Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 5 février 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, pourriez-vous

5 annoncer l'affaire?

6 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Il s'agit de

7 l'affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav Brdanin et Momir Talic.

8 M. le Président (interprétation): La routine habituelle, je vous prie.

9 Comme tous les matins, Monsieur Brdanin, je vous demande si vous

10 m'entendez dans une langue que vous en comprenez.

11 M. Brdanin (interprétation): Je vous entends et je vous comprends.

12 M. le Président (interprétation): Général Talic, pouvez-vous m'entendre

13 dans une langue que vous comprenez?

14 M. Talic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. J'entends et je

15 comprends.

16 M. le Président (interprétation): Bonjour à vous deux. Je demande d'abord

17 à l'accusation de se présenter.

18 M. Cayley (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

19 Andrew Cayley; je suis accompagné de M. Nikola Koumjian et notre

20 assistante est Ruth Karper.

21 M. le Président (interprétation): Merci. La défense de M. Brdanin d'abord?

22 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

23 John Ackerman, je suis accompagné de Milka Maglov.

24 M. de Roux: (hors micro) avocat assisté de Natasha Fauveau et Fabien

25 Masson.

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1 M. le Président: Merci.

2 (Interprétation): Avant de commencer, vous savez que demain, aura lieu

3 cette rencontre informelle entre vous, qui sera présidée par le juriste

4 hors classe, M. Von Hebel.

5 Je suppose qu'il n'est pas utile que je vous rappelle le sujet de cette

6 rencontre, car je suppose que vous en êtes convenus ensemble dès le début.

7 En tout cas, c'est au sujet de Banja Luka que vous vous rencontrerez

8 demain.

9 Cette rencontre a été prévue demain, comme je viens de le dire, comme vous

10 le savez d'ailleurs, et se tiendra en face de la salle d'audience n°1,

11 dans la salle 177; je suppose que vous la connaissez déjà. Donc salle 177.

12 Dès que vous sortez de la salle d'audience n°1, vous trouvez cette pièce

13 qui est, en fait, une pièce située entre la salle d'audience et la salle

14 des Juges. Cela devrait vous aider à la trouver. Elle se trouve au bout du

15 couloir qui, ensuite, débouche sur la cage d'escalier qui vous permet de

16 venir dans la salle d'audience n°3. Cette rencontre commencera à 14 heures

17 15, une heure après la fin de nos débats de demain, et devrait durer deux

18 heures. Evidemment, elle sera plus courte si vos discussions le sont

19 également.

20 Je crois savoir que des consultations se poursuivent depuis plusieurs

21 jours ou plusieurs semaines. Je rappelle simplement que cette rencontre

22 entre vous, qui est le résultat de ces consultations, ne sera pas une

23 réunion formelle, mais bien une réunion informelle. Sans manquer de

24 respect pour la belle langue française, je dirai que cette rencontre de

25 demain entre vous se déroulera en anglais sans qu'il soit nécessaire de

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1 l'interpréter. Il n'y aura donc pas d'interprétation.

2 Je passe maintenant à un autre point. Je demande aux conseils de la

3 défense, si l'un ou l'autre a quelque chose à dire, s'agissant de la

4 déposition de M. Krzic.

5 M. Ackerman (interprétation): Il semble, Monsieur le Président, qu'il y

6 ait quelque confusion au sujet de notre calendrier, de l'horaire de nos

7 audiences à venir.

8 M. le Président (interprétation): Oui, mais je n'ai pas l'horaire sous les

9 yeux. Cependant, je l'ai regardé hier.

10 M. Ackerman (interprétation): La seule chose qui m'intéresse, en fait,

11 c'est la semaine prochaine.

12 Monsieur le Président, il y a déjà un certain nombre de jours, nous en

13 avons discuté et je croyais avoir compris que les 11, 12 et 13 février, il

14 n'y aurait pas d'audience. Or le calendrier de la Chambre de la salle

15 d'audience dans laquelle nous nous trouvons indique que des audiences sont

16 bel et bien et prévues; or cela ne devrait pas être le cas.

17 M. le Président (interprétation): Je croyais que vous m'aviez dit que vous

18 alliez faire de votre mieux pour revenir le 12. Je me rappelle très bien

19 vous l'avoir entendu dire.

20 M. Ackerman (interprétation): Oui, mais je crois qu'ensuite, Monsieur le

21 Président, vous avez déclaré que, le 13, il n'y aurait pas d'audience pour

22 que je puisse me préparer. Mais je ferai ce que vous déciderez.

23 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, je m'en tiens à ce que

24 j'ai dit; je tiens mes promesses. Je viens d'une région du monde où la

25 parole vous lie. Je vérifierai donc le compte rendu d'audience de la

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1 discussion que nous avons eue à ce sujet. Je crois que c'était le deuxième

2 jour ou le troisième et dernier jour de la conférence préalable au procès.

3 Je crois que c'est ce jour-là que nous en avons discuté, lorsque nous

4 avons parlé du calendrier pour février, mars et jusqu'au 4 avril. Mais

5 j'ai l'impression qu'il est possible que Me Ackerman ait raison.

6 Cependant, Maître Ackerman, je ne suis pas sûr que vous ayez raison à

7 100%.

8 Ce dont je me souviens très bien, c'est que vous nous avez dit que vous

9 alliez faire votre mieux pour revenir le 12.

10 M. Ackerman (interprétation): J'ai très certainement dit cela, Monsieur le

11 Président. Je suis assez âgé, comme vous le savez, donc…

12 M. le Président (interprétation): Nous le sommes tous les deux, Maître

13 Ackerman. Donc nous nous rappelons le présent et oublions tout le reste,

14 n'est-ce pas?

15 Mais je vérifierai et je vous en reparlerai.

16 M. Ackerman (interprétation): J'ai cru comprendre également que vendredi

17 de la semaine prochaine est une journée prévue pour la maintenance?

18 M. le Président (interprétation): Oui, oui, oui, effectivement. Je ne le

19 savais pas, à l'époque où nous en avons parlé. Mais si vous voulez vous

20 servir de cela pour dire que nous n'allons pas siéger non plus le 14, vous

21 faites erreur.

22 M. Ackerman (interprétation): Non, non, non, je voulais simplement savoir

23 quand les audiences se tiendraient.

24 M. le Président (interprétation): Eh bien, pour le moment, selon le

25 calendrier prévu, nous reprenons nos travaux le 13. Mais il est possible

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1 que vous ayez raison au sujet de ce qui a été dit entre nous; je vais

2 vérifier.

3 Mme Janu (interprétation): Il devait rentrer le 12.

4 M. le Président (interprétation): Il devait rentrer le 12 et nous devions

5 travailler le 13?

6 Eh bien, Maître Ackerman, dans ces conditions, où que vous alliez, que ce

7 soit à Sarajevo ou ailleurs, il faudra que vous fassiez l'effort de

8 revenir le 12 et d'être avec nous dans le prétoire le 13. Mais je

9 vérifierai néanmoins, comme je l'ai déjà dit, le compte rendu d'audience.

10 Donc le 22 ou le 23 mars, ou, à défaut, le 4 avril sera un jour où la

11 Chambre ne siégera pas. C'est un jour que j'ai ajouté, d'ailleurs. J'ai

12 dit cela parce que, pour moi, cela n'a guère d'importance.

13 Y a-t-il autre chose, Maître Ackerman?

14 M. Ackerman (interprétation): Je voulais simplement, Monsieur le

15 Président, je ne faisais que demander un renseignement; c'était la seule

16 chose que je demandais, aucune autre faveur.

17 M. le Président (interprétation): Bien entendu, je n'ai aucune raison de

18 me plaindre de quoi que ce soit dans la façon dont vous menez votre

19 défense dans la présente affaire, ou dans votre comportement.

20 Oui, Monsieur Cayley?

21 M. Cayley (interprétation): Un point, simplement, Monsieur le Président.

22 Devons-nous faire venir un témoin la semaine prochaine? Je crois

23 comprendre, après avoir discuté avec mon collègue M. Koumjian, qu'il lui

24 faudra encore le reste de la journée d'aujourd'hui pour terminer

25 l'interrogatoire principal de M. Krzic. Le contre-interrogatoire

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1 commencera donc peut-être demain et devrait normalement se poursuivre

2 encore le surlendemain. Comme vous le comprenez, nous sommes un peu comme

3 les contrôleurs du ciel lorsqu'il y a des retards d'avion pour aller à

4 Sarajevo et en revenir.

5 Il faut donc que le témoin, normalement, revienne la semaine d'après, la

6 semaine prochaine. Vous pouvez, bien sûr, traiter des documents de Banja

7 Luka à ce moment-là, mais j'aimerais savoir ce qu'il en est exactement au

8 sujet du témoin, car cela peut poser problème.

9 M. le Président (interprétation): Oui, cela risque de poser problème. J'y

10 ai beaucoup réfléchi parce que finalement, la semaine prochaine, nous ne

11 disposerons que de deux jours de travail.

12 Et me fondant sur la déposition entendue hier, j'ai acquis un doute assez

13 sérieux quant à la façon dont nous pourrions espérer arriver au terme de

14 la déposition de ce témoin cette semaine. Très franchement, je pense que

15 ce ne sera pas possible.

16 Mais avant que je ne discute de cela avec mes collègues pour ensuite

17 revenir vers vous, j'ajouterai que, vous fondant ce que vous avez entendu

18 hier, et je sais que vous êtes tous des juristes très expérimentés, je

19 suis certain que vous avez pu vous faire une idée approximative du type de

20 contre-interrogatoire qu'il vous faudra mener à bien, ainsi que de la

21 durée possible de ce contre-interrogatoire. Vous avez été très précis

22 s'agissant du témoin précédent, le professeur Donja; donc si vous pouviez

23 agir de même pour ce témoin, cela nous placerait dans une situation plus

24 favorable s'agissant de donner des instructions à l'accusation pour la

25 semaine prochaine.

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1 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, effectivement, je

2 suis prêt à partager le fruit de mes réflexions avec les Juges de cette

3 Chambre. Mais n'oublions pas que, selon l'une ou l'autre des réponses que

4 j'obtiendrai à mes questions, il est fort possible que je doive ajouter un

5 quart d'heure ou retrancher un quart d'heure du temps approximatif du

6 temps que je vais citer à présent.

7 Cela étant, je pense que je devrais avoir besoin de toute la journée de

8 demain et d'une heure le lendemain pour mon contre-interrogatoire; c'est

9 l'approximation la plus précise que je puisse vous donner. Mais bien sûr,

10 cela dépend du temps que le témoin décide de consacrer à certaines de mes

11 questions.

12 M. le Président (interprétation): Personnellement, je prévois que ce genre

13 de témoin, compte tenu de sa façon de témoigner, aura des réactions assez

14 longues en contre-interrogatoire.

15 Maître de Roux?

16 M. de Roux: Monsieur le Président, moi, je crois, compte tenu de ce que

17 j'ai entendu hier et de ce que l'on va entendre aujourd'hui, qu'une

18 audience me sera nécessaire pour interroger le témoin.

19 M. le Président (interprétation): Vous aurez donc besoin de la journée?

20 D'un jour?

21 M. de Roux: Un jour, oui.

22 M. Cayley (interprétation): Donc, si Me Ackerman est ici mercredi, nous

23 aurons un jour ou un peu moins d'un jour, si nous ne siégions que deux

24 jours la semaine prochaine.

25 M. le Président (interprétation): La semaine prochaine, il est certain que

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1 nous ne siégerons que deux jours.

2 Bien. Le témoin n'est pas encore dans la salle. Et vous avez remarqué sans

3 doute qu'hier, je me suis ingéré le moins possible dans le cours de sa

4 déposition, car je partais du principe que ce témoin avait sa propre

5 manière de répondre aux questions et qu'après chacune de nos

6 interruptions, il coopérait mieux mais, une minute après, il repartait

7 dans le rythme habituel de son exposé.

8 En tout état de cause, c'est votre témoin, Monsieur Cayley. Je me rends

9 bien compte que vous avez essayé de le ramener à l'ordre un certain nombre

10 de fois. Ce n'est pas un témoin facile -en tout cas, c'est ce que je

11 pense- et je propose que vous le fassiez avec beaucoup de soins, mais je

12 me rends bien compte de ce qui se passe. Cela étant, dès le début de sa

13 déposition aujourd'hui, je pense qu'il serait préférable qu'il ne réponde

14 qu'aux questions qu'on lui pose et à rien d'autre.

15 Par ailleurs, bien entendu, c'est M. Koumjian qui mène l'interrogatoire.

16 Donc je vous propose la chose suivante, Monsieur Koumjian: dès lors que

17 vous vous êtes convaincu qu'il a bel et bien répondu à la question que

18 vous lui posiez ou, en tout cas, qu'il vous a donné la réponse qu'il

19 pouvait vous donner, je vous propose d'intervenir éventuellement en lui

20 disant qu'il en a dit assez sur ce sujet particulier et que vous aimeriez

21 passer à la question suivante. Je vous demande d'agir de la sorte, car les

22 Juges se sentiront beaucoup mieux si c'est vous qui le faites plutôt que

23 de leur demander de le faire, à eux. Et ce, pour des raisons tout à fait

24 claires, car, si nous le faisons, il nous faudra vous interrompre; or, si

25 vous le faites, vous n'interromprez pas les Juges de la Chambre et vous

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1 apporterez votre aide à ces Juges.

2 Je suis sûr que je me suis bien fait comprendre de vous, n'est-ce pas, et

3 donc nous pourrions…

4 M. Cayley (interprétation): Donc nous attendons pour déterminer s'il faut

5 ou non faire venir un témoin ou non la semaine prochaine?

6 M. le Président (interprétation): Oui, de toute façon, c'est une décision

7 qui peut être prise dans une heure ou deux; on peut attendre un peu. Nous

8 verrons comment les choses avanceront, car il est certain que la

9 déposition d'hier aurait pu durer beaucoup moins longtemps. Mais les

10 choses sont ce qu'elles sont, n'est-ce pas.

11 Je demande à présent que l'on fasse entrer dans le témoin dans la salle.

12 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)

13 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Krzic. Merci d'être de

14 retour dans ce prétoire ce matin.

15 On va vous soumettre le même petit morceau de papier que vous avez déjà vu

16 hier sur lequel est inscrite la déclaration solennelle que je vous demande

17 de relire à haute voix.

18 M. Krzic (interprétation): Je jure de dire la vérité, toute la vérité et

19 rien que la vérité.

20 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir. Merci.

21 Monsieur Koumjian, membre du Bureau du Procureur, va reprendre son

22 interrogatoire principal.

23 (Interrogatoire principal du témoin, M. Muharem Krzic, par M. Koumjian.)

24 M. Koumjian (interprétation): Bonjour. Nous espérons, dans la journée

25 d'aujourd'hui, pouvoir traiter d'un certain nombre de questions, donc dans

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1 l'espoir que votre déposition puisse s'achever le plus rapidement possible

2 pour que nous puissions vous renvoyer à vos affaires.

3 Je vous inviterai à fournir des réponses aussi brèves que possible aux

4 questions que je vous pose. Si j'ai besoin de détails complémentaires, je

5 vous le ferai savoir et je vous les demanderai, mais nous souhaitons que

6 votre témoignage se déroule rapidement.

7 M. le Président (interprétation): Vous m'entendez, Monsieur Krzic?

8 M. Krzic (interprétation): Oui, je vous entends, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): Les Juges de cette Chambre aimeraient

10 également vous faire la suggestion suivante: lorsqu'on vous pose une

11 question, il serait bon que vous répondiez à cette question dans son

12 intégralité, mais uniquement à cette question et à rien d'autre. Cela

13 aiderait les Juges de la Chambre de première instance si vous pouviez

14 traiter des questions évoquées dans cette déclaration de façon plus

15 précise peut-être que vous ne l'avez fait jusqu'à présent, sans aborder

16 d'autres sujets qui, en fait, risquent de créer la confusion dans l'esprit

17 des Juges. Donc je vous demanderai de répondre à la question, à toutes les

18 questions et rien qu'à la question. Merci.

19 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, je vous demande

20 l'autorisation de faire la proposition suivante au témoin: lorsque je vous

21 pose une question, vous pourriez peut-être me regarder; pendant que vous

22 me répondez, vous pourriez également me regarder et, au moment où je pense

23 que la réponse est terminée, je pourrais vous faire un petit signe de

24 façon à ce que vous sachiez à quel moment vous arrêter.

25 M. le Président (interprétation): C'est une très bonne idée, Monsieur

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1 Koumjian.

2 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, lorsque vous étiez à Banja

3 Luka en 1992, entendiez-vous des bruits d'explosion, la nuit?

4 M. Krzic (interprétation): Oui, toutes les nuits.

5 Question: Avez-vous appris quelles étaient les raisons… Ou plutôt, je

6 reformule ma question: quelque temps après avoir entendu les bruits

7 d'explosion, vous arrivait-il de savoir, donc d'apprendre quels étaient

8 les endroits qui avaient été bombardés ou bien les endroits où les

9 explosifs avaient sauté?

10 Réponse: Oui, en général j'apprenais ce genre de choses le lendemain.

11 Question: Quels étaient les lieux et bâtiments qui étaient bombardés?

12 Réponse: Cela a commencé avec les magasins, les bureaux et entreprises,

13 les lieux d'habitation des non-Serbes. Donc, au départ, c'était surtout

14 les lieux de travail, les entreprises qui étaient visées et, au bout d'un

15 certain temps, des maisons et appartements privés sont devenus la cible de

16 ce genre d'explosions. Mais j'ajouterai simplement que, lorsqu'il

17 s'agissait de lieux privés, je recevais les informations plus rapidement,

18 c'est-à-dire dès le lendemain, si les explosions avaient eu lieu en ville,

19 et, un peu plus tard, si elles avaient eu lieu dans des villages. Des

20 cafés, restaurant et entreprises ont été les premières cibles.

21 Question: Dans la ville de Banja Luka, avez-vous appris quelle était la

22 nationalité des propriétaires des restaurants, notamment, qui ont été

23 bombardés?

24 Réponse: Oui, je l'apprenais tout de suite.

25 Question: Quelle était la nationalité des propriétaires, c'est-à-dire des

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1 victimes de ces bombardements?

2 Réponse: A l'intérieur de la ville, il s'agissait avant tout de commerces

3 et de bureaux bosniens, et quelques croates. S'il s'agissait des régions

4 situées en dehors de la ville, donc dans les alentours, les propriétaires

5 de ce genre d'endroits étaient en général croates. Cependant, un peu plus

6 tard, il est arrivé que des lieux serbes soient également visés à un

7 moindre degré d'ailleurs et, pour notre part, nous avons interprété cela

8 comme démontrant l'existence de factions de nature politique ou

9 criminelle.

10 Question: Est-il arrivé un moment où les bombardements ont cessé et où

11 d'autres exactions ont commencé à l'encontre des propriétaires de ce genre

12 de lieux?

13 Réponse: Je ne me rappelle pas exactement aujourd'hui -il faudrait bien

14 sûr que je consulte mes notes et cela vous demanderait peut-être trop de

15 temps- quand des changements importants se sont-ils produits à cet égard.

16 Eh bien, dès que les premiers combattants qui s'étaient battus en Croatie

17 ont commencé à revenir, les dirigeants du SDS ont fait savoir publiquement

18 que tout ce qui était lieu de restauration ou commerce appartenant à des

19 non-Serbes, eh bien, tous ces lieux seraient désormais transférés entre

20 les mains de ceux qui revenaient de la guerre, en signe de reconnaissance.

21 Question: Donc lorsque les explosions ont cessé, la confiscation

22 d'appartements et d'autres lieux ont commencé?

23 Réponse: Oui. Mais, en fait, les explosions n'ont pas cessé; simplement,

24 elles sont devenues moins intenses. Ce qui se passait en fait, c'est que

25 des grenades ont commencé à être jetées à l'intérieur d'autres endroits

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1 qui étaient des propriétés privées, des appartements, des maisons, et ce,

2 dans le but de forcer les propriétaires à partir. D'ailleurs, ce n'était

3 pas que des grenades qui étaient utilisées, pas uniquement des grenades à

4 main, mais également des grenades tirées par des lance-grenades.

5 Question: Avant de vous poser ma question suivante, je vous remercie,

6 Monsieur Krzic, de suivre à la lettre les instructions que je vous ai

7 données ce matin. Je suis sûr que votre déposition se déroulera dans de

8 meilleures conditions dorénavant.

9 Monsieur, avez-vous appris qu'un avion avait jeté quelque chose sur Banja

10 Luka durant l'année 1992; en tout cas, pendant la période couverte par

11 l'Acte d'accusation, c'est-à-dire à partir d'avril 1992?

12 Réponse: Oui, j'en ai eu connaissance et je l'ai vu de mes propres yeux.

13 Question: Et qu'ont lâché ces avions?

14 Réponse: Des affiches avec des menaces, en demandant que les non-Serbes

15 quittent Banja Luka.

16 Question: Vous souvenez-vous avoir ramassé une de ces affiches et l'avoir

17 donnée à un représentant d'une organisation internationale?

18 Réponse: Je me souviens avoir reçu de tels tracts. Les enfants les

19 ramassaient. Les avions tournaient en rond de façon visible. Ils ont

20 effectué plusieurs cercles au-dessus de Banja Luka et, pour autant que je

21 me puisse m'en souvenir, nous avions un tel tract au parti et nous l'avons

22 donné aux organisations internationales.

23 Question: Autant que vous puissiez vous en souvenir, que disaient ces

24 tracts?

25 Réponse: Maintenant, je ne peux vous le redire, mais je sais uniquement

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1 que cela contenait des menaces et cela exigeait que les non-Serbes

2 quittent ce territoire, qui était censé être pour les Serbes.

3 Question: Serait-il exact de dire… Enfin, qui concernaient ces menaces? A

4 l'encontre de qui étaient-elles dirigées?

5 Réponse: Contre les non-Serbes, mais on ne disait jamais non-Serbes: on

6 disait Croates et Bosniens, c'est-à-dire Musulmans.

7 Question: Pendant la période couverte par l'Acte d'accusation -je vais le

8 dire maintenant, mais je ne vais pas le répéter à chaque fois: il s'agit

9 du mois d'avril jusqu'au mois de décembre 1992-, avez-vous eu connaissance

10 d'efforts ou de cas où des non-Serbes ont dû signer pour abandonner leurs

11 biens à Banja Luka?

12 Réponse: Oui, c'est certain. De tels cas se sont produits mais, dans la

13 plupart des cas, ils devaient signer que, de leur plein gré, ils

14 quittaient Banja Luka. C'était dans le cas où ils avaient refusé de

15 répondre à la mobilisation. Je connais certains cas, personnellement, où

16 ils ont dû accepter un échange officiel entre des bâtiments, des maisons

17 alors que les bâtiments de l'autre côté n'existaient peut-être même pas;

18 ils n'avaient pas la possibilité de le vérifier. Je peux vous donner le

19 nom des personnes concernées.

20 Question: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de nous donner les noms

21 mais, pour que les Juges de la Chambre comprennent bien, est-ce que vous

22 êtes en train de parler d'échanges d'appartements, de résidences entre

23 Banja Luka et la Croatie, par exemple?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Est-ce que vous savez si les autorités de Banja Luka ont mis sur

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1 place une agence officielle pour faciliter ces échanges, pendant la

2 période couverte par l'Acte d'accusation?

3 Réponse: Oui, les représentants de cette agence m'ont même rendu visite

4 ainsi qu'à ma famille pour me demander d'accepter un tel échange.

5 Question: Est-ce que vous savez si cette agence a été mise en place par

6 les autorités de Banja Luka?

7 Réponse: Ils se sont présentés comme étant créés par le SDS. Par la suite,

8 pour autant que j'ai pu l'apprendre, en 1993, cette agence s'est appelée

9 Bureau du départ et elle a été officiellement enregistrée par l'entité

10 serbe.

11 Question: Quelle était la nationalité des personnes à qui on demandait

12 d'échanger leur appartement et de quitter Banja Luka?

13 Réponse: Ils étaient serbes.

14 Question: Les personnes à qui on a demandé de quitter Banja Luka, elles

15 étaient serbes? Enfin, est-ce que j'ai bien compris votre réponse?

16 Réponse: Il s'agissait de Croates et de Bosniens uniquement.

17 Question: Pendant la période couverte par l'Acte d'accusation, Monsieur

18 Krzic, avez-vous eu connaissance d'un véhicule qu'on appelait le "combi

19 rouge"? Ou de deux véhicules, au pluriel?

20 Réponse: Oui. Et dans un cahier, j'ai même noté le numéro de la plaque

21 d'immatriculation; je ne sais pas si cela a son importance.

22 Question: Avez-vous entendu parler, d'autres personnes que vous

23 connaissiez, d'autres non-Serbes, avez-vous entendu parler de l'activité

24 de ces combis rouge? Et si oui, qu'en avez-vous entendu?

25 M. Krzic (interprétation): Il s'agissait de nombreuses histoires.

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1 M. Ackerman (interprétation): Je me vois contraint d'émettre une objection

2 quant à la déposition, à moins que nous n'ayons la source d'où vient cette

3 information!

4 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

5 M. Koumjian (interprétation): Maître Ackerman aura tout loisir de poser

6 cette question dans le cadre du contre-interrogatoire. Je crois savoir que

7 la source sera prise en compte par les Juges au moment où ils décideront

8 du poids à accorder à la déposition ainsi qu'au témoignage par ouï-dire.

9 Il s'agit là manifestement d'un cas d'ouï-dire de seconde main.

10 Le témoin l'a peut-être entendu de différentes personnes, il ne peut donc

11 pas donner la source, mais je crois qu'il peut tout de même répondre. Je

12 crois que j'essaierai, dans mes questions de suivi, d'établir avec

13 précision la source. Et le conseil de la défense pourra également le faire

14 au moment du contre-interrogatoire.

15 (Les Juges se concertent sur le siège.)

16 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, je ne peux accepter

17 votre objection malheureusement.

18 La question a été posée d'une certaine façon: je viens de relire la

19 formulation sur mon écran et je ne crois pas que cela tombe dans le cadre

20 des éléments par ouï-dire, comme vous l'avez affirmé.

21 La question était la suivante: est-ce que le témoin lui-même a entendu

22 parler d'histoires concernant cette camionnette rouge et d'autres éléments

23 qui y seraient associés?

24 On ne demande pas au témoin de nous raconter ce qu'il a entendu, mais on

25 lui demande pour l'instant de dire s'il a eu connaissance des activités

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1 entourant cette camionnette rouge.

2 Est-ce que j'ai bien compris?

3 M. Koumjian (interprétation): Oui.

4 M. le Président (interprétation): Vous pouvez donc poursuivre votre

5 interrogatoire principal et nous demanderons au témoin de répondre.

6 M. Krzic (interprétation): Oui, j'en ai entendu parler, et je peux vous

7 citer des personnes qui ont eu l'expérience directe de cela ainsi que moi-

8 même.

9 M. Koumjian (interprétation): Pour préciser un point: vous avez entendu

10 parler de cela d'autres personnes que vous connaissiez, est-ce qu'il

11 s'agissait de connaissances, d'amis personnels qui étaient des non-Serbes?

12 Réponse: Oui, c'est exact.

13 Question: Est-ce que vous-même avez jamais vu cette camionnette rouge

14 devant la résidence d'une de vos connaissances ou d'un de vos amis?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Vous nous avez parlé d'une expérience personnelle également.

17 Est-ce que cette expérience personnelle a confirmé les renseignements que

18 vous avez reçus de vos connaissances ou de vos amis? Est-ce que c'était

19 conforme à ce que vous aviez entendu?

20 Réponse: Oui, parfaitement.

21 Question: Et pour préciser quelque chose: l'expérience personnelle que

22 vous en avez eue a eu lieu en 1993 et pas pendant la période couverte par

23 l'Acte d'accusation? Est-ce que c'est exact?

24 Réponse: Oui, mais je ne vous parle pas uniquement de mon expérience

25 personnelle, je vous parle à la fois de mon expérience personnelle et de

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1 l'expérience de mes premiers voisins, de mes voisins les plus proches.

2 C'est donc une expérience personnelle et également l'expérience d'autres

3 personnes à laquelle j'ai assisté.

4 Question: Est-ce que ces véhicules rouges étaient craints par les non-

5 Serbes à Banja Luka?

6 Réponse: Oui. Bien entendu. Ces camionnettes, on les appelait "salles de

7 torture mobiles".

8 Question: Nous allons passer à un autre sujet.

9 Monsieur Krzic, pendant la période couverte par l'Acte d'accusation, avez-

10 vous eu connaissance de trains qui passaient par Banja Luka et qui

11 emmenaient les non-Serbes hors de la région?

12 Réponse: Oui; je le sais d'ailleurs également de mon expérience

13 personnelle.

14 Question: L'expérience personnelle dont vous parlez… Je vois que vous êtes

15 en train de consulter vos notes, je ne pense pas que cela pose problème,

16 mais peut-être pourriez-vous nous dire quels sont les premiers mots qui

17 figurent sur la page que vous consultez? Je ne pense pas que les pages

18 soient numérotées, mais si les conseils de la défense souhaitent suivre,

19 peut-être vous pourriez nous l'indiquer.

20 Mais peut-être pourrez-vous répondre à ma question sans consulter vos

21 notes. Essayez de répondre à la question sans consulter vos notes et

22 ensuite, si vous avez vraiment besoin de les consulter, vous pourrez le

23 faire. Mais je n'ai pas besoin de date précise.

24 Réponse: Oui. On a annoncé pour la première fois qu'il y avait, à Banja

25 Luka, un train qui contenait des personnes déplacées, qui se dirigeait

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1 dans une direction inconnue. A ce moment-là, j'ai rassemblé des

2 représentants du peuple bosnien et, dans deux véhicules, nous nous sommes

3 rendus à la gare de Banja Luka.

4 Je me suis approché personnellement de ce convoi, à cinq ou six mètres. Il

5 se trouvait au troisième, au quatrième quai. Il s'agissait de wagons de

6 passagers avec des bancs en bois et des fenêtres. Il y avait également un

7 certain nombre de wagons qui étaient des wagons à bestiaux, en quelque

8 sorte; il n'y avait que des petites fenêtres tout en haut et les portes

9 étaient fermées.

10 Est-ce que vous souhaitez que je continue?

11 Question: Environ combien de wagons composaient ce train?

12 Réponse: Au moins quinze et au maximum trente, à mon avis.

13 Question: Que s'est-il passé au moment où vous êtes arrivé à la gare et où

14 vous avez vu ce train?

15 Réponse: Mes collègues sont restés à proximité du quai. Nous sommes

16 arrivés par la gauche, nous avons garé notre voiture devant le bâtiment,

17 nous nous sommes approchés, nous avons examiné ce convoi. Nous avons vu

18 que, le long de ce convoi, se trouvaient des soldats en uniforme de

19 camouflage, armés, environ tous les dix ou quinze mètres. Nous avons vu un

20 groupe de soldats ou des soldats par deux qui se trouvaient sur le quai.

21 Même si mes amis s'y sont opposés, j'ai tout de même essayé de m'approcher

22 de ce train et, à ce moment-là, j'ai vu des visages hagards aux fenêtres

23 des wagons, qui écarquillaient les yeux, pris par la peur. Il y avait des

24 femmes; je ne sais pas si j'ai vu des enfants, mais j'ai entendu des

25 pleurs qui venaient de l'intérieur. J'ai vu -je crois que c'était dans le

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1 dernier wagon à bestiaux-, j'ai vu des mains qui sortaient mais je n'ai

2 pas vu les visages, car c'était une toute petite fenêtre près du haut du

3 wagon, avec des barreaux.

4 Question: Et les mains que vous avez vu sortir de ces wagons à bestiaux,

5 c'étaient des mains humaines?

6 Réponse: Oui, absolument.

7 Question: Et une fois que vous avez vu ces gens, qu'avez-vous fait?

8 Réponse: J'ai entendu… Enfin, je voulais demander quelque chose mais le

9 soldat s'est approché de moi; il a commencé à me menacer, à me parler. Je

10 n'ai donc pas pu demander quoi que ce soit, je n'ai pas pu savoir d'où ils

11 venaient. Mais un homme âgé, de la fenêtre, m'a dit: "Ah, si vous saviez

12 ce qu'il nous font, c'est affreux".

13 Le soldat m'a chassé. Ils étaient en train de crier: "Nous avons soif!

14 Donnez-nous à boire!"

15 Question: Qui criait? Pour que les choses soient bien claires, qui était

16 en train de demander de l'eau?

17 Réponse: Les gens, enfin les femmes qui se trouvaient à l'intérieur de ce

18 wagon à côté duquel je me tenais, le demandaient.

19 Question: Alors, qu'avez-vous fait?

20 Réponse: Je suis revenu en arrière; enfin, c'était un réflexe, mais je

21 suis revenu vers le quai. Et malgré le désaccord de mes collègues qui me

22 rappelaient -ils se trouvaient sur le côté-, je suis allé machinalement

23 vers les toilettes. Je savais qu'il y en avait à la gare, au bout du quai.

24 Là, la dame qui s'occupait des toilettes est apparue; elle portait un

25 tablier bleu et je lui ai demandé qu'elle me donne un seau d'eau. Elle me

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1 l'a donné, elle a commencé à l'apporter mais un soldat lui a donné un

2 coup. Elle est tombée. L'eau s'est renversée. Il s'est retourné vers moi,

3 il a commencé à me menacer. Alors, tout notre groupe, nous avons

4 simplement quitté la gare, très rapidement.

5 Question: (Hors micro)

6 Monsieur le Président, j'ai à présent un document que j'aurais aimé

7 distribuer, qui s'intitule "Parti d'action démocratique, Banja Luka", en

8 date du 30 septembre 1992. Il porte la cote provisoire P449A. Il est

9 adressé à la mission de la République de Bosnie-Herzégovine à New York.

10 (Intervention de l'huissier.)

11 Monsieur Krzic, est-ce que vous reconnaissez ce document? Est-ce que vous

12 l'avez déjà vu?

13 Réponse: Le document, même s'il est traduit en anglais, bien sûr, je le

14 reconnais.

15 Question: Est-ce que vous savez qui a écrit ce document?

16 Réponse: C'est moi, en personne, qui l'ai rédigé.

17 Question: Est-ce que ce document décrit l'expérience dont vous venez de

18 nous parler, qui concerne ce train que vous avez vu à Banja Luka?

19 Réponse: Oui. On le trouve également.

20 Question: Je vous demanderai de prendre la deuxième page, qui porte le

21 n°40, le premier paragraphe de cette page.

22 Est-ce qu'il s'agit de l'incident dont vous venez de nous parler ou est-ce

23 qu'il s'agit d'un autre incident?

24 Réponse: L'incident dont je vous ai parlé -décrit avec plus de détails

25 dans mon livre, page 114-, je donne plus de détails sur cet incident et

Page 1492

1 sur ce qui s'est passé par la suite mais, pour ce qui est de ces dates-là,

2 23, 24 et 25, il s'agit de wagons qui se trouvaient à la gare, qui

3 apparemment étaient prêts à accueillir d'autres masses de personne

4 déplacées.

5 Question: Est-ce que vous pourriez vérifier, dans votre livre, à quelle

6 date vous avez vu le train dont vous nous avez parlé, pour vérifier s'il

7 s'agit du même incident ou de deux incidents différents?

8 Réponse: Il s'agit de deux choses différentes. Le 4 juin, je suis arrivé

9 avec mes collaborateurs à la gare et j'ai pu observer ce convoi; et je

10 l'ai décrit à la page 114 de mon livre. J'ai informé le même soir le Mufti

11 Halilovic et l'évêque Komarica de ce convoi.

12 Quant au document dont vous êtes en train de parler, en page 40, il s'agit

13 d'autres dates. Comme c'est dit ici, il s'agit du 23, du 24 et du 25. Il

14 s'agit donc de dates ultérieures.

15 Question: Par conséquent, à part ce train que vous avez vu, est-ce que

16 vous avez entendu parler d'autres trains de déportés qui sont passées par

17 Banja Luka?

18 Réponse: Bien sûr. Et il s'agit notamment du cas sur lequel vous venez

19 d'attirer mon attention dans ce document.

20 Question: Pour préciser, l'incident que vous avez décrit, avec cette femme

21 qui a essayé d'apporter un seau d'eau jusqu'au train, a eu lieu en juin

22 1992 et c'est là seule fois où vous, personnellement, avez vu ces déportés

23 dans le train, n'est-ce pas?

24 Réponse: Oui, c'est exact.

25 Question: Est-ce que vous vous souvenez où vous avez reçu les

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1 renseignements qui figurent dans le document que je viens de vous montrer,

2 en rapport avec les trains du mois de septembre?

3 Réponse: Directement de la gare.

4 Question: Est-ce que vous aviez des informateurs à la gare qui vous en ont

5 parlé, qui vous informaient de cela?

6 Réponse: Je n'étais pas le seul à être informé; une ou deux autres

7 personnes ont également été informées. Il était difficile de me contacter

8 personnellement.

9 Question: Par conséquent, il y avait les informateurs à la gare qui vous

10 ont informé, ou qui ont informé certains de vos collaborateurs, du fait

11 que des trains remplis de personnes passaient par la gare? Est-ce que

12 c'est exact?

13 Réponse: Oui, c'est exact.

14 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, avez-vous obtenu des

15 renseignements sur des événements qui se sont produits en dehors de la

16 ville de Banja Luka, des renseignements sur des événements qui ont eu lieu

17 dans d'autres municipalités de la Krajina de Bosnie?

18 M. Krzic (interprétation): Oui.

19 M. le Président (interprétation): Un instant. Maître de Roux?

20 M. de Roux (interprétation): (Hors micro)… une objection, parce que je

21 pense que le témoin devrait témoigner sur des sources, non pas sur des on-

22 dit dont on ne sait pas du tout d'où ils viennent. Nous entendons parler

23 d'informateurs, nous ne savons pas qui ils sont, et nous entendons parler

24 d'informations de deuxième main où l'on ne sait pas du tout d'où elles

25 viennent.

Page 1494

1 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que je doive entendre

2 votre réponse, Maître Koumjian.

3 Maître de Roux, je crois que vous n'avez peut-être pas saisi la teneur de

4 cette question. La question vise à établir si le témoin disposait d'un

5 système qui lui permettait de recevoir des renseignements. La question, la

6 première question était: "Est-ce que vous aviez des informateurs à la

7 gare?" Ensuite, l'autre question a été: "Est-ce que vous aviez des

8 informateurs à tel ou tel endroit?"

9 Compte tenu des fonctions politiques qui étaient celles du témoin, on lui

10 pose ces questions pour voir quelle est la fiabilité des renseignements

11 qu'il détenait et qu'il peut fournir. La question me paraît acceptable

12 telle qu'elle a été formulée mais, bien sûr, s'il devait nous répéter ce

13 que d'autres lui ont dit, peut-être que nous devrions l'interrompre en

14 fonction des renseignements qu'il nous donnerait, car cela serait

15 équivalent à de l'ouï-dire.

16 Mais la question qu'on lui a posée n'est pas de nous donner des éléments

17 qu'il a entendus par ouï-dire; mais la question était de savoir si, de

18 façon permanente, il recevait des renseignements d'autres personnes sur

19 les événements qui se déroulaient dans la région sur certains points

20 précis.

21 Je crois que vous pouvez poursuivre votre interrogatoire.

22 Maître Ackerman?

23 M. Ackerman (interprétation): Puisque nous venons d'interrompre

24 l'interrogatoire principal, j'aimerais revenir sur une question que j'ai

25 déjà évoquée hier; je me vois contraint d'y revenir.

Page 1495

1 Le témoin, il y a quelques instants, a fait allusion une fois de plus à

2 son livre et notamment à la page 114. La traduction que nous avons reçue

3 d'une partie de ce livre…

4 M. le Président (interprétation): Elle va de la page 1 à 81, c'est cela?

5 M. Ackerman (interprétation): Enfin, je ne sais pas ce qui figure à la

6 page 114.

7 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai le même problème que vous et

8 j'imagine que mes collègues également.

9 Il s'agit uniquement d'un cas où il a cité l'ouvrage, où il y a fait

10 allusion. Je ne suis pas intervenu immédiatement, mais je pensais

11 demander, à un moment donné, au témoin d'examiner cette traduction

12 anglaise. Ou qu'au moins, le Procureur prenne cette traduction anglaise et

13 nous dise, sur ce document, où l'on peut trouver cette référence.

14 Je suis entièrement d'accord avec vous, Maître Ackerman; je crois que nous

15 sommes sur la même longueur d'ondes.

16 Et j'imagine que Me Koumjian aura entendu notre message: nous n'avons pas

17 cet ouvrage sous les yeux, Me Ackerman non plus. Nous avons une traduction

18 anglaise où l'on ne voit pas de référence précise aux numéros de pages de

19 l'original; alors, nous sommes confrontés à une difficulté qui a été

20 évoquée à juste titre par Me Ackerman.

21 M. Koumjian (interprétation): Je sais que cela figure quelque part dans la

22 traduction anglaise et je vous l'indiquerai.

23 M. le Président (interprétation): Peut-être que vous pouvez le faire à la

24 pause?

25 M. Koumjian (interprétation): Oui. Peut-être que nous pourrons demander au

Page 1496

1 témoin de nous aider au moment de la pause.

2 Monsieur Krzic, avez-vous reçu des renseignements et plus particulièrement

3 un document du président du SDA de Celinac, de la municipalité de Celinac?

4 M. Krzic (interprétation): Oui.

5 Question: Monsieur le Président, j'ai ce document qui est intitulé

6 "République serbe de Bosnie-Herzégovine -Comté de Celinac - Présidence de

7 guerre du 23 juillet 1992".

8 Ce document, en tout cas la traduction anglaise, porte la cote provisoire

9 P450A; quant à la version d'origine en BCS, elle porte la cote P450B.

10 Je demanderai que ce document soit distribué.

11 (Intervention de l'huissier.)

12 J'ai une autre pièce à conviction à laquelle je voudrais me référer et que

13 je voudrais faire distribuer. Il s'agit de ce qui est intitulé "Témoignage

14 personnel", qui porte la date du 7 août 1992. Et en version anglaise, nous

15 avons une référence P451A, alors que la version BCS porte la mention

16 P451B.

17 Avec l'intitulé "Témoignage personnel", il y a aussi un titre qui parle de

18 rapport de méfaits commis par les Chetniks dans les localités de Savica,

19 municipalité de Kljuc.

20 Monsieur Krzic, avez-vous reçu des informations émanant tout simplement de

21 particuliers qui n'avaient aucune fonction politique et qui provenaient

22 des municipalités extérieures à Banja Luka?

23 Réponse: Pour la plupart des cas, oui.

24 Question: Je voudrais que vous vous référiez au premier document que vous

25 avez sous les yeux, à savoir le 450A, qui est le document en provenance de

Page 1497

1 Celinac.

2 Vous l'avez sous les yeux? Je peux éventuellement vous remettre mon

3 exemplaire.

4 (Intervention de l'huissier.)

5 Réponse: Oui.

6 Question: Monsieur, reconnaissez-vous ce document comme étant celui qui

7 vous a été remis par le président du SDA à Celinac?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Que vous a-t-on dit, que vous a-t-il dit à ce sujet en vous

10 remettant le document en question? Que vous a-t-il dit sur sa nature?

11 Réponse: Ce document constituait une confirmation définitive concernant le

12 statut de la population non-serbe à Celinac. Et, dans le cas précis, ce

13 statut peut être décrit comme un statut d'esclave.

14 Question: La personne qui vous a remis le document en question, sauriez-

15 vous me dire si le nom de la personne figure sur la liste des personnes

16 figurant au paragraphe 2 du même document?

17 Réponse: Oui, et cela figure sous le n°21.

18 M. Koumjian (interprétation): Je ne sais pas si vous avez sous les yeux

19 cet autre document; je vais vous le remettre. Toutefois il s'agit d'un

20 témoignage personnel concernant les méfaits des Chetniks sur le territoire

21 de la municipalité de Kljuc.

22 M. Ackerman (interprétation): Je fais objection, Monsieur le Président,

23 concernant le document en question.

24 Le nom de la personne qui aurait perpétré l'acte en question ne figure pas

25 sur le document. Nous disposons d'une description détaillée d'événements

Page 1498

1 qui seraient survenus à un moment donné et à un endroit donné, et il

2 s'agirait d'un exemple-type d'une information par ouï-dire.

3 Et je ne sais pas comment je pourrais contre-interroger une personne alors

4 que je ne sais même pas qui est l'auteur de ce document. Et aussi pensé-je

5 qu'il s'agit là d'une façon de procéder qui vise à verser au dossier des

6 pièces qui ne pourraient constituer des pièces à conviction.

7 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Koumjian, que voulez-vous

8 dire à ce sujet?

9 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit en effet

10 d'informations d'ouï-dire.

11 M. le Président (interprétation): Eh bien, ce n'est pas interdit, mais

12 nous voudrions savoir: de qui s'agit-il, de quel témoignage s'agit-il?

13 M. Koumjian (interprétation): Le témoin pourrait nous dire de qui il a

14 obtenu le document.

15 M. le Président (interprétation): Mais qu'est-ce que ce document? Peut-

16 être pourrions-nous d'abord demander de quel type de document il s'agit à

17 l'intention de la Chambre?

18 M. Koumjian (interprétation): Ce document est un document qui a été rédigé

19 par quelqu'un provenant du territoire de la municipalité et qui avait

20 écrit au sujet d'expérience d'événements qui étaient survenus aux non-

21 Serbes à Kljuc. Et c'est un témoignage qui a été remis à M. Krzic afin

22 qu'il puisse, lui, transmettre cela à l'extérieur, c'est-à-dire au reste

23 du monde.

24 Et il s'agit là d'un document qui a été montré comme exemple. Il s'agit en

25 effet d'informations de deuxième main, mais ce sont des informations

Page 1499

1 collectées par M. Krzic, qui s'est chargé de les transmettre vers

2 l'extérieur. Et cela explique son rôle et les efforts qu'il a déployés

3 pour propager l'information. Cela est également pertinent, mais je ne sais

4 pas si je dois placer cela devant le témoin.

5 M. le Président (interprétation): Si vous n'avez pas l'intention de

6 proposer ce document pour versement au dossier concernant sa tenue, nous

7 l'acceptons.

8 Mais si vous avez l'intention de vous servir de ce document en tant

9 qu'élément de preuve concernant les événements qui y sont mentionnés, il

10 apparaît avec évidence que cela ne saurait être accepté parce que, si l'on

11 ne perd pas de vue tout élément, il est question là de documents anonymes

12 qui auraient été rédigés par un groupe de citoyens, de réfugiés

13 originaires de Zenica. Et dans le cas où il n'y aurait pas d'information

14 qui permettrait au conseil de la défense de procéder à des vérifications,

15 pour ce qui est de la fiabilité des documents, et de procéder à des

16 contre-interrogatoires de personnes qui ont fourni les informations en

17 question au témoin, vous comprendrez que cela ne saurait être accepté par

18 la Chambre, si telle est la finalité du document.

19 Si toutefois vous souhaitez montrer que M. Krzic avait obtenu des

20 informations émanant de personnes identifiées ou non identifiées

21 concernant certains témoins, je pense que cela peut alors être accepté. Et

22 ce n'est que dans ce cas-là que la Chambre peut admettre le document en

23 question, étant donné que, comme je l'ai dit, cela se fonde sur des

24 déclarations anonymes, sur des dires reliés à des événements qui ne

25 sauraient être prouvés par le document en question.

Page 1500

1 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Ce que je

2 voudrais juste dire à la Chambre, c'est qu'il s'agit d'incidents

3 spécifiques figurant à l'Acte d'accusation. L'accusation se proposera de

4 faire venir des témoins qui témoigneront en personne de ces événements.

5 Je comprends fort bien votre décision, mais il s'agit là encore d'un

6 aspect dans l'affaire que nous voudrions prouver concernant Banja Luka et

7 d'autres municipalités: c'est cette ambiance de terreur qui avait été mise

8 en place non seulement pour ce qui est donc des expériences directes de

9 l'un quelconque des témoins, mais aussi des informations de deuxième main

10 qui ont été rapportées par des gens pour dire qu'ils avaient été forcés

11 d'abandonner leur propre domicile.

12 M. le Président (interprétation): Je comprends ce que vous voulez dire,

13 Monsieur Koumjian, seulement ce document a une finalité, à savoir que M.

14 Krzic avait été informé par plusieurs personnes concernant des événements

15 divers. Il avait donc été la personne-clé qui avait recueilli certaines

16 informations de la part de certaines personnes.

17 En outre, il s'agirait d'un document qui émane de sources anonymes. Par

18 conséquent, il ne saurait constituer un élément de preuve pour ce qui est

19 de sa teneur.

20 C'est la décision prise par la Chambre.

21 M. Koumjian (interprétation): Merci.

22 M. le Président (interprétation): Ce que qui peut être versé au dossier,

23 c'est le fait que le document, lui, a été remis.

24 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

25 Monsieur Krzic, je voudrais que vous vous penchiez brièvement sur ce

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1 document, en version BCS, et nous dire si vous vous souvenez avoir vu ce

2 document auparavant. Et, dans l'affirmative, nous dire où?

3 M. Krzic (interprétation): Oui, je l'ai reçu personnellement à Banja Luka.

4 Question: J'aimerais vous demander maintenant de vous pencher sur l'avant-

5 dernier paragraphe de ce document, qui commence par "Tout n'est pas si

6 sombre que cela semble l'être et nous l'avons vus sur bon nombre

7 d'exemples de sacrifices des Serbes locaux qui avaient prêté assistance en

8 cachant des personnes pendant les raids…"

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Ackerman, allez-y.

10 M. Ackerman (interprétation): Vous avez, Monsieur le Président, décidé de

11 pas pouvoir admettre ce document en raison de son contenu et on est en

12 train de nous fournir le contenu, en supposant que le contenu soit

13 véridique.

14 M. le Président (interprétation): Oui, mais nous n'avons pas encore

15 entendu la question. Quelle est la question?

16 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, avez-vous reçu des

17 informations de la part de non-Serbes en provenance de Banja Luka et des

18 autres municipalités sur l'existence de Serbes qui avaient aidé les

19 Musulmans?

20 M. Krzic (interprétation): Oui.

21 M. le Président (interprétation): Eh bien, cela résout le problème de

22 votre objection, Monsieur Ackerman, étant donné que les choses sont

23 clarifiées à présent. Je vous prie de continuer.

24 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, vous êtes-vous entretenu, à

25 Banja Luka, avec des non-Serbes pendant cette année 1992, des Serbes qui

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1 avaient décidé de quitter la ville, voire la municipalité, en cette année

2 de 1992?

3 M. Krzic (interprétation): Avec des non-Serbes, oui, certainement.

4 Question: Pourriez-vous nous dire quelles étaient les raisons avancées par

5 les gens pour ce qui était de leur départ de chez eux?

6 Réponse: La première des raisons, c'est le danger dans lequel ils se

7 trouvaient eux-mêmes et leur famille: danger de mort. La deuxième raison,

8 c'était l'impossibilité de continuer à vivre dans des conditions de

9 pression permanente, des pressions du type que j'ai déjà décrit. Et la

10 troisième raison était l'impossibilité de se chauffer en hiver,

11 l'impossibilité de s'approvisionner en vivres. C'était là les raisons

12 principales du départ de ces gens.

13 Et puis, en plus, les mobilisations forcées.

14 Je crois ne pas devoir mentionner toutes les raisons comme, par exemple,

15 l'impossibilité de bénéficier d'une protection médicale, de soins

16 médicaux. Les gens qui restaient n'avaient plus de travail. Ils avaient

17 leurs biens, ils avaient leurs habitudes. Ils avaient constamment espéré

18 que ces maux allaient arriver à leur terme.

19 Question: Les non-Serbes de la municipalité de Banja Luka, d'après ce que

20 vous en savez, étaient-ils ou pas au courant de camps, dans lesquels on

21 avait détenu des opposants aux autorités de l'époque, où l'on avait tenu

22 ou gardé des non-Serbes?

23 Réponse: Oui, je suis certain que la majorité des gens le savait. Je crois

24 que le public en général le savait et, à plusieurs reprises, j'ai donné

25 des interviews à des médias étrangers et des Serbes. Les autorités serbes

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1 s'en étaient emparées pour les présenter à leur propre télévision.

2 Question: Enfin, août 1992, y avait-il eu des informations publiques

3 concernant le massacre survenu au niveau du convoi de non-Serbes

4 traversant le mont Vlasic?

5 Réponse: S'agissant de ce massacre, je pense avoir reçu l'information le

6 lendemain, et l'information provenait de personnes qui avaient assisté au

7 constat.

8 Question: Excusez-moi mais ma question à moi était celle de savoir si,

9 selon vous… Je n'ai peut-être pas été assez concret. Est-ce que, selon

10 vous, cela avait été publié dans les médias? Y avait-il eu des

11 informations publiques concernant ce massacre?

12 Réponse: Non. Pour autant que je le sache, non.

13 Question: Avez-vous, vous-même, obtenu quelques informations ou appris de

14 quelque façon que ce soit, s'agissant de la situation survenue dans un

15 village dans le territoire de la municipalité de Kljuc, Vecici?

16 Réponse: Vecici n'est pas sur le territoire de la municipalité de Kljuc.

17 Question: Je m'excuse, il s'agissait de Kotor Varos. Je me reprends.

18 Réponse: Oui, en effet, je recevais presque régulièrement des informations

19 survenues à Vecici. Je les recevais de la part des autorités serbes, de

20 façon officielle et officieuse, et moi même, à un moment donné, j'ai été

21 en mesure de me procurer ce type d'informations sur place.

22 Question: Pourriez-vous, brièvement, nous décrire quelle était la

23 situation avant que vous ne vous rendiez à Vecici? Que se passait-il là-

24 bas? Quelle était la situation qui prévalait?

25 Réponse: Toute la ville de Banja Luka avait été témoin des décollages

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1 quotidiens des avions de combat, qui se délestaient de leur fardeau de

2 bombes sur les territoires où le peuple se défendait. Et d'autre part,

3 tous les jours, il y avait, traversant Banja Luka, des gens qui revenaient

4 des lignes de front et qui tiraient des coups de feu en l'air pour

5 célébrer ou pour montrer qu'ils étaient désolés. Donc je voyais

6 pratiquement tous les jours des fourgonnettes et des camions de soldats

7 s'en revenant de Vecici et de Kotor Varos.

8 Et j'avais reçu des informations de la part de M. Kupresanin pour ce qui

9 est des autorités serbes, mais il y avait d'autres témoins: je recevais

10 des informations de ce type de la part de parents, d'amis, de gens

11 habitant cette zone de Vecici et de Kotor Varos.

12 Question: Mais la situation pourrait-elle être résumée de la façon

13 suivante: il y avait eu de la résistance manifestée par des non-Serbes

14 dans le village et autour du village pour ce qui est donc de l'autorité

15 exercée par les pouvoirs serbes dans la zone?

16 Réponse: Oui. J'ai omis aussi de dire qu'il y avait eu des informations

17 publiées dans la presse de Banja Luka, des informations préparées de façon

18 particulière, donc partielles. Et j'avais obtenu des informations de la

19 part du SUP de Banja Luka au moment où j'avais été arrêté, où l'on m'avait

20 montré des membres des effectifs spéciaux de la police qui avaient perdu

21 la vie.

22 Question: Monsieur, avez-vous personnellement essayé de fournir des armes

23 aux combattants non-serbes à Vecici?

24 Réponse: Non. Je n'en avais pas d'ailleurs, pas pour ces affectations-là.

25 Question: Mais serait-il exact de dire que vous apportiez votre soutien

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1 aux combattants non-serbes à Vecici?

2 Réponse: Intimement, moralement, je leur apportais mon soutien parce que

3 nous avions vu ce qui se passait avec la population innocente; nous avions

4 vu ce qu'il se passait avec cette population, nous avions assisté à un

5 génocide. Et j'avais compris ce combat-là comme une résistance à la

6 destruction, non seulement de la part de ces gens-là, mais aussi de la

7 femme et des enfants.

8 Question: Et vous saviez, n'est-ce pas, que les armes avaient été envoyées

9 de Banja Luka à ces combattants?

10 Réponse: Je savais que certains volontaires se rendant à Vecici avaient

11 emporté des armes sur eux. Quand je dis "armes", je parle en tout état de

12 cause d'armes légères. Je sais que certains d'entre eux avaient essayé de

13 se procurer des munitions à Banja Luka; ils avaient essayé aussi de se

14 procurer des armes antichars parce qu'il y avait des brigades blindées qui

15 s'étaient dirigées vers Vecici alors qu'eux, là-bas, n'avaient pas d'armes

16 antichars.

17 De là à savoir dans quelle mesure ils avaient réussi à s'en procurer, je

18 ne saurais vraiment pas vous le dire.

19 Question: A-t-on publié que les autorités serbes avaient exigé la

20 reddition de ces combattants?

21 Réponse: J'ai vu un document de ce type à l'occasion de la visite qui

22 avait été ordonnée dans le cadre d'un groupe, d'une délégation se rendant

23 vers Vecici et Kotor Varos. On m'avait effectivement montré un document de

24 ce genre.

25 Question: Est-ce que M. Kupresanin vous avait demandé de l'accompagner à

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1 Vecici pour contacter les combattants qui s'y trouvaient?

2 Réponse: Juste après l'entretien avec le représentant américain, M.

3 Galbraith, ce même jour, un message a été envoyé par M. Kupresanin pour ce

4 qui est de me présenter immédiatement à son bureau à l'assemblée

5 municipale. Et lorsque je suis arrivé à ce bureau, et je n'avais pas tout

6 de suite accepté de plein gré, mais une fois que je suis arrivé, M.

7 Kupresanin m'avait demandé d'aller à Vecici pour demander, pour exiger la

8 reddition des combattants. Et il y avait là-bas des témoins présents que

9 je pourrais nommer, il y avait également M. Schwitzer, de la Croix-Rouge

10 internationale. Monsieur Kupresanin n'était pas venu avec moi à Vecici.

11 Question: Quand vous êtes allé à Vecici, l'un quelconque des représentants

12 des autorités serbes vous avait-il demandé de passer un message aux

13 combattants? Et si oui, quel avait été le message que vous étiez censé

14 transmettre aux combattants de la part des autorités de Vecici? Qu'est-ce

15 qu'avaient demandé ces autorités?

16 Réponse: Eh bien, en présence d'un représentant du HDZ, d'un prêtre et de

17 deux représentants du peuple bosnien –je crois avoir cité les noms dans

18 mon livre-, avec le colonel Peulic à la tête du groupe… Or on nous avait

19 demandé d'abord d'exiger une reddition inconditionnelle de leur part. En

20 ce sens, on avait proposé un document qui avait énuméré, pour autant que

21 je m'en souvienne, certaines conditions de la reddition en question.

22 Question: Si vous le savez, Monsieur, à quel corps d'armée appartenait M.

23 le colonel Peulic et qui avait été son supérieur immédiat?

24 Réponse: Je sais qu'il avait été commandant de l'armée serbe sur le

25 territoire de Kotor Varos. Et, sans nul doute, d'après mes souvenirs, son

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1 supérieur pouvait être le général Talic.

2 Question: Lorsque les autorités et l'armée serbe avaient demandé la

3 reddition de ces combattants, avaient-ils précisé ce qu'il adviendrait de

4 ces combattants en cas de reddition?

5 Réponse: Il n'y avait pas d'explication explicite pour ce qui est de ce

6 qu'il adviendrait de ces combattants. On avait dit -et j'en ai davantage

7 entendu parler de la part des représentants du HDZ- qu'ils allaient être

8 transportés vers Travnik, à savoir vers la Croatie. Mais moi-même, je

9 n'avais pas reçu d'informations explicites pour ce qu'il adviendrait

10 desdits combattants.

11 Question: Monsieur, quand vous dites population, vous parlez de non-

12 combattants, vous parliez donc de civils qui allaient être emmenés des

13 régions où ils vivaient pour être transférés à Travnik, à savoir vers des

14 territoires qui se trouvaient sous le contrôle du gouvernement et de

15 l'armée bosnienne, n'est-ce pas?

16 Réponse: C'est cela.

17 Question: Monsieur le Président, j'ai ici un document qui porte la cote

18 P452A, pour ce qui est de la version anglaise, et P452B, pour ce qui est

19 de la version BCS. Il s'agit de cotes préliminaires.

20 L'intitulé de ces documents, c'est "Le Parti de l'action démocratique à

21 Banja Luka". C'est daté du 18 octobre 1992 et adressé à l'ambassadeur

22 Mohamed Sacirbey, à la mission de la Bosnie-Herzégovine à New York.

23 Le sujet est -je cite-: "Nettoyage ethnique sur le territoire de Kotor

24 Varos".

25 Réponse: Oui, je connais le document. C'est moi qui l'ai personnellement

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1 signé.

2 Question: Ce document parle-t-il de votre participation à la négociation

3 de Vecici?

4 Réponse: Oui, mais il s'agit d'un sommaire ou d'un résumé de ce que

5 j'avais jugé utile d'y mentionner. Mon rapport comporte beaucoup plus de

6 détails qui pourraient, je pense, même être pertinents pour le Bureau du

7 Procureur.

8 Question: Vous avez précisé que les autorités serbes vous avaient demandé

9 de demander à votre tour la reddition des combattants. Vous êtes-vous

10 entretenu avec les combattants à Kotor Varos, voire à Vecici?

11 Réponse: Oui, on m'avait demandé de le faire et je n'avais pas eu le

12 choix. J'ai donc décidé d'accepter un déplacement vers Vecici, mais pas

13 seul, il y avait avec moi M. Dzumhur et le prêtre Adolf. Et à Vecici, nous

14 nous sommes entretenu avec des gens que nous ne connaissions pas. A

15 l'époque, il y avait disons trois représentants de ces habitants de

16 Vecici.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Koumjian, quand vous jugerez la

18 chose possible pour ce qui vous concerne, nous pourrions peut-être mener à

19 terme cette partie-là du témoignage pour faire une petite pause. Merci.

20 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Témoin, quand vous vous êtes

21 entretenu avec ces combattants à Vecici, avez-vous transmis leur réponse

22 aux autorités pour ce qui est de la demande formulée au sujet de leur

23 reddition?

24 M. Krzic (interprétation): Oui, en effet. Les réponses avaient figuré en

25 page 2 sur le même document qui avait été adressé par la soldatesque serbe

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1 de Kotor Varos; et, en page 2, il y avait une inscription en caractères

2 d'imprimerie en guise de réponse.

3 Question: Et cette réponse est-elle contenue dans le document que vous

4 avez envoyé à l'ambassadeur aux Nations Unies? A savoir que les

5 combattants avaient répondu en exigeant un échange de tous pour tous, donc

6 des soldats morts et des vivants, du côté serbe et de leur côté, en

7 présence de la croix Croix-Rouge internationale? Qui demandaient une

8 assistance humanitaire et l'accès à des journalistes étrangers à cette

9 localité de Vecici?

10 Réponse: C'est à 100% exact.

11 Question: Avez-vous transmis cette réponse au colonel Peulic? Et si oui,

12 quelle avait été sa réponse?

13 Réponse: J'ai transmis cette réponse au colonel Peulic en présence de tous

14 les représentants déjà mentionnés et, lorsqu'il a lu ce texte, il s'est

15 écrié: "Nous allons les anéantir, nous allons les écraser!" Et il avait

16 frappé de son gros poing sur la table au point où tout tremblait, où la

17 table était secouée.

18 Question: Vous souvenez-vous des termes qu'il avait utilisés lorsqu'il

19 avait dit: "Nous les anéantirons, nous les détruirons"? Est-ce que vous

20 vous souvenez des mots exacts?

21 Réponse: Il avait dit: "Nous les anéantirons".

22 Question: Le jour suivant, est-ce que M. Kupresanin vous a contacté?

23 Réponse: Je ne sais pas vous dire au juste si c'était le jour d'après ou

24 le jour d'après le jour d'après, mais je crois que, le lendemain, j'avais

25 été contacté par M. Kupresanin, et ce, au moyen de termes fort aimables

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1 pour ce qui est d'une problématique liée à Kotor Varos. Puis les mots sont

2 devenus durs, se sont mués en injures et on m'avait dit que je les avais

3 dupés et qu'il fallait que je retourne à Vecici pour faire en sorte que

4 ces gens-là se rendent. Dans le cas où je refuserais de le faire, ils se

5 chargeraient, le lendemain matin, de me conduire personnellement au camp

6 de Manjaca.

7 Question: Et qu'avez-vous compris par ces termes de "camp de Manjaca"?

8 M. Krzic (interprétation): Cela m'a tout de suite fait penser à une

9 élimination, parce qu'avec ma réputation, je ne serais jamais sorti

10 vivant. Mais il ne s'agirait pas d'une mort ordinaire: cette mort-là se

11 serait accompagnée de tortures.

12 M. Koumjian (interprétation): Je vous remercie.

13 Monsieur le Président, peut-être le moment serait-il opportun de procéder

14 à une pause?

15 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons faire une pause de 25

16 minutes et nous reprendrons à 11 heures moins 5. Merci.

17 (L'audience, suspendue à 11 heures 35, est reprise à 11 heures.)

18 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

19 M. le Président (interprétation): Je vous vois, Maître Ackerman, debout?

20 M. Ackerman (interprétation): Pour le compte rendu d'audience, Monsieur le

21 Président, et pour aider les Juges également, j'indique que la page 114 de

22 l'ouvrage du témoin, M. Krzic, correspond aux pages 30 et 31 de la version

23 traduite.

24 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Ackerman.

25 Comme d'habitude et au fil de nos débats, vous vous avérez pratiquement

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1 indispensable.

2 M. Ackerman (interprétation): J'espère simplement que M. Brdanin a le même

3 sentiment, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation): Oui, je suis certain que M. Brdanin est

5 tout à fait satisfait de vous avoir comme conseil, comme ce serait

6 d'ailleurs mon cas si j'étais à sa place. Eh bien, je vous remercie.

7 Je demande que l'on fasse entrer le témoin.

8 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)

9 Monsieur Koumjian, vous pouvez reprendre l'interrogatoire principal de ce

10 témoin.

11 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Brdanin… Excusez-moi.

12 Monsieur Krzic, vous avez déjà dit que, dans votre rôle en tant que

13 président du SDA, il vous fallait entre autres rencontrer les

14 journalistes, les représentants d'organisations internationales et

15 d'ambassades étrangères. Quel était l'objet des entretiens que vous aviez

16 avec ces représentants?

17 M. Krzic (interprétation): De façon générale, l'objet de ces entretiens

18 consistait pour moi à présenter la réalité du travail de mon parti en tant

19 qu'organisation politique représentative de la région, dans cette période

20 que nous qualifiions à l'époque de période de transition démocratique. Je

21 tenais à les convaincre que, dès lors qu'il s'agissait du SDA, ces

22 transformations étaient conformes aux normes générales qui prévalaient

23 dans le reste du monde. Par ailleurs, je tenais à leur soumettre

24 l'aggravation de la situation générale. Je voulais les familiariser avec

25 la réalité de cette situation, ainsi que les conséquences de certains

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1 actes qui avaient des implications plus vastes. Et en troisième lieu, les

2 contacts que j'avais avec notamment des étrangers, et il ne s'agissait pas

3 toujours de diplomates ou de journalistes mais très souvent de

4 représentants officiels ou élus, comme par exemple M. Galbraith, à

5 certains moments, donc dans les rencontres que j'avais avec ces personnes,

6 le but de mes entretiens ou de ceux qu'organisaient mes associés

7 consistait à demander, à prier ces pays étrangers de préserver le peuple

8 de ce qui, manifestement, était un effort visant à l'extermination

9 physique.

10 Je ne pouvais pas, bien sûr, faire autre chose que tirer profit de ma

11 position, puisque –et je parle de la période où ces tensions et cette

12 terreur se sont développées- l'homme de la rue, à ma place, aurait

13 immédiatement perdu la vie alors que je pouvais agir à un autre niveau.

14 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais demander

15 la distribution à présent de deux documents qui sont enregistrés

16 préalablement sous les cotes P453A pour la version anglaise, 453B pour la

17 version en BCS. Il s'agit d'un document qui émane du Ministère de

18 l'intérieur de la Republika Srpska, en date du 6 juillet 1993. Et plus

19 précisément du secteur des services de sécurité nationaux de Banja Luka.

20 Ce document est adressé au président du conseil régional du SDS, M.

21 Radoslav Brdanin. Il s'agit donc du premier document.

22 Il y en a un deuxième qui est enregistré préalablement sous la cote P454A

23 pour la version anglaise et P454B pour l'original en BCS. C'est un

24 document qui émane des mêmes services de sécurité et qui porte la date du

25 23 juillet 1993. Ce document est également adressé à M. Radoslav Brdanin,

Page 1513

1 président du SDS.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Et j'indique à l'intention des conseils de la défense que ces documents

4 portaient, dans le cadre de la communication des pièces, les numéros

5 respectifs 4.1237 et 4.1239.

6 J'aimerais que l'on mette sous les yeux du témoin la version en BCS de ces

7 deux documents.

8 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman?

9 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas encore

10 trouvé ces deux documents. Mais on nous dit qu'ils portent la date du 6

11 juillet 1993 et du 23 juillet 1993, ce qui se situe plus de six mois après

12 la fin de la période couverte par l'Acte d'accusation, puisque l'Acte

13 d'accusation va jusqu'en décembre 1992. Donc je ne vois pas quelle peut

14 être leur pertinence par rapport la présente affaire.

15 Le Procureur peut sans doute nous indiquer quelle est, à ses yeux, la

16 pertinence de ces documents, mais il est sans doute en tort.

17 M. le Président (interprétation): Maître de Roux?

18 M. de Roux: J'avais exactement la même remarque à faire, Monsieur le

19 Président.

20 M. le Président (interprétation): Votre réaction, Monsieur Koumjian?

21 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, l'Acte d'accusation

22 porte sur des crimes commis en 1992.

23 Ces deux documents ne traitent d'aucun crime, en fait, mais ils peuvent

24 servir à prouver que les services de sécurité, et plus particulièrement M.

25 Brdanin, s'intéressaient aux activités de M. Krzic ainsi qu'aux contacts

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1 qu'il avait avec des représentants étrangers, des journalistes étrangers

2 notamment, ainsi qu'au fait qu'il était une personnalité politique qui

3 propageait hors de la région des informations au sujet des crimes commis

4 en 1992.

5 Donc je pense qu'il est tout à fait pertinent de prendre en compte ces

6 documents, s'agissant de la connaissance qu'avait M. Brdanin des activités

7 des services de sécurité et s'agissant également de l'intérêt qu'avait

8 l'accusé à masquer les crimes qui avaient été commis. Je souligne que tout

9 effort pour masquer un crime a une importance du point de vue de la

10 pertinence, même si cela se passe bien longtemps après le crime.

11 M. le Président (interprétation): Les Juges de cette Chambre sont d'avis

12 qu'à première vue, ces deux documents peuvent être pertinents s'agissant

13 des arguments qui viennent d'être présentés par le Procureur, c'est-à-dire

14 sous réserve de la valeur probante qui leur sera attribuée par la suite.

15 Donc vous pouvez demander le versement au dossier de ces deux documents,

16 453A et 454A, et nous partirons de là. Je vous prie de procéder.

17 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, je vous demanderai de

18 regarder rapidement les deux documents dans leur version en BCS. Il est

19 vrai, n'est-ce pas, que vous avez vu ces documents pour la première fois

20 ici, à La Haye, la semaine dernière, lorsque je vous les ai soumis?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Dans ces documents, on trouve la liste d'un certain nombre de

23 personnes avec lesquelles vous avez eu des contacts, y compris M. Hamdija

24 Todorovic et Véronique Pasquier, une journaliste suisse.

25 Est-il exact que vous avez eu des contacts avec ces personnes?

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1 Réponse: Oui, mais je corrige le nom de famille que vous avez cité. Il

2 s'agit de Todorovac et non Todorovic. Quant à la journaliste suisse, son

3 patronyme est Pasqua.

4 Question: Merci beaucoup. Dans le document 454A, il est indiqué également

5 que vous avez eu des contacts avec des journalistes étrangers, et

6 notamment avec M. Gutman.

7 Est-il exact que vous avez discuté avec un M. Gutman?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Monsieur, est-il exact qu'en 1992, vous avez rencontré une fois

10 M. Gutman chez vous, à la maison; après quoi vous avez reçu, chez vous

11 également, la visite d'autres personnes?

12 Réponse: Oui, c'est la vérité.

13 Question: Après que vous avez parlé avec M. Gutman, qui est venu vous

14 rendre visite chez vous?

15 Réponse: Deux policiers en civil. Très peu de temps après, une heure ou

16 une heure et demie après, sans doute.

17 Question: Vous ont-ils interrogé au sujet de la rencontre que vous veniez

18 d'avoir avec M. Gutman?

19 M. Krzic (interprétation): Oui, et ils ont pris des notes.

20 M. Koumjian (interprétation): Merci.

21 Je demande à présent la distribution d'un certain nombre -assez important

22 d'ailleurs- d'autres documents. Monsieur le Président, il s'agira d'abord

23 d'un document dont la cote préliminaire est P455A pour la version anglaise

24 et P455B pour la version BCS.

25 Selon ce qui est indiqué dans ce document, on apprend qu'il émane du Parti

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1 de l'Action démocratique de Banja Luka. Il porte la date du 2 août 1992 et

2 son objet est de rendre compte d'une rencontre, d'une réunion du SDA avec

3 le CICR le 31 juillet 1992, dans les bureaux du CICR.

4 Deuxième document: cotes préliminaires P456A pour la version anglaise et

5 P456B pour l'original. Il est indiqué comme provenant du Parti de l'Action

6 démocratique de Banja Luka. Sa date est celle du 18 novembre 1992 et il

7 est adressé à l'ambassade de Bosnie-Herzégovine, aux Nations Unies, et

8 plus précisément à M. Muhamed Sacirbey.

9 M. le Président (interprétation): Je suppose que ces deux documents ont

10 été communiqués à la défense?

11 M. Koumjian (interprétation): Tous les documents dont je parle l'ont été.

12 M. le Président (interprétation): Je voulais simplement m'en assurer.

13 M. Koumjian (interprétation): Ce sont des documents qui ont été

14 communiqués à la défense en même temps que la déclaration préalable de

15 témoin, dans le cadre du 799.

16 Troisième document, nous l'avons enregistré sous la cote préalable de

17 P457A et P457B, il est indiqué dans ce document qu'il provient du parti de

18 l'Action démocratique de Banja Luka, il est adressé à l'ambassade de la

19 République de Bosnie-Herzégovine, à la mission auprès des Nations Unies à

20 New York et personnellement à M. Muhamed Sacirbey.

21 Le sujet dont il traite est une rencontre avec le maire de Banja Luka.

22 M. le Président (interprétation): Vous pouvez procéder.

23 M. Koumjian (interprétation): Excusez-moi, j'essaie de m'y retrouver dans

24 mes documents.

25 M. Koumjian (interprétation): Je crois que j'en étais arrivé à 456? Je ne

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1 crois pas avoir cité la cote P457.

2 J'ai un document qui est enregistré à titre préliminaire sous la cote

3 P457A et P457B, intitulé "Parti de l'Action démocratique à Banja Luka",

4 adressé à l'Ambassade de la République de Bosnie-Herzégovine, Mission

5 auprès des Nations Unies de New York, personnellement à Mohamed Sacirbey.

6 Et le sujet est la rencontre avec le maire du conseil exécutif, avec le

7 maire de Banja Luka.

8 En fait, j'avais lu déjà tout cela, mais je ne le voyais pas au compte

9 rendu d'audience; c'est pourquoi je l'ai répété.

10 Nous avons maintenant un document dont la cote préliminaire est P458A et

11 P458B. Il est indiqué dans ce document qu'il est adressé à M. Vance et à

12 Lord Owen; il ne comporte pas de date, mais simplement la date de sa

13 transmission par télécopie le 12 décembre 1992. Il est rédigé sur papier à

14 en-tête du "Parti de l'Action démocratique de Banja Luka."

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Koumjian, d'ailleurs, je

16 remarque que le document P457A ainsi que son homologue 457B ne comportent

17 aucune date. Ils sont censés avoir été signés par le témoin et il devrait

18 s'agir d'une copie de communications avec Son Excellence, M. Mohamed

19 Sacirbey.

20 On pourrait donc s'attendre à ce que ce document comporte une date. En

21 tout cas, il est ultérieur au 8 décembre 1992, mais nous ne pouvons guère

22 en dire plus.

23 M. Koumjian (interprétation): En effet, Monsieur le Président. Une date

24 est évoquée à la première ligne de ce document où il est question de la

25 date du 8 décembre 1992. Nous lisons: "Le 8 décembre 1992, sur notre

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1 demande instante, nous avons reçu de la part du maire Predrag Radic,

2 etc.". Mais il n'y a pas de date, en tout cas pas dans la version

3 traduite.

4 M. le Président (interprétation): Il doit s'agir d'un message qui a été

5 envoyé par télécopie. En tout cas, pas par courrier. En général, ce genre

6 de messages est envoyé par télécopie. Cette remarque concerne d'ailleurs

7 certain des autres documents également.

8 Je ne sais pas s'il m'appartient de vous faire cette remarque. Je pensais

9 que c'était nécessaire, car c'est tout de même un aspect important qu'il

10 importe de remarquer. Mais veuillez poursuivre.

11 M. Koumjian (interprétation): Je crois que j'ai appris ma leçon et que je

12 ferai mieux de traiter d'un seul document à la fois.

13 M. le Président (interprétation): Oui, exactement. J'étais d'ailleurs sur

14 le point de vous proposer de traiter de ces documents un par un au cours

15 de l'interrogatoire de votre témoin, car il n'est pas très juste de placer

16 devant lui quatre documents en même temps qui font un total de 20 ou 30

17 pages à eux quatre.

18 M. Koumjian (interprétation): Et pour ce qui me concerne, je risque de

19 mélanger plusieurs feuilles de papier également.

20 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.

21 M. Koumjian (interprétation): Nous allons donc prendre ces documents un

22 par un.

23 Monsieur Krzic, avez-vous sous les yeux les documents P455B daté du 2 août

24 1992, qui est un rapport d'une réunion entre le SDA et le CICR?

25 M. Krzic (interprétation): Je suis d'accord avec ce que mentionne ce

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1 document, même si je dois signaler une difficulté particulière…

2 Question: Je vous prie de m'excuser pour cette interruption. Mais avant

3 d'entendre vos explications, je voudrais vous demander si vous savez qui

4 est l'auteur de ce document?

5 Réponse: Tous les documents, notamment celui-ci, qui me rendent compte

6 d'une rencontre avec des représentants d'organisation internationale,

7 comme c'est le cas ici, tous ces documents, j'en suis l'auteur, en

8 coopération avec d'autres personnes qui étaient mes collaborateurs à

9 l'époque.

10 Question: Je ne vais pas passer en revue de façon détaillée le contenu de

11 ce document qui parle de lui-même, mais je vous demande simplement s'il

12 s'agit bien d'un rapport relatif à une rencontre des membres de votre

13 parti avec des représentants du Comité international de la Croix-Rouge, en

14 date du 31 juillet 1992?

15 Réponse: Le rapport que j'ai actuellement sous les yeux correspond

16 exactement à ce que vous venez de dire.

17 Question: J'aimerais que nous passions maintenant au deuxième document, le

18 document P456, daté du 18 novembre 1992 et adressé à l'ambassadeur de la

19 République de Bosnie-Herzégovine à la Mission auprès des Nations Unies.

20 Est-il exact que vous êtes l'auteur de ce document, puisque c'est votre

21 nom qui apparaît à la dernière page?

22 Réponse: C'est un document signé par moi.

23 Question: Est-ce vous qui avez rédigé ce document?

24 Réponse: Oui, je l'ai rédigé.

25 Question: Etait-il courant pour vous d'écrire à une ambassade, ou plus

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1 particulièrement à la Mission de la Bosnie-Herzégovine auprès des Nations

2 Unies à New York, pour rendre compte de ce qui se passait dans la région

3 de la Krajina bosniaque?

4 Réponse: Personne ne m'a proposé de le faire et je n'ai pas agi sur

5 instruction; je veux parler d'instruction officielle de la République de

6 Bosnie-Herzégovine. Il s'agissait d'une action spontanée de ma part, car

7 je pensais que c'était la meilleure façon d'agir, dans la mesure où la

8 Mission travaillait auprès des Nations Unies; il m'apparaissait donc que

9 c'était la meilleure façon d'informer l'opinion mondiale.

10 Par ailleurs, puisque le Président a formulé une remarque au sujet de

11 l'envoi par télécopie, je me dois de faire remarquer qu'un grand nombre de

12 documents n'étaient pas faxés à partir de Banja Luka, mais à partir d'un

13 autre Etat. Et ces documents arrivaient dans cet autre Etat de façon

14 clandestine.

15 Question: Très bien. Je puis sans doute me permettre de vous demander s'il

16 est exact que, pour des raisons de sécurité, vous faisiez sortir ces

17 lettres de la région de Krajina bosniaque pour les faxer à partir d'autres

18 lieux, comme par exemple à partir de Zagreb?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Je passe à présent au document suivant, le document P457.

21 Je vous demande, Monsieur, si vous pouvez confirmer être l'auteur de ce

22 document? Il s'agit d'un document qui, selon ce qui est indiqué dans le

23 texte, est un rapport d'une rencontre avec le maire du Conseil de comté de

24 Banja Luka.

25 Réponse: Oui, mais je dois indiquer que des détails complémentaires à ce

Page 1521

1 sujet se trouvent dans mon livre, un rapport plus complet… Comment est-ce

2 que je pourrais le définir?

3 Question: Très bien. Merci.

4 Dans ce document, vous remarquerez qu'il y a trois paragraphes numérotés.

5 Je vous demanderai de vous concentrer sur le deuxième paragraphe

6 correspondant à un numéro 1. Il y a deux paragraphes numérotés 1.

7 Le deuxième paragraphes 1 mentionne-t-il bien la réaction du maire, M.

8 Radic, lors de cette réunion?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-il exact que cette réaction de M. le maire Radic a consisté

11 à estimer que la situation risquait de s'aggraver avec le retour des

12 soldats et des réfugiés dans la ville?

13 Réponse: Il a dit non pas que la situation risquait d'empirer, mais qu'il

14 était certain qu'elle allait empirer.

15 Question: Est-ce un commentaire que vous entendiez couramment de la bouche

16 de membres du SDS, s'agissant des crimes commis contre les non-Serbes? En

17 d'autres termes, ces crimes étaient-ils souvent imputés aux soldats qui

18 revenaient du front?

19 Réponse: Oui, on entendait souvent cette phrase; on la retrouvait

20 d'ailleurs également dans les journaux de l'époque.

21 M. Koumjian (interprétation): Passons au document suivant, le document

22 458. Est-il exact…

23 Tout d'abord, pouvez-vous me confirmer qui est l'auteur de ce document?

24 Pouvez-vous me dire qui est l'auteur de ce document?

25 M. Krzic (interprétation): Un groupe de représentants du SDA et du peuple

Page 1522

1 bosnien qui se sont entretenus avec M. Owen. Ils ont rédigé ensemble ce

2 document et je crois qu'il est signé du président du club des délégués du

3 SDA.

4 Je le reconnais personnellement, mais je dois ajouter encore autre chose:

5 si mes souvenirs sont bons, le document n'a pas été envoyé à une date qui

6 a suivi de près le départ de MM. Vance et Owen parce que nous souhaitions

7 qu'un temps suffisamment long s'écoule pour voir si la situation allait

8 s'améliorer ou se dégrader. Par conséquent, comme vous pouvez le voir,

9 c'est plusieurs mois après cette rencontre que le document a été envoyé.

10 M. le Président (interprétation): M. Koumjian, peut-être pourriez-vous

11 demander au témoin de nous donner le nom du président du club des délégués

12 du SDA, étant donné qu'il se souvient que ce document a été signé, à

13 l'origine, par cette personne?

14 M. Krzic (interprétation): Je crois que c'est M. Djanic qui a signé ce

15 document.

16 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Krzic, est-ce que vous avez lu ce

17 document avant qu'il ne soit envoyé?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Et êtes-vous d'accord avec le contenu de ce document, étiez-vous

20 d'accord avec le contenu de ce document?

21 Réponse: Oui, entièrement.

22 Question: Est-ce que c'était là un autre exemple des efforts que vous avez

23 faits pour informer les diplomates et le monde extérieur, sur les crimes

24 qui étaient perpétrés dans votre région, la Krajina de Bosnie?

25 Réponse: Oui, nous pensions que cela avait un poids particulier, étant

Page 1523

1 donné que M. Vance, au moment de son départ, a lui-même recommandé que

2 nous l'informions en cas d'une détérioration de la situation et au cas où

3 notre sécurité serait menacée. Quant à M. Owen, nous avons reçu, nous

4 devions répondre à sa requête, c'est-à-dire que nos députés, nos

5 représentants retournent à l'Assemblée municipale et participent au

6 travail. Nous devions transmettre cette requête par écrit. Il s'agit en

7 réalité d'une réponse à la requête qui a été présentée par M. Owen.

8 Question: Monsieur le Président, j'ai un autre document qui porte la cote

9 459A pour l'anglais et 459B pour le BCS. Il s'agit du Centre du droit

10 humanitaire, à Belgrade. Le titre est "Le scénario de Trebinje à Banja

11 Luka, 10 mai 1993, sous les projecteurs du Centre du droit humanitaire."

12 Est-ce que vous avez également parlé, Monsieur Krzic, à des membres de

13 l'organisation des droits de l'homme de différents pays, y compris de

14 Belgrade en Yougoslavie?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Je crois que l'on vous a remis ce document, P459B. Est-il exact

17 que vous avez parlé aux auteurs de ce document? Et pouvez-vous nous dire

18 si vous avez pris connaissance de ce document et le moment, plus ou moins,

19 où il a été écrit et distribué?

20 Réponse: J'ai eu un certain nombre d'entretiens, peut-être même une

21 dizaine avec Mme Natasa Kondic. Je crois savoir qu'elle était, à l'époque,

22 présidente de ce Centre du droit humanitaire. J'ai eu des entretiens

23 téléphoniques; je lui ai décrit, dans les grandes lignes, la situation qui

24 régnait à Banja Luka et dans les environs, mais sans entrer dans trop de

25 détails qui risquaient d'être dangereux pour moi; en d'autres termes, sans

Page 1524

1 citer les protagonistes principaux impliqués dans les crimes.

2 Madame Kondic me donnait l'impression de quelqu'un qui était véritablement

3 humaniste et qui se battait pour la défense des Droits de l'Homme. Ce

4 document, j'en ai pris connaissance par la suite, pas à l'époque. J'ai été

5 agréablement surpris par l'exactitude avec laquelle cette personne et le

6 Centre du droit humanitaire, avec quelle précision ils avaient reflété les

7 événements de cette époque. J'ai été particulièrement satisfait de voir

8 que la personne, avec qui j'avais eu des contacts, avait essayé de

9 défendre la population non serbe et de se battre pour la défense des

10 droits de l'homme.

11 Question: Monsieur Krzic, dans le document que nous avons évoqué, on parle

12 des efforts que vous avez déployés pour informer le reste du monde des

13 événements qui avaient lieu en Krajina de Bosnie. Est-il exact que vous

14 vous êtes battu par d'autres moyens contre les politiques des autorités de

15 Banja Luka, pendant la période couverte par l'Acte d'accusation?

16 Réponse: Oui. Mais j'aimerais compléter, si vous me le permettez. Oui,

17 Amnesty International, aussi, a été informée sur une base assez régulière

18 de la situation. Et notamment, de la personne qui était chargée de

19 surveiller les cas de violation des droits de l'homme. Ce n'était donc pas

20 moi au sein du parti du SDA.

21 Question: Merci. J'aimerais maintenant parler des efforts que vous avez

22 déployés, non pas pour informer le reste du monde de ces crimes, mais pour

23 lutter contre les autorités au pouvoir à Banja Luka.

24 Monsieur Krzic, avez-vous jamais envisagé, avez-vous jamais essayé

25 d'obtenir des armes pour résister aux autorités de Banja Luka?

Page 1525

1 Réponse: Oui, mais il s'agissait d'efforts individuels -si je peux

2 m'exprimer ainsi- qui étaient plutôt inspirés par l'intuition. Et nous

3 n'avions pas pour objectif d'attaquer qui que ce soit, mais c'était en cas

4 de menace massive pour notre vie: nous pensions vendre chèrement notre

5 peau.

6 Question: Est-ce que vous êtes allé à Sarajevo et à Zagreb pour essayer

7 d'obtenir des armes?

8 Réponse: Je ne suis pas parti à Zagreb avec cette intention-là. Mais je me

9 suis dit, à Zagreb, que j'allais essayer d'obtenir des armes mais,

10 malheureusement, je n'ai rien pu obtenir, aucune promesse. A Sarajevo, on

11 m'a promis 50 fusils automatiques concrètement, mais nous ne les avons pas

12 reçus non plus parce que la personne qui nous l'a promis, qui était

13 chargée de cela, a été interpellée par le SDBA de Belgrade peu après; et

14 on l'a montré ensuite à la télévision.

15 La seule fois que j'ai pu accéder à des armes, il s'agissait de deux

16 fusils automatiques allemands, anciens, que j'ai obtenus à Sarajevo pour

17 protéger ma propre personne et le vice-président du parti à qui j'ai donné

18 ce fusil automatique. Et j'ai ensuite rapporté ces deux armes à Banja

19 Luka.

20 Question: Serait-il exact de dire que les non-Serbes -et je crois que vous

21 connaissez certainement mieux la population musulmane à Banja Luka-

22 avaient probablement des armes en leur possession au sein de la

23 municipalité?

24 Réponse: Manifestement, oui. Mais quant aux chiffres, j'ai écouté ce qui

25 était dit par la police serbe. Lorsqu'ils interpellaient des personnes,

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1 lorsqu'ils arrêtaient des personnes, ils donnaient des chiffres et ils

2 disaient, par exemple, "vous avez 2000 fusils". Et c'était donc une

3 estimation, pour moi, une orientation, mais je ne savais pas vraiment.

4 Question: Monsieur Krzic, vous nous avez dit que vous étiez opposé à ce

5 qui était fait par les autorités, que vous avez assisté à de nombreux

6 crimes contre la population civile dans cette municipalité. Pourquoi

7 n'avez-vous pas organisé de résistance armée à Banja Luka?

8 Réponse: Pour ce qui est de la résistance armée, il faut se préparer

9 lentement. Or nous n'étions absolument pas préparés; d'ailleurs, personne

10 ne nous avait dit que nous étions en danger ou plutôt, au niveau de

11 l'Etat, personne ne nous a mis en garde. Nous n'avons jamais reçu un

12 quelconque document ou un ordre pour entreprendre quoi que ce soit dans ce

13 sens. Des rencontres ou des entretiens ont porté sur ces questions, mais

14 concrètement rien n'a jamais été fait.

15 Lorsque nous avons été confrontés de façon directe avec un danger de mort…

16 Et quand je dis "danger de mort", je ne veux pas dire mort accidentelle,

17 mais que l'on vous assassine avec votre famille pendant la nuit ou encore

18 le jour, comme cela s'est produit à différents endroits. Et la situation

19 psychologique des gens qui avaient des enfants était particulièrement

20 difficile; ils avaient peur qu'on tue leurs enfants ou qu'on les viole

21 sous leurs yeux, ce qui se passait également, d'ailleurs. Donc dans ces

22 condition, la seule chose que pouvait faire quelqu'un de normal –et nous,

23 par conséquent-, c'était d'essayer de récupérer une arme pour tuer les

24 criminels, mais pour se suicider aussi. Et c'est la raison pour laquelle

25 nous avons essayé d'obtenir des armes; c'est la seule raison.

Page 1527

1 Bien sûr, il y avait aussi des groupes de jeunes qui essayaient de

2 s'organiser, mais c'étaient des jeunes hommes qui jouaient au football

3 ensemble ou qui avaient été à l'école ensemble. Mais là, je dois vous dire

4 qu'il y avait également des Croates et des Bosniens. Mais, encore une

5 fois, je n'en ai pas vu un seul qui portait une arme, à part dans quelques

6 cas où certains avaient un revolver de petit calibre, comme j'en avais un

7 moi-même.

8 Par conséquent, pour ce qui est d'un armement sérieux et intensif, il n'y

9 en avait pas. Mais nous en rêvions et nous savions que certains en

10 avaient. Mais au sein de la population, on pensait qu'il ne fallait

11 absolument pas essayer d'utiliser ces armes, sauf en cas d'exécution

12 massive. Et d'ailleurs, je ne sais pas si un ordre aurait eu un quelconque

13 effet; il se serait agi d'un soulèvement spontané.

14 Nous songions, bien sûr, au fait que certains criminels pouvaient être

15 tués, mais nous nous sommes dit qu'une telle explosion de notre part

16 allait immédiatement nous exposer à des représailles. Et là, nous étions à

17 1 contre 100, enfin, pour m'exprimer ainsi.

18 Question: Sans nous donner de noms, peut-on dire que vous aviez des

19 sources au sein de l'armée, au sein de la VRS, l'armée serbe dans la

20 région, des sources qui vous ont transmis des renseignements que vous

21 avez, dans certains cas, transmis aux autorités de Sarajevo?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Permettez-moi de vous poser une question, Monsieur: d'après

24 votre estimation, que se serait-il passé si, en 1992, la population civile

25 non-serbe de Banja Luka avait tenté de se soulever contre les autorités

Page 1528

1 serbes?

2 Réponse: Il n'y avait aucun dilemme. C'était clair, et les intellectuels

3 et les gens moins éduqués étaient du même avis: on pensait qu'on

4 n'attendait qu'un tel acte pour procéder à des représailles massives. M.

5 Brdanin et ses déclarations menaçantes nous ont plongés dans l'amertume et

6 nous avons compris que, si nous faisions quoi que ce soit contre lui, un

7 massacre de la population civile allait suivre.

8 Question: Monsieur Krzic, j'aurais aimé préciser ce que vous venez de

9 dire, pour être bien sûr de quel groupe il s'agit. Là, je relis le compte

10 rendu d'audience. En réponse à une question précédente, vous avez dit que,

11 "au sein de la population, on estimait qu'il ne fallait pas les utiliser,

12 sauf en cas d'exécution de masse".

13 Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qu'il ne fallait pas utiliser

14 et ce que vous entendiez par "exécution massive", et de quel peuple? Car

15 je crois qu'il y a peut-être une légère ambiguïté.

16 Réponse: Je vais essayer de prendre un exemple pour comparer.

17 A Banja, à une réunion qui a été organisée à la demande de la

18 municipalité, à laquelle a participé M. Radic, le maire, on a essayé de

19 dire de façon polie, quels étaient les problèmes vers Banja; on a essayé

20 de dire aux Bosniens. La population qui était présente, les habitants qui

21 étaient présents -en s'excusant de faire-valoir de tels faits concernant

22 la terreur sur ce territoire et dans la ville-, ont donc pris la parole.

23 Et le même soir, les participants qui ont pris la liberté de dire ce qui

24 leur était arrivé, ont été attaqués, ont reçu des obus, des tirs; et ils

25 souhaitaient quitter la ville. Leurs maisons ont donc été pilonnées le

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1 même jour.

2 Alors, vous pouvez vous y imaginer ce qui se serait passé si, par hasard,

3 un soldat était mort des tirs de notre peuple, sans parler d'un Chetnik.

4 Question: Lorsque je vous ai parlé de soulèvement armé, vous avez dit dans

5 votre réponse "qu'il se serait agi d'un acte qui aurait été accueilli avec

6 satisfaction, qu'il se serait agi d'un prétexte". Je crois que je sais de

7 qui vous parlez, mais qui aurait pris cela comme prétexte pour se venger?

8 Réponse: Je crois qu'un tel acte aurait été accueilli favorablement par

9 qui nous savons, c'est-à-dire les forces grand-serbes, et il s'agit d'une

10 grande partie des membres du SDS de l'époque, des membres du Parti

11 radical, pour ce qui est de l'établissement politique.

12 Pour ce qui est des dirigeants militaires maintenant: les commandants qui

13 sont particulièrement éminents de l'époque auraient été contents. Nous en

14 avons déjà parlé.

15 Pour ce qui est de la police: il s'agissait des chefs de la police qui

16 d'ailleurs ont fait des déclarations dans ce sens.

17 Par ailleurs, des tentatives de provoquer une telle révolte, un tel

18 soulèvement ont été entreprises. Je cite dans mon livre un cas où un

19 territoire, dans une partie de la ville où je vis, a été encerclé et la

20 population, quel que soit son âge, a été rassemblée au parc de Poljakov;

21 c'est un parc qui porte le nom d'une famille.

22 Question: Désolé de vous interrompre, mais vous avez dit que le

23 soulèvement aurait été un prétexte pour que les autorités serbes se

24 vengent contre la population non-serbe. Est-ce que c'est bien ce que vous

25 voulez dire?

Page 1530

1 Réponse: Oui, c'est ce que je voulais dire.

2 Question: Merci. Monsieur, connaissez-vous le général Talic?

3 Réponse: Oui, je connais le général Talic.

4 Question: Est-ce que vous l'avez rencontré personnellement?

5 Réponse: Je l'ai rencontré personnellement à deux reprises.

6 Question: Est-ce que vous le voyez dans le prétoire aujourd'hui?

7 Réponse: Oui, je vois le général Talic.

8 Question: Quand avez-vous rencontré le général Talic la première fois?

9 Réponse: C'était vers la fin du mois de mai 1992; là, j'ai la date exacte,

10 je ne sais pas si je dois la retrouver.

11 Je l'ai rencontré dans une délégation qui a demandé ou qui a supplié,

12 sollicité une réunion avec le général Talic, qui était à la tête de

13 l'armée à l'époque.

14 Question: Lorsque vous avez rencontré le général Talic -je ne pense pas

15 que la date exacte nous soit indispensable-, mais en rapport avec d'autres

16 événements, est-ce que vous vous souvenez quand cela est intervenu par

17 rapport à l'attaque contre Kozarac dans la municipalité de Prijedor?

18 Réponse: C'était entre six et huit jours avant l'attaque contre Kozarac,

19 c'est-à-dire Prijedor.

20 Question: La réunion a eu lieu six à huit jours avant l'attaque contre

21 Kozarac, est-ce que c'est exact?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Qui a participé à cette réunion avec le général Talic?

24 Réponse: Le mufti de Banja Luka, le mufti Halilovic, le professeur

25 Osmancevic, le professeur Bajric, Safet Filipovic économiste, Naim

Page 1531

1 Dalmezirovic, retraité, et je crois que le professeur Bilalbegovic y était

2 également. Mais je n'en suis pas absolument sûr.

3 Question: Est-ce qu'il s'agissait des représentants des communautés croate

4 et musulmane à Banja Luka, représentants dont vous nous avez parlé?

5 Réponse: Dans ce cas précis, il s'agissait de représentants de la

6 communauté des Bosniens, parce que nous avons proposé aux représentants de

7 la communauté croate d'y aller ensemble, mais ils n'ont pas accepté.

8 Question: Est-ce que le général Talic était seul ou était-il accompagné

9 d'autres personnes?

10 Réponse: Il y avait en plus du général Talic, le colonel Osman Selak,

11 ainsi que deux ou trois officiers de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

12 Question: Quand vous avez rencontré le général Talic, où a eu lieu cette

13 réunion, vers le milieu du mois de mai?

14 Réponse: La réunion a eu lieu dans le bâtiment du quartier général de

15 l'armée yougoslave, dans la "maison de l'armée" comme on l'appelait, au

16 premier étage, dans l'une des pièces qui se trouvaient à un des angles du

17 bâtiment.

18 Question: Quel était l'objet de cette réunion avec le général Talic et

19 quelles questions avez-vous évoquées au cours de cette réunion?

20 Réponse: En général, nous avions sollicité les gens pour avoir cette

21 réunion dans l'espoir qu'au sein de l'armée, il se trouverait encore des

22 effectifs, des forces capables de protéger la population contre le règne

23 de la terreur, de la terreur de toutes sortes, de la terreur physique qui

24 avait été exercée à l'encontre de la population non serbe dans Banja Luka

25 et ses environs. Je crois qu'il n'est point nécessaire d'énumérer tout ce

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1 que cela sous-entend. Il y avait déjà eu des meurtres de commis à

2 l'encontre de personnes innocentes; il y avait déjà eu des viols. Et ce

3 que nous appellerions un "culturocide", à savoir une agression à l'égard

4 de la culture qui ne serait pas serbe ou qui pourrait être considérée

5 comme une culture européenne d'une manière générale.

6 Question: Y avait-il quelque chose dans l'histoire de la Yougoslavie qui

7 vous inciterait à vous permettre d'espérer que l'armée pourrait constituer

8 une force qui devrait être consultée?

9 Réponse: Certainement.

10 L'armée avait d'abord été la puissance la plus grande. Et dans l'armée, il

11 y avait encore des officiers, des particuliers qui avaient soit pris eux-

12 mêmes part à la Deuxième Guerre mondiale, en étant très jeunes, soit qui

13 avaient été fils de combattants, d'anciens combattants de la Deuxième

14 Guerre mondiale, des partisans, qui avait combattu pendant cette Deuxième

15 Guerre mondiale.

16 Nous avions pensé que l'armée yougoslave devrait s'en tenir à des

17 principes qui interdiraient de tels comportements à l'égard de la

18 population, et vice-versa. Nous avions perdu toute confiance dans la

19 police pour des raisons que je serais en mesure d'énumérer. L'armée avait

20 été la dernière des instances sur laquelle nous étions en mesure de

21 compter, pour ce qui est d'une éventuelle protection à fournir à

22 l'intention de la population non serbe.

23 Question: Mais avez-vous discuté avec le général Talic de certaines

24 questions que vous venez de mentionner tout à l'heure, à savoir de crimes

25 commis contre la population serbe, des attaques à l'encontre

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1 d'établissements culturels, de la population non serbe et ainsi de suite?

2 Réponse: Oui, et ce, dans le détail. Je crois pouvoir dire que certaines

3 choses ont été notées sur-le-champ. Mais vous devriez savoir que, quoique

4 nous ayons été victimes, le fait de présenter ce qui nous arrivait,

5 nécessitait du courage. Il fallait du courage pour protester. Nous avions

6 sollicité de l'aide, nous n'avions pas protesté à cette fin.

7 Question: Quelle a été la réponse apportée par le général Talic, quand

8 vous lui avez parlé des crimes qui étaient commis à l'encontre de la

9 population non serbe?

10 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, il n'avait pas contesté cela.

11 Il n'avait contesté cela par un seul propos. Il me semble même qu'il

12 avait, en quelque sorte, justifié la situation. Du moins, je ne m'en

13 souviens pas exactement.

14 Mais il avait promis qu'il allait mettre en place une ou deux brigades

15 légères –il se peut que je n'aie pas compris tout à fait ce que cela

16 signifiait au juste-, et ces brigades étaient censées protéger la

17 population. Et d'après ce que nous avions compris, ces brigades étaient

18 censées patrouiller à des heures critiques, particulièrement critiques,

19 dans la ville et notamment dans les villages.

20 Il est vrai qu'il nous avait prévenus de l'expectative, de sa part, de

21 troubles plus grands encore, de bouleversement plus grands encore dans la

22 zone de Prijedor. Et nous avions espéré que les choses se stabiliseraient

23 dans la ville et qu'il y avait lieu de craindre, pour ce qui est de

24 l'avenir de la population, dans les petites villes et notamment dans les

25 villages.

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1 Question: Vous aviez mentionné Prijedor. Que vous a dit le général Talic à

2 cette réunion, réunion qui s'est tenue à quelque six ou huit jours avant

3 l'attaque lancée contre Kozarac? Que vous a-t-il dit au juste concernant

4 Prijedor?

5 Réponse: Ce que je viens de vous dire, il l'avait dit à cette réunion,

6 donc en présence d'autres personnes encore. Et en sortant, j'avais

7 rencontré le mufti; le général avait témoigné du respect à l'égard du

8 mufti. Cela était particulièrement présent dans le comportement dont il

9 faisait preuve. Lorsque nous étions sortis, ils sont restés traîner un peu

10 en arrière et il avait dit que, dans les sept jours qui venaient, il

11 s'attendait à des ennuis dans la région de Prijedor.

12 Question: Vous souvenez-vous de la date de cette deuxième rencontre avec

13 le général Talic?

14 Réponse: Je pense qu'il devait s'être écoulé un mois ou un mois et demi

15 entre la première et deuxième rencontre. Nous avions d'ailleurs sollicité

16 également cette deuxième rencontre.

17 Question: Monsieur le Président, j'ai ici un autre document qui porte une

18 cote, celle de P460.

19 (Intervention de l'huissier.)

20 Il y est dit qu'il s'agit d'une association sociale, culturelle,

21 religieuse et politique du peuple musulman de Banja Luka. La date est du

22 22 juin 1992. Cela est envoyé de Banja Luka à l'intention du commandement

23 du 1er Corps d'armée de la Krajina, et cela est destiné à l'attention du

24 général Momir Talic. Il s'agissait notamment, en objet, d'une proposition

25 de coopération.

Page 1535

1 Monsieur Krzic, où s'était tenue cette deuxième réunion?

2 Réponse: Je pense que cette deuxième réunion a eu lieu dans le bâtiment de

3 l'état-major de l'armée de l'époque, à savoir le bâtiment qui est attenant

4 à la maison de l'armée.

5 Question: Vous avez sous les yeux un document qui est le P460B. Le

6 reconnaissez-vous?

7 Réponse: Oui.

8 Question: De quoi s'agit-il?

9 Réponse: Il s'agit d'un mémorandum ou d'une conception que nous avions

10 décidé d'exposer à un groupe d'officiers à la tête duquel se trouvait le

11 général Talic pour cette deuxième rencontre, et que j'étais censé lire. Je

12 dis "j'étais censé lire", parce que le professeur Sirbegovic, qui avait

13 été chargé de le faire, n'avait pas la force de le faire lui-même. Il

14 n'avait pas été prévu que le président du parti politique en donne lecture

15 parce qu'il était question de l'association d'une population musulmane à

16 Banja Luka. Mais étant donné que lui-même n'était pas en mesure de tenir

17 le document en ses mains tant elles tremblaient de peur, c'est moi qui

18 l'ai fait.

19 Question: Et dans ce document, avez-vous une fois de plus cité les crimes

20 et persécutions à l'égard de la population non-serbe dans la région?

21 Réponse: Nous en avons parlé, mais pas de tout. Je vous ai dit: il

22 s'agissait d'une esquisse. Et il y avait des limitations que nous pensions

23 pouvoir atteindre, sans pour autant mettre en péril notre sécurité

24 physique. Nous avons cité, directement ou indirectement, la question des

25 camps de concentration.

Page 1536

1 Question: Monsieur le Président, j'ai un autre document ici que nous avons

2 désigné par une cote qui est celle de P461B pour l'original, et nous avons

3 en intitulé: "Item 2 - 22 juin 1992 - Entretien avec le général Momir

4 Talic", et ainsi de suite.

5 Et en page 2, nous pouvons voir plusieurs signatures.

6 Il y a un numéro ERN, 00923388, et 89 pour ce qui est de la version

7 anglaise.

8 Je voudrais ce que ce document-là soit distribué à toutes les parties.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 Monsieur Krzic, dans ce document P461B, qui vient de vous être soumis, je

11 voudrais d'abord que vous me disiez si vous reconnaissez le document en

12 question?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit? Expliquez à la Chambre

15 de quel type de document il s'agit et comment ce document a été rédigé.

16 Réponse: Le document en question a été rédigé, je pense, le même jour, en

17 concertation avec les participants à ladite réunion. Je l'ai fait imprimer

18 et tout un chacun avait reçu un exemplaire. Les participants -dans ce cas-

19 ci, il y en avait cinq- avaient été présents et chacun des participants de

20 l'association, de la population musulmane l'avait signé. Il s'agit d'un

21 compte rendu de la réunion. Le premier document étant un mémorandum, ceci

22 est en fait un compte rendu que nous avions jugé utile de rédiger à

23 l'issue de la rencontre.

24 Question: Après avoir donné lecture de cette proposition relative à la

25 coopération, est-ce que le général Talic a répondu de la façon qui est

Page 1537

1 indiquée dans ce deuxième document? Je parle là de la page 2 où l'on dit

2 qu'il garantirait la sécurité des Musulmans de Banja Luka et qu'il

3 interdirait aux effectifs militaires quelque activité que ce soit dans ce

4 secteur.

5 Réponse: Oui, cela est exact. Tout ce qui est dit ici est exact. Et nous

6 avions compris qu'il n'était pas question de placer quoi que ce soit dans

7 ce document qui s'avérerait ne pas correspondre à la vérité.

8 Question: Si nous nous penchons sur le deuxième point mentionné par le

9 général Talic, je voudrais que vous nous disiez vous-même ce qu'il avait

10 estimé que la direction musulmane devrait faire pour faciliter la

11 situation dans les camps de concentration.

12 Réponse: Il avait déclaré, à ce moment-là, qu'il fallait s'adresser à la

13 cellule de crise de Banja Luka au sujet des demandes de visite à effectuer

14 au camp de rassemblement et de concentration, et tout ce qui se trouvait

15 en corrélation avec cela.

16 Question: Dans le document qui se trouve sous vos yeux, il est précisé que

17 la cellule de crise de l'Assemblée municipale de Banja Luka était

18 l'instance à contacter. Quand vous aviez rédigé ce document, à votre avis,

19 combien de cellules de crise intervenaient à Banja Luka, à l'époque?

20 Réponse: Nous pensions que, à Banja Luka, il n'y avait qu'une seule

21 cellule de crise, à savoir au niveau de l'assemblée municipale de Banja

22 Luka. Nous avions compris que les attributions, les compétences de cette

23 cellule de crise englobaient les attributions de toutes les cellules de

24 crise qui avaient été mises en place au niveau local, dans les autres

25 villes et localités de la région.

Page 1538

1 Question: Mais aviez-vous une idée quelconque de l'identité du président

2 de cette cellule de crise?

3 Réponse: Bien entendu. On savait à l'époque qui était le président de la

4 cellule de crise. Mais comme on voyait se relayer à tour de rôle plusieurs

5 noms, je ne saurais vous dire maintenant qui avait été président de cette

6 cellule de crise à ce moment-là, mais je sais qui avaient été les membres

7 de cette cellule de crise. D'après le statut de l'assemblée municipale, il

8 fallait obligatoirement que le maire en soit membre. Et personnellement,

9 je n'ai jamais su si M. Brdanin avait été président de la cellule de crise

10 ou si c'était M. Radic.

11 Ce qui fait qu'en ce moment-ci, je ne suis pas en mesure de vous dire

12 lequel des deux était président. Il se peut qu'il ait occupé des positions

13 formelles et que le chef de la police, et lui était président ou

14 commandant de cette cellule de crise. Ça, c'est une chose que,

15 personnellement, je ne suis pas en mesure de vous dire avec précision.

16 Question: Mais est-ce que le général Talic vous avait demandé, à vous-même

17 et aux autres représentants de votre communauté, d'essayer de calmer la

18 population musulmane sur le territoire de la municipalité de Banja Luka?

19 Réponse: Oui, M. Talic, tout comme d'autres officiers, avait à plusieurs

20 reprises, la première et la deuxième fois que nous nous étions rencontrés,

21 avait souligné la nécessité de garder le calme en disant que la situation

22 allait se redresser.

23 Je crois qu'à la première des réunions, l'un de ses collaborateurs, le

24 colonel Bukric avait dit qu'il y avait des jeunes qui jouaient aux

25 soldats. Et il fallait les prévenir, sans quoi ils risquaient de se faire

Page 1539

1 jeter aux arrêts. Il avait dit qu'à Vrbanja, il y avait un groupe appelé

2 "dobri jarani" ou en traduction "bons amis", "bons copains", ce qui

3 signifiait que ces jeunes-là, ces enfants-là, s'amusaient à jouer à la

4 défense. Et le même jour, nous sommes allés à Vrbanja pour prévenir ces

5 jeunes, ces adolescents de ne pas s'amuser à faire des combinaisons où il

6 y aurait usage d'armes, parce que cela risquait de nous coûter cher. Et

7 ces avertissements-là...

8 Question: Oui, allez-y, terminez votre phrase.

9 Réponse: Ces avertissements, on disait que ces jeunes têtes brûlées

10 étaient en train de s'imaginer, d'essayer de voir comment il leur fallait

11 se battre, mais on a dit que, de façon évidente, ils n'avaient pas

12 d'armes, car si cela avait été le cas ils auraient été arrêtés

13 immédiatement.

14 J'ai compris que...

15 Question: Merci. Merci.

16 Monsieur Krzic, à chacune des réunions que nous avons mentionnées, vous

17 nous avez dit que l'on vous avait promis une protection de la population

18 civile et que ces promesses avaient été faites par le général Talic.

19 Avez-vous quelque résultat afférent à ces promesses? Est-ce que la

20 situation au niveau de la sécurité pour la population non-serbe s'était

21 améliorée ou avait fini par s'améliorer suite à ces rencontres avec le

22 général Talic?

23 Réponse: Hélas, la situation est rapidement allée de mal en pis. Je ne

24 parle pas que de la ville parce que, dans les environs, la situation avait

25 été déjà désespérée. Je tiens à préciser que, dans la période il y avait

Page 1540

1 eu des meurtres, des pillages, que l'on avait jeté des grenades en ville.

2 C'était chose quotidienne. N'oublions pas que la ville est une petite

3 ville.

4 Et les renseignements émanant des environs nous disaient que l'on

5 assistait à un génocide véritable parce que l'on procédait à des

6 exécutions en masse. Nous recevions des rapports de la part de personnes

7 qui avaient réussi à y survivre.

8 Question: Mais qu'a dit le général Talic concernant les camps où l'on

9 avait détenu des non-Serbes dans la région?

10 Réponse: Dans ces entretiens, il avait essayé de faire une distinction et,

11 de façon évidente, il avait parlé du camp de Manjaca à Dobrinja comme

12 étant un camp militaire de prisonniers de guerre. Ce camp avait été placé

13 sous les compétences ou les attributions de l'armée, alors que les

14 prisons, les centres de rassemblement et les camps de concentration

15 avaient été désignés par ses soins comme étant des sites se trouvant sous

16 la surveillance de la police, ainsi que d'unités qui, de façon évidente,

17 ne faisaient pas partie des unités militaires professionnelles.

18 Question: Dans le document 461, vous avez cité que le général Talic avait

19 dit qu'il allait envoyer un courrier à M. Stojan Zupljanin, au centre des

20 services de sécurité, pour relâcher les non-militaires de ce camp. Et on

21 avait dit que les conditions là-bas étaient pires que dans le camp

22 militaire.

23 Est-ce que cela reflète ce que le général Talic vous avait dit à cette

24 rencontre?

25 Réponse: Oui, c'était bien l'impression qui s'en était dégagée, à mon

Page 1541

1 avis.

2 Question: Pourriez-vous dire brièvement à la Chambre quelle avait été

3 l'impression que vous vous étiez faite du général Talic lors de ces

4 rencontres, ou à l'occasion de quelque autre contact que vous ayez pu

5 avoir avec lui, ou partant de ce que vous avez pu apprendre de lui au

6 niveau des médias?

7 Réponse: Lors de la première rencontre,… Et je tiens à dire d'abord que je

8 n'avais pas rencontré le général Talic avant cette réunion-là et la

9 deuxième réunion que nous avons eue.

10 Si je puis vous donner une opinion personnelle, je dirais qu'à la première

11 réunion, il avait encore en soi quelque chose qui le caractérisait comme

12 étant membre de l'armée populaire yougoslave, à savoir qu'il avait espéré

13 que la Yougoslavie finirait par être préservée. Et à ce moment-là, il

14 s'était efforcé de maintenir l'armée hors des questions qui ne la

15 concernaient pas, dans des situations qui n'étaient pas des situations de

16 guerre.

17 Mais par la suite, j'ai conclu autre chose. Je m'étais demandé d'où venait

18 cette amabilité à notre égard, nous qui étions pratiquement venus sur nos

19 genoux demander protection.

20 Partant des informations recueillies au niveau de ce qui se passait sur le

21 front, j'ai compris qu'il avait souhaité éviter une insurrection

22 éventuelle des Bosniens à Banja Luka, qui requerraient en ce cas un

23 engagement d'effectifs militaires, qui nécessiterait de sa part des moyens

24 matériels et des victimes par voie de conséquence, alors que l'armée serbe

25 était nécessaire sur les fronts, étant donné qu'elle avait été arrêtée au

Page 1542

1 niveau de tous les fronts, notamment au niveau du corridor et en direction

2 de Jajce, emplacements où ils subissaient des pertes importantes. Des

3 rapports en ce sens me parvenaient occasionnellement.

4 Je pensais à l'époque que cela avait été probablement l'une des raisons de

5 son comportement. De nos jours, je suis convaincu de la chose davantage

6 encore. Je sentais intuitivement que les autorités serbes ne voulaient

7 tout de même pas procéder à un nettoyage ethnique complet de Banja Luka

8 et, notamment pas commettre des massacres massifs pour des raisons

9 politiques évidentes. Il semblerait que les autorités politiques au sommet

10 avaient estimé qu'un tel comportement susciterait une intervention

11 extérieure.

12 Par la suite, dans les phases ultérieures, M. Talic a publiquement incliné

13 de plus en plus en faveur des positions serbes les plus radicales

14 concernant l'avenir de la région, et se rangeait complètement du côté des

15 nationalistes serbes faisant ce qu'il n'avait jamais fait auparavant. En

16 d'autres termes, il s'efforçait, lors des fêtes religieuses, de faire

17 remarquer sa participation. Bien entendu, cela avait exercé une influence

18 non négligeable sur la population civile serbe et, dans ses apparitions

19 publiques, il a dirigé l'opinion publique en faveur de la mise en place

20 d'une armée purement serbe. Au fur et à mesure de l'escalade des

21 événements, il a fini par être fort explicite. Dans ses déclarations, il

22 lui arrivait de dire que les Croates et les Musulmans allaient devoir

23 combattre les Serbes si l'Europe s'attaquait aux Serbes parce qu'ils ne

24 sauraient continuer à vivre parmi les Serbes autrement.

25 Question: Merci. Monsieur le Président, je crois que le moment serait

Page 1543

1 opportun pour faire une pause. Je voudrais vous informer de certaines

2 questions que j'aurai encore à poser concernant M. Brdanin et j'estime

3 avoir besoin d'une quinzaine de minutes encore avant de finir mon

4 interrogatoire principal.

5 M. le Président (interprétation): Après cela, Monsieur Ackerman, seriez-

6 vous en position de commencer avec les questions d'introduction pour ce

7 qui est de ce que vous avez préparé à l'intention du contre-

8 interrogatoire?

9 M. Ackerman (interprétation): Je n'ai pas prévu de le faire mais si nous

10 avons autant de temps à notre disposition, je m'efforcerai de faire de mon

11 mieux.

12 M. le Président (interprétation): Soit vous soit M. de Roux. Ce qui nous

13 permettrait de mettre à profit le temps qui nous reste.

14 M. Ackerman (interprétation): Je le ferai.

15 M. le Président (interprétation): Pour ce qui est du compte rendu

16 d'audience, je tiens à préciser ce qui suit. J'ai, ici, le compte rendu

17 d'audience des débats tenus le 21 janvier, ce compte rendu m'a été

18 communiqué concernant ce que nous avions convenu. Nous allons continuer le

19 13, à moins qu'il ne s'avère préférable de reprendre le 14.

20 De toute façon, ce sera le 13 ou 14. Pour le moment, disons qu'il s'agira

21 du 13. Par conséquent, c'est ce que nous avions convenu de faire.

22 M. Ackerman (interprétation): Voilà un cerveau plus jeune à l'œuvre,

23 puisque vous vous en souvenez.

24 M. le Président (interprétation): C'est la machine qui l'a fait.

25 M. de Roux: (hors micro) Le 13 mais je pense que j'en ai pour une journée

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1 et que je serai là le 14.

2 M. le Président (interprétation): Je vous remercie Maître de Roux. C'est

3 la façon dont il convient d'informer la Chambre. Je vous demanderai de

4 faire en sorte que votre coconseil soit présent. C'est très important. Si

5 mon message d'hier n'a pas été suffisamment clair, je vais le reprendre.

6 Je vous demande de ne plus jamais placer cette Chambre en position de voir

7 l'accusé se lever ici, et dire qu'il ne voudrait pas que les audiences

8 continuent, étant donné qu'il n'est pas assisté par son conseil ou

9 coconseil. J'espère que cela n'arrivera plus jamais. Si les choses se

10 passent comme il faut, je pense qu'il n'y aura pas de difficultés.

11 Nous allons reprendre notre travail dans 25 minutes. Pour autant que j'ai

12 pu le comprendre, le Procureur en finira avec son interrogatoire principal

13 et, ensuite, Me Ackerman ou Me de Roux commenceront leur contre-

14 interrogatoire. Merci.

15 (L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 13 heures.)

16 M. le Président (interprétation): (Hors micro.) Vous pouvez faire entrer

17 le témoin, s'il vous plaît.

18 (Le témoin, M. Muharem Krzic, est introduit dans le prétoire.)

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Krzic, M. Koumjian,

20 représentant du Bureau du Procureur, va reprendre son interrogatoire

21 principal.

22 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je tiens à

23 vous informer que M. Cayley m'a demandé de requérir dix minutes à la fin

24 de l'audience d'aujourd'hui pour vous faire part d'un point qu'il tient à

25 évoquer.

Page 1545

1 Monsieur Krzic, avez-vous jamais rencontré M. Radoslav Brdanin, l'avez-

2 vous vu en personne?

3 M. Krzic (interprétation): Oui, à plusieurs reprises.

4 Question: Pouvez-vous décrire ces occasions où vous avez rencontré en

5 personne M. Brdanin?

6 Réponse: D'habitude, c'était lorsque nous nous croisions dans le bâtiment

7 de la mairie, ou plutôt à la maison de la culture où se déroulaient les

8 séances de l'assemblée municipale. Ce n'est qu'à de rares occasions que je

9 l'ai rencontré de plus près. Je me souviens d'une de ces occasions, au

10 moment où nous fêtions le Nouvel an, à moins que ce ne soit Noël. Cela

11 s'est passé également dans le bâtiment de la maison de la culture où le

12 SDS fêtait cet événement, cette fête orthodoxe, dans le cadre d'une

13 réception organisée par lui. Une autre rencontre s'est déroulée entre

14 nous, à l'hôtel Bosna, avec le coprésident du Conseil de sécurité, M.

15 Vance Owen.

16 Question: Parlez-vous de la venue de la délégation dirigée par M. Vance

17 Owen, délégation venue à Banja Luka pour discuter d'une éventuelle

18 solution à la crise en Bosnie? C'est bien cela? S'agissait-il de Cyrus

19 Vance et de Lord Owen, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui, c'est exact.

21 Question: Cela s'est-il passé en 1992?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Pouvez-vous dire à quel endroit vous avez vu M. Brdanin, lors de

24 cette visite de la délégation Vance-Owen à Banja Luka?

25 Réponse: J'ai d'abord vu M. Brdanin, au premier étage, dans une salle de

Page 1546

1 l'hôtel, une salle totalement ouverte, sans mur de partition. Il y avait

2 Karadzic, Kupresanin, plus ou moins tous les dirigeants les plus hauts

3 placés du gouvernement de l'époque. Je ne me rappelle pas si Mme Plavsic

4 était présente ou si M. Koljevic était présent. J'ai vu M. Brdanin lorsque

5 j'ai pénétré dans la salle; il parlait avec le coprésident. Ensuite, je

6 l'ai vu au moment d'une pause, alors que M. Vance m'avait envoyé appeler

7 l'un de mes collaborateurs de l'assemblée municipale, donc m'avait envoyé

8 le chercher à cent mètres environ de cet endroit. Et puis, j'ai approché

9 le secrétaire de la municipalité, M. Tihic, et je lui ai demandé d'envoyer

10 quelqu'un ou d'aller lui-même chercher ces dirigeants à la mairie. A ce

11 moment-là, M. Brdanin s'est levé soudainement; il est venu entre moi et M.

12 Tihic. Et son attitude montrait qu'il n'était pas favorable à ma demande.

13 Par la suite, l'assistant personnel de Cyrus Vance est arrivé, je me suis

14 approché de lui et je lui ai parlé. Je lui ai dit qu'il ne m'écoutait pas

15 et que les autres membres ne viendraient donc pas.

16 Voilà l'occasion à laquelle je l'ai rencontré.

17 Question: Merci d'avoir apporté ces éclaircissements. Vous vouliez donc

18 organiser une réunion entre les membres de la communauté musulmane, les

19 représentants et les dirigeants de cette communauté, avec M. Vance? C'est

20 bien cela?

21 Réponse: Non, pas tout à fait. Je n'ai pas essayé d'organiser cette

22 réunion. Il s'agissait, en fait, d'une réunion avec les représentants du

23 parti SDA, donc pas avec les représentants de la totalité de la communauté

24 musulmane et je souhaitais que cette réunion se déroule avec eux et moi.

25 Elle avait été demandée par M. Vance et M. Owen.

Page 1547

1 Mais, lorsque je leur ai demandé d'appeler d'autres représentants du

2 comité exécutif du SDA, parce que j'estimais que leur présence était

3 nécessaire, les choses qui se sont passées tout à l'heure se sont passées.

4 Question: Voyez-vous M. Brdanin dans le prétoire aujourd'hui?

5 Réponse: Oui, je vois M. Brdanin dans le prétoire.

6 Question: Pouvez-vous pointer le doigt et nous montrer où il est assis?

7 Réponse: Pointer le doigt?

8 Question: Pouvez-vous nous dire où il est assis et à côté de qui il est

9 assis?

10 Réponse: M. Brdanin est assis à côté du général Talic, à sa droite.

11 Question: Avez-vous jamais vu M. Brdanin à la télévision ou dans des

12 réunions d'une autre nature?

13 Réponse: Oui, je l'ai vu à de nombreuses reprises à la télévision et, à

14 quelques reprises, je l'ai également entendu s'exprimer à la radio de

15 Banja Luka.

16 Question: Vous rappelez-vous une quelconque des déclarations faites par M.

17 Brdanin à la télévision ou à la radio?

18 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, M. Brdanin a commencé à

19 s'exprimer fréquemment sur les médias lorsqu'il a été élu président du SDS

20 de Celinac; il s'agissait des élections au conseil exécutif du SDS. Pour

21 autant que je m'en souvienne, il s'est exprimé très souvent et toujours

22 avec une fermeté particulière. Pour nous, les Bosniens, ce qui était très

23 important, c'était la présence constante dans ses déclarations de menaces

24 à l'égard de la population non-serbe.

25 Question: Pourriez-vous apporter votre aide aux Juges de cette Chambre en

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1 leur disant, au mieux de votre souvenir, quels sont les mots qui étaient

2 prononcés par M. Brdanin et pour quelle raison vous estimiez que ces mots

3 constituaient des menaces permanentes?

4 Réponse: Il y a une chose que j'ai omis de dire, à savoir que, lorsque

5 j'ai rencontré M. Brdanin personnellement, il ne prenait même pas la peine

6 de me saluer. Mais enfin, aujourd'hui, cela n'a plus guère d'importance.

7 Cela étant, si nous parlons du vocabulaire qu'il utilisait dans ces

8 interviews, s'il était seul ou interrogé en même temps que d'autres, il

9 avait pour habitude de dire que le territoire où nous étions était un

10 territoire serbe et que tout ce que l'armée serbe faisait était destiné à

11 s'assurer que ce territoire demeure sous contrôle serbe. Et qu'à

12 l'exception d'un nombre très limité de personnes -1000 ou 2000 personnes

13 pour Banja Luka, donc 1 pour 1000 à peu près-, il n'y avait pas de vie

14 possible sur ce territoire pour les non-Serbes. Dans certains cas, il a

15 prononcé des déclarations très dangereuses en disant que les non-Serbes

16 étaient des cafards, des insectes, des vers qu'il fallait piétiner.

17 Quant aux Serbes qui auraient fait quoi que ce soit pour faciliter la

18 résistance ou même le départ de Banja Luka aux non-Serbes, il leur

19 adressait des propos particuliers. Une déclaration notamment, bien connue,

20 où il a parlé de non-Serbes qui éventuellement pourraient trouver des

21 documents destinés aux non-Serbes pour leur faciliter le départ -puisqu'il

22 était impossible aux non-Serbes de quitter Banja Luka sans de tels

23 documents-, il a dit qu'agir de la sorte était un acte criminel; mais

24 finalement, il l'a tout de même justifié en ajoutant que, "dans ces

25 conditions, le nombre des non-Serbes serait tout de même réduit. C'était

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1 donc une circonstance atténuante."

2 Par ailleurs, il lui arrivait de dire que les Bosniens et les Croates

3 étaient des éléments subversifs, et de tels propos pouvaient être compris

4 comme signifiant que nous pouvions être promis à tous les dangers. En

5 effet, il généralisait, c'étaient des propos très généraux; il ne faisait

6 aucune distinction d'âge, de sexe ou de position occupée par les gens dont

7 il parlait.

8 Ensuite, vous pouvez vous imaginer que des déclarations de ce genre, les

9 positions prises par lui étaient assimilables par nous à des menaces de

10 mort.

11 (Intervention de l'huissier.)

12 Question: Ces déclarations dont vous venez de parler sont-elles des

13 déclarations que vous avez vous-même, M. Brdanin, entendu prononcer par

14 lui, à la télévision ou à la radio?

15 Réponse: J'ai personnellement entendu certaines de ces déclarations; pour

16 d'autres, j'en ai pris connaissance en les lisant dans les journaux.

17 S'agissant de ce que des tiers m'ont rapporté, je suppose qu'il n'est pas

18 utile que j'en fasse état, car le ton était à peu près le même.

19 Question: Monsieur le Président, nous avons un document dont la cote

20 préliminaire est P462A pour la version anglaise, B pour la version

21 originale en BCS.

22 C'est un document qui est indiqué comme provenant du Parti d'Action

23 démocratique de Banja Luka, daté du 28 août 1992 et adressé, semble-t-il,

24 à l'ambassade de Bosnie-Herzégovine auprès des Nations Unies de New York.

25 Ce document est adressé personnellement à M. Muhamed Sacirbey et commence

Page 1550

1 par les mots -je cite-: "Hier, le 27 août 1992, une interview a eu lieu à

2 la télévision de Banja Luka". (Fin de citation.)

3 Monsieur Krzic, on vous a remis ce document, P462. Pouvez-vous commencer

4 par nous dire qui est l'auteur de ce document?

5 Réponse: Je suis l'auteur de ce document.

6 Question: Dans le premier paragraphe de ce document, il est question d'une

7 émission de télévision à la télévision de Banja Luka. Vous rappelez-vous

8 cette émission?

9 Réponse: Je m'en souviens, bien sûr, mais je serais incapable aujourd'hui

10 de vous la rapporter dans tous ses détails.

11 Question: Lorsque vous avez écrit ce qui figure dans ce document, les

12 événements auxquels vous aviez assisté durant cette émission de télévision

13 étaient-ils encore très frais dans votre mémoire?

14 Réponse: Oui. J'avais pris des notes et, le lendemain, ce document a été

15 envoyé à l'extérieur.

16 Question: Pourriez-vous, je vous prie, lire ce document et nous dire si,

17 selon vos souvenirs d'aujourd'hui, ils sont un reflet fidèle de ce que

18 vous avez vu à la télévision le 27 août 1992?

19 Réponse: Oui, c'est un récit fidèle.

20 (Les Procureurs se consultent.)

21 Question: Monsieur Krzic, compte tenu de toutes les remarques, de tous les

22 commentaires que vous venez de nous rapporter comme étant ceux de M.

23 Brdanin, pouvez-vous nous dire si, à votre avis, ces commentaires ont eu

24 un effet particulier sur le sentiment de la population non-serbe,

25 s'agissant de la sécurité dans laquelle celle-ci vivait à Banja Luka?

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1 Réponse: Absolument, cela ne fait aucun doute, un effet d'ailleurs sur le

2 sentiment d'insécurité, mais nous pensions également qu'il s'agissait

3 d'une pose personnelle, d'une attitude tout à fait particulière de la part

4 de criminels potentiels qui étaient invités à commettre des crimes de

5 façon tout à fait manifeste et de faire librement ce qu'ils avaient déjà

6 commencé à faire.

7 Question: Pouvez-vous nous dire ce qu'ils avaient déjà commencé à faire?

8 Pour le compte rendu d'audience, précisez un peu votre pensée.

9 Réponse: Je pense à tous les actes de terreur qui avaient déjà été commis

10 et qui allaient du simple passage à tabac aux arrestations, en passant par

11 le meurtre, le viol, le pillage et l'expulsion.

12 Question: Ces remarques personnelles de M. Brdanin ont-elles facilité,

13 favorisé la disparition de la population non-serbe de cette région?

14 Réponse: Je ne sais pas quelles ont été les implications de ses propos sur

15 les actes concrets, c'est-à-dire les mesures prises par les autorités

16 serbes de l'époque, mais je sais que ses propos ont été des obstacles

17 supplémentaires pour la population non-serbe, puisque celle-ci a de plus

18 en plus cherché à trouver le moyen de déménager, de partir.

19 Question: Monsieur le Président, je n'ai plus de questions à poser à ce

20 témoin.

21 Mais s'agissant du document P449, nous n'en avions soumis que la

22 traduction et nous disposons maintenant de la version originale dont la

23 cote préliminaire est P449B.

24 Pour le compte rendu d'audience, j'indique, malgré mes capacités limitées

25 à comprendre cette langue, qu'il s'agit –donc je parle de l'original- d'un

Page 1552

1 document émanant du parti SDA de Banja Luka, daté du 30 septembre 1992,

2 adressé à la Mission bosniaque auprès des Nations Unies à New York, et

3 comportant le n°ERN 02098593.

4 Je demande donc que l'original de ce document en BCS soit enregistré sous

5 la cote P449B, et je demande aux Juges de cette Chambre s'ils en admettent

6 le versement au dossier.

7 M. le Président (interprétation): Je crois comprendre que vous êtes arrivé

8 au terme de votre interrogatoire principal?

9 M. Koumjian (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

10 Maître Ackerman et Maître de Roux?

11 M. de Roux: Monsieur le Président, si la Cour le veut, je puis prêt à

12 commencer le contre-interrogatoire.

13 M. le Président (interprétation): C'est précisément ce que j'allais vous

14 proposer. Puisque vous ne serez pas présent le 13, je pensais que vous

15 pourriez peut-être être le premier à procéder au contre-interrogatoire de

16 ce témoin. Après quoi Me Ackerman prendra le relais.

17 Si tout va bien, d'ici à demain, je suppose que vous pourrez en terminer

18 avec votre contre-interrogatoire.

19 Maître Ackerman?

20 M. Ackerman (interprétation): Avant que nous ne commencions, je propose

21 que M. Cayley évoque la question qu'il voulait évoquer en dix minutes, car

22 en général, lorsqu'il demande dix minutes, cela dure toujours une

23 vingtaine de minutes. Cela nous permettrait d'être sûrs de ne pas déborder

24 trop largement sur 13 heures 45.

25 Mais c'est à vous qu'il appartient d'en décider, Monsieur le Président.

Page 1553

1 M. le Président (interprétation): Je pense que nous pourrions entendre Me

2 de Roux, car il sera pas là le 13. Je préférerais donc que ce soit lui qui

3 commence son contre-interrogatoire et je l'invite à limiter cette

4 introduction de son contre-interrogatoire aux préliminaires pour réserver

5 la suite à la journée de demain, puisque le témoin reviendra dans le

6 prétoire demain.

7 Vous disposez donc à peu près de 15 minutes, un quart d'heure.

8 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Krzic, par Me de Roux.)

9 M. de Roux: Merci, Monsieur le Président.

10 Monsieur Krzic, vous étiez le président du SDA à Banja Luka, en 1991 et en

11 1992. Pourriez-vous nous dire brièvement quel était le programme, tout au

12 moins l'objectif du SDA à cette époque?

13 M. Krzic (interprétation): J'étais président du SDA, comme vous venez de

14 le dire. Les objectifs du SDA figurent dans la déclaration de programme de

15 ce parti.

16 Me demandez-vous d'en évoquer ici oralement quelques-uns?

17 Question: Tout à fait.

18 Réponse: Je ne parlerai bien sûr que de ceux qui, dans mon souvenir, me

19 sont les plus proches. L'un des objectifs du parti consistait à promouvoir

20 le développement de la démocratie en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire dans

21 l'ancienne République de l'ex-Yougoslavie. Et une partie de cet objectif

22 consistait à s'assurer démocratiquement qu'un développement normal d'une

23 société démocratique pourrait avoir lieu avec un accent particulier sur la

24 population bosnienne qui, jusqu'à ce jour, n'avait pas eu toutes les

25 possibilités d'aller dans ce sens. C'était donc l'un des objectifs.

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1 Un deuxième objectif figurant dans cette déclaration de programme

2 consistait à faire en sorte que notre patrie, la Bosnie-Herzégovine,

3 patrie d'autres peuples également, puisse être un endroit où tous les

4 citoyens étaient égaux, donc bénéficiant de droits égaux, personne n'étant

5 supérieur à quiconque ni inférieur à quiconque.

6 Je parle bien sûr de façon générale; je ne peux pas être plus précis.

7 Enfin, pour l'essentiel, telles étaient les positions.

8 M. de Roux: Votre parti avait-il une coloration disons religieuse?

9 Réponse: Non, mais l'une des positions du parti consistait à dire que nous

10 allions respecter les convictions religieuses des gens, et ce, pour une

11 raison très particulière, à savoir que nous venions de sortir d'un système

12 communiste où l'inverse se produisait, à savoir que des pressions étaient

13 exercées sur la liberté d'exercer, de pratiquer sa foi. Mais nous n'avions

14 aucune symbolique religieuse. Même la dénomination de notre parti, comme

15 vous le constaterez, est très loin de pouvoir laisser à penser une telle

16 chose.

17 Question: Quelle était l'influence de la pensée du Président Izetbegovic

18 sur le parti?

19 Réponse: Je pense que M. Izetbegovic, en tant qu'adhérent du parti au

20 moment où le parti s'est créé -c'est de cela que je parle-, était une

21 personnalité relativement mal connue. Il est possible qu'il ait été connu

22 au sein de la population en tant que personne qui avait été mise au banc

23 du système à l'époque, donc une victime du système de l'époque en raison

24 de ses convictions religieuses, mais c'est seulement plus tard, après

25 avoir lu ses écrits qu'il est devenu possible de dire que M. Izetbegovic a

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1 acquis une stature plus imposante, que son image a grandi.

2 Personnellement, je ne peux pas dire que M. Izetbegovic ait eu une

3 quelconque influence personnelle sur la création du parti à Banja Luka et

4 encore moins sur son activité. S'il avait eu une influence dans ces deux

5 domaines, cette influence aurait peut-être été une influence exercée sur

6 des adhérents individuels du parti, comme M. Filipovic Muhamed ou M.

7 Zulfikarpasic, par exemple. Et cette influence éventuelle se serait peut-

8 être exercée sur le plan d'une certaine division à l'intérieur du parti

9 SDA avec l'apparition de l'organisation MBO car, finalement, c'est le Dr

10 Hamza Mujagic qui a été le premier président élu du parti SDA à Banja

11 Luka. Par la suite, il a été élu au poste de dirigeant du MBO.

12 M. de Roux: Vous, personnellement, avez-vous lu son livre "La déclaration

13 de l'Islam", je veux dire le livre d'Izetbegovic?

14 Réponse: Malheureusement, je n'ai pas lu ce texte jusqu'à une date assez

15 tardive, peut-être 1994. Je n'en suis même pas sûr. Mais en 1992, durant

16 le printemps, alors que j'étais en visite à Sarajevo, j'ai lu ce que j'ai

17 pu lire en deux jours, j'ai donc lu certains extraits de son ouvrage

18 intitulé "L'Islam: un pont entre l'Est et l'Ouest".

19 M. de Roux: Merci. Vous avez été longtemps un militant de la Ligue

20 communiste. Vous avez eu un rôle au sein de ce parti, donc a priori, on

21 aurait pu penser que vous étiez pour la Fédération yougoslave, que vous

22 avez été élevé dans l'idée de la Fédération yougoslave.

23 Qu'est-ce qui vous a fait adhérer au mouvement d'indépendance?

24 Réponse: Vos premières constatations vont à l'encontre de ce que j'ai déjà

25 dit au sujet de mon activité politique antérieure, hormis que je suis

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1 devenu membre de la Ligue des communistes assez tardivement et que j'y

2 suis resté un temps relativement bref. J'ai dit également déjà que la

3 raison principale du fait que j'ai quitté le parti a résidé dans le fait

4 qu'au sein de ce parti, a commencé à se développer, à s'exprimer de plus

5 en plus une conception reposant sur une idée grand-nationale; je vous en

6 donnerai un exemple.

7 Lorsque je suis entré au parti communiste, un principe existait qui était

8 en fait un axiome, à savoir que, pour tous les postes importants sur le

9 territoire de la Bosnie-Herzégovine, qu'il s'agisse d'entreprises,

10 d'institutions publiques, d'institutions sociales, d'institutions

11 culturelles ou même sportives, il importait de tenir compte et d'appliquer

12 le système que l'on appelait la clef de répartition nationale, qui

13 reprenait plus ou moins la composition démographique de la Bosnie-

14 Herzégovine.

15 Nous respections ce système qui, pour nous, était symbolique puisqu'il

16 nous disait que nous étions tous des citoyens égaux de l'ex-Yougoslavie.

17 Et personnellement, en pensant à ce système je soutenais l'existence de la

18 Yougoslavie en tant qu'Etat composé de plusieurs Républiques.

19 Mais au moment du déclin du parti communiste et du développement tout à

20 fait manifeste de l'idée grand-serbe, dans la phase où les instances

21 centrales du gouvernement -je veux parler des représentants au niveau de

22 la fédération du parti communiste, et donc des représentants du parti

23 communiste dans les instances de l'Etat également-, lorsque cet aspect

24 négatif s'est manifesté également à ces niveaux-là, quand il est devenu

25 manifeste qu'au niveau de la présidence, celle-ci devait être transformée

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1 en un nid grand-serbe, quand il est devenu clair qu'au niveau de toute la

2 Yougoslavie, l'égalité de tous les peuples et de toutes les Républiques

3 allait disparaître, quand il est devenu manifeste que, par des

4 provocations, par des réunions de masse, on ne faisait que propager les

5 mots d'ordre "grand-serbe" et qu'en fait, on était en train de transformer

6 le pays en une prison pour le peuple, et même si je savais que les

7 Bosniens -y compris dans l'ex-Yougoslavie- n'avaient pas été totalement

8 égaux, pas plus d'ailleurs que la Bosnie-Herzégovine en tant que

9 République, c'est donc seulement à ce moment-là que, dans les positions

10 prises par moi, je me suis prononcé intimement pour l'indépendance de la

11 Bosnie-Herzégovine.

12 Mais personnellement, je ne pouvais participer à aucune instance

13 officielle, pour parler de cela, puisque je n'avais pas été élu.

14 Question: Vous pensez que la tentative de transformer la Yougoslavie en

15 prison est postérieure à la mort du maréchal Tito?

16 M. Krzic (interprétation): Non. Ce que j'ai dit avant, c'est que cela est

17 intervenu plus tôt encore, même dix ans avant la mort de Tito. Il

18 s'agissait de manifestation évidente. Tito avait perdu de forme physique,

19 c'était visible publiquement, et manifestement il perdait le contrôle

20 stratégique sur les décisions au sein de la Yougoslavie. Il n'a pas

21 préparé le pays à l'évolution démocratique.

22 M. de Roux: Quittons le terrain de l'histoire, mais enfin je pense qu'il

23 me semblait devoir éclairer… Quittons ce terrain-là.

24 M. le Président (interprétation): Maître de Roux, si vous n'y voyez pas

25 d'inconvénient, je propose que nous nous en tenions là pour que nous

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1 consacrions les dix dernières minutes à des questions d'organisation. Vous

2 pourrez poursuivre votre contre-interrogatoire demain.

3 Dans l'intervalle, le témoin devra se retirer et revenir demain matin à 9

4 heures.

5 Le témoin peut quitter le prétoire.

6 Merci, Monsieur Krzic.

7 (Le témoin, Muharem Krzic, est reconduit hors du prétoire.)

8 Maître Cayley?

9 (Questions relatives à la procédure.)

10 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

11 J'aurais aimé très brièvement évoquer trois questions avec la Chambre.

12 Tout d'abord, la question des témoins pour la semaine prochaine. Le

13 calendrier qui m'a été transmis par mes collègues de la défense m'indique

14 à penser que Me Ackerman consacrera l'ensemble d'une audience à un contre-

15 interrogatoire; peut-être qu'il en va de même pour Me de Roux.

16 Je conçois bien qu'il est difficile de prévoir combien de temps cela nous

17 prendra, mais il nous restera une audience, ou peut-être moins, en

18 fonction du temps que prendra le contre-interrogatoire.

19 M. le Président (interprétation): Oui.

20 M. Cayley (interprétation): Conformément à ce que vous avez dit hier, nous

21 risquons d'être amenés à citer à nouveau M. Inayat pour parler des

22 documents, de la collection des documents de Banja Luka.

23 Alors j'aurais aimé vous demander si vous souhaitez que nous citions un

24 autre témoin, un autre témoin de Bosnie qui commencerait à déposer jeudi,

25 qui ensuite repartirait en Bosnie pour revenir éventuellement dimanche; ou

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1 qui resterait ici pendant trois jours et qui reprendrait son témoignage le

2 lundi suivant. Ce serait possible, mais j'aurais aimé vous exposer le

3 problème et les difficultés pour avoir votre point de vue.

4 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez bien fait d'attirer

5 l'attention des Juges sur cette question. Je vais consulter bien entendu

6 mes deux collègues, mais personnellement, je ne vois pas quel serait

7 l'intérêt de citer ce témoin dès jeudi, en ne sachant même pas si ce

8 témoin pourra commencer à déposer ce jour-là, pour qu'ensuite, il reparte

9 à l'endroit d'où il vient et qu'il revienne pour reprendre sa déposition

10 lundi. Je pense que cela n'a pas énormément de sens.

11 (Les Juges se consultent sur le siège.)

12 Après avoir consulté mes collègues, je peux vous dire qu'elles sont

13 d'accord avec ce que je viens de suggérer. J'imagine que vous pourriez

14 faire en sorte que M. Inayat soit prêt, en partant de l'hypothèse qu'il

15 aura le temps de déposer. Mais d'autres événements pourront peut-être

16 faire que nous n'en aurons pas fini avec le contre-interrogatoire.

17 Si j'ai bien compris, Me de Roux aura besoin d'une audience entière; Me

18 Ackerman aura besoin, lui, de plus d'une matinée. Ce qui veut dire que

19 nous allons siéger demain matin. Nous aurons donc besoin d'une audience

20 demain matin, puis d'une audience mercredi prochain, une partie de la

21 matinée du jeudi, si tout se déroule comme prévu et sans heurt.

22 Si le témoin répond trop longuement aux questions ou si le témoin se voit

23 poser des questions qui, de par leur formulation, provoquent d'autres

24 questions, alors je me dis que nous risquons peut-être d'en avoir jusqu'à

25 la fin de l'audience de jeudi. Je crois que cela n'aurait pas énormément

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1 de sens de prévoir un nouveau témoin.

2 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Nous allons

3 procéder de cette façon.

4 Autre point que j'aimerais aborder: la question des documents, une fois de

5 plus.

6 La collection des documents de Banja Luka se compose de plus de 400

7 documents, comme vous l'avez déjà vu sur la base des exemplaires dont vous

8 disposez.

9 Comme je l'ai dit au début de la semaine à la Chambre, je souhaitais

10 obtenir des indications de la défense sur les documents faisant l'objet

11 d'une objection. J'ai obtenu ces indications: il y a essentiellement 71

12 documents qui font l'objet d'une objection, il y a également d'autres

13 documents, mais c'est la catégorie principale.

14 Donc 71 documents auxquels il est fait objection quant à la recevabilité

15 même de ces documents, en se fondant sur l'absence de signature, de sceau,

16 de tampon ou le fait que ces documents ne viennent pas d'une source

17 fiable, ce qui, bien sûr, exigerait que le témoin dépose et dise d'où

18 viennent ces documents, d'où nous les avons obtenus.

19 Monsieur le Président, je continue à percevoir un manque de cohérence de

20 la part de la défense mais peut-être également de ma part aussi quant à

21 cette question de la distinction entre la recevabilité et la valeur

22 probante.

23 Je sais que vous avez dit qu'à un moment donné, vous rendrez une décision

24 écrite sur cette question-là, sur les pièces documentaires. J'aurais aimé,

25 avec énormément de respect, vous dire que cela nous serait effectivement

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1 très utile. Nous vous serions reconnaissants de rendre une telle décision

2 pour que nous puissions en disposer et qu'elle puisse nous éclairer pour

3 des cas semblables qui se présenteront pendant le procès.

4 Des objections en rapport avec l'authenticité ont été soulevées. Or, en

5 fonction de la décision que vous nous avez rendue, cela est lié au poids

6 et à la valeur probante des documents et non pas à la recevabilité des

7 documents.

8 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez raison, Monsieur Cayley.

9 Ce que j'ai fait à ce stade, c'est que j'ai transmis à l'un de mes

10 assistants juridiques les points que j'ai évoqués au moment de la décision

11 rendue par oral la semaine dernière, en chargeant mes collaborateurs de

12 rédiger une décision écrite que nous pourrons examiner pour vérifier

13 qu'elle est bien conforme à la décision qui a été rendue par oral la

14 semaine dernière.

15 Comme vous l'avez dit à juste titre, ces idées ont été évoquées; elles

16 figureront effectivement dans la décision écrite. Les Juges accordent

17 énormément d'importance à cette question. C'est la raison pour laquelle,

18 plutôt que de nous en tenir à une décision orale, nous allons reprendre

19 ces points dans une décision écrite qui sera rendue et qui, j'espère, vous

20 fournira des orientations.

21 Mais j'aimerais rappeler une fois de plus la chose suivante: il ne faut

22 pas confondre la phase initiale qui concerne la recevabilité de documents

23 en tant qu'éléments de preuve, ne pas confondre cela donc et, d'autre

24 part, la question de l'examen de la valeur probante ou de la pertinence.

25 Il ne fait aucun doute que, dans une phase initiale, vous, en tant que

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1 Procureur, ou Me Ackerman ou Me de Roux, conseils de la défense, si donc

2 l'un de vous trois produit un document qui fait l'objet d'une objection,

3 d'une contestation, à ce stade tout à fait initial, la Chambre se penchera

4 uniquement sur la question de savoir si, à première vue, sur une base

5 prima facie, il existe suffisamment d'indices de fiabilité, comme on les a

6 appelés.

7 Si nous avons affaire manifestement à un faux, un document qui, à première

8 vue, ne peut être considéré comme un document fiable, qui ne comporte

9 aucun indice de fiabilité, si nous nous trouvons dans un tel cas de

10 figure, nous allons prendre ces éléments en considération et, même au tout

11 début, nous n'allons pas admettre un tel document pour qu'il soit versé au

12 dossier.

13 Et si mes souvenirs sont bons, vendredi, nous avons essayé d'expliquer

14 quel était notre point de vue sur la façon dont nous allions organiser le

15 travail à l'avenir. Et je le répète, si, pour un document, une objection

16 vous a été communiquée, alors vous devriez, le plus rapidement possible,

17 et même avant que la Chambre n'ait connaissance du document, alors vous

18 devriez fournir une liste ou un tableau qui serait rédigé avec l'aide de

19 M. Inayat indiquant la source du document.

20 Je crois qu'il est évident que, s'il n'y a pas de source, la question de

21 la recevabilité, même à ce stade initial, risque de poser problème. S'il

22 existe une source, alors la défense ou vous, aurez une idée précise de

23 cette source et, au moment où les trois Juges qui siègent dans cette

24 Chambre examinent la question, ils sauront s'ils ont besoin d'éléments

25 supplémentaires.

Page 1563

1 Sur la base des décisions que nous avons déjà prises, à la fois Me

2 Ackerman et Me de Roux ne vont pas formuler leurs objections; leurs

3 objections resteront consignées au compte rendu d'audience. Mais s'il

4 ressort que la source est indiquée, le document serait admis, à moins

5 qu'ils n'aient des raisons sérieuses de remettre en doute la fiabilité de

6 la source.

7 Je croyais m'être exprimé assez clairement; apparemment, je n'ai pas été

8 aussi clair que je pensais l'avoir été, mais voilà la façon dont nous

9 allons procéder.

10 J'ai également dit de façon très claire que, même à un stade aussi

11 préliminaire, je donnerais la possibilité à la partie qui présente une

12 objection de contre-interroger M. Inayat, ou quelqu'un d'autre, en se

13 limitant à la question de la fiabilité de la source, mais sans entrer dans

14 des questions de contenu, de pertinence ou de valeur probante des

15 documents, car ces éléments-là n'interviendraient qu'à un stade ultérieur,

16 mais à un stade tout à fait préliminaire, en termes de recevabilité des

17 documents. Voilà ce qu'il faut prendre en compte, à condition que la

18 partie en question se voie fournir une indication de la source qui

19 permettra à l'autre partie et aux Juges de se faire une idée à titre

20 préliminaire de la fiabilité de la source.

21 En cas de doute, là, les difficultés risquent de surgir mais, si la source

22 est une source qui est semblable à celle qui a été indiquée pour les

23 documents qui se trouvaient dans les deux classeurs qui ont été utilisés

24 par le professeur Donja, au moment de sa proposition, alors j'imagine

25 qu'aucun problème de recevabilité ne se posera.

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1 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, je vous ai parfaitement

2 compris.

3 M. le Président (interprétation): Vous recevrez une déclaration écrite.

4 M. Cayley (interprétation): J'ai bien compris mais, peut-être, pourrais-je

5 essayer de préciser les choses du point de vue de la défense?

6 La défense a reçu une liste identifiant les sources des documents, de la

7 collection de documents de Banja Luka. Si l'objection de la défense se

8 fonde essentiellement sur l'absence de signature, de tampon ou de non-

9 fiabilité de la source, alors nous demanderons à M. Inayat de parcourir

10 les 72 documents qui font l'objet d'une contestation. Nous expliquerons

11 aux Juges d'où viennent ces documents et, ensuite, il pourra être contre-

12 interrogé là-dessus.

13 M. le Président (interprétation): Mais pas forcément. Peut-être qu'à ce

14 moment-là, les Juges demanderont à M. Inayat de confirmer si la source,

15 qui est indiquée pour chacun de ces deux documents, est bien celle-là. On

16 ne s'attendra pas à ce que vous, vous-même, vous posiez des questions à M.

17 Inayat et il incombera à la défense, si elle conteste la fiabilité des

18 sources, à première vue, de contre-interroger M. Inayat sur ces 72

19 documents ou sur une partie ou sur aucun de ces documents.

20 Voici notre point de vue. Je croyais m'être exprimé clairement hier. Je

21 vous prie de m'excuser si cela n'a pas été le cas.

22 Oui, Maître Ackerman, vous allez certainement me dire que je me suis

23 exprimé clairement.

24 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je crois que vous

25 avez dit clairement ce que vous pensiez, au moins à quatre reprises

Page 1565

1 jusqu'ici, et j'ai toujours parfaitement compris quelle était votre

2 position sur ces documents et la position des Juges.

3 Mes collègues n'aiment pas vos décisions, alors ils espèrent à chaque

4 fois, en revenant sur les questions…

5 M. Cayley (interprétation): Je m'oppose à ce qui vient d'être dit par Me

6 Ackerman, disant "qu'ils n'aiment pas vos décisions". J'ai ici une

7 télécopie de sa part qui dit qu'il fait objection à ces documents parce

8 qu'ils ne viennent pas d'une source fiable; et c'est à cela que j'ai

9 réagi: ce n'est pas à la décision des Juges qui me plairait ou qui ne me

10 plairait pas.

11 M. le Président (interprétation): Je peux vous assurer que les Juges ne

12 s'inquiéteraient pas outre mesure s'il devait apparaître que vous n'aimiez

13 pas ces décisions; je ne sais pas si cela ferait vraiment une différence.

14 Mais vous avez entièrement raison d'émettre une objection quant à ce qui a

15 été dit par Me Ackerman.

16 Maître Ackerman, oui, vous avez la parole. Mais nous sommes en train de

17 déborder. Et je pense ici aux interprètes.

18 Maître de Roux?

19 M. de Roux: (hors micro.)

20 M. le Président (interprétation): D'autres remarques?

21 M. Cayley (interprétation): Non, Monsieur le Président.

22 M. le Président (interprétation): Bien. Nous suspendons l'audience.

23 Nous reprendrons demain, ici, dans la même salle, à 9 heures précises.

24 (L'audience est levée à 13 heures 55.)

25