Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                    Affaire IT-95-14-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3  

  4   LE PROCUREUR

  5   c/

  6   Tihomir BLASKIC

  7         Vendredi 30 juillet 1999

  8  

  9   L’audience est ouverte à 10 heures 00.

 10   M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

 11   vous pouvez faire introduire l'accusé dans la salle de séance, s'il vous

 12   plaît.

 13   (L'accusé est introduit dans le Prétoire).

 14   Je salue les interprètes. Tout le monde est prêt, les conseils

 15   de l'accusation, les conseils de la défense. L'accusé est prêt aussi je

 16   vois.

 17   Les interprètes. - Bonjour, Monsieur le Président, les

 18   interprètes vous saluent.

 19   M. le Président. - Merci. Sans plus tarder, Maître Hayman, vous

 20   avez la parole.

 21   M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 22   Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Ceci est une journée

 23   que nous attendons tous depuis longtemps avec impatience ; pas en raison

 24   des arguments de la défense, mais bien entendu parce que c'est le dernier

 25   jour de ce procès.


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  1   Hier soir, j'en ai terminé en parlant de ce qui se passait à

  2   5 heures 30 du matin le 16 avril. Blaskic avait émis trois ordres, les

  3   trois ordres dont nous avons parlé hier. Et, aux environs de 5 heures 30,

  4   nous savons que l'armée de Bosnie-Herzégovine pilonne l'hôtel Vitez et que

  5   la police militaire attaque Ahmici. Le moment exact de ces événements nous

  6   ne le connaissons pas. Ce n'est pas tout à fait clair, mais il apparaît

  7   que ces deux événements se sont déroulés à peu près au même moment. Il

  8   n'est pas illogique, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'au

  9   moment où les combats ont commencé, le chaos s'est déclenché parce que

 10   tous ces bâtiments, tous ces lieux à Vitez sont très proches les uns des

 11   autres. On peut entendre les détonations d'un endroit à un autre. Nous

 12   vous demandons de vous replacer dans l'esprit, dans cet environnement

 13   particulier, où se trouvaient les hommes des deux armées, les hommes qui

 14   faisaient partie des armées de la brigade de Vitez depuis quelques

 15   semaines.

 16   Nous vous demandons de penser à leur réaction lorsqu'ils ont

 17   entendu les coups de feu, lorsqu'ils ont entendu les obus, lorsqu'ils ont

 18   vu les émissions de télévision au sujet de l'enlèvement de Totic et du

 19   meurtre de son entourage, lorsqu'ils ont vu les corps de personnes mortes

 20   et que les combats ont commencé. Il y avait une crainte très importante,

 21   une peur qui régnait et même certainement une certaine panique, aussi bien

 22   parmi les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine que parmi les hommes du

 23   HVO. Ce qui s'est passé à Ahmici eu égard à la police militaire est un peu

 24   différent.

 25   Mais, à Vitez et aux alentours de Vitez, voilà quels ont été les


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  1   événements  les plus importants. Que s'est-il passé à l'hôtel Vitez ? Vous

  2   avez entendu le général Blaskic vous parler très très longuement de ce qui

  3   s'est passé le 15, le 16, le 17 avril, selon les notes qu'il avait prises

  4   dans son journal opérationnel , que le général Blaskic a pu donc revoir à

  5   la fin de l'année 1995 et dont il a pu entrer en possession avant de venir

  6   au procès. Il a donc pu s’en servir pour vous donner tous les détails au

  7   cours de sa déposition. Je crois donc qu'il a déposé, si je ne m'abuse,

  8   trois mois environ, en tout cas une majorité de cette période.

  9   Il vous a donné tous les détails, Monsieur le Président,

 10   Messieurs les Juges, et l'accusation a eu la possibilité avec ces témoins

 11   en réfutation, de contredire les dires du  général Blaskic à l'aide

 12   d'éléments de preuve. Eh bien, l'accusation a choisi de ne pas agir de la

 13   sorte, elle s'est contentée d'attaques verbales, Monsieur le Président,

 14   Messieurs les Juges, sur les dires du général Blaskic. Et, je reviendrai

 15   sur ces éléments dans quelques instants, mais  pour l'instant ce que je

 16   tiens à ce que vous gardiez à l'esprits, c'est qu'il a donné de très

 17   nombreux détails sur le chronologie. Et c'est à vous désormais qu'il

 18   appartiendra de déterminer si ce qu'il a dit est exact ou pas, car il vous

 19   a fait un récit, minute par minute, des évènements, de façon à être aussi

 20   précis que possible. Il a dit dans sa déposition qu'il y avait deux

 21   téléphones dans les sous-sols de l'hôtel, et bien sûr, il pouvait se

 22   servir des transmissions par paquets en se rendant au bâtiment de La Poste

 23   qui était tout près. Donc, il pouvait s'y rendre, revenir, envoyer des

 24   messagers. Mais voilà quels étaient ses moyens de communication. Comme il

 25   vous l'a dit, dès le premier moment, l'hôtel Vitez a commencé à recevoir


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  1   des coups de téléphone paniqués provenant de toutes sortes de personnes,

  2   des civils, des responsables politiques, d'autres responsables militaires,

  3   etc.

  4   Vous avez les rapports reçus par le colonel Blaskic. Vous avez

  5   entendu la description qu'il en a faite oralement, vous en avez le texte

  6   par écrit. Ces textes ont été versés au dossier du procès. Il n'y a pas un

  7   élément de preuve dans tous ces documents écrits, qui montre que le

  8   colonel Blaskic, entre le 16 et 20 avril, ait refusé d'agir après avoir

  9   reçu des informations relatives à des crimes ou à des méfaits.

 10   C'est la raison pour laquelle le Procureur, dans son

 11   réquisitoire, affirme que Blaskic était sur le terrain, qu'il n'était pas

 12   dans l'hôtel, qu'il n'était pas dans la cave de l'hôtel. Le Procureur

 13   affirme cela parce qu'il est dans l'obligation de placer Blaskic hors de

 14   l'hôtel puisqu'il est tout à fait manifeste qu'étant dans les locaux de

 15   l'hôtel, il aurait été entièrement dépendant des informations reçues par

 16   lui et dans l'incapacité de faire ses propres observations, ses propres

 17   constatations.

 18   Quelle est la base de l'affirmation du Procureur ? Le Procureur

 19   affirme que Stewart est entré dans l'hôtel à 10 heures, le matin, et qu'on

 20   lui aurait dit que Blaskic n'était pas présent. C'est ce que le Procureur

 21   vous a déclaré.

 22   Mais si vous regardez la page 28830 du compte rendu d'audience,

 23   lignes 2 à 19, vous y lirez que Stewart a parlé à un garde, à une

 24   sentinelle et qu'on lui a dit que personne n'était disponible pour le

 25   rencontrer. On ne lui a pas dit que Blaskic n'était pas dans son quartier


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  1   général, comme vous l'a dit M. Kehoe. Ce qu'on lui a dit, c'est que

  2   personne ne pouvait le recevoir. En fait, on ne lui a pas dit si Blaskic

  3   était là ou s'il n'était pas là.

  4   Le Procureur affirme également qu'un moniteur de la Communauté

  5   européenne s'est entendu dire, le 16 avril, lorsqu'un de ses collègues, un

  6   autre observateur de la Communauté européenne s'est rendu dans l'hôtel,

  7   qu'on lui aurait dit : "Blaskic n'est pas dans son quartier général".

  8   C'est ce qu'a dit le Procureur, ce sont les mots utilisés par lui. Est-ce

  9   exact ?

 10   Baggesen n'a pas passé le coup de téléphone dont il était

 11   question. C'est Rémy Landry qui a passé le coup de téléphone. Or c'est

 12   Baggesen qui a dit ce que je viens de dire au cours de sa déposition. Mais

 13   qu'a dit Rémy Landry, lors de sa déposition à lui dans ce procès ? Je vais

 14   vous dire exactement ce qu'a dit Rémy Landry : "Nous avons essayé de

 15   communiquer avec le quartier général du HVO. Nous voulions parler à des

 16   responsables. Selon mes notes, il apparaît que j'ai essayé de communiquer

 17   avec le commandant du HVO, le colonel Blaskic, et qu'on m'a dit qu'il

 18   n'était pas disponible".

 19   M. Hayman (interprétation). – Donc, selon les deux récits de ces

 20   deux témoins, ce qui a été dit, c'est que des propos ont été échangés avec

 21   une sentinelle, que le numéro du quartier général a été composé le matin

 22   du 16, et qu'on ne leur a pas dit que Blaskic n'était pas présent, mais

 23   qu'on leur a dit : "Blaskic n'est pas disponible, il ne peut pas parler en

 24   ce moment".

 25   A quoi peut-on s'attendre au milieu des combats ? On ne sait pas


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  1   si le message a été transmis au colonel Blaskic car ce que nous savons,

  2   c'est que le colonel Blaskic souhaitait un contact avec la Forpronu. Il

  3   avait envoyé deux de ses représentants à la base de Nova Bila, à midi, le

  4   15, pour essayer de négocier un cessez-le-feu. Marko Poskalo et Zoran

  5   Pilicic y sont allés le 15, ils y sont retournés le 17 et des tireurs

  6   embusqués de Stari Vitez leur ont tiré dessus à ce moment-là, au moment de

  7   leur retour.

  8   Le Procureur vous demande de spéculer au mépris des éléments de

  9   preuve relatifs au fait de savoir si, le matin du 16 avril, le colonel

 10   Blaskic était dans les locaux de l'hôtel Vitez ou pas. Y a-t-il des

 11   éléments de preuve montrant qu'il était sur le terrain ?

 12   Après deux ans d'examen approfondi, d'examen de tous les

 13   détails, peut-on dire qu'il existe un élément de preuve prouvant que le

 14   16, le 17, le 18 et le 19 il était sur le terrain ? Pas même Tsisko ne dit

 15   qu'il était sur le terrain, cet homme dont nous savons qu'il avait le plus

 16   grand désir d'atteindre, de nuire au colonel Blaskic. Personne ne dit

 17   qu'il était sur le terrain. Pas un seul élément de preuve l'affirme.

 18   En tant que Juges professionnels, vous savez ce que cela

 19   signifie que d'examiner les faits de très près, les faits relatifs à tous

 20   les événements dont il est question dans ce procès, dans le plus grand

 21   détail. Nous avons eu des années de procès pour ce faire. Les avocats ont

 22   consacré une grande partie de leur temps à discuter de tous ces faits.

 23   Mais il n'y a pas d'éléments de preuve prouvant qu'il était sur le

 24   terrain. Il n'était pas sur le terrain, il était dans les sous-sols de

 25   l'Hôtel Vitez, c'est l'endroit où il exerçait ses responsabilités dans


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  1   l'époque étant donné le danger dont j'ai déjà parlé, le danger qui régnait

  2   dans toute la région à ce moment-là. Il était donc normal qu'il remplisse

  3   ses responsabilités à l'endroit approprié.

  4   Le 16, on lui a dit que le HVO avait perdu ses positions à

  5   Kuber. On lui a dit que la situation du HVO à Zenica était désespérée.

  6   C'était les rapports qu'il recevait à ce moment-là. Comme vous le savez,

  7   sur la base de la pièce à conviction de la défense 194, Monsieur le

  8   Président, Messieurs les Juges, l'armée de Bosnie-Herzégovine avançait de

  9   Zenica vers Vitez, le 16.

 10   L'armée de Bosnie-Herzégovine avançait de Zenica vers Vitez, le

 11   16. Il y a un ordre de l'armée de Bosnie-Herzégovine au niveau d'une

 12   brigade qui rend compte de l'existence d'un ordre de Hadzihasanovic émis

 13   le matin du 16, un peu avant midi, et qui ordonnait des mouvements dans la

 14   direction de Vitez (pièce à conviction de la défense 194). L'ordre de

 15   l'armée de Bosnie-Herzégovine d'avancer sur Vitez, était-ce en réaction à

 16   l'attaque d'Ahmici le matin même ? Peut-être. Nous ne disons pas que cette

 17   chronologie est absolument précise.

 18   Mais ce qui est une réalité, c'est que le 16, Blaskic a reçu des

 19   informations lui indiquant que l'armée de Bosnie-Herzégovine, avec ses

 20   30 000 hommes à Zenica, se dirigeait vers Vitez. Nous le savons parce que,

 21   entre autres choses, il existe cette pièce à conviction de la défense 194.

 22   Que nous dit la police militaire ? Qu'avons-nous entendu dire au

 23   sujet de la police militaire et Ahmici. Le colonel Blaskic a entendu

 24   parler de la police militaire à 11 heures 42, ce matin-là. Il peut le dire

 25   parce qu'il l'a consigné dans ses notes. Vous vous rappellerez que le


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  1   grand quartier général avait dit au colonel Blaskic que les Vitezovi et la

  2   police militaire lui seraient rattachés en cas d'attaque généralisée de la

  3   part de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ce rattachement débute au moment où

  4   les commandants subordonnés se font connaître auprès de leur supérieur, au

  5   commandant auprès duquel ils sont détachés. Dans un appel téléphonique,

  6   Pasko Ljubicic affirme à Blaskic que les combats sont féroces à Ahmici

  7   contre l'armée de Bosnie-Herzégovine autour de l'école, de la mosquée,

  8   d'un certain nombre de maisons, mais aucune mention n'est faite d'une

  9   attaque à Ahmici par la police militaire, aucune mention de l'existence de

 10   pertes civiles, aucune mention du fait que le village a été rasé.

 11   La position de la défense  consiste à affirmer que ce rapport

 12   était intentionnellement erroné. Il était incomplet. Il était totalement

 13   trompeur. Pourquoi ? Parce que le colonel Blaskic n'aurait accepté

 14   d'aucune façon l'homicide intentionnel de civils, l'incendie de maisons,

 15   de bâtiments civils, sans nécessité militaire. Et parce que Pasko Ljubicic

 16   savait cela, il savait également qu'il avait désobéi à l'ordre de Blaskic

 17   (pièce à conviction de la défense 267), donc il avait les plus grandes

 18   motivations pour fournir un rapport erroné à Blaskic.

 19   Vous savez très bien vous-mêmes toutes les erreurs et les

 20   contrevérités contenues dans ce rapport. Le Procureur a affirmé, au cours

 21   de la présentation de ces éléments de preuve, qu'au milieu de la matinée,

 22   le 16, deux ou trois heures après l'attaque d'Ahmici, la police militaire

 23   avait déjà détruit une grande partie du village, exécuté les civils, mis

 24   le feu. Mais la plupart des meurtres, sinon tous les meurtres, semblent

 25   s'être déroulés au cours de ces quelques premières heures. Alors, le


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  1   témoignage de Blaskic a traité du même point. Mais ce qu'il dit, c'est ce

  2   qu'il entendu dans ce endu dans ce prétoire.

  3   Vous avez entendu la présentation des éléments de preuve ; vous

  4   jugerez. Est-ce quelque chose que le Procureur a démontré ?

  5   Dans l'après-midi du 16, Blaskic émet un ordre écrit destiné à

  6   Ljubicic pour exiger de lui davantage d'informations au sujet de l'action

  7   de la police militaire à Ahmici. Hier, vous avez vu le rapport en réponse,

  8   la pièce à conviction de la défense D280, qui contient un certain nombre

  9   de lignes montrant les exigences de Blaskic.

 10   Encore une fois, est-ce que cela correspond à la théorie du

 11   Procureur ? Il a reçu un rapport écrit plus tard. C'est la pièce à

 12   conviction de la défense D280, qui était également erronée. Est-ce que les

 13   erreurs contenues dans ce rapport sont apparentes immédiatement, est-ce

 14   que les membres du grand quartier général, y compris le colonel Blaskic,

 15   qui ont reçu ce rapport à la fin de l'après-midi ou en début de soirée,

 16   le 16, cette pièce à conviction de la défense D280, est-ce que tous ces

 17   hommes auraient dû dire : "Manifestement, le rapport est faux, erroné !" ?

 18   Est-ce qu'ils auraient dû prendre d'autres mesures ?

 19   Le colonel Stewart a affirmé qu'il pensait que c'est ce qu'ils

 20   auraient dû faire, en tout cas qu'ils auraient dû comprendre que le

 21   rapport n'était pas fidèle à la réalité parce qu'il était peu probable que

 22   l'école et la mosquée soient le centre de combat, puisqu'en particulier la

 23   mosquée semble une position de défense assez peu adéquate. Le colonel

 24   Stewart -et nous respectons son avis, car il a le droit d'avoir un avis-

 25   est un diplomate qui a peut-être des informations un peu différentes sur


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  1   la réalité par rapport aux informations des unités de l'armée de Bosnie-

  2   Herzégovine à Ahmici ; il ne savait pas qu'il y avait des plans destinés à

  3   constituer des lignes de défense, il ne savait pas où ces lignes devaient

  4   se trouver, il ne savait pas quelles armes devaient être placées sur ces

  5   lignes.

  6   Vous savez aujourd'hui, à la lecture du journal -pièce à

  7   conviction D197-, que tous ces éléments ont existé et, sur la base de la

  8   pièce à conviction de la défense D280, vous savez que les éléments en

  9   question ne sont pas impossibles à croire, ou impossibles à considérer

 10   comme réalistes.

 11   J'aimerais que nous poursuivions dans le même ordre d'idées, en

 12   essayer de suivre la pensée du colonel Blaskic au sujet de ce rapport

 13   erroné : pièce à conviction 280. Compte tenu des moyens que le colonel

 14   Blaskic avait à l'époque, il est resté dans les locaux de l'hôtel entre

 15   le 16 et le 19 avril. Le Procureur ne prétend pas, en tout cas pas pour la

 16   période ultérieure au matin du 16, qu'il se trouvait ailleurs ; il n'a

 17   présenté aucun élément de preuve, destiné à le démontrer. Il ne prétend

 18   pas non plus que le colonel Blaskic n'aurait pas déployé des efforts

 19   raisonnables pour acquérir des informations pendant cette période.

 20   La réalité, si vous examinez la chronologie, et peut-être que

 21   cela aura une certaine importance pour vous, vous constaterez qu'il a été

 22   très actif pendant la période en question : il a essayé d'obtenir des

 23   informations complémentaires, de meilleure qualité, de façon à savoir

 24   exactement ce qui se passait dans les différents endroits où les combats

 25   faisaient rage. C'était son devoir, sa responsabilité de commandant.


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  1   L'après-midi du 16, on lui a dit que deux négociateurs du HVO,

  2   qui étaient revenus à l'hôtel, avaient vu un corps sans vie, pas un corps

  3   en uniforme, mais quelqu'un qui semblait être un civil. Ils avaient vu ce

  4   corps dans la rue, à Vitez, alors qu'ils revenaient dans un véhicule à

  5   l'hôtel ; ce véhicule était un char Warrior. Mais ce n'était pas à

  6   Ahmici : c'était dans la ville de Vitez elle-même.

  7   Blaskic a-t-il réagi à cette information ou s'est-il inquiété du

  8   fait que CNN ne l'avait pas diffusé ? Il a répondu dans les premières

  9   heures du 17 avril : il était inquiet au sujet de la chute de Kuber, au

 10   sujet de la dégradation de la situation sur les positions du HVO. A

 11   4 heures du matin, le 17 avril -nous le voyons dans la pièce à

 12   conviction D284-, il consacre un certain temps à dire ce qui suit à ces

 13   unités : "Les soldats doivent être mis en garde précisément au sujet de la

 14   façon de traiter les civils, les personnes âgées, les femmes, les enfants,

 15   qui ne doivent pas être tués parce que les tuer est un crime."

 16   C'est le mot "crime" qui a toutes sa signification ici. Il a

 17   écrit à 4 heures du matin, le 17 avril, ce message et l'a envoyé à toutes

 18   ses unités.

 19   Parlons de la pièce à conviction de la défense 279. Il a ordonné

 20   un cessez-le-feu dans les premières heures du matin du 16. Le cessez-le-

 21   feu n'a pas tenu. Le 17, il a envoyé deux de ses négociateurs à l'hôtel

 22   Vitez pour tenter de mettre en œuvre le cessez-le-feu, mais on leur a tiré

 23   dessus. En tout état de cause, le nombre des personnes responsables

 24   présentes dans l'hôtel, à ce moment-là, était passé de 7 à 5.

 25   Quant à ceux qui s'interrogent quant au caractère judicieux de


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  1   la présence du colonel Blaskic dans les locaux de l'hôtel, ce jour-là, il

  2   convient de ne pas perdre de vue que deux de ses représentants, deux des

  3   membres de son état-major avaient été visés par des tirs, victimes de

  4   coups de feu sur les marches de l'hôtel Vitez, le 17.

  5   Le 18, il y a eu un accord de cessez-le-feu entre Izetbegovic

  6   Boban, qui ont ordonné, dans le cadre de cet accord, que des informations

  7   soient recueillies pour déterminer les auteurs du conflit et de

  8   l'assassinat ou de l'enlèvement de soldats ou de civils. Ceci figure dans

  9   la pièce D31.

 10   Ces ordres ont été adressés à toutes les unités, dans l'ensemble

 11   de la Bosnie-Herzégovine. Ils ne contenaient aucune information précise au

 12   sujet des crimes ou des exactions commises dans la zone opérationnelle de

 13   Bosnie centrale. Blaskic renouvelle cet ordre comme c'était son devoir de

 14   le faire.

 15   Le cessez-le-feu ne tient toujours pas. La position du HVO

 16   continue à se détériore. Le 20 avril, une réunion à haut niveau pour

 17   négocier un cessez-le-feu se déroule dans la vallée de la Lasva. C'est la

 18   première à Zenica.

 19   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour vous aider à

 20   suivre le processus lié à l'enquête d'Ahmici, nous avons élaboré un

 21   tableau que j'aimerais distribuer.

 22   C'est une série de documents qui suivent la chronologie des

 23   événements. Je ne ferai pas référence à chacun de ces documents. Je vous

 24   les distribue, car je parlerai de certains d'entre eux. Certains de ces

 25   documents sont relatifs à des dépositions recueilliez à huis clos ou à des


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  1   documents conservés sous scellés. Je me contenterai de ne pas faire

  2   référence à certaines des choses qui figurent dans ce dossier ; je ne

  3   placerai pas sur le rétroprojecteur certains de ces documents. Il peut

  4   arriver que j'ai besoin de quelques instants à huis clos partiel dans la

  5   suite de mon exposé.

  6   Je dois dire d'abord que vous trouverez une chronologie qui va

  7   du mois d'avril jusqu'au mois d'octobre 1994 ; c'est au début de votre

  8   dossier. Je reviendrai sur cet élément qui est intéressant. La deuxième

  9   planche que vous avez sur l'écran concerne le mois d'avril 1993.

 10   Si vous lisez de gauche à droite, vous constaterez que le

 11   20 avril, le colonel Blaskic quitte l'hôtel Vitez pour se rendre à cette

 12   réunion de Zenica. Que se passe il à Zenica ? La réunion a donc lieu ; il

 13   y est question de cessez-le-feu : c'est le thème de la réunion. Durant la

 14   réunion, en dehors des discussions officielles, Zemo Merdan annonce qu'il

 15   y a 500 civils tués, dont les corps gisent le long de la route, dans un

 16   fossé. Voilà ce que dit Merdan.

 17   Tous les témoins ont témoigné au sujet de cette réunion et vous

 18   ont dit qu'Ahmici n'a pas été mentionné de façon spécifique, le 20 avril.

 19   On peut faire référence au témoin ZZ, compte rendu d'audience page 10924 ;

 20   on peut également faire référence aux propos d'un témoin protégé par le

 21   Tribunal : compte rendu d'audience 9893.

 22   Blaskic a répondu à Merdan que, si cela était vrai, si la mort

 23   de ces civils était vraie, il fallait qu'une enquête soit lancée

 24   immédiatement. Mais, au cours de la discussion, les propos de Merdan ou de

 25   Blaskic n'ont pas été discutés.


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  1   Il apparaît que les observateurs internationaux étaient présents

  2   et que c'était une tactique de négociation et pas une accusation sérieuse

  3   qui avait été lancée par Mrdan. Blaskic comprenait bien de quoi il

  4   retournait. Il ne s'est pas inquiété de cela et lorsqu'il est revenu à

  5   l'hôtel, tard dans la soirée, il a demandé à son chef d'état-major de

  6   vérifier si les informations qui lui avaient été fournies avaient la

  7   moindre chance d'être fondées. Je parle des propos de Mrdan. On lui a dit

  8   que ce n'était pas le cas. Cela figure dans sa déposition (compte rendu

  9   d'audience, page 18880).

 10   S'il avait ordonné une attaque contre Ahmici, pourquoi aurait-il

 11   dit à son chef d'état-major de vérifier la véracité des dires de Mrdan ou

 12   des articles de presse parlant de pertes civiles dans la région de Vitez ?

 13   Le lendemain, le 21 avril, une autre réunion se tient au sujet

 14   du cessez-le-feu dans les locaux de l'ECMM à Nova Bila. Cela ne figure pas

 15   dans notre dossier parce que les témoins ont indiqué qu'aucune mention

 16   n'avait été faite à cette réunion, pas même par l'armée de Bosnie-

 17   Herzégovine,  de victimes civiles dans la région, aucune mention d'Ahmici

 18   non plus. Vous le voyez dans la déposition de M. Waters (page 3496 du

 19   compte rendu d'audience), ainsi que dans le témoignage d'un témoin protégé

 20   par le Tribunal (page 23615 du compte rendu d'audience).

 21   Que s'est-il passé ? Nous le savons tous très bien.

 22   Mes excuses aux interprètes pour la rapidité de mon débit.

 23   Nous le savons donc tous très bien, ce qui s'est passé. Le

 24   colonel Stewart qui veillait à la sécurité dans la zone tampon, que l'on

 25   tentait d'établir entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, a refusé


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  1   de se retirer de cette zone tampon et cela à très juste titre. En effet,

  2   il était scandalisé par ce qu'il avait entendu au sujet de la mort de

  3   civils. De l'essence aurait été versée pour mettre le feu et brûler les

  4   maisons. Stewart s'est rendu à Ahmici et, après une inspection détaillée,

  5   il a découvert huit corps : deux en dehors d'un bâtiment et six dans la

  6   cave d'une maison détruite.

  7   C'était une tragédie, une catastrophe. Mais y compris à l'issue

  8   de cette inspection très détaillée, il n'a trouvé que huit corps, il n'en

  9   a pas trouvé cent ou cinquante ou soixante quinze. Il n'a rien trouvé qui

 10   pouvait démontrer qu'il y aurait eu un massacre de grande ampleur. Il a

 11   trouvé huit corps. Il a envoyé une lettre à ce sujet, ce jour-là, au

 12   colonel Blaskic –comme vous le savez- pour lui dire qu'il avait découvert

 13   huit corps.

 14   Je le répète : c'est une tragédie, y compris si ce chiffre est

 15   bien huit. Mais ce qui est important et intéressant, c'est qu'il disait

 16   avoir découvert ces corps et demandé de l'aide pour une enquête.

 17   Est-ce que le Procureur a prouvé que Blaskic a reçu cette

 18   information avant le 22 avril ? Il vous appartiendra d'en décider,

 19   Monsieur le Président, Messieurs les Juges. En effet, depuis son poste de

 20   commandement improvisé dans la cave de l'hôtel Vitez, pouvait-il avoir une

 21   idée visuelle, pouvait-il recevoir des informations verbalement lui

 22   indiquant qu'un crime avait été commis, le 16 avril, à Ahmici ?  Le sous-

 23   sol de l'hôtel Vitez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, existe

 24   toujours aujourd'hui. On peut le soumettre à une inspection scientifique

 25   ou à une étude de médecine légale. On peut y faire des tests, visuels y


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  1   compris. Ce sont des éléments de preuve qui vous ont été présentés. Le

  2   Procureur n'a pas fait le moindre effort, n'a pas fait la moindre

  3   tentative -nous pensons qu'il était de bonne foi-, mais en tout cas il n'a

  4   pas fait la moindre tentative pour déterminer ce que l'on pouvait entendre

  5   ou voir à partir de cette cave. Au lieu de cela, il a proposé des avis

  6   généraux, des constations faites à 5 kilomètres de distance disant que

  7   l'on pouvait voir de la fumée à cette distance et que cela signifiait

  8   qu'un crime avait eu lieu.

  9   Lorsqu'on a posé questions aux témoins, des questions

 10   pertinentes, quelle a été leur réponse au sujet des combats dans la région

 11   de Vitez ? Eh bien, nous écoutons maintenant M. Djidic. Je cite :

 12   "M. Kehoe (interprétation). – Quand vous étiez à l'hôtel Vitez,

 13   si vous étiez à l'hôtel Vitez, auriez-vous pu voir pratiquement tout ce

 14   qui se passait dans les villages environnant et entendre les coups de feu

 15   et les pilonnages de ces villages ? Est-ce exact ?

 16   Réponse (interprétation). – Les tirs auraient pu être entendus

 17   et, depuis une chambre de l'hôtel, il aurait été possible de voir ce qui

 18   se passait. Mais il aurait été impossible d'entendre ou de voir quoi que

 19   ce soit si l'on se trouvait dans le sous-sol, dans la cave. Mais c'est

 20   seulement dans la cave, dans le sous-sol, que cette impossibilité

 21   prévalait."

 22   M. Hayman (interprétation). – Le Procureur a posé des question à

 23   M. Djidic à propos de l'hôtel Vitez, à partir de cet hôtel Vitez. Mais

 24   mention n'a pas été faite du sous-sol. Pourquoi ce Sefkija Djidic a offert

 25   de parler du sous-sol, qu'il n'était pas possible de voir quoi que ce soit


Page 23416

  1   depuis là alors que la question n'était pas posée à ce propos ? Vous

  2   verrez la page 1268. Dans l'intérêt du Juge Rodrigues, je vous rappelle

  3   que Sefkija Djidic était le commandant de la Défense territoriale à Stari

  4   Vitez, il a passé toute la guerre à Stari Vitez.

  5   Pourquoi a-t-il sitôt parlé du sous-sol lorsqu'il a répondu ?

  6   Parce qu'il a passé toute la guerre à Vitez et lui sait que lorsqu'il y a

  7   des pilonnages, des tirs de tireurs isolés, eh bien on va au sous-sol, on

  8   descend à la cave. Si on veut garder la vie, on va à la cave. C'est la

  9   raison pour laquelle il a offert cette information, même si sa réponse ne

 10   correspondait pas à la question. Il a dit qu'on ne voyait rien, qu'on

 11   n'entendait rien depuis le sous-sol de l'Hôtel Vitez. Djidic savait où il

 12   se trouverait, lui, s'il avait été à l'hôtel Vitez au cours de ce conflit.

 13   Il serait manifestement descendu à la cave, lui aussi.

 14   Le Procureur se fonde sur le fait d'une visite à Ahmici faite

 15   par M. Josic, le 23 avril et ce qu'on dit Cerkez et Valenta, le 19. Des

 16   références vagues sont faites à Ahmici. Par exemple : avez-vous entendu

 17   parler d'Ahmici ? Ce genre de question posée. Mais aucun de ces faits

 18   n'établit le fait que ces personnes auraient été informées de l'existence

 19   d'un massacre commis le 16 avril, mais dont il aurait appris l'existence

 20   le 19 ou le 20 avril. Et on ne peut pas établir que Blaskic était au

 21   courant.

 22   Vous savez que le bataillon britannique était basée à Santici,

 23   de l'autre côté d'Ahmici. (L'interprète se corrige…)… le bataillon

 24   néerlandais. On en a pas beaucoup parlé. Il n'était pas basé dans la même

 25   base que le Britbat. Il n'était pas à Vitez ni à Busovaca. Il était à


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  1   Santici, juste de l'autre côté de la route par rapport à Ahmici. Il suffit

  2   de consulter une carte et vous verrez où se trouvait la base du

  3   Deutchbatt. Le bataillon britannique, lui, disposait de dizaines de

  4   patrouilles qui sillonnaient la région.

  5   A partir de ce moment-là, est-ce qu'une quelconque de ces

  6   patrouilles, ou est-ce que le Deutchbatt, qui avait une position

  7   privilégiée par rapport à Ahmici, ont entendu des bruits, ont vu les

  8   images du massacre le matin du 16 avril, là où ils se trouvaintt ? Ou est-

  9   ce que ces bruits, ces images n'étaient pas reconnaissables, est-ce qu'il

 10   n'était pas possible de distinguer ces bruits et ces images d'opérations

 11   de combats qui, à l'époque, étaient simultanées sur plus de douze

 12   localités, de même qu'à Vitez et aux alentours.

 13   Les témoins du Britbatt ont dit, dans leur déposition, en

 14   réponse aux questions, qu'ils n'avaient pas vu de trace de massacre. Pour

 15   ce qui est du Deutchbatt, vous trouvez la réponse dans l'incapacité qu'a

 16   eu le Procureur de citer à la barre le moindre témoin venant du Deutchbatt

 17   pour parler de ce problème précisément.

 18   Dans ce dossier que vous venez de ce recevoir, il y a un autre

 19   tableau. Je pense que c'est la dernière page. Ce n'est peut-être pas très

 20   clair sur l'écran. Je pense qu'il faudra passer rapidement à huis clos

 21   partiel pour consulter ce tableau, ne serait que quelques instants. Il

 22   faut aussi que les écrans, dans la galerie du public, soient déconnectés.

 23   Audience à huis clos.

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  6   (expurgée)

  7   Audience publique

  8   M. Hayman (interprétation). - Nous revenons à la lettre du

  9   colonel Stewart. Qu'a fait Blaskic ? Le lendemain, il répond à cette

 10   lettre qui lui provenait du colonel Stewart, il donne ordre à son

 11   personnel, à son état-major, de recueillir tout ordre et rapport de la

 12   zone opérationnelle du 16 au 22, afin que ces rapports puissent être

 13   utilisés pour une enquête. Vous connaissez très bien le contenu de sa

 14   lettre dans laquelle il demande à Stewart qu'il lui fournisse son aide

 15   pour convoquer les chefs d'état-major de l'armée de Bosnie-Herzégovine  et

 16   du HVO, afin que ceux-ci se penchent sur la situation et permettent la

 17   mise en place d'une enquête conjointe sur les crimes d'Ahmici. Ce fait,

 18   cette idée d'une enquête conjointe était excellente, tant dans le chef du

 19   colonel Stewart, mais aussi pour ce qui est de l'appui du colonel Blaskic

 20   pour la Forpronu. Seule celle-ci et l'ECMM pouvaient faire pression sur

 21   les chefs d'état-major pour que ceux-ci prêtent leur soutien. Soutien

 22   nécessaire à une enquête pour assurer les transports, pour permettre le

 23   déplacement en sécurité des chefs d'état-major, et seuls les Nations Unies

 24   et l'armée de Bosnie-Herzégovine auraient pu intervenir pour aider les

 25   survivants qui se trouvaient à Zenica et qui n'étaient pas en état,


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  1   émotionnellement, d'être interrogés par la police militaire du HVO ou par

  2   des agents du SIS.

  3   La demande formulée par Blaskic était-elle sincère ? Bien sûr,

  4   l'accusation va vous dire qu'elle n'était pas sincère, sinon toute la

  5   théorie de l'accusation se désintègre, se désagrège. Quel était l'état

  6   d'esprit de Blaskic à cette époque-là ? Disposons-nous d'autres preuves à

  7   ce propos ? Le 24 avril, il rencontre le colonel Stewart. Celui-ci lui

  8   donne des informations à titre personnel, lui parle de ce qu'il a vu le

  9   22, mais aussi je pense, le 23 lorsqu'il est reparti sur les lieux à

 10   Ahmici avec Martin Bell, le journaliste. Stewart a décrit la réaction qui

 11   fut celle de Blaskic à l'occasion de cette réunion, lorsqu'il lui a appris

 12   la nouvelle.

 13   Il lui a dit : "Blaskic était absolument horrifié" de ce qui

 14   s'était passé à Ahmici . "Absolument horrifiée" ! Ceci a été repris dans

 15   la presse, pièce de la défense 592, et confirmé par la déposition du

 16   colonel Stewart à la page 23815. Alors que Blaskic espérait toujours que

 17   pouvait se constituer une enquête conjointe, il n'a quand même pas attendu

 18   ce soutien qui lui aurait permis de le faire. Le 24 avril, il a donné un

 19   ordre verbal au SIS, afin qu'une enquête soit menée sur Ahmici.

 20   Pourquoi s'adresser au SIS, me direz-vous ? Pourquoi pas se

 21   tourner vers la police militaire, parce que c'était l'entité qui avait

 22   tout un service d'enquêtes judiciaires ? La police militaire ne pouvait

 23   pas se voir confier une telle enquête, c'est un principe de base. En

 24   effet, il faut l'appliquer si l'on recherche l'intégrité dans le cadre

 25   d'une enquête. Il n'est pas possible de confier une enquête à un suspect,


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  1   parce qu'il devrait mener l'enquête sur lui-même. Quiconque aura eu une

  2   expérience en matière de poursuite, en matière judiciaire  tout court, le

  3   saura. Il suffit de voir l'inspecteur général de toute agence

  4   gouvernementale qui le saura aussi, c'est un principe de base, on ne

  5   confie pas une enquête à un suspect. Il n'y avait pas d'autre entité que

  6   la police militaire et le SIS, qui aurait disposé de compétences,

  7   d'expériences en matière d'enquête. Que se serait-il passé s'il avait

  8   donné l'ordre à la brigade de Vitez de mener l'enquête sur Ahmici ?

  9   C'étaient des paysans, des villageois. Où maintenant iserait-il traduit en

 10   justice ? Devant vous, aujourd'hui, pour incompétence, pour le fait

 11   d'avoir confier à ces personnes une telle enquête. Seul le SIS, hormis le

 12   police militaire, bénéficiait d'une expérience quelconque en matière de

 13   poursuites judiciaires. Seul le SIS disposait du pouvoir, de l'autorité

 14   nécessaire lui permettant de le faire, car le SIS avait compétences pour

 15   les questions de sécurité, et ceci de façon qui primait sur tous les

 16   autres services, tous les autres ministères. Il fallait que Blaskic se

 17   tourne vers le SIS pour enquêter, car il n'y avait personne d'autre.

 18   Le Procureur n'a pas laissé entendre que Blaskic eût disposé

 19   d'une autre option, eût un autre choix ; alors qu'il avait donné l'ordre

 20   au SIS de mener cette enquête, dans les trois jours qui suivent Blaskic va

 21   Ahmici, le 22 avril. Suite à cette inspection, il participe à une

 22   conférence de presse à Busovaca, au cours de laquelle il dénonce très

 23   clairement les crimes qui s'y sont commis et demande un soutien nécessaire

 24   à une enquête. Vous aurez entendu les notes prises à l'époque par M. Bell,

 25   et vous avez entendu la déposition de M. Bell à ce propos.


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  1   "Question : Est-ce que le colonel Blaskic a parlé de la question

  2   du massacre d'Ahmici lors de cette conférence de presse ?

  3   Réponse : Oui, j'ai pris quelques notes. Si la Chambre me le

  4   permet, je peux les lire. Il était horrifié, il voulait faire quelque

  5   chose à ce propos, et une commission allait être mise en place pour mener

  6   l'enquête sur ces atrocités. Il l'a fait de façon systématique, c'était un

  7   groupe organisé qui avait un plan d'opérations qui était donc contrôlé par

  8   quelqu'un. Les coupables doivent être identifiés et traduits en justice.

  9   Et, le colonel Blaskic a dit qu'il était vraiment horrifié."

 10   M. Hayman (interprétation). - Est-ce que nous pourrions

 11   débrancher les écrans dans la galerie du public, je pourrai à ce moment-là

 12   rester en audience publique sans faire état de certains extraits qui

 13   contiennent des éléments qui sont sous scellées. Je me tourne vers la

 14   régie pour qu'elle débranche les écrans. J'attends un instant pour voir si

 15   l'image  disparaît dans la galerie. Oui, elle vient de le faire.

 16   M. le Greffier. - En éteignant les écrans dans la galerie du

 17   public, nous serons obligatoirement à huis clos partiel. A présent, nous

 18   sommes déjà à huis clos partiel.

 19   

 20   Huis clos partiel

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  6   Audience publique.

  7   M. Hayman (interprétation). - Le 9 mai, le colonel Stewart vient

  8   à l'hôtel Vitez pour prendre congé du colonel Blaskic, et il présente

  9   l'homme qui va lui succéder le colonel Alister Dukan, que vous avez eu

 10   l'occasion d'entendre à ce procès.

 11   Voilà la rencontre au cours de laquelle Duncan attribue à

 12   Blaskic la déclaration selon laquelle c'étaient soit les Serbes qui

 13   avaient commis les crimes à Ahmici ou encore l'armée de Bosnie-Herzégovine

 14   ou l'armée de Bosnie-Herzégovine déguisée en uniformes du HVO. J'espère

 15   que vous vous souvenez de cette déposition, car c'est la déposition que

 16   l'accusation a lue à au moins une douzaine d'autres témoins, en disant :

 17   "Regardez : le colonel Duncan dit que Blaskic attribue la responsabilité

 18   d'Ahmici à l'armée de Bosnie-Herzégovine ou aux Serbes. Est-ce qu'il n'a

 19   pas menti ?"

 20   Cette déclaration a été présentée à au moins douze témoins afin

 21   de faire croire que notre client est un homme faux, qui ment, qui trompe

 22   son monde. Le colonel Duncan se souvenait de ce que le colonel Blaskic

 23   aurait dit cela. Heureusement, le colonel Stewart était aussi présent à

 24   cette réunion du 9 mai 93. Nous avons posé la question au colonel Stewart,

 25   nous lui avons demandé si le colonel Blaskic avait tenu ces propos à cette


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  1   réunion-là ou à une autre. La réponse du colonel Stewart fut très claire.

  2   En effet, le colonel Stewart connaissait bien le colonel Blaskic ; il se

  3   souvenait de ce que Blaskic lui avait dit à propos d'Ahmici. Voici sa

  4   réponse :

  5   "Question (interprétation) :Lorsqu'on voit la page 310, dans

  6   votre livre, vous faites état d'une réunion que vous avez eue avec Dario

  7   Kordic, au cours de laquelle Dario Kordic avait supposé que les Serbes

  8   étaient responsables de ce qui s'était passé à Ahmici. Vous vous en

  9   souvenez ?

 10   Réponse (interprétation). - Oui.

 11   Question (interprétation) :Je suppose que vous trouvez que c'est

 12   une explication absolument extraordinaire ?

 13   Réponse (interprétation). - Oui, je m'en suis roulé par terre de

 14   rire.

 15   Question (interprétation) : Est-ce que vous pensez que le

 16   colonel Blaskic vous a donné une telle explication ?

 17   Réponse (interprétation). - Je crois que le colonel Blaskic ne

 18   m'a jamais dit que les Serbes seraient responsables de ce qui s'est passé

 19   à Ahmici."

 20   Le colonel Stewart se trouvait à cette réunion, le 9 mai. Le

 21   colonel Blaskic n'a jamais fait une telle déclaration, il n'a jamais tenu

 22   ces propos, ni auprès du colonel Stewart ni auprès du colonel Duncan.

 23   Voyez la déposition du 9 mai ; il y a eu une autre réunion, ce 9 mai. Le

 24   colonel Stewart et le colonel Duncan rencontraient Dario Kordic, ce même

 25   jour, avec les mêmes deux interlocuteurs. Ils rencontraient Kordic.


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  1   Stewart dit dans son livre : "Les deux mêmes hommes, Stewart et Duncan,

  2   rencontrent Kordic le 9 mai." Dans son ouvrage, Stewart dit que Kordic a

  3   attribué la responsabilité d'Ahmici aux Serbes. Blaskic lui n'a jamais

  4   tenu de tels propos.

  5   Qu'auraient dit ces dix témoins à qui l'on a montré les

  6   accusations formulées par Duncan ? Ces dix témoins n'auraient-ils pas

  7   déposé différemment si leur esprit n'avait pas été pollué par cette

  8   mauvaise information qui leur avait été soumise. Lorsqu'on accuse un homme

  9   de crimes de guerre, qu'on lui fait un procès, il ne faut pas grand-chose

 10   pour invectiver, pour enflammer des témoins, pour leur faire croire

 11   vraiment que le monde n'est que manichéen, et qu'ils ont pour devoir

 12   d'éliminer cet homme de la vie sociale pour toute sa vie à lui. Si les

 13   témoins croient vraiment cela, ceci peut avoir un certain effet sur leur

 14   déposition, en tout cas sur leur perception, sur le ton qui est le leur.

 15   Il y a un autre aspect très important, qui concerne cette

 16   réunion du 9 mai. Il faut que j'en parle, Monsieur le Président,

 17   Messieurs les Juges Le 4 mai, avant la réunion, Stewart a rencontré Palan

 18   Akhavan, et Thomas Osarioti était du HCR. Une décision fut alors prise,

 19   selon laquelle même si quatre suspects avaient été identifiés comme étant

 20   des auteurs directs dans les tueries d'Ahmici, que pour ces quatre

 21   suspects, ni leur nom ni aucun autre détail ne serait communiqué au

 22   colonel Blaskic. Le HCR a insisté sur ce point. Stewart s'est rangé à leur

 23   avis. Toutefois, il a dit qu'il allait quand même confronter Blaskic sur

 24   ce point, sur le fait que le HCR disposait de noms, mais qu'il n'était pas

 25   disposé à les partager avec Blaskic. Nous savons que, le 9 mai, Stewart


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  1   dit à Blaskic : "Nous avons des noms, mais nous ne les donnerons pas.

  2   Qu'allez-vous faire ?"

  3   Est-il surprenant qu'arrivée la date du 10 mai, Blaskic faisait

  4   preuve d'impatience étant donné que l'enquête du SIS, manifestement,

  5   s'enlisait en ce qui concerne l'enquête d'Ahmici. Le 10 mai, il émet le

  6   premier ordre écrit à l'intention du SIS, à qui il dit que l'enquête doit

  7   être terminée d'ici au 25 mai.

  8   Manifestement deux des moniteurs ont rendu l'âme pour deux de

  9   mes collègues. C'est revenu !

 10   Nous avons donc, le 10 mai, un ordre écrit adressé au SIS. Vous

 11   avez ici un exemplaire de l'ordre. Nous avons une date butoir pour que se

 12   termine l'enquête : il s'agit du 25 mai ; le SIS devrait terminer cette

 13   enquête. C'est ce qui est dit dans cet ordre.

 14   Est-ce que simplement Blaskic se contente de faire du papier ou

 15   réagit-il à ce qui doit vraiment avoir été une évolution très perturbante

 16   à ses yeux, le 9 ou 10 mai ? On vous a dit qu'il avait d'excellents

 17   rapports de travail avec le colonel Stewart. Celui-ci lui a dit qu'ils

 18   avaient des noms, mais qu'ils ne voulaient pas les partager, les montrer à

 19   Blaskic. Blaskic se sentait isolé. S'il avait su qu'il y avait un moment

 20   particulier où il n'y aurait pas d'enquête conjointe, si ce moment n'a

 21   jamais existé, c'est sans doute le 10 mai, au moment où la communauté

 22   internationale se refuse à partager ces informations avec lui et lui dit

 23   qu'il doit se débrouiller tout seul.

 24   Blaskic a effectivement reçu un rapport écrit de l'adjoint au

 25   SIS, le 25 mai, mais ce rapport n'était pas satisfaisant, pour tous des


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  1   raisons qui vous ont été exposées. Messieurs les Juges, copie de ce

  2   rapport a été expédié à Mostar.

  3   Blaskic s'est rendu compte que le pouvoir, l'influence de la

  4   police militaire risquait d'entraver l'enquête d'Ahmici. Il a déposé pour

  5   dire que, le 25 mai, il avait donné des instructions au général Petkovic,

  6   insistant pour que les forces du 4ème Bataillon de police militaire soient

  7   réorganisées, lui soient subordonnées et que le commandant Pasko Ljubicic

  8   soit relevé de ses fonctions.

  9   L'approbation, l'aval définitif est reçu le 4 août. Vous savez

 10   comment fonctionne la bureaucratie ; dans le fond, c'est un bon délai qui

 11   est respecté là. Effectivement, Ljubicic est relevé de ses fonctions de

 12   commandant du 4ème Bataillon. Ceci est le résultat direct des efforts

 13   déployés par le colonel Blaskic. Aucun effort n'a été fait par

 14   l'accusation pour montrer que cette démission aurait été due à quoi que ce

 15   soit d'autre, à une autre influence, quelle qu'elle soit. Blaskic veut

 16   tirer plein parti du fait que Pasko Ljubicic a été relevé de ses

 17   fonctions. Le 10 août, il a veillé à ce que Marinko Palavra soit installé

 18   comme nouveau commandant de la police militaire. Il dit que l'enquête doit

 19   se poursuivre. Le 17 août, il émet un deuxième ordre aux fins de

 20   l'enquête.

 21   Mais l'accusation, ici, impute la responsabilité à Blaskic pour

 22   ne pas avoir respecté ces ordres. Vous comprendrez, Messieurs les Juges,

 23   que la réorganisation de la police militaire, le fait de relever de ses

 24   fonctions un commandant qui a précédemment menti à Blaskic à propos de

 25   Ahmici, permettait en puissance de mener une enquête plus sérieuses sur


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  1   les événements d'Ahmici. D'où le deuxième ordre écrit que Blaskic écrit

  2   pour tirer parti de la situation nouvelle, la nouvelle donne. Si l'on

  3   examine cet ordre, il y a quelque chose d'intéressant, qui cadre très bien

  4   avec ce que M. Nobilo vous a dit.

  5   Par exemple, au paragraphe 1, il dit "que le SIS doit

  6   rassembler, unifier toutes les informations et nous dire quelles étaient

  7   les entités du tribunal militaire de district qui s'occupaient de ces

  8   dossiers". Pourquoi voulait-il déposer un dossier auprès de ce tribunal

  9   militaire ? Parce que ce dernier pouvait mener des poursuites, pouvait

 10   inculper. Ce n'était pas le fait de Blaskic. Nous le savons : l'affaire

 11   Ahmici reste une affaire pénale. Pasko Ljubicic, qu'il connaissait, et il

 12   savait de celui-ci que tout du moins il avait couvert les raisons du crime

 13   et les auteurs, cet homme a été relevé de ses fonctions d'abord et puis

 14   éliminé du HVO.

 15   Quant à savoir qui étaient les hommes qui avaient décoché les

 16   tirs, qui avaient mis le feu aux maisons, Blaskic ne le savait pas, mais

 17   il insistait, il continuait d'insister pour savoir quelles étaient toutes

 18   les ramifications de l'affaire. Il voulait qu'intervienne le tribunal

 19   militaire afin d'entamer des poursuites. Pourtant, il a été bloqué dans

 20   ses efforts. Le 30 septembre, l'adjoint au SIS l'informe du fait que la

 21   totalité du rapport, dont des noms, avait été transmise à l'administration

 22   du SIS à Mostar.

 23   Lorsque Blaskic a demandé copie de ce rapport, l’adjoint au SIS

 24   lui a dit que cela ne relevait pas de son domaine de responsabilité, que

 25   le SIS avait pris la chose en main, pour des raisons manifestes pour nous


Page 23429

1   tous ici. Nous en avons parlé hier. Nous avons bouclé la boucle. Nous

  2   sommes revenus à ce concept d'une double filière de commandement, pour ce

  3   qui est des services de renseignements et de sécurité notamment en Bosnie

  4   centrale.

  5   Je pense qu'il faudra passer rapidement à huis clos partiel,

  6   afin que je vous explique le dernier morceau de cette chronologie.

  7   Audience à huis clos partiel.

  8   (expurgée)

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 16   Audience publique

 17   M. Hayman (interprétation). - Je ne vais pas évoquer les

 18   éléments concernant l’opération “ Araignée ”. La seule que je dirais,

 19   c’est que le résultat de l’opération Araignée est que Ivica Rajic et

 20   d’autres membres de la bande Maturica de Kiseljak ont été arrêtés et jugés

 21   à Mostar. Le Procureur, dans sa déposition, a reproché à Blaskic, en

 22   disant que ces individus ont été acquittés par le juge, le jury ou les

 23   juges qui ont entendu cette affaire. Mais vous savez que Blaskic n'avait

 24   aucun rôle, aucun pouvoir concernant les auteurs qui ont été, les auteurs

 25   des délits, ni les procureurs qui ont jugé, qui on agit dans cette


Page 23432

  1   affaire. Blaskic est un symbole pour tout ce qui s’est mal passé en Bosnie

  2   centrale de la part du HVO. C'est cela qu’affirme l'accusation.

  3   Je souhaite montrer à l'écran la première page de ce dossier.

  4   Vous voyez, toutes les réunions qui se sont déroulées, toutes les réunions

  5   qui ont été confirmées par les observateurs neutres, tous les documents

  6   rédigés à l'époque, tous les documents que le colonel Blaskic a vu ; ainsi

  7   que tous ceux que nous avons pu nous procurer, montrent la chose

  8   suivante : que vous devriez vous poser la question : "Est-ce que vraiment

  9   la ruse, est-ce que vraiment Blaskic n’émet que des documents d’alibi,

 10   est-ce qu’il réagit après avoir vu les reportages de la CNN ? Cherche-t-il

 11   à connaître la vérité concernant Ahmici ?

 12   Notre position est celle de savoir que Blaskic voulait connaître

 13   les faits, qu’il a reçu des informations et qu'il y avait des personnes

 14   qui ne voulaient pas qu'il les connaisse, qui n’ont pas exécuté ses

 15   ordres, qui ont commis ces crimes. Mais Blaskic cherchait-il à enquêter

 16   sur Ahmici ?

 17   Sur un plan juridique, cela n’est pas véritablement important ;

 18   Le fait est qu'il a fait, qu’il a cherché à le faire et qu’il a pris des

 19   mesures qui étaient en son pouvoir et qui étaient très difficiles.

 20   Il n'y a pas d'intention délictueuse de sa part. Il n'y a pas

 21   d'intention délictueuse.

 22   Je reviens à présent à la zone de Vitez, à la date du 16 avril.

 23   Que s'est-il passé d'autre à Vitez et que pouvons-nous en déduire ? Vous

 24   savez-vous ce qui s'est passé dans les hameaux d'Ahmici, Nadioci, Santici

 25   et Pirici. Tous ces hameaux sont très proches l'un de l'autre, à une


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  1   distance d'un kilomètre. La police militaire agissait dans l'ensemble de

  2   cette zone. Mise à part cette zone-là, que se passait-il effectivement

  3   dans la zone de Vitez. A Kruscica, il y avait un combat armé entre l'armée

  4   de Bosnie-Herzégovine et le HVO. Le HVO et la population croate ont été

  5   attaqué et ont été encerclé dans l'hôtel Lovac. Dans cet acte

  6   d'accusation, il n'est pas fait mention des activités à Kruscica même.

  7   S'agissant de Gacice, il n'y a pas du tout de reproche concernant les

  8   attaques qui se sont produites contre Gagice le 16 avril. Les preuves

  9   montrent que pendant trois jours, les villageois, au niveau local, à

 10   Gacice, ont négocié les uns avec les autres pour voir qui remettra les

 11   armes à l'autre partie.

 12   Puis le 19 avril, ces négociations ont été interrompues et le

 13   conflit a éclaté à Gacice.

 14   Quant à Donja Veceriska, un conflit militaire s'y produit. Il

 15   suffit d'entendre la déposition de Mihad Haskic qui était un des

 16   combattants de la Défense territoriale. Il n'y a pas d'attaque menée sur

 17   les civils de Donja Veceriska qui serait mentionnée dans cet acte

 18   d'accusation. Des maisons, qu'elles soient croates ou musulmanes, ont été

 19   incendiées, mais il n'y a pas de reproche fait à ce sujet. Il n'y a pas de

 20   chef d'accusation à ce sujet. Mais où est alors ce grand plan ? Pourquoi

 21   Donja Veceriska est-elle aussi différente d'Ahmici ? Pourquoi à Gacice

 22   est-ce tellement différent d'Ahmici ? Pourquoi Kruscica, elle aussi, est-

 23   elle complètement différente d'Ahmici ?

 24   A Vitez, il y a des attaques alléguées sur les biens et les

 25   personnes et ces attaques se seraient produites sur les six maisons près


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  1   de la maison jaune, du côté de Stari Vitez et ce par les Vitezovi, les

  2   Vitezovi qui se trouvent dans la zone, ainsi que de l'autre côté de Stari

  3   Vitez, les membres de la bande Zuti sont allés du côté de l'église

  4   catholique et ont été impliqués dans des combats, ils ont perdu un homme

  5   ou deux et ils ont peut-être exécuté ou tué des individus. Nous avons vu

  6   un homme gisant, par terre, à côté de l'église catholique.

  7   C'est triste, tragique, peut-être criminel, mais ce sont des

  8   événements qui ne sont pas à grande échelle, pas du tout, compte tenu de

  9   l'ensemble des conflits qui se déroulaient à ce moment-là et radicalement

 10   différents de ce qui se passe à Ahmici.

 11   L'accusation souhaiterait que vous déduisiez que ce qui s'est

 12   passé à Ahmici et à tous ces autres endroits mènent à Blaskic, que c'est

 13   lui le dénominateur commun, que c'est lui qui se trouve au sommet. Mais si

 14   vous analysez ce qui se passe à ces différents endroits, vous verrez que

 15   ce sont des variations, que ce sont des facteurs locaux, des influences au

 16   niveau local qui agissent : des représailles, des vengeances, des pillages

 17   pour satisfaire des intérêts personnels.

 18   Quant aux autres municipalités, l'accusation a déclaré dans ses

 19   propos liminaires que le 16 avril, il y a eu des attaques conjointes à

 20   Vitez, à Busovaca et Kiseljak, sur les trois municipalités. Mais que

 21   s'est-il passé à Kiseljak, le matin du 16 avril ? Rien. Il n'y a pas eu

 22   d'attaque. Zéro. C'est plus tard, plus tard que les attaques se sont

 23   produites. Il y a eu des attaques. Il y a eu des combats, mais le 18,

 24   basés sur le fait que l'enclave de Vitez était en train de s'effondrer et

 25   qu'il y avait besoin de repousser les forces de l'armée de Bosnie-


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  1   Herzégovine, de les tirer plus loin.

  2   Que s'est-il passé à Busovaca ? Une seule attaque est reprochée,

  3   sur les civils et les biens civils à Busovaca, dans la municipalité de

  4   Busovaca. Il est dit que cela s'est passé à Otcenici. Otcenici, Vous voyez

  5   ici la localité marquée en jaune, c'est loin de la route principale. Une

  6   personne a déposé, me semble-t-il en audience publique, au sujet

  7   d'Otcenici, M. Muhragic. Lui était habitant de ce hameau qui réunissait

  8   huit maisons. Neuf familles y vivaient sur place. D'après M. Muhragic, une

  9   attaque s'est produite le 19 avril sur Ocenici (page 5235 du compte rendu

 10   d'audience).

 11   D'après ce même témoin, c'est Pasko Ljubicic qui a mené cette

 12   attaque de la police militaire (page 5235 du compte rendu d'audience).

 13   Cinq membre de la famille de M. Muhragic ont été tué. Il a déposé en

 14   disant que la police militaire a accusé les habitants d'Ocineci de le

 15   avoir pilonnés la veille et la police militaire était venue pour ce

 16   venger.

 17   Quel est ce dénominateur commun entre les assassinats des civils

 18   à Ocenici et l'assassinat des civils à Ahmici. Est-ce le colonel Blaskic

 19   ou le 4e Bataillon de la police militaire ? Quel est le dénominateur

 20   commun ?

 21   Il n'y a pas eu d'autres attaques sur les civils ou les biens

 22   civils reprochées dans l'acte d'accusation à Busovaca, dans la

 23   municipalité de Busovaca, le 16 avril. La question est la suivante : est-

 24   ce que ce qui se produit sur le plan des actes répréhensibles soutient la

 25   théorie de l'accusation ? Ou bien est-ce différent ? Cela soutient-il


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  1   l'idée que le colonel Blaskic a mis en œuvre un plan élaboré, planifié, à

  2   grande échelle ?

  3   Je voudrais maintenant analyser deux événements : le camion

  4   piégé et le pilonnage de Zenica.

  5   Le camion piégé a explosé le 18 avril, du côté de la ligne de

  6   front occupée par l'armée de Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez.

  7   L'accusation affirme que c'est Blaskic qui a planifié ce camion bombe

  8   puisque "les explosifs nécessaires à cette explosion étaient

  9   nécessairement sous le contrôle de Blaskic". C'était une citation. Mais

 10   c'est Blaskic qui contrôlait tous les explosifs de Vitez ? Non. Leurs

 11   propres témoins ne l'ont pas affirmé. Qu'a dit le capitaine Whithworth au

 12   sujet de cette question : "L'ensemble de la population de la région était

 13   armée, n'est-ce pas ?

 14   Réponse (interprétation). – Oui.

 15   Question (interprétation) : Ce n'était pas uniquement des armes

 16   de petite portée, mais il y avait des explosifs, n'est-ce pas ?

 17   Réponse (interprétation). – Oui."

 18   M. Hayman (interprétation). – D'autres observateurs

 19   internationaux ont confirmé que les autorités de Vitez se plaignaient

 20   constamment du problème que nombre d'individus, nombre de citoyens

 21   disposaient d'explosifs.

 22   Et Charles McLeod, qu'en dit-il ? Je cite :

 23   "Question (interprétation) : Passons à la page suivante de cette

 24   déposition. Monsieur Santic vous a-t-il dit également que parce qu'il y

 25   avait cette usine d'explosifs à Vitez, je pense qu'il a dit qu'une


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  1   personne sur dix disposait d'armes chez lui. Est-ce cela qu'il vous a

  2   dit ?

  3   Réponse (interprétation). – Oui."

  4   M. Hayman (interprétation). – Bien entendu, cela est dû au fait

  5   que l'usine SBS se trouvait très près de Vitez et que c'était le principal

  6   lieu d'embauche pour toute cette population, donc les citoyens avaient

  7   accès à l'usine. C'était un moment où la peur et la paranoïa régnait et

  8   c'est pourquoi nombre de civils possédaient des explosifs chez eux. Darko

  9   Kraljevic, cela ont peut en être sûr, disposait d'une quantité

 10   considérable d'explosifs. Lui, il était à la tête d'une bande et nous

 11   l'avons vu dans une cassette de la BBC, nous avons vu une démonstration

 12   qu'il a faite pour la BBC.

 13   L'accusation affirme que Blaskic était nécessairement au courant

 14   du camion piégé parce qu'il y avait des rumeurs dans la ville.

 15   L'accusation affirme qu'il a omis d'empêcher cette explosion. C'est un peu

 16   en contradiction avec le fait que l'accusation affirme qu'il a ordonné,

 17   mais passons.

 18   Passons à la pièce de la défense 280. S'agissant des Vitezovi,

 19   vous verrez que régulièrement les Vitezovi ont suivi les ordres de Darko

 20   Kraljevic et non pas des ordres supérieurs. Si vous consultez cet ordre,

 21   vous verrez qu'il n'y a absolument pas de preuve que Blaskic ait été au

 22   courant de cet événement.

 23   S'agissant des avertissements qui sont plutôt flous, les témoins

 24   de l'accusation ont parlé d'avertissements flous : "explosion, quelque

 25   chose, écartez-vous de la fenêtre, mettez-vous à l'abri." Nous avons


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  1   entendu cela d'une ou deux personnes, mais il n'y a pas de preuves que ces

  2   rumeurs ont atteint le Q.G. ou le colonel Blaskic.

  3   S'il y a eu des avertissements de la part des membres des

  4   Vitezovi, ce que je suppose estime l'accusation, alors là Blaskic aurait

  5   été la dernière personne que les Vitezovi auraient cherché à informer de

  6   cette attaque planifiée, puisque Blaskic s'y serait opposé. Il aurait

  7   essayé de l'empêcher !

  8   S'agissant du pilonnage de Zenica, pendant toute la durée du

  9   procès, cela a été l'un des arguments forts de l'accusation. Alors, ils

 10   ont affirmé que l'artillerie des Serbes de Bosnie ne pouvait pas atteindre

 11   Zenica. Le colonel Waters : "Zenica n'était pas à la portée de leurs

 12   pièces d'artillerie, nous pouvons en déduire que c'est l'artillerie croate

 13   qui a tiré".

 14   M. Hayman (interprétation). - Il s'agit donc de la montagne

 15   Vlasic et des positions de l'artillerie serbe (page 3410 du compte rendu

 16   d'audience), mais nous devons passer à huis clos partiel pendant un

 17   instant.

 18   M. le Président. - Nous allons peut-être arrêter, Maître Hayman.

 19   Vous avez soumis les interprètes à rude épreuve. Nous allons prendre

 20   20 minutes de pause.

 21   L'audience est suspendue.

 22   L'audience, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 50.

 23   M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

 24   (L'accusé est introduit dans le Prétoire.)

 25   Asseyez vous. Maître Hayman, vous poursuivez votre plaidoirie


Page 23439

  1   finale.

  2   M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  3   Avant la suspension d'audience, nous parlions du commandant Watters qui

  4   tirait la déduction selon laquelle, parce que l'artillerie serbe ne

  5   pouvait pas atteindre Zenica, la conclusion a été tirée que cela devait

  6   être le HVO qui avait pilonné Zenica. Maintenant, nous allons présenter

  7   une autre pièce à conviction.

  8   Pour quelques instants à huis clos partiel, Monsieur le

  9   Président : c'est nécessaire.

 10   Audience à huis clos partiel.

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 25   (expurgée)


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  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   Audience publique

  4   "Question (interprétation) : Quelle est l'origine du tir de

  5   cette pièce d'artillerie ?

  6   Réponse (interprétation) : Cela provenait de l'ouest par rapport

  7   à la ville de Zenica."

  8   M. Hayman (interprétation). - Je crois que c'est la seule mesure

  9   demandée pendant l'audience, la déformation des traits du visage. Si cela

 10   vous préoccupe, nous pouvons passer à huis clos partiel, mais je crois que

 11   ce n'était pas nécessaire et je vous prie de m'excuser pour le volume,

 12   parce que nous avons reçu des enregistrements dont le volume initial était

 13   différent : maintenant, on a réajusté le volume.

 14   M. le Président. - Merci bien. Poursuivez.

 15   M. Hayman (interprétation). - Je rappelle que c'est le témoin W,

 16   un expert de l'accusation qui décrit l'origine des obus tombés sur Zenica,

 17   du point de vue l'orientation. Je cite.

 18   "Question (interprétation) :  Quelle était l'orientation de

 19   l'origine des obus ?

 20   Réponse (interprétation) : L'origine des tirs se situait à

 21   l'ouest de la ville de Zenica".

 22   M. Hayman (interprétation). - Cet extrait correspond à la page 

 23   6025 du compte rendu d'audience. L'accusation avait déjà présenté un

 24   témoignage expert du commandant Baggesen. D'ailleurs, quand nous parlons

 25   de l'ouest, trajectoire située à l'ouest de la ville, cela correspond à


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  1   Putisevo, mais le commandant Baggesen, lui, a dit dans sa déposition que

  2   les tirs provenaient de Bila, c'est-à-dire du sud-ouest et pas de l'ouest.

  3   Je cite.

  4   "Question (interprétation) : Selon vos estimations, d'où

  5   provenaient les tirs qui ont visé Zenica ?

  6   Réponse (interprétation) : De l'endroit qui se trouve ici.

  7   Question (interprétation) : Pouvez-vous préciser quel est

  8   exactement cet endroit sur la carte ?

  9   Réponse (interprétation) : Il s'agit de Bila.

 10   Question (interprétation) : Le secteur de Bila ?

 11   Réponse (interprétation) : Oui."

 12   M. Hayman (interprétation). - Il y a donc une grande de

 13   différence entre l'ouest et le sud-ouest, Monsieur le Président,

 14   Messieurs les Juges. Une grande différence. En plus, j'indique que le sud-

 15   ouest est plus proche du mont Vlasic, qui était la position de l'armée

 16   serbe.

 17   Dans son argumentation, le Procureur a adopté une troisième

 18   ligne de conduite. Il a dit que tout le monde était d'accord que les obus

 19   étaient tombés sur Zenica ce jour-là et que, pour obtenir de telles

 20   destructions, il fallait que l'obus ait un calibre de 122 mm. C'est ce que

 21   nous avons entendu dans les arguments du Procureur. Or, le commandant

 22   Baggesen nous a dit effectivement croire qu'il s'agissait d'un obus de

 23   122 mm. Mais les témoins de l'accusation n'ont pas pu s'entendre sur le

 24   calibre de cette obus. Un témoin des Juges de la Chambre a estimé qu'il

 25   s'agissait d'un obus de 155 mm. et je crois que cette personne a témoigné


Page 23442

  1   en public n'est-ce pas ? Je cite.

  2   "Question (interprétation) : En examinant les fragments sur les

  3   lieux et en imaginant ce que la situation aurait pu donner si ces

  4   fragments avaient été rassemblés pour constituer un élément entier, il a

  5   été dit qu'on pouvait croire qu'il s'agissait d'un obus de

  6   155 millimètres. C'est ce qui a été inscrit dans le rapport, mais avec la

  7   réserve qu'il s'agissait simplement d'une estimation."

  8   Cela se retrouve au compte rendu d'audience à la page 5950.

  9   Puis, une commission militaire de l'armée de Bosnie-Herzégovine est

 10   arrivée sur les lieux pour examiner les fragments d'obus et a déclaré

 11   qu'il s'agissait sans doute d'un obus 120 millimètres.

 12   Citation du témoin : "Il est à prévoir que ces hommes se sont

 13   rendus sur le terrain, étant des experts militaires, et nous pouvons

 14   penser qu'ils l'ont fait. Mais je continue à penser qu'il s'agissait d'un

 15   obus de 155  millimètres, en dépit du fait que cet organe militaire a

 16   déclaré qu'il s'agissait d'un obus de 120 millimètres."

 17   Il suffira de dire que ce qui est démontré ici, c'est que trois

 18   personnes différentes ont prononcé un avis différent quant au calibre de

 19   cet obus, selon les fragments qu'ils ont analysés, selon des divergences

 20   qui leur sont propres. Autrement dit, l'analyse des fragments d'obus n'est

 21   pas une science. Je crois que ce qui est important à dire ici, Monsieur le

 22   Président, Messieurs les Juges, c'est que ces fragments n'existent plus.

 23   C'est ce qu'ont dit les témoins. Les autorités judiciaires n'ont plus la

 24   garde de ces fragments, ces fragments ont été emmenés par les observateurs

 25   de la communauté européenne en tant que souvenirs.


Page 23443

  1   Ils n'existent donc plus. Plus personne ne peut les examiner

  2   scientifiquement. Le Procureur n'a pas pu le faire, la défense n'a pas pu

  3   le faire, vous n'avez pas pu le faire. Voilà qu'elle est la situation

  4   réelle. Nous avons donc fait appel au professeur Jankovic, qui est un

  5   ingénieur balistique. Il a donc repris les calculs du témoin W, témoin de

  6   l'accusation, qui visaient à démontrer que l'obus, allégué comme étant un

  7   122 millimètres, aurait pu faire le voyage de Putisevo à Zenica, puisque

  8   la distance de 16 kilomètres séparent ces deux lieux. La conclusion tirée

  9   par le Pr Jankovic, c'est que, si vous prenez les données présentées par

 10   le témoin W, on constate que ceci est mathématiquement impossible.

 11   Regardez les images sous vos yeux. Voilà les calculs du

 12   professeur Jankovic, qui s'est fondé sur la formule mathématique standard

 13   de l'OTAN.

 14   En utilisant cette formule, le professeur Jankovic a conclu que

 15   les données présentées par le Témoin W, qui avait pour but de faire croire

 16   qu'un obus de 120 millimètres aurait pu couvrir cette trajectoire, le

 17   Pr Jankovic montre que ceci est mathématiquement impossible.

 18   Dans son réquisitoire, le Procureur répond au Pr Jankovic en

 19   disant que si les données du Témoin W étaient erronées, les données de

 20   départ étaient fausses, mauvaises.

 21   Nous sommes donc ramenés au point de départ. Les données, eu

 22   égard à l'origine, à l'impact, à la distance, au calibre, nous ne les

 23   connaissons tout simplement pas. Ceci n'est pas le genre d'éléments de

 24   preuve que l'on souhaite dans un procès. Personne ne souhaite être jugé

 25   pour responsabilité sur des données erronées. Nous ne discutons pas un


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  1   instant que même si des éléments du HVO sont responsables de ce pilonnage,

  2   le général Blaskic…

  3   Nous n'admettons donc pas que s'il y a eu pilonnage de la part

  4   d'éléments du HVO de Zenica, le colonel Blaskic l'aurait ordonné ou

  5   accepté. Ce n'est pas une conception que nous acceptons. Mais nous disons

  6   que cette tragédie n'a pas pu être prouvée étant donné que les données

  7   sont fausses.

  8   Passons maintenant à la municipalité de Kiseljak, aux événements

  9   du 16 avril et à partir du 16 avril à Kiseljak, dans la municipalité.

 10   M. le Président. – Pouvez-vous répéter votre dernière phrase,

 11   s'il vous plaît, Maître Hayman. Je n'ai pas bien saisi.

 12   M. Hayman (interprétation). – Excusez-moi, Monsieur le

 13   Président, Messieurs les Juges, je devrais ralentir car je parle vraiment

 14   trop vite.

 15   Je vais donc maintenant examiner les éléments de Kiseljak, à

 16   partir du 16 avril, dans cette municipalité. Nous parlions, jusqu'à

 17   présent, de la municipalité de Vitez. Nous allons passer à celle de

 18   Kiseljak à présent. Nous disons que Blaskic n'avait ni responsabilité

 19   directe ni responsabilité de commandement eu égard à quelques crimes ou

 20   méfaits commis dans la municipalité de Kiseljak et ce pour une série de

 21   raisons.

 22   Premièrement, il était isolé, coupé du reste du monde, et le

 23   niveau de communication dont il disposait, ainsi que les rapports qu'il

 24   recevait, les informations qu'il recevait, ne lui donnaient pas la

 25   possibilité d'exercer un contrôle opérationnel sur Ivica Rajic, sur les


Page 23445

  1   Materice ou sur d'autres hommes qui, finalement, commettront des crimes

  2   dans cette municipalité.

  3   Deuxième argument : indépendamment du commandement et du

  4   contrôle exercé par Blaskic ou Mijo Bosic était, au moins formellement,

  5   commandant de la brigade de Kiseljak, cette habilité, cette capacité est

  6   arrivée à son terme au moment de la mutinerie, au moment où Mijo Bosic est

  7   expulsé de la brigade de Kiseljak en tant que commandant par la force des

  8   fusils, par des hommes qui défendent Ivica Rajic. Nous en parlerons un peu

  9   plus tard et reviendrons sur la déposition de cette homme. Ceci s'est

 10   passé dans les semaines d'avril, donc lors du conflit d'avril. Ivica Rajic

 11   est revenu et a repris le pouvoir dans cette municipalité.

 12   Je demanderai maintenant un huis clos partiel quelques instants,

 13   après quoi nous pourrons revenir en audience publique.

 14   L'audience se poursuit à huis clos.

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  1   (expurgée)

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  7   Audience publique.

  8   M. Hayman (interprétation). - La mutinerie au sein de la brigade

  9   de Kiseljak n'a fait que concrétiser ce qui s'était déjà passé, à savoir

 10   c'est Rajic qui exerçait un commandement de facto sur la brigade en étant

 11   extérieur de la filière de commandement officiel. Nous le savons depuis

 12   quelque temps, nous avons des sources multiples pour nous l'indiquer, des

 13   rapports d'observateurs internationaux, notamment, telle la pièce à

 14   conviction du Procureur 93, qui nous dit en synthèse que le 27 avril, donc

 15   avant l'expulsion de Mijo Busic –parce que Mato Lucic a été tué au début

 16   du mois de mai 1993, mais là il s'agit de la fin du mois d'avril-, fin

 17   avril une équipe de l'ECMM se voit refuser l'accès à Gomionica et le

 18   commandant local lui refuse cette autorisation.

 19   Un témoin nous dit qu'Ivica Rajic a donné l'ordre d'arrêter tous

 20   les véhicules du HCR, des Nations Unies ou de l'ECMM. Nous savons que même

 21   avant que Bosic ait été expulsé, Rajic donne déjà des ordres contraires

 22   aux ordres du colonel Blaskic, par exemple l'ordre d'arrêter des

 23   observateurs internationaux. Il est donc clair, sur la base de cet élément

 24   de preuve, que Blaskic n'avait pas la possibilité de contrôler Rajic.

 25   Rajic était un homme sans foi ni loi qui commandait au HVO.


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  1   J'aimerais que nous écoutions Ed Vuljami nous dire comment Rajic

  2   a pris le pouvoir par la violence du quartier général du HVO à Vares pour

  3   renforcer son pouvoir personnel. Je cite : "A Vares, quelque chose de très

  4   regrettable s'est produit, de très malheureux. Vares se trouve au-dessus

  5   d'Olovo, dans la partie Est de la Bosnie centrale et, là encore, le HVO

  6   souhaitait coopérer avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. En 1993, d'autres

  7   unités du HVO ont déposé ces unités du HVO. Ces autres unités du HVO sont

  8   arrivées à Kiseljak, de l'extérieur, et ont combattu les éléments du HVO

  9   qui cherchaient à coopérer avec l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 10   Question (interprétation) : Il s'agissait des forces des unités

 11   d'Ivica Rajic qui étaient venues de Kiseljak et qui ont pris effectivement

 12   le contrôle de Vares ?

 13   Réponse (interprétation). – C'est tout à fait exact, c'est

 14   cela."

 15   M. Hayman (interprétation). - Vous vous rappellerez peut-être

 16   sur la base d'autres éléments de preuve présentés dans ce procès que Rajic

 17   a pris le contrôle à Vares par le meurtre de Ducnovic qui était

 18   l'assistant du SIS à Vares. Il a été assassiné par Rajic. Ce qui confirme

 19   encore une fois cette dualité du commandement à Vares en tout cas. Rajic

 20   était extérieur à la filière du contrôle officiel, mais il a prit le

 21   pouvoir par la violence, par la force et il a désormais contrôlé le HVO à

 22   cet endroit. Blaskic, isolé à Vitez, n'avait aucune possibilité de

 23   contrôler un homme qui appliquait de telles tactiques et exerçait de tels

 24   pouvoirs.

 25   Mon troisième et dernier argument au sujet de Kiseljak, c'est


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  1   que le grand quartier général du HVO avait un rapport du point de vue du

  2   commandement avec Mostar. Mostar et le HVO à Kiseljak étaient en

  3   communication directe. Pourquoi ? Entre autres choses, parce que le chef

  4   d'état-major pourrait visiter la municipalité de Kiseljak en passant par

  5   le territoire serbe de Bosnie. C'est ce qui s'est produit à plusieurs

  6   reprises. Le général Petkovic s'est rendu à plusieurs reprises à Kiseljak.

  7   Cela figure dans le dossier du procès, dans les éléments de preuve. Il y

  8   avait un poste de avancé, un poste de commandement avancé du HVO à

  9   Kiseljak. Les éléments de preuve prouvent également que l'officier de

 10   liaison, dans la municipalité de Kiseljak pour le HVO, Vinko Lucic,

 11   rendait compte à Mostar. Il était donc officier de liaison de Mostar qui

 12   avait été envoyé à Kiseljak, qui rendait directement à Mostar mais ne

 13   rendait pas compte à la zone opérationnelle. Le bataillon canadien,

 14   responsable du secteur, le confirme. J'aimerais que nous reprenions la

 15   déposition du capitaine Lantier à cet égard.

 16   "Question (interprétation) : Quelles étaient exactement ses

 17   responsabilités par rapport au colonel Blaskic, les responsabilités de

 18   Lucic ?

 19   Réponse (interprétation) : Il s'est présenté à moi comme étant

 20   l'officier de liaison du quartier général du HVO à Mostar. Et il était

 21   responsable devant le quartier général de Mostar.

 22   Question (interprétation) : Merci."

 23   Cela signifie, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que

 24   des plaintes adressées par les observateurs internationaux ou les agences

 25   internationales à l'officier de liaison du HVO à Kiseljak arrivaient à


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  1   Mostar, mais n'arrivaient pas au colonel Blaskic. Donc, le colonel Blaskic

  2   ne devrait pas être la cible centrale du Procureur pour des questions de

  3   ce genre puisque les rapports étaient adressés non pas à lui, mais

  4   directement au commandant de Mostar.

  5   Enfin, j'aimerais mettre l'accent sur l'ordre du général

  6   Petkovic, envoyée en août 1993 -à moins que ce ne soit une requête, je ne

  7   sais plus très bien-, en tout cas le document adressé par Petkovic, en

  8   août 93, qui se lit comme suit : "Préparer des actions pour Tiho et Rajic,

  9   agir de façon urgente et en coordination, etc. etc. Signé Milivoj

 10   Petkovic".

 11   Je vous pose la question, Monsieur le Président, Messieurs les

 12   Juges : est-ce un ordre adressé à des égaux, Tiho et Rajic, ou est-ce un

 13   ordre adressé par un officier supérieur à la zone opérationnelle, niveau

 14   inférieur à cet officier ou même au groupe opérationnel. Ceci apparaît

 15   très clairement dans la communication que nous venons de citer. On voit

 16   que Rajic était aux commandes directes, directement au niveau situé sous

 17   le quartier général du HVO de Kiseljak.

 18   Maintenant, il y a un incident qui s'est produit à Kiseljak dont

 19   j'aimerais parler plus en détail. Rotilj : c'est un événement qui s'est

 20   produit à Tulica, qui a concerné des villages, plusieurs villages et

 21   j'aimerais également que l'on parle de Gomionica. Il y a eu une attaque,

 22   le 18 avril, à Gomionica, qui est due au HVO de Kiseljak. Ceci, nous

 23   estimons que c'est quelque chose d'important. Cela illustre plusieurs

 24   choses et cela a été cité dans le réquisitoire du Procureur, dans son

 25   volume VII, partie 12 (page 2193 du compte rendu d'audience).


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  1   C'est un ordre illégal de Blaskic selon le Procureur. Le

  2   Procureur a parlé d'un ordre destiné à nettoyer ethniquement les villages

  3   de Gomionica et de Svinjarevo. C'est la caractéristique, la qualification

  4   qui est faite de cet événement par le Procureur dans son réquisitoire.

  5   Mais quel est cet ordre ? Quelle est la nature de cet ordre

  6   (pièce à conviction de la défense 299). Que nous dit cette pièce ? Elle

  7   est datée du 17 avril. J'aimerais vous en montrer une partie qui nous dit

  8   que la brigade de Kiseljak se préparait à lancer des combats contre

  9   Gomionica et de Svinjarevo, pour réduire les tensions dans l'enclave de

 10   Vitez. Le colonel Blaskic a déclaré que le HVO de Kiseljak savait comment

 11   lancer cette attaque. Il le leur a dit, il leur a dit de prendre le

 12   contrôle de Gomionica et de Svinjarevo et de diriger principalement leurs

 13   forces en diagonale à partir de Kocatala et de Sikulja. Je peux vous citer

 14   ce passage.

 15   "L'attaque des forces principales doit se faire à partir de

 16   Sikulja, etc." Il y a une erreur, ici, parce que je fais référence à la

 17   pièce D299, qui est un ordre daté du 17 avril et qui est un ordre de

 18   préparation au combat ; ce n'est pas ce qu'on nous a montré sur l'écran.

 19   Ici, nous avons maintenant la version française de cet ordre. Ordre pour

 20   prendre le contrôle de Gomionica et de Svinjarevo en dirigeant le gros des

 21   forces à partir des deux localités que j'ai citées, vers les hauteurs qui

 22   surplombent Gomionica.

 23   Vous vous rappellerez sans doute que le général Blaskic a décrit

 24   cet ordre dans sa déposition, il a dessiné une carte à la main, que vous

 25   avez sous les yeux, sur les écrans. Il faudrait en fait que je revienne un


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  1   peu en arrière. Je vous demande quelques instants de patience, car il y a

  2   une autre localité mentionnée dans un de ces ordres : Hadrovci. C'est le

  3   lieu que nous avons demandé au général Blaskic d'identifier sur son plan

  4   -il l'a fait- avec d'autres localités.

  5   Enfin, ce qui importe, c'est que, sur ce schéma, vous voyez la

  6   grande route, les pentes de la colline, les villages, les hauteurs qui

  7   surplombent ces villages et qui sont au nombre de deux. Ici, une carte de

  8   meilleure qualité sans doute, où vous voyez que la route principale va de

  9   Gomionica à Gromiljak. Sur cette carte, vous partez d'en haut à gauche de

 10   la carte et vous arrivez au bas de la carte à gauche. Vous constaterez sur

 11   cette carte que nous n'avons pas inscrit de noms supplémentaires, mais

 12   simplement des flèches. L'ordre donné consistait donc à prendre le

 13   contrôle de Svinjarevo et de Gomionica et, notamment, des hauteurs

 14   surplombant ces localités. Une fois les hauteurs prises, Svinjarevo serait

 15   isolée. Il y avait en effet une route qui reliait ces deux localités,

 16   route construite par l'armée de Bosnie-Herzégovine ; une fois ces

 17   localités coupées, le contrôle était effectif : il n'était plus possible

 18   de contrôler militairement ces endroits.

 19   Donc l'objectif militaire est clair : il vise Gomionica, le

 20   quartier général de l'armée de Bosnie-Herzégovine, dans la municipalité de

 21   Kiseljak, qui trouvait à cet endroit, des détachements importants, des

 22   soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine étaient présents. C'était donc le

 23   meilleur centre d'attaque, la meilleure cible pour une attaque. Blaskic

 24   voulait éviter des combats dans les zones urbaines, éviter des

 25   destructions superflues, éviter que des bâtiments occupés par des civils


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  1   soient mis en danger et que des vies de civils le soient aussi.

  2   Ce qui s'est passé, c'est que la brigade de Kiseljak a

  3   apparemment attaqué Gomionica à partir de la grande route et les combats

  4   se sont déroulés dans les villages, ce qui n'était pas conforme aux ordres

  5   de Blaskic. Mais Blaskic a reçu des rapports à cet effet. Dans un rapport

  6   nous lisons : "Nous avons perdu Zavrtaljka qui est une hauteur surplombant

  7   le Nord-Ouest de Gomionica et dominant la route allant de Kiseljak à

  8   Bilalovac". Nous lisons aussi : "Nous n'avons pas tiré à la mitrailleuse

  9   pour prendre Gomionica ; nous n'avons pris que trois kilomètres des deux

 10   côtés de Gomionica" Ce n'est pas ce qu'avait ordonné Blaskic, ce n'est pas

 11   l'ordre qu'il avait donné à la brigade de Kiseljak.

 12   Il est intéressant aussi, Monsieur le Président, Messieurs les

 13   Juges, d'analyser cette action et de voir comment elle a commencé, le

 14   matin du 18 avril. Si vous examinez l'horaire détaillé dans le rapport

 15   reçu à Vitez, vous verrez que ce document a été reçu à 17 heures 13, à la

 16   fin de la journée, dix heures à peu près après le début des combats. Je

 17   voudrais donc revenir sur cet ordre en particulier, analyser les

 18   opérations sur la base de cet ordre, parce que cet ordre illustre les

 19   difficultés de commandement et de contrôle qu'avait Blaskic vis-à-vis de

 20   Kiseljak. Je le fais aussi parce que le Procureur a prétendu dans son

 21   réquisitoire que cet ordre était illégal. Or, nous pensons que ce n'est

 22   pas le cas.

 23   Je vais parler des événements survenus à la mi-avril. Bien

 24   entendu, il y a d'autres choses que nous pourrions traiter au cours du

 25   mois d'avril, et il y a un grand nombre de choses évoquées dans le


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  1   réquisitoire du Procureur. Mais il n'est pas nécessaire de revenir sur

  2   tous ces arguments ; ce n'est pas le but de notre plaidoirie. Nous voulons

  3   revenir simplement sur les faits importants et sur les détails importants.

  4   Je traiterai de l'attaque de Stari Vitez, le 18 juillet 1993, puis de la

  5   bataille de Grbavica, en septembre.

  6   S'agissant de Stari Vitez et de l'attaque contre Stari Vitez,

  7   nous affirmons que Blaskic n'a pas ordonné et n'a pas été informé de cette

  8   attaque, même si celle ci a eu lieu. Nous disons qu'il n'en a pas été

  9   informé même après les faits et qu'il n'y a eu aucune violation du droit

 10   international en la matière. Nous affirmons que cette attaque n'est pas

 11   une attaque en violation du droit international humanitaire, même si

 12   Blaskic en a a été informé après les faits.

 13   Regardons le contexte. J'aimerais vous rafraîchir la mémoire au

 14   sujet de Stari Vitez. A peu près 250 hommes ont défendu Stari Vitez.

 15   Sefkija Dzidic nous le dit :

 16   "Question (interprétation) : Combien d'hommes avez-vous eu à

 17   votre disposition pendant les nombreux mois du siège ?

 18   Réponse (interprétation) : J'ai eu 250 hommes, environ."

 19   Nous avons donc quelque 250 soldats à Stari Vitez. D'après le

 20   commandant Hunter, à la page 5100, "ils étaient armés de mortiers de

 21   60 millimètres, de lance-roquettes et d'autres petites armes légères."

 22   Selon Djidic lui-même qui nous dit ceci à la page 1455 : "Stari Vitez

 23   était très sévèrement fortifié de tous côtés et de part et d'autre". Comme

 24   l'a confirmé le commandant Hunter, Stari Vitez constituait une menace

 25   militaire pour Vitez.


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  1   C’était un lieu de grande importance militaire stratégique dans

  2   ce conflit.

  3   "Question (interprétation) :Nous parlons de l'armée Bosnie-

  4   Herzégovine à Stari Vitez, est-ce que ceci avait une quelconque

  5   signification militaire pour l’une et l’autre partie au conflit ?

  6   Réponse (interprétation) : Manifestement ”.

  7   M. Hayman (interprétation). - J'affirme aussi, je vous invite

  8   Messieurs les Juges, à penser qu’au vu des éléments de preuve, il est

  9   évident que le HVO a pris des mesures pour améliorer les conditions de vie

 10   des résidents de Stari Vitez. C’est vrai que ces mêmes conditions de vie

 11   étaient suivies par les habitants croates, par les autres civils de Stari

 12   Vitez. Il y avait suffisamment de nourriture à Stari Vitez.

 13   A plusieurs reprises, le HVO a donné aux civils l'occasion de

 14   quitter temporairement Stari Vitez, afin de fuir la zone de guerre.

 15   L'officier de liaison l’a confirmé à votre intention, Monsieur le

 16   Président, Messieurs les Juges.

 17   "Question : Au cours de votre mission en Bosnie, avez-vous été

 18   mis au courant d’offres faites par la communauté croate de Vitez, aux

 19   citoyens de Vitez afin que ceux-ci quittent provisoirement Stari Vitez et

 20   sortent de la zone de guerre ?

 21   Réponse : Effectivement, j'étais au courant de telles offres".

 22   M. Hayman (interprétation). - Les cibles militaires et civiles

 23   étaient aussi plutôt floues à Vitez. Qu'est-ce que j'entends par là ?

 24   J'entends ceci : les structures militaires, les effectifs

 25   militaires, les armes, tout le soutien logistique, tout ceci était


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  1   entreposé, déployé dans des structures qui ne se prêtaient pas à une

  2   affectation militaire, c'était des bâtiments ordinaires, civils.

  3   Effectivement, des dépositions à ce procès ont montré que tout le monde

  4   participait à la défense de Stari Vitez, hommes aussi bien que femmes.

  5   “Question (interprétation) : Ces hommes à Stari Vitez

  6   participaient-ils activement à la défense militaire de Stari Vitez ?

  7   Réponse (interprétation). - Tout le monde participait activement

  8   à la défense de Stari Vitez..

  9    Question (interprétation) : Vous voulez dire que les hommes et

 10   les femmes le faisaient aussi ?

 11   Réponse (interprétation). - J'ai vu des femmes qui portaient des

 12   armes également."

 13   M. Hayman (interprétation). - Qu'est-ce que ceci signifie

 14   lorsque les cibles militaires et civiles se confondent un peu ? Il est

 15   difficile de la part des militaires de lancer des actions ciblées, il est

 16   difficile de séparer le civil du militaire et de réduire les dégâts

 17   potentiels que l’on pourrait causer aux structures civiles ainsi qu’aux

 18   civils.

 19   Que s'avons-nous des actions entreprises par le HVO s’agissant

 20   de Stari Vitez ?

 21   Vous avez entendu dire qu’on avait lancé des appels pour une

 22   attaque généralisée sur Stari Vitez au fur et à mesure que s'augmentait le

 23   nombre des victimes à Stari Vitez au cours de l’été 1993. Le capitaine

 24   Barak l’a dit à la page 9451, mais il vous a dit également que Blaskic a

 25   résisté à de telles tentations, qu'il ne voulait pas que l'artillerie soit


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  1   utilisée et que la stratégie, pour l’essentiel du HVO, était plutôt de

  2   contenir l’armée de Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez et d’éviter que

  3   celle-ci ne fasse des sorties. C'est ce qu'a dit ce capitaine à la page

  4   9390. La communauté croate savait et en voulait finalement à Blaskic parce

  5   qu'il ne voulait pas autoriser l’utilisation de l'artillerie sur Stari

  6   Vitez (page 17716 du compte rendu d’audience).

  7   Nous vous enjoignons, Messieurs les Juges, à examiner avec la

  8   plus grande prudence la déposition de Sefkija Djidic, qui était le

  9   principal témoin à charge qui ait parlé du siège de Stari Vitez et de

 10   l’attaque menée sur Stari Vitez. Pourquoi ? Parce qu’il n'a pas fait

 11   preuve d'honnêteté à votre égard. Rappelez-vous de sa déposition : il a

 12   nié catégoriquement le transport de toute arme par les forces de la

 13   Forpronu dans Stari Vitez.

 14   “Question (interprétation) : Pendant 11 mois, beaucoup de ces

 15   munitions étaient utilisées, comment avez-vous eu de nouveaux

 16   approvisionnements ?

 17   Réponse (interprétation). - Nous avons reçu de certaines forces.

 18   Question (interprétation) : Est-ce que la Forpronu a transporté

 19   de tels équipements, de telles munitions ?

 20   Réponse (interprétation). - Non, jamais ”.

 21   M. Hayman (interprétation). – Pourtant, des officiers de la

 22   Forpronu ont déposé devant vous, et l’un d’entre eux, le capitaine

 23   Whitworth, une fois de plus a parlé de la contrebande d'armes vers Stari

 24   Vitez qui aurait été le fait de Sefkija Djidic en personne. Voici la

 25   déposition de Whitworth. Il a d’ailleurs parlé de ceci à Djidic après les


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  1   événements (page 10254 du compte rendu d'audience) :

  2   "On m'avait demandé d'apporter les fournitures médicales à Stari

  3   Vitez. J'ai pris plusieurs boîtes médicales du centre du HCR à Zenica, qui

  4   était une enclave musulmane, et j’ai transporté ces caisses à Stari Vitez.

  5   Je les ai remises au commandant Sefkija qui les a remises à un de ses

  6   subordonnés qui les a emportées dans une autre salle.

  7   J'ai bu un café et j’ai parlé de ce qui s’était passé durant

  8   cette journée avec Djidic.

  9   Peu de temps après, j'ai cherché une excuse pour partir. J'ai

 10   fait le tour des bâtiments adjacents au quartier général de Sefkija

 11   Djidic. Je suis entré dans une pièce et j'ai trouvé là une caisse en bois,

 12   plusieurs caisses qui, apparemment, auraient été pleines d'appareils

 13   médicaux ou de fournitures médicales. Dans une, j'ai vu des boîtes de

 14   vingt douilles, de vingt munitions. Il devait y avoir en tout, dans toutes

 15   ces boîtes, de 600  à 1 000 munitions, que quelqu'un avait réussi à

 16   envelopper dans cette boîte de pansements, dissimulant ces boîtes de

 17   munitions sous les boîtes de pansements. Ces boîtes avaient été

 18   transportées dans mon véhicule".

 19   M. Hayman (interprétation). – Je me souviens personnellement de

 20   la déposition du capitaine Whitworth. Il a dit qu’il avait confronté

 21   Djidic au fait qu’il était vraiment erroné d'utiliser des convois du HCR

 22   et de la Forpronu pour faire de la contrebande de telles munitions. Djidic

 23   lui a dit : "C’est nécessaire".

 24   En passant, je ne veux pas ici accuser Djidic. Il est certain

 25   qu'eux aussi avaient des problèmes, qu'ils avaient besoin de munitions.


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  1   D'accord. Mais je voulais simplement rappeler qu’il faut étudier cette

  2   déposition avec le plus grand soin. Parce qu'avec des gens comme Djidic,

  3   vous savez qu’ils ont beaucoup souffert pendant la guerre. Leur position

  4   était difficile, ils étaient isolés à Stari Vitez, ils l’étaient pendant

  5   dix mois, tout comme c'était vrai dans la poche de Vitez. Là aussi, ils

  6   étaient isolés.

  7   Je pense qu’il faut penser à toutes ces contradictions lorsque

  8   l’on se penche sur de telles dépositions.

  9   Parlons maintenant de l'attaque du 18 juillet. Rien n'a prouvé

 10   que Blaskic ait ordonné l’attaque ou ait été au courant au préalable de

 11   cette attaque. Examinez le rapport des Vitezovi au grand quartier général.

 12   Il s'agit de la pièce D250. Selon celle-ci : “ Il y avait un ordre du

 13   commandant des Vitezovi, c'était cet ordre qui intimait d'attaquer Stari

 14   Vitez le 18 juillet ”.

 15   Il n’est fait référence à aucun ordre qui aurait été émis par le

 16   colonel Blaskic. De fait, des témoins nous ont dit que l'attaque avait été

 17   planifiée par Dario Kraljevic, qui en était à la source, en guise de

 18   représailles contre ce qu’avaient fait les Musulmans qui avaient tué son

 19   frère un jour ou deux avant (page 17715 du compte rendu d'audience).

 20   Parlons de l'attaque elle-même. Le 18 juillet 1993, c'est un

 21   dimanche. On peut en faire constat judiciaire, vérifier le calendrier. Si

 22   vous regardez le calendrier de 1993, vous avez les mêmes jours que cette

 23   année-ci. Si vous prenez le 18 juillet 1999, c'est la même chose

 24   qu'en 1993. Ce jour-là, c'était un vendredi, ou plutôt un dimanche.

 25   Le colonel Blaskic nous a dit s’être trouvé à Busovaca le


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  1   18 juillet. Il est allé à la messe, a déjeuné avec le prêtre de la

  2   paroisse, un de ses bons amis, et puis il était allé à Busovaca, il

  3   s'était dirigé sur Busovaca la veille, il voulait y passer une partie du

  4   week-end. Apparemment, il n’est pas retourné à Vitez jusqu’à la fin de

  5   l’attaque, attaque qui s’est soldée par une débâcle complète avec beaucoup

  6   de blessés. Revenons à cette visite effectuée le week-end à Busovaca par

  7   Blaskic.

  8   J'aimerais d’abord réfuter l'argument avancé par l'accusation

  9   pendant son réquisitoire. Selon l’accusation, ce n’est pas une attaque des

 10   Vitezovi mais du HVO. Ils se fondent pour ces dires sur des documents qui

 11   supposément montrent que des soldats du HVO faisant partie d'autres unités

 12   auraient enregistré des pertes au cours du 18 juillet, à proximité mais

 13   dans d'autres unités. Il est important de se souvenir de ceci. Les lignes

 14   de front autour de Stari Vitez étaient tenues par les brigades de Vitez.

 15   Ils se trouvaient là depuis le 17 avril jusqu'au 18 juillet. Il fallait

 16   bien que quelqu'un tienne cette ligne de front. Ce n’était pas les

 17   Vitezovi qui le faisaient, cela ne faisait pas partie de leur mandat, de

 18   leur mission. Ce qui veut dire, qu’à l’arrivée des Vitezovi, lorsque ceux-

 19   ci ont lancé leur attaque, avec riposte très effective de l’armée de

 20   Bosnie-Herzégovine par des  tirs lours, il y a eu des pertes tout au long

 21   de cette ligne de front. C'est normal, on peut s'y attendre vu les

 22   circonstances.

 23   Que disent les documents présentés par l’accusation ? Que vous

 24   montrent-ils dans les faits ?

 25   Un de ces documents (pièce de l'accusation 758), examinez-le, a


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  1   été rappelé par l'accusation pour montrer qu'un soldat avait été blessé à

  2   Stari Vitez alors qu'il ne faisait pas partie des Vitezovi, mais était

  3   membre d'une des unités régulières d'une brigade du HVO.

  4   Examinez ce document et vous constaterez qu'il est daté de 1994.

  5   Les Vitezovi n'existaient plus en 1994. Mais le document ne dit pas quelle

  6   était l'appartenance de cet homme, à quelle unité il appartenait en 1993.

  7   Le document suivant (pièce 759 soumise par l'accusation) indique

  8   qu'un individu tué le 18 juillet avait été mobilisé dans les rangs du HVO

  9   le 16 avril et avait été tué au cours d'une contre-attaque menée sur les

 10   lignes de défense autour de Stari Vitez. Comme je vous l'ai dit, c'est le

 11   genre de chose à laquelle on peut s'attendre vu ces circonstances. Mais ce

 12   document présente quelque chose d'intéressant. Nous parlons ici du

 13   document 759. Qui est le signataire de ce document ? Regardez, c'est un

 14   document qui vient de la 92e Brigade du HVO qui atteste du fait qu'un

 15   certain soldat a péri, a trouvé la mort le 18 juillet. Qui est le

 16   signataire, au titre du commandement adjoint du 92e régiment du HVO ? Nous

 17   parlons bien de Dragan Vinac. Est-ce que vous voyez bien ici

 18   l'agrandissement de la signature.

 19   Mais qui est ce Dragan Vinac ? Apparemment, en 1994, je crois

 20   que c'est bien la date de rédaction de cet article, il a un poste de

 21   commandement au sein du 92e Régiment du HVO. Mais examinez la pièce de la

 22   défense 250 "rapport des Vitezovi", qui est le signataire adjoint au

 23   commandement des Vitezovi, fin 1993 ou début 1994, parce que l'autre

 24   document date d'une date ultérieure ? C'est de nouveau Dragan Vinac.

 25   Examinons, de concert, ces deux signatures si vous le voulez bien.


Page 23461

  1   Voici Dragan Vinac qui signe en sa qualité de commandant du

  2   92e Régiment du HVO. Si on examine le sommet, on est en 1996, Monsieur le

  3   Président. La D240 vous montre qu'en février 1994, Dragan Vinac signe en

  4   sa qualité de commandant adjoint des Vitezovi. On ne peut pas conclure, de

  5   ces documents, à quelle unité appartient cet homme. Cela vient de 1994,

  6   1996. Que faisaient ces hommes ? Que faisaient-ils en 1993 ? Nul ne le

  7   sait. Parce que l'homme qui signe au nom du 92e Régiment en 1996, il était

  8   le commandant adjoint des Vitezovi en 1993, en tout au moins jusqu'à

  9   février 1994.

 10   Revenons au projet de week-end qu'avait Tihomir Blaskic le 17 et

 11   18 juillet 1993. Le procureur affirme que Blaskic  a menti, que jamais il

 12   n'avait quitté Vitez ce week-end-là. Je vais vous demander de vous

 13   remémorer ses habitudes. Que faisait-il régulièrement fin juillet 1993 ?

 14   Il a quitté Vitez le 23 janvier pour aller dans maison familiale à

 15   Brstovko pour le reste du week-end. Ce jour-là, il a été isolé, vous vous

 16   en souvenez. Il était coincé à Kiseljak dès le 25 janvier et plus tard.

 17   L'accusation trouve cela incroyable, trouve incroyable qu'il ait répété

 18   cette même pratique le 17 juillet, même si à ce moment-là il ne pouvait

 19   pas aller à la maison familiale, maison de ses parents à Brtskovo

 20   puisqu'il était coupé. Il dit qu'il est allé à Busovaca pour aller voir un

 21   bon ami à lui, ce prêtre. Est-il vraiment incroyable qu'il ait essayé de

 22   s'échapper pour le reste du samedi et pour deux tiers du dimanche, le

 23   18 juillet ? Ou n'est-il pas parfaitement normal qu'un homme comme lui

 24   essaie de prendre un peu de repos, ne fut-ce que pendant une journée du

 25   week-end. Il n'était pas né à Vitez. Il n'avait même pas d'appartement à


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  1   Vitez. Il vivait dans son bureau. Il avait une espèce de banc, de lit –que

  2   certains témoins ont décrit ici- sur lequel il dormait dans son bureau. Il

  3   avait un petit paravent. C'est là qu'il vivait à Vitez, il n'avait pas

  4   d'appartement à Vitez.

  5   Si vous passez tout votre week-end au bureau, ce n'est pas

  6   quelque chose de très agréable. Tous les juristes qui ont travaillé sur ce

  7   procès espèrent faire moins de ces activités de bureau le week-end, soyez

  8   en sûrs. Mais il est encore plus nécessaire d'avoir un peu de repos vu

  9   toutes les activités de combat passées et à venir. Il est tout à fait

 10   naturel que l'on attende de Blaskic qu'il ait envie de prendre un peu

 11   l'air pendant une journée du week-end. Il est normal, si vous n'êtes pas

 12   de la région, si vous n'avez pas de famille dans la région, d'essayer de

 13   le faire. Tout le monde a essayé de le faire ici, dans le cadre de ce

 14   procès. Si vous avez des visiteurs à La Haye, on essaie de faire quelque

 15   chose.

 16   Nous sommes des gens d'habitude. Certains parviennent à utiliser

 17   le moment qui lui est donné, d'autres pas. Nous pensons que le 18 janvier,

 18   Darko Kraljevic savait tout cela lorsqu'il a prévu cette attaque surprise

 19   sur Stari Vitez.

 20   S'agissant de cette attaque menée sur Stari Vitez, nous avançons

 21   ceci. Ceci n'est pas en contravention du droit humanitaire international.

 22   L'hypothèse a été émise, mais n'a pas été prouvée. On a vu que c'était une

 23   attaque non ciblée, non-discriminée, que des centaines de "BB" qui sont

 24   tombés, qui ont plu sur Stari Vitez et ont causé de nombreuses pertes

 25   parmi la population civile.


Page 23463

  1   Voyez le rapport des Nations Unies relatif à cette attaque

  2   (pièce de l'accusation 710), vous apprendrez beaucoup de détails relatifs

  3   à cette attaque. Aucune artillerie n'a été utilisée, uniquement des

  4   mortiers et des lance-roquettes. On a parlé aussi de mortiers

  5   70 millimètres, 80 millimètres, 60 millimètres. Ce sont des armes

  6   d'infanterie et pas d'artillerie. Aucune mention n'est faite de

  7   l'utilisation de ces BB. Le résumé d'information militaire n'en parle pas

  8   du tout.

  9   L'officier de liaison de l'époque, le capitaine Whitworth, a dit

 10   n'avoir jamais vu ces BB, ces espèces d'extincteurs d'incendie bourrés

 11   d'explosifs. Jamais il n'en a vu un qui ait été décoché sur Stari Vitez.

 12   Ceci est précisé à la page du transcript 10382.

 13   Pour apporter la preuve de l'illégalité de l'attaque,

 14   l'accusation doit montrer qu'il y a eu un nombre disproportionné de pertes

 15   civiles et de dégâts causés à des structures civiles, par rapport à

 16   l'ampleur de l'attaque. Le capitaine Bower de Britbat a été très précis

 17   dans sa déposition lorsqu'il a parlé des pertes. Il a dit qu'un homme

 18   d'âge moyen, la quarantaine, en bonne santé, a été tué au cours de

 19   l'attaque. On ne sait pas si c'est un soldat ou un civil. Il en a déduit

 20   qu'effectivement c'était un civil. Malheureusement, une femme et un enfant

 21   furent blessés et évacués.

 22   Ceci nous donne trois victimes civiles. Ceci se trouve au compte

 23   rendu à la page 9384. Dans son mémoire en clôture, l'accusation concède

 24   qu'il y a eu peu de victimes. C'est ce que précise le mémoire du Procureur

 25   au Livre V, point 1.81. Donc peu de pertes civiles.


Page 23464

  1   Il y avait au moins de 1 600 à 2 000 personnes à Stari Vitez,

  2   dont 250 soldats travaillant à temps plein. Nous vous posons la question.

  3   Nous sommes en région urbaine. Nous avons un assaut qui dure de 8 à

  4   10 heures. Nous avons trois pertes civiles, ou trois victimes civiles.

  5   Est-ce là quelque chose de disproportionné puisqu'il s'agit d'une action

  6   militaire dirigée contre une cible militaire légitime ? Deux blessés et un

  7   mort ?

  8   Nous estimons que ce n'est pas là un résultat disproportionné.

  9   Bien sûr, chaque mort est tragique pour celui qui la vit ou qui perd un

 10   membre de sa famille. Mais si l'on voit l'attaque, on peut estimer que le

 11   nombre de personnes n'est pas disproportionné.

 12   Combien de structures civiles furent-elles détruites au cours de

 13   l'attaque ? Il n'est état d'aucune destruction de structure civile dans

 14   les rapports des Nations Unies. Apparemment, Stari Vitez était très

 15   fortifiée, et ses structures civiles étaient utilisées à des fins de

 16   défense, d'entrepôts, de moyens de défense et de choses de ce genre. Donc,

 17   même si on part de l'idée que le général Blaskic a appris ou aurait appris

 18   l'imminence ou l'exécution d'une attaque sur Stari Vitez, il n'y avait

 19   rien d'illégal qui entachait cette attaque.

 20   Parlons maintenant de la bataille de Grbavica. La mi-avril est

 21   passée et, par la suite, il n'y a que deux crimes qui sont allégués, deux

 22   événements qui suivent la mi-avril dans l'enclave de Vitez, dans la

 23   municipalité de Vitez. Est-ce que les choses s'amélioraient, allez-vous

 24   vous demander ? Est-ce que Blaskic est en mesure d'édifier un meilleur

 25   système de commandement et de contrôle au fur et à mesure qu'on s'avance


Page 23465

  1   dans le temps. Ici, nous n'avons que deux crimes allégués, de la fin

  2   avril 1993 jusqu'à janvier 1994. Deux seulement par rapport à tout le

  3   carnage, à tous les massacres perpétrés auparavant. Ceci est intéressant.

  4   Parlons de Grbavica. Ici, il y a accusation de pillages et de

  5   destruction de biens, en septembre 1993. Il n'y a pas de chef

  6   d'inculpation qui porte sur des actions illégales à l'encontre de pertes

  7   civiles. Parce qu'il n'y en a pas eu, de perte civile à Grbavica.

  8   L'accusation concède que cette attaque correspondait à une nécessité

  9   militaire. L'accusation affirme également que l'infraction a été provoquée

 10   par l'incendie intentionnel inutile de structures civiles, pendant la

 11   bataille, et de pillage de structures civiles, ou de toute autre

 12   structure, après la bataille.

 13   Parlons d'abord de la bataille elle-même, du combat. Rappelez-

 14   vous, c'était un combat de maison à maison. C'était vraiment très intensif

 15   à Grbavica. Ces maisons furent utilisées par l'armée de Bosnie-Herzégovine

 16   comme positions de défense ; c'est que nous dit le capitaine Bower.

 17   "Question (interprétation). - L'armée de Bosnie-Herzégovine,

 18   comment a-t-elle défendu cette ligne ? Comment, d'où tiraient-ils ?

 19   Réponse (interprétation). - "Je ne peux pas vous donner de

 20   détails très précis sur la position de tel ou tel individu. Mais,

 21   l'essentiel des positions de défense se faisait sur un relief, mais ces

 22   maisons, effectivement, ont été utilisées comme couverture d'endroit d'où

 23   ils pouvaient tirer."

 24   M. Hayman (interprétation). - Que se passe-t-il alors que

 25   l'armée de Bosnie-Herzégovine avance sur les pentes des coteaux et se


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  1   retire sur les collines, sur ces promontoires ? Ces maisons sont utilisées

  2   comme couverture de défense. La déposition ou les dépositions vous ont

  3   montré que, lorsque vous essayez d'éliminer une unité militaire, d'un

  4   centre urbain, vous détruisez ce que vous pouvez. C'est tout à fait

  5   normal : on utilise ce qu'on trouve ; c'est une tactique militaire. Et je

  6   crois qu'on peut rendre hommage au HVO pour le fait de ne pas avoir causé

  7   de pertes civiles au cours de cette action. Et on peut en féliciter le

  8   colonel Blaskic qui a pu mener à bien cette telle opération. Il est

  9   normal, il faut s'attendre à ce qu'il y ait des dégâts à certaines

 10   maisons, maisons qui peuvent même être incendiées ou détruites du fait des

 11   explosions, de grenades qui tombent, de moyens incendiaires.

 12   Dans ce type de milieu urbain, est-ce qu'une brigade de pompiers

 13   va venir pour éteindre les incendies ? Non, pas en cas de combat. Parce

 14   que le feu peut se répandre, s'étendre à d'autres maisons dans de telles

 15   conditions. Est-ce que c'est vraiment ce qui s'est passé ? Non, on ne le

 16   sait pas. On ne sait pas ce qui s'est vraiment passé parce que les

 17   observateurs de Britbat, ils s'étaient couverts, il s'étaient mis à

 18   l'abri, ils n'observent pas ce qui se passait de façon continue.

 19   Nous avons entendu dire, par exemple, que le capitaine Withworth

 20   avait quitté la région pendant environ deux heures, vers le milieu de la

 21   journée, s'était rendu à le Hôtel Vitez où il a parlé avec Darko Gelic. Et

 22   de retour, quelque deux heures plus tard dans l'après-midi, il a vu

 23   quelques maisons en feu. Je pense qu'il y a une photographie. J'avais

 24   espéré qu'elle pourrait toujours se trouver ici dans le prétoire.

 25   Vous voyez, sur la crête, toute une ligne d'arbres : il y a


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  1   aussi des volutes de fumée. Est-ce que ça veut dire que ce sont deux

  2   maisons qui sont en proie aux flammes, ou cinq ou six ? Mais, que ce

  3   soient deux ou six, même dix, dix maisons qui auraient été incendiées au

  4   cours combat, est-ce que c'est quelque chose de bizarre ou de surprenant ?

  5   Parce qu'il y avait plus de cent maisons sur cette colline, sur ce relief.

  6   On ne sait pas combien de structures utilisées par l'armée de

  7   Bosnie-Herzégovine il y avait. Je parle ici de quartiers généraux, de

  8   dépôts de munitions. Est-ce que l'armée de Bosnie-Herzégovine a mis le feu

  9   à ses archives, avant de partir, de battre en retraite ? C'est normal,

 10   parce qu'on ne veut pas que la partie adverse l'armée s'empare de vos

 11   papiers confidentiels, de vos archives, de vos équipements. Personne de

 12   l'armée de Bosnie-Herzégovine n'est venu déposer devant à ce propos.

 13   Et je vous le dis, nous savons qu'en dépit de journées de combat

 14   qu'il y a eu dans cette zone urbaine, il n'y a pas eu de pertes civiles.

 15   "Réponse : Je ne pense pas que nous ayons trouvé quelque perte

 16   que ce soit à cet endroit." C'était bien sûr le capitaine Withworth, à la

 17   page du compte rendu d'audience 10272. Il parle de la totalité de la

 18   région et de l'ensemble des activités de combat. Même si nous n'avons pas

 19   diffusé tout l'extrait dans le but de faire une économie de temps.

 20   Les photographies des villages détruits, montrées par le

 21   Procureur à Grbavica, ces photo ont été prises en 1997. Il s'agit de la

 22   pièce de l'accusation 447. L'accusation l'a dit d'ailleurs, au moment de

 23   soumettre ces pièces au dossier. Mais, lorsqu'on utilise des photographies

 24   qui vous montrent la situation prévalant dans le village, montrant combien

 25   de maisons ont été endommagées, au cours de l'après-midi du 8 septembre,


Page 23468

  1   au cours de la deuxième journée de combat… Pardon il n'y avait pas de

  2   photographies qui montraient cette partie-là.

  3   Mais ce que nous savons aujourd'hui, c'est que la BBC se

  4   trouvait sur place et a dit que le pillage et les incendies volontaires

  5   s'étaient produits ce soir-là ou en fin d'après-midi. Ceci a été confirmé

  6   d'ailleurs.

  7   "Question (interprétation) : Est-ce que ces incendies se sont

  8   déclarés plus tard vers la nuit ?

  9   Réponse (interprétation) : Je crois l'avoir dit, hier, il y

 10   avait beaucoup de véhicules retournés, de camions retournés ».

 11   M. Hayman (interprétation). – Qu’en est-il du pillage ?

 12   L'accusation doit avoir dit qu'il y avait des pillages systématisés parce

 13   que, si l’on parle de la responsabilité du supérieur hiérarchique, on ne

 14   peut pas l'imputer à un ou deux soldats qui emportent une radio ou une

 15   hache. C’est ce que dit la pièce de l'accusation 433/24, parlant de

 16   pillages présumés à Grbavica. Il y a deux hommes en uniforme ; l’un

 17   emporte un attaché-case, l'autre une radio transistor. L’autre a un

 18   couteau à viande, quelque chose comme cela. Il n'y a pas d'autres photos

 19   qui montrent le pillage qui aurait été le fait de soldats à Grbavica.

 20   Je vous pose la question suivante, Messieurs les juges : vous

 21   voyez un soldat qui porte quelque chose de ce genre dans un village comme

 22   celui-ci. Je me demande combien il y avait d'équipements militaires cachés

 23   dans les structures occupées par les soldats de l'armée de Bosnie-

 24   Herzégovine, qui s'est trouvée là pendant longtemps. Rappelez-vous ce que

 25   disait le commandant Hunter. Il y avait d’autres structures, combien y


Page 23469

  1   avait-il d'équipements, de matériels, combien de vivres, combien aurait-il

  2   fallu de camions pour emporter ceci ? Le HVO, dans le cadre d'une activité

  3   militaire ordinaire, aurait eu la possibilité de s’emparer de tout cela.

  4   Le Procureur ne fait pas la distinction entre une activité militaire

  5   légitime et l'acte commis par un ou deux soldats, ce qui n’est pas là

  6   -loin de là- un pillage systématique réalisé par des unités ou des

  7   soldats. Rien n'a été soumis qui apporte la preuve de pillages

  8   systématiques de la part de soldats.

  9   Le combat s’est terminé vers le début de l’après-midi. La ligne

 10   de front s’est déplacée vers l’avant. C’est important de s’en souvenir

 11   lorsqu'on parle des crimes présumés des creusements de tranchée. La ligne

 12   s'est déplacée vers l’avant et a quitté Grbavica. La police civile est

 13   venue étudier la région pour voir s'il y avait encore des objets

 14   dangereux, comme des mines et des bombes. Nous avons, à la pièce 582, le

 15   rapport du commandant de la police de Vitez qui dit qu’effectivement, ce

 16   jour-là, ils sont entrés et ont fait une perquisition pour s'assurer que

 17   tout était sûr.

 18   Que d'autres témoins nous ont-ils encore ? Dépositions des

 19   observateurs internationaux : selon celles-ci, des réfugiés privés de

 20   tout, qui venaient de toute la vallée de la Lasva, il y en avait des

 21   dizaines de milliers, ils sont venus après les combats à Grbavica et ils

 22   ont pris tout ce qu'ils ont trouvé. Ils se sont même pris des cadres de

 23   fenêtre pour en faire des feux de bois. Ces personnes n'avaient plus rien,

 24   ils sont venus à Grbavica pour même prendre le bois qu'il y avait dans les

 25   cadres des fenêtres et les chambranles de porte.


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  1   " Question (interprétation) : Vous avez vu les habitants du coin

  2   qui sont descendus sur Grbavica, le 8, pour piller la ville ? Dans quel

  3   état étaient-ils ? Avez-vous été en mesure de l’établir ?

  4   Réponse (interprétation) : Ils venaient pour s'emparer de tout,

  5   pour piller ; ils venaient même de Nova Bila, de la région de Novi

  6   Travnik ».

  7   M. Hayman (interprétation). - Ce passage vous le trouverez à la

  8   page 10419. Le capitaine Withworth, ici, ne parle pas de soldats ; il

  9   parle de camions entiers de réfugiés qui n'avaient plus rien et qui sont

 10   venus à Grbavica pour tout prendre, jusqu'aux fenêtres, tout ce qu'ils

 11   pouvaient emporter de ces structures. La police civile était dépassée.

 12   Apparemment, un de ces pilleurs a été tué par balles et à ce moment-là, la

 13   police s'est retirée. Mais, même si vous estimez qu'il y eu crime à

 14   Grbavica, dont vous estimez que Blaskic est responsables, Messieurs les

 15   Juges, nous estimons qu'aucune preuve n'a été apportée de ce qu'il aurait

 16   été informé de ce que des soldats auraient commis des crimes à Grbavica.

 17   Le capitaine Withworth nous a dit qu'après sa visite de midi -c'était

 18   encore au moment des combats-, aucune autre information, aucune autre

 19   protestation n'a été formulée à l'adresse du commandement à l'Hôtel Vitez.

 20   "Question (interprétation) : Y a-t-il eu d'autres protestations,

 21   d'autres manifestations d'inquiétude adressées à l'Hôtel Vitez, à votre

 22   connaissance ?

 23   Réponse (interprétation) : A ma connaissance, c'était inutile

 24   parce qu'une fois la bataille terminée, le HVO s'était emparé de Grbavica

 25   et que les Musulmans s'étaient retirés."


Page 23471

  1   Le commandant Hunter a dit dans sa déposition qu'il n'avait

  2   jamais dit que c'était un crime commis par des soldats du HVO ; pareil

  3   pour le capitaine Bower. Quant à Alister Duncan, il n'a jamais dit à

  4   Blaskic non plus que c'était un crime commis par les soldats du HVO. En

  5   fait, la seule preuve, c'est que le Britbat a félicité Blaskic pour avoir

  6   mené une bataille de professionnel et qu'il l'avait remportée sans causer

  7   de pertes civiles.

  8   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je crois que Maître

  9   Nobilo va parler maintenant du conflit international. Lorsqu'il en aura

 10   terminé, il poursuivra son exposé cet après-midi. Après quoi, je parlerai

 11   des crimes de détention et de transferts forcés, des objets de culte et de

 12   l'une ou l'autre petite catégorie. C'est à moment-là que ce procès sera

 13   terminé.

 14   Je vous remercie, Monsieur le Président.

 15   M. le Président. - Maître Nobilo, vous n'avez commencer pour dix

 16   minutes, n'est-ce pas ?

 17   M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 18   Il ne nous reste pas beaucoup de temps : toutes les minutes sont

 19   précieuses pour nous.

 20   Comme vous venez de l'entendre, conformément à notre accord

 21   interne, au sein de la défense, je parlerai de l'application de

 22   l'article 2 du Statut de notre Tribunal et de l'éventuelle responsabilité

 23   du général Blaskic en vertu de cet article du Statut du Tribunal.

 24   Aux points 5, 8 et 9, 15, 17 et 19, l'accusation accuse le

 25   général Blaskic d'avoir commis des crimes conformément de l'article 2 du


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  1   Statut du Tribunal international. Pour que le général Blaskic soit

  2   effectivement responsable de ces actes, il convient de prouver qu'en

  3   Bosnie, pendant la période couverte par l'acte d'accusation, ainsi que

  4   dans l'espace concerné, il y avait effectivement conflit international

  5   armé et que les victimes étaient protégées aux termes des Conventions de

  6   Genève de 1949 ; et également que ces actes criminels ont effectivement

  7   été perpétrés.

  8   Dans l'introduction, permettez-moi de dire que la Croix-Rouge

  9   internationale, à la date du 22 mai 1992, a réuni les représentants des

 10   trois peuples de Bosnie-Herzégovine, et ce, par leurs partis : le SDA, le

 11   HDZ et le SDS, c'est-à-dire les trois partis représentant les trois

 12   peuples. Dans l'organisation de la Croix-Rouge internationale, un contrat

 13   a été signé en reconnaissant qu'en Bosnie-Herzégovine, ce qui se passait

 14   était un conflit armée interne. Il s'agissait de partis politiques et cela

 15   n'était contraignant pour aucune structure de pouvoir, militaire ou civil.

 16   Je trouve néanmoins qu'il est important de souligner que la

 17   Croix-Rouge internationale estimait, à l'époque, et que les représentants

 18   des trois peuples ont pu en déduire, qu'en Bosnie-Herzégovine, ce qui se

 19   produisait était un conflit armé interne. Comme je viens de le dire, afin

 20   de pouvoir appliquer l'article 2 du Statut de ce Tribunal, en plus d'un

 21   crime effectivement perpétré, il convient de prouver que les civils de

 22   Bosnie étaient protégés aux termes des conventions internationales.

 23   L'accusation doit démontrer que le HVO, qui a combattu de fait

 24   en Bosnie centrale, était un agent de la République de Croatie. Afin de

 25   démontrer cette relation d'agent, conformément à l'arrêt de la Chambre


Page 23473

  1   d'appel dans l'affaire Tadic, l'accusation doit prouver que la Croatie ou

  2   l'armée croate gérait, coordonnait et surveillait, contrôlait le HVO.

  3   Un grand nombre de facteurs ainsi que des tests ont été reconnus

  4   par la Chambre, dans l'affaire Tadic. Il s'agit d'éléments qui peuvent

  5   nous aider à déterminer s'il s'agissait effectivement d'un conflit armé

  6   international ou non, entre les parties en Bosnie.

  7   Quels sont les tests de contrôle reconnus par la Chambre dans

  8   l'affaire Tadic, entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et l'armée serbe ?

  9   Nous pouvons peut-être les appliquer pour voir quel a été le conflit

 10   opposant l'armée de Bosnie-Herzégovine et les Croates.

 11   Dans l'affaire Tadic,  et selon les critères retenus dans

 12   l'affaire Tadic, peut-on considérer le conflit qui oppose les Croates et

 13   les Musulmans de Bosnie, peut-on considérer qu'il s'agit d'un conflit armé

 14   international ? Ce qui a été souligné en premier lieu par la Chambre

 15   d'appel, dans l'affaire Tadic, c'est que l'armée de la Republika Srpska

 16   était une fiction, qu'il s'agissait de la JNA déguisée. Nous savons, j'en

 17   ai déjà parlé et nous l'avons déjà entendu dans cette affaire, que la JNA

 18   s'était retirée de Croatie, mais qu'elle était déployée en Bosnie-

 19   Herzégovine également et que l'ensemble de ses corps, à un moment, a

 20   déclaré ; "Nous ne sommes plus la JNA ; à partir de maintenant, nous

 21   sommes l'armée de la Republika Srpska." Mais il s'agit toujours des mêmes

 22   effectifs et de la même organisation.

 23   Essayons d'appliquer cela au HVO et à l'armée croate. Le HVO est

 24   une organisation autochtone. Nous avons vu qu'elle s'est constituée à

 25   partir des paysans locaux. Aucune armée croate n'est venue se déployer en


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  1   Bosnie en déclarant : "Nous ne sommes plus l'armée croate ; désormais,

  2   nous sommes le HVO !". Nous avons vu que c'est péniblement que le général

  3   Blaskic a pu créer cette armée, à partir de ces effectifs pauvres, à

  4   partir de ces paysans non armés.

  5   Par ailleurs, le HVO avait une position dont on parlera

  6   davantage lorsque nous y viendrons, à savoir qu'il s'agissait d'une

  7   position d'alliés par rapport à l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ce qu'il

  8   convient de souligner, c'est que l'armée de la Republika Srpska, par

  9   rapport au gouvernement de Sarajevo, n'a jamais eu son statut reconnu ne

 10   tant que force armée légitime.

 11   Permettez-moi de vous rappeler l'accord passé entre le HVO et

 12   l'armée de Bosnie-Herzégovine, du 20 avril à Zenica. C'est le général

 13   Halilovic qui est présent et Petkovic, du coté croate ; Halilovic, du côté

 14   de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il était à la tête du grand état-major

 15   de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 16   Qu'est-il dit dans cet accord ? Le HVO est une composante des

 17   forces armées de Bosnie-Herzégovine alors que l'armée de Bosnie-

 18   Herzégovine constitue l'autre composante de ces forces. Mais nous pouvons

 19   percevoir une différence considérable entre l'armée de la Republika Srpska

 20   et le HVO. L'accusation affirme que le HVO partageait les objectifs

 21   politiques de la République de Croatie. Permettez-moi de dire, dès le

 22   départ, que conformément à la Chambre d'arrêt de la Chambre d'appel, dans

 23   l'affaire Tadic, cela ne suffit pas ; cette affirmation n'est pas

 24   suffisante en soi afin de définir qu'il y avait un contrôle général de la

 25   République de Croatie sur le HVO.


Page 23475

  1   L'accusation affirme que Franjo Tudjman souhaitait partager la

  2   Bosnie, que, par l'intermédiaire de Boban, Kordic, Kostroman et Valenta,

  3   il a pu exprimer cette idée en Bosnie et que Blaskic était un exposant de

  4   cette idée. Mais cela ne suffit pas.

  5   Sur quoi se fonde l'accusation lorsqu'elle conclut que la

  6   République de Croatie a agi en cherchant la division, le partage de la

  7   Bosnie-Herzégovine ? Existe-t-il une seule preuve afin d'appuyer ces

  8   thèses que la Croatie cherchait à partager la Bosnie-Herzégovine ?

  9   Monsieur le Président, nous devrions passer à huis clos partiel.

 10   Or, je vois qu'il me reste trente secondes ou une minute avant une heure.

 11   Peut-on passer à la pause à présent ?

 12   M. le Président. - Nous passons à la pause. Nous reprenons à

 13   14 heures 30.

 14   L'audience est suspendue à 13 heures.

 15   L'audience est reprise à 14 heures 34.

 16  

 17   M. le Président. - Veuillez vous asseoir. L'audience est

 18   reprise. Introduisez l'accusé.

 19   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 20   Maître Nobilo, c'est à vous.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 22   Avant la pause, nous avons commencé à aborder la question des aspirations

 23   et des objectifs prétendument identiques entre le HVO et la HV, l'armée

 24   croate ou autrement dit de la République de Croatie. Avant de poursuivre,

 25   je souhaiterais passer à huis clos partiel, très brièvement.


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  1   Audience à huis clos partiel.

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

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  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

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 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée)

 21   Audience publique

 22   M. Nobilo (interprétation). - L'accusation a cherché a prouver

 23   que l'idée du Président Tudjman était de partager la Bosnie-Herzégovine.

 24   Au fond, il s'agirait donc d'une idée hostile face à cet Etat voisin. Le

 25   fait clé, sur lequel se base l'ensemble de la théorie de l'accusation, est


Page 23477

  1   la réunion qui s'est tenue à Karadjordjevo, et qui réunit le

  2   Président Tudjman et le Président Milosevic le 30 mars 1991. Prétendument,

  3   c'est là que le partage de la Bosnie-Herzégovine aurait été conclu. C'est

  4   quelque chose qui a fait l'objet de spéculations dans la presse, il y a eu

  5   des rumeurs à ce sujet.

  6   Toutefois, la Chambre devant ce Tribunal n'a vu se présenter

  7   aucune preuve montrant quelle a été la teneur de ces entretiens. Autrement

  8   dit, aucun document, aucun témoin n'a pu dire ici devant cette Chambre

  9   quelle décision a été prise à Karadjordjevo, ni qu'elle a été le contenu

 10   de ces entretiens. S'agissant de Karadjordjevo, nous ne pouvons juger que

 11   les conséquences de cet entretien. Autrement dit, il faut placer cet

 12   entretien dans le contexte où il se déroule, à savoir la date du

 13   30 mars 1991. A l'époque, les conflits ont déjà commencé en Croatie, mais

 14   n'ont pas encore connu d'escalade. A l'époque, en Croatie ce sont les

 15   Serbes rebelles qui, à l'aide de la JNA, instrumentalisés par la JNA,

 16   armés et organisés par la JNA, s'opposent à l'autre partie. Ce que le

 17   Président Tudjman a cherché à essayer d'empêcher, c'est la guerre.

 18   C'est dans ce contexte-là, donc dans le contexte de chercher à

 19   empêcher que la guerre n'éclate en Croatie, que se tient l'entretien de

 20   Karadjordjevo. Alors, s'il est vrai qu'il y a eu un accord entre Tudjman

 21   et Milosevic à Karadjordjevo, comme le prétend l'accusation, la question

 22   qui se pose est la suivante : comment se fait-il qu'après le 30 mars 1991,

 23   après Karadjordjevo, commence la vraie guerre en Croatie. Donc, c'est

 24   après cette date-là, c'est là que Vukovar est attaquée, est entièrement

 25   rasée, une ville croate située en République de Croatie, et cela est le


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  1   fait de la JNA.

  2   C'est après le 30 mars que Dubrovnik, une très ancienne cité

  3   côtière sur la côte Adriatique, est attaquée. Alors, comment est-il

  4   possible que les partenaires dans ce prétendu accord, suite au moment où

  5   l'accord est passé, ne commencent que leur véritable guerre, donc, suite à

  6   cet événement. Cela nous montre que l'accord n'a pas eu lieu.

  7   On dit également que Milosevic et Tudjman sont des partenaires.

  8   Ils ont passé un accord.

  9   Mais de quel genre d'accord s'agit-il si, après l'accord de

 10   Karadjordjevo, un avion de la JNA arrive à Zagreb et tire un missile

 11   précisément sur le bureau du Président Tudjman. Dix minutes avant ce

 12   moment, il était avec Stjepan Mesic et Anto Markovic, le dernier président

 13   du gouvernement yougoslave et dix minutes avant, il sortait d'un

 14   restaurant qui se trouve à dix ou  vingt mètres de ce bureau.

 15   Manifestement, l'accord n'est pas passé et la vraie guerre commence en

 16   Croatie.

 17   Si à Karadjordjevo il a été question de Bosnie, comment peut-on

 18   expliquer que Bobetko rentre en Bosnie et s'oppose à la JNA qui, elle,

 19   cherche à occuper la Bosnie-Herzégovine ? On cherche à passer un accord

 20   pour éviter la guerre. Or la guerre ne fait que commencer après

 21   Karadjordjevo. La seule chose que l'on peut en déduire, ce que l'accord

 22   n'a pas eu lieu. Nous ne connaissons pas la teneur de ces entretiens, nous

 23   ne savons pas si on a cherché à passer un accord. Mais ce que nous

 24   connaissons, ce sont les suites et les conséquences.

 25   Il est vrai que le Président Tudjman, à plusieurs reprises, de


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  1   manière publique, en privé, a montré qu'il était favorable au partage de

  2   la Bosnie-Herzégovine. Il est vrai que l'historien Tudjman, en 1981, a

  3   écrit dans ses livres qu'il conviendrait de partager la Bosnie-

  4   Herzégovine.

  5   Toutefois, ce que fait l'accusation, c'est une grande

  6   manifestation. Il y a un certain nombre de faits vrais. Mais dans la

  7   phrase suivante, l'accusation dit : donc la République de Croatie était

  8   favorable au partage de la Bosnie-Herzégovine. Or ce qu'affirme la

  9   défense, c'est la chose suivante : il n'y a pas de preuve montrant que la

 10   République de Croatie était favorable ou était engagée à faire partager la

 11   Bosnie-Herzégovine. Certes, M. Tudjman est le président de la République

 12   de Croatie, mais où se manifeste la politique de cet Etat ? Dans les

 13   actes, dans les lois, dans les accords qu'elle passe, ainsi que dans les

 14   faits et dans les actions factuelles qu'entreprend la République de

 15   Croatie. C'est là que se manifeste sa politique.

 16   Dans l'articulation d'une politique internationale, bien

 17   entendu, un rôle important est joué par la position des hommes clés. Mais

 18   avant que cette politique ne s'articule dans les organes, dans les

 19   instances de l'Etat, il faut tenir compte des circonstances internes

 20   politiques, ainsi que la scène politique internationale. La Croatie est un

 21   petit Etat. La position des puissances et la situation sur la scène

 22   politique internationale joue parfois un rôle décisif. Or, un politicien

 23   réaliste et une politique réelle suivent toujours ce qui est possible.

 24   Effectivement, il peut y a avoir une position personnelle ou un désir

 25   personnel, par exemple celui de partager la Bosnie-Herzégovine. Or, la


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  1   politique réelle menée par cet Etat ne doit pas nécessairement suivre

  2   cette direction. Au contraire, elle peut appuyer la Bosnie-Herzégovine.

  3   La défense estime que nombre de pièces, sur lesquelles nous

  4   reviendrons, montre de manière non ambiguë et tout à fait claire qu'il n'y

  5   a  pas de preuve, qu'il n'existe pas de preuve que la politique de la

  6   République de Croatie cherchait à partager la Bosnie-Herzégovine. Sinon,

  7   s'agissant de cette thèse de l'accusation, comment peut-on la concilier

  8   avec le fait que c'est la Croatie qui reconnaît en premier lieu l'Etat de

  9   Bosnie-Herzégovine,  Dès le 7 avril 1992. Or le 19 avril 1992, la Croatie

 10   et la Bosnie-Herzégovine signent un accord, un accord sur les missions

 11   diplomatiques et consulaires à l'étranger. La Croatie s'engage à protéger

 12   les citoyens de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, dans le sens diplomatique et

 13   consulaire, dans les Etats où la Bosnie-Herzégovine ne dispose pas encore

 14   de ces missions.

 15   Les ambassadeurs ont été échangés au cours de 1992 et au début

 16   de 1993. Le 19 janvier 1993, le premier ambassadeur de Bosnie-Herzégovine

 17   est nommé en Croatie. Au préalable, l'ambassadeur de Bosnie-Herzégovine

 18   est venu à Sarajevo. Franjo Tudjman se rend en visite à Sarajevo qui est

 19   encore assiégée. Pendant toute la période pertinente, la République de la

 20   Croatie et la Bosnie-Herzégovine n'interrompent jamais leurs relations

 21   diplomatiques. C'est le 14 juin que le Président Tudjman s'est rendu à

 22   Sarajevo. Le Parlement croate a voté au moins deux déclarations que nous

 23   avons versées ici; La pièce D106 : la déclaration du Parlement du 30 avril

 24   1993 où les conflits avaient déjà éclaté en Bosnie centrale. Dans cette

 25   déclaration du Parlement Croate : "L'amitié historique entre les Musulmans


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  1   et les Croates est une condition de survie pour ces deux peuples en

  2   Bosnie-Herzégovine. C'est une base pour le maintien de la souveraineté et

  3   l'intégrité territoriale de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, ainsi que de son

  4   avenir".

  5   Donc il s'agit de l'intégrité territoriale et de la souveraineté

  6   de l'Etat de Bosnie-Herzégovine dans cette déclaration. 

  7   Ou la pièce D107 : la déclaration du Parlement Croate du

  8   30 juin 1993 où la Croatie dit la chose suivante. Je cite : "Nous

  9   soutenons l'intégrité territoriale, l'indépendance, la souveraineté de

 10   l'Etat de Bosnie-Herzégovine internationnalement reconnue."

 11   Nous reviendrons sur le fait que ces deux Etats étaient, en

 12   outre et plus est, des alliés.

 13   Permettez-moi d'aborder les arguments de l'accusation concernant

 14   le contrôle général effectué par le HV sur le HVO.

 15   Une série de pièces ont été versés afin d'étayer cette thèse. Il

 16   s'agit d'un certain nombre d'ordres de Bobetko. Consultons-les. La

 17   première pièce (16 avril, 19 avril, 20 avril, 21 avril 1992, [21] (sic)

 18   avril 1992), autrement dit toutes les pièces qui toutes les pièces qui

 19   devraient nous montrer que la HV contrôlait le HVO sortent de la période

 20   de Bobetko. Donc il s'agit de la période allant du mois d'avril au mois de

 21   mai 1992. Nous savons que Bobetko est resté en Bosnie-Herzégovine jusqu'au

 22   mois de juillet 1992.

 23   Cependant, nous devons comprendre quelle est la situation qui

 24   prévaut à l'époque. Le HVO, en tant qu'une force armée des Croates de la

 25   HZ-HB en avril, en mai 1992, cet HVO n'existe pas. Certes, formellement,


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  1   il est fondé mais sur papier, le 8 avril 1992. Mais ce n'est que le

  2   3 juillet 1992 qu'une loi est votée, la loi qui représente le fondement

  3   pour la création du HVO.

  4   Entre-temps, qu'est-ce qui existe  ? L'état-major principal est

  5   formellement fondé, ainsi que les états-majors municipaux, non pas en tant

  6   qu'organes militaires, mais dans ces états-majors municipaux ce sont les

  7   politiciens qui siègent et qui effectuent des préparatifs pour la défense.

  8   Dans certains villages également il y a des groupes armés de personnes,

  9   mais c'est tout.

 10   Tihomir Blaskic lui-même, quand il est nommé le 27 juin 1992,

 11   n'est pas nommé commandant de la zone opérationnelle. Il n'est pas à la

 12   tête d'une organisation territoriale militairement structurée, mais il est

 13   nommé commandant de l'état-major régional qui réunit les états-majors

 14   municipaux en Bosnie centrale.

 15   Il s'agit d'organes mixtes, civils et militaires, qui se

 16   préparent et préparent la logistique pour la défense. Le HVO n'existe pas

 17   à ce moment-là.

 18   Dans l'affaire Aleksovski, dans l'affaire Tadic, en appel, il

 19   est dit qu'il est nécessaire d'apprécier le niveau de contrôle effectué

 20   par l'armée étrangère sur les organisations locales à partir du moment où

 21   l'organisation locale se constitue ou est constituée.

 22   S'agissant de ce contrôle, pour la même période, l'accusation

 23   nous présente les ordres du général croate Roso, qui rédigeait ses ordres

 24   sur le papier à en-tête de la HV. Mais c'est la Blaskic entre en fonction

 25   et se charge de l'organisation, alors que c'est Bobetko qui était chargé


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  1   au préalable de ces mêmes fonctions. Ce n'est pas exact.

  2   En Bosnie centrale, Bobetko a constitué son poste de

  3   commandement avancé, le poste de commandement avancé de l'armée croate

  4   qu'il a placée en Bosnie centrale. Or, ce que fait Blaskic, il est nommé à

  5   la tête de l'état-major régional du HVO. Avant lui, cet état-major

  6   régional n'existait pas ; ce qui existait, c'était le poste de

  7   commandement avancé de l'armée croate. Ce sont deux choses qu'il convient

  8   de distinguer.

  9   L'accusation affirme que la HV a aidé l'approvisionnement du

 10   HVO, qu'elle l'a financé également. Or, la Chambre d'appel, dans l'affaire

 11   Tadic, a décidé que la preuve sur la coordination, le financement et

 12   l'approvisionnement est insuffisante pour prouver que le contrôle général

 13   existe. Le Procureur aurait dû prouver que l'armée croate a assisté et a

 14   participé à l'organisation du HVO.

 15   Les arguments qui suivent concernent l'intervention militaire de

 16   la HV en Bosnie-Herzégovine. Dans ce sens, la Chambre a pu voir un grand

 17   nombre d'ordres venant du général Bobetko, extraits du livre du général

 18   Bobetko. De quoi s'agit-il ? Il s'agit encore une fois d'une grande

 19   manipulation ; autrement dit, pour simplifier, c'est comme si quelqu'un

 20   venait à affirmer : "Lorsque l'armée américaine a débarqué en Europe, elle

 21   s'est rendue coupable d'un génocide sur le peuple allemand". En exemple,

 22   on nous cite le général Custer, général américain, en train d'incendier un

 23   village indien ; il y a je ne sais pas combien d'années. Il s'agit de deux

 24   guerres, de deux films différents.

 25   Le conflit qui oppose la JNA et l'armée croate nous est présenté


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  1   comme la preuve d'un conflit international entre l'armée croate et l'armée

  2   de Bosnie-Herzégovine, mais il s'agit de deux conflits différents. Bobetko

  3   était en guerre, très clairement, contre la JNA. Ce conflit, conflit

  4   opposant Bobetko et la JNA, ne peut pas être utilisé comme argument pour

  5   montrer que le conflit qui oppose l'armée croate et l'armée de Bosnie-

  6   Herzégovine est un conflit international. Il s'agit de deux territoires,

  7   de deux guerres, de deux périodes, et des participants différents.

  8   J'ai déjà parlé de Bobetko. Je ne m'étendrai pas là-dessus, car

  9   je n'ai plus beaucoup de temps. Je vous ai montré au début la carte que

 10   j'ai esquissée.

 11   Le Procureur avance d'autres arguments, également, après que

 12   Bobetko s'est retiré, des arguments appuyant la thèse que l'armée croate

 13   était présente en Bosnie. En premier lieu, il convient de faire remarquer

 14   qu'il ressort de toutes les preuves que, si l'armée croate était présente

 15   en Bosnie, c'était à l'extérieur de la zone opérationnelle de Bosnie

 16   centrale. Deuxièmement, il ne s'agit pas de forces importantes de l'armée

 17   croate. En troisième lieu, conformément à l'avis de la Chambre d'appel

 18   dans l'affaire Tadic, ainsi que de la Chambre de première instance dans

 19   l'affaire Aleksovski, l'entrée des forces étrangères alors qu'il y a un

 20   conflit interne, ce fait-là ne change pas, ne modifie pas la nature du

 21   conflit : il n'en devient pas pour autant un conflit international. C'est

 22   la position qui est celle de la défense. Nous soulignons que cette

 23   position correspond à l'avis dans l'affaire Celebici… (L'interprète se

 24   reprend)… que cette position est réfutée par le jugement dans l'affaire

 25   Celebici.


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  1   Donc la défense se range, bien entendu, à la décision dans les

  2   affaires Tadic, en appel, et Aleksovski en première instance. Le fait

  3   qu'il y ait présence des forces étrangères ne modifie pas, ne peut pas

  4   modifier la nature du conflit.

  5   Le Procureur cherche à prouver que le HVO a coopéré avec la

  6   République de Croatie. Il avance une lettre qui provient de la

  7   municipalité de Travnik, mais cette lettre ne parle pas de contrôle. Il

  8   est vrai que M. Landry a dit que le HVO était sous le contrôle de la HV,

  9   mais, de manière explicite, il était d'accord sur le fait que les

 10   observateurs européens ne partageaient pas cette opinion, que cette

 11   opinion n'était pas confirmée et qu'elle n'était pas basée sur des

 12   documents. Autrement dit, il n'y a pas de preuve que la HV a contrôlé le

 13   HVO.

 14   Peut-on passer à huis clos partiel, s'il vous plaît, un

 15   instant ?

 16   Audience à huis clos partiel.

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 17   Audience publique

 18   M. Nobilo (interprétation). - Le Procureur a également fait

 19   mention de plusieurs personnes. De Miro Andric, du général Praljak

 20   également, en disant qu'ils étaient membres de l'armée croate et qu'ils

 21   agissaient au sein du HVO. Je ne rentrerai pas dans les détails pour

 22   économiser du temps, mais il n'y a cependant pas de preuve que c'est par

 23   l'intermédiaire de ces personnes que l'armée croate a exercé un contrôle

 24   quelconque sur le HVO. Il n'y a pas de preuve que qui que soit de l'armée

 25   croate ait fait des rapports, en direction de la HV, sur ce qui se passait


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  1   au sein du HVO. Il n'y a pas de preuve que ces gens, au sein du HVO,

  2   étaient des représentants de l'armée croate. C'étaient des gens qui

  3   fournissaient une aide technique, une aide professionnelle. Pouvons-nous

  4   passer à huis clos partiel, s'il vous plaît, un instant.

  5   Audience à huis clos partiel.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Nous avons entendu en détail le

  7   Témoin DT, colonel de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Cet homme était

  8   chargé de la logistique pour les besoins du 5e Corps. Il nous a décrit

  9   comment il a agit à Zagreb à l'aide du ministère de la défense. Il nous a

 10   dit comment il a organisé le pont aérien, ainsi que l'approvisionnement

 11   des armes par voie terrestre au 5e Corps. Il a dit que ce Corps n'aurait

 12   pas pu survivre du fait de l'encerclement par les Serbes, s'il n'avait pas

 13   été aidé par la République de Croatie et le Gouvernement croate. En détail

 14   et avec beaucoup de documents à l'appui, il a parlé des approvisionnements

 15   considérables, et, spécifiquement, il a parlé d'un convoi du mois d'avril

 16   qui a traversé la Bosnie centrale. Il a parlé de l'armée de Bosnie-

 17   Herzégovine de Travnik, de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Zenica et de

 18   Visoko qui ont reçu cette aide. Je tiens à faire remarquer, que l'ensemble

 19   de sa déposition montre une aide immense fournie par la République de

 20   Croatie à l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 21   Revenons en audience publique, s'il vous plaît.

 22   Audience publique.

 23   M. Nobilo (interprétation). - En outre, il convient de dire

 24   qu'il serait totalement illogique et il ne serait pas sage de la part de

 25   la République de Croatie de chercher à modifier les frontières. Elle


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  1   venait à peine d'accéder à l'indépendance. La Yougoslavie niait les

  2   nouvelles frontières de l'Etat croate. Ouvrir la question des frontières

  3   aurait représenté une menace directe à la souveraineté à la République de

  4   Croatie.

  5   Par conséquent, je considère que le Procureur n'a pas pu prouver

  6   l'existence du contrôle général de la République de Croatie ou de l'armée

  7   croate sur le HVO. Ainsi donc, il n'y avait pas de conflit international

  8   armé en Bosnie-Herzégovine. Dans notre mémoire nous sommes rentrés en

  9   détail dans cette question.

 10   Permettez-moi à présent de parler du statut des personnes

 11   protégées. L'accusation doit prouver qu'un conflit international était en

 12   train de se dérouler, que le HVO était un agent de l'armée croate. Mais,

 13   l'accusation doit prouver également que les civils de Bosnie avaient le

 14   statut de personnes protégées conformément à l'article 4 des Conventions

 15   de Genève. Or, l'article 4 dit la chose suivante : "Les personnes

 16   protégées par la Convention sont les suivantes : celles qui, à un moment

 17   donné et d'une manière donnée, en cas de conflit ou d'occupation, se

 18   retrouvent entre les mains d'une partie engagée dans le conflit ou de

 19   l'armée d'occupation dont elles ne sont pas des ressortissants."

 20   Nous connaissons la décision en appel de Tadic où il est dit que

 21   le contrôle d'un Etat tierce sur les forces locales, qui tiennent entre

 22   leurs mains les civils, est bien plus important que la citoyenneté de ces

 23   forces locales. Nous savons qu'en appel, la Chambre a décidé dans

 24   l'Affaire Tadic, que dans les conflits modernes, le fait d'appartenir,

 25   d'être ressortissants d'un tierce Etat, …


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  1   (L'interprète n'a pas saisi.)

  2   Nous estimons que l'arrêt Tadic est un arrêt erroné. En fait,

  3   l'article 4 est très clair, il est très explicite. Il demande qu'il y ait

  4   différence de citoyenneté, que ce soient des ressortissants différents. Il

  5   y a des limites dans la prise de décision par les Chambres. Une

  6   disposition pénale ne peut pas être modifiée au détriment de l'accusé. En

  7   fait, nous avons ici une norme juridique, donc une description explicite à

  8   l'article 4. Alors, les civils Musulmans étaient-ils des personnes

  9   protégées ? Cela dépend du fait si le crime a été commis ou non.

 10   Dans ces conditions, le Tribunal ne peut rien changer à cela, le

 11   Tribunal n'est pas en mesure de décider d'appliquer la loi de façon

 12   rétroactive. Le Tribunal ne peut pas modifier une norme après son

 13   adoption, car cela va à l'encontre d'un fondement même du droit, c'est-à-

 14   dire de l'idée de l'égalité. Le droit moderne, en tout cas sur le

 15   territoire continental, s'appuie sur le principe de l'égalité. Depuis le

 16   droit romain, nous avons ce principe de "Nullum crimen sine lege". Donc,

 17   il ne peut y avoir de crime, si cette disposition n'existait pas, si cette

 18   situation  n'existait pas au moment de la commission de l'acte.

 19   Si dans l'article 4 de la Convention de Genève il est écrit

 20   qu'il faut qu'il y ait une différence de nationalité entre la victime et

 21   l'auteur de l'acte, dans ces conditions, le Tribunal ne peut pas, après la

 22   commission de l'acte criminel, réaliser une transformation de cette

 23   nature. C'est là un point fondamental. La décision selon laquelle les

 24   Croates étaient pratiquement des étrangers en Bosnie-Herzégovine, par

 25   rapport au Musulmans de Bosnie-Herzégovine -et là je réfléchis à haute


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  1   voix- une telle idée aurait des conséquences juridiques et politiques très

  2   néfastes. S'il en était ainsi, dans ce cas-là, le Procureur de ce Tribunal

  3   devrait mettre en accusation, Alija Izetbegovic, Alilovic, et bien

  4   d'autres généraux pour un motif simple, à savoir, que l'armée de Bosnie-

  5   Herzégovine a mobilisé des Croates dans ses rangs. Parce que dans ce cas-

  6   là, dans ces conditions, elle aurait mobilisé des citoyens étrangers, ce

  7   qui constitue un délit.

  8   Dans le même ordre d'idée, examinons les conséquences

  9   politiques, pour les Croates de Bosnie-Herzégovine, qui deviendraient des

 10   étrangers, parce que tous les hommes étaient au sein du HVO, comme tous

 11   les Musulmans étaient au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il y avait

 12   mobilisation générale. Donc, on a ici des groupes qui sont des autochtones

 13   de cet Etat et qui se verraient tout d'un coup déclarés étrangers. Mais,

 14   même si on applique à ce problème une démarche logique, simple, seraient

 15   déclarés étrangers des gens qui avaient vécu en tant que voisins,  dont

 16   les familles ont passé des centaines d'années dans les mêmes petits

 17   villages avec des rapports de voisinage. Tout d'un coup, il y aurait un

 18   qui serait étranger et l'autre ressortissant de l'Etat.

 19   Donc nous estimons que les Musulmans de Bosnie ne peuvent donc

 20   pas avoir le statut de personnes protégées en vertu des Conventions de

 21   Genève, parce qu'ils sont de la même nationalité que les Croates de

 22   Bosnie. Certains des Croates de Bosnie ont acquis la nationalité croate,

 23   mais ils n'ont jamais rejeté leur nationalité croate de Bosnie. Il n'y a

 24   pas de preuve. Le général Blaskic a maintenu, a conservé sa citoyenneté de

 25   Bosnie comme il a celle de Croatie.


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  1   Puis, il y a une autre raison pour laquelle il est impossible

  2   pour cette Chambre de décider que les Musulmans de Bosnie au pouvoir des

  3   Croates de Bosnie sont des personnes protégées en vertu des Conventions de

  4   Genève. Je prends l'article 4, toujours de la dernière Convention de

  5   Genève, qui stipule que les ressortissants d'un Etat fédéral ne peuvent

  6   pas être considérées comme des personnes protégées : "Les ressortissants

  7   d'un Etat cobelligérant ne seront pas considérés comme des personnes

  8   protégées aussi longtemps que l'Etat dont ils sont ressortissants aura une

  9   représentation diplomatique normale auprès de l'Etat au pouvoir duquel ils

 10   se trouvent."

 11   Donc, une condition pour l'application des Conventions de Genève

 12   est l'existence de relations diplomatiques et également il y a cette autre

 13   condition : la condition de l'alliance, de cobelligérance.

 14   Je pense que ces rapports ont existé tout au long de la guerre

 15   et que personne n'a remis cela en question. Des rapports diplomatiques

 16   n'ont pas été suspendus ; ils ont fonctionné entre la Croatie et la Bosnie

 17   pendant toute la durée de la guerre, comme l'existence de diverses

 18   institutions liant les deux pays.

 19   La question qui se pose porte sur les rapports entre la

 20   République de Croatie et la République de Bosnie-Herzégovine et sur le

 21   fait de savoir si ces rapports peuvent s'intituler des rapports entre

 22   alliée. La République de Croatie et la Bosnie-Herzégovine ne se sont

 23   jamais déclaré la guerre, ce qui n'a pas été le cas en revanche à l'égard

 24   de la Yougoslavie. La Bosnie-Herzégovine et la Croatie ont été les

 25   premières à se reconnaître l'une l'autre, à établir entre elles des


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  1   relations diplomatiques qui n'ont jamais été interrompues. Le 21 juillet

  2   1992, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie ont signé un accord d'amitié et

  3   nous y reviendrons plus tard. Je répète que les contacts diplomatiques se

  4   sont poursuivis de façon régulière, sans interruption.

  5   Les heurts, le conflit entre le HVO et l'armée de Bosnie-

  6   Herzégovine n'a pas remis en question les rapports satisfaisants sur le

  7   plan diplomatique entre la République de Croatie et la République de

  8   Bosnie-Herzégovine. Autrement dit, le conflit entre le HVO et l'armée de

  9   Bosnie-Herzégovine n'a pas eu d'effets négatifs sur les ressortissants de

 10   Bosnie-Herzégovine résidant en Croatie. Par exemple, ils n'ont pas été

 11   retirés de chez eux, on ne les a pas placés dans quelque centre ou camp

 12   que ce soit ; bien au contraire, ils ont reçu de l'aide et ont continué à

 13   vivre comme n'importe quel habitant d'un pays avec lequel la Croatie avait

 14   des rapports diplomatiques.

 15   Les rapports commerciaux n'ont pas été suspendus entre les deux

 16   Etats, ce qui en général survient lorsque deux pays sont en guerre.

 17   Pendant toute la guerre, en Bosnie-Herzégovine, la Croatie a constitué une

 18   base logistique importante pour la Bosnie-Herzégovine , et ce jusqu'en

 19   1993. J'ai déjà dit que les équipements militaires traversaient la

 20   Croatie, passaient par les ports de Croatie. La Croatie a fourni une aide

 21   directe à la Bosnie-Herzégovine ou bien a autorisé des Etats tiers d'aider

 22   la Bosnie-Herzégovine en faisant usage de son territoire.

 23   J'aimerais que nous passions à huis clos partiel quelques

 24   instants.

 25   Huis clos partiel.


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  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

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 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   Audience publique

 16   M. Nobilo (interprétation). - Donc, le 21 juillet 1992, Alija

 17   Izetbegovic signe ce qui s'appelle un accord d'amitié et de coopération

 18   entre la République de Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie.

 19   Comme vous pouvez le constater, cet accord n'a jamais été dénoncé.

 20   A l'article 2 de cet accord, nous lisons : "La République de

 21   Bosnie-Herzégovine et de la République de Croatie s'engagent à coopérer et

 22   à faire régner la compréhension mutuelle, à commencer par le respect de

 23   leurs intérêts propres et les divers intérêts de leur pays". Ensuite, la

 24   coopération est décrite dans un certain nombre de domaines : culture,

 25   éducation, santé, aspects sociaux, etc.


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  1   Dans le texte que vous avez sous les yeux, je voudrais revenir

  2   sur la première phrase : "La République de Bosnie-Herzégovine exprime ses

  3   remerciements à la République de Croatie pour avoir accueilli avec amitié

  4   des ressortissants de la Bosnie-Herzégovine et pour leur avoir fourni le

  5   statut de réfugiés en allant au-delà de ses moyens."

  6   Et puis, le point 6, très important aussi dans cet accord : "Les

  7   forces armées du Conseil de défense croate font partie intégrante des

  8   forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine".

  9   Ce texte a été signé par le président Alija Izetbegovic et par

 10   le président Franjo Tudjman.

 11   Puis, prenons le point 7, "La République de Bosnie-Herzégovine

 12   et la République de Croatie autoriseront réciproquement à leurs

 13   ressortissants, à leurs citoyens d'acquérir une double nationalité". Etc.

 14   etc. Dans les paragraphes suivants, il est également de coopération

 15   militaire et de la possibilité d'élargir cette coopération militaire.

 16   Et toutes ces diverses positions sont donc signées le 21 juillet

 17   1992 par le M. le président de la Bosnie-Herzégovine et le président de la

 18   République de Croatie.

 19   Par conséquent, je pense qu'après un examen rapide de ce texte,

 20   il est permis de conclure que la République de Croatie et la Bosnie-

 21   Herzégovine étaient des Etats alliés, qu'ils n'ont jamais rompu leurs

 22   relations diplomatiques, qu'ils n'ont jamais rendu impossible l'action des

 23   représentants diplomatiques qui avaient toujours la possibilité de se

 24   rendre sur le territoire de l'autre Etat et que, pour ces raisons, les

 25   civils musulmans qui étaient au pouvoir du HVO ne peuvent pas bénéficier


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  1   du statut de personnes protégées.

  2   Permettez-moi à présent, de me référer à la situation dans la

  3   vallée de la Lasva. Dans le jugement Aleksovski, il est clairement stipulé

  4   -ceci a été admis par l'accusation- qu'il importe de prouver l'existence

  5   du conflit international au moment et sur le lieu pertinent dans l'acte

  6   d'accusation.

  7   A quel moment y avait-il conflit international selon l'acte

  8   d'accusation ? Eh bien, il est dit dans l'acte d'accusation que, pendant

  9   toute la période pertinente, 1992-93, le conflit armé était international.

 10   Cependant, le Procureur, en décrivant la réalité des faits, n'a

 11   mentionné que janvier 1993 et la période ultérieure à cette date. Pour

 12   gagner du temps, nous ne parlerons pas de 1992 puisqu'il n'y a pas eu de

 13   conflit, pas de guerre entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine ; à

 14   ce moment-là, il n'y avait que des incidents, incidents qui ne

 15   représentent pas un conflit armé. En 1992, vous vous rappellerez également

 16   que le général Arif Pasalic et Ante Prkacin ont créé un commandement

 17   conjoint de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO et que ce commandement

 18   conjoint a œuvré à la défense de Jajce et a également opéré sur le

 19   territoire de la Bosnie centrale.

 20   Le premier conflit a éclaté en janvier 1993 à Busovaca, mais il

 21   n'a duré que deux jours. Il ne s'est pas étendu à d'autres municipalités,

 22   même pas dans la vallée de la Lasva. A Vitez, la paix régnait et la

 23   coopération existait, la collaboration entre le HVO et l'armée de Bosnie-

 24   Herzégovine.

 25   Pour toutes ces raisons, et pour ne pas perdre de temps, nous


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  1   n'allons pas nous concentrer sur ce conflit, mais nous parlerons du

  2   conflit du mois d'avril et des périodes ultérieures, de 1993, toutes

  3   observations qui bien sûr s'appliqueront au conflit du mois de janvier

  4   1993.

  5   J'aimerais maintenant me rapprocher de la maquette, si vous me

  6   le permettez, pour me demander à quel moment commence le conflit armée

  7   internationale et à quel moment il y a conflit armée interne. Donc quand

  8   commence le conflit.

  9   Il ne fait pas de doute que dans la vallée de la Lasva, le

 10   conflit a commencé le 16 avril 1993. Rapidement, la vallée de la Lasva

 11   acquiert l'aspect que vous voyez ici aujourd'hui. A un certain moment,

 12   Travnik n'était pas totalement isolé, mais les forces armées de l'armée de

 13   Bosnie-Herzégovine empêchaient le HVO de circuler entre Travnik et

 14   l'Herzégovine, dans un sens ou dans l'autre. Donc il est permit de dire

 15   que le HVO était totalement encerclé dans cette enclave.  

 16   Regardons cette enclave de plus près. Pour être concret, à

 17   partir du 16 avril 1993, est-ce qu'il y avait conflit armé internationale

 18   ici ou pas ?

 19   Si nous acceptons les décisions de l'arrêt Tadic de la Chambre

 20   d'appel, rapidement, nous constatons qu'il est tout simplement impossible

 21   de parler de conflit armé international. L'un des tests appliqués par la

 22   Chambre d'appel Tadic consiste à se demander si la JNA, l'armée Yougoslave

 23   a effectué un transfert d'officiers. En Bosnie centrale, il n'y a pas de

 24   transfert d'officiers. Blaskic a donné l'ordre de vérifier s'il y avait

 25   des officiers qui avaient subi cela. Cela n'a pas été le cas. Nous savons


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  1   tous que cela n'a pas été le cas. Dans l'arrêt Tadic, il est question

  2   également de rémunération de représentants de l'armée venus de Belgrade.

  3   Ici personne n'était payé par Zagreb ou par Mostar. Personne !

  4   La JNA s'est transformée en VRS, armée de Serbes de Bosnie. Ici,

  5   vous voyez que l'armée a été créée de façon autonome, sans aucun lien. Au

  6   HVO, il n'y avait pas de garde. Dans le jugement Tadic, il est question de

  7   la structure des grades. Mais au HVO, il n'y en avait pas. Le colonel

  8   Blaskic a été la seule personne qui a été gradée en Bosnie centrale.

  9   La JNA coordonnait les activités de l'armée de la Republika

 10   Srpska. Ici, le HVO était encerclé par les forces de l'armée de Bosnie-

 11   Herzégovine qui étaient sept fois plus nombreuses que les forces du HVO.

 12   Qu'a fait le HVO ? Il s'est enterré dans des tranchées devant les villages

 13   croates pour défendre sont territoire. Il n'y a pas eu déplacement de

 14   forces.

 15   Au moment le plus dur du conflit, même si nous acceptions que

 16   l'objet de la Croatie consistait à faire sécession pour une partie de la

 17   Bosnie-Herzégovine qui devait, selon elle, être annexée à la Croatie, le

 18   HVO en Bosnie centrale ne pouvait pas poursuivre le même but car il était

 19   encerclé par des forces musulmanes très nombreuses et par des territoires

 20   habités par les forces musulmanes. Ce petit territoire, au cœur de la

 21   Bosnie, ne pouvait pas être annexé à la Croatie. Le fait que le HVO n'ait

 22   pas eu cet objectif politique se constate aisément si l'on analyse les

 23   activités du HVO. Pas une seule fois le HVO n'a essayé d'effectuer une

 24   percée vers le Sud, vers l'Herzégovine, pour essayer de se relier à

 25   l'Herzégovine, c'est-à-dire pour créer un territoire compact qui pourrait


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  1   être rattaché à la Croatie.

  2   Ce qui est intéressant, c'est que jamais les forces

  3   d'Herzégovine ont essayé de pénétrer pour atteindre la Bosnie centrale et

  4   créer ainsi les conditions préalables militaire d'une annexation de ce

  5   territoire à la République de Croatie. Ce territoire n'est donc pas

  6   limitrophe de la République de Croatie, c'est là un point important

  7   également.

  8   Poursuivons notre analyse. Ce territoire n'a pas reçu d'aide de

  9   la République de Croatie car c'était impossible. Des hélicoptères ont

 10   survolé de temps en temps la région, des hélicoptères du HVO, c'était très

 11   rare, et ils ne pouvaient apporter que deux tonnes de matériel alors que

 12   dans la vallée de la Lasva il fallait deux tonnes de farines par jour pour

 13   nourrir la population. Vous avez entendu le général Blaskic qui vous a dit

 14   que les soldats mangeait du riz, des lentilles, de la graisse. Un paquet

 15   de cigarettes coûtait 100 DM. Tout cela montre bien qu'il n'y a pas eu

 16   d'aide. Il n'y a eu aucun contact entre cette enclave et République de

 17   Croatie, aucun n'a pu être démontré. Il n'y a jamais eu d'armée croate

 18   dans la vallée de la Lasva.

 19   Nous allons maintenant reprendre une ou deux pièces à conviction

 20   liées à des observateurs neutres pour revenir sur ce point.

 21   Allister Duncan, d'abord.

 22   (Diffusion d'une cassette qui était inaudible)

 23   M. Nobilo (interprétation). - Oui, nous allons rediffuser

 24   l'enregistrement d'Allister Duncan, témoin de l'accusation. Je cite :

 25   "Question (interprétation) :Pendant votre mission, avez-vous


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  1   jamais vu un soldat de la HV, de l'armée croate, à Kiseljak ou dans la

  2   vallée de la Lasva ?

  3   Réponse (interprétation). – Non."

  4   M. Nobilo (interprétation). – Un autre témoin de l'accusation

  5   Mikaël Boffini. Je cite :

  6   "Question (interprétation) :Pendant votre mission à Split et en

  7   Bosnie, avez-vous jamais reçu la moindre information selon laquelle les

  8   troupes de la HV, de l'armée croate, se serait trouvée dans la vallée de

  9   la Lasva ou dans la vallée de Kiseljak ?

 10   Réponse (interprétation). – Je ne me rappelle pas avoir reçu

 11   aucune information de ce genre. Je ne me rappelle pas non plus avoir

 12   entendu parler d'une telle information."  

 13   M. Nobilo (interprétation). – Autre témoin, Morsink, témoin de

 14   l'accusation également. Je cite :

 15   "Question (interprétation) :Est-il exact que vous n'avez jamais

 16   vu un soldat de l'armée de la Croatie de la HV dans la vallée de Kiseljak

 17   ou dans la vallée de la Lasva pendant votre mission.

 18   Réponse (interprétation). – Je n'ai jamais vu d'unité arborant

 19   les insignes de la HV."

 20   M. Nobilo (interprétation). – Roy Hunter, autre témoin de

 21   l'accusation. Je cite :

 22   "Question (interprétation) :Commandant, pendant votre mission en

 23   Bosnie centrale, avez-vous rencontré des soldats qui auraient arboré les

 24   emblèmes de la HV de l'armée de la République de Croatie en Bosnie

 25   centrale ?


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  1   Réponse (interprétation). – Non, je n'en ai jamais vu." 

  2   M. Nobilo (interprétation). – On pourrit aligner les témoins de

  3   ce genre. Pas un seul témoin n'a jamais vu un soldat de l'armée de la

  4   République de Croatie dans la vallée de la Lasva.

  5   J'aimerais ajouter un point qu'a éludé le Procureur. Il s'agit

  6   du fait que le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine avaient un

  7   commandement conjoint en Bosnie centrale. Il l'avait au moment du général

  8   Prkacin et du général et Pasalic en janvier 1992.

  9   Il l'avait après le conflit. Je vous rappellerai que Merdan

 10   représentait le 3ème Corps d'armée et Nakic représentait le HVO, la zone

 11   opérationnelle de Bosnie centrale. Même après le conflit du 16 avril, ce

 12   commandement conjoint existait.

 13   M. le Président. - J'ai du mal à vous suivre et nous avons du

 14   retard dans le transcript. Je sais que vous êtes pris par le temps, mais,

 15   de grâce, pensez aux interprètes. Puis, pensez aussi aux Juges. Modérez un

 16   peu votre débit. Merci.

 17   M. Nobilo (interprétation). - J'essaie de gagner du temps. En

 18   fait, j'en ai terminé. Lorsqu'on examine la question de savoir s'il y

 19   avait ou pas un conflit armé international, il est capital de se poser ce

 20   genre de question et de se rendre compte que le HVO et l'armée de Bosnie-

 21   Herzégovine ont eu, pendant la plus grande partie de la période

 22   pertinente, un commandement conjoint. Ce qui démontre de façon tout à fait

 23   satisfaisante la situation d'alliés de ces deux armées.

 24   Pour toutes ces raisons, nous estimons que ni en Bosnie-

 25   Herzégovine, de façon générale, l'article 2 du Statut ne s'applique -et je


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  1   parle de l'article 2 du Statut du Tribunal pénal international de La Haye-

  2   et ceci est encore moins le cas dans cette petite enclave de la vallée de

  3   la Lasva, en Bosnie centrale. C'est la raison pour laquelle l'article 2 du

  4   Statut de ce Tribunal ne peut pas être appliqué dans cette affaire. Merci.

  5   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, c'est un

  6   peu comme si j'étais un coureur de voiture automobile : je viens juste de

  7   changer mes pneus ; nous sommes à quelque distance du finish.

  8   Je dois, avant de passer le relais à Me Nobilo -ou le siège du

  9   pilote-, je voudrais parler des crimes de détention, de transfert forcé et

 10   d'atteinte à des objets du culte.

 11   Mais parlons de la crédibilité du général Blaskic, de sa

 12   déposition au cours de ce procès. Le Procureur a mis en cause sa

 13   crédibilité sur des points qui ne sont pas tellement importants pour ce

 14   procès. Mais sa crédibilité, elle, elle compte dans ce procès, parce que

 15   si vous accordez foi à sa des positions, à partir de ce qu'il a dit, vous

 16   verrez qu'il n'avait pas suffisamment de mens rea, d'intention délictueuse

 17   pour commettre les crimes qui lui sont reprochés dans l'acte d'accusation.

 18   Et si vous estimez que les mensonges qu'à lancés à la tête de Blaskic

 19   l'accusation ne sont pas fondés, cela vous dira aussi quelque chose à

 20   propos de la stratégie de la défense, de ce qu'elle a dû faire, de ce

 21   qu'elle a été acculée à faire dans son réquisitoire.

 22   Quels furent ces mensonges proférés ?

 23   D'abord, le premier que j'ai retiré de mes notes, c'est

 24   l'affirmation selon laquelle, après que Blaskic a pris le commandement de

 25   la zone opérationnelle, il aurait reçu des commandements de Roso. Le


Page 23502

  1   Procureur a demandé à Roso quel était le rôle de ce dernier. Blaskic a

  2   dit : "Je ne sais pas". A ce moment-là, on vous a dit que cette

  3   affirmation était un mensonge.

  4   Mais qu'a-t-on demandé à Blaskic et quelle fut véritablement la

  5   réponse fournie par Blaskic ?

  6   Nous allons passer au rétroprojecteur et nous allons passer à la

  7   page 24457. Voici ce qu'il a dit. Peut-on s'approcher de l'image ?

  8   Général, nous étions au contre-interrogatoire ici, mené par Me Kehoe.

  9   "Question (interprétation) : Général, à l'époque où Ante Roso

 10   vous envoyait ses ordres, à l'époque où vous l'avez rencontré, à l'époque

 11   où il a fait de vous un lieutenant-colonel, il était avec vous dans la HV,

 12   n'est-ce pas ?

 13   Réponse (interprétation) : Eh bien, tout d'abord, pour ce qui

 14   est des ordres qu'il m'aurait délivrés, c'est ce que vous, vous dites.

 15   Moi, ce n'est pas ce que j'ai dit à ce Tribunal. Il émettait des ordres à

 16   destination du commandant de l'état-major municipal du HVO à Kiseljak."

 17   Voici ce qui compte maintenant.

 18   "Deuxièmement, pour autant que je le sache, il était un officier

 19   de l'état-major du HVO. Je dis : "Pour autant que je sache". Le général

 20   Ante Roso n'a pas pris son ordre de désignation pour me le montrer :

 21   "Voilà l'ordre que j'ai reçu ; je suis untel". Il n'a pas fait cela, il ne

 22   m'a pas montré un tel document. Moi, je suis parti de l'idée qu'il était

 23   effectivement un officier de l'état-major du HVO."

 24   Voici la fin de la réponse qu'il vous a effectivement donnée. Il

 25   vous a dit quelle était la nature de cette rencontre, que rien de précis


Page 23503

  1   n'avait été discuté à cette occasion, et qu'il était parti de l'idée que

  2   Roso faisait partie de l'état-major principal. Vous pouvez voir si vous

  3   estimez que l'accusation a apporté la preuve du mensonge de l'accusé, ou

  4   bien si l'on essayait de mettre en cause sa crédibilité, pour essayer de

  5   vous influencer quelque peu afin que vous le voyez comme un homme

  6   malhonnête et de mauvaise réputation.

  7   Mensonge proféré numéro 2. Apparemment, selon l'accusation,

  8   Blaskic aurait dit dans sa déposition "que les troupes se seraient

  9   arrêtées au barrage routier, le 20 octobre 1992, alors qu'elles allaient

 10   vers Jajce et non pas vers Novi Travnik. La preuve qu'aurait apportée

 11   l'accusation à ce mensonge, c'était un reportage, pièce de

 12   l'accusation 646.

 13   Pouvons-nous placer cette pièce sur le rétroprojecteur ?

 14   En quoi consiste cette pièce 646 ? C'est une transcription d'une

 15   vidéo amateur, qui aurait été filmé au cours de la nuit du 16 avril 93, et

 16   qui aurait été diffusée à la TV Busovaca. L'accusation en aurait reçu un

 17   exemplaire. Examinons la transcription et la partie que j'ai surlignée. La

 18   partie pertinente est attribuée à un journaliste. Je vous cite.

 19   "Ahmici. Le premier et le dernier rempart des forces armées des

 20   Musulmans. Le point où ils essayaient d'arrêter les membres du HVO qui se

 21   rendaient vers les positions qu'ils devaient occuper à Novi Travnik."

 22   Voici le fondement de ce mensonge qu'aurait proféré Blaskic

 23   selon lequel il croyait que ses troupes arrêtées au barrage routier se

 24   rendaient à Jajce et non pas à Novi Travnik.

 25   Mais qui est ce journaliste ? Une personne inconnue, anonyme.


Page 23504

  1   L'accusation fonde ceci sur des observations faites en octobre 92, alors

  2   que ceci a été filmé le 16 avril 93. Pourquoi ce journaliste faisait-il ce

  3   reportage ? Pour attiser les passions de la population croate de Busovaca.

  4   Est-ce un acte supplémentaire de propagande ? On ne le sait pas.

  5   Vous êtes à même, Messieurs les Juges,  de déterminer si ceci

  6   montre que le général Blaskic est un menteur ou s'il s'agit d'autre chose

  7   et que la vérité se niche ailleurs, pour ce qui est des arguments avancés

  8   par l'accusation.

  9   Autre mensonge qu'aurait proféré Blaskic : il vous aurait dit

 10   qu'il ne se trouvait pas à Novi Travnik, par rapport au conflit

 11   d'octobre 92. Que nous disent les preuves ? Le colonel Stewart est allé à

 12   Novi Travnik, le 20 octobre/ Il vous a dit que Blaskic ne s'y trouvait

 13   pas. Est-ce Blaskic ne vous a jamais dit s'il se trouvait à Novi Travnik

 14   ou vous a-t-il dit qu'il se trouvait plutôt à Novi Travnik au mois

 15   d'octobre 92 ?

 16   Nous allons passer à un autre extrait du compte rendu

 17   d'audience : page 21385. Voici la question et la réponse :

 18   "Question (interprétation) : Général, lorsque vous l'avez

 19   retrouvé à Novi Travnik, le 21, vous et Kordic, de quoi avez-vous parlé ?

 20   Réponse (interprétation) : Eh bien, je l'ai informé des accords

 21   auxquels nous étions parvenus avec Merdan de ce que j'attendais la Défense

 22   territoriale et de ce qu'il fallait faire afin d'assurer la stabilité du

 23   cessez-le-feu."

 24   Il vous a dit qu'il se trouvait à Novi Travnik, le 21 octobre.

 25   Alors, pourquoi l'accusation dit-elle que jamais il ne l'a dit ? Pourquoi


Page 23505

  1   l'accusation tient-elle à ce point à vous convaincre du fait qu'il serait

  2   un menteur ?

  3   De plus, il a expliqué dans sa déposition qu'il ne se trouvait

  4   pas à Novi Travnik, le 20 octobre, parce qu'il était isolé, il était isolé

  5   par ce barrage d'Ahmici. Il avait été à Mostar pour essayer d'obtenir de

  6   l'aide, du renfort afin de lutter contre les Serbes, à Jajce. Vous savez,

  7   à l'époque, la situation était tout à fait critique à Jajce.

  8   L'accusation affirme également que la pièce de l'accusation

  9   établit la présence de Blaskic à Novi Travnik le 20 octobre. Si vous

 10   regardez ce document-ci, que nous plaçons sur le rétroprojecteur. Cela

 11   veut dire que Kordic et moi, Blaskic, sommes à Travnik. Voici la date que

 12   vous voyez affichée sur le rétroprojecteur. Il s'agit du 21, à 21 heures.

 13   Effectivement, Blaskic, dans sa déposition, vous a dit se trouver à

 14   Novi Travnik, ce jour-là, à cette heure.

 15   Plaçons la troisième page. Là, on parle du présent et non pas du

 16   passé. On dit : "Kordic et moi sommes à Novi Travnik". On ne dit pas  :

 17   "Nous étions, hier", mais bien "Aujourd'hui, 21 octobre 92, je suis, nous

 18   sommes à Novi Travnik". C'est bien ce qu'il vous a dit dans sa déposition.

 19   Parlons des crimes de détention.

 20   Je parlerai des crimes de détention de façon générale, puis, je

 21   parlerai des travaux forcés. Il faut d'abord comprendre quelle est la

 22   nature du chef d'inculpation, repris dans l'acte d'accusation, s'agissant

 23   de ces crimes de détention. Le fait de détenir des civils en temps de

 24   guerre n'est pas censé être un crime en soi. Les crimes allégués dans cet

 25   acte d'accusation portent sur le fait des conditions inhumaines dans


Page 23506

  1   lesquelles ils étaient détenus ou qu'ils étaient forcés de creuser des

  2   tranchées, ou encore qu'ils étaient utilisés comme otages ou bouclier

  3   humain.

  4   Le cadre de ces inculpations montre qu'il peut y avoir détention

  5   de civils pour des raisons de sécurité, par exemple, s'il y a des

  6   opérations de combat dans la région. Effectivement, il n'était pas illégal

  7   de détenir des otages militaires dans la vallée de la Lasva, ni deans des

  8   régions contiguës, ni de l'autre côté de la ligne de front. Ce n'était pas

  9   illégal du côté des forces musulmanes.

 10   Voyez le commentaire du CICR à l'article 42 de la quatrième

 11   Convention de Genève, page 248 : "Même si le fait que des hommes d'âge

 12   militaire sont détenus, ce n'est pas en soi une base de détention. Ce

 13   n'est pas le cas s'il y a, par exemple, -je cite- danger de voir cet homme

 14   rejoindre les forces ennemies." En d'autres termes, s'il y a des hommes en

 15   âge militaire, en âge de combattre de la force opposée, du groupe ennemi,

 16   qui peuvent passer, peuvent rejoindre les forces opposées, les forces

 17   adverses, de telles personnes peuvent être détenues.

 18   Ve 8B Jonction

 19   Je voudrais souligner ce cadre afin qu'on comprenne clairement

 20   pourquoi la détention en soi n'est pas illégale et n'est pas, ici, un état

 21   d'inculpation. La question est, ici, de savoir si Blaskic avait ordonné,

 22   savait ou avait raison de savoir que les détenus étaient détenus dans des

 23   conditions inhumaines, ou à titre d'otages ou de boucliers humains.

 24   S'agissant de tous les détenus, les preuves sont uniformes :

 25   jamais Blaskic n'a ordonné que des civils soient mis en détention.


Page 23507

  1   Qu'est-ce qui s'est passé dans la vallée de la Lasva, lorsque le

  2   conflit a éclaté le 16 avril ? Des hommes en âge de combattre, des femmes

  3   aussi, des enfants furent détenus, à Vitez, Stari Vitez, à Zenica, à

  4   Poculica et à Kruscica. Bien sûr, à Stari Vitez, à Vitez, à Poculica et

  5   ailleurs, ce furent des Croates qui furent détenus, alors qu'à Vitez,

  6   c'étaient les Musulmans qui étaient détenus. Vous savez qu'à Poculica, il

  7   y avait trois prisons : deux d'entre elles ne purent pas être visitées par

  8   le CICR, et il y avait l'école de musique.

  9   Je ne veux blâmer personne ici. Je veux simplement illustrer, à

 10   votre intention, Messieurs les Juges, comment ceci s'est produit au cours

 11   de la matinée du 16 avril, et ceci s'est produit sur toute la région, des

 12   deux côtés de la ligne de front. Aucune preuve n'a été apportée au cours

 13   de ce procès, des auteurs présumés de ces activités. On ne sait pas si

 14   quelqu'un a donné cet ordre. Vous avez eu la déposition de Blaskic et

 15   d'autres preuves documentaires qui montrent que, lui, n'a ordonné

 16   aucunement la détention de civils.

 17   Que s'est-il passé quand on a commencé à détenir des civils ?

 18   Ceci a créé un climat tout à fait déplorable, une fois que les rumeurs ont

 19   commencé à circuler des deux côtés de la ligne de confrontation, selon

 20   lesquelles il y avait détention de civils. Il est probable, il est normal

 21   qu'il y ait une escalade, une espèce de force centrifuge qui a davantage

 22   répandu ces rumeurs.

 23   Quelle était la situation à laquelle faisait face Blaskic. Il

 24   devait être confronté à un problème qu'il n'avait pas produit. Ce problème

 25   était complexe. Dans le contexte de violences généralisées, de combats


Page 23508

  1   généralisés, eux aussi, bien sûr en partenariat avec la Croix-Rouge et

  2   d'autres agences internationales, il fallait qu'il trouve une solution à

  3   la situation. Lorsqu'il a appris qu'il y avait des détenus, il a ordonné

  4   qu'ils soient protégés, soignés et qu'ils soient libérés sous la

  5   supervision, sous la tutelle de la Croix-Rouge. Il a d'ailleurs répété

  6   l'ordre donné par Petkovic à cet effet, le 18 avril. Rien ne prouve qu'il

  7   aurait appris l'existence d'autres détenus civils avant ce 18 avril. Voyez

  8   le point 2 de cet ordre : il a ordonné que soient échangés les soldats et

  9   civils détenus, sur-le-champ.

 10   Le 21 avril, il émet un autre ordre, celui-ci pour veiller à ce

 11   que les détenus soient bien traités en coopération avec la Croix-Rouge

 12   dans tout ce qui relève du traitement des détenus. Là, une fois de plus,

 13   il savait que tout détenu devait être bien traité. Il se tournait vers la

 14   Croix-Rouge pour qu'elle l'aide. Blaskic ne s'était jamais trouvé dans

 15   cette situation. Il a répété cet ordre qui veillait à assurer la

 16   protection des civils et à leur accorder un bon traitement le 24 avril.

 17   Vous le voyez sur cet ordre.

 18   Nous avons donc trois ordres au moment du 24 avril qui

 19   ordonnaient le traitement des détenus et l'échange des détenus, ordres

 20   qu'il a répétés une fois de plus le 27 avril 1993, interdisant de façon

 21   spécifique toute détention de civils qui serait contraire aux Conventions

 22   de Genève.

 23   Deux jours plus tard, le 29 avril, il ordonne que soient libérés

 24   tous les détenus. Il émet donc cet ordre tout à fait conforme aux demandes

 25   de la Croix-Rouge : il faut dresser des listes de tous les détenus


Page 23509

  1   (hommes, femmes, enfants) en respectant la date butoir du 30 avril.

  2   Pourquoi toutes ces procédures, toute cette bureaucratie

  3   s'agissant de la détention de civils ? L'accusation tourne ceci en

  4   ridicule en disant que bien sûr il aurait dû les remettre en liberté. Mais

  5   comment Blaskic peut-il dire que les protocoles de la Croix-Rouge étaient

  6   importants. Voilà ce que nous dit l'accusation.

  7   Mais, Messieurs les Juges, qu'en serait-il si le HVO s'était

  8   contenté de pénétrer dans le cinéma pour demander qui voulait aller à

  9   Zenica, que ceux qui veulent y aller lèvent la main. Trente personnes

 10   lèvent la main, ils sont placés dans un camion. On traverse le point de

 11   contrôle et puis ils partent. Que ce serait-il passé dans un tel cas ?

 12   Quiconque aurait fait ce genre de chose, cela se serait ici traduit en

 13   justice pour transfert forcé de civils. La CICR, la Croix-Rouge insiste

 14   sur des listes et ceci afin d'être sûr que les personnes ne fassent pas

 15   preuve de coercition, d'intimidation et décident de leur plein gré de

 16   l'endroit où ils veulent aller. Ils peuvent décider de rester d'un côté de

 17   la ligne ou de franchir la ligne. Effectivement, lorsque vous avez des

 18   personnes qui ont placé d'autres personnes dans des camions pour leur

 19   faire traverser les points de contrôle, on parle de ce genre de cas comme

 20   étant des crimes de guerre. C'est l'interprétation que nous donne

 21   l'accusation du transfert forcé.

 22   Il est aisé de minimiser le fait de respecter ou non le

 23   protocole du CICR. Mais je vous ai déjà fait part de nos vues à cet égard,

 24   et je poursuis.

 25   Nous avons l'ordre du 26 avril, le général Blaskic, de façon


Page 23510

  1   précise, donne pour ordre que la sécurité soit garantie, sécurité de ces

  2   civils, pourquoi était-ce important ? Parce ces civils devaient pouvoir

  3   décider en toute liberté de conscience où ils voulaient aller afin qu'ils

  4   ne soient pas forcé et contraints, intimidés et ainsi forcés de quitter la

  5   région. Je vais en parler lorsque je reparlerai dans un instant du

  6   transfert forcé.

  7   Monsieur le Président, quant allons-nous avoir la pause.

  8   Maintenant, pensez-vous ?

  9   M. le Président. – J'attendais que vous la demandiez, Maître

 10   Hayman, pour une fois. Nous faisons une pause de 20 minutes.

 11   L'audience, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15.

 12  

 13   M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Faites entrer

 14   l'accusé.

 15   (L'accusé est introduit dans le Prétoire.)

 16   Maître Hayman, pendant la pause, je pense que vous avez le temps

 17   de changer non seulement les roues, mais le moteur. Alors, vous continuez.

 18   M. Hayman (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Nous

 19   sommes prêts à démarrer.

 20   Entre le 18 et le 29 avril, nous avons passé en revue cinq

 21   ordres émanant du colonel Blaskic et portant sur le bon traitement et la

 22   mise en liberté des détenus. Veuillez examiner ces cinq ordres en même

 23   temps que toutes les preuves relatives au commandement et au contrôle pour

 24   voir quelles étaient les compétences de Blaskic. Pouvait-il forcer

 25   quelqu'un à prendre des ordres en matière de détention, surtout eu égard


Page 23511

  1   au fait de savoir qui détenait ces hommes. C'étaient surtout les Vitezovi

  2   et, pour l'essentiel, la police militaire.

  3   De surcroît, il y a eu des périodes au cours desquelles il y a

  4   eu des résistances locales et civiles à la mise en liberté des détenus.

  5   Pendant tout ce temps, Blaskic a fait pression pour que ces hommes soient

  6   libérés directement et par le truchement de la commission conjointe.

  7   Mais les autorités civiles n'étaient pas en accord avec Blaskic,

  8   ces autorités faisaient ce qu'elles voulaient et ne suivaient pas ses

  9   ordres. Nous avons reçu la déposition de Morsink, observateur de l'ECMM.

 10   Je cite :

 11   "Question (interprétation) :Le 3 mai, est-ce que Skolpijak et

 12   Santic vous ont dit exactement ce qui se passait ? C'étaient des

 13   extrémistes et ils ne voulaient pas libérer les prisonniers. Ils ont dit

 14   'qu'ils avaient reçu des ordres aux fins de la mise en liberté des

 15   prisonniers, mais ces hommes avaient refusé de le faire'. Cette situation

 16   vous semble-t-elle correcte ?

 17   Réponse (interprétation). - Oui, elle est correcte."

 18   M. Hayman (interprétation). - En tout état de cause, j'ai parlé

 19   du simple fait de la détention. Mais puisque ce n'est pas tellement le

 20   fait de la détention qui est prétendu ici, mais le fait du traitements

 21   inhumains, je reviens à ce dernier point. Est-ce que Blaskic savait ou

 22   avait raison de savoir qu'il existait des conditions inhumaines dans

 23   lesquelles étaient détenus certains civils ou, pour ces situations,

 24   aurait-il manqué l'obligation d'agir.

 25   Je viens de résumer ces ordres et ces ordres montrent qu'il


Page 23512

  1   voulait qu'un bon traitement soit accordé aux détenus. D'autres preuves

  2   vous montreront que des détenus à Vitez étaient en général maintenus dans

  3   de bonnes conditions.

  4   Au cinéma de Vitez par exemple, d'après la déposition de témoins

  5   et aussi d'après la pièce de l'accusation 522/9, le rapport des

  6   observateurs européens : "Ces détenus étaient bien traités, ils pouvaient

  7   rentrer chez eux, se doucher, changer de vêtements chez eux pendant la

  8   journée. Ils pouvaient aussi recevoir de la nourriture au cinéma. Seuls

  9   les hommes en âge de combattre étaient détenus au cinéma."

 10   Je paraphrase directement ce que dit le rapport de ces

 11   observateurs européens.

 12   Prise d'otage. Est-ce que des détenus ont servi d'otage ? Est-ce

 13   que Blaskic a jamais donné l'ordre de prendre des civils en otage afin

 14   qu'ils fassent l'objet d'échanges. Rien ne prouve qu'il l'ai fait.

 15   Nombreux sont les ordres, non seulement ceux qui demandent un bon

 16   traitement et des détenus, mais qui exigent aussi des unités du HVO

 17   qu'elles n'arrêtent pas les civils. C'est un ordre visant à la non-

 18   arrestation des civils et à la non-détention de ces civils aux fins

 19   d'avoir une monnaie d'échange qui seraient utilisée dans le cadre

 20   d'échanges ultérieurs. Je vous ai déjà parlé de certains de ces ordres.

 21   Mais en voici un où il dit de façon expresse, aux unités du HVO,

 22   en date du 19 juin, point 1 : "stopper l'arrestation de civil". Il l'a dit

 23   de façon très claire, n'est-ce pas. On peut se demander si les détenus,

 24   détenus au cinéma, servaient d'otages. Est-ce qu'on a essayé de les

 25   utiliser comme otages.


Page 23513

  1   Je vous ai déjà dit que selon l'ECMM, seuls des hommes en âge de

  2   combattre étaient détenus à cet endroit. Il y avait eu mobilisation

  3   générale des deux côtés, pour les deux parties belligérantes sur tout le

  4   territoire, pour les hommes en âge de combattre. Ceci s'était produit

  5   avant le 16 avril et ceci vous instruit, Messieurs les Juges, sur la

  6   question de savoir si des hommes en âge de combattre étaient détenus au

  7   cinéma à des fins de sécurité, ou s'ils avaient été détenus afin de servir

  8   d'otage. Il y a eu un incident, on a menacé de prendre des otages. C'est

  9   très instructif. Ceci devrait vous montrer quelle était l'attitude de

 10   Blaskic en cas de telles fautes et de conduite répréhensible.

 11   Passons rapidement à huis clos partiel pour cette description.

 12   Audience à huis clos partiel.

 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

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 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


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  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   Audience publique

  8   M. Hayman (interprétation). – Est-ce que des détenus ont servi

  9   de bouclier humain et si tel était le cas, est-ce que Blaskic disposait

 10   d'une responsabilité directe ou de celle de supérieur hiérarchique face à

 11   de tel comportement ?

 12   Le Procureur a cité trois exemples de bouclier humain : à Mrdani

 13   en janvier ou février 1993, à Vitez le 16 avril et à Vitez le 20 avril.

 14   S'agissant de Mrdani, plusieurs personnes sont venues déposées pour dire

 15   que des détenus ont été utilisés comme bouclier humain à Mrdani et dans

 16   les environs.

 17   A Busovaca, fin janvier 1993, le colonel Blaskic se trouvait

 18   alors à Kiseljak, on n'a pas de preuves selon lesquelles l'incident lui

 19   aurait été mentionné ou qu'il aurait jamais reçu un rapport à ce propos.

 20   A Vitez, le 16 avril, le Dr Mujezinovic parle, dans sa

 21   déposition, d'une réunion ayant eu lieu dans le complexe du cinéma ou

 22   Santic et Skopljak ont menacé de tuer des détenus musulmans si l'armée de

 23   Bosnie-Herzégovine continuait de progresser. Ceci s'est passé le 19 avril.

 24   Blaskic n'a pas donné un tel ordre. Il n'était pas au courant, il ne l'a

 25   pas appris par la suite.   


Page 23515

  1   De surcroît, il y a un point juridique, une question juridique

  2   qui se pose ici. Cette menace n'a jamais été faite directement à

  3   l'encontre de détenus, elle a été dite au Dr Mujezinovic qui, lui, a été

  4   chargé d'en appeler à l'armée de Bosnie-Herzégovine. Mais on n'a jamais

  5   dit directement aux détenus : vous êtes un bouclier humain, vous êtes

  6   utilisés à telle ou telle fin.

  7   Il y a violation si ce bouclier humain constitue un traitement

  8   cruel ou inhumain pour le détenue. S'il ne fait jamais l'objet de

  9   violence, ce détenu, s'il n'est jamais soumis à quelque intimidation ou

 10   menace que ce soit, si ce détenu ne sait même pas ce qui a été dit à leur

 11   propos, on peut se demander, juridiquement, si ceci constitue un

 12   traitement cruel ou inhumain. Mais, je le répète, ce comportement n'a

 13   aucunement été admis par Blaskic ni soutenu par Blaskic.

 14   Vitez, 20 avril. Un seul témoin –je pense qu'il a déposé en

 15   audience publique-, de Advija Hurstic qui a dit dans sa déposition que des

 16   Musulmans de Gacice avaient été emmenés devant l'hôtel Vitez, le 20 avril.

 17   Elle a déclaré qu'un soldat lui aurait dit, je cite : "Vous allez

 18   maintenant rester assise ici et laissez les vôtres vous pilonner puisque

 19   jusqu'à présent, c'est nous qu'ils pilonnaient. Alors restez assis et

 20   attendez."

 21   C'est là un soldat du HVO qui aurait tenu ces propos envers

 22   elle, d'après ce témoin. Quelques heures plus tard, ces villageois sont

 23   entrés à Gacice sans que quoi que ce soit ne leur ait été fait.

 24   Si ce soldat a effectivement tenu ces propos à ce témoin, nous

 25   n'admettons pas cela, pas plus que le général Blaskic ne le fait. Mais


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  1   nous estimons que ceci ne constitue pas pour autant corroboration du crime

  2   d'avoir utilisé des personnes à titre de bouclier humain. Ceci ne montre

  3   pas qu'il y ait eu la moindre intention, de la part de qui que ce soit, de

  4   placer ces personnes devant l'hôtel afin qu'ils servent de bouclier contre

  5   un feu indirect. Au contraire, d'autres dépositions, celles du témoin,

  6   montrent que ces témoins ont été enlevés de façon temporaire de Gacice où

  7   il y avait des activités de combat ce jour- là et ont été renvoyés à

  8   Gacice après la fin des combats. Ils ont donc été enlevés de cette région

  9   afin que leur sécurité soit assurée. Raison légitime.

 10   Il n'y a pas de preuve selon laquelle à ce moment-là, à peu près

 11   le 20 avril, l'hôtel aurait été pilonné. D'après Hrustic, aucun obus n'est

 12   tombé dans les parages immédiats de l'hôtel, à ce moment-là. Ceci se

 13   trouve à la page 4849 du compte rendu d'audience. Suggérer que ceci se

 14   soit passé, même si c'est un incident regrettable et inapproprié, c'est

 15   simplement ce qu'aurait dit un seul soldat à une seule personne.

 16   Rien ne prouve en tout cas que le colonel Blaskic aurait

 17   ordonné, aurait su ou avait des raisons de savoir ce qui s'est passé.

 18   Mme Hrustic n'a pas pu dire exactement quand ceci se serait passé, au

 19   moment ou ils se trouvaient à l'extérieur de l'hôtel. Rien n'a été prouvé.

 20   Le colonel Blaskic n'aurait pas pu observer ces villageois près de

 21   l'hôtel. L'accusation a décidé de ne pas appeler d'autres villageois.

 22   Manifestement, il y en avait plusieurs devant l'hôtel Vitez. Personne

 23   n'était au courant du pilonnage qui s'était peut-être produit plus tôt

 24   dans la journée à Vitez.

 25   L'accusation a voulu laisser entendre que le fait d'héberger des


Page 23517

  1   détenus dans le cinéma adjacent à l'université ouvrière était une

  2   détention illégale. Le cinéma, on l'a vu dans les dépositions, était une

  3   bonne structure permettant la détention de personnes. L'ECMM remarque que

  4   l'hébergement de ces détenus était peut-être une violation formelle des

  5   Conventions de Genève.

  6   Voici un agrandissement d'une des pièces de l'accusation. Il

  7   s'agit de la 45/H. Elle vous montre le bâtiment de l'université ouvrière

  8   et le cinéma. Le bâtiment vertical, un peu plus large, mais pas aussi

  9   long, c'est le cinéma. Il y a un T : la partie supérieure du T représente

 10   le bâtiment de l'université ouvrière. La question du droit applicable

 11   intervient ici pour demander ici s'il s'agit ici d'un bâtiment ou de deux

 12   bâtiments séparés. Est-ce que les gens étaient détenus dans le cinéma,

 13   est-ce qu'ils étaient hébergés dans le même bâtiment que la brigade de

 14   Vitez qui a apparemment occupé tout ou partie de l'université ouvrière. Ou

 15   s'agit-il de deux bâtiments distincts ?

 16   Si vous examinez la photographie, vous conclurez sans doute,

 17   raisonnablement, que soit ces bâtiments étaient adjacents avec peut-être

 18   un lien bâti entre eux, ou s'il y avait à bien des égards deux structures.

 19   Vu les circonstances, il serait erroné d'imputer une responsabilité pénale

 20   au colonel Blaskic pour quelque chose qui se serait passé entre ces deux

 21   bâtiments. Est-ce que c'est un lien organique, est-ce un seul bâtiment ou

 22   deux ?

 23   Puisqu'à l'époque, personne ne s'est adressé à Blaskic pour lui

 24   suggérer qu'il y avait peut-être un endroit plus sûr pour garder ces

 25   détenus, puisqu'il n'y avait pas encore d'entretien, de liste et de


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  1   libération. Personne n'a dit ici, au procès, qu'on lui aurait suggéré de

  2   déplacer ces personnes. Serait-il équitable d'imposer une peine de

  3   détention pour ces actes, vu les circonstances ? A notre avis, ce ne

  4   serait pas équitable.

  5   Travaux forcés : la guerre en Bosnie centrale était surtout une

  6   guerre de tranchées, un rappel sinistre de la Première guerre mondiale.

  7   Des détenus ont été forcés de creuser des tranchées. Mais ceci s'est passé

  8   des deux côtés de la ligne de front. On peut ordonner à un soldat de

  9   creuser son propre trou, mais si un soldat peut trouver quelqu'un d'autre

 10   pour faire ce travail, vous savez qu'il va sans doute essayer de le faire

 11   faire par quelqu'un d'autre.

 12   Pour expliquer ces fortifications, tant les autorités de Bosnie-

 13   Herzégovine que les autorités civiles d'Herceg-Bosna ont mobilisé des

 14   citoyens dans les régions qu'ils tenaient sous faune de pelotons de

 15   travail.

 16   Quel est le chef d'inculpation retenu à l'encontre de Blaskic

 17   pour ce qui est des travaux forcés ? Elle apparaît dans le chef

 18   d'inculpation, premier chef d'inculpation, ainsi qu'aux chefs 13 et 14,

 19   qui font référence à des traitements inhumains ou cruels de détenus.

 20   Dans ces deux chefs 13, 14, à ces deux endroits, le seul chef

 21   d'inculpation revient à dire que des détenus ont été forcés de creuser des

 22   tranchées. On ne dit pas que des non détenus ont fait partie des pelotons

 23   de travail, et qu'ils étaient forcés de creuser des tranchées. Parce que

 24   l'utilisation de tels pelotons de travail en soi n'est pas illégale. Il

 25   n'est pas illégal de mobiliser des citoyens pour les enrôler dans des


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  1   pelotons de travail, et pour des travaux forcés dont le creusement de

  2   fortifications, tant que les conditions ne sont pas dangereuses ou

  3   exagérées pour la sécurité. Ou que l'imposition ne soit pas abusive.

  4   Nous avons préparé un tableau à votre intention. J'ai des

  5   exemplaires que je vais distribuer avec l'aide de l'huissier. Dans

  6   l'intervalle, je vais arriver à cette série de documents. Vous avez déjà

  7   le premier sur l'écran vidéo. J'avance pour économiser du temps.

  8   Que montre ce tableau ? L'état actuel du droit humanitaire sur

  9   l'utilisation des détenus par rapport aux pelotons de travail en vue de

 10   préparer des fortifications. Dans la marge de gauche, on fait une

 11   distinction entre les détenus, au-dessus, et les pelotons de travail aux

 12   non détenus, en bas. Ces deux catégories, pour le dessus du tableau, se

 13   trouvent pour la gauche l'existence d'un conflit armé international, et à

 14   droite, l'existence d'un conflit armé interne. A l'intérieur de ces cases,

 15   nous vous avons montré quelles étaient les activités précises qui font

 16   l'objet d'inculpations dans l'acte d'accusation et quelles étaient les

 17   activités qui constituent des violations du droit international

 18   humanitaire.

 19   Examinez les deux cases du bas : pelotons du travail aux non

 20   détenus. Vous verrez que, tant dans le conflit international que dans le

 21   conflit interne, les utilisations en pelotons de travail de non détenus, à

 22   des fins de fortifications du terrain, ne sont pas considérés comme des

 23   infractions, des crimes. Vous constaterez que ce n'est pas là une

 24   violation du droit humanitaire dans les deux cas.

 25   Pour les deux cases du dessus : nous parlons de l'utilisation


Page 23520

  1   des détenus à des fins de travaux forcés. Vous verrez que, pour ces deux

  2   conditions aux situations, comme reprises en tant qu'infractions dans

  3   l'acte d'accusation, lorsqu'il y a conflit interne, il n'est pas illégal

  4   d'utiliser ces détenus à de telles fins.

  5   J'espère que ceci vous sera utile lorsque vous allez analyser

  6   les éléments de preuve qui vous ont été soumis à ce procès. Il est tout à

  7   fait intéressant de voir comment les éléments de preuve vous ont été

  8   soumis s'agissant de ce tableau.

  9   Avant de revenir à ces pièces à conviction, nous allons utiliser

 10   ce tableau en partie pour vous montrer comment les pelotons de travail,

 11   les deux cases du bas, relevaient du droit de Bosnie-Herzégovine, des lois

 12   d'Herceg-Bosna, que ces activités étaient légales en vertu de tout droit

 13   international humanitaire. Ceci est un point important, car, à notre avis,

 14   c'est cela qui a abouti à de mauvaises communications entre les

 15   observateurs internationaux et la commission conjointe au moment où celle-

 16   ci existait.

 17   Ce malentendu s'est infiltré, y compris dans ce prétoire. Je

 18   vais vous en donner un exemple. Le HCR a protesté auprès de la commission

 19   de coinjointe en disant que les gitans de Vitez étaient emmenés creuser

 20   des tranchés. C’est la déposition du capitaine Morsink.

 21   "Réponse : Le CICR et le HCR étaient présent à l'époque. Je me

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   Ceci est une citation où l'on voit que le HCR a protesté auprès


Page 23521

  1   de la commission conjointe en affirmant que des gitans de Vitez étaient

  2   emmenés creuser des tranchées. Mais que savons-nous de ces gitans ?

  3   Premièrement, ils n'ont jamais été mis en détention, il n’y a

  4   pas d’éléments de preuve qui démontrent que les gitans de Vitez aient été

  5   placés en détention. Ce problème n’implique donc pas des détenus.

  6   Deuxièmement, sur la base des documents versés au dossier par

  7   l'accusation, pièce à conviction P715 à 717, nous savons que les gitans de

  8   Zik faisaient partie de ces pelotons de travail ainsi que de Sofa. Ce sont

  9   des zones à l'extérieur de Vitez. Nous regarderons ces documents dans un

 10   moment. Cette distinction entre détenus et non détenus n'a pas été faite

 11   par le Procureur lorsqu'il a présenté ses arguments. Le Procureur a

 12   interrogé ses témoins au sujet de l’emploi de civils sans savoir s’il

 13   s’agisssait de détenus ou pas.

 14   Ecoutons cet échange entre le Procureur et M. Morsink :

 15   "Question : Le sujet de l'emploi de civils pour des travaux

 16   forcés, plus précisément pour creuser des tranchées, pendant votre séjour

 17   en Bosnie centrale, avez-vous eu connaissance de ce problème particulier ?

 18   Réponse : J'ai reçu des protestations selon lesquelles des

 19   civils avaient été contraints de creuser des tranchées, j'ai reçu ces

 20   protestations au cours de mon travail avec la commission conjointe.

 21   Pendant une réunion de cette commission, on m'a dit qu'il y avait

 22   15 protestations sur ce point, en tout cas entre 10 et 15 ".

 23   M. Hayman (interprétation). - Qu'est-ce que que cela vous

 24   apprend Monsieur le Président, Messieurs les Juges ?  Nous avons ici la

 25   déposition de M. Morsink, moniteur de l'ECMM, auquel le Procureur demande


Page 23522

  1   si l'emploi de civils pour creuser des tranchées a fait l'objet de

  2   protestations auprès de la commission conjointe. La réponse est oui : “ 10

  3   à 15 fois ”. Des civils, mais pas des détenus civils, vous n’avez entendu

  4   nulle part le mot “ détenus ”, ni dans la question ni dans la réponse.

  5   Cela ne faisait pas l’objet de la conversation. Ce dont on parlait,

  6   c'étaient des civils. Compte tenu du fait qu'on sait qu'il existait des

  7   pelotons de travail dans la région, dans le secteur, c'est ce sujet qui

  8   est le sujet de la conversation.

  9   Vous avez vu que s'agissant des témoins, gitans emmenés hors de

 10   Vitez, vous avez vu la même chose. On ne parlait pas de détenus que l’on

 11   aurait forcé à des travaux forcés. C'est le seul chef dans cet acte

 12   d'accusation qui porte sur des travaux forcés, on ne parle pas du fait que

 13   des civils  contraints à effectuer des travaux forcés, que ce serait

 14   illégal. On ne dit pas que le général Blaskic aurait la moindre

 15   responsabilité eu égard à un tel comportement, y compris si ce

 16   comportement avait été illégal.

 17   Hormis quelques très rares exceptions, on parle de l'emploi de

 18   civils pour creuser des tranchées dans ce procès et non pas de l'emploi de

 19   détenus civils.

 20   Qu’en est-il des pelotons de travail ? Pour être illégales, les

 21   tâches d'un peloton de travail doivent être assignées sans discrimination

 22   et ne doivent pas impliquer des travaux dangereux sur les lignes de front.

 23   Comme je l’ai déjà dit, l'emploi de civils qui ne sont pas des détenus à

 24   de telles tâches ne doit pas être considéré par vous, Messieurs les Juges,

 25   cela ne fait pas partie de l’acte d’accusation mais nous continuons à


Page 23523

  1   dire, néanmoins, que les protestations, pour autant que le colonel Blaskic

  2   en ait eu connaissance, -et il savait qu’il existait des pelotons de

  3   travail- il pensait que c'était quelque chose de légal. Il pensait que ce

  4   qui se passait était légal. Parce que les pelotons de travail, à Vitez

  5   répondaient aux conditions.

  6   Rappelez vous Dusan Lukovic, dans sa déposition, c'est un

  7   résidant serbe de Vitez qui, en fait, était l'ancien président de la

  8   municipalité de Vitez. Il faisait partie d’un peloton de travail à Vitez.

  9   Il a dit dans sa dépositions qu'il y avait des pelotons de travail dans

 10   chaque village, que le travail était imposé à tous les hommes âgés de

 11   moins de 60 ans, qu’il y avait des Serbes, des Gitans, des Croates, des

 12   Musulmans dans ces pelotons de travail ; qu’il n'y avait pas de

 13   discrimination sur la base de nationalité, que tous les membres du peloton

 14   de travail recevait des compensations du point de vue de la retraite comme

 15   s’ils avaient servi dans les rangs d’une unité de combat du HVO. Monsieur

 16   Lukovic a également dit dans sa déposition que les conditions imposées au

 17   peloton de travail n'étaient pas dangereuses, pas violentes, que trois

 18   repas étaient servis chaque jour, qu’il n'y avait pas de travail sous la

 19   contrainte, qu’il y avait une pause pendant la nuit pour dormir si le

 20   travail durait plus d’un jour, que les soldats du HVO sécurisaient

 21   régulièrement le secteur, protégeaient les membres du peloton et que les

 22   membres du peloton de travail sortaient de la zone dès que celle-ci était

 23   soumise à un quelconque danger.

 24   Ce témoin n'a jamais parlé de discrimination, de violences, de

 25   danger auxquels auraient été soumis les pelotons de travail.


Page 23524

  1   Dans son réquisitoire, le Procureur –je le répète- n’établit

  2   aucune disctinction, entre des détenus que l’on aurait contrait aux

  3   travaux forcés et des membres de peloton de travail dont les membres

  4   n'étaient pas des détenus que l’on aurait contraint à des travaux forcés

  5   et des membres du peloton de travail dont les membres nétaient pas des

  6   détenus qui travaillaient à la fortification du secteur. C’est une défaut

  7   important de la présentation du Procureur.

  8   A la fin de ce procès, le Procureur a versé au dossier un

  9   certain nombre de documents liés au peloton de travail dans le secteur de

 10   Vitez. Que nous montrent ces documents ?

 11   Les pelotons de travail ont été créés par les autorités civiles,

 12   dans le cadre des lois et règlements applicables. C’étaient des pelotons

 13   multi ethniques, c'est ce qui ressort des documents de l'accusation P715 à

 14   719. Les pelotons de travail ne comportaient pas de détenus, en étaient

 15   membres des citoyens ordinaires, nous disons en fait que les membres de

 16   ces pelotons n'étaient pas des civils au sens du terme utilisé dans l'acte

 17   d'accusation parce que c’étaient des personnes qui avaient été mobilisés

 18   pour entrer dans ces pelotons de travail. Ils ont reçu des retraites sur

 19   la base du travail effectué.

 20   Le Procureur affirme qu'un ordre du mois de septembre 1993, dans

 21   lequel le colonel Blaskic demande l'aide des pelotons de travail dans la

 22   région de Grbavica, une fois que le front est allé au-delà de Grbavica. Le

 23   Procureur affirme que c’est illégal ; il le dit dans la pièce à

 24   conviction 715. En page 3 de ce document, nous voyons qu’une demande a été

 25   faite par le colonel Blaskic, une demande d’aide adressée au peloton de


Page 23525

  1   travail dans la zone de Grbavica après la fin des combats, en septembre,

  2   une fois que la ligne de front s'est déplacée, est allée au-delà de

  3   Grbavica. Le Procureur n'a pas fait la moindre tentative pour prouver que

  4   le front s'était déplacé en dehors du secteur de Grbavica. Le Procureur ne

  5   fait aucune référence dans sa pièce 715 au fait que cette requête du

  6   colonel Blaskic aurait été dangereuses, aurait exposé les hommes à des

  7   tirs ou à un quelconque danger.

  8   Ce qui est dit, malheureusement, en page 3 de document, c'est

  9   qu'il y a eu des troubles, des difficultés durant le travail dans le

 10   secteur de Grbavica. Certains membres de ces pelotons du travail ont été

 11   frappés par des soldats du HVO pour des raisons inconnues. On ne nous dit

 12   pas pour quelles raisons dans ce rapport qui ne comporte aucune indication

 13   de la nationalité des victimes de ces coups. Aucun élément de preuve n’a

 14   été présenté pour nous le faire savoir. Nous ne savons pas s'il s'agit de

 15   Croates, de Musulmans, de Serbes ou de gitans.

 16   Quoi qu'il en soit, ce comportement quelle qu’en soit sa

 17   qualification n’est pas mis en accusation dans l'acte d'accusation

 18   puisqu'il ne s'agit pas de détenus. Ce sont des pelotons de travail, c’est

 19   ce qui ressort de tous les documents. Vous pouvez les revoir et aboutir,

 20   je pense, à la même conclusion.

 21   Maintenant, le colonel Blaskic savait qu'imposer des travaux

 22   forcés était quelque chose d’illégal. Il a pris des mesures pour empêcher

 23   cela ? Qu'a-t-il fait ?

 24   En 1992, il a fait distribuer des cartes de la Croix-Rouge à

 25   tous les soldats du HVO sur lesquelles sont indiquées de la façon la plus


Page 23526

  1   claire, en termes très simples, et avec des signes visuels que les civils

  2   doivent être protégés, abrités, ne doivent faire l'objet d'aucune

  3   violence. C'était donc en 1992. Il a fait distribuer ces cartes. En 1993,

  4   il l'a refait. Ce que vous voyez sur l’écran est une version de 1993, 1994

  5   de cette carte.

  6   Le Procureur affirme que Blaskic devait savoir, qu'il avait dû

  7   voir des détenus en train de creuser des tranchées et qu'il est donc

  8   coupable.

  9   Premièrement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 10   puisque des travaux de fortification effectués par des membres de pelotons

 11   de travail est quelque chose de légal, alors que c'est illégal si ce sont

 12   des détenus qui font ce travail, comment pouvez-vous dire, si vous

 13   circulez sur la route, si vous voyez une tranchée qui est creusée, un

 14   soldat qui garde cette tranchée, comment pouvez-vous savoir si la personne

 15   qui creuse est un détenu ou pas ? C'est tout simplement impossible si l'on

 16   circule sur la route en voiture.

 17   Mais au-delà de cela, les éléments de preuve présentés nous ont

 18   apporté la preuve que c'était quelque chose de facile à voir et que

 19   c'était une pratique courante. Le membre du bataillon britannique, le

 20   capitaine Whitworth, que nous dit-il à ce sujet ? Je cite : "Mais ce qui

 21   est important, c'est comment ces tranchées étaient construites et pas qui.

 22   Etait-ce le travail des commandants ?

 23   Réponse (interprétation). – Creuser des tranchées, c'était le

 24   travail des habitants de la région. Je n'ai pas vu de prisonniers ou de

 25   civils en train de creuser des tranchés."


Page 23527

  1   M. Hayman (interprétation). – Il s'agit de Whitworth qui a servi

  2   en Bosnie de mai 1993 à novembre 1993, officier du bataillon britannique.

  3   Lorsque Blaskic a été alerté au sujet des allégations selon

  4   lesquelles les travaux  forcés auraient été imposés à des civils musulmans

  5   bosniens, il a pris des décisions pour empêcher cela. Il a dit de la façon

  6   la plus claire qu'employer des détenus à cette fin était quelque chose

  7   d'illégal. Nous avons préparé à votre intention, Monsieur le Président,

  8   Messieurs les Juges, un tableau de quelques-uns des ordres destinés à

  9   informer les soldats du HVO de l'existence de lois internationales

 10   humanitaires relatives à la protection des civils et à l'interdiction d'un

 11   traitement des détenus civils contraire aux Conventions de Genève, y

 12   compris lorsqu'il s'agit de creuser des tranchées. Je ne vais pas vous

 13   lire tous ces ordres. Ces ordres, en tout cas, ont un rapport avec le

 14   respect des lois de la guerre. Vous verrez qu'il y a plusieurs de ordres.

 15   Pour toutes ces raisons, nous affirmons qu'il est impossible de

 16   dire que le colonel Blaskic n'a pas pris des mesures raisonnables visant

 17   de garantir au mieux de ses capacités qu'un traitement approprié soit

 18   accordé aux détenus et qu'ils soient libérés rapidement.

 19   Maintenant, avant de demander à Me Nobilo de présenter quelques

 20   remarques de conclusion, je voudrais parler d'un point encore, à savoir

 21   les transferts de population sous la force. C'est une allégation qui

 22   figure au chef n° 1 selon lequel le colonel Blaskic aurait été responsable

 23   de transferts sous la contrainte de civils.

 24   Le Procureur affirme que le HVO a effectué des transferts sous

 25   la contrainte de civils musulmans bosniens en ayant recours à la terreur,


Page 23528

  1   à l'échange de détenus et à la détention et à l'expulsion. Il ne fait

  2   aucun doute que des déplacements de population importants ont eu lieu en

  3   1993 en Bosnie centrale. Ils ont commencé en 1992, au moment où des

  4   arrivées importantes de réfugiés, notamment de Musulmans bosniens, se sont

  5   produites en Bosnie centrale, une fois que ces Musulmans bosniens ont été

  6   expulsé de secteurs contrôlés par les Serbes de Bosnie. Les réfugiés

  7   musulmans bosniens arrivent donc en grand nombre dans cette région en

  8   1992. Ce qui ne correspond pas aux charges de l'acte d'accusation.

  9   Pour expliquer ces déplacements de population, le Procureur a

 10   fait appel au M. Kajmovic qui est ex-représentant politique du SDA de

 11   Vitez. Il a parlé de statistiques qu'il avait tenté de recueillir au sujet

 12   de ces déplacements de population, mais il n'a proposé aucune conclusion

 13   scientifique quant aux motif de ces déplacements. Ce qu'il a fait, c'est

 14   proposer des conclusions quant aux raisons pour lesquelles ces personnes

 15   se sont déplacées sur la base de ses opinions politiques.

 16   Je tiens à vous rappeler, Monsieur le Président, Messieurs les

 17   Juges, une observation qu'il a faite durant sa déposition ici. Nous

 18   entendons le Président Jorda. Je cite :

 19   "Question (interprétation) :Lorsqu'on vous pose une question

 20   mathématique, on peut répondre avec des chiffres. Et si on n'a que des

 21   statistiques, on peut y ajouter des convictions personnelles. Il s'agit à

 22   ce moment-là de thèses."

 23   M. Hayman (interprétation). – Pourquoi ces personnes se sont-

 24   elles déplacées ? Nous savons qu'à Ahmici, les habitants ont été soit

 25   assassinés soit expulsés de leur domicile. Mais pourquoi ces déplacements


Page 23529

  1   ailleurs ?

  2   Certains se sont déplacés parce qu'ils craignaient des risques

  3   sur leur localité, d'autres parce que des combats ont éclaté dans leur

  4   village ou aux abords de leur village, d'autres encore parce que leur

  5   village est tombé sous le contrôle de la partie adverse au conflit et que

  6   ces habitants souhaitaient résider dans des territoires contrôlés par leur

  7   armée.

  8   Un exemple. Cela s'est passé à Gacice avec l'aide des

  9   organisations internationales, selon M. Kajmovic, témoin de l'accusation.

 10   Je cite :

 11   "Question (interprétation) : Au cours des interrogatoires,

 12   M. Kajmovic, avez-vous rencontré des cas où des habitants de Gacice

 13   seraient partis sous la protection des forces internationales ?

 14   Réponse (interprétation). – Oui, je dispose de certaines données

 15   qui confirment ce que point pour Gacice".

 16   M. Hayman (interprétation). – Je sais que le Procureur, à part

 17   cela, n'a proposé aucun témoignage convaincant quant à la façon dont les

 18   habitants de Gacice ont quitté Gacice. Ils ont quitté ce village. Selon

 19   les dépositions, ils ont dû partir, mais aucun témoin n'a dit comment ils

 20   sont partis. Ce dont nous disposons, c'est du témoignage de M. Kajmovic,

 21   le statisticien qui nous fournit des chiffres. Mais pour le reste, nous

 22   avons que des témoignages d'ouï-dire.

 23   Mais quoi qu'il en soit, pour quelle autres raisons les gens

 24   sont-ils partis ? Les hommes en âge de combattre, qui étaient détenus,

 25   demandaient souvent de pouvoir partir pour Zenica ou Travnik parce qu'ils


Page 23530

  1   souhaitaient rejoindre leurs unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Les

  2   familles de ces hommes demandaient en général que ces hommes aient

  3   l'autorisation de partir pour retrouver leur famille. Les mouvements, les

  4   déplacements se faisaient de façon symétrique, c'est-à-dire les Croates

  5   dans un sens, les Musulmans le sens inverse.

  6   J'aimerais que nous passions à huis clos partiel quelques

  7   instants pour présenter ce qui est peut-être l'explication la plus

  8   intéressante de la part d'un témoin entendu dans ce prétoire, le général

  9   Morillon.

 10   Audience à huis clos partiel

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

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  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   Audience publique.

  7   M. Hayman (interprétation). - Tous ces déplacements de

  8   population se sont produits en tout ou partie avec l'aide ou sous le

  9   contrôle de diverses institutions, le CICR, la Forpronu, le HCR. Nous ne

 10   disons pas que ces déplacements constituent une faute. Il est regrettable

 11   que ces déplacements de population aient été dû à la crainte, à la

 12   terreur, mais ce n'était pas un crime de laisser partir les habitants

 13   lorsqu'ils insistaient pour partir. Ce n'était pas un crime pour les

 14   organisations humanitaires internationales de favoriser ces déplacer. Et

 15   ce n'était pas un crime, y compris pour le colonel Blaskic, d'autoriser

 16   ces habitants à traverser les lignes de front, y compris pour se rendre

 17   dans une autre région.

 18   Le Procureur n'a pas prouvé, ne serait-ce qu'une fois, que le

 19   colonel Blaskic ait ordonné, accepté, ou n'ait pas agi pour empêcher des

 20   actions destinées à expulser les Musulmans bosniens de leur domicile par

 21   la violence ou l'intimidation. Bien au contraire, le colonel Blaskic a agi

 22   avec diligence pour punir et empêcher ces actes, lorsqu'ils se sont

 23   produits, de la part de certains soldats qui intimidaient des soldats

 24   musulmans de Bosnie, en leur disant de quitter les secteurs sous contrôle

 25   du HVO.


Page 23532

  1   Nous avons entendu parler d'un très grand nombre d'ordres émis

  2   par lui destinés à assurer la sécurité de la population, destinés à

  3   empêcher tout acte de violence contre les civils musulmans de Bosnie,

  4   destinés à empêcher les incendies de maisons, destinés à empêcher des

  5   soldats d'occuper des maisons abandonnées, destinés à empêcher tout actes

  6   de destruction contre des maisons, destinés empêcher les expulsions, etc.

  7   Je n'ai pas fait le compte de tous ces ordres. Vous les avez en votre

  8   possession, vous pouvez en juger.

  9   Le colonel Blaskic était-il en train de tenter de faire du mieux

 10   qu'il pouvait dans des conditions particulièrement difficiles, avec cette

 11   peur qui régnait et qui a été décrite très éloquemment, il y a quelques

 12   instants, en huis clos partiel ?

 13   Est-ce que le colonel Blaskic avait la possibilité de créer un

 14   environnement totalement sûr pour les résidents Musulmans de l'enclave de

 15   Vitez ? C'est une partie du problème. Parce qu'il n'y a pas une seule

 16   partie l'enclave qui ne se trouvait pas à quelques centaines de mètres des

 17   lignes de front. Même en plein centre de la région de Vitez, vous étiez à

 18   peine à mille mètres de la ligne de front, ce qui bien sûr est un danger.

 19   L'ensemble était une zone de guerre. La totalité de l'enclave de Vitez

 20   était une zone de guerre. A cet égard, les témoignages que nous avons

 21   entendus nous ont montré que toute personne qui pouvait partir est partie.

 22   Qui donc aurait voulu continuer à vivre dans un endroit pareil,

 23   confronté à une telle guerre ?

 24   Je voudrais maintenant consacrer 5 minutes à discuter du chef

 25   n° 14 de l'acte d'accusation : "Destruction du lieux du culte et d'objets


Page 23533

  1   du culte".

  2   Nous sommes en août 1992. Il y a un barrage routier qui se

  3   trouve à une centaine de mètres de la mosquée et aucune preuve n'a été

  4   apportée que cette mosquée a été considérablement endommagée.

  5   Quelques traces sur la mosquée, mais personne n'a jamais

  6   présenté la moindre plainte à ce sujet. A Ahmici, nous savons qui a

  7   détruit la mosquée. Nous ne défendons pas cet acte et le colonel Blaskic

  8   non plus.

  9   Ce qui est dit, c'est que le toit de la mosquée a été détruit

 10   par le camion piégé. Nous avons parlé du camion piégé. Mais, pour

 11   l'enclave de Vitez, c'est tout. Il n'y a pas d'autres édifices du culte

 12   (institutions religieuses, écoles religieuses) qui auraient été détruits

 13   dans cette enclave. C'est tout. Dans d'autres endroits, l'enclave de

 14   Kiseljak, cela a eu lieu, notamment.

 15   Mais, ce que nous vous demandons de faire, lorsque vous

 16   déterminerez la responsabilité du colonel Blaskic, eu égard à la

 17   destruction d'institutions religieuses ou éducatives, c'est de vous

 18   demander ce qu'il a fait au sujet du problème ; notamment lorsqu'il y a eu

 19   des actes de vandalisme dus à des personnes non identifiées. Il a émis des

 20   ordres précis, comme vous le voyez au point 2 de l'ordre que vous avez sur

 21   l'écran, destinés à empêcher de tels comportements de la part des soldats.

 22   Et lorsqu'il a appris que des actes de ce genre de se produisaient, vous

 23   voyez ici un ordre du 17 août 1993 qui porte sur la destruction d'un

 24   édifice religieux à Kiseljak ; et dans sa déposition il a dit l'avoir

 25   appris par des canaux officieux. Il a appris que la mosquée avait été


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  1   endommagée et, à ce moment-là, il a envoyé à Ivica Rajic cet ordre très

  2   ferme destiné à obtenir une enquête à ce sujet.

  3   Nous vous demandons également, lorsque vous le jugerez sur ce

  4   point, de faire la chose suivante : posez-vous la question et examinez les

  5   éléments de preuve à votre disposition pour déterminer si ces institutions

  6   culturelles, d'enseignement, ou institutions religieuses qui se trouvaient

  7   hors des territoires contrôlés par le HVO, mais à portée de l'artillerie

  8   du HVO, demandez-vous ce qui est arrivé à ces édifices. Parce que le

  9   docteur Kaiser, un témoin de l'accusation, par exemple, a témoigné en

 10   disant qu'il y avait de nombreux actes de vandalisme commis par des

 11   auteurs non identifiés.

 12   Si vous pensez donc à ces bâtiments qui étaient loin des lignes

 13   de front, vous savez que les vandales croates n'arrivaient pas à ces

 14   bâtiments. Vous éliminez donc le concept de vandalisme mais les

 15   militaires, les soldats du HVO auraient tout de même pu détruire

 16   l'ensemble de ces édifices par pilonnages ou autres tirs. Donc, s'il y

 17   avait une politique destinée à éradiquer les bâtiments culturels et

 18   religieux musulmans de ce secteur, les membres du HVO auraient pu le faire

 19   et l'auraient fait. Le colonel Blaskic leur aurait ordonné de le faire.

 20   Mais, l'a-t-il fait ?

 21   La question  a été posée à l'expert de l'accusation, le

 22   professeur Kaiser, et voici ce  qu'il a répondu : "La première remarque

 23   que je ferai, vous vous en souviendrez sur la base des deux premières

 24   cartes, c'est qu'à partir des positions du HVO, les dommages infligés à

 25   des mosquées sur territoire contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine,


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  1   ont été très limités."

  2   M. Hayman (interprétation). - Des dommages très limités à des

  3   édifices religieux qui auraient pu être totalement détruits par les

  4   soldats du HVO, mais qui n'étaient pas menacés par le vandalisme. Avant de

  5   demander à Me Nobilo de présenter quelques remarques finales, je voudrais

  6   remercier encore une fois les Juges, les membres du bureau du Procureur,

  7   les interprètes. Maître Nobilo  et moi-même allons bientôt quitter La

  8   Haye. Cela a été un privilège pour nous de nous exprimer devant vous,

  9   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, et notre client nous a demandé

 10   de vous dire qu'à son avis, il a pris la bonne décision en venant ici de

 11   son propre gré, il y a trois ans. Il a passé ces années en prison, mais il

 12   vous remercie pour votre patience. Il vous remercie pour la sagesse et la

 13   rigueur intellectuelle qu'il sait que vous consacrerez à la détermination

 14   de votre verdict. Je vous remercie.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président,

 16   Messieurs les Juges, nous touchons véritablement à la fin de notre procès

 17   et des réquisitions finales, en l'occurrence de la plaidoirie. Au cours de

 18   ce procès, je suppose que vous vous êtes souvent posé la question qui est

 19   de savoir si l'homme, qui était devant vous, assis ici dans ce prétoire,

 20   qui a répondu à nos questions, si cet homme a pu commettre les crimes qui

 21   lui sont reprochés. Il a passé deux années ici. Pendant plusieurs mois,

 22   lui-même a répondu aux questions. Vous avez eu l'occasion de le connaître

 23   mieux en tant qu'homme. Vous êtes des juges professionnels, vous avez pu

 24   apprécier ce qu'il était, quelles étaient ses qualités humaines.

 25   Nous avons vu déposer ici, plus de 150 témoins, 1300 pièces ont


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  1   été référencées de la part des deux parties. Ces témoins venaient d'une

  2   zone de guerre où les passions sont attisées ; ces témoins ils venaient

  3   des rangs d'une armée qui a été opposée au générale Blaskic. Ces témoins

  4   venaient d'une zone ou règnait une ambiance de guerre. Ce qui est

  5   important, très important, c'est que personne, pas un seul témoin devant

  6   vous, ne s'est exprimé en disant du mal du général Blaskic. Je pense qu'il

  7   s'agit d'une situation extraordinaire, de quelque chose d'important. En

  8   effet, ce qui s'est passé en Bosnie, c'est l'effondrement non seulement

  9   sur le plan des structures de l'Etat mais aussi du tissu social, des

 10   valeurs sociales. Dans une guerre terrible, interethnique, ce sont les

 11   fusibles sociaux qui ont disjoncté. Nombre de personne se sont dit que

 12   tout était permis.

 13   Ce sont les frontières qui s'écroulaient. Ce qui était interdit

 14   encore hier, soudain est devenue permis, pensaient certains. Dans cette

 15   ambiance, alors le général Blaskic, quant aux normes sociales d'une

 16   société civilisée  ?

 17   Quel est le premier test de son comportement, de son attitude, à

 18   savoir le respect des biens d'autrui. La bible dit : "Ne vole pas".

 19   Nombreux sont ceux qui, pris dans ce tourbillon de la guerre, ont profité

 20   matériellement mais le général Blaskic est arrivé avec une seule valise

 21   militaire à Vitez, c'est avec la même valise qu'il est reparti.

 22   Alors que l'on distribuait des appartements de l'ex-JNA, à

 23   Kiseljak, il a refusé d'accepter qu'on lui donne un appartement. Darko

 24   Kraljevic, lui-même, distribuait des appartements à Kiseljak, alors que

 25   Blaskic vivait dans son bureau et dormait derrière un paravent. C'est tout


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  1   ce qu'il avait. Quand il a entendu dire qu'il venait d'être accusé devant

  2   ce Tribunal, Blaskic a plié cette même valise militaire et il s'est rendu.

  3   Or, c'est dans un garage qu'il a reçu cet acte d'accusation parce qu'il

  4   vivait dans un garage, en dépit de sa position. Cela nous permet de voir

  5   si c'est si ces fusibles sociaux sont restés en place, chez lui, ou s'ils

  6   ont disjoncté.

  7   Le général Blaskic est accusé d'avoir participé dans un plan à

  8   grande échelle visant à purifier les Musulmans en Bosnie centrale. Ceci a

  9   donné lieu à des meurtres, des incendies, à la destruction des biens

 10   musulmans, etc.

 11   Un exemple. Il s'agit d'une lettre d'excuse ; celle-ci est

 12   rédigée le 31 janvier 1993, par le général Blaskic. Il l'envoie à

 13   M. Mustafa Agic, qui se trouve être Musulman de Vitez. Blaskic est à la

 14   tête de la zone opérationnelle de Bosnie centrale et M. Mustafa Agic n'est

 15   qu'un homme de la rue qui dispose d'une petite brasserie où il vit, lui et

 16   sa famille. Que lui écrit le général Blaskic ? Titre  : "Excuses pour

 17   causes de comportement brutal des membres extrémistes du HVO de Kiseljak".

 18   M. Blaskic dit : "Cher monsieur, j'ai été informé de la part des

 19   autorités compétentes d'un comportement destructeur de la part d'un groupe

 20   incontrôlé de soldats du HVO qui, à la date du 29 janvier 1993, ont

 21   détruit votre établissement hôtelier". Le général M. Blaskic dit que cette

 22   attitude, que ces actes des extrémistes au sein du HVO entrave la sécurité

 23   et que ces actes créent la méfiance de la part des citoyens de Kiseljak et

 24   le sentiment d'insécurité chez eux.

 25   Dans la suite, le général Blaskic dit : "Je vous promet que nous


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  1   prendrons des mesures qui s'imposent à l'encontre des auteurs de ces

  2   actes". A la fin, en s'adressant toujours à cet homme simple, qui n'a pas

  3   suscité l'attention de CNN, comme l'affirment les collègues de

  4   l'accusation qui disent que le général Blaskic ne réagit que quand la CNN

  5   diffuse quelque chose, le colonel Blaskic écrit à cet homme simple : "Je

  6   vous demande encore une fois d'accepter mes excuses pour tout ce qui à été

  7   fait de la part des extrémistes des rangs du HVO. Veuillez recevoir,

  8   etc. ; Le colonel Blaskic."

  9   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cette missive

 10   montre-t-elle que le général Blaskic fait partie d'un vaste projet visant

 11   à détruire les Musulmans, que c'est un raciste, que c'est quelqu'un qui

 12   hait et persécute les Musulmans ? Il présente ses excuses à ce citoyen

 13   parce que ce citoyen a subi des dommages de la part du HVO. Il se trouve

 14   par hasard que ce citoyen est Musulman. Nous avons donc pu présenter cette

 15   pièce et la présenter dans cette affaire, mais c'est le colonel Blaskic

 16   qui présente ses excuses à un citoyen qui a subi des dommages. C'est un

 17   geste supplémentaire qui montre quelle est l'attitude qu'adopte le général

 18   Blaskic en ces temps de guerre.

 19   Je paraphrase l'expression de l'accusation : "Le général Blaskic

 20   a laissé derrière lui la mort et les destructions et tout cela afin de

 21   créer un Etat monoethnique. Non seulement, il a pris part au plan de

 22   persécution, il était favorable à ce plan. Et ce plan comprenait

 23   l'éviction des Musulmans de Bosnie".

 24   Hier, avant-hier, quand le Procureur a prononcé ces phrases, je

 25   me suis demandé si cet homme, le Procureur y croyait réellement. Si qui


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  1   que ce soit dans le prétoire ou dans la vallée de la Lasva pouvait croire

  2   que c'est la vérité. Nous n'étions pas sur place, dans la vallée de la

  3   Lasva ; vous, vous n'étiez pas sur place non plus, moi non plus je n'étais

  4   pas là-bas, en 1993, même si j'habite très près, je ne savais même pas que

  5   la vallée de la Lasva existait.

  6   Tout ce que nous avons appris à ce sujet, nous l'avons appris

  7   grâce à la déposition des témoins et des documents qui ont été présentés

  8   ici. Que nous ont dit les témoins, de l'accusation, j'entends, cités afin

  9   d'étayer la thèse de l'accusation ? Très rapidement, et je crois pouvoir

 10   terminer à temps, je vous présenterai les dépositions.

 11   En premier lieu, Fuad Zeco, un Musulman en vue à Vitez, qui est

 12   docteur et qui était ici témoin de l'accusation. Que dit-il au sujet du

 13   général Blaskic ?

 14   "Question (interprétation) : Pouvez-vous simplement répondre par

 15   oui ou par non ? Tihomir Blaskic, à un moment quelconque, s'est-il

 16   prononcé contre les Musulmans en tant que peuple ?

 17   Réponse (interprétation) : Non."

 18   Une autre déposition de ce même témoin :

 19   "Question (interprétation) : Que pouvez-vous vous dire au sujet

 20   de ce qu'a dit Blaskic à là télévision ?

 21   Réponse (interprétation) : C'est une personne qui cherche à

 22   résoudre les problèmes qui nous sont communs, ceux de l'Etat de Bosnie-

 23   Herzégovine."

 24   Les tensions ethniques en Bosnie-Herzégovine touchent à leur

 25   apogée à ce moment-là. C'est une guerre ethnique qui va éclater.


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  1   Le témoin Roy Hunter, de l'accusation, que dit-il au sujet de

  2   M. Blaskic ?

  3   "Question (interprétation) : Vous avez dit que M. Valenta a fait

  4   part des positions qui peuvent être décrites comme favorables au partage

  5   ethnique ?

  6   Réponse (interprétation) : Oui.

  7   Question (interprétation) : A un moment quelconque, auriez-vous

  8   entendu, directement ou indirectement, que M. Blaskic ait exprimé les

  9   mêmes points de vue ?

 10   Réponse (interprétation) : Non."

 11   Payam Akhavan, témoin de l'accusation :

 12   "Question (interprétation) : Le colonel Blaskic aurait-il fait

 13   ce genre de commentaire désavantageux au sujet des Musulmans de Bosnie ?

 14   Réponse (interprétation) : Non, il était extrêmement aimable."

 15   Le témoin de l'accusation Friis Pedersen :

 16   "Question (interprétation) : Lors de vos rencontres avec le

 17   colonel Blaskic, aurait-il menacé devant le bataillon britannique, l'ECMM

 18   ou d'autres organisations internationales ?

 19   Réponse (interprétation) : Non.

 20   Question (interprétation) : Mais il a plutôt aidé ou coopéré ?

 21   Réponse (interprétation) : Oui, à chaque fois que nous avions

 22   une demande, il a toujours essayé d'aller au-devant de notre demande et de

 23   nous aider."

 24   Alister Duncan, témoin de l'accusation : citation.

 25   Question (interprétation) : Est-il correct de dire que le


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  1   colonel Blaskic n'a jamais, dans aucune conversation avec vous, parlé de

  2   Musulmans  sur la base de préjudices raciaux ?

  3   Réponse (interprétation) : Oui, c'est correct."

  4   Le témoin de l'accusation Morsink :

  5   Question (interprétation) : Vous a-t-on jamais dit que le

  6   colonel Blaskic aurait fait des déclarations enflammées ou des

  7   dépréciatives à l'encontre des Musulmans de Bosnie ? Vous est-il arrivé

  8   qu'on vous dise cela ?

  9   Réponse (interprétation) : Non."

 10   Le frère Pervan, un témoin de la défense :

 11   "Réponse (interprétation) : Je n'ai jamais entendu dire

 12   M. Blaskic quoi que ce soit de mauvais au sujet d'un groupe ethnique, quel

 13   qu'il soit. Il n'a jamais, il ne s'est jamais mal exprimé au sujet d'un

 14   membre d'un autre groupe quel qu'il soit."

 15   M. McLeod, témoin de l'accusation :

 16   "Question (interprétation) : Dans l'entretien, le colonel

 17   Blaskic a-t-il exprimé une animosité quelconque à l'encontre d'un groupe

 18   ethnique quelconque ?

 19   Réponse (interprétation) : Non, je pense qu'il me disait plutôt

 20   qu'il estimait que les gens devaient vivre ensemble."

 21   L'accusation affirme que Blaskic a donné des ordres pour que

 22   soient commis les crimes d'Ahmici. Entendons un témoin de la Chambre, le

 23   colonel Stewart.

 24   "Question (interprétation) : Aviez-vous l'impression qu'il a été

 25   choqué d'apprendre que des crimes graves ont été commis à Ahmici ou bien


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  1   était-il perturbé par le fait que ce soit vous, une personne qu'il

  2   respectait, qui lui disait cela en lui demandant de prendre des mesures,

  3   d'agir ?

  4   Réponse (interprétation) : Je pense qu'il a été troublé par ce

  5   qui s'est produit".

  6   M. Nobilo (interprétation). –  M. Stewart encore une fois :

  7   "Question (interprétation) : Dans ce document, vous dites : il

  8   m'a semblé très choqué.

  9   Réponse (interprétation) : Oui, je ne l'aurais pas écrit si je

 10   n'avais pas eu cette impression. C'était un homme raisonnable. Moi,

 11   j’étais choqué, lui aussi semblait être choqué. J’ai toujours eu cette

 12   impression au sujet de Blaskic ”.

 13   M. Nobilo (interprétation). – Et qu’enseignait-il à ses soldats

 14   le colonel Blaskic, le témoin DE :

 15   "Question (interprétation) : Chers soldats, il y a des gens qui

 16   pourraient réagir à mal en multipliant le mal sans penser aux personnes

 17   innocentes. Aujourd'hui, je m'adresse à vous et, à tout moment, je vous

 18   parlerai afin d'empêcher qu'on ne réagisse sans réfléchir. En uniforme et

 19   armé, nous ne sommes pas ici afin d'attaquer les personnes sans armes ou

 20   des prisonniers. Je vous demanderai toujours, à vous et à mes associés, de

 21   respecter cette règle humaine. Pour autant que je vive, c'est ainsi que je

 22   tâcherai d'influer sur mes subordonnés".

 23   M. Nobilo (interprétation). -  C'est ainsi que le témoin a

 24   interprété le discours de Blaskic, il l'a interprété parce qu'il a pu le

 25   noter. Il s'agit d'un discours prononcé par Blaskic avant d’envoyer ses


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  1   soldats au front.

  2   Enfin, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au moment où

  3   vous déciderez de la responsabilité penale de Tihomir Blaskic, la défense

  4   vous demande de penser à l'homme, de juger de ses actes et de ses

  5   omissions à titre individuel parce que Tihomir Blaskic est un homme

  6   d'honneur, c'est un officier d'honneur. Dès qu'il a entendu parler de cet

  7   acte d'accusation, il s'est rendu au Tribunal, il s'est présenté parce

  8   qu'il était prêt à répondre de ce qu’il a fait ou de ce qu'il a omis de

  9   faire lui-même et non pas de ce qu'il n'est pas responsable lui-même et

 10   qui relève de la responsabilité d'autres personnes. Ne jugez pas Blaskic

 11   en tant que symboles, mais en tant qu'individu.

 12   La Bosnie et, en particulier, la guerre de Bosnie et les crimes

 13   commis en Bosnie ne peuvent pas être analysés en noir et blanc. Il ne faut

 14   pas regarder cela comme des bons et des mauvais garçons qui s'opposent, où

 15   le HVO est mauvais et l'armée de Bosnie-Herzégovine est bonne. Ce n'est

 16   pas un western. Le HVO n'a pas commis le crime, le HVO n'est pas une

 17   grande organisation criminelle guidée par un grand projet criminel. Ce

 18   sont des individus qui ont commis des crimes, qui portent un nom et un

 19   prénom. Ils doivent répondre de ce qu'ils ont fait.

 20   Dans ses réquisitions, le Procureur vous demande de réagir de la

 21   manière suivante : il y a une injustice qui a été faite envers la

 22   population civile musulmane de la vallée de Lasva. Il vous demande de

 23   créer une autre injustice. Si la justice n'est pas dite, le dernier espoir

 24   s'évanouira pour cette Bosnie-Herzégovine qui a subi tant de souffrances.

 25   Je vous demande donc de prendre une décision juste et équitable,


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  1   d’acquiter le général Blaskic. La défense demande donc l'acquittement pour

  2   le général Blaskic.

  3   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la défense en a

  4   terminé avec sa plaidoirie. Nous avons cherché à vous assister dans votre

  5   tâche, qui est extrêmement difficile, celle de prendre une décision très

  6   importante. A partir de ce moment-là, nous remettons le sort de notre

  7   client entre vos mains. Nous sommes convaincus que la justice sera faite.

  8   Je vous remercie Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

  9   M. le Président. – Je vous remercie Maître Nobilo. Avant de

 10   clôturer les débats, d'abord un tout petit point technique quand même.

 11   Peut-on considérer que l'accord de l'accusation et de la défense pour

 12   purger les quelques dernières motions qui doivent encore subsister et

 13   auxquelles nous n’avons pas encore apporté réponse parce que nous

 14   estimions que c'est dans les débats tout à fait finaux. Je pense que,

 15   Monsieur Fourmy, il doit y avoir deux ou trois motions, il me semble.

 16   M. Fourmy. - Il y a, en particulier, une requête récente de la

 17   défense sous scellées pour un problème de traduction. Nous n'avons pas

 18   reçu de réponse. Je ne sais pas si c'est toujours à l'ordre du jour compte

 19   tenu de ce que les parties ont exposé.

 20   M. le Président. - Maître Hayman, souhaitez-vous, non pas que

 21   l’on en débatte maintenant, non pas en débattre puisque le débat est

 22   terminé, mais est-ce que vous y renoncez, est-ce que vous maintenez.

 23   Dites-nous cela rapidement. Cela nous donnera l'occasion de entendre une

 24   fois de plus bien que vous ayez dit que vous ne reprendriez plus la parole

 25   dans cette enceinte.


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  1   M. Hayman (interprétation). - Je comprends parfaitement,

  2   Monsieur le Président. Il y a une erreur de traduction, nous demanderions

  3   simplement que ceci soit renvoyé au service de traduction pour toute

  4   correction éventuelle et que toute copie corrigée soit remise au dossier.

  5   La question sera ainsi réglée.

  6   M. le Président. - Pas d’opposition de la part du Procureur,

  7   n’est-ce pas ?

  8   M. Harmon (interprétation). – Nous n’avons pas participé à la

  9   rédaction de cette requête. Pas d’objection, Monsieur le Président.

 10   M. le Président. - Je voulais simplement que le débat soit

 11   clair. Nous pouvons considérer que le débat est complètement purgé, qu’il

 12   n’y a plus de motions en cours auxquelles nous aurions à répondre. Nous

 13   sommes d'accord, Maître Hayman  ?

 14   M. Hayman (interprétation). - Oui, mais cette requête n'était

 15   pas formulée ex parte. Je pense que l’accusation doit l’avoir reçue, d’en

 16   disposer dans son dossier. Si elle n’a pas d’exemplaire, peut-être que le

 17   greffe pourra les aider à cet égard.

 18   M. le Président. - Je vais prenoncer la clôture.

 19   C’est vrai que nous avons… ; nous sommes au bout d'une longue

 20   navigation. Je le dis pour le public qui est là peut-être nombreux

 21   aujourd’hui mais qui ne l’a pas toujours été. Il faut bien le comprendre

 22   parce que nous avons parcouru 25 mois de procès, un peu plus même je

 23   crois. J'ai essayé de regarder quelques chiffres, comme Me Nobilo. Je sais

 24   que nous avons à lire 30 000 pages de transcript. Nous avons accompli

 25   223 journées d'audience, nous avons  entendu 158 témoins pour accomplir,


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  1   finalement, ce qui est une oeuvre à la fois humaine et en même temps

  2   complexe : celle de juger un homme.

  3   Avant de vraiment clôturer les débats, je voudrais remercier mes

  4   collègues. Je vais avoir une pensée toute particulière pour le Juge Riad,

  5   aujourd’hui dans le public et qui a pu voir sur les écrans, victime d'une

  6   indisposition relativement grave et qui a dû nous quitter. Je remercie en

  7   même temps les parties et l'accusé qui ont été d'accord pour le remplacer.

  8   Ce n'était pas évident. Cela nous a permis de poursuivre cette longue

  9   navigation.

 10   Concevez, bien sûr, que je remercierai tout particulièrement le

 11   Juge Almiro Rodriguez qui, bien sûr, n’avait pas encore 30 000 pages de

 12   transcript, mais il en a quand même eu 18 000 à lire à ce moment-là. Je le

 13   remercie donc tout particulièrement de la manière, tel que nous le

 14   connaissons, plein de conviction, avec laquelle il s’est immédiatement

 15   inséré.

 16   Je voudrais remercier les avocats. Vous avez fait preuve non

 17   seulement de grands sens, de compétence, d’un grand sens professionnel

 18   mais je vous remercie aussi d'avoir conservé à ce débat non seulement la

 19   compétence juridique, mais également une très grande hauteur de vue, une

 20   très grande courtoisie entre vous ; ce qui n'empêchait pas les échanges

 21   parfois vifs, mais toujours emprunts d’un très grand respect les uns par

 22   rapport aux autres. C’est tout à fait normal dans toute enceinte de

 23   justice et tout particulièrement dans une enceinte de justice

 24   internationale comme celle-là.

 25   Bien sûr, je n'oublierais pas nos amis interprètes et les


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  1   sténotypistes qui transcrivent tous nos débats et sans lesquelles nous

  2   n’aurions pas pu faire grand-chose. Je remercie même les miracles de la

  3   technique, de la régie. Tout à l’heure, j'ai pu m'entendre parler un

  4   anglais absolument parfait…, c'est pour moi une grande récompense au terme

  5   de ces longues journées de débat.

  6   Je voudrais dire et souligner que l'accusé a toujours un

  7   comportement exemplaire. Ceci contribue à ce que le débat puisse être

  8   clair et permettre aux Juges de statuer dans la sérénité.

  9   Vous comprenez aussi que je ne peux pas vous donner aujourd'hui

 10   la date où sera rendue la décision. Je peux simplement vous dire que les

 11   Juges de cette Chambre vont, après quelques jours de vacances, se plonger

 12   dans tout cela et essayer de vous rendre et de rendre au général Blaskic

 13   une décision dans les meilleurs délais. Bien entendu, M. Fourmy vous

 14   tiendra au courant de la date exacte.

 15   A tous ceux qui sont nombreux dans cette enceinte vont prendre

 16   quelques jours de vacances, de congé bien mérités, je voudrais leur dire

 17   que nous les accompagnions, mes collègues et moi, dont je me fais

 18   l’interpète, dans ces vacanceds bien méritées.

 19   Je remercie l'ensemble des acteurs de ce grand procès qui se

 20   termine aujourd'hui.

 21   L’audience est levée à 17 heures 30.

 22  

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