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1 (Mercredi 20 février 2002.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 07.)
4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
5 (Questions relatives à la procédure.)
6 M. le Président (interprétation): Bonjour à tous. Monsieur Brdanin,
7 bonjour.
8 Je demanderais à la Greffière d'audience de bien vouloir annoncer
9 l'affaire.
10 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit
11 de l'affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav Brdanin et Momir
12 Talic.
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Brdanin, comme d'habitude, je
14 vais vous demander si vous m'entendez dans une langue que vous comprenez?
15 M. Brdanin (interprétation): Bonjour. Monsieur le Président, je vous
16 entends et vous comprends.
17 M. le Président (interprétation): Général Talic, bonjour, à vous aussi je
18 vous pose la même question: m'entendez-vous dans une langue que vous
19 comprenez?
20 M. Talic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, je vous entends
21 dans une langue que je comprends.
22 M. le Président (interprétation): Merci. Pourrions-nous avoir les
23 présentations pour l'accusation?
24 Mme Richterova (interprétation): Bonjour. Pour l'accusation: Anna
25 Richterova, Joanna Korner, assistée de Denise Gustin, substitut
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1 d'audience.
2 M. le Président (interprétation): Bonjour. Pour la défense de M. Brdanin?
3 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. John
4 Ackerman ainsi que Tanja Radosavljevic.
5 M. le Président (interprétation): Merci. Et pour le général Talic?
6 M. de Roux: Xavier de Roux, avocat à Paris, et Me Natasha Fauveau.
7 Monsieur le Président, mon client, le général Talic, m'a fait savoir qu'il
8 souhaitait changer d'avocat; il semble ne plus faire tout à fait confiance
9 à ma santé qui effectivement est actuellement hésitante.
10 M. le Président (interprétation): Général Talic?
11 M. Talic (interprétation): Monsieur le Président, mon avocat vous l'a dit,
12 pour des raisons de santé, il ne pouvait continuer à assister au procès
13 comme cela était nécessaire et je pense que la qualité de la défense ne
14 serait pas optimale si mon conseil n'était pas présent en permanence. Et
15 manifestement pour des raisons de santé, Me de Roux est dans
16 l'impossibilité de le faire.
17 Je suis d'avis que la santé passe avant tout. Et malheureusement je dois
18 me défaire d'un conseil particulièrement qualifié et j'en suis désolé.
19 J'aurais aimé remercier Me de Roux devant cette Chambre, devant les Juges,
20 pour tout le travail, tous les efforts qu'il a réalisés jusqu'ici pour ma
21 défense. Et j'aimerais également le remercier d'avoir demandé la
22 désignation de Me Fauveau comme coconseil qui, jusqu'ici, a participé au
23 procès et a très bien remplacé Me de Roux.
24 Maître de Roux restera présent jusqu'à ce que je ne choisisse mon conseil,
25 car je n'ai pas encore réfléchi à quel conseil j'allais choisir avant que
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1 la question de l'état de santé de Me de Roux ne se présente.
2 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir Général Talic.
3 Madame Korner?
4 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je crois que cette
5 question doit faire l'objet d'une discussion plus détaillée. Je n'étais
6 pas consciente du fait que nous allions apprendre cela ce matin.
7 Ce que je vous demanderai, c'est la chose suivante: si Me de Roux est avec
8 nous aujourd'hui, peut-être pourrions-nous achever l'interrogatoire du
9 témoin que nous sommes en train d'entendre; après quoi, je crois, Monsieur
10 le Président, nous devrons faire le point de la situation.
11 Nous avons été quelque peu pris par surprise, même si nous étions en
12 partie déjà préparés, mais je ne sais pas si Me de Roux ou le général
13 Talic ont peut-être songé à quelqu'un d'autre qui au sein de son cabinet
14 pourrait s'occuper de cette question -je ne sais pas-; certaines
15 conséquences risquent sinon de se produire et je ne les envisage pas avec
16 énormément d'enthousiasme.
17 M. le Président (interprétation): Maître de Roux?
18 M. de Roux: Monsieur le Président, moi je me range aux vśux de mon client.
19 Il est bien évident, et que cela soit sûr, que l'accusation ne s'inquiète
20 pas, mon cabinet assurera la charge de la défense du général Talic et sera
21 présent. Il le fera comme il l'a fait depuis deux ans, temps que le
22 général Talic n'aura pas trouvé un autre avocat auquel, bien entendu, le
23 dossier sera confié sans qu'il y ait interruption. Que cela soit bien
24 clair, il ne s'agit pas du tout de troubler le bon déroulement de ce
25 procès et j'y veillerai personnellement.
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1 M. le Président (interprétation): Madame Korner?
2 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je ne pense pas que
3 cette solution soit entièrement satisfaisante. En effet, le général Talic
4 ou plutôt, je me reprends, si le cabinet Gide et un autre associé -je ne
5 me souviens plus exactement du nom-, mais si ce cabinet ne représente plus
6 à terme le général Talic, ne le représente plus du tout, alors qui… Et si
7 le général Talic nous indique qu'il ne souhaite plus donner une
8 instruction à ce cabinet-là, alors quiconque prendra le relais devra, et
9 je crois que cela ne fait aucun doute, s'impliquer de façon approfondie et
10 consulter toute la documentation, prendre le temps de le faire.
11 Monsieur le Président, comme je l'ai dit, à ce stade je me pose la
12 question. Peut-être qu'une fois que nous en aurons terminé avec ce témoin,
13 le débat entre les conseils pourrait être utile. Mais, si j'ai bien
14 compris, la règle qui s'appliquerait serait la suivante: si un accusé
15 indique qu''il ne souhaite plus être défendu par un groupe de conseils et
16 être défendu par d'autres conseils, alors il n'est peut-être pas
17 parfaitement représenté dans l'examen d'un quelconque élément de preuve;
18 ce qui peut avoir des répercussions en cas d'appel.
19 M. le Président (interprétation): Je crois que nous devons y réfléchir de
20 façon approfondie.
21 Mme Korner (interprétation): C'est la raison pour laquelle je me demandais
22 s'il ne serait pas utile, enfin… Si j'ai bien compris, pour l'instant, Me
23 de Roux est avec nous.
24 La raison qui fait que le général Talic ne souhaite plus être représenté
25 par Me de Roux est due à des raisons de santé du côté de Me de Roux qui ne
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1 peut garantir sa présence continue.
2 Alors, peut-être pourrions-nous confirmer, avec le général Talic, qu'il
3 est tout à fait satisfait de la représentation de Me de Roux qui est
4 présent dans le prétoire? Auquel cas nous pourrions en terminer avec la
5 déposition et l'interrogatoire de ce témoin et, ensuite, je crois qu'un
6 échange de vue entre les conseils serait très utile.
7 M. le Président (interprétation): Général Talic? Avez-vous compris ce que
8 Mme Korner, de l'accusation, vient de dire?
9 M. Talic (interprétation): Monsieur le Président, oui, j'ai bien compris,
10 mais j'ai entièrement confiance dans le cabinet de Me de Roux et il n'est
11 nullement question de faire confiance ou de ne pas faire confiance à son
12 cabinet. C'est uniquement la question de l'état de santé de Me de Roux qui
13 l'empêche d'être présent autant que vous l'auriez souhaité. Il a déjà
14 annoncé que, dans la semaine à venir, il devrait subir des examens
15 médicaux et qu'il ne pourrait assister au procès. C'est uniquement pour
16 cette raison-là que je suis intervenu.
17 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Général Talic,
18 car cela va peut-être durer un moment, je ne souhaite pas que vous restiez
19 debout. Le problème s'est posé non pas parce que Me de Roux devait
20 s'absenter pour un certain nombre d'audiences pour des raisons de santé,
21 mais parce que son coconseil ne s'est présenté qu'à deux reprises au cours
22 des douze premières audiences.
23 L'idée d'avoir un conseil principal et un coconseil est que les deux ne
24 soient pas forcément, à chaque fois, présents à chaque audience. Ils
25 peuvent alterner et, la plupart du temps, c'est le cas. C'est la raison
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1 pour laquelle il existe un conseil principal et un coconseil, mais nous ne
2 pouvons tolérer une situation où à la fois le conseil principal et le co-
3 conseil ne se présentent pas à l'audience.
4 Dans le cas de Me de Roux, la Chambre a fait preuve de compréhension,
5 parce que des questions de santé étaient en jeu et je crois que la santé
6 l'emporte sur tout le reste et cela aurait pu très bien me concerner ou
7 quelqu'un d'autre ici. Si quelqu'un est malade, il est malade, on ne peut
8 rien y faire. C'est pourquoi il existe un coconseil.
9 A l'heure actuelle, vous avez un coconseil, car Me de Roux, de façon
10 parfaitement responsable lorsque cette question a été évoquée ou elle est
11 apparue, et au moment où les circonstances l'exigeaient, il y a deux
12 semaines de cela, à ce moment-là, Me de Roux a pris l'initiative de
13 demander au Greffe du Tribunal de commettre d'office Me Fauveau comme
14 coconseil. Et Me Fauveau a été désigné immédiatement coconseil, parce que
15 toute la documentation nécessaire a été mise à notre disposition et le
16 Greffe a estimé que ses qualifications étaient parfaitement à la hauteur
17 pour vous défendre.
18 Ce que Me Pitron n'a pas fait depuis plus de six mois. Le résultat étant
19 que le Greffe n'a jamais été en mesure de confirmer sa désignation comme
20 coconseil et la Chambre ne pouvait permettre à cette situation de durer
21 car la Chambre se doit de faire en sorte que vous soyez dûment défendu et
22 que vous soyez représenté par un conseil en bonne et due forme, ce qui est
23 le cas à présent, car vous êtes représenté par un conseil principal et un
24 coconseil.
25 Peut-être avons-nous précipité les choses et peut-être que la question de
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1 la présentation par Me de Roux a éclipsé toutes les autres considérations,
2 mais si le problème est que Me de Roux ne sera pas présent la semaine
3 prochaine ou par la suite pour des raisons de santé, je crois que cela ne
4 serait pas le problème maintenant, car nous avons un coconseil alors qu'il
5 y a deux semaines nous n'en avions pas.
6 Il y a deux semaines de cela, Me Fauveau, malgré toutes ses qualités en
7 tant qu'avocate, ne pouvait être reconnue comme coconseil par nous-mêmes.
8 Je suis sûr que Me de Roux comprend parfaitement ce que je veux dire.
9 J'aurais subi des critiques et mes deux collègues également si nous
10 n'avions pas pris les mesures qui s'imposaient rapidement pour assurer
11 votre défense efficace car, à l'époque, vous étiez représenté par un
12 coconseil officieux qui n'avait pas encore… car cette commission d'office,
13 officielle n'avait pas encore été achevée, car il n'avait pas présenté les
14 documents à l'appui.
15 Vous étiez représenté par un conseil principal qui, pour des raisons de
16 santé parfaitement justifiées, n'était pas présent. Si Me Pitron avait été
17 présent pendant l'absence de Me de Roux, la Chambre n'aurait rien eu à
18 redire, car c'est pourquoi vous êtes représenté par un coconseil et un
19 conseil principal.
20 A la lumière de la situation actuelle, je ne sais pas quoi dire, car
21 lorsque des questions de santé sont en jeu, on ne sait pas exactement
22 quelle est la situation et je ne souhaite même pas poser la question à Me
23 de Roux, mais s'il s'agit d'une semaine supplémentaire d'absence de Me de
24 Roux à condition que Me Fauveau, en tant que coconseil, soit présente, je
25 ne pense pas qu'il y ait un quelconque problème.
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1 Je ne pense pas que vous deviez vous préoccuper. En revanche, si Me de
2 Roux nous indique aujourd'hui qu'il ne sait pas ce qui va se passer et
3 qu'il ne pourra peut-être pas être présent pendant le mois à venir, les
4 deux mois ou trois mois à venir, alors nous devrons manifestement
5 réévaluer la situation en étant toujours conscients du fait que la
6 situation, aujourd'hui, n'est pas la même que celle d'il y a deux semaines
7 ou aucun coconseil n'était présent. A présent nous avons un coconseil
8 présent.
9 Bien entendu, la Chambre n'a nullement le droit d'interférer avec une
10 décision que vous seriez amené à prendre, Général talic, dans votre
11 intérêt et nous ne sommes pas là pour vous dire ce que vous devez faire ou
12 ne pas faire, mais peut-être pourrais-je me permette de vous suggérer de
13 revoir peut-être votre position à la lumière de ce que vient de vous dire.
14 Peut-être pourriez-vous réserver votre position et peut-être pourriez-vous
15 y revenir ultérieurement une fois que la situation aura été précisée, car
16 s'il s'agit d'un problème temporaire cela ne posera pas problème.
17 Il y a un an d'ailleurs de cela, j'ai dû subir des examens médicaux.
18 J'étais assez inquiet pendant une semaine, deux semaines, trois semaines,
19 j'ai fait des contrôles et d'autres contrôles mais ensuite le problème
20 n'existait plus.
21 Je ne sais pas exactement quel est le problème, mais si les problèmes de
22 santé de Me de Roux sont d'ordre temporaire et si cela risque de faire en
23 sorte qu'il soit absent pendant une semaine, deux semaines, trois semaines
24 ou même un mois, à condition qu'il se présente de façon occasionnelle et
25 que vous soyez encore représenté par Me Fauveau, je pense qu'à ce moment-
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1 là vous pourriez peut-être revoir votre position et peut-être pourriez-
2 vous vous réserver le droit de nous redonner votre position par la suite.
3 Pour l'instant, pourriez-vous laisser la question en suspens, c'est-à-dire
4 le fait de demander à Me de Roux de ne plus être votre conseil principal.
5 Voilà ce que j'avais à dire, mais bien entendu la Chambre ne va nullement
6 influencer votre décision. Voilà ce que je souhaitais dire au cas où vous
7 n'auriez pas examiné tous ces paramètres-là, toutes ces possibilités. J'ai
8 travaillé en tant que conseil de la défense pendant plusieurs années, et
9 je sais que dans certains cas mes clients étaient extrêmement fâchés
10 contre moi, mais dans d'autres cas ils étaient extrêmement satisfaits.
11 Voilà ce que je souhaitais vous dire pour vous donner matière à réflexion
12 essentiellement. Je crois que vous devriez peut-être y réfléchir et nous
13 communiquer votre décision par la suite. Peut-être souhaitez-vous disposer
14 de plus de temps pour discuter de la question avec Me de Roux, et peut-
15 être que Me de Roux pourra vous donner des indications quant au temps que
16 cela pourrait prendre et peut-être que lui-même aura une autre
17 proposition.
18 Maître de Roux est une personne tout à fait raisonnable, je n'ai rien à
19 lui reprocher et je suis sûr qu'il a compris pourquoi j'ai pris la parole
20 parce que j'essaie d'agir dans votre intérêt. Je crois qu'il a bien
21 compris que la Chambre a fait preuve de compréhension à son égard, mais
22 nous ne pouvions rien faire, car le coconseil n'était pas présent. Si le
23 coconseil avait été là, nous n'aurions absolument rien dit.
24 Est-ce que vous souhaitez quelques minutes peut-être pour vous entretenir
25 avec Me de Roux, ou votre décision est-elle définitive?
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1 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je me demandais si
2 nous pouvions continuer avec le témoin, mais peut-être serait-il utile de
3 suspendre l'audience pendant 15 minutes pour discuter de cette situation?
4 M. le Président (interprétation): Pour aujourd'hui, Général Talic, pour
5 aujourd'hui au moins, étant donné que Me de Roux est là, étant donné que
6 sa présence ne va certainement pas être préjudiciable pour vous, sa
7 présence ici aujourd'hui ne va nullement vous être préjudiciable; ce
8 serait son absence qui le serait, sa présence est extrêmement utile pour
9 vous.
10 Et peut-être pourrions-nous vous demander de nous donner votre
11 consentement aujourd'hui ou pendant la présence de Me de Roux à La Haye –
12 je ne sais pas s'il avait l'intention d'être là demain également-, peut-
13 être pourrions-nous en terminer avec ce témoin, avec le témoin suivant qui
14 est prévu pour cette semaine?
15 Mme Korner (interprétation): Je pense que nous n'allons pas en terminer
16 avec le témoin suivant, car nous n'avons pas d'audience vendredi.
17 M. le Président (interprétation): Mais je crois que votre suggestion
18 effectivement est la bonne: nous allons suspendre l'audience pendant 15
19 minutes.
20 Si vous pensez que cette suspension peut être utile pour vous et peut-être
21 pourriez-vous vous entretenir avec Me de Roux, Général Talic. Après quoi,
22 nous en saurons plus sur la façon de résoudre ce problème.
23 (L'audience, suspendue à 9 heures 30, est reprise à 9 heures 57.)
24 M. le Président (interprétation): J'espère que nous aurons de bonnes
25 nouvelles.
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1 Mme Korner (interprétation): Nous vous sommes reconnaissants du temps que
2 vous nous avez donné. Je pense que le mieux serait que Me de Roux vous
3 explique sa position.
4 M. le Président (interprétation): Oui, Maître de Roux?
5 M. de Roux: La position du général Talic est de, bien entendu aujourd'hui,
6 poursuivre cette audience, faire la même chose demain, et de réfléchir ce
7 week-end à sa position future, mais c'est bien entendu lui qui prendra la
8 décision.
9 M. le Président (interprétation): Oui, Général Talic, nous ne mettons pas
10 en doute ce que vient de dire Me de Roux, mais nous aimerions avoir une
11 nouvelle confirmation de vous à ce sujet.
12 M. Talic (interprétation): Monsieur le Président, je suggère que nous
13 continuions de travailler aujourd'hui et demain de cette manière, et je
14 vais réfléchir à la question. Mais j'insiste, je voudrais insister pour
15 que Natasha Fauveau-Ivanovic puisse continuer d'agir comme mon conseil de
16 défense jusqu'à la fin de l'audience.
17 M. le Président (interprétation): Que voulez-vous dire par "la fin de
18 l'audience"? Est-ce une question de traduction, d'interprétation "jusqu'à
19 la fin de l'audience"?
20 M. Talic (interprétation): Jusqu'à la fin de la procédure, jusqu'à la fin
21 finale.
22 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir Général Talic.
23 Pouvons-nous faire entrer le témoin, M. Smailagic? Qui va s'en occuper?
24 L'huissier?
25 Dans l'intervalle, Général Talic, de façon officieuse, je voudrais vous
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1 inviter aussi à réfléchir sur quelque chose de très important dans votre
2 intérêt: c'est que ce procès, une fois qu'il a commencé, se poursuive
3 parce que s'il devait s'arrêter et si le résultat devait être que votre
4 affaire soit séparée de celle de M. Brdanin, vous savez ce que cela
5 voudrait dire? Cela voudrait dire qu'il faudrait encore une année et
6 demie, ou peut-être deux ans avant que votre affaire ne commence.
7 Oui, Maître Ackerman?
8 M. Ackerman (interprétation): Avant que le témoin n'entre, pourrais-je
9 faire une très brève déclaration?
10 Juste pour vous dire quelle était mon expérience. Je suis entré dans
11 l'affaire Celebici à peu près au même stade, l'affaire était déjà
12 commencée et j'étais le conseil principal. Il avait un coconseil qui était
13 là depuis le début, comme Mme Fauveau depuis le début dans la présente
14 affaire. Nous avons eu une interruption de deux semaines. Ceci m'a donné
15 le temps de lire les comptes rendus et les pièces de l'affaire, et nous
16 sommes partis de ce point de départ.
17 Donc si cette situation devait causer un retard, je ne pense pas que cela
18 dépasserait ce délai. Ce qui, à mon avis, ne serait pas un motif pour ce
19 qu'il y ait disjonction d'instance par rapport à l'affaire de M. Brdanin.
20 Plus cette situation durera, bien sûr si nous attendons un mois, alors
21 cela prendra plus longtemps pour qu'un nouveau conseil puisse s'informer
22 et se mettre à jour. Il semble donc inévitable qu'il va y avoir un
23 changement, mais il faudrait mieux que cela se passe maintenant plutôt que
24 dans un mois.
25 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman, mais la question
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1 qui se pose est de savoir si le problème de Me de Roux est un problème qui
2 doit être examiné à long terme ou à court terme.
3 Ce ne sera plus un problème dans deux semaines ou dans un mois. Et Mme
4 Fauveau est pour le moment coconseil et a participé à cette procédure dans
5 la phase préalable au procès, ainsi que dans la phase du procès. Je ne
6 vois pas pourquoi il devrait y avoir un problème.
7 En tout état de cause, faites entrer le témoin et nous allons commencer
8 avec le témoin.
9 Ceci pourra se poursuivre, je suis sûr que le général Talic est
10 raisonnable et qu'il réfléchira à ce qui vient d'être dit, qu'il attachera
11 tout le poids nécessaire à ce qui a été dit; et je suis sûr qu'en fin de
12 compte nous trouverons une solution.
13 (Le témoin, M. Zijahudin Smailagic, est introduit dans le prétoire.)
14 Avant de commencer, je vois qu'il est 10 heures, je ne sais pas quand vous
15 voulez qu'il y ait suspension d'audience. Voudriez-vous, s'il vous plaît,
16 me faire savoir environ 20 minutes à l'avance que vous souhaitez une
17 suspension, afin que nous puissions nous organiser en fonction de cela? Je
18 vous remercie.
19 Bonjour, Monsieur Smailagic.
20 M. Smailagic (interprétation): Bonjour.
21 M. le Président (interprétation): L'huissier va vous demander de faire la
22 déclaration solennelle, de refaire la déclaration solennelle que vous avez
23 faite hier.
24 M. Smailagic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
25 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
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1 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir. Nous allons
2 poursuivre votre contre-interrogatoire maintenant. C'est Me Ackerman,
3 conseil de Radoslav Brdanin qui va procéder au contre-interrogatoire.
4 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Zijahudin Smailagic, par Me
5 Ackerman.)
6 M. Ackerman (interprétation): Puis-je?
7 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman, vous pouvez.
8 M. Ackerman (interprétation): Je voudrais que l'accusation fournisse au
9 témoin les déclarations qu'il avait devant lui hier.
10 (Les documents sont remis au témoin.)
11 Bonjour, Monsieur Smailagic.
12 M. Smailagic (interprétation): Bonjour.
13 Question: Vous avez, devant vous, chacune de vos déclarations en anglais
14 et en BCS, et je voudrais que vous confirmiez, pour le compte rendu, que
15 vous les avez bien ici?
16 Réponse: Oui, je les ai.
17 Question: A la page 3 de la version anglaise de votre déclaration, je vois
18 ce qui est dit au sujet d'un changement de nom. Vous avez dit, hier, dans
19 votre déposition: "Je crois qu'ils ont réussi à influencer un millier de
20 Musulmans pour qu'ils changent leurs noms en noms serbes.". Puis, vous
21 dites: "Un document qui le démontre existe et je crois que je peux obtenir
22 ce document de nos archives.".
23 J'ai au moins trois questions à poser au sujet de cette déclaration. Ma
24 première question est: avez-vous trouvé le document dont vous parlez dans
25 votre déclaration?
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1 Réponse: Je ne l'ai pas reçu, mais le document existe à Banja Luka dans
2 une institution. Je ne peux pas dire où.
3 Question: Lorsque vous dites "nos archives", de quelles archives voulez-
4 vous parler?
5 Réponse: Excusez-moi? Nous avons les renseignements pour les personnes de
6 nationalité bosniaque qui ont changé leurs noms et d'autres archives...
7 Question: Vous dites, dans votre déclaration, que vous pensez que vous
8 pouvez obtenir ce document de "nos archives". Lorsque vous dites "nos
9 archives", les archives de qui? De quelles archives parlez-vous?
10 Réponse: Je parle de nos archives où nous recueillons des renseignements
11 sur les personnes qui ont changé leurs noms et que nous avions
12 enregistrés.
13 Question: Où sont ces archives?
14 Réponse: Je ne peux pas vous le dire, à Banja Luka.
15 Question: Est-ce que vous savez où à Banja Luka?
16 Réponse: Oui, je le sais.
17 Question: Et où serait-ce?
18 Réponse: Je ne peux pas le dire.
19 Question: Vous ne pouvez pas le dire, parce que vous ne le savez pas?
20 Réponse: Non, mais pour des raisons de sécurité.
21 Question: Pourquoi y a-t-il des raisons de sécurité concernant vos
22 archives?
23 Réponse: A cause de la crainte que ceux qui doivent s'occuper de ces
24 archives pourraient être maltraités. Ces archives pourraient être prises
25 par des personnes qui ne devraient pas les avoir, et détruites.
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1 Question: Avez-vous donné accès à des représentants du Bureau du Procureur
2 à ces archives? Ont-ils eu la possibilité de les regarder?
3 Réponse: Non.
4 Question: Ont-ils demandé à y avoir accès?
5 Réponse: Ils ont demandé s'ils pourraient y avoir accès. J'ai dit que
6 j'essaierais, mais je n'ai pas réussi à le faire.
7 Question: Qui est la personne qui est responsable de la conservation de
8 ces archives et qui en aurait la garde?
9 M. Smailagic (interprétation): Je ne peux pas vous le dire.
10 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je demande que le
11 témoin soit amené à donner une réponse, peut-être à huis clos partiel.
12 C'est un domaine dans lequel je pense que la loi, pour ce Tribunal, dit
13 que je dois poser cette question.
14 Mme Korner (interprétation): Je ne suis pas au clair pour le moment par
15 rapport à ce que dit M. Ackerman, que ce soit une obligation pour lui:
16 mais quelle est la pertinence de montrer dans les archives que des
17 personnes ont changé de nom?
18 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman, quelle est la
19 pertinence?
20 M. Ackerman (interprétation): J'ai l'impression que les archives vont au-
21 delà du simple fait de donner les noms de personnes qui ont changé de nom
22 et, même si ce n'était pas le cas, c'est une documentation dont le témoin
23 a dit qu'il pourrait l'obtenir et qu'il n'a pas obtenue; document qui, je
24 pense, serait important, même si ce n'est qu'un document, ce qui n'est pas
25 probablement ce que l'on pourrait décrire comme étant des archives. C'est
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1 tout à fait pertinent pour la crédibilité de ce témoin qui est
2 particulièrement importante dans la présente affaire.
3 Mme Korner (interprétation): Il me semble que c'est une expédition de
4 pêche. On va chercher des documents sans savoir ce qu'ils sont.
5 Deuxièmement, comment l'existence de ces archives pourrait être pertinente
6 par rapport à la crédibilité du témoin?
7 M. le Président (interprétation): L'existence ou non de ces archives peut
8 être pertinente, car s'il n'y a pas d'archives et qu'il dit qu'il peut
9 obtenir ce document et qu'il pourrait le présenter et qu'il n'y a pas
10 d'archives, assurément, il ne dit pas la vérité.
11 Mais le fait est qu'il fait une déclaration, après sa déclaration
12 solennelle, que ces archives existent. Il confirme, à nouveau, sa
13 déclaration que ces documents existent et que l'on peut les trouver dans
14 ces archives, mais il ne veut pas nous dire où elles se trouvent, où elles
15 sont conservées.
16 Je ne pense pas que je puisse voir une pertinence au-delà de cela et je ne
17 vais pas insister pour qu'il nous donne des renseignements plus
18 développés. Nous avons établi qu'il a confirmé ici, à nouveau, que ce
19 document existe, qu'il est dans ces archives. Il ne veut pas être forcé à
20 donner des renseignements supplémentaires sur cette question pour des
21 raisons de sécurité. Je ne vais pas insister pour que le témoin donne des
22 détails, que ce soit une question de crédibilité ou non.
23 Mme Korner (interprétation): Bien.
24 M. le Président (interprétation): Cela ne va pas être établi par une
25 enquête approfondie pour savoir si ces archives existent. S'il plaide
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1 qu'il y a des raisons de sécurité...
2 M. Ackerman (interprétation): Comment peut-il plaider des questions de
3 sécurité, Monsieur le Président? C'est un individu, se sont des archives
4 individuelles. Vous dites que je vais être privé de pouvoir faire une
5 investigation, une recherche représentant mon client dans un domaine qui,
6 je crois, est un domaine d'investigation important.
7 M. le Président (interprétation): Quel domaine d'investigation? Il vous
8 dit qu'il y a des archives et il ne veut pas vous donner de renseignements
9 supplémentaires pour des raisons sécurité. Evidemment qu'il y a des
10 questions de sécurité.
11 M. Ackerman (interprétation): Il y a une façon de trouver une solution à
12 ces problèmes de sécurité qui donnerait accès…
13 M. le Président (interprétation): A huis clos, il vous dirait à huis clos
14 où sont ces archives? Mais je ne révélerai jamais où elles sont et vous
15 serez protégé pour cela (phon).
16 M. Ackerman (interprétation): Le Tribunal pourrait à ce moment-là ordonner
17 au témoin de livrer ces archives au Tribunal.
18 M. le Président (interprétation): Etes-vous en possession de ces archives,
19 Monsieur Smailagic?
20 M. Smailagic (interprétation): Non.
21 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez un contrôle
22 quelconque sur ces archives?
23 M. Smailagic (interprétation): Non, parce que je vis à Zenica et que les
24 archives se trouvent à Banja Luka.
25 M. Ackerman (interprétation): Et il dit qu'il sait qui en a la garde ou
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1 qui les contrôle. Ce que je demande maintenant, c'est qu'il donne au
2 Tribunal ce nom de façon que je puisse, à mon tour, faire convoquer cette
3 personne sous astreinte.
4 M. le Président (interprétation): Je ne vois toujours pas la pertinence,
5 Maître Ackerman. Tout tourne autour du point de savoir, sur la déclaration
6 qu'il a faite ici, que ces archives existent effectivement, qu'il sait que
7 ce document figure dans ces archives, et cela devrait suffire. Savoir si
8 on le croit ou ne le croit pas est une autre question.
9 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que...
10 M. le Président (interprétation): Etant donné qu'il ne veut pas révéler où
11 se trouven( ces archives et qui en a la garde...
12 M. Ackerman (interprétation): Pourriez-vous lui ordonner de produire le
13 document dont il dit qu'il pourrait l'obtenir?
14 M. le Président (interprétation): Mais s'il n'a plus le contrôle sur ces
15 archives?
16 Mme Korner (interprétation): Je suis informée par l'expert sur la question
17 qu'il y a un document dans la collection de Banja Luka qui est disponible,
18 qui a trait à ces changements de noms, que nous avons en fait communiqué.
19 Donc si c'est cela dont il s'agit, c'est légèrement pertinent.
20 M. le Président (interprétation): Je ne vois pas la question de pertinence
21 si ce n'est pour la crédibilité du témoin, mais je crois que Me Ackerman a
22 raison sur ce point. Mais je crois qu'il n'y a guère de pertinence par
23 rapport à cette question parce que je ne pense pas que la question ait
24 jamais été mise en doute, ou que davantage de femmes ou d'hommes musulmans
25 à Banja Luka aient changé de nom. Cela a été dit, que ce soit un millier
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1 ou davantage, cela ne changera pas beaucoup le tableau.
2 Oui, Maître Ackerman?
3 M. Ackerman (interprétation): Le point est le suivant, Monsieur le
4 Président: ce n'est pas uniquement ce document.
5 M. le Président (interprétation): Oui, oui, mais c'est ce que Mme Korner a
6 fait remarquer à juste titre. Il ne faut pas changer cela en expédition de
7 pêche.
8 M. Ackerman (interprétation): Je comprends.
9 M. le Président (interprétation): Croyez-vous que je vais ouvrir la porte
10 de façon que vous puissiez me demander de forcer le témoin à donner des
11 détails sur ces archives avant que je sache d'abord ce qui est pertinent
12 et ce qui ne l'est pas?
13 M. Ackerman (interprétation): Non.
14 M. le Président (interprétation): Ce serait une expédition de pêche.
15 M. Ackerman (interprétation): Ce serait pour demander une convocation.
16 J'ai réussi à empêcher cela en disant que c'était une expédition de pêche.
17 Ce que je voudrais, c'est une enquête et non pas une expédition de pêche.
18 Ce sont des archives. Ce témoin a indiqué que ce n'est pas simplement un
19 seul document. Ce sont des archives que son groupe a recueillies. Il est
20 très probable qu'elles sont pertinentes pour les problèmes qui se posent
21 dans l'affaire, et si cela n'est pas le cas, quel est le problème? Ce
22 n'est pas une expédition de pêche.
23 M. le Président (interprétation): Comment la Chambre peut-elle procéder
24 sur l'idée que c'est très probable? Qu'est-ce qui justifie le fait que
25 vous disiez que c'est très probable? Que savez-vous de ces archives ou de
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1 ces déclarations?
2 M. Ackerman (interprétation): Je sais simplement ce qu'il a dit et vous ne
3 voulez pas qu'il réponde.
4 M. le Président (interprétation): Mais il s'est référé à ces archives
5 uniquement en ce qui concerne ce document qui voudrait prouver qu'il y a
6 un environ un millier de Musulmans, des hommes musulmans, qui ont changé
7 leur nom musulman en nom serbe. En fait, dans ce qu'il a dit dans sa
8 déposition hier, c'est qu'en réalité la plupart étaient des femmes plutôt
9 que des hommes, si je me souviens bien de ce qu'il a dit hier.
10 M. Ackerman (interprétation): C'est bien ce qu'il a dit, Monsieur le
11 Président.
12 Mme Korner (interprétation): Dans le dossier Banja Luka, le document P135,
13 document 1.112, il y a une longue liste de noms changés qui commence avec
14 Banja Luka. C'est dans le classeur n°1, pièce 135 de l'accusation.
15 M. le Président (interprétation): Je ne l'ai pas ici parce que j'avais
16 demandé à ma secrétaire de m'apporter simplement le 2 et le 3 parce qu'ils
17 contenaient les documents auxquels vous alliez vous référer aujourd'hui,
18 donc je ne les ai pas maintenant.
19 Oui, Maître de Roux?
20 M. de Roux: Monsieur le Président, je ne veux pas prolonger cet échange,
21 mais je crois que la seule question que l'on a maintenant, c'est de savoir
22 quelles sont ces archives. Quand il dit "nos archives", est-ce ses
23 archives personnelles? Est-ce les archives du SDA? Est-ce les archives
24 d'un groupe auquel il aurait appartenu? Je crois que c'est la seule
25 question qui est pertinente actuellement.
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1 M. le Président (interprétation): C'est une question tout à fait
2 pertinente, merci Maître de Roux. Je crois que je vais poser cette
3 question au témoin et le prier de me répondre: mais de quel type
4 d'archives parlez-vous? Sont-ce des archives officielles de la
5 municipalité de Banja Luka? Sont-ce des archives recueillies par quelqu'un
6 en particulier ou par une organisation particulière? De quoi parlons-nous
7 ici?
8 M. Smailagic (interprétation): Ces archives sont les archives du Parti de
9 l'action démocratique.
10 M. le Président (interprétation): Et vous voudriez que je le force à les
11 produire?
12 M. Ackerman (interprétation): Non, vraiment, c'est la réponse dont j'avais
13 besoin.
14 M. le Président (interprétation): Pourrais-je demander à la Greffière
15 d'audience de montrer au témoin le document que je tiens à la main. Il lui
16 sera alors demandé de confirmer si ceci est le document auquel il s'est
17 référé dans sa déclaration ou si c'est un autre document.
18 (L'huissier remet le document au témoin.)
19 Je suppose que c'est le registre de l'état civil, le document officiel du
20 registre de l'état civil, d'après l'apparence du document.
21 M. Smailagic (interprétation): Je n'ai pas eu accès à cela, je ne connais
22 pas ce document, mais nous avions nos renseignements, et les citoyens
23 venaient nous trouver et nous disaient qu'ils avaient changé leurs noms.
24 Ils voulaient probablement se justifier devant nous, ils nous le disaient
25 eux-mêmes.
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1 Nous n'avons jamais reçu du MUP, du ministère de l'Intérieur à Banja Luka,
2 des renseignements sur les personnes qui avaient changé de nom et nous
3 n'étions pas en mesure de leur demander.
4 Mme Korner (interprétation): Juste un renseignement concernant les
5 questions de traduction. C'est juste une liste de noms, nous n'avons
6 qu'une partie de transcript.
7 M. le Président (interprétation): Bien, merci Madame Korner.
8 Maître Ackerman, je crois que vous pouvez maintenant continuer à poser les
9 questions suivantes.
10 M. Ackerman (interprétation): Bien.
11 Toujours à la page 3, Monsieur Smailagic, au bas de la page, vous
12 mentionnez le nom de Muhamet Krzic comme étant l'unique membre du SDA qui
13 était venu avec des membres du conseil du SDS après novembre 1991.
14 La première question: est-ce que vous connaissez bien M. Krzic?
15 M. Smailagic (interprétation): Oui, je le connais très bien. Il était le
16 président du Parti de l'action démocratique à Banja Luka.
17 Question: Quand est la dernière fois que vous avez parlé à M. Krzic?
18 Réponse: Quand je lui ai parlé pour la dernière fois? Vous voulez dire à
19 Banja Luka?
20 Question: Oui.
21 Réponse: A Banja Luka, vers la fin de 1993, avant qu'il ne quitte Banja
22 Luka. J'étais avec lui à deux reprises en 2001 à Sarajevo.
23 Question: Est-ce que vous lui avez parlé depuis que vous l'avez vu en 2001
24 à Sarajevo?
25 Réponse: Non, je ne l'ai pas fait parce qu'à l'époque, je crois qu'il est
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1 parti pour Washington, pour prendre un poste au consulat. Il est allé
2 travailler là-bas, il était employé là-bas. C'est-à-dire qu'il y travaille
3 toujours.
4 Question: Avez-vous eu des entretiens avec lui concernant votre déposition
5 ici au Tribunal?
6 Réponse: Non, nous n'en avons jamais parlé, nous avions d'autres problèmes
7 de caractère personnel. Parce que j'étais un réfugié et c'était aussi
8 quelque chose qui dominait notre conversation.
9 Question: Savez-vous, connaissez-vous M. Krzic assez bien pour penser que
10 c'est un homme qui dit la vérité?
11 Réponse: Je peux dire que c'est quelque chose que je peux confirmer, à
12 tout moment.
13 Question: Qu'il est sincère, qu'il dit la vérité?
14 Réponse: Je n'ai pas compris.
15 Question: Est-ce que vous pouvez confirmer que c'était un homme qui dit la
16 vérité?
17 Réponse: Oui, c'est l'homme que j'ai connu.
18 Question: Si c'est le cas, que M. Krzic a fait une déclaration au Bureau
19 du Procureur, déclaration qu'il a signée, dans laquelle il a dit que
20 Radoslav Brdanin était fréquemment à la radio, à la télévision et dans les
21 journaux, en particulier en 1993; avant cela, il n'était pas considéré
22 comme respectable comme porte-parole du SDS, à l'évidence. En 1991 et
23 1992, il était rarement interviewé. Si M. Krzic a dit cela, ce serait
24 exact, n'est-ce pas?
25 M. Smailagic (interprétation): Eh bien, si nous parlons de porte-parole,
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1 autant que je sache, il n'a jamais été porte-parole du SDS.
2 M. Ackerman (interprétation): L'affirmation est que...
3 M. le Président (interprétation): Je crois que je vais vous inviter
4 d'abord à expliquer au témoin, au cas où il ne le saurait pas, la
5 différence entre dire la vérité et être précis.
6 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Témoin, d'après ces déclarations
7 qui ont été faites par M. Krzic par écrit et qu'il a signées, ce qui
8 m'intéresse plus particulièrement dans sa déclaration c'est la phrase où
9 M. Brdanin est mentionné: "En 1991 et 1992, il était rarement interviewé".
10 Ma question est tout simplement: êtes-vous d'accord avec cette
11 déclaration?
12 M. Smailagic (interprétation): Qu'il n'était pas interviewé, non.
13 Question: Peut-être que la traduction n'est pas passée correctement.
14 Monsieur Krzic dit qu'il était rarement interviewé, pas jamais.
15 Réponse: Ceci est exact. C'est vrai, il n'était pas constamment invité à
16 s'exprimer.
17 Question: Vous accepteriez le mot "rarement", n'est-ce pas?
18 Réponse: Oui.
19 Question: A la page 3 de votre déclaration, je ne sais pas si c'est la
20 même pagination pour le BCS que pour l'anglais, vous faites une
21 déclaration, vers la fin de la page de l'anglais en tous les cas, que le
22 SDS était chargé de tout ce qui se passait dans la région. Les militaires
23 et la police recevaient leurs ordres du SDS.
24 Réponse: Je ne trouve pas cela ici mais c'était le cas.
25 Question: Et vous avez dit à l'enquêteur du Bureau du Procureur que vous
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1 n'avez vu d'ordres de ce genre. Ma question est de savoir comment vous
2 savez que le SDS était en charge de tout ce qui se passait dans le
3 secteur?
4 Réponse: Eh bien, s'il avait la possibilité de le contrôler, si le SDS
5 avait le contrôle du personnel municipal et de la cellule de crise
6 régionale, il est tout à fait normal qu'il ait pris les décisions.
7 Question: Vous nous avez parlé, hier, du Dr Vukic, vous nous avez dit
8 qu'il était Président du SDS à Banja Luka. Est-ce exact?
9 Réponse: Oui.
10 Question: S'il est exact, comme vous le dites, que M. Brdanin était membre
11 du SDS de Banja Luka, M. Vukic était président et aurait été le supérieur
12 de M. Brdanin dans la hiérarchie du SDS, n'est-ce pas?
13 Réponse: Il a été son président. Il a été son supérieur, effectivement.
14 Question: Maintenant, je vais passer à un autre sujet. Dans votre
15 déclaration initiale, ce qui apparaît en version anglaise, vous l'avez
16 confirmé hier, c'est que vous avez donc précisé aux enquêteurs que
17 l'épouse de Brdanin, Perka, avait mis en place une agence d'immigration à
18 Banja Luka. Vous en souvenez-vous?
19 Réponse: C'est là où j'allais demander d'apporter une correction. En
20 langue serbe, c'est là probablement que l'erreur s'est glissée au moment
21 de la traduction ou au moment où on l'a dactylographié, car j'ai dit que
22 j'ai eu l'occasion de la voir souvent dans la rue et j'ai dit qu'il y
23 avait cette agence dans laquelle elle a travaillé. Mais lorsque j'ai vu le
24 texte en serbe, j'ai fait quelques corrections à deux ou trois endroits.
25 C'est une erreur qui s'est glissée probablement, comme je l'ai dit, ou
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1 lors de la traduction ou au moment où on a tapé le texte.
2 Question: Par conséquent, vous n'avez jamais dit que cette personne,
3 dénommée Perka, a été épouse de M. Brdanin?
4 Réponse: Non, moi je connaissais bien l'épouse de M. Brdanin.
5 Question: Et maintenant, si vous prenez votre deuxième déclaration, c'est
6 la déclaration que vous avez donnée aux mois de juin et août 2001, il me
7 semble que le Bureau du Procureur a attiré votre attention sur ce fait et
8 c'est à ce moment-là que vous avez apporté des clarifications.
9 Il s'agit de la page 3, version anglaise, c'est aux deux tiers, à peu
10 près, de la page, en bas de la page: "J'ai dit que l'épouse de M. Brdanin,
11 Perka, a mis en place l'agence d'immigration à Banja Luka. En fait, je ne
12 suis pas sûr que son épouse s'appelle Perka, mais je sais que son épouse a
13 participé à l'organisation d'une de ces agences, mais je ne sais pas
14 exactement de laquelle. Je ne peux pas me souvenir de son nom et pas me
15 souvenir exactement de la personne qui m'en a parlé".
16 C'est ce que je vous ai dit pour la deuxième fois lorsque l'on vous a
17 permis de vous y référer.
18 Réponse: Je me souviens plus exactement, mais je me souviens que j'ai
19 souligné le fait que ceci n'a pas été traduit correctement, qu'il y avait
20 une erreur.
21 Question: Avez-vous trouvé la partie dont je viens de donner lecture dans
22 votre deuxième déclaration et où vous parlez, une fois de plus, de son
23 épouse, Perka?
24 Réponse: Je ne peux pas trouver le paragraphe pertinent.
25 Question: Version anglaise, c'est la troisième page. C'est la page 2,
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1 peut-être, de la déclaration en BCS…
2 (L'interprète signale qu'en BCS, c'est la page 3.)
3 Si vous voyez, par conséquent, page 3, vous allez voir le paragraphe qui
4 commence par: "J'ai mentionné, lors de ma déclaration précédente, etc."
5 Réponse: Oui, j'ai bien trouvé.
6 Question: Pouvez-vous, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin, pas à haute
7 voix, lire le paragraphe, et ensuite nous le dire?
8 (Le témoin parcourt le document.)
9 Réponse: Oui, c'est effectivement ma première déclaration, quand j'ai en
10 effet fait un changement, j'ai inversé les choses. Mais à Banja Luka, où
11 on avait pu entendre dire que Perka avait aidé que l'agence soit mise en
12 place. Mais je me souviens que cette agence existait, je me souviens que
13 tout le monde en a parlé et tout le monde disait que c'était son agence,
14 que c'était l'agence qui était sous son contrôle, et c'est comme cela que
15 nous avons considéré que c'était véridique.
16 Question: Mais la question que je vous ai posée était la suivante, je vous
17 la repose: ce que vous avez dit aux enquêteurs quand, pour la deuxième
18 fois, vous avez eu l'occasion de parler de la personne qui répondait au
19 nom de Perka, est-ce que vous leur avez dit la vérité?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Par conséquent, il est vrai, c'est exact de dire que vous, votre
22 position est de dire que c'était l'épouse de Brdanin qui a mis en place
23 cette agence, que c'est elle qui se trouvait à la tête, mais que vous ne
24 saviez pas véritablement son nom, mais que son nom n'est pas Perka de
25 toute façon. Est-ce que c'est ce que vous pensez?
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1 Réponse: Mais moi je n'avais pas un document sous les yeux, c'est qu'on
2 avait entendu dire, c'était les rumeurs, les ouï-dire. J'ai appris que
3 l'épouse de Brdanin a été à cette agence et que c'est elle… Qu'il y avait
4 également dans cette agence une certaine Perka, mais de toute façon que
5 l'épouse de Brdanin avait été à la principale de cette agence, dans cette
6 organisation.
7 Question: Mais est-ce qu'aujourd'hui vous savez qui est la femme dénommée
8 Perka?
9 Réponse: Non, je ne connais strictement rien au sujet de cette femme.
10 Question: Mais vous nous avez dit que vous connaissez l'épouse de Brdani.
11 Est-ce que vous connaissez son nom?
12 Réponse: Je ne connais pas le nom mais je sais où elle avait travaillé:
13 elle a travaillé à Kozara, dans la comptabilité. J'avais beaucoup d'amis,
14 des membres de la famille. C'est la raison pour laquelle je me rendais
15 souvent dans cette société dénommée Kozara.
16 Question: En d'autres termes, vous dites qu'elle a travaillé dans cette
17 entreprise Kozara, n'est-ce pas?
18 M. Smailagic (interprétation): Oui, et plus tard, au cours de la guerre,
19 elle a travaillé dans la prison. C'est ce que j'ai appris par une dame qui
20 a travaillé avec elle dans cette entreprise Kozara.
21 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, j'ai besoin de vos
22 instructions pour voir comment résoudre le problème. Je viens de recevoir
23 deux photographies -pas des photocopies, des documents originaux- qui me
24 sont parvenues de Banja Luka et qui concernent la question que nous sommes
25 en train de voir. Par conséquent, j'ai des photographies des originaux.
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1 Peut-être faudrait-il en premier que la Chambre puisse voir ces documents?
2 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous devons en parler devant
3 le témoin?
4 M. Ackerman (interprétation): Je ne vois pas quel est le problème à ce
5 niveau-là.
6 M. le Président (interprétation): Madame Korner, est-ce que vous-même vous
7 considérez qu'il y a un problème étant donné que vous ne connaissez pas de
8 quel document il s'agit.
9 Mme Korner (interprétation): Exactement, c'est à cela que je pensais.
10 M. le Président (interprétation): Dans ce cas, je vais demander au témoin
11 de sortir du prétoire, de ne pas aller trop loin. Nous allons donc
12 examiner les documents pour voir de quoi il s'agit, et ensuite on
13 poursuivra.
14 Mme Korner (interprétation): Il y a une autre question également, Monsieur
15 le Président: le témoin ne parle pas l'anglais.
16 M. le Président (interprétation): D'accord mais je ne veux pas risquer
17 quoi que ce soit.
18 Mme Korner (interprétation): Entendu.
19 M. le Président (interprétation): J'ai vu beaucoup de clients dans ma vie
20 qui prétendaient qu'ils étaient analphabètes, qu'ils ne pouvaient pas
21 signer quoi que ce soit, et ensuite ils s'occupaient des documents qui
22 étaient signés par eux-mêmes.
23 Monsieur Smailagic, auriez-vous l'amabilité de sortir quelques minutes du
24 prétoire, nous vous demanderons de rentrer à nouveau par la suite. Entre-
25 temps, nous allons parler d'un certain nombre de documents qui viennent de
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1 nous parvenir et qui n'ont probablement rien à voir ou peut-être n'ont
2 rien à voir avec vous, mais nous souhaiterions débattre de cette question
3 sans que vous soyez présent. Merci.
4 (Le témoin, M. Zijahudin Smailagic, est reconduit hors du prétoire.)
5 (Questions relatives à la procédure.)
6 Maître Ackerman, je vous en prie, vous pouvez poursuivre. De quoi parlons-
7 nous?
8 M. Ackerman (interprétation): Il s'agit de documents que j'ai reçus par e-
9 mail, ils ont été scannés. Je pense qu'il s'agit des originaux et des
10 sources officielles. C'est tout au moins ce qu'on m'avait dit. Ce que
11 j'aimerais, c'est que la Chambre puisse en prendre connaissance pour
12 commencer, pour confirmer leur caractère officiel.
13 M. le Président (interprétation): Est-ce que les documents sont en BCS?
14 M. Ackerman (interprétation): Oui.
15 M. le Président (interprétation): Mais nous ne savons pas si le témoin
16 parle le BCS, mais moi, j'en suis sûr, je ne le parle pas. Est-ce que vous
17 pouvez nous dire de quels documents il s'agit?
18 Mme Korner (interprétation): Est-ce que nous, nous pouvons voir ces
19 documents?
20 M. Ackerman (interprétation): Mais j'aimerais que tout le monde en prenne
21 connaissance.
22 M. le Président (interprétation): Bien évidemment, tout le monde en
23 prendra connaissance mais vous pourriez d'abord nous dire de quoi il
24 s'agit.
25 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, vous allez vous
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1 souvenir qu'à un moment donné, Me Ackerman avait objecté au moment où Mme
2 Richterova avait présenté un certain nombre de documents qui avaient été
3 communiqués en effet, mais nous avions tout simplement omis de dire à la
4 défense que nous allions nous référer à ces documents.
5 D'abord, il y a un autre point dont il a été question déjà. Dans cette
6 affaire, il y avait la communication des documents qui est réciproque, à
7 laquelle nous avons procédé. Maître Ackerman sans aucun doute avait été
8 informé sur un certain nombre de documents de Banja Luka par le Bureau du
9 Procureur. Nous n'avons jamais vu ces documents qui ont été saisis et
10 c'est la raison pour laquelle je tiens à soulever cette question.
11 M. le Président (interprétation): Mais je suis parfaitement sûr que Me
12 Ackerman est d'accord pour que vous souleviez cette question. Nous allons
13 maintenant y procéder de manière régulière.
14 Tout d'abord, je vais vous demander d'informer la Chambre ainsi que le
15 Bureau du Procureur de quel document il s'agit, Maître Ackerman.
16 Ensuite, nous allons en prendre connaissance, nous allons entamer la
17 procédure qui est régulière, nous allons produire des photocopies, nous
18 allons remettre les photocopies au Bureau du Procureur. Si le Bureau du
19 Procureur demande un certain temps pour s'enquérir sur ces documents et
20 avant de poursuivre, Me Ackerman avec le contre-interrogatoire du témoin
21 au sujet de ces documents, nous allons -je pense à la Chambre- prendre la
22 décision.
23 De toute façon, il y a quelque chose que nous devons résoudre ici avant de
24 voir de quel document il s'agit. Pourriez-vous, Maître Ackerman, nous dire
25 de quel document il s'agit?
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1 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
2 vous avez dû remarquer qu'il y a quelques minutes l'officier de sécurité
3 avait apporté à mon assistante deux documents. Il s'agit donc des
4 documents que j'ai dans mes mains, je viens de les obtenir par e-mail.
5 Comme je l'ai dit hier, hier matin, ensemble avec quelques autres lettres
6 et quelques autres e-mails pour des félicitations de l'anniversaire de M.
7 Brdanin, -je pense que je n'ai pas eu l'occasion de les lire- ce sont les
8 documents que mon coconseil a remis à M. Brdanin. C'est hier soir que j'ai
9 appris qu'il ne s'agissait pas de lettres ou tout simplement de voeux pour
10 son anniversaire mais qu'il y avait entre autres ces deux documents dont
11 je vous parle. Ce matin, j'ai donc reçu les copies, je les ai remises au
12 Bureau du Procureur. Ce que je fais régulièrement.
13 M. le Président (interprétation): Nous ne doutons pas du tout Maître
14 Ackerman.
15 M. Ackerman (interprétation): Je peux vous dire de quoi il s'agit. Il y a
16 d'abord un certificat de mariage, un extrait d'acte de mariage qui prouve
17 que l'épouse de M. Brdanin s'appelle Mira et pas Perka. Ensuite, il y a la
18 déclaration du directeur d'une entreprise dénommée Agregati d'où l'on ne
19 peut que l'on conclure que Mme Mira Brdanin a travaillé dans cette
20 entreprise depuis le 1er juillet 1980.
21 Il s'agit donc de ces deux documents et j'aimerais savoir ce que je peux
22 en faire.
23 M. le Président (interprétation): Vous pourrez montrer au Bureau du
24 Procureur les deux documents avant que la Chambre en prenne connaissance.
25 Nous ferons ensuite des photocopies.
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1 Avez-vous besoin d'un certain temps? C'est de vous que nous souhaitons
2 l'apprendre Madame le Procureur. C'est indispensable.
3 Mme Korner (interprétation): Même s'il s'agit véritablement de deux
4 documents dont Me Ackerman a parlé -je n'ai aucun doute à émettre, je ne
5 veux pas savoir pourquoi ces documents sont parvenus hier matin et
6 pourquoi un coconseil de M. Ackerman, qui lit les documents, ne nous a pas
7 prévenus, parce qu'elle peut lire, elle comprend la langue-, je ne vois
8 pas pourquoi on montrerait au témoin ces deux documents qui n'a jamais vu
9 ces documents et demander également au témoin d'en faire le commentaire.
10 Moi je n'ai pas objecté aux questions qui ont été posées par Me Ackerman
11 lors du contre-interrogatoire quand il a demandé de commenter les
12 déclarations de M. Krzic.
13 M. le Président (interprétation): Je ne l'ai pas arrêté parce que vous,
14 vous n'avez pas objecté Madame Korner.
15 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je ne vais pas en
16 permanence soulever des objections parce que je considère que ceci
17 interrompt en permanence le déroulement des travaux, si ce n'est pas vital
18 véritablement.
19 M. le Président (interprétation): C'est très gentil de votre part.
20 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit des
21 documents -peut-être, peut-être pas- qui sont des originaux. Je n'ai
22 aucune raison de penser qu'il ne s'agisse pas des originaux, qu'ils ne
23 soient pas des documents exacts, mais je ne vois pas pourquoi on
24 demanderait au témoin de commenter les documents qu'il n'a jamais vus.
25 M. le Président (interprétation): Mais il s'agit peut-être de quelque
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1 chose qui est pertinent Madame Korner. On n'en est pas sûrs pour le
2 moment.
3 La Chambre souhaiterait à ce moment-là ne pas permettre aux parties à ce
4 niveau-là de remettre les documents. De toute façon, dans la première
5 déclaration, le témoin avait dit catégoriquement que l'épouse de M.
6 Brdanin dénommée Perka avait mis en place cette agence. Ensuite, on a
7 attiré son attention sur le fait que ceci n'est peut-être pas correct.
8 C'est lui lors de la deuxième déclaration qui s'est corrigé.
9 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, ceci a été dit au
10 témoin mais il n'a jamais dit, il n'a jamais eu l'occasion de dire que ce
11 n'était pas vrai. Si j'ai bien compris, avant que le témoin ait eu
12 l'occasion de voir cette déclaration originale, on ne sait pas s'il
13 l'avait dit, s'il avait averti les enquêteurs, ou bien si ce sont les
14 enquêteurs qui ont attiré son attention là-dessus.
15 M. Ackerman (interprétation): Mais hier, j'ai demandé au témoin s'il avait
16 corrigé sa déclaration ou non, et il avait dit qu'il l'avait corrigée.
17 M. le Président (interprétation): Oui, c'est ce dont je me souviens. Ce
18 qu'il a dit dans sa deuxième déclaration: tout d'abord il avait dit qu'il
19 connaissait la femme de M. Brdanin, et il a dit qu'il la connaissait plus
20 ou moins; ensuite, il a aussi dit que cette Perka, tout au moins quand
21 s'il est référé à Perka, que ce n'est peut-être pas correct ce qu'il avait
22 dit sur cette femme-là Perka, et qu'il ne pouvait pas confirmer que
23 l'épouse de Brdanin s'appelait véritablement Perka.
24 Lors de sa déposition, il est allé un peu plus loin ce matin, plus qu'on
25 en avait besoin. Il a dit où elle avait travaillé, il a dit que c'est là
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1 où il avait l'occasion de la voir parce qu'il se rendait là-bas, parce
2 qu'il avait des amis à cet endroit-là.
3 De ce point de vue, étant donné qu'il est allé beaucoup plus loin que ce
4 qu'on lui a demandé, je pourrais autoriser, je voudrais autoriser que la
5 question lui soit posée en ce qui concerne le nom. Je ne suis pas sûr
6 qu'il pourrait confirmer ce qui est marqué sur l'extrait d'acte de
7 mariage, mais c'est un document qui peut être versé au dossier pour
8 prouver que l'épouse de M. Brdanin ne s'appelle pas Perka tout court.
9 Deuxièmement, j'aimerais… Lui souhaite démontrer qu'au moment où Perka
10 avait organisé cette agence, cela n'aurait pas pu être l'épouse de M.
11 Brdanin. Ensuite, il faudrait également établir si le témoin dit la vérité
12 ou s'il invente les choses.
13 Ceci ne va pas prouver que Smailagic ne dit pas la vérité, pas
14 obligatoirement, mais la déclaration de M. Smailagic ne va pas prouver ni
15 désapprouver l'authenticité de ce document. Nous n'allons donc pas aller
16 trop loin mais, pour pouvoir éviter le risque que des questions soient de
17 nouveau soulevées, je pense qu'il vaut mieux poser la question dès
18 maintenant. Par conséquent, que ce soit fair-play.
19 Est-ce que vous me comprenez?
20 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, nous estimons que la
21 véritable question à poser, si on présente les documents au témoin, c'est
22 donc de lui poser la question de savoir s'il avait déjà pris connaissance
23 de ces documents et s'il reste à ce qu'il avait dit lors de ses
24 déclarations précédentes. Je pense que les règles ne sont pas tout à fait
25 strictes.
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1 M. le Président (interprétation): Vous voyez pourquoi nous perdons notre
2 temps. Si ces documents ne nous conduisent pas là où Me Ackerman le
3 souhaiterait, cela pourrait être pertinent, dans ce sens-là. Sinon, ces
4 documents peuvent tout simplement démontrer que cette Perka, qui avait
5 organisé l'agence, n'est pas l'épouse de M. Brdanin. C'est tout.
6 Et c'est pourquoi il ne serait pas correct de dire que M. Brdanin avait
7 quoi que ce soit à voir avec cette agence d'immigration. Ce que M.
8 Smailagic avait dit lors de sa déposition, c'est qu'il s'agit de rumeurs,
9 alors la Chambre ne va pas se fonder sur les rumeurs.
10 Mme Korner (interprétation): Je n'ai rien à ajouter là-dessus.
11 M. le Président (interprétation): D'accord. Dans ce cas-là, il faudrait
12 faire entrer le témoin.
13 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, il serait également
14 indispensable d'attribuer une cote à ces documents.
15 M. le Président (interprétation): Je le pense.
16 M. Ackerman (interprétation): Je pense qu'il s'agit de 45 et 46.
17 M. le Président (interprétation): Entendu.
18 M. Ackerman (interprétation): Est-ce correct? Je pense que c'est 44?
19 M. le Président (interprétation): Je suis désolé, mais je ne suis pas au
20 courant des cotes attribuées; c'est le Greffe qui accorde les cotes.
21 Mme Thompson (interprétation): Le numéro suivant est 44.
22 M. Ackerman (interprétation): Entendu. Il s'agit donc de 44, c'est comme
23 cela que je vais marquer ce document: DB44 et DB45.
24 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)
25 (Le témoin, M. Zijahudin Smailagic, est de nouveau introduit dans le
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1 prétoire.)
2 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Zijahudin Smailagic, par Me
3 Ackerman.)
4 M. Ackerman (interprétation): J'aimerais maintenant demander à l'huissier
5 de nous aider et de mettre les documents sur le rétroprojecteur.
6 Monsieur Smailagic, je vais vous demander de bien vouloir jeter un coup
7 d'śil sur les deux documents qui vous vont être présentés. L'huissier les
8 a selon l'ordre, comme j'aimerais que vous les voyiez. On va les mettre
9 sur le rétroprojecteur pour que tout le monde puisse les voir en même
10 temps que vous.
11 Voulez-vous les examiner très attentivement, et par la suite, je vous
12 poserai quelques questions au sujet de ces deux documents?
13 (Intervention de l'huissier.)
14 (Le témoin regarde les documents.)
15 Entendu. Vous pouvez, s'il vous plaît, poser le premier document sur le
16 rétroprojecteur.
17 Ce premier document porte la cote DB44.
18 Monsieur Smailagic, si j'ai bien compris, il s'agit de l'acte de mariage,
19 est-ce que j'ai raison?
20 M. Smailagic (interprétation): Oui.
21 Question: Et on peut constater que le nom de Mme Brdanin est Mira, n'est-
22 ce pas?
23 M. Smailagic (interprétation): Oui.
24 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que vous pensez que c'est un
25 certificat authentique?
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1 M. le Président (interprétation): Mais je ne souhaite pas que le témoin
2 répondre à cette question.
3 M. Ackerman (interprétation): Je vais demander de mettre, sur le
4 rétroprojecteur, l'autre document qui porte la cote DB45B.
5 Monsieur Smailagic, est-ce que vous avez eu l'occasion d'examiner ce
6 document?
7 M. Smailagic (interprétation): Oui.
8 Question: Et pour ce qui concerne ce document, n'est-ce pas qu'il est
9 marqué que Mira Brdanin a travaillé dans l'entreprise Kameni Agregati
10 depuis le 1er juillet 1980?
11 Réponse: A ma connaissance, je n'ai jamais entendu parler de l'entreprise
12 Kameni Agregati. Elle a travaillé dans une entreprise dénommée Kozara.
13 C'est une société qui est dans le génie civil. Il y avait plusieurs usines
14 dans ce complexe où on les appelait Organisations de travail autogéré.
15 Personnellement, moi j'ai des doutes qu'elle a travaillé à Kameni
16 Agregati. Moi, je n'ai jamais entendu parler de cette entreprise, comme je
17 l'ai dit, qui est désignée comme Kameni Agregati.
18 Question: Par conséquent, ce que vous dites à la Chambre -c'est ce que
19 vous avez dit dans votre déclaration- est exact, alors que ce document ne
20 l'est pas?
21 M. le Président (interprétation): Non, ceci ne ressort pas obligatoirement
22 de ce qu'il nous a répondu. Vous pouvez lui demander s'il maintient ce
23 qu'il avait déclaré, mais ce n'est pas véritablement nécessairement un
24 document qui n'est pas correct.
25 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous
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1 maintenez votre déclaration concernant l'entreprise -excusez-moi, j'ai
2 oublié son nom- dans laquelle elle a travaillé?
3 M. Smailagic (interprétation): Oui, il s'agit d'un combinat industriel et
4 de génie civil à Kozara. C'est un complexe, un "concern" qui regroupait
5 plusieurs départements, plusieurs usines, car il y avait la fusion de
6 plusieurs entreprises. Il y avait Krajina, Poljemaj, une ciglama, une
7 briqueterie à Zalozami. Il y avait également une autre usine qui
8 fabriquait de la pierre, enfin du marbre et du gravier. C'est peut-être
9 cette usine dont vous parlez.
10 Il y en avait d'autres également qui n'étaient pas très loin par rapport à
11 Banja Luka qui se trouvaient à Dubica et dans les environs de Banja Luka.
12 C'était un complexe qui regroupait plusieurs usines.
13 Question: Nous pouvons donc remettre au Greffe ces documents.
14 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que l'on peut
15 disposer des copies de ces documents?
16 M. le Président (interprétation): Je ne dois pas dire jusqu'à quel point
17 il est important de vous fournir ces documents! C'est Me Ackerman qui va
18 le faire.
19 M. Ackerman (interprétation): Si le Greffe n'est pas en mesure de le
20 faire, je le ferai.
21 M. le Président (interprétation): Oui.
22 M. Ackerman (interprétation): Dès que j'aurai accès à une photocopieuse.
23 Mme Korner (interprétation): Si vous pensez que nous devons le faire, nous
24 pouvons le faire pendant la pause.
25 M. Ackerman (interprétation): Pourtant, la défense a à sa disposition une
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1 magnifique photocopieuse qui, parfois, marche...
2 J'aimerais vous demander la chose suivante: cette agence de voyages dont
3 vous nous avez parlé, était-elle dirigée par une femme du nom de Perka ou
4 était-elle dirigée par la femme de M. Brdanin qui, nous le savons
5 maintenant, se prénomme Mira? Quel est votre point de vue?
6 M. Smailagic (interprétation): C'est Mme Perka qui était à sa tête ainsi
7 que Radovan Glogovac.
8 Question: Hier, vous nous avez parlé de la cellule de crise de la RAK.
9 Vous ne savez pas quand cette cellule de crise a été constituée, n'est-ce
10 pas?
11 Réponse: Je crois que c'était aux alentours du mois de mai, juin 1992, en
12 1992 en tout cas. C'est à ce moment-là qu'elle a été constituée.
13 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, pourriez-vous être plus
14 précis: de quelle cellule de crise souhaitez-vous parler? S'agit-il de la
15 cellule de crise de la RAK ou de la municipalité de Banja Luka?
16 M. Ackerman (interprétation): Je pense avoir faire référence à la cellule
17 de crise de la RAK et je parle de la page 4 de la déclaration du témoin où
18 il est question de Perka.
19 Le témoin nous dit -Monsieur Smailagic, c'est ce qui figure dans votre
20 déclaration-: "Je ne suis pas en mesure de dire quand la cellule de crise
21 a été mise en place à Banja Luka. Ce que je sais, c'est que Brdanin en
22 était responsable."
23 J'imagine qu'ici vous nous parlez de la cellule de crise de la région
24 autonome de Krajina?
25 M. Smailagic (interprétation): Oui, exactement.
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1 Question: Vous nous dites: "Je ne peux me prononcer sur la façon dont
2 fonctionnait la cellule de crise ou l'autorité qui lui était dévolue, ce
3 que je sais uniquement, c'est qu'ils s'occupaient de tout, ils étaient
4 responsables de tout." Est-ce ce que vous avez dit?
5 Réponse: Oui, la cellule de crise de la région de Krajina était
6 responsable de toutes les questions liées à l'organisation. Ce qui se
7 passait à Banja Luka et en Krajina était du ressort de la cellule de
8 crise. C'est elle qui prenait les décisions et les organisations
9 subordonnées, ensuite, mettaient en śuvre les décisions.
10 Question: A la page précédente, vous nous dites que le SDS s'occupait de
11 tout ce qui se passait dans le secteur. Il y avait donc deux organisations
12 en charge de tout ce qui se passait, n'est-ce pas?
13 Réponse: J'ai dit que le SDS détenait le pouvoir mais, en tant que parti
14 politique, il disposait d'un certain nombre d'organes et, précisément, le
15 SDS a également constitué des cellules de crise et il en était
16 responsable.
17 Question: Votre position est-elle que la cellule de crise de la RAK était
18 un organe du SDS?
19 Réponse: Oui, exactement.
20 Question: Vous ne savez pas que c'était un organe relevant de l'assemblée
21 de la région autonome de Krajina?
22 Réponse: L'assemblée de la région autonome de Krajina était tout de même
23 contrôlée par le SDS parce que...
24 Question: Il est vrai, n'est-ce pas, que cette assemblée contenait des
25 délégués qui n'étaient pas membres du SDS mais membres d'autres partis,
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1 n'est-ce pas?
2 Réponse: J'ignore si d'autres partis étaient représentés, peut-être qu'il
3 y en avait deux autres.
4 Question: Ne savez-vous pas que la cellule de crise de la RAK a été créée
5 suite à une décision de Nikola Erceg qui était président du conseil
6 exécutif de la région autonome de Krajina, vous ne savez pas cela?
7 Mme Korner (interprétation): J'ai une objection quant à la façon dont a
8 été posée cette question, la forme de la question. En effet, les documents
9 existent. Tout le monde peut consulter ces documents. Et de dire que cet
10 organe a été créé par Nikola Erceg ne décrit pas fidèlement la réalité,
11 selon nous.
12 M. Ackerman (interprétation): Vous ne savez pas que la cellule de crise de
13 la RAK a été créée sous l'autorité de Nikola Erceg qui était président du
14 conseil exécutif de la RAK?
15 Réponse: Non, je ne le sais pas.
16 Question: Merci. A la phrase suivante, après nous avoir dit que Brdanin
17 s'occupait de tout, vous nous dites que Brdanin et Kupresanin étaient les
18 personnes qui étaient en charge de ce qui se passait dans le secteur.
19 Réponse: J'en suis arrivé à penser cela, à savoir que MM. Brdanin,
20 Kupresanin et Zupljanin, qui était le chef de la police, étaient les plus
21 responsables de ce qui se passait à Banja Luka. Brdanin de par sa fonction
22 en tant que président de la cellule de crise.
23 Question: Mais qu'est-il arrivé à Vukic? Vous nous avez dit que Vukic
24 présidait le SDS et que c'étaient eux qui étaient en charge de tout.
25 Maintenant il semblerait que Vukic n'est plus ce pouvoir.
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1 Réponse: Vukic était président du SDS, il était responsable devant les
2 organes supérieurs de son parti, il mettait en application les directives
3 qui lui parvenaient.
4 Question: Mais si vous avez raison en pensant que la cellule de crise
5 était un organe du SDS, et que Brdanin et Kupresanin étaient membres du
6 SDS, alors ils auraient été les subordonnés du Dr Vukic, n'est-ce pas,
7 parce qu'il était président?
8 Réponse: Oui, effectivement pour ce qui est du parti, ils étaient
9 subordonnés.
10 Question: Est-ce qu'à un moment donné, Monsieur Smailagic, vous avez reçu
11 une communication, un avis vous demandant de vous rendre à une obligation
12 de travail ou quelque chose de cet ordre?
13 Réponse: Oui, un appel au travail obligatoire.
14 Question: Dans votre déclaration préalable, vous nous dites que lorsque
15 vous avez reçu cette invitation, vous vous êtes plaint auprès du ministère
16 de la Défense, et une personne du nom de Djukic vous a entendu. Qui est ce
17 Djukic?
18 Réponse: Je ne suis pas allé me plaindre auprès de lui, j'ai répondu à son
19 appel, à sa convocation. Au ministère de la Défense, il était
20 l'interlocuteur concernant ces obligations de travail.
21 Etant donné que j'étais à la retraite, que j'étais invalide, j'ai présenté
22 un document -en d'autres termes, la décision de la Commission chargée de
23 statuer sur l'invalidité-, je lui ai présenté ce document. Au moment où je
24 lui ai présenté ce document attestant de mon invalidité pour tout travail
25 physique, il m'a dit: "Non, je ne reconnais pas ce document, je souhaite
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1 avoir une attestation un certificat d'un médecin serbe". Et il m'a dit que
2 je devais lui donner cette attestation au plus tard le lendemain matin.
3 Je suis parti chez le médecin, je lui ai expliqué et il m'a donné une
4 attestation en bonne et due forme que j'ai rapportée à ce monsieur le
5 lendemain. Il a pris cette attestation et il l'a déchirée. Il ne
6 souhaitait pas prendre en compte cette attestation. J'étais dans le bureau
7 de M. Djukic -c'est un homme assez corpulent, je ne sais pas
8 malheureusement quel était son prénom-, il m'a frappé plusieurs fois; la
9 première fois je suis tombé par terre entre le bureau et la porte, et là
10 il m'a sérieusement battu.
11 Question: Je crois vous avoir posé la question suivante: qui était ce
12 Djukic?
13 Réponse: Il était chargé des questions liées à l'obligation de travail ou
14 au travail obligatoire au ministère de la Défense qui auparavant
15 s'appelait ministère des Affaires militaires. C'est là qu'il travaillait.
16 Question: Quand vous avez dit à l'enquêteur du Bureau du Procureur -je
17 cite-: "Au moment où j'ai reçu ma convocation, je me suis rendu au
18 ministère de la Défense pour me plaindre", est-ce que vous n'avez pas
19 utilisé le terme "plainte"? Est-ce que la traduction une fois de plus pose
20 problème?
21 Réponse: Attendez que je regarde. Enfin je ne pouvais pas me plaindre tant
22 que je n'avais pas répondu à la convocation, et je pensais qu'ils allaient
23 me libérer de cette obligation de travail une fois que j'aurais produit
24 mon attestation.
25 Question: Mais que vouliez-vous dire au moment où vous avez dit à
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1 l'enquêteur du Tribunal: "Lorsque j'ai reçu la convocation, je me suis
2 rendu au ministère de la Défense pour me plaindre"?
3 Peut-être pourriez-vous trouver cette phrase qui figure en page 5 de la
4 version anglaise, en haut de la page?
5 Réponse: On ne m'a pas donné un ordre mais une convocation, et je suis
6 allé au ministère de la Défense. Je ne sais pas, c'est peut-être une
7 erreur de traduction. Mais je suis allé me présenter et pas forcément me
8 plaindre, mais peut-être qu'on aurait pu interpréter cela comme une
9 plainte parce que j'étais invalide et que je ne pouvais pas effectuer de
10 travail physique. Mais je me suis rendu à cette convocation, j'ai répondu
11 à cette convocation.
12 Question: J'aurais aimé vous parler un instant des barrages mis en place
13 par le SOS.
14 Réponse: J'aurais demandé au Président la chose suivante: en rapport à
15 cette visite au ministère de la Défense, j'aurais peut-être aimé apporter
16 un complément d'information et expliquer pourquoi on m'a dispensé du
17 travail, si le Président veut bien me le permettre.
18 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)
19 Monsieur Smailagic, est-ce que vous demandez à le faire parce que vous
20 souhaitez nous fournir davantage d'éléments que ce qui figure déjà dans
21 votre déclaration préalable, car je crois que dans votre déclaration
22 préalable vous avez donné suffisamment de détails sur cette convocation et
23 sur ce qui s'est passé au moment où vous êtes allé au ministère de la
24 Défense, la façon dont on vous a battu.
25 Je ne vois pas quelle est la pertinence de cela, s'il y a quelque chose
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1 qui serait d'une importance absolue pour nous. Je vous autoriserai à
2 poursuivre, mais si vous souhaitez uniquement reprendre ce qui a été dit
3 dans votre déclaration préalable, alors ce n'est pas la peine.
4 M. Smailagic (interprétation): Je ne souhaite pas répéter mais je souhaite
5 préciser ce que j'ai dit, car je n'ai pas dit ici comment j'ai été
6 dispensé de cette obligation de travail et j'aurais aimé le préciser pour
7 Me Ackerman et pour vous.
8 M. le Président (interprétation): Allez-y, Monsieur Smailagic, mais je
9 vous demanderai d'être bref.
10 M. Smailagic (interprétation): Oui, je m'efforcerai d'être bref. Après cet
11 entretien où on m'a déchiré le certificat médical, on m'a dit de me
12 présenter le lendemain matin pour aller à l'obligation de travail. Je ne
13 me suis pas présenté, personne n'est venu me chercher, mais quelques jours
14 plus tard, la police militaire est arrivée dans l'après-midi, peut après 3
15 heures, avec l'ordre de m'emmener au ministère.
16 Moi-même ainsi qu'un de mes voisins, Edin Donisevic (phon), et encore un
17 autre, Témoin BT23 Rodic, avons été emmenés au ministère de la Défense où M. Seva
18 nous attendait. Il a dit que c'est lui qui remplaçait M. Djukic qui était
19 parti en congé -je ne sais pas pourquoi-. Je lui ai expliqué ce qui se
20 passait et il m'a dit: "Mais revenez me voir demain," et quand nous sommes
21 revenus, il m'a dit: "Mais je vois que tu es invalide, que tu ne peux pas
22 travailler et ce que je te conseille, c'est de t'adresser au ministère de
23 la Défense et pour ce faire, tu dois d'abord le faire auprès du ministère
24 de l'Intérieur, tu dois faire en sorte de ne plus être inscrit, de ne plus
25 être enregistré".
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1 C'est ce que j'ai fait, je suis allé au ministère de l'Intérieur pour dire
2 que je quittais Banja Luka, c'était en 1993. J'ai dit que j'allais partir
3 soi-disant en Slovénie, et c'est la raison pour laquelle je n'ai plus été
4 inscrit et quiconque ne souhaitait pas partir, demandait à être
5 désinscrit, ne pouvait pas rester à Banja Luka.
6 M. le Président (interprétation): Bien. Maître Ackerman, vous pouvez
7 poursuivre.
8 M. Ackerman (interprétation): Hier, Monsieur Smailagic, vous nous avez
9 parlé de déclarations que M. Brdanin aurait prononcées, et l'une de ces
10 déclarations je crois est une déclaration qui a été prononcée à un
11 rassemblement où il a dit que vous occupiez le sol serbe sacré. Est-ce que
12 vous vous en souvenez?
13 M. Smailagic (interprétation): Oui.
14 Question: Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que vous vous êtes
15 trompé et qu'en réalité c'est Vojo Kupresanin qui a fait cette déclaration
16 et qui l'a faite à maintes reprises?
17 Réponse: Il faut que je vous explique. Cette déclaration -à savoir que
18 nous étions en train de fouler de nos pieds la terre serbe sacrée-, tout
19 le monde pratiquement faisait cette déclaration mais je me suis souvenu du
20 fait que M. Brdanin l'avait dit parce qu'il l'a dit à plusieurs reprises.
21 Question: Mais ce que je vous demande c'est, n'est-ce pas, M. Kupresanin
22 et non pas M. Brdanin qui l'a affirmé à plusieurs reprises? Veuillez me
23 répondre par oui ou par non.
24 Réponse: Maintenant, je n'arrive pas à m'en souvenir. Vous savez, c'était
25 il y a déjà longtemps.
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1 Question: Merci. J'aurais aimé vous parler très brièvement de ces barrages
2 érigés par le SOS dont vous nous avez parlé hier, qui ont été mis en place
3 en mai 1992. Vous nous avez dit que les personnes qui tenaient ces
4 barrages venaient des trois groupes ethniques. Des Croates, des Serbes et
5 des Musulmans étaient représentés au sein de cette organisation. Est-ce
6 que c'est exact?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Et que les personnes qui tenaient ces barrages routiers entre
9 mai 1992 et novembre 1992 étaient donc sur ces barrages avant que des
10 soldats réguliers ne prennent le relais. Est-ce exact?
11 Réponse: Ils y étaient au tout début, dès le début, au mois de mai. Et,
12 comme je vous l'ai dit, c'étaient des criminels bien connus à Banja Luka
13 qui même avant la guerre s'adonnaient à des activités criminelles.
14 Question: Je crois que vous n'avez pas compris ma question, j'aimerais
15 répéter. La seule question que je vous pose est: est-ce que les membres du
16 SOS sont restés sur ces barrages avant qu'ils ne soient repris par des
17 soldats réguliers? Car je crois que c'est ce que vous avez dit dans votre
18 déclaration.
19 Réponse: Je ne suis pas sûr d'avoir cité le mois de novembre car je ne
20 suis pas sûr de la période où ils s'y sont trouvés, mais je sais qu'ils y
21 ont été et qu'ensuite ils n'y étaient plus.
22 Question: Je suis d'accord pour accepter la date approximative du mois de
23 novembre si vous êtes d'accord vous-même.
24 Réponse: Je ne pourrai pas être entièrement d'accord.
25 Question: Bien, alors pourriez-vous me préciser quand c'était le cas? Est-
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1 ce que c'était autour du mois de novembre, approximativement au mois de
2 novembre, au moment où les soldats ont pris le relais?
3 Réponse: Je ne sais pas. Je sais que cela s'est fait par étape, que
4 quelqu'un a été tué sur une barricade. Il a eu des problèmes avec la
5 police. Peut-être qu'il avait pillé quelqu'un, qu'il avait dépouillé
6 quelqu'un, un citoyen de nationalité serbe. Il y a eu des problèmes et je
7 sais qu'ils ont commencé à se tirer dessus et qu'il a été tué. Ensuite, je
8 sais que cela a été démantelé, mais je ne sais pas si c'était au mois de
9 septembre, au mois de novembre. Je ne sais pas exactement.
10 M. le Président (interprétation): La pause devrait avoir lieu dans dix
11 minutes, pour vous donner une idée.
12 M. Ackerman (interprétation): Bien. En page 6 de votre déclaration, vous
13 parlez d'une personne du nom de Djordjo Babic. C'est une personne que vous
14 connaissez, n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Et Djordjo Babic est un Serbe, n'est-ce pas?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et il habitait dans le même quartier que vous, Pobrdje?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Ce que vous nous dites dans votre déclaration préalable c'est
21 qu'il a été licencié parce qu'il était sympathisant musulman, maintenez-
22 vous cette déclaration?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Vous nous dites qu'il est venu vous voir chez vous et il vous a
25 dit que les Musulmans ne devraient pas provoquer les Serbes, est-ce vous
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1 maintenez cette déclaration, à savoir qu'il est venu vous voir chez vous?
2 Réponse: Je ne sais pas si j'ai dit qu'il est venu dans ma maison, je
3 n'arrive pas à retrouver le passage. Attendez que je me rafraîchisse la
4 mémoire.
5 Question: Je vais essayer de vous aider. Si vous prenez la page 6 de la
6 version en anglais, c'est un paragraphe qui commence par: "Des armes ont
7 été distribuées à tous les Serbes.". Et, dans la suite du paragraphe, vous
8 parlez du fait que Djordjo Babic est venu vous voir chez vous. C'est dans
9 votre première déclaration.
10 Réponse: Ah! Dans la première déclaration!
11 Question: En page 6, vers la moitié de la déclaration, il s'agit des
12 dernières pages de cette déclaration.
13 Réponse: Au moment où on parle du fait que des armes ont été distribuées,
14 n'est-ce pas?
15 Question: Oui.
16 Réponse: Oui, voilà c'est précisément ce que je voulais vous dire! Je ne
17 vous ai jamais dit qu'il était venu chez moi, dans ma maison, mais jusqu'à
18 ma maison -c'était dans la rue- et il est arrivé jusqu'au niveau de ma
19 maison, là où se trouve ma maison, mon jardin. C'est exact.
20 Question: Très bien. Et vous maintenez l'affirmation selon laquelle il
21 vous a dit que les Musulmans ne devaient pas provoquer les Serbes?
22 Réponse: Oui, lorsque nous avons discuté, il m'a dit: "Tu vois quelle est
23 la situation. Nous ne devons pas permettre qu'ici, dans ce quartier, dans
24 cette rue, quelque chose se passe, comme c'est le cas ailleurs.". Et il
25 était extrêmement équitable, il souhaitait nous aider et il était,
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1 d'ailleurs, responsable du SDS pour cette partie-là de la ville.
2 Question: J'aimerais que vous preniez le paragraphe suivant où vous parlez
3 d'un incident de pillage. Vous nous dites, à la fin de ce paragraphe, que
4 vous n'avez connaissance que d'un incident de la sorte?
5 Réponse: Mais vous pensez que… C'est un incident que j'ai pu voir par ma
6 fenêtre, mais je crois qu'il y avait également d'autres cas et j'ai eu
7 d'autres occasions de le voir.
8 Question: Mais, dans cette déclaration, vous nous dites que vous n'avez eu
9 connaissance que d'un incident impliquant des pillages, c'est bien ce que
10 vous dites dans votre déclaration préalable?
11 Réponse: Je ne dis pas que j'en ai entendu parler, mais je dis que je l'ai
12 vu.
13 Question: Dans votre déclaration préalable, vous nous dites maintenant que
14 vous avez dit que vous avez vu un tel incident de pillage?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Est-ce que c'est ce qui est dit dans la version en BCS,
17 pourriez-vous, s'il vous plaît, nous lire le paragraphe qui dit: "Je me
18 souviens d'avoir vu des soldats…", pouvez-vous lire ce paragraphe en BCS?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Je vous demanderai de le lire à haute voix pour que les
21 interprètes puissent le traduire. "Je me souviens avoir vu des soldats…",
22 pouvez-vous le lire?
23 Réponse: "Je me souviens avoir vu des soldats qui fouillaient des maisons
24 dans mon quartier. Midhat Djumisic, mon voisin, a vu débarquer quinze
25 soldats une fois. Je crois que les soldats s'attendaient à trouver quelque
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1 chose et c'est la raison pour laquelle ils sont venus aussi nombreux. Je
2 ne connais qu'un seul cas de pillage.".
3 Cela, c'est ce que j'ai vu, j'ai entendu d'autres cas.
4 M. Ackerman (interprétation): Ce que vous venez de dire à la fin, c'est un
5 ajout par rapport à ce qui figure à la déclaration préalable?
6 M. Smailagic (interprétation): Je peux répéter si vous voulez.
7 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous
8 donner lecture des six derniers mots de ce paragraphe dans cette
9 déclaration préalable? Les six derniers mots?
10 M. Smailagic (interprétation): "Je ne connais qu'un seul cas de pillage".
11 M. le Président (interprétation): Merci, je crois que cela répond à votre
12 question, Maître Ackerman.
13 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
14 Je pense que je m'arrêterai là si vous me le permettez.
15 M. le Président (interprétation): Oui, nous allons maintenant faire une
16 pause de 25 à 30 minutes et nous reprendrons à midi.
17 Combien de temps vous faudra-t-il encore, Maître Ackerman?
18 M. Ackerman (interprétation): C'est très difficile à dire, j'en suis à la
19 page 9 de 23 pages de notes. Je ne suis pas encore à la moitié.
20 Mme Korner (interprétation): Alors, Monsieur le Président, j'espère que
21 l'enquêteur pourra déposer très brièvement aujourd'hui, mais je pense que
22 nous ne pourrons pas commencer avec le témoin suivant aujourd'hui.
23 M. le Président (interprétation): C'est ce que je me suis dit.
24 M. Ackerman (interprétation): Mais j'espère pouvoir accélérer par la
25 suite. Cela devrait être possible.
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1 M. le Président (interprétation): Merci.
2 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 12 heures 02.)
3 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
4 (Le témoin, M. Zihajudin Smailagic, est introduit dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, vous avez la parole.
6 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
7 M. le Président (interprétation): J'espère que vous nous permettrez de
8 terminer aussi rapidement et de façon aussi heureuse que possible.
9 M. Ackerman (interprétation): Monsieur Smailagic, nous sommes arrivés à la
10 page 7 de la version anglaise de votre déclaration. Dans la version
11 anglaise, vous parlez, il y a le nom: "Sadeta Cardzic" et vous dites
12 qu'elle a été trouvée morte après avoir été étranglée.
13 Vous dites, dans ce paragraphe, que vous n'avez pas d'autres
14 renseignements concernant les meurtres à Banja Luka dans l'année 1991 ou
15 1992. Est-ce exact?
16 M. Smailagic (interprétation): Concernant Mme Sadeta Cardzic, le
17 renseignement est exact, elle a été trouvée étranglée dans son
18 appartement. Cela avait été fait avec ce que l'on appelle un fil de
19 police, rien ne manquait dans l'appartement, il n'y avait pas eu de vol,
20 le cadavre a été trouvé par son voisin, Meliha Filipovic quelques jours
21 plus tard?
22 Quant à d'autres renseignements concernant des meurtres, j'en ai eu, mais
23 je n'ai pas pu confirmer où ou quand, mais il y en a eu. Il y a eu des cas
24 de meurtres, mais je n'ai pas de renseignements exacts ou précis à ce
25 sujet.
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1 Quant à Mervin Mesinovic, c'est ce que son père m'a dit. C'est un cas dont
2 je suis certain. Il y a eu d'autres cas de personnes qui ont été battues,
3 mais je n'ai pas voulu mentionner d'autres cas de meurtres, parce que je
4 n'étais pas sûr, je n'avais pas de renseignements fiables.
5 Question: Avez-vous entendu des explosions de bombes à Banja Luka en 1992,
6 la nuit?
7 Réponse: Oui. Oui, il y a eu plusieurs incidents de ce genre. Pour ce qui
8 est des tirs, c'était quotidien.
9 Question: Y avait-il des bombes qui ont explosé la nuit? Vous avez dit que
10 oui.
11 Réponse: Oui, des explosions, des grenades qui explosaient.
12 Question: En 1992, pourriez-vous dire que vous avez entendu des bombes
13 exploser?
14 Réponse: Plusieurs fois, à plusieurs reprises, je ne sais pas si c'était
15 cinq, dix ou quinze fois, on ne comptait pas, on y était presque habitués
16 à l'époque.
17 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que cela aurait été un nombre... Est-
18 ce que vous auriez pu dire pendant une vingtaine de nuits?
19 M. Smailagic (interprétation): Si vous voulez dire l'une après l'autre, en
20 séquence, de façon continue, non. Quand j'ai dit qu'il y avait des
21 explosions, je parle d'un nombre plus important que celui que vous avez
22 mentionné.
23 M. le Président (interprétation): Pendant cette période, où habitiez-vous
24 à Banja Luka? Quel était votre lieu de résidence?
25 M. Smailagic (interprétation): Je vivais dans ma maison, dans la rue Hadzi
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1 Halilovic.
2 M. le Président (interprétation): A Banja Luka ou près?
3 M. Smailagic (interprétation): Elle se trouve dans Banja Luka, Hadzi
4 Halilovic se trouve dans Banja Luka.
5 M. le Président (interprétation): C'est ce que je voulais savoir
6 exactement. Dans quelle partie de Banja Luka? Est-ce que c'est dans la
7 banlieue de Banja Luka?
8 M. Smailagic (interprétation): Non, c'est assez près... Ce n'est pas
9 exactement un faubourg, c'est assez près du centre de la ville. Comme je
10 l'ai dit, je suis à près de cinq minutes de marche de l'hôtel Palace.
11 M. Ackerman (interprétation): Ce que je souhaiterais, mais vous n'avez pas
12 besoin d'être très précis sur cette question, c'est que vous me donniez
13 une estimation du mieux que vous puissiez faire -je ne m'attends pas à ce
14 que vous soyez exact ou que vous ayez dressé une liste- combien de nuits,
15 au cours de l'année 1992, diriez-vous avoir entendu des bombes exploser?
16 M. Smailagic (interprétation): Je ne veux pas exagérer, alors je dirais
17 entre quinze et vingt, si ce n'est davantage.
18 Question: Il y avait des mosquées et des églises qui ont été détruites à
19 Banja Luka. Ces destructions se sont toutes produites au cours de l'année
20 1993, n'est-ce pas?
21 Réponse: La mosquée, oui, mais pas toutes les églises. Il y avait des
22 églises orthodoxes et des églises catholiques et pour autant que je sache,
23 une d'entre elles, qui se trouvait à partir Petricevac, cette église-là,
24 je le sais, a été détruite. Quant aux deux autres, elles n'ont pas été
25 détruites. Il s'agit de deux églises catholiques dont j'ai connaissance, à
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1 Petricevac.
2 Question: Vous dites qu'il y avait une église catholique à Banja Luka
3 détruite en 1993. C'est de celle dont vous parlez, n'est-ce pas?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Et cela s'est passé en 1993?
6 Réponse: Je ne saurais le confirmer si c'était en 1993 précisément.
7 Question: Est-ce que vous croyez que vous ne vous êtes pas trompé lorsque
8 vous avez dit dans votre déclaration au Bureau du Procureur remontant à
9 2001, en disant que c'était en 1993, votre déclaration de 2001?
10 Réponse: Très probablement c'était le cas. Toutefois, compte tenu du fait
11 que beaucoup de choses se passaient à l'époque à Banja Luka, il est facile
12 de se tromper. Mais je suis presque sûr de cela parce que les mosquées ont
13 été détruites tout au long de 1993, donc il est possible que cette église
14 ait aussi été détruite en 1993.
15 Question: Vous avez dit au Bureau du Procureur qu'en avril 2000, vous
16 faisiez un effort pour dire la vérité, n'est-ce pas?
17 Réponse: Oui, du mieux que je puisse me souvenir. Bien sûr, avec la
18 possibilité de me tromper dans les dates et même les années, mais je ne me
19 trompais pas en ce qui concernait l'événement lui-même: je suis sûr que
20 cela a vraiment eu lieu.
21 Question: Monsieur le Président, je suis en train de sauter un certain
22 nombre de documents, c'est pour cela que cela me prend un moment pour m'y
23 retrouver et m'organiser.
24 Je voudrais que vous regardiez, Monsieur Smailagic, la page 3 de votre
25 deuxième déclaration, c'est celle où vous avez corrigé certaines choses
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1 par rapport à votre première déclaration, et à la page 3, vous dites qu'il
2 y avait deux cellules de crise fonctionnant à Banja Luka en 1992, la RAK
3 et municipale, est-ce exact?
4 Réponse: Oui.
5 M. Ackerman (interprétation): En ce qui concerne la cellule municipale,
6 vous dites que plusieurs membres, qu'il y avait entre autres Brdanin,
7 Vukic, Predrag Radic, Kupljanin, Kupresanin, Cavic, Kasagic et d'autres?
8 M. Smailagic (interprétation): J'ai dit que la cellule de crise municipale
9 avait...
10 Mme Korner (interprétation): Ce sont les personnes qu'il a indiquées comme
11 étant en partie de la cellule de crise de la RAK et de la cellule
12 municipale. Je ne me souviens pas qu'il ait dit que Djukic ait été...
13 M. le Président (interprétation): Je crois que Me Ackerman est en train de
14 lire un paragraphe de trois lignes qui se trouve au milieu de la page 3.
15 Mme Korner (interprétation): Oui, excusez-moi, Monsieur le Président.
16 M. Ackerman (interprétation): Donc la page 3 de la deuxième déclaration,
17 en fait c'est la deuxième page de la déclaration où il est dit: "Je crois
18 que l'ensemble du conseil exécutif de la SDS était les membres de la
19 cellule de crise municipale comprenant Brdanin, Vukic, Radic, Stojan
20 Zupljanin et d'autres", et la question qui était posée…
21 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous répéter votre question
22 Maître Ackerman?
23 M. Ackerman (interprétation): Vous dites dans votre déclaration, n'est-ce
24 pas, Monsieur Smailagic, qu'il était membre de la cellule de crise
25 municipale, que Brdanin était membre...
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1 M. Smailagic (interprétation): J'ai dit qu'il était le Président de la
2 cellule de crise régionale.
3 Question: Voudriez-vous regarder au paragraphe que le Président vient de
4 lire, commençant par les mots: "Je pense que l'ensemble du conseil
5 exécutif du SDS était membre de la cellule de crise municipale".
6 Trouvez-vous ce paragraphe?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Dans ce paragraphe, vous nommez M. Brdanin comme étant membre de
9 la cellule de crise municipale, n'est-ce pas?
10 Réponse: Eh bien oui, c'est ce qui est dit ici, mais quand j'ai déposé,
11 fait ma déclaration, je me référais à la composition des deux cellules de
12 crise et j'ai donné les noms qui figurent ici. Certains étaient membres de
13 la cellule de crise municipale, d'autres membres de la cellule de crise
14 régionale. Il se peut qu'il y ait eu une erreur, soit en recueillant la
15 déposition, soit dans la traduction de la déposition, de la déclaration.
16 Question: Est-ce que votre signature est bien au bas de cette page de la
17 version anglaise? On vous l'a lue avant que vous ne la signiez, n'est-ce
18 pas?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Et après qu'on vous en ai donné lecture et que vous avez été
21 convaincu que c'était exact, vous l'avez signée, n'est-ce pas?
22 Réponse: Oui.
23 M. Ackerman (interprétation): Donc est-ce que quelqu'un a modifié ce
24 document depuis que vous l'avez signé? Est-ce que Brdanin était là comme
25 membre de la cellule municipale et vous ne l'avez pas dit?
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1 M. Smailagic (interprétation): Je ne crois pas que quiconque ait modifié
2 le document. Peut-être qu'on m'a mal compris. Vous devez comprendre la
3 situation dans laquelle je me trouvais à l'époque, situation dans laquelle
4 je me trouve maintenant. Il est possible que je me sois trompé, que j'ai
5 mélangé certaines choses, mais pour autant que...
6 Pour ce qui me concerne, il n'était pas important de savoir s'ils étaient
7 membres de la cellule de crise régionale ou municipale. Ce qui comptait,
8 c'est qu'ils étaient impliqués dans le processus de décision à la fois
9 dans les cellules de crise régionale et municipale, et c'étaient les
10 municipales qui appliquaient les décisions de la cellule régionale. Qu'ils
11 étaient membres de la cellule municipale ou régionale, en ce qui me
12 concerne, de toute façon cela aboutissait au même résultat.
13 M. le Président (interprétation): Si ma mémoire ne me trompe, Maître
14 Ackerman, vous avez posé la même question hier et vous avez obtenu la même
15 réponse hier. Ou si ce n'était pas vous, c'était quelqu'un d'autre, mais
16 certainement le témoin a déjà dit précédemment ce qu'il vient de réitérer,
17 de répéter maintenant.
18 M. Ackerman (interprétation): Je crois que vous vous souvenez d'une
19 question analogue que j'ai posée à un autre témoin.
20 M. le Président (interprétation): Non, je parle de ce témoin-ci qui vous a
21 dit que, à tous égards, c'étaient des personnes interchangeables.
22 M. Ackerman (interprétation): En tous les cas, j'en ai fini avec ce point
23 et je voudrais demander à M. Smailagic: vous prenez bien au sérieux cette
24 procédure et vous essayez bien de nous donner des réponses véridiques
25 lorsque je vous pose des questions, ou est-ce que vous avez l'impression
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1 d'être sous une certaine pression? Ou est-ce que vous essayez de deviner
2 les choses?
3 M. Smailagic (interprétation): Bien au contraire, je suis très heureux que
4 vous me posiez ces questions. Je fais vraiment de mon mieux et je
5 m'efforce de vous fournir mes réponses sincères, mais je fais appel à
6 votre compréhension pour vous dire ce que j'ai traversé. Il est très
7 facile de mélanger les choses et j'aurais besoin de beaucoup de temps pour
8 dire très exactement les choses. Je ne crois pas que l'occasion m'en soit
9 fournie maintenant.
10 M. Ackerman (interprétation): Oui, c'est bien, j'ai compris. J'ai compris
11 que c'était une période difficile de votre vie.
12 Je voudrais passer à la fin de votre seconde déclaration, tout à fait à la
13 fin. Comme hier, il est question du fait que vous avez été accusé
14 d'espionnage.
15 Vous dites dans votre déclaration, un paragraphe qui commence par: "Le
16 Juge qui faisait l'instruction m'a interrogé avant le procès, Stevo Stupar
17 était le nom du juge, il m'a accusé de plusieurs chefs d'accusation et
18 j'ai dit oui parce que je n'avais pas le choix. Les gardes qui se
19 trouvaient à côté de moi, je me sentais très intimidé".
20 Est-ce exact?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Le procès proprement dit... Est-ce que vous avez eu l'impression
23 qu'il y avait de l'intimidation à votre égard au cours du procès
24 proprement dit?
25 Réponse: Si vous vous référez au prétoire lui-même, j'avais l'impression
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1 d'être protégé, je savais que rien ne pouvait m'arriver à cet endroit-là.
2 Mais il y avait des préparatifs qui avaient été faits avant, c'est-à-dire
3 avant d'être conduit au magistrat instructeur, nous étions battus en
4 prison et on nous prévenait, on nous avertissait par rapport à ce qu'on
5 dirait. On nous disait: "Faites attention à ce que vous direz aux juges".
6 Question: Au cours de votre procès par contre, vous avez en tous les cas,
7 vous vous êtes senti libre de faire votre déclaration en disant que vous
8 ne saviez pas ce qui se trouvait dans les différents messages par fax que
9 vous adressiez en différents endroits. C'est essentiellement votre
10 défense. Vous ne connaissiez pas la teneur, vous ne saviez pas s'ils
11 étaient codés ou non, vous ne les aviez pas lus?
12 Réponse: Non.
13 Question: Je vais revenir à cela. Je voudrais vous demander... Vous dites:
14 "Des avocats qui étaient commis d'office, un en particulier nommé Opacic".
15 Il avait demandé à votre épouse de l'argent et votre femme ne pouvant pas
16 le payer, il vous avait abandonné. Est-ce exact?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et alors, vous nous avez parlé de Mme Maglov comme étant
19 désignée d'office. Elle n'a pas demandé d'argent à votre femme, n'est-ce
20 pas?
21 Réponse: Non, elle n'a jamais rencontré ma femme. Elle ne m'a pas
22 rencontré non plus.
23 Question: Connaissez-vous un avocat nommé Filipovic?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Elle a eu aussi à s'occuper de cette affaire, n'est-ce pas?
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1 Réponse: Oui, elle représentait son frère.
2 Question: Safet Filipovic?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Elle est musulmane, n'est-ce pas? C'est une avocate musulmane?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Et elle s'est occupée de l'affaire de la même façon que Mme
7 Maglov, n'est-ce pas?
8 Réponse: Non, elle a agi de façon tout à fait différente, contraire.
9 Question: Contraire de quelle manière?
10 Réponse: En comparaison de Mme Maglov qui était censée me défendre, elle a
11 fait de son mieux pour défendre son frère, son client en l'occurrence.
12 Question: Elle a présenté des arguments au Tribunal? Elle a questionné les
13 témoins? Elle a fait ce que je suis en train de faire aujourd'hui? Est-ce
14 cela que vous dites dans votre témoignage?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Est-il exact qu'au moment de ce procès, tous ceux d'entre vous
17 qui étaient accusés dans cette affaire étaient conscients du fait que vous
18 alliez être échangés?
19 Réponse: Non, nous n'en étions pas conscients.
20 M. Ackerman (interprétation): Veuillez m'excuser un instant.
21 Pour le compte rendu, le juge d'instruction s'appelait Stevo Stupar.
22 Monsieur le Président, je souhaiterais que l'on présente au témoin la
23 pièce DB0043B.
24 (Intervention de l'huissier.).
25 Monsieur Smailagic, vous avez, devant vous, la pièce à conviction DB0043B.
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1 Reconnaissez-vous le document en question?
2 Réponse: Oui, il s'agit d'une déclaration que j'ai donnée au centre de
3 sécurité à Banja Luka, en 1994.
4 Question: Concernant l'enquêteur du Bureau du Procureur, il vous a posé la
5 question, au sujet de ce document, et je pense que vous avez dit à
6 l'enquêteur, lors de votre deuxième déclaration, en partie, des choses qui
7 sont conformes à ce que vous avez dit lors de la première déclaration.
8 Réponse: Oui.
9 Question: Et maintenant, si vous voulez bien juste jeter un coup d'śil à
10 la deuxième page de votre déclaration. Je ne sais pas si, en version BCS,
11 tout à fait vers le haut de la page, c'est marqué qu'il s'agit d'une
12 organisation de Merhamet, MDD et MHD. Est-ce que vous voyez cela?
13 Réponse: Parlez-vous de la première page, de la deuxième page? Je ne vois
14 pas très clair. De quoi parlez-vous?
15 Question: Mais je viens de vous donner la pièce à conviction DB0043B…
16 Excusez-moi, je pense que je vous ai induit en erreur, c'est la deuxième
17 page où l'on parle de Merhamet MDD.
18 M. le Président (interprétation): Mais en BCS, version BCS, c'est la
19 troisième page, dernier paragraphe.
20 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président, vous avez
21 parfaitement raison.
22 (Le témoin parcourt le document.)
23 Est-ce que vous avez pu lire, s'il vous plaît, le passage en question?
24 M. Smailagic (interprétation): Oui.
25 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose au sujet de cet
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1 organisation Merhamet et cette tentative de joindre les 2 entités?
2 Réponse: Je pense qu'il y avait quelques conflits qui ont eu lieu au sein
3 du Parlement au sujet de l'organisation de Merhamet, l'organisation de la
4 cuisine par exemple. Il y en avait qui étaient contre et c'est là où il y
5 avait une division qui s'est produite.
6 Question: Entre qui et qui, s'il vous plaît?
7 Réponse: Mais je parle de Merhamet, à l'intérieur de Merhamet.
8 Question: Et un des problèmes, si je ne m'abuse, n'est-ce pas, c'était
9 qu'un des Merhamet avait été enregistré à Banja Luka en Republika Srpska
10 et qu'il y avait parmi les gens qui étaient membres de Merhamet qui
11 étaient contre?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Il y avait un Mjaza Karaselimovic, on l'a appelé Chetnik. Qui
14 l'avait appelé Chetnik?
15 Réponse: Moi, on m'avait imposé de rédiger de telle façon ma déclaration,
16 il y a plusieurs phrases qu'on m'avait imposé d'écrire. Si vous me le
17 permettez, je vais revenir à ma première interviews au centre de sécurité
18 publique. Tout de suite on m'avait dit: "toi tu es ici, il faut que tu
19 répondes aux questions et surtout de confirmer ce qu'on te demande". Moi
20 je n'ai même pas eu le temps de lire, mais j'ai été obligé de signer la
21 déclaration. C'était vers 14 heures.
22 M. Ackerman (interprétation): Monsieur Smailagic, si je vous ai posé la
23 question...
24 M. le Président (interprétation): Mais, Maître Ackerman, laissez le témoin
25 terminer la réponse!
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1 M. Ackerman (interprétation): Excusez-moi, mais il parle de la deuxième
2 déclaration.
3 M. le Président (interprétation): Mais je ne comprends pas.
4 M. Ackerman (interprétation): Mais il parle de la première déclaration.
5 M. le Président (interprétation): De quelle déclaration parlez-vous
6 Monsieur Smailagic?
7 M. Smailagic (interprétation): C'est la déclaration que j'ai donnée au
8 centre de sécurité publique, tout au moins c'est à cela que je pensais.
9 M. le Président (interprétation): Celle que vous avez devant vous, n'est-
10 ce pas?
11 M. Smailagic (interprétation): Oui, tout à fait, que je viens d'obtenir.
12 M. Ackerman (interprétation): Excusez-moi, c'est moi qui me suis trompé.
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Smailagic, vous avez dit qu'on
14 ne vous a pas donné lecture de la déclaration en question, que vous avez
15 été obligé de la signer et qu'il y a un certain nombre de phrases qui sont
16 marquées que vous ne vouliez pas véritablement prononcer et dire? Est-ce
17 que vous pouvez nous répondre à la question qui vous a été posée par Me
18 Ackerman et ensuite on verra comment on va s'y prendre.
19 M. Smailagic (interprétation): J'ai donc le texte devant moi de la
20 déclaration. Il y a plein de choses qui ont été rajoutées alors que je
21 n'ai pas dit ce qui est marqué dans cette déclaration. Entre autres, par
22 exemple, je n'ai pas dit que Karaselimovic a été appelé Chetnik. C'est ce
23 que j'ai entendu dire au centre de sécurité publique.
24 M. Ackerman (interprétation): Mais si je vous ai posé la question de ce
25 que vous avez donné comme réponse au Bureau du Procureur, c'est parce que
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1 vous avez dit que ces déclarations est en partie exacte et moi je voulais
2 être correct vis-à-vis de vous et vous donner cette possibilité de nous
3 dire que ce qui est contenu dans la déclaration est quelque chose que vous
4 n'avez pas dit.
5 Par conséquent, est-ce que vous avez dit tout ce qui est contenu dans la
6 déclaration et, si c'est le cas, à quoi pensiez-vous?
7 Puis, je vais vous poser une autre question également qui se réfère à ces
8 2 déclarations. Il y a la phrase suivante où il est marqué que "
9 Jakirlic"... Excusez-moi il s'agit de 2 phrases qui se suivent. "on a dit
10 que Jakirlic s'est plaint au sujet de Krzic. Jakirlic avait cité que Krzic
11 avait mis en danger tous les Musulmans à Banja Luka pour pouvoir s'en
12 sortir". Est-ce que c'est bien ce que vous avez dit?
13 M. Smailagic (interprétation): Oui. Voyez-vous, c'est une fois que Krzic
14 est parti de Banja Luka, ceci s'est passé effectivement. Krzic avait donc
15 fait une déclaration au moment où les avions de l'OTAN ont surveillé le
16 ciel et contrôlé l'espace aérien. A ce moment-là, Jakirlic a dit "c'est
17 pour notre propre sécurité qu'il ne fallait pas donner de tel type de
18 déclarations", quelque chose comme cela. Enfin, je ne sais pas si j'ai été
19 tout à fait clair.
20 Question: Est-ce que vous pouvez maintenant voir en bas de la page... Je
21 vais essayer de m'y retrouver, c'est le quatrième paragraphe après celui
22 que nous avons examiné. C'est peut-être même le tout dernier, excusez-moi,
23 je vais juste voir de quel paragraphe il s'agit.
24 Il s'agit par conséquent du passage où il est marqué: "j'ai entendu dire
25 que l'argent qui a été destiné à Merhamet à Banja Luka, que Krzic avait
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1 volé, a été transféré par la suite à Sarajevo".
2 Est-ce que vous avez bien dit que c'est Krzic qui l'avait volé ou bien
3 c'est quelque chose qui a été rajouté, qu'il avait détourné donc cet
4 argent-là?
5 Réponse: Non, ce n'est pas exactement ce que j'avais précisé.
6 Question: Merci. Cela nous suffit.
7 On vous a posé une autre question en ce qui concerne l'organisation
8 "Valter". Dans votre déclaration, il est marqué qu'il s'agit d'une
9 organisation secrète que Muharem Krzic a mise en place. Est-ce que ceci
10 est vrai ou non?
11 M. Smailagic (interprétation): Il est vrai que ceci est contenu dans la
12 déclaration, mais on me l'avait imposé au centre de sécurité publique, et
13 ceci parce qu'un document a été trouvé et ce document avait été signé
14 "Valter".
15 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, maintenant, j'aimerais vous poser
16 une autre question.
17 J'aimerais demander l'aide de l'huissier. Si vous voulez bien montrer au
18 témoin la pièce à conviction P465. Je ne sais pas s'il s'agit de la pièce
19 à conviction P465A ou B.
20 (Intervention de l'huissier.)
21 M. le Président (interprétation): Mais il s'agit de la décision, n'est-ce
22 pas?
23 M. Ackerman (interprétation): Oui, tout à fait.
24 M. le Président (interprétation): Il s'agit du Tribunal militaire de Banja
25 Luka, c'est la décision qui a été arrêtée le 1er septembre 1995.
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1 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que vous avez trouvé la version en
2 BCS? Est-ce que vous pouvez maintenant examiner la page 2? En haut de la
3 page, vous allez voir le chiffre 3 et ensuite il y a votre nom. Est-ce que
4 vous l'avez trouvé, s'il vous plaît?
5 M. Smailagic (interprétation): Oui.
6 Question: Eh bien, maintenant, j'aimerais vous demander s'il est exact de
7 dire que dans ce paragraphe, il est question de vous qui avez été condamné
8 pour un délit commis en septembre 1962 et que vous avez purgé une peine de
9 8 mois de prison?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Et est-ce que vous pouvez nous dire de quelle infraction, de
12 quel délit il s'agissait? Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre ?
13 Réponse: Non, je n'aimerais pas en parler en ce moment.
14 Question: Mais il est vrai, n'est-ce pas, que vous avez été condamné parce
15 que vous avez détourné des fonds?
16 Réponse: C'est ce qui figure comme formulation, mais il y avait un
17 préjudice ou plutôt des dommages qui ont été commis.
18 Question: Mais c'était avant la guerre et c'était une décision qui a été
19 arrêtée par un Tribunal, et vous avez dû purger la peine au cours de 8
20 mois, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Et par la suite, il est également marqué dans ce même document
23 que vous avez été condamné pour un autre délit et que vous avez purgé une
24 peine de 3 mois.
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il s'agissait à cette
2 époque-là?
3 Réponse: Il s'agissait de mon organisation de travail, de l'endroit où je
4 travaillais, de mon entreprise.
5 Question: Et pourrions-nous dire que ces deux délits avaient affaire à une
6 question d'honnêteté, n'est-ce pas?
7 Réponse: D'après ce qui est écrit dans ce document, oui.
8 Question: Au début de votre témoignage, vous avez parlé des réunions qui
9 ont eu lieu en 1961, vous avez dit que M. Brdanin a participé à ces
10 réunions et que ces réunions traitaient de la question de la mobilisation.
11 Est-ce que je vous ai bien compris?
12 Réponse: Ce n'était pas uniquement les questions de mobilisation qui ont
13 été soulevées, on a parlé également des conditions de vie dans la ville.
14 Question: Mais un des problèmes à cette époque-là entre autres, c'était
15 qu'en Croatie la guerre faisait rage, et que les Musulmans étaient
16 réticents au niveau de la mobilisation et ne voulaient pas participer à
17 cette guerre étant donné qu'Izetbegovic avait dit que ce n'était pas leur
18 guerre et qu'il ne fallait pas qu'ils s'y engagent?
19 Réponse: Ce n'est pas que ce n'était pas leur guerre, mais c'était une
20 guerre qui n'aurait pas dû avoir lieu en général.
21 Question: Et cette guerre a eu lieu avant la proclamation de
22 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que c'est vrai?
23 Réponse: Oui, tout à fait.
24 Question: Il y avait également des Serbes qui refusaient d'être mobilisés.
25 Il y en avait qui quittaient Banja Luka pour ne pas être mobilisés, n'est-
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1 ce pas?
2 Réponse: Oui, il y a eu plusieurs cas.
3 Question: Et est-ce qu'il y avait des sanctions qu'on avait dit qu'on
4 allait imposer à ceux qui refusaient la mobilisation et que ces sanctions
5 concernaient aussi bien les Serbes que les Musulmans, n'est-ce pas?
6 Réponse: Non.
7 Question: Mais vous avez parlé de ces rassemblements auxquels vous avez
8 assisté et dans lesquels vous avez participé en 1992. Vous avez dit qu'ils
9 étaient 7 au total. Vous avez parlé également d'un certain nombre de
10 provocations de la part d'un certain nombre d'orateurs lors de ces
11 rassemblements. Il s'agit des réunions et des rassemblements organisés par
12 le SDS, n'est-ce pas?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Et en général, c'étaient les Serbes qui participaient et qui
15 prenaient part à ces rassemblements?
16 Réponse: Oui, la majorité des cas, c'étaient des Serbes, mais il y en
17 avait d'autres également qui se joignaient à eux étant donné qu'ils
18 étaient ou bien curieux ou bien qu'ils voulaient apprendre ce qui se
19 passait, ils voulaient apprendre d'autres informations.
20 Question: Et est-ce qu'il y avait des incidents, par exemple, qui ont eu
21 lieu tout de suite après les rassemblements?
22 Réponse: Moi je ne me souviens pas qu'il y avait des incidents, qu'il y
23 avait des conflits. Tout au moins pas à ma connaissance.
24 Question: Mais est-ce qu'à un moment donné ou à un autre, on vous a
25 attaqué parce que vous avez pris part à ces rassemblements?
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1 Réponse: Non.
2 Question: Vous nous avez dit par ailleurs que vous avez vu M. Brdanin à la
3 télévision en 1992, n'est-ce pas? C'était quelque chose de très peu
4 probable étant donné qu'il n'y avait pas d'électricité, comment auriez-
5 vous pu voir à la télévision M. Brdanin alors qu'il y avait des coupures
6 d'électricité?
7 Réponse: C'est très simple, vous savez, dans une même rue, d'un côté il y
8 avait de l'électricité, et de l'autre non. Dans ce cas, on allait les uns
9 chez les autres pour suivre les émissions à la télévision.
10 Question: Mais n'est-ce pas qu'il y avait des périodes assez longues
11 pendant lesquelles il n'y avait pas d'électricité, étant donné que Banja
12 Luka était en panne complète?
13 Réponse: Mais c'était un peu plus tard, en 1993. Mais il ne s'est jamais
14 produit véritablement que Banja Luka soit sans électricité, tout au moins
15 pas à ma connaissance.
16 Question: Et une fois que la guerre s'est déclenchée, n'est-ce pas, que le
17 gouvernement bosnien avait mis hors système Tuzla pour que Banja Luka
18 n'ait pas d'électricité non plus?
19 Réponse: Je ne le sais pas, mais je sais qu'en 1993, à la fin, souvent il
20 n'y avait pas d'électricité. Dans ce cas, il y avait des pannes
21 d'électricité dans toute la rue, mais à ce moment-là on avait des groupes
22 électrogènes et on a pu utiliser et regarder la télévision.
23 Question: Beaucoup de ceux qui travaillaient à Banja Luka avaient des
24 postes dans des usines, n'est-ce pas?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Et quand vous dites que les gens ne pouvaient pas travailler,
2 qu'ils n'avaient pas été employés, c'est parce qu'à cette époque-là il n'y
3 avait pas d'électricité et comme les usines se fondaient sur cette source
4 d'énergie, ils ne pouvaient pas travailler, n'est-ce pas? C'est la raison
5 pour laquelle ni les Serbes ni les Musulmans ne pouvaient travailler?
6 Réponse: L'institut de tabac, l'usine de tabac, à ma connaissance, avait
7 de l'électricité; l'hôpital également, Rudi Cajevac, c'est une autre
8 compagnie, il y avait de l'électricité; Kosmos… Cajevac et Kosmos
9 fabriquaient des produits militaires, enfin des armes. C'est la raison
10 pour laquelle ils avaient de l'électricité en permanence.
11 Question: Vous avez dit qu'au cours d'un certain nombre de rassemblements,
12 lors desquels Brdanin était présent, il avait déclaré, -je vous
13 cite-:"Celui qui n'est pas avec nous est contre nous". Est-ce que vous
14 l'avez entendu?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Est-ce que vous avez entendu également George Bush dire
17 exactement la même chose?
18 Réponse: George Bush?
19 M. Ackerman (interprétation): Oui.
20 M. Smailagic (interprétation): Il a dit: "Ceux qui ne sont pas avec nous,
21 ils sont contre nous", oui, je l'ai entendu dire, prononcer cette phrase à
22 la télévision. Il a pensé à cette coalition, je me souviens.
23 M. le Président (interprétation): Mais il y a quelqu'un encore plus
24 important à une occasion qui l'avait dit il y a 2.000 ans.
25 Maître Ackerman.
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1 M. Ackerman (interprétation): Quelqu'un qui est plus important que M.
2 George Bush?
3 M. le Président (interprétation): Oui, tout à fait.
4 M. Ackerman (interprétation): Vous avez parlé des restrictions de
5 mouvements à Banja Luka. Vous avez dit que les personnes qui ne
6 disposaient pas de permis risquaient d'être arrêtées si elles circulaient
7 à Banja Luka. Est-ce que c'est exact?
8 M. Smailagic (interprétation): Oui, et on les prenait pour les emmener aux
9 travaux forcés: creusement de tranchées sur les lignes de front. Mais il
10 arrivait également que même ceux qui avaient des permis et qui avaient
11 cette obligation de travail, pour une raison ou une autre ils se rendaient
12 à Banja Luka. Il y avait quelqu'un qui les approchait, qui déchirait le
13 permis et puis les emmenait travailler.
14 Question: Mais ceci à quelque chose à faire avec la mobilisation, n'est-ce
15 pas, cette toute dernière réponse que vous venez de donner?
16 Par conséquent ceux qui n'avaient pas répondu à la mobilisation étaient
17 dans l'obligation d'avoir une activité publique; ceci concernait aussi
18 bien les Musulmans que les Serbes et les Croates, n'est-ce pas?
19 Réponse: Mais en ce qui concerne ce travail obligatoire, je ne sais pas
20 comment ceci a été organisé, mais en ce qui me concerne, je sais que tous
21 les Musulmans -et c'est ce qui m'intéressait d'ailleurs-, tous les
22 Musulmans et tous les Croates avaient cette obligation de travail. Ils
23 devaient répondre à cette convocation pour le travail obligatoire.
24 Question: Par la suite, vous savez également que les Serbes qui ont
25 répondu, qui n'ont pas répondu, devaient également avoir cette obligation
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1 de travail?
2 Réponse: Mais les Serbes qui ont reçu cette convocation pour le travail
3 obligatoire restaient dans la ville. Ils avaient un certain nombre de
4 postes qu'ils occupaient en ville même. En ce qui concerne les Musulmans,
5 au début, on a rassemblé les Musulmans et notamment des intellectuels, ils
6 les ont donc emmenés jusqu'à une toute petite rivière pour nettoyer ce lit
7 de rivière. C'était humiliant.
8 Question: Mais vous, vous savez que les Serbes ont été mobilisés, qu'ils
9 ont été également envoyés en Croatie pour combattre, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui, c'est vrai.
11 Question: Mais vous saviez que les Musulmans et les Croates qui ne
12 voulaient pas participer à la guerre pour une raison ou une autre, avaient
13 comme obligation de faire une activité, enfin qu'ils devaient répondre à
14 cette obligation de travail, n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Et est-ce que vous aviez une voiture particulière à cette
17 époque-là?
18 Réponse: Non.
19 Question: Et est-ce que les gens pouvaient conduire librement leur voiture
20 à Banja Luka au cours de cette période?
21 Réponse: On pouvait conduire sa propre voiture si vous en aviez, mais en
22 général les gens vendaient les voitures. Les Musulmans vendaient les
23 voitures par exemple.
24 Question: Mais qu'est-ce qui se serait produit si par exemple vous aviez
25 conduit la voiture et que vous ayez dû dépasser un point de contrôle?
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1 Réponse: Le plus probablement, ce qui est arrivé d'ailleurs, on m'aurait
2 confisqué la voiture. Souvent on avait également confisqué les voitures,
3 c'était souvent le cas, en même temps que la mobilisation.
4 Question: Et quand nous sommes en train de parler de ces points de
5 contrôle, SOS, vous nous avez dit que vous-même vous n'avez jamais eu de
6 difficulté avec ces points de contrôle étant donné que ces points de
7 contrôle ne se trouvaient pas à Pobrdje, le village où vous viviez.
8 Réponse: Le village, ce n'est pas Pobrdje, c'est le centre-ville et il n'y
9 avait pas de point de contrôle à Pobrdje, mais ce centre-ville, ce n'est
10 pas le village.
11 Question: Il s'agit d'un secteur où la majorité des habitants étaient des
12 Musulmans, n'est-ce pas?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Et il est vrai de dire également que vous n'aviez pas de
15 rencontre avec les gens qui travaillaient sur les points de contrôle SOS?
16 Réponse: Non, moi je n'étais pas en contact direct avec ces gens-là.
17 Question: Et comment à ce moment-là vous pouvez dire à la Chambre qu'il
18 s'agisssait des criminels de Banja Luka bien connus, si vous ne les avez
19 jamais vus?
20 Réponse: Je n'ai pas dit que je ne les ai jamais vus, j'ai dit que si par
21 exemple à partir du centre-ville vous vous dirigez vers Rebrovac ou
22 Mejdan, de l'autre côté donc des barrages, si vous traversiez le pont, à
23 ce moment-là vous auriez pu voir les points de contrôle. Et eux, ils
24 circulaient en ville et moi j'ai eu l'occasion de les rencontrer, de les
25 croiser en ville; sur les couvre-chefs ils portaient l'insigne SOS.
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1 Quand ils n'étaient pas sur le point de contrôle, ils se comportaient de
2 manière arrogante et prétentieuse, ils tiraient en l'air et en général, de
3 toute façon, les tirs n'étaient pas contrôlés.
4 Question: Comment auriez-vous pu savoir qui était un criminel connu à
5 Banja Luka? Est-ce qu'on affichait leur photographie sur les murs de la
6 ville? Comment l'auriez-vous su?
7 Réponse: Ecoutez, je suis né à Banja Luka, je connaissais pratiquement
8 tout le monde à Banja Luka et c'était vraiment des gens de Banja Luka qui
9 avaient grandi à Banja Luka et que je connaissais personnellement.
10 Question: Et la police laissait des criminels notoires se promener à
11 travers Banja Luka? La police ne les arrêtait pas?
12 Réponse: Ils ont été arrêtés avant la guerre et ils ont été mis en prison.
13 Pendant la guerre, personne ne les a inquiétés. D'ailleurs, ils ont été
14 utilisés à cette fin.
15 Question: Vous êtes en train de nous dire qu'il s'agit de personnes qui
16 avant la guerre avaient été accusées de certains crimes, avaient été
17 interpellées, emprisonnées et qui maintenant faisaient partie de ce groupe
18 SOS. Est-ce que c'est bien ce que vous êtes en train de nous dire?
19 Réponse: Oui.
20 Question: J'aurais aimé que le témoin se voie remettre la pièce P254.
21 (Intervention de l'huissier.)
22 Nous avons examiné cette pièce hier, on vous l'a montrée, Monsieur
23 Smailagic. Est-ce que c'est exact?
24 Réponse: Oui, hier, mais j'en ai pris connaissance au moment où ce texte a
25 été publié dans le journal, comme je vous l'ai expliqué.
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1 Question: Oui. Et ce que vous nous avez dit hier au sujet des fax que vous
2 envoyiez au sujet du travail de votre groupe, c'est que vous le faisiez
3 pour montrer votre loyauté vis-à-vis du gouvernement de Bosnie-
4 Herzégovine, parce que vous estimiez que cette loyauté vous obligeait à
5 communiquer ces renseignements à différentes personnes. C'est exact,
6 n'est-ce pas?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Ce document est daté du 22 juin 1992, n'est-ce pas?
9 Réponse: Oui.
10 Question: La guerre avait déjà commencé à ce moment-là?
11 Réponse: Oui, la guerre avait déjà commencé.
12 Question: Les Serbes se battaient essentiellement contre les Musulmans et
13 les Croates et, parfois, avec les Croates contre les Musulmans et,
14 parfois, dans d'autres configurations mais, en tout état de cause, une
15 guerre était en cours qui impliquait des Serbes et des Musulmans, n'est-ce
16 pas?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et ce qui se passe en temps de guerre, ce qui arrive dans une
19 guerre, c'est que les parties belligérantes essaient de protéger leurs
20 moyens d'information, leurs biens, les usines et les installations
21 importantes sur le plan économique. Ils essaient de protéger ces
22 installations contre une infiltration ou contre des actes de sabotage de
23 l'autre partie en conflit. C'est ce qui se passe en cas de guerre, n'est-
24 ce pas?
25 Réponse: Oui, plus ou moins. Mais j'aimerais ajouter que, jamais, nous
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1 n'avons estimé qu'il s'agissait d'une guerre des Serbes contre les
2 Musulmans, mais de certains groupes de personnes, de certains groupes de
3 terroristes qui terrorisaient et les Musulmans et les Croates jusqu'en
4 1993 environ, et qui s'efforçaient de faire en sorte de détruire et de
5 partager un pays qui avait été reconnu, c'est-à-dire la Bosnie-
6 Herzégovine.
7 M. de Roux: Mais ce groupe de terroristes, comme vous les appelez, était
8 le SDS qui se composait de la majorité de la population serbe de Bosnie-
9 Herzégovine qui avait déclaré un état indépendant comme l'avait fait la
10 Bosnie-Herzégovine, à savoir la Republika Srpska, et qui essayait de
11 protéger l'indépendance qui avait été déclarée conformément à la volonté
12 de l'ensemble du peuple. Vous les appellerez peut-être des terroristes,
13 mais c'est exactement ce qui s'est passé, n'est-ce pas?
14 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je crois que c'est à
15 vous, c'est aux Juges de décider ce qui s'est passé exactement. Maître
16 Ackerman peut poser la question, peut présenter cela comme une question,
17 mais ne peut affirmer cela comme étant un fait établi, à savoir que les
18 Serbes et le SDS, qui ont voté au cours du référendum, exprimaient la
19 volonté du peuple, etc.
20 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, je crois que
21 l'objection de Mme Korner est justifiée et j'aimerais vous demander de
22 reformuler votre question.
23 M. Ackerman (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur le
24 Président, je crois n'avoir pas bien compris l'objection. J'ai posé une
25 question qui orientait le témoin à laquelle il pouvait répondre par oui ou
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1 par non. Je crois, pourtant, que j'avais le droit de le faire, mais je
2 vais essayer de poser la question différemment.
3 Mme Korner (interprétation): Non, l'objection, c'est que vous affirmez,
4 comme étant un fait, que le SDS qui se composait essentiellement de Serbes
5 -je ne sais d'ailleurs pas si nous avons des preuves pour le montrer- de
6 Bosnie-Herzégovine, qui avait été déclarée comme un Etat indépendant,
7 essayait de protéger l'indépendance qui avait été déclarée par la volonté
8 populaire.
9 Monsieur le Président, c'est aux Juges de déterminer s'il s'agit d'une
10 affirmation vraie ou fausse.
11 M. Ackerman (interprétation): Oui, mais le témoin, s'il a des éléments à
12 nous fournir, doit pouvoir donner sa réponse.
13 M. le Président (interprétation): Oui, mais en réalité c'est comme si vous
14 aviez écrit votre propre version de l'histoire et des événements qui se
15 sont déroulés et qui constituent le contexte de cette affaire.
16 Posez uniquement votre question, reformulez votre question, essayez de la
17 subdiviser en plusieurs parties. Si le témoin répond aux questions, s'il
18 est en mesure de répondre, il y répondra. Si vous souhaitez que le témoin
19 donne son point de vue et si les Juges estiment que le témoin n'est pas le
20 mieux placé ou n'est pas bien placé du tout pour y répondre, on ne lui
21 permettra pas d'y répondre.
22 Voilà notre position. C'est la raison pour laquelle je crois que
23 l'objection de Mme Korner est justifiée.
24 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, j'aurais déjà dû
25 émettre une objection tout à l'heure, car ce type de question va entraîner
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1 ce type de réponse. Le témoin pense qu'il s'agit de terroristes. Le client
2 de Me Ackerman pense que ce n'est pas le cas, mais je ne vois pas comment
3 nous pouvons procéder. En réalité, la première question dit: "Mais est-ce
4 qu'en temps de guerre, il n'est pas vrai que"? On demande là l'opinion du
5 témoin et on a l'opinion du témoin!
6 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous n'avez pas émis
7 d'objection tout à l'heure.
8 Mme Korner (interprétation): Oui, je regrette de ne pas l'avoir fait.
9 M. le Président (interprétation): Un certain nombre de questions
10 semblaient, en effet, partir de l'hypothèse que M. Smailagic était en
11 position de juge alors qu'il était en position de témoin.
12 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais que figure
13 au compte rendu d'audience que j'ai essayé de poser une question pour
14 orienter la réponse du témoin, comme j'avais le droit de le faire, et que
15 les Juges ont estimé que je ne devais pas la poser, alors je vais essayer
16 de reformuler ma question.
17 Monsieur le Témoin, ma question est la suivante: une déclaration
18 d'indépendance de ce que l'on a appelé la Republika Srpska a été proclamée
19 en 1992. Est-ce exact?
20 M. Smailagic (interprétation): Oui, c'était une proclamation illégale qui
21 n'a pas été reconnue par la communauté internationale.
22 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Monsieur Smailagic, je vous
23 demanderai de ne pas encore envenimer la situation. Etes-vous juriste de
24 par votre profession? Etes-vous spécialiste en droit constitutionnel? Est-
25 ce que c'est à vous de trancher dans cette affaire? Non!
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1 Alors je vous demanderai de vous abstenir de ce type de commentaire, à
2 savoir si c'était une déclaration d'indépendance légale, illégale, une
3 décision légale, illégale, un acte politique. Contentez-vous de répondre à
4 la question par oui ou par non.
5 M. Smailagic (interprétation): Oui.
6 M. Ackerman (interprétation): Et cette entité, appelée Republika Srpska, a
7 participé à une guerre l'opposant à une entité qui s'appelait Bosnie-
8 Herzégovine en 1992. Est-ce exact?
9 Réponse: A l'époque, il ne s'agissait pas d'une entité.
10 Question: Il a été reconnu... Enfin, non, je crois que je ne vais pas
11 poser ce type de question, mais j'aurais aimé vous poser la question
12 suivante: n'est-il pas vrai que ce document veut que les personnes qui
13 n'ont pas affiché leur loyauté envers la Republika Srpska doivent quitter
14 toute position importante permettant l'accès à l'information, à la
15 protection de la propriété publique, des biens publics importants pour
16 l'économie, etc. Tout comme cette décision prévoit cela, de même le
17 gouvernement de Bosnie-Herzégovine écartait les Serbes du même type
18 d'emploi et de poste? Est-ce exact?
19 Mme Korner (interprétation): Je crois, Monsieur le Président, que nous
20 avons déjà parlé de la question des actions des différents gouvernements.
21 La question est de savoir ce qui s'est fait à Banja Luka dans le cadre de
22 cette organisation précise.
23 Si j'ai bien compris ce qu'ont dit les Juges tout à l'heure, vous ne
24 souhaitez pas savoir si les Musulmans ou les Croates ont fait un certain
25 nombre de choses également?
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1 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, qu'avez-vous à dire?
2 M. Ackerman (interprétation): Je crois, au contraire, que cela doit nous
3 préoccuper énormément, car c'est le type de mesure que prend un
4 gouvernement en temps de guerre.
5 Monsieur le Président, on a présenté cela comme une conspiration visant à
6 aboutir au nettoyage ethnique. Or, ce sont des mesures qui sont prises par
7 un gouvernement en temps de guerre. Mon gouvernement le fait, votre
8 gouvernement aussi. Tout gouvernement qui a été en guerre veille à ce que
9 des personnes qui risquent de menacer les efforts de guerre soient
10 écartées des postes à responsabilité.
11 Ce n'est pas une conspiration. C'est ce que j'essaie de prouver, à savoir
12 que les Musulmans ont fait la même chose avec les Serbes.
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Smailagic, Me Ackerman vient de
14 vous demander... Me Ackerman vous a demandé si vous aviez connaissance de
15 mesures analogues de la part du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, c'est-
16 à-dire écartait-il les Serbes du même type de postes ou de fonctions au
17 sein du gouvernement de Bosnie-Herzégovine? En d'autres termes, faisait-il
18 exactement la même chose que le gouvernement de la Republika Srpska?
19 Avez-vous connaissance de cela? Etes-vous au courant? Savez-vous si cela a
20 été fait par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine?
21 Contentez-vous de répondre par oui ou par non.
22 M. Smailagic (interprétation): Je ne peux pas vous répondre de façon aussi
23 simple. Je sais que cela n'a pas été fait mais j'aimerais dire que Mirko
24 Pejanovic et Tatiana Lukic, qui étaient Serbes, étaient à la présidence;
25 et à Sarajevo, à Zenica et à Tuzla, ils le faisaient.
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1 Si les Musulmans et les Serbes pouvaient travailler ensemble, si les
2 conditions étaient réunies, on le faisait. Il n'y avait aucune différence.
3 En Bosnie-Herzégovine, on ne faisait pas ce type de choses.
4 M. le Président (interprétation): Alors votre réponse est non?
5 (Signe affirmatif du témoin.)
6 M. Ackerman (interprétation): J'aimerais vous poser une question au sujet
7 de la camionnette rouge dont vous nous avez parlé. Avez-vous jamais vu
8 cette camionnette?
9 M. Smailagic (interprétation): Oui.
10 Question: Est-ce que vous savez quels territoires étaient couverts par ce
11 que l'on a appelé la région autonome de Krajina?
12 Réponse: Environ... Je ne peux pas vous donner le chiffre en kilomètre
13 carré mais c'était Kljuc, Kotor Varos, Sanski Most, dans la Krajina
14 occidentale. C'était une bonne partie de la municipalité de Banja Luka.
15 Question: Savez-vous combien de municipalité faisait partie de la région
16 autonome de Krajina?
17 Réponse: Il faudrait que j'essaie de faire le compte mais un nombre assez
18 important.
19 Question: Je ne vous demanderai pas de faire ce décompte mais il y en
20 avait plusieurs, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Hier, dans votre déposition, Mme Richeterova vous a posé une
23 question au sujet des membres de la cellule de crise de la région autonome
24 de Krajina et pour autant que je puisse m'en souvenir, votre réponse était
25 Brdanin, Kupresanin, Zupljanin et des personnes des localités voisines.
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1 Est-ce que vous vous souvenez du nom d'une quelconque personne des
2 localités voisines qui était membre de la cellule de crise de la RAK?
3 Réponse: Je n'arrive pas à m'en souvenir.
4 Question: Je vous crois.
5 Est-ce que vous vous souvenez des localités voisines d'où venaient les
6 membres de la cellule de crise de la RAK?
7 Réponse: Ecoutez, ce qui m'intéressait concrètement, ce qui m'intéressait
8 le plus, c'était Banja Luka, mais est-ce qu'il y avait quelqu'un de
9 Prijedor, oui peut-être, c'était probablement le cas, mais je ne
10 souhaiterais pas maintenant essayer de deviner de qui il s'agissait. Est-
11 ce que c'était quelqu'un de Sanski Most, de Drvar, mais je crois que
12 toutes les municipalités étaient représentées.
13 M. Ackerman (interprétation): Oui, merci. Merci, je n'ai pas d'autres
14 questions à poser au témoin.
15 M. le Président (interprétation): Maintenant, la situation est la
16 suivante. Nous avons repris à midi. Généralement, nous nous arrêtons au
17 bout d'une heure et demie. J'aurais aimé savoir de la part des interprètes
18 si nous pouvons plutôt que de nous arrêter à 13 heures 30, ce qui serait
19 une heure et demie, est-ce que nous pouvons poursuivre jusqu'à 2 heures
20 moins le quart qui est l'heure où nous terminons généralement?
21 Deuxièmement, de la part de Maître de Roux, j'aurais aimé savoir combien
22 de temps il pense que son contre-interrogatoire va durer.
23 M. de Roux: Monsieur le Président, compte tenu du contre-interrogatoire de
24 Me Ackerman, je crois que mon contre-interrogatoire sera plus court.
25 Je voudrais revenir simplement sur un certain nombre de points spécifiques
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1 qui n'ont pas été évoqués. Je ne dis pas que je le mènerai en une demi-
2 heure, mais je peux le commencer largement en une demi-heure.
3 M. le Président (interprétation): Quant aux interprètes, pourriez-vous me
4 dire si vous nous autorisez à aller jusqu'à 2 heures moins le quart? Oui?
5 Merci.
6 Monsieur Smailagic, à présent vous allez être contre-interrogé par Me de
7 Roux qui est conseil principal, qui défend le général Talic. Merci. Maître
8 de Roux?
9 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Zijahudin Smailagic, par Me de
10 Roux.)
11 M. de Roux: Monsieur Smailagic, vous avez dit que le SDA auquel vous
12 faisiez partie était, à l'origine, pour le maintien de la Yougoslavie,
13 c'est-à-dire d'un Etat fédéral ou confédéral. Pourquoi alors, lorsque vous
14 préparez le référendum sur l'indépendance, vous essayez d'identifier les
15 électeurs musulmans de la région de Banja Luka?
16 M. Smailagic (interprétation): Nous ne l'avons pas fait avec une intention
17 particulière pour établir quoi que ce soit, mais nous l'avons fait au
18 moment où nous avons reçu les listes du ministère de l'Etat étant donné
19 qu'à Banja Luka nous n'avons pas pu l'obtenir de la municipalité. Nous
20 n'avons pas pu obtenir ces listes.
21 C'est la raison pour laquelle nous avons essayé d'obtenir ces listes à
22 Sarajevo. Nous les avons reçues du ministère et nous avons pu passer en
23 revue ces noms et c'est sur la base de quoi nous avons établi le nombre
24 exact de Musulmans.
25 Mais pour ce qui est du référendum, cela ne nous intéressait pas. Le
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1 référendum, et ce que vous avez dit, enfin... Peut-être que vous pourriez
2 répéter le début de la question en rapport avec le SDA et la Yougoslavie?
3 Question: Bien sûr. Je veux dire que vous avez... Nous parlions du
4 référendum qui se préparait, nous avons longuement parlé de deux chiffres:
5 le chiffre des citoyens se déclarant musulmans en 1991 et le chiffre
6 auquel vous êtes arrivé de 52.000 Musulmans bosniaques en 1992.
7 Pourquoi avoir fait tout ce travail? Quel était l'intérêt de ce travail?
8 Réponse: Eh bien, parce que l'on avait déjà commencé à essayer de
9 manipuler la question et on demandait à ce que les Musulmans cherchaient à
10 Banja Luka parce qu'ils n'étaient que le chiffre qui était avancé, c'est-
11 à-dire 28.000. Nous souhaitions établir le nombre exact de Musulmans à
12 Banja Luka. Si Banja Luka, en tant que ville, était peuplée
13 essentiellement de Musulmans, alors si on disait cela, ce serait
14 certainement la vérité.
15 Vous avez dit, par ailleurs, que le SDA était favorable à la Yougoslavie.
16 Je l'ai dit hier, je crois. Les Musulmans étaient le plus en faveur de la
17 Yougoslavie. C'est ce qui leur convenait le plus, mais lorsque la Slovénie
18 et la Croatie se sont détachées, ce n'était plus possible. Par conséquent,
19 il a fallu se rabattre sur la Bosnie-Herzégovine.
20 Question: Cela, je veux bien le comprendre, mais il y a un problème dans
21 ce que nous parlons. D'autres témoins ont parlé de citoyens de deuxième
22 classe parce qu'ils refusaient la mobilisation, la mobilisation sur le
23 front croate. Or, à cette époque-là, la Bosnie était toujours partie de
24 l'Etat fédéral.
25 Pourquoi les Bosniaques préféraient-ils prendre parti pour les Croates que
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1 pour la Fédération?
2 Réponse: Pour autant que je puisse le savoir, les Bosniens ne se sont
3 placés ni d'un côté ni de l'autre. Ils ne se sont pas placés du côté des
4 Croates, car à l'époque, la Croatie avait déjà été proclamée comme
5 République et elle était devenue indépendante. Par ailleurs, la Bosnie-
6 Herzégovine représentait tous ces peuples et...
7 Question: Justement, la Bosnie-Herzégovine représentait ces trois peuples,
8 les trois peuples fondateurs. Ne vous semblait-il pas dangereux qu'au
9 moment où la Fédération partait en morceau sous les poussées du
10 nationalisme, ne craigniez-vous pas que la même chose arrive en Bosnie?
11 Réponse: A dire vrai, nous étions naïfs, parce que nous étions au début de
12 la guerre en Croatie. Nous ne pensions pas que quelque chose de la sorte
13 puisse arriver en Bosnie. Nous avions confiance, à l'époque, en l'ancienne
14 armée, l'armée yougoslave. Nous avions confiance et nous pensions que
15 l'armée empêcherait que cela en arrive au pire en Bosnie-Herzégovine, ce
16 qui a fini par arriver.
17 Question: Mais en 1992 -nous sommes en 1992, la période de l'accusation
18 c'est 1992- et hier, je crois que vous étiez d'accord avec le journaliste,
19 M. Gutman, qui affirmait qu'il y avait 50.000 Musulmans et Croates à Banja
20 Luka en septembre 1992.
21 La question que je voudrais vous poser, c'est: quand a commencé, selon
22 vous, l'exode des Musulmans?
23 Réponse: Il a déjà commencé à la fin du mois d'avril et au mois de mai
24 1992. Vers le milieu du mois de mai, un départ important a été organisé.
25 Je ne sais pas qui a participé à son organisation, je ne peux pas le dire,
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1 mais des avions de transports militaires sont arrivés et il était
2 possible, pour ceux qui souhaitaient quitter Banja Luka, de le faire. En
3 effet, il y avait déjà eu des troubles à Banja Luka en 1991 de la part des
4 forces de réserves et des membres de l'armée, des intimidations avaient eu
5 lieu et les gens sont partis.
6 Il y a eu, ensuite, des départs par autobus de Banja Luka, on ne les a pas
7 empêchés. C'est la raison pour laquelle j'imagine, mais ce n'est peut-être
8 pas exact, que cela a fait qu'une grande partie de le la population a
9 quitté Banja Luka.
10 Question: Non, mais moi je suis dans les dates, parce que nous étions
11 d'accord, enfin vous disiez vous-même, c'est vous-même qui avancez le
12 chiffre de, je crois, 52.000 Musulmans à Banja Luka contre le chiffre
13 officiel, je crois, de 24.000. Cela c'était le chiffre de 1991.
14 Or, vous avez manifesté votre accord avec ce qu'a dit M. Gutman de 50.000
15 Musulmans et Croates à Banja Luka en 1992, en septembre 1992. Cela veut
16 bien dire que jusqu'en septembre 1992, très peu de la population était
17 partie.
18 Donc je repose ma question: pensez-vous que l'exode... Quand pensez-vous
19 que l'exode a réellement commencé?
20 Réponse: En 1992, au début de l'année. Et ensuite, les gens ont continué à
21 partir pendant un certain temps.
22 Question: Très bien. Pensez-vous que l'arrivée des Serbes expulsés de
23 Croatie ait pu avoir une influence sur la situation à Banja Luka?
24 Réponse: Oui, une certaine influence, et cela a entraîné des désordres,
25 des troubles au sein de la population, notamment des Bosniens et des
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1 Croates.
2 Question: Selon vous, combien de Serbes se sont réfugiés à Banja Luka?
3 Réponse: A Banja Luka, je ne connais pas le chiffre, mais je sais qu'un
4 grand nombre de personnes est arrivé en 1991. Ils ont commencé à arriver
5 de Slavonie et je sais qu'à moment donné, lorsque le premier groupe de ces
6 personnes est arrivé, un groupe a été installé pas loin de là où j'habite,
7 dans un gymnase. Nous sommes allés prendre de la nourriture pour ces
8 personnes, nous essayions de faciliter la vie de ces personnes comme nous
9 le pouvions. Nous avons même apporté des draps.
10 Question: Avant, juste avant l'indépendance de la Croatie, il y a quand
11 même eu des événements en Croatie que tout le monde connaissait, qui était
12 notamment le fait que l'armée fédérale, qui était composite, l'armée
13 fédérale avait été encerclée dans ces casernes et avait subi des pertes
14 importantes du fait des Croates. Ne pensez-vous pas que le refus de la
15 mobilisation était un signe de défiance vis-à-vis de l'armée fédérale?
16 Réponse: Non, je ne pense pas.
17 Question: Vous avez joué un rôle politique actif à Banja Luka. Vous nous
18 avez dit que vous avez informé les autorités de Sarajevo, votre
19 ambassadeur aux Nations Unies, les représentants de la communauté
20 internationale, dont vous voyiez quotidiennement la situation. Pensiez-
21 vous que là vous remplissiez un rôle simplement politique en transmettant
22 ces informations?
23 Réponse: Non, mon rôle n'était pas seulement politique, c'était aussi un
24 rôle humanitaire, en particulier, je veux parler des organisations
25 humanitaires internationales en ce sens.
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1 Question: Mais les messages que vous envoyiez, d'après le dossier, étaient
2 des messages codés selon un système et un livre qui avaient été mis au
3 point par M. Krzic. Cela ne vous semblait-il pas curieux de transmettre
4 des informations humanitaires par messages codés?
5 Réponse: Compte tenu de l'époque, rien ne me semblait étrange. La personne
6 en question était mon supérieur, pour ainsi dire, est donc on ne se posait
7 pas la question de savoir de quoi vraiment il s'agissait. Je pensais que
8 c'était parfaitement normal.
9 Question: Lorsque vous dites que M. Krzic était votre supérieur, que cela
10 signifie-t-il?
11 Réponse: C'était le Président du SDA à Banja Luka, du parti de l'action
12 démocratique.
13 Question: Lorsque M. Krzic vous demande d'aller compter dans le cimetière,
14 près de chez vous, régulièrement, les soldats serbes qu'on y enterre, ne
15 trouvez-vous pas que cette information n'a pas simplement un but
16 humanitaire?
17 Réponse: Pour commencer, M. Krzic ne m'a pas dit ou ne m'a pas ordonné
18 d'aller au cimetière pour compter des corps et, deuxièmement, je crois que
19 je l'ai dit hier, ma maison se trouve dans une rue par laquelle il faut
20 passer pour arriver au nouveau cimetière. Je l'ai dit, chaque fois qu'ils
21 étaient transportés, ils étaient transportés dans des camions réfrigérés.
22 Vous savez, il y avait une propagande de guerre et nous pensions toujours
23 que c'était une agression contre nous, ce qui était le cas. Et nous nous
24 sentons d'autant plus obligés d'informer notre gouvernement de tout ce qui
25 se passait, de tous les événements.
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1 Question: L'enterrement des soldats serbes n'était pas une agression
2 contre vous?
3 Réponse: Je n'ai pas compris.
4 Question: C'était plus une remarque, je m'en excuse, Monsieur le
5 Président. Où, selon vous, ces soldats serbes étaient-ils tués?
6 Réponse: Sur différents champs de bataille, je ne sais pas d'où ils
7 venaient, essentiellement du champ de bataille.
8 Question: Le champ de bataille était loin de Banja Luka?
9 Réponse: Il y avait beaucoup de combats dans la région de Travnik, il y a
10 plusieurs itinéraires. Je pourrais essayer de vous dire quel était
11 l'itinéraire le plus court de Banja Luka à Travnik, il y a à peu près 90
12 kilomètres, et sur le champ de bataille de Bihac à Krupa cela fait environ
13 160 à 150 kilomètres de distance.
14 Question: C'est cela. Dans le groupe que vous fréquentiez, à Banja Luka,
15 il n'y avait pas simplement que des membres du SDA, il y avait, d'après
16 votre déclaration, également des membres d'un syndicat ouvrier. Quel était
17 ce syndicat ouvrier?
18 Réponse: Ils venaient d'à peu près toutes les sociétés. Les présidents des
19 syndicats, je n'en savais rien, mais ils avaient répondu dès 1991
20 lorsqu'ils avaient commencé à licencier des gens, ils ont organisé une
21 protestation bien connue à Banja Luka, sous les auspices du syndicat. Ils
22 ont lutté pour les droits des travailleurs. Ce n'est qu'en 1994 ou à la
23 fin de 1993 que j'ai vu l'un d'entre eux. Un d'entre eux est venu chez moi
24 et c'est comme cela que je l'ai rencontré.
25 Question: C'était M. Durakovic, je crois, d'après votre déposition. Etait-
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1 ce bien M. Durakovic?
2 Réponse: Durakovic, je l'ai rencontré dans des circonstances malheureuses,
3 à une occasion. Dois-je expliquer?
4 Question: Oui, dites-nous à quelle occasion vous avez rencontré M.
5 Durakovic.
6 Réponse: C'était à une occasion, lorsque j'étais dans les locaux de
7 l'organisation Merhamet. L'une des personnes présentes m'a demandé,
8 puisque j'avais une maison plus grande que les autres, si j'accepterais de
9 le recevoir, de lui donner l'hospitalité pour une nuit. Certaines
10 personnes avaient pénétré chez lui et l'avaient battu. J'ai accepté et il
11 a passé de quinze à vingt jours chez moi, puis il est allé dans un autre
12 pays, dans un pays tiers.
13 Question: A la page 6 -version anglaise- de votre deuxième déclaration,
14 c'est l'avant-dernier paragraphe, vous dites que M. Durakovic vous a
15 déclaré qu'il avait assez d'explosifs pour faire sauter la ville. Que
16 pensez-vous de cette déclaration de M. Durakovic?
17 Dans la version en Croate, je vais vous donner la... C'est dans la page 7,
18 premier paragraphe de la version en serbo-croate, page 7, en haut. Après
19 les deux premières lignes... Voilà, vous avez le doigt dessus.
20 Réponse: Oui.
21 C'est exact. Parce que vous voyez, à Banja Luka, nous étions la plupart du
22 temps en… C'était pour calmer la situation et ne pas permettre à la
23 population de provoquer un conflit, parce que les explosifs, les grenades,
24 les armes de toutes sortes, tout cela était facile à obtenir à Banja Luka.
25 On pouvait les obtenir sur le marché, auprès des soldats serbes qui les
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1 offraient. Nous faisions tout ce que nous pouvions pour empêcher cela,
2 pour empêcher que des armes soient achetées ou vendues. Nous ne voulions
3 pas mourir pour rien, parce que Banja Luka n'avait aucune chance, quelle
4 qu'elle soit.
5 Et, deuxième chose, il a acheté un pistolet, une carabine ou une bombe
6 dans l'après-midi sur le marché. Dans la soirée, il vient à la maison et
7 il l'a emportée. C'était une provocation. Personne ne voulait que cela se
8 passe. Ce n'était pas nécessaire. Nous avions toujours empêché que ce
9 genre de choses se passe.
10 Question: Mais M. Durakovic déclare qu'il a assez d'explosifs pour faire
11 sauter la ville, vous demande asile, se réfugie chez vous. Considérez-vous
12 qu'il s'agit là, de votre part, d'un acte de résistance active?
13 Réponse: Non. Non, je ne le considère pas.
14 Question: Dans le groupe, dans le groupe de vos amis, vous étiez également
15 en contact avec M. Osman Gojacic. Quel rôle pensez-vous qu'avait M.
16 Gojacic dans ce groupe?
17 Réponse: Il faisait partie de ce groupe. Je crois qu'il était membre du
18 syndicat à l'hôpital, le président du syndicat de l'hôpital. Il y avait un
19 certain Ivo… Je ne sais pas, je ne suis pas sûr… Je viens de parler de
20 Gojacic. C'étaient des idées insensées.
21 Alors, je l'ai rencontré vers la fin de 1993 ou en 1994, et je suis
22 heureux que tout ceci ait pris fin, qu'il n'ait rien entrepris. Mais je
23 doute qu'il ait eu cela et qu'il ait pu faire quoi que ce soit. Donc il
24 faut que vous notiez qu'il y avait des fouilles quotidiennes de la maison.
25 Je l'ai rencontré parce qu'il avait été battu dans sa maison.
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1 Question: Mais vous-même -je parle toujours de l'année 1992-, vous étiez
2 donc très actif avec ce groupe d'amis, vous aviez un télé-fax chez vous,
3 vous faisiez parvenir des informations codées. Combien de fois avez-vous
4 été perquisitionné par la police en 1992?
5 Réponse: Deux fois.
6 Question: La police a-t-elle trouvé quelque chose?
7 Réponse: Non, ils n'ont rien trouvé. Il n'y avait rien à trouver.
8 Question: Et vous êtes resté chez vous, je pense, jusqu'à votre
9 arrestation en 1994?
10 Réponse: Excusez-moi, je n'ai pas compris la fin.
11 Question: Jusqu'à quand êtes-vous resté dans votre maison à Banja Luka?
12 Réponse: Jusqu'à ce qu'on m'arrête.
13 Question: En quelle année?
14 Réponse: C'est en 1994 .
15 Question: Et vous avez recueilli M. Durakovic en quelle année?
16 M. Smailagic (interprétation): Je crois que c'était vers la fin de 1993 ou
17 au début de 1994, juste avant qu'il ne parte. Il est parti assez
18 rapidement. Il est parti à l'étranger.
19 M. de Roux: Je pense, Monsieur le Président, que l'heure est arrivée. Il y
20 a d'autres questions, je les poserai... Ou je peux continuer? A votre
21 convenance, Monsieur le Président.
22 M. le Président (interprétation): Je sais que vous êtes prêt à continuer.
23 Moi-même je pourrais continuer. Nous serions disposés à continuer et même
24 d'en finir, mais si vous n'êtes pas en mesure de conclure, disons dans les
25 deux minutes qui viennent, alors je préférerais ne pas demander, là
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1 encore, l'indulgence des interprètes. Ils ont déjà travaillé plus que
2 prévu pour la journée.
3 M. Ackerman (interprétation): Nous discutons d'une question que j'avais
4 posée au témoin en ce qui concernait les archives dont il a parlé à Banja
5 Luka. Vous avez peut-être regardé que j'étais en train de chercher dans la
6 documentation qui n'a pas un bon index, et j'ai finalement retrouvé le
7 passage que je cherchais.
8 Je voudrais simplement, pour le compte rendu, parler d'une déclaration
9 faite de la Chambre d'appel dans l'affaire Aleksovski. La Chambre a
10 remarqué qu'il y a une obligation très nette pour ceux qui représentent un
11 accusé de faire les enquêtes voulues en ce qui concerne les preuves
12 disponibles pour la défense de cette personne.
13 Je crois que c'est cela qu'on a essayé de dire.
14 M. le Président (interprétation): Ceci n'a jamais été contesté. Ce qui a
15 été contesté, c'était l'opinion de la Chambre de première instance au-delà
16 de laquelle vous essayiez d'aller.
17 Madame Korner?
18 Mme Korner (interprétation): Oui, pourrais-je rappeler respectueusement
19 que nous n'avons pas encore obtenu de décision des Juges sur les questions
20 humanitaires?…
21 M. le Président (interprétation): Sur les questions humanitaires,
22 malheureusement, l'un de mes assistants est absent pour toute la semaine
23 et un autre, qui travaille très dur, je ne crois pas pouvoir lui demander
24 de faire quoi que ce soit d'autres en plus de ce qu'elle est en train de
25 faire pour le moment comme travaux.
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1 Nous nous sommes plus ou moins mis d'accord sur la façon dont on va
2 décider. C'est une question de formulation et de rédaction maintenant,
3 mais nous allons y parvenir.
4 Mme Korner (interprétation): Cela a trait au contre-interrogatoire de Me
5 Ackerman, je ne me suis pas encore rassise. Je comprends qu'évidemment on
6 voudrait aller de l'avant, excusez-moi, mais Me Ackerman a contesté
7 plusieurs déclarations qui ont été faites par M. Brdanin, mais il n'a pas
8 contesté les éléments de preuve présentés concernant ce que M. Brdanin
9 aurait dit, à savoir que seulement 2% des Musulmans ont été autorisés à
10 rester à Banja Luka.
11 M. le Président (interprétation): De 3 à 5%.
12 Mme Korner (interprétation): Mais il aurait accepté ce qui a été dit.
13 M. Ackerman (interprétation): Bien sûr que non! Si je ne pose pas une
14 question, cela ne veut pas dire que je suis d'accord avec le témoin, avec
15 tout ce que le témoin a dit. C'est absurde!
16 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je soulèverai la
17 question demain, je pense que c'est important.
18 M. le Président (interprétation): Donc nous allons suspendre la séance
19 maintenant. Nous nous réunirons demain.
20 Excusez-moi, Monsieur Smailagic, je pensais que nous allions terminer
21 votre contre-interrogatoire aujourd'hui, mais il vous faudra revenir
22 demain matin à 9 heures afin que nous puissions reprendre et achever le
23 contre-interrogatoire.
24 Dans l'intervalle, Madame Korner, je comprends que vous ferez venir le
25 témoin, M. Inayat?
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1 Mme Korner (interprétation): Non, M. Dupas.
2 M. le Président (interprétation): Bien. A demain matin, 9 heures.
3 (L'audience est levée à 14 heures 49.)
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