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1 Le jeudi 29 octobre 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé Tarculovski est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 30.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bonjour. Je souhaiterais que Mme la
6 Greffière cite la cause.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
8 Il s'agit de l'affaire IT-04-82-A, le Procureur contre Ljube Boskoski et
9 Johan Tarculovski.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Boskoski, êtes-vous en
11 mesure de m'entendre et de suivre l'audience ?
12 L'ACCUSÉ BOSKOSKI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Et Monsieur
14 Tarculovski, qu'en est-il, est-ce que vous m'entendez et est-ce que vous
15 pouvez suivre l'audience grâce à l'interprétation ?
16 L'APPELANT TARCULOVSKI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
18 Je souhaiterais que les parties se présentent, en commençant par
19 l'Accusation.
20 M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
21 Messieurs les Juges. Paul Rogers au nom de l'Accusation. Je suis
22 aujourd'hui accompagné de Mme Laurel Baig, M. François Boudreault ainsi que
23 Mme Nadia Shihata. Ils s'occuperont de la partie de l'appel qui correspond
24 à M. Tarculovski. Cet après-midi, deux de mes collègues se joindront à moi,
25 donc il va y avoir un changement parmi les rangs de l'Accusation cet après-
26 midi pour ce qui est de l'appel relatif à M. Boskoski. Donc je vous
27 avertis pour vous dire que cela va se passer.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois que vous avez moult
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1 ressources à votre disposition, Monsieur Rogers. Vous avez de la chance.
2 Qu'en est-il de l'équipe de la Défense pour M. Boskoski.
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Pour
4 assurer la Défense de M. Boskoski, je suis présente, Maître Edina
5 Residovic, accompagnée de Me Guenael Mettraux et de Mlle Jestan
6 Karasidovic, ainsi que de nos assistants juridiques qui vont représenter M.
7 Boskoski ce matin.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'en est-il -- Maître Dershowitz,
9 microphone, s'il vous plaît.
10 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Monsieur le Président, Alan Dershowitz
11 pour l'appelant M. Tarculovski, et mon frère Me Nathan Dershowitz se joint
12 à moi. Je vais m'occuper de la première demi-heure pour la présentation de
13 nos arguments, et mon frère parlera pendant 45 minutes. Et je voulais
14 également dire que si nous n'utilisons pas tout le temps qui nous a été
15 imparti pour le début de nos arguments, nous souhaiterions pouvoir utiliser
16 ce temps pour nos arguments présentés en réplique.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons nous pencher sur cette
18 question, Maître Dershowitz.
19 Je souhaiterais maintenant résumer cet appel. Cet appel qui a trait aux
20 événements qui se sont déroulés pendant et après une opération de police
21 effectuée le 12 août 2001, dans le village de Ljuboten, ce village se
22 trouve dans la partie nord de l'ancienne République yougoslave de
23 Macédoine. Johan Tarculovski et l'Accusation ont interjeté appel contre un
24 jugement rendu le 10 juillet 2008, jugement rendu par la Chambre de
25 première instance numéro II. La Chambre d'instance a déclaré coupable Johan
26 Tarculovski des chefs d'inculpation suivants : il a ordonné, planifié et
27 incité à commettre des meurtres, une violation du droit ou des coutumes de
28 la guerre, chef numéro 1; il a été responsable de destruction sans motif,
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1 une violation du droit ou des coutumes de la guerre, chef numéro 2; et de
2 traitements cruels, une violation du droit ou des coutumes de la guerre,
3 chef d'accusation numéro 3.
4 La Chambre d'accusation a condamné Johan Tarculovski à une peine unique
5 d'emprisonnement de 12 années. Ljube Boskoski n'a pas été déclaré coupable
6 des chefs d'accusation qui lui avaient été reprochés et l'Accusation a
7 interjeté appel contre son acquittement. Johan Tarculovski a, dans un
8 premier temps, déposé son acte d'appel le 8 août 2008 et a énoncé 15 moyens
9 d'appel. Le 12 janvier 2009, il a déposé son mémoire en appel dans lequel
10 il expose sept moyens d'appel. Avec l'aval de la Chambre d'appel, le 2
11 avril 2009, Tarculovski a déposé son acte d'appel amendé qui correspond à
12 son mémoire en appel. L'Accusation a déposé son mémoire en réplique le 9
13 avril 2009, et Tarculovski a déposé son mémoire en duplique le 24 avril
14 2009. L'Accusation a déposé son acte d'appel le 6 août 2008, ainsi que son
15 mémoire en appel le 20 octobre 2008. Ljube Boskoski a déposé son mémoire en
16 réponse le 1er décembre 2008, et l'Accusation a déposé sa réplique le 16
17 décembre 2008.
18 J'aimerais maintenant résumer brièvement les différents moyens d'appel.
19 Johan Tarculovski avance sept moyens d'appel et demande un
20 acquittement pour tous les chefs d'accusation. Par son premier moyen
21 d'appel, Tarculovski avance que l'exercice de la compétence du Tribunal en
22 l'espèce est abusif, étant donné que le Tribunal n'a pas posé la question
23 essentielle pour déterminer si le gouvernement de l'ancienne République de
24 Macédoine a ordonné de façon légale l'opération qui leur a permis de se
25 défendre pour expulser les terroristes qui se trouvaient parmi les
26 villageois.
27 Par son deuxième moyen d'appel, Tarculovski a avancé que les
28 événements qui se sont déroulés le 12 août 2001 ne représentaient pas une
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1 violation du droit ou des coutumes de la guerre, étant donné qu'ils étaient
2 le résultat d'une réponse légitime et mesurée de la part d'un Etat
3 souverain face à une attaque terroriste interne. Il remet en question
4 également l'applicabilité du droit ou des coutumes de la guerre à
5 déterminer la responsabilité pénale individuelle pour une personne qui a
6 été affectée à l'exécution d'une opération légitime planifiée par un Etat
7 souverain.
8 Par son troisième moyen d'appel, Tarculovski avance que la Chambre de
9 première instance a commis une erreur lorsqu'elle a utilisé et appliqué
10 l'article 7(1) du Statut eu égard à la planification, au fait qu'il a donné
11 l'ordre et qu'il a incité à commettre ces actes.
12 Par son quatrième moyen d'appel, Tarculovski allègue que les éléments
13 de preuve ne suffisaient pas pour déterminer que les meurtres, que les
14 destructions sans motif et les traitements cruels avaient été déterminés
15 au-delà de tout doute raisonnable.
16 Son cinquième moyen d'appel a trait à l'évaluation des éléments de
17 preuve. Tarculovski avance que la Chambre de première instance a rejeté de
18 façon injustifiée le témoignage de catégories entières de témoins, alors
19 qu'elle a choisi par la suite de tenir compte de façon sélective des
20 témoignages qui avaient été censés être rejetés.
21 Son sixième moyen d'appel a trait aux déclarations qu'il a faites à
22 une commission créée par le ministère de l'Intérieur pour enquêter sur les
23 événements de Ljuboten. Tarculovski avance que ces déclarations ont été
24 versées au dossier de façon injustifiée ou à titre subsidiaire, qu'elles
25 n'ont pas été utilisées de façon légitime.
26 Finalement, par son septième moyen d'appel, Tarculovski demande à la
27 Chambre d'appel de diminuer sa peine.
28 L'Accusation fait valoir un moyen d'appel eu égard à l'acquittement
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1 de Ljube Boskoski. L'Accusation soutient que la Chambre de première
2 instance a commis une erreur de droit en estimant, en concluant que
3 Boskoski avait pris les mesures nécessaires et raisonnables aux fins de
4 punir, conformément à l'article 7(3) du Statut, et que la Chambre de
5 première instance a utilisé le critère juridique erroné. A titre
6 subsidiaire, l'Accusation avance que la Chambre de première instance a
7 commis une erreur de fait, étant donné que Boskoski n'a pas pris certaines
8 mesures qui étaient nécessaires et raisonnables afin de punir ses
9 subordonnés qui étaient l'auteur de ces délits. L'Accusation fait valoir
10 qu'il était possible, nécessaire et raisonnable que Boskoski mène à bien
11 une enquête sur les faits de ces crimes, signale le comportement criminel
12 allégué de ses subordonnés aux autorités compétentes et diligentes, une
13 procédure disciplinaire contre ses subordonnés.
14 J'aimerais attirer l'attention des parties sur une lettre du 20
15 octobre 2009, lettre par laquelle la Chambre invitait les parties à se
16 pencher sur une question bien précise lors de cette audience. Point n'est
17 besoin de réitérer la teneur de cette lettre.
18 Cette audience va se dérouler conformément à l'ordonnance, portant
19 calendrier délivré le 2 septembre 2009. Le conseil de M.Johan Tarculovski
20 présentera sa thèse ce matin, et ce, pendant une heure et quart. Ils nous
21 ont indiqué comment ils allaient répartir le temps qui leur a été imparti.
22 A la suite de cela, nous aurons une pause de 30 minutes et l'Accusation
23 répondra pendant une heure, puis les conseillers de M. Johan Tarculovski
24 répondront pendant 20 minutes. Nous aurons une pause d'une heure.
25 L'audience reprendra l'après-midi et commencera par l'appel de l'Accusation
26 qui durera une heure et quart. Nous aurons la réponse du conseil de M.
27 Ljube Boskoski pendant une heure ainsi que la réplique de l'Accusation
28 pendant 20 minutes.
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1 Nous aimerions rappeler aux parties qu'il serait judicieux qu'ils
2 présentent leurs thèses de façon précise et claire. Mme la Greffière nous
3 aidera à faire le décompte du temps utilisé.
4 J'invite maintenant le conseil de M. Tarculovski à présenter ses
5 arguments.
6 M. A DERSHOWITZ: [interprétation] Je m'appelle Alan Dershowitz et je
7 représente les intérêts de M. Johan Tarculovski. Et je dirais que pour ce
8 qui est de cet appel -- est-ce que vous m'entendez maintenant?
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
10 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Voilà, vous m'entendez ? Bien.
11 Je disais donc qu'en ce qui concerne cet appel, les questions sont
12 présentées de façon très directe par les parties, car l'Accusation a
13 toujours soutenu dans son mémoire qu'il s'agissait de savoir si l'opération
14 de Ljuboten était un acte d'autodéfense contre les terroristes est n'est
15 pas pertinent. C'est la thèse qu'ils soutiennent pendant tout le mémoire.
16 Nous indiquons que cela est essentiel et central, et que cela est
17 extrêmement important pour ce qui est de la compétence et pour ce qui est
18 de la responsabilité. Car il y a une grande différence entre une opération
19 qui ne correspond à aucune exigence militaire, opération de génocide, de
20 destruction sans motif, meurtre sans motif et une opération militaire
21 légitime qui occasionne certains décès civils lors de cette défense contre
22 le terrorisme. Les actes de terrorisme sont quasiment routiniers dans le
23 monde entier. Le terrorisme est un phénomène qui se produit, qui
24 transgresse les frontières, les océans et les mers. Les Etats qui sont
25 victimes de ces actes terroristes réagissent très souvent en disant qu'ils
26 ne ciblent que les terroristes. Les Etats qui accueillent des terroristes
27 et les protègent, avancent très souvent que les cibles sont des civils.
28 Pour ce qui est de savoir si une victime est un terroriste ou une
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1 civile, il faut savoir que tout n'y est qu'une question de nuance. Car une
2 personne peut se livrer à un acte de terrorisme, ensuite reprendre son
3 statut de civil. Un village peut soutenir, de façon active et cacher des
4 terroristes, ou les villageois peuvent également être des victimes et
5 peuvent être contraints de protéger des terroristes et peuvent ainsi faire
6 office de boucliers humains pour les terroristes. Il faut savoir quel est
7 le droit applicable à ces différentes situations, et cela fait le sujet de
8 débats passionnés au sein du monde professionnel aujourd'hui.
9 L'Accusation a avancé qu'en l'espèce, l'accusé devait mener une
10 recherche dans le village de Ljuboten pour retrouver un homme qui répondait
11 au nom de M. Assani, et qu'il a agit après cet ordre. La Chambre de
12 première instance a estimé :
13 "Qu'il y avait certaines preuves qui pouvaient être considérées pour
14 indiquer que les résidants, les habitants de Ljuboten avaient participé au
15 positionnement de la mine terrestre du 10 août qui avait occasionné le
16 décès de huit soldats macédoniens. Pour cette raison que la Chambre a
17 accepté que sur la base des informations disponibles à la police, ils
18 avaient des raisons légitimes pour entrer dans le village de Ljuboten le 12
19 août du fait de la présence suspectée de l'ALN
20 Il s'agit d'une situation tout à fait différente à la situation où il
21 n'existe aucune raison légitime militaire. Il faut savoir que le droit et
22 les coutumes de la guerre sont très clairs. Car lorsqu'il n'y a pas de
23 raison militaire légitime, la loi est très claire. Mais elle n'est pas très
24 claire lorsqu'il y a une action militaire qui est menée à bien contre des
25 terroristes qui se dissimulent parmi la population civile et qu'ils ne
26 portent pas un uniforme militaire.
27 En l'espèce, l'Accusation a avancé que le gouvernement de Macédoine
28 n'avait pas le droit d'entrer dans le village de Ljuboten le 12 août 2001,
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1 que peu importait si le gouvernement croyait honnêtement et raisonnablement
2 que l'ALN était présente dans Ljuboten et avait dirigé cette opération
3 contre l'ALN. D'après l'Accusation, toute action militaire ce jour-là
4 n'était pas appropriée, parce que l'ALN qui avait tué dix soldats le 8 août
5 et huit soldats près de Ljuboten le 10 août avait créé une situation
6 incendiaire.
7 Madame, Messieurs les Juges, réfléchissez aux conséquences de cet
8 argument. S'il était adopté, un Etat souverain ne pourrait jamais réagir à
9 la suite d'actes terroristes.
10 M. LE JUGE ROBINSON : Maître Dershowitz, on me dit que la cabine française
11 vous demande de ralentir.
12 M. DERSHOWITZ : [interprétation] Je m'excuse. Je vais essayer de parler
13 plus lentement.
14 Je disais donc que la thèse de l'Accusation est telle, qu'à chaque fois
15 qu'il y a un acte de terrorisme, il faut savoir que cela engendre une
16 situation volatile.
17 En fait, l'Accusation est en train de présenter des arguments pour dire que
18 plus il faut intervenir pour se défendre, moins les gens auront le droit ou
19 les Etats auront le droit de le faire. Ce principe n'a jamais été accepté
20 en droit international. Qui plus est, le Tribunal sait, en fait, que l'on
21 ne peut pas véritablement se demander quelles sont les décisions militaires
22 souveraines prises par un Etat si elles sont prises dans le cadre d'actes
23 raisonnables d'autodéfense. Si un Etat membre peut s'engager dans des
24 actions de prévention au-delà des frontières, a fortiori, un Etat peut
25 réagir pour se défendre dans les limites de son propre territoire.
26 Ce Tribunal, la Chambre de première instance, en fait, n'a jamais
27 réglé cette question et les arguments de l'Accusation ne prennent pas en
28 considération des normes internationales acceptées, des normes juridiques.
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1 Des érudits tels que, par exemple, M. Schmitt, le doyen du centre européen
2 pour les études juridiques aux Etats-Unis, a conclu qu'il s'agit d'un
3 problème particulièrement complexe. Il s'agit de savoir quel est le droit
4 d'un Etat souverain lorsque des terroristes se cachent parmi des civils.
5 Donc il faut savoir qu'il n'y a pas de traité, il s'agit du "non in lex
6 scripta", et il n'y a pas de traité permettant de se pencher sur cette
7 question. Il n'est pas surprenant que ni l'Accusation ni la Chambre de
8 première instance n'ont cité une seule source ou une seule citation à ce
9 sujet.
10 Le Tribunal a compétence pour poursuivre seulement, et je
11 cite : "Des personnes qui ont violé le droit ou les coutumes de la guerre."
12 Et nous avançons qu'il n'y a pas de droit ou de coutumes de la guerre qui
13 régissent à l'heure actuelle le comportement dont il est question en
14 l'espèce. L'armée qui expulse des terroristes qui se dissimulent parmi des
15 boucliers humains pose un véritable dilemme. C'est quelque chose qui est en
16 cours, le débat fait rage parmi les professionnels.
17 Il y a, bien entendu, les règles de la proportionnalité, et même les
18 règles de la proportionnalité sont extrêmement complexes lorsque l'on se
19 penche sur les activités terroristes. J'en veux pour preuve la situation en
20 Afghanistan, en Iran, à Gaza, et dans un certain nombre d'autres régions
21 dans le monde. Il n'y a même pas de consensus qui règne à propos du
22 fonctionnement ou de la façon dont on peut utiliser les règles de
23 proportionnalité. Il y a certains professeurs qui indiquent trois
24 différents règlements en la matière, mais il faut savoir que l'accusé ici
25 n'a pas été accusé de violer les règles de proportionnalité. Ce n'est pas
26 ainsi que l'Accusation a présenté sa thèse. Et la raison pour laquelle elle
27 ne l'a pas fait vient du fait que lorsque trois personnes sont tuées dans
28 le cadre d'une attaque militaire où trois non-terroristes ont perdu la vue
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1 lors d'une attaque militaire, pour réagir au fait que 18 personnes avaient
2 été tuées précédemment, ils auront beaucoup de mal à faire passer la thèse
3 de la proportionnalité. Il a également été inculpé d'avoir planifié, incité
4 à commettre. Et nous indiquons, en fait, qu'il s'agit d'une conclusion
5 circulaire. Je cite ce qui a été dit par le Tribunal et je cite : "Ce qui a
6 été fait," - donc j'insiste - "ce qui a été fait par un groupe de policiers
7 dans le village en présence du dirigeant du groupe," - nous ne sommes pas
8 d'accord, d'ailleurs, avec ce détail - "ce qui a été fait nous permet de
9 savoir, en fait, -- est un indice important et fiable pour permettre de
10 comprendre l'objectif de l'opération." Et en utilisant cette déduction qui
11 est circulaire et qui n'est pas justifiée, ils aboutissent à la conclusion
12 suivante, et qui est la suivante. Apparemment - et je souligne cet adverbe
13 - apparemment, l'objectif qui prévalait était d'attaquer de façon
14 indiscriminée les civils. Et le mot "apparemment," le mot "apparemment"
15 permet, en fait, d'admettre qu'il s'agit de déductions, de suppositions et
16 de manque d'éléments de preuve absolus en l'espèce. Et mon frère reviendra
17 par le menu sur le manque d'éléments de preuve.
18 Mais si l'on revient sur l'ancienne notion britannique qui porte sur les
19 conséquences naturelles du comportement, il faut savoir que cela a été
20 rejeté. La Cour suprême des Etats-Unis avait dit que conformément à la
21 constitution américaine, on ne pourrait pas déduire qu'il y a eu une
22 intention à partir du résultat. Donc c'est une conclusion qu'il convient de
23 remettre en question. Mais il faut savoir que dans une situation qui est
24 celle que nous connaissons, c'est une déduction qui est particulièrement
25 irrationnelle et fallacieuse. Parce que l'Accusation et le Tribunal ont
26 accepté que l'objectif premier était d'expulser les terroristes. Personne
27 n'a présenté d'éléments de preuve prouvant le contraire à propos de cette
28 réunion importante qui a eu lieu la veille de l'opération.
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1 Deuxièmement, le Tribunal a conclu "qu'il y avait des raisons
2 légitimes d'entrer dans le village et qu'il se pouvait qu'il y ait des
3 terroristes qui se cachaient parmi la population civile."
4 Troisièmement, que trois des décès étaient des décès de terroristes
5 de l'ALN et qu'une assistance médicale avait été portée à certaines des
6 personnes blessées.
7 Quatrièmement, que le Tribunal "acceptait que les militaires avaient
8 pu croire qu'il se pouvait qu'il y ait eu des tirs dirigés contre la police
9 lors de cette opération."
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Dershowitz.
11 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais revenir sur un de
13 vos propos. Parce que si le Tribunal a conclu, non pas "apparemment," mais
14 avec certitude et au-delà de tout raisonnable doute que l'objectif était
15 une attaque de façon indiscriminée contre les civils, est-ce que cela
16 abonderait dans votre sens ?
17 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Mais cela dépend de la nature de
18 l'opération, en fait. Nous n'allons pas faire l'économie de nos arguments à
19 ce sujet, mais s'il y a compétence, s'il y a compétence rationnée, alors
20 s'il y a des preuves qui ont été présentées, si, par exemple, il y avait un
21 enregistrement audio de la réunion, je pense, par exemple, à une conférence
22 qui s'est produite en Allemagne, pendant les années 40, il y a eu une
23 conversation, il y a eu enregistrement, ils ont décidé lors de cette
24 réunion qu'ils allaient de façon systématique rassembler et tuer les Juifs.
25 Ou s'il y avait une cassette vidéo pour ce qui est de Srebrenica. Mais s'il
26 y avait des preuves suivant lesquelles il ne s'agissait pas d'une opération
27 militaire et que cela s'inscrivait dans le cadre d'un nettoyage ethnique,
28 là, bien entendu, nos arguments seraient différents.
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1 Mais ce que nous avançons, en fait, c'est qu'il n'y a aucune preuve qui a
2 été présentée pour indiquer que l'objectif n'était pas d'expulser les
3 terroristes depuis le début. En fait, la position de repli de la Chambre
4 est comme suit -- je ne cite pas - mais l'Accusation, et je cite maintenant
5 : "Le plan aurait pu être - et je cite : "Le plan n'a peut-être pas été mis
6 en place avant l'entrée de la police dans le village, mais aurait pu
7 évoluer après que les premiers crimes ont été commis."
8 Donc réfléchissez à cela, Madame, Messieurs les Juges. Ce dont il s'agit,
9 ce dont il est question, en fait, c'est qu'il n'y a pas eu de plan au début
10 de l'opération. L'opération était tout à fait légitime et militaire. Puis
11 il y a ces premiers crimes qui ont été commis et tout à coup, il y a un
12 plan qui a été mis au point et l'accusé - et aucune preuve n'a été
13 présentée - l'accusé que je représente et que je défends a tout à coup mis
14 au point un plan. Il s'agit, en fait, d'un changement de théorie, et c'est
15 la façon que l'Accusation a de reconnaître à quel point leur thèse est
16 faible.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Juge Meron.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je dois vous dire que c'est un argument
19 extrêmement intéressant.
20 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Je vous remercie.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais pensez à l'article 51. Parce que
22 est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il s'agissait d'une action
23 menée par des forces publiques chargées du maintien de l'ordre ?
24 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Nous indiquons qu'il s'agit d'une
25 opération mixte. Il y avait participation de la police, mais à l'heure
26 actuelle, dans la guerre contre le terrorisme, la police dispose
27 d'hélicoptères, souvent de véhicules blindés. La différence entre une
28 action de la police et une action militaire est une question de nuance, car
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1 nous, nous pensons que cela était plutôt une action de police qu'une action
2 militaire. Mais bien entendu il y avait les deux qui se sont retrouvées
3 dans cette action.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais s'il s'agissait d'une action de la
5 police, il aurait fallu que la police agisse avec la modération, qu'il lui
6 ait demandé dans le -- parce qu'il s'agit de cibler, on leur demande d'agir
7 avec beaucoup plus de modération que lorsqu'il s'agit d'une situation de
8 guerre.
9 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Mais en matière de terrorisme et pour
10 ce qui est de faire respecter l'ordre public, et lorsqu'il y a une question
11 militaire, en fait, on ne peut pas répondre de façon simple à cette
12 question. N'oubliez pas qu'il s'agissait de questions complexes. Il
13 s'agissait d'une personne qui avait 26 ans à l'époque, des faits qu'il ne
14 savait rien du droit international humanitaire, qui a été incarcérée parce
15 qu'il n'a pas su faire la part des choses entre ce qui était bien et ce qui
16 n'était pas, et ce, en plus, en pleine guerre.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais quels sont les paramètres que vous
18 avancez pour indiquer qu'il s'agissait d'activités menées à bien par la
19 police. Si votre argument, votre thèse, repose sur un acte d'autodéfense
20 contre un acte de terrorisme, est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a très
21 peu de règles qui pourraient être applicables ?
22 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pensez au Soudan, partout, cette
24 menace existe, et les juges internationaux sont de plus en plus confrontés
25 à ces normes de droit international.
26 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation]Oui, je suis tout à fait d'accord
27 avec vous, Monsieur le Président. Ce Tribunal a déjà déclaré qu'il y avait
28 terrorisme, qu'il y avait eu acte terroriste et qu'il y avait intention
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1 légitime pour essayer d'expulser ou d'éradiquer les terroristes. Donc ce
2 n'est pas la même chose que pour le Soudan.
3 Deuxièmement, vous avez les règles de proportionnalité. Il me semble
4 que ce sont les règles de proportionnalité qui devraient régir ce genre de
5 situation. Et il y a une question extrêmement complexe au cœur de ce débat,
6 et je suis sûr que vous en êtes conscient. Parce qu'il y a une règle qui
7 dit que lorsque vous avez un doute, vous devez supposer qu'une personne est
8 civile et n'est pas un combattant. Mais ensuite, les règles au-delà de tout
9 doute raisonnable spécifient que le Tribunal doit véritablement prendre la
10 position inverse, à savoir que la personne qui est sur le terrain doit
11 toujours supposer qu'une personne est civile, alors que la Chambre doit
12 supposer que l'accusé n'est pas conscient que la personne est civile.
13 Donc moi, j'ai écrit un ouvrage sur la question et je demande qu'une
14 nouvelle jurisprudence soit mise au point pour faire en sorte de régir ces
15 questions. Et je ne suis pas cavalier seul en ce sens. Je dirais que toute
16 la profession reconnaît que les règles ne sont pas précises. Je comprends
17 tout à fait le point de vue d'un tribunal international qui veut absolument
18 appliquer, utiliser les règles de droit mais qui ne peuvent pas les
19 appliquer de façon rétroactive. D'ailleurs, ce n'est pas la fonction de ce
20 Tribunal que de créer de nouveaux règlements et de faire en sorte que le
21 Tribunal les applique à un accusé qui se trouvait en pleine guerre. Il
22 serait tout à fait raisonnable que ce Tribunal indique ce qui, d'après lui,
23 représente des problèmes complexes pour reconnaître et reconnaisse ce que
24 l'accusé en l'espèce ne pouvait pas véritablement savoir quels étaient ses
25 devoirs. Et lorsque le Président lui donne un ordre, ce qui a été reconnu
26 par la Chambre, par le Tribunal, par l'Accusation, il n'a pas lui-même
27 exécuté cette tâche. Il se trouve dans une situation intermédiaire. Ce
28 n'est pas lui qui a planifié, ce n'est pas lui qui a tué. Mais il est
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1 l'intermédiaire de la chaîne. On a dit de lui que c'était la personne qui
2 avait dirigé les opérations, ce que nous n'acceptons pas. Mais même si cela
3 était vrai, quelles étaient ses obligations au-delà de la proportionnalité,
4 parce que pour ce qui est de la proportionnalité, c'est une décision prise
5 à un nouveau supérieur. Il s'agit de savoir si la décision d'entrer dans
6 telle ville ou dans telle bourgade pourra être réglée par le biais de la
7 proportionnalité. Il s'agit d'un problème extrêmement complexe, mais,
8 Monsieur le Président, tout ce que nous devons faire, c'est persuader la
9 Chambre du fait que le droit n'est pas clair. Et le droit international
10 humanitaire et le droit de la guerre ne fournissent aucune orientation
11 précise, aucune directive précise. Il faut savoir que lorsque des actes de
12 ce style sont menés, cela donne inévitablement le décès de certains civils.
13 Regardez le résultat. Trois terroristes ont été tués. Il y a eu
14 également trois personnes dont on allègue qu'elles n'étaient pas
15 terroristes, qui étaient tous des hommes qui portaient tous une tenue
16 noire. Ces personnes ont été tuées conformément à la règle de
17 proportionnalité. Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juge Liu, s'il vous plaît.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais
20 quelques précisions de votre part en ce qui concerne votre premier moyen.
21 M. A. DERSHOWITZ: [interprétation] Tout à fait.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] En vertu de la jurisprudence établie par
23 ce Tribunal, pour savoir si l'attaque fut une opération préventive ou
24 offensive a peu d'intérêt sur le plan du droit, est-il dit par la
25 jurisprudence. La question est de savoir si l'accusé a commis une
26 infraction pendant cette opération militaire.
27 Dites-vous que tant que l'opération militaire est légale, justifiée,
28 juste, ce Tribunal n'aura aucune compétence eu égard à ce qui s'est passé
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1 pendant l'action militaire ?
2 M. A. DERSHOWITZ: [interprétation] Non, ce n'est pas ce que nous
3 disons. Certes, ce Tribunal aurait compétence. Prenons Srebrenica. Ces
4 événements à Srebrenica, au départ, étaient une tentative légitime
5 d'enrayer le terrorisme, puis tout d'un coup une décision est prise
6 d'assassiner 7 000 personnes. Ceux qui sont responsables de la prise de
7 cette décision et ceux qui l'ont exécutée seraient responsables. Mais ce
8 que nous disons c'est que dans un tel cas, lorsque vous avez un nombre
9 assez faible de personnes qui sont tuées, proportionnellement, peu de biens
10 détruits finalement, comparés à la taille du village et à ce qui s'était
11 passé auparavant, à ce moment-là ce qui compte, sans nul doute, ce qui est
12 pertinent, c'est que l'opération était légitime. C'est un des principaux
13 facteurs à prendre en compte. Les lois, le droit est différent pour une
14 opération de génocidaire qui aurait commencé comme génocide qui n'avait
15 aucune finalité militaire et une opération qui au départ était légitime, et
16 au cours de laquelle peut-être quelque chose a dérapé. Surtout pour
17 l'intermédiaire. L'auteur présumé intermédiaire qui n'a pas donné l'ordre
18 de l'opération et celui qui ne l'a pas exécuté, mais pour la personne qui
19 se trouve dans une catégorie intermédiaire au niveau de la responsabilité.
20 Vous avez évoqué une citation qui parle, bien sûr, de l'importance de la
21 prévention de toute une série d'autres facteurs. Nous pensons
22 qu'effectivement c'est un dicton mais qu'il ne s'applique pas ici au fait
23 de la présente espèce. Il serait révolutionnaire pour la loi de la guerre
24 de dire qu'il n'y a aucune différence, que c'est sans intérêt, que ça ne
25 fait pas de différence de savoir si une opération est légale ou pas. Parce
26 que ceci concerne l'intention délictueuse, la mens rea de l'accusé. Si vous
27 avez un homme de 26 ans à qui on dit de se livrer à une opération correcte
28 mais qui échappe par contrôle et qui commence à déraper, à ce moment-là,
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1 manifestement, la situation est différente que celle d'un homme de 27 ans à
2 qui on dit d'aller tuer des civils.
3 Ici, en l'occurrence manifeste, regardez les résultats, résultats qui
4 nous montrent peu de personnes tuées, des personnes ont été envoyées à
5 l'hôpital pour être soignées. Ce n'est pas ce qu'on fait normalement
6 lorsqu'on veut se livrer à une opération massive génocidaire. Il y a toute
7 une série d'autres facteurs qui montrent sans nul doute qu'ici, au pire, au
8 pire c'était une opération militaro-policière au cours de laquelle des
9 policiers, dont on n'a pas réussi à trouver l'identité, se sont peut-être
10 livrés à des crimes, et le résultat c'est qu'il n'y a pas d'élément de
11 preuve qui montrerait que notre client aurait décidé, incité à commettre ou
12 aurait une quelconque responsabilité.
13 Non. Non, effectivement, ça ne met pas un terme au débat si on
14 estimait que c'était une opération militaro-policière légitime, mais ça met
15 un terme aux possibilités de l'Accusation en tant qu'organe de poursuite
16 dans ce Tribunal. Parce que l'Accusation dit qu'il est inadmissible, qu'il
17 n'était pas autorisé d'avoir une opération militaire ce jour-là dans cette
18 ville. Au fond, c'était la cause défendue par l'Accusation, et nous disons
19 que ce n'est pas là une situation qui est acceptable au plan du droit
20 international humanitaire.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous savez que depuis l'affaire Tadic
22 de 1995, ce Tribunal n'a eu de cesse de dire qu'il existe des règles
23 applicables, des règles du droit international qui s'appliquent aussi à des
24 conflits internes à un pays.
25 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Voici ce que je
27 proposerais : plutôt que de vous attacher tant à une justification ver nom
28 [phon], dont on essaie en général de s'écarter, pourquoi n'essayez-vous pas
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1 à dire à la Chambre pourquoi, au plan technique, on a appliqué ou pas les
2 règles gouvernant le loi et le droit de la guerre.
3 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est dans notre intérêt. En général,
5 ce n'est pas intéressant pour nous de savoir si une opération militaire ou
6 policière était justifiée ou non. Depuis de nombreuses années, le droit
7 international humanitaire insiste pour dire que quelle que soit la
8 légitimité ou l'illégitimité d'une opération militaire, il faut respecter
9 les règles régissant les conflits militaires.
10 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui, nous comprenons ceci, parce qu'il
11 y a les règles régissant l'attaque et pendant l'attaque. Même si le
12 Tribunal acceptait tous les arguments présentés par l'Accusation ou tous
13 les faits établis et constitués par ce Tribunal - et là, je réponds à votre
14 question, Monsieur le Juge Meron - la logique aboutirait à une conclusion
15 tout à fait inverse.
16 Imaginons qu'il est possible de voir l'intention délictueuse, et si
17 on peut la circonscrire à partir des résultats ici, et c'est la raison pour
18 laquelle nous estimons qu'il n'y a pas eu violation du droit de la guerre.
19 Mon frère va en parler avec beaucoup plus de détails. Nous avons une
20 réunion où il y a planification. C'est le point de départ. Au cours de
21 cette réunion, tout ce qu'on a comme élément de preuve, c'est que ce plan
22 était parfaitement légitime. Puis les événements se reportaient d'un jour.
23 Pourquoi ? Parce qu'il faut faire des activités de reconnaissance. Si on
24 veut faire du génocide, on ne fait pas de reconnaissance. Si on fait une
25 reconnaissance, c'est parce qu'on veut savoir quelles seront les maisons,
26 quelles seront les personnes qui sont des terroristes et où ces terroristes
27 se cachent. Puis on voit le résultat. Trois morts sur 1 000 personnes. Ces
28 trois personnes sont les trois soupçonnées d'être des terroristes de l'ALN,
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1 à tort, peut-être à raison. Puis on voit qu'on apporte une aide médicale à
2 certains des blessés. Si on voulait tuer à l'aveuglette beaucoup de civils,
3 il y aurait eu beaucoup plus de victimes. Beaucoup plus d'enfants, de
4 femmes tués. Je ne connais aucune situation dans la jurisprudence
5 internationale où on a constaté un crime de guerre partant du nombre très
6 faible de personnes tuées, ceci mis à part le fait qu'il y a tout un débat
7 sur la question de savoir si tout ce conflit en Macédoine avec l'ALN est
8 même un conflit qui a l'intensité d'un conflit armé. Soit dit en passant,
9 le Tribunal avait des doutes sérieux à ce propos. Il a conclu quelque chose
10 qui laisse transparaître une préoccupation sérieuse. On se demande s'il y a
11 ces doutes. La Chambre dit qu'en dépit de l'escalade, il y a eu finalement
12 très peu de blessés de part et d'autre parmi les civils. Au maximum,
13 l'estimation en 2001 pour les victimes à la suite d'un affrontement armé
14 est 168, puis on donne d'autres chiffres sur les biens assez faibles.
15 La question des événements en tant que tels est posée ici, mais ce que nous
16 disons, c'est qu'ici il n'y a pas eu d'éléments de preuve. Il n'y a pas
17 d'éléments de preuve directs, de preuves de crimes de guerre. Tout ce qu'on
18 a comme élément de preuve concerne les résultats. On ne peut pas partir du
19 résultat pour remonter à la source, à notre avis. On ne peut pas conclure,
20 ce faisant, qu'il y a eu des crimes de guerre.
21 Je ne veux pas ici minimiser la mort de trois hommes civils, sans
22 doute innocents, le fait qu'il y a beaucoup de maisons endommagées et des
23 mauvais traitements imposés à d'autres. Ce n'est pas un crime de guerre, ce
24 n'est pas non plus un crime pour un conflit armé intense qui serait,
25 pourtant, de la compétence de ce Tribunal.
26 Regardez les chiffres ici. Ils sont beaucoup moindres, par exemple, qu'en
27 Irlande du Nord. Et je pense que l'Accusation l'a concédé, le conflit en
28 Irlande du Nord n'aurait pas été de la compétence d'un tribunal
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1 international. Personne n'a affirmé que c'est le genre de conflit armé dont
2 pouvait connaître un tribunal international. C'est un des événements ici,
3 celui qui a fait l'objet de se poser, un des événements les plus minimes.
4 Et nous avons donc une compétence exercée sur un conflit vraiment limité.
5 Dans un conflit général très limité aussi, ceci a des conséquences
6 périlleuses pour le droit international et pour ce Tribunal aussi, pour sa
7 jurisprudence.
8 Parce que ce serait en vous faire passer un message tout à fait
9 erroné, à savoir qu'un homme jeune, sans expérience, était le pire accusé
10 en Macédoine, dans ce conflit, parce que c'est le seul qui est emprisonné à
11 la suite du conflit intervenu en Macédoine. On fait l'équivalent, les
12 cohésions entre cet homme et d'autres qui font, à juste titre, l'objet de
13 la justice internationale.
14 Parce que l'objectif ultime de ce Tribunal c'est d'encourager la paix.
15 Récemment, les représentants albanais qui représentaient les victimes
16 albanaises ont dit qu'ils ne s'opposeraient pas à ce qu'il soit mis un
17 terme à cette situation, parce que l'emprisonnement de mon client est
18 considéré comme un obstacle à l'établissement de la paix. Une question
19 grave se pose; c'est celle de la compétence qu'aurait ce Tribunal alors que
20 l'incident concerné est assez circonscrit et limité, et que ce n'est pas un
21 crime de guerre. Nous avons présenté des facteurs, celui de la légitimité
22 de l'opération, du fait qu'il y a eu finalement peu de victimes, mon client
23 est un homme jeune, et tout ceci pose la question de savoir si ce Tribunal
24 est en droit de connaître de son procès. Mon frère va en parler.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que vous dites c'est que ce qui
26 s'est passé n'a pas atteint le degré d'intensité d'un conflit armé.
27 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Deux choses : il y a d'abord la
28 question générale, celle d'un conflit de courte durée. En fait, finalement,
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1 peu de victimes, tout à fait internes à un pays, avec des déclarations
2 faites par des Nations Unies de part et d'autre, tout ceci n'a pas atteint
3 le degré d'un conflit armé.
4 Deuxième chose, les incidents qui font l'objet de l'acte d'accusation en
5 l'espèce ne suffisaient pas à élever cet incident au niveau d'un crime de
6 guerre, surtout si ceci découle au départ d'une opération qui était
7 initialement tout à fait légitime, et aussi parce que notre client était un
8 intermédiaire. Nous attaquons la légitimité de ce Tribunal pour juger de
9 ceci, parce que d'abord il y a la question du conflit de Macédoine,
10 question qui n'est toujours pas réglée par la Chambre d'appel, et la
11 compétence sur ce qui, à notre avis, n'est pas du tout un crime de guerre.
12 Si ça avait été un crime, il aurait dû être sanctionné en Macédoine. Le
13 gouvernement de Macédoine était prêt à le faire, mais le présent Tribunal
14 en a pris la primauté. C'est beaucoup plus une infraction locale. Ce n'est
15 pas vraiment quelque chose que vous avez l'habitude d'aborder comme sujet.
16 Vous avez bien plus l'habitude de connaître de procès comme celui de
17 Karadzic et d'autres crimes de guerre.
18 Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
20 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je m'appelle Nathan Dershowitz.
21 J'aimerais revenir plus précisément - et c'était là mon intention -
22 sur la question posée par les Juges. M. le Juge Meron et M. le Juge
23 Robinson posaient précisément cette question. Je reviens à la question
24 posée par M. le Président, est-ce qu'on avait su exactement quelle était la
25 fin de l'opération avec certitude plutôt que de façon apparente, est-ce que
26 nous serions ici. Et je dis : Sans nul doute.
27 Parce qu'ici les conclusions ne sont pas du tout appropriées. Vous êtes ici
28 pour revoir les constatations et les conclusions juridiques qui ont un
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1 effet matériel et substantif sur la décision finale que vous allez prendre.
2 Revenons à la question du Juge Meron. Supposons que ce Tribunal est
3 compétent, ce que nous ne concédons pas, et sur la décision déjà prise, à
4 savoir qu'ici en l'occurrence, quand on voit uniquement M. Johan
5 Tarculovski, rien ne permet de décider qu'il était coupable.
6 C'est manifeste et c'est une lapalissade, mais les chefs retenus contre
7 lui, c'est une violation de l'article 7(1), s'agissant de la responsabilité
8 du supérieur, la Chambre le sait, on dit qu'une personne qui a planifié,
9 incité à commettre, ordonné, commis, ou autrement aidé et encouragé à la
10 commission de la planification de l'exécution d'un crime - et là c'était
11 l'article 2 qui était considéré - et quand on voit l'ordre suivi, la
12 chronologie, on voit les différents modes de responsabilité, M. Tarculovski
13 a été déclaré responsable de la violation au chef d'accusation 1, de
14 meurtre et violation des lois et coutumes de la guerre au titre de
15 l'article 3 du Statut pour avoir ordonné, planifié et incité à commettre.
16 J'insiste sur le côté alternatif, la conjonction de coordination "ou,"
17 parce que quand on voit la décision rendue, il est impossible de dire si la
18 décision disait qu'il était coupable de planification en tant qu'élément
19 constitutif d'un crime qui était différent du fait d'ordonner ou si, en
20 fait, on a fait l'amalgame des trois et qu'on a pris ici ou là des éléments
21 constitutifs de l'une des trois possibilités pour finalement prendre la
22 décision rendue. Et nous estimons que ceci est en violation des Règlements
23 de ce Tribunal, comme le prévoit l'article 23 et l'article 98 ter, car il
24 faut toujours motiver une décision.
25 Mais supposons, ne serait-ce qu'un instant, que quand on dit "ou," ça veut
26 dire qu'il a été condamné pour chacune des trois possibilités de
27 responsabilité. Parcourons-les. Je vais vous montrer que quand on procède à
28 un examen minutieux - je dis bien minutieux - du jugement, on voit qu'il y
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1 a de façon patente, ici, une condamnation injustifiée.
2 Chef 1 : chef d'assassinat. S'agissant du mode de planification en
3 matière de responsabilité, une condition est posée dans la jurisprudence,
4 vous le savez, et ceci est corroboré dans plusieurs affaires. L'élément
5 matériel de la planification exige qu'une personne ou plusieurs planifient
6 ou conçoivent les deux, les deux éléments : la préparation et la phase
7 d'exécution. Deuxièmement, du comportement criminel à l'origine de
8 l'infraction, puis est définie l'intention délictueuse, la mens rea, et
9 c'est là qu'on dit que l'accusé doit avoir agi dans l'intention de faire
10 commettre ce crime ou sachant qu'il était fort probable que ce crime allait
11 être commis dans le cadre de l'exécution de l'action.
12 On a ici, s'agissant de l'élément matériel, on a deux éléments
13 spécifiques et qu'il faut remplir. On dit chaque fois dans tous les
14 jugements que planifier implique qu'une ou plusieurs personnes ont envisagé
15 la commission du crime, aussi bien dans la phase de la préparation que dans
16 la phase de l'exécution.
17 Ceci étant, quand on examine les faits de la cause, s'agissant de la
18 phase de la préparation, on voit qu'il y a une lacune manifeste dans les
19 moyens de preuve présentés. La Chambre a conclu que l'opération avait été
20 planifiée le 10 août 2001 et que ceci avait provoqué par des mines la mort
21 de huit soldats. Aujourd'hui, maintenant l'Accusation dit que c'est sans
22 intérêt, mais la conclusion avait été précise. Cette constatation est
23 présentée sur plusieurs pages, sur plusieurs paragraphes, et c'est une
24 réponse précise à l'assassinat de huit personnes qui avaient été tuées en
25 début de journée et qu'il y avait six personnes qui avaient été blessées
26 pendant qu'on avait fait sauter le tank. Il faut éviter cette confusion
27 qu'on trouve partout, qui est omniprésente entre la planification d'une
28 opération et le fait de planifier un crime au titre de l'article 3.
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1 Planifier une opération, ce n'est pas nécessairement synonyme de la
2 planification du crime, tel qu'il a été retenu dans l'acte d'accusation. Ce
3 qui est intéressant ici, c'est que l'opération était planifiée le 10 août
4 et qu'elle a été exécutée le 12 août. Et il n'y a aucun doute. Je vais vous
5 dire pourquoi. C'était pour reprendre Davir Assani et ceux qui avaient des
6 activités terroristes. C'est ce que la Défense dit. Mais c'est aussi ce que
7 l'Accusation a dit. Le Procureur, dans son propos liminaire, qu'a-t-il dit
8 ? Il dit que Boskoski pensait que Assani avait la responsabilité de la mort
9 de huit soldats, qu'il se cachait à Ljuboten et que Boskoski a dit à
10 Tarculovski de faire une fouille de Ljuboten pour trouver enchaîné le chef
11 de l'ALN. C'est ce que l'Accusation vous a dit, a dit à la Chambre de
12 première instance. A la page 353 du compte rendu d'audience, l'Accusation
13 disait expressément que Tarculovski avait reçu l'ordre d'aller à Ljuboten
14 pour capturer des terroristes, parce que ses supérieurs hiérarchiques
15 pensaient qu'il y avait des terroristes qui se cachaient dans cette ville.
16 Donc on a les deux parties qui s'accordent à dire que l'objectif du plan
17 c'était de capturer des terroristes. Une question sérieuse se pose :
18 pourquoi est-ce qu'il n'y a pas une présupposition, une supposition, que
19 fait le Tribunal à propos de la planification ?
20 Il n'y a eu aucun élément de preuve direct qui montrerait qu'on avait
21 discuté ou planifié ou que le plan préparé le 10 août, c'était une attaque
22 aveugle dirigée contre les Albanais. Chaque élément de preuve, chaque
23 témoin, chaque document, et j'irais même à dire que chaque déduction qu'on
24 a tirée des règles quant à ce qui s'est passé pendant la phase de
25 préparation va aboutir à la conclusion - je ne parle pas maintenant de la
26 phase de l'exécution, je parle de la phase de la préparation - et il faut
27 prouver au-delà de tout doute raisonnable pour qu'il y ait condamnation
28 pour planification qu'on aurait prévu l'assassinat. Ce n'est pas le cas.
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1 Vous avez ce qu'ont dit les témoins, vous avez les documents, vous avez
2 l'historique des événements, un retard dans l'exécution de l'opération,
3 chaque élément, chacun des éléments. Et la Chambre de première instance a
4 regardé tout ce qui s'était passé avant cet événement. Ils concernent tous
5 ces événements, l'ALN, ce que l'ALN faisait dans le conflit, ce qu'elle
6 avait avec le gouvernement de Macédoine. Tout ceci montre que c'était en
7 rapport avec le fait de capturer ceux de l'ALN
8 être aussi le président pensaient que ces hommes se cachaient dans le
9 village.
10 Ici, l'Accusation n'a pas réussi à montrer de façon légitime que le plan,
11 dans sa phase préparatoire qui est une condition préalable, une condition
12 sine qua non, et que tout ceci aurait été illégal, aurait violé les
13 principes du droits international. Et sans apporter de preuves,
14 l'Accusation a dit que l'objectif réel c'était une attaque discriminatoire
15 sur les Albanais de souche. Qu'est-ce que nous avons ici ? En fait, c'est
16 un effet de manche, on n'a aucune preuve que ceci aurait été l'objectif
17 pendant la phase de la préparation.
18 Reconnaissons que c'est un objectif légitime. L'Accusation aurait pu faire
19 valoir, par exemple, qu'on s'est peu soucié des civils. Elle aurait pu dire
20 que c'était une action disproportionnée, qu'elle a eu un effet
21 disproportionné sur les civils, elle aurait pu dire que c'était une action,
22 qu'il était prévisible que des civils allaient être tués. Mais si
23 l'Accusation avait présenté un tel argument, la Chambre aurait dû tirer des
24 conclusions sur le droit qu'il fallait appliquer. Même mon frère l'a
25 expliqué, il n'y a pas de droit véritable; et même à supposer qu'il y en a
26 un, la Chambre de première instance aurait dû énoncer le droit applicable
27 en l'espèce et tirer des conclusions une fois qu'elle aurait présenté les
28 principes de droit applicable. Et ce n'est pas un processus facile, ici.
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1 Et là, je réponds maintenant à la question de M. le Juge Robinson.
2 Finalement, elle a monté ça de toutes pièces. Regardez les conclusions de
3 la Chambre - et j'y viendrai dans un instant - il n'y en a aucune, il n'y a
4 pas de fondement, pas de socle du tout, s'agissant de ce qu'il faut pour
5 conclure au moment de la planification, pour conclure ce que la Chambre a
6 conclu; parce qu'il fallait essayer de louvoyer et de ne pas vraiment
7 aborder la question qu'il leur a fallu poser. Il n'y a eu aucun fondement
8 pour dire qu'on avait cet objectif discriminatoire au moment de la
9 préparation.
10 Mais je prends l'exemple sur ce que j'allais dire et je vous ai dit qu'il
11 n'y a aucune preuve au niveau de la phase de la préparation. Mais qu'a fait
12 la Chambre, à mon avis, de façon injustifiée ? Elle a pris la phase de
13 l'exécution, elle a éliminé la phase de préparation. Donc on en a besoin.
14 Elle n'a examiné que la phase de l'exécution. Elle a dit, partant de la
15 phase de l'exécution, maintenant, nous allons déduire et tirer des
16 conclusions sur la phase de la préparation. Ça élimine un des éléments
17 constitutifs de l'opération. Ça ne peut se faire. Il faut prouver tous les
18 éléments constitutifs, qu'ils ont été constitués. On ne peut pas simplement
19 en éliminer un parce qu'il est trop difficile à prouver. Il faut prouver
20 les deux, la phase de préparation et la phase de l'exécution.
21 Mais j'aimerais maintenant voir quels sont les éléments de preuve indirects
22 qu'on déduit de ce qui a fini par se passer et montrer que ceci n'a pas été
23 bien utilisé pour essayer de trouver des preuves quant à la phase de
24 préparation. J'estime que ce n'est pas possible de le faire. Mais voyons ce
25 qui a été fait.
26 Le paragraphe capital ici, c'est le paragraphe 571 du jugement. C'est un
27 paragraphe capital, qui dit ceci. Je dois dire le tout, car c'est important
28 :
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1 "Comme ceci a déjà été dit, il y a des éléments de preuve qui semblent
2 indiquer ou dire qu'ici il y a l'objectif de l'opération; c'est, à un
3 certain égard, l'objectif de la police s'agissant des personnes détenues ne
4 pouvant pas être considérées comme [inaudible]--"
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes vous demandent de
6 ralentir.
7 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui, j'avais déjà averti les
8 interprètes de la vitesse de mon débit. Je m'en excuse. Oui, je poursuis la
9 lecture de la citation :
10 "Il y a d'autres facteurs qui démontrent que l'opération n'était pas
11 simplement une opération des forces de la droite dirigées contre l'ALN ou
12 des terroristes."
13 Mais maintenant, on arrive aux facteurs qui sont importants et qu'il faut
14 tous examiner, ne serait-ce que pour démontrer que partant des éléments
15 indirects de preuve, la conclusion tirée à propos de la phase de
16 préparation n'est tout simplement pas licite au regard des autres
17 conclusions tirées par le Tribunal. Je ne parle pas ici du fait qu'on a
18 extirpé un sujet de son contexte, je parle d'autres irrégularités lorsqu'on
19 a dit: Voilà, nous n'acceptons pas l'aspect militaire. Comment ne peut-on
20 pas accepter tout l'aspect militaire ou tout le reste de la police dans ces
21 circonstances ? Comment voulez-vous que M. Tarculovski se défende ? C'est
22 impossible. Les seuls qui avaient une connaissance de la situation c'était
23 les militaires et la police. Et si vous dites: Voilà, c'est une catégorie
24 qu'on exclut, vous avez éliminé les deux seules façon dont on peut se
25 défendre. Ceci est inadmissible.
26 Mais je vais vous lire ces trois éléments :
27 "La composition de l'unité de police qui a mené l'opération, qui ne
28 se composait pas de policiers ordinaires, qui avaient l'expérience des
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1 enquêtes pénales ou juridiques, mais c'était des réservistes qui étaient
2 des volontaires."
3 Ce qui est dit ne cadre pas du tout avec beaucoup d'autres
4 paragraphes du jugement. La Chambre conclut ailleurs qu'elle ne pouvait pas
5 déterminer la composition des forces de police, qu'il lui était impossible
6 de savoir qui était ces forces de l'ordre.
7 La Chambre dit qu'elle n'est pas convaincue que les Lions, les Tigres
8 et un autre groupe qui se trouvait précisément sous le contrôle du ministre
9 Boskoski, se seraient eux aussi trouvés en ville. Mais ceci n'élimine pas
10 ce facteur du doute raisonnable.
11 Aux paragraphes 492 à 496 du jugement, la Chambre détaille la façon dont
12 les réservistes ont été appelés, qui avait la responsabilité de cette
13 mobilisation, quelles étaient les fonctions, comment on a donné les
14 responsabilités et le pouvoir dont ils étaient investis. Et ces conclusions
15 démolissent toute déduction tirée du paragraphe référant. Dans des
16 circonstances normales, toutes les activités policières sont le fait de
17 forces de police régulières, mais des forces de réserve ont été appelées
18 dans des conditions de guerre ou d'urgence. Puis on précise quelles sont
19 ces situations.
20 On a appelé légitimement les réservistes.
21 On dit ensuite que ceux-ci sont appelés par le ministre de
22 l'intérieur suite à un ordre donné par le président et par le Conseil de
23 sécurité. Puis on donne le détail des responsabilités imposées aux
24 réservistes. On dit ensuite comment ils agissent comme policiers ou
25 militaires à part entière. Vous avez quelquefois de ces militaires qui ont
26 été versés dans des unités de police de l'armée ou dans la Défense civile.
27 Mais la Chambre conclut alors ceci à cet égard. Les membres de la police de
28 réserve qui sont entrés dans le village de Ljuboten le 12 août 2001, et
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1 ceux qui étaient en poste au poste de police à l'époque étaient tous en
2 uniforme et équipés par la police alors qu'il semblerait que certains
3 avaient un casier judiciaire; ceci n'a pas été prouvé.
4 On dit ensuite que ça n'a pas été prouvé par des éléments de preuve
5 présentés.
6 Au paragraphe 497, on dit quelles sont ces forces de sécurité privées. On
7 dit qu'en fait on a passé un contrat entre le ministre de l'Intérieur et
8 cette compagnie privée, Kometa. Et on dit que ces personnes ont été
9 considérées comme étant des réservistes d'active à ce moment-là, et on
10 parle de l'équipement. On dit qu'ils avaient reçu cet équipement
11 auparavant. Et on dit que ces événements indiquent que les hommes envoyés
12 par Kometa se trouvaient dans la liste des réservistes de la police du
13 ministère de l'Intérieur qui devaient se présenter pour des obligations de
14 réserve en tant que volontaires ou après avoir été convoqué expressément,
15 et qui avaient été acceptés en tant que membres d'active des forces de
16 police.
17 La Chambre conclut que Kometa était là et qu'il n'y avait pas de casier
18 judiciaire chez ces hommes. Quand on comprend que c'est le ministre de
19 l'Intérieur qui a convoqué ces hommes et qu'il fallait pour ça un ordre du
20 président, comment peut-on conclure que Johan Tarculovski quelque part,
21 implicitement, aurait trempé dans cette phase préparatoire ? Moi, je dis
22 que c'est impossible. J'aimerais bien que l'Accusation vous explique, à la
23 lumière des autres conclusions tirées par la Chambre, qu'elle vous explique
24 pourquoi ceci renforcerait l'idée qu'au moment de la préparation,
25 Tarculovski avait l'intention de concevoir un plan, plan qu'il a conçu,
26 destiné à lancer des attaques aveugles sur des membres de la communauté
27 albanaise. C'est impossible. On ne peut pas aller de A à B au vu des
28 conclusions tirées.
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1 Deuxièmement, on dit:
2 "L'opération avait à sa tête Tarculovski qui n'avait aucune
3 expérience; il s'agit d'une activité pénale, et normalement il n'aurait pas
4 pu avoir le poste de chef du groupe."
5 N'oublions pas qu'une conclusion a été formulée, celle qu'il avait
6 reçu l'ordre d'exécuter cette opération. On ne peut pas condamner la
7 personne qui a reçu un ordre d'exécution. Il faut condamner ceux qui lui
8 ont donné l'ordre de l'exécuter. Cela ne montre en aucune façon la
9 culpabilité d'un responsable de rang inférieur à qui l'on a dit de se
10 rendre sur place, d'essayer de trouver les terroristes tout en
11 reconnaissant qu'il manque d'expérience. Qui a cette responsabilité ? Est-
12 ce la personne de rang inférieur qui se rend sur place ou la personne qui
13 lui donne cet ordre qui doit être considérée comme responsable du fait
14 qu'il manque d'expérience ?
15 Et pour finir, la Chambre procède ainsi. Elle passe aux infractions
16 qui se sont produites dans le village afin d'en déduire ce qui avait été
17 planifié précédemment. Et j'avance que le même problème se présente pour
18 tous les chefs d'accusation en l'espèce. Il y a un manque total d'éléments
19 de preuve.
20 Et je voudrais juste souligner la chose suivante : l'Accusation a
21 persisté à dire que nous ne tenions pas compte, que nous n'accordions pas
22 crédit aux constatations faites par la Chambre. Je voudrais souligner que
23 nous comprenons les constatations faites dans le jugement, mais nous
24 affirmons que ces constatations ne seront fondées sur aucun élément de
25 preuve. Je voudrais vous donner quelques exemples.
26 Ils disent que nous -- jamais on ne cite le fait qu'il n'y aurait eu
27 qu'unité militaire. Même dans les conclusions, vous ne trouverez jamais une
28 mention de cette citation, ni dans le dossier.
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1 Puis l'Accusation cite le jugement, mais pas le dossier à l'appui de
2 ce qu'elle conclut; parce que cet élément de preuve, il n'existait pas,
3 malgré qu'on en tire une conclusion. On ne peut pas se contenter d'énoncer
4 des conclusions. A quoi servirait un procès si c'était possible ? Un
5 procès, il est là pour présenter des éléments de preuve, puis le jugement
6 s'appuie sur les éléments de preuve. Bien sûr qu'on peut tirer des
7 déductions que nous attaquons aussi. Mais moi, je ne parle pas ici des
8 déductions, je parle des constatations et conclusions. Y a-t-il le moindre
9 élément de preuve à l'appui d'une conclusion pourtant importante, car elle
10 concerne la phrase de la planification. Que s'est-il passé effectivement ?
11 La dernière partie de ce paragraphe est particulièrement
12 intéressante. Il est dit qu'on souhaite se fonder sur le fait que la police
13 n'a pas procédé dans le village par les différentes routes qui le
14 permettaient, et qu'elle n'a pas inspecté toutes les maisons qui étaient
15 habitées par des Albanais et qui pouvaient être atteintes à partir de la
16 route principale.
17 Mais penchons-nous plus en détail sur cela. Ce que nous avons c'est que la
18 police est entrée dans une maison où se trouvaient, d'une part, les hommes,
19 dix à 15 hommes, et les femmes étaient dans une autre partie. Est-ce qu'on
20 conclut, à partir de ce qui a été fait dans une maison, le fait qu'il se
21 serait agi d'une attaque aveugle, ne s'agissait-il pas plutôt d'une
22 opération ciblée concernant une personne dont on estimait qu'elle pouvait
23 se trouver dans cette maison particulière ?
24 Ils se rendent ensuite à une seconde maison. Ils n'entrent pas. Il y
25 a cinq personnes qui tentent de s'échapper, dont trois sont tuées. Et la
26 Chambre n'a pas été en mesure d'établir que c'étaient des membres de l'ALN.
27 Donc cela ne montre absolument pas qu'il s'agirait d'une attaque
28 aveugle.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juge Meron, allez-y.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il me semble que le Président a posé
3 une question essentielle qui se trouvait partiellement une réponse dans les
4 propos de M. Alan Dershowitz. Mais je pense qu'il serait important
5 d'approfondir.
6 Le Président a demandé, concernant le conflit qui nous intéresse,
7 s'il remplissait les critères qui nous permettraient de lui apporter une
8 qualification et de le considérer comme un conflit armé interne.
9 Dans l'affaire Tadic, que j'ai mentionnée précédemment au paragraphe
10 70, il y a une discussion très intéressante concernant l'intensité que l'on
11 doit considérer comme nécessaire pour qualifier un conflit de conflit
12 interne ou de conflit international.
13 Ensuite, au paragraphe 78 de l'arrêt Tadic, me semble-t-il, il est
14 dit que la compétence du Tribunal international devrait couvrir à la fois
15 des conflits armés internes et des conflits armés internationaux.
16 Or, je comprends que l'argument avancé par M. Dershowitz était le
17 suivant, à savoir que le conflit en l'espèce n'avait pas atteint
18 l'intensité requise pour le qualifier de conflit armé international. Mais
19 il serait utile d'approfondir cette justification.
20 Et je voudrais que vous nous expliquiez pourquoi l'on n'aurait pas
21 atteint ce seuil.
22 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Monsieur le Juge Meron --
23 M. BOUDREAULT : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges, si je
24 puis me permettre d'interrompre. Nous n'avons jamais soulevé la question de
25 savoir s'il s'agissait d'un conflit armé interne ou non. Dans le mémoire en
26 réponse, la Défense a accepté qu'il s'agissait d'un conflit armé interne,
27 et cela ne devrait pas être laissé de côté.
28 Merci.
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1 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Monsieur le Président --
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez raison sur le point de la
4 procédure, mais si la Chambre d'appel considère que ceci est une question
5 importante, nous pouvons entendre la réponse de la partie concernée. Nous
6 devrons prendre des dispositions en termes de temps.
7 Monsieur Alan Dershowitz, sur ce sujet particulier, vous avez dit que
8 l'Accusation avait reconnu que les événements qui s'étaient produits en
9 Irlande du Nord n'auraient pas atteint l'intensité nécessaire pour pouvoir
10 qualifier d'un conflit armé. Où pouvons-nous trouver cela exactement ?
11 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que
12 nous aurions besoin d'une petit moment pour le retrouver pendant que mon
13 confrère continue.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Entendu.
15 M. N. DERSHOWITZ : [aucune interprétation]
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pour poursuivre, si c'est ici une
17 question qui a trait à notre compétence --
18 M. LE JUGE GUNEY : Merci, Monsieur le Président.
19 Monsieur Dershowitz, vous avez persisté sur le fait que l'opération de la
20 police était une opération régulière.
21 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je dois changer de canal.
22 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je vais répéter ma question.
23 [en français] Vous avez persisté sur le fait que l'opération --
24 Mes excuses.
25 M. N. DERSHOWITZ : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Numéro 4
27 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Quatre. Merci.
28 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Pendant que mon frère cherche le canal,
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1 est-ce que je peux vous répondre et vous donner la situation.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. D'abord, permettez au Juge
3 Guney de poser sa question.
4 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Excusez-moi.
5 M. LE JUGE GUNEY : Vous avez persisté sur le fait que l'opération de la
6 police était une opération régulière. D'autre part, vous avez également dit
7 que c'était une opération dans le cadre on a fait appel aux réservistes. Il
8 y a quelque chose de contradictoire. S'il s'agissait d'une opération de la
9 police, une opération régulière de la police, on n'aurait pas dû faire
10 appel aux réservistes. Donc je voudrais avoir votre opinion sur ce point.
11 Veuillez bien éclaircir vos idées.
12 Merci.
13 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Monsieur le Juge, je n'ai jamais
14 indiqué qu'il s'agissait d'une opération régulière de la police. Ce que
15 j'ai dit c'est qu'il s'agissait d'une opération menée dans un cadre qui
16 était normal et conformément aux dispositions d'un Statut que la Chambre a
17 examiné et qui prévoit l'intervention des réservistes. En d'autres termes,
18 lorsqu'il y a un conflit, qu'il soit de petite ou de grande échelle, dès
19 qu'il y a un conflit, il existe un droit de faire appel aux réservistes et
20 de les inclure dans la défense civile ou dans les forces armées. En effet,
21 il a fait été appel aux réservistes qui ont été intégrés à l'opération.
22 Par exemple, les personnes qui étaient à bord de ces chars et qui ont
23 été tuées, les hommes qui étaient dans le char, à cette date du 10 août, il
24 s'agissait de soldats mais pour qui la plupart étaient réservistes. En
25 d'autres termes, vous étiez dans une situation dans laquelle ce droit de
26 faire appel aux réservistes et de les intégrer aux forces armées et de les
27 faire fonctionner comme les forces armées ou la police à laquelle ils
28 étaient intégrés, existait, ce droit existait.
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1 Et la Chambre de première instance a fait cette constatation.
2 Donc je ne dis pas que c'était une opération de police régulière,
3 mais que c'était sous l'autorité de la police et dans le cadre des
4 compétences qui étaient les leurs, notamment de faire appel à la réserve.
5 Les forces régulières, les effectifs réguliers de la police ont été
6 utilisés, par ailleurs. Alors la Chambre ne veut pas dire qu'elle ne peut
7 pas faire de détermination sur ce point. A bord du véhicule Hermelin, par
8 exemple, c'était des membres réguliers de la police, nombre d'entre eux
9 l'étaient.
10 Encore une fois, le point que j'essaie de souligner est qu'il est
11 absolument indispensable de faire la constatation qu'il y avait eu une
12 phase de planification préalable au crime, conformément à la jurisprudence
13 de ce Tribunal. La déduction qui consiste à dire qu'il y avait des
14 effectifs de réserve et que, par conséquent, il y a eu une planification,
15 n'est pas cohérente avec les constatations relatives aux recours à la
16 réserve en général. Il conviendrait de savoir qui a fait appel à la réserve
17 et qui était disponible pour être mobilisé, parmi quels hommes pouvaient-on
18 choisir ?
19 On ne dit nulle part que c'est Tarculovski qui a mobilisé ces
20 réservistes. C'est pas du tout correct avec le jugement. On ne dit pas que
21 c'est lui qui les a choisis pour lancer l'attaque. Mais ailleurs dans le
22 jugement, quand on parle de Boskoski, on dit que Kometa avait fait l'objet
23 d'un contrat qui avait mobilisé cet homme. C'était le ministre, ce n'était
24 pas un subalterne qui dit : Voilà, c'est vous, je veux, vous, dans mon
25 équipe. Ce ne sont pas les faits présentés ici.
26 Pour répondre à votre question, Monsieur le Juge Meron, vous avez fait une
27 présupposition, me semble-t-il, dans votre question du moins, à savoir que
28 s'il y a quelque part un conflit armé, tout ce qui se produit est
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1 nécessairement régi uniquement par les règles applicables au conflit armé,
2 et c'est cette présupposition que je voudrais souligner. Parce que,
3 imaginons, par exemple, que nous ayons une opération militaire mais qu'on
4 soit entré dans la ville pour d'autres raisons, pour retrouver des
5 personnes, par exemple, je me demande si cela est toujours régi par ce que
6 vous avancez.
7 Deuxièmement, et de façon plus importante, si l'on suppose que nous avons
8 ici affaire à des sujets qui sont couverts par la jurisprudence du
9 Tribunal, la question devient la suivante : s'il y a des membres de l'ALN
10 dans la ville et si la personnes est chargée, entre autres choses, de
11 participer à ces activités, on l'accuse d'avoir participé à la préparation.
12 Alors quelles sont les règles applicables dans ce cas-là ? Que se passe t-
13 il si vous voulez entrer de façon régulière et légitime dans une ville ?
14 Pouvez-vous le
15 faire ? L'Accusation suggère que ce n'est pas possible. Et les terroristes
16 ont réussi à créer un sentiment de terreur auprès de la population civile.
17 Et cela voudrait dire que vous ne pouvez pas rentrer dans la ville et vous
18 opposer aux terroristes, cela voudrait dire que les terroristes ont gagné
19 dans un cas comme celui-là.
20 Alors ce que je voudrais couvrir pendant encore quelques instants, c'est
21 l'autre lacune essentielle au compte rendu. Cela a trait à la conclusion
22 qu'il avait procédé à la planification au-delà de tout doute raisonnable.
23 En fait, cela est tout démontré au-delà de tout doute raisonnable.
24 Si nous passons aux autres conclusions en l'espèce, nous trouvons
25 également dans le jugement la conclusion qu'il aurait incité à la
26 commission de crime, nous ne parlons pas ici de l'opération, mais il
27 s'agit, par exemple, de violation au titre de l'article 3 du Statut, de
28 conclusion alléguant qu'il aurait ordonné la commission de meurtres. C'est
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1 ça qu'il aurait constaté, un ordre pour que des meurtres soient commis.
2 Il y a ici un fossé considérable à franchir qui permettrait de
3 montrer qu'il était véritablement présent auprès de la police au moment où
4 cette dernière s'est rendue dans la ville.
5 Ce que j'avance c'est qu'en lisant les éléments de preuve, et notamment la
6 déposition du témoin M-037, personne n'a témoigné que l'accusé avait été
7 présent en ville. Vous ne pouvez pas parvenir à cette conclusion, par
8 conséquent, au-delà de tout doute raisonnable. Il n'a pas lui-même commis
9 les meurtres, il ne les a pas non plus ordonnés. Et il n'y a aucun élément
10 de preuve qu'il ait ordonné l'un quelconque de ces meurtre.
11 J'ai dit qu'il n'y avait aucun élément de preuve prouvant qu'il ait
12 été sur place. Mais supposons même qu'il ait été présent. Si quelqu'un tire
13 à l'intérieur d'une maison, comment franchissez-vous ce pas supplémentaire
14 entre l'accusé censé avoir ordonné cela et les événements qui se sont
15 produits ?
16 Vous avez une indication concernant le second incident à propos des
17 tentatives de s'échapper. Mais d'autres éléments montrent que Tarculovski
18 n'était pas présent au moment des faits, la seule personne qui tienne coup
19 pour ce qui est de la chronologie des événements. Et je peux vous dire que
20 quand on examine de près la chronologie des événements, vous verrez qu'on
21 voit 8 heures dans l'acte d'accusation pour le premier assassinat, 11
22 heures, 11 heures 30 pour le deuxième, ou midi. Mais dire qu'il n'y a que
23 le groupe de Tarculovski, il n'y a que Tarculovski qui était là, bien, la
24 Chambre laisse de côté pour ne pas être précis; il parle tout simplement de
25 plus tard. Parce qu'on a l'impression que d'abord le premier crime s'est
26 passé à 8 heures du matin alors que Tarculovski n'était pas là. Puis plus
27 tard on dit : Voilà, c'est ce qu'on dit. Mais ça veut dire quoi plus tard ?
28 Deux heures, trois heures plus tard ? Car il faut montrer qu'il aurait été
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1 présent tout du long. Quand on dit plus tard, il faut quand même prouver ce
2 qu'on dit. Mais ce n'est pas donné parce qu'on fait un raccourci et on
3 utilise des termes vagues.
4 Mais prenons le deuxième, s'il est absent, et même s'il était présent, est-
5 ce qu'il a donné l'ordre à ces hommes de tirer ? On a l'impression qu'ici
6 c'est un homicide intentionnel, tout à fait inadmissible. Pourquoi est-ce
7 qu'on l'en accuse ? Tout simplement parce qu'une mauvaise conclusion est
8 tirée, qu'on utilise un terme aussi abusif, à savoir qu'il aurait dirigé ce
9 groupe. S'il était présent, en chair et en os, et la personne était
10 présente et a donné l'ordre, à ce moment-là, c'est le crime d'ordonner qui
11 est retenu. Pour inciter et commettre, il faut avoir quelque chose de
12 précis qui montre qu'on a incité à commettre. Le troisième crime dont il
13 est accusé - et la Chambre quand il s'est passé ni comment il s'est passé
14 et qui l'a fait - la seule preuve mentionnée est que le fils et quelqu'un
15 d'autre a dit en prison plus tard qu'ils avaient entendu dire que c'était
16 la police qui avait tiré.
17 C'est la seule preuve que j'ai pu trouver. A l'appui de ce qui a été
18 affirmé, que même si c'était la police qui l'avait fait, et en plus on
19 dirait que c'est Tarculovski qui a la responsabilité d'avoir ordonné ce
20 crime alors qu'on ne sait même pas s'il était présent et qu'on a pas la
21 preuve qu'il y aurait un ordre, à mon avis, ceci ne remplit pas les
22 critères de qualification. Vous avez ici l'obligation de juger au-delà de
23 tout doute raisonnable, et je le comprends pas. Sauf le respect que je dois
24 à la Chambre, il y a des questions un peu bateau, et elles sont sans doute
25 un peu plus intéressantes, mais il s'agit ici quand même de trancher sur
26 des faits. Et moi, j'ai examiné les faits, j'ai trouvé ça laborieux. Mais
27 si on énonce simplement des choses sans les corroborer, s'il n'y a pas de
28 fondement à ces conclusions, dans un article qu'a écrit le Juge Meron, il
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1 dit que la régularité d'une procédure doit respecter les principes
2 régissant la jurisprudence du Tribunal.
3 Mais qu'est-ce qu'il y a de plus fondamental qu'une procédure
4 régulière ? On ne peut pas condamner quelqu'un sans preuve. Il y a une
5 présomption d'innocence qui vaut ici, et l'obligation de juger coupable au-
6 delà de tout doute raisonnable. Le fait d'annoncer qu'il était à la tête
7 d'un groupe, nous croyons qu'il a toujours été sur les lieux. Ça n'est pas
8 prouvé au-delà de tout doute raisonnable. On peut écrire un rapport, mais
9 il faut reconstituer les devants pour avoir une histoire un peu logique.
10 Oui, faites-le. Mais ce n'est pas là un jugement qui doit respecter les
11 conditions de l'égalité posée par ce Tribunal. Il faut quand même que ce
12 jugement s'appuie sur des preuves au-delà de tout doute raisonnable.
13 Et moi, ce que je dis à ce Tribunal, c'est qu'ici - bon, on l'a fait
14 de façon superficielle une annonce, on peut le répéter autant de fois qu'on
15 veut - mais s'il n'a rien en appui, on ne peut pas faire de déduction, si
16 on n'a pas de preuve au-delà de tout doute raisonnable, on a là une
17 violation fondamentale du principe de la régularité de la procédure.
18 Ce qui est du dernier point que nous souhaitons aborder dans notre
19 présentation c'est celui de la peine qui a été prononcée.
20 L'une des dispositions de la cour macédonienne - je pense que c'est
21 l'article 40 - veut que dans des circonstances exceptionnelles il soit
22 approprié, donc dans des circonstances atténuantes et exceptionnelles, il
23 soit approprié de prononcer une peine inférieure que celle qui est citée
24 dans le jugement comme correspondant à la loi macédonienne.
25 Et dans de telles circonstances, il est envisageable de prononcer une
26 peine d'un minimum de cinq ans.
27 Alors la Chambre a simplement décidé d'ignorer cette disposition. Et
28 si s'est présentée une situation dans laquelle vous auriez pu examiner ces
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1 circonstances atténuantes qui étaient bien présentes, vous auriez pu le
2 voir. L'accusé n'a jamais été impliqué dans quoi que ce soit. Toutes les
3 autres personnes qui ont été accusées ont été acquittées. Et dans les
4 circonstances présentes, on ne peut conclure qu'au caractère excessif d'une
5 peine de 12 ans d'emprisonnement puisque l'accusé est le seul à avoir été
6 emprisonné.
7 S'il n'y a pas d'autres questions, je voudrais conserver du temps pour une
8 phase ultérieure.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Alan Dershowitz, vous
10 vouliez fournir des éléments supplémentaires ?
11 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui, Madame et Messieurs les Juges. La
12 question de l'Irlande du Nord a été versée par voie de témoignage, et pour
13 être bref c'était dans la présentation des éléments à décharge de M.
14 Boskoski. C'est en page 1 654 et 1 655 du compte rendu d'audience. Nous
15 fournirons d'autres détails. Mais apparemment, un témoin principal de
16 l'Accusation a reconnu que les événements d'Irlande du Nord n'ont pas été
17 qualifiés d'un conflit armé. Ça apparaît en page 80 [comme interprété] du
18 jugement. Il est dit que les événements et les troubles d'Irlande du Nord
19 n'ont jamais été reconnus comme étant un conflit armé dans la pratique
20 prévalant entre les Etats, et il s'agit de quelque chose que la Défense
21 Boskoski également a fait valoir. A mon sens, l'Accusation n'a pas remis en
22 cause ce que son propre témoin expert a affirmé en l'espèce.
23 Un autre aspect que nous souhaitions mettre en avant est que le conflit
24 d'Irlande du Nord n'était pas un conflit armé du type que la Cour semble
25 envisager, si l'on envisage la durée, le nombre des victimes, et également
26 l'intensité des événements considérés.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
28 Je voudrais que nous prenions maintenant une pause d'une demi-heure.
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1 M. ROGERS : [interprétation] Avant de lever la session, pourrions-nous
2 obtenir juste une précision concernant l'intensité requise pour qualifier
3 un conflit de conflit armé interne. Dois-je comprendre que la Chambre
4 d'appel souhaite que l'Accusation se penche en détail sur la question de
5 savoir si l'intensité du conflit armé était telle que l'on puisse parvenir
6 à cette qualification ? Est-ce que c'est ce que la Chambre d'appel souhaite
7 ? La Chambre souhaite-t-elle que nous développions des aspects qui ne l'ont
8 pas été dans nos mémoires en appel ?
9 Le jugement consacre à peu près un tiers de son volume à cette question.
10 Nous n'avons pas été avertis à l'avance que cela représentait un sujet qui
11 serait traité de façon approfondie. M. Dershowitz soulève maintenant la
12 question d'Irlande du Nord. Je ne suis pas sûr que ce soit là un sujet sur
13 lequel nous puissions nous pencher au cours de la pause de 20 minutes dont
14 nous allons disposer.
15 A mon sens, si j'ai bien compris, il s'agit d'un sujet que, alors la
16 Chambre souhaite peut-être que nous abordions, mais à ma connaissance, cela
17 n'a été développé à aucun endroit dans le mémoire en appel en tant que
18 sujet important que nous étions censés traiter.
19 Je voudrais également vous poser la question suivante, peut-être que je
20 pourrais l'aborder brièvement maintenant : peut-être que nous seront
21 emmenés à demander à la Chambre d'appel de lever l'audience pendant un
22 certain temps pour que nous puissions examiner une question particulière.
23 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Rappelez-vous, pour ce qui est de la
24 procédure, nous avons déposé un acte d'appel modifié, parce qu'on avait dit
25 que si les choses ne se trouvaient pas dans l'acte d'appel, ce n'était pas
26 bon. Il fallait que tout soit conduit dans l'acte d'appel. Moi, j'étais pas
27 d'accord là-dessus mais c'était, en fait, ce que disait l'Accusation.
28 Prenons les paragraphes 16, 17, 18, 19. Là, je parcours ces notes. Ils
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1 portent tous sur le fait que le jugement n'est pas juste sur ces points. M.
2 le Juge Meron a parlé, parce que si le jugement porte sur la question de la
3 compétence du Tribunal, vous pouvez en parler. Nous avons donc soulevé le
4 sujet de façon explicite aussi dans nos moyens ce matin, mais nous l'avons
5 fait de façon détaillée, par écrit dans l'acte d'appel modifié que nous
6 avons dû déposer après le premier acte d'appel à la demande de
7 l'Accusation, sur l'insistance de celle-ci avec l'accord de la Chambre.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Rogers, nous allons nous en
10 tenir au programme. Donc nous allons avoir cette pause, cette pause
11 maintenant, pause d'une demi-heure, ensuite nous verrons si vous pourrez
12 bénéficier d'un temps supplémentaire. Et si cela est nécessaire, nous vous
13 l'accorderons, ce temps.
14 M. ROGERS : [interprétation] Oui. J'aimerais juste obtenir une précision.
15 Est-ce que vous souhaitez que nous essayions quand même de nous pencher sur
16 cette question lorsque nous répondrons ?
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Et si nous décidons de vous
18 accorder davantage de temps puisque vous nous l'avez demandé, nous vous
19 accorderons ce temps supplémentaire.
20 Mais nous allons lever l'audience pour une demi-heure.
21 --- L'audience est suspendue à 11 heures 04.
22 --- L'audience est reprise à 11 heures 38.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons maintenant entendre M. ?
24 M. BOUDREAULT : [interprétation] M. Boudreault.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Boudreault. Bien. Je m'excuse.
26 Donc nous allons entendre votre réponse.
27 M. BOUDREAULT : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
28 Alors je vais traiter des moyens d'appel numéros 1 et 2. Ma consoeur,
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1 Laurel Baig, se penchera sur les moyens d'appel 3 à 5 et Nadia Shihata
2 traitera des moyens d'appel 6 et 7.
3 Avant de commencer, j'aimerais vous présenter une personne qui n'a pas été
4 présentée. C'était une erreur. Il s'agit de notre commis aux affaires, M.
5 Colin Nawrot.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Manifestement, la personne la plus
7 importante de l'équipe.
8 M. BOUDREAULT : [interprétation] Oui.
9 Et je commencerai par traiter de la question de l'existence d'un conflit
10 armé interne.
11 Comme cela a déjà été mentionné, cette question ne figure pas dans le
12 mémoire en appel de l'appel. De surcroît, au paragraphe 86 de son mémoire
13 en appel, l'appelant accepte l'existence du conflit armé. Cela a été
14 indiqué au paragraphe 27 de la réponse de l'Accusation et je dois dire que
15 nous n'avons obtenu aucune réponse à ce sujet.
16 Pour maintenant parler de ce sujet à proprement parler. Voilà comment nous
17 répondons. La Chambre de première instance a analysé et pris en
18 considération de façon très méticuleuse le droit et les éléments de preuve
19 avant de conclure à l'existence d'un conflit qui opposait l'ALN
20 forces macédoniennes, conflit qui était donc un conflit armé interne. Cela
21 figure aux paragraphes 175 à 292 du jugement de première instance.
22 La Chambre a, dans un premier temps, identifié les critères pertinents qui
23 ont été donnés dans la décision Tadic. Premièrement, il y a deux critères
24 qui sont pertinents. Vous avez premièrement l'intensité du conflit, qu'il
25 faut prendre en considération; et deuxièmement, l'organisation des partis
26 au conflit armé.
27 Aux paragraphes 177 à 206, la Chambre énonce le droit ainsi que les
28 facteurs pertinents qui sont utilisés dans le cadre de ces deux critères.
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1 Entre les paragraphes 208 et 249, la Chambre fait valoir les éléments de
2 preuve qui ont été retenus par rapport à l'intensité du conflit entre l'ALN
3 et les forces macédoniennes pour parvenir à la conclusion suivant laquelle
4 le conflit avait atteint l'intensité d'un conflit armé.
5 La Chambre a analysé tous les événements qui se sont déroulés en Macédoine
6 à partir du mois de janvier 2001 jusqu'au mois d'octobre 2001. Cela fait
7 l'objet des paragraphes 212 à 228 du jugement en première instance. La
8 Chambre a conclu que l'ALN avait contrôlé un certain territoire, à savoir
9 des douzaines de villages. Paragraphe 242 du jugement en première instance.
10 La Chambre a également indiqué qu'il y avait un effort de
11 mobilisation important effectué par l'armée de la Macédoine et par la
12 police pour contrecarrer et juguler l'offensive de l'ALN
13 nombre de soldats, un grand nombre de soldats macédoniens et de membres de
14 la police se trouvaient dans les parties septentrionales de la Macédoine en
15 droit où la menace de l'ALN était la plus importante. Il y a eu plusieurs
16 ordres donnés par le président pour que cette mobilisation devienne une
17 réalité.
18 Troisièmement, de nombreuses armes modernes ont été utilisées par les
19 forces de la Macédoine. Cela inclut notamment des avions à ailes fixes, qui
20 ont bombardé les positions de l'ALN, des hélicoptères, des chars, de
21 l'artillerie lourde, des grenades propulsées, des mitrailleuses et des
22 mines.
23 Quatrièmement, il faut savoir qu'il y a eu des victimes dans les deux
24 camps, dans tous les camps. Et même s'il est difficile de déterminer
25 exactement le chiffre exact des victimes de l'ALN
26 ce qui est important est qu'il y a eu des victimes qui sont tombées des
27 deux côtés.
28 Cinquièmement, le conflit a provoqué le déplacement interne de milliers
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1 d'Albanais de souche et de Macédoniens de souche, sans oublier le fait que
2 des milliers de personnes ont quitté le pays.
3 Sixièmement --
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour ce qui est du paragraphe 248,
5 on nous dit qu'il est indiqué qu'il y a eu des déplacements importants de
6 personnes qui ont quitté leur foyer et leur village, 64 000 de ces
7 personnes sont devenues réfugiées et
8 70 000 étaient des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays.
9 M. BOUDREAULT : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.
10 Je parlais donc du sixième élément qui a trait à l'intensité du conflit. Il
11 s'agit, en fait, de la durée du conflit, car ce conflit a commencé en
12 janvier 2001 et s'est poursuivi jusqu'à l'automne, jusqu'à l'automne de
13 l'année 2001.
14 Et le dernier élément qui a été repris par la Chambre de première instance,
15 que j'aimerais souligner, porte sur la portée des dégâts occasionnés par le
16 conflit. Cela figure au paragraphe 241 du jugement en première instance.
17 Je vous inviterais à vous pencher sur notre mémoire final en première
18 instance, si vous souhaitez avoir de plus amples références. Il est
19 question justement de l'intensité du conflit armé. Nous y énumérons tous
20 les éléments de preuve qui ont trait à cette question. Il s'agit d'éléments
21 de preuve qui ont été acceptés par la Chambre de première instance pour
22 déterminer que l'intensité du conflit était telle que cela était devenu un
23 conflit armé.
24 Toutes ces conclusions de la Chambre de première instance ont été
25 présentées en se fondant sur le droit exact, et ces éléments de preuve sont
26 tout à fait raisonnables. Ils n'ont pas été considérés comme non
27 raisonnables. Voilà ce que nous avançons à ce sujet. Toutefois, si vous
28 souhaitez obtenir de plus amples renseignements à ce sujet, nous pourrions
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1 vous les fournir en présentant des écritures supplémentaires.
2 Je commencerai par vous parler maintenant du premier moyen d'appel qui,
3 d'après nous, doit être rejeté pour les raisons que nous avançons dans
4 notre réponse, notre mémoire en réponse. Qui plus est, j'aimerais vous
5 rappeler votre décision du 12 octobre 2009, dans l'affaire Karadzic, aux
6 paragraphes 36 et 39, où vous expliquez justement que la portée de la
7 compétence du Tribunal dépend entièrement du Statut et que cette compétence
8 ne peut être limitée que par une résolution du Conseil de sécurité.
9 Je dirais donc que le Statut est absolument limpide et clair. Il n'y
10 a pas d'exception à la compétence du Tribunal pour des personnes qui
11 prétendent commettre des actes d'autodéfense contre des terroristes. De
12 surcroît, il n'y a pas de résolution du Conseil de sécurité qui limite de
13 façon implicite ou expressément la compétence du Tribunal pour ce qui est
14 des événements en République de Macédoine en 2001.
15 Par conséquent, le Tribunal a compétence pour traduire en justice
16 l'appelant et le premier moyen d'appel doit être rejeté.
17 J'aimerais maintenant aborder le moyen d'appel numéro 2, le droit
18 applicable.
19 Je vous dirais qu'il n'y a pas d'incertitude à propos du droit et des
20 coutumes de la guerre qui sont utilisés ici. La Chambre de première
21 instance a conclu que le conflit qui opposait les forces macédoniennes et
22 l'ALN constituait un conflit armé interne, une conclusion d'ailleurs qui
23 n'a même pas été contestée par l'appelant.
24 L'existence d'un conflit armé interne a déclenché l'application et
25 l'utilisation d'un certain nombre de règles du droit international
26 humanitaire qui doivent être respectées par toutes les parties au conflit.
27 Ces règles incluent notamment l'article 3 commun et l'interdiction de
28 destruction sans motif ou de dévastation non justifiée par des exigences
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1 militaires.
2 Que les forces macédoniennes agissaient pour se défendre contre des
3 terroristes n'a aucune pertinence au jus in bello applicable. Il s'agit
4 d'un principe fondamental, et il faut savoir qu'à partir du moment où il y
5 a existence d'un conflit armé, les règles du droit international
6 humanitaire doivent être appliquées de façon égale à toutes les parties au
7 conflit. J'aimerais attirer votre attention sur les paragraphes 30 à 32 de
8 notre réponse.
9 Ce principe a d'ailleurs été réitéré par le Conseil de sécurité dans
10 son paragraphe 7 de la résolution du 21 mars 2001 qui traite précisément de
11 la situation en Macédoine. Il s'agit de la pièce 1D230. Et dans son
12 paragraphe 7 de la résolution, le Conseil de sécurité, et je cite :
13 "Souligne également qu'il importe que toutes les parties agissent avec
14 modération et dans le plein respect du droit international humanitaire et
15 des droits de l'homme."
16 L'appelant fait valoir que le droit applicable fait l'objet de
17 "débats passionnés" pour ce qui est des réactions des Etats face au
18 terrorisme. Toutefois, les seules incertitudes auxquelles il fait référence
19 ont trait aux questions relatives au jus ad bellum, à savoir est-ce que les
20 Etats peuvent, de façon licite, faire usage de la force pour répondre ou
21 réagir face à des terroristes qui opèrent à partir d'autres Etats. Cela
22 fait l'objet d'une discussion dans l'article de Beck et Arend, auquel fait
23 référence l'appelant. Mais il n'y a pas d'incertitude pour ce qui est du
24 jus in bello, parce que dès qu'il y a existence d'un conflit armé, qu'il
25 soit interne ou international, toutes les parties doivent respecter le
26 droit humanitaire applicable. Cela a également été reconnu par Beck et
27 Arend, qui déclarent que des actes d'autodéfense contre des actes de
28 terrorisme ne sont pas exemptés de respecter les règles humanitaires
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1 applicables au conflit armé.
2 J'aimerais également faire référence à la décision qui a été prise
3 dans l'affaire la Cour suprême contre Rumsfeld, décision de 2006, où la
4 majorité a indiqué à la page 66 à 68, et je cite :
5 "L'article 3 commun aux conventions de Genève est appliqué pour
6 chaque conflit armé, même dans le cas de conflit armé contre des
7 terroristes tels que al-Qaeda."
8 J'aimerais faire référence également au rapport de la mission
9 d'enquête des Nations Unies sur le conflit de Gaza du 16 septembre 2009, le
10 rapport de Goldstone au paragraphe 270.
11 Donc il n'y a pas d'incertitude pour ce qui est des dispositions de
12 l'article 3 commun, pour ce qui est de la façon dont elles doivent être
13 respectées par toutes les parties participant à tout conflit armé. Et
14 c'était une situation qui prévalait bien avant le mois d'août 2001. Les
15 dispositions de l'article 3 commun mettent en évidence les considérations
16 les plus élémentaires humanitaires et doivent être respectées par toutes
17 les parties aux conflits armés sans aucune exception ou sans aucune limite.
18 Vous vous souviendrez certainement beaucoup plus récemment de l'arrêt dans
19 l'affaire Mrskic du paragraphe 70 et de votre décision du 9 juillet 2009
20 prise dans l'affaire Karadzic aux paragraphes 23 à 26.
21 L'appelant fait également valoir que les dispositions de l'article 3
22 commun ne doivent pas être utilisées et appliquées dans la situation
23 actuelle, parce que l'ALN s'était dissimulée parmi la population civile, ce
24 qui avait rendu extrêmement difficile la tâche des forces macédoniennes qui
25 ne parvenaient à faire la différence entre les personnes qui participaient
26 activement aux conflits et aux hostilités. L'appelant a demandé à la
27 Chambre d'appel de modifier le droit et de créer, ce faisant, une exception
28 à une règle fondamentale du droit international humanitaire, ce qui pose de
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1 nombreux problèmes.
2 Premièrement, il appartient aux Etats de modifier le droit par des
3 traités ou en changeant les pratiques et l'opino juris.
4 Deuxièmement, bien qu'il ne soit pas toujours facile de faire la
5 différence entre des combattants et des civils, cela n'est pas un nouveau
6 problème. C'est un problème qui est commun à de nombreuses guerres, à de
7 nombreux conflits armés. Mais cela ne signifie pas pour autant que les
8 parties doivent se considérer exemptées d'essayer de faire la différence ou
9 d'appliquer l'article 3 commun. Soutenir le contraire rendrait le droit
10 international dénué de sens. Les Etats pourraient échapper à leurs
11 obligations en matière de droit international humanitaire, tout simplement
12 en apposant une étiquette de terroristes à tous les groupes avec lesquels
13 ils sont engagés dans un conflit armé.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que dans l'intérêt du
15 public, il serait utile de ne pas utiliser le sigle DIH, mais de dire droit
16 humanitaire international.
17 M. BOUDREAULT : [interprétation] Oui, tout à fait.
18 Je disais donc que les Etats pourraient tout à fait échapper à leurs
19 obligations en matière de droit international humanitaire, tout simplement
20 en apposant une étiquette de terroristes avec lesquels ou contre lesquels
21 ils sont engagés dans un conflit armé. Les civils ne participant pas aux
22 hostilités, les personnes hors de combat perdraient ainsi leur protection.
23 Ces dangers sont parfaitement illustrés dans l'affaire qui nous occupe.
24 Et contrairement à l'affirmation présentée par l'appelant, le fait
25 que l'article 3 commun est valable à toutes les parties au conflit armé,
26 n'éviscère pas le droit d'un Etat à utiliser ou à faire usage de la force
27 contre des soi-disant terroristes. Et ce type d'action peut justement
28 occasionner des victimes civiles. Les victimes civiles sont devenues des
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1 victimes en toute légalité tant qu'elles sont des victimes collatérales et
2 proportionnées. Bien entendu, il s'agit du rapport entre l'avantage
3 militaire obtenu et les victimes parmi le groupe de la population civile;
4 mais il ne s'agit pas de la notion qui est appliquée au jus ad bellum dans
5 le contexte de l'article 51 qui est l'article qui évoque le droit à
6 l'autodéfense. Il s'agit d'une question tout à fait différente.
7 Donc les civils peuvent être considérées comme des victimes légales
8 lorsqu'il s'agit de victimes collatérales. Mais il faut faire la différence
9 entre ceci et une attaque qui est considérée comme non légale. Donc lorsque
10 ces victimes participent aux hostilités, elles peuvent être considérées
11 comme des victimes qui sont devenues des victimes légalement. Donc il et
12 absolument manifeste que le droit reconnaît que parmi les civils, il peut y
13 avoir des civils qui deviennent victimes de façon légale.
14 En ce qui nous concerne, je dirais que ces victimes civiles ne
15 participaient absolument pas de façon active aux hostilités, il ne s'agit
16 pas de dégâts collatéraux ou proportionnels. Et ma consoeur, Mme Laurel
17 Baig, reviendra là-dessus.
18 Pour toutes ces raisons, nous demandons que soit rejeté le moyen
19 d'appel 2A.
20 Pour ce qui est du moyen d'appel 2B, j'aimerais vous demander de vous
21 pencher sur le paragraphe 35 où nous expliquons que l'article 7(4) du
22 Statut indique de façon très, très claire que si l'on agit conformément à
23 un ordre, cela ne signifie pas pour autant que la responsabilité pénale de
24 la personne est dégagée; et cela peut aussi être considéré pour le prononcé
25 de la peine.
26 Je ne sais pas si vous avez des questions, mais si vous n'avez pas de
27 questions, j'en ai terminé avec la présentation de notre réponse relative
28 aux moyens 1 et 2 de l'appel.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
2 Boudreault.
3 Oui, Madame Baig.
4 Mme BAIG : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
5 Je m'appelle Laurel Baig, et je vais répondre aux moyens d'appel 3 à 5
6 présentés par l'appel de M. Tarculovski.
7 En fait, ce sont des moyens qui se concentrent sur l'évaluation de la
8 Chambre, l'évaluation des éléments de preuve, des conclusions factuelles et
9 des conclusions juridiques. Il faut savoir que la condamnation se fonde sur
10 la totalité des éléments de preuve et sur le droit qui a été utilisé.
11 L'appelant n'a pas su présenter ces critères en appel, car il n'a pas
12 pu prouver que les constatations factuelles et les conclusions factuelles
13 de la Chambre de première instance sont non raisonnables. Il n'a pas pu
14 démontrer qu'il y avait eu erreur juridique.
15 C'est pour cela que nous avançons qu'il ne faut pas retenir les
16 moyens 3 à 5 de l'appel de Tarculovski.
17 J'aimerais replacer les arguments de l'appel dans le contexte dont il les
18 avait extraits. Après cette analyse générale, j'aimerais répondre à trois
19 de ces arguments de façon plus détaillée, et je vous parlerai du statut
20 protégé des victimes, de l'objectif illicite de l'opération et de la
21 planification de cette même opération.
22 La Chambre de première instance a conclu que le 12 août 2001, Johan
23 Tarculovski a dirigé un groupe composé d'un minimum de 60 à 70 membres
24 portant l'uniforme de la police de réserve macédonienne dans le village de
25 Ljuboden, qui était un village essentiellement albanais de souche. Il se
26 trouvait avec le groupe de police qui se déplaçait dans le village. Dans ce
27 village, ils ont assassiné trois civils non armés, ont fait subir des
28 brutalités à 13 hommes et ont détruit 12 maisons. L'Accusation a prouvé que
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1 Tarculovski avait planifié, ordonné et incité à commettre l'attaque dont
2 l'objectif principal était d'organiser des représailles contre la
3 population civile de Ljuboten, car ce village était perçu comme étant un
4 village apportant son soutien à l'ALN, à savoir l'Armée de libération
5 nationale albanaise.
6 Au paragraphe 572 du jugement, la Chambre de première instance établit un
7 lien entre cette attaque, à savoir ces représailles contre les civils dans
8 le village et l'explosion de la mine terrestre qui avait explosé deux jours
9 précédemment et qui s'était soldée par la mort de huit soldats macédoniens.
10 Deux des personnes décédées étaient originaires de la ville natale de
11 Tarculovski, de la ville de Ljubanci, qui est la ville d'appartenance
12 macédonienne adjacente à Ljuboten. Tarculovski était très proche de l'un de
13 ces hommes qui est décédé. Cet incident s'est passé à environ à 10
14 kilomètres de Ljuboten, et d'aucuns pensaient que les auteurs de cet
15 incident se sont enfuis vers Ljuboten après l'accident.
16 J'aimerais faire référence à deux pièces à conviction. Le premier est un
17 document que j'ai remis à M. l'Huissier. J'ai remis le document à M.
18 l'Huissier, parce qu'il s'agit d'un document qui avait été versé sous pli
19 scellé et je ne veux pas l'afficher à l'écran. Donc j'aimerais que Mme la
20 Greffière puisse le distribuer.
21 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me dire de
22 quel document il s'agit, pour que je puisse le consulter.
23 Mme BAIG : [interprétation] Oui, c'est un document du greffe.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Baig, est-ce que vous
25 pourriez peut-être nous indiquer de quoi il s'agit.
26 Mme BAIG : [interprétation] Monsieur l'Huissier, est-ce que vous pourriez
27 peut-être remettre une copie de ces documents à mes collègues de la
28 Défense.
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1 En fait, il s'agit tout simplement d'une photographie qui vous permettra de
2 vous repérer dans le village de Ljuboten. Vous verrez dans cette
3 photographie que la Chambre de première instance avait estimé qu'il y avait
4 environ 3 000 habitants dans Ljuboten. Pour vous orienter, vous pouvez
5 remarquer la mosquée qui se trouve dans le coin supérieur gauche de la
6 photo.
7 Je vais également faire référence à la pièce P411, et c'est une pièce dont
8 je vais demander l'affichage à l'écran parce qu'il s'agit d'une pièce
9 publique.
10 Madame, Messieurs les Juges, il s'agit d'une carte partielle de Ljuboten.
11 L'IMG, à savoir l'International Management Group, a préparé cette carte. Et
12 sur cette carte nous voyons les dégâts provoqués au niveau des foyers dans
13 le village. Je vais utiliser cette carte, car grâce à cette carte nous
14 allons pouvoir suivre l'évolution de la situation dans le village au fur et
15 à mesure de la progression du groupe de police dans le village.
16 J'aimerais vous rappeler qu'il s'agit d'une carte partielle. Donc
17 vous ne retrouvez pas sur cette carte toutes les maisons que vous avez par
18 contre sur la photo que je vous ai distribuée. Par contre, vous pourrez y
19 voir les maisons qui ont été endommagées. La carte contient d'autres
20 informations telles que le niveau de dégâts, et inclut des maisons qui
21 avaient été endommagées pendant d'autres jours qui ne sont pas pertinents
22 pour ce jugement. Mais lors de ma présentation, de ma réponse, je vais
23 mettre en exergue les éléments d'information pertinents en ce qui vous
24 concerne pour que vous puissiez suivre et voir exactement de quelles
25 maisons il s'agissait et des maisons où les crimes se sont déroulés.
26 Il faut savoir, Monsieur le Président, que le matin du 12 août, après avoir
27 bombardé avec des mortiers de l'armée, après ces premiers bombardements,
28 Tarculovski a dirigé la police dans le village à environ 8 heures du matin.
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1 Un véhicule Hermelin est entré dans le village peu de temps après. Il était
2 là pour apporter son soutien à l'attaque. La Chambre de première instance a
3 conclu que Tarculovski a personnellement dirigé l'opération de la police et
4 se trouvait avec ce groupe de police alors qu'il se déplacait dans le
5 village, ce qui figure au paragraphe 564 du paragraphe.
6 Vous avez donc cette conclusion qui se fonde sur l'intégralité des
7 éléments de preuve apportés, notamment le témoignage de M-37, auquel a fait
8 référence mon estimé confrère. Mais il y a également d'autres éléments de
9 preuve qui ont été apportés à propos de la façon dont Tarculovski dirigeait
10 le groupe, notamment ce qu'il a lui-même admis, ce qui peut être trouvé
11 dans la pièce P397.01 de l'Accusation et P397.02. Il a, d'après ses propres
12 dires, indiqué qu'il avait lui-même choisi les hommes, qu'il les avait
13 armés et qu'il se trouvait avec le groupe alors qu'il se déplaçait dans le
14 village. Je vais maintenant aborder d'autres conclusions pertinentes.
15 Je vais annoter la carte que vous avez pour vous montrer l'itinéraire
16 suivi par la police dans le village tel que cela est indiqué dans le
17 jugement.
18 La police de Tarculovski s'est, dans un premier temps, arrêtée au
19 foyer d'Elmaz Jusufi, qui se trouvait juste un peu à l'écart de la route
20 principale. Il s'agit de la maison numéro 137, une maison jaune qui se
21 trouve dans le coin supérieur gauche de la carte. Je l'ai encerclée en
22 bleu.
23 Ce matin-là, la famille Jusufi a entendu une déflagration importante.
24 Rami Jusufi a couru jusqu'à sa porte d'entrée, on lui a tiré dessus et il a
25 été tué. La Chambre a estimé qu'il s'agissait d'un civil qui n'avait pas
26 participé de façon active aux hostilités. La police de Tarculovski n'a pas
27 fait d'effort pour essayer d'élucider ceci. Ils se sont contentés de lui
28 tirer dessus, ils n'ont même pas pénétré dans la maison. Au lieu de cela,
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1 ils ont incendié la voiture de Jusufi et ses autres biens. La police,
2 ensuite, a brûlé cinq autres maisons dans les environs. Je les ai marquées
3 à l'aide d'un X sur la carte.
4 La police de Tarculovski s'est ensuite dirigée dans la même rue, vers
5 l'est du village avec le véhicule de transport de troupes Hermelin qui
6 transportait de l'essence et d'autres matériels incendiaires ou
7 combustibles utilisés pour brûler les maisons. Lorsqu'ils sont arrivés dans
8 le quartier qui se trouvait près de la mosquée, ils ont brûlé quatre autres
9 maisons. Aucune de ces maisons n'a fait l'objet de perquisition. Vous
10 pouvez voir la mosquée qui se trouve dans le coin supérieur gauche de la
11 photo, ce qui vous permettra de vous orienter entre la carte et la
12 photographie. Je pense qu'il va falloir que vous retourniez la photo pour
13 que les lignes correspondent.
14 La police de Tarculovski est ensuite arrivée chez Adem Ametovski, qui
15 est représenté par un cercle bleu sur vos écrans. La police a tiré dans une
16 fenêtre qui se trouvait au sous-sol, et quelque dix hommes qui s'y
17 cachaient en sont sortis en arborant un drapeau blanc. Ils ont pris leurs
18 monnaies, leurs biens, leurs cartes d'identité. La maison d'Ametovski a été
19 la seule maison qui fit l'objet de perquisition dans tout le village, mais
20 aucune arme, aucun matériel militaire n'y a été trouvé par la police.
21 Tarculovski et sa police ont ensuite détenu 13 hommes dans la cour
22 avant du domicile d'Ametovski. Ils leur ont fait subir des sévices, les ont
23 roués de coups brutalement à plusieurs reprises avec leurs armes, leur ont
24 donné des coups de pied, et des coups de poing. Un policier a gravé une
25 croix sur le dos de l'un des hommes, un autre a tiré sur la main d'Aziz
26 Bajrami, son fils Sulejman Bajrami fut ensuite frappé au niveau de la tête.
27 Il a reçu un coup de pied au niveau de la tête. La police lui a permis de
28 se déplacer quelques mètres avant de lui tirer dessus, ce qui a occasionné
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1 son décès.
2 Dix des hommes détenus chez Adem Ametovski ont ensuite dû marcher
3 pieds nus à travers le village vers le poste de police qui se trouvait chez
4 Brace, qui se trouve juste en marge du haut de la carte. Une fois de plus,
5 au domicile de Brace, ils ont subi d'autres traitements cruels, d'autres
6 sévices. Ils ont été roués de coups de telle façon que certains ont perdu
7 connaissance. Deux hommes âgés ont été laissés à la garde de la police chez
8 Adem Ametovski. L'un de ces hommes, Muharem Ramadani, a été tué par la
9 police.
10 Aucune arme n'a été trouvée en leur possession. Il faut savoir qu'à
11 l'époque ils ont été soit roués de coups, soit tués alors qu'ils se
12 trouvaient détenus par la police et que de ce fait ils ne participaient pas
13 de façon active aux hostilités.
14 Finalement, un peu plus loin le long de la route, la police de Tarculovski
15 s'est déployée dans trois autres domiciles. Trois hommes ont été tués dans
16 un champ qui se trouvait près de ces maisons. Mais la Chambre de première
17 instance n'a pas exclu la possibilité que les tirs auraient pu provenir de
18 l'armée. Qui plus est, la Chambre de première instance a considéré comme un
19 doute raisonnable le fait que ces hommes auraient pu participer de façon
20 active aux hostilités.
21 Tarculovski et sa police sont ensuite revenus chez Brace, où ils ont
22 rejoint les dix prisonniers.
23 Finalement, il s'agissait, en fait, d'une attaque de représailles menées à
24 bien contre des civils dans le village de Ljuboten, ce qui s'est soldé par
25 le résultat suivant : trois personnes ont été assassinées, 13 ont fait
26 l'objet de traitements cruels et 12 foyers ont été détruits sans aucun
27 motif. Il ne s'agissait pas d'une opération de police légitime. Il
28 s'agissait tout simplement d'une attaque menée contre un village civil.
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1 J'aimerais maintenant répondre à trois des arguments principaux de
2 l'appelant. Je ne vais plus utiliser la carte mais pourrais y revenir si
3 cela est important.
4 J'aimerais, dans un premier temps, que nous parlions du statut protégé des
5 victimes en l'espèce qui a été considéré par la Chambre de première
6 instance lorsqu'elle a analysé les éléments de preuve et les arguments
7 présentés par les parties. Ce fut une question qui a été débattue en
8 première instance. La Chambre de première instance a évalué le statut de
9 chacune des victimes et a abouti à des conclusions raisonnables. Lorsqu'il
10 y avait un doute à propos du statut des victimes, par exemple, lorsque la
11 Chambre a entendu des éléments suivant lesquels ils auraient pu tirer sur
12 la police, la Chambre prend cela en considération dans le paragraphe 348 du
13 jugement.
14 Mais lorsqu'il n'y a pas de doute que les victimes de traitements
15 cruels ou de meurtres étaient des civils qui ne participaient pas aux
16 hostilités, la Chambre de première instance a prononcé une condamnation à
17 juste titre. Et ici, j'aimerais insister sur le fait que pour toutes les
18 victimes, à l'exception d'une des victimes pour laquelle Tarculovski a été
19 condamné, toutes les victimes se trouvaient, en fait, en détention ou
20 étaient détenues par la police au moment où elles ont fait l'objet
21 d'attaque où elles ont été tuées. Au vu de cette circonstance, même s'il
22 s'agissait de membres actifs de l'ALN
23 combat. Elles auraient dû être protégées par l'article 3 commun. Le fait
24 d'être justement en détention donne à la personne détenue un statut
25 protégé, ce qui est manifeste pour tout le monde, notamment les auteurs des
26 crimes.
27 La seule victime qui n'était pas détenue était Rami Jusufi. Il a été
28 tué alors qu'il se trouvait dans la porte d'entrée de sa demeure familiale
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1 alors qu'il n'était pas armé, qu'il portait une paire de jeans et un tee-
2 shirt blanc. La Chambre a conclu que les éléments de preuve apportés ne
3 permettaient pas d'étayer une conclusion suivant laquelle il n'était
4 absolument pas un civil non armé. Et en concluant que les membres de la
5 police qui ont tiré avaient le mens rea requis pour ce meurtre, au
6 paragraphe 312 du jugement, la Chambre de première instance a fait
7 remarquer qu'ils lui ont tiré dessus quasiment à bout portant et qu'il
8 était habillé en vêtements civils, qu'il n'était pas armé et qu'il n'a
9 opposé aucune résistance à la police.
10 Vous savez, Messieurs les Juges, un civil dans un conflit armé non
11 international est une personne qui ne fait pas partie des forces armées de
12 l'Etat, en l'occurrence, les forces de sécurité macédoniennes, qui n'est
13 pas un combattant d'un groupe armé organisé dans un conflit armé avec
14 l'Etat; dans ce cas, un combattant de l'ALN
15 Une personne ne peut devenir un membre d'un groupe armé organisé,
16 conformément au droit international humanitaire que si elle a une fonction
17 de combattant continue. Ceux qui exercent cette fonction de combat continue
18 sont considérés de façon équivalente à des membres des forces armées de
19 l'Etat et l'on peut considérer que ces personnes participent de façon
20 active aux hostilités.
21 Par opposition, une personne ne perd pas son statut de civil, et vous
22 avez la protection qui est assurée par l'article 3 commun, lorsque cette
23 personne se contente tout simplement d'apporter un soutien à un groupe
24 armé. Comme l'a expliqué la Chambre dans l'arrêt Strugar au paragraphe 177,
25 il y a de nombreux moyens par lesquels un civil peut, de façon indirecte,
26 apporter son soutien dans les hôpitaux, par exemple, en exprimant sa
27 sympathie pour la cause en question, en fournissant des aliments et
28 d'autres ravitaillements.
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1 J'aimerais attirer votre attention sur un concept qui a été expliqué
2 récemment par le CICR et qui est le concept de la participation directe au
3 conflit. Car conformément à ce qu'a indiqué le CICR, une personne devient
4 un membre d'un groupe armé, donc exerce et a une fonction de combat
5 continue qui peut être considérée comme équivalant aux forces armées de
6 l'Etat.
7 Mais il faut savoir que d'autres qui apportent leur soutien à un
8 groupe armé restent des civils et conservent la protection qui est la leur.
9 La Chambre a fait remarquer dans le jugement en première instance qu'il y
10 avait environ un millier de membres de l'ALN
11 simplement de fournir un soutien non-combattant. Bien qu'elles soient
12 affiliées d'une certaine façon à l'ALN, ces personnes continuaient à être
13 des civils et étaient perçues en tant que civils conformément au droit
14 international humanitaire et devaient conserver leur protection contre des
15 attaques directes.
16 Quoi qu'il en soit, en l'espèce, il n'y a aucun élément de preuve crédible
17 qui a été apporté pour indiquer que Rami Jusufi faisait partie de l'ALN.
18 L'appelant n'a pas su montrer l'erreur commise par la Chambre de première
19 instance lorsqu'elle a évalué son statut ou le statut de toute autre
20 victime placée en détention.
21 J'aimerais maintenant parler de l'objet de l'attaque. L'appelant avance
22 qu'il s'agissait d'une attaque légitime, dont le but était d'expulser les
23 terroristes de l'ALN dans le village. La Chambre de première instance a
24 examiné de façon très détaillée ces arguments qu'elle a rejetés, car elle a
25 été d'avis que l'objectif essentiel de l'attaque était des représailles
26 contre des civils albanais parce qu'ils pensaient que le village protégeait
27 ces personnes. Ces représailles étaient censées constituer un avertissement
28 lancé aux autres habitants du village quant aux conséquences auxquelles il
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1 convenait de s'attendre pour le soutien fourni à l'ALN
2 La Chambre de première instance, au paragraphe 40, a reconnu qu'il y
3 avait des raisons potentiellement légitimes pour la police pour qu'elle
4 puisse entrer dans le village puisqu'un membre suspecté d'appartenir à
5 l'ALN était censé s'y trouver. Mais le fait de reconnaître cela ne revient
6 pas et ne justifie pas le type de représailles criminelles sur lequel je
7 suis revenu, l'attaque dont la Chambre de première instance a constaté
8 l'existence, la planification et l'exécution par Tarculovski et la police
9 le même jour.
10 Ce n'était pas une attaque légitime qui a dégénéré. Ce n'était pas le
11 fait de quelques officiers qui auraient échappé à tout contrôle. Il
12 s'agissait de représailles planifiées et exercées contre des civils, et
13 c'était une action destinée à adresser un avertissement et qui visait des
14 personnes appartenant au groupe ethnique albanais sans aucune référence à
15 leur connexion réelle ou non avec l'ALN
16 Lorsqu'elle est parvenue à sa conclusion figurant au paragraphe 572 du
17 jugement selon laquelle l'objectif premier de l'attaque n'était pas le
18 maintien de l'ordre et de la loi mais d'exercer des représailles contre les
19 Albanais de souche pour les actions commises par l'ALN
20 énuméré un certain nombre de facteurs pertinents, dont les activités
21 criminelles délibérées de la police, y compris le meurtre d'hommes albanais
22 qui ne représentaient aucune menace, les violences infligées à des détenus,
23 l'incendie volontaire de maisons, le vol d'objets de valeur appartenant à
24 des hommes et des femmes prisonniers. Cela ne constitue en rien une
25 opération de maintien de la loi, Madame et Messieurs les Juges.
26 Du point de vue de la Chambre de première instance, ces événements
27 sont en contradiction directe avec l'objectif de l'opération tel que
28 formulé par Tarculovski aux fins d'identifier les maisons pouvant
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1 éventuellement abriter des terroristes. C'est le paragraphe 558 du
2 jugement, où la Chambre de première instance rejette cette idée.
3 Je voudrais rappeler à Mme et MM. les Juges que la conclusion qui a
4 été faite aux termes de laquelle les actions commises par la police l'ont
5 été en présence de son chef, Tarculovski. Au paragraphe 565 du jugement, la
6 Chambre de première instance y voit une indication claire de l'intention et
7 de l'objectif qui étaient ceux de l'opération. Cela relève du bon sens.
8 Ensuite, au même paragraphe, paragraphe 572, la Chambre de première
9 instance s'est penchée sur les allégations relatives à la composition de
10 ces forces de police et au chemin qui a été suivi lors du déroulement de
11 l'attaque que je viens de montrer sur la carte. La Chambre de première
12 instance a noté que la police n'a pas procédé à une inspection de toutes
13 les maisons ni même de toutes les maisons peuplées d'Albanais de souche.
14 L'inspection n'a porté que sur une seule maison. Ils se sont contentés de
15 s'écarter de la route principale et ils n'étaient, à vrai dire, à la
16 recherche de personne.
17 En se basant sur l'ensemble des éléments de preuve, la Chambre de
18 première instance a justement conclu que l'objectif premier de cette
19 attaque était d'exercer des représailles contre des civils albanais. Elle
20 était fondée à conclure que Tarculovski, comme c'est formulé au paragraphe
21 576, avait bien l'intention que des crimes soient commis et, à défaut de
22 cela, qu'il était conscient de la forte probabilité que ces crimes se
23 produiraient dans la mise en œuvre de cette opération qui était la sienne.
24 Tarculovski n'a pas réussi à démontrer la moindre erreur de
25 raisonnement à cet égard.
26 Et enfin, je voudrais aborder la question de la planification.
27 A l'inverse de ce que l'appelant a affirmé, la Chambre de première
28 instance a justement conclu que Tarculovski avait bien planifié l'attaque.
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1 Juste pour préciser les choses, il n'y a pas d'obligation, d'un point de
2 vue juridique, contrairement à ce que suggère l'appelant, d'inclure dans la
3 phase de planification une phase préparatoire et une phase d'exécution; et
4 il n'y a pas de distinction à établir ici entre la préparation au sens
5 strict et l'exécution qui suivrait. On peut en trouver la confirmation dans
6 plusieurs jugements en première instance, notamment dans le jugement -- et
7 dans le jugement en appel Kordic, au paragraphe 26.
8 Et --
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle était la référence que vous
10 faisiez ?
11 Mme BAIG : [interprétation] Je me référais à Kordic. Il me semble que je
12 l'ai ici, Monsieur le Président.
13 Monsieur le Président, dans l'arrêt Kordic, il est dit, je
14 cite :
15 "L'actus reus de la planification requiert qu'une ou plusieurs personnes
16 conçoivent le comportement criminel constituant en un ou plusieurs crimes
17 couverts par le Statut qui sont ultérieurement commis. La planification est
18 un facteur qui contribue de façon substantielle à la commission de tels
19 comportements."
20 Et cela concerne l'actus reus que je m'apprêtais à aborder en rapport avec
21 le mens rea. Cela figure au paragraphe 30 et concerne l'intention directe.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et vous affirmez que cela n'établit
23 aucune distinction entre la phase préparatoire et la phase de mise en œuvre
24 ou d'exécution.
25 Mme BAIG : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Mais en
26 l'espèce, comme je voudrais le montrer, les faits montrent qu'il y a eu une
27 longue phase de préparation pour ces crimes, et conformément aux
28 constatations de la Chambre de première instance, cela a été fait avec
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1 l'intention directe ou indirecte ou la conscience d'une forte probabilité
2 que ces crimes se produisent.
3 Comme nous l'avons expliqué dans notre mémoire, il n'est pas
4 nécessaire qu'il y ait eu planification de commettre le crime. Autrement,
5 une intention indirecte visant à planifier ne serait plus possible.
6 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, pour répondre à
7 votre question portant sur les faits, cette attaque était une attaque
8 coordonnée qui n'aurait pas pu se produire par accident. La Chambre de
9 première instance a conclu que l'attaque avait été planifiée et que cette
10 constatation était amplement fondée par les éléments de preuve.
11 Les constatations étayent la condamnation de Tarculovski pour
12 planification et peuvent être regroupées en trois catégories : tout
13 d'abord, le schéma dans lequel entraient les comportements; deuxièmement,
14 la préparation; troisièmement, la coopération avec les forces armées.
15 Comme j'ai déjà indiqué précédemment, la Chambre de première instance
16 a souligné les crimes qui se sont produits. Au paragraphe 573, la Chambre a
17 exclu la possibilité que ces comportements se soient produits par hasard,
18 par erreur ou par suite de confusion ou de façon accidentelle.
19 Tarculovski était présent lors de la commission des crimes. Il n'y a
20 pas d'éléments de preuve indiquant qu'il ait désapprouvé ces crimes, qu'il
21 se soit efforcé de les arrêter une fois qu'ils avaient commencé ou qu'il
22 ait entrepris quelque mesure ou sanction que ce soit contre les membres de
23 la police concernés, et ce, ultérieurement. Au contraire, quand il a
24 comparu devant la commission, il n'a fait mention d'aucune conduite
25 criminelle et a refusé de révéler l'identité des officiers de police
26 concernés.
27 Concertant les préparatifs, la Chambre de première instance a établi
28 qu'il était responsable de la préparation de l'attaque. Cela figure aux
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1 paragraphes 555 et 560. Il était en charge de cette mission. Et Tarculovski
2 a confirmé qu'il avait personnellement choisi les officiers de police
3 réservistes qui s'étaient portés volontaires. Il était en charge également
4 de la chronologie des opérations. Il était responsable du décalage dans le
5 temps, donc faisant passer l'opération du 11 au 12 août. Il a été impliqué
6 dans la fourniture de gilets pare-balles, de matériel radio, du véhicule
7 blindé Hermelin qui a transporté de l'essence à travers le village; et il a
8 sécurisé le transport le jour précédant l'attaque lorsqu'il était à la tête
9 de la mission de reconnaissance.
10 Enfin, il a joué un rôle-clé dans la coordination avec les forces
11 armées. Il a tenu cette réunion de planification le 10 août afin d'aborder
12 cette opération avec des officiers supérieurs de l'armée et des forces de
13 la police. Il a eu des appels téléphoniques avec des représentants de
14 l'armée. Et le simple fait que l'attaque s'est déroulée avec des tirs de
15 mortiers et d'autres formes de tirs qui se sont produits au début, à partir
16 des positions de l'armée entourant le village, confirme cela. Les
17 événements à répétition qui se sont produits dans le cadre de l'attaque,
18 les crimes constatés et la coopération étroite avec les forces armées
19 étayent la conclusion raisonnable qui est celle de la Chambre de première
20 instance.
21 Par conséquent, cette dernière était tout à fait fondée à conclure
22 que Tarculovski avait planifié les crimes, qu'il avait ordonné et incité à
23 commettre ces derniers soit avec une intention directe, soit en étant
24 conscient de la forte probabilité de la commission de ces crimes.
25 L'appelant n'a pas réussi à démontrer la moindre erreur dans les
26 constatations et conclusions de la Chambre de première instance.
27 Pour ce qui est donc des moyens d'appel 3 à 5, cela conclut notre
28 réponse.
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1 A moins qu'il n'y ait des questions de la Chambre d'appel, ma
2 consoeur, Nadia Shihata, va maintenant aborder les moyens d'appel 6 et 7.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
4 Mme SHIHATA : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Je
5 suis Nadia Shihata. Je vais présenter la réponse de l'Accusation aux moyens
6 d'appel numéro 6 et 7.
7 Concernant le moyen d'appel numéro 6, la Chambre de première instance était
8 fondée à recourir aux déclarations de l'appelant devant une commission
9 macédonienne enquêtant sur les événements de Ljuboten.
10 Comme cette Chambre d'appel le sait bien, les décisions portant
11 recevabilité de ces éléments de preuve entrent tout à fait dans le pouvoir
12 inhérent à la Chambre de première instance.
13 La Chambre de première instance a exercé ce pouvoir inhérent de façon
14 particulièrement soigneuse. Elle a établi dans une décision de 25 pages, en
15 identifiant tout à fait précisément les règles applicables et la
16 jurisprudence pertinente, les fondements de cette décision. Elle a conclu
17 que les déclarations en question avaient été données de façon volontaire,
18 qu'elles étaient pertinentes et qu'elles constituaient des indices
19 suffisants et présentaient une valeur pertinente suffisante pour être
20 versées.
21 La Défense n'a pas remis en question ces constatations. Au lieu de cela,
22 son argument repose uniquement sur des considérations générales, à savoir
23 que cette Chambre aurait adopté une règle nouvelle pour exclure des
24 déclarations qui n'ont pas été données dans son cadre, dans le cadre du
25 Tribunal, mais dans le cadre de poursuites devant des juridictions
26 nationales.
27 Cet argument est présenté pour la première fois dans l'appel et
28 devrait, par conséquent, être rejeté au titre de la renonciation par la
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1 Défense à faire valoir cet argument précédemment.
2 Malgré, M. Tarculovski a paru à deux reprises devant cette commission
3 pour donner sa version des événements. De plus, dans le cours du procès, la
4 Chambre de première instance a la possibilité de recevoir les documents et
5 d'évaluer leur valeur pertinente, ce qui rentre tout à fait dans le cadre
6 de la mission du Tribunal.
7 Cette façon de raisonner consiste à confondre la valeur prima facie
8 des pièces et la question de savoir s'ils seront versés ou non à une phase
9 ultérieure de l'évaluation des éléments de preuve.
10 Je vais maintenant passer brièvement au moyen d'appel numéro 7.
11 La Chambre de première instance n'était pas tenue de considérer comme
12 circonstance atténuante le fait que la Macédoine avait amnistié les
13 personnes qui se trouvaient des deux côtés des hostilités entre la
14 Macédoine et l'ALN. Tout d'abord, la Défense n'a jamais mentionné
15 l'amnistie comme étant une circonstance atténuante dans ses arguments en
16 première instance.
17 Cela, nous en trouvons amplement trace dans le jugement Bralo,
18 paragraphe 18 et dans les sources qui sont citées en notes de bas de page
19 67.
20 Ce principe devrait être suivi ici et l'argument visant à mettre en
21 avant l'amnistie devrait être rejeté. De plus, cet argument qui s'appuie
22 sur la loi d'amnistie, versé comme pièce à conviction P83 est avancé de
23 façon incorrecte. La loi exclut de façon spécifique les crimes commis et
24 qui tombent sous la juridiction du TPIY, je
25 cite : "Les actes criminels constituant des crimes contre l'humanité et le
26 droit international n'entrent pas dans le cadre de l'amnistie et de la
27 réduction de la peine."
28 J'attire l'attention des Juges de la Chambre d'appel sur les articles 1 et
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1 3 de la loi correspondante.
2 Toute personne ayant commis des crimes, comme M. Tarculovski, ou
3 d'autres violations du droit international humanitaire ne se sont jamais vu
4 accorder une amnistie. Par conséquent, la Chambre de première instance n'a
5 pas abusé de son pouvoir inhérent en écartant, en ne considérant pas le
6 facteur de l'amnistie pour accorder des mesures similaires à M.
7 Tarculovski. Pour finir, nous notons que cet argument de l'amnistie a déjà
8 été avancé et rejeté dans le cas du Procureur contre Brima, Kamara et Kamu
9 devant le tribunal spécial pour la Sierra Leone. La Chambre de première
10 instance a rejeté cet argument aux paragraphes 137 et 138 de son jugement
11 du 19 juillet 2007 et cela a été confirmé en appel.
12 La Défense avance également dans son moyen d'appel numéro 7 le fait que la
13 Chambre de première instance n'aurait pas considéré l'article 40 du code
14 pénal macédonien, ce qui aurait résulté en une détermination incorrecte de
15 la peine.
16 Mais tout d'abord, la Chambre n'est pas tenue de tenir compte de la
17 pratique en termes de détermination de la peine qui est celle des tribunaux
18 macédoniens. Deuxièmement, la Chambre de première instance n'a pas à
19 considérer l'article 40 parce que celui-ci n'est pas pertinent. L'article
20 40 prévoit une atténuation de la peine dans des circonstances dans
21 lesquelles la Chambre conclut à l'existence de "circonstances atténuantes
22 exceptionnelles."
23 Les circonstances atténuantes auxquelles la Chambre a conclu sont les
24 suivantes : M. Tarculovski a été considéré comme étant apte et comme étant
25 un officier capable; deuxièmement, il s'est rendu au Tribunal;
26 troisièmement, il a eu une bonne conduite en détention et pendant le
27 procès.
28 Aucune de ces circonstances n'est à caractère exceptionnel. Par conséquent,
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1 il n'y avait pas de raison pour la Chambre de première instance de se
2 référer à l'article 40 du code pénal macédonien.
3 Cela conclut la réponse de l'Accusation au moyen 7 de la Défense
4 Tarculovski, s'il n'y a pas de questions de la part de la Chambre d'appel.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Madame Shihata.
6 Maintenant, nous allons avoir la réplique du conseil de M. Tarculovski.
7 Monsieur Alan Dershowitz.
8 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 L'Accusation se contente de dérouler le raisonnement à l'envers lorsqu'elle
10 dit que ce n'est pas de jus in bellum, mais de jus ad bellum qu'il s'agit.
11 Or, ce n'est jamais de jus ad bellum qu'il s'agit lorsqu'il est question de
12 terrorisme et c'est très clair dans l'article 51 de la charte. La question
13 qui se pose est celle des actions qui peuvent être entreprises. Toute la
14 controverse porte sur le jus ad bellum. Quelles sont les règles
15 applicables. Peut-on tirer sur un terroriste qui est protégé par des civils
16 ? Peut-on viser la maison qui abrite un terroriste ? Quelles sont les
17 règles de proportionnalité applicables ? Comment fait-on la distinction
18 avec les civils ?
19 L'argument selon lequel il y a des règles claires qui permettent de
20 distinguer les civils des combattants nous fait revenir en 1900 ou en 1940
21 où on considérait que tout un chacun était un combattant. Des personnes qui
22 se préparent à un attentat suicide et qui se mêlent à la population
23 doivent-elles être considérées comme des civils ? Des personnes qui portent
24 un tee-shirt noir et qui portent l'insigne de personnes qui protègent
25 volontairement des terroristes doivent-elles être considérées comme des
26 civils ? Toute la communauté des juristes s'accorde sur le fait que le
27 rapport Goldstone est --
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On vous demande de ralentir, Maître.
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1 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Excusez-moi.
2 Le Juge Goldstone, dans son récent rapport, affirme qu'Israël aurait dû
3 envoyer des commandos dans les zones urbaines plutôt que de procéder à des
4 bombardements aériens. C'est un argument qui revient à ce qui a été fait
5 ici.
6 Lorsqu'on a affaire aux terroristes, quelle est la pertinence du
7 droit international humanitaire ? Ces règles ont été écrites avant
8 l'apparition de ce phénomène, les terroristes qui visent des civils et qui,
9 ensuite, utilisent les mêmes civils comme la justification même de ce
10 qu'ils font afin d'encourager d'autres à les rejoindre, c'est cela même le
11 type de conflit auquel nous avons affaire et c'est cette question-là qui
12 n'a pas été reçue au titre des conditions nécessaires à la mens rea.
13 Lorsque vous avez affaire à quelqu'un qui est dans un rôle intermédiaire,
14 cette personne n'est pas censée savoir comment apporter une réponse à des
15 questions. Comment pourrait-il le savoir ?
16 Les questions que nous avons soulevées concernant la compétence du
17 Tribunal, je voudrais revenir spécifiquement à la question posée plus tôt
18 par le Juge Meron. Nous avons remis en question à la fois l'échelon global
19 et dans le détail, les questions de compétence. Cela se trouve dans notre
20 mémoire au paragraphe 29. Même si on considère qu'il y avait un conflit
21 armé et même si on considère que l'intensité de ce dernier était
22 suffisante, la question suivante qui se pose est que dans ces circonstances
23 spécifiques, comment fait-on intervenir le droit international humanitaire.
24 Si au milieu d'un conflit armé des policiers se rendent dans une
25 ville donnée et volent des objets qui sont la propriété de certaines
26 personnes, cela ne déclenche pas automatiquement la compétence du présent
27 Tribunal. Ce n'est pas suffisant pour conclure qu'il y a un conflit armé
28 d'intensité suffisante et c'est cela la question globale qui est ici en
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1 jeu.
2 A tout le moins, il faudrait prendre en compte cette question globale
3 lorsqu'on décide de questions qui se trouvent à un échelon inférieur, des
4 questions particulières. S'il y a un doute concernant l'intensité du
5 conflit armé, dans ce cas-là, si nous avons une poignée d'hommes qui sont
6 des civils et qui sont tués dans le cours d'une opération, ce qui est fort
7 regrettable, la question est de savoir si le droit international
8 humanitaire s'applique bien dans ce cas-là et la question demeure de savoir
9 ce qu'est le droit international humanitaire, ce qu'il en subsiste
10 lorsqu'il s'agit de lutter contre les terroristes.
11 Supposons que nous ayons un conflit, une opération légitime, mais
12 vous savez qu'il y aura sans doute des crimes qui seront commis.
13 L'Accusation affirme que vous ne pouvez envoyer de soldats si vous savez
14 que des crimes pourront être commis, même si vous n'avez pas l'intention
15 que cela soit le cas. Dans toute l'histoire de la guerre et des opérations
16 policières, on a constaté que les soldats se livrent à des viols, à des
17 pillages, que la police vole, qu'il y a des incendies volontaires et dans
18 une telle situation, vous êtes condamné à vous attendre à ce qu'il se
19 produise des événements de cette nature. Est-ce que cela vous empêche pour
20 autant d'engager une réponse dans le cadre des hostilités ? Non. Les règles
21 de proportionnalité s'appliquent et il n'est pas surprenant que
22 l'Accusation n'ait pas formulé de chef d'accusation concernant les règles
23 de proportionnalité et leur éventuel non-respect.
24 Pour ce qui est de la compétence, on a eu des cas dans lesquels il y
25 a eu plus de morts parmi les civils qu'en l'espèce, mais cela n'a pas été
26 considéré comme tombant dans la compétence du présent Tribunal. Lorsqu'on
27 se contente d'examiner juste un incident s'étant produit sur une période de
28 temps très court et qu'on choisit d'y appliquer le droit international
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1 humanitaire tout en fermant les yeux sur des cas où il y a eu des victimes
2 beaucoup plus nombreuses, je pense que nous sommes dans une situation
3 problématique.
4 Il y a des hommes qui arrivent à la porte d'une maison qui est
5 supposée abriter des terroristes. Il y a un homme qui se présente à la
6 porte de la maison et il essuie un tir, mais cela se passe partout, à New
7 York et partout ailleurs dans le monde. Personne ne peut conclure du tir
8 qui est le fait d'un seul homme au moment où une porte s'ouvre ou se ferme
9 que cela faisait partie d'une action coordonnée visant à commettre des
10 crimes, visant à tuer l'individu en question et que cela ait été prémédité
11 et coordonné. Cela ne fait aucun sens.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Dershowitz, je voudrais vous
13 proposer de revenir à une affirmation qui a été avancée précédemment.
14 Vous avez dit que même en supposant qu'il y a un conflit armé - et
15 d'un point de vue général, cela ne suppose qu'une intensité suffisante -
16 vous avez dit qu'à un moment donné, un groupe de policiers se rendrait dans
17 cette situation dans une ville, déroberait des objets, tout cela restant à
18 petite échelle.
19 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Entendu.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que vous affirmez, si j'ai bien
21 compris, est que l'échelle à laquelle tout cela se déroule, cette échelle
22 réduite, ne permettrait pas d'apporter la qualification de conflit armé,
23 même si cela peut être intégré à des événements de plus grande échelle, si
24 vous parlez de Shabraj Satila [phon], par exemple.
25 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Je ne dirais pas cela, parce qu'il y a
26 deux questions ici sur lesquelles il faut se prononcer. Pour ce qui est de
27 l'applicabilité du droit international humanitaire, je ne vais pas revenir
28 là-dessus. Tout cela est précisé dans la page 38 du mémoire en appel --
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1 excusez-moi.
2 En d'autres termes, ce que nous avançons, Madame et Messieurs les
3 Juges, c'est que ces autres facteurs qui sont requis sont tout à fait
4 indépendants pour ce qui est de la position prise par le Tribunal par
5 rapport à la question du conflit armé. Si la position est celle qu'un
6 incident particulier constituait une violation du droit international
7 humanitaire et si cela ne découle pas automatiquement d'un incident en
8 particulier qui était une partie seulement d'un conflit armé, cela ne
9 constitue pas obligatoirement une violation du droit international
10 humanitaire.
11 Juste pour revenir à la question précédente du Juge Meron et répondre
12 en même temps à la vôtre, Monsieur le Président, oui, si c'était une option
13 de police, il est possible que cela présente davantage d'exigences pour ce
14 qui est de protéger les civils, mais cela va à l'encontre de la version
15 selon laquelle on aurait affaire à un conflit armé international. Si nous
16 avons un procès dans un cadre national d'un officier de police, cadre dans
17 lequel ce dernier peut se défendre, dans ce cas-là, c'est au soldat qu'il
18 incombe de se défendre dans un contexte militaire.
19 Les restrictions qui incombent à un officier de police lorsqu'il
20 intervient sont des restrictions nationales, mais les restrictions
21 internationales, elles s'appliquent à la police, elles s'appliquent aux
22 soldats, mais si c'est une action menée par autodéfense et de façon
23 proportionnelle, ce n'est pas constitutif d'une violation du droit
24 international humanitaire simplement du fait qu'il se fait que cette action
25 s'est déroulée pendant qu'il y avait un conflit armé intense qui se
26 déroulait.
27 J'espère avoir répondu à votre question.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais les règles
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1 d'administration de la preuve disent qu'on a pris à l'aveuglette, de façon
2 aveugle, comme cibles des civils, même si l'acte était de faible portée, de
3 faible envergure. A ce moment-là, ça constituerait quand même une violation
4 du droit international humanitaire.
5 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Mais il faudrait prouver qu'il y a eu
6 une volonté délibérée de prendre ces civils pour cibles. S'il s'était passé
7 ceci, s'il y avait un plan, nous, nous avons pensé qu'il n'y en avait pas,
8 ou plutôt, comme nous pensons que ce fut le cas de rechercher des
9 terroristes et si dans le cours de l'exécution de ce plan un policier fait
10 ce qu'un policier fait souvent, un soldat policier, pendant qu'on est en
11 guerre, si à ce moment-là, ça transforme le bon exercice de l'autorité en
12 préoccupation du côté du droit international humanitaire, c'est ce que nous
13 contestons.
14 Nous pensons qu'il y a les deux choses : c'est un point fort
15 intéressant pour ce qui est de l'administration de la preuve, parce que
16 vous pourrez renvoyer une affaire en première instance pour voir s'il y a
17 eu effectivement violation, mais on a mal appliqué le droit qui devait
18 s'appliquer.
19 Ça n'a jamais été jugé ici. Il faut voir quels sont les éléments
20 permettant au Tribunal d'être compétent. Il y a eu un doute raisonnable. On
21 a pratiquement admis qu'il y avait un doute raisonnable. Or, il fallait le
22 prouver au-delà de tout doute raisonnable. Si j'en avais le temps, je
23 reprendrais votre décision, mais on dit simplement : Nous sommes convaincus
24 que et nous pensons au contraire que ceci ne remplit pas les critères du
25 procès au-delà de tout doute raisonnable. Nous ne pensons pas que les bons
26 critères aient été appliqués.
27 Je vois que j'ai utilisé tout mon temps et mon frère est en train de
28 me gronder. A moins que vous n'ayez des questions.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais c'est vous qui êtes le plus
2 qualifié pour ne pas trop écouter votre frère.
3 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] Mais oui, mais il a de la force sur moi
4 et il se plaint souvent.
5 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Mais ça ne marche pas toujours.
6 L'article 35 dit que la Chambre accueillera un appel pour des personnes qui
7 ont été condamnées aux motifs suivants : Erreur de droit ou erreur de fait
8 qui aurait entraîné un déni de justice. 98 %, si ce n'est 100 % des
9 éléments que vous avez entendus par
10 l'Accusation s'agissant des moyens 3, 4 et 5, n'ont fait que répéter des
11 conclusions qui furent celles de la Chambre de première instance. Et nous
12 persistons à dire que si vous voulez utiliser le pouvoir qui est le vôtre,
13 de voir s'il y a eu des erreurs de fait, il faut que vous voyiez si les
14 conclusions de la Chambre de première instance se basaient sur des faits,
15 des preuves. Je le répète, la Chambre a tiré des conclusions qui vous
16 empêchent de faire votre travail.
17 Permettez-moi de vous donner quelques exemples très précis de la
18 chose.
19 L'Accusation a, au fond, mentionné deux éléments de preuve qu'elle
20 montre que Tarculovski était effectivement à la tête de ce groupe et de
21 cette situation. On a fait référence au MO 37. Regardez ce qu'il a dit. Si
22 vous voulez, on peut passer à huis clos partiel. Je pourrais parcourir de
23 façon détaillée son témoignage, et je vous montrerai qu'il est inimaginable
24 d'utiliser ceci pour conclure qu'il était présent sur chacun des lieux
25 concernés, et qu'il était allé là pour commettre un crime sur chacun de ces
26 lieux.
27 Vraiment, c'est trop dire, c'est exagéré. Oui, c'est vrai que la Chambre a
28 tiré une conclusion, elle a fait un effort pour dire qu'elle s'était
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1 appuyée sur les dires de MO 37. Mais si vous relisez les pages de sa
2 déposition, vous verrez que ceci ne permet pas de conclure cela. Et je
3 laisse entendre à la Chambre que celle-ci a l'obligation d'appliquer le
4 point B pour revenir là-dessus. C'est pas parce que l'Accusation le dit que
5 c'est vrai. C'est pas parce que la Chambre de première instance le dit que
6 c'est vrai. Vous n'avez pas ces moyens de preuve.
7 Puis on dit aussi que la déclaration de Tarculovski corrobore cela.
8 Mais sa présence dans le village ne permet pas de conclure qu'il était
9 présent lorsque qu'on a tiré sur Jusufi, lorsqu'il était à la maison
10 d'Ametovski quand on a tiré, ou qu'il était présent. On ne savait même pas,
11 où il était, où qui que ce soit était lorsque la troisième personne a été
12 abattue.
13 Oui, bien sûr, que c'est ce que dit le dossier, mais c'est faux, en
14 droit.
15 S'agissant de l'élément matériel. C'est la première fois que la
16 partie adverse laisse entendre que la Chambre s'est fourvoyée lorsqu'elle a
17 énoncé les éléments constitutifs de l'élément matériel. Jamais ça n'a été
18 dit par l'Accusation, et on cite plusieurs décisions de la Chambre à propos
19 des deux éléments nécessaires, à la phase préparatoire et à la phase de
20 l'exécution. Maintenant, dire que la Chambre s'est trompée, que ses
21 conclusions, que le droit était faux en l'occurrence, j'estime que c'est là
22 quelque chose qu'on ne peut pas soulever maintenant. Les conditions de la
23 Chambre de première instance se sont basées sur toutes les conclusions de
24 ceci, disant qu'il faut à la fois la phase de la préparation et la phase de
25 l'exécution. Si maintenant, vous, vous décidez qu'en droit c'est bien une
26 condition requise - et là je lis, c'est le paragraphe donné par
27 l'Accusation - attendez. Ça représente la note de bas de page du paragraphe
28 572. On décrit les conditions requises de l'élément matériel. Vous, vous
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1 avez à décider de la question de savoir si la Chambre de première instance
2 s'est bien prononcée en l'absence d'une objection.
3 Pour ce qui est de l'élément moral mens rea, c'est seulement dans ce
4 contexte-là que la condition de la très grande visibilité intervient. C'est
5 à ce moment-là qu'il faut voir la question.
6 Je m'y attarde un instant. Trois références sont données dans la
7 totalité du jugement sur le fait qu'il est fort probable qu'un crime va se
8 commettre. Il y en a deux qui se trouvent dans la définition de l'intention
9 délictueuse, mens rea, et la troisième référence se trouve en queue de
10 jugement, où on dit à titre subsidiaire :
11 "Il est possible de conclure que la probabilité était grande qu'il
12 était au courant."
13 On ne fait pas d'analyse, on ne fait pas de description. Mais en
14 plus, si on laisse entendre, et si on se souvient qu'il ne s'agissait pas
15 d'un homme chevronné, comment peut-on déduire qu'il savait qu'il y avait
16 une forte probabilité que des crimes allaient être commis dans l'exécution
17 du plan. Parce qu'il a peu d'expérience, il n'y a pas de planification.
18 Alors comment peut-on se baser sur des dispositions constitutives de la
19 mens rea ? Moi, je pense que la Chambre, tout du moins, a eu l'obligation
20 d'analyser ceci, de motiver sa décision. On ne peut pas se contenter de
21 dire, d'énoncer, que - et ceci est dans la dernière phrase - qu'il était au
22 courant qu'il avait cette connaissance sans procéder à l'analyse.
23 Mais je dois revenir à l'essentiel de mon propos. Si on fait le
24 résumé, comme l'a fait l'Accusation, de toutes les conclusions de la
25 Chambre de première instance, sans jamais se demander pourquoi, sur quoi
26 elle s'est basée, à ce moment-là, à mon avis, un problème grave est
27 soulevé.
28 Une dernière chose.
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1 L'Accusation l'a souligné, ce n'est qu'un exemple. Elle a dit que
2 Jusufi a été touché à bout portant. On cite le rapport d'autopsie. Mais
3 rien dans l'autopsie. Rien, absolument rien dans le rapport d'autopsie nous
4 dit que Jusufi a été tué à bout portant. On aurait pu tirer sur lui depuis
5 la colline que surplombaient les militaires, l'armée, mais c'était
6 important qu'il a été tué à bout portant parce que la police était près.
7 Mais on a confectionné cet élément-là. C'est une erreur factuelle,
8 substantielle. L'Accusation vous a dit que c'était un facteur matériel,
9 alors qu'il n'y a nulle trace de cela dans le dossier. Oui, on dit "à bout
10 portant," oui, l'Accusation le répète, oui, il y a eu des échanges de tirs.
11 Mais est-ce que c'est ce tir-là qui a tué Jusufi, qui était à bout
12 portant ? Rien ne soutient cette affirmation.
13 Je vous remercie.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons
15 maintenant faire une pause d'une heure.
16 Veuillez vous lever.
17 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 56.
18 --- L'audience est reprise à 14 heures 00.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Rogers, s'agissant de
21 Boskoski, vous avez la parole.
22 M. ROGERS : [interprétation] Merci. Madame et Messieurs les Juges, je vais
23 vous parler de la peine interjetée après la déclaration d'acquittement pour
24 tous les chefs retenus à l'acte d'accusation. J'aborderai dans ce cadre cet
25 après-midi trois domaines.
26 Tout d'abord, les notions et le principe régissant la doctrine de la
27 responsabilité du supérieur hiérarchique et l'état de droit en vertu de
28 cette doctrine.
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1 Puis la question du fait de signaler et de savoir si la mesure est
2 suffisante pour que le responsable hiérarchique s'acquitte de l'obligation
3 légale qui lui impose l'article 7(3), et dans ce cadre j'essaierai de
4 répondre à vos questions.
5 Et je terminerai par la question de l'application du principe aux
6 faits établis.
7 Tout d'abord, j'aimerais faire le résumé de l'appel interjeté par
8 l'Accusation, comme suit : le paragraphe 16 de l'appel interlocutoire de
9 Hadzihasanovic en matière de responsabilité du supérieur hiérarchique. La
10 Chambre d'appel a dit que :
11 "La responsabilité du supérieur hiérarchique est la méthode la plus
12 efficace qui permet d'appliquer la notion de commandement responsable grâce
13 au droit pénal international."
14 Le fait d'instiller ces principes chez un supérieur c'est une façon
15 de veiller à ce que les subordonnés de ce supérieur respectent les
16 principes de droit régissant le conflit armé.
17 Le CICR a fait une recherche empirique dans un ouvrage appelé "Les
18 origines du comportement dans la guerre," et on voit là les façons les plus
19 efficaces d'empêcher des violations de droit international humanitaire. On
20 a étudié le comportement de 15 000 civils et combattants dans 15 zones de
21 guerre, et après examen de toute la théorie scientifique, voici ce que
22 conclut cette organisation :
23 "L'essentiel ce n'est pas de persuader des combattants qu'ils doivent
24 se comporter autrement ni d'en convaincre chacun d'entre eux, mais
25 d'influencer ou d'influer sur les gens qui ont de l'ascendance sur eux."
26 Dans le contexte d'un conflit armé, lorsque s'appliquent les règles du
27 droit international humanitaire, ceux qui ont une situation d'autorité sur
28 des subordonnés ont l'obligation d'exercer cette autorité de façon
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1 responsable. Un commandement responsable exige que les supérieurs agissent
2 de façon responsable. A notre avis, M. Boskoski n'a pas agi de la sorte. La
3 Chambre a constaté qu'il était en possession d'information alarmante
4 indiquant que des crimes, dont des meurtres illicites, avaient été commis,
5 paragraphe 527, et qu'au plus tard le 5 septembre 2001, il a eu
6 connaissance d'allégations graves pesant sur la police, s'agissant des
7 événements survenus à Ljuboten le 12 août et les jours suivants, paragraphe
8 451. Et ceci englobait des crimes commis au poste de police mais aussi la
9 destruction, les traitements cruels et les meurtres à la suite de l'attaque
10 du village.
11 Rappelons-nous, c'est important, qu'il y a deux catégories de crimes.
12 Il y a, disons, les crimes de Ljuboten et aussi les crimes au poste de
13 police.
14 Mais Boskoski, à notre avis, n'a pas véritablement pris d'action
15 positive pour veiller à ce que les crimes commis par ses subordonnés soient
16 punis. Aucun des rapports qu'il a reçu ne mentionnait des crimes commis par
17 la police, que ce soit à Ljuboten, ou pour l'une quelconque des victimes de
18 traitements cruels au poste de contrôle de Buzalak, au poste de police de
19 Butel, à celui de Prolece ou celui de Bit Pazar, ou encore celui de Karpos.
20 Jamais les auteurs de crimes n'ont été signalés -- ou les crimes de
21 la police n'ont été signalés aux autorités compétentes.
22 Les déclarations publiques qu'il a faites indiquent qu'il n'avait
23 aucunement l'intention de veiller à ce que des enquêtes soient diligentées
24 suite aux crimes commis par la police. Dans son livre, qui est devenu la
25 pièce P402, il relate ces événements, et il parle de l'enquête menée par
26 l'OSCE à Ljuboten. Il accuse cette organisation, qui a effectué une visite
27 le 14 août à Ljuboten, il l'accuse d'essayer - et je cite : "De désinformer
28 l'opinion publique en disant qu'apparemment les forces de sécurité de
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1 Macédoine, dans ces affrontements n'avaient pas tué cinq terroristes mais
2 avaient tué, au contraire, cinq citoyens de Ljuboten."
3 Il rejette d'un revers de main ces allégations qui sont des allégations de
4 meurtres commis par les forces de l'ordre, et il dit que c'est vraiment une
5 calomnie ou diffamation. Ces allégations étaient confortées, allégations
6 fournies par l'OSCE par une enquête, suivies d'un rapport de "Human Rights
7 Watch." En répondant aux allégations de crimes présumés de la police, dans
8 les médias, il dit ceci :
9 "Je vais déposer plainte devant le Tribunal des droits de l'homme à
10 Strasbourg," dit-il, "parce que "Human Rights Watch" affirme, et je le cite
11 : "S'attaquer, non seulement à la dignité du ministère macédonien de
12 l'intérieur mais aussi à ma propre dignité."
13 Paragraphe 450 du jugement, pièce P359.
14 Madame et Messieurs les Juges, il a fourni des entretiens, des
15 interviews, et jamais il n'a dit quelque chose qui ressemblerait à ceci, et
16 vous avez la pièce dans le dossier. Il aurait dit : Je prends ces réponses,
17 dit-il, très au sérieux. Nous avons décidé de diligenter des enquêtes suite
18 à ces allégations de crimes qui seraient commis par la police, et nous
19 ferons l'impossible pour retrouver les auteurs. Vous estimerez peut-être
20 qu'on aurait pu s'attendre à ce genre de déclaration de sa part après ces
21 faits.
22 L'erreur commise ici, c'est que la Chambre a commis une erreur en
23 décidant de ne pas le déclarer coupable, de ne pas avoir puni le
24 comportement répréhensible de ses subordonnés à la suite de l'attaque de
25 Ljuboten le 12 août.
26 La Chambre a pris une optique trop étroite quand elle s'est
27 demandée ce qu'il aurait pu, ce qu'il aurait dû faire pour réagir face au
28 comportement criminel de ses subordonnés. Si la Chambre l'a fait, c'est
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1 parce qu'elle n'a pas appliqué le bon critère juridique d'Etat. Maintenant,
2 ce qu'on peut attendre d'un commandant en vertu de l'article 7(3)du Statut,
3 s'agissant de punir les crimes commis par des subordonnés. La Chambre s'est
4 dit qu'il suffisait de le signaler, c'est-à-dire aussi qu'il était probable
5 qu'ainsi une enquête était ouverte, au lieu de se demander quelle mesure il
6 aurait pu prendre étant donné le pouvoir qu'il avait de sanctionner les
7 actes de ses subordonnés. La Chambre a ignoré la totalité de ce qu'il
8 aurait pu faire et s'est contentée d'examiner la question sous l'angle du
9 fait de signaler aux autorités compétentes.
10 C'est ignorer ainsi les faits qui sont qu'il avait d'autres mesures à
11 sa disposition et que ses rapports ne suffisaient pas à redresser la
12 situation après le comportement répréhensible de ses subordonnés de telle
13 façon qu'on aurait rempli les conditions requises, s'agissant de la
14 nécessité de punir en prenant les mesures nécessaires et raisonnables.
15 Ce sont les facettes diverses d'une même erreur de fait, à savoir que
16 des rapports ne suffisaient pas pour qu'il satisfasse à son obligation que
17 lui impose l'article 7(3) du Statut de punir ses subordonnés.
18 Revenons davantage sur le principe régissant la responsabilité du
19 supérieur hiérarchique. Le principe d'un commandement responsable, c'est au
20 cœur même de l'article 7(3). C'est un concept qui dit comment un supérieur
21 hiérarchique en situation d'autorité est censé exercer les pouvoirs qui lui
22 sont propres, que lui confèrent son poste.
23 Dans un conflit armé, cette autorité, elle doit s'exercer tout en
24 respectant pleinement les principes énormes du droit international
25 humanitaire applicables. Ainsi, le supérieur hiérarchique devra veiller à
26 ce que les civils ne soient pas indûment pris pour cibles, que les
27 prisonniers soient bien traités, et cetera.
28 Lorsque ceux qui sont subordonnés au supérieur hiérarchique agissent
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1 en ignorant ces règles et pour veiller à ce que ces règles soient
2 finalement respectées par ces subordonnés comme par d'autres, le commandant
3 a l'obligation supplémentaire de veiller, en cas de manquement, à ce que
4 ces personnes soient punies et c'est bien ce que dit le Statut en son
5 article 7(3).
6 La Chambre d'appel a dit dans l'appel interlocutoire Hadzihasanovic,
7 paragraphe 22, je cite :
8 "Les éléments constitutifs de la notion de la responsabilité du
9 supérieur hiérarchique dérivent de ceux du commandement responsable."
10 Et je cite : "La notion de commandement responsable s'intéresse aux
11 obligations qui s'attachent à l'idée du commandement."
12 La Chambre qui essayait d'élaborer les paramètres juridiques de cette
13 responsabilité, ce faisant, elle a essayé de ne pas imposer un fardeau
14 absolu, inadéquat au commandant ou au supérieur. Elle exige d'abord la
15 preuve qu'il est bien en situation d'autorité et que ces personnes sont
16 effectivement des subordonnés du commandant. A cette fin, la Chambre a
17 développé le concept du contrôle effectif.
18 Ici, en l'espèce, la Chambre de première instance le fait, aux
19 paragraphes 513, 514, 515, 516 du jugement de première instance.
20 La Chambre d'appel exige ensuite qu'il soit prouvé que le supérieur
21 hiérarchique avait connaissance ou avait des raisons de connaître.
22 C'est la thèse, le principe de l'avertissement, de la mise en garde
23 ou de l'information. La Chambre en parle aux paragraphes 527 et au
24 paragraphe 536. Nous en parlons dans notre mémoire aux paragraphes 60 et
25 61.
26 Enfin, et c'est important, la Chambre pose la condition suivante : Le
27 commandant doit prendre une - vous connaissez bien ces termes, "les mesures
28 raisonnables et nécessaires" - pour empêcher les crimes ou en punir les
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1 auteurs. Ceci vient de l'arrêt Halilovic, paragraphe 59.
2 La Chambre explique alors la signification de cela, toujours dans
3 l'arrêt Halilovic, paragraphe 63, elle définit ce que c'est qu'une mesure
4 nécessaire et raisonnable comme suit :
5 "Sont considérées comme nécessaires les mesures appropriées pour que
6 le supérieur hiérarchique s'acquitte de son obligation (en montrant qu'il
7 s'est véritablement efforcé d'empêcher l'infraction ou de la punir) et sont
8 considérées comme raisonnables les mesures qui sont celles qui sont
9 raisonnablement en son pouvoir."
10 On pourrait dire que dans une certaine mesure, c'est un peu un raisonnement
11 circulaire que celui-là. Mais une chose est claire, c'est un critère qui
12 est tout à fait large, qui n'est pas restreint ni restrictif. Il est aussi
13 clair que les mesures prises doivent être de véritables mesures, des
14 mesures réelles, des mesures véridiques.
15 L'obligation d'empêcher un comportement criminel ou d'en punir l'auteur
16 est, à notre avis, un devoir actif. Ce n'est pas un devoir passif. Il
17 demande que le supérieur hiérarchique prenne l'initiative de prendre des
18 mesures pour contrôler, pour maîtriser ceux qui lui sont subordonnés. Ceci
19 vient de l'affaire Etats-Unis contre Karl Brandt. Je vois que M. Mettraux
20 connaît parfaitement ces dispositions. C'était dans l'arrêt Halilovic au
21 paragraphe 63, note de bas de page 167.
22 Dans le jugement de première instance Strugar, paragraphe 376, voici ce que
23 dit la Chambre, je cite :
24 "Les tribunaux militaires internationaux établis après la Seconde Guerre
25 mondiale interprètent cette obligation comme étant une obligation incombant
26 au supérieur de diligenter et d'ouvrir une véritable enquête - là, on parle
27 de Yamashita, note de bas de page
28 1 099 - et de prendre des mesures énergiques pour s'assurer que les auteurs
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1 seront traduits en justice. Affaire du haut commandement, note de bas de
2 page 1 100. Ce qui compte ici, dit-on, c'est la question de savoir si le
3 supérieur a exigé un rapport suite à l'incident et autre élément important,
4 c'est de savoir si l'enquête fut vraiment circonstanciée. Tojo, note de bas
5 de page 1 101, lorsque ce tribunal militaire international l'a condamné
6 pour n'avoir pris aucune mesure pour sanctionner les auteurs des crimes et
7 d'éviter le renouvellement de faits semblables à l'avenir. Il n'a pas
8 demandé l'établissement d'un rapport sur les faits, il s'est enquis pour la
9 forme, mais n'a pas pris de mesures. Personne n'a été puni."
10 C'est un devoir affirmatif, car si vous avez des subordonnés
11 indisciplinés c'est un danger, un péril intrinsèque. La Chambre d'appel le
12 reconnaît dans son arrêt Hadzihasanovic au paragraphe 30 :
13 "Si un supérieur hiérarchique ne punit pas un crime, il est probable
14 que cette omission soit comprise par ses subordonnés comme étant au bas mot
15 une acceptation, si ce n'est un encouragement à commettre un tel
16 comportement, ceci ayant pour effet d'accroître le risque de voir se
17 renouveler ce genre de crimes."
18 C'est la raison pour laquelle il a l'obligation d'agir.
19 La Chambre elle-même, la Chambre de première instance, a accepté le
20 fait qu'il aurait dû prendre des mesures proactives pour veiller à ce que
21 les auteurs présumés soient punis. Paragraphe 519 du jugement.
22 C'est la raison pour laquelle il doit prendre toutes les mesures
23 nécessaires et raisonnables en son pouvoir matériel pour punir.
24 C'est un devoir qu'on ne peut pas faire passer à la trappe.
25 Ce devoir proactif exige un supérieur hiérarchique qui fasse tout ce
26 qui est en son pouvoir pour veiller à ce que les subordonnés concernés
27 soient punis. Ceci est corroboré par la façon dont la Chambre de première
28 instance évalue la responsabilité dans l'affaire Aleksovski, paragraphe 117
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1 du jugement, où on voit la responsabilité d'Aleksovski comme suit, je cite
2 :
3 "Malgré l'autorité dont il disposait, l'accusé n'a pris aucune mesure
4 visant à prévenir les exactions commises. L'accusé n'a pas non plus
5 cherché, dans la mesure de ses pouvoirs, à sanctionner les gardes
6 responsables de ces exactions."
7 Ceci n'a pas été rejeté par la Chambre d'appel lorsqu'elle a
8 accueilli l'appel ou a été saisie de l'appel de l'accusé et l'a rejeté
9 parce qu'il n'avait pas puni les gardes de la prison pour leur comportement
10 criminel.
11 Ce qui est intéressant quand on voit les faits en première instance
12 d'Aleksovski, la Chambre de première instance conclut ceci :
13 "Aucun des rapports transmis au commandant de la police militaire ou
14 au président du tribunal militaire de Travnik ne concernait les brutalités
15 commises par des gardes ou des soldats du HVO à la prison de Kaonik."
16 L'intimé et la Chambre s'appuient sur cette dernière affaire pour
17 laisser entendre que, je cite : "Des supérieurs civils qui n'ont peut-être
18 pas les pouvoirs de sanction ou disciplinaires d'un commandant militaire
19 peuvent s'acquitter leurs obligations de punition en signalant un crime
20 chaque fois qu'il est connu aux autorités compétentes, si un tel rapport
21 est supposé déclencher une enquête ou lancer une procédure disciplinaire ou
22 pénale."
23 Paragraphes 418 et 519.
24 Mais quand on voit le jugement Aleksovski en première instance, au
25 paragraphe 78, qui est supposé à la base de ceci, ça ne concernait pas les
26 mesures nécessaires et raisonnables mais plutôt la question de savoir si
27 l'accusé avait un pouvoir de facto ou de jure sur les gardes et la capacité
28 de signaler de telle façon qu'il était probable qu'une enquête serait
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1 ouverte. C'est ça qui est important ici. Lorsque l'accusé est un supérieur
2 civil, c'est la place qu'il occupe dans la hiérarchie qui va influer sur la
3 probabilité de la punition et qui va, à ce moment-là, permettre d'établir
4 un rapport de contrôle effectif.
5 D'ailleurs, les rapports dans l'affaire Aleksovski ne parlaient pas
6 des crimes commis par les subordonnés d'Aleksovski. Dans cette affaire-là,
7 c'était les gardes de la police militaire. Par conséquent, il a été
8 condamné.
9 La Chambre ne se posait pas la question des mesures nécessaires et
10 raisonnables dans le jugement Aleksovski, paragraphe 78.
11 La notion de faire tout ce qui est en son pouvoir, ceci est élaboré dans le
12 jugement de première instance Hadzihasanovic, paragraphe 1061. Celui-ci a
13 été acquitté parce qu'une fois l'affaire signalée aux juges d'instruction,
14 il était, je cite, "incapable de mener lui-même ses propres enquêtes ou
15 d'influer sur le suivi du dossier dès lors que l'affaire a été transmise ou
16 le dossier avait été transmis au juge d'instruction ou au procureur
17 compétent."
18 Il ne pouvait rien faire de plus ici. La police avait toujours la
19 possibilité de poursuivre des enquêtes ou d'en engager à la phase de mise
20 en état, comme le dit l'article 142 du code de procédure pénal, pièce 88 de
21 l'Accusation. Même si le devoir absolu de le faire n'existait pas, elle en
22 avait toujours le pouvoir. Je vous rappelle la note de bas de page 1982 du
23 jugement où on élabore cette idée de ce qui aurait pu être fait.
24 Effectivement, on aurait pu donner davantage de rapports. Boskoski aurait
25 pu en faire davantage, ce qui n'était pas le cas pour Hadzihasanovic.
26 Pour assurer une diminution du risque de crime, il faut que ces
27 mesures soient immédiates, qu'elles soient visibles. Pour cela, il faut une
28 action affirmative, proactive, l'initiative du commandant.
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1 Dans l'arrêt Hadzihasanovic, paragraphe 152, voici ce que dit la
2 Chambre d'appel :
3 "Effectivement, alors que des mesures immédiates et visibles telles
4 que des dissensions pour raisons disciplinaires étaient nécessaires. La
5 sanction disciplinaire d'une peine inférieure à 60 jours" ne suffisait pas
6 vu les faits de la cause.
7 Même la Chambre Hadzihasanovic a reconnu qu'il fallait des mesures
8 immédiates et visibles, même si, partant d'effet de cette cause, ces
9 mesures n'auraient pas suffi. Il fallait en faire plus et pas seulement ce
10 qui a été fait.
11 Voyons la question de la nécessité de signaler. Une bonne partie de
12 ce procès s'est concentrée, bien entendu, sur cette question. Nous
13 rappelons que ce n'est là qu'une mesure, entre autres, une mesure
14 susceptible de suffire, mais qu'il faut la voir et en tenir compte avec les
15 autres mesures que le supérieur hiérarchique a à sa disposition et qui se
16 trouvent dans son pouvoir matériel. Ici, le critère ou l'application des
17 normes est large. Elle n'est pas étroite. Le fait de signaler ne satisfait
18 pas automatiquement l'obligation de punir.
19 Comme le disait l'arrêt Hadzihasanovic, paragraphe 154 :
20 "Un supérieur n'a pas nécessairement le besoin de dispenser cette
21 punition personnellement, il peut s'acquitter de ce devoir en signalant
22 l'affaire aux autorités compétentes."
23 On dit qu'il est possible de le faire.
24 Cela citait aussi le jugement Blaskic qui disait ceci et qui a été
25 conforté par l'arrêt Blaskic :
26 "Ce que peuvent être ces mesures c'est, par exemple, le fait de tenir
27 de certaines circonstances."
28 "Ce qui constitue ces mesures, ce n'est pas une affaire de droit
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1 substantiel, mais de preuves."
2 Je pense que là, c'est répondre en partie à votre question.
3 A l'arrêt Blaskic, paragraphe 417, la Chambre d'appel conforte cette
4 approche, cette démarche, lorsqu'elle approuve ce que disait le procès
5 Celibici, lorsqu'elle dit ceci :
6 "Nous concluons qu'un supérieur devrait être tenu responsable pour ne
7 pas avoir pris les mesures qui se trouvent dans ses capacités matérielles."
8 Dans l'arrêt Halilovic, paragraphe 182, la Chambre d'appel le réitère
9 :
10 "La Chambre de première instance a eu raison de rappeler l'obligation
11 de punir qui emporte, pour le moins, l'obligation d'enquêter sur les crimes
12 ou de faire diligenter une enquête, d'établir les faits et de les signaler
13 aux autorités compétentes si le supérieur hiérarchique n'a pas le pouvoir
14 de sanctions."
15 Pour le dire autrement, s'il avait des possibilités qui s'offraient à lui,
16 il aurait dû les exploiter. Mais ceci présuppose qu'il y a une enquête
17 avant d'envoyer un rapport, qu'un rapport est alors envoyé qui va déboucher
18 sur des sanctions prises par d'autres, si le commandant n'en a pas lui-
19 même. La responsabilité de sanctions, elle n'est pas déplacée, mais plutôt
20 en fonction des cas, des faits, il peut y avoir une enquête suivie d'un
21 rapport et cela peut suffire.
22 En dépit de ce qui est cité par l'intimé au paragraphe 17 de son
23 mémoire et en dépit de son libellé très clair, il affirme avec audace que :
24 "La Chambre d'appel a dit clairement que le fait de signaler à des
25 autorités compétentes satisfait l'obligation du supérieur hiérarchique de
26 punir chaque fois qu'il n'a pas lui-même le pouvoir de punir et de
27 sanctionner les crimes de ses subordonnés."
28 C'est là une affirmation pleine d'audace. Ça voudrait dire qu'il ne
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1 faut qu'un rapport, que ça suffit et que ceci met fin -- c'est comme un
2 couperet à l'obligation qui termine l'obligation et la responsabilité de
3 sanction. Il dit aussi que le fait de signaler déplace l'obligation du
4 supérieur hiérarchique et l'impose à d'autres, paragraphe 27. Et que la
5 jurisprudence de ce Tribunal soutient cette idée. Il cite à cet effet
6 l'arrêt Halilovic, paragraphe 182.
7 Hélas, pour l'intimé, aucune des affaires citées ne vient appuyer
8 cette idée.
9 Que faut-il signaler ?
10 Ça tombe sous le sens. Ce qu'il faut signaler, c'est qu'on soupçonne
11 qu'un subordonné a commis un crime et c'est le crime supposé qui doit être
12 sanctionné. Faire moins que cela, ce n'est pas s'acquitter de sa
13 responsabilité de commandant qui découle de la situation de responsabilité
14 qu'on a vis-à-vis d'un supérieur.
15 L'arrêt Oric, paragraphe 59, dit ceci, la Chambre insistait dans cet
16 arrêt, et je cite sur le fait que :
17 "La connaissance d'un crime et la connaissance du comportement
18 criminel d'une personne sont, en droit comme en fait, des choses séparées,
19 distinctes."
20 En quoi est-ce que ceci est pertinent ? La seule connaissance d'un
21 crime ne déclenche pas l'obligation de punir, parce que ce n'est pas relié
22 aux subordonnés dont est responsable le supérieur hiérarchique. Par
23 conséquent, c'est la connaissance du comportement criminel ou des raisons
24 de savoir qu'il s'est comporté de façon criminelle, que ceci déclenche la
25 responsabilité éventuelle et c'est ça qui doit être puni. Ou dans le
26 contexte de l'obligation de signaler, c'est ça qui doit être rapporté,
27 signalé.
28 En l'occurrence, ici, dans ce procès, voici ce qu'a déclaré la
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1 Chambre de première instance, au paragraphe 536, je cite :
2 "Il avait à sa disposition suffisamment d'informations pour
3 comprendre que la police avait peut-être commis des crimes. Etant le
4 supérieur de ces éléments, Ljube Boskoski avait l'obligation de signaler
5 cela aux autorités compétentes."
6 Pourtant, les rapports envoyés ne disaient pas que des crimes avaient été
7 commis, que nous lisons, et ces rapports ne disaient pas non plus que ces
8 crimes avaient été le fait des subordonnés de Ljube Boskoski. Soyons plus
9 précis. Jamais on a mentionné les crimes commis au poste de police dont il
10 avait aussi la responsabilité. Ce qu'on a dit à propos de décès dans le
11 village n'était pas du même poids.
12 L'intimé applique mal ce qui a été dit dans les opinions individuelles de
13 l'affaire Strugar pour dire qu'une autorité indépendante ayant examiné un
14 incident, l'obligation de punir est déplacée sur cette autorité.
15 Rappelez-vous, vous vous en souvenez, ceci se référait au principe de
16 l'unité du commandement dans la JNA où vous aviez un supérieur hiérarchique
17 qui a aussi sa responsabilité en vertu de l'article 7(3) se trouve dans la
18 même voie hiérarchique que l'accusé. Donc ce n'est pas une autorité
19 indépendante où il prend la relève, si vous voulez, et déclenche une
20 enquête sur le comportement de subordonnés, subordonnés étant les
21 subordonnés tant de l'accusé que de l'autorité ayant ouvert l'enquête. Mais
22 comme l'accusé est lui-même le subordonné de cette autorité qui a pris la
23 relève et étant donné que les subordonnés leur sont subordonnés à tous
24 deux, la notion de l'unité du commandement déplace l'accusé. A ce moment-
25 là, sa fonction, elle est reprise par une autre personne se trouvant dans
26 la même voie hiérarchique.
27 Mais ici, il n'y a pas de commandement supérieur, alors que c'était
28 le cas dans l'affaire Strugar. Ici, on a tout au plus une organisation
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1 parallèle qui, elle-même, n'encoure pas de responsabilité au titre de
2 l'article 7(3) du Statut et à qui le rapport est fait.
3 Ce n'est que si un rapport suffisamment détaillé et en bonne et due forme
4 qui couvre le cas des subordonnés ayant commis des infractions est envoyé
5 que l'on peut considérer comme suffisant le fait de se décharger ainsi de
6 sa responsabilité pénale au titre de l'article 7(3); et ce n'est qu'après
7 avoir considéré quelles étaient les autres mesures possibles à prendre pour
8 lui et après avoir montré qu'il s'était sincèrement efforcé de faire tout
9 ce qu'il pouvait, tout ce qui était en son pouvoir pour punir.
10 Dans l'espèce, le ministère de l'Intérieur a été en mesure de poursuivre
11 une enquête en vertu de l'article 142 du code de procédures pénales. C'est
12 ce qu'il pouvait faire au sens des pouvoirs du juge d'instruction.
13 J'utilise ce terme dans le sens de mener une enquête pour déterminer si un
14 crime a été commis. Le sens général sous lequel il faut entendre le terme
15 d'enquête n'est pas le sens technique qui apparaît dans le code de
16 procédures pénales.
17 Ensuite, ils ont pu poursuivre leur enquête malgré des rapports adressés
18 aux autorités judiciaires. Et l'intimé reconnaît qu'en l'espèce - il le
19 reconnaît dans son mémoire en réponse au paragraphe 115 - bien qu'il dise
20 qu'il n'a pas été obligé de faire cela, ils ont été en mesure de collecter
21 ces informations. Et cela, à mon sens, constitue une enquête.
22 Alors, en l'espèce, Madame et Messieurs les Juges, les crimes commis par
23 les subordonnées de Boskoski n'ont jamais fait l'objet d'une enquête. Il a
24 affirmé qu'aux termes de la loi macédonienne, il était courant de signaler
25 un incident. Cela figure au paragraphe 216 du mémoire. Mais suggérer qu'il
26 y a un rapport qui fait état de façon très générale d'un incident où
27 plusieurs crimes ont éventuellement été commis est une chose.
28 La déclaration citée vient d'un rapport de Taseva, pièce à conviction
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1 1D310, paragraphe 85 qui, à son tour, cite un élément de preuve de
2 Ruskovska à la page du compte rendu d'audience T1541-2 et Toskovski, T4373-
3 4. Il apparaît clairement, à partir de la lecture de ces éléments de
4 preuve, que les témoins se référent, en fait, à un juge d'instruction qui
5 aurait pu élargir l'objet de l'enquête, mais cela apparaît à une étape
6 ultérieure à l'envoi du rapport. Et ce n'est pas la même chose que
7 d'envoyer une information générale une fois pour toutes. En effet,
8 Ruskovska se réfère à la capacité du juge de demander au procureur public
9 d'élargir le cadre de l'enquête à un crime supplémentaire ou un
10 perpétrateur supplémentaire. Page du compte rendu d'audience 1 542.
11 De plus, le témoin Taseva se réfère aux articles 557-8 du code pénal, mais
12 encore une fois, il s'agit de dispositions qui interviennent au stade de
13 l'enquête et qui correspondent aux pouvoirs par lesquels le juge
14 d'instruction peut élargir le cadre de l'enquête.
15 En tout cas, l'article 158 du code de procédures pénales macédonien est
16 tout à fait clair, je cite :
17 "L'enquête n'est faite qu'en rapport avec le crime ou l'accusé auquel la
18 décision de conduire une enquête se référait."
19 Et cela se trouve dans la pièce P88.
20 Pour ce qui concerne la question de la délégation, d'un point de vue
21 général, Madame et Messieurs les Juges, Boskoski affirme qu'il n'avait pas
22 le pouvoir de signaler des crimes parce qu'il n'avait pas compétence pour
23 faire cela, et en tout état de cause il savait que cela s'était produit.
24 Cela figure aux paragraphes 164 à 167 du mémoire en réponse. Mais tout
25 d'abord, la Chambre de première instance n'a pas constaté qu'il savait que
26 des crimes avaient été signalés, mais plutôt qu'il savait qu'un rapport
27 avait été envoyé faisant état de morts, un rapport envoyé au système
28 judiciaire. C'est au paragraphe 529 du jugement. La Chambre de première
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1 instance continue en affirmant que si suite y avait été donnée en bonne et
2 due forme, cela aurait pu conduire à la découverte des crimes. Paragraphe
3 529.
4 La question de la compétence de signaler ne comprenait pas un pouvoir
5 explicite de faire cela. Voir le mémoire en réponse, paragraphes 164 à 167.
6 Et cela a été rejeté par la Chambre de première instance comme une
7 incompréhension de la législation pertinente. La Chambre de première
8 instance a notamment noté que le ministre avait l'obligation de s'assurer
9 que le travail accompli par son ministère l'était de façon légale et
10 efficace. Cela signifie que le ministre doit être capable d'ordonner et de
11 déterminer les tâches à accomplir et de s'assurer de leur conformité.
12 Aux paragraphes 513 et 516 du jugement, la Chambre a constaté qu'il avait
13 de jure et de facto autorité pour s'assurer que la police criminelle du
14 ministère s'acquittait de ses tâches de façon efficace et légale et qu'il
15 pouvait effectivement exercer la responsabilité de commandement.
16 Boskoski affirme qu'il pouvait déléguer sa responsabilité et supposait que
17 cette dernière avait fait l'objet d'une mise en œuvre compétente en
18 l'absence d'informations signalant le contraire. Il dit qu'il s'agit d'une
19 question de droit international. Paragraphes 170 et 176 du mémoire en
20 réponse. Il se réfère au cas de commandement Suprême. Mais l'analyse
21 contextuelle du jugement montre que la question en jeu était différente. Il
22 cite les paragraphes 555 et 558 de cette affaire du commandement supérieur
23 dans son mémoire en réponse, paragraphes 170 et 176.
24 Mais lorsque l'on se penche sur le cas de von Leeb, on s'aperçoit
25 qu'il s'agissait de savoir s'il avait connaissance d'une activité illégale
26 du point de vue de la cour, puisque cette dernière était préoccupée de ne
27 pas le condamner uniquement parce que c'était des subordonnées qui avaient
28 commis des crimes.
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1 La question posée par la Chambre :
2 "La question de droit, consistant à savoir s'il est possible pour un
3 supérieur de s'acquitter de son obligation au titre de l'article 7(3) du
4 Statut, s'il ne prend aucune mesure nécessaire ou raisonnable visant à
5 punir ses subordonnés parce qu'il est informé que ses subordonnés --
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. ROGERS : [interprétation] Puis-je continuer ?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y.
9 M. ROGERS : [interprétation] Très bien.
10 Je vais revenir juste à la question.
11 Donc la Chambre d'appel demande, je cite :
12 "En tant que question de droit, est-il possible pour un supérieur de
13 s'acquitter de son obligation au titre de l'article 7(3) du Statut s'il ne
14 prend dans les faits aucune mesure nécessaire ou raisonnable visant à punir
15 ses subordonnés, et ce, parce qu'il est informé, parce que ses subordonnés
16 ont entrepris certaines mesures qui pourraient éventuellement résulter en
17 leur sanction."
18 Notre réponse est non.
19 L'accusé doit s'assurer que les auteurs seront punis dans toute la
20 mesure de ses capacités matérielles. Les mesures qu'il doit prendre sont
21 celles qui entrent raisonnablement dans le cadre de ses capacités
22 matérielles, à savoir ce qu'il est raisonnablement capable d'entreprendre
23 aux fins de punir. Ce que les mesures nécessaires et raisonnables sont
24 dépendra nécessairement des faits. S'il devra s'appuyer sur des
25 subordonnées pour prendre toutes ou partie de ces mesures est une chose.
26 Mais à tout le moins, le supérieur doit exercer un suivi pour déterminer
27 quelles sont les mesures à prendre et qu'elles ont bien été entreprises, et
28 devra également prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que
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1 les comportements criminels sont punis dans toute la mesure de ses
2 possibilités.
3 Ceci implique nécessairement une action expresse de sa part et se
4 traduira nécessairement par un comportement positif pouvant être considéré
5 comme équivalant à des mesures nécessaires et raisonnables. Et suivant les
6 faits, il pourrait y avoir également d'autres mesures à prendre.
7 Je suis conscient du fait que la réponse que j'ai donnée est peut-être un
8 peu circulaire. Peut-être est-ce parce que la jurisprudence disponible
9 présente un tel certain degré de circularité. Mais j'espère que cela
10 contribue malgré tout à apporter une réponse.
11 Ce que je dis, c'est que la réponse que nous apportons est correcte,
12 parce que nous pouvons trouver une confirmation de cela dans le jugement en
13 première instance d'Aleksovski qui a constaté et conclu que l'accusé
14 n'avait pas, je cite :
15 "…fait usage de tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour essayer de
16 punir les gardes responsables."
17 Cette constatation n'a pas été remise en cause en appel comme étant
18 incorrecte pour ce qu'il était tenu de faire.
19 En effet, la Chambre d'appel a considéré dans Aleksovski, et cela n'a
20 pas été remis en cause, que l'appelant avait convenu avec la Chambre de
21 première instance qu'il était tenu par une obligation, je cite :
22 "…de prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour prévenir
23 la commission de crimes ou punir les auteurs de crimes."
24 Cette approche est cohérente avec l'obligation aux termes de l'article 86
25 et la notion de commandement responsable, ainsi que les tentatives sincères
26 de sanctionner et de punir.
27 Alors, en l'espèce, Boskoski avait le pouvoir de contrôler et de donner des
28 instructions à la police - c'est le paragraphe 513 du jugement - ce qui
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1 comprenait également le fait de s'assurer que la police responsable de
2 l'enquête sur les événements avait accompli ses tâches de façon efficace et
3 légale. C'était un homme qui disposait de la force de personnalité et de
4 l'énergie qui auraient permis d'exercer une influence et de guider le
5 personnel du ministère afin de s'assurer que ses propositions étaient bien
6 suivies des faits. Il bénéficiait d'une forte loyauté et d'une coopération
7 significative à tous les échelons du ministère. Boskoski était au faîte des
8 allégations que des crimes avaient été commis et ces informations lui sont
9 parvenues rapidement. Paragraphe 527 et 536 du jugement.
10 Le 12 août, il était présent dans les environs de Ljuboten pendant une
11 bonne heure. Il a vu les incendies de maisons et a entendu des coups de
12 feu. Il a vu les personnes détenues à la maison de Brace. Paragraphe 523.
13 Il a été interviewé pour la télévision à la maison de Brace ce même jour.
14 Paragraphe 525 du jugement. L'idée, Madame et Messieurs les Juges, c'est
15 qu'il était impliqué de façon très claire dans les événements. Il était
16 présent. Il a agi de façon active. Il était impliqué. Il occupait un poste
17 d'autorité au sein du ministère. Il exerçait une influence sur le cours des
18 événements.
19 Il avait en sa possession des informations alarmantes sur les crimes
20 commis, y compris les crimes de meurtres tout à fait illégaux. Paragraphe
21 527 du jugement. Et c'est au plus tard le 5 septembre 2001 que cela a été
22 vérifié. Boskoski était au courant des allégations graves pesant contre la
23 police à Ljuboten pour les événements du 12 août et au-delà. Paragraphe 451
24 du jugement. Cela comprendrait les crimes commis aux postes de police aussi
25 bien que les crimes de destruction sans motif, de traitement cruel, et les
26 allégations de meurtres.
27 Il a reçu quatre rapports entre le 14 et le 17 août 2001. Les pièces 1D361,
28 1D364, 1D373 et 1D374. C'est le paragraphe 447 du jugement. Cela avait
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1 trait précisément aux événements de Ljuboten et ces rapports concernaient
2 précisément les actions et les enquêtes entreprises. Aucun de ces rapports
3 ne mentionnait les crimes commis par ses subordonnés.
4 Dans son ouvrage, qui est la pièce P402, il s'est exprimé sur ce sujet. Il
5 s'est référé aux incidents. Je cite :
6 "Dans le communiqué du ministère des Affaires intérieures, nous avons été
7 contraints de souligner que les représentant de l'OSCE qui ont réussi à
8 entrer dans le village se sont livrés à une tentative de désinformation du
9 public en alléguant que les forces de sécurité macédoniennes, au cours de
10 ces affrontements, n'avaient pas tué cinq terroristes mais cinq citoyens de
11 Ljuboten."
12 Il continue en affirmant que le ministère de l'Intérieur avait condamné la
13 propagation de cette désinformation par l'OSCE comme étant la forme la plus
14 éhontée de calomnie concernant les forces de sécurité de la République de
15 Macédoine.
16 Les interviews qu'il a données à l'époque confirment son hostilité à toute
17 allégation d'une activité criminelle étant le fait de la police. Voir la
18 pièce P362, le 14 août 2001, et le compte rendu de l'interview de Boskoski
19 lorsqu'il dit :
20 "Les résidants du village de Ljuboten ont enterré ces cinq terroristes.
21 Tout ce qui reste à faire aujourd'hui est d'établir s'ils étaient
22 originaires de Ljuboten même ou si ces terroristes étaient venus
23 d'ailleurs. Et cela a certainement été fait dans le but de couvrir toute
24 trace des crimes qu'ils ont commis. Afin de découvrir la vérité, le
25 procureur devra recevoir l'autorisation de procéder à une exhumation
26 conformément à la procédure en vigueur s'il veut que la vérité soit
27 avérée."
28 Il est clair que Boskoski avait une notion tout à fait différente de la
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1 vérité, mais nous avançons que la vérité était qu'il cherchait à confirmer
2 qu'il n'y avait aucun crime commis par la police et qu'au contraire les
3 terroristes étaient venus de l'extérieur de Ljuboten.
4 Comme la Chambre de première instance l'a constaté, paragraphe 535, il y
5 avait plus de mesures qu'il aurait pu prendre afin de s'assurer que la
6 police avait bien accompli ses fonctions afin que le procureur et le juge
7 d'instruction se trouvent dans une position plus favorable pour déterminer
8 ce qui s'était réellement passé et décider si les charges d'accusation au
9 pénal pesant contre la police étaient justifiées ou non.
10 Ceci est cohérent avec la phase préalable à l'enquête au pénal en vertu de
11 l'article 142 du code de procédure pénale qui met à la charge du ministère
12 la prise des mesures nécessaires pour retrouver l'auteur de crimes, pour
13 recueillir les éléments de preuve, et signaler les éléments d'information
14 nécessaires pour, je cite, "une conduite efficace de l'enquête au pénal".
15 Et en effet, en admettant que les crimes commis par la police auraient dû
16 faire l'objet d'une enquête, la police a bien été capable d'enquêter sur
17 les crimes allégués des terroristes en envoyant notamment des rapports
18 détaillés pesant à leur charge et précisant les auteurs aussi bien que les
19 crimes. Ils ont effectué des analyses à la paraffine, les terroristes
20 allégués ont envoyé des rapports additionnels concernant les éléments
21 qu'ils ont découverts. Et en effet, le rapport supplémentaire concernant
22 Atulla Qaili, sur lequel la Chambre de première instance s'est appuyée pour
23 montrer que sa mort avait bien été signalée, ont été élaborés en rapport
24 avec l'enquête qui était diligentée contre eux [comme interprété], et non
25 pas contre les crimes commis par la police.
26 En tant que ministre de l'Intérieur, au fait de toute une série de
27 crimes commis le 12 août, et ce, au plus tard le 5 septembre 2001, ayant
28 reçu toute une série de rapports, y compris le rapport de la commission
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1 P378, aucun d'entre eux, d'ailleurs, ne mentionne des crimes commis par ses
2 subordonnés, il ne pouvait pas se décharger de son devoir de punir.
3 Notamment pour ce qui concerne les crimes commis au poste de police, aucun
4 rapport à ce sujet n'a jamais été fait.
5 Les rapports concernant Atulla Qaili n'a fait état que de sa mort et
6 non pas de la cause de la mort. Il n'a été fait aucune mention de mauvais
7 traitements au poste de police, ou avant. Aucune mention n'a été faite d'un
8 comportement criminel de la police par rapport à d'autres victimes
9 survenues dans les postes de police ou au poste de contrôle de Buzalak.
10 Cela concerne sept victimes à Buzalak, une au poste de Butel, sept au poste
11 de Prolece, cinq victimes au poste de Bit Pazar et deux au poste de Karpos.
12 Il avait le pouvoir d'apporter son concours à l'enquête et de donner
13 instruction à la police de coopérer. L'article 142 prévoyait la possibilité
14 d'enquête complémentaire opérée par la police, bien que les organes
15 judiciaires soient déjà impliqués. Il disposait de mesures disciplinaires.
16 Il aurait pu demander des informations quant à la façon dont l'enquête sur
17 ces crimes se déroulait afin de s'assurer que les crimes seraient punis
18 dans toute la mesure de ces possibilités.
19 En effet, la Chambre de première instance a constaté, paragraphe 157
20 du jugement, que :
21 "L'inaction de la police constituait une tentative scandaleuse et
22 grave de protéger les hommes impliqués et représente un échec grave pour ce
23 qui est de s'acquitter de leurs responsabilités à l'échelon du département
24 des Affaires étrangères de Cair."
25 Madame et Messieurs les Juges, je reconnais que la Chambre n'avait pas
26 constaté l'existence de raisons pour l'accusé de savoir que les choses ne
27 se déroulaient pas comme il aurait fallu. Mais c'est cela qui se
28 produisait, en fait, et la Chambre a constaté cela.
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1 Madame et Messieurs les Juges, le 14 août 2001, au paragraphe [comme
2 interprété] P362, la Chambre de première instance cite un extrait de
3 l'interview de Boskoski. En effet, le procureur adjoint Dragoljub Cakic a
4 déclaré, je cite :
5 "Notre objectif n'était pas d'élucider ce qui s'était passé à
6 Ljuboten. Notre objectif n'était que de procéder à une exhumation et
7 d'identifier les personnes inhumées dans le cimetière local du village de
8 Ljuboten."
9 Paragraphe 456 du jugement.
10 Le droit international humanitaire imposait une obligation à Boskoski afin
11 que ce dernier s'assure que les crimes de ses subordonnés seraient bien
12 punis. Il avait le pouvoir de s'assurer qu'une enquête était diligentée, et
13 il avait le pouvoir également de fournir des informations aux autorités
14 compétentes afin de s'assurer également qu'un rapport en bonne et due forme
15 avait été rédigé et transmis. Il avait le pouvoir d'exercer une supervision
16 et de prendre des mesures disciplinaires. Il aurait pu exercer une
17 meilleure supervision. C'est ce que dit le paragraphe 535 du jugement.
18 Malgré ces obligations, il n'a rien fait et il a été acquitté pour
19 n'avoir rien fait.
20 Madame et Messieurs les Juges, nous vous invitons à annuler cet
21 acquittement et à le remplacer par une condamnation en rapport avec les
22 crimes pour lesquels il a été mis en Accusation.
23 Cela conclut l'intervention de l'Accusation.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Juge Liu a une
25 question.
26 M. ROGERS : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Rogers,
28 notamment pour avoir répondu aux questions que nous vous avions posées à
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1 propos de l'article 7(3), qui est l'article de la responsabilité du
2 supérieur hiérarchique.
3 Dans la pratique dans certaines situations, lorsque nous parlons
4 d'une structure telle qu'un ministère, par exemple, le ministère de
5 l'Intérieur ou de la Justice, le ministre à proprement parler ne peut pas
6 véritablement participer personnellement à toute enquête ou à toute mission
7 d'enquête. Il peut déléguer ses pouvoirs en matière d'enquête à la police,
8 à ses subordonnés, pour que justement eux fassent cette enquête. Et en
9 l'espèce, la Défense pourrait indiquer que c'est une question dont il a
10 pris soin justement et qu'il a confié cela à ses subordonnés. Donc
11 j'aimerais vous poser une question, Monsieur : est-ce que vous pensez que
12 le chef d'un ministère, lorsqu'il délègue son pouvoir en matière d'enquête
13 à son subordonné, déplace également sa responsabilité de supérieur
14 hiérarchique vers son subordonné ?
15 Et j'aimerais vous poser une deuxième question qui est plus précise :
16 avez-vous des moyens de preuve à apporter pour démontrer que M. Boskoski
17 savait que la police ne s'était pas acquittée de sa tâche en matière
18 d'enquête sur la question ? Est-ce qu'il savait que les rapports n'étaient
19 pas exhaustifs ou n'étaient pas suffisamment détaillés à propos de ces
20 incidents ?
21 Merci.
22 M. ROGERS : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, il y a ici
23 toute une série de questions dans la même question. Alors je vais essayer
24 de la décomposer.
25 Pour ce qui est de la question de savoir s'il peut déléguer sa
26 responsabilité de supérieur hiérarchique à ses subordonnés, la réponse est
27 claire; non. Il ne peut pas déléguer sa responsabilité de supérieur
28 hiérarchique. Il conserve cette responsabilité. Elle lui est inhérente et
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1 personnelle. Et j'ai essayé, en entrant dans les détails, d'établir
2 l'origine historique de cette notion. Il ne peut pas simplement s'en
3 décharger en déléguant. Il doit s'assurer que ces tâches ont été accomplies
4 de façon efficace et satisfaisante. Et même s'il délègue la conduite de
5 l'enquête à quelqu'un d'autre, il subsiste pour lui l'obligation de
6 s'assurer que cette enquête a bien été menée de façon satisfaisante, et que
7 les informations nécessaires ont été transmises et que tout cela a été
8 suivi d'actes et d'effets, car c'est à lui qu'incombe la responsabilité de
9 prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables visant à punir et à
10 s'assurer qu'il y a bien eu punition.
11 Alors, Madame et Messieurs les Juges, bien entendu, pour ce qui concerne le
12 droit international humanitaire et ses violations, nous ne parlons pas ici
13 du vol d'un sachet de bonbons pour lequel, évidemment, on pourrait imaginer
14 qu'il pourrait ne pas assurer de suivi. Nous parlons ici de violations
15 graves du droit international humanitaire et de ce principe qui met en jeu
16 sa responsabilité pénale individuelle pour les crimes commis par ses
17 subordonnés. Ce n'est pas du tout la même chose que de parler de ces
18 obligations découlant du droit national, aux termes desquelles tout un
19 chacun a l'obligation de signaler des infractions auprès de la police
20 locale, par exemple.
21 Ici, il s'agit de deux notions qui, sous un certain angle, peuvent sembler
22 coïncider, mais qui sont distinctes en raison des fonctions particulières
23 qui étaient les siennes au sein du ministère de l'Intérieur.
24 Il conserve donc cette responsabilité pénale individuelle, qui est
25 tout à fait essentielle en vertu du droit international humanitaire, qui
26 assure l'application de cette responsabilité. C'est pourquoi il ne peut pas
27 faire l'objet d'une délégation.
28 Pour ce qui concerne les éléments de preuve montrant qu'il était au courant
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1 de l'échec de la police de s'acquitter de ses tâches, les rapports qu'il a
2 reçus pour lesquels, en tout cas, la Chambre de première instance a
3 constaté qu'ils les avait reçus, il s'agissait de quatre rapports sous la
4 cote 1D363, je ne me rappelle pas maintenant toutes les cotes, mais ces
5 quatre constituaient la base de la connaissance que la Chambre de première
6 instance avait, sur laquelle elle a basé sa constatation que Boskoski avait
7 signalé les incidents. Mais ces quatre rapports ne font aucune mention de
8 crimes commis par des subordonnés ni d'enquête portant sur ces crimes. Par
9 conséquent, il ne peut pas avoir eu connaissance du fait que des crimes
10 commis par ces subordonnés auraient fait l'objet d'une enquête. Il ne
11 pourrait pas non plus se considérer comme satisfait ni considérer que son
12 devoir avait été accompli.
13 Pour ce qui est de la réponse à la question de Madame et Messieurs les
14 Juges, ce sont les cotes 1D361, 364, 373 et 374.
15 Pour ces rapports qui sont aussi mentionnés dans le jugement, je peux
16 vous donner la référence. C'est le paragraphe 447. Il faudrait également
17 revenir au paragraphe 529 et 526, la note de bas de page 1976, et aussi la
18 pièce P402 qui est un ouvrage, ainsi que d'autres rapports que la Chambre
19 de première instance a considéré comme étant pertinents dans la période
20 concernée.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Juste une question de suivi.
22 M. ROGERS : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que vous avez dit qu'il
24 disposait d'informations suffisantes suivant lesquelles la police aurait pu
25 commettre des crimes.
26 M. ROGERS : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.
27 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que cela fait partie du
28 jugement en première instance. Et je me demande si cela inclut les
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1 incidents qui se sont produits dans les postes de police.
2 M. ROGERS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, cela inclut ces
3 incidents dans des postes de police, parce que ces incidents, nous y
4 trouvons une référence dans le rapport de "Human Rights Watch," qui a été
5 reconnu par la Chambre. Alors je ne sais pas ce qu'il en est, par contre,
6 de la question posée par l'OSCE, mais cela se trouve de toute façon dans le
7 rapport de "HRW."
8 Mais je vais vérifier tout cela et je vous indiquerai ce qu'il en est.
9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
10 M. ROGERS : [interprétation] Je vous remercie.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Rogers.
12 M. ROGERS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
15 Rogers.
16 M. ROGERS : [interprétation] Je vous remercie.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. METTRAUX : [interprétation] Je pense que le calendrier ou le programme
19 avait prévu une pause, mais je suis tout à fait disposé à commencer de
20 suite, si vous le souhaitez.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause d'une
22 demi-heure.
23 --- L'audience est suspendue à 15 heures 02.
24 --- L'audience est reprise à 15 heures 31.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Mettraux, nous vous écoutons.
26 M. METTRAUX : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je me présente, Maître Guenael
28 Mettraux, représentant les intérêts de M. Boskoski.
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1 Je vais commencer en revenant sur un certain nombre de questions
2 juridiques qui émanent de cet appel, notamment pour ce qui est de la
3 question qui a été posée par le Président M. Robinson la semaine dernière
4 aux parties. Donc il s'agit de déterminer ce que le droit est à ce sujet,
5 et non pas ce que l'appelant considère être comme le droit.
6 En réponse à votre question, nous répondrons de façon nuancée, mais
7 nous répondrons quand même par l'affirmative, car la façon dont, en matière
8 de droit international, un supérieur hiérarchique peut satisfaire à son
9 obligation de punir dépend des circonstances de l'affaire. Lorsqu'un
10 supérieur a le pouvoir et l'autorité d'imposer une punition, il peut
11 prendre ses mesures lui-même pour diligenter une enquête et pour punir, ou
12 il peut déléguer cette responsabilité à d'autres. C'est justement ce qui a
13 été considéré comme pertinent dans l'affaire Aleksovski, l'affaire qui a
14 été citée par l'Accusation cet après-midi.
15 Toutefois, lorsqu'il ne dispose ni de ce pouvoir ni de cette
16 autorité, le droit international coutumier dispose qu'il peut satisfaire à
17 cette obligation de punir en faisant en sorte de transmettre cette
18 questions aux autorités compétentes. Et je vais, en fait, citer un certain
19 nombre de sources que vous trouverez à l'intercalaire numéro 1 du classeur
20 que nous avons distribué. Et je dirais que le droit international considère
21 que ce type de mesure est à la fois légitime et suffisant pour satisfaire à
22 l'obligation d'un supérieur hiérarchique de punir chaque fois que le
23 supérieur ne dispose pas lui-même de cette autorité pour punir ou pour
24 sanctionner des subordonnés.
25 Et j'aurai pour preuve les paragraphes 440 et 442 [comme interprété]
26 de la confirmation récente relative à M. Bemba, pour la CPI
27 le Tribunal a dit :
28 "Le devoir à punir exige que le supérieur prenne des mesures
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1 nécessaires pour sanctionner la commission des crimes, et ce devoir peut se
2 faire de deux façons différentes. Soit le supérieur lui-même prend les
3 mesures nécessaires et raisonnables pour punir ses forces ou, s'il n'a pas
4 l'aptitude pour ce faire, il peut déléguer la question aux autorités
5 compétentes."
6 Et au paragraphe 442 [comme interprété], la CPI
7 que :
8 "Le devoir à déléguer cette question aux autorités compétentes est
9 une façon de remédier à une situation lorsque les commandants n'ont pas
10 l'aptitude de sanctionner leurs forces."
11 Je dirais qu'il est pertinent de remarquer qu'aux paragraphes 519 et
12 418 la Chambre de première instance a estimé que M. Boskoski n'avait pas de
13 pouvoir, personnellement, pour punir ses subordonnés des crimes qui leur
14 étaient reprochés. Et l'Accusation, d'ailleurs, n'a pas fait appel contre
15 cela.
16 Ce qui fait que M. Boskoski avait tout à fait le droit, conformément
17 au droit international, de satisfaire à son devoir de punir en se
18 comportant de cette façon et en signalant les problèmes aux autorités
19 compétentes, ce qui s'est passé en l'espèce.
20 En ce sens, le fait de renvoyer le problème à l'autorité compétente
21 peut constituer une mesure nécessaire et raisonnable pour ce qui est du
22 devoir d'un supérieur hiérarchique, tel que cela est indiqué au paragraphe
23 632 dans l'arrêt Blaskic, qui figure à l'intercalaire premier de votre jeu
24 de documents. Il a été bien établi, conformément au droit international
25 coutumier, que le supérieur hiérarchique ne doit pas prendre
26 personnellement des mesures pour prévenir ou pour punir et qu'il peut,
27 effectivement, déléguer cette responsabilité à d'autres.
28 Un exemple de cela figure dans l'arrêt Hadzihasanovic aux paragraphes
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1 146 à 154. Lorsque des rapports de crimes commis dans le magasin de meubles
2 Slavonija ont été signalés auprès du procureur du district de Bugojno, non
3 pas par M. Hadzihasanovic lui-même sur son orientation expresse, mais cela
4 a été fait par des subordonnés agissant pour s'acquitter de leur
5 obligation.
6 La Chambre d'appel a été convaincue qu'au vu de ces circonstances, M.
7 Hadzihasanovic pouvait être considéré comme ayant satisfait à son
8 obligation de punir.
9 Il est pertinent de remarquer ici que la Chambre d'appel a tiré cette
10 conclusion en dépit du fait que M. Hadzihasanovic n'avait pas vu le rapport
11 à proprement parler; et deuxièmement, en dépit du fait qu'il n'y a pas
12 d'élément de preuve indiquant qu'une enquête avait bel et bien été
13 diligentée par les autorités judiciaires; et troisièmement, qu'aucun des
14 auteurs de ces crimes n'ait jamais été puni.
15 Nous trouvons les mêmes conclusions qui ont été faites dans le procès
16 en première instance de M. Hadzihasanovic pour ce qui est des crimes commis
17 à Dusina.
18 Ces précisions judiciaires sont équivalentes également à la
19 proposition selon laquelle un supérieur ne doit pas forcément agir s'il est
20 satisfait et convaincu que la question a été renvoyée aux autorités
21 compétentes par les subordonnés ou si ces autorités ont indiqué de façon
22 très claire qu'elles se considèrent compétentes.
23 En fait, ce que le droit international coutumier criminalise n'est
24 pas un manquement à agir en soi, mais un manquement à agir lorsque l'on
25 sait que ce type de manquement constituera une négligence importante de ses
26 devoirs.
27 Et il est indiqué qu'un supérieur ne doit pas forcément participer
28 pour que soit considéré qu'il ait satisfait à son obligation de punir s'il
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1 sait que les autorités en question pourront poursuivre et mener à bien une
2 enquête, si elles sont compétentes et peuvent être saisies de cette
3 question. Dans l'affaire Ford contre Garcia, les instructions suivantes ont
4 été données au jury, et ce, conformément au droit international. Et je cite
5 :
6 "Un commandant peut être dégagé de son obligation à mener à bien une
7 enquête ou à punir les auteurs de crime si une autorité civile ou militaire
8 supérieure établit un mécanisme permettant d'identifier et de punir les
9 auteurs des crimes. Dans une telle situation, le commandant doit simplement
10 ne rien faire pour ne pas compromettre l'enquête ou l'entraver.
11 "Un commandant peut satisfaire à son obligation d'enquêter et de
12 punir des auteurs de crimes s'il délègue cette obligation à un subordonné
13 responsable. Un commandant a le droit de supposer que s'il confie sa tâche
14 à un subordonné responsable, cette tâche sera exécutée en bonne et due
15 forme. Par ailleurs, le devoir à enquêter et à punir ne sera pas considéré
16 comme satisfait si le commandant sait, ou devrait savoir raisonnablement,
17 que le subordonné ne va pas exécuter la mission de bonne foi ou si le
18 commandant entrave ou compromet l'enquête."
19 Je dirais que cela n'est pas considéré comme un précédent contraignant.
20 Mais il faut savoir que ce jugement a été considéré comme ayant
21 suffisamment de poids pour être pris en considération par le CICR, qui
22 s'appuie là-dessus pour ses études de droit coutumier comparé. Il est
23 également pertinent de remarquer que ces instructions ne se basent pas sur
24 une interprétation du droit américain, mais ont l'intention de présenter
25 une déclaration générale de principes généraux. Il n'est pas surprenant de
26 voir --
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps. M. le Juge Meron
28 a une question à poser.
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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez peut-être,
2 Maître, nous expliquer quelles sont les différences entre la responsabilité
3 d'un supérieur civil et la responsabilité d'un supérieur militaire.
4 M. METTRAUX : [interprétation] J'en venais justement à ce fait, Monsieur le
5 Président.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais ici M. Boskoski n'a pas l'autorité
7 pour punir. Qu'en est-il ?
8 M. METTRAUX : [interprétation] Je développerai cette question lorsque
9 j'arriverai à cette idée.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.
11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je m'excuse, mais je n'ai pas trouvé
12 l'affaire que vous mentionnez dans ce classeur que vous avez distribué.
13 Est-ce que vous pourriez peut-être nous indiquer où cela se trouve ?
14 M. METTRAUX : [interprétation] Oui. Cela devrait figurer à l'intercalaire
15 numéro 1 de votre classeur, page 28. Et je m'excuse si cela n'a pas été
16 suffisamment clair.
17 Et comme je vous l'ai indiqué, ces instructions dans l'affaire Ford contre
18 Garcia se fondaient sur une manifestation du droit international. Et il
19 n'est pas surprenant de constater que ces instructions, en fait, ont repris
20 deux des dossiers les plus importants de la pratique américaine en droit
21 international. La première étant le volume numéro 1, pages 308 à 309,
22 Pratiques des Etats-Unis en droit international, et vous avez également le
23 volume 95, page 2. Il faut savoir que cela est d'une logique imparable.
24 Etant donné que la répartition des pouvoirs et de la compétence au sein
25 d'un Etat donné, compte tenu d'une chaîne de commandement, perdrait tout
26 sens si cela n'était pas le cas.
27 Pensez, par exemple, au président des Etats-Unis qui, du point de vue
28 constitutionnel, est le commandant suprême des forces armées américaines.
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1 Si toutefois que l'on pense que des crimes ont été commis par les forces
2 américaines, l'autorité compétente en matière d'enquête doit être saisie de
3 la question, doit diligenter une enquête et, si cela est approprié, doit
4 engager des poursuites. Dans la quasi-totalité de ces cas, le président des
5 Etats-Unis ne participera absolument pas à la procédure en dépit du fait
6 qu'il est le supérieur de la personne qui a commis un crime, et il se peut
7 d'ailleurs qu'il ne soit jamais même informé de cette procédure.
8 En tant que supérieur de la personne qui a commis ces crimes, il a
9 tout à fait le droit de supposer, du point de vue du droit international,
10 que les organes compétents s'occupent de ces questions, à moins qu'il n'en
11 soit informé de façon contraire. La participation à une enquête pénale d'un
12 supérieur hiérarchique qui, parfois, essaie de protéger des subordonnés
13 peut déclencher une intervention non voulue et une interférence au sein
14 d'une affaire.
15 Cette déclaration judiciaire représente également un autre principe,
16 car un supérieur hiérarchique peut penser que les subordonnés s'acquittent
17 de leur tâche en toute légalité et que les auteurs seront reconnus. Et
18 c'est quelque chose qui est reconnu dans le droit international, à moins
19 qu'il y ait des éléments de preuve pour contester cela.
20 En fait, j'ai répondu à votre première réponse [comme interprété] par un
21 oui nuancé, parce que le droit international coutumier établit certaines
22 limites à propos de la façon dont un supérieur peut se reposer sur les
23 actes d'autres. C'est une limite qui est exposée dans l'affaire du
24 commandement supérieur. Lorsqu'on utilise à nouveau l'exemple du président
25 des Etats-Unis, le tribunal a dit ce qui suit, je cite :
26 "Le président a le droit de supposer que des détails qui ont été confiés à
27 des subordonnés responsables seront mis en vigueur de façon tout à fait
28 légale. Le président des Etats-Unis est le commandant suprême de ces forces
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1 militaires. Des actes criminels commis par ses forces ne peuvent pas lui
2 être reprochés sur la base de la théorie de la subordination. Il en va de
3 même pour d'autres commandants supérieurs de la chaîne de commandement. La
4 criminalité n'est pas attachée à chaque personne faisant partie de cette
5 chaîne de commandement. Il faut qu'il y ait une négligence personnelle qui
6 se soit produite. Cela ne peut se produire que si l'on peut tracer
7 directement l'acte jusqu'à cette personne ou si son manquement à superviser
8 en bonne et due forme ses subordonnés constitue une négligence criminelle
9 de sa part.
10 Il faut qu'il y ait une négligence personnelle qui soit équivalente
11 d'un manquement à agir et qui représente une acceptation de ce que ses
12 subordonnés ont fait."
13 Et je vous dirais qu'il y a deux situations au titre du droit coutumier qui
14 rappellent cet exemple. Vous avez, dans un premier temps, le scénario
15 Strugar avec une enquête qui n'est qu'une parodie. Deuxièmement, vous avez
16 l'affaire Ford contre Garcia, en vertu duquel le supérieur a des raisons de
17 savoir que le subordonné n'a pas exécuté la mission qui lui avait été
18 confiée en bonne foi ou si le commandant a entravé l'enquête en question.
19 Il est assez important de savoir à ce sujet - et peut-être que cela
20 répondra à la question posée par le M. le Juge Liu - qu'aucun de ces
21 scénarios n'a été prouvé et que la Chambre de première instance a constaté,
22 au paragraphe 536 du jugement, que, et je cite :
23 "Il n'a pas été prouvé que le manquement de la police à s'acquitter de
24 leurs fonctions a été attribué à ses ordres."
25 Il s'agit des ordres de M. Boskoski.
26 "Ou que cela était connu de M. Ljube Boskoski à l'époque pertinente
27 ou que cela aurait dû être prévu par lui."
28 Outre ces deux exceptions mentionnées ci-dessus, la responsabilité du
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1 supérieur hiérarchique ne dépend pas des preuves qui sont données suivant
2 lesquelles l'enquête a, en fait, été déclenchée. La Chambre d'appel dans
3 l'affaire Hadzihasanovic a noté à juste titre, au paragraphe 1 062, que
4 lorsqu'il a été prouvé qu'une enquête a été déclenchée, cela prouve que :
5 "L'accusé n'a pas manqué à son obligation de prendre les mesures
6 nécessaires et raisonnables pour punir les auteurs."
7 Donc sous réserve de ces deux exceptions mentionnées ci-dessus, il suffit
8 aux fins du droit international coutumier, dans un premier temps, que cela
9 soit signalé aux autorités compétentes; deuxièmement, que le supérieur soit
10 conscient de la situation, et qu'il n'a pas de raison de penser que ses
11 subordonnées ne vont pas exécuter leur mission en bonne foi.
12 Il est pertinent de savoir que dans ce contexte M. Boskoski a d'ailleurs
13 été remercié par le bureau du Procureur pour l'aide que lui-même et les
14 organes du ministère leur ont apporté à ce sujet, et qu'à aucun moment
15 pendant la période pertinente il n'a été suggéré que l'organe compétent du
16 ministère de l'Intérieur a manqué à son devoir. Bien au contraire, le
17 bureau du Procureur a exprimé sa satisfaction eu égard au travail accompli
18 par les organes macédoniens dans cette enquête.
19 Si plus d'une possibilité de punition était requise par le droit, la
20 responsabilité du supérieur dépendrait également des actes des personnes
21 sur lesquels le supérieur n'a absolument aucun contrôle, ce qui fait qu'il
22 ne peut pas faire progresser l'enquête et ne peut pas augmenter les
23 possibilités de punition. En l'espèce, au paragraphe 536, la Chambre de
24 première instance a conclu que M. Boskoski ne disposait pas de l'autorité
25 sur les autorités judiciaires compétentes, ce qui fait qu'il n'avait aucun
26 moyen d'influer sur leurs choix et leur décision dans le cadre de cette
27 enquête.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Mettraux, je vois la
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1 différence fondamentale entre votre point de vue et le point de vue de
2 l'Accusation. Voilà comment j'entrevois cette différence: l'Accusation,
3 d'après ce que je comprends, dit que s'il y a délégation de la part du
4 commandant, le commandant a toutefois la responsabilité de procéder à des
5 vérifications ultérieures pour garantir qu'une punition en bonne et due
6 forme a été exécutée et imposée.
7 Et vous réfutez cet argument.
8 M. METTRAUX : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Non seulement
9 nous réfutons cet argument, mais nous déterminons que ce que l'Accusation a
10 dit est erroné et n'est absolument pas corroboré ni par les faits ni par le
11 droit. Et nous allons utiliser la jurisprudence de cette Chambre, notamment
12 dans l'affaire Hadzihasanovic et dans l'affaire Blaskic. Car contrairement
13 à ce qu'a affirmé l'Accusation, cela n'est pas une exigence préconisée par
14 le droit international coutumier ou par la jurisprudence de ce Tribunal, et
15 j'arriverai à cet argument dans un petit moment.
16 Donc pour en revenir à M. Boskoski et à ses liens avec l'enquête menée à
17 bien sur les événements en Macédoine à l'époque, il faut remarquer que M.
18 Boskoski n'avait pas le droit et n'avait pas accès non plus au dossier
19 judiciaire qui contenait le résultat de l'enquête judiciaire.
20 En ce sens, le ministère de l'Intérieur n'a pas reçu et n'avait d'ailleurs
21 pas le droit de recevoir les résultats des autopsies qui ont été effectuées
22 à Ljuboten; il n'a pas non plus reçu le rapport balistique; il n'a pas non
23 plus reçu le rapport relatif aux échantillons d'ADN des victimes, ce qui
24 fait que M. Boskoski n'aurait pas été à même de déterminer si les
25 possibilités de punitions devaient être importantes ou non, ou n'avait pas
26 la possibilité de savoir si l'enquête aboutirait à la punition de ses
27 subordonnés ou s'il existait une réelle probabilité qu'il soit puni.
28 Dans un tel cas, il aurait été erroné et injuste d'ailleurs de s'attendre
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1 de la part du supérieur de faire davantage que ce qui lui était demandé, et
2 il faut savoir que cela n'est pas repris par le droit international
3 coutumier. Donc il n'est pas surprenant de savoir qu'au cours de 15 années
4 aucune Chambre de première instance de ce Tribunal et aucun procureur de ce
5 Tribunal n'ont avancé cet argument, et certainement pas dans l'affaire
6 Boskoski, ce qui, à notre avis, est très représentatif de ce qu'indique le
7 droit.
8 Et il y a un autre danger qui est le résultat de l'utilisation de ce type
9 de critère. Il s'agit de la tentation de la rétrospective. Car la Chambre
10 de première instance a déterminé, à raison, qu'il ne pouvait pas remettre
11 en doute à l'époque que cette question n'avait pas été bien traitée par
12 l'organe judiciaire.
13 Un critère plus élevé de certitude aurait pu créer le type de
14 transfert de compétences depuis les organes judiciaire vers le supérieur -
15 le CICR d'ailleurs nous met en garde contre ceci dans son paragraphe 3 562
16 - car il est indiqué que cela ne peut pas résulter de la doctrine de
17 responsabilité du supérieur hiérarchique. Au contraire, une fois que la
18 question a été confiée aux organes compétents, il leur appartient de mener
19 à bien l'enquête et de décider jusqu'où ils peuvent aller. Et lorsque le
20 supérieur hiérarchique n'a pas le pouvoir personnel pour punir - ce qui est
21 le cas en l'espèce - le supérieur hiérarchique respecte ou satisfait à son
22 obligation de punir s'il confie cela aux autorités compétentes.
23 Et nous pouvons, en fait, établir ces différents faits en utilisant
24 la jurisprudence adoptée par cette Chambre.
25 Dans l'affaire Hadzihasanovic, la Chambre d'appel a été d'avis que le
26 simple fait de signaler un incident à une autorité chargée d'enquêtes - et
27 c'était un subordonné de M. Hadzihasanovic qui le faisait - suffisait à
28 satisfaire à son obligation de punir sans prendre en considération le fait
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1 de savoir si une enquête avait bien été diligentée par les organes
2 compétents; et sans pour autant prendre en considération la possibilité que
3 M. Hadzihasanovic aurait pu faire des efforts pour trouver les coupables,
4 et en dépit du fait qu'il n'y a pas d'élément de preuve indiquant qu'une
5 enquête avait bel et bien été diligentée par les organes compétents. Je
6 fais référence au paragraphe 147.
7 Dans l'affaire Blaskic, la Chambre d'appel, aux paragraphes 418 à
8 420, estime que l'on peut considérer que le supérieur hiérarchique
9 satisfait à son obligation de punir lorsqu'un rapport est présenté aux
10 autorités compétentes à propos d'un incident particulier. Mais si le
11 supérieur n'a pas reçu d'autres informations, il n'a absolument pas la
12 possibilité d'établir si la punition a bel et bien été exécutée.
13 Il en va de même dans l'arrêt dans l'affaire Blaskic, paragraphes
14 504, 507 et 507.
15 Il faut également savoir se pencher sur les conclusions contre
16 lesquelles aucun appel n'a été interjeté dans l'affaire en première
17 instance dans l'affaire Hadzihasanovic où il est indiqué de façon très
18 claire que l'on peut indiquer qu'Hadzihasanovic s'est acquitté de son
19 obligation de punir les crimes à Dusina, alors que des subordonnés ont
20 signalé l'affaire aux autorités judiciaires compétentes, bien qu'il n'y ait
21 aucune indication que Hadzihasanovic ait su quoi que ce soit à propos de
22 l'enquête diligentée.
23 Il est également important de remarquer qu'en dépit du fait que le
24 ministère de l'Intérieur avait notifié les autorités judiciaires
25 compétentes, M. Boskoski a continué à prendre des mesures actives pendant
26 toute la période pertinente afin d'assurer que les organes du ministère de
27 l'Intérieur aident les organes judiciaires dans le cadre de cette enquête;
28 et c'est ce qui est exigé de lui en droit international ainsi qu'en droit
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1 interne. J'arriverai à cette question dans un petit moment. Cela fait
2 l'objet de l'intercalaire 13.
3 Mais il faut savoir que lorsque le bureau du Procureur avait annoncé
4 qu'ils allaient faire droit de primauté sur l'affaire Ljuboten, et lorsque
5 cela a été renvoyé à ce Tribunal, l'enquête judiciaire en Macédoine était
6 en cours et l'Accusation avait suggéré que l'une des raisons qui militaient
7 en faveur du renvoi de cette affaire était le risque qu'il puisse y avoir
8 collision entre les enquête en Macédoine et les enquêtes menées à bien par
9 le bureau du Procureur, et que cela aurait peut-être une incidence négative
10 pour ce qui était de trouver les coupables.
11 Et pour placer cela dans le juste contexte, il faut savoir qu'en
12 dépit de toute la bonne volonté, ce Procureur n'a pas donné davantage de
13 possibilités permettant de punir les auteurs des crimes à Ljuboten.
14 J'en viens maintenant au premier moyen d'appel, Monsieur le
15 Président. Alors au vu du temps qui m'a été imparti, je vous demanderais de
16 bien vouloir prendre l'intercalaire 3 de votre classeur, où vous trouverez
17 le texte des paragraphes 406, 415, 416, 417, 536 ainsi que les sous-titres
18 de la page 178 du jugement. Les sections qui ont été surlignées dans ces
19 paragraphes sont autant de références explicites aux critères juridiques
20 pertinents pour les raisons nécessaires et raisonnables qui, d'après
21 l'Accusation, n'ont pas été prises. Mais ce qui est important, c'est que
22 dans le paragraphe 536 du jugement, il y a un de ces paragraphes qui n'a
23 absolument pas tenu compte de ce qui a été dit, et je cite :
24 "Il n'a pas été démontré qu'il…" -il s'agit de M. Boskoski-- "…n'a
25 pas pris les mesures nécessaires et raisonnables."
26 Voilà le critère juridique qui, d'après l'appelant, aurait dû être
27 utilisé par la Chambre, ce qu'elle n'a pas fait. Et comment est-ce que
28 l'Accusation explique la présence de ces constatations qui, de façon très
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1 simple et c'est inévitable, de façon incontournable, contredit ce qu'ils
2 avancent ?
3 Dans son mémoire en appel, l'Accusation ne mentionne absolument pas
4 ces conclusions, elle ne mentionne absolument pas non plus les autres
5 paragraphes pertinents. Donc, Monsieur le Président, il s'agit d'un
6 appelant qui s'attache aux constatations qui lui plaisent.
7 Au paragraphe 18 de son mémoire, et après que l'appelant ait
8 absolument ignoré de façon tout à fait aveugle ce qui avait été indiqué
9 dans le mémoire de l'intimé, l'appelant refuse tout simplement de se
10 pencher sur ces constatations et indique au paragraphe 536, et je cite :
11 "Il confirme tout simplement le fait que la Chambre a utilisé le
12 mauvais critère juridique."
13 Il faut savoir, Monsieur le Président, que le jugement peut contenir de
14 nombreuses indications claires et incontournables, tel que cela est
15 identifié dans notre mémoire ainsi qu'à l'intercalaire 3, suivant
16 lesquelles la Chambre de première instance a identifié et a utilisé le
17 juste critère juridique pour adopter le point de vue que M. Boskoski avait,
18 en fait, adopté des mesures nécessaires et raisonnables au vu des
19 circonstances.
20 Par conséquent, nous concluons que le premier moyen d'appel présenté
21 par l'Accusation n'est absolument pas fondé et doit être rejeté, de ce
22 fait.
23 Prenons maintenant le deuxième moyen subsidiaire. La Défense a expliqué
24 dans son mémoire pourquoi l'Accusation n'a pas le droit de soulever à
25 l'appel un sujet qui n'a pas été évoqué en première instance - nous avons
26 les pages 65 et 66 - et l'Accusation l'a bien concédé.
27 Il n'est pas inutile de rappeler que l'Accusation n'a pas posé une
28 seule question à un seul témoin à propos des documents 1D6 et P467, qui
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1 font l'objet pourtant de l'appel. L'Accusation n'a pas, une seule fois,
2 fait référence à l'un ou l'autre de ces documents dans son mémoire en
3 clôture ni dans ses réquisitions, et ceci, en dépit de l'interrogatoire et
4 du contre-interrogatoire par la Défense de ce document et des quelque 40
5 références que l'on trouve dans son mémoire en clôture.
6 Dans son mémoire en appel, l'Accusation n'essaie pas du tout d'expliquer
7 pourquoi, au moment du procès, elle n'a même pas essayé de reconnaître
8 l'existence ni la pertinence de ces documents dans son mémoire en réplique.
9 Une fois ce manquement mis à nu, l'appelant vous dit que l'article
10 90(H)(ii) exige seulement de l'Accusation qu'elle présente l'essentiel même
11 d'une déposition d'éléments de preuve contraires au témoin, et ceci, c'est
12 dit aux pages 9 249 jusqu'à
13 9 256 du compte rendu d'audience.
14 En ce qui concerne ces pages mentionnées par l'appelant, la Chambre
15 d'appel n'aura aucun mal à vérifier le fait que ni les documents ni leur
16 contenu ne sont - ne serait-ce que mentionnés par l'Accusation dans ces
17 pages-là du compte rendu d'audience - ni non plus qu'on y trouvera une
18 indication de la part du Procureur qu'on aurait fait comprendre au témoin
19 que le fait que le ministère de l'Intérieur n'avait pas bien signalé la
20 chose à l'appareil judiciaire ou que M. Boskoski aurait manqué à son
21 obligation de punir.
22 De plus, l'article 90(H)(ii) n'est pas pertinent ici, non pas parce
23 que l'Accusation a oublié de le faire à l'égard de ses propres témoins et
24 aussi pas parce qu'elle ne l'a pas fait dans le contre-interrogatoire, mais
25 si on prend l'arrêt Blaskic, paragraphe 222, on voit qu'une partie a
26 l'obligation de soulever devant la Chambre de première instance "toute
27 question qui doit être tranchée."
28 Vu l'utilisation prolongée de ces deux documents par la Défense à
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1 propos de la troisième branche de la responsabilité du supérieur
2 hiérarchique, l'appelant ne peut pas maintenant feindre la surprise à voir
3 la Chambre s'appuyer sur ces documents sur ce problème.
4 De plus, lorsqu'on a admis P46, c'est un dossier judiciaire contenant
5 notamment le document P4616, la Chambre a tenu compte de ce qu'avait dit
6 l'Accusation, à savoir qu'on disait de ce dossier qu'il concernait le
7 manquement présumé de Boskoski à l'obligation d'enquêter et de punir ses
8 subordonnés, et l'a admis à ce titre. Rappelez-vous la décision de la
9 Chambre du 14 mai 2007, paragraphe 22.
10 Par conséquent, aucune indication n'avait été fournie que le Procureur
11 aurait mal compris, aurait pu ignorer le fait que ce document devait être
12 considéré comme étant un document important pour sa cause.
13 La pièce 1D6 a été versée et admise le 15 mai 2007 par le biais du
14 Témoin M-037. Rappelez-vous, Madame et Messieurs les Juges, les pages 848 à
15 857 du compte rendu d'audience. Ce document a été présenté, on en a demandé
16 le versement dans le dossier, car il montrait le système de communications
17 et d'informations entre le ministère de l'Intérieur et les organes
18 judiciaires, ce qui était important pour établir la contribution du
19 ministère de l'Intérieur au fait de déclencher et de soutenir une enquête
20 judiciaire sur les événements de Ljuboten. L'Accusation n'a fait aucune
21 objection à l'admission, ni à la pertinence de ce document eu égard aux
22 charges retenues.
23 Ceci étant, aucun conseil diligent n'aurait pu manquer à l'obligation
24 de faire valoir son point de vue sur la pertinence et le poids de ces
25 documents, et on peut considérer que vu son silence il abandonne ses droits
26 à soulever cette question seulement à l'appel.
27 C'est la raison pour laquelle il faudrait rejeter sans examen ce
28 deuxième moyen d'appel.
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1 Mais si la Chambre veut s'intéresser à ce deuxième moyen, je vous
2 appelle le paragraphe 142 de l'arrêt Hadzihasanovic. Vous l'avez dit
3 clairement, le critère à appliquer pour le troisième élément de la
4 responsabilité du supérieur hiérarchique, c'est de savoir si un juge
5 raisonnable conclurait que là où les mesures adoptées par un supérieur
6 hiérarchique dans certaines circonstances peuvent être considérées comme
7 nécessaires et raisonnables, en ces circonstances-là.
8 Ce droit reflète et intègre le fait qu'en vertu de la doctrine du
9 supérieur hiérarchique, celui-ci bénéficie, et je cite :
10 "D'une latitude considérable quant aux modalités qu'il emploie pour
11 remplir ses devoirs."
12 Ici, je cite les rapports du droit du jugement des criminels de
13 guerre de la Deuxième Guerre mondiale, volume 12, page 83 et 110. Ceci veut
14 dire qu'au titre du droit international, un supérieur hiérarchique n'a pas
15 le droit de voir sa responsabilité pénale encourue s'il a choisi tel ou tel
16 cap ou pour avoir choisi tel ou tel jeu de mesures, les préférant à
17 d'autres, à moins que ce choix n'équivaille à un manquement grave au titre
18 du droit coutumier international équivalant à une acquiescence avec les
19 crimes commis.
20 La même logique s'applique, et le Tribunal du haut commandement a dit
21 qu'il n'était pas possible de voir s'engager la responsabilité d'un
22 supérieur, parce qu'il aurait préféré ou privilégié les mesures
23 disciplinaires à des sanctions pénales, ou l'inverse, s'il estimait que ces
24 mesures étaient adéquates, vu les circonstances.
25 Page 524 du jugement, voici ce que dit le tribunal américain :
26 "Le devoir imposé à un chef militaire est la protection de la
27 population civile. Que cette protection soit garantie par la poursuite de
28 soldats accusés d'infraction à l'encontre de la population civile ou par
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1 des mesures disciplinaires ou autrement importe peu dans l'optique
2 internationale, ou est indifférent."
3 C'est la raison, notamment, pourquoi dans l'affaire Blaskic, après
4 avoir constaté que les événements à l'origine d'Amici qui étaient
5 pertinents aux chefs d'accusation avaient été signalés aux autorités
6 judiciaires compétentes, la Chambre d'appel n'a pas mené d'autre enquête ni
7 n'a cherché à établir la question de savoir si l'accusé aurait pu adopter
8 des mesures disciplinaires ou mener d'autres enquêtes. La Chambre d'appel
9 n'a pas non plus pensé que sa responsabilité en raison de ce manquement
10 était engagée.
11 L'arrêt Hadzihasanovic dit que la question de savoir si un supérieur
12 a rempli son obligation n'est pas résolue par la question de savoir si
13 c'était des mesures pénales ou disciplinaires, ou les deux, mais plutôt de
14 savoir si les mesures adoptées étaient appropriées au vu des circonstances.
15 Cette démarche adoptée par la Chambre de première instance Boskoski
16 correspond bien à ce que dit l'article 87(3) du Protocole additionnel I. Si
17 cette démarche qu'adopte l'appelant était acceptée en tant que droit, à ce
18 moment-là, on abolirait non seulement la discrétion du supérieur
19 hiérarchique, mais ce serait aussi pour la déférence que reconnaît la
20 Chambre de première instance lorsqu'elle détermine si, vu les circonstances
21 d'une affaire, les mesures adoptées furent nécessaires et raisonnables.
22 Dans quelques instants, je vais vous montrer pourquoi et comment la
23 Chambre de première instance est restée dans le cadre d'appréciation qui
24 est le sien lorsqu'elle a estimé que M. Boskoski avait rempli son devoir de
25 punir, vu les circonstances. Et je le ferai en posant et en répondant à
26 trois questions.
27 Première question : dans quelles circonstances le droit international
28 estime-t-il que le fait de signaler une affaire aux autorités compétentes
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1 suffit pour que l'officier supérieur remplisse son devoir de punir ?
2 Nous l'avons vu, le droit international dit qu'il le fait en
3 signalant les crimes aux autorités compétentes chaque fois qu'il n'a pas
4 lui-même le pouvoir de le faire, le pouvoir de punir ou de sanctionner.
5 Je reviendrai à cette question lorsque je parlerai de Hadzihasanovic
6 et Blaskic.
7 Ici, dans notre affaire, l'Accusation n'a jamais affirmé et la
8 Chambre, à juste titre, indique qu'au titre du droit yougoslave, M.
9 Boskoski n'avait ni pouvoir ni autorité de sanction au regard des crimes de
10 meurtres, traitements cruels et destruction sans motif à la base des chefs
11 retenus ici. Par conséquent, la Chambre ne s'est pas trompée, et vu la
12 marge d'appréciation qui était la sienne, a eu raison de penser que M.
13 Boskoski pouvait se contenter de signaler l'affaire aux autorités
14 compétentes, et il avait été affirmé que ça s'était passé. Donc pas
15 question de le condamner pour cela.
16 Deuxième question. Quel est l'effet que peut avoir, en droit, le fait de
17 signaler aux autorités compétentes une affaire ? Quel est l'effet sur
18 l'obligation de punir du supérieur hiérarchique ?
19 Je l'ai déjà dit, tout ce que dit le droit international est clair et
20 sans réserve. Lorsqu'un supérieur n'est pas en mesure d'imposer lui-même
21 une punition, et dès lors qu'un supérieur ou ses subordonnés ont signalé la
22 chose aux autorités compétentes, l'obligation de punir incombant au
23 supérieur hiérarchique est déplacée. Son obligation n'a plus lieu d'être.
24 Et quand on voit ce que disent les Juges Meron et Kwon dans leur opinion,
25 paragraphe 3, dans l'affaire Strugar, où les Juges n'avaient pas de
26 dissension sur un point de droit et lorsqu'ils avaient rejeté ce qu'avait
27 avancé l'Accusation, à savoir qu'un supérieur conservait son obligation
28 d'enquête même si une autre personne avait été chargée de mener cette
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1 enquête.
2 Je rappelle tout particulièrement la note de bas de page de ce paragraphe.
3 Cette déclaration de principe est tout à fait saine et peut se retrouver
4 dans les arrêts Hadzihasanovic et Blaskic. Rappelez-vous, dans ces deux
5 affaires, les subordonnés des accusés avaient envoyé des rapports aux
6 autorités d'instruction compétentes. Dans ces deux affaires, la Chambre
7 d'appel a estimé que les accusés avaient assez rempli leur obligation de
8 punir au regard des crimes commis dans le contexte des incidents qui
9 avaient été signalés. Et la Chambre n'a pas cherché à s'enquérir davantage
10 de ce qu'il en était dans le dossier pour voir si le supérieur aurait pu
11 prendre des mesures supplémentaires.
12 Les conclusions de la Chambre d'appel sur les faits de signaler, dans
13 ces deux affaires, étaient des conclusions absolues, globales et sans
14 réserve.
15 C'est la raison pour laquelle aussi, comme je le dirai dans un
16 instant, la Chambre d'appel n'a jamais laissé entendre qu'une fois la chose
17 signalée, comme dans l'affaire Blaskic, la Chambre aurait dû se demander et
18 se convaincre que l'accusé aurait pu prendre d'autres mesures, des mesures
19 disciplinaires ou d'autres mesures d'instruction, ce que demande maintenant
20 ici dans ce procès l'appelant. La Chambre avait parfaitement raison et est
21 restée dans les confins de son pouvoir discrétionnaire parce qu'elle s'est
22 dit, puisqu'il y avait eu signalisation de la question aux autorités
23 compétentes, en l'absence d'autres idées ou de suggestions disant que M.
24 Boskoski aurait commis une erreur, on peut estimer qu'il avait rempli son
25 devoir de punir.
26 Troisième et dernière question. En droit, quelles sont les conditions
27 requises pour que le fait de signaler déplace l'obligation de punir du
28 commandant à quelqu'un d'autre pour remplir son obligation de punir ?
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1 Aux dires de l'Accusation, M. Boskoski était censé rapporter :
2 "L'allégation d'un comportement criminel par ses subordonnés," il est
3 dit à plusieurs endroits, "et aurait dû appliquer d'autres conditions
4 formelles."
5 Mais il n'y a rien dans le droit ni dans l'administration de la
6 preuve qui appuie cela. En fait, il y a des précédents de votre
7 jurisprudence qui le contredisent.
8 Le droit coutumier international n'impose aucune condition formelle
9 ou de fond à cet effet. Je le répète, toutes les déclarations juridiques
10 que vous trouverez, pour certaines d'entres elles, à l'onglet 1, ce sont
11 des déclarations qui sont sans réserve en matière de droit. Et ce qui est
12 peut-être encore plus intéressant ici, ce sont les constatations de la
13 Chambre de première instance dans l'application de ces critères et le
14 principe qu'on peut en déduire.
15 Prenez, par exemple, le paragraphe 418 de l'arrêt Blaskic. Rappelez-vous,
16 la Chambre d'appel a dit que Blaskic avait requis une enquête après les
17 événements d'Amici et que c'était aussitôt le SIS de Mostar qui s'en était
18 chargé. L'instruction donnée par Blaskic à son responsable de la sécurité
19 était, je cite :
20 "C'est qu'il fallait mener une enquête suite à l'incident afin qu'un
21 rapport puisse être envoyé à Mostar."
22 La Chambre d'appel a considéré que c'était suffisant pour que son
23 obligation de punir soit déplacée s'agissant de tous les crimes commis à
24 Amici, et ceci, en dépit du fait que la Chambre d'appel savait que
25 l'enquête avait fait l'objet d'obstacles qui avaient été posés sur sa voie
26 et n'avait pas été bien menée, pas avec compétence.
27 Aucune référence n'a été faite non plus pour dire qu'on aurait dû
28 indiquer des subordonnés comme étant des suspects potentiels, pas plus
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1 qu'on aurait dû énumérer les crimes supposés commis.
2 Aux paragraphes 420 et 422, l'arrêt Blaskic disait que Blaskic avait rempli
3 ses obligations en vertu de l'article 7(3) et devrait être acquitté de ses
4 crimes. Même conclusion aux paragraphes 504, 507 et 511 de l'arrêt
5 Blaskic.
6 Cette même conclusion, vous la tireriez si vous voyiez l'arrêt
7 Hadzihasanovic. En son paragraphe 146, la Chambre d'appel a conclu qu'un
8 subordonné de M. Hadzihasanovic avait déposé un rapport devant le procureur
9 municipal de Bugojno à propos d'un incident survenu le 5 août 1993. Ce
10 rapport ne présentait aucune référence à tous les crimes dont on
11 soupçonnait qu'ils s'étaient produits pendant une période qui a entraîné la
12 culpabilité de M. Hadzihasanovic, mais la Chambre n'a pas estimé qu'il
13 était coupable, parce que ce rapport était incomplet, il n'énumérait pas
14 tous les crimes. Le fait qu'il n'y a pas eu de preuve montrant qu'une
15 enquête avait vraiment été ouverte par le procureur local n'a pas été tenu
16 en compte non plus, pas plus que le fait que ce rapport ne donnait pas le
17 nom des subordonnés en tant que suspects potentiels.
18 Ce qui était important pour déclarer M. Hadzihasanovic coupable en
19 application du 7(3), c'est le fait que l'incident au cours duquel les
20 crimes étaient censés avoir été commis a été renvoyé aux autorités
21 compétentes de telle sorte que le rapport semait un doute raisonnable sur
22 la question de savoir si ses subordonnés avaient ouvert une enquête sur la
23 totalité des crimes commis à cet endroit. Et contrairement à ce qu'essaie
24 de faire entendre l'appelant, la Chambre d'appel a conclu, expressis
25 verbis, que l'absence d'une référence à certains de ces crimes supposés
26 être commis là n'enlevait pas le doute raisonnable faisant croire que le
27 rapport avait eu comme effet de rapporter ce que la Chambre d'appel a
28 qualifié de dossier complet au procureur de Bugojno.
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1 Une fois que la chose avait été signalée en droit international, M.
2 Boskoski avait rempli son devoir.
3 Dans le droit national de Macédoine, cette obligation d'enquêter et
4 de mener l'enquête appartient à l'appareil judiciaire. Vous le verrez, les
5 autorités ont été saisies de la totalité des allégations qui constituent
6 maintenant la base des chefs retenus dans l'acte d'accusation. Une fois le
7 rapport envoyé aux autorités compétentes, M. Boskoski n'avait rien d'autre
8 à faire en vertu du droit coutumier international, seulement s'il avait
9 appris qu'il y avait des obstacles posés à l'enquête par ses subordonnés,
10 ce qui n'a jamais été le cas.
11 Par conséquent, la Chambre a consisté qu'il se comportait
12 conformément à ses obligations et la Chambre a eu raison d'appliquer son
13 pouvoir discrétionnaire.
14 Mais si vous dites, dit l'appelant, si vous n'êtes pas satisfait des
15 conclusions de la Chambre, vous devez condamner Boskoski, renversant ainsi
16 l'acquittement. L'appelant affirme cela sans dire un seul mot dans son
17 mémoire sur la façon dont vous, les Juges, pourriez parvenir à une telle
18 conclusion, sans dire un seul mot sur le dossier qui pourrait se trouver à
19 être un obstacle entre un renversement de cette décision et le recours
20 demandé par l'appelant. Ici, c'est simplement vous demandez de croire
21 l'accusation qui est faite sans examiner le dossier.
22 Mais nous voudrions que vous vous basiez sur les éléments de preuve
23 que nous signalons dans notre mémoire et qui sont décrits de façon
24 détaillée à l'onglet 30 [comme interprété].
25 Par exemple, dans le mémoire en appel, on ne dit pas que le 13 août
26 2001, un jour après les événements, et à sa demande, M. Boskoski a
27 rencontré le chef de la délégation de l'OSCE pour discuter des événements
28 de Ljuboten. Que ce jour-là, aussitôt après la réunion, il a annoncé
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1 publiquement qu'il fallait faire la vérité sur ce qui s'était passé et il a
2 aussitôt créé une commission d'enquête et il a désigné les trois
3 représentants officiels les plus haut placés du ministère à la tête de
4 cette commission, montrant qu'il était prêt, qu'il était décidé et résolu à
5 examiner la question et faire passer un message très clair à tous les
6 organes du ministère qu'ils devaient aider l'organe judiciaire pour trouver
7 une solution à ce problème et élucider ce problème.
8 Dans sa réplique, le Procureur dit que la Chambre ne pouvait pas tenir
9 compte de cette mesure car c'était, dit-il, un mandat très étroit et
10 inexact, parce qu'en fait, on disait que le ministère de l'Intérieur avait
11 répondu à une attaque terroriste. Mais ceci a été pris en compte par la
12 Chambre de première instance qui a, malgré tout, conclu - au paragraphe 528
13 - que la création de cette commission indique, et je cite :
14 "…une action qui pouvait être considérée comme relevant de l'obligation
15 qu'il remplit ainsi en application de l'article 7(3)."
16 Et le mandat, avec le recul on le constate, était en partie inexact, mais
17 la Chambre ne dit nulle part qu'il le savait, M. Boskoski, et que les
18 éléments de preuve sont clairs. Il faisait ce à quoi il avait droit au vu
19 des informations qu'il avait à l'époque.
20 De plus, il a ordonné l'examen des rapports qu'il avait reçus et il a
21 cherché à vérifier s'ils étaient exacts. L'Accusation veut aussi ne pas
22 tenir compte de l'appel qu'il lance au public ce jour-là, le 13, lorsqu'il
23 dit qu'il faut une enquête complète sur la question, et il essaie vraiment
24 de faire valoir sa force politique pour que cette enquête soit menée à
25 bien.
26 L'Accusation dit : N'en tenez pas compte, parce que M. Boskoski
27 pensait que les victimes étaient des terroristes, et pas des civils. Mais
28 il est clair, à la lecture de la pièce 1D203, de concert avec la pièce 1D24
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1 notamment, que ce que pensait M. Boskoski sur ce point, c'était quelque
2 chose qu'il pensait de bonne foi vu les informations reçues, tant de l'OSCE
3 que de son ministère, et qui correspondaient bien à l'avis qu'il avait
4 exprimé.
5 Je vous l'ai dit, un supérieur a le droit de faire confiance aux
6 informations qu'il reçoit de sa voie hiérarchique et de les appliquer, à
7 moins qu'il ait des raisons de ne pas les croire, ce qui n'est pas le cas
8 ici.
9 L'Accusation essaie de jeter le doute sur la déclaration publique de M.
10 Boskoski, mais la pièce P302 [comme interprété] le dit clairement, je le
11 cite :
12 "Pour découvrir la vérité, l'Accusation aura besoin de l'autorisation
13 de faire une exhumation dans le respect de la procédure légale si nous
14 voulons que se confirme la vérité."
15 Ce n'était pas des paroles creuses, car en son nom, une recommandation
16 écrite a été envoyée aux autorités judiciaires compétentes pour qu'il y ait
17 exhumation et autopsie, ce qui s'est fait. Et quand on voit le rapport
18 Mitevski, pièce 378, cette mesure avait pour vocation de permettre une
19 étude exhaustive et complète :
20 "…afin de prendre toutes les mesures légales nécessaires permettant
21 de confirmer tous les faits pertinents et d'avoir une réponse sur les
22 événements."
23 La Chambre a estimé que la commission n'avait pas bien fait son travail,
24 mais la Chambre remarque - au paragraphe 436 - que dans son rapport la
25 commission a bien dit qu'il fallait exhumer les personnes enterrées, que
26 c'était une façon de confirmer les faits pertinents, et a reconnu que les
27 questions restées ouvertes n'avaient toujours pas trouvé de réponses.
28 M. Boskoski a continué de prendre des mesures pour donner plus
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1 d'importance à cette question de l'enquête de Ljuboten pendant toute la
2 période des faits pour faire comprendre à tous ceux qui étaient partie
3 prenante qu'ils devaient élucider l'affaire. Ainsi, le 20 août et le 4
4 septembre 2001 respectivement, M. Boskoski a fait rapport des premières
5 conclusions de son ministère, aussi bien à l'organe de la coordination de
6 la gestion de crises qu'au gouvernement. Dans sa réplique, au paragraphe
7 41, l'Accusation vous dit de ne pas en tenir compte, parce que M. Boskoski
8 a dit dans son rapport qu'on croyait que les victimes étaient des
9 terroristes.
10 Mais je le répète, l'Accusation attribue un pouvoir de sagacité
11 rétrospective à M. Boskoski qu'il n'a malheureusement pas. M. Boskoski
12 avait le droit d'agir partant des informations qui lui avaient été
13 transmises par les autorités compétentes.
14 Et en ce qui concerne les victimes, ou deux [comme interprété] de ces
15 victimes, la Chambre a dit qu'il n'était pas possible de conclure au-delà
16 de tout doute raisonnable que c'était des civils. C'est M. Boskoski aussi
17 qui a insisté pour qu'il y ait un rapport conjoint de la Défense et de
18 l'Intérieur, qui a donné un nouvel élan à l'enquête et a empêché que
19 l'enquête de Ljuboten perde de son importance politique en Macédoine. Et
20 c'est lui qui a fourni un complément d'informations au gouvernement sur
21 l'incident le 25 septembre 2001.
22 C'est lui aussi qui, publiquement, a soutenu l'idée qui était de dire
23 que c'est le Procureur de ce Tribunal-ci qui devrait participer à
24 l'enquête, et donnait des informations à ce bureau du Procureur. Ceci
25 montrait bien qu'il n'essayait de protéger personne. Et lorsqu'au début de
26 l'année 2002 il a offert une fois de plus d'aider dans le processus
27 d'exhumation à Ljuboten, le même bureau du Procureur a rejeté l'assistance
28 de la police, alors qu'aujourd'hui l'Accusation dit qu'il aurait dû en
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1 faire plus pour aider l'Accusation.
2 Il a placé tous les organes pertinents du ministère à la disposition
3 de l'appareil judiciaire compétent. Et chaque fois qu'on le lui a demandé,
4 il a aidé le bureau du Procureur. Il n'a rien fait qui pourrait être
5 considéré comme une obstruction au travail des organes compétents.
6 Et quelles sont ces centaines de mesures prises par les organes compétents
7 du ministère de l'Intérieur ? Aucune de ces mesures n'est mentionnée par
8 l'appelant dans son mémoire, comme si ce n'était pas important, alors qu'on
9 demande à une Chambre d'appel de le condamner pour un manquement de punir.
10 Si vous voulez croire l'appelant, il ignorait le fait que c'est le
11 ministère de l'Intérieur qui a signifié aux organes judiciaires compétents
12 qu'on avait eu un recours à la force dans ce village et qu'il y avait des
13 morts dans les rues de Ljuboten. Ignorait aussi que ce sont les rapports du
14 ministère de l'Intérieur qui ont déclenché l'action judiciaire. Ignorait
15 aussi que ce sont les organes compétents du ministère qui ont cherché à
16 obtenir des informations des villageois à propos de ce qui s'est passé.
17 Ignorait que ce sont les membres du ministère qui faisaient partie de
18 l'équipe d'enquête. Que c'est sur recommandation du ministère qu'il y a eu
19 exhumations et autopsies. Que ce sont les dirigeants professionnels du
20 ministère qui ont essayé de contacter les organisations internationales
21 présentes alors en Macédoine pour qu'elles enquêtent. Que ce sont les
22 organes compétents qui ont répondu à toutes les demandes d'assistance dans
23 la mesure du possible. Que c'est eux qui ont participé à toutes les
24 réunions préparatoires organisées par les organes judiciaires compétents.
25 Qu'ils ont participé à ce processus d'exhumation et d'autopsie et qu'ils
26 ont mené toutes les activités médicolégales importantes dans le cadre de
27 l'enquête. Qu'il a fourni informations et soutien au bureau du Procureur
28 tout ce temps. Que personne pendant cette période ne s'est plaint du
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1 travail fait par le ministère de l'Intérieur. Ignorait que ce dernier a été
2 remercié pour les efforts faits, notamment par le bureau du Procureur. Et
3 qu'au paragraphe 452 et suivants du jugement, la Chambre constate que
4 plusieurs mesures pertinentes ont été prises. Et si la Chambre avait estimé
5 le contraire, elle l'aurait dit à ce moment-là. Ignorait aussi la situation
6 très sensible en matière de sécurité à l'époque en Macédoine.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et n'oubliez pas que les interprètes
8 vous demandent de ralentir.
9 M. METTRAUX : [interprétation] Je présenterai mes excuses aux interprètes.
10 Excusez-moi de les avoir fait souffrir.
11 Ignorait aussi que la sécurité était très précaire en Macédoine et ne
12 permettait pas aux autorités, pendant plusieurs mois, d'entrer dans le
13 village. Que l'absence de coopération des villageois n'a pas permis aux
14 autorités d'entendre des témoins oculaires, ce qui aurait pu aider à
15 l'identification des auteurs. Et que les ressources de l'Etat de Macédoine,
16 et que les ressources du ministère de l'Intérieur, en particulier, étaient
17 épuisées par le fait que le ministère de l'Intérieur participait aux
18 combats qui, d'après la Chambre de première instance, représentaient un
19 conflit armé.
20 On vous dit dans la réplique de l'Accusation qu'il faut oublier ce
21 qu'a fait le ministère, parce que les résultats ont été utilisés par
22 l'appareil judiciaire, notamment pour l'enquête des crimes contre les
23 villageois albanais mais aussi pour les enquêtes sur les crimes terroristes
24 de l'ALN.
25 D'après l'appelant, le ministère de l'Intérieur et son ministre
26 devraient être tenus pénalement responsables, parce que l'appareil
27 judiciaire que ce ministère ne contrôlait pas a privilégié d'utiliser ce
28 matériel à une fin plutôt qu'à un autre.
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1 Ce que l'Accusation vous demande est déraisonnable, et c'est sans
2 rapport avec le dossier de l'instance. C'est donc sans rapport avec le
3 droit régissant la responsabilité du supérieur hiérarchique en droit
4 coutumier international. Mais comme l'Accusation n'est jamais à bout
5 d'arguments, elle vient d'en trouver un nouveau dans le cadre de son
6 mémoire en appel. L'Accusation dit maintenant que dans la mesure où on a
7 peut-être pris certaines mesures d'enquête, c'était une enquête qui ne
8 voulait pas établir les faits et les circonstances en l'espèce, mais
9 uniquement l'identité des sept morts.
10 Est-ce que l'appelant, avant de vous le dire, a examiné les rapports
11 d'autopsie ? La déposition de ses propres témoins, notamment le légiste
12 Jakimovski, qui a fait ces autopsies qui portaient non seulement sur
13 l'identité mais sur les causes et les circonstances du décès de ces
14 personnes, est-ce que l'appelant s'est demandé ceci : si l'identité était
15 la seule concernée, pourquoi est-ce que le chef de la police de Mirkovci,
16 au moment de ces exactions, a été interrogé par son collègue ? Est-ce que
17 l'appelant a tenu compte du fait que l'enquête portait sur les événements
18 du 12 août mais aussi de la période du 10 au 14, qui englobe tous les
19 crimes retenus dans l'acte d'accusation, et pas seulement la mort de ces
20 sept personnes ? Paragraphes 213 à 230 du mémoire de l'intimé.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il vous reste une minute.
22 M. METTRAUX : [interprétation] Passons à l'intercalaire 14, 24 et aussi 14,
23 25, intercalaire 12. On fait dans ces documents référence non pas à
24 l'identité des victimes mais aux causes, circonstances et autres questions
25 relatives à ces événements. Je vous rappelle aussi que dans son mémoire en
26 réplique, l'Accusation cherche à affirmer que dans sa déclaration, M. Cakic
27 avait indiqué qu'il voulait seulement identifier les victimes, rien
28 d'autre. Si c'est le cas, c'est lui qui doit en prendre la responsabilité.
Page 169
1 Mais nous vous rappelons les pièces P5510, 11, 13, signées par M. Cakic en
2 personne, et qui font clairement référence aux causes, temps et
3 circonstances de ces décès.
4 Je vais corriger une dernière chose avant de terminer. Dans son mémoire en
5 réplique, l'Accusation fait référence à ce qu'on appelle le contrôle
6 interne, et elle conteste ce que la Défense a dit, à savoir que le contrôle
7 interne ne peut pas être enclenché s'il n'y a pas plainte déposée par un
8 citoyen ou une victime. Et on dit que Ruzeski ne le dit pas au paragraphe 6
9 de sa déclaration, pièce P385.
10 C'est vrai, c'est dit au paragraphe 3 de la déclaration de M.
11 Ruzeski.
12 Avant de terminer, je répète ce que j'ai dit dans notre mémoire de
13 l'intimé, et avant de rendre la parole à l'Accusation, je tiens à vous
14 remercier pour votre patience, Madame et Messieurs les Juges.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Le Juge Meron a une question.
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que vous avez
17 répondu à ma question concernant la distinction entre le supérieur
18 militaire et le supérieur civil.
19 M. METTRAUX : [interprétation] Je suis en effet sûr que je n'ai pas tout à
20 fait répondu à votre question, mais je crois que vous me permettrez peut-
21 être de le faire si c'est ce que la Chambre souhaite.
22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous
23 expliquer comment serait exercée la responsabilité de M. Boskoski s'il
24 n'avait pas été un ministre civil mais un responsable militaire ?
25 M. METTRAUX : [interprétation] Excusez-moi de ne pas avoir répondu à votre
26 question plus tôt. J'aurais dû le faire en temps voulu.
27 La réponse est complexe. Je crois que le problème principal qui est ici
28 pertinent est l'absence de chaîne de commandement similaire à ce que l'on
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1 trouve dans un contexte militaire. La responsabilité de garantir les normes
2 du droit international humanitaire incombe, comme l'indique l'Accusation,
3 de façon prédominante aux responsables et aux commandants militaires.
4 Dans le contexte d'un supérieur civil, la répartition de cette
5 responsabilité est faite d'une façon complètement différente, que ce soit
6 en Macédoine ou n'importe où ailleurs, pour ce qui est de la responsabilité
7 de prévenir et de punir. Cette responsabilité est distribuée de façon
8 différente entre différents organes en fonction de la constitution et des
9 dispositions légales en vigueur. Dans le contexte de la Macédoine, nous
10 avons affaire à un système de droit civil, et la responsabilité de mener
11 une enquête au pénal n'incombe pas à la police mais au système et aux
12 autorités judiciaires qui ont l'autorité nécessaire pour requérir
13 l'assistance de la police dans ce contexte.
14 A cet égard, Messieurs les Juges, si vous voulez discerner la
15 structure qui est pertinente pour ce qui est de l'application de la
16 responsabilité du supérieur hiérarchique civil, c'est très différent en
17 l'espèce. De plus, il y a une différence ou un facteur important, qui est
18 celui du parcours professionnel de M. Boskoski, qui est avocat de formation
19 et qui a occupé une fonction politique. Donc il y a une ligne hiérarchique
20 professionnelle qui s'arrête au ministre, alors que dans un contexte
21 militaire nous avons affaire à des subordonnés qui ont tous le même
22 parcours et le même type de responsabilités.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le statut de Rome serait pertinent
24 également pour cette question, n'est-ce pas ?
25 M. METTRAUX : [interprétation] Nous aurions affaire ici à un autre type de
26 mens rea, et je vous remercie de mettre cela en avant. Dans le Statut, il
27 est expressément prévu que lorsqu'un subordonné n'a pas la possibilité de
28 mener une enquête en personne, enquête qui pourrait mener à la punition
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1 nécessaire, il a ou elle a, de fait, la possibilité d'en référer à
2 l'autorité compétente. Donc je réponds par l'affirmative.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pour faire suite à cette question, est-ce
5 que vous estimez que dans la jurisprudence du présent Tribunal il n'y a pas
6 de différence faite entre la mens rea d'un commandant militaire et d'un
7 responsable civil ?
8 M. METTRAUX : [interprétation] A mon sens, pour ce qui est de la
9 jurisprudence de ce Tribunal, il n'y a pas, Monsieur le Juge, de
10 différence, effectivement, pour ce qui est de la mens rea entre un
11 commandant militaire et un responsable civil. Et pour ce qui est des
12 mécanismes à la disposition d'un commandant militaire qui ne sont pas à la
13 disposition d'un responsable civil, cela peut avoir mené à un certain
14 nombre de déductions dans le contexte de ce Tribunal, notamment lorsque
15 l'on est dans un contexte militaire et dans celui d'une chaîne de
16 commandement qui existe avec des finalités totalement différentes.
17 Mais à la différence du cas de la CPI, je dirais qu'il n'y a
18 effectivement pas de distinction entre la mens rea qui s'applique à un
19 commandant militaire et à celle d'un responsable civil.
20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
21 M. ROGERS : [interprétation] Je crois que l'on peut dire justement que les
22 positions sont particulièrement tranchées dans cette affaire, et je ne vais
23 pas répéter tout ce que j'ai déjà dit. Madame et Messieurs les Juges, je
24 voudrais juste revenir sur trois éléments, et ce, brièvement.
25 Le premier a trait à l'affaire Bemba. Nous avons déjà vu qu'il s'agit d'un
26 cadre statutaire différent et que, par conséquent, cela pourrait ne pas
27 être tout à fait pertinent.
28 Pour ce qui est de Hadzihasanovic et de Blaskic auxquels mon estimé
Page 172
1 confrère s'est référé en détail pour préciser ce qui était sa notion de la
2 délégation, puisque cela vient en partie appuyer cette notion, je me suis
3 penché rapidement sur le jugement en appel dans Blaskic, et je trouve
4 étrange que pour ce qui est des paragraphes qu'il a cités, la conclusion de
5 la Chambre d'appel qui a reçu des éléments de preuve supplémentaires, était
6 que l'appelant manquait de contrôle effectif sur les unités militaires
7 responsables de la commission des crimes dans la zone de Ahmici.
8 Par conséquent, la conclusion finale n'était pas relative à la
9 question de savoir s'il avait pris ou non toutes les mesures nécessaires et
10 raisonnables, bien qu'il y ait une certaine confusion à cet égard - au
11 paragraphe 420 - il apparaît que la Chambre d'appel s'est penchée bien
12 davantage sur la notion de savoir s'il exerçait ou non un contrôle effectif
13 sur ses subordonnés. Donc il y a peut-être là quelque chose à revoir pour
14 ce qui est de ce paragraphe particulier qui viendrait, soi-disant, étayer
15 la position de la Défense.
16 Deuxièmement, pour ce qui concerne Hadzihasanovic, le problème est peut-
17 être qu'encore une fois, en apparence, la Chambre d'appel a constaté qu'il
18 y avait un doute raisonnable concernant la question de savoir si les
19 rapports avaient été envoyés. La question était de savoir s'il avait ou non
20 entrepris des poursuites judiciaires. Et la Chambre d'appel dans
21 Hadzihasanovic avait conclu que la question de savoir comment on qualifiait
22 ces procédures, qu'elles soient des procédures judiciaires ou non, n'était
23 pas en elle-même pertinente.
24 Cependant, Hadzihasanovic était au courant qu'il y avait eu une
25 enquête, que des auteurs avaient été identifiés, que les crimes également
26 avaient été identifiés et qu'une forme ou une autre de punition, au minimum
27 60 jours d'emprisonnement, leur avait été imposée, et il a déclaré, je cite
28 : "A mon sens, ils ont été punis." Toutes les mesures qui devaient être
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1 prises avaient été prises. La Chambre d'appel a conclu que les mesures en
2 question étaient de nature disciplinaire et que, par conséquent, d'autres
3 mesures étaient requises. Cependant, la Chambre d'appel a également
4 constaté qu'il existait un doute raisonnable quant à savoir si les rapports
5 ont bien été transmis jusqu'aux services du procureur et que, par
6 conséquent, l'accusé devait bénéficier de ce doute raisonnable sur la base
7 duquel il a été acquitté.
8 Je ne suis pas tout à fait sûr que l'on puisse considérer que cela
9 vient étayer les affirmations avancées par mon estimé confrère.
10 Comme je l'ai déjà dit, les positions sont particulièrement
11 tranchées. Nous avons abordé en détail les questions qui sont soulevées par
12 les parties. Je n'ai pas l'intention d'en dire plus à cette étape, si ce
13 n'est pour ce qui est de revenir sur le classeur qui a été remis à la
14 Chambre d'appel. Je ne l'ai vu que juste avant la reprise d'audience, donc
15 je n'ai pas eu l'occasion de me pencher dessus pour voir s'il contenait
16 quoi que ce soit qui n'aurait pas dû être présenté à la Chambre d'appel.
17 Je suis particulièrement préoccupé pour ce qui est de l'intercalaire
18 numéro 13. Il semblerait qu'il y ait là une présentation de documents
19 indue, puisqu'il y a un commentaire qui y figure pour ce qui est des
20 mesures prises par les organes compétents du ministère de l'Intérieur, et
21 je crois que cela sort quelque peu du cadre de ce qui est présentable à la
22 Chambre d'appel au titre des éléments supplémentaires.
23 Je pense, par conséquent, Madame et Messieurs les Juges, que cela
24 devrait être retiré du classeur, parce que cela n'est pas issu du compte
25 rendu en première instance, ce n'est pas un élément de preuve, ce n'est pas
26 issu du jugement ni des références utilisées par l'intimé. Par conséquent,
27 de notre point de vue, la présentation de ces éléments n'est pas
28 réglementaire.
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1 Ces éléments devraient être retirés.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Mettraux.
3 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Je voudrais juste expliquer la nature de ce document. Il s'agit simplement
5 d'un support documentaire que nous avons utilisé pour documenter les
6 différentes mesures qui ont été prises. Il ne s'agit de rien d'autre qu'une
7 présentation chronologique de toutes les mesures que nous avons énumérées
8 dans notre mémoire. Il n'y a là rien de nouveau en termes de présentation
9 ou de versement. Il n'y a que des références qui sont faites à ce que nous
10 avons déjà dit dans notre mémoire. Cela n'a été fait que pour apporter
11 notre concours à la Chambre afin qu'elle puisse avoir une vue d'ensemble
12 par ordre chronologique de toutes les mesures qui auraient été entreprises
13 personnellement par M. Boskoski d'une part, et d'autre part, par les
14 différents organes du ministère de l'Intérieur, comme nous l'avons
15 expliqué. Par ailleurs, de notre point de vue, il n'y a ici rien de nouveau
16 ni aucun préjudice possible auquel pourrait se référer l'Accusation. Il ne
17 s'agit que d'un souhait de gagner du temps dans la présentation et de venir
18 en aide à la Chambre d'appel en présentant une vue chronologique des
19 mesures prises.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être, Monsieur Rogers, serait-
21 il bon que vous puissiez avoir la même approche que celle de Me Mettraux.
22 M. ROGERS : [interprétation] Le problème est que nous avons un certain
23 nombre de règles qui nous sont imposées, et lorsque nous nous rendons à
24 l'audience et que nous essayons d'inclure des éléments qui comprennent une
25 argumentation, c'est quelque chose que l'Accusation ne se verrait pas
26 autorisée à faire. Par conséquent, l'intimé ne devrait pas non plus se voir
27 permettre un tel comportement.
28 S'il avait souhaité organiser ses documents d'une façon différente,
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1 il aurait dû le faire dans son mémoire.
2 Je comprends l'explication fournie par Me Mettraux, mais cela aurait
3 dû prendre place dans le mémoire, et non à cette phase.
4 C'est ce que je souhaitais avancer.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Mettraux, nous n'allons pas
7 inclure cet intercalaire numéro 13.
8 Ce qui subsiste maintenant est la question de savoir si M.
9 Tarculovski souhaite profiter de cette occasion pour faire une déclaration
10 à titre personnel.
11 Si, Monsieur Tarculovski, vous souhaitez faire cela, vous devez savoir que
12 vous ne pourrez pas disposer de plus de 15 minutes.
13 M. A. DERSHOWITZ : [interprétation] L'accusé souhaite le faire. Merci.
14 L'ACCUSÉ TARCULOVSKI : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, tout
15 d'abord, je souhaiterais souligner que je regrette profondément les vies
16 qui ont été perdues. Puisque j'ai moi-même ma propre famille, j'exprime
17 toute ma sympathie pour la souffrance des victimes.
18 Ces victimes sont innocentes. C'est le président qui m'a demandé
19 d'être sur place afin d'exercer une coordination et d'envoyer des rapports
20 concernant les événements sur place -- enfin, de signaler s'il y avait des
21 problèmes dans l'interaction entre la police et les forces armées.
22 Je n'ai pris aucune mesure visant à causer préjudice à qui que ce
23 soit ni à blesser qui que ce soit. Je suis profondément désolé des
24 souffrances qui sont survenues des deux côtés, et j'espère que la Macédoine
25 connaîtra la paix, et que la paix pourra être accordée à toutes les
26 parties.
27 Merci beaucoup.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Tarculovski.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir, Monsieur
3 Tarculovski.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Boskoski, c'est le moment
6 maintenant de vous demander si vous voulez faire une déclaration.
7 Maître Mettraux.
8 M. METTRAUX : [interprétation] Nous avons abordé cette question, Madame et
9 Messieurs les Juges, avec M. Boskoski avant l'audience et il nous a indiqué
10 qu'il n'était pas nécessaire pour lui de profiter de cette opportunité,
11 mais il souhaite vous en remercier.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Je suppose que nous pouvons
13 maintenant lever l'audience.Je souhaite remercier toutes les parties pour
14 leur contribution, contribution que la Chambre d'appel considère comme tout
15 à fait constructive.
16 --- L'audience est levée à 16 heures 55.
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