se déroule une réunion entre Mate Boban, le général Roso et le

 24   général Milivoj Petkovic. C'est au cours de cette réunion du 27 juin 1992

 25   que Blaskic se voit promu au poste de commandant par le général Roso, pas


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  1   par Mate Boban, pas par ce que l’on appelle le chef d'état-major du HVO,

  2   Milivoj Petkovic, mais par un général croate qui lui confère le

  3   commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Là encore, nous

  4   avons assisté à un certain déguisement de la vérité par l'accusé dans sa

  5   déposition.

  6   Le 27 juin 1992, Blaskic accepte donc le grade de colonel et le

  7   poste de commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Nous

  8   avons vu l'ordre en date du 8 mai 1992 du général Roso qui a été appliqué

  9   par Blaskic. Avant le 27 juin 1992, Blaskic nous dit avoir reçu environ

 10   une dizaine d'ordres d'Ante Roso.

 11   Monsieur le Président, à ce moment-là, vous avez alors demandé

 12   au témoin quel était le rôle joué par Ante Roso dans la structure du HVO ?

 13   Que vous a répondu Blaskic ? Il vous a répondu : "Je ne sais pas ”. Il

 14   appelait l'un des ordres les plus importants émanant du grand quartier

 15   général du HVO à l'époque, à savoir l'ordre rendant illégale la Défense

 16   territoriale ; il reçoit une dizaine d'autres ordres d’Ante Roso qu'il

 17   applique en bon soldat. En dépit de cela, il dit dans sa déposition, sous

 18   serment, devant cette Chambre de première instance, qu’il ne connaissait

 19   pas le rôle joué par Ante Roso dans le grand quartier général.

 20   Pourquoi a-t-il dit cela ? Il l'a dit parce que, dans sa volonté

 21   de déguiser la vérité, il ne souhaitait pas témoigner véridiquement devant

 22   cette Chambre pour dire qu’un général de l’armée de la République de

 23   Croatie lui donnait des ordres et que lui suivait ces ordres. Il ne

 24   souhaitait pas dire qu'un général de brigade de l’armée de la République

 25   de Croatie lui avait donné le grade de colonel et avait délimité le


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  1   territoire sur lequel il allait exercer son commandement. Blaskic

  2   connaissait très bien les conséquences que pouvait avoir un témoignage

  3   véridique au sujet du fait que le HVO était intégré de façon aussi intime

  4   aux affaires quotidiennes du HVO.

  5   Un témoignage disant que la HV, l'armée de la République de

  6   Croatie était impliquée aussi intimement avec les affaires quotidiennes du

  7   HVO. C’est la raison pour laquelle Blaskic n’a pas manifesté la volonté de

  8   dire à cette Chambre de première instance qu’un officier de l'armée de la

  9   République de Croatie, de la HV, lui donnait des ordres et qu'il suivait

 10   ces ordres.

 11   J'affirme ici que le fait que Blaskic n'ait pas identifié Ante

 12   Roso comme officier de l'armée de la République de Croatie a constitué un

 13   mensonge.

 14   J’aimerais maintenant que nous consacrions quelques brefs

 15   instants…  Monsieur le Président, j'aurais besoin de quelques instants à

 16   huis clos partiel, car nous passerons quelque temps à parler du fait que

 17   Blaskic s’est vu conférer ce nouveau poste dans la zone opérationnelle de

 18   Bosnie centrale. Je dépasserais donc 13 heures.

 19   M. le Président. - Nous le ferons peut-être après la pause du

 20   déjeuner.

 21   M. Kehoe (interprétation). - Comme vous voulez, Monsieur le

 22   Président.

 23   M. le Président. - Nous reprenons nos travaux à 14 heures 30.

 24   L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.

 25   M. le Président. - L'audience est reprise.


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  1   Faites entrer l'accusé. Monsieur le Procureur, vous aviez

  2   demandé un huis clos partiel pour quelques minutes n'est-ce pas ?

  3   M. Kehoe (interprétation). - Exactement, Monsieur le Président.

  4   Je voulais introduire et présenter ce domaine-ci en particulier.

  5   L'audience se poursuit en session à huis clos partiel.

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 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   L'audience se poursuit en session publique.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Au fil du temps, après la

 17   nomination de M. Blaskic au poste de commandant de la zone opérationnelle

 18   de Bosnie centrale, la population musulmane continue d'être soumise,

 19   d'être placée sous le joug sur tout le territoire de l'Herceg-Bosna. Il y

 20   a eu des conflits tels que celui de Kiseljak et de Dure, par exemple, où

 21   Blaskic était présent. Monsieur Blaskic a déposé pour dire que c'était

 22   l'homme qui arrangeait les choses, qui essayait toujours de parvenir à une

 23   coexistence. Il nous a parlé de toutes ces tentatives dans ce sens. Ce

 24   qu'il ne nous a pas dit, c'est que quand le commandant de la Défense

 25   territoriale de Kiseljak, Sead Sezianbasic a été arrêté et emmené à


Page 22947

  1   Busovaca, lorsque Blaskic a reçu pour instruction d'assurer sa libération

  2   dans les 24 heures, le commandant de la défense territoriale, Sead

  3   Sezianbasic est resté en détention de 25 à 28 jours. Le résultat final est

  4   que la défense territoriale, militairement, était décapitée et que toute

  5   confrontation militaire avec la défense territoriale de Kiseljak, suite à

  6   cet événement, était quelque chose du passé.

  7   Nous avons donc non seulement la tentative visant à assurer la

  8   libération de Sead Sezianbasic, tâche qui a été confiée à son allié

  9   fidèle, Anto Sliskovic, c'est ce même individu à qui il avait confié la

 10   charge de mener l'enquête portant sur Ahmici et c'est la personne précise

 11   qu'a envoyée M. Blaskic pour assurer la libération de M. Sead Sezianbasic,

 12   le même Sead Sezianbasic qui est resté en détention de 25 à 28 jours.

 13   Sans passer en revue tout ce qui s'est passé dans ces

 14   différentes municipalités, je crois que la pièce suivante que nous allons

 15   vous soumettre va vous montrer exactement à quel point le HVO et

 16   M. Blaskic ont réussi à s'assurer le pouvoir dans divers territoires de la

 17   zone opérationnelle de Bosnie centrale. Passons à la pièce suivante qui

 18   n'est que la première page de la pièce 456/1.09. Dans le compte rendu

 19   d'audience, on parle de la pièce 456/95, c'est la même pièce. Je vais

 20   demander à M. Hooper de nous aider en posant cette première page sur le

 21   chevalet.

 22   Nous avons ici le procès-verbal d'une réunion du HVO dans les

 23   municipalités de Bosnie centrale, en date du 22 septembre 1992. Qui sont

 24   les présidents de la séance ? Kordic, Valenta, Tihomir Blaskic et Ignas

 25   Kostroman. Blaskic nous a dit que ce n'était pas un homme politique, qu'il


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  1   n'avait pas signé ce document. Je crois toutefois qu'il est significatif

  2   de voir de quelle façon ces autres personnalités ont réagi à Blaskic.

  3   Kordic, Kostroman et Valenta avaient suffisamment de confiance en leur

  4   avis, l'avis qu'ils avaient sur Blaskic, pour le décrire comme faisant

  5   partie de cette présidence de travail du HVO en Bosnie centrale. Quels

  6   étaient les points à l'ordre du jour ? Dans une réunion à laquelle il a

  7   assisté, lui, M. Blaskic, le premier point est tout à fait significatif :

  8   mise en œuvre de décisions visant à établir l'autorité, les pouvoirs du

  9   HVO.

 10   Ne passons pas en revue la totalité de ce document, mais voyons

 11   les municipalités les plus intéressantes, page 2 de ce document.

 12   A Vitez, quelle est leur évaluation de cette situation ? Il y a

 13   encore deux types d'autorité, possibilité de confrontation entre Musulmans

 14   et Croates. Parce que le HVO est en train de prendre le pouvoir.

 15   Busovaca : l'autorité du HVO est établie le 9 mai 1992. Le HVO

 16   est la seule autorité sur place. Kiseljak : contrôle complet entre les

 17   mains du HVO. Autorité dominante au point de vue militaire : le HVO.

 18   Ces dernières observations, concernant les municipalités, en fin

 19   de document, parlent d'elles-mêmes. Il y a un événement tout

 20   particulièrement significatif. Dans cette dernière partie du document, une

 21   fois de plus, nous entendons un commentaire formulé par le HVO à

 22   l'encontre de ces municipalités qui ressemblent remarquablement à ce

 23   qu'avait dit Blaskic par rapport à la légitimité du gouvernement de

 24   Sarajevo ; c'est ce qui disait aussi l'AFP : "Le gouvernement de Bosnie-

 25   Herzégovine, ses gouvernements, sa politique pro-musulmane ne sont pas


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  1   souhaitables sur notre territoire. Leurs activités éventuelles sont en

  2   violation des autorités du HDZ. Ceci ne sera pas toléré."

  3   Conclusion définitive de tout ceci : le HVO a le contrôle du

  4   pouvoir ; là où le pouvoir n'est pas entier, le HVO fera tout ce qu'il

  5   peut pour s'assurer qu'il pourra s'emparer du pouvoir.

  6   Nous passons ainsi au mois d'octobre. C'est un mois important

  7   parce qu'il y a une coïncidence, une convergence de divers événements à

  8   cette époque-là. Que se passe-t-il en octobre sur le front politique ?

  9   Événement important par rapport à Mate Boban : arrivé en octobre 1992,

 10   Mate Boban s'est assuré la présidence non seulement de la communauté

 11   croate d'Herceg-Bosna, mais aussi du poste de président du parti HDZ en

 12   Bosnie. Il est désormais le pouvoir incarné dans la communauté croate

 13   d'Herceg-Bosna.

 14   Au cours de cette période, il va accorder un entretien

 15   particulièrement intéressant, à Ed Vuljami* qui dit, en quintessence

 16   ceci : "Le HVO représente le pouvoir dans la communauté croate d'Herceg-

 17   Bosna. Quiconque ne reconnaît pas notre politique doit partir ou se

 18   démettre de ses fonctions d'une façon ou d'une autre".

 19   Que se passe-t-il en octobre ? C'est un effort concerté de

 20   plusieurs localités pour essayer de forcer l'armée de Bosnie-Herzégovine

 21   ou la Défense territoriale et pour veiller à ce que celles-ci soient

 22   soumises au HVO. Vulliamy va à Mostar, il rencontre le commandant du HVO

 23   et le commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine, Pasalic. Il y avait eu

 24   un ordre, un ultimatum de la part du HVO, destiné à l'armée de Bosnie-

 25   Herzégovine selon lequel celle-ci devait se subordonner à l'autorité du


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  1   HVO, qui serait unique à Mostar.

  2   Vulliamy se rend dans une autre localité. Laquelle ? Eh bien,

  3   Vitez, dans laquelle se trouve Tihomir Blaskic. Au cours d'une conférence

  4   de presse, il entend ce que dit Pero Skopljak, un leader du HDZ . Il dit

  5   presque exactement la même chose que ce qu'avait dit Lasic, à Mostar, à

  6   savoir que le HVO est le seul pouvoir à Vitez.

  7   En rapport avec cela, nous avons aussi un effort déployé par le

  8   HVO, afin de s'assurer le contrôle des lignes de communication sur ce

  9   territoire. Nous avons donc là une attaque dans deux endroits différents,

 10   pratiquement simultanés.

 11   Il y a d'abord Prozor. Rappelez-vous ce que disait Vulliamy à

 12   propos de Prozor : il faut passer pour Prozor pour aller en Bosnie

 13   centrale, vers Novi Travnik et la vallée de la Lasva. Fin octobre 1992,

 14   Prozor est ethniquement unifié : quelque 5 000 Musulmans sont expulsés de

 15   leurs foyers, les maisons sont détruites, incendiées ; les Musulmans sont

 16   chassés vers les montagnes aux alentours de Prozor.

 17   Alors que ceci se déroule, le combat se poursuit au nom du HVO à

 18   Novi Travnik, localité importante pour ce qui est des axes de

 19   communication mais aussi là où se trouve l'usine Bratstvo, usine

 20   d'importance stratégique manifeste pour le HVO en Bosnie centrale.

 21   Parallèlement, simultanément, nous avons le premier conflit à

 22   Ahmici. Matin du 20 octobre 1992, le HVO envoie d'autres troupes vers Novi

 23   Travnik, qui devraient soutenir les combats. Il y a là un barrage routier,

 24   des combats se déclenchent et le barrage routier est éliminé.

 25   Cette séquence d'événements devrait nous intéresser


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  1   particulièrement. Permettez-moi de nous attarder là-dessus un instant.

  2   Qu'a dit, dans le cadre de sa déposition, Blaskic à propos des incidents

  3   de Novi Travnik ?

  4   Il suffira de dire que nombreuses furent les occasions où,

  5   manifestement, Messieurs les Juges, il vous a induit en erreur. Ceci ne

  6   s'est pas fait simplement par commission, mais par omission. On peut

  7   mentir et induire en erreur en ne disant pas toute la vérité à la Chambre

  8   de première instance. Si on ne dit que la moitié d'une histoire, ce n'est

  9   pas toute l'histoire et c'est précisément ce que nous a dit l'accusé.

 10   Il y a certains exemples assez faciles qui montrent qu'il n'a

 11   pas dit la vérité : par exemple, lorsqu'il a dit que, le matin du

 12   20 octobre, il avait envoyé des troupes qui avaient été arrêtées à Ahmici

 13   et qu'elles étaient en route vers Jajce. C'est ce qu'il nous a dit. Ici,

 14   je ne veux pas rediffuser la cassette, mais la télévision d'Herceg-Bosna

 15   nous a montré que ces troupes étaient en route vers Novi Travnik. C'est la

 16   pièce 646 qui le montre.

 17   Où se trouvait-il précisément ? Il nous dit que le matin du 20,

 18   il était arrêté à Busovaca et que jamais il ne s'est trouvé à Novi Travnik

 19   ce jour-là. Il est intéressant de constater que le colonel Stewart non

 20   seulement dans son témoignage, mais dans les pièces déposées à l'audience,

 21   indique qu'il est allé à l'hôtel Vitez, le matin du 20.

 22   Que lui a-t-on dit ? On lui a dit –et c'est Mario Cerkez qui l'a

 23   fait- que Blaskic se trouvait à Novi Travnik, là où devait se trouver un

 24   bon commandant, à Novi Travnik où les combats se poursuivaient. Si vous

 25   revoyez la déposition de M. Blaskic, je pose une question : pourquoi


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  1   Blaskic n'a-t-il pas dit aux Juges qu'il se trouvait en fait à Novi

  2   Travnik, comme le montre l'un de ses ordres ? Ordre présenté par

  3   l'accusation, et je parle de la pièce de l'accusation 646. Il ne l'a

  4   jamais dit aux Juges. Jamais, dans le cadre de son témoignage, de sa

  5   déposition, lorsque nous avons péniblement parcouru les événements

  6   quotidiens, jamais au grand jamais, il ne vous a dit, Messieurs les Juges,

  7   qu'il avait été à Novi Travnik.

  8   Or, le 20 octobre, alors qu'il y avait des réunions à l'hôtel

  9   Vitez, le 20, avec le colonel Stewart, c'était Blaskic et non pas celui

 10   qui visait un esprit de réconciliation, mais bien celui qui voulait que la

 11   Défense territoriale se subordonne au HVO ; c'est bien lui qui a écrit

 12   ceci dans cet ordre du 21 octobre 1992. Je cite un extrait de la

 13   pièce 647 : "Des opérations de défense sont en train d'être menées. Le

 14   vice-président de la communauté croate d'Herceg-Bosna, Dario Kordic et

 15   moi-même, nous trouvons à Novi Travnik menant sans cesse des opérations

 16   militaires avec une connaissance approfondie de la situation et un

 17   contrôle complet de tous les éléments."

 18   Messieurs les Juges, je vous demande pourquoi une télécopie, un

 19   élément aussi important, a été omis au cours d'une déposition pourtant

 20   très longue. Il y a un autre document fort intéressant que je voudrais que

 21   l'on place sur le rétroprojecteur, la pièce 647, et plus précisément le

 22   point 6 de ce document. On pourrait peut-être agrandir l'image.

 23   Monsieur Blaskic a fait remarquer que c'était un déclenchement

 24   spontané, l'activité à Novi Travnik. Mais regardez le nombre de localités

 25   qui sont indiquées là où se trouvent des troupes déployées. Elles sont


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  1   déployées partout, ces troupes, le long des différentes lignes qui se

  2   trouvent dans la zone opérationnelle de la Bosnie centrale, à Travnik ou

  3   aux alentours.

  4   De surcroît, je vais vous demander, Messieurs les Juges,

  5   d'examiner la dernière ligne et de la replacer dans le contexte de ce que

  6   va dire Blaskic plus tard, à la lumière aussi de ce qu'il a déclaré à

  7   propos de "cette armée de paysans". Que dit-il ? "Les activités de nos

  8   forces sont organisées, tout à fait coordonnées et contrôlées par la

  9   structure de commandement. ".

 10   Donc c'était le 21 octobre 1992. A cette date-là, Blaskic dit

 11   par écrit que le commandement et le contrôle dans sa zone de

 12   responsabilité fonctionnent et sont entièrement coordonnés. Il y a un

 13   autre point qui concerne cet événement particulier, enfin plutôt plusieurs

 14   points qui, à mon avis, appellent plusieurs commentaires avant de passer à

 15   un autre sujet.

 16   Il s'agit d'une série de pièces à conviction que nous avons vues

 17   quand nous avons commencé à voir la coopération entre les Croates et

 18   l'armée serbe, notamment dans la zone de Jajce. Nous allons voir la

 19   poursuite de cela en 1993. Mais il y a un certain nombre de pièces que la

 20   Chambre a reçues qui abordent les niveaux de coopération qui se mettait en

 21   place entre l'armée serbe et le HVO. Je propose de consulter brièvement la

 22   pièce 347. Je vous remercie.

 23   La pièce 347 est un ordre émis par Blaskic et ce à l'adresse de

 24   Mrdan, du général de brigade Mrdan après la mise en place du cessez-le-

 25   feu. Ce qui est significatif dans ce commentaire, c'est de savoir que


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  1   Blaskic ordonne que toutes les mesures soient prises afin d'empêcher que

  2   ne soient brûlées des maisons de personnes en vue, des citoyens en vue

  3   d'appartenance musulmane et ce dans sa zone de responsabilité.

  4   Donc en octobre 1992, et très tôt, Blaskic est au courant du

  5   fait que des maisons musulmanes sont incendiées et ce par des hommes sous

  6   son contrôle. Il s'agit d'un effort particulier qui n'est déployé par lui

  7   afin d'empêcher que ces maisons soient mises à feu. Quel genre de mesures

  8   de prévention devaient-elles être entreprises ? A ce stade, Blaskic

  9   commence à prendre ces mesures. Il commence à demander que soient

 10   sanctionnés les hommes qui le font.

 11   Bien entendu, par la suite, nous avons vu ce qui s'est passé et

 12   quelle a été l'évolution des événements et ces mesures n'ont pas été

 13   prises.

 14   Voyons quelles sont les unités qu'il a sous son commandement à

 15   l'époque. A l'époque, il y a toute une série de brigades. La brigade de

 16   Vitez n'était pas encore constituée, elle allait l'être pour remplacer la

 17   Stjepan Tomasevic Brigad et ce, en mars 1993. Mais déjà sont présentes

 18   dans la zone, les brigades des Vitezovi, la police militaire également à

 19   cette époque, l'unité Jockeri pour combattre le terrorisme qui était déjà

 20   en place, ainsi que l'unité Zuti, c'est-à-dire la police militaire, et

 21   d'autres unités spéciales comme Tvrtko et Maturice à Kiseljak.

 22   A cette période en particulier, voire plusieurs mois après sa

 23   prise de pouvoir où il a affirmé qu'il n'y avait pas de commandement et de

 24   contrôle, on voit que la filière de commandement fonctionne bel et bien

 25   avec les unités qui sont sous son commandement. Après les événements qui


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  1   se sont produits à Novi Travnik, effectivement, la situation s'est calmée.

  2   Il n'y avait pas autant d'intensité en novembre et décembre 1992. Quelle

  3   en est la raison ? La raison en est le plan de paix Vance-Owen. Les gens

  4   étaient en train de négocier une espèce d'accord de paix. C'est ce qui est

  5   devenu à la fin l'accord Vance-Owen. C'est ce processus qui se déroule

  6   pendant cette période.

  7   Que voyons-nous pendant cette période ? C'est une première

  8   formulation du plan Vance-Owen. Cela se passe le 2 janvier 1993.

  9   J'aimerais que nous puissions consulter cette carte, Monsieur Hooper, la

 10   carte du plan Vance-Owen.

 11   L'intention du plan Vance-Owen est de diviser la Bosnie-

 12   Herzégovine en cantons ou provinces. Parfois, on entend utiliser l'un ou

 13   l'autre des termes. Chaque groupe ethnique, là où il était majoritaire,

 14   devait avoir le pouvoir majoritaire dans le canton en question. Cela ne

 15   signifiait pas que les minorités n'avaient aucun droit, tout au contraire.

 16   On essayait simplement d'établir un pouvoir de la population majoritaire.

 17   C'est ce que l'on voit.

 18   En fait, malheureusement, c'est l'inverse qui s'est produit, que

 19   le HVO et les dirigeants du HVO n'ont pas respecté l'esprit du plan Vance-

 20   Owen. Donc nous voyons ici les cantons en blanc, les cantons qui devaient

 21   appartenir aux Musulmans de Bosnie, en mauve les cantons qui devaient

 22   appartenir aux Serbes de Bosnie ou la Republika Srpska ; et ceux qui font

 23   l'objet de notre affaire, en bleu, c'est les cantons 8, 10 et 3. Il s'agit

 24   des trois cantons qui ont été donnés aux Croates de Bosnie. C'était ça la

 25   première mouture du plan Vance-Owen.


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  1   Il y a eu plusieurs cartes qui ont été versées et qui concernent

  2   le plan Vance-Owen et qui nous permettent de mieux voir les zones qui sont

  3   sous le pouvoir croate. Ici, nous voyons Vitez, Travnik, Busovaca,

  4   Fojnica, bien à l'intérieur du canton 10, alors que Zenica est dans le

  5   canton 9 qui appartient aux Musulmans de Bosnie. Ce qui ressort de cela

  6   est que nous voyons un territoire important qui n'est pas tout à fait mais

  7   proche des ambitions territoriales des Croates en général, et très proche

  8   des démarcations géographiques de la Banovina croate de 1939. Si nous

  9   pouvons comparer les deux cartes, on s'en apercevra très bien. Nous

 10   pouvons, s'il vous plaît, retirer cette carte-là.

 11   Si vous vous rappelez, Monsieur le Président,

 12   Messieurs les Juges, je vous ai déjà parlé de cette partie inférieure.

 13   M. le Président. - S'il vous plaît, Monsieur, vous nous mettez

 14   la seconde au dessus, ou Monsieur votre assistant peut la tenir peut-être.

 15   Si vous voulez faire une comparaison utile, votre assistant peut la tenir

 16   et comme ça la caméra, et le public pourra donc voir ce que vous essayez

 17   ou que voulez démontrer. Oui, au-dessus, juste au-dessus, et puis ne vous

 18   mettez pas devant.

 19   Bien, voilà. Comme ça, je crois que vous pouvez étayer votre

 20   thèse. Allez-y, Monsieur le Procureur.

 21   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Comme

 22   vous le voyez ici, la partie qui se trouve au niveau inférieur de la

 23   Banovina croate est en fait le territoire qui serait donné aux Croates de

 24   Bosnie d'après le plan Vance-Owen. Cela ne se recoupe pas parfaitement.

 25   Jajce, par exemple, fait partie du canton 10 alors qu'il est à l'extérieur


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  1   de la Banovina de l'époque. Mais il n'empêche que les deux zones qui

  2   doivent appartenir aux Croates de Bosnie, d'après la Banovina et d'après

  3   le plan Vance-Owen, se ressemblent fortement. Donc, cette décomposition

  4   qui est proposée le 2 janvier 1993 est le maximum proposé aux Croates de

  5   Bosnie. Jamais, dans aucun des plans consécutifs, on ne leur accordera

  6   autant de territoire. Deux jours plus tard, le 4 janvier, Boban signe ces

  7   cartes du plan Vance-Owen. Il a immédiatement accepté ce plan.

  8   Blaskic nous a dit qu'il n'était pas un homme politique, et

  9   qu'on lui a toujours…, et il a toujours dit qu'il n'avait rien à voir avec

 10   la politique. Ma position, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que

 11   nous allons pouvoir démontrer à travers les faits et les dépositions, est

 12   que Blaskic était extrêmement intéressé au plan Vance-Owen, du moins

 13   autant que tous les autres Croates de Bosnie ; et, en particulier, en ce

 14   qui concerne le canton 10.

 15   Je voudrais passer en revue une série de points qui le montrent.

 16   Donc cette carte a été signée le 2 janvier. Le 4 janvier, Mate Boban l'a

 17   signée. Le 6 janvier, Blaskic ainsi que d'autres commandants se trouvent à

 18   Grude pour discuter le plan Vance-Owen et ce, avec le ministre de la

 19   Défense Bruno Stojic. C'est sa propre déposition qui le dit. Donc, très

 20   tôt, deux jours plus tard, après la signature par Mate Boban de ce plan,

 21   le commandement du HVO discute ce plan. Cela ne s'est pas arrêté, et cela

 22   a continué à être un point d'intérêt, même en mai, et pendant toute la

 23   durée du conflit.

 24   Je souhaite que l'on place sur le chevalet, Monsieur Hooper, la

 25   pièce 112. Oui, c'est cela.


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  1   (L'huissier s'exécute.)

  2   Ce sont les pièces datées du 26 mai 1993. La partie importante à

  3   présent est le paragraphe 2. Il est très bien connu aujourd'hui que les

  4   représentants de très haut niveau du peuple croate de Bosnie se sont mis

  5   d'accord politiquement et militairement sur la mise en œuvre du plan

  6   Vance-Owen, à savoir les provinces 8, 9 et 10 qui doivent revenir aux

  7   Croates, bien sûr.

  8   Nous avons ici, un exemplaire en BCS, et Blaskic nous a dit

  9   qu'il ne l'a pas signé, qu'il n'a pas autorisé et qu'il n'aurait jamais

 10   autorisé cela puisque lui, il n'était pas impliqué dans la politique.

 11   Bien entendu, les faits contestent cette déposition puisque le

 12   même jour, le HVO a traduit cette lettre en anglais, et l'accusé a signé

 13   cette lettre-là. C'était un soldat prudent, extrêmement méthodique, un

 14   soldat qui n'impose, n'appose pas son nom sur un document sans savoir ce

 15   que contient ce document. Sans aucun doute, il savait ce que contenait ce

 16   document le jour où il l'a signé. Ce document est la formulation de ses

 17   préoccupations concernant le plan Vance-Owen. Dire que lui n'est pas

 18   impliqué à la politique, qu’il n’a aucune préoccupation politique, cela

 19   peut être entièrement rejeté après avoir vu qu'il a signé ce document.

 20   Nous avions auparavant seulement un seul document versé qui

 21   n'est pas signé, mais nous avons également le document qu'il a signé. Il

 22   n'est pas le seul, nous en avons d'autres qui reflètent que Blaskic était

 23   tout à fait intéressé par les suites données au plan Vance-Owen. Je

 24   passerai à ces autres documents à présent.

 25   Si vous me le permettez, je souhaite présenter la pièce de


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  1   l'accusation 456/32. Je voudrais la placer sur le rétroprojecteur. Dans

  2   les demandes qu'il envoie à Mate  Boban, Bruno Stojic et Milivoj Petkovic,

  3   le 7 mai, il demande très clairement, au point 1 : "Je demande des

  4   instructions au cas où le plan Vance-Owen serait appliqué conformément à

  5   la demande…” Il donne le numéro de référence, le 4 mai 1993".

  6   Une autre pièce : on revient au mois de janvier et c'est un

  7   document assez intéressant qui concerne la filière de commandement et de

  8   contrôle par rapport à l'information qu'il contient. C’est un document

  9   versé vers la fin de la présentation des éléments de preuve de la défense.

 10   Si vous vous rappelez la déposition de Blaskic, en gardant en mémoire que

 11   le plan a été signé le 2… Le plan Vance-Owen est proposé le 2, c’est le 4

 12   qu’il est signé par Boban et le 6, Blaskic se trouve à Grude et il discute

 13   le plan Vance-Owen avec Bruno Stojic, le ministre de la Défense. Le 9,

 14   deux unités se présentent dans la zone opérationnelle de Bruno Stojic, de

 15   Bosnie centrale : Bruno Stojic et Ludvik Pavlovic, qui étaient situées à

 16   Vitez.

 17   D'après la déposition de Blaskic, ils se sont montrés le soir ;

 18   il n'avait aucun contrôle sur ces unités, elles ne faisaient pas partie de

 19   sa filière de commandement, elles étaient venues dans sa zone parce que le

 20   commandement conjoint les avait envoyées.

 21   Je souhaite montrer une pièce de la défense pour montrer que

 22   cela n'est pas vrai et je voudrais que l'on consulte la pièce D565. C'est

 23   un ordre émis par Blaskic dans la nuit du 9 au 10 janvier 1993, à

 24   24 heures 05. Il donne un ordre à la brigade Bruno Besic à Novi Travnik.

 25   Il figure, à la première page de ce document, que c'est la brigade BB et


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  1   que son commandant est Antun Luburic.

  2   Quel est le premier point qui figure ici ? Cela a à voir avec le

  3   plan Vance-Owen. Premièrement, localiser le conflit et chercher à calmer

  4   la situation pour que les négociations de Genève puissent se poursuivre

  5   sans entrave.

  6   Passons à la page 2. Alors que Blaskic dit qu'il n'a aucun

  7   commandement sur cette unité, il dit au point 6 -c’est une pièce de la

  8   défense-  : "Le commandant de la brigade et l’unité BB -brigade

  9   Bruno Busic- me sont responsables pour l'exécution de cet ordre".

 10   Blaskic souhaitait que la Chambre croie qu’il a donné cet ordre

 11   à la brigade Bruno Busic alors que le commandant n'était pas sous son

 12   commandement, qu'il n'avait pas de contrôle là-dessus et qu'il n'avait

 13   aucune idée, compte tenu de cet enchaînement chronologique des événements

 14   par rapport au plan Vance-Owen, pourquoi ces unités ont été immédiatement

 15   déployées dans sa zone. Cela immédiatement après sa réunion avec Bruno

 16   Stojic ?

 17   Ainsi, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ces unités

 18   ont été déployées dans sa zone pour une raison précise, à savoir elles

 19   voulaient mettre en application le plan Vance-Owen. Nous savons ce qui se

 20   déroulait en Bosnie centrale, ce qui se déroulait à Gornji Vakuf. Cela

 21   permettra de voir comment se présente ce point exactement.

 22   Le 15 janvier 1993, Blaskic reçoit deux ordre de Milivoj

 23   Petkovic. Le premier est un ordre de combat, de préparer ses troupes au

 24   combat. Le deuxième ordre émane de Prlic, le président du HVO, qui va à

 25   Bruno Stojic, le ministre de la Défense du HVO, et qui descend jusqu'à


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  1   Milivoj Petkovic.

  2   Dans cet ordre, il demande la subordination des unités de

  3   l'armée de Bosnie-Herzégovine dans les cantons 3, 8 et 10, donc qu’elles

  4   se subordonnent au HVO.

  5   Passons à l'examen du premier document, pièce 659.

  6   Monsieur le Président, Messieurs les Juge, c'est le dernier

  7   ordre dans une série d'ordres que nous avons versés. Il s'agit d'un ordre

  8   de Milivoj Petkovic. Il ordonne que les forces de l'armée de Bosnie-

  9   Herzégovine dans les cantons 3, 8 et 10 se soumettent aux unités du HVO.

 10   Quel est le délai pour cela ? Le 20 janvier 1993. Alors que fait Blaskic

 11   pour répondre à ces deux ordres ?

 12   Je passerai, si vous me le permettez, à l'ordre suivant. C'est

 13   la pièce 456/6.

 14   Blaskic met ses unités au niveau maximum de préparation de

 15   combat. Il ressort de ce document qu'il a reçu un ordre de Mostar ; c'est

 16   la pièce 016693. Il met donc ses unités au niveau maximum de préparation

 17   au combat. Que se passe-t-il ? Les unités Bruno Busic et Ludvik Pavlovic

 18   sont déployées dans sa zone. Nous avons un ordre pour la subordination des

 19   unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Blaskic, le lendemain, met en

 20   état d'alerte ses unités. Cela comprend toutes les unités, toutes les

 21   unités déployées dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale, Bruno

 22   Busic, Ludvik Pavlovic, les Vitezovi, la police de Travnik et le

 23   4ème Bataillon de la police militaire. Ce qui est intéressant de noter dans

 24   ce document est ce que dit en réalité Blaskic.

 25   Il dit au point 2 : "Toutes les formations du HVO doivent être


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  1   placées à l'état maximum de préparation au combat, doivent être désarmées

  2   et isolées. Tous les Musulmans qui ne respectent pas ces ordres et qui se

  3   trouvent au sein des unités du HVO".

  4   Au point 5 : “ Le 4ème Bataillon de la police militaire doit

  5   contrôler la circulation et confisquer l’équipement et les armes à tous

  6   les transports musulmans et doit les mettre à la disposition des forces du

  7   HVO".

  8   A mon avis, il ne s'agit pas du tout d'un ordre qui aurait été

  9   émis dans l'esprit de la cohabitation et de la compréhension. De quoi

 10   s'agit-il ?

 11   Il s'agit d'identifier les unités de l'armée de Bosnie-

 12   Herzégovine qui ne veulent pas se soumettre au HVO. La "cantonisation"

 13   d'une zone particulière, en fait, devait revenir au pouvoir uniethnique.

 14   Donc il n'y aurait pas un partage entre la population minoritaire et

 15   majoritaire. Unilatéralement, Blaskic demande la subordination aux troupes

 16   des HVO. Le 16, il place ses unités au niveau maximum de préparation au

 17   combat.

 18   Que se passe-t-il par la suite ? Nous allons passer au point

 19   6.6.6.

 20   C'est l'ordre qui date du 19 janvier où Milivoj Petkovic

 21   subordonne les Vitezovi à Blaskic, dans la zone opérationnelle de Bosnie

 22   centrale et ce, pour tous les objectifs. Ceci se passe le 19.

 23   Que se passe-t-il d'autre le 19 ? Le même jour où cet ordre est

 24   émis -nous le savons grâce à la pièce de la défense 250-, le même jour,

 25   les Vitezovi, et ce, ensemble avec la brigade Ludvik Pavlovic, sont en


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  1   mission de reconnaissance pour voir quel est le déploiement des forces de

  2   l'armée de la Bosnie-Herzégovine. Bien sûr, Blaskic n'en sait rien ; il

  3   n'est absolument pas au courant de ce qui se passe le 19, pourquoi les

  4   Vitezovi, qui lui sont subordonnés, et Ludvik Pavlovic, et pourquoi et

  5   comment ils mènent une mission de reconnaissance.

  6   Que se passe-t-il ? Blaskic est donc complètement isolé, mais la

  7   même chose se passe à Vakuf. Nous savons que l'ordre émane de Milivoj

  8   Petkovic, le 15, à savoir que l'armée de Bosnie-Herzégovine se subordonne.

  9   Le commandant à Gornji Vakuf va un peu plus vite : il veut la

 10   subordination à la date du 17. Il n'attend pas le 20 ; il veut la

 11   subordination et le désarmement par les unités de l'armée de Bosnie-

 12   Herzégovine, et ce, le 17. Bien sûr, l'armée de Bosnie-Herzégovine ne le

 13   fait pas.

 14   Que se passe-t-il ? Elle refuse cette subordination unilatérale.

 15   Le HVO, comme il le fait d'habitude, attaque, incendie les maisons et

 16   chasse les Musulmans des villages de Gornji Vakuf et dans les parages, le

 17   long des principales routes. Nous avons récemment entendu la déposition de

 18   celui qui était capitaine à l'époque, le capitaine Short.

 19   Il y a une peur, même parmi les Croates de Bosnie, en Bosnie

 20   centrale, que cette violence qui éclate à Gornji Vakuf, le 17, va de même

 21   la manière se produire dans la zone de Busovaca. Nous avons eu Svonko

 22   Rajic, la personne tragiquement tuée à Dusina. Sur cette cassette, Rajic

 23   dit la chose suivante : "Nous avons un fait : le conflit de Gornji Vakuf

 24   s'est étendu à travers toute la Bosnie centrale et la municipalité de

 25   Travnik" ".


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  1   Donc il y avait cette conscience que le conflit, en fait

  2   provoqué par le HVO, allait s'étendre dans toute la Bosnie centrale.

  3   Par ailleurs, Monsieur le Président, nous avons entendu des

  4   faits au sujet de la mort tragique de Svonko Rajic, ainsi que d'autres

  5   Croates de Bosnie qui ont été tués dans ces villages. Les crime de guerre,

  6   même s'il n'y a que la moitié de ce qui a été dit de vrai, ces crimes ont

  7   été commis, et les gens doivent répondre de cela. Mais le Procureur ne

  8   cherche pas absolument pas à défendre ce genre de comportement criminel

  9   qui doit être poursuivi et le sera.

 10   Il n'empêche que ce qui s'est produit avec Svonko Rajic et

 11   d'autre individus qui se trouvaient sur place, le 24 janvier, s'est

 12   produit par la suite, après que ces conflits ont éclaté à l'initiative du

 13   HVO, le 21 janvier. Comme je l'ai déjà fait remarquer, le nettoyage

 14   ethnique et les exactions du 17, à Gornji Vakuf, ont ensuite explosé à

 15   Busovaca, le 20 janvier.

 16   Bien entendu, l'armée de Bosnie-Herzégovine n'a pas respecté la

 17   date limite établie  par le commandement du HVO, eu égard à cette

 18   subordination dans l'ordre de Stojic. Je crois que la limite pour cette

 19   subordination était fixée le 20, à 19 heures. A 19 heures, le 20, il n'y a

 20   pas eu de subordination vis-à-vis du HVO. A ce moment-là, des barrages

 21   routiers ont été établis dans la ville de Busovaca et aux alentours. Selon

 22   le résumé d'information militaire du bataillon britannique, qui a été

 23   versé au dossier de ce procès -je fais référence à la pièce à

 24   conviction 669-, vous pouvez, Messieurs les Juges, lire exactement ce qui

 25   s'est passé. Les domiciles musulmans, les commerces musulmans ont été


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  1   attaqués.

  2   Si nous lisons le commentaire de ce bulletin d'information

  3   militaire, en bas de page -je cite- : "Commentaire : Les actions du 20 et

  4   21 janvier 1993 apparaissent contre une attaque préparée à l'avance et

  5   coordonnée contre la population musulmane bosnienne." (Fin de citation.)

  6   Cette attaque particulière a débouché sur d'autres combats, de

  7   nouveaux combats qui ont causé la coupure de la route Kacuni-Bilalovac et

  8   sur d'autres très nombreuses attaques et combats dans la région. Cela a

  9   aussi entraîné des crimes odieux de la part des troupes placées sous le

 10   commandement de Blaskic. Ce que nous avons entendu de la bouche d'un

 11   certain nombre de témoins dans ce prétoire, c'est que des centaines de

 12   Musulmans bosniens, des civils ont été arrêtés, placés en détention dans

 13   la prison de Kaonik et emmenés creuser des tranchées.

 14   Je voudrais faire référence à la pièce à conviction 678 qui

 15   montre que, dans la municipalité de Busovaca à elle seule, une région

 16   contrôlée par le HVO, 112 bâtiments ont été détruits et 58 autres rasés ;

 17   dans une zone sous contrôle du HVO, je le répète. C'est donc bien le modus

 18   operandi du HVO que l'on voit se poursuivre.

 19   Des témoignages ont été fournis par deux personnes qui ont été

 20   poursuivies en justice pour avoir tué des Musulmans. Nous avons également

 21   entendu le témoignage de Blaskic. Mais, à part ces témoins, personne,

 22   absolument personne n'est puni, soumis à des sanctions disciplinaires ou

 23   expulsé de son poste pour avoir forcé des hommes à creuser des tranchées.

 24   Un témoin a dit, dans sa déposition, que ce travail était si courant que

 25   tous les hommes, femmes et enfants de Busovaca savaient qu'ils étaient


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  1   effectués par un certain nombre d'hommes.

  2   Du 23 au 24 janvier, oui, Blaskic se trouvait à Kiseljak. Avec

  3   les communications dont on parlera plus loin, sur la base des éléments de

  4   preuve versés au dossier de ce procès, des communications placées sous son

  5   commandement, il savait exactement ce que les soldats du HVO faisaient

  6   dans la région de Busovaca, en janvier et au début du mois de février.

  7   S'il ne le savait pas, il l'a certainement découvert lorsqu'il est rentré

  8   au début du mois de mars 1993. Mais les incendies de Busovaca n'ont pas dû

  9   surprendre Blaskic parce que les troupes placées sous son commandement

 10   direct l'ont ordonné, ont ordonné la même chose lorsqu'il se trouvait à

 11   Kiseljak.

 12   J'aimerais maintenant prendre la pièce à conviction 510,

 13   Monsieur Hooper.

 14   (L'huissier s'exécute.)

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ceci est un document

 16   dont l'auteur est le commandant de la brigade Ban Jelasic. Cet homme a

 17   pour nom Mijo Bosic. Cet homme, au début du conflit, se trouvait au

 18   quartier général de Blaskic, à Vitez. Au début du mois de janvier 1993, il

 19   a été nommé par Blaskic au poste de commandant de la brigade Ban Jelasic.

 20   Au cours du contre-interrogatoire, lorsque le général de brigade Marin a

 21   été appelé à discuter de son rapport avec Bosic, je lui ai demandé si la

 22   confiance régnait entre Blaskic et Bosic. Marin a répondu que, compte tenu

 23   de sa position en tant que chef des opérations, puis, plus tard en tant

 24   que commandant de brigade, il a répondu qu'il pensait que Blaskic faisait

 25   confiance à Mijo Bosic. Mijo Bosic émet un ordre, un ordre demandant que


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  1   soient exécutés des actes criminels ; cela ne fait pas l'ombre d'un doute.

  2   Il fait remarquer, dans cet ordre d'attaque, que les forces du HVO

  3   s'apprêtent à saisir certains territoires. A cette fin, ils sont prêts à

  4   mettre le feu à tout ce qui se trouvera sur leur chemin.

  5   Cet ordre particulier, cette menace de mettre le feu aux

  6   villages musulmans qui feront obstacle à la progression du HVO, a été émis

  7   au moment où Blaskic était dans la caserne de Kiseljak. Selon sa propre

  8   déposition, il était à Kiseljak à ce moment-là et c'est un subordonné

  9   direct de Blaskic qui émet cet ordre. Pourquoi cet ordre est-il si

 10   intéressant ?

 11   Compte tenu de la proximité qu'il y a entre Blaskic et Bosic au

 12   moment de l'émission de cet ordre, il apparaît manifestement, Monsieur le

 13   Président, Messieurs les Juges, que Mijo Bosic n'avait aucun doute quant à

 14   la possibilité d'être puni ou sanctionné pour l'émission d'un tel ordre.

 15   Il n'avait pas le moindre doute et il n'a pas été puni.

 16   Plus tard, au moment des événements, nous constatons sans

 17   surprise que cette même unité, la Brigade Banje Lasic et ce même

 18   commandant, Mijo Bosic, ainsi que le même commandant adjoint, Lucic, au

 19   moment où les événements de Kiseljak démarrent, au moment où les attaques

 20   se déroulent, le 18 avril, cette même unité brûle tous les villages

 21   (Gomionica, Svinjarevo, Polje Visnjica, Visnjica), c'est la même unité.

 22   Je redemande : quel aurait été l'effet net d'une sanction

 23   imposée par M. Blaskic à l'égard d'un homme quelconque suite à ces actes ?

 24   Peut-être y aurait-il un certain nombre de personnes qui seraient encore

 25   en vie aujourd'hui ? En tout cas, les gens en vie auraient encore quelque


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  1   maison pour y habiter. Mais Blaskic n'a pas agi de cette façon. Il n'a pas

  2   agi de cette façon parce qu'il souhaitait que ses hommes agissent comme

  3   ils l'ont fait. Il souhaitait qu'il fasse ce qu'ils ont fait.

  4   Il y a eu plusieurs cessez-le-feu suite aux combats du mois de

  5   janvier et du mois de février. Plusieurs accords de cessez-le-feu ont été

  6   conclus et signés par le général Hadzihasanovic, qui était alors

  7   commandant du 3ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine, et par le colonel

  8   Blaskic, commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Ces

  9   documents ont été signés le 13 février 1993.

 10   Dans la même période, les négociations se poursuivaient au sujet

 11   du plan Vance-Owen. Alors que nous passons du mois de février au mois de

 12   mars, alors que les Croates de Bosnie signent immédiatement le plan Vance

 13   Owen par le truchement de Mate Boban, ni les Serbes ni le président

 14   Izetbegovic ne signent ce plan. Les débats font rage quant à la nature

 15   exacte de ce plan.

 16   Au vu du fait que ce plan n'est pas signé, que vont faire les

 17   Croates ? Je crois que les commentaires entendus par des témoins

 18   auditionnés à huis clos quant au plan des Croates de Bosnie, quant au plan

 19   préparé à Zagreb, et préparé par le président Tudjman en particulier, sont

 20   très intéressants. J'aimerais que nous passions quelques instants à huis

 21   clos partiel.

 22   L'audience se poursuit en session à huis clos partiel.

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 12   L'audience se poursuit en session publique.

 13   Comme je l'ai déjà dit, Monsieur le Président, Messieurs les

 14   Juges, l'assemblée des Serbes de Bosnie vote au sujet du plan Vance-Owen

 15   le 2 avril 1993 et rejette le plan. Le 3 avril, le HVO publie un document

 16   qui invite Alija Izetbegovic et les Musulmans de Bosnie à signer ce

 17   document. Dans ce document, le HVO et Mate Boban demandent à l'armée de

 18   Bosnie-Herzégovine d'appliquer le plan Vance-Owen, en subordonnant les

 19   troupes de l'armée de Bosnie-Herzégovine, encore une fois, au HVO dans les

 20   cantons 3, 8 et 10. Alors que les forces de l'armée du HVO sont censées se

 21   subordonner à l'armée de Bosnie-Herzégovine dans les cantons musulmans. Ce

 22   document reprenait une proposition de Veso Vegar. Vous vous rappellerez

 23   peut-être, à partir de la déposition de Ed Vulliamy, que Veso Vegar était

 24   l'officier chargé des communications publiques pour le HVO. Ce n'était pas

 25   un journaliste comme M. Vulliamy, ou d'autres personnages avec qui nous


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  1   avons eu des contacts, mais c'était le porte-parole du HVO. En tant que

  2   porte-parole du HVO, il profère une menace dans l'ultimatum qui est

  3   associé à l'invitation à signer le plan Vance-Owen et la répartition en

  4   cantons. Le HVO fait remarquer que le commandement conjoint doit être

  5   établi à la date du 15 avril 1993, et que la subordination doit avoir lieu

  6   à ce moment-là. Mais, si le gouvernement bosnien n'accepte pas les thèses

  7   principales du plan Vance-Owen, le HVO exprime sa volonté d'appliquer

  8   unilatéralement ce plan.

  9   Le HVO affirme-t-il que des combats vont démarrer le 16 ? Non,

 10   non, il ne le dit pas. Mais ce qu'il dit, c'est que la date fixée pour

 11   l'établissement du commandement conjoint est celle du 15 avril 1993 et

 12   que, si ce commandement conjoint n'est pas créé à cette date, le HVO va

 13   appliquer unilatéralement le plan Vance-Owen.

 14   Bien sûr, il n'y a pas eu subordination. Et nous avons constaté

 15   à l'étude des faits qui ont suivi, qu'il y a eu tentative d'application

 16   unilatérale du plan. Mais avant d'en arriver à cette application du plan

 17   qui a commencé le 16, je vous demanderais de m'autoriser une digression

 18   pour parler de quelques autres événements, qui se sont produits entre

 19   l'émission de cet ultimatum le 3, ultimatum publié dans la presse

 20   le 4 avril, et la date limite du 15 avril, certains éléments donc ont eu

 21   lieu.

 22   Des forces, des hommes de religion musulmane ont kidnappé des

 23   officiers à Novi Travnik. Ils l'ont fait en cherchant à faire libérer des

 24   collègues à eux du camp de Kaonik, ce que Blaskic a finalement autorisé

 25   d'ailleurs. Et suite à cela, il y a eu un homicide terrible à Zenica, dans


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  1   lequel a été impliqué le commandant Totic, qui était le commandant de la

  2   brigade Jure Francetic de Zenica. Et donc un certain nombre de gardes du

  3   corps ont été tués lors de la fusillade qui se produisit dans les

  4   premières heures de la matinée du 15 avril 1993. Tous ces événements

  5   n'étaient pas le résultat d'un conflit avec l'armée de Bosnie-Herzégovine,

  6   mais était le résultat, comme l'a dit Rémi Landry, un témoin entendu ici,

  7   le résultat des efforts déployés par les Musulmans pour obtenir la

  8   libération de leurs collègues enfermés dans le camp de Kaonik. Jusqu'à

  9   cette date ces hommes avaient essayé, à plusieurs reprises, d'obtenir la

 10   libération de leurs collègues sans succès. C'est ainsi que, par la suite,

 11   ils se sont lancés dans ce genre d'action.

 12   Mais aucun élément de preuve ne permet de penser que l'armée de

 13   Bosnie-Herzégovine était derrière ces événements, qu'elle soutenait ces

 14   événements. La personne qui finalement a négocié la remise en liberté de

 15   ces prisonniers, ainsi que la remise en liberté du colonel Totic, à savoir

 16   le colonel Rémi Landry qui était un représentant canadien de l'ECMM, a

 17   déclaré qu'il n'y a rien pour relier ces événements les uns aux autres,

 18   que c'était des événements tout à fait distincts. Ce qui s'est passé le

 19   matin du 16 avril n'a rien à voir avec l'enlèvement et les assassinats

 20   dont nous avons pu entendre parler dans les journées des 14 et 15 avril.

 21   Ce qui ne veut pas dire que ces événements n'ont pas augmenté les niveaux

 22   de tension. Bien sûr, ils ont augmenté les niveaux de tension, et le HVO

 23   ainsi que Kordic ont parlé longuement de ces événements à la télévision

 24   comme étant la cause des combats qui ont éclaté immédiatement ensuite.

 25   Mais tous ces événements ont donc fait suite à l'ultimatum émis par le


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  1   HVO, le 3 avril 1993. Et c'est là un ingrédient tout à fait intéressant

  2   pour comprendre la question qui se pose : la question de savoir qui a

  3   commencé tout cela. Compte tenu des faits qui ont été évoqués dans les

  4   témoignages, compte tenu de l'existence de cet ultimatum, on se demande

  5   qui a lancé le conflit.

  6   Blaskic, Zeko et Marin* ont dit que c'était l'armée de Bosnie-

  7   Herzégovine qui avait commencé. Examinons les choses de plus près. Ce que

  8   j'affirme, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ces témoignages

  9   sont tout simplement contraires à la vérité. Examinons donc les événements

 10   dans leur contexte, pour voir ce que le HVO a fait afin de se préparer à

 11   ce conflit. Monsieur le Président, je vois que vous regardez l'horloge.

 12   Souhaitez-vous une pause maintenant ?

 13   M. le Président. - Nous allons faire une pause de 20 minutes.

 14   L'audience, suspendue à 15H55 est reprise à 16H20.

 15   M. le Président. – L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

 16   (L'accusé est introduit dans le Prétoire.)

 17   Monsieur le Procureur, c'est à vous.

 18   M. Kehoe (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

 19   Au moment de la suspension d'audience, Monsieur le Président,

 20   Messieurs les Juges, nous commencions à parler des questions évoquées par

 21   Blaskic, Marin et Zeko, qui portaient sur qui avait commencé les

 22   hostilités, sur le conflit, le matin du 16 avril 1993. Nous savons qu'un

 23   ultimatum émis par le HVO devait expirer peu de temps après, le 15 avril

 24   1993.

 25   Mais examinons les autres facteurs, d'autres facteurs qui vont


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  1   être partie prenante dans ce problème. Nous avons un ordre émis par Anto

  2   Valenta, à savoir la fermeture des commerces et des écoles à partir du

  3   14 avril 1993 jusqu'au lundi suivant qui était, je crois, le 19 avril

  4   1993. Nous avons la création d'hôpitaux de campagne, comme nous l'a dit le

  5   Témoin F.

  6   Quelle était la logistique nécessaire à l'accomplissement de ces

  7   actions de combat, la logistique, les munitions, les hommes, les

  8   fournitures, le transport, les renforts, tous ces éléments, dont le

  9   colonel Stewart nous a dit qu'il faudrait au moins une demi-journée pour

 10   les planifier pour la seule ville d'Ahmici ?

 11   L'évacuation des Croates du secteur d'Ahmici, Santici, Nadioci,

 12   le 15 avril 1993, et l'existence de lieux de détention, qui devaient être

 13   organisés à l'avance, avant l'attaque du 16 avril 1993, car, en leur

 14   absence, comment les soldats du HVO auraient-ils su où amener les

 15   personnes qu'ils plaçaient en état de détention ? Il fallait qu'ils

 16   sachent où les emmener. Il n'était pas évident qu'il y aurait une prison

 17   dans l'école de Dubravica et une autre prison dans les locaux du cinéma,

 18   non loin du siège de la brigade de Vitez, ou dans le bâtiment de la

 19   sécurité publique, ou au centre vétérinaire. Pourtant, ce sont des

 20   endroits pour lesquels un certain nombre de témoins nous ont dit qu'à

 21   partir du début de la matinée, le 16 avril 1993, des personnes ont été

 22   emmenées en détention dans ces lieux.

 23   Ce qui est intéressant, c'est qu'alors que des préparatifs sont

 24   en cours de la part du HVO, nous ne voyons pas de préparatifs comparables

 25   de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine. L'armée de Bosnie-


Page 22977

  1   Herzégovine, les Musulmans de Bosnie n'ont pas créé d'hôpitaux de

  2   campagne, ils n'ont pas évacué les domiciles des Musulmans bosniens de la

  3   région. Rien de tout cela n'a eu lieu.

  4   S'agissant des témoignages des victimes, tous les témoignages,

  5   toutes les victimes que vous avez entendues, Monsieur le Président,

  6   Messieurs les Juges, indiquent un fait, à savoir qu'à partir du 16 avril

  7   1993, le HVO a attaqué. Pas l'armée de Bosnie-Herzégovine. L'armée de

  8   Bosnie-Herzégovine n'a pas attaqué sa population, elle n'a pas assassiné

  9   sa population. Elle n'a pas incendié les maisons de sa population le matin

 10   du 16 avril 1993. Toutes les victimes témoignent du fait que c'est le HVO

 11   qui a agi de la sorte. Des tierces parties qui ont témoigné, des témoins

 12   indépendants, tous les témoins, y compris les témoins du bataillon

 13   britannique tels le colonel Stewart, tels le colonel Thomas, tels le

 14   capitaine Ellis, tels le colonel Watter qui, à l'époque, était commandant

 15   Watter, tels le colonel Landry, tel le commandant Baggesen, tous ces

 16   observateurs indépendants en arrivent à la conclusion que c'est le HVO qui

 17   a lancé son attaque, le matin du 16 avril 1993.

 18   Après réflexion, les membres de l'ECMM en arrive à la même

 19   conclusion. Avec l'aide de M. Hooper, j'aimerais que soient montrés aux

 20   Juges les deux documents suivants.

 21   Ce que vous voyez ici, sur le chevalet, est la page de

 22   couverture d'un rapport élaboré par l'ECMM, dont le nom de l'auteur figure

 23   en haut à droite. C'est un officier dont le nom est Charles McLeod. Ce

 24   rapport porte sur les violences interethniques à Vitez, Busovaca et Zenica

 25   en avril 1993. Je fais remarquer que l'auteur de ce rapport en arrive à la


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  1   même conclusion. Je demande que l'on passe à la page suivante du rapport.

  2   Pour le compte rendu, j'indique qu'il s'agit de la pièce à conviction 242.

  3   Je sais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que vous

  4   aurez un peu de peine à lire ce texte qui figure ici en français et en

  5   anglais, mais je prendrai la liberté d'en lire les parties pertinentes qui

  6   portent sur l'identité de ceux qui ont commencé l'attaque.

  7   M. le Président. – Maître Hayman, si vous voulez vous approcher,

  8   vous le pouvez bien sûr.

  9   M. Kehoe (interprétation). – Deuxième  paragraphe : "Les Croates

 10   de Vitez ont lancé une attaque coordonnée, le 16 avril, contre les

 11   villages musulmans environnant Vitez et dans toute la région de Vitez où

 12   la population musulmane est majoritaire".

 13   L'évaluation faite par les représentants de l'ECMM consistait à

 14   dire qu'après examen de la situation, après analyse des protagonistes dans

 15   la vallée de la Lasva, protagonistes à ces événements, les faits ont été

 16   rassemblés, comparés. Je ferai remarquer que l'un des personnages

 17   mentionnés était l'accusé. Le témoin arrive à la conclusion qu'en fait,

 18   c'est le HVO qui a lancé ces attaques. (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


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  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   M. Hayman (interprétation). – (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   M. Kehoe (interprétation). – (Hors micro.)

  7   M. le Président. – Maître Kehoe ?

  8   M. Kehoe (interprétation). – Oui, la pièce à conviction de la

  9   défense est effectivement sous scellés.

 10   M. le Président. – Maître Abtahi, il faut donc expurger le

 11   compte rendu.

 12   M. Abtahi. – Oui, Monsieur le Président, ce sera fait.

 13   M. le Président. – Poursuivez, Monsieur le Procureur.

 14   M. Kehoe (interprétation). – Continuons à discuter du point de

 15   savoir qui a commencé. Cette chambre a vu un certain nombre d'autres

 16   rapports pertinents émanant du général Hadzihasanovic, commandant du

 17   3ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine, et relatifs aux événements des

 18   15 et 16 avril 1993. Dans ces rapports, rien n'indique qu'il y a eu la

 19   moindre préparation à des combats devant commencer le matin du 16 avril

 20   1993. Rien dans ces rapports n'indique que l'armée de Bosnie-Herzégovine

 21   devait être mise sur pied de guerre, le matin du 16. Au contraire, le

 22   général Hadzihasanovic dit : "Pourquoi ferais-je cela contre moi ?

 23   Pourquoi devrais-je ouvrir un deuxième front ?"

 24   Si l'on examine les choses en tant que stratège militaire, ce

 25   n'est pas indiqué d'ouvrir un deuxième front si l'on tient compte de


Page 22980

  1   l'existence de l'énorme front déjà contrôlé contre l'armée de la Republika

  2   Srpska.

  3   Le témoignage du général Hadzihasanovic montre qu'il n'y avait

  4   pas de préparatif de ce genre. Mais des demandes ont été présentées à

  5   plusieurs occasions, demandes relatives au cahier de notes du général

  6   Blaskic et à divers documents appartenant au colonel Blaskic. Ces

  7   documents, cette information n'a été fournie par aucune source. Donc il

  8   n'existe aucun document pour indiquer la véracité des propos du colonel

  9   Blaskic, aucun document de quelque source que ce soit.

 10   Essayons de voir ce qui s'est passé dans la réalité, sur le

 11   terrain, pour voir si c'est l'armée de Bosnie-Herzégovine qui a attaqué le

 12   HVO. Lorsque nous examinons les documents produits par la défense –et je

 13   fais référence à la pièce à conviction 345 de la défense-, sur la base

 14   d'un document de la défense, nous constatons que cette attaque surprise a

 15   produit un mort. Peut-être qu'avec d'autres documents de la défense, nous

 16   arriverons au chiffre de deux morts. Alors qu'à Ahmici, une centaine de

 17   personnes ont été tuées. Donc, suite à une attaque surprise de l'armée de

 18   Bosnie-Herzégovine, on a un taux de victimes qui s'établit à un contre

 19   cent, si l'on compare les morts bosniennes et les morts croates.

 20   Tout cela sans inclure le grand nombre de maisons appartenant à

 21   la population bosnienne musulmane qui ont été incendiées.

 22   Et si l'on rassemble tous ces facteurs avec sobriété en fin de

 23   compte, on ne peut attacher aucune crédibilité à la déposition de l'accusé

 24   ni à celle de son chef des opérations, Marin, responsable des

 25   renseignements et non plus Zeko. Ce n'est pas l'armée de Bosnie-


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  1   Herzégovine qui a lancé cette attaque, ce n'est pas vrai. Rien n'a été

  2   corroboré de ces dires.

  3   Voyons ce qui s'est vraiment déroulé. Qu'a produit la défense

  4   s'agissant de ces attaques ? Les pièces 267, 268 et 269. Que savons-nous

  5   de ces ordres ?

  6   Supposons un instant, sans discuter du contenu de ces ordres ni

  7   de leur suite, supposons à titre hypothétique qu'il s'agissait d'ordres

  8   tout à fait légitimes, ce que nous n'acceptons à aucun moment, mais

  9   supposons-le un instant, que savons-nous à propos de ces ordres ? D'après

 10   les faits recueillis sur le terrain, nous savons que ce ne sont pas les

 11   seuls ordres qu'ait émis Blaskic, quoi qu'il en ait dit dans le cadre de

 12   sa déposition et quoi qu'en ait dit Marin.

 13   Examinons la pièce 269 pour nous en convaincre, que dit cet

 14   ordre ? Cet ordre déploie la brigade de Vitez à 5 heures 30. La pièce 269,

 15   c'est l'ordre écrit, qui est rédigé dans les premières heures du matin, le

 16   matin du 16, pour déployer la brigade de Vitez, le 16 avril.

 17   Que dit Blaskic à la brigade de Vitez ? Il lui dit que, si elle

 18   va occuper une position particulière pour bloquer Vranjska et Kruscica, la

 19   police civile se trouvera à la gauche de la brigade, la brigade Subic-

 20   Zrinjski de Busovaca sera à la droite de la brigade et la police militaire

 21   devant.

 22   Qu'en savons-nous ? Il n'y a aucun ordre de déploiement de la

 23   police civile à 5 heures 30, pas le moindre. Il a ses troupes sur le pied

 24   de guerre, sur le pied de combat, il n'y a aucun ordre émis à destination

 25   de la police civile. De même, il n'y a aucun ordre qui exige de la brigade


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  1   Nikola Subic-Zrinjski, qui se trouve sur le flanc droit de la brigade de

  2   Vitez de se mobiliser aussi à 5 heures 30.

  3   Nous savons qu'il existe d'autres ordres. Parlons, si vous le

  4   voulez bien, notamment de la pièce 521 que nous allons placer sur le

  5   chevalet.

  6   Merci, Monsieur l'huissier. La pièce 521, Monsieur le Président,

  7   Messieurs les Juges, c'est un rapport émanant de la brigade Jure Francetic

  8   à Zenica, qui fait rapport à la zone opérationnelle de Bosnie centrale,

  9   dont Marin a dit qu'il l'avait reçu. Je lui ai posé la question de savoir

 10   combien il fallait de temps pour ordonner la mobilisation des troupes. Il

 11   nous a dit : "Au moins deux ou trois heures avant la mobilisation".

 12   Ce rapport en particulier, dont on voit là l'heure de

 13   production, le 16 avril, nous montre que la brigade de Zenica s'était

 14   déployée bien avant 6 heures du matin, ce matin-là du 16 avril. Il

 15   remarque ceci, rapport d'opération : "A 6 heures du matin, la nuit a été

 16   calme dans la zone couverte par la brigade, toutes les unités occupent les

 17   positions qu'elles avaient au départ, dont elles s'étaient emparées. Tout

 18   est en ordre dans la ville et les unités laissent passer les civils non

 19   armés qui vont travailler".

 20   Où se trouve l'ordre émis par Blaskic ? Ordre qui dirait à la

 21   brigade Jure Francetic de se mettre en position autour de Zenica et à

 22   Zenica ? Où est il ? Parce qu'ici, nous avons un rapport qui nous revient

 23   du terrain, qui nous dit que ces positions ont été établies. Où se trouve

 24   l'ordre qu'aurait émis Blaskic, donnant l'ordre à ses unités de

 25   s'installer ? Cet ordre n'existe pas. Ce qui compte davantage, il existe


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  1   cet ordre, mais Marin et Blaskic nous ont dit qu'aucun autre ordre n'avait

  2   été émis. Alors, si ce témoignage était exact, la Chambre devrait se

  3   demander comment il se fait que la brigade de Zenica savait où prendre

  4   position, où se déployer. Ils le savaient et savaient à quel moment se

  5   déployer, à qui ils devaient faire un rapport parce que Blaskic avait

  6   donné d'autres ordres ce jour-là, des ordres que nous, nous n'avons pas

  7   vus.

  8   Comment savons-nous qu'il a émis d'autres ordres ? Parce que ce

  9   qu'il a fait au plan militaire défie la logique et défie aussi ce qu'il

 10   nous a dit dans sa déposition. Il nous a dit qu'à 11 heures 30, le

 11   15 avril 1993, il y avait eu des opérations de combat sur le mont Kuber et

 12   qu'il y avait eu des blessés, que le conflit état grave. Etant donné le

 13   fait qu'il croyait que l'offensive de l'armée de Bosnie-Herzégovine allait

 14   commencer à ce moment-là, que ferait alors un commandant ?

 15   Allait-il déployer ses troupes sur cet endroit ? Ou, s'il

 16   voulait vraiment assurer la sécurité de cette route allant de Vitez à

 17   Busovaca, est-ce qu'il dirait à ses troupes de monter directement sur le

 18   relief au-dessus d'Ahmici ?

 19   Blaskic lui-même l'a dit. Il est impossible de protéger un axe

 20   de communication en se trouvant sur cet axe. Il faut partir en hauteur

 21   pour surplomber la route, c'est tout à fait logique.

 22   Mais lorsque l'attaque se produit à 11 heures 30 du matin -là

 23   nous parlions du 23 heures 30, le soir du 15-, Blaskic déploie ses troupes

 24   au-dessus d'Ahmici, il ne parle pas non plus à la brigade de Vitez de

 25   cette attaque, pourquoi ?


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  1   C'est bien cela qu'il faut se demander. S'il ne l'a pas fait

  2   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est qu'il prévoyait d'autres

  3   choses pour ses troupes : pour la brigade de Vitez, pour la police

  4   militaire, pour les membres de la brigade Nikola Subic-Zrinjski, ainsi que

  5   pour les Vitezovi et ce plans était concentré sur Ahmici.

  6   Que pourrait-on trouver comme autre explication si le fait qu'il

  7   n'a pas occupé le promontoire à un point crucial, au moment où il croyait

  8   que ses troupes se trouvaient en état d'être attaquées ? Il les a gardées

  9   à l'endroit où il les avait pour entamer l'opération qu'il voulait entamer

 10   à 5 heures 30 du matin. Il a ordonné que ses troupes prennent position à

 11   5 heures 30 pour assurer une opération de nettoyage, pour être sûr que la

 12   population musulmane de la vallée de la Lasva allait partir. Il voulait

 13   évincer, expulser cette population, espérant que le reste suivrait.

 14   Ce qui s'est passé à Ahmici, c'est une action qui était le fait

 15   non pas de renégats, mais de troupes qui suivaient et qui exécutaient des

 16   ordres donnés par l'homme qui était le plus puissant dans la région de la

 17   vallée de la Lasva. Cet homme qui était le plus puissant, eh bien c'est

 18   l'accusé. Ses hommes, sur le terrain, exécutaient, suivaient des ordres.

 19   Comment le savons-nous ?

 20   Voyons certains des éléments de preuve versés au dans ce sens et

 21   sur ce sujet.

 22   Abdulah Ahmic -je ne sais pas si vous vous souvenez de cet

 23   homme- ; c'était un homme, un jeune homme qui avait été emmené de sa

 24   maison en compagnie de son frère et de son père et je crois qu'ils ont été

 25   tués à bout portant. Mais Abdulah Ahmic a survécu parce que la balle a


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  1   traversé sa mâchoire et est sortie de l'autre côté. Mais, il a donné des

  2   informations tout à fait intéressantes dans le cadre de sa déposition, à

  3   propos des  ordres.

  4   Page 3731, lorsque cet homme est sorti de la maison, il a donné

  5   l'ordre au plus jeune, il lui a dit : "Suis les ordres" et le plus jeune a

  6   dit : "Non, je ne le ferai pas". Il l'a répété deux fois. Il a répondu,

  7   s'agissant de ces deux ordres, qu'il ne pouvait pas les exécuter. Puis le

  8   grand a dit : "D'accord, c'est moi qui vais l'exécuter, cet ordre. Mais

  9   rappelle-toi…" et l'a dit d'une façon menaçante "il m'a donné l'ordre, à

 10   moi et à mon père, de passer du côté Sud. Il a ordonné au plus jeune de

 11   garder ma mère et ma sœur."

 12   Mon collègue, Me Cayley, pose la question à Abdulah Ahmic à la

 13   page 3835, il lui dit ceci : "Monsieur Ahmic lorsque votre frère, votre

 14   père ont été assassinés dehors, devant la maison, croyez-vous que les

 15   soldats qui sont les auteurs de ces actes répondaient à des ordres ou

 16   pensez-vous qu'ils ont simplement décidé de leur propre gré de tuer votre

 17   frère et votre père ?

 18   Réponse : Dans ma déclaration et dans toutes les déclarations

 19   préalables que j'ai faites, j'ai répété qu'ils suivaient ces ordres

 20   militaires, rien que cela. C'est ce qu'ils avaient dit.

 21   "Fais comme on t'a dit, comme on t'a donné l'ordre de le faire.

 22   Puis, il a refusé et il a dit : "Ne t'en fais pas, c'est moi qui vais

 23   l'exécuter cet ordre." Il l'a fait."

 24   C'était donc là un ordre purement militaire, très stricte, qu'il

 25   avait reçu de quelqu'un. C'était un ordre de tuer et effectivement, son


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  1   frère, son père ont été assassinés.

  2   Le Témoin F, page 3688, fait remarquer ceci :

  3   "Puis, mon mari s'est adressé à Ilija, une fois de plus. Il lui

  4   a dit : Ilija, je t'en conjure, ne tue pas les femmes et les enfants,

  5   laisse-les partir et fais ce que tu veux de nous.

  6   Il a dit : "Ma femme est enceinte, comme la tienne. Je suis

  7   désolé, mais nous avons reçu des ordres visant à tuer tous les Musulmans

  8   et les Musulmans ne vivront plus jamais ici".

  9   Plus tard, dans une autre localité, le lendemain, le Témoin F

 10   parle de cet ordre qui était un ordre de tuer.

 11   Page 3671 : "Dans l'intervalle, un autre de nos voisins est

 12   arrivé et s'est approché de mon frère, à peu près deux heures après le

 13   départ d'Ivica. Il regardait mes frères, mon mari, moi-même, il nous

 14   regardait tous, car nous étions tous ensemble. Il leur a offert des

 15   cigarettes. Je me suis approché pour voir ce qui se passait, ce qu’il

 16   allait me dire. Il a dit, je cite : "Je suis désolé, mais j'ai reçu

 17   l'ordre de vous faire sortir. Ce sont eux qui m’ont donné l’ordre. Il

 18   était là en train de fumer et lui était toujours debout.

 19   Question : Quand vous dites que ce sont eux qui ont donné

 20   l'ordre, que devait-il faire après cet ordre ?

 21   Il avait donné l’ordre de nous faire sortir tous les trois. Il a

 22   dit : J'ai dû vous faire sortir afin que vous soyez tués ».

 23   Fatima Ahmic, page 3 955 : « J'ai commencé à sangloter. Mon cher

 24   Drago, pourquoi n’as-tu pas sauvé la vie de mon Fahrudin. Il s'est

 25   approché pour me présenter ses condoléances. Je lui ai dit : Pourquoi


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  1   aurais-je besoin de tes condoléances alors que tu n’as pas sauvé mon

  2   Fahrudin. Sais-tu qui a tué mon Fahrudin ?

  3   Il a répondu : je ne sais pas, ce n'est pas moi. C'était la

  4   force majeure qui l’a ordonné, l'ordre venait de plus haut".

  5   Voici plusieurs témoignages sur ce point. Pour terminer sur ce

  6   passage, j'aimerais passer rapidement à huis clos partiel, Monsieur le

  7   Président.

  8   L'audience se poursuit en session à huis clos partiel.

  9   (expurgée)

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 23   L'audience se poursuit en session publique.

 24   M. Kehoe (interprétation). -  Vous avez sous les yeux un recueil

 25   de diverses photographies ; elles vous montrent les victimes, les membres,


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  1   les familles de ces victimes, à des moments plus heureux bien sûr.

  2   Malheureusement, vous avez ici, les faits de toutes ces actions sur la

  3   population musulmane, dans la municipalité de Vitez, à Ahmici, à Santici,

  4   à Nadioci, à Pirici ainsi que dans d'autres villages.

  5   Remarquons qu’il y a bien sûr des jeunes hommes en âge de

  6   combattre dans ce collage, mais nous trouvons aussi des femmes, des hommes

  7   âgés, de jeunes femmes, de jeunes filles, de jeunes garçons, des gens qui

  8   pouvaient tout espérer de la vie. Or, cette vie leur a été prise, enlevée,

  9   emportée le matin du 16 avril 1993, dans l'exécution de cette politique de

 10   domination monoethnique. Voici le résultat final de ce jeu joué par le HVO

 11   qui voulait appliquer unilatéralement le plan Vance-Owen pour s’emparer du

 12   pouvoir. Ceci a donné une misères, une tragédie. Qu'est-il advenu des

 13   survivants ? Qu’ont-ils eu à la suite ? Ont-ils gardé quoi que ce soit ?

 14   Ils ont perdu leur maison, c'est certain. Nous allons parcourir certaines

 15   de ces images. Parlons du village d'Ahmici, du village de Gacice.

 16   Pour ce qui est d'Ahmici, j'aurais voulu montrer la mosquée du

 17   haut, nous parlerons de celle du bas, et nous passerons à celle du haut.

 18   Parlons de Pirici, du village de Nadioci, le village de Donja Veceriska.

 19   Bien sûr, il y en a d'autres ; ce ne sont pas les seuls villages décimés

 20   par les éléments du HVO sous les ordres de Blaskic, dès le 16 avril. Il y

 21   a d'autres villages et je suis sûr qu'il y a des maisons innombrables qui

 22   ont été ciblées, détruites par les éléments du HVO. Pourquoi ?

 23   Il suffit d'examiner la déposition du témoin tiers pour s'en

 24   convaincre que ces personnes ont été tuées, expulsées de ces maisons pour

 25   veiller à une chose : que ces personnes ne reviennent jamais chez elles.


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  1   Tout ceci se produit sur une portion de territoire finalement exigu.

  2   Monsieur Hooper, pouvez-vous placer la pièce 29C sur le

  3   chevalet ?

  4   Examinons cette pièce. Je suis sûr, Monsieur le Président,

  5   Messieurs les Juges, que cette pièce est bien connue de tous maintenant.

  6   Vitez se trouve au centre de ces cercles. Et si possible, passons à

  7   Santici, à distance de 3 km ; Ahmici, environ 5 km. A la pièce 59, vous

  8   verrez que cela se trouve à 4 700 mètres de distance. Puis Loncari, à

  9   7 km ; Gacice, à 2 km, Donja Veceriska, 3 km. Ces villages qui ont été

 10   décimés, détruits par les forces du HVO ; alors que Blaskic pouvait se

 11   mettre devant l'hôtel Vitez et voir, et il dit que non… Il dépose en

 12   disant qu'il n'était pas au courant de ce qui se passait. Il ne savait pas

 13   que cela se passait à l’endroit où il se trouvait et il prétend que c'est

 14   l'armée de Bosnie-Herzégovine qui a agi. Compte tenu de l'endroit où cela

 15   se passe, de la portée de ces destructions, mais il n'avait pas d’autre

 16   choix que d’essayer de faire porter la responsabilité par quelqu'un

 17   d'autre. Il dit donc que ce ne sont pas ses propres forces, c'est

 18   totalement illogique.

 19   Le fait que nous voyons cela ici, cela entraîne une conclusion

 20   claire : il devait savoir ce qui se passait là-bas. Nous allons revenir à

 21   cet autre fait qui est de savoir qu’il n’a rien entrepris pour le

 22   prévenir. Il n'a puni personne pour l'avoir fait. Nous avons vu des

 23   événements tragiques se produire et qui étaient perpétrés par des hommes

 24   sous le commandement de Blaskic, mais il n’a rien fait. Ces crimes ont

 25   continué au-delà de la date du 16 avril. Nous allons aborder ces questions


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  1   à présent.

  2   Veuillez m'excuser un instant, Monsieur le Président.

  3   M. le Président. - Monsieur le Procureur, un petit problème de

  4   numérotation de pièce. Le tableau où vous avez regroupé tous les

  5   témoignages personnels des victimes est, si j'ai bien compris, l'addition

  6   de photos qui ont fait l'objet de dépôt comme pièce à conviction. Je suis

  7   même sûr.

  8   M. Kehoe (interprétation). – Tout à fait, Monsieur le Président.

  9   Ces photographies représentent une série de photographies versées au

 10   dossier. La seule chose que nous avons faite est de constituer une

 11   mosaïque au lieu de voir les photos dans une série.

 12   M. le Président. - Ce n'est plus le lieu de numéroter, de

 13   déposer des pièces à conviction. Il faut en rester comme étant une façon

 14   de présenter votre réquisitoire final. Nous sommes d’accord ? Pas

 15   d'objection ?

 16   M. Kehoe (interprétation). - Non.

 17   M. le Président. -  Bien, alors poursuivons.

 18   M. Kehoe (interprétation). - La dernière pièce nous permettant

 19   de nous situer dans le cadre géographique est la pièce de l'accusation 31.

 20   Nous avons remarqué plusieurs endroits qui sont situés dans ces cercles

 21   concentriques, qui correspondent à la zone de la ville de La Haye. A :

 22   c'est la gare centrale, ici, nous avons l’Hôtel Vitez. La distance serait

 23   la distance par rapport à la gare centrale ou l’Hôtel Vitez. B : c'est

 24   Ahmici, c'est donc sur la plage à La Haye. Si on se tient devant la gare

 25   centrale, à distance entre le quartier général de Blaskic et Ahmici, c'est


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  1   la différence entre la plage et la gare centrale à La Haye. C'est une

  2   distance de cinq kilomètres.

  3   Bien entendu, il y a des choses qui se trouvent plus près.

  4   Santici est le point C, c'est moins de cinq kilomètres ; Gacice, encore

  5   moins, deux kilomètres environ par rapport au centre. Donc nous parlons du

  6   fait que Blaskic n'était pas au courant de ce qui se passait à Ahmici,

  7   jusqu'au 22 avril 1993. Les distances dont nous parlons sont extrêmement

  8   réduites entre ces deux localités. Alors qu'il dit qu'il s'est passé

  9   environ une semaine avant qu'il n'ait appris ce qui s'est produit à cet

 10   endroit.

 11   Mais où se trouvait Blaskic dans la matinée du 16 ? C'est la

 12   question. Il aimerait bien vous faire croire, ainsi que Marin aimerait

 13   vous faire croire, qu'il s'agissait d'une attaque surprise. Et qu'il se

 14   trouvait emmuré dans la cave à Vitez, et qu'il ne savait absolument ce qui

 15   se passait à 5 km de là, ainsi que dans d'autres villages, à une distance

 16   considérablement moindre. Mais qu’en savons-nous effectivement ? Nous

 17   savons que c'est un homme qui va sur le terrain. En octobre, par exemple,

 18   nous le savons à partir de son ordre qu'il a émis, la pièce de

 19   l’accusation 647, ainsi que grâce aux entretiens qu’il est supposé avoir

 20   eus avec le colonel Stewart. Il était sur le terrain, sur la ligne de

 21   front, à Novi Travnik, là où les combats se déroulaient.

 22   Combien de fois nous a-t-il dit, au cours de son interrogatoire

 23   principal, qu'il s'était rendu sur la première ligne, à Jajce en

 24   particulier, pendant les événements qui se sont déroulés à Jajce pendant

 25   la chute de cette ville à l’automne 1992, et l'attaque sur Kiseljak en


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  1   janvier 1993. Il a dit qu'il était sur le terrain pendant les attaques qui

  2   se sont produites le 28 ou le 29 janvier avec Mato Lucic.

  3   Avançons, au mois de septembre 1993, à Grbavica, nous avons une

  4   fois de plus, nous avons Blaskic, le commandant militaire qui est sur le

  5   terrain, sur place, pour suivre le déroulement des événements. Le seul et

  6   unique moment où Blaskic prétend qu’il n'était pas sur le terrain, alors

  7   que les combats se déroulaient, ce sont les événements du 16 avril, le

  8   seul moment. Les faits reflètent la vérité qu'il se trouvait, en effet,

  9   sur le terrain. Et comment le savons nous ?

 10   Grâce aux témoin tiers, à 10 heures du matin. La personne

 11   qu'aurait souhaitée Blaskic, s'il avait été attaqué, aurait été le colonel

 12   Stewart. La personne qui aurait pu l’aider pour retrouver un cessez-le-

 13   feu. Cette personne est le colonel Stewart. Le colonel Stewart est arrivé

 14   à l’Hôtel Vitez vers 10 heures, et Blaskic n'était pas là. Il n'est pas le

 15   seul. Et, par ailleurs, avant de passer au témoin suivant, le colonel

 16   Stewart a dit que c'était tout à fait compréhensible. Lui, il a trouvé

 17   tout à fait compréhensible, lui en tant qu'officier militaire, qu'un homme

 18   tel que Blaskic se trouve sur le terrain pendant qu'il y a des opérations

 19   de combat et pendant que ses troupes ont été déployées. Cela n’a pas été

 20   une surprise pour le colonel Stewart le fait de constater que Blaskic

 21   n'était pas sur place.

 22   Le témoin suivant, le commandant Baggesen, qui faisait partie de

 23   la mission d’observation européenne, lui aussi a essayé de voir Blaskic

 24   dans la matinée du 16 avril 1993, de manière indépendante du colonel

 25   Stewart. Que dit-il à la page 1919 ?


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  1   « Question : Avez-vous essayé et avez-vous pris contact avec le

  2   colonel Blaskic ?

  3   Réponse : Nous avons essayé à plusieurs reprises, mais on nous a

  4   dit que le colonel Blaskic n'était pas dans son quartier général.

  5   Question :Vous étiez avec un autre officier militaire ? Je pense

  6   au lieutenant colonel de l’armée canadienne, n’est-ce pas ?

  7    Réponse : Oui.

  8   Question : Avez-vous discuté de l'absence du colonel Blaskic

  9   avec lui ?

 10   Réponse : Oui, nous en avons parlé et nous avons considéré que

 11   cela n'était pas vraiment surprenant, le fait de ne pas pouvoir prendre

 12   contact avec le colonel Blaskic parce qu’il est normal, pendant une

 13   opération militaire, que le commandant se trouve le plus près de la ligne

 14   de front pour pouvoir commander ses soldats.

 15   Question : Est-il normal que le commandant se trouve à son poste

 16   de commandement avancé et on parle de l'hôtel Vitez qui se trouvait à

 17   l'arrière, plutôt que de se trouver à l’Hôtel Vitez, est-ce exact ?

 18   Réponse : Oui, c'est exact ».

 19   (L’interprète se reprend.)

 20   « Donc ce n'était pas surprenant que Blaskic se trouve sur le

 21   terrain pendant que se déroulent les opérations de combat ; et Blaskic et

 22   Zeko ne se trouvaient pas dans le sous-sol de l’Hôtel Vitez ».

 23   Ils ne pouvaient pas rester trois jours enfermés ainsi. Cela

 24   n’est simplement vrai et cela contredit les dépositions des témoins tiers.

 25   Blaskic était quelqu'un que ces hommes souhaitaient rencontrer mais quand


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  1   ils sont arrivés à l'hôtel Vitez, lui, ne s'y trouvait pas.

  2   Après le 16 avril, à d'autres endroits, des combats ont éclaté.

  3   Blaskic savait que les forces du HVO étaient présentes, le même modus

  4   operandi, le même que le 16 avril.

  5   A Loncari, par exemple, à sept km environ de l'endroit où se

  6   trouve Blaskic, pas d'opérations de combat. Les femmes et les enfants qui

  7   ont été emmenés dans le mekteb et les maisons ont été brûlées, les civils

  8   qui ont été chassés du village, et tout cela par les forces du HVO.

  9   Blaskic a admis qu'il y a eu du HVO à Loncari, et plus tard, dans un autre

 10   village, à nouveau incendié par la police militaire, et cela n'est pas

 11   contesté. Encore une fois, c'était sous le contrôle et le commandement de

 12   Blaskic. Cela s'est passé le 19 avril. Ce n'est pas le seul endroit où ces

 13   activités se sont produites. Il suffit de passer à d'autres forces, et

 14   nous allons voir que c'est ce qui se passe.

 15   La brigade Ban Jelasic et Mijo Bozic, à Kiseljak, par exemple.

 16   Passons à la pièce 299 et à la pièce 300 pour examiner cela.

 17   C'est le premier ordre, tôt le matin, le 17, à 9 heures 10, le

 18   17 avril 1993. C'est un ordre intéressant et ce pour plusieurs raisons.

 19   Premièrement, on nous a dit que tôt ce matin-là, Blaskic s'est

 20   préoccupé de la mort des civils parce que l'un de ses subordonnés a

 21   remarqué les civils qui fuyaient devant la brigade Viteska, le 16 avril.

 22   Nous pouvons examiner cette pièce. Vous l'examinerez pendant que vous

 23   délibérerez et vous verrez que Blaskic ne se préoccupe pas de protéger les

 24   civils, alors que les villages musulmans sont attaqués par la brigade Ban

 25   Jelasic.


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  1   Ici, il s'agit d'un ordre émis à l'adresse de Blaskic. Alors que

  2   Blaskic nous a dit qu'il fallait l'examiner ensemble, avec la pièce 300.

  3   Il s'agit, d'une part, d'un ordre disant quoi faire et, d'autre part,

  4   quand le faire. Premièrement, quand le faire : qu'est-il dit ? Prendre le

  5   contrôle de Gomionica et de Svinjarevo à travers des attaques

  6   systématiques. La pièce 300 répète cela. Au paragraphe 2.2, comme nous

  7   pouvons le voir ici, il est dit : "Les forces doivent s'emparer de

  8   Gomionica et de Svinjarevo". Bien entendu, il s'agit d'un ordre qui, vers

  9   la fin du texte, précise aux forces qu'elles doivent tenir compte de leurs

 10   responsabilités historiques.

 11   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Blaskic a déposé

 12   ici. Il a dit qu'il n'a pas donné cet ordre à ses forces de s'emparer de

 13   Gomionica. Or, c'est exactement ce qu'il leur a dit de faire. Il leur a

 14   dit de prendre le village de Gomionica, mais aussi de s'assurer du

 15   contrôle des autres parce que certains villages auraient pu apporter un

 16   soutien à ce village. Donc il donne l'ordre d'attaquer Gomionica dans la

 17   matinée du 18 avril 1993.

 18   Non seulement cela, mais pendant qu'il donne cet ordre et

 19   pendant qu'il ordonne d'autres attaques, un accord de cessez-le-feu

 20   intervient. Si vous vous rappelez, un ordre de cessez-le-feu a été signé,

 21   paraît-il, pour le 18 avril 1993. Néanmoins, si on passe au 19 avril,

 22   Blaskic continue à donner l'ordre à ses forces de s'emparer de Gomionica

 23   et de poursuivre leurs attaques.

 24   Si vous me permettez de passer un instant à huis clos partiel,

 25   je voudrais évoquer une déposition qui a été faite à huis clos et j'en


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  1   aurai bientôt terminé.

  2   L'audience se poursuit en session à huis clos partiel.

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

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 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   L'audience se poursuit en session publique.

 20   Nous avons parlé de l'ordre de Mijo Bozic du 27 janvier 1993. A

 21   la lumière du fait qu'il n'y a eu aucune sanction imposée par l'accusé

 22   Tihomir Blaskic, cela ne fait aucune surprise que de tels événements se

 23   soient produits tels que des expulsions, des meurtres, des maisons mises à

 24   feu et ce par la brigade Ban Jelasic, des attaques sur Svinjarevo,

 25   Gomionica, Behrici et d'autres villages dans la municipalité et ce le jour


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  1   où ces attaques ont commencé le 18 avril 1993. Il suffit d'examiner

  2   brièvement l'état de ces villages pour se rendre compte de ce qui s'est

  3   produit. Le village de Visnjica, le village de Behrici, de Gromiljak, le

  4   village de Hercezi.

  5   Je demanderai l'assistance de M. Hooper pour vous présenter la

  6   pièce 391. Vous avez ici la vue sur village de Gomionica.

  7   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez une série

  8   de photographies qui, réunies, représentent le panorama de Gomionica. Vous

  9   voyez les dommages provoqués sur les constructions musulmanes lors des

 10   attaques qui ont commencé le 18 avril 1993.

 11   Je souhaite passer au document suivant, la pièce de

 12   l'accusation 395, pardon, la pièce à conviction 95. Il s'agit d'un rapport

 13   de la mission d'observation européenne. Encore une fois, c'est un document

 14   qui émane d'une partie tierce. Si vous me permettez, Monsieur le

 15   Président, de me rapprocher du document. Il s'agit d'une liste de villages

 16   visités par Allan Laustsen et par l'un des témoins qui est venu ici, Lars

 17   Baggesen. Ils se sont rendus dans les villages d'Hercezi, Polje Visnjica,

 18   Visnjica, Gomionica. Puis, vous avez ici toute une série de dommages qui

 19   ont pu être constatés. Cela révèle parfaitement ce qu'on fait les forces

 20   de Blaskic.

 21   Au point 4, les conclusions de l'équipe, il est manifeste que la

 22   purification ethnique s'est produite dans cette zone. C'est quelque chose

 23   qui ne nous surprend pas à partir du moment où nous savons ce que

 24   faisaient les troupes sous le commandement de Blaskic. Les troupes de

 25   Blaskic pillent et expulsent la population, détruisent les villages. Dans


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  1   la vallée de la Lasva la même chose se produit. Comme ce qui s'est passé à

  2   partir du 16 et le 18 avril, la même chose se passe dans la municipalité

  3   de Kiseljak. Cela n'est pas une surprise, c'est le mode d'opération que

  4   Blaskic a employé. Malheureusement, le résultat a été connu le 29 avril

  5   1999, à peu près dix jours après ces événements, la destruction de ces

  6   villages.

  7   Sur le plan chronologique, Monsieur le Président, Messieurs les

  8   Juges, je voudrais remonter dans le temps, dans la vallée de la Lasva. Le

  9   18 avril 1993, ce qui se passe, c'est que l'armée des Musulmans de Bosnie,

 10   prise par surprise, en premier lieu riposte. Elle souhaite repousser les

 11   forces du HVO. Toute une série d'événements se produisent où l'armée de

 12   Bosnie essaie de réagir. Mais le HVO, de son côté, le 18 avril 1993,

 13   organise cette attaque par camion piégé, camion-bombe. Vous verrez une

 14   série de photographies des dommages produits par le camion-bombe.

 15   Que se passe-t-il vers 17 heures, le 18 avril ? Un camion plein

 16   d'explosifs est envoyé dans Stari Vitez. Ce camion explose, les dégâts

 17   sont importants, dont vous en voyez une partie sur la photo, et cela

 18   provoque la mort dans ce qui a été décrit comme une attaque terroriste.

 19   Cela a été décrit par un représentant du bataillon britannique.

 20   Cela est fait par les Vitezovi. Ils ont utilisé des quantités

 21   immenses d'explosifs, d'explosifs qui étaient sans aucun doute sous le

 22   commandement et le contrôle de Blaskic.

 23   Ce qui est intéressant au sujet de la déposition de M. Blaskic,

 24   c'est la chose suivante : avant que cet événement ne se produise, lui

 25   n'était pas au courant du tout. Mais examinant ces dépositions, encore une


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  1   fois, il n'était pas au courant du fait qu'un acte terroriste allait se

  2   produire.

  3   Essayons d'examiner la pièce de l'accusation 707.

  4   Monsieur le Président, qui sont les individus qui ont déposé

  5   devant cette Chambre ? Il s'agit à la fois des témoins de la défense et de

  6   l'accusation. Ces gens ont dit qu'ils savaient que cette explosion allait

  7   se produire avant qu'elle n'ait lieu.

  8   Le Dr Fuad Zeko, où se trouve-t-il ? Il se trouve détenu dans la

  9   station vétérinaire. Vous savez que plusieurs personnes étaient détenues à

 10   cet endroit, étaient emmenées creuser des tranchées. Il savait qu'il

 11   allait y avoir une explosion.

 12   Une autre personne, le Dr Mujezinovic, où se trouve-t-il ? Lui,

 13   il est chez lui, dans sa maison. Un autre soldat du HVO, d'autres soldats

 14   de HVO et des voisins lui disent qu'il allait y avoir des explosions.

 15   M. Pezer, Sefik Pezer, lui est détenu au cinéma, lui et d'autres

 16   personnes ; plusieurs centaines de personne sont détenues au cinéma et

 17   dans la cave, près du quartier général de la brigade Viteska. Pendant

 18   qu'il était là, un soldat du HVO lui a dit de descendre en bas, dans le

 19   sous-sol, et de se protéger contre les bris de glace, puisqu'il y allait y

 20   avoir une explosion.

 21   Puis, nous avons une femme, qui dit que c'est un voisin qui lui

 22   a dit qu'il allait y avoir une explosion et qu'il fallait qu'elle ouvre

 23   les fenêtres pour que les vitres ne soient pas brisées.

 24   Et Marijan Strukar, qui vit au sud de Stari Vitez ; c'est un de

 25   ses voisins qui lui a dit qu'il fallait se mettre à l'abri parce qu'une


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  1   explosion allait avoir lieu.

  2   Tous ces individus sortent complètement de la filière de

  3   commandement et de contrôle ; ils n'ont rien à voir avec le HVO. Tous ces

  4   gens savaient que cette explosion allait se produire. La seule personne

  5   qui ne le savait pas et qui a déposé ici, c'est le colonel Blaskic.

  6   Et pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi a-t-il dit qu'il ne pouvait

  7   pas le savoir ? Parce qu'il ne pouvait pas faire face aux conséquences

  8   d'un acte terroriste de cette ampleur, parce que cela sort à un tel point

  9   des lois et des coutumes de la guerre, que des sanctions criminelles

 10   s'imposent. Il cherchait donc à se protéger. C'est pour cela qu'il

 11   continue systématiquement à affirmer qu'il n'était pas au courant, qu'il

 12   n'était nullement au courant de cela.

 13   Compte tenu de la proximité de cette explosion qui s'est

 14   produite à peu près à 400 mètres de son quartier général, compte tenu du

 15   fait que d'autres individus le savaient, sa déposition paraît alors

 16   totalement incroyable.

 17   Monsieur le Président, il est presque 17 heures 30 ; c'est peut-

 18   être un moment opportun avant que je ne passe à un autre sujet.

 19   M. le Président. – Nous allons lever notre audience. Nous la

 20   reprendrons demain matin à 10 heures.

 21   L'audience est levée à 17 heures 30.

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