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1 Le mardi 11 mars 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
7 Je vous rappelle, Monsieur, que la déclaration que vous avez prononcée est
8 toujours valable. J'ai cru comprendre que vous souhaitiez apporter une
9 correction à ce que vous avez déclaré hier.
10 LE TÉMOIN: BLAGOJA MARKOVSKI [Reprise]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 LE TÉMOIN : Oui, en effet. Merci.
13 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je me souviens de la
14 déclaration par laquelle je me suis engagé à dire la vérité, toute la
15 vérité et rien que la vérité, et c'est la raison pour laquelle j'interviens
16 aujourd'hui.
17 Hier, en réponse à l'une des questions qui m'a été posée par la
18 Défense représentée par M. Apostolski, en parlant de la mise à pied de M.
19 Gzim Ostreni qui a quitté les rangs du Corps de protection du Kosovo et le
20 poste de chef de l'état-major général, j'ai été interrompu par le
21 Procureur, qui a ouvertement dit qu'il doutait que je dise la vérité. J'ai
22 fait des efforts hier et pendant la nuit pour analyser ma déclaration et
23 pour trouver des éléments corroborant ce que j'ai dit.
24 Dans mon propre intérêt et dans l'intérêt de la vérité, j'indique aux
25 Juges de cette Chambre que vous trouverez des éléments corroborant ma
26 déclaration dans le document 65 ter 2D712. Cela se trouve dans la note de
27 bas de page lorsque j'ai précisé certains points des paragraphes 265 et 266
28 de mon rapport.
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1 Je tiens à dire que nous avons ici un document, une recherche,
2 préparée pour la convention annuelle des experts en sociologie et en
3 politique en 2001 à San Francisco, en Californie. Ce document s'intitule
4 "Le calme avant la tempête, impact des réseaux transfrontaliers, corruption
5 et contrebande sur la stabilité de la Macédoine et la sécurité dans la
6 région". Ce document a été préparé par le professeur Robert Hislow de New
7 York.
8 Aux pages 34 et 35 dans ce paragraphe, deuxième phrase, il est dit :
9 "En avril, Gzim Ostreni, vétéran de l'ALK de Debar, en Macédoine, a été
10 démis de ses fonctions au sein du Corps de protection du Kosovo en raison
11 de sa coopération avec l'ALN."
12 J'ai fait des efforts pour préciser ce que j'ai dit par rapport aux
13 déclarations du professeur Hislow; et dans mes archives électroniques que
14 j'ai emmenées avec moi à La Haye, j'ai trouvé des éléments corroborant ce
15 que j'ai dit dans les informations provenant des autorités macédoniennes,
16 en date du 13 avril 2001, dans un document intitulé "Le chef du Corps de
17 protection du Kosovo a été démis de ses fonctions."
18 Il est dit : "Pristina, 18 avril. Le commandant du Corps de
19 protection du Kosovo, Agim Ceku, a aujourd'hui démis de ses fonctions le
20 chef de la formation, Gzim Ostreni, car il le soupçonne d'avoir participé
21 aux attaques menées par les terroristes albanais en Macédoine.
22 "Le porte-parole du corps, Muharem Mahmutaj, a annoncé qu'Ostreni
23 serait démobilisé si les soupçons concernant sa participation aux
24 événements en Macédoine est avéré. Mahmutaj a insisté pour dire que le but
25 essentiel du corps est de protéger ses institutions et non pas ses
26 membres."
27 L'auteur de ce document est un journaliste dont les initiales sont
28 "TT". Ces informations ont été divulguées par la personne ayant les
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1 initiales "SB" à 17 heures 04, le 13 avril 2001.
2 Par conséquent, je pense que ce que j'ai dit par rapport à la mise à
3 pied de Gzim Ostreni qui a quitté ses fonctions au sein du Corps de
4 protection du Kosovo est exact. Je souhaitais simplement apporter une
5 petite correction par rapport à ce que j'ai dit.
6 J'ai déclaré le 13 avril tout cela et je pense que le Procureur
7 n'avait aucun droit de m'interrompre lorsque j'ai fait cette déclaration.
8 Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Je tiens à vous
10 rassurer en vous disant que nous surveillons de près le comportement du
11 Procureur et nous n'y voyons rien à redire en l'occurrence. Nous vous
12 sommes reconnaissants d'avoir apporté ces précisions et je suis sûr
13 qu'elles seront prises en considération par les représentants des parties
14 dans leur interrogatoire.
15 Maître Residovic, allez-y.
16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
17 Contre-interrogatoire par Mme Residovic : [Suite]
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Markovski. Auriez-vous l'obligeance
19 d'examiner de nouveau la pièce 1D81 qui se trouve à l'intercalaire 3.
20 Page 1D3042 en macédonien, 1D3048 en anglais.
21 Vous vous souviendrez sans doute, Monsieur Markovski, qu'hier, vers
22 la fin de l'audience, nous avons parlé de la décision prise par le
23 président Trajkovski en vue de la constitution d'une organisation chargée
24 de la défense de la ville. Et nous avons parlé des ordres donnés par le
25 commandant chargé de la défense de la ville, le général Sokol Mitrevski ?
26 R. Oui, je m'en souviens.
27 Q. Nous avons parlé des zones de responsabilité adjacentes à celle du
28 général Sokol Mitrevski ou adjacentes à celle relevant de la défense de la
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1 ville. Vous souvenez-vous que c'est le dernier point que nous avons évoqué
2 hier ?
3 R. Oui, je m'en souviens.
4 Q. Compte tenu des réponses que vous avez apportées en expliquant ce
5 qu'était l'unité voisine, est-il exact de dire que les unités adjacentes
6 aux unités placées sous le commandement du commandant Sokol Mitrevski
7 étaient les unités situées dans les villes voisines de Tetovo et Kumanovo.
8 R. On peut dire cela, sauf si les missions les concernaient.
9 Q. Et on peut dire également que toutes les autres unités qui ont pris
10 part à la défense de la ville, il ne s'agissait pas uniquement de l'armée
11 et de la police, mais également de la défense civile. Toutes ces unités
12 avaient pour tâche d'obéir aux ordres du commandant chargé de la défense de
13 la ville, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, c'est tout à fait exact.
15 Q. Nous avons cette page à l'écran. Je vous invite à examiner le point 3.
16 On parle de la notion d'unité voisine. Il est question du poste de
17 commandement des forces décrites au point -- ces forces sont cantonnées à
18 Tetovo dans la caserne KJP2, il s'agit d'unités adjacentes aux unités
19 chargées de la défense de la ville, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, c'est la raison pour laquelle je vous ai dit que si les unités que
21 vous avez mentionnées étaient placées sous le commandement du général
22 Mitrevski et n'avaient pas participé à cette action, il s'agissait d'unités
23 voisines. Mais compte tenu de la zone de responsabilité de l'unité voisine,
24 ici elle est placée sous le commandement de la caserne KJP2 à Tetovo.
25 Donc c'est tout à fait ce que vous avez dit.
26 Q. Au point 2, il est question d'autres forces, le poste de commandement
27 qui se trouve au HT Karpos à Kumanovo. Il s'agit là d'autres zones placées
28 sous le commandement de Sokol Mitrevski, n'est-ce pas ?
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1 R. En l'occurrence, le voisin situé à l'ouest, l'unité qui s'est vu
2 confier cette mission, était la caserne KJP2 à Tetovo, tandis qu'à l'est il
3 s'agissait de la zone de responsabilité relevant du HT Karpos de Kumanovo.
4 Q. L'aéroport de Petrovac se trouve dans la zone de responsabilité de
5 l'unité chargée de la défense de la ville. Est-ce là l'une des raisons pour
6 lesquelles on a constitué cette unité chargée de la défense de la ville,
7 pour défendre l'aéroport ?
8 R. Tout à fait.
9 Q. On parle des "forces chargées de la défense antiaérienne…", on voit
10 aussi "VV". Qu'est-ce que cela signifie ?
11 R. Armée de l'air.
12 Q. Et ces forces de l'armée de l'air "doivent appuyer les forces de
13 sécurité de la République de Macédoine dans leur lutte contre les
14 terroristes."
15 Conviendrez-vous avec moi qu'il s'agit d'un ordre concernant des
16 unités placées sous un commandement unique, cela ne concerne pas les unités
17 voisines.
18 R. Tout à fait. Cela concerne les unités impliquées et qui se voient
19 confier des missions dans cette zone de responsabilité.
20 Q. Nous avons vu précédemment que parmi les raisons de la création
21 d'unités chargées de la défense de la ville et du fait que l'on a installé
22 le poste de commandement au village d'Aracinovo était que le village
23 d'Aracinovo était placé sous le commandement du général Sokol Mitrevski.
24 R. Oui, cette zone était placée sous le commandement et la direction des
25 unités placées sous le commandement du général Mitrevski. Cela se trouvait
26 dans sa zone de responsabilité.
27 Q. Au paragraphe suivant, on peut lire : "Les forces du ministère de
28 l'Intérieur ont bloqué le village d'Aracinovo et contrôlent les points
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1 d'accès au village. A l'aide de forces à leurs disposition, ils assurent la
2 sécurité des installations d'importance cruciale au centre de la ville."
3 Ici le ministre de l'Intérieur, et non pas une unité voisine, mais une
4 force placée sous le commandement du général Mitrevksi.
5 R. Oui. Les unités du ministère de l'Intérieur sont placées sous le
6 commandement du général Mitrevski.
7 Q. Il s'agit d'un ordre direct que les forces du ministère de l'Intérieur
8 sont tenues d'exécuter, n'est-ce pas ?
9 R. Il s'agit d'un ordre qui devait être mis en œuvre et dans lequel on
10 précise les missions qui doivent être menées à bien par les forces du
11 ministère de l'Intérieur.
12 Q. Veuillez-vous pencher sur le document figurant à l'intercalaire 4 à
13 présent ?
14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce 1D82.
15 Q. Il s'agit d'un document portant la date du 14 juin 2001, ce document
16 une fois de plus est signé par Sokol Mitrevski, il s'agit d'un ordre de
17 marche.
18 Au paragraphe 5.1.1, la mission décrite concerne la 1ère Brigade des Gardes.
19 Est-ce exact ?
20 R. Oui.
21 Q. A ce sujet, je souhaite appeler votre attention sur le point 1, que se
22 lit comme suit : "Renseignements concernant les terroristes," et il est dit
23 : "d'après les ordres de la Défense."
24 Conviendrez-vous avec moi, Monsieur Markovski, que cette 1ère Brigade des
25 Gardes, comme il ressort de l'ordre indiquant qu'elle a été déployée dans
26 le village de Ljubanci et dans la caserne d'Ilinden, s'est vu confier les
27 mêmes missions eu égard aux terroristes que celles décrites dans l'ordre
28 adressé à la défense de la ville de Skopje que nous avons examiné
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1 précédemment.
2 R. Même si nous avons deux documents, ces deux documents concernant la
3 même mission. Il faut mettre en œuvre la mission confiée à la 1ère Brigade
4 de Gardes. Le commandant chargé de la défense de la ville de Skopje a
5 décidé de donner également un ordre de marche, de façon à ce que les unités
6 s'installent à leurs positions et puissent s'acquitter des obligations
7 décrites dans l'ordre de mission.
8 Je réponds donc par l'affirmative.
9 Q. Merci. La 1ère Brigade des Gardes avait également pour mission de
10 repérer et d'anéantir les groupes terroristes de sabotage, ainsi que
11 d'empêcher leur entrée dans la ville de Skopje, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, tout à fait.
13 Q. Merci. Une fois que le président ou le commandant de la défense de la
14 ville a donné l'ordre initial de défense, est-ce que vous conviendrez avec
15 moi, Monsieur Markovski, que le supérieur militaire dans les forces armées,
16 quel que soit son grade, pouvait donner directement des ordres aux
17 différentes unités du ministère de l'Intérieur concernées ?
18 R. Oui, si la mission les concerne et si elles se trouvent dans sa zone de
19 responsabilité pour mener à bien les missions confiées dans le cadre
20 d'opérations conjointes.
21 Q. Pouvez-vous examiner le document se trouvant à l'intercalaire 12 à
22 présent ?
23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce 1D314, page 1D4809
24 en macédonien, page 1D8176 en anglais.
25 Q. Nous avons là un document qui émane de l'état-major général de l'armée
26 de la République de Macédoine, commandement des forces de sécurité. Avant
27 de vous interroger au sujet de ce document, dites-moi si le titre ou l'en-
28 tête commandement des forces de sécurité, signifie que les forces de
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1 sécurité englobaient à la fois l'armée et la police ?
2 R. Tout à fait.
3 Q. Donc nous avons un document émanant de l'état-major général de l'armée
4 de la République de Macédoine, commandement des forces de sécurité, 21 juin
5 2001. Donc après que la Loi sur la défense ait été votée, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. Le 21 juin 2001, on avait déjà voté la nouvelle Loi sur la
7 défense.
8 Q. Ce document est adressé à l'unité chargée des missions spéciales ESZ du
9 ministère de l'Intérieur. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire
10 qu'il s'agit de l'Unité des Tigres, c'était la seule unité spéciale au sein
11 du ministère de l'Intérieur à l'époque, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, je suis d'accord avec vous.
13 Q. En dessous, on peut lire qu'il s'agit d'un ordre de combat. L'état-
14 major général donne directement un ordre de combat à une unité du ministère
15 de l'Intérieur. Est-ce que ce document cadre avec vos connaissances dans le
16 domaine militaire et avec vos connaissances concernant la situation qui
17 prévalait en 2001 ?
18 R. Soyons précis. Ce n'est pas ici l'état-major général qui donne
19 directement aux unités chargées des missions spéciales du ministère de
20 l'Intérieur, c'est le commandant du commandement des forces de sécurité qui
21 est placé directement sous le commandement de l'état-major général de
22 l'armée de la République de Macédoine.
23 Q. Excusez-moi, nous n'avons pas vu l'auteur de cet ordre, mais est-ce que
24 ceci confirme votre point de vue ? Si une unité opérait conjointement avec
25 l'armée dans le cadre d'une opération où il y aurait un seul et même
26 commandement, ce sont les supérieurs militaires qui peuvent donner
27 directement des ordres aux unités de la police, n'est-ce pas ?
28 R. C'est ce qui est manifeste à la lecture de cet ordre.
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1 Q. La loi qui nous intéresse a été amendée, vous avez déclaré expressément
2 que les dispositions de l'ancienne loi concernant les pouvoirs du président
3 par rapport à l'armée n'avaient pas véritablement changées dans la nouvelle
4 loi. Est-ce que vous pouvez confirmer que ni l'ancienne loi, ni la nouvelle
5 loi ne dispose que le ministre de l'Intérieur peut ordonner le déploiement
6 de forces de police en vue de mener des activités de combat ?
7 R. Tout à fait. Le ministre de l'Intérieur n'a pas de tels pouvoirs.
8 Q. Merci. En réponse aux questions posées par Me Apostolski, vous avez
9 déclaré que les groupes terroristes de sabotage avaient des uniformes à
10 l'époque, mais qu'il arrivait que ces groupes soient vêtus de tenues
11 civiles et se mêlent à la population civile après avoir lancé leurs
12 actions. Est-ce que vous vous souvenez avoir parlé de cela dans votre
13 déposition ?
14 R. Oui, je me souviens avoir déclaré cela, pour affirmer cela je ne
15 m'appuie pas uniquement sur mes connaissances personnelles, mais également
16 sur des documents provenant de la communauté internationale qui était
17 présente en République de Macédoine à l'époque de la crise.
18 Q. L'ordre donné par le commandant chargé de la défense de la ville que
19 nous avons analysé tout à l'heure ordonne, entre autres, aux unités
20 concernées d'empêcher les groupes terroristes de sabotage déguisés d'entrer
21 dans la ville. Vous êtes d'accord avec moi sur ce point ?
22 R. Oui, je suis d'accord. C'est là l'une des missions confiées aux forces
23 de sécurité impliquées dans cette action.
24 Q. Dans l'affaire de Ljuboten, que vous avez analysée en détail dans votre
25 rapport, après la fin des activités de combat dans le village, une partie
26 de la population est partie en direction de Skopje. Vous le savez, n'est-ce
27 pas ?
28 R. Oui, je l'ai indiqué dans mon rapport.
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1 Q. Compte tenu de votre expérience antérieure, compte tenu des fonctions
2 que vous avez exercées, compte tenu des points de vue exprimés par la
3 communauté internationale, on peut dire que les groupes de terroristes de
4 sabotage qui se trouvaient à l'intérieur du village représentaient une
5 véritable menace et que l'ALN avait pour pratique d'entrer dans les villes
6 en se mêlant à la population civile.
7 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?
8 R. Oui, la menace est bien réelle et cette menace s'est avérée compte tenu
9 de ce qui s'est passé.
10 Q. Mais cette menace ou risque qui a conduit aux événements, comme vous
11 l'avez dit, était dû au fait que quelques jours avant les événements, un
12 groupe armé a été repéré et éliminé à Skopje. Ce groupe s'était infiltré à
13 Skopje pour y mener des activités terroristes dans la ville même, n'est-ce
14 pas ?
15 R. Oui, dans l'un des quartiers de la ville de Skopje.
16 Q. Il s'agissait du groupe terroriste de Teli, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, ce groupe était dirigé par Teli.
18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au conseil et au témoin de bien
19 vouloir ménager des pauses entre les questions et les réponses.
20 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
21 Q. Monsieur Markovski, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que l'ordre
22 donné concernant la défense de la ville de Skopje, en l'occurrence, dans
23 une situation où on a repéré des terroristes dans le village de Ljuboten et
24 lancé une action pour remédier à cette situation, cet ordre venait à
25 empêcher l'entrée de groupes terroristes de sabotage dans la ville de
26 Skopje ?
27 R. Si l'on avait négligé cela, la mission n'aurait pas pu être menée à
28 bien et l'action n'aurait eu aucun sens.
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1 Q. Un ordre qui a été donné aux forces aux fins de capturer les
2 terroristes, ceci présuppose que toutes les personnes qui entraient à
3 Skopje par le poste de contrôle auraient fait l'objet d'une vérification de
4 papiers ?
5 R. C'est exact.
6 Q. Puis-je en conclure que l'activité des forces chargées de la sécurité
7 aux postes de contrôle étaient là justement pour empêcher que les gens
8 n'entrent dans la ville de Skopje, donc ceci faisait partie des activités
9 de combat qui se déroulaient à Skopje et figuraient dans le même ordre qui
10 portait sur les activités militaires ?
11 R. Effectivement, ceci faisait partie de ces mêmes objectifs.
12 Q. Merci.
13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
15 Maître Apostolski.
16 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
17 Simplement pour les besoins du compte rendu, je souhaite préciser que la
18 pièce 1D93 a été téléchargée dans le système électronique du prétoire et
19 comporte le numéro 2D731. C'est la pièce 2D731.
20 L'INTERPRÈTE : Pardon, au lieu du 1D93, c'est le 2D93.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais pouvez-vous simplement rappeler
22 de quoi il s'agit, quelle est cette pièce ?
23 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Il s'agissait en fait du témoin protégé.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
25 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera admise comme élément
28 au dossier.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera donc la pièce 2D00093, Madame,
2 Messieurs les Juges.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
4 Lorsque vous serez prêt, Monsieur Saxon.
5 M. SAXON : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. Nous avons
6 plusieurs classeurs comprenant différentes pièces que je souhaite aborder
7 avec le témoin. Je vais commencer par le premier classeur.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En tout cas, ceci vous prendra une
9 heure à peu près.
10 M. SAXON : [interprétation] Oui, je l'espère.
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 Contre-interrogatoire par M. Saxon :
13 Q. [interprétation] Monsieur Markovski, je m'appelle Dan Saxon. Je
14 représente l'Accusation dans cette affaire. Je viens de Boston,
15 Massachusetts, aux Etats-Unis. J'ai un certain nombre de questions que je
16 souhaite vous poser.
17 Tout d'abord, hier à la page 10 614 du compte rendu, lorsque vous avez
18 répondu à une question posée par mon collègue, vous avez dit que vous
19 n'étiez pas d'accord sur les événements de 2001 qui se sont déroulés dans
20 la République de Macédoine. Vous avez dit qu'on ne pouvait pas caractériser
21 ceci comme étant une guerre classique ou conflit armé classique.
22 Vous souvenez-vous de cela ?
23 R. Oui, c'est exact.
24 Q. Monsieur Markovski, dans un conflit armé de type classique, l'une des
25 choses qui se produit souvent, c'est que des soldats sont mobilisés et
26 déployés dans des régions où il y a des combats, n'est-ce pas ?
27 R. Pas seulement dans une guerre de type classique.
28 Q. Je souhaite pourtant vous poser quelques questions à propos de ce
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1 concept de guerre classique, si vous voulez bien.
2 En réponse à ma dernière question, vous direz en somme, oui, vous
3 direz que dans un conflit armé de type classique, les soldats sont
4 mobilisés et déployés dans les zones de combat. C'est exact ?
5 R. Oui. Dans un conflit armé de type classique, oui.
6 Q. Dans un conflit armé de type classique, les deux parties en présence
7 utilisent différentes armes contre l'autre, n'est-ce pas ? R. Tout
8 d'abord, lorsqu'on parle d'un conflit armé de type classique, il nous faut
9 définir les activités menées par l'ennemi, ainsi que le type d'armes
10 utilisées par l'ennemi, et il faut parler d'entités étatiques distinctes.
11 Q. Deux entités étatiques distinctes. Vous parlez en fait de différences
12 entre des entités étatiques distinctes. Est-ce que vous connaissez le
13 concept de conflit armé interne ?
14 R. Oui, je connais cette conception-là, le conflit armé interne. Il est
15 très difficile de donner une définition de cela. C'est ce que j'ai abordé
16 hier, parce que c'est une phase de transition entre une crise et un conflit
17 armé.
18 C'est un conflit armé interne et peut être provoqué également par les
19 structures internes, je suis d'accord avec cela. Peut-être qu'il serait bon
20 d'ajouter que la principale caractéristique de tout conflit armé, ce qui
21 englobe également les conflits internes, ce sont les activités de combat
22 qui se déroulent de façon planifiée et dans une certaine continuité.
23 Q. Merci beaucoup. Je souhaite comprendre votre dernière réponse. Vous
24 avez dit qu'un conflit armé interne est une phase de transition entre une
25 crise et un conflit armé. Est-ce que je vous ai bien compris ?
26 R. La crise se développe en trois phases.
27 Q. Je comprends fort bien. Vous nous l'avez bien expliqué hier. Je
28 comprends très bien. Je comprends très bien les trois phases de la crise
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1 que vous nous avez expliquées hier.
2 J'essaie simplement de faire la clarté sur votre dernière réponse.
3 Vous avez dit qu'un conflit armé interne est une phase de transition entre
4 une crise et un conflit armé. J'essaie de comprendre ce que vous nous dites
5 par là, un conflit armé interne par voie de conséquence est-ce un conflit
6 armé ou pas ?
7 R. A condition qu'il y ait une composante de combat et d'activités de
8 combat, à savoir que ce qui se déroule a été planifié, et ceci se fait dans
9 la continuité, c'est-à-dire qu'il y a eu des ordres, que ceci se fait de
10 façon structurée et organisée, et que tout ceci se déroule conformément à
11 des ordres et commandements qui auraient été donnés au préalable.
12 Q. Je vais revenir un petit peu en arrière et utiliser le terme que vous
13 avez utilisé vous-même il y a quelques instants. Les caractéristiques
14 principales ou de base que vous avez citées, donc la principale
15 caractéristique d'un conflit armé, c'est que les deux parties utilisent
16 différentes armes les unes contre les autres. C'est cela ?
17 R. Vous êtes en train de me faire dire quelque chose que je ne peux pas
18 accepter encore une fois, parce que ceci n'est pas entièrement vrai. Pour
19 qu'un conflit armé existe et qu'il s'agisse également d'un conflit armé
20 interne, il faut considérer les deux camps. Dans ce cas ce sont des forces
21 armées. Ces forces armées doivent être organisées d'après les critères
22 appliqués au fonctionnement des forces armées, à savoir les activités
23 militaires doivent être planifiées à l'avance, et les activités de combat
24 doivent être planifiées à l'avance, et ceci doit se faire dans la
25 continuité.
26 Q. Peut-être que ma question n'était pas claire. Je vais la poser un petit
27 peu différemment.
28 A supposer -- bon, de façon purement hypothétique, un conflit armé existe
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1 dans un pays X, d'accord ? Et une des caractéristiques communes au conflit
2 armé c'est que les deux parties utilisent différentes armes l'une contre
3 l'autre.
4 R. Non, cela ne se passe pas ainsi, parce que les armes peuvent être
5 utilisés également par des terroristes. Des armes peuvent être utilisées
6 par des extrémistes armés, que ce soit des terroristes qui proviennent du
7 pays en question ou qu'il s'agisse de terroristes internationaux ? C'est la
8 raison pour laquelle je vous disais que l'une des caractéristiques
9 principales d'un conflit armé, si des moyens violents sont utilisés, il
10 faut qu'il y ait différents camps. Autrement dit, il doit y avoir deux
11 organisations armées.
12 Q. Lorsque vous avez ces deux organisations armées qui se battent dans un
13 conflit armé, ils utilisent souvent différentes armes les uns contre les
14 autres lorsque ces conditions sont réunies ?
15 R. Oui, c'est exact. Lorsque ces conditions sont réunies, ils utilisent
16 les armes dont ils disposent.
17 Q. Lorsque vous avez deux organisations armées qui se battent dans le
18 cadre d'un conflit, alors souvent des soldats sont tués et blessés ?
19 R. Est-ce que nous parlons toujours du même pays X ?
20 Q. --
21 R. Oui, c'est exact.
22 Q. Nous parlons toujours du pays X, le pays dans lequel un conflit armé de
23 type classique se déroule, et il est habituel que l'on assiste aux
24 déplacements des civils ?
25 R. Oui, malheureusement, c'est une des conséquences lorsqu'il y a des
26 actions militaires.
27 Q. Donc il est habituel, lorsqu'il y a un conflit armé de ce type, qu'un
28 camp prenne le contrôle d'une partie du territoire qui appartenait
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1 précédemment à l'autre camp, n'est-ce pas ?
2 R. En général, l'objectif dans un conflit armé est précisément cela.
3 Q. En général, les deux parties en présence qui s'opposent, les deux
4 groupes armés, fortifient leurs positions à l'aide de tranchées, de sacs de
5 sable, et cetera, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. S'il y a des activités de combat intenses, à ce moment-là, oui,
7 ils s'occuperaient de cela afin de protéger leurs propres forces.
8 Q. Dans ce type de conflit armé classique, en tout cas dans des guerres
9 modernes, dans des conflits armés modernes, il est habituel que des acteurs
10 internationaux participent à cela, comme la Croix-Rouge internationale,
11 l'OTAN, les Nations Unies. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?
12 R. En partie, parce que les guerres modernes, dans le sens du terme que
13 vous utilisez, ces guerres ne présentent pas ce type de caractéristiques-
14 là. Ceci est une des caractéristiques des guerres de type classique par le
15 passé. Une guerre moderne se caractérise par ses activités asymétriques.
16 Q. Lorsque vous parlez d'activités asymétriques dans les guerres modernes,
17 est-ce que vous voulez parler de guérilla, de guerre menée par des insurgés
18 ?
19 R. Non, pas seulement de guérilla. La menace la plus typique en termes de
20 sécurité en ce moment, c'est le terrorisme, le terrorisme international. La
21 guérilla n'est pas une caractéristique d'un Etat moderne démocratique.
22 Q. Mais il se peut que dans un Etat moderne démocratique, une armée de
23 guérilleros ou une armée d'insurgés puisse se développer. Est-ce qu'on n'a
24 pas constaté cela au cours de l'histoire moderne ?
25 R. Je ne sais pas pourquoi une guérilla se développerait au sein d'un Etat
26 moderne parce que les problèmes ou différends pourraient être résolus par
27 des moyens démocratiques et politiques normaux.
28 Q. Mais si les problèmes qui surgissent ne sont pas résolus par les moyens
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1 modernes et démocratiques, un groupe d'insurgés peut voir le jour, n'est-ce
2 pas ?
3 R. Le groupe d'insurgés fait partie du passé. Je ne suis absolument pas
4 d'accord avec vous pour dire qu'une guerre menée par des insurgés ou des
5 révoltes caractérisent une démocratie moderne.
6 Q. Très bien. Dans un conflit armé de type classique, nous allons revenir
7 un petit peu à notre pays X, il est habituel que certains aspects de la vie
8 quotidienne soient troublés, n'est-ce pas ? Autrement dit, ceci empêche les
9 grandes personnes de se rendre à leur emploi, ceci empêche les enfants
10 d'aller à l'école, et cetera, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, je serais d'accord avec vous là-dessus.
12 Q. Les gens ont tendance à passer davantage de temps à l'intérieur parce
13 qu'ils se sentent davantage protégés à l'intérieur, n'est-ce pas ?
14 R. Je ne comprends pas votre question, vraiment. Pourriez-vous la répéter,
15 s'il vous plaît.
16 Q. S'il y a un conflit armé et si vous habitez dans le pays X en question,
17 et s'il y a des combats soit dans votre ville ou près de votre ville et que
18 vous êtes un civil, vous auriez peut-être tendance à passer plus de temps
19 dans les zones protégées, dans les sous-sols, dans les abris, là où les
20 balles ne pourront pas vous atteindre, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, si on m'oblige, c'est effectivement le cas.
22 Q. Dans un conflit armé de type classique dans le même pays X toujours, il
23 est habituel, n'est-ce pas, de voir les deux forces en présence, les deux
24 adversaires, se communiquer leurs objectifs et leurs activités de façon
25 publique ?
26 R. Oui, parce que compte tenu de l'évolution technologique, ceci est tout
27 à fait normal et c'est ce qu'on attend d'eux.
28 Q. Je vais me concentrer un petit peu sur vous et sur les événements de
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1 2001 en Macédoine. En 2001, vous étiez le porte-parole de l'armée et c'est
2 vous qui avez communiqué au public l'évolution des activités de l'ALN, les
3 activités des forces chargées de la sécurité dans la République de
4 Macédoine, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, c'est exact. En 2001, j'étais le porte-parole de l'armée -- pas de
6 l'armée, mais de l'armée de la République de Macédoine, pour être plus
7 précis.
8 Et je souhaite vous dire que, comme j'étais porte-parole, cela
9 signifie que je devais présenter la version officielle des institutions que
10 représente le porte-parole, à savoir l'endroit où le porte-parole
11 travaille. En d'autres termes, le porte-parole est la personne qui relaie
12 le message et les positions des institutions en question où il ou elle
13 travaille.
14 Q. Dans ce sens, en tant que porte-parole en 2001, votre travail était
15 important parce que le grand public pouvait ainsi comprendre ce que
16 faisaient les forces chargées de la sécurité et pourquoi ?
17 R. Oui, vous avez tout à fait raison.
18 Q. Et ceci était important pour réduire la peur au sein de l'opinion
19 publique et pour éviter la panique, n'est-ce pas ?
20 R. Tout d'abord, il était important que soit informé le grand public des
21 différentes évolutions au niveau de la sécurité; et ce que vous venez dire,
22 c'est important de les tenir informés.
23 Q. Revenons à notre pays X, dans un conflit armé classique, très souvent,
24 malheureusement, il y a des exactions contre des civils, exactions qui sont
25 commises par les deux parties en présence. Est-ce que vous êtes d'accord
26 avec ça ?
27 R. C'est possible, et si nous parlons d'un pays précis, peut-être qu'on
28 pourrait être même plus précis à cet égard.
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1 Q. Très bien. Je vais y revenir un peu plus tard.
2 Est-ce que nous pouvons nous mettre d'accord sur ce point, dans un
3 pays X, toujours dans le cadre d'un conflit armé de type classique, très
4 souvent vous constatez qu'il s'agit d'un ensemble d'activités que je viens
5 de décrire, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 M. SAXON : [interprétation] Je ne sais pas si l'on pourrait montrer au
8 témoin maintenant, s'il vous plaît, la pièce P00467.
9 Q. Monsieur Markovski, veuillez prendre le premier classeur que l'on vous
10 a donné et veuillez vous reporter à l'intercalaire numéro 12, s'il vous
11 plaît. Vous devriez avoir cette pièce dans le classeur, mais si vous ne
12 l'avez pas dans le classeur, vous devriez pouvoir consulter le document à
13 l'écran.
14 C'est une carte de Macédoine. Vous allez la voir affichée d'une
15 minute à l'autre.
16 Monsieur Markovski, bien évidemment, il s'agit là d'une carte de la
17 République de Macédoine. Je me demande si vous pourriez vous concentrer, si
18 vous allez de la ville de Skopje et que vous vous dirigez vers l'ouest,
19 vous voyez qu'il y a une route qui relie la ville de Skopje à la ville de
20 Tetovo. Est-ce que vous voyez cette autoroute ?
21 R. Oui, je la vois et je la connais très bien.
22 M. SAXON : [interprétation] Je me demande si notre juriste peut nous aider
23 pendant quelques instants.
24 Q. Veuillez prendre le stylo magique que l'on peut utiliser sur cet
25 écran informatique. Simplement pour vous faciliter la tâche, est-ce que
26 vous pourriez nous indiquer cette route ? Veuillez dessiner un trait plus
27 épais le long de cette route entre Skopje et Tetovo, s'il vous plaît.
28 R. [Le témoin s'exécute]
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1 Q. Merci. Monsieur Markovski, cette route est le principal axe de
2 communication entre la ville de Skopje et la ville de Tetovo, n'est-ce pas
3 ?
4 R. IL y a une autre route secondaire. Celle-ci, c'est la route principale,
5 mais il y a d'autres routes secondaires aussi.
6 Q. Et ces routes secondaires, elles sont proches de l'autoroute ?
7 R. Il y en une qui longe l'autoroute en parallèle et les autres vont en
8 direction du sud ou du nord.
9 Q. Bien.
10 R. On les appelle des rocades et des routes principales.
11 Q. Si cette route principale et cette rocade entre Skopje et Tetovo
12 devaient être coupées ou si on devait en prendre le contrôle, la partie
13 nord-est de cet Etat est à ce moment-là isolé du reste de la Macédoine,
14 n'est-ce pas ?
15 R. C'est une hypothèse très générale que vous faites. Si cela se produit,
16 il faut tenir compte des conditions préalables. Mais je peux vous dire que
17 je suis d'accord avec vous, si les conditions sont réunies, dans ce cas,
18 oui, et si une telle force existe et qu'une force est capable de faire ce
19 genre de chose, oui.
20 Q. A cause de l'importance stratégique de cet axe de communication ainsi
21 que des routes secondaires, c'est une des raisons pour lesquelles l'ALN a
22 déployé une partie de ses forces au niveau de la montagne de Suva Gora près
23 du mont Zeden.
24 M. SAXON : [interprétation] : La partie surlignée vient de disparaître de
25 l'écran.
26 Q. Est-ce que vous pourriez simplement tout d'abord répondre à ma
27 question ?
28 R. Je vais vous demander de bien vouloir répéter votre question, s'il vous
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1 plaît, parce que je regardais l'écran et puis la ligne a disparu.
2 Q. En ordre logique, vous pouvez reprendre le stylo et dessiner ce trait
3 le long de la route, s'il vous plaît.
4 R. Je vais sans doute être plus précis maintenant.
5 Q. Je résume ma question d'origine, l'une des raisons pour lesquelles
6 l'ALN a déployé une partie de ses forces au niveau de la montagne de Suva
7 Gora au sud de Grupcin et aux environs du mont Zeden réside dans
8 l'importance stratégique de cette route, n'est-ce pas ?
9 R. Je ne pense pas que ce soit le cas. Un groupe d'extrémistes armés s'est
10 trouvé non loin de Bojane et un autre groupe de terroristes armés également
11 occupaient le nord de cette route au niveau de la montagne Zeden.
12 Q. D'accord.
13 R. A Bojane, il y avait entre 30 et 50 extrémistes en armes, je ne sais
14 pas exactement quel était leur nombre au niveau du mont Zeden.
15 Q. Pourriez-vous nous aider un peu de façon à préciser les choses.
16 Je vous prierais de bien vouloir tracer un cercle au nord de la route
17 au niveau du mont Zeden.
18 R. J'aimerais que l'on agrandisse la carte à l'écran. Je vous présente mes
19 excuses, mais je n'ai pas une vue parfaite malgré mes lunettes.
20 Q. Pas de problème, je suis exactement dans la même situation que vous.
21 M. SAXON : [interprétation] Nous avons dans ce cas un nouveau problème,
22 parce que si l'on agrandit la carte à l'écran, on perd de vue la ligne que
23 vous avez tracée. Je vais demander à M. l'Huissier de bien vouloir agrandir
24 la partie supérieure gauche de la carte.
25 Voilà, nous y sommes, nous n'avons plus sous les yeux l'image de tout
26 à l'heure.
27 Q. Je vous demanderai de bien vouloir vous saisir du stylet, vous en
28 avez acquis une grande pratique désormais.
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1 R. Oui, j'en ai une très bonne pratique.
2 Q. Maintenant je vous prierais de bien vouloir tracer un cercle à peu près
3 à l'endroit où se trouve le mont Zeden.
4 R. [Le témoin s'exécute]
5 Q. Et d'inscrire le numéro 1 à côté de ce cercle.
6 R. [Le témoin s'exécute]
7 Q. A présent, je vous demanderais d'inscrire un cercle sur la partie sud
8 de la route à peu près à l'endroit où se trouve Bojane.
9 R. Je ne suis pas absolument certain d'être à fait précis dans ma
10 localisation, mais c'est à peu près cela.
11 Q. Je vous demanderais maintenant d'inscrire le numéro 2 à côté du
12 deuxième cercle que vous avez tracé.
13 R. [Le témoin s'exécute]
14 Q. Bien entendu, pour les forces de sécurité macédoniennes en 2001, le
15 danger que représentait la présence de forces de l'ALN au niveau des
16 positions 1 et 2 résidait dans le fait qu'en raison de cette présence, la
17 route pouvait être coupée, n'est-ce pas ?
18 R. Non, non. Je ne suis pas d'accord avec une telle conclusion, car nous
19 ne discutons pas de forces en ce moment. Nous ne parlons que de groupes.
20 J'en ai parlé tout à l'heure. Entre 30 et 50 hommes extrémistes en armes à
21 Bojane, et un groupe plus important dans la zone montagneuse de Zeden. Il
22 ne s'agit pas de forces respectables capables de faire ce que vous dites.
23 Mais si l'on tient compte de leur méthodologie terroriste, ils auraient pu
24 couper la route. Ils auraient pu causer un attentat terroriste visant les
25 structures des forces de sécurité et les civils susceptibles de se déplacer
26 sur cette route.
27 Mais je le répète, nous ne parlons pas ici d'une force respectable
28 susceptible de créer ou d'incarner une menace grave pour les forces de
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1 sécurité de la région.
2 Q. Reprenons en bref les événements survenus le 8 août à Karpalak.
3 Ce jour-là, si je ne m'abuse, dix soldats macédoniens ont trouvé la mort
4 dans une embuscade qui avait été tendue à un convoi de l'armée de la
5 République de Macédoine par l'ALN. Vous pouvez répondre par oui ou par non.
6 C'est bien le cas, n'est-ce pas ?
7 R. Je me dois de dire que malheureusement la réponse est oui, et je
8 souligne le mot "malheureusement".
9 Q. Donc par exemple, lorsqu'un incident de ce genre se produit, au moins
10 pendant un moment, temporairement, la route est coupée. Effectivement,
11 n'est-ce pas ? Et elle l'a été ?
12 R. Oui, c'est exact. Le ministère de l'Intérieur a ordonné que la route
13 soit coupée pendant deux ou trois heures. Elle l'a donc été sur ordre du
14 ministère de l'Intérieur.
15 Q. Très bien.
16 R. Mais les autres routes, les routes secondaires étaient ouvertes.
17 M. SAXON : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin une série
18 d'images vidéo. Je demanderais la diffusion de quelques séquences vidéo.
19 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, dans vos classeurs vous
20 trouverez la transcription du son de ces vidéos. Avant la diffusion de ces
21 images, je demande le versement au dossier de cette pièce, Monsieur le
22 Président.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
24 pièce à conviction P00599. Je vous remercie.
25 M. SAXON : [interprétation] Je voudrais que l'on diffuse à l'intention du
26 témoin le document 65 ter numéro 1118.15, et la transcription du son de
27 cette séquence vidéo se trouve à l'intercalaire 11 du premier classeur.
28 Q. Monsieur Markovski, ce que vous vous apprêtez à voir est une séquence
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1 vidéo tirée d'une émission de la radiotélévision macédonienne du 27 mai
2 2001, et ce sont des images qui ont été tournées dans la région de
3 Vaksince.
4 Apparemment nous n'entendons pas le son.
5 M. SAXON : [interprétation] Je crois que la diffusion commence, Monsieur le
6 Président.
7 [Diffusion de la cassette vidéo]
8 M. SAXON : [interprétation] Peut-on reprendre la diffusion au début ?
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
11 "Les groupes terroristes albanais de Vaksince, Lupate, Kolonija, les
12 groupes terroristes ont dirigé la provocation armée sur Otlja et Matejce.
13 La nuit dernière à Matejce, il y a eu une attaque à huit reprises avec des
14 mortiers. Aucune conséquence pour le poste de contrôle. Les structures de
15 sécurité macédoniennes ont été attaquées à partir de Skopsana également."
16 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
17 M. SAXON : [interprétation]
18 Q. Ce que nous venons de voir, Monsieur Markovski, ce sont des images, si
19 je ne me trompe, d'une intervention d'hélicoptère de combat. Je
20 souhaiterais vous demander dans quelle condition des hélicoptères de combat
21 ont été utilisés en 2001.
22 M. SAXON : [interprétation] Je précise que ceci se trouve au code 32
23 secondes de la diffusion de la séquence.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand un Etat subi des menaces pour sa
25 sécurité, quelle que soit la nature de cette menace qui peut être de nature
26 terroriste, en vertu de l'article 51 de la charte des Nations Unies, ce
27 pays est en droit de se défendre en prenant des mesures et en entreprenant
28 des actions --
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1 M. SAXON : [interprétation]
2 Q. Je me permets de vous interrompre. Excusez-moi. Ma question était trop
3 générale. Elle n'était pas assez claire.
4 Ce que je voulais vous demander, c'était dans quelles situations
5 militaires, dans quelles situations du point de vue des combats y a-t-il
6 une intervention des hélicoptères de combat ?
7 R. Un hélicoptère de combat est utilisé dans plusieurs situations : la
8 première, la situation classique de combat classique. Deuxième possibilité,
9 lorsque des combats se déroulent et que l'on veut apporter un appui à
10 d'autres structures chargées de la sécurité qui ont affaire au terrorisme
11 et à des actions terroristes sur un territoire donné.
12 Q. Quand vous dites "apporter son appui à d'autres structures de
13 sécurité", est-ce que cela peut vouloir dire, par exemple, un "appui feu",
14 un appui à l'aide de roquettes et de tirs de mitrailleuses ?
15 R. Oui. Les hélicoptères de combat apportent un appui au feu à d'autres
16 structures qui s'ajoutent à l'infanterie qui constitue la structure
17 principale, parce que nous n'avons pas de marine en République de
18 Macédoine.
19 M. SAXON : [interprétation] Diffusion.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 M. SAXON : [interprétation] J'aimerais que l'on arrête la diffusion un
22 instant.
23 Nous sommes au code 50 secondes de la séquence.
24 Q. Pourriez-vous nous dire, Monsieur Markovski, si le blindé transport de
25 troupes que l'on voit ici derrière l'homme que l'on voit sur cette image,
26 si c'est un blindé de la police ou un blindé de l'armée ?
27 R. Oui. C'est un blindé transport de troupes, mais je ne saurais vraiment
28 pas vous dire si c'est un véhicule de l'armée ou de la police. Quoi qu'il
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1 en soit, c'est un blindé transport de troupes des forces de sécurité de la
2 République de Macédoine.
3 Q. Très bien.
4 M. SAXON : [interprétation] Poursuivons la diffusion une seconde ou deux.
5 Allons-y.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
8 "Au voisinage immédiat du poste de police de Matejce, nous avons les
9 structures de sécurité de l'armée qui peuvent effectuer la jonction à tout
10 moment et agir avec le poste de police de Matejce. Ce que nous avons fait
11 aujourd'hui, c'est mettre en œuvre une procédure tactique qui donnera très
12 bientôt des résultats. De façon générale, je ne parlerais pas à l'avance de
13 ce que nous planifions et de la façon dont nous planifions, mais quoi qu'il
14 en soit, les forces ne sont pas envoyées sur le terrain sans raison. Par
15 conséquent, l'intensification de notre intervention porte un message qui
16 lui est propre."
17 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
18 M. SAXON : [interprétation] Nous sommes maintenant au code 32 minutes.
19 Q. Manifestement, vous voyez vous-même que vous êtes en train de
20 faire une déclaration sur ces images, Monsieur Markovski ?
21 R. Oui, oui. J'étais beaucoup plus jeune à ce moment-là.
22 Q. Vous n'êtes pas le seul dans ce cas. Vous dites ici que les forces ne
23 sont pas envoyées sur le terrain sans raison, vous vous rappelez cela ?
24 Vous avez dit cela il y a un instant sur les images de cette séquence
25 vidéo.
26 R. Pour être plus précis, les forces n'étaient pas envoyées à la légère.
27 Q. D'accord.
28 R. Donc votre affirmation peut être admise comme exacte.
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1 Q. Si je comprends bien, la raison pour laquelle les forces ont été
2 envoyées dans le secteur de Vaksince était due au fait que des unités de
3 l'ALN s'étaient emparées avaient pris le contrôle de Vaksince et d'autres
4 villages au nord-ouest de Kumanovo et qu'il importait de les en chasser ou
5 de tuer ces hommes, n'est-ce pas, de les faire prisonniers ?
6 R. D'abord, l'objectif de quelque action mise en œuvre par les structures
7 de sécurité consiste à assurer la sécurité de la région. Donc je ne serais
8 pas d'accord avec vous pour dire que l'objectif final était de tuer qui que
9 ce soit. L'objectif est de rétablir la sécurité. Malheureusement, il peut y
10 avoir des conséquences dans de telles actions qui peuvent résulter dans des
11 morts et des blessés.
12 Q. Très bien.
13 M. SAXON : [interprétation] Peut-on poursuivre la diffusion.
14 [Diffusion de la cassette vidéo]
15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
16 "La réorientation des provocations armées des groupes terroristes
17 albanais vers Otlja et Matejce a eu lieu, selon les déclarations des
18 sources de l'armée et confirmées par le ministère de l'Intérieur, en raison
19 des pertes subies par les groupes terroristes et l'assassinat dans la
20 région de Kumanovo du commandant Fadil Limani connu sous le nom de Tigre.
21 M. Markovski : Les terroristes essaient de réorienter le point central de
22 leur combat sur la zone d'Otlja, dans la direction de Matejce, probablement
23 en raison de leur perte récente."
24 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
25 M. SAXON : [interprétation] Je demande l'arrêt de la diffusion des images.
26 Nous sommes au code de 2 minutes de la séquence vidéo.
27 Q. Nous voyons ici encore une fois que vous dites à ce moment-là : "Les
28 terroristes s'efforcent d'une certaine façon de réorienter le point central
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1 de leur combat sur la zone de Matejce."
2 Vous avez entendu cela ?
3 R. Oui, il s'agissait du point focal des actions armées menées par les
4 forces armées, c'est-à-dire par les forces de sécurité de la République de
5 Macédoine qui ont agi en se mêlant à -- eux agissaient de la façon
6 suivante, ils se mêlaient à la population et quittaient une région ou un
7 hameau pour pénétrer dans un autre village ou un autre hameau ou aller dans
8 une autre région.
9 Q. Très bien, c'est peut-être le cas, Monsieur, mais est-ce que vous avez
10 dit ici sur ces images que les terroristes s'efforçaient d'une certaine
11 façon de réorienter le point focal de leurs combats sur la zone de Matejce
12 ?
13 R. J'ai dit, et je vais répéter.
14 Q. Pourriez-vous confirmer que c'est bien ce que vous avez dit ?
15 R. Ce n'est pas ce que vous dites, c'est ce que moi j'ai dit.
16 Q. Merci. Pour agir de la sorte, pour déplacer le point central, le point
17 focal des combats vers une autre zone, il faut une certaine planification,
18 n'est-ce pas ?
19 R. La planification est un processus très complexe. Avant toute
20 planification, il faut qu'il y ait une appréciation de la situation sur le
21 terrain, il faut qu'il y ait d'abord conception de l'action à mener après
22 analyse de la situation et c'est seulement à ce moment-là que l'on peut
23 décider des actions que l'on va entreprendre et donc les planifier, ce qui
24 signifie qu'un commandant qui planifierait en l'absence de toute
25 appréciation préalable ne serait pas un bon commandant.
26 Un commandant qui ne cesserait de réaliser de nouveaux plans se
27 succédant rapidement au fil de l'évolution de la situation ne serait pas un
28 bon commandant, car cela ne lui permettrait pas de prendre le contrôle des
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1 actions menées. Il ne pourrait en fait que planifier.
2 Tout cela veut dire que commander et synonyme de prévoir.
3 Q. Monsieur Markovski, est-ce que je dois prendre votre réponse comme un
4 oui ou comme un non ?
5 R. Ma réponse est celle que je viens de vous fournir. Il est très
6 difficile de vous présenter une image noir et blanc, ce serait bien si
7 c'était possible, mais --
8 Q. Je ne vous demande pas de me présenter une image de la situation en
9 noir et blanc. Je vous demande de m'apporter une réponse brève et claire à
10 ce qui était une question brève et claire.
11 Je vais vous reposer cette question : déplacer le point central d'une
12 action de combat exige une certaine planification, oui ou non ?
13 R. Je vous ai dit qu'il fallait de la planification, mais que la
14 planification ne se fait pas d'un instant à l'autre en fonction de
15 l'évolution de la situation sur le moment.
16 Q. Est-il permis de dire, Monsieur, qu'une situation de combat peut être
17 très fluide ?
18 R. Pourriez-vous être précis, parce que vraiment je ne comprends pas très
19 bien ce que vous vous efforcez de me demander.
20 Fluide dans notre langue signifie "vide."
21 Q. Dans ce cas, il faudrait que je choisisse un autre mot en anglais. Est-
22 il permis de dire que lorsque des combats ont lieu, les circonstances qui
23 caractérisent ces combats et la situation, de façon générale, peut évoluer
24 très rapidement, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, c'est exact.
26 Q. Et un commandant doit avoir la capacité de s'adapter à l'évolution
27 rapide de la situation du point de vue des combats, n'est-ce pas ?
28 R. Il a pour devoir de diriger l'action --
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1 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu la fin de la réponse.
2 M. SAXON : [interprétation]
3 Q. Les interprètes n'ont pas entendu la dernière partie de votre réponse,
4 pourriez-vous la répéter en parlant un peu plus haut ?
5 R. Oui, oui. Le devoir du commandant, c'est de diriger une opération, de
6 diriger les combats, mais il n'influe pas sur ces combats. Il ne les
7 modifie pas.
8 Q. Qu'en est-il si les circonstances qui caractérisent ces combats
9 évoluent, le commandant est-il censé laisser ses hommes mourir dans ce cas-
10 là ?
11 R. C'est la raison pour laquelle je vous ai dit sur ce sujet de quelle
12 façon la situation évoluait, et je vous ai dit que le commandant était tenu
13 de diriger les combats. Bien sûr, il le fait sur la base de l'idée qu'il a
14 de la façon dont ces combats doivent se dérouler et sur la planification
15 existante, chaque fois que les divers scénarios possibles ont été prévus à
16 l'avance.
17 Mais si durant l'exécution d'une action le commandant modifie son
18 plan d'un instant à l'autre en fonction de l'évolution de la situation, ce
19 n'est pas un bon commandant, permettez-moi de vous le dire, s'il modifie le
20 cours des combats. Finalement, je dirais que votre affirmation est exacte,
21 un commandant qui modifierait ses plans serait un mauvais commandant. Et il
22 ne resterait commandant que très peu de temps, croyez-moi.
23 Q. Dites-moi si je me trompe, Monsieur Markovski, vous êtes devenu
24 officier de l'armée de la République de Macédoine en 1973, n'est-ce pas ?
25 R. Non, ce n'est pas exact.
26 Q. En quelle année l'êtes-vous devenu ?
27 R. En 1973, je suis entré à l'académie militaire de ce qui était à
28 l'époque l'armée populaire yougoslave, et je suis revenu en République de
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1 Macédoine après le démantèlement de la Yougoslavie en début de 1992, quand
2 l'armée a été créée au mois d'avril.
3 Q. Toutes mes excuses. C'était une erreur de ma part. Vous êtes devenu
4 officier de l'armée en 1973, n'est-ce pas, quand vous êtes entré à
5 l'académie militaire de Belgrade ?
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Très bien. Donc vous avez de bonnes connaissances au sujet du
8 commandement et de ses règles, n'est-ce pas ?
9 R. Disons que j'ai un certificat qui confirme mes connaissances dans ce
10 domaine, car je suis diplômé de l'académie de Belgrade qui formait les
11 commandants. J'ai obtenu mon diplôme en 1989 en ayant entamé mon cursus en
12 1988.
13 Q. Très bien. Il y a un instant, vous nous avez dit qu'un commandant qui
14 changeait ses plans au fil de l'évolution de la situation était un mauvais
15 commandant. Supposons, si vous le voulez bien, qu'une armée est encerclée
16 et doit battre en retraite pour ne pas être anéantie. Si un commandant
17 donne l'ordre de battre en retraire, pourquoi est-ce que ce commandant
18 serait un mauvais commandant ?
19 R. Il existe des principes qui régissent l'art du commandement, principes
20 qui tiennent d'une appréciation réaliste des objectifs réalisables ainsi
21 que d'une appréciation réaliste des moyens et des forces à utiliser à cette
22 fin. Ce principe, c'est le principe de l'efficacité du commandement.
23 L'objectif ne doit pas être réalisé à tout prix ou quel qu'en soit le prix.
24 Il ne doit être réalisé qu'à un prix justifiable après prise en compte des
25 risques et des forces disponibles, c'est-à-dire du nombre de soldats qui
26 devront intervenir pour réaliser cet objectif.
27 Le commandant chargé d'apprécier la situation, s'il pense que
28 l'objectif n'est pas réalisable dans le cadre d'une bonne efficacité - et
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1 c'est pour cela qu'il est commandant - prend sa décision, mais cette
2 décision n'est pas comme vous le dites une modification de sa façon de
3 voir. Il prend sa décision dans le cadre d'une planification de l'action
4 qui a été faite à l'avance et il la prend dès lors qu'il estime que la
5 réalisation de l'objectif se ferait à un coût trop important en termes de
6 moyens utilisés et de pertes à essuyer. Voilà ce que fait le commandant.
7 Q. Monsieur Markovski, je me permettrai de vous arrêter ici. Vous n'avez
8 pas répondu à ma question qui était simple.
9 Si une armée est encerclée et doit battre en retraite pour ne pas
10 être anéantie et que le commandant planifie cette retraite, est-ce que cela
11 fait de lui un mauvais commandant ?
12 R. Non, au contraire. Si le commandant décide de battre en retraite dans
13 le respect du principe d'efficacité, c'est un bon commandant.
14 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure qui
15 tourne. J'aimerais encore diffuser quelques images et poser une ou deux
16 questions avant la pause.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie.
18 M. SAXON : [interprétation] J'aimerais, avec l'aide de M. l'Huissier, que
19 nous arrivions au code 4 minutes 16 secondes; 4 minutes, peut-être, et que
20 nous reprenions la diffusion à ce niveau-là.
21 [Diffusion de la cassette vidéo]
22 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
23 "Des milliers d'habitants ont quitté leur village, des explosions ont
24 été entendues dans l'après-midi à Vaksince où il n'y avait pas d'action
25 terroriste des terroristes, mais les forces de police macédoniennes ont
26 désactivé des mines et des explosifs et nettoyé le terrain. Une fois que
27 les forces de sécurité macédoniennes sont entrées dans plusieurs villages
28 de la région de Kumanovo, des documents ont été confisqués qui confirment
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1 le rôle des uns et des autres, ainsi que de chaque individu dans les
2 structures terroristes. Afin d'empêcher cela, les autres commandants ont
3 recueilli les documents d'identité des autres terroristes pour les détruire
4 de façon à éviter toute procédure judiciaire par la suite."
5 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
6 M. SAXON : [interprétation]
7 Q. Ce que nous venons de voir, ce sont des images où il est dit que
8 les commandants des structures terroristes qui restaient ont recueilli les
9 documents d'identité pour les détruire.
10 Est-ce que vous avez entendu ces mots ?
11 R. J'ai entendu qu'il était dit que ces papiers avaient été confisqués,
12 c'est un commentaire qui a été fait par le journaliste.
13 Q. D'accord. Est-ce que vous conviendrez que les unités de l'ALN dans la
14 région de Vaksince avaient des commandants ?
15 R. Le village de Vaksince n'abritait aucune unité. Il s'agissait d'un
16 groupe qui comptait moins de 50 extrémistes en armes qui ont commencé à
17 agir lorsqu'ils ont attaqué le véhicule de l'armée de la République
18 macédonienne le 3 mars.
19 Q. Je me permettrai de vous arrêter ici. Ma question était un peu
20 différente. Ce groupe, ce groupe de l'ALN qui se trouvait à Vaksince, est-
21 ce que nous pouvons vous et moi convenir qu'ils avaient un commandant ou
22 plusieurs commandants ?
23 R. Je ne sais vraiment pas, mais supposons que c'était le cas.
24 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement
25 au dossier du document 65 ter 1118.15 et de la transcription qui
26 l'accompagne.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
28 pièce P00600. Je vous remercie.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que l'heure vous convient pour
2 la pause, Monsieur Saxon ?
3 M. SAXON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons suspendre et reprendre nos
5 débats à 11 heures 05.
6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.
7 --- L'audience est reprise à 11 heures 07.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon.
9 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
10 Juges, pourrait-on montrer au témoin une autre séquence vidéo, la séquence
11 vidéo 1118.17 dans la liste 65 ter, numéro ERN V000-7472. Il s'agit donc de
12 la séquence numéro 17.
13 Q. Monsieur Markovski, vous allez voir dans quelques instants une autre
14 vidéo de la radiotélévision macédonienne, la date est celle du 29 mai 2001.
15 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait commencer la diffusion
16 de cette séquence, s'il vous plaît ?
17 [Diffusion de la cassette vidéo]
18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
19 "J'espère vraiment que ça suffit à l'opération menée par les
20 structures de sécurité macédoniennes afin d'anéantir les groupes
21 terroristes et de les poursuivre en raison des attaques menées par les
22 groupes terroristes depuis longtemps en provenance de villages situés dans
23 la région de crise. Des forces de sécurité de Macédoine ont entrepris des
24 actions à l'aide d'hélicoptères."
25 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
26 M. SAXON : [interprétation]
27 Q. Nous voyons ici un hélicoptère qui semble tirer des roquettes. Ces
28 roquettes explosent sur le terrain, le 25.
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1 [Diffusion de la cassette vidéo]
2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
3 "Monsieur Markovski : Jusqu'à présent, jusqu'à notre arrivée ici à
4 partir de 10 heures, nous avons été contraints de riposter en permanence
5 aux provocations armées provenant de la zone d'Orisare [phon], Otlja et
6 Slupcane. Nos positions ont été attaquées tout comme hier à l'aide de
7 toutes sortes d'armes que les terroristes avaient à leur disposition, armes
8 allant de fusils à lunettes jusqu'aux mortiers."
9 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
10 M. SAXON : [interprétation] Interrompons la diffusion, s'il vous
11 plaît.
12 Q. Monsieur Markovski, nous venons de vous entendre alors que vous
13 expliquiez que l'ALN avait attaqué en se servant de toutes les armes à sa
14 disposition, ces armes allaient des fusils à lunette aux mortiers.
15 Je souhaiterais vous poser la question suivante à ce sujet : est-ce
16 que l'utilisation de mortiers, d'armes d'artillerie, ne nécessite pas une
17 certaine planification et une certain coordination dans le cadre des
18 activités de combat, et ce, afin d'éviter de pilonner ses propres soldats.
19 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi sur ce point ?
20 R. Non, je ne suis pas d'accord. Cela ne doit pas être nécessairement
21 planifié.
22 Q. Si ce n'est pas planifié, est-ce que vous ne courez pas le risque de
23 tuer ou de blesser vos propres soldats ?
24 R. Pas s'il s'agit de tirs de mortiers, s'il s'agit de mortiers de 120
25 millimètres, la portée est de 12 kilomètres tout au plus. Donc vous ne
26 pouvez pas blesser vos propres structures.
27 Q. Mais imaginons que vos soldats opèrent à 11 kilomètres de là et ont
28 besoin d'un appui feu de tirs de mortiers. N'est-il pas nécessaire de
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1 coordonner les choses afin d'éviter que les obus ne tombent sur vos hommes
2 ?
3 R. Oui, s'il s'agit d'une unité militaire qui a déployé ses hommes dans
4 une région donnée, oui. Mais ici, il est manifeste que des extrémistes
5 albanais armés sont positionnés dans un endroit bien délimité. Leurs
6 structures ne se trouvent nulle part ailleurs et c'est la raison pour
7 laquelle c'est possible.
8 Q. D'où tenez-vous les renseignements, de la séquence vidéo ?
9 R. Non, de votre question. Cela n'apparaît pas dans la séquence vidéo.
10 Q. Vous parlez d'extrémistes albanais armés. Vous dites ici : "Il est
11 manifeste que des extrémistes albanais armés sont positionnés dans un
12 endroit bien délimité. Leurs structures ne se trouvent nulle part ailleurs
13 et c'est la raison pour laquelle c'est possible."
14 Alors d'où tirez-vous ces renseignements ?
15 R. Je sais où les extrémistes armés se trouvaient à l'époque. Ils ont été
16 repérés à proximité des villages où ils se sont cachés, à Vaksince, Otlja,
17 Lupate, Slupcane.
18 Q. Dans cette séquence vidéo, on parle de Matejce.
19 R. Oui, certes. A l'ouest de Slupcane, vous trouvez le village de Matejce.
20 Q. Comment savez-vous qu'il n'y avait pas de soldats de l'ALN dans la zone
21 de Matejce? Comment le savez-vous avec autant de certitude ?
22 R. Je n'ai pas dit qu'il y en avait ou qu'il n'y en avait pas, mais sur
23 les images on ne voit pas d'où venaient les tirs. Si vous pouvez me le
24 rappeler, alors je pourrais faire quelques commentaires à ce sujet.
25 Q. Ce ne sera pas nécessaire, nous allons passer à autre chose.
26 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait voir la suite de la
27 séquence vidéo.
28 [Diffusion de la cassette vidéo]
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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
2 "Trois membres de l'armée de la République de Macédoine ont été
3 blessés dans le cadre de l'action menée aujourd'hui."
4 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
5 M. SAXON : [interprétation] Arrêtons-nous ici.
6 Q. Nous sommes au code 1 minute 7 secondes de la vidéo. A votre gauche,
7 nous voyons un homme en chemise bleue. Est-ce que vous pourriez nous dire
8 de qui il s'agit ?
9 R. Oui. A l'époque, il était porte-parole du ministère. Pour ma part,
10 j'étais le porte-parole de l'armée. Il s'agit d'un ami proche, aujourd'hui
11 il dirige un parti politique en République de Macédoine.
12 Q. Il s'agit de M. Gjorgji Trendafilov, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, Gjorgji Trendafilov.
14 Q. Pour que les choses soient bien claires, lorsque vous dites que M.
15 Trendafilov était le porte-parole du ministère, vous voulez parler du
16 ministère de la Défense ?
17 R. Oui, oui, oui, du ministère de la Défense.
18 M. SAXON : [interprétation] Pouvons-nous poursuivre la diffusion de cette
19 séquence vidéo, s'il vous plaît.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
22 "Monsieur Trendafilov : Il y a 40 minutes environ, trois de nos
23 soldats ont été blessés par un tir de mortier de 82 millimètres. Ils ont
24 reçu les premiers soins. Pour le moment, leur vie n'est pas en danger.
25 D'après les premières informations reçues, ils n'ont pas encore été
26 hospitalisés, ils seront hospitalisés à l'hôpital militaire de Skopje.
27 Le journaliste : Les soldats blessés se trouvaient à la première
28 ligne de tir à Matejce lorsque les terroristes albanais ont attaqué depuis
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1 le village de Slupcane."
2 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
3 M. SAXON : [interprétation] Arrêtons-nous ici.
4 Q. D'après le journaliste, les terroristes albanais tiennent des civils en
5 otage à Matejce donc.
6 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait poursuivre la
7 diffusion de cette séquence vidéo.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "Le porte-parole du ministère de la Défense, Gjorgji Trendafilov,
11 réfute vigoureusement les informations publiées dans Fakti [phon], un
12 quotidien albanais, selon lesquelles les soldats macédoniens se seraient
13 servi d'armes chimiques dans le cadre de leurs actions.
14 M. Trendafilov : Ces informations erronées ne correspondent pas du
15 tout à l'objectif que nous cherchons à atteindre par nos actions. Cette
16 désinformation vise sans doute l'armée macédonienne afin de mettre en doute
17 sa dignité et son honneur."
18 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
19 M. SAXON : [interprétation]
20 Q. Ces commentaires de votre collègue, M. Trendafilov, qui parle de
21 désinformation ayant l'objectif, d'après lui, de discréditer l'honneur et
22 la dignité de l'armée de la République de Macédoine.
23 Est-ce que M. Trendafilov parle de ce que l'on appelle communément la
24 propagande ?
25 R. Si vous me le permettez, je souhaiterais apporter quelques
26 éclaircissements.
27 Il est arrivé plusieurs fois que des médias étrangers pour
28 l'essentiel, alors qu'ils cherchaient à vendre le plus possible leurs
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1 journaux, se servaient de ce type d'informations et montrent des
2 photographies et des séquences vidéo provenant de diverses régions en les
3 faisant passer pour des images de la République de Macédoine, notamment en
4 ce qui concerne le char de type 84 qui n'existait pas à l'époque en
5 Macédoine et qui n'existe toujours pas aujourd'hui en Macédoine. On
6 montrait l'exode de civils, non pas en République de Macédoine, mais du
7 Kosovo vers la Macédoine en 1999. M. Trendafilov et moi-même avons dû
8 relever ces défis. Nous avons dû réfuter ces reportages et je pense que
9 c'est dans ce contexte que s'inscrivaient ses commentaires, enfin c'est ce
10 que je suppose.
11 Q. Ici, il parle d'une guerre spéciale menée contre l'armée de Macédoine
12 afin de discréditer sa dignité et son honneur. Alors je souhaiterais
13 comprendre si, dans le cadre de cette guerre spéciale, il y avait des
14 actions de propagande menées par l'ALN ?
15 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous répondre précisément, mais cette
16 guerre spéciale est menée, entre autres, par des actions de propagande. En
17 Macédoine comme ailleurs, c'est considéré comme quelque chose de négatif.
18 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement
19 au dossier de cette séquence vidéo.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera fait.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00601. Merci,
22 Monsieur le Président.
23 M. SAXON : [interprétation]
24 Q. Je souhaiterais vous montrer une dernière séquence vidéo, Monsieur
25 Markovski.
26 M. SAXON : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin le document 65
27 ter 1118.11. Numéro ERN V000-7472, il s'agit de la séquence numéro 11. La
28 transcription se trouve à l'intercalaire 16 du premier classeur.
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1 Q. Monsieur Markovski, nous avons là une autre séquence vidéo qui provient
2 de la radiotélévision macédonienne. La date, cette fois-ci, est celle du 18
3 mai 2001.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
6 "Le journaliste : Des actions et des provocations par les
7 terroristes, mais la situation reste assez compliquée. D'après le porte-
8 parole de l'armée, le colonel Blagoja Markovski.
9 Monsieur Markovski : En raison de la présence de terroristes ici sur
10 le terrain, pendant la journée d'aujourd'hui, nous avons observé la
11 présence de nouvelles fortifications et de nouveaux regroupements de
12 terroristes. En raison de cela, vers 11 heures 25, nous avons entrepris de
13 détruire un poste de commandement situé au nord-ouest du village de
14 Slupcane et de nouvelles fortifications des terroristes à deux positions."
15 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
16 M. SAXON : [interprétation] Le code horaire est 42 secondes.
17 Q. Vous parlez de nouvelles fortifications des terroristes, Monsieur
18 Markovski. Remarquez à deux positions, au nord de Vaksince et au nord-ouest
19 également. Est-ce que vous voyez cela ?
20 R. Oui. Il s'agit d'un petit bois situé au nord de Slupcane, entre
21 Slupcane et Vaksince.
22 Q. Bien.
23 M. SAXON : [interprétation] Peut-on poursuivre la diffusion de cette
24 séquence vidéo ?
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
27 "L'action a duré environ une demi-heure et après quoi elle a été
28 quasiment menée à bien.
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1 Le journaliste : D'après le colonel Markovski et contrairement à hier
2 des déplacements de la population civile dans la région de crise sont plus
3 réduits. Il a confirmé qu'un nombre important s'est regroupé à Lipkovo lors
4 qu'il n'y a pas de mouvement dans les zones situées au sud. Des forces de
5 sécurité macédoniennes se trouvent sur leurs positions de bataille."
6 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
7 M. SAXON : [interprétation] Maintenant la transcription ne correspond pas à
8 la séquence vidéo.
9 Q. Je souhaite vous poser la question suivante : la construction de
10 nouvelles fortifications par un groupe, n'atteste-t-elle pas d'un certain
11 degré de planification et de coordination ?
12 R. Nous parlons ici des activités qui sur ordre du commandant suprême, le
13 président Trajkovski, ont été menées à bien par les forces de sécurité dans
14 la région de Vaksince. En raison des pressions liées aux activités des
15 structures de sécurité, ils se sont repliés vers la zone du village de
16 Slupcane; et au cours de cette période, s'agissant des nouvelles
17 fortifications, il faut dire que des positions de mortier que j'ai
18 mentionnées plus tôt ont été installées.
19 Je parle du bois situé au nord de Slupcane. Dans ce rapportage, je
20 parle de l'heure, du moment et de la partie située au nord-ouest de
21 Slupcane. Donc des nouvelles fortifications, des nouvelles positions de
22 mortier ont été installées à cet endroit.
23 Q. Pour décider de l'endroit où vos forces d'artillerie vont installer
24 leurs nouvelles positions, est-ce qu'il ne faut pas une certaine
25 planification ? On n'installe pas de l'artillerie n'importe où, n'est-ce
26 pas ?
27 R. Vous appréciez vraiment ces groupes extrémistes armés. Aucune structure
28 de ce genre ne planifierait ou n'organiserait quoi que ce soit.
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1 Q. Pour que nous comprenions bien votre déposition, vous nous dites que
2 les membres de l'ALN avaient simplement placé leurs mortiers et positions
3 d'artillerie là où bon leur semblait.
4 R. Là où il pensait qu'il fallait les positionner, non pas là où il le
5 souhaitait. C'est différent.
6 Q. Mais qui décidait de l'endroit où il fallait installer les mortiers ?
7 R. Il y avait sans doute des experts parmi eux qui étaient formés au
8 maniement des mortiers.
9 Q. Pour reprendre vos termes, ces experts qui connaissaient le maniement
10 des mortiers se concertaient avec leur commandant pour déterminer l'endroit
11 où les mortiers devaient être positionnés, n'est-ce pas ? Est-ce que ça ne
12 vous paraît pas logique ?
13 R. Non, je ne peux pas confirmer ce que vous dites.
14 Q. Pourquoi ne pouvez-vous pas confirmer ce que je dis ?
15 R. Parce que je ne sais pas s'ils avaient un commandant. Si vous me dites
16 son nom, alors nous pourrons en parler.
17 Q. Imaginons que nous ignorions s'il y avait un commandant ou pas, mais
18 imaginons qu'il y a un expert qui s'y connaisse en artillerie. Cet expert
19 de l'ALN doit planifier, déterminer à l'avance l'endroit où il va
20 positionné le mortier, n'est-ce pas ?
21 R. S'il peut le faire, s'il a la capacité de le faire. Nous parlons d'une
22 situation bien précise où ces individus avaient quitté le village de
23 Vaksince pour se replier vers le village de Slupcane.
24 Q. Qu'entend-on dans le jargon militaire par "repli" ou "retraite".
25 R. Nous entendons par là la situation où vous n'êtes plus en mesure de
26 combattre l'ennemi, et où il n'est plus efficace de continuer les combats à
27 l'endroit donné.
28 Q. La décision de battre en retraite est généralement prise par un
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1 commandant, n'est-ce pas ?
2 R. C'est ainsi que les choses se passent habituellement dans des forces
3 armées normales, mais il ne faut pas oublier que les groupes terroristes
4 ont leurs propres chefs.
5 Q. Et ces "chefs", si par exemple on parle des chefs de groupes
6 terroristes, étant donné que ce sont des chefs il serait logique qu'ils
7 indiquent aux membres du groupe ce qu'ils doivent faire. C'est pour ça que
8 ce sont des chefs, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, on peut le supposer, à condition que leurs activités soient bien
10 organisées.
11 Q. Donc logiquement un chef dit aux autres ce qu'ils doivent faire, donc
12 les membres du groupe sont censés répondre aux souhaits du chef; c'est cela
13 ?
14 R. Est-ce que l'on parle ici d'un groupe terroriste ou de forces armées ?
15 Q. Un groupe terroriste.
16 R. Je ne sais pas. Je n'ai jamais été un membre.
17 Q. N'est-il pas vrai, Monsieur Markovski, qu'au sens militaire du terme,
18 le mot "fortifications" signifie en général une activité qui pourrait être
19 soit offensive, soit défensive, aux fins d'aider un groupe armé en
20 particulier.
21 R. Dans le sens général du terme, oui. Mais dans ce cas-ci, nous parlons
22 d'une situation bien précise que j'ai déjà expliquée. Je m'en souviens
23 bien. C'est la raison pour laquelle il n'est pas utile qu'il y ait des
24 fortifications spéciales, parce que la protection est assurée par la forêt
25 au nord-ouest de Slupcane, donc ils ont placé les mortiers à ces endroits-
26 là pour tirer sur les forces chargées de M. SAXON : [interprétation]
27 Monsieur le Président, avant d'oublier je souhaite demander le versement au
28 dossier de ce document 65 ter 1118.11.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00602. Merci, Madame,
3 Messieurs les Juges.
4 M. SAXON : [interprétation]
5 Q. Un peu plus tôt aujourd'hui, lorsque nous avons parlé du conflit armé
6 de type classique dans un pays donné, une des choses sur laquelle nous nous
7 sommes mis d'accord, c'est que malheureusement il y a très souvent des
8 exactions qui sont commises par les deux parties en présence contre les
9 civils. Je souhaite aborder cette question avec vous, je vous demanderais
10 de bien vouloir vous rapporter --
11 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on peut distribuer maintenant les
12 classeurs 2, 3 et 4, les classeurs restant.
13 Est-ce que l'on pourrait remettre le troisième classeur au témoin,
14 s'il vous plaît.
15 Merci beaucoup les juristes de la Chambre.
16 Q. Monsieur Markovski, peut-être que vous pourriez vous reporter, s'il
17 vous plaît, à l'intercalaire numéro 75 de ce classeur.
18 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher à l'écran le
19 document P00326, s'il vous plaît. Merci.
20 Q. Monsieur Markovski, il s'agit d'une photographie qui a été prise au
21 mois de mai de l'année 2001 et ceci semble décrire les blessures qu'aurait
22 reçu un Albanais de souche. Il a été détenu au poste de police de Kumanovo
23 ce mois-là.
24 Je voulais vous poser cette question : dans votre rapport, vous
25 évoquez des crimes qui ont été commis par les membres de l'ALN, et je
26 souhaitais vous demander, parce que vous étiez au courant des crimes qui
27 ont été commis par les membres des forces chargées de la sécurité pour la
28 crise de l'année 2001.
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1 R. Non.
2 Q. Vous n'avez jamais entendu parler d'une telle chose ?
3 R. Non. Je n'ai jamais vu de tels documents.
4 Q. Hormis le fait de mettre la main sur les documents, avez-vous jamais
5 entendu parler de telles allégations dans l'actualité ?
6 R. Pourriez-vous me rappeler de quoi il s'agit et à ce moment-là je
7 pourrai faire un commentaire parce que je ne m'en souviens pas du tout.
8 Q. Donc, au cours de l'année 2001, avez-vous jamais vu des reportages qui
9 alléguaient que les membres des forces chargées de la sécurité et forces
10 macédoniennes avaient commis des crimes ou des exactions contre des civils
11 albanais de souche ?
12 R. C'est possible, mais parlons d'un cas précis, à ce moment-là je pourrai
13 faire un commentaire. Peut-être que j'ai lu quelque chose à ce sujet, mais
14 peut-être que j'ai vu quelque chose à ce sujet.
15 Q. Je suppose que ma question porte sur, si on revient à ce que j'ai dit
16 un peu plus tôt, si les deux camps, au cours des événements qui se sont
17 déroulés en 2001, ont commis des crimes contre des civils. Ce serait
18 malheureusement une des caractéristiques d'un conflit armé que nous avons
19 déjà évoqué, n'est-ce pas ?
20 R. Voyez-vous, les organes de l'Etat donnent les instructions aux organes
21 chargés de la sécurité dans la République de Macédoine qui sont chargés de
22 faire respecter la loi, donc conformément aux lois en vigueur, il y a des
23 mesures disciplinaires si on enfreint ces lois et on est tenus pour
24 responsable pénalement. Donc, les organisations terroristes n'ont pas
25 respecté les lois puisqu'ils n'en ont pas et je ne vois pas pourquoi vous
26 me posez la question.
27 Q. Je souhaite que vous répondiez à la question que je vous pose, s'il
28 vous plaît.
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1 Je vais revenir sur ce qui a été évoqué plus tôt et si les deux
2 camps, au cours des événements de 2001, ont commis des crimes contre les
3 civils, ceci constituerait une des caractéristiques, malheureusement, d'un
4 conflit armé.
5 R. Vous voulez parler encore une fois d'une des parties du conflit. Moi je
6 vous dis que si les forces chargées de la sécurité de la République de
7 Macédoine commettent quelque chose contre la loi, ils sont tenus pour
8 responsables. Je n'ai rien vu de la sorte ou lu de la sorte.
9 Q. Je souhaite que vous répondiez à ma question, s'il vous plaît, Monsieur
10 Markovski. Est-ce que vous souhaitez que je répète ma question encore une
11 fois ?
12 R. Vous parlez de camps, moi je ne suis pas d'accord. Dans ce conflit que
13 vous l'appelez ou dans la crise en Macédoine, je trouve qu'il n'y a pas eu,
14 en fait, de parties en conflit.
15 Q. Je vais voir si je peux reformuler ma question un petit peu.
16 Si les membres de l'ALN et les membres des forces chargées de la
17 sécurité de la République de Macédoine, s'ils avaient commis des crimes
18 contre des civils en 2001, ceci aussi malheureusement constituerait une des
19 caractéristiques d'un conflit armé de type classique, n'est-ce pas ?
20 R. On ne peut pas parler d'un conflit armé typique, ce que nous avons ici,
21 ce sont des entités authentiques légales et nous avons des bandes de
22 terroristes qui adoptent les moyens des terroristes. En fait, je ne peux
23 pas accepter qu'il y ait un parallèle entre les deux et que ceci soit fait
24 de façon scientifique.
25 Q. Je vais reprendre vos propres termes. Supposez qu'en 2001, nous avons
26 des bandes armées extrémistes en présence des "terroristes", pour reprendre
27 votre terme, et nous avons --
28 R. Je vous ai parlé d'extrémistes armés, j'ai dit que les méthodes qu'ils
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1 utilisent sont le terrorisme.
2 Q. A supposer que nous avons des extrémistes armés en 2001 qui ont connu
3 des exactions contre la population civile et que nous avons en présence des
4 membres des forces chargées de la sécurité de la République de Macédoine
5 qui ont commis des exactions contre la population civile. Est-ce que ceci
6 ne ressemblerait pas beaucoup à une des caractéristiques communes du
7 conflit armé que nous avons évoqué plus tôt ?
8 R. Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous insistez tant sur un
9 parallèle qui pourrait exister entre les deux organisations. Posez-moi la
10 question séparément, je vous répondrai.
11 Q. Je veux maintenant passer à un autre sujet, Monsieur Markovski. Je
12 souhaite vous parler un petit peu du ministère de la Défense et comment
13 ceci fonctionne et comment fonctionne l'armée de la République de
14 Macédoine.
15 D'après moi, le ministère de la Défense en Macédoine gère toutes les
16 affaires et questions de défense et des préparatifs au niveau de la
17 république, c'est cela ?
18 R. Oui, au niveau de l'Etat, oui.
19 Q. Ceci comprendrait les activités comme la défense civile, les
20 préparatifs aux opérations de défense civile, maintenir à jour une liste
21 des réservistes, faire des recherches scientifiques, la publication de
22 témoins, et cetera, n'est-ce pas ?
23 R. Ceci est exact, mais je vous demanderais de me dire où ceci figure dans
24 mon rapport que je puisse vous suivre.
25 Q. En réalité, je ne fais référence à aucune partie de votre rapport, je
26 vous pose simplement la question et je vous demande de confirmer ceci, s'il
27 vous plaît.
28 Le ministre de la Défense --
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1 R. Bien. Alors nous allons aborder ceci sur un plan purement théorique.
2 Q. Moi ce qui m'intéresse, c'est d'aborder ceci sur un plan factuel. En
3 Macédoine, en général, le ministre de la Défense était un civil, n'est-ce
4 pas ?
5 R. Oui, conformément à l'article 97 de la constitution ceci est
6 obligatoire, le ministre de la Défense est un civil.
7 Q. En 2001, Vlado Buckovski était le nom du ministre de la Défense, c'est
8 cela ?
9 R. En réalité, en 2001, lorsqu'il y a eu un gouvernement de coalition, M.
10 Buckovski a été nommé ministre. Il y avait un autre ministre qui l'a
11 précédé.
12 Q. Egalement, au sein du ministère de la Défense et, corrigez-moi si je me
13 trompe, je pense qu'il y avait une autre institution ou une autre partie
14 qui s'appelait l'état-major général de l'armée de la République de
15 Macédoine.
16 R. Conformément à la loi sur la défense, l'état-major général est un
17 organe composé d'experts au sein du ministère de la Défense.
18 Q. Vous voulez parler, évidemment, de la nouvelle loi sur la défense qui a
19 été promulguée dans le courant de l'été 2001, n'est-ce pas ?
20 R. Moi je veux parler de deux lois, la nouvelle aussi, mais ce que je
21 souhaite vous dire c'est qu'il n'y avait pas d'amendements importants pour
22 ce qui est de l'ancienne loi. Je parle des dispositions définitives
23 inscrites dans la loi qui indiquent que jusqu'à l'adoption d'une deuxième
24 législation, il faudrait retenir les anciens textes avant l'entrée en
25 vigueur de nouveaux.
26 Q. Je vais revenir sur ce point, si vous le voulez bien.
27 L'état-major général de l'armée était composé d'officiers de carrière
28 n'est-ce pas en 2001 ? C'était une armée professionnelle.
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1 R. Les officiers de rangs qui -- cela signifie --
2 Q. Pardonnez-moi, les interprètes n'ont pas entendu la dernière partie de
3 votre réponse. Cela signifie qu'il y a eu des officiers et des sous-
4 officiers, c'est cela ?
5 R. Je souhaite être plus précis. Des soldats professionnels peuvent être
6 de simples soldats, mais l'état-major général est composé des deux, des
7 officiers et des sous-officiers à la fois, et d'un certain nombre de civils
8 qui sont recrutés par l'armée, qui sont employés par l'armée.
9 Q. En général, l'état-major doit gérer l'armée et les opérations
10 militaires, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, ils doivent planifier, diriger et analyser les activités qui ont
12 été menées.
13 Q. Très bien. Après le démantèlement de la République fédérale de
14 Yougoslavie dans le courant de l'année 1999 [comme interprété], la
15 Macédoine est devenue une république indépendante et une politique avait
16 été mise en œuvre aux fins de réduire le niveau de militarisation au pays,
17 c'est cela ?
18 R. C'est possible. On pourrait conclure cela au fil des nos échanges,
19 veuillez poursuivre.
20 Q. Je ne suis pas très sûr de ce que vous voulez dire par là, mais je vais
21 continuer.
22 R. La question est trop large, je ne peux pas vous répondre de façon
23 précise.
24 Q. Bien. Le rôle de l'armée, entre le milieu de l'année 1990 et la fin de
25 l'année 1990, en fait lorsque la JNA a existé, le rôle de l'armée a été
26 restreint.
27 R. Au moment de la JNA, l'armée de la République de Macédoine n'existait
28 pas. Je ne vous comprends vraiment pas. Si vous voulez parler des effectifs
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1 et des officiers de la République de Macédoine qui appartenaient à l'armée
2 de la République de Macédoine, si c'était plus petit, le nombre d'officiers
3 dont disposait la JNA en Macédoine alors que la Yougoslavie existait
4 toujours, la réponse est oui.
5 Q. Est-il exact de dire qu'un certain nombre d'officiers, voire même de
6 généraux, ont été mis à la retraite à ce moment-là ?
7 R. Oui. Ils ont pris leur retraite en 1998.
8 Q. Donc le rôle de l'état-major de l'armée de la République de Macédoine,
9 ce rôle a été éliminé ?
10 R. Non, non, non. Ceci n'a rien à voir avec la réduction d'effectifs, ni
11 la mise à la retraite de certains généraux. Je crois qu'on ne peut pas
12 établir la comparaison en ces termes-là, mais effectivement on a réduit la
13 taille de l'armée. Mais ceci avait été prévu, c'était d'après les critères
14 de l'OTAN, il fallait reconvertir l'armée, il fallait qu'elle devienne plus
15 mobile, et à cause des caractéristiques du terrain en Macédoine, l'armée a
16 été formée à cet effet et l'armée est toujours formée, et ce, de façon
17 planifiée.
18 Q. Avant la crise de 2001, un des généraux qui a été mis à la retraite
19 était Pande Petrovski, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, vous avez tout à fait raison.
21 Q. Au moment de la crise en 2001, le général Petrovski est revenu et on
22 lui a demandé de prendre la tête de l'armée de la République de Macédoine
23 pendant la crise, n'est-ce pas ?
24 R. Oui. Ceci est exact. C'est précisément comme cela que les choses se
25 sont passées. Néanmoins, une décision sur la mise à la retraite des
26 généraux et leur réhabilitation ou réactivation est quelque chose qui a été
27 fait par le président ou le commandement Suprême des forces armées. C'était
28 une décision politique qu'il a prise conformément à la constitution et à la
Page 10734
1 Loi sur la défense.
2 Q. Lorsque la crise a commencé au début de l'an 2001, l'ancienne Loi de la
3 défense était le droit en vigueur, parce que le nouveau texte de loi
4 n'avait pas encore été promulgué. Est-ce qu'on peut en convenir ensemble ?
5 R. Jusqu'au 6 juillet 2001, la Loi sur la défense était celle de 1995, ou
6 la version amendée de cette loi qui a été adoptée en 1992.
7 Q. Bien. Dans l'ancienne Loi de la défense, les rôles et responsabilités
8 de l'état-major général n'avaient pas été définis de façon très claire,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Cela dépend du point de vue et de l'interprétation qu'on peut en faire.
11 Mon point de vue était tout à fait différent là-dessus. Tout ceci a été
12 défini de façon très claire, j'entends le rôle de l'armée.
13 Q. Non, la question je vous pose ne porte pas sur le rôle de l'armée. Ma
14 question porte très précisément sur le rôle joué par l'état-major général.
15 Ma question était celle-ci : les devoirs, pouvoirs et responsabilités de
16 l'état-major général n'ont pas été clairement définis par l'ancienne loi.
17 R. Que ce soit l'ancienne ou la nouvelle Loi de la défense, l'état-major
18 général est un organe composé d'experts et c'est également un organe chargé
19 des opérations au sein du ministère de la Défense. Je ne vois pas où vous
20 voulez en venir.
21 Q. Peut-être que vous pouvez m'aider à préciser cela.
22 M. SAXON : [interprétation] Si on peut montrer au témoin -- tout d'abord,
23 j'ai besoin de vous expliquer quelque chose, Madame et Messieurs les Juges.
24 Une petite partie de l'ancienne Loi de la défense a déjà été versée
25 au dossier. C'est la pièce 1D97. Mais cette pièce ne contient deux, voire
26 trois des articles du texte de loi.
27 Je veux demander à ce que l'on montre au témoin le numéro 1236, qui
28 est un document 65 ter qui est un document plus complet. A mon sens, c'est
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1 une version complexe de l'ancienne Loi de la défense.
2 Ceci se trouve dans le quatrième classeur que l'on peut retrouver à
3 l'intercalaire numéro 127.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
5 M. SAXON : [interprétation]
6 Q. Monsieur Markovski, je vous demanderais de vous pencher sur
7 l'intercalaire 127 du classeur numéro 4, et là vous trouverez un exemplaire
8 papier de ce texte, ce qui permettra d'aller un peu plus vite, je pense.
9 R. Quel intercalaire avez-vous dit ?
10 Q. Le 127.
11 R. Non, non, je vais arriver là, mais évidemment quand les traductions ne
12 sont pas faites --
13 M. SAXON : [interprétation] Il existe une version anglaise qui n'a pas
14 encore prévu la traduction de tous les articles, mais pour l'instant déjà
15 d'un certain nombre.
16 Q. Je vous demanderais, Monsieur Markovski, de suivre le texte avec moi.
17 Au premier chapitre, nous voyons le titre "Disposition élémentaire";
18 le deuxième chapitre est intitulé "Droits et devoirs des citoyens dans le
19 cadre de la défense". Je rappelle que c'est un décret relatif à la Loi sur
20 la défense parue au journal officiel, le 14 février 1992.
21 Nous voyons un certain nombre d'articles qui traitent du service
22 militaire au chapitre 2; nous y trouvons la description des responsabilités
23 ou de devoirs des citoyens; à l'article 12, nous voyons qu'il est question
24 des besoins de l'armée en situation de guerre; et au chapitre 3, nous
25 voyons qu'il est question des attributions des diverses institutions
26 gouvernementales avec l'article 14 qui décrit les attributions de
27 l'assemblée de la république; l'article 15 qui décrit les attributions du
28 président de la république; et l'article 16 qui décrit les attributions du
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1 gouvernement.
2 Puis à l'article 17, nous voyons qu'il est question du ministère de
3 la Défense, et que sont décrits les rôles et responsabilités de ce
4 ministère. Puis si vous vous rendez au chapitre 4, chapitre qui traite de
5 l'armée au sein de la république, nous voyons qu'un certain nombre
6 d'articles traitent de cela, à savoir de l'armée.
7 M. SAXON : [interprétation] Page 9 de la version anglaise. Q. "L'armée,"
8 je cite, "est une force armée regroupant tous les citoyens de la
9 république." Ça, c'est l'article 19; à l'article 20, nous lisons : "L'armée
10 prépare et assure la qualification ou l'entraînement à permettre de mener
11 la guerre et le combat, ainsi que d'autres actions en situation de guerre."
12 A l'article 21, nous voyons : "L'armée organise et prépare en état de
13 paix ce qui est nécessaire pour remplir ses fonctions constitutionnelles de
14 défense de la république," et cetera.
15 Est-ce que vous voyez ces passages ? Vous me suivez, Monsieur ?
16 R. Je vous suis, mais il importe de formuler ici une critique importante.
17 Vous souhaitez probablement indiquer que cette loi diffère
18 substantiellement de la loi de 2001; mais pour ma part, je dirais que bien
19 au contraire cette loi votée le 14 février 1992 était amendée en 1995.
20 Donc dès avant la crise, jusqu'à l'adoption de la nouvelle loi, c'est
21 la Loi sur la défense de 1995 qui était en vigueur. Je ne sais pas si nous
22 en avons le texte ici. Peut-être pourrions-nous comparer les deux textes,
23 le texte d'origine et le texte amendé. Je ne voudrais pas commenter ces
24 deux textes de mémoire.
25 Mais vous essayez d'éviter de vous pencher sur ce texte de loi, ou en
26 tout cas de ne plus parler de la loi de 2001 de façon à ce que je ne parle
27 pas de la loi de 1992, parce que c'est la loi de 1992 qui était en vigueur
28 et qui a été amendée en 1995.
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1 Q. Pour le compte rendu d'audience, Monsieur Markovski, je n'essaie pas
2 d'éviter quoi que ce soit. J'essaie de préciser quelle est la situation en
3 Macédoine, vous m'avez compris, n'est-ce pas ?
4 R. Je vous présente mes excuses. Ce n'était pas tout à fait ce que je
5 voulais dire. Je n'avais pas les intentions que vous avez comprises. Je
6 m'exprimais par métaphores, parce que j'ai dit moi aussi que j'essayais
7 d'éviter quelque chose.
8 Q. Très bien. Je n'ai pas ici les amendements de 1995, mais j'aurais une
9 question à vous poser au sujet de la loi de 1992, si vous me le permettez.
10 Dans la loi de 1992, on ne trouve rien qui décrit les pouvoirs et
11 fonctions du Grand quartier général de l'armée de la République de
12 Macédoine, n'est-ce pas ?
13 R. Voilà quel est le problème. C'est cela que je souhaitais dire. Je ne
14 suis pas sûr d'ailleurs qu'à l'heure actuelle ce ne soit pas quelque chose
15 qui manque également dans le texte de 1995.
16 Q. Monsieur Markovski, je vous ai posé une question simple. Tout ce que
17 vous avez besoin de faire, c'est de répondre à cette question par "oui" ou
18 par "non."
19 Y a-t-il quelque chose dans la loi de 1992 qui décrit ou définit les
20 pouvoirs et responsabilités du Grand quartier général de l'armée de
21 Macédoine ?
22 R. Mais comment pourrais-je répondre à cela alors que la loi en question
23 n'était pas en vigueur en 2001. En 2001, au début de la crise, la loi en
24 vigueur était celle de 1995.
25 Q. Mais la loi de 1995 contient-elle une description des pouvoirs et
26 responsabilités du Grand quartier général de l'armée macédonienne ?
27 R. Le problème vient du fait que je n'ai jamais appris par cœur les
28 articles de quelque loi que ce soit. Si nous avions ce texte de loi sous
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1 les yeux, je pourrais le commenter. C'est ce que j'ai déjà dit.
2 Q. Donc vous répondez en disant que vous n'êtes pas sûr tout simplement.
3 R. Non. Je ne suis absolument pas sûr, parce que je n'ai pas ce texte de
4 loi sous les yeux pour le relire.
5 Q. Est-il permis de dire que pendant la crise, lorsque la crise a éclaté
6 dans le premier mois de 2001, le fait de savoir quelle personne, à savoir
7 serait-ce le ministre ou serait-ce le chef du Grand état-major, le fait de
8 savoir qui prendrait le commandement des unités armées était un sujet très
9 débattu à l'époque. Vous êtes au courant de cela ?
10 R. Je ne suis pas au courant, non. Si vous me permettez de le dire, je ne
11 vois pas comment une telle chose eut été possible, car les attributions du
12 chef du Grand état-major sont une chose et les attributions d'un ministre
13 sont autres choses. Un ministre est un représentant politique élu par le
14 gouvernement.
15 Si vous pouvez me soumettre quelque chose de plus précis, je pourrais
16 en discuter. Mais je ne sais vraiment de quoi vous êtes en train de parler
17 en ce moment.
18 Q. D'accord. Si le rôle était bien défini -- ou plutôt, si les pouvoirs et
19 responsabilités du Grand quartier général étaient bien définis dans la Loi
20 sur la défense de 1995, il n'aurait pas été nécessaire de les redéfinir
21 dans la nouvelle Loi sur la défense promulguée en 2001, n'est-ce pas ?
22 R. Ça, c'est une hypothèse. Je ne saurais vraiment pas répondre à cette
23 question.
24 Q. D'accord.
25 M. SAXON : [interprétation] Je voudrais que l'on soumette au témoin la
26 pièce 1D00098. Vous la trouverez à l'intercalaire 48 du classeur numéro 2.
27 Je demanderais à Mme l'Huissière qu'elle apporte son aide au témoin
28 pour trouver ce document.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Quel intercalaire ?
2 M. SAXON : [interprétation] Intercalaire 48, je vous prie.
3 Q. Vous constaterez, Monsieur Markovski, que ce document est ce que nous
4 appelons la nouvelle Loi sur la défense promulguée en 2001.
5 R. Pourquoi ce que nous appelons ? C'est la vraie loi.
6 Q. Monsieur Markovski, la raison pour laquelle j'ai dit que ce texte était
7 "ce qu'on appelait" la nouvelle Loi sur la défense vient du fait que cette
8 expression est celle que les parties ont utilisée pendant le présent
9 procès. C'est l'expression qui a été utilisée devant ce Tribunal. C'était
10 simplement pour faire la distinction entre la loi précédente et la loi
11 ultérieure, voyez-vous ? Nous avancerons beaucoup plus vite si vous
12 répondiez aux questions que je vous pose, d'accord ?
13 R. Je suis désolé. Mais en macédonien, les mots, "ce qu'il est convenu
14 d'appeler," ou "ce qu'on appelle," a une connotation négative. Je vous
15 présente toutes mes excuses.
16 Q. Monsieur Markovski, je vous engage à vous rendre au chapitre 4 de la
17 loi que vous avez sous les yeux.
18 M. SAXON : [interprétation] Numéro ERN N002-2795.
19 Q. Vous avez ce chapitre 4 sous les yeux ?
20 R. Oui, oui. Oui. Oui, je le vois.
21 M. SAXON : [interprétation] J'indique à l'intention de ceux qui suivent le
22 texte en anglais, que nous trouvons ici un chapitre intitulé "Grand état-
23 major". Au sous-chapitre 2 de ce chapitre, nous trouvons l'intitulé "Grand
24 état-major" qui commence avec l'article 25 de la loi et qui se lit comme
25 suit :
26 Q. "Les actions opérationnelles et spécialisées destinées à organiser,
27 préparer et commander les forces armées au sein du ministère de la Défense
28 sont le fait du Grand quartier général, qui est l'organe spécialisé suprême
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1 au sein du ministère de la Défense pour toute question liée aux forces
2 armées."
3 Vous me suivez ?
4 R. Oui, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, c'est pour l'essentiel moi
5 qui suis à l'origine de la définition que l'on trouve ici.
6 Q. A l'article 26, nous voyons l'énumération des devoirs et
7 responsabilités qui incombent au Grand quartier général. Vous voyez cela ?
8 R. Oui.
9 Q. Nous voyons que ces devoirs et responsabilités sont au minimum au
10 nombre de 21, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, c'est exact.
12 Q. A votre connaissance, l'article 26, était-il un nouvel article dans ce
13 texte de loi de 2001 ou existait-il déjà dans l'ancienne loi ?
14 R. Franchement je devrais jeter un coup d'œil à l'ancienne loi pour vous
15 en dire davantage, mais si vous voulez, nous pouvons avancer dans la
16 discussion et je verrai ce qui viendra ensuite, car il est très difficile à
17 qui que ce soit de connaître le texte d'une loi par cœur.
18 Q. Qu'en est-il de l'article 27, qui évoque le chef du Grand état-major ?
19 "Il dirige le Grand quartier général des forces armées, il est nommé et
20 démis de ses fonctions par le président de la république."
21 Puis je cite un peu plus loin : "Le chef du Grand quartier général rend
22 compte au président de la république et au ministre…"
23 Vous me suivez ?
24 R. Oui, et à présent je me souviens que cela figurait déjà dans le texte
25 de l'ancienne loi.
26 Q. En 2001, le chef du Grand quartier général dirigeait ce Grand quartier
27 général, n'est-ce pas, comme indiqué à l'article 27 ?
28 R. Oui.
Page 10741
1 Q. En 2001, le Grand quartier général menait les diverses actions
2 énumérées à l'article 26, n'est-ce pas ? Pendant toute la période de la
3 crise ?
4 R. Oui. C'est ainsi que les choses sont censées se passer en vertu de la
5 loi.
6 Q. Durant la période de crise de 2001, le général Pande Petrovski était
7 chef du Grand quartier général et il l'est resté jusqu'au 10 août, n'est-ce
8 pas ?
9 R. Jusqu'au 9 août.
10 Q. Merci de cette correction.
11 Le numéro deux du Grand quartier général était le général Stamboliski,
12 n'est-ce pas ?
13 R. Oui, c'est exact pour la période en question.
14 Q. Pendant la crise, alors que ces deux hommes occupaient les postes que
15 nous venons de définir, une grande partie de leur responsabilité consistait
16 à planifier la riposte que les forces de l'armée macédonienne allaient
17 apporter aux actions armées de l'ALN, n'est-ce pas ?
18 R. Non, je ne saurais donner mon accord à cette affirmation. Le chef du
19 Grand quartier général et son second sont les plus hauts officiers et les
20 officiers les plus responsables de l'armée de la République de Macédoine.
21 La planification, l'exécution et l'analyse sont le travail de leurs
22 assistants et des commandants des unités.
23 Q. D'accord. Je vais revenir un peu en arrière.
24 Pour que les choses soient claires, le Grand quartier général
25 regroupe un certain nombre d'officiers de l'état-major principal, tels que
26 Pande Petrovski et Metodija Stamboliski, ainsi qu'un certain nombre de
27 personnes qui travaillent pour le chef et le vice-chef du Grand quarter
28 général, n'est-ce pas, qui exécute un certain travail pour eux. C'est bien
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1 cela ?
2 R. Oui. Blagoja Markovski était au nombre de ces hommes également.
3 Q. La majorité de l'état-major du Grand quartier général se
4 composait d'hommes qui planifiaient les opérations et présentaient leurs
5 plans au général Petrovski et au général Stamboliski pour agrément. Est-il
6 permis de s'exprimer ainsi ?
7 R. Au sein du Grand quartier général en 2001, étant donné que ce QG
8 était organisé et structuré selon les normes de l'OTAN, il y existait ce
9 que l'on appelle le G3, et ce G3, c'était un service chargé de la
10 planification des opérations. Mais ce service ne présentait pas les plans
11 émanant de lui uniquement au chef et au vice-chef du Grand quartier
12 général, mais à l'ensemble des membres de ce Grand état-major, car le Grand
13 état-major est un organe collectif qui dirige l'armée.
14 Q. D'accord. Au sein de cet organe collectif, lorsqu'un plan était
15 présenté, des hommes tels que le général Petrovski et le général
16 Stamboliski étaient responsables de l'approbation des plans en question,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Oui. Les plans étaient approuvés par le chef de l'état-major principal,
19 et en son absence un tel plan est approuvé par son adjoint.
20 Q. D'accord. Donc ce service G3, pour prendre un exemple, pendant l'année
21 2001 ce service G3 a planifié un certain nombre d'opérations, telles que
22 l'opération menée dans les environs de Vaksince, telles que les opérations
23 de Tetovo, telles que les opérations d'Aracinovo, et cetera, et ces divers
24 plans ont été discutés par l'organe collectif que constitue l'état-major
25 principal, n'est-ce pas ?
26 R. Pour tout plan concernant une opération établie au sein du G3, le
27 groupe collégial en discute, et comme je l'ai déjà dit à l'issue de cette
28 discussion par le groupe dans son ensemble, l'action proposée est approuvée
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1 ou l'ordre proposé est signé par le chef de l'état-major principal.
2 Q. D'accord. Les généraux Petrovski et Stamboliski étaient selon vous des
3 militaires de carrière expérimentés et compétents, n'est-ce pas ?
4 R. Il serait incorrect de ma part d'apprécier la qualité ou d'évaluer la
5 qualité de mes supérieurs. Mais puisque votre commentaire était positif, je
6 dirais oui.
7 Q. D'accord. Donc, je considère que votre réponse est affirmative.
8 J'aimerais maintenant passer à autre chose.
9 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je me demandais
10 d'ailleurs si nous ne pourrions pas faire la deuxième pause maintenant, car
11 sinon je commencerais un nouveau sujet et je devrais m'interrompre au
12 milieu.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, Monsieur Saxon. Nous allons
14 faire la pause maintenant, et nous reprendrons nos travaux à midi cinquante
15 cinq.
16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.
17 --- L'audience est reprise à 12 heures 55.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon, à vous.
19 M. SAXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Monsieur Markovski, hier, page 10 627 du compte rendu d'audience, vous
21 avez dit que : "Pour déclarer l'état de guerre, trois conditions devaient
22 être respectées", je vous parle de cela en rapport avec l'article 124 de la
23 constitution.
24 La première condition évoquée par vous a été la suivante : vous avez dit
25 qu'il fallait qu'il y ait danger imminent pour la République de Macédoine :
26 "Ce qui veut dire une attaque provenant de l'un ou l'autre des pays
27 limitrophes."
28 M. SAXON : [interprétation] Je vous invite à vous rendre à l'intercalaire
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1 51 du classeur numéro 2. J'aimerais que le témoin ait sous les yeux la
2 pièce P91, qui correspond à cet intercalaire.
3 Pour ceux qui suivent grâce au prétoire électronique, j'indique que
4 l'article 124 se trouve en page 21 du prétoire électronique en version
5 anglaise, et en page 25 de la version macédonienne du prétoire
6 électronique.
7 Non. Ce qui s'affiche actuellement sur les écrans n'est pas le
8 document que je demande. Le document qui m'intéresse est le document
9 P00091, qui devrait être le texte de la constitution macédonienne.
10 Voilà, nous y sommes. Il me faut maintenant la page 21 de la version
11 anglaise, correspondant à la page 25 de la version macédonienne dans le
12 prétoire électronique.
13 Q. Monsieur Markovski, je vous invite à vous pencher sur l'article 124.
14 Vous l'avez actuellement sous les yeux ?
15 M. SAXON : [interprétation] Une page avant dans la version anglaise, s'il
16 vous plaît Monsieur l'Huissier, et gros plan sur l'article 124.
17 Q. Monsieur Markovski, la première des trois conditions évoquées par vous
18 hier évoquait un danger imminent pour la République de Macédoine : "Ce qui
19 signifie une attaque provenant de l'un ou l'autre des pays limitrophes."
20 Où dans le texte de la constitution voyez-vous qu'il est requis que
21 l'attaque provienne de l'un ou l'autre des pays limitrophes dans le texte
22 de l'article 124 ?
23 R. Je ne sais pas quelle autre possibilité pourrait correspondre à une
24 menace de guerre, car une menace de guerre implique un danger ou une menace
25 provenant d'une structure militaire organisée qui crée un danger pour la
26 République de Macédoine. Donc, une structure militaire, c'est pour moi la
27 structure de base dans tout pays, s'agissant d'un danger de guerre et c'est
28 de là que j'ai tiré la conclusion que j'ai tirée. Il ne peut pas y avoir de
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1 structure militaire en l'absence de l'existence d'un pays, et il ne peut
2 pas y avoir de pays sans structure militaire qui est l'un de ses attributs
3 fondamentaux. Je parle bien sûr des Etats démocratiques.
4 Q. Supposons qu'il existe une force d'insurrection. Est-ce qu'une force
5 d'insurrection n'est pas une structure militaire ou une force militaire ?
6 R. Vous me renvoyez à quelque chose que j'ai déjà expliqué. Dans un pays
7 démocratique, il n'est pas logique d'avoir à faire face à une telle
8 situation. Les problèmes qui se posent dans un pays démocratique se
9 résolvent par le dialogue politique et grâce aux institutions du pays.
10 La République de Macédoine, même si elle n'en était qu'au tout premier pas
11 de la démocratisation de sa société, donc depuis le début s'est créée en
12 tant qu'Etat démocratique et a construit ses institutions en tant
13 qu'institutions démocratiques.
14 Q. Monsieur Markovski, veuillez vous pencher sur le premier paragraphe de
15 l'article 124, qui se lit comme suit : "Un état de guerre existe lorsqu'un
16 danger direct d'attaque militaire menace la république, ou lorsque la
17 république est attaquée, ou encore lorsque la guerre est déclarée contre la
18 république."
19 Donc cette disposition se compose de plusieurs éléments constitutifs,
20 n'est-ce pas ? Elle prévoit trois scénarios différents pour déterminer
21 qu'une guerre existe ?
22 R. En fait, elle prévoit trois conditions permettant de déclarer l'état de
23 guerre.
24 Q. Si vous dites que cet article impose trois conditions, comment
25 expliquez-vous l'utilisation du mot "ou" dans ce premier paragraphe de
26 l'article 124 ?
27 R. Une condition, c'est qu'il y a danger imminent. La deuxième condition,
28 qui est précédée par un "ou" existe lorsque la république est attaquée. La
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1 troisième condition existe lorsque la guerre a été déclarée contre la
2 république, ce qui signifie, puisqu'on trouve le mot "ou" entre ces trois
3 conditions, que ces trois conditions n'ont pas nécessité d'être appliquées
4 ensemble pour permettre de déclarer l'état de guerre, mais que l'une au
5 moins de ces trois conditions doit exister pour que l'on puisse déclarer
6 l'état de guerre.
7 Q. Très bien. Parlons si vous le voulez bien pour le moment uniquement de
8 la première condition, à savoir le danger imminent.
9 R. Militaire, danger militaire imminent ou danger de guerre imminent.
10 Q. Bien. D'accord. Danger imminent d'attaque militaire ou lorsque la
11 République est attaquée. Parlons si vous le voulez bien des deux premières
12 conditions ensemble.
13 M. SAXON : [interprétation] J'aimerais qu'on soumette au témoin la pièce
14 1D00098 [comme interprété], qui correspond à l'intercalaire 9 du classeur
15 numéro 1.
16 Q. Monsieur Markovski, ce document porte la date du 11 juin 2001. Il
17 s'agit d'une décision prise par le président Trajkovski de créer le
18 commandement de la défense de la ville de Skopje.
19 Vous le voyez ?
20 R. Oui.
21 Q. On peut y lire que la 12e et la 16e Brigade d'infanterie ainsi que la
22 1ère Brigade de Gardes et la 8e Brigade d'infanterie --
23 R. Excusez-moi, mais apparemment je n'ai pas le même texte que vous devant
24 moi à l'écran.
25 Excusez-moi. Je vois. C'est au deuxième paragraphe, 12e, 16e, et
26 cetera. Excusez-moi.
27 Q. Au point 3, on lit : "Le chef du Grand quartier général de l'armée de
28 la République de Macédoine émet des ordres destinés à engager les unités
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1 dans la défense de la ville de Skopje."
2 Vous voyez ce passage ?
3 R. Oui, c'est ce qu'on lit effectivement.
4 Q. Cette décision n'indique-t-elle pas que la République de Macédoine se
5 trouvait face à un danger militaire imminent et qu'elle était attaquée ?
6 R. Non, je ne vois ça écrit nulle part.
7 Q. Quelles autres conclusions tireriez-vous de ce texte ?
8 R. Dans cette décision, on ne trouve pas mention de ce qui est en train de
9 se passer au sein de la République de Macédoine. On ne voit pas mention de
10 ce que le pays est en train de vivre. On voit simplement qu'un commandement
11 de la défense de la ville de Skopje est créé, qu'il se compose des trois ou
12 quatre unités évoquées à l'instant, et que le chef du Grand quartier
13 général donne un ordre pour organiser la défense de la ville de Skopje.
14 Mais ce qui n'est pas dit dans ce texte, c'est contre qui la ville doit
15 être défendue et qui est à l'origine de la menace qui pèse sur la ville.
16 Selon l'article 51 de la charte des Nations Unies, tout pays, y
17 compris la République de Macédoine, prendra des mesures appropriées pour
18 défendre son territoire contre des terroristes ou des actions illégales,
19 mais ceci se fait également dans les cas qui sont évoqués dans l'article de
20 la constitution cité par vous à l'instant.
21 Q. Monsieur Markovski, n'est-il pas logique de penser que cette décision a
22 été prise par le président en raison de l'activité de l'ALN qui avait cours
23 à ce moment-là sur le territoire de la République de Macédoine ?
24 R. Oui. Cet ordre, ou plutôt, cette décision de la part du président a été
25 prise en raison du trouble à la sécurité de la République de Macédoine qui
26 résultait de la présence de groupes extrémistes armés composés d'Albanais
27 de souche en République de Macédoine.
28 Q. N'est-il pas vrai qu'un pays peut être attaqué de l'intérieur, n'est-ce
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1 pas ?
2 R. La comparaison que nous nous efforçons de faire entre les dispositions
3 de la constitution et la présente décision est une comparaison inadaptée.
4 Nous lisons ici : "Lorsqu'il existe un danger imminent d'attaque
5 militaire," et une telle attaque ne peut venir que d'une structure
6 militaire ou d'une institution militaire.
7 Si nous voulons entrer davantage dans le détail, alors il faudrait
8 que la constitution ait également fait état de menaces provenant de groupes
9 illégaux créant un danger pour la sécurité de la République de Macédoine,
10 ou même encore davantage dans le détail, le texte aurait dû parler
11 d'éventuelles activités terroristes à l'intérieur de la République de
12 Macédoine.
13 Q. Etes-vous en train de dire, Monsieur Markovski, que lorsque le
14 président Trajkovski a publié ce texte le 11 juin, la ville de Skopje
15 n'était pas en danger imminent d'attaque militaire ? Est-ce cela que vous
16 êtes en train de dire ?
17 R. Ce que je m'efforce de dire c'est qu'il était possible que nous
18 ayons eu à l'époque à faire face à un risque d'infiltration de différents
19 groupes terroristes qui faisaient partie des groupes extrémistes armés
20 présents sur le territoire de la République de Macédoine et que cette
21 décision voulait empêcher leur infiltration dans la ville de Skopje.
22 Q. Voyez-vous, cette décision ne dit rien d'une éventuelle
23 infiltration qu'il faudrait empêcher. Je vais vous poser la question
24 suivante : hier, page 10 679 du compte rendu d'audience, vous avez convenu,
25 répondant à une question de ma collègue, Me Residovic, que la défense de la
26 capitale de la République de Macédoine était la mission la plus importante
27 du point de vue de la défense que devaient assurer les forces armées vis-à-
28 vis des citoyens de Macédoine.
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1 Vous vous rappelez avoir dit cela dans votre déposition hier ?
2 R. Ce ne sont pas exactement les mots utilisés par moi, mais cela
3 correspond plus ou moins à ce que j'ai dit en effet.
4 Q. Dans ce cas, si les forces armées de Macédoine avaient besoin d'être
5 mobilisées en juin 2001 afin d'assurer la défense de la capitale du pays
6 contre l'ALN, ceci ne vous semble-t-il pas signifier que la République de
7 Macédoine était en danger imminent de guerre ?
8 R. Je dirais d'abord que la présente décision évoque la nécessité
9 d'empêcher de possibles infiltrations et pas la nécessité d'assurer une
10 défense. La mission principale de l'armée consiste à empêcher
11 l'infiltration ou la progression de groupes ou d'individus organisés ou non
12 organisés portant des armes, de les empêcher de circuler dans la ville où
13 ils risquent de mener à bien des actions terroristes.
14 Q. Premièrement, Monsieur Markovski, le mot "infiltration" n'est pas écrit
15 dans ce texte.
16 Deuxièmement, vous n'avez pas répondu à ma question. Je vais vous la
17 reposez. Elle est simple.
18 Si en juin 2001, il y avait nécessité de mobiliser les forces armées pour
19 assurer la défense de la capitale du pays contre l'ALN, ceci ne vous
20 semble-t-il pas vouloir dire que la République de Macédoine était face à un
21 danger imminent ?
22 R. Mais on ne lit pas dans la présente décision que Skopje est en train de
23 faire face à une attaque militaire ou à un menace militaire.
24 Q. Donc votre réponse est non, à ma question ?
25 R. Non. Je ne peux pas admettre une réponse formulée comme vous la
26 suggérez. Cette décision a été prise à titre préventif. Car je connais bien
27 la situation et je sais quelles étaient les conditions qui existaient à
28 l'époque. Cette décision était prise dans le but d'empêcher des groupes
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1 d'extrémistes armés et des individus extrémistes portant les armes à
2 pénétrer dans la ville où ils risquaient de mener à bien des actions
3 terroristes.
4 Q. Monsieur Markovski, page 10 621 du compte rendu d'audience de votre
5 déposition hier, vous avez dit aux juges de la Chambre que l'ALN essayait
6 en 2001 de créer une situation : "Dans laquelle elle aurait eu la
7 possibilité de contrôler une partie du territoire de la République de
8 Macédoine, d'autres efforts étant déployés pour établir de sa part son
9 pouvoir politique sur le territoire."
10 Ma question est la suivante : si des unités ou des groupes de l'ALN étaient
11 en train de déployer des efforts destinés à encercler la ville de Skopje en
12 juin 2001, est-ce que cela ne vous semble pas vouloir dire que l'ALN était
13 proche d'atteindre son objectif à ce moment-là, l'objectif que vous nous
14 avez décrit hier ?
15 R. L'infiltration d'extrémistes armés à Skopje et le fait qu'ils avaient
16 l'intention de mener à bien des actions terroristes ne signifient pas cela.
17 Je vous renvoie à l'exemple du groupe de Teli, dans cette affaire, le
18 ministère de l'Intérieur, à savoir les structures du ministère de
19 l'Intérieur, ont réglé le problème que posait ce groupe terroriste de façon
20 très rapide. Le fait que ces structures soient entrées dans la ville ne
21 signifient pas pour autant que la ville était menacée au plan militaire,
22 mais la ville a pu se retrouver dans une situation où des activités
23 terroristes étaient susceptibles d'être menées à bien à l'intérieur de la
24 ville.
25 Q. En juin 2001, l'ALN contrôlait le village ou tout du moins les environs
26 d'Aracinovo, n'est-ce pas ?
27 R. Oui, pendant plusieurs jours.
28 Q. Est-ce que cela ne veut pas dire qu'en se déployant dans les environs
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1 de Skopje en juin 2001, en contrôlant des territoires situés à proximité de
2 Skopje, l'ALN était sur le point de réaliser ses objectifs, les objectifs
3 que vous avez décrits hier ?
4 R. Absolument pas, tout du moins pas pour ce qui est de Skopje. L'entrée
5 du groupe extrémiste armé à Aracinovo et la période qui a précédé le moment
6 où il a été expulsé du village a été de 10 à 12 jours. Si les forces de
7 sécurité de la République de Macédoine avaient voulu régler ce problème dès
8 le premier jour, des renseignements étaient disponibles, ils auraient pu le
9 faire, mais il y aurait eu beaucoup de victimes et des dégâts importants
10 auraient été occasionnés. Donc ceci n'aurait pas été efficace, le principe
11 d'efficacité n'aurait pas été respecté.
12 Par conséquent, la République de Macédoine n'a pas choisi la
13 destruction et a préféré ne pas tuer ces personnes. La République de
14 Macédoine a préféré se servir de moyens politiques pour régler la
15 situation. En cas de problèmes graves, le président prenait des décisions
16 relatives au déploiement des forces de sécurité. Cela a été fait à six
17 reprises dans le cadre de décisions du président, seules cinq de ces
18 décisions ont été mises en œuvre.
19 Q. Pour préciser votre réponse, ai-je raison de dire que vous affirmez que
20 si les forces de sécurité macédoniennes avaient voulu régler le problème à
21 Aracinovo de leur propre initiative, elles auraient pu le faire dès le
22 premier jour, mais il y aurait eu alors de nombreuses victimes et des
23 dégâts importants ?
24 Est-il exact de dire qu'en juin 2001, on pouvait s'attendre à ce que
25 des opérations militaires menées dans des zones densément peuplées telles
26 qu'Aracinovo se solderaient nécessairement par de nombreuses victimes et
27 des dégâts importants ?
28 R. Je pense que l'on ne peut pas généraliser. Il y avait 260 extrémistes
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1 armés à Aracinovo, la police et l'armée le savaient. La police et l'armée
2 n'avaient donc aucune raison de craindre cette force, ce qui compte c'est
3 l'efficacité de l'utilisation des ressources, car la République de
4 Macédoine continuait à agir dans l'idée que la cohabitation entre
5 différentes communautés en République de Macédoine devait se poursuivre.
6 Q. Vous avez dit, il y a un instant, que les forces de sécurité auraient
7 pu régler le problème à Aracinovo si elles l'avaient souhaité. Pourquoi
8 est-ce que l'occupation d'Aracinovo par l'ALN constituait un problème pour
9 l'Etat ?
10 R. Si la situation n'est pas sûre, l'Etat se préoccupe de tous les mettre
11 au carré.
12 Q. Lorsque vous dites que la situation à Aracinovo n'était pas sûre et que
13 la sécurité n'y était pas assurée, était-ce en raison du fait que l'ALN
14 contrôlait Aracinovo à l'époque ?
15 R. Ce n'était pas l'ALN, c'était un groupe composé d'environ 260
16 extrémistes armés. Parfois mieux vaut écouter la voie de la raison que
17 celle de la violence.
18 Q. Conviendrez-vous avec moi, Monsieur Markovski, que le groupe
19 d'extrémistes armés qui s'est livré à des actes de violence en 2001 était
20 appelé l'ALN ? Est-ce que nous pouvons être d'accord sur ce point.
21 R. Oui, je suis d'accord.
22 Q. Alors pourquoi dites-vous que le groupe composé d'environ 260
23 extrémistes armés qui a pris le contrôle d'Aracinovo n'était pas l'ALN ?
24 R. Parce que je ne pense pas que l'ALN existait, on essaie de faire croire
25 que l'ALN était une structure armée, alors que cette organisation
26 n'existait pas. Il y avait plusieurs groupes extrémistes armés qui
27 n'avaient pas de plans concertés d'actions et qui n'ont jamais mis en œuvre
28 d'actions coordonnées. Ces groupes extrémistes armés menaient à bien leurs
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1 actions conformément à leurs plans et à leurs projets.
2 Q. Nous allons revenir sur cette question un peu plus tard.
3 Hier, à la page 10 628 du compte rendu d'audience, vous nous avez
4 expliqué que le président pouvait proclamer l'état de guerre lorsque le
5 parlement ne pouvait pas se réunir.
6 Vous souvenez-vous avoir déclaré cela ?
7 R. Oui. Dans ce cas de figure, le président peut exercer les pouvoirs qui
8 lui sont proférés par la constitution.
9 Q. Vous nous également dit hier qu'à l'époque le parlement était en
10 session permanente ?
11 R. Oui, c'est exact.
12 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait revoir la pièce
13 P00091. Il s'agit de la constitution de la République de Macédoine. Je
14 souhaiterais que l'on affiche de nouveau l'article 124 de ce texte qui se
15 trouve à l'intercalaire 51 du deuxième classeur.
16 Dans le système de prétoire électronique, l'article 124 doit se
17 trouver à la page 21 de la version anglaise et à la page 25 de la version
18 macédonienne. Peut-on agrandir l'article 124, s'il vous plaît.
19 Q. Le paragraphe 2 de l'article 124 dispose que : "L'état de guerre est
20 proclamé par l'assemblée par vote à la majorité des deux tiers de
21 l'ensemble des représentants de l'assemblée sur proposition du président de
22 la république, du gouvernement ou d'au moins 30 représentants."
23 Est-ce que vous voyez cela ?
24 R. On parle de députés, ici. Voilà ce qui est dit dans le texte.
25 Q. Bien. Cela signifie qu'au cours de l'année 2001, soit le président,
26 soit le gouvernement, soit 30 députés du parlement, auraient pu proposer la
27 proclamation de l'état de guerre, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, c'est exact.
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1 Q. A titre d'exemple, il est arrivé, pendant la crise, que le premier
2 ministre, Ljubco Georgievski, ait déclaré qu'il fallait proclamer l'état de
3 guerre, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, j'ai lu cela.
5 Q. Monsieur Markovski, est-ce que la véritable raison pour laquelle on n'a
6 jamais proclamé l'état de guerre en 2001, c'est que cela aurait provoqué
7 une guerre civile à grande échelle qui aurait opposé les communautés
8 macédoniennes et albanaises ?
9 R. Excusez-moi, mais je n'ai pas compris votre question. Est-ce que vous
10 pourriez la simplifier ?
11 Q. Je vais faire de mon mieux.
12 R. Excusez-moi.
13 Q. Non, c'est sans doute de ma faute.
14 Si l'on avait proclamé l'état de guerre en 2001, cela aurait provoqué une
15 guerre civile sur une grande échelle qui aurait opposé d'une part la
16 communauté macédonienne et d'autre part la communauté albanaise vivant en
17 Macédoine, n'est-ce pas ?
18 R. On peut dire cela, mais ce ne serait qu'une conjecture. Comme vous
19 l'avez dit, cela aurait provoqué une guerre entre la population albanaise
20 de souche et les autres communautés, car tout le monde n'a pas rallié les
21 groupes extrémistes armés albanais en République de Macédoine. Je parle des
22 autres communautés, car en République de Macédoine, en sus des Macédoniens
23 et des Albanais, il y a également des Serbes, des Bosniaques, des Turcs,
24 des Rom, des Vlach [comme interprété], des Serbes. J'ai peut-être oublié
25 certaines communautés ethniques, si c'est le cas, j'espère qu'elles ne m'en
26 tiendront pas rigueur.
27 Q. Vous dites que je peux avancer ce que j'avance, mais que ce ne serait
28 là que des conjectures. Moi je vous demande votre avis d'expert. Vous êtes
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1 ici en tant qu'expert spécialisé dans les questions politiques et
2 militaires.
3 Je souhaiterais que vous répondiez de façon plus précise à ma
4 question. La raison pour laquelle on n'a pas proclamé l'état de guerre, on
5 ne l'a jamais proclamé officiellement, c'est parce que cela aurait donné
6 lieu à une guerre civile de grande échelle, n'est-ce pas ?
7 R. Vous voulez vraiment que je vous contredise, parce que la science ne se
8 fonde pas sur des questions de conjecture. La science, si on a une approche
9 scientifique, on se repose sur les événements et les documents. Pour ce qui
10 est de l'aspect scientifique de ce sujet, je ne peux pas me livrer à des
11 spéculations. Pardonnez-moi, mais de telles conjectures ne me semblent pas
12 acceptables. J'ai besoin d'argumenter ceci et de faire intervenir une
13 connaissance scientifique au niveau des recherches, et cetera, pour
14 parvenir à une conclusion.
15 Q. Monsieur Markovski, compte tenu de la position que vous occupiez,
16 ministre de la Défense en 2001 -- non, vous travailliez pour le ministère
17 de la Défense en 2001, vous avez été le témoin de ces événements. Vous avez
18 consacré bon nombre d'années récemment à l'étude de ces événements. Vous
19 avez enseigné et votre enseignement portait sur ces événements.
20 Donc je souhaite recueillir votre avis.
21 R. Tout d'abord, je n'ai pas participé, j'étais témoin de ces événements.
22 Je maintiens ma position, à savoir il est très difficile de deviner ce qui
23 aurait pu se produire d'autre, mais sans doute, et je vais vous donner une
24 réponse puisque vous souhaitez avoir une réponse, d'après l'expérience des
25 pays voisins, de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie aussi, il y aurait
26 sans doute eu un immense bain de sang. Mais je vous réponds simplement pour
27 que vous ayez une réponse à votre question, parce que je ne peux pas être
28 satisfait de cette réponse au plan scientifique.
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1 Q. Très bien. Il est vrai, n'est-ce pas, qu'en 2001, les forces chargées
2 de la sécurité de Macédoine agissaient alors que l'état de guerre n'avait
3 pas été déclaré ?
4 R. Pendant un certain temps au cours de la crise de l'année 2001, ils
5 vivaient et travaillaient et étaient prêts à combattre, et c'est ainsi que
6 ça a été défini.
7 Q. Donc les forces chargées de la sécurité ont travaillé et ont été
8 déployées dans une situation de combat, n'est-ce pas ?
9 R. Non, non. Je crois que ce serait une affirmation trop forte qui n'a pas
10 lieu d'être compte tenu de la réalité de la situation.
11 Q. Bien. Nous allons y revenir dans un instant.
12 Je souhaite maintenant passer à un autre sujet.
13 Monsieur Markovski, est-ce que vous disposez d'un classeur qui contient
14 votre rapport ? Parce que si ce n'est pas le cas, on peut vous remettre un
15 exemplaire.
16 R. Oui. Oui, j'ai mon rapport ici.
17 Q. Si vous vous reportez au paragraphe 21, s'il vous plaît, paragraphe 21
18 de votre rapport -- en réalité, je vais vous demander de vous reporter à un
19 autre paragraphe.
20 Pardonnez-moi, Monsieur Markovski, pouvez-vous vous reporter au
21 paragraphe 24, s'il vous plaît.
22 Au paragraphe 24, vous nous donnez une définition du mot "crise".
23 Tout d'abord vous dites : "La crise est une interruption de certaines
24 règles qui fonctionnent dans le système. Et une crise c'est une situation
25 qui, au plan national ou international, représente une menace pour les
26 intérêts vitaux du pays."
27 Ensuite, plus tard, vous dites au niveau de la note en bas de page numéro
28 12. En réalité vous citez vos propres termes, votre propre ouvrage.
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1 Ensuite, au milieu du paragraphe, il y a une phrase qui commence par : "Le
2 manuel de l'OTAN…"
3 Est-ce que vous y êtes ?
4 R. Oui, oui.
5 Q. On peut lire : "Le manuel de l'OTAN définit une crise comme étant un
6 réseau d'événements qui évoluent rapidement et qui augmentent de façon
7 significative, incidences que peuvent avoir les facteurs de déstabilisation
8 dans un système international au sens large du terme ou dans un sous-
9 système et augmentent la possibilité d'éclatement de la violence.
10 Deuxièmement, la poursuite des conséquences de différentes actions entre
11 les gouvernements de deux pays souverains dans des conflits particuliers,
12 dans une guerre qui peut être courte et réelle, mais qui peut évoluer et
13 devenir une guerre très dangereuse. Un changement de statut qui est
14 caractérisé par l'augmentation de l'éventualité d'actions très
15 destructrices entre deux ou plusieurs adversaires qui ont de grandes
16 capacités au niveau de l'intervention militaire ou de l'action militaire."
17 Dans la note en bas de page numéro 13, vous faites une référence ici au
18 manuel de l'OTAN et du concept stratégique d'alliance qui commence à la
19 page 42.
20 R. Oui, le concept stratégique.
21 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on peut passer au numéro 65 ter
22 2D00-713. Il s'agit d'un extrait du manuel de l'OTAN et ceci date de 2001,
23 cela se retrouve à l'intercalaire numéro 67 du troisième classeur.
24 Est-ce que l'on peut remettre le troisième classeur, s'il vous plaît, pour
25 qu'on facilite la recherche.
26 Nous disposons que du document en anglais et est-ce que l'on peut passer à
27 la page 42, s'il vous plaît, du manuel de l'OTAN.
28 Q. Monsieur Markovski, vous verrez -
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1 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on peut faire dérouler le texte
2 vers le bas, s'il vous plaît.
3 Q. Vous verrez qu'ici, nous sommes en présence de ce chapitre que vous
4 avez cité et qui se réfère à la définition d'une crise. Le concept
5 stratégique d'alliance. Ceci est évoqué sur cinq ou six pages.
6 Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, à quel moment on peut
7 trouver la définition du terme de crise que vous avez évoqué vous-même au
8 milieu du paragraphe 24, quelle page ?
9 R. Si vous voulez vraiment que l'on aborde tout ce qui est évoqué
10 dans le paragraphe 24 et ici correctement, il faudrait --
11 Q. [aucune interprétation]
12 R. Paragraphe 24 de mon rapport, on peut lire que : "Dans le manuel de
13 l'OTAN on retrouve la définition d'une crise, c'est ce qui a été précisé",
14 ensuite au point 1, 2 et 3.
15 Rien de tout ceci n'est mis entre guillemets. Je ne sais pas comment
16 ça se passe au niveau de la loi, mais au niveau scientifique, ceci est
17 autorisé lorsque l'on fait des analyses, on est en droit de tirer des
18 conclusions et de présenter ces conclusions comme étant les siennes, mais
19 on ne met pas de guillemets.
20 Donc, ce qui a été précisé ici, le concept stratégique d'alliance
21 selon l'OTAN, aux pages 42 à 47, comme étant mon avis personnel, moi je
22 suis parvenu à ces conclusions et je les présente ici sans guillemets.
23 Il s'agit là de mes conclusions à partir des éléments que j'ai
24 étudiés et analysés et je suis parvenu à ces conclusions-là.
25 Q. Bien, nous avons le temps et ce document ne fait que cinq ou six
26 pages. D'après ce que j'ai compris vous n'avez pas cité ce chapitre
27 précisément, mais à quel endroit ici dans ce texte est-ce qu'on évoque la
28 notion de crise ? Où est-ce que vous voyez cela ?
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1 R. Je n'ai que la version anglaise. Je ne sais pas si vous avez une
2 version macédonienne.
3 Q. Nous n'avons que la version anglaise. Je crois que vous lisez
4 l'anglais, c'est ce que vous dites dans votre rapport en tout cas.
5 R. Oui, oui. Je peux travailler avec l'anglais, mais si vous voulez que je
6 fasse une analyse à proprement parler professionnelle, il faudrait que je
7 consulte le texte macédonien.
8 Q. Etant donné que vous connaissez la langue anglaise, je vous demande de
9 feuilleter ces pages et de nous dire si le mot "crise" figure sur ces
10 pages.
11 R. Encore une fois, vous voulez que j'analyse quelque chose comme ça, de
12 façon tout à fait spontanée. J'ai répondu à la question que vous avez posée
13 sur une spéculation, je ne peux pas vous donner des commentaires à partir
14 d'un document dans une langue que je ne maîtrise pas parfaitement.
15 Q. En fait, dans ce manuel de l'OTAN, nulle mention n'est faite du mot
16 crise, n'est-ce pas ?
17 R. Si telle est la conclusion à laquelle vous parvenez, soit. Mais moi je
18 ne peux pas analyser un texte dans une langue que je ne comprends pas.
19 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Juge, regardez l'heure, est-ce
20 qu'il faut lever l'audience maintenant.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons tenir compte de ceci.
22 Monsieur, on va vous demander de revenir demain pour poursuivre et
23 nous reprendrons demain matin à 9 heures.
24 L'huissière de la Chambre va vous raccompagner et va vous faire
25 quitter le prétoire.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 [Le témoin quitte le prétoire]
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon. En l'absence du
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1 témoin, je pensais que nous pouvions peut-être vous poser la question de
2 savoir comment vous allez gérer votre temps. Nous n'allons pas compter les
3 minutes, je crois que nous allons commencer par les journées d'audience.
4 M. SAXON : [interprétation] C'est ce que je craignais.
5 Mon objectif serait de terminer mon contre-interrogatoire jeudi. Tel est
6 mon objectif. Je vois que Mme le Juge Van den Wyngaert n'est pas très
7 satisfaite de ma réponse, mais par le truchement de ce témoin je peux
8 aborder énormément de documents.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons vous encourager à terminer
10 avant cela, en tout cas à la fin de la deuxième séance jeudi, si vous le
11 voulez bien, parce que M. Apostolski aurait ainsi la dernière session de
12 cette journée d'audience, parce que pour deux des Juges qui ont quelques
13 engagements, ils ne pourraient pas siéger vendredi. Par conséquent, si ce
14 n'est pas le cas, ceci perturberait le déroulement de tout ceci. Donc
15 regardez le temps que vous aurez demain et les deux premières sessions de
16 la journée d'audience jeudi. Je crois que vous auriez, à ce moment-là,
17 suffisamment de temps pour pouvoir aborder toutes ces questions.
18 M. SAXON : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous vous serions fort reconnaissants
20 de pouvoir vous en tenir à ce délai.
21 La Chambre de première instance souhaite également indiquer un point annexe
22 qui a une incidence sur mon travail, car j'ai d'autres engagements vendredi
23 ainsi que lundi de la semaine prochaine; c'est pour cette raison que nous
24 vous proposons que, pour le témoin de la Défense de M. Apostolski, de
25 pouvoir entendre ce témoin mardi plutôt que d'avoir simplement deux Juges
26 qui siègent à l'audience, compte tenu du fait que c'est un témoin 92 bis,
27 donc il y aura surtout un contre-interrogatoire, nous devrions pouvoir en
28 terminer avec ce témoin mardi et traiter des questions de procédure qui
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1 doivent être abordées si cela s'avère nécessaire pour pouvoir terminer tout
2 ceci lié aux éléments de preuve apportés par l'autre partie mardi.
3 Grâce à vos efforts de préparation et d'organisation au fil des prochains
4 jours, Monsieur Saxon.
5 Nous levons l'audience et reprendrons demain matin à 9 heures.
6 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 12 mars
7 2008, à 9 heures 00.
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