Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 18 février 2008

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, bonjour Madame. J'aimerais

6 vous rappeler que la déclaration solennelle que vous avez prononcée en

7 début de déposition est toujours valable.

8 LE TÉMOIN: VESNA DOREVSKA [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Issa, je vous en prie.

11 Mme ISSA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

12 Madame, Messieurs les Juges, bonjour.

13 Interrogatoire principal par Mme Issa : [Suite]

14 Q. [interprétation] Et bonjour, Madame.

15 R. Bonjour.

16 Q. Vendredi, nous nous sommes interrompues au moment où j'allais passer à

17 un autre sujet. Et je crois comprendre, Madame Dorevska, qu'afin que

18 quelque chose soit reconnu comme tel par le droit, il faut que cela soit

19 exprimé expressis verbis par la législation. C'est ce que vous nous avez

20 dit. Est-ce que vous continuez à maintenir ce point de vue ?

21 R. Oui, tout à fait.

22 Q. Donc, si quelque chose n'est pas exprimé expressis verbis dans un texte

23 législatif, s'il n'y a pas donc de fondement, cela signifie qu'il n'y a pas

24 de fondement à votre avis ?

25 R. Oui. Toutes les obligations et tâches du ministre doivent être

26 énumérées par la législation.

27 Q. Je suppose que vous avez toujours votre exemplaire de la Loi relative

28 aux affaires intérieures.

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1 Mme ISSA : [interprétation] Je souhaiterais en fait que le premier classeur

2 de l'Accusation soit distribué, je vous prie.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En attendant ou pendant que cela soit

4 fait, j'aimerais dire que pour ce qui est de la première page, ligne 10, je

5 pense que Madame Issa, vous avez bien appelez Mme Dorevska, mais sur le

6 compte rendu d'audience, il se trouve que votre nom semble être celui de M.

7 Stojanovski.

8 Mme ISSA : [interprétation]

9 Q. Madame Dorevska, je souhaiterais vous demander de bien vouloir prendre

10 l'intercalaire 7 de ce classeur ou de ce document, et là vous y trouverez

11 un exemplaire de la législation relative aux affaires intérieures, il

12 s'agit du document P86.

13 Vous l'avez trouvé ?

14 R. Oui, je l'ai trouvé.

15 Q. Alors, j'aimerais en fait que nous examinions la page N000-8965, c'est

16 pour la version anglaise, et pour la version macédonienne, il s'agit en

17 fait de l'article 13, Madame Dorevska.

18 Vous voyez, cela se trouve au milieu de la page.

19 Vous voyez, c'est article 13 ?

20 R. Oui, oui, je vois.

21 Q. Alors, au milieu de la page, nous voyons que nous avons un titre ou un

22 intitulé, directorat pour la sécurité et le contre-renseignement, et là il

23 y a un certain nombre de dispositions ou de clauses; est-ce exact ?

24 R. Oui, oui, c'est exact.

25 Q. L'article 13 stipule ou décrit plutôt les activités qui sont les

26 activités du contre-renseignement et de la sécurité; est-ce exact ?

27 R. Oui, c'est exact.

28 Q. Et en dessous, nous voyons à la fin de l'article 13, qu'il est dit, et

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1 je cite que : "Le directorat est géré par un directeur", et il s'agit en

2 fait du directeur responsable de la sécurité et du contre-renseignement

3 visiblement, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, c'est bien exact.

5 Q. Puis nous voyons que l'article 13, qui est l'article auquel vous avez

6 fait référence lors de l'interrogatoire principal, fait référence au

7 directeur, à savoir le directeur pour la sécurité et le contre-

8 renseignement, qui est indépendant et qui mène à bien ses activités et qui

9 présente ses rapports au ministre et au gouvernement de la République de

10 Macédoine; est-ce exact ?

11 R. Oui.

12 Q. Je veux juste obtenir cette précision, et j'aimerais que vous tourniez

13 la page pour trouver donc la page suivante, et nous voyons que nous avons

14 là l'article 17, qui me semble-t-il est un article auquel vous avez fait

15 référence lors de votre interrogatoire principal, qui fait référence à la

16 supervision. Voyez d'ailleurs que le titre est supervision du travail et du

17 directorat, et là il s'agit à nouveau du directeur et du directorat de la

18 sécurité et du contre-renseignement, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, Oui. Il s'agit du bureau responsable de la sécurité et du contre-

20 renseignement, effectivement.

21 Q. Donc, vous êtes d'accord avec moi, Madame Dorevska, pour dire qu'il n'y

22 a pas de disposition dans cette loi qui fait référence de façon précise au

23 bureau de la sécurité publique, tout comme le bureau responsable de la

24 sécurité et du contre-renseignement est mentionné. Est-ce exact ?

25 R. Oui, c'est exact. Mais il y a une raison qui explique cela. Cette loi a

26 été adoptée en 1985, année où le bureau responsable de la sécurité publique

27 n'existait pas en tant qu'organe au sein du ministère.

28 Q. Bien. Et cela, vous l'avez expliqué lors de votre interrogatoire

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1 principal, mais il n'y a pas de disposition qui prévoit que le bureau

2 chargé de la sécurité publique, puisqu'il est indiqué à l'article 17 que le

3 parlement de la République de Macédoine supervise le travail du directorat,

4 mais il n'est pas question de supervision du travail du bureau, par

5 exemple, puisque là il est question d'une commission qui assure cette

6 supervision, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, c'est exact. Toutefois, le parlement ne supervise pas les travaux

8 du bureau de la sécurité publique. En 2001, le parlement par l'entremise de

9 la commission se contentait de superviser seulement le travail de la

10 sécurité publique pour la sécurité et le contre-renseignement.

11 Q. Donc en 2001, le parlement ne supervisait pas le travail de la sécurité

12 publique, n'est-ce pas ?

13 R. Cette disposition n'existe pas parce qu'il y a une commission qui

14 supervise seulement le travail du bureau de la sécurité et du contre-

15 renseignement. Il n'y a pas de commission parlementaire au sein du

16 parlement qui supervise le travail du bureau de la sécurité publique, ce

17 qui ne signifie pas pour autant que le parlement ne suit pas les travaux de

18 ce bureau.

19 Q. Bien. Madame Dorevska, en 2001, est-ce que vous ne vous ne seriez pas

20 attendu à ce qu'il y a un amendement à la Loi relative aux affaires

21 intérieures pour que le bureau de la sécurité publique soit prise en

22 considération et pour qu'elle puisse continuer à œuvrer de façon

23 indépendante ?

24 R. Oui, je suis d'accord avec vous. Des dispositions d'ordre juridique

25 auraient être prises, et d'ailleurs il y a des initiatives qui ont été

26 prises à ce sujet pour la rédaction de cette disposition. Malheureusement,

27 cela était fait plus tard en 2003, tout comme d'ailleurs cela était énuméré

28 ici, et le travail a été fait pour ce qui est de la supervision du travail

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1 de la sécurité publique.

2 Q. Bien. Vous venez donc de nous indiquer que pour ce qui est du bureau de

3 la sécurité publique, il est indiqué que ce bureau fait son travail de

4 façon indépendante et redevable et responsable auprès du ministre et du

5 gouvernement, et tout cela était fait en 2003 ? C'est ce que vous nous

6 dites ?

7 R. Non, non. Non. En 2003, des amendements ont été apportés à la Loi

8 relative aux affaires intérieures. Toutefois, en 2000, comme je vous l'ai

9 déjà indiqué, la loi de base a été adoptée pour l'organisation et le

10 travail des organes de l'administration publique, ce qui a permis de créer

11 l'organe de la sécurité publique en tant qu'organe au sein du ministère, et

12 ainsi l'indépendance du directorat a été établie. Je l'avais d'ailleurs

13 déjà dit, cela a été fait en 2001, puis il y a eu le règlement relatif à

14 l'organisation qui a été adopté, qui ainsi l'indépendance du directeur a

15 été très clairement indiquée.

16 Q. Nous aborderons la question du règlement un peu plus tard, Madame

17 Dorevska. Mais si l'intention des rédacteurs était de traiter ou de faire

18 en sorte que soit respecté l'indépendance du bureau de la sécurité

19 publique, tout comme cela était le cas pour le bureau du contre-

20 renseignement et de la sécurité, ne pensez-vous pas qu'un amendement aurait

21 pu être adopté avant l'année 2003, amendement à la Loi relative aux

22 affaires intérieures, parce que comme vous nous avez dit, il s'agissait

23 d'une loi organique, lexis specialis plutôt, alors que la Loi relative à

24 l'organisation des organes gouvernementaux est une loi organique ?

25 R. Oui, justement. Il y a des amendements qui visent, qui appartiennent à

26 d'autres choses, mais il faut savoir que la procédure qui permet de faire

27 adopter une loi est assez complexe et longue, ce qui fait que le problème

28 du bureau de la sécurité publique a été réglé de façon différente par une

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1 loi statutaire, jusqu'à ce que l'amendement devienne une réalité.

2 Q. Vous faites référence à une loi statutaire. Vous l'avez vue ? Vous

3 faites référence plutôt à un règlement. Vous l'avez vu ?

4 R. Oui, il s'agit du règlement relatif au travail et à l'administration du

5 ministère de l'Intérieur.

6 Q. Bien. Nous allons justement examiner ce règlement, qui se trouve à

7 l'intercalaire 2 de votre classeur, que j'aimerais que vous examiniez

8 maintenant. Alors, Madame Dorevska, pouvez-vous m'indiquer où il est écrit

9 dans ce règlement que le directeur du bureau de la sécurité publique exerce

10 ses fonctions de façon indépendante ?

11 R. Je m'excuse, il est seulement indiqué ici que le ministre est le

12 directeur, alors que pour ce qui est de l'indépendance, cela fait l'objet

13 de l'article 50, qui régit l'organisation, le travail de l'administration

14 publique.

15 Q. Alors, aux fins du compte rendu d'audience, vous faites référence à la

16 loi organique, la loi relative à l'organisation, à savoir cette loi qui

17 fait l'objet du document P92. C'est ce que vous êtes en train de nous dire

18 ? Pour que nous comprenons tous bien.

19 R. Oui, oui, c'est cela. Je vois le règlement ainsi que la loi. Je les

20 vois en fait -- ce sont des textes qu'il faut utiliser en parallèle.

21 Q. Mais vous conviendrez avec moi que l'article 50 de cette autre loi fait

22 référence au directeur du ministère, il n'est pas question expressis verbis

23 du bureau de la sécurité publique. Ce sont des mots qui ne sont pas

24 mentionnés, n'est-ce pas ?

25 R. Non, mais il fait référence à tous les directeurs qui font partie du

26 ministère. Donc, il s'agit d'une disposition en général qui vise toutes les

27 personnes qui sont directeurs au sein du ministère.

28 Q. Mais Madame Dorevska, comment se fait-il alors que des tentatives ont

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1 été faites pour harmoniser la Loi relative aux affaires intérieures, et je

2 pense à cette loi systémique, pourquoi est-ce que cela n'a pas été fait en

3 2001 ?

4 R. Mais je vous l'ai déjà dit, je vous l'ai déjà expliqué. Je vous ai dit

5 que des efforts ont été déployés pour préparer cela. Toutefois, il y avait

6 de nombreuses autres dispositions qu'il fallait amender. Je vous dirais que

7 cette loi de l'année 1995 est toujours en vigueur à l'heure actuelle. Il y

8 a encore des dispositions qui ne sont pas entièrement harmonisées, mais

9 nous sommes toujours en train de travailler à cette harmonisation.

10 Q. Donc ce que vous nous dites, en d'autres termes, c'est qu'il se peut

11 qu'il y ait, en fait, des vides juridiques qui n'ont pas encore été

12 harmonisés avec les règlements et règles de la Loi pour les affaires

13 intérieures ou avec d'autres règles et règlements, d'ailleurs, du ministère

14 de l'Intérieur. C'est cela que vous nous dites ?

15 R. Ecoutez, peut-être que dans certains cas c'est exact, mais vous avez

16 l'existence d'une loi systémique qui règle le problème de l'indépendance du

17 directeur, et cela est suffisant pour lui octroyer cette indépendance dans

18 le cadre de ses fonctions.

19 Q. Oui, mais, sauf qu'il n'y a pas véritablement de détails relatifs au

20 contrôle, à la supervision du directeur en question ? Il n'y a pas de

21 disposition qui porte là-dessus, si je ne m'abuse, je pense au directeur de

22 la sécurité publique ?

23 R. Il y a des dispositions pour la Loi relative au travail et à

24 l'organisation. Il y a la loi qui indique que pour ce qui est de la

25 supervision des instances et des organes du ministère, que cela est

26 effectué par le gouvernement.

27 Q. Oui, mais il est également indiqué que cela est effectué par le

28 ministère, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui, au sens de la supervision du travail, lorsque l'on pense à la

2 supervision du travail, il est évident que le ministre a tout à fait le

3 droit de superviser le travail effectué par le ministère au sein de ce

4 ministère.

5 Q. Bien. J'aimerais maintenant vous demander de passer à un autre thème.

6 Et Madame Dorevska, puisque nous avons le document 1D107, j'aimerais vous

7 demander de bien vouloir prendre la toute dernière page du document 1D107.

8 Mme ISSA : [interprétation] Il s'agit de l'organigramme, et je dirais pour

9 ce qui est du prétoire électronique, qu'il s'agit de la pièce 1D00-4415.

10 Q. Cet organigramme montre que les OVR étaient placés sous le contrôle et

11 pouvoir des secteurs. Est-ce exact ?

12 R. Les OVR étaient des unités organisationnelles qui font partie des

13 secteurs du ministère de l'Intérieur, donc des SVR.

14 Q. Bien, et ils sont placés sous le contrôle des SVR, n'est-ce pas, des

15 secteurs; est-ce exact ?

16 R. Oui, oui. C'est exact.

17 Q. Et au-dessus des secteurs, et je pense à la chaîne de commandement,

18 vous avez les deux chefs de la police, donc le chef de la police en

19 uniforme et le chef de la police judiciaire; est-ce exact ?

20 R. Oui, pour ce qui est du travail opérationnel.

21 Q. Bien. J'aimerais maintenant que nous prenions la pièce 1D00-4414, il

22 s'agit juste de la page précédente, toujours le document 1D107. Donc vous

23 voyez qu'au-dessus du chef de la police en uniforme et du chef de la police

24 judiciaire, vous avez le chef de la sécurité publique; est-ce exact ?

25 R. Oui.

26 Q. Si vous regardez l'organigramme, vous avez au-dessus du directeur de la

27 sécurité publique, vous voyez que vous avez le ministre; est-ce exact ?

28 R. Oui.

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1 Q. Et lors de votre déposition lors de l'interrogatoire principal, vous

2 avez expliqué qu'une partie de la police judiciaire et de la police en

3 uniforme effectuait le travail opérationnel qui fait l'objet de l'article

4 premier de la Loi relative aux affaires intérieures; est-ce exact ?

5 R. Oui, c'est exact.

6 Q. Vous avez décrit avec moult détail, vous avez dit que le travail

7 opérationnel inclut le maintien de l'ordre public, le contrôle de la

8 circulation routière. Vous avez dit que cela incluait des poursuites, la

9 procédure au pénal, la poursuite des auteurs de crimes, délits et

10 infractions, enfin, tout ce qui s'inscrivait dans le cadre des tâches

11 opérationnelles au sein du ministère.

12 R. Il ne s'agit pas du travail général du ministère, mais du travail qui a

13 trait au travail du bureau de la sécurité publique.

14 Q. Donc ce que vous êtes en train de nous dire, en d'autres termes, c'est

15 qu'en fin de compte, le travail opérationnel est dirigé par le bureau

16 chargé de la sécurité publique; est-ce exact ?

17 R. Oui. Le directeur du bureau de la sécurité publique est la première

18 personne qui contrôle et supervise le travail opérationnel.

19 Q. Donc si 9 000 personnes dont vous avez parlé et qui font partie du

20 ministère, dont certains font un travail opérationnel, sont finalement, en

21 fin de compte, redevables et responsables devant le directeur du bureau de

22 la sécurité publique; est-ce exact ?

23 R. Non, ce n'est pas le cas. Chaque employé est responsable et redevable

24 devant son directeur, lequel directeur est responsable vis-à-vis de son

25 supérieur, et ainsi de suite jusqu'à la fin de la voie hiérarchique.

26 Q. Donc ce que vous nous dites, c'est que les chefs des OVR sont

27 responsables vis-à-vis des chefs des SVR, n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Donc les chefs des secteurs ou des SVR sont responsables vis-à-vis du

2 département de la police en uniforme et de la police judiciaire, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Dans ce cas, ces unités ont des fonctions de coordination vis-à-vis des

5 SVR lorsqu'il est question d'exécuter des tâches opérationnelles.

6 Q. Mais ce que je voulais savoir, c'est si les chefs des SVR, donc des

7 secteurs, sont responsables et redevables vis-à-vis du chef de la police en

8 uniforme ou du chef de la police judiciaire ?

9 R. Directement, non.

10 Q. Est-ce que vous n'avez pas dit que le chef du SVR, en règle générale, a

11 des liens avec le chef de la police judiciaire ou le chef de la police en

12 uniforme ?

13 R. Non, mais ils ne sont pas responsables directement. Il y a une

14 coordination pour ce qui est des actions. Lorsque l'on parle de la fonction

15 opérationnelle, il est évident que le département chargé de la police en

16 uniforme et de la police judiciaire a une fonction de coordination.

17 Q. Est-ce qu'ils sont, de façon indirecte, responsables ou redevables vis-

18 à-vis du chef de la police judiciaire et de la police en uniforme ?

19 R. Oui, d'une certaine façon, oui.

20 Q. Mais le chef du SVR, de qui relève-t-il ?

21 R. Il est responsable devant le directeur de la sécurité publique plutôt.

22 Q. Vous nous dites que le chef du SVR relève directement du chef de la

23 sécurité publique ? Parce que là je suis en train d'essayer de bien

24 comprendre ce que vous êtes en train de nous dire.

25 R. Oui. Oui, il est responsable devant le directeur et il y a un lien avec

26 la police judiciaire et la police en uniforme et avec d'autres

27 organisations qui font partie du bureau et qui sont sous l'autorité directe

28 du ministre suivant le secteur concerné.

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1 Q. Et donc, le directeur est responsable devant le ministre, c'est bien ce

2 que vous nous avez dit ?

3 R. Oui, bien sûr.

4 Q. Est-ce que le directeur de la sécurité publique, Madame Dorevska, peut

5 mener à bien des fonctions ou des missions opérationnelles de son propre

6 chef ?

7 R. Non.

8 Q. Le directeur peut-il procéder à une enquête sur une affaire criminelle

9 ou réunir des éléments de preuve ou déposer un rapport, une plainte ?

10 R. Non. Le directeur est un responsable chargé de la coordination du

11 travail au sein du bureau de la sécurité publique. C'est la raison pour

12 laquelle il y a d'autres secteurs, d'autres départements qui sont chargés

13 des missions opérationnelles. Mais le rôle du directeur c'est de coordonner

14 les activités de tous, et de prendre des décisions au moment de la

15 coordination.

16 Q. Mais mettons que le directeur ait connaissance d'un crime au poste de

17 police de Bit Pazar, par exemple, est-ce qu'à ce moment-là, il ne peut pas

18 déposer un rapport en conséquence ou demander au chef de l'OVR de procéder

19 à une enquête sur ces faits ?

20 R. Non, il ne peut pas déposer de plainte ou de rapport parce qu'il y a

21 des employés opérationnels qui sont chargés de réunir les éléments et de

22 préparer un tel rapport. Si le directeur devait déposer lui-même ce genre

23 de rapports, à ce moment-là les employés opérationnels n'auraient

24 strictement rien à faire.

25 Q. Est-ce que vous êtes en train de nous dire donc, qu'un directeur ne

26 peut jamais déposer lui-même une plainte ou un rapport au pénal ?

27 R. Je ne connais aucune situation ou cas de figure où le directeur aurait

28 pu déposer ou non tel rapport, parce que je ne me suis jamais occupée de la

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1 branche organisationnelle. Il me semble que son travail consiste à

2 coordonner le travail de tout le monde, à donner des orientations, et à

3 faire en sorte que les chefs de service et leurs collaborateurs réalisent

4 le travail qui est prévu par leurs contrats, et je parle ici de missions

5 opérationnelles.

6 Q. Pièce 1155 sur la liste 65 ter, s'il vous plaît, dans le système de

7 prétoire électronique. Donc, dans votre classeur, Madame Dorevska, ceci se

8 trouve à l'intercalaire 29.

9 Vous avez trouvé le document concerné, l'intercalaire concerné ?

10 R. Oui.

11 Q. Quatrième page, s'il vous plaît -- ou plutôt première page.

12 R. Oui, j'ai trouvé.

13 Q. Je vois que vous êtes en train de feuilleter le rapport, mais si vous

14 me permettez, j'aimerais qu'on procède par ordre. Première page, on voit

15 qu'il est écrit ici plainte au pénal en date du 27 [comme interprété]

16 juillet 2001. Ça vient du ministre de l'Intérieur et c'est adressé au

17 procureur général. Est-ce que vous voyez cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Il s'agit d'une plainte qui est déposée contre Ali Ahmeti. Est-ce que

20 vous voyez cela sur la première page ?

21 R. Oui.

22 Q. Si vous passez à la deuxième page, vous constaterez qu'il s'agit de

23 charges qui concernent Veliu Fazli. Est-ce que vous voyez cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Et à la troisième page et dans les pages suivantes, vous voyez qu'il

26 s'agit d'une plainte qui concerne des faits reprochés à Gazim Ostreni, et

27 cetera.

28 R. Oui.

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1 Q. Et il s'agit là de membres de l'ALN, n'est-ce pas ?

2 R. Je l'ignore.

3 Q. Bien. Veuillez, s'il vous plaît, trouver la page N001-0778.

4 Vous avez ici une proposition au procureur lui demandant, lui proposant

5 d'engager les procédures pénales au titre des faits qui sont énumérés ici,

6 autres les intéressés.

7 R. Oui, je vois cela.

8 Q. Veuillez, je vous prie, consulter la toute dernière page du document.

9 Cette plainte a été déposée par Goran Mitevski qui, à l'époque, était le

10 directeur du bureau de la sécurité publique. Nous parlons de l'année 2001,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Il est donc possible, Madame Dorevska, que le directeur du bureau de la

14 sécurité publique intente des poursuites au pénal, n'est-ce pas ?

15 R. Je n'ai pas dit catégoriquement que le directeur ne pouvait pas ou ne

16 devait pas déposer de documents de ce type. D'après le document que vous me

17 montrez, je peux simplement conclure qu'il s'agit d'un cas bien

18 particulier, et que le service avait sans doute décidé que le mieux était

19 que ce soit le directeur en personne du bureau qui était le chef, donc, de

20 signer ce document.

21 Q. Mais, est-ce que la raison ne se trouve pas dans le fait qu'il s'agit

22 d'une plainte déposée contre les dirigeants de l'ALN ?

23 R. Non, je ne pense pas.

24 Q. Vous n'avez jamais entendu parler des membres dirigeants de l'Armée de

25 libération nationale, Madame ?

26 R. Oui, bien entendu que j'ai entendu parler des personnes dont les noms

27 figurent dans ce document.

28 Q. Vous en avez entendu parler dans un contexte touchant à l'ALN, n'est-ce

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1 pas ?

2 R. Oui, j'en ai entendu parler.

3 Q. Vous savez donc qu'il s'agit ici de plaintes au pénal qui sont déposées

4 contre des dirigeants de l'ALN par Goran Mitevski, n'est-ce pas ?

5 R. Je n'ai pas lu le document, donc je ne sais pas ce qui y figure. Nous

6 examinons simplement ce document en tant que document à caractère

7 juridique.

8 Q. Oui, mais vous avez examiné les noms, les noms des suspects à qui un

9 certain nombre de faits sont reprochés. Vous avez dit les reconnaître, vous

10 avez dit, n'est-ce pas et vous le saviez que c'étaient des membres de

11 dirigeants dans l'ALN, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, il y a certaines de ces personnes dont j'ai entendu parler, mais

13 je n'ai pas pris connaissance de la totalité de ce document. Je ne sais pas

14 non plus pourquoi cette plainte a été déposée.

15 Q. Madame Dorevska, il y a quelques minutes vous nous avez expliqué que le

16 directeur avait sans doute déposé cette plainte parce que c'était une

17 question un peu particulière ou d'importance particulière, n'est-ce pas ?

18 R. C'est simplement une supposition de ma part. Franchement, je n'ai

19 strictement aucune expérience dans le domaine des plaintes déposées par le

20 bureau chargé de la sécurité publique.

21 Q. Oui, mais vous étiez à la tête du service juridique, Madame Dorevska.

22 Comment auriez-vous pu ignorer que le directeur avait déposé une plainte de

23 la sorte ?

24 R. Le travail de mon service n'a pas trait au dépôt de plaintes pénales,

25 ça n'a rien à voir avec cela.

26 Q. Oui, mais est-ce qu'on ne peut pas s'attendre à ce que vous connaissiez

27 les règles ? Vous venez de nous expliquer ce qu'il en est de l'organisation

28 opérationnelle, qui est habilitée à déposer des plaintes, à réunir des

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1 éléments de preuve, et cetera. Vous nous avez expliqué tout cela.

2 R. Oui, bien sûr qu'en tant que juristes nous avons des connaissances de

3 base, mais nous n'avons pas de rapport direct avec les secteurs

4 opérationnels et à la manière dont ils s'acquittent de leur mission.

5 Q. Madame Dorevska, nous avons ici le directeur qui s'implique

6 personnellement dans une question de la plus haute importance, on voit que

7 c'est lui-même qui dépose cette plainte. Est-ce que dans ces conditions on

8 ne pourrait pas s'attendre à ce que le ministre aussi soit mis au courant ?

9 R. Je ne peux pas vous répondre dans un sens ou dans un autre, parce que

10 je l'ignore totalement.

11 Q. Mais vous n'êtes pas en train de suggérer que le ministre n'a pas été

12 impliqué ou, du moins, mis au courant de ce fait, de ces charges

13 extrêmement graves que l'on reproche à des membres, des dirigeants de

14 l'ALN, n'est-ce pas ?

15 R. Je vais répéter ce que j'ai déjà dit : j'ignore quels en était les

16 contacts, j'ignore s'il y a eu des rapports envoyés au ministre. Je ne peux

17 me prononcer ni dans un sens ni dans l'autre.

18 Q. Il y a quelques minutes, Madame Dorevska, vous nous avez dit que vous

19 ignoriez quelles questions opérationnelles, dans quel domaine opérationnel

20 le directeur pouvait être impliqué. Est-ce que vous n'étiez pas là pour

21 conseiller juridiquement ces directeurs ? Est-ce que ça ne faisait pas

22 partie de vos fonctions ?

23 R. Non, ça n'a strictement rien à voir avec mes fonctions.

24 Q. Est-ce que vous fournissiez un conseil juridique au ministre ?

25 R. Oui. Oui, mais dans mon domaine de spécialisation, dans le domaine dont

26 je m'occupe.

27 Q. Est-ce que le ministre est susceptible d'intervenir dans certains

28 domaines sans que vous le sachiez ?

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1 R. Oui, c'est possible, je ne sais pas.

2 Q. Madame Dorevska, pensez-vous que le ministre aurait pu être intéressé,

3 impliqué dans d'autres questions portant ou concernant les dirigeants de

4 l'ALN ?

5 R. Je ne sais pas.

6 Q. Madame Dorevska, êtes-vous au courant des questions des domaines à

7 caractère opérationnel, pour reprendre votre propre terme, dans quel

8 domaine à caractère opérationnel le ministre peut-il s'impliquer ?

9 R. Très franchement, je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre

10 question.

11 Q. Est-ce que vous avez connaissance des domaines dans lesquels le

12 ministre est susceptible d'intervenir, je parle de domaines d'activités à

13 caractère opérationnel ?

14 R. En tous cas, pas en ce qui concerne les questions à caractère

15 opérationnel. Mais plutôt pour ce qui concerne les activités de

16 coordination et de surveillance de la fonction opérationnelle, en tant que

17 ministre, il est tenu d'être informé de tout cela.

18 Q. Donc vous convenez avec moi que le ministre avait pour obligation, pour

19 devoir, d'être informé de tout ce qui avait trait aux activités

20 opérationnelles, il devait suivre et coordonner tout cela ?

21 R. Oui. Le ministre est chargé de gérer tout cela, et bien entendu qu'il

22 doit être informé par les directeurs ainsi que par les hauts responsables

23 des activités qui sont entreprises.

24 Q. Et pourquoi est-il important que le ministre soit informé de ces

25 activités ?

26 R. C'est parce qu'il est le ministre de l'Intérieur.

27 Q. D'accord. Non, non, poursuivez.

28 R. Il est également membre du gouvernement et, bien entendu, il a pour

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1 obligation d'informer le gouvernement de ce qui se passe dans le domaine

2 des affaires intérieures.

3 Q. En tant que ministre, il est responsable de toutes ces questions,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Responsable dans quel sens ?

6 Q. Mais vous nous dites à l'instant qu'il est ministre, et qu'en tant que

7 tel il doit être informé des activités opérationnelles, il a pour mission

8 de les surveiller, de les superviser, de les coordonner, et cetera. Donc,

9 en dernière analyse, c'est lui qui est responsable, c'est lui le

10 responsable en tant que ministre ?

11 R. Le ministre est un homme politique, il a donc des responsabilités à

12 caractères politiques.

13 Q. Vous êtes donc en train de nous dire qu'en tant qu'homme politique il

14 doit malgré tout intervenir dans des domaines à caractère opérationnel,

15 parce qu'il est ministre et qu'en tant que tel, il doit gérer les activités

16 du ministère. Est-ce bien exact ?

17 R. Certes, mais il n'a pas à mener à bien les missions opérationnelles, il

18 doit simplement recevoir les informations pertinentes.

19 Q. Oui, mais il y a quelques instants encore, Madame Dorevska, vous nous

20 avez indiqué que le directeur, selon vous, ne pouvait pas être impliqué

21 dans des activités à caractère opérationnel. Or, nous venons de voir un

22 exemple du contraire. N'est-il pas possible que vous ne soyez tout

23 simplement pas informée de ce qui se passe au niveau du ministre, de la

24 possibilité pour lui d'intervenir ou non dans les activités et fonctions à

25 caractère opérationnel ?

26 R. Je sais que le ministre ne peut pas, ne doit pas être impliqué dans le

27 travail opérationnel en tant que tel. Il doit être informé de ce qui se

28 passe, c'est tout.

Page 9541

1 Q. Est-ce que le ministre donne des consignes sur la base des informations

2 qu'il reçoit ?

3 R. A quoi faites-vous référence ? Aux activités opérationnelles ou parlez-

4 vous de manière plus générale ?

5 Q. Je parle des activités opérationnelles.

6 R. Je ne suis vraiment pas impliquée là-dedans. Je n'ai jamais vu ce type

7 de consigne, et puis même si on admet qu'elles existent, jamais je ne

8 serais susceptible de les recevoir.

9 Q. Donc il est possible, à ce que vous venez de dire, que vous

10 n'intervenez pas du tout là-dedans, mais il est quand même possible que le

11 ministre donne des consignes qui portent sur le volet opérationnel des

12 activités du ministère ?

13 R. Non, c'est un domaine dans lequel je n'interviens absolument pas, et je

14 ne pense pas que le ministre ait donné des instructions dans ce sens.

15 Q. Mais là, vous êtes en train de faire des suppositions.

16 R. Je ne peux pas parler de quelque chose que je ne connais pas ou dont je

17 n'ai pas connaissance.

18 Q. Oui, mais en fait, vous devez reconnaître que vous faites des

19 suppositions, vous vous lancez dans des conjectures quand vous dites que

20 selon vous le ministre ne saurait intervenir dans de telles fonctions ?

21 R. Non, je ne suis pas en train de me lancer dans des conjectures, je suis

22 convaincue que le ministre n'a aucune fonction à caractère opérationnel,

23 qu'il ne doit pas avoir ce type d'activité, parce que le ministre est un

24 homme politique, il a des responsabilités politiques. Il représente le

25 ministère. Ce n'est pas un agent du ministère.

26 Q. Mais est-ce qu'il n'est pas en mesure de donner des consignes, des

27 instructions même si lui-même ne va pas concrètement remplir une mission à

28 caractère opérationnel ?

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1 R. Oui, bien entendu, sur le plan juridique, sur le plan de documents

2 juridiques, il peut donner des instructions.

3 Q. Est-ce que ça veut dire qu'il peut donner instructions à quelqu'un de

4 déposer une plainte contre tel ou tel suspect ?

5 R. Les instructions, c'est un document juridique qui régit certaines

6 questions qui ne sont pas régies par la législation, or, ce type de

7 document ne peut pas être délivré par le ministre. Si en revanche ce dont

8 vous me parlez ce sont des consultations avec le directeur de la sécurité

9 publique, quand vous me parlez d'instructions, oui, effectivement, ce genre

10 de consultations existent.

11 Q. Donc il est possible que le ministre donne instruction, par exemple, au

12 directeur de la sécurité publique de déposer une plainte au pénal, c'est

13 possible ça ?

14 R. Vu la manière dont vous posez la question, on a l'impression que le

15 ministre peut ordonner au directeur de déposer une plainte au pénal. Mais

16 c'est plutôt le contraire, c'est-à-dire le directeur ou le responsable

17 habilité est habilité à déposer une plainte au pénal lorsque toutes les

18 conditions sont satisfaites. Le ministre ne peut pas décidé de déposer une

19 plainte au pénal ou pas sans avoir reçu toutes les informations pertinentes

20 de ses services.

21 Q. Mais si on parle du principe que le ministre a obtenu ces informations,

22 qu'il les a reçues de son personnel, de ses collaborateurs ou d'une autre

23 manière, est-ce qu'à ce moment-là il peut donner pour instruction au

24 directeur de déposer une plainte au pénal ?

25 R. Il peut peut-être parler au directeur, demander un examen de tous les

26 éléments pouvant éventuellement amener à un dépôt d'une plainte.

27 Q. Il peut donc donner demander au directeur de déposer une telle plainte,

28 n'est-ce pas ?

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1 R. Non.

2 Q. Mais que se passerait-il si ceci porte sur une question d'une

3 importance cruciale pour le ministère. Est-ce qu'à ce moment-là le ministre

4 ne peut pas demander au directeur de déposer une plainte, est-ce qu'il ne

5 peut pas demander à ses collaborateurs, collaborateurs opérationnels de

6 procéder à une enquête ?

7 R. Ce sont sans doute des questions qui sont débattues lors de réunions

8 internes entre les directeurs et les responsables concernés, avec le

9 ministre aussi. A ce moment-là, ils peuvent l'informer de la situation dans

10 tel ou tel domaine.

11 Q. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous n'êtes pas au

12 courant ?

13 R. Non, mais il s'agit de réunions collégiales, réunions de haut niveau au

14 cours desquelles -- vraiment et moi je n'ai jamais participé.

15 Q. Je vois. Donc, il est possible que lors de ces réunions de haut niveau,

16 le ministre donne pour consigne à un directeur, par exemple, d'enquêter sur

17 telle ou telle affaire qui lui semble importante ?

18 R. Si je vous répondais, ce serait du domaine de la supposition. Je ne

19 peux pas vous répondre.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Residovic.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je m'oppose à ce type de question pendant

22 le contre-interrogatoire, parce qu'à au moins sept ou huit reprises, la

23 représentante de l'Accusation, alors qu'on lui avait répondu, est revenue à

24 la charge et a reposé la même question. Elle est en train de vouloir faire

25 dire au témoin que le témoin fait des suppositions. J'estime que cette

26 manière de procéder est inacceptable et qu'elle est en train de dépasser

27 les bornes.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis désolé, Maître Residovic, mais

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1 j'ai l'impression que le Procureur essaie d'obtenir des réponses

2 définitives et claires de la part du témoin, avec des motifs à l'appui, des

3 raisons à l'appui. Et en recevant certaines réponses, le Procureur a

4 l'impression que ces réponses reposent sur des suppositions, d'où ces

5 questions supplémentaires. Donc, je ne pense pas qu'il y ait là quoi que ce

6 soit de répréhensible, je parle de la manière de mener à bien le contre-

7 interrogatoire.

8 Veuillez poursuivre, Madame Issa.

9 Mme ISSA : [interprétation]

10 Q. Madame Dorevska, intercalaire 44, s'il vous plaît. C'est dans votre

11 classeur.

12 Mme ISSA : [interprétation] Mais je vais demander à l'huissier de

13 bien vouloir procéder à la distribution du deuxième classeur.

14 Q. Madame Dorevska, il s'agit du mémo réalisé par un enquêteur suite à une

15 réunion arrangée ou organisée par les autorités macédoniennes dans le cadre

16 d'un projet d'exhumation à proximité de Tetovo. Est-ce que vous aviez

17 connaissance de cela ?

18 R. Non, pas du tout.

19 Q. Bien. Si l'on en croit ce rapport, le président du pays était présent

20 lors de cette réunion. Goran Mitevski, directeur du bureau de la sécurité

21 publique était là aussi, ainsi d'ailleurs que Ljube Boskoski, ministre de

22 l'Intérieur.

23 R. Oui, oui, je vois bien le document concerné.

24 Q. Nous n'allons pas passer en revue la totalité du document, mais au

25 cours de cette réunion il y a eu une discussion fort animée. J'aimerais

26 qu'on examine ensemble la page 4 du document, la dernière page, deuxième

27 paragraphe de la page 4, qui commence par les mots suivants : "Il a

28 ordonné." Vous voyez ici que le président dit à M. Boskoski, je cite : "Il

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1 a ordonné à M. Boskoski d'augmenter le nombre de patrouilles de police, de

2 leur affecter des véhicules blindés et des gilets pare-balles sans retard,

3 et il a demandé à ce que la police débute ces opérations dans la zone

4 demain."

5 Il a ajouté à l'intention de M. Boskoski : "Monsieur le Ministre,

6 vous allez donner à la police toutes ces autorités, toutes ces attributions

7 immédiatement," pour avant d'ajouter : "Je suis le président de ce pays, et

8 un point c'est tout."

9 Madame le Témoin, est-ce qu'ici le président ne reconnaît pas implicitement

10 quels sont les pouvoirs dont dispose Ljube Boskoski sur la police ?

11 R. Très franchement, je ne sais pas de quoi il s'agit, quelle est cette

12 réunion, quel est ce document. Je lis ce que vous êtes en train de lire

13 aussi. Il s'agit sans doute d'une décision stratégique prise au niveau de

14 l'Etat.

15 Q. Mais dans cette décision, il reconnaît que le ministre de l'Intérieur a

16 une autorité en ce qui concerne la police, et peut donc les investir d'un

17 certain pouvoir, n'est-ce pas ?

18 R. La police, bien sûr, dispose de ce pouvoir. Dans une réunion comme

19 celle-ci, ce ne serait pas de toute façon le chef du secteur des affaires

20 internes qui assisterait. Le ministre fait partie que d'une équipe. Il

21 reçoit l'ordre, et comme c'est un ordre présidentiel, le ministre doit

22 l'exécuter. Mais le ministre donc doit exécuter ce qu'il est demandé au

23 sein du ministère et doit aussi communiquer avec les personnes qui vont

24 justement être les opérationnels qui vont exécuter l'ordre. Je vois qu'il y

25 avait un directeur qui était aussi présent.

26 Q. Oui, mais le président, il s'adresse à M. Boskoski, et il est en train

27 de lui dire quand même qu'il doit donner à la police tout ce qui est

28 nécessaire pour qu'ils effectuent leur mission. Donc, il reconnaît bien que

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1 le ministre Boskoski a un certain pouvoir sur la police ?

2 R. Non. Pour ce qui est de la coordination et de l'exécution de la tâche,

3 non. Donc, la hiérarchie, c'est que le président parle au ministre, le

4 ministre est en charge de la situation dans sa zone de compétence. Cela ne

5 signifie pas en revanche que le ministre va lui-même aller sur le terrain

6 pour donner tous ces pouvoirs à la police.

7 Q. Très bien. Oui, mais alors si le bureau de sécurité publique était

8 indépendant, que vous l'avez fait dire, pourquoi est-ce que le président ne

9 s'est pas simplement adressé au directeur en ce qui concerne cet ordre

10 demandant à ce que la police soit investie de certaines attributions ?

11 R. C'est parce que le bureau de la sécurité publique fait partie du

12 ministère, c'est une entité, il faut partie du ministère. Ce n'est pas une

13 entité indépendante. Donc, tout ce qui se fait doit passer par le

14 ministère, en fait par le ministre d'ailleurs.

15 Q. Donc, pour tous les points de cette importance, tous les problèmes de

16 cette envergure doivent passer par le ministre. C'est bien cela ?

17 R. Mais le ministre doit être informé quand une décision stratégique de ce

18 type a été prise, et pour ce qui est de l'exécution de la tâche, de la

19 mission, en revanche, ça elle sera dévolue aux personnes qui seront

20 chargées de le faire.

21 Q. Oui, mais c'est le ministre donc qui va transférer ces missions aux

22 personnes qui vont être chargées d'exécuter les missions ?

23 R. Non, absolument pas. Ces personnes ont des autorisations et savent déjà

24 à l'avance ce qu'elles ont le droit de faire.

25 Q. Ne dites vous pas ici, Madame Dorevska, qu'ici le président était juste

26 en train d'informer le ministre Boskoski de décisions stratégiques, et ça

27 n'allait pas au-delà ?

28 R. Non, dans cette phrase, on voit qu'il a donné un ordre au ministre,

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1 certes. Mais un ordre qui était le suivant, que les services opérationnels

2 exécutent la mission. On ne demandait pas au ministre de transférer les

3 autorisations, puisque les officiers de police sont autorisés déjà. Ils

4 possèdent déjà leurs propres autorisations.

5 Q. Très bien. Donc, on voit ici que le ministre peut donner l'ordre à la

6 police d'exécuter ce qui est de leur compétence en matière de tâches

7 opérationnelles; c'est bien cela ?

8 R. Je dis que le ministre a le droit de donner des ordres. Ça, c'est

9 inscrit dans la Loi sur l'organisation portant sur le fonctionnement des

10 agences de l'Etat, et c'est inscrit dans la Loi des affaires intérieures.

11 Q. Oui, mais donc il a le droit de donner des ordres portant sur les

12 questions qui sont stipulées à l'article 1 de la Loi sur les affaires

13 internes, n'est-ce pas ?

14 R. Peut-être pour des tâches bien spécifiques, peut-être pour entreprendre

15 certaines activités, mais certainement pas pour un transfert d'autorité,

16 comme ce que vous venez de dire.

17 Q. Très bien. N'utilisons plus donc les termes "transfert d'autorité." Je

18 ne pense pas avoir utilisé ces mots. Mais donc il peut donner ordre à la

19 police d'exécuter leurs missions, et c'est exactement ce qu'il a fait là,

20 leurs tâches opérationnelles, n'est-ce pas ?

21 R. Vous voulez dire directement qu'il peut appeler un officier sur le

22 terrain, un policier sur le terrain, et dire : Faire telle ou telle

23 mission. Non, le ministre ne fonctionne absolument pas de cette façon.

24 Q. Oui, mais alors donc cela se fait indirectement par le biais du

25 directeur du bureau des affaires publiques ?

26 R. Indirectement, peut-être, une conversation avec le directeur, et il se

27 peut à ce moment-là qu'ils se mettent d'accord quant à la façon dont les

28 activités doivent être réalisées sur le terrain.

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1 Q. Oui, mais Madame Dorevska, ce que l'on voit ici n'a rien à voir avec

2 une conversation ? Il s'agit quand même d'instructions, de consignes qui

3 sont données.

4 R. Mais je vous ai dit que je ne connaissais pas le document. Vous parlez

5 de certains aspects des choses que je ne connais pas.

6 Q. Alors que se passe-t-il si le ministre d'un côté et le directeur ne

7 sont pas d'accord sur un certain point ? Est-ce que le ministre peut

8 demander au directeur de demander à d'autres personnes de réaliser les

9 missions ?

10 R. Si tout se fait dans le cadre de la loi et des pouvoirs dévolus à la

11 police, oui.

12 Q. Oui, mais alors là je parle de questions opérationnelles, des missions

13 opérationnelles auxquelles vous avez fait référence précédemment lors de

14 votre déposition, qui sont énumérées à l'article 20 de la Loi sur les

15 affaires intérieures.

16 R. Bien sûr, si le ministre et directeur sont en communication, ils se

17 parlent. Ils se mettent d'accord sur le fonctionnement du ministère. Le

18 ministre, lui, est responsable des travaux de son ministère devant le

19 président, et surtout devant le gouvernement et devant le parlement.

20 Q. Oui, mais alors que se passe-t-il si le ministre et le directeur se

21 parlent et finalement ne sont pas d'accords ? Dans ce cas-là, est-ce que le

22 ministre peut obliger le directeur à faire certaines choses portant sur une

23 mission opérationnelle ?

24 R. Le directeur est une personne qui va dire au ministre si les conditions

25 nécessaires pour effectuer certaines tâches sont satisfaites ou non. Si le

26 directeur dit que les conditions ne sont pas satisfaites, le ministre doit

27 le prendre en compte.

28 Q. Oui, mais si le directeur dit que les conditions ne sont pas réunies et

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1 que le ministre, lui, en revanche, est persuadé du contraire, n'est-ce pas

2 quand même le ministre qui a le dernier mot en fin de compte ?

3 R. Si tout ceci se fait en dehors de ce qui est autorisé par la loi, il ne

4 peut pas avoir le dernier mot. Comme je l'ai déjà dit, le ministère ne

5 fonctionne pas selon le bon vouloir du ministre; le ministère fonctionne

6 selon ce qui est stipulé dans la loi.

7 Q. Oui, mais que se passe-t-il si justement on est encore à l'intérieur de

8 ce qui est autorisé par la loi ? Est-ce quand même le ministre qui a le

9 dernier mot ?

10 R. Le ministre peut quand même dire au directeur que si toutes les

11 conditions sont réunies, il peut lui faire remarquer quand même que

12 certaines mesures peuvent être prises.

13 Q. Oui, mais n'est-il pas vrai, Madame Dorevska, qu'un ministre peut

14 donner ordre à un directeur de prendre certaines mesures s'il le veut,

15 étant donné que ce directeur, finalement, est sous les ordres du ministre,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Non, non. Prenez ce que vous avez donné dans votre question précédente,

18 dans ce cadre-là je tiens à dire que les désirs du ministre ne sont pas des

19 ordres pour le directeur.

20 Q. Oui, mais je ne vous demande pas cela. Je vous dis, si tout ceci se

21 fait dans le cadre de ce qui est autorisé par la loi, le ministre ne peut-

22 il pas ordonner au directeur d'exécuter certaines choses ?

23 R. Pas si tout se fait dans le cadre de ce qui est autorisé par la loi,

24 ils se mettront d'accord sur ce qui doit être fait.

25 Q. Oui, mais alors, je voudrais savoir la chose suivante : si ce qui est

26 demandé tombe sous le coup de la loi et que si le ministre en est, cela

27 dit, pas d'accord avec son directeur, le directeur, quand même, doit obéir

28 au ministre ?

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1 R. Mais vous me reposez la question, mais sous un autre angle. Je

2 répondrai toujours la même chose : le directeur et le ministre doivent

3 coordonner leur travail. Le directeur informe le ministre à propos des

4 conditions qui sont nécessaires pour exécuter une certaine tâche et le

5 ministre, ensuite, en coordination avec son directeur, décidera des mesures

6 à prendre.

7 Q. Mais vous n'avez pas répondu à ma question. Ma question est la suivante

8 : si le ministre n'est pas d'accord avec le directeur sur un point qui se

9 trouve quand même à être dans le cadre de la loi, ne peut-il pas obliger le

10 directeur à exécuter cette mesure ?

11 R. S'il s'agit d'une décision stratégique pour une question qui a déjà été

12 décidée par le gouvernement et si le ministre doit faire quelque chose

13 parce que ça avait été demandé par le gouvernement, parce que, le

14 directeur, en effet, lui aussi doit suivre les instructions du ministre,

15 mais il faut s'assurer que toutes les conditions préalables sont bien

16 satisfaites.

17 Q. Mais si ce n'est pas une décision stratégique, mais si c'est une

18 mission qui se trouve dans le cadre de la loi, qui tombe sous le coup de la

19 loi, par exemple, sur la Loi des affaires intérieures, je voudrais savoir

20 si le ministre ne peut pas obliger le directeur à effectuer cette tâche ?

21 R. Oui, là dans ce cas il le peut.

22 Q. Très bien. Merci.

23 Mme ISSA : [interprétation] Je me demande où nous en sommes.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Normalement, nous avons encore un

25 quart d'heure, si cela vous va. C'est comme vous --

26 Mme ISSA : [interprétation] Mais je voulais juste savoir où j'en étais.

27 Puis en plus, comme nous sommes en train de siéger l'après-midi, j'ai un

28 peu perdu mes repères.

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1 Q. Lors de votre interrogatoire principal, Madame Dorevska - là je veux

2 passer à autre chose - vous avez vu plusieurs décisions, et que certaines

3 avaient été prises par les ministres précédents, puis il y a eu des

4 amendements à ces décisions aussi ?

5 R. Oui, en effet. J'ai vu des documents juridiques, donc il y avait des

6 amendements qui avaient été faits à certaines décisions par d'autres

7 ministres.

8 Q. Donc un ministre peut amender une décision qui a été prise par un

9 ministre précédent ?

10 R. Oui.

11 Q. Mais un ministre, dans ce cas-là, peut-il aussi tout simplement adopter

12 dans sa totalité une décision prise par un ministre antérieur ?

13 R. Je ne comprends pas du tout ce que vous voulez dire.

14 Q. Imaginons qu'un ministre précédent a pris une décision, le ministre

15 suivant peut-il tout simplement décider d'accepter, d'adopter cette mesure,

16 cette décision et de l'exécuter ?

17 R. D'ordinaire, ce sont des décisions concrètes portant sur le transfert

18 d'autorisation ou d'autres types de documents juridiques. Et là, dans ce

19 cas-là, le ministre suivant ne peut plus amender ce type de décisions,

20 puisqu'elles n'ont rien à voir avec des personnes bien spécifiques mais

21 avec des chefs d'unités. Mais là je ne parle pas de documents juridiques.

22 Q. Mais alors un ministre peut-il annuler une décision prise par un

23 ministre précédent ?

24 R. Bien tout dépend de la décision, mais cela dit, c'est vrai que ça a pu

25 arriver, cela s'est vu.

26 Q. Très bien. Pourriez-vous, s'il vous plaît, passer maintenant à

27 l'intercalaire 86, que vous trouverez dans votre deuxième classeur. C'est

28 la pièce 1D112 de la liste 65 ter.

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1 R. Veuillez répéter, s'il vous plaît.

2 Q. C'est l'intercalaire 86, mais Mme l'Huissière va vous aider à trouver

3 la pièce.

4 Donc nous avons ici une décision en date du 7 mars 2001. La date se trouve

5 en haut du document. C'est une décision visant à établir le QG pour

6 l'action opérationnelle Ramno. Le voyez-vous ?

7 R. Oui.

8 Q. C'est une décision qui avait été prise par le ministre précédent, Dosta

9 Dimovska, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, on le voit puisque c'est la personne qui a signé le document.

11 Q. Mais au titre de la loi, ce ministre précédent avait donc le droit de

12 lancer cette action opérationnelle qui était liée au QG du ministère de

13 l'Intérieur; c'est bien cela ?

14 R. Chaque ministre a le droit de créer ce type de commission.

15 Q. Mais ici on ne fait pas référence à une commission en tant que telle ?

16 R. Certes, c'est une décision de créer un QG.

17 Q. Très bien. Maintenant, si vous voulez bien passer à l'intercalaire 22

18 qui se trouve dans le prétoire électronique sous la cote P381 et que nous

19 allons trouver dans le premier classeur. Mais peut-être pourriez-vous

20 garder aussi la page que nous avions sous les yeux précédemment,

21 l'intercalaire 86. Je pense que vous allez avoir besoin de l'aide de

22 l'huissière.

23 Avez-vous maintenant la pièce P381 sous les yeux; cette pièce se trouve à

24 l'intercalaire 22 ?

25 R. Non, non, je n'arrive pas à le trouver.

26 Q. Bien. Donc, si vous pouviez regarder ce document, il s'agit d'un

27 document intitulé "Décision de créer le QG de l'action opérationnelle

28 Ramno," et c'est toujours signé par le même ministre ?

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1 R. Oui.

2 Q. Nous voyons que dans ce document, la composition de ce QG, donc les

3 personnes qui vont travailler pour cette action, a un petit peu été

4 modifiée par rapport au document que vous avez vu précédemment.

5 R. Oui, en effet.

6 Q. Ici, M. Boskoski a modifié la composition de ce QG et a nommé Goran

7 Mitevski comme directeur de cette opération Ramno; c'est bien cela ?

8 R. Oui.

9 Mme ISSA : [interprétation] Je vois que ma consoeur est debout.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Votre question est déjà formulée, je

11 pense que nous pouvons donc donner la parole à

12 Mme Residovic.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Messieurs et Mesdames les Juges, le témoin

14 a déjà répondu, mais il s'agit du QG de l'action opérationnelle. J'aimerais

15 juste que ma consoeur de l'Accusation conserve les mêmes termes en anglais

16 pour que nous ne nous y perdions pas.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

18 Mme ISSA : [interprétation]

19 Q. Donc cela ne signifie pas tout simplement que le ministre Boskoski a

20 bel et bien approuvé la décision qui avait été prise précédemment et l'a

21 adoptée ?

22 R. Mais il a signé la décision, ce qui signifie qu'il l'a en effet

23 adoptée.

24 Q. Très bien.

25 Mme ISSA : [interprétation] Je vais donc maintenant passer à autre chose.

26 Q. Madame Dorevska, à un moment lors de l'interrogatoire principal, vous

27 avez dit, si je ne m'abuse, que le ministre peut donner des ordres, mais

28 uniquement lorsqu'il y est autorisé par la loi ou par un règlement

Page 9555

1 quelconque. Vous l'avez dit à la page 9 407.

2 Passons, s'il vous plaît, à la pièce P92, il s'agit de la loi portant sur

3 les branches du gouvernement ou les entités du gouvernement. Je vais vous

4 dire exactement où la trouver dans le classeur. Il s'agit -- en fait,

5 maintenant je peux vous le dire, vous allez le trouver à l'intercalaire 8

6 du premier classeur.

7 Veuillez, s'il vous plaît, regarder l'article 55 de ce document.

8 Soyons bien clairs, on ne voit nulle part mention du mot "autorisation

9 express." Le mot "express" n'est jamais mentionné, n'est-ce pas, dans cet

10 article; donc on n'a pas besoin d'une autorisation express ?

11 R. Oui, mais si vous lisez la fin du document, il est écrit : "lorsque la

12 loi l'autorise," donc le ministre peut faire ceci ou cela lorsque la loi

13 l'y autorise.

14 Q. Très bien. Je le vois bien. Ce que je voulais juste vous faire dire,

15 c'est qu'il n'y a pas besoin d'une autorisation expressément donnée par la

16 loi, donc d'une autorisation express par le biais de la loi ?

17 R. Oui, mais c'est ce que dit cet article. Pour donner un ordre écrit, il

18 faut qu'il y ait une autorisation express donnée par le biais de la loi.

19 Q. Oui, mais le mot "express" ne figure pas dans le texte.

20 R. Oui, mais c'est une autorisation dans le cadre de la loi, de ce qui est

21 autorisé par la loi.

22 Q. Moi ma question c'est de savoir si le mot "express," autorisation

23 express, est mentionné dans ce paragraphe, oui ou non ?

24 R. Le mot "express" n'est en effet pas présent, mais la dernière partie de

25 la phrase montre bien que ceci doit se faire dans le cadre express de la

26 loi.

27 Mme ISSA : [interprétation] Je vois que le temps passe, et je pense que ce

28 serait peut-être un moment tout à fait opportun pour faire la pause.

Page 9556

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En effet, nous allons lever la séance

2 pour la pause et reprendrons à 4 heures et quart.

3 --- L'audience est suspendue à 15 heures 43.

4 --- L'audience est reprise à 16 heures 19.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Issa.

6 Mme ISSA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 Q. Madame Dorevska, lors de votre interrogatoire principal, vous avez fait

8 référence à l'article 6 de la Loi relative aux affaires intérieures. Je

9 souhaiterais que l'on affiche ce document, qui se trouve à l'intercalaire

10 7, dans le premier classeur que je vous ai donné, je ne sais pas. Vous avez

11 peut-être besoin de --

12 Mme ISSA : [interprétation] Madame l'Huissière, je vous remercie.

13 Q. A l'article 6, comme vous pouvez le voir, le deuxième paragraphe fait

14 référence aux employés du ministère qui doivent exécuter les ordres du

15 ministre ou d'une personne habilité par le ministre, et ce, à propos des

16 fonctions du ministère; est-ce exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Alors, est-ce qu'il y a -- je passe maintenant à l'article premier et à

19 toute la liste qui forme cette énumération que l'on trouve à l'article

20 premier. Est-ce que cela était considéré comme faisant partie des fonctions

21 du ministère ?

22 R. Du ministère.

23 Q. Donc, cela était considéré comme faisant partie des fonctions du

24 ministère; c'est cela ?

25 R. Oui. C'est une partie des fonctions du ministère.

26 Q. Bien. Donc, conviendrez-vous, Madame Dorevska, que si un supérieur

27 donne un ordre et que cet ordre est suivi, exécuté donc, cela indique que

28 cette personne a de l'autorité vis-à-vis de la personne à qui il a donné

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1 l'ordre.

2 R. Les gens doivent suivre l'ordre, et cela est indiqué dans l'article, il

3 s'agit donc de devoirs qui doivent respectés par les employés.

4 Q. Oui, je comprends bien cela. Mais je vous ai posé la question suivante

5 : si un supérieur donne un ordre et que cet ordre est suivi, cela indique

6 donc que la personne qui a donné l'ordre a une certaine autorité vis-à-vis

7 de la personne ou sur la personne à qui il a donné l'ordre ?

8 R. Non. Cette autorité appartient à son supérieur hiérarchique. Si

9 quelqu'un agit d'après l'ordre qui lui a été donné, si cette personne

10 n'exécute pas l'ordre, alors la personne a le droit de sanctionner la

11 personne qui n'a pas exécuter l'ordre.

12 Q. Fort bien. Mais ce n'est absolument pas ce que je vous ai demandé. Je

13 vous ai demandé - c'était une question générale d'ailleurs - si vous avez

14 une personne, un supérieur qui donne un ordre à une personne, est-ce que le

15 fait que cette personne donne un ordre n'est pas une indication que cette

16 personne a une certaine autorité vis-à-vis la personne à qui il donne

17 l'ordre ?

18 R. Oui, et la personne doit exécuter l'ordre.

19 Q. Madame Dorevska, conviendrez-vous donc que si un supérieur pense que

20 l'ordre ne va pas être exécuté, ne va pas être suivi, il ne donne pas cet

21 ordre ?

22 R. Bien entendu qu'un supérieur s'attend à ce que son ordre soit exécuté.

23 Q. Mais alors, conviendrez-vous que si une personne reçoit un ordre et

24 obéit à cet ordre, c'est parce que cette personne considère que son devoir

25 est de suivre l'ordre et d'obéir à cet ordre ?

26 R. Oui. Cette personne a ce devoir, à moins, comme cela ne soit écrit dans

27 l'article, à moins que le fait de suivre cet ordre en question constitue un

28 crime.

Page 9558

1 Q. Bien. En 2001, Madame Dorevska, est-ce que vous savez si M. le ministre

2 Boskoski vérifiait les règles et règlementations et règlements à chaque

3 fois qu'il donnait un ordre ?

4 R. Oui, je pense qu'il vérifie cela. Quoi qu'il en soit, les personnes qui

5 faisaient partie de son entourage devaient lui indiquer quelles étaient les

6 connotations juridiques de ces ordres.

7 Q. Vous parlez des personnes de son entourage, et cela inclut peut-être

8 vous-même puisque vous étiez conseillère juridique, vous, vous aviez comme

9 devoir de lui indiquer quels étaient les aspects juridiques d'un ordre, à

10 savoir il vérifiait auprès de quelqu'un comme vous chaque fois quelle était

11 la dimension juridique de ces ordres avant de donner ces ordres; c'est cela

12 ?

13 R. Bien sûr qu'ils doivent le faire. Si le ministre me demande de préparer

14 un ordre, un ordre par exemple qui empêche aux employés de se rendre à

15 l'étranger pendant un certain temps, je devais lui indiquer s'il pouvait

16 donner cet ordre et si cet ordre, s'il y avait une base juridique. C'était

17 mon devoir en tant que conseillère juridique.

18 Q. Supposons, par exemple, qu'en plus il ne faut pas oublier que l'époque

19 était particulièrement perturbée, que c'était une époque de crise, et

20 supposons qu'à ce moment-là vous nous dites que M. Boskoski vérifiait

21 auprès de ses conseillers la connotation juridique de tous les ordres qu'il

22 avait l'intention de donner ?

23 R. Je pense qu'il le vérifiait.

24 Q. Pourquoi avancez-vous cela ?

25 R. Puisque personne ne voulait travailler en enfreignant les règles, les

26 réglementations et règlements.

27 Q. Mais est-ce que vous savez s'il vérifiait cela ?

28 R. Je ne le sais pas. En tout cas, lorsqu'il s'agissait de quelque chose

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1 qui correspondait à mon domaine de compétences, il vérifiait. Je ne sais

2 pas ce qu'il en était des autres.

3 Q. Lorsque vous dites qu'il vérifiait lorsqu'il s'agissait de votre

4 domaine de compétences, vous voulez parler de la rédaction de lois, par

5 exemple, vous voulez parler de questions relatives aux ressources humaines,

6 par exemple ?

7 R. Oui, pour l'essentiel. Il s'agissait des droits et des devoirs des

8 employés du ministère, des questions de personnel, ainsi que du domaine des

9 réglementations, parce qu'il y avait des réglementations qui ont justement

10 été adoptées à ce moment-là. C'était des réglementations que nous avions

11 rédigées.

12 Q. Pour ce qui ne correspondait pas à ce domaine de compétences, vous ne

13 savez pas s'il vérifiait la base juridique, s'il vérifiait les aspects

14 juridiques de ces ordres ?

15 R. Pour ce qui est du travail opérationnel, je vous ai déjà dit que je

16 n'avais aucune expérience en la matière et je n'ai pas participé à ces

17 réunions collégiales, mais je pense que cela avait été fait comme cela

18 était stipulé par la loi et la constitution. Il faut savoir que le

19 directeur de la sécurité publique informait toujours le ministre de

20 l'aspect législatif des différents domaines de compétences.

21 Q. Vous dites que vous pensez que cela a été fait. Est-ce qu'il s'agit

22 d'une hypothèse, à nouveau ?

23 R. J'ai dit que je pensais qu'il l'avait fait, parce que lorsqu'il

24 s'agissait de mon domaine de compétences, il le faisait. Je suppose en tout

25 cas qu'il le faisait également pour tout ce qui avait une importance

26 considérable pour le travail du ministère. Je pense notamment au travail

27 opérationnel et à certaines actions de la police.

28 Q. Vous considérez donc que cela avait une importance toute particulière

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1 pour le ministre, je pense au travail opérationnel et au fait que certaines

2 actions aient été entreprises ?

3 R. La plupart des activités du ministère sont menées à bien par

4 l'entremise de deux organes du ministère; la sécurité publique et la sûreté

5 de l'État. C'est ce qui est prévu d'ailleurs et préconisé par la loi.

6 Q. Madame Dorevska, je suppose que je vous ai dit que le ministre Boskoski

7 a émis un ordre à l'intention du chef de la police en uniforme, Risto

8 Galevski, et supposez que je vous dis que dans cet ordre il lui intimait de

9 faire en sorte que les unités de la police spéciale cessent leurs

10 opérations ou les activités de combat à Aracinovo. Est-ce que c'est un

11 ordre qui correspond aux compétences du ministre ?

12 R. Je ne suis absolument pas au courant de cet ordre, et je ne peux pas

13 faire d'observations à ce sujet.

14 Q. Mais justement je vous pose la question. J'aimerais savoir s'il s'agit

15 d'un ordre qui correspond au domaine de compétences du ministère ?

16 R. Oui. Du point de vue juridique, oui, oui, le ministre peut donner cet

17 ordre.

18 Q. Donc le ministre peut émettre un ordre pour qu'il y ait cessation des

19 activités de combat; c'est cela ?

20 R. Oui, s'il s'agit d'une décision politique et d'une stratégie adoptée

21 par le gouvernement.

22 Q. Oui, mais toutefois, il a le pouvoir d'émettre ou de donner cet ordre;

23 c'est cela ?

24 R. Mais nous avons déjà vu que la loi stipulait que le ministre avait

25 l'autorité et le pouvoir pour donner cet ordre.

26 Q. Madame Dorevska, est-ce que vous envisagez la possibilité que le

27 ministre Boskoski, lors de cette période particulièrement troublée en 2001,

28 dans un environnement difficile et laborieux, n'a peut-être pas suivi la

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1 procédure normale et aurait pu peut-être donner un ordre à une unité de la

2 police qui se trouvait sur le terrain ?

3 R. Non, je ne le pense pas.

4 Q. Est-ce que c'est à nouveau quelque chose que vous supposez ?

5 R. J'ai déjà dit que je n'avais absolument rien à voir avec le travail

6 opérationnel, et c'est mon point de vue, c'est mon avis. D'après ce que je

7 sais de son comportement en tant que ministre, je ne pense pas, je ne pense

8 pas qu'il ait fait cela.

9 Q. Bien. J'aimerais vous demander de bien vouloir prendre la pièce qui se

10 trouve à l'intercalaire 9 de votre classeur. Il s'agit de la pièce 1D44.

11 Nous avons déjà examiné ce document, Madame Dorevska, et j'aimerais, dans

12 un premier temps, vous demander de bien vouloir examiner les deux derniers

13 paragraphes du document qui font référence au commandement de cette unité à

14 tâches spéciales, les Tigres. Voilà ce qui est indiqué : "Au cours de la

15 période passée, l'unité de tâches spéciales ou certains éléments de cette

16 unité ont été engagés à plusieurs types de tâches, tâches pour lesquelles

17 les ordres étaient présentés de façon verbale par des fonctionnaires

18 importants du ministère de l'Intérieur." Vous voyez cela ? Je poursuis ma

19 lecture.

20 "Afin de maintenir la voie hiérarchique et la chaîne de commandement

21 à l'avenir en cas d'engagement de cette unité ou de certains éléments de

22 cette unité, il sera nécessaire d'en présenter les demandes par écrit pour

23 qu'elles soient présentées au ministre ou au chef du département de la

24 police."

25 Vous voyez cela ?

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce qu'il s'agit d'une lettre ou d'un document qui est signé par le

28 commandant, à l'époque le commandant de l'unité des Tigres, le capitaine

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1 Goran Zdravkovski. Vous voyez ?

2 R. Oui.

3 Q. J'aimerais attirer votre attention sur la date du document, 19 juillet

4 2001, qui se trouve dans le coin supérieur gauche. Vous voyez cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Si vos pourriez regarder le coin supérieur droit, vous voyez qu'il y a

7 une note manuscrite qui est signée de la main de Ljube Boskoski et qui

8 porte la date du 20 juillet 2001, à savoir le lendemain. Voilà ce qui est

9 écrit : "Je suis d'accord avec votre proposition suivant laquelle il

10 faudrait que cela soit demandé par écrit, mais le ministre approuve dans

11 des situations d'urgence des ordres présentés de façon orale émanant du

12 ministre."

13 Vous voyez cela ?

14 R. Oui.

15 Q. Donc le ministre Boskoski était en train d'indiquer que la procédure

16 stipulée par les règles et les réglementations pouvait changer, n'est-ce

17 pas ?

18 R. Je n'ai pas véritablement compris votre question. Je m'en excuse.

19 Q. Très bien. Je vais répéter ma question, alors.

20 Le ministre Boskoski était en train d'indiquer que les procédures

21 prévues par le règlement peuvent être modifiées, qu'il y avait donc une

22 certaine latitude, une certaine souplesse en cas d'urgence. C'est ce qui

23 est préconisé, n'est-ce pas ?

24 R. Tout ce que cela indique c'est que le ministre était d'accord avec ce

25 qu'avait proposé Zdravkovski dans sa lettre, et que cela était valable pour

26 la période pendant laquelle l'unité à tâches spéciales était placée sous la

27 compétence du ministre.

28 Q. Oui, je comprends bien. Mais je pense que cela indique beaucoup plus de

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1 choses que ce que vous m'avez avancées. Parce qu'il est dit que le ministre

2 approuve. Il est écrit : "Je suis d'accord avec la proposition, avec votre

3 proposition, et normalement une demande doit être présentée par écrit, mais

4 le ministre approuve le fait qu'un ordre du ministre puisse être donné dans

5 des situations d'urgence de façon orale."

6 C'est bien ce qui est écrit, non ?

7 R. Oui, c'est exact. Mais pourquoi est-ce qu'il n'aurait pas pu donner un

8 ordre de façon orale dans des situations d'urgence ? C'est tout à fait

9 normal.

10 Q. Il y a une possibilité pour avoir une certaine marge de manœuvre. En

11 cas d'urgence, les choses peuvent se dérouler de façon légèrement

12 différente que lorsque la normalité est de mise.

13 R. Non, non pas seulement lorsque la situation n'est pas normale. Il

14 existe également ce genre de possibilité lorsque la situation est urgente.

15 Q. Notamment en 2001, lorsqu'il qu'il fallait qu'il y ait une certaine

16 flexibilité, une certaine souplesse au vu de la situation et de l'urgence

17 de la situation donc, c'est pour cela que le ministre Boskoski a réagi

18 comme il a réagi, n'est-ce pas ?

19 R. Certes. Mais toutefois, il avait la possibilité de le faire puisque

20 c'est lui qui avait le contrôle direct pour approuver le déploiement de

21 l'unité à tâches spéciales, que ce soit fait par écrit ou par oral

22 d'ailleurs, dans le cas d'urgence.

23 Q. Mais il avait également, en tant que ministre, il avait cette latitude,

24 cette marge de manœuvre.

25 R. En l'espèce, oui. Dans ce cas, oui.

26 Q. Nous allons continuer l'examen de ce document, et j'aimerais attirer

27 votre attention, Madame Dorevska, sur le deuxième paragraphe de ce

28 document. Voilà ce qui est écrit : Etant donné que le ministre a conféré

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1 une certaine autorité au chef du département de la police, le commandant de

2 l'ESZ, à savoir l'unité des Tigres, reçoit ses ordres et ses tâches

3 également de la part de ce chef.

4 Vous voyez cela ?

5 R. Oui, je le vois.

6 Q. Donc le ministre peut décider de l'autorité qu'il souhaite conférer au

7 chef de la police en uniforme et quelle est l'autorité qu'il souhaite

8 conserver; est-ce exact ?

9 R. Lorsque le ministre détient l'autorité, et en l'espèce c'est lui qui la

10 détient, il peut décider de déléguer cette autorité à une autre personne.

11 Si vous examiniez le règlement relatif à l'organisation qui fait état de la

12 compétence du ministre par rapport à certaines unités ou des unités à

13 forces spéciales, il y a un chapitre où il est indiqué que dans certaines

14 situations, en cas de formations ou d'entraînements, l'unité de tâches

15 spéciales est placée sous la compétence du chef de la police. Ce qui

16 signifie qu'il y a un lieu qui a été établi; ce n'est pas de façon fortuite

17 que le ministre a conféré ce droit ou une partie de son autorité. Je ne

18 peux pas véritablement vous dire quelle est l'autorité qu'il a conférée au

19 chef de la police.

20 Q. Pour reprendre la suite de votre intervention, vous nous dites que :

21 Dans certaines situations, lorsqu'il y a des séances d'entraînement, par

22 exemple, c'est une chose, mais ce document fait référence à un peu plus

23 qu'un exercice d'entraînement et une séance de formation, n'est-ce pas ?

24 R. Oui. Je voulais juste vous indiquer qu'il y a des liens qui ont été

25 établis et qu'il y a une certaine logique qui sous-tend la délégation de

26 pouvoirs.

27 Q. Madame Dorevska, vous avez mentionné un peu plus tôt que le ministre

28 organisait des réunions collégiales avec ses collaborateurs ou ses

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1 conseillers les plus proches, notamment Goran Mitevski, peut-être également

2 Risto Galevski, parmi d'autres, et que l'objectif était de faire en sorte

3 qu'il soit tenu informé de toutes les questions d'actualité qui pouvaient

4 avoir un impact pour le ministère; est-ce exact ?

5 R. Conformément au règlement relatif à l'organisation, le ministre

6 organise des réunions de collège avec une participation plus ou moins

7 élargie. J'ai moi-même participé à ce genre de réunions. Je sais qu'il y a

8 eu des réunions où il y avait un cercle plus restreint qui participait.

9 C'était la façon dont le ministre pouvait être tenu informé de la

10 situation. Comment est-ce qu'il aurait appris autrement ce qui se passait

11 si ce n'est qu'en participant à ces réunions avec ces conseillers ?

12 Q. Il organisait ces réunions de collège et déterminait ainsi s'il voulait

13 avoir une réunion avec plus ou moins de participants, et ce, afin d'être

14 tenu informé de toutes les questions qui relevaient de la compétence du

15 ministère, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Vous avez expliqué que c'est justement dans ce contexte que le

18 directeur ou le chef du bureau de la sécurité publique pouvait présenter au

19 ministre un ou des rapports portant sur la situation, et ce, dans le

20 contexte du ministère, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, bien entendu. C'était justement l'une de ses fonctions.

22 Q. Le directeur ou le chef du bureau de la sécurité publique recevait ses

23 informations de la part d'un de ses subordonnés, je suppose, tel que par

24 exemple M. Risto Galevski ?

25 R. Oui, c'est exact.

26 Q. Le chef de la police en uniforme, tel que Risto Galevski, recevait à

27 son tour ces informations de la part du secteur qui se trouvait en dessous

28 de lui, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui, bien sûr.

2 Q. Et eux transféraient ou transmettaient cette information par la voie

3 hiérarchique, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Suivant la nature des informations, une fois ces informations étaient

6 communiquées au ministre, le ministre était en mesure de prendre des

7 décisions relatives aux activités du ministère, n'est-ce pas ?

8 R. Le ministère, avec les membres de la réunion de ses collaborateurs les

9 plus proches, et si nécessaire, avec le gouvernement.

10 Q. Bien. Est-ce qu'il arrivait au ministre de donner des instructions, des

11 missions au directeur du bureau de la sécurité publique ?

12 R. Excusez-moi, je n'ai pas compris votre question.

13 Q. Est-ce qu'à partir des informations qu'ils reçoivent lors de ces

14 réunions collégiales, le ministre ne prend pas des décisions et ne confie

15 pas des missions, par exemple, au directeur du bureau de la sécurité

16 publique ?

17 R. Oui, bien entendu. A partir de l'analyse effectuée et à partir de ce

18 qui a été convenu au cours de la réunion, et dans le cadre des attributions

19 et des prérogatives du directeur, et tout ceci, bien entendu, conformément

20 aux dispositions constitutionnelles et législatives.

21 Q. Est-ce que le ministère a finalement le dernier mot dans la définition

22 des missions à accomplir, et cetera ?

23 R. Je pense que ceci ne peut intervenir qu'à l'issue d'une analyse globale

24 de la situation.

25 Q. En dernière analyse, cette évaluation de la situation globale arrive

26 jusqu'au ministre. En d'autres termes, c'est le ministre qui prend au bout

27 du compte la décision une fois que la situation a été analysée, c'est lui

28 qui décide ce qu'il convient de faire à partir de l'information et à partir

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1 de l'analyse qui a été réalisée et qui lui est communiquée ?

2 R. Je crois qu'en ce qui concerne les missions à accomplir, les

3 responsables compétents l'en informent, et souvent les décisions étaient

4 prises avant. Le ministre ne peut pas savoir tout ce qui passe sur le

5 terrain. On analyse pour lui la situation globalement, et conformément au

6 règlement, il accepte ou non la proposition qui lui est faite, la

7 proposition d'action et de mesure.

8 Q. Mais une fois qu'il a eu connaissance de l'analyse de la situation,

9 s'il n'est pas d'accord avec la proposition qui lui est faite par un des

10 membres de la réunion collégiale, il peut prendre une autre décision ?

11 R. S'il estime que la décision n'a pas lieu d'être stratégiquement et si

12 elle ne correspond pas à l'action du gouvernement.

13 Q. Bien. J'aimerais que nous examinions l'intercalaire 25 du premier

14 classeur.

15 Mme ISSA : [interprétation] Il s'agit de la pièce 1D184.

16 Q. Vous voyez sur la copie papier que vous avez sous les yeux, et

17 également à l'écran, un rapport préparé après une réunion à laquelle ont

18 assisté le ministre de l'Intérieur, Ljube Boskoski, et le chef du bureau de

19 la sécurité publique, Goran Mitevski, avec l'ambassadeur Daniel Speckhard,

20 assistant du secrétaire général de l'OTAN. Ce document porte la date du 5

21 septembre 2001. Veuillez examiner la première page. On voit que le ministre

22 a des informations au sujet des points de contrôle, la manière dont ils

23 sont tenus. Et M. Speckhard précise qu'il y a parmi ces hommes des

24 réservistes et des membres de l'unité des Tigres. Et si vous regardez ce

25 qui figure à la fin même du document, au troisième paragraphe à partir du

26 bas de la page, on voit : "Le ministre Boskoski, au sujet de ce qui avait

27 été dit précédemment, a déclaré qu'il y avait des réservistes sur les

28 points de contrôle, mais aucun membre des ESZ, c'est-à-dire des unités des

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1 Tigres et des PEP."

2 Madame Dorevska, est-ce que ce n'est pas le genre d'information que

3 le ministre a dû recevoir par la voie hiérarchique ?

4 R. Ça vraiment, je n'en sais rien. Vous avez ici le procès-verbal d'une

5 réunion, qui reprend les propos tenus au cours de cette réunion, je suis

6 incapable de vous dire quoi que ce soit sur la manière dont il s'est

7 procuré ces informations.

8 Q. Mais comment aurait-il pu autrement que par cette manière se procurer

9 ces informations relatives aux hommes qui se tenaient sur les points de

10 contrôle ?

11 R. Il y a sûrement quelqu'un qui a dû lui fournir cette information.

12 Q. Et cette information, elle devait venir des échelons de la hiérarchie

13 policière qui se trouvait sur le terrain, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, sans doute.

15 Q. On constate également dans ce document que le ministre prend une

16 décision. Si vous regardez ce qui figure à la fin de la première page du

17 rapport, vous pouvez lire la chose suivante : "C'est justement à cause du

18 nombre de fausses informations au sujet du comportement de la police que le

19 ministre Boskoski a accepté que des représentants de l'OTAN soient présents

20 sur les points de contrôle à tout moment, afin d'avoir une idée précise de

21 ce qui se passe sur les points de contrôle."

22 Ensuite, on peut lire : "Etant donné qu'il a été accepté que des

23 représentants de l'OTAN soient présents sur les points de contrôle, afin

24 d'y installer des équipements techniques, de prendre connaissance de la

25 situation et d'accélérer la procédure, le ministre a désigné Goran

26 Mitevski, chef du bureau de la sécurité publique, et le général Aleksander

27 Doncev afin que ceux-ci participent directement à la mise en œuvre de cette

28 mesure."

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1 Est-ce que vous voyez cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Donc le ministre, M. Boskoski, prend une décision, il désigne le

4 directeur du bureau de la sécurité publique afin qu'il vérifie la manière

5 dont les points de contrôle sont organisés. En fait, il ordonne à Goran

6 Mitevski de prendre en main cette opération, n'est-ce pas ?

7 R. Oui. On voit ici que le directeur et le général Doncev sont directement

8 impliqués. C'est-à-dire qu'ils doivent superviser la situation et informer

9 le ministre afin que ce dernier puisse être correctement informé de la

10 situation.

11 Q. La décision a pour objectif de permettre la présence de l'OTAN ou de

12 représentants de l'OTAN sur ces points de contrôle, et ensuite on peut lire

13 que le ministre, M. Boskoski, a désigné Goran Mitevski et le général

14 Aleksander Doncev afin qu'ils participent à la mise en œuvre de cette

15 mesure.

16 Donc il ne s'agit pas simplement de se tenir au courant de la

17 situation, ça va un peu plus loin, n'est-ce pas ?

18 R. Dans ces circonstances, vous avez deux personnes qui sont autorisées à

19 intervenir directement dans la mise en œuvre de cette mesure, et ceci pour

20 permettre au ministre d'être informé directement par ces deux personnes.

21 Q. Et il nomme ces deux personnes pour réaliser cela afin de rester au

22 courant de la situation ?

23 R. Le ministre ne procède pas lui-même à ce type de supervision. Il faut

24 qu'il dispose de toutes les informations relatives à des activités de plus

25 grande envergure.

26 Q. Madame Dorevska, est-ce que la question des points de contrôle de la

27 police, de la nature des équipes qui sont présentes sur ces points de

28 contrôle, est-ce que c'est quelque chose qui relève expressément des

Page 9571

1 compétences du ministère aux termes de la législation ?

2 R. Non. S'agissant du déploiement du personnel, l'obligation du ministre,

3 c'est de prendre des décisions relatives au déploiement de certains membres

4 de la police dans le cadre de missions bien spécifiques.

5 Q. Et ça inclut également de décider qui va tenir les points de contrôle ?

6 R. Non. Ce sont les responsables sur le terrain qui prennent ce genre de

7 décision.

8 Q. Oui, mais si le ministre accepte que certaines personnes bien

9 particulières soient présentes sur le point de contrôle ?

10 R. Oui. Mais parce qu'il ne s'agit pas ici de désigner des gens bien

11 particuliers en donnant leurs noms, mais il s'agit de désigner des gens qui

12 appartiennent à une certaine catégorie.

13 Q. En fait, vous nous dites que le ministre, M. Boskoski, peut prendre des

14 décisions relatives au nombre de fonctionnaires et d'autres décisions de ce

15 type qui ont un impact sur le terrain ?

16 R. S'il s'avère nécessaire de transférer des policiers d'une unité à une

17 autre, d'un poste de police à un autre, la décision portant sur leur

18 déploiement émane du ministre de l'Intérieur, c'est lui qui la signe.

19 Q. Le fait de contrôler un point de contrôle, est-ce que ça correspond à

20 une affectation particulière, un poste de travail particulier ?

21 R. Non.

22 Q. Est-ce que la convention collective dont nous avons précédemment parlé

23 évoque avec précision le déploiement des fonctionnaires ou des employés à

24 tel ou tel poste dans les unités opérationnelles ?

25 R. Oui. Il en est question.

26 Q. Donc ce type d'affectation ou de déploiement est un peu différent,

27 n'est-ce pas ?

28 R. On peut dire que oui.

Page 9572

1 Q. Je vais vous demander de consulter le document qui figure à

2 l'intercalaire 37, pièce P468.

3 Mme ISSA : [interprétation] Je crois qu'il y a un petit problème technique.

4 Je n'entends pas la traduction en anglais.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais pour l'instant vous parlez

6 en anglais, donc pour savoir s'il y a traduction ou pas, il faudrait que

7 quelqu'un parle dans une autre langue. Donc je ne comprends pas bien.

8 Mme ISSA : [interprétation] Non, excusez-moi, c'est parce que j'ai entendu

9 une autre langue.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, d'accord. Il y a eu une petite

11 confusion dans les canaux.

12 Mme ISSA : [interprétation]

13 Q. Examinez, je vous prie, ce document, Madame le Témoin. C'est un

14 télégramme qui vient du cabinet du ministre. Il porte la date du 11 juin

15 2001. Le document est signé Ljube Boskoski. Ce document est adressé au

16 secteur de Kocani, au service de Kocani. Et il est indiqué la chose

17 suivante : "Afin de mettre en œuvre des mesures de sécurité sur le

18 territoire de la République de la Macédoine et de procéder au remplacement

19 des forces de police, il est nécessaire que le 12 juin 2001, à 7 heures au

20 plus tard, 50 policiers et leurs officiers supérieurs soient transférés à

21 la caserne Rista Todorovski Carpo [phon], Kumanovo, dans leurs véhicules."

22 Est-ce que vous voyez ce passage ?

23 R. Oui.

24 Q. Si j'ai bien compris vos explications, lorsqu'il y a ordre du ministre,

25 lorsqu'il y a décision du ministre, on indique toujours sur quel fondement

26 juridique s'appuie la décision concernant l'ordre concerné. C'est bien ce

27 que vous nous avez dit, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, je m'en souviens.

Page 9573

1 Q. Mais ici, aucune mention de ce type n'est faite. On ne fait référence à

2 aucun texte juridique qui appuie ou justifie ce document.

3 R. Oui, mais ici il s'agit d'un simple télégramme.

4 Q. Donc le ministre peut donner un ordre par télégramme et pour ce faire,

5 il n'a pas à suivre toute la procédure que vous nous avez décrite, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Non. Ici il ne s'agit pas d'un ordre, en tout cas, je ne vois rien dans

8 ce document qui dise : "Moi, le ministre, j'ordonne que des policiers

9 soient transformés, et cetera." Le ministre informe trois services qu'il

10 convient de procéder au transfert des 50 policiers, et je pense que cela

11 s'inscrit dans le contexte du droit qui est le sien d'affecter le personnel

12 comme il le juge bon, et ça correspond également à la décision qui avait

13 précédemment été prise par le bureau de la sécurité publique.

14 Q. Oui, mais vous nous dites que ce n'est pas un ordre, alors qu'est-ce

15 que c'est, Madame Dorevska, parce que cela y ressemble fort ?

16 R. Comme je vous l'ai déjà dit, selon moi ceci intervient après une

17 analyse, une décision qui a été prise, nous avons un télégramme qui informe

18 le service des affaires intérieures d'un certain nombre d'obligations. Il

19 s'agit de fournir les armes, les munitions, les tenues de camouflage, et

20 cetera. Et c'est adressé également au secteur de la recherche analytique.

21 Q. Mais pourquoi est-ce que le ministre aurait besoin d'envoyer ces

22 informations, parce que si vous nous dites que ce n'est pas un ordre et

23 qu'on se contente simplement de communiquer des informations qui avaient

24 fait l'objet d'une décision précédemment ?

25 R. Non. Ce n'est pas un ordre, il s'agit simplement de mettre en œuvre une

26 décision qui a été précédemment prise.

27 Q. Mais s'il s'agit uniquement de mettre en œuvre une décision qui a été

28 prise précédemment, pourquoi le ministre a-t-il besoin d'envoyer ce

Page 9574

1 télégramme ?

2 R. Il faut qu'il informe ceux qui vont exécuter l'ordre en question, et il

3 faut aussi pour insister sur l'importance des obligations qui sont celles

4 des destinataires.

5 Q. Oui, mais s'il informe ces personnes-là qui doivent exécuter cet ordre,

6 à ce moment-là c'est un ordre, n'est-ce pas ?

7 R. Non, du point de vue juridique, on ne peut pas dire qu'il s'agit d'un

8 ordre.

9 Q. Oui, mais concrètement, pratiquement parlant.

10 R. Du point de vue concret, pratique, il s'agit d'informations au sujet

11 d'une décision qui a été prise précédemment, parce qu'il faudra peut-être

12 que des décisions soient prises quant à l'affectation, la réaffectation de

13 ces 50 policiers, et les personnes compétentes devront peut-être prendre

14 des décisions en conséquence, désigner les 50 policiers, et cetera. Le

15 ministre ne donne pas leurs noms ici, il rappelle simplement, il dit

16 simplement qu'il convient de procéder au transfert de 50 policiers. Il ne

17 pouvait pas lui-même, en personne, connaître le nombre de personnes qui

18 était nécessaire pour mener à bien une activité quelconque.

19 Q. Mais afin qu'on procède au transfert de ces 50 policiers, il était

20 nécessaire que le ministre envoie cet ordre, n'est-ce pas ?

21 R. Non, pas dans ce sens, pas dans le sens où vous employez ce terme.

22 Q. Mais pourquoi a-t-il besoin d'envoyer cet ordre, Madame Dorevska ? Si

23 la décision avait été prise en aval et si les chefs de ces policiers

24 avaient connaissance de cette décision, pourquoi le ministre a-t-il besoin

25 personnellement d'envoyer ce télégramme ?

26 R. Si j'avais moi-même établi ce document, j'aurais pu vous répondre de

27 manière précise. Cependant, il s'agit d'un document qui a été préparé par

28 quelqu'un d'autre. Je vous ai dit quel était mon point de vue au sujet de

Page 9575

1 ce document.

2 Q. Il est très clairement indiqué ici, Madame le Témoin, que le ministre

3 nous dit, qu'afin de mettre en œuvre un certain nombre de mesures pour la

4 sécurité, il faut remplacer certaines forces de police. Il est écrit ici

5 très clairement qu'il faut transférer 50 policiers et leurs officiers

6 supérieurs à la caserne. C'est bien ce qui est dit ici, dans ce document ?

7 R. Oui, effectivement, c'est ce qui est dit. Il s'agit de procéder à un

8 transfert, un transfert qui découle d'une décision prise précédemment.

9 Q. Et pour que cette décision soit mise en œuvre, le ministre doit envoyer

10 cette instruction, n'est-ce pas, ces instructions ?

11 R. Oui. Il y a quelque chose d'autre que j'ai remarqué dans ce document,

12 le service des finances était placé directement sous l'autorité du

13 ministre. C'est peut-être la raison pour laquelle c'est le ministre lui-

14 même qui a signé ce document, car le directeur du bureau de la sécurité

15 publique n'était pas habilité à formuler une telle demande à l'intention du

16 service des finances, parce qu'il n'était pas habilité à le faire. Il y a

17 trois unités qui entrent en ligne de compte ici, et donc je vois une

18 certaine logique à cela. C'est la seule explication logique que je vois.

19 Q. Si bien que faute de l'intervention du ministre, faute d'une

20 instruction donnée par ses soins - et c'est ce que vous nous dites - cet

21 ordre n'aurait jamais pu être donné ou suivi des faits, n'est-ce pas ?

22 R. Si, il pouvait être exécuté, mais avec un document on voit intervenir

23 trois unités qui ont une position différente, qui sont distinctes. Je pense

24 que c'était plus efficace de réaliser ce qui avait été décidé précédemment.

25 Q. Mais comment savez-vous, Madame, que cette décision avait été prise en

26 aval précédemment ? Vous l'avez dit à plusieurs reprises cela, mais comment

27 le savez-vous ?

28 R. C'est simplement une supposition de ma part, parce que le ministre

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1 n'est pas en mesure de savoir le nombre de policiers qui convient de

2 transférer d'un poste à un autre.

3 Q. C'est une supposition que vous faites à partir des informations qui

4 figurent dans ce document. Est-ce que c'est ce que vous nous dites ?

5 R. Oui, à partir du document que j'ai sous les yeux.

6 Q. Madame, vous nous avez dit que cet ordre pouvait indéniablement être

7 exécuté, mais que dans un document on voyait intervenir trois unités

8 différentes et que le ministre avait l'autorité nécessaire pour donner des

9 instructions à ces trois unités qui sont mentionnées ici, en haut de ce

10 document ?

11 R. Oui. Mais ce n'est pas un ordre. Parce que vous ne cessez de répéter

12 qu'il s'agit d'un ordre. Or, je dis que ce n'est pas un ordre, il s'agit

13 simplement d'informations qui sont ainsi communiquées. On peut voir en haut

14 du document que le ministre dit qu'il est nécessaire de transférer les

15 policiers et il s'adresse au secteur des affaires intérieures de Kocani. Il

16 s'adresse également au service chargé des finances et c'est ce qui est très

17 important également. Seul le ministre peut donner ce genre d'instruction,

18 parce que personne d'autre n'est habilité à le faire en s'adressant à ce

19 service en particulier.

20 Q. Si le ministre n'est pas intervenu donc, cette décision n'aurait pas

21 été suivie des faits ?

22 R. Elle aurait pu être suivie des faits, mais il y aurait fallu produire

23 beaucoup plus de documents et faire en sorte que beaucoup de personnes

24 signent ces documents. Il y aurait eu un document du directeur de la

25 sécurité publique et du ministre. Je pense qu'on s'est dit qu'avec ce seul

26 et unique document, on mettrait en œuvre, de la manière la plus efficace

27 possible cette décision.

28 Q. Quand vous receviez des informations de ce type, Madame Dorevska, vous

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1 les receviez de vos supérieurs, donc est-ce que à ce moment-là vous preniez

2 des mesures en conséquence ?

3 R. Uniquement si ça relevait de mes compétences et de mes attributions.

4 Q. Mais imaginons que ça relève de vos attributions, de votre domaine de

5 compétences et que votre supérieur vous remette ce que vous appelez les

6 informations, à ce moment-là, vous prendriez les mesures qui s'imposent,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. A plusieurs reprises, vous avez dit que selon vous, ce télégramme

10 c'était peut-être la manière la plus efficace d'envoyer ou de faire

11 exécuter cette décision. Mais pourquoi, en 2001, était-il nécessaire de

12 choisir la manière la plus efficace de procéder ?

13 R. A cause de la situation dans laquelle se trouvait le pays.

14 Q. Donc vous nous dites que du fait de la situation complexe en matière de

15 sécurité il fallait peut-être procéder avec plus de célérité et plus de

16 souplesse que d'habitude ?

17 R. Je ne vois pas comment on pourrait procéder autrement dans une

18 situation telle que celle que nous avons connue en 2001.

19 Q. J'aimerais passer maintenant à autre chose.

20 Madame Dorevska, vous avez dit que vous connaissiez le ministre

21 Boskoski. Visiblement vous le connaissez, puisque vous avez travaillé avec

22 lui pendant un certain temps, n'est-ce pas ?

23 R. Non, pas pendant très longtemps.

24 Q. Cela dit, vous avez quand même travaillé avec lui, pour lui d'ailleurs,

25 c'était d'ailleurs votre supérieur, n'est-ce pas ?

26 R. Oui, bien sûr.

27 Q. Le ministre Boskoski, connaissait-il pleinement ses devoirs et

28 obligations en tant que ministre ?

Page 9578

1 R. Oui, je pense que oui.

2 Q. Comprenait-il quels étaient ses devoirs et ses

3 obligations et comprenait-il quelle était son autorité au sein de la chaîne

4 de commandement -- enfin la hiérarchie qui prévalait dans le ministère ?

5 R. Je pense que c'est une question assez personnelle. Il vaudrait mieux la

6 poser à M. Boskoski. C'est lui qui sait exactement dans quelle mesure il

7 est au courant de différentes choses.

8 Q. Madame Dorevska, vous nous avez dit à plusieurs reprises lors de votre

9 déposition que vous pensiez que d'après vous le ministre Boskoski ne ferait

10 pas certaines choses, ne prendrait pas certaines décisions, donc il

11 semblerait quand même que vous le connaissiez assez bien et que vous

12 connaissiez assez bien son attitude, sa façon de comprendre des fonctions

13 relatives à son

14 poste ?

15 R. Oui, certes, je l'ai dit. J'en ai parlé en ce qui concerne mon travail,

16 et je sais comment il se comportait en ce qui concerne les tâches qui

17 relevaient de ma compétence. Il demanderait parfois si quelque chose était

18 faisable ou non, et c'est de là que j'en ai déduit qu'il devait sans doute

19 agir de la même façon avec les autres chefs de service.

20 Q. Donc vous êtes en train de nous dire que vous ne savez pas exactement

21 ce que M. Boskoski faisait en dehors de ce qui relevait de la compétence de

22 votre service; c'est bien cela ?

23 R. Pour ce qui est des choses que je n'ai ni vues ni entendues, je ne peux

24 rien dire.

25 Q. Le ministre Boskoski, comprenait-il parfaitement quelle était son

26 autorité, quel était son pouvoir en ce qui concerne les tâches qu'il

27 pouvait demander que l'on exécute, enfin à votre connaissance en tout cas ?

28 R. Je pense que le mot "pouvoir" est un mot un petit peu trop large, le

Page 9579

1 sens est trop large. M. Boskoski savait exactement ce qu'il pouvait

2 attendre de ses employés et l'étendue exacte des droits de ses employés.

3 Q. Très bien. Passons maintenant, s'il vous plaît, à l'intercalaire 26.

4 Mme ISSA : [interprétation] Dans le classeur, il s'agit de la pièce 402.

5 Q. Saviez-vous, Madame Dorevska, que le ministre Boskoski a écrit un livre

6 intitulé "Mon combat pour la Macédoine," et parlant de ses activités et du

7 conflit qui a eu lieu en 2001 ?

8 R. Oui, j'en ai entendu parler.

9 Q. Avez-vous lu ce livre ?

10 R. Non.

11 Q. Veuillez, s'il vous plaît, passer à la page 12.

12 Mme ISSA : [interprétation] Pour les besoins du prétoire électronique, je

13 tiens à dire qu'il s'agit de la pièce N000-9618. Je crois que c'est le

14 numéro qui correspond à la version en macédonien, qui se termine par le

15 9618.

16 Q. L'avez-vous sous les yeux ?

17 R. Oui. La page 20, sans doute.

18 Mme ISSA : [interprétation] Peut-être pourrais-je demander à la greffière

19 d'audience de nous trouver exactement la page que j'entends montrer au

20 témoin. C'est la page qui correspond pour ce qui est de la version anglaise

21 au numéro N000-9618.

22 Q. Je vais en donner lecture. En bas de la page 12, le ministre Boskoski

23 écrit, et je cite --

24 R. Je suis désolée, mais ici je suis toujours à la page 12, donc je

25 n'arrive absolument pas à suivre ce que vous allez me lire.

26 Mme ISSA : [interprétation] Veuillez me donner une petite minute, s'il vous

27 plaît.

28 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

Page 9580

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vais vous compliquer encore votre

2 tâche, Madame Issa. Sachez que les Juges non plus ne voient absolument pas

3 les pages concernées à l'écran.

4 Mme ISSA : [interprétation] J'en suis absolument désolée. Je pensais que

5 ces pages se trouvaient dans le classeur, mais visiblement elles ont

6 disparu. Peut-être pouvons-nous les trouver rapidement dans un fichier

7 électronique, si je pourrais avoir votre indulgence.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous pourrions peut-être simplement

9 faire une pause, ainsi ça vous donnera le temps de retrouver votre document

10 et nous reprendrons après la pause à

11 6 heures moins 05.

12 --- L'audience est suspendue à 17 heures 25.

13 --- L'audience est reprise à 17 heures 55.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Issa, je vous en prie.

15 Mme ISSA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 J'aimerais dans un premier temps distribuer la version anglaise du

17 document P402. Il ne se trouvait pas dans le classeur. Je m'excuse. Voilà.

18 Je pense qu'il faudrait que vous l'ajoutiez.

19 M. LE JUGE THELIN : [interprétation] C'est justement ce qui nous faisait

20 défaut.

21 Mme ISSA : [interprétation]

22 Q. Madame Dorevska, j'aimerais que vous preniez la page N000-9618. Il

23 s'agit de la page 20 pour la copie papier; et il s'agit de la page 12 pour

24 la version anglaise.

25 J'aimerais attirer votre attention sur le paragraphe qui commence par :

26 "Courrier émanant du poste de la direction dans le bureau de la sécurité et

27 du contre-renseignement."

28 Vous le voyez ?

Page 9581

1 R. Non, je ne vois pas. J'ai la page N000-9618 de la version macédonienne.

2 Q. J'aimerais que vous preniez la page 20.

3 R. Oui, la page 20.

4 Q. Est-ce que vous voyez le paragraphe qui commence par les mots suivants

5 : "A partir du poste de directeur…" Vous voyez cela ?

6 R. Oui.

7 Q. Voilà ce qui est écrit : "J'ai été promu du poste de directeur au sein

8 du bureau pour la sécurité et le contre-renseignement. Au poste de

9 secrétaire d'Etat et du ministère de l'Intérieur, lorsque l'on pense à la

10 hiérarchie de la police qui est établie de façon très stricte à ce poste,

11 il faut savoir que les obligations et les responsabilités étaient plus

12 importantes. Les circonstances ont été telles que cela a abouti à un

13 remaniement du gouvernement et j'ai été nommé ministre de l'Intérieur."

14 Vous voyez cela ?

15 R. Oui.

16 Q. Le texte se poursuit comme suit : "Le premier ministre, qui avait

17 demandé à plusieurs reprises et publiquement que soit proclamée la loi

18 martiale dans le pays afin de mettre un terme de façon rapide, efficace et

19 professionnelle aux envahisseurs, demande qui a été formulée mais à

20 laquelle le président du pays n'a pas réagi, souhaitait avoir une situation

21 beaucoup plus sophistiquée pour ce qui était des forces de sécurité

22 macédoniennes qui dépendaient en grande partie de la direction du ministère

23 de l'Intérieur."

24 Vous le voyez ?

25 R. Oui.

26 Q. Mais est-ce qu'il ne s'agit pas de la structure au sein du ministère

27 qui était justement ce que décrit le ministre Boskoski, à savoir qu'il y

28 avait une hiérarchie très stricte qui avait été établie au sein du

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1 ministère, et qu'il y avait le ministre qui était en haut de la structure

2 de cette hiérarchie, et que toutes les actions menées à bien par les forces

3 de sécurité macédoniennes dépendaient de la direction du ministère de

4 l'Intérieur ?

5 R. Bien sûr. En tant que personnalité politique et en tant que personne

6 qui voulait faire en sorte que les décisions stratégiques soient prises,

7 mais elles devaient être prises conformément au point de vue

8 gouvernemental.

9 Q. J'aimerais que vous preniez la page 88. Pour le prétoire électronique,

10 il s'agit de la page N000-9652 et de la page 41, pour la version anglaise.

11 Et le numéro ERN pour la version anglaise est le numéro 9647.

12 J'aimerais attirer votre attention sur le milieu de cette page. Vous avez

13 un paragraphe qui commence par les mots suivants : "Les pourparlers avaient

14 commencé et l'on pouvait parler de tous les problèmes auxquels se

15 confrontaient les citoyens."

16 Vous voyez cela ?

17 R. Oui.

18 Q. Il s'agit du même paragraphe et il est dit : "J'ai accepté de les

19 rencontrer parce que je connaissais pertinemment leurs problèmes et je

20 savais à quel point ils souffraient affectivement et émotionnellement.

21 J'étais le ministre de la Défense…" - c'est ce qui est écrit, mais je pense

22 que c'est une erreur de traduction; il voulait entendre qu'il était le

23 ministre de l'Intérieur - "J'étais le ministre de l'Intérieur et j'ai

24 promis que les forces de sécurité macédoniennes feraient tout ce qu'elles

25 pourraient et tout ce qu'elles étaient autorisées à faire pour chasser les

26 terroristes des villages occupés ou pour les éliminer."

27 Vous voyez cela ?

28 R. Oui.

Page 9583

1 Q. Donc le ministre Boskoski estimait qu'il avait suffisamment de pouvoir

2 pour pouvoir faire ce qu'il voulait faire, tout ce qui était, bien entendu,

3 en ses moyens pour pouvoir donner des ordres aux forces de sécurité pour

4 qu'elles chassent les terroristes des villages occupés ou pour qu'elles les

5 éliminent. C'est cela, n'est-ce pas ?

6 R. Vous voyez ce qui est écrit, tout ce qu'ils pouvaient faire au vu de

7 leurs compétences. C'est ce qui est écrit, c'est ce qui est indiqué.

8 Q. J'aimerais que vous preniez la page 72 de la version macédonienne, page

9 N000-9644; et la page 35 ou N000-9641 pour la version anglaise. Et si vous

10 regardez le bas de cette page --

11 R. Je m'excuse, je ne vois que la version anglaise sur mon écran. Vous

12 aviez dit page 72, je l'ai maintenant.

13 Q. Bien. Regardez le bas de cette page, Madame Dorevska, vous voyez le

14 paragraphe qui commence par les mots suivants : "Je vous assure qu'il n'y

15 aura aucune trêve conclue avec les terroristes."

16 Vous voyez cela ?

17 R. Oui.

18 Q. Au milieu de cette page, il est indiqué : "En tant que chef du

19 ministère de l'Intérieur, je peux garantir l'avenir de l'Etat."

20 Vous voyez cela ?

21 R. Non, je ne le trouve pas. Est-ce qu'il s'agit de la même page, de la

22 page 72 ?

23 Q. Oui, je pense. C'est au milieu du paragraphe qui commence par les mots

24 suivants : "Je vous assure qu'il n'y aura pas de trêve conclue avec les

25 terroristes."

26 Vous le voyez maintenant ? Vous avez trouvé la phrase ?

27 R. Oui, maintenant je la vois. Mais elle est à la page suivante.

28 Q. Bien. Donc vous voyez ce qui est écrit : "En tant que chef du ministère

Page 9584

1 de l'Intérieur, je peux garantir l'avenir de l'Etat."

2 Est-ce que cela correspond au pouvoir que M. Boskoski pensait qu'il avait,

3 d'après ce que vous savez, bien sûr ?

4 R. Je ne pense pas qu'il pensait qu'il avait tant de pouvoir. Je pense

5 qu'il avait dit qu'il déploierait tous les efforts possibles pour résoudre

6 la situation au sein de l'Etat.

7 Q. Madame Dorevska, au début de votre déposition, vous aviez dit que vous

8 ne pensiez pas que le ministre Boskoski se rendait sur le terrain. Vous

9 vous souvenez avoir dit cela ?

10 R. Oui, je l'ai dit. Mais il se peut qu'il se soit déplacé sur le terrain

11 pour apporter son soutien aux personnes qui se trouvaient là-bas. C'était

12 son devoir, il fallait qu'il voie ce que les officiers de police faisaient,

13 il fallait qu'il puisse leur apporter son soutien moral.

14 Q. En tant que ministre de l'Intérieur qui, comme vous l'avez dit,

15 respecte la loi et prend des décisions au vu de ses compétences et de son

16 autorité, il se rend sur le terrain près de la police, lorsque la police

17 est engagée dans des opérations de police, toujours compte tenu de ses

18 compétences en tant que ministre ?

19 R. Je n'ai dit que le ministre s'était rendu sur le terrain pour aller

20 dans un poste de police. Ce que j'ai dit, c'est qu'il était possible qu'il

21 se soit rendu sur le terrain où se trouvaient des officiers de police qui

22 avaient été basés là pendant un certain temps, pour leur apporter un

23 certain soutien moral, pour faire en sorte que leurs droits et leurs

24 obligations soient prises en considération, peut-être qu'ils avaient

25 certains besoins dont ils voulaient parler avec le ministre. Donc au vu de

26 ses compétences, il travaillait pour améliorer les conditions de travail de

27 ces personnes.

28 Q. Et pourquoi est-ce que vous avez dit au début que vous pensiez qu'il

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1 n'était jamais allé sur le terrain ?

2 R. Vous m'avez demandé s'il s'était rendu sur le terrain dans le cadre

3 d'une action policière, et je pense que le ministre n'a jamais participé à

4 ce qui se passait dans un poste de police. Ce ministre ne l'a pas fait,

5 d'autres ministres ne l'ont pas fait non plus, les personnes qui l'ont

6 précédé ne l'ont pas fait non plus. Mais pour ce qui est de se rendre sur

7 le terrain, de prendre langue avec les personnes, de voir les officiers

8 supérieurs, je pense qu'il l'a fait. De toute façon, cela était tout à fait

9 légal.

10 Q. Et où est-ce qu'il est écrit noir sur blanc qu'il peut se rendre sur le

11 terrain ?

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je m'excuse, mais il semblerait qu'une

13 erreur se soit glissée à la ligne 21, parce qu'il est dit qu'il n'avait

14 jamais participé à des opérations dans des postes de police. Alors que le

15 témoin a dit qu'il n'avait jamais participé à des actions policières, donc

16 il faudrait remplacer le mot "station" en anglais par le mot "action" dans

17 le compte rendu d'audience.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

19 Mme ISSA : [interprétation]

20 Q. Je vais répéter ma question, Madame Dorevska.

21 J'aimerais savoir où est-ce qu'il est écrit que le ministre peut

22 justement se déplacer sur le terrain ?

23 R. Il n'a jamais été stipulé par la loi que le ministre peut se rendre sur

24 le terrain, mais c'est une référence beaucoup plus générale. S'il y a un

25 événement qui se produit, ou s'il y a une action policière qui se déroule,

26 s'il y a, par exemple, des officiers de police qui ont été blessés ou qui

27 ont été tués, il est du devoir moral du ministre de se rendre auprès d'eux

28 et de voir si certaines mesures peuvent être prises eu égard à leurs

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1 droits.

2 Q. Mais où est-ce que cela est stipulé par la loi ? Où est-ce qu'il est

3 question de ce devoir moral du ministre qui doit se déplacer et se rendre

4 auprès de certaines personnes sur le terrain afin de déterminer s'il doit

5 prendre des mesures eu égard à leurs droits ?

6 R. Je ne me souviens pas avoir jamais lu une disposition juridique qui

7 fait état des devoirs moraux d'une personne.

8 Q. Donc est-ce que vous suggérez, Madame Dorevska, que si le ministre

9 pensait qu'il était de son devoir moral de se rendre auprès de certaines

10 personnes, il peut le faire pour ce qui est de questions relatives au

11 ministère sans pour autant que cela soit précisé et stipulé par une loi ou

12 un règlement ?

13 R. S'il s'agit d'une obligation morale et s'il s'agit de droits de

14 personnes qui sont ses subordonnées, certes. Et je ne parle pas seulement

15 du ministre Boskoski, je parle de n'importe quel ministre. Si vous avez ce

16 genre de situation, s'il y a des actions de la police menées à bien, il

17 appartient - et c'est un devoir moral - au ministre de se rendre sur le

18 terrain pour voir ce qui s'est passé.

19 Q. Mais quels sont les types d'obligations qui ne sont pas stipulés par

20 les textes de loi ?

21 R. Je n'ai connaissance d'aucune obligation de ce type, je suis en train

22 de vous parler du point de vue moral.

23 Q. Quels sont les types d'obligations morales qui ne sont pas prévues

24 expressément par les textes de loi, des obligations qui s'imposent au

25 ministre, qui lui imposent de prendre des décisions.

26 R. Je n'ai pas connaissance de telles obligations, mais je sais que,

27 moralement, le ministre a l'obligation de se rendre auprès de ceux dont il

28 est responsable lorsqu'il y a eu des morts parmi les forces de police, ou

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1 s'il y a certains besoins qui se manifestent parmi le personnel du

2 ministère sur le terrain.

3 Q. Vous nous dites que ceci n'est stipulé par aucun texte de loi, mais

4 vous pensez qu'il a l'obligation morale de se rendre sur le terrain auprès

5 de ses hommes, même si ce n'est pas prévu expressément par la loi ?

6 R. Oui. Lorsque vous avez des démissions pour des raisons morales, ce

7 n'est pas prévu explicitement par la loi, mais les gens parfois pour des

8 raisons purement morales assument certaines obligations.

9 Q. Le ministre peut-il déterminer quelle est la responsabilité morale ou

10 les obligations morales qui sont les siennes et ensuite donner un ordre qui

11 découle de cette responsabilité morale ?

12 R. Le ministre peut se rendre auprès des policiers et aller les voir et

13 les policiers peuvent lui parler de la nature de leurs opérations, ils

14 peuvent par exemple lui expliquer qu'ils ont besoin de plus de vivres ou

15 qu'il y a d'autres choses qui leur manquent. A ce moment-là, l'obligation

16 du ministre, c'est d'améliorer la situation de ces hommes dont les droits

17 ne sont peut-être pas tout à fait respectés. Mais là il faut bien faire le

18 distinguo entre une obligation morale et les obligations prévues par les

19 textes de loi, c'est très clair.

20 Q. Mais est-ce que les ministères ont tous la même vision de ce qui

21 constitue leurs obligations morales ?

22 R. Je crois que tous les ministres, et j'ai travaillé sous cinq ministres,

23 je peux vous dire qu'il y a divers types de situations qui se sont

24 présentés et tous les ministres ont accompli ce genre de visite lorsqu'il y

25 a des événements de grande envergure qui se déroulent.

26 Q. Mais en dehors de ces visites, quelles sont les autres obligations qui

27 s'imposent à un ministre qui ne sont pas expressément stipulées par les

28 textes ?

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1 R. Une visite en soi cela ne constitue pas une obligation morale.

2 L'obligation morale du ministre, c'est de voir ce qui arrive à ses hommes

3 sur le terrain.

4 Q. Que peut faire un ministre, quelles sont les actions qu'il peut

5 entreprendre et qui ne soient pas expressément prévues par les textes de

6 loi ?

7 R. Il peut faire uniquement ce qui est prévu par les textes de loi.

8 Q. Mais vous êtes en train de nous dire qu'il pouvait se rendre sur le

9 terrain, fournir un soutien moral, essayer de voir si ses hommes ont besoin

10 de plus de vivres, et cetera, vous nous avez dit que c'était une obligation

11 morale qui ne découlait pas d'un texte de loi précis. Si bien que moi, la

12 question que je vous pose, est de savoir quelles autres actions il peut

13 entreprendre et qui ne sont pas non plus expressément décrites par les

14 textes de loi ?

15 R. En plus de cet aspect moral des choses que je suis en train d'évoquer,

16 je ne sais pas s'il y a quoi que ce soit d'autre. Mais est-ce que vous

17 pensez que le ministre reste dans son bureau à regarder les événements à la

18 télévision ? Mais bien entendu qu'il y a des occasions où la morale lui

19 impose de se rendre sur le terrain auprès de ses hommes, pour voir ce qui

20 se passe.

21 Q. Ces obligations morales peuvent l'inciter à prendre certaines décisions

22 et à être un petit peu, peut-être, plus souple dans l'application de textes

23 juridiques, n'est-ce pas ?

24 R. Non.

25 Q. Comme vous nous l'avez indiqué, le ministre M. Boskoski ne se

26 contentait pas de rester dans son bureau à suivre les événements à la

27 télévision, n'est-ce pas ?

28 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas répondre à cette question.

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1 Q. Bien. Vous nous dites donc que vous n'avez pas connaissance de ses

2 activités ?

3 R. Je ne sais pas.

4 Q. J'aimerais que nous passions à la page 23 de la version en anglais du

5 document; page 46 en macédonien; N000-9631, P402.

6 Il y a un paragraphe qui commence par les termes suivants : "J'ai

7 immédiatement pris la direction de Tetovo."

8 Est-ce que vous avez trouvé ce passage ?

9 R. Oui.

10 Q. Je reprends : "J'ai immédiatement pris la direction de Tetovo. Je

11 voulais m'informer de la situation sur le terrain. C'est devenu quelque

12 chose d'habituel pour moi, parce que je suis quelqu'un qui souhaite prendre

13 connaissance de la situation au plus près, et la situation en matière de

14 sécurité de la République de Macédoine à l'époque exigeait de moi que je

15 sois toujours auprès de ceux qui défendaient la Macédoine sur le terrain,

16 c'est-à-dire au cœur même des événements. Les balles sifflaient près de nos

17 oreilles et c'était une réalité.

18 "A Tetovo, je me suis assuré que la situation était véritablement en

19 train de se calmer. Le lendemain, je me suis rendu dans la zone de Lipkovo.

20 J'étais sur place de ce qui se passait sur le terrain."

21 Est-ce que vous avez vu ce passage ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que cela ne signifie pas que M. Boskoski se rendait

24 régulièrement sur le terrain et que ses informations, il les obtenait en

25 dehors des filières que vous nous avez décrites précédemment ?

26 R. Ici, vous venez de lire des phrases extraites d'un livre qui rend

27 compte d'une situation à un moment précis, et il faudrait que je les

28 interprète en tant que documents juridiques. Mais il y a une phrase qui dit

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1 : "J'étais informé directement de la situation sur le terrain." Je pense

2 que cette phrase se passe de commentaires, et je répondrais la même chose

3 pour la suite du paragraphe. Pourquoi le ministre ne se rendrait-il pas sur

4 le terrain, un terrain où se trouve un grand nombre de policiers afin de

5 voir quelle est la situation des hommes qu'il dirige et dont il est

6 responsable ?

7 Q. Madame Dorevska, vous n'avez pas véritablement répondu à ma question.

8 Vous nous dites qu'il s'agit de phrases extraites d'un livre qui rend

9 compte d'une situation à un moment donné. On vous demande d'interpréter ça

10 comme si c'était des documents juridiques. Mais c'est un livre qui a été

11 écrit par M. Boskoski lui-même. Pourquoi devriez-vous interpréter ce livre

12 comme s'il était un document juridique ?

13 R. Parce que je suis juriste.

14 Q. Mais pourtant, ce n'est pas un document juridique que nous avons ici

15 sous les yeux.

16 R. Mais c'est justement la raison pour laquelle j'ai déjà fait le

17 commentaire que j'ai fait. Mais c'est justement ce que je vous dis.

18 Q. Mais pourquoi est-ce qu'il vous faudrait interpréter ce livre en tant

19 que document juridique ? Vous n'êtes pas experte en la matière, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Tout à fait.

22 Q. Vous dites, c'est tout à fait ça. Vous reconnaissez, vous n'êtes pas

23 experte en la matière ?

24 R. C'est exact, je ne suis pas experte.

25 Q. Madame Dorevska, examinons ce qui figure vers le bas du même

26 paragraphe. Je cite : "J'y suis retourné quelques jours plus tard avec le

27 directeur du bureau de la sécurité publique, Goran Mitevski. J'ai informé

28 la presse des mesures prises par le ministère de l'Intérieur pour répondre

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1 aux priorités et aux préoccupations prioritaires de la population civile.

2 L'armée macédonienne va établir un système constitutionnel et juridique sur

3 chaque centimètre carré de la terre macédonienne, et pour cela nous ferons

4 tout ce qui est nécessaire."

5 Est-ce que vous voyez ce passage ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que ça ressemble pour vous aux actions d'un ministre qui veut

8 que son directeur s'acquitte de certaines tâches indépendamment ou est-ce

9 que ce n'est pas plutôt un ministre qui souhaite avoir le contrôle de son

10 ministère et de ses activités ?

11 R. Le directeur du bureau est indépendant dans la réalisation de sa

12 mission, et il est assez habituel de voir le ministre et le directeur se

13 rendre ensemble à un endroit donné. On parle de journalistes ici, or vous

14 savez que lorsqu'il y a une situation particulière, c'est toujours le

15 ministre qui parle à la presse. Il est responsable devant le gouvernement,

16 devant le parlement, auprès des journalistes. Mais comment peut-il faire ce

17 genre de déclaration, se faire une opinion s'il ne se rend pas sur le

18 terrain ?

19 Q. Mais vous nous avez dit précédemment, Madame Dorevska, si je ne

20 m'abuse, que ces informations, il les recevait des réunions collégiales, de

21 ses conseillers, du directeur, lors des réunions qui avaient lieu au plus

22 haut niveau. Est-ce que ce n'est pas de cette manière-là que vous avez

23 décrit le processus qui permettait au ministre d'être informé ?

24 R. Oui, c'est exact. Mais pour certaines mesures bien particulières, et

25 s'agissant du passage que vous venez de nous lire, il ne s'agit pas là de

26 prendre des mesures à caractère policier sur le terrain. Il s'agit de se

27 faire une idée de la situation sur le terrain.

28 Q. Mais précédemment, Madame Dorevska, vous n'avez jamais expliqué qu'il

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1 allait sur le terrain, qu'il obtenait des informations auprès des policiers

2 au sujet d'opérations en cours ?

3 R. Je n'aurais pas pu le mentionner parce que je ne le savais pas. C'est

4 la première fois que je lis ces extraits du livre. Je suis en train de vous

5 faire part de mes commentaires. J'en fais, je pense, une analyse logique

6 qui découle du contenu même de ce livre.

7 Q. En fait, ce que vous faites c'est que vous faites des hypothèses sur la

8 base de ce que vous lisez dans ce livre.

9 R. Non, pas du tout. Je suis en train de faire une différence entre des

10 visites sur le terrain et ce qui est habilité à faire le ministre en

11 matière d'opérations sur le terrain. Or ici, ce qui se passe, c'est qu'il

12 se rend auprès de membres du ministère, de policiers qui se trouvent là

13 depuis plusieurs jours, plusieurs semaines ou même plusieurs mois.

14 Q. Madame Dorevska, quand le ministre Boskoski faisait des déclarations à

15 la télévision, ceux qui travaillaient au ministère de l'Intérieur le voyait

16 comme leur supérieur ?

17 R. Oui, bien entendu que c'est leur supérieur, puisque c'est le numéro un

18 du ministère. Ceci est prévu par la Loi sur l'organisation et le

19 fonctionnement des organes de l'administration de l'Etat.

20 Q. Lorsque M. Boskoski allait sur le terrain, là où il se déroulait des

21 opérations de police ou des combats, est-ce qu'il se contentait de recevoir

22 des informations, est-ce qu'il ne donnait strictement aucune instruction ?

23 R. Je ne sais pas ce qu'il en est de cette situation. Je crois qu'il

24 s'entretenait avec les policiers sur le terrain, c'est ce que j'ai déduit

25 de ce passage, et il était informé de la situation à laquelle étaient

26 confrontés ses hommes et de leurs besoins.

27 Q. Oui, mais vous ne répondez pas à ma question. Je vous ai demandé la

28 chose suivante : lorsque le ministre, M. Boskoski, se rendait sur le

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1 terrain, dans le cadre d'opérations, de combats, lorsqu'il allait voir les

2 policiers sur le terrain, pensez-vous qu'il se contentait de recevoir des

3 informations sans donner aucune instruction ?

4 R. Je ne peux vraiment pas répondre à cette question, parce que je ne

5 savais pas et je ne sais pas ce qui se passait quand le ministre se rendait

6 dans ces endroits, comme c'est écrit ici.

7 Q. Est-ce que vous respectiez M. Boskoski, le ministre, Madame Dorevska ?

8 R. Oui, bien sûr.

9 Q. Est-ce que, selon vous, il s'agissait d'un ministre responsable ?

10 R. Oui.

11 Q. Pensez-vous qu'il faisait preuve de responsabilité quand il

12 s'acquittait de ses fonctions ?

13 R. Oui, il les accomplissait comme il se doit.

14 Q. Est-ce qu'il respectait toujours les règles en vigueur au ministère ?

15 R. Je crois que vous m'avez déjà posé cette question, et je vous ai

16 répondu qu'en ce qui concerne mon domaine d'activités - parce que je ne

17 peux pas me prononcer sur d'autres services du ministère - mais en tout cas

18 en ce qui concerne mon service, oui, la réponse est oui.

19 Q. J'aimerais que vous examiniez la pièce 65 ter qui se trouve à

20 l'intercalaire 41, il s'agit donc de la pièce 1076.

21 Si on regarde ce qui figure en haut de ce document, on voit qu'il s'agit du

22 dossier personnel de M. Boskoski au ministère, n'est-ce pas ?

23 R. Il s'agit de la première page d'un dossier. C'est la page de

24 couverture.

25 Q. On voit qu'il s'agit ici de Ljube Boskoski, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Ce document, il émane du secteur ou du service des affaires juridiques

28 et du personnel, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. J'aimerais bien que nous examinions la page N006-6243.

3 Il s'agit d'une décision qui porte votre signature, n'est-ce pas, Madame ?

4 C'est le document que vous avez signé ?

5 R. Oui, c'est exact.

6 Q. Ce document porte la date du 20 juin 2003.

7 R. Oui.

8 Q. Cette décision est adressée à Ljube Boskoski, ensuite on voit mention

9 d'une adresse, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Il est dit : "La décision du ministère de l'Intérieur vous affectant

12 une arme à feu est annulée par la présente. Décision jointe à ce document."

13 Est-ce que c'est bien exact ? Veuillez vous contenter de regarder cette

14 première page d'abord.

15 R. Oui, oui, c'est exact.

16 Q. Au milieu de la page, on voit, je cite : "S'agissant de ce qui est cité

17 précédemment, il vous est demandé de rendre ce qui vous avait été affecté

18 précédemment au ministère de l'Intérieur, municipalité de Kisela Voda,

19 point de contrôle, et cetera, point de contrôle chargé de récupération des

20 armes pendant les heures de bureau…"

21 Est-ce que vous voyez ce passage ?

22 R. Oui.

23 Q. Ensuite, il est dit que : "si au cas où l'arme en question n'est pas

24 retournée, il faudra payer une certaine somme qui correspond à sa valeur, à

25 la valeur de cette arme." N'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Ensuite vous informez le ministre Boskoski donc, qu'une fois qu'il a

28 quitté le ministère il doit rendre l'arme qui lui avait été donnée ou

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1 affectée dans le cadre de ses fonctions, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Page suivante, N006-6244. C'est la décision qui porte annulation de la

4 distribution ou de l'affection de l'arme de service, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Ici, il est indiqué que Ljube Boskoski a pour obligation de restituer

7 son arme de service dans les 15 jours suivant la date de la décision,

8 n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Et dans l'explication qui est fournie ensuite, il est fait référence à

11 l'article 71 de la Loi sur les affaires intérieures, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Ensuite, en bas du document, il est écrit que si l'arme de service qui

14 lui a été affectée est perdue ou n'existe plus, il doit payer une somme

15 correspondant à sa valeur; c'est bien cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Et c'est signé par le ministre Kostov, c'est bien cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Si nous passons maintenant à la page suivante, la

20 N006-6245, en date du 21 août 2003. Il s'agit d'un bordereau de livraison,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. En bas de ce bordereau de livraison, il est écrit : "Le

24 18 novembre 2003, à 17 heures, nous avons rencontré Ljube Boskoski devant

25 sa maison, 23D rue Georgi Skrizevski, et après que la personne nommée ait

26 lu la décision et en ait pris connaissance, il a refusé de prendre la

27 décision et de signer le bordereau de livraison."

28 Vous le voyez ?

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1 R. Oui.

2 Q. Ensuite, maintenant si nous pouvions passer à la pièce N006-6250. Vous

3 pouvez maintenant le voir à l'écran, c'est un autre bordereau de livraison

4 en date du 20 août 2003. Le voyez-vous ?

5 R. Oui.

6 Q. Et là, à nouveau, il est écrit que la personne a refusé de prendre en

7 main la décision qui lui était donnée ?

8 R. Oui.

9 Q. Pourriez-vous maintenant enfin passer à la pièce N006-6242. Je pense

10 que Mme l'Huissière pourra vous aider.

11 Donc il s'agit d'une lettre du commandant du poste de police Centar,

12 en date du 25 novembre 2003, et adressée aux services en charge des

13 affaires juridiques et personnelles. Il est écrit et je cite : "En pièce

14 jointe à ce fichier, vous trouverez les décisions portant sur Ljube

15 Boskoski de Skopje, que nous voudrions vous renvoyer. Et nous tenons à vous

16 informer que la personne mentionnée, après avoir lu la décision, a refusé

17 de les prendre en main et a déclaré ce qui suit : 'Renvoyez donc cette

18 décision à qui l'a écrite, c'est-à-dire Hari Kostov.'"

19 Le voyez-vous ?

20 R. Oui.

21 Q. Donc, Madame Dorevska, le ministre Boskoski a quitté le ministère, on

22 lui a demandé à plusieurs reprises de rendre ce qui appartenait au

23 ministère, il a refusé de rendre ce qui appartenait au ministère; c'est

24 bien ça ?

25 R. Ce n'était pas la propriété du ministère, il s'agissait d'une somme qui

26 lui avait été attribuée. Le ministre l'a reçue, tout comme d'autres

27 employés en applications de l'article 7.1 de la Loi sur les affaires

28 internes.

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1 Q. Oui, mais il fallait qu'il rende cette somme lorsqu'il aurait quitté le

2 ministère, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, certes. Mais je ne vois pas du tout ce qui est illogique. Il a

4 refusé de signer le bordereau de livraison, donc dans la procédure c'est

5 autorisé, ensuite la procédure stipule comment on peut envoyer le document

6 d'une façon différente.

7 Quant à savoir ce qui est arrivé après, je n'en sais rien.

8 Q. Madame Dorevska, il n'a pas uniquement refusé de signer le bordereau de

9 livraison, il a aussi dit d'envoyer le document, il a dit : "Vous n'avez

10 qu'à le renvoyer à la personne qu'il l'a émis." Vous avez vu ça quand même

11 ?

12 R. Oui, c'est ce qui est écrit.

13 Q. Donc il a refusé de rendre cette arme alors qu'il était obligé de par

14 la loi de la rendre ?

15 R. Oui. Sur la base de la décision, il a dit alors ceci, il devait rendre

16 tout cela, mais il avait reçu le pistolet dans le cadre d'une procédure

17 légale, il a considéré très certainement que la décision prise par le

18 ministre n'était pas correcte.

19 Q. Mais ma question était la suivante : il a refusé de faire ce qu'il

20 devait faire, puisqu'il était obligé de par la loi de rendre ce qui lui

21 avait été affecté ?

22 R. Non, il a refusé de prendre en main la décision annulant tout cela.

23 Q. Mais est-ce que vous savez s'il a rendu cette arme de service, comme il

24 aurait dû le faire ?

25 R. Non, ça, je n'en sais rien.

26 Q. Mais nous avons vu que les bordereaux de livraison lui avaient été

27 renvoyés à nouveau en août, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, c'est ce qui est écrit, en effet.

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1 Q. Oui, on vient de le voir, on vient de voir tous ces documents. Les

2 bordereaux de livraison lui ont été envoyés en août, n'est-ce pas ?

3 R. D'après le document que j'ai sous les yeux, il est écrit

4 25 novembre 2003.

5 Q. Mais ça c'est le document par lequel le commandant du poste de police

6 de Centar informe le ministère de l'Intérieur que Ljube Boskoski a refusé

7 de prendre en main les décisions et a déclaré qu'il fallait les renvoyer à

8 la personne qui avait pris la décision, c'est-à-dire Hari Kostov.

9 R. Oui. Oui, c'est ça, je vois le document. Donc je vois ce fameux reçu,

10 ce bordereau de livraison et celui-là en effet est bel et bien en date

11 d'août 2003.

12 Q. Donc s'il était d'accord pour rendre ces armes de service, pourquoi le

13 commandant du centre de police de Centar, deux mois plus tard en novembre,

14 aurait dû informer le ministère de l'Intérieur que Ljube Boskoski n'avait

15 pas obtempéré ?

16 R. J'imagine qu'on parle encore de la même note, du même préavis. Il n'a

17 pas accepté de prendre en main la décision, donc l'huissier ou la personne,

18 en tout cas, qui lui donnait la décision de façon -- en application de la

19 procédure, ne pouvait pas faire grand-chose, puisqu'il fallait qu'il

20 accepte de prendre en main la décision et s'il ne l'acceptait pas il n'y

21 avait pas grand-chose que les autres personnes puissent faire.

22 Q. Donc en refusant de prendre en main la décision, il se plaçait quand

23 même en dehors de la loi ?

24 R. Non. La loi stipule comment on peut donner en mains propres une

25 décision si le récipiendaire refuse de la prendre lui-même en mains

26 propres. Mais visiblement, le commandant du poste de police ne savait pas

27 comment s'y prendre.

28 Q. Madame Dorevska, vous êtes en train de dire que si dans un ministère

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1 quelque chose vous est ordonné par décision, il suffit juste de refuser, de

2 prendre ou d'accepter cette décision pour ne pas avoir à suivre les

3 instructions; c'est bien cela ?

4 R. Je pense que vous ne me comprenez pas. Il a le droit de refuser de

5 signer le reçu selon lequel il a reçu une décision, mais il y a une

6 procédure ensuite que les services doivent suivre pour -- dans ce cas,

7 visiblement, elles ne l'ont pas fait.

8 Q. Mais la décision, Madame Dorevska, semble indiquer qu'il était obligé

9 de rendre son arme de service; il n'y avait aucune possibilité de faire

10 autrement.

11 R. Mais je l'ai répété plusieurs fois et je le répète à nouveau, il avait

12 le droit de refuser de servir cette décision si tant est qu'il n'était pas

13 d'accord avec cette décision.

14 Q. Mais il était aussi autorisé à ne pas rendre son arme de service du

15 moment qu'il n'avait pas signé et pris connaissance de la décision, il

16 avait le droit de garder son arme de service ?

17 R. Si on ne lui donne pas ou si on ne lui délivre pas en mains propres

18 cette décision de façon correcte, il n'a absolument pas à donner suite.

19 Q. Donc vous êtes en train de nous dire qu'il peut tout simplement

20 contourner les règles et ses obligations rien qu'en refusant de signer un

21 bordereau par lequel on lui présente une décision ? C'est ce que vous êtes

22 en train de nous dire ?

23 R. Non, non. Mais je tiens à dire qu'il y a une procédure en place au

24 ministère, et dans tous les ministères d'ailleurs, une procédure qui existe

25 si les gens ne veulent pas signer les documents qui leur sont donnés

26 officiellement.

27 Il y a une procédure ensuite qui s'ensuit pour que la personne

28 reçoive les documents. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il n'a pas voulu

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1 signer la décision, et au regard de la loi, ça signifie qu'il n'a jamais

2 reçu cette décision. Je ne sais pas si les départements ont fait de leur

3 mieux ensuite pour trouver une façon de lui faire parvenir cette décision;

4 je ne sais pas ce qu'ils ont fait.

5 Q. Pourtant, visiblement ils ont essayé deux fois de lui donner cette

6 décision et de lui faire signer ce bordereau.

7 R. Oui. Mais ils devaient suivre la procédure qui est stipulée dans la

8 loi. Puisqu'il y a une procédure qui existe quand quelqu'un refuse de

9 signer un bordereau par lequel une décision lui est signifiée, il y a une

10 procédure de suivi qui doit être appliquée.

11 Q. Est-ce qu'un système légal peut fonctionner correctement si les

12 citoyens refusent de prendre connaissance des décisions ?

13 R. C'est pour ça qu'il y a un système, qu'il y a des lois qui existent, et

14 la loi a prévu, justement, qu'il y a des situations où les gens refusent de

15 prendre connaissance d'une décision, et dans ce cas-là, il y a d'autres

16 moyens pour faire parvenir à la personne la décision qui la concerne.

17 Q. Que se passe-t-il si la personne continue à refuser bien que la

18 procédure est poursuivie ?

19 R. Je vous ai dit que tout ceci est expressément stipulé dans la loi sur

20 les procédures générales administratives. On fait une deuxième tentative,

21 on laisse la décision sur la porte, on note la date à laquelle la décision

22 se trouve à la porte, et on voit si la décision, oui ou non, a été prise en

23 mains propres par la personne à qui elle est destinée.

24 Q. Mais quand la décision est laissée à la porte de quelqu'un, à ce

25 moment-là vous dites qu'il était obligé de rendre son arme de service ?

26 R. Normalement le moment auquel la note est affichée sur la porte est

27 indiqué sur le reçu, et tout ceci est très clairement stipulé dans la loi

28 sur la procédure administrative générale dont je vous ai parlé. Je ne peux

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1 pas vraiment vous la citer de tête, parce que je ne l'ai pas sous les yeux.

2 Mme ISSA : [interprétation] J'aimerais passer à autre chose, s'il vous

3 plaît.

4 J'aimerais savoir la chose suivante : tout d'abord, je voudrais faire

5 référence à une vidéo portant la cote P437, numéro 988 de la liste 65 ter.

6 [Diffusion de la cassette vidéo]

7 Mme ISSA : [interprétation]

8 Q. Avez-vous vu cette vidéo ?

9 R. Oui.

10 Q. Le ministre Boskoski n'est-il pas en train de déclarer qu'il est

11 responsable car il est la personne la plus haute dans la hiérarchie du

12 ministère en ce qui concerne quelque chose qui vient d'arriver sur le

13 terrain ? N'est-il pas en train de dire : "Le ministre de l'Intérieur ne

14 rejette pas ses responsabilités et si ceux qui étaient présents sur le

15 terrain sont responsables, je ferai ce que je dois, parce que je suis le

16 commandant de la police macédonienne et, en tant que ministre, c'est moi

17 qui suis responsable."

18 Est-ce ce qu'il a dit ?

19 R. Je ne pense pas qu'il a dit qu'il était le commandant de la police

20 macédonienne. Je pense qu'il a dit : "Je commande la police macédonienne."

21 Il s'agit de quelque chose que le ministre a dit juste après un incident.

22 Je pense qu'il était extrêmement ému et l'idée était de protéger les

23 personnes autour de lui, dont le rôle était de sécuriser l'endroit où se

24 passait l'événement.

25 Q. Mais pourquoi dites-vous qu'il était extrêmement ému à l'époque, qu'il

26 était troublé et que son but était de protéger les gens qui étaient autour

27 de lui ? Qu'est-ce qui vous permet de dire cela ?

28 R. Nous avons tous vu cela à la télévision. Et juste après ce très

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1 malheureux incident où certaines personnes ont trouvé la mort, le ministre

2 a parlé aux médias; et bien sûr, il prend la responsabilité de ce qui s'est

3 passé bien que la responsabilité aurait sans doute dû être trouvée

4 ailleurs.

5 Q. Mais personne n'a trouvé la mort dans cet incident.

6 R. Il y a quand même eu des personnes qui ont été blessées de façon très

7 grave.

8 Q. Mais quand il dit qu'il commande la police de Macédoine, il endosse la

9 pleine responsabilité des opérations de police qui ont eu lieu sur le

10 terrain, n'est-ce pas ?

11 R. A ma connaissance, il s'agit d'un exercice ou d'une manœuvre, le

12 ministre avait voulu y participer, et là les mots "je commande" dans ce

13 contexte, d'après moi, signifient qu'il gère le ministère de l'Intérieur.

14 Q. Très bien. Il gère le ministère de l'Intérieur, donc s'il le dirige,

15 c'est quand même lui qui est à la tête du ministère de l'Intérieur, c'est

16 quand même lui le supérieur hiérarchique de ce ministère ?

17 R. Non.

18 Q. Mais vous avez dit qu'il avait utilisé le mot "commandement" parce que

19 cela signifiait, d'après vous, qu'il avait la compétence de direction du

20 ministère de l'Intérieur. Cela signifie quand même qu'il est à la tête du

21 ministère ?

22 R. Il y a une différence entre diriger et commander.

23 Q. Selon le ministre Boskoski, en tout cas à son avis, il dit qu'il avait

24 l'autorité légale lui permettant de commander la police macédonienne. C'est

25 ce qu'il dit ?

26 R. Je vais me répéter. C'est une déclaration qu'il a faite lors d'un

27 moment difficile, cinq minutes après un incident extrêmement malheureux. Le

28 ministre parlait à la presse, et je ne pense pas que l'on puisse donner à

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1 ses propos l'interprétation que vous souhaitez leur donner.

2 Q. Mais il dit quand même qu'il était responsable de la police de

3 Macédoine en tant que ministre ?

4 R. Le ministre dirige le ministère de l'Intérieur. Ça, c'est évident.

5 Q. Etant donné que c'est le ministre qui dirige le ministère de

6 l'Intérieur et qui dirige le ministère, il dirige aussi la police, n'est-ce

7 pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Très bien.

10 Mme ISSA : [interprétation] Je remarque, Monsieur le Président, qu'il se

11 fait tard, mais j'ai encore quelques points à aborder, et je pense que deux

12 minutes ne me suffiront pas malheureusement.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] D'après vous, de combien de temps

15 aurez-vous encore besoin demain ?

16 Mme ISSA : [interprétation] Je pense que j'en aurai fini au cours de la

17 première séance.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez dit que vous aviez encore

19 très peu de questions.

20 Mme ISSA : [interprétation] J'essaie d'être prudente. J'espère en avoir

21 fini bien avant la première pause, mais je ne voudrais pas sous-estimer le

22 temps dont j'aurai besoin. Ce sera une entre demi-heure et trois-quarts

23 d'heure, voire peut-être une heure.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons lever la séance

25 pour la soirée. Nous reprendrons demain à 14 heures 15.

26 --- L'audience est levée à 18 heures 57 et reprendra le mardi 19

27 février 2008, à 14 heures 15.

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