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1 (Vendredi 26 avril 2002.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 14 heures 24.)
4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
5 (Questions relatives à la procédure.)
6 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous citer l'affaire?
7 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président, affaire IT-99-36-T,
8 le Procureur contre Radoslav Brdanin et Momir Talic.
9 M. le Président (interprétation): Bonjour Monsieur Brdanin. Pouvez-vous
10 m'entendre dans une langue que vous comprenez?
11 M. Brdanin (interprétation): J'entends et je comprends.
12 M. le Président (interprétation): Merci. Monsieur le général Talic,
13 bonjour, pouvez-vous m'entendre dans une langue que vous comprenez?
14 M. Talic (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, j'entends dans
15 une langue que je comprends.
16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. L'accusation peut-elle
17 se présenter?
18 Mme Korner (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, Mesdames les
19 Juges, Joanna Korner avec Denise Gustin.
20 M. le Président (interprétation): La défense pour M. Brdanin?
21 M. Ackerman (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, je suis John
22 Ackerman, j'apparais ici avec Mirela Jevtovic.
23 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Le conseil du général
24 Talic?
25 Mme Fauveau: Bonjour Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je suis
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1 Natasha Ivanovic-Fauveau, je représente le général Talic.
2 M. le Président (interprétation): Si j'ai bien compris, il y a un
3 problème.
4 Mme Korner (interprétation): Il y en a un où il y a peut-être un problème.
5 Nous avons reçu un message de la part de VWS disant que M. Draganovic
6 s'est senti mal cette nuit. Il a eu quelques problèmes cardiaques
7 apparemment, et je pense que cela est la conséquence de sa déposition au
8 sujet des événements. En tout cas, il a dû être emmené pour une
9 consultation médicale ce matin.
10 On m'a informé de cela, je me suis adressé au conseil de la défense, et
11 j'ai demandé s'ils étaient d'accord sur le fait que M. Draganovic soit vu
12 par un enquêteur de notre équipe. La défense était d'accord, j'ai reçu un
13 accord verbal de leur part. J'aurais donc besoin que quelqu'un de notre
14 équipe s'adresse au témoin. Je me suis adressé à M. von Hebel et je lui ai
15 demandé de l'obtenir. J'avais besoin d'une autorisation par écrit de la
16 part des conseils de la défense disant qu'ils étaient d'accord sur le fait
17 que quelqu'un vienne voir le témoin.
18 M. le Président (interprétation): Madame Korner, cela n'a rien à voir avec
19 ce qui s'est passé ces deux derniers jours, cela a à voir avec le fait que
20 nous n'étions pas en audience lorsque j'ai reçu cette information.
21 Le fait qu'un enquêteur se rende donc auprès d'un témoin, je ne sais pas
22 si c'est tout à fait opportun que ce soit quelqu'un du département des
23 témoins et des victimes. J'ai dit à M. von Hebel qu'il serait mieux
24 d'avoir une demande par écrit de la part de l'accusation ainsi que
25 l'accord ou le désaccord de la part de la défense également par écrit.
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1 Puis on m'a dit qu'il n'y avait pas suffisamment de temps pour que
2 l'accusation prépare cela par écrit.
3 Mme Korner (interprétation): Ce n'est pas à l'accusation de préparer cela,
4 la difficulté était de prendre contact avec les deux conseils de la
5 défense.
6 M. le Président (interprétation): Tout à fait. Toujours est-il que je
7 voudrais qu'il soit tout à fait clair que cela n'a rien à voir avec ce qui
8 s'est passé. Le fait est que je trouve que ceci n'est pas tout à fait
9 habituel qu'un enquêteur se rende auprès d'un témoin.
10 Mme Korner (interprétation): En fait, nous avons le département chargé des
11 témoins et des victimes.
12 M. le Président (interprétation): Je me suis renseigné auprès de M. von
13 Hebel, je ne sais pas comment cela fonctionne, en fait je ne sais pas
14 comment il faut procéder dans ce genre de circonstances. Il ne pouvait pas
15 se rappeler une situation où cela se serait déjà produit, donc j'ai
16 demandé qu'on nous fournisse cela par écrit.
17 Mme Korner (interprétation): Je comprends Monsieur le Président, j'essaie
18 simplement de dire quelle est la situation. Tout ce que je suis en train
19 de faire, c'est avant que le témoin ne comparaisse, pourriez-vous… ou
20 plutôt lorsque le témoin comparaîtra, pourriez-vous prendre une décision?
21 Je suis ouverte à toutes les suggestions.
22 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas, je suis tout à fait
23 ouvert à toute suggestion de votre part, nous avons un département chargé
24 des témoins et des victimes qui doit se charger de ce genre de situation.
25 Mme Korner (interprétation): Je souhaiterais tout d'abord terminer. Je
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1 pense qu'il serait peut-être mieux que quelqu'un de votre personnel
2 s'adresse au témoin.
3 M. le Président (interprétation): Le témoin est-il ici?
4 Mme Korner (interprétation): Je pense qu'il est ici. Puisque s'il entre
5 dans ce prétoire, il nous dira lui-même s'il est en état de déposer.
6 M. le Président (interprétation): Y a-t-il une objection à ce que je
7 demande à la Greffière d'audience de se renseigner?
8 M. Ackerman (interprétation): Pas du tout.
9 M. le Président (interprétation): S'il vous plaît, faites cela et
10 expliquez au témoin que nous sommes tout à fait à sa disposition et que
11 s'il ne peut pas...
12 Mme Fauveau: Objection, j'ai une objection!
13 M. le Président (interprétation): Oui, je considérais que c'était…
14 Mme Fauveau: Parce que nous avons fini l'audience de ce matin vers midi,
15 et les deux équipes de la défense étaient présentes dans la pièce qui est
16 réservée pour la défense pendant toute la pause. Personne ne nous a
17 contactés.
18 Mme Korner (interprétation): Je suis tout à fait d'accord, personne n'a
19 pris contact avec eux parce qu'il était 13 heures lorsque nous avons pu
20 joindre M. von Hebel.
21 M. le Président (interprétation): Toujours est-il que c'est vers 13 heures
22 qu'il a été informé, qu'il a passé l'information?
23 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est cela.
24 M. le Président (interprétation): Vous ne vous opposez donc pas à ce que
25 la Greffière d'audience s'adresse au témoin? Je m'adresse à la Greffière
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1 d'audience. S'il vous plaît, dites-lui que s'il ne se sent pas bien, il
2 n'est pas nécessaire qu'il comparaisse.
3 Maître Ackerman, vous avez la parole.
4 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, pour le compte rendu
5 d'audience je souhaite dire la chose suivante: il y aura d'autres
6 situations où il sera nécessaire d'agir rapidement, presque d'urgence. Je
7 considère que ma collègue, Mme Korner, est une collègue tout à fait
8 professionnelle, une juriste professionnelle, donc si elle vous a dit
9 qu'elle s'est adressée à moi, je n'ai aucune objection à ce sujet.
10 M. le Président (interprétation): Nous allons attendre que la Greffière
11 d'audience revienne.
12 Mme Korner (interprétation): En attendant, j'ai quelques points à aborder.
13 Ce matin, on m'a posé une question au sujet des témoins pour la semaine
14 prochaine et pour la semaine d'après.
15 Nous avons un témoin, nous n'allons pas travailler lundi 6 mai et nous
16 avons le témoin 7224. Vous avez reçu aujourd'hui sa déclaration, c'est
17 l'un des deux témoins qui viennent d'une organisation humanitaire.
18 Le 10 mai, vendredi, nous entendrons les arguments au sujet du
19 journaliste, et s'il reste un peu de temps, nous pourrons nous pencher sur
20 des questions administratives.
21 J'aurai besoin de vos indications sur un autre point. Le Juge Draganovic
22 ne pourra pas terminer l'interrogatoire principal aujourd'hui, c’est
23 totalement impossible, donc il reviendra lundi, le 13 et nous n'allons pas
24 travailler le 17, le vendredi. Est-ce que je peux considérer que si nous
25 terminons avec l’interrogatoire principal le 13 mai, le contre-
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1 interrogatoire se poursuivra sur les trois journées suivantes. Et je
2 demande à la défense de nous aider là-dessus.
3 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, j'ai des doutes à ce
4 sujet. Je ne pense pas que ce soit possible, D'après ce que j'ai entendu.
5 Mon contre-interrogatoire sera tout à fait court, il y aura peut-être
6 d'autres éléments de preuve qui apparaîtront au cours de ce qui reste de
7 l'interrogatoire principal, mais je ne pense pas que j’aurai besoin de
8 temps pour le contre-interrogatoire.
9 Mme Fauveau: Je pense que dans le pire cas, une journée me suffira.
10 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, nous verrons ce que
11 nous pouvons faire pour nous organiser et pour pouvoir commencer avec la
12 déposition du témoin suivant.
13 Nous entendrons donc des arguments juridiques puis par la suite nous
14 pourrons peut-être commencer avec un autre témoin.
15 M. le Président (interprétation): Ce qui est important, Madame Korner,
16 c'est dans toute la mesure du possible d'essayer d'assurer que le séjour
17 du témoin soit le plus court possible à La Haye. Cela nous demande de
18 planifier à l'avance, en fait je suis conscient du fait que vous devez
19 planifier, vous organiser d'après ce que nous avons entendu de la part des
20 conseillers de la défense, il vous faudra.
21 Mme Korner (interprétation): Aucun de ces témoins qui comparaîtront, ne
22 déposera directement, en fait plutôt ce témoin a déposé directement au
23 sujet du général Talic. Nous aurons un autre témoin qui témoignera que le
24 général Talic était présent lors de cette réunion.
25 Nous entendrons une déposition au sujet des événements à Sanski Most sans
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1 qu'il y ait mention d’implication directe de l'un ou de l'autre des deux
2 accusés. Il sera question uniquement de liens que nous montrerons à
3 travers les documents, des liens avec les deux co-accusés. Je poserai
4 probablement nombre de questions suggestives et cela nous permettra
5 d’accélérer la déposition.
6 M. le Président (interprétation): Madame la greffière d’audience?
7 Mme Chen (interprétation): Oui, j'ai pu m'adresser au témoin par
8 l'intermédiaire d'un interprète; M. Draganovic m’a assuré qu’il se sentait
9 tout à fait capable de continuer cette déposition.
10 M. le Président (interprétation): Y a-t-il autre chose avant le début de
11 la déposition ?
12 M. Ackerman (interprétation): Oui, Monsieur le Président, si j'en parle
13 maintenant c'est pour qu'on ne me reproche pas à une date ultérieure de
14 pas en avoir parlé. Je n'ai toujours pas reçu de réponse au sujet de ma
15 dernière lettre à l'organisation humanitaire. Je pense qu’il y a eu
16 suffisamment de temps pour qu'une telle réponse me parvienne et je
17 souhaite que mes craintes soient consignées au compte-rendu d’audience à
18 savoir que votre ordonnance, qui permet la déposition de ces témoins avant
19 que je ne me sois arrangé avec eux, leur a donné cette possibilité de ne
20 plus négocier avec moi. Ce que je suggérerais, c’est que vous vous
21 penchiez là-dessus, sur l'ordonnance que vous avez prononcée, car j’ai
22 l’impression que cette ordonnance, qui leur donne l’impression de ne plus
23 devoir négocier avec moi, cela fait plus d'une semaine maintenant que cela
24 a commencé et le témoin comparaîtra bientôt.
25 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Me Ackerman.
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1 Mme Fauveau: M. Ackerman vient de le dire parce que je crois que la
2 Chambre n’a pas connaissance que nous sommes en contact avec la même
3 organisation humanitaire, nous en sommes au même stade que Me Ackerman.
4 Nous n'avons absolument aucune réponse qui nous permettrait de dire s'il y
5 aura une coopération ou pas?
6 M. le Président (interprétation): Merci. Madame Korner?
7 Mme Korner (interprétation): Nous devons également fixer la date pour un
8 autre témoin, 7.52; il ne s'agit pas d'un témoin protégé, mais je pense
9 qu'il n'est pas nécessaire de mentionner son nom en audience publique. Il
10 s'agit d'un homme d'affaires.
11 M. le Président (interprétation): 7.52?
12 Mme Korner (interprétation): Oui, le vendredi 21 juin et lundi 24 juin, il
13 devrait donc déposer et il déposera également dans l'affaire Stakic, son
14 nom et le nom des témoins figurent sur la requête au sujet des
15 dépositions, donc pour l’interrogatoire principal le vendredi 21 juin.
16 M. le Président (interprétation): Puisque nous ne travaillerons pas
17 pendant une semaine en juin.
18 Mme Korner (interprétation): Une semaine avant sa comparution.
19 M. le Président (interprétation): Peut-on faire entrer le témoin, s'il
20 vous plaît?
21 Mme Korner (interprétation): Vous estimerez peut-être qu'il est utile de
22 nous arrêter à 18 heures; même le témoin dit qu'il est capable, en bonne
23 santé et capable de déposer.
24 M. le Président (interprétation): Oui, j'essaie d'être très vigilant ici.
25 Si à un moment donné j'ai l'impression de voir que la situation n'évolue
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1 comme je le souhaite, donc j'arrêterai, je suspendrai l'audience.
2 (Le témoin, M. Adil Draganovic, est introduit dans le prétoire.)
3 M. le Président (interprétation): Bonjour Monsieur. Merci d'être revenu
4 dans ce prétoire. Encore une fois vous devrez vous soumettre à la routine
5 habituelle. Il vous faudra donner lecture de la déclaration solennelle. Je
6 vous en prie.
7 M. Draganovic (interprétation): Bonjour avant tout.
8 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien
9 que la vérité.
10 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, Monsieur le Juge.
11 Avant de commencer, le Greffe est venu vous parler afin de s'assurer non
12 seulement que vous êtes en état de déposer, mais aussi que vous vous
13 sentez en forme, que vous avez l'impression d'être en état de pouvoir
14 déposer. Vous avez répondu que vous vous sentiez bien et qu'il n'y avait
15 aucun obstacle à ce que vous continuez à déposer aujourd'hui.
16 Vous ai-je bien compris?
17 M. Draganovic (interprétation): C'est tout à fait cela.
18 M. le Président (interprétation): Un autre point. Si à un moment
19 quelconque durant cet après-midi, vous vous sentez fatigué ou vous avez un
20 malaise et vous ne sentez pas bien d'une manière quelle qu'elle soit, je
21 vous prie, de nous en informer.
22 Nous sommes un Tribunal spécifique qui se penche sur des affaires tout à
23 fait particulières et nous vous comprendrons. Et lorsque je dis "nous", je
24 pense pouvoir m'exprimer au nom des deux parties et de la Chambre.
25 Personne ne souhaite vous placer dans une situation désagréable sur le
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1 banc des témoins.
2 Madame Korner poursuivra avec son interrogatoire principal et comme je
3 l'ai déjà dit, s'il vous plaît, si à un quelconque moment vous souhaitez
4 qu'on suspende l'audience dites-le nous.
5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Adil Draganovic, par Mme Korner.)
6 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Juge, excusez-moi, mais j'aurais
7 des questions à vous poser aujourd'hui au sujet du camp de Manjaca.
8 Premièrement au sujet des interrogatoires et de l'interrogatoire que vous
9 avez subis. Vous a-t-on demandé de faire une déclaration quelle qu'elle
10 soit?
11 M. Draganovic (interprétation): Oui, j'ai donné une déclaration.
12 On nous a fait sortir souvent pour nous faire subir des interrogatoires.
13 Question: Vous dites que vous avez une déclaration, il s'agit d'un
14 document que vous avez signé?
15 Réponse: J'ai donné une déclaration. Je n'ai rien signé. C'était au bout
16 de 8 jours, une fois qu'on m'a laissé sortir de cette cellule qui était
17 une écurie. On nous a emmenés à l'interrogatoire, on nous a passés à tabac
18 d'abord. C'est là où on a attendu devant le siège du commandement.
19 Ensuite, un par un, nous avons été interrogés toujours par les mêmes
20 personnes. On nous a passés à tabac, on nous a fait subir des mauvais
21 traitements individuellement. Moi, j'ai été interrogé la première fois à
22 Manjaca par un officier, il était vêtu en uniforme. Il devait avoir dans
23 les 50 ans. Il avait des moustaches, des cheveux un petit peu gris.
24 C'était la première fois.
25 Question: Et j'aimerais maintenant que vous vous concentriez sur la nature
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1 des déclarations que vous avez données. Vous nous avez dit qu'on vous a
2 posé la question au sujet des armes et des choses similaires. Est-ce qu'à
3 un moment donné ou l'autre vous avez admis un certain nombre de choses qui
4 n'ont pas été vraies, mais vous les avez reconnues quand même?
5 Réponse: Moi, je disais toujours la vérité. Moi, je n'avais pas peur. Même
6 à cette époque-là, moi, j'ai dit qu'on vivait en bon terme avec les
7 représentants de toutes les nationalités, qu'il n'y avait aucun problème
8 et que j'ai passé toute ma vie comme cela. J'étais formé comme ça, que
9 j'ai suivi l'école... J'étais dans les foyers où il y avait les membres de
10 toutes les communautés ethniques. Moi, j'étais ami avec tous ceux qui
11 appartenaient à des ethnies différentes, moi je n'ai jamais pensé à me
12 poser la question qui était Serbe, qui était Croate, ou quelles étaient
13 leurs confessions? Moi, je ne faisais même pas la différence, d'ailleurs
14 je ne pouvais pas dire s'ils appartenaient à une région ou à une autre ou
15 une troisième. J'ai eu l'occasion également à cette occasion-là de leur
16 dire que j'étais professionnel et que j'exécutais ma mission en accord
17 avec la législation en vigueur de l'Etat dans lequel je vivais.
18 Question: Est-ce que vous savez ou éventuellement est-ce qu'on vous a dit
19 si quelqu'un qui avait été interrogé avait confessé, avait reconnu qu'il
20 avait fait un certain nombre de choses tout simplement parce qu'on le
21 passait à tabac ou parce qu'on avait recours à la violence?
22 Réponse: Je pense qu'il y avait un certain nombre de gens qui ont cité les
23 déclarations, mais ils ne savaient même pas ce qu'ils citaient. Moi aussi
24 j'ai cité une déclaration, mais c'était un mois plus tard. J'ai signé donc
25 cette déclaration et j'ai pas osé regarder véritablement, ce n'est qu'au
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1 bout d'un mois qu'on m'avait fait signer cette déclaration, et avant on
2 m'avait fait sortir à quelques reprises, mais je ne sais pas ce que j'ai
3 signé. Je ne l'ai même pas lue, je n'ai même pas osé la lire car on nous
4 battait chaque fois quand on nous faisait sortir.
5 Question: Je vais vous poser maintenant, Monsieur, une autre question qui
6 vous paraîtra quelque peu bizarre: pourquoi avez-vous signé ces
7 déclarations que vous n'avez pas lues, et vous ne saviez même pas ce
8 qu'elles contenaient?
9 Réponse: Je ne sais pas, je ne sais pas pourquoi. Je me pose toujours la
10 même question: pourquoi je n'ai pas lu cette déclaration? Mais j'ai
11 ressenti à ce moment-là qu'au fond il s'agissait de ma vie, c'est la vie
12 ou la mort. Parce que je me souviens qu'il y avait des inspecteurs de
13 Sanski Most qui sont arrivés pour m'interroger, et ils m'ont demandé si
14 j'étais présent à une réunion au poste de police où il y avait Abdo Hebib
15 de Sarajevo.
16 On ne m'a même posé la question si j'y étais, on m'a tout simplement
17 affirmé que j'y étais. On m'a dit que j'ai participé à la mise en place de
18 la police musulmane. Ils se sont consultés entre eux. Il y avait un
19 certain Rodic de Prijedor, Jugoslav Rodic; ils se sont sortis à un moment
20 donné, moi j'avais peur, je ne savais ce qui allait se passer car je
21 m'attendais à ce qu'on me tue.
22 Question: Merci. Vous nous avez dit hier ce qui vous est arrivé.
23 Maintenant, j'aimerais vous poser la question au sujet de ce qui s'est
24 passé avec d'autres gens, et ceci en ce qui concerne le passage à tabac.
25 Ensuite, on va passer à d'autres sujets: est-ce que vous avez vu d'autres
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1 gens quand on les passait à tabac?
2 Réponse: Je vais essayer de vous présenter quelque peu ce qui se passait,
3 mais je vais donc me concentrer. Hier je n'ai pas véritablement tout dit,
4 c'est au cours de la nuit que j'y ai réfléchi. C'est très difficile de
5 relater en quelques phrases ce que j'ai vécu et de relater tous ces
6 passages à tabac, ces tortures et ces sévices qu'on nous a fait subir. Je
7 n'ai même pas vu cela au cinéma, c'est pire que tout ce que je pouvais
8 m'imaginer. Je ne pouvais même pas imaginer qu'un homme pouvait battre à
9 tel point un autre. C'étaient des coups qu'on donnait jusqu'à la mort.
10 Chaque jour on avait assisté à des passages à tabac, c'était quelque chose
11 qui était fréquent et massif au cours des deux mois, des deux premiers
12 mois. Hier j'ai parlé de cette écurie, c'était terrifiant que de voir ces
13 passages à tabac.
14 Entre-temps, ils avaient emmené un certain nombre d'autres groupes. Nous
15 étions 23 de Sanski Most. Ensuite, il y avait un autre groupe de Mlakonic
16 Grad et de Jajce. Chaque nuit, il y avait un autre groupe qui venait et on
17 les passait à tabac en utilisant des objets différents, et les gens
18 étaient ensanglantés. Ensuite, ils ont également emmené dans cette écurie
19 entre 60 et 70 personnes. Puis on nous a fait entrer là-dedans, puis
20 autour de 2 ou 3 heures du matin, on nous a passés à tabac. Je pense qu'il
21 s'agissait des gens qui étaient arrivés de Kljuc, c'étaient des personnes
22 qui étaient âgées. C'était inconcevable. On utilisait des câbles, du bois,
23 des crosses de fusil, des bottines. Et, par la suite, on nous a transférés
24 dans les étables.
25 Je voudrais quand même vous relater un détail pendant que nous étions
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1 encore dans cette écurie. Un matin, avant que je passe à cet
2 interrogatoire, un policier militaire qui répondait au surnom de Bula, il
3 nous a fait sortir de l'écurie, on nous a demandé de lever les mains avec
4 les trois doigts séparés -comme je viens de le montrer-, puis nous avons
5 formé un cercle, et ensuite il nous a demandé de tomber par terre tout en
6 maintenant les mains en haut, un par un, et dire à haute voix -je cite-:
7 "J'embrasse ce sol serbe, et moi je suis le fils naturel serbe".
8 C'était une très grande humiliation, j'aurais aimé plutôt être exécuté que
9 tout autre chose. Parce qu'on nous battait. Si jamais quelqu'un par
10 exemple tombait de la manière dont il ne fallait pas tomber, ou ne disait
11 pas correctement ce qu'il fallait dire, à ce moment-là il obtenait un coup
12 de pied ou un coup de poing avec la crosse ou un autre objet.
13 Il y avait un homme âgé qui avait dans les 40 kilos à peu près, pas plus.
14 Je pense qu'il était de Mrkonjic Grad et avait entre 60 et 70 ans. Je me
15 souviens toujours, j'ai gardé l'image de cet homme, il est tombé juste
16 avant moi. Mais il n'arrivait de montrer les trois doigts qu'il fallait
17 montrer séparément mais les autres trois doigts de la main et Bula, le
18 fameux policier militaire, il lui a donné un coup de bottines dans le
19 ventre. Il pleurait, il sanglotait, il criait et Bula lui a demandé une
20 fois de plus de se redresser, de se mettre debout et de montrer comment il
21 fallait se tenir les mains en l'air avec les trois doigts bien séparés de
22 chaque main etc.
23 Je me souviens, une fois, on avait donné des coups de pied au niveau des
24 reins à cette personne -il était de tout petit de taille- et je me
25 souviens que l'homme en question, dont j'ai cité le nom tout à l'heure, il
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1 avait donné un coup de pied juste au niveau des reins. Je ne sais pas du
2 tout ce qui s'était passé avec cet homme, moi aussi je suis tombé par
3 terre comme les autres, parce qu'on nous a demandé de le faire l'un après
4 l'autre.
5 Si je vous ai parlé de tout cela, c'est pour vous montrer comment on nous
6 a battus, comment on nous a humiliés. On était obligé de chanter des
7 chants de Chetniks. Au moment où on m'avait transféré dans l'écurie, après
8 ce premier interrogatoire, j'ai été couvert de bleus, je ne sais même plus
9 si c'est bleu ou noir ou rouge. J'avais des bleus partout sur le visage
10 sur le dos, sur le thorax, sur le ventre, les jambes, partout, tout le
11 corps tout, tout le corps. Il n'y avait que des bleus. Pas moi uniquement
12 mais tous ceux qui sont rentrés dans l'étable. Et quand je suis rentré
13 dans l'étable, j'ai pu constater que ces mêmes gens, il y en avait à peu
14 près dans les 300, eux aussi ils avaient des bleus partout, aussi bien sur
15 la poitrine que sur le dos.
16 Ces policiers militaires, ils arrivaient tous les jours notamment Bula et
17 "Zoka". "Zoka", il était blond et puis il y avait un Sinisa également.
18 C'étaient les trois policiers qui étaient tout particulièrement connus par
19 le mauvais traitement qu'ils nous faisaient subir. Et chaque nuit, il y
20 avait des groupes plus ou moins grands qui venaient, et personne n'est
21 rentré dans le camp sans être battu, tout premièrement a battu à mort
22 véritablement. Je dis une fois de plus que les gens étaient couverts de
23 bleus, avec des côtes brisées.
24 Je peux vous énumérer des gens qui sont rentrés avec de telles lésions
25 dans le camp. Et à l'intérieur dans l'enceinte du camp que ce soit
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1 l'écurie ou les étables, à plusieurs reprises par jour on nous a passé à
2 tabac et ceci un par un. Ils rentraient plusieurs fois au cours de la
3 journée, et ceux qui étaient au milieu sur le béton, ce sont eux qui
4 étaient les premiers à subir les coups. Ils rentraient donc par la porte,
5 ils les battaient et puis ils étaient fatigués et puis ils sortaient de
6 l'étable puis y retournaient. Il y avait des personnes qui ont été battues
7 tout le temps, pratiquement tous les jours.
8 Les gens avaient des douleurs et des lésions. Je me souviens quand pour la
9 première fois les représentants de la Croix-Rouge internationale sont
10 arrivés nous voir, ils n'ont pas trouvé une seule personne qui n'avait pas
11 de lésions visibles que ce soit au niveau de la poitrine, au niveau du
12 dos. C'est inconcevable ce que les gens ont subi comme coups, et le pire
13 c'était la nuit. La nuit, on ne savait pas qui allait survivre jusqu'au
14 lendemain matin. Moi, je ne dormais pratiquement au cours d'aucune nuit,
15 pendant 40 jours je n'ai pas dormi, pendant 60 jours peut-être même je ne
16 dormais pas.
17 Il y en avait qui venaient ivres, ils étaient saoulés. Tout premièrement,
18 il y avait le silence qui s'établissait à peu près autour de minuit mais
19 un silence lourd. Ensuite on entendait les chiens, les chiens qui étaient
20 autour du camp, horrible! Et ensuite eux, ils rentraient et ils se
21 rendaient d'une étable à l'autre. Il y avait les trois étables dans le
22 camp n°1.
23 Tout premièrement, ils rentraient dans une étable, puis la deuxième, puis
24 la troisième, puis ils battaient les gens. Et chaque nuit, ils faisaient
25 sortir entre 10 et 20 hommes, et nous on pouvait entendre les gens qui
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1 avaient été battus dans l'étable inférieure ou la supérieure, enfin cela
2 dépendait où on se trouvait. En général, on faisait l’appel par le nom et
3 le prénom et les gens devaient sortir devant l'étable. Ensuite ils
4 commençaient à les battre.
5 Vous ne saviez pas ce qui était le pire: entendre des hurlements ou bien
6 des coups, car c'est comme si vous preniez un grand tapis et vous preniez
7 la batte pour battre le tapis! Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion
8 de le faire à un moment donné ou l'autre mais on entendait les coups et le
9 bruit des coups. Ensuite des hurlements, des sanglots, des coups également
10 sur la porte de l'étable.
11 Au cours du premier mois, juste au-dessus du camp, il y avait une toiture
12 -c'était un parking probablement-, c'est là où ils sortaient les gens et
13 il y avait un grand nombre de gens qu'on faisait sortir, notamment ceux de
14 Kljuc, et c'est là qu'on les battait à cet endroit-là.
15 Excusez-moi. Ils terminaient d'abord avec les gens qui étaient dans la
16 première étable, ensuite ils venaient dans la deuxième, ils faisaient
17 l'appel. Les gens devaient sortir, il y avait la liste sur laquelle
18 figuraient tous nos noms. Il y avait un des prisonniers qui devait lire
19 les noms, ensuite on les faisait sortir. Ensuite on les passait à tabac,
20 et cela durait entre une demi-heure, quarante minutes peut-être même une
21 heure, je ne peux pas vous le dire exactement. Ensuite ils descendaient
22 dans l'autre étable.
23 Toujours est-il qu'il n'y avait pas une seule nuit qui se passait sans que
24 les gens ne soient battus, et quand les gens retournaient dans l'étable,
25 ils rampaient pratiquement ou ils traînaient avec d'autres qui ne
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1 pouvaient même pas se redresser.
2 Par la suite, il y avait vraiment un très grand nombre de gens qui
3 participaient à ces passages à tabac, on ne savait pas qui étaient ces
4 gens-là mais Bula, Zorka le blond, et Spaga également et quelques autres
5 ont été présents. Je vais peut-être citer d'autres noms. Il y avait des
6 soldats également vêtus en uniforme qui arrivaient. Moi j'avais mentionné
7 quelqu'un qui était bien équipé, y compris le casque qu'il avait sur la
8 tête, son casque était camouflé également, il était complètement équipé
9 pour aller sur la ligne de front. Et il rentrait dans le camp. Il y en
10 avait beaucoup qui rentraient comme ça. Je ne sais pas d'où ils venaient,
11 si c'était de la caserne ou bien éventuellement ils étaient avec les
12 gardes autour du camp, je n'en sais rien.
13 Ensuite, il y avait les policiers qui montaient la garde, c'étaient les
14 policiers de réserve qui venaient du CSB, des municipalités. Les gens de
15 Kljuc ont été surtout battus ensemble au moment où les policiers
16 militaires ont participé à ce passage à tabac. Je n'ai pas remarqué que
17 les policiers qui sont arrivés de Sanski Most, je n'ai pas remarqué que,
18 eux, ils participaient à ces passages à tabac pendant qu'ils montaient la
19 garde. Je n'ai jamais vraiment entendu parler que ces policiers avaient
20 battu qui que ce soit pendant qu'ils montaient la garde. Les prisonniers
21 n'ont jamais raconté cela. Mais ce qui était très impressionnant et très
22 dur à supporter, c'est que cela durait. Ils allaient par les rangées, il y
23 en avait qui avaient de la chance de ne pas essuyer des coups, d'autres en
24 essuyaient un peu plus. Je sais qu'une fois par semaine -je ne sais pas si
25 c'était le dimanche mais j'ai l'impression que c'était bien le dimanche-
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1 ils arrivaient en grand nombre, puis ils nous faisaient sortir des
2 étables. Il fallait se ranger, s'aligner en vitesse par 10, s'accroupir et
3 ensuite ils rentraient dans les étables pour passer en revue et visiter
4 l'étable. Ils contrôlaient soi-disant pour savoir si on avait quelque
5 chose. Mais je ne sais pas ce qu'il devait y avoir d'ailleurs. Ils
6 jetaient tout ce qu'on avait, ils perquisitionnaient, dieu sait ce qu'ils
7 cherchaient. Ensuite, on a fait l'appel à l'entrée de chaque étable, et
8 chaque personne devait rentrer très rapidement parce que sinon on la
9 battait et il fallait par conséquent se tenir debout -comme je viens de le
10 montrer- les mains écartées, les jambes écartées. Ensuite une fois qu'ils
11 l'avaient passé à tabac, il la laissait rentrer. Chaque personne avait à
12 passer exactement la même chose, et chaque semaine les mêmes scènes se
13 reproduisaient. Il n'y avait pas un seul homme qui n'avait pas été battu
14 un jour ou l'autre.
15 Il nous arrivait de ne pas véritablement subir, d'essuyer de très gros
16 coups, mais en général c'était le cas. Mais d'un autre côté, il arrivait
17 que, quand il pleuvait par exemple, on nous faisait sortir de l'étable, il
18 fallait se tenir debout et recevoir la pluie. On restait comme cela entre
19 deux heures et trois heures sous la pluie, et une fois mouillés
20 complètement, on nous faisait rentrer dans les étables, alors dans les
21 étables il y avait le béton, et il n'y avait rien sur quoi on pouvait se
22 coucher. C'est comme cela qu'il fallait se coucher.
23 Je ne sais pas pourquoi et je ne sais pas ce que c'est, mais d'un autre
24 côté, je sais que chacun devait sécher ses vêtements, et cela durait des
25 jours entiers. Et puis, si vous me permettez, je voudrais juste donner une
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1 autre description. Pendant que j'étais dans cette étable et au moment où
2 on emmenait des groupes de ces gens, de ces pauvres gens qui ont été
3 rassemblés.
4 Des maisons, des champs, des bus même et quand on les rentrait dans cette
5 étable n°1, c’est l’étable inférieure. Je me souviens, une fois, on avait
6 fait rentrer un groupe de Kljuc, un très grand groupe, c’était terrifiant,
7 les gens rentraient à l'intérieur. Il n'y avait pas d’électricité, il
8 faisait sombre à l’intérieur. C'était rare qu'on ait de l’électricité,
9 mais à ce moment-là il y avait de l’électricité.
10 Ils les ont donc fait entrer et j'ai pu voir qu'ils sont arrivés de Gornja
11 Sanisa, ils avaient entre 16 et 17 ans, il y en avait d'autres qui avaient
12 entre 70 et 80 ans. Le matin, on les battait parce qu'il fallait également
13 se courber pour passer sous la clôture qui était en métal. On les poussait
14 dans les boxes, tout le monde ne pouvait se tenir l'un à côté de l'autre,
15 ils étaient nombreux. Ils ont fait rentrer également un groupe dans notre
16 box.
17 Moi, j'étais tourné contre le mur et ensuite, il y avait un canal au
18 milieu et ils ont demandé à ces gens-là de se coucher par terre et de
19 mettre la tête dedans alors que c'était de la pierre, du béton, du gravât
20 et du gravât qui piquait. La moitié, c'était en béton et la moitié en
21 gravât. Il y avait 10 centimètres qui étaient surélevés et moi je
22 regardais de mes propres yeux, parce que nous, on avait le droit de rester
23 assis et de baisser les yeux, mais moi, en cachette je regardais ces gens-
24 là très âgés qui se couchaient par terre, le visage contre le sol, dans
25 cet espace.
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1 C'était absolument quelque chose d'inimaginable. J'ai vu tout cela, j'ai
2 vu toutes les lésions que ces gens-là ont eues par la suite. Vous
3 encaissez à peu près les mêmes épreuves tous les jours, les mêmes
4 tortures, les appels, les interrogatoires, les passages à tabac, la
5 cellule d'isolement. Ceux qui étaient dans la cellule, ils devaient par la
6 suite ressortir pour rejoindre les autres et dans la cellule, on battait
7 les gens chaque nuit.
8 C'était à 50 mètres par rapport à l'endroit où je me trouvais, j'entendais
9 chaque hurlement, chaque sanglot, chaque coup et nous autres, qui étions
10 dans l'étable, on vivait toutes ces épreuves-là. Nous ne savions pas si
11 c'était pire d’être nous-même sujets à ces sévices ou bien d'entendre les
12 autres subir des sévices.
13 Les gens sortaient avec des lésions, ceux qui ont survécu. D'autres ont
14 été exécutés, d'autres ont été emmenés, je ne sais pas où, mais de toute
15 façon, ce que je peux dire, c'était un camp de la mort. C'était un camp de
16 la mort où il fallait nous exécuter, il ne fallait pas qu'on existe. C'est
17 ce qu’on nous disait.
18 Mme Korner (interprétation): Qui vous a dit cela au juste, que leur
19 objectif était que vous n'existiez plus?
20 Réponse: Le policier militaire qui venait tous les jours dans le camp, il
21 avait préparé une propagande et ce qu'il nous disait: que nous n'étions
22 rien, que nous subirions le même sort ou un sort encore pire que celui des
23 Palestiniens. Ils nous on dit: "Vous voulez un Etat, voilà l'Etat que vous
24 aurez, et voilà votre Izetbegovic!" Et ainsi de suite et ceci tous les
25 jours.
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1 Ils avaient préparé des discours et quand ils venaient nous faire ces
2 discours, ils nous battaient en même temps. Comme je l’ai dit, cela
3 s'était étendu sur 60, 70 jours, c'est difficile à dire avec précision
4 mais je peux évoquer certaines périodes jusqu’à ce que Omer Filipovic et
5 d'autres soient tués, jusqu'à ce que la Croix-Rouge internationale vienne
6 nous enregistrer, jusqu’à ce que les journalistes arrivent sur place.
7 Lorsque la Croix-Rouge internationale et les journalistes sont arrivés sur
8 place, la situation a évolué mais je n'étais plus capable de dormir. Je ne
9 savais plus ce que c'était que de dormir. Quand la nuit était tombée, elle
10 était accompagnée de la mort, je ne pensais pas que je survivrais.
11 Je pourrais encore m’étendre sur ce sujet, mais je crois que d'autres
12 anciens détenus reviendront aussi sur ce sujet. Puisque vous avez aussi
13 l'intention de me poser des questions sur les meurtres, je suis prêt à
14 répondre à ces questions.
15 Question: Avant d'aborder cela, j'aimerais revenir sur certains points que
16 vous avez évoqués. Tout d'abord, vous avez parlé de Bula, un dénommé Bula,
17 est-ce que vous avez su par la suite quel était son véritable nom?
18 Réponse: Zeljko Bulatovic, il me semble, mais je n'en suis pas sûr à cent
19 pour cent, parce qu'ils nous cachaient leur véritable identité, ils
20 avaient des surnoms de plusieurs types. D'après ce que j'ai pu comprendre,
21 je crois que c'était son nom, mais je n'en suis pas tout à fait certain.
22 On le surnommait aussi "Fadil" ou "Bul" et encore un troisième surnom
23 "Tito", mais je peux le décrire.
24 Question: Peu importe. Est-ce que les autorités allemandes vous ont posé
25 des questions sur cet homme?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Est-ce que vous savez ce qu'il est devenu? Est-ce qu'il a été
3 traduit en justice?
4 Réponse: D'après ce que je sais, non, il ne l'a jamais été, pas dans la
5 Republika Srpska, c'est-à-dire en Bosnie-Herzégovine. Je n'ai pas
6 connaissance de telles poursuites.
7 Question: Vous avez mentionné un dénommé "Spaga", de qui s'agit-il au
8 juste? Quelles étaient ses compétences ou de quels pouvoirs jouissait-il?
9 M. Draganovic (interprétation): Est-ce que vous permettriez de consulter
10 mes notes afin d'éviter des erreurs pour ce qui est des noms, de pouvoir
11 les citer avec précision? Si vous ne m'y autorisez pas, je vais me fier à
12 ma mémoire, mais j'ai mes notes sur moi.
13 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que vous lui
14 permettriez de consulter ces notes?
15 M. Ackerman (interprétation): S'il le fait, nous devons en avoir une
16 copie.
17 Mme Fauveau: La même chose que Me Ackerman.
18 M. le Président (interprétation): Monsieur le Juge, est-ce que vous auriez
19 une objection, si on vous autorise à vous référer à vos notes, est-ce que
20 vous auriez une objection à ce qu'une copie soit faite pour qu'on puisse
21 en donner une copie à la Chambre, à l'accusation et à la défense?
22 M. Draganovic (interprétation): Il s'agit là d'un bout de papier tout
23 simple, je n'ai rien préparé, j'ai simplement fait une liste des noms dont
24 je me souviens pour éviter toute erreur. Mais si besoin en est, je n'ai
25 pas d'objection à ce qu'on en fasse des copies. C'est simplement pour
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1 m'aider à être précis.
2 M. le Président (interprétation): Conformément à la procédure de ce
3 Tribunal, lorsqu'un témoin demande à consulter des notes manuscrites,
4 normalement l'autorisation en est donnée à condition que ces notes soient
5 également disponibles pour tous ceux qui souhaiteraient les consulter afin
6 de les vérifier. Nous allons donc en faire faire des copies pour la
7 défense notamment, et vous pouvez vous y référer.
8 Mme Korner (interprétation): Donc ce dénommé "Spaga", est-ce que vous avez
9 appris quelle était sa véritable identité et quelles étaient ses fonctions
10 au sein du camp?
11 M. Draganovic (interprétation): Oui, j'ai appris par la suite son nom, sa
12 véritable identité. Il était de Banja Luka, je sais qu'il habite à l'heure
13 actuelle à Banja Luka d'ailleurs. Il était traiteur, il avait une
14 entreprise privée et c'est tout à fait possible que ce soit toujours son
15 occupation actuelle. Son nom est Predrag Kovacevic dénommé "Spaga".
16 Question: Exerçait-il une fonction, un poste de pouvoir dans le camp?
17 Avait-il une fonction supérieure à celle d'un gardien tout à fait
18 ordinaire?
19 Réponse: Je crois qu'il était le commandant des gardiens. On l'appelait
20 ainsi, c'était la personne qui était dans le camp chaque jour et à tout
21 moment de la journée.
22 Question: La personne qui était responsable du camp était un dénommé
23 colonel Popovic. L'avez-vous vu dans le camp?
24 Réponse: Oui. Bozidar Popovic était lieutenant-colonel dans la JNA, et je
25 savais qu'il était le commandant du camp. Je peux vous le décrire, il
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1 entrait dans le camp parfois, mais le plus souvent il était donc membre du
2 commandement, il se trouvait dans les alentours. Mais nous avons pu le
3 voir lorsqu'il arrivait, lorsqu'il repartait. Il avait un chauffeur qui
4 conduisait une Lada dont avait possédé un Bosnien à Kljuc du nom de
5 Spreco.
6 Question: Lorsqu'il entrait dans le camp, est-ce qu'il pénétrait dans les
7 endroits où les prisonniers étaient détenus?
8 Réponse: Oui, il est entré à plusieurs reprises, même très souvent. Si une
9 délégation venait visiter le camp, il les accompagnait toujours, il
10 entrait dans toutes les écuries, il faisait une tournée du camp tout
11 entier, dans les étables, dans l'écurie aussi.
12 Question: A-t-il à un moment donné été présent lorsque des passages à
13 tabac ont eu lieu? Si vous en souvenez pas, n'hésitez pas à le dire?
14 Réponse: Je ne m'en souviens pas. Je l'ai seulement vu lorsqu'un groupe de
15 Prijedor est arrivé, un groupe qui avait été transféré depuis Omarska. Je
16 l'ai vu à cette occasion-là lorsqu'on a tué ces gens, il était présent sur
17 les lieux. Je l'ai vu à cet endroit mais je n'ai pas de souvenir exact à
18 ce sujet.
19 Question: J'y reviendrai. Mais quand il était dans le camp, est-ce qu'il y
20 avait des prisonniers visibles et qui étaient manifestement blessés, qui
21 avaient des blessures visibles?
22 Réponse: Eh bien, il nous a vus tous les jours, il y était tous les jours.
23 J'ai d'ailleurs ici un dessin qui représente ce camp, on emmenait les
24 prisonniers chaque jour à des fins d'interrogatoire. Ils devaient rester
25 debout près du mur et avant qu'on ne les emmène, on les rouait toujours de
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1 coups. Il a manifestement dû voir, cela aurait été impossible qu'il n'en
2 soit pas le témoin. Zoka, Bula, quelqu'un du nom de Sinisa, quelqu'un du
3 nom de Popovic et autres encore, ils ont tous passé les gens à tabac.
4 Lorsqu'ils se rendaient dans les cellules d'isolement pour y battre les
5 détenus, ils savaient très bien pourquoi ils s'y rendaient. Il savaient
6 qu'on passait les gens à tabac avant de les interroger.
7 Ils ont détenu des personnes pendant des jours dans ces cellules
8 d'isolement et les ont rouées de coups plusieurs fois par jour. Hier j'ai
9 parlé du fait qu'ils ont tous vécu la même chose mais je connais en fait
10 des gens qui ont été encore plus maltraités que moi et des gens qui ont
11 été tués. Par exemple un certain Omer Filipovic, une fois, on l'a emmené
12 dans une cellule isolée, où il a été détenu pendant 18 jours et j'ai
13 entendu qu'on le rouait de coups tous les jours mais il était tellement
14 fort qu'il n'a jamais hurlé, jamais crié, il était extraordinairement
15 stoïque. Il n'a jamais poussé de cris mais un jour il en est mort.
16 J'évoque cela car vous me demandez si Popovic avait connaissance de tout
17 cela mais il avait connaissance de tout ce qu'il se passait dans le camp.
18 Il nous y voyait tous les jours. En fait, son bureau était directement
19 vis-à-vis de nos étables. Il pouvait nous voir par la fenêtre à travers la
20 clôture. Il pouvait certainement nous voir lorsque nous passions devant
21 lui, la tête baissée, les mains, les bras derrière le dos. Bien sûr qu'il
22 pouvait nous voir, tous les jours, il nous emmenait afin de faire des
23 travaux forcés. Des milliers ont été emmenés chaque jour et contraints à
24 faire des travaux forcés du matin au soir. Et vous ne m'avez pas encore
25 posé de question concernant la nourriture, les vivres.
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1 M. le Président (interprétation): Nous y reviendrons, nous parlerons de
2 ces vivres dans un quart d'heure parce que nous allons faire une pause
3 d'un quart d'heure pour vous permettre de vous reposer un peu. Merci.
4 (Le témoin, M. Adil Draganovic, est reconduit hors du prétoire.)
5 (L'audience, suspendue à 15 heures 31, est reprise à 15 heures 58.)
6 (Le témoin, M. Adil Draganovic, est réintroduit dans le prétoire.)
7 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman?
8 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, le témoin a consulté
9 deux pages de notes, nous avons reçu copie que d'une page.
10 M. le Président (interprétation): Y avait-il deux pages?
11 Mme Chen (interprétation): Non, il ne s'agit que d'une page.
12 M. Ackerman (interprétation): Oui, mais j'ai vu qu'il consultait deux
13 pages.
14 M. le Président (interprétation): Oui, mais peut-être qu'en fait, il n'a
15 cité et n'a fait allusion qu'à une seule page. Aviez-vous une page ou deux
16 pages?
17 (Le témoin fait un signe selon lequel il n'avait qu'une page.)
18 Mme Fauveau: La page qui se réfère à Manjaca ne finit pas, je suppose donc
19 qu'il y a une deuxième page qui est pertinente pour cette affaire.
20 M. le Président (interprétation): Y a t-il ou non une deuxième page,
21 Monsieur le Juge?
22 M. Draganovic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai demandé à
23 consulter cette page seulement pour me remémorer les noms, je n'ai pas
24 sorti la deuxième page qui n'est pas pertinente, je ne vais la consulter,
25 je n'en ai pas besoin. Et puisque nous parlons du camp pour être
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1 exhaustif, pour ne pas oublier de noms ou les citer de façon inexacte, je
2 les ai notés sur cette feuille lorsque j'ai pu me concentrer, je les ai
3 notés mais cela ne me dérange pas qu'on fasse une copie de la deuxième
4 page, simplement je n'ai pas l'intention de m'y référer.
5 M. le Président (interprétation): Bon, très bien, veuillez poursuivre
6 Madame Korner.
7 Mme Korner (interprétation): Vous avez donc parlé du colonel Popovic, y a
8 t-il eu d'autres officiers de grade supérieur qui sont venus à Manjaca
9 quand vous y étiez, donc des officiers que vous auriez vus? Je parle de
10 personnalités militaires. Je reviendrai plus tard sur d'éventuelles
11 personnalités politiques.
12 M. Draganovic (interprétation): J'ai remarqué, notamment au début, que des
13 délégations militaires venaient sur place, des officiers plutôt. Des
14 officiers de l'armée qui sont même entrés dans les étables, ont inspecté
15 et puis s'en sont allés comme le commandant du camp d'ailleurs. Il est
16 difficile de dire à combien de reprises cela s'est produit, mais ils sont
17 en effet venus. Des civils aussi sont venus, des dirigeants civils de
18 Banja Luka que j'ai reconnus comme tels.
19 Question: Oui, j'y reviendrai par la suite comme je l'ai dit. J'aimerais
20 parler de ces hauts fonctionnaires comme d'un groupe distinct. Est-ce que
21 vous connaissiez de vue certains de ces officiers de haut grade, officiers
22 du 1er Corps de la Krajina ou en fait le 5e Corps? Les aviez-vous vus à la
23 télévision?
24 Réponse: Concernant le 1er ou plutôt le 5e Corps de la Krajina, je ne
25 connaissais pas les officiers qui en faisaient partie, sauf pour les avoir
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1 vus à la télévision. Je connaissais aussi de vue le général Talic, je
2 l'avais vu à la télévision, mais je ne connaissais pas les autres
3 personnes, en tout cas pas de nom.
4 Question: Très bien. Est-ce qu'à un moment quelconque vous avez vu le
5 général Talic dans le camp?
6 Réponse: Il me semble que le général Talic est venu rendre visite au camp
7 une fois. Mais je pourrais admettre la possibilité que je me trompe à ce
8 sujet, parce que, lorsque des officiers venaient sur place, la plupart du
9 temps lorsqu'une délégation venait, qu'elle soit militaire ou autre,
10 l'ordre était donné de fermer les portes des étables. Personne n'avait le
11 droit d'en sortir, tout le monde devait rester à l'intérieur sauf
12 lorsqu'ils entraient eux-mêmes dans les étables pour voir l'intérieur.
13 Il me semble que le général Talic s'est trouvé dans le camp une fois, bien
14 sûr c'est lui qui serait le mieux placé pour vous le dire. Je crois que
15 cela remonte à peu près à la fin du mois de juin, le début du mois de
16 juillet ou dans le courant du mois de juillet, je crois. C'est à ce
17 moment-là qu'on a créé des abris avec des nids de mitrailleuse et on avait
18 aussi érigé un poste d'observation. Un soldat y était toujours stationné
19 pour observer tout ce qui se passait, et il me semble que je l'ai vu à ce
20 poste d'observation. Mais encore une fois j'admets qu'il est possible que
21 je me trompe.
22 Question: Et puisque vous étiez dans les étables et que les portes étaient
23 fermées, comment pouviez-vous voir que quelqu'un se trouvait au poste
24 d'observation?
25 Réponse: On m'avait affecté à la préparation de la nourriture dans la
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1 cantine, donc en fait je me trouvais à l'extérieur, en dehors des étables.
2 Question: Merci. Je reviendrai encore sur les passages à tabac mais vous
3 avez fait allusion à un plan de Manjaca. Monsieur le Président, Mesdames
4 les Juges, en fait, c’est la pièce 467, il s'agit là donc de l'annexe n°7
5 à la déclaration du témoin.
6 Pouvez-vous nous dire si c'est le plan auquel vous avez fait allusion?
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Réponse: Oui, c'est un dessin détaillé du camp entouré de fils barbelés.
9 Question: Est-ce que l'huissier voudrait bien mettre ce dessin sur le
10 rétroprojecteur? Est-ce que vous voudriez bien nous indiquer dans quelle
11 étable vous avez été détenu?
12 (Le témoin s'exécute.)
13 M. M. Draganovic (interprétation): (interprétation): La première étable
14 que l'on voit ici, celle qui se trouvait donc dans le premier camp sur la
15 gauche vers le bas.
16 Mme Korner (interprétation): Je lui demanderai d'annoter cela. Est-ce que
17 vous souhaiteriez que le témoin annote cela?
18 M. le Président (interprétation): Oui, je vous demanderais d'inscrire une
19 flèche qui indique l’étable où, d'après vos dires, vous avez été
20 emprisonné.
21 (Le témoin s'exécute.)
22 Est-ce que vous voudriez bien apposer vos initiales à côté de cette
23 flèche?
24 (Le témoin s'exécute.)
25 Merci.
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1 Mme Korner (interprétation): Est-ce que nous pouvons demander le versement
2 au dossier de ce dessin comme pièce 760, pièce à conviction de
3 l'accusation 760?
4 Encore un autre point sur ces sévices corporels que vous nous avez
5 décrits. Vous nous avez dit qu'on avait donc, qu'on procédait à un appel
6 pour faire sortir les gens. Est-ce que d'une façon ou d'une autre, on
7 visait en particulier les personnes que vous décriviez comme des
8 dirigeants de la communauté que l'on visait et que l'on choisissait en
9 particulier pour les passer à tabac ou est-ce que ces sévices
10 s'appliquaient à tout le monde indifféremment?
11 M. Draganovic (interprétation): Oui, quand j'ai parlé du fait qu'on
12 appelait certaines personnes notamment dans le courant de la nuit, on
13 appelait en grande majorité des personnes qui étaient chefs de file de
14 partis ou qui occupaient certaines fonctions, certains postes. Entre 10 et
15 20 hommes étaient appelés à sortir des étables presque chaque nuit jusqu'à
16 la mort d’Omer Filipovic.
17 Par ailleurs, lorsque la police militaire venait dans l'étable notamment
18 Bula, Sinisa et Zoka, eh bien, la plupart du temps, ces hommes-là
19 choisissaient les personnes que j'ai évoquées, les rouaient de coups en
20 premier, avant de tabasser les autres.
21 Question: Maintenant j'aimerais vous demander, vous poser quelques
22 questions concernant les décès. Je crois qu'il y a eu toute une série
23 d'incidents, nous allons les citer. Tout d'abord je ne veux pas vous
24 demander des chiffres exacts mais à combien de reprises ces sévices
25 corporels ont-ils causé la mort de prisonniers?
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1 Réponse: Eh bien, en ce qui concerne toutes les personnes qui ont perdu la
2 vie à Manjaca et ceux qui sont morts étouffés au cours de transports ainsi
3 que ceux qui ont été emmenés dans des camions alors qu’ils étaient en vie
4 lorsqu'ils ont quitté Manjaca mais dont on n’a plus jamais retrouvé la
5 trace, donc je pars du principe qu'ils ont été tués, donc si l'on tient
6 compte de toutes ces personnes, si je fais le calcul, je pense que le
7 nombre s'élève entre 60 et 80 personnes.
8 Question: Est-ce que l'on peut tout d'abord parler des personnes qui sont
9 mortes en raison des sévices corporels? Commençons d'abord avec Omer
10 Filipovic que vous avez déjà mentionné, étiez-vous présent lorsqu'il a été
11 roué de coups?
12 Réponse: Oui, j'étais présent, d'ailleurs à plusieurs reprises, lorsqu'il
13 a été tabassé.
14 Question: Et quel incident particulier a causé sa mort?
15 Réponse: Permettez-moi tout d'abord de dire, de vous décrire les
16 circonstances qui ont précédé cet incident. La Croix-Rouge internationale
17 est venue inspecter le camp, ses représentants sont rentrés dans les
18 étables alors que la police militaire se trouvait à l'extérieur et les
19 représentants de la Croix-Rouge internationale ont eu l'occasion de parler
20 aux différents détenus, d’examiner leurs blessures corporelles.
21 En dépit de la peur qui régnait, les gens ont montré leurs blessures,
22 leurs souffrances. Ce jour-là ou plutôt la veille, Omer Filipovic avait
23 été ramené de la cellule isolée où il avait passé -je crois- 18 jours.
24 D'ailleurs c'était la deuxième fois qu'il avait été emprisonné dans une
25 cellule isolée, et pendant cette détention il avait été tabassé. J'avais
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1 entendu ces passages à tabac, et j'ai vu ces policiers militaires qui s'y
2 rendaient pour le tabasser et qui repartaient.
3 Le jour où la Croix-Rouge devait arriver dans le camp, l'étable dans
4 laquelle je me trouvais, nous étions 30, on nous a obligés à quitter une
5 partie de l'étable, nous a rassemblés dans une autre partie plus proche de
6 la porte, en fait dans la partie de l'étable qui était ainsi vide. C'est
7 là où ils ont mis Omer Filipovic, il a dû rester face au mur, il n'avait
8 pas le droit de nous regarder, et c'est ainsi qu'il se trouvait debout
9 face au mur lorsque la Croix-Rouge est arrivée.
10 Un représentant de la Croix-Rouge lui a donc parlé à la suite de cela.
11 Malheureusement, je ne peux pas m'en souvenir exactement si c'étaient 2
12 jours, 3 jours ou 5 jours après cet événement, en tout cas la Croix-Rouge
13 devait revenir dans le camp, avait dit qu'ils reviendraient le mercredi
14 avec des bulletins d'enregistrement, afin de nous enregistrer, de nous
15 donner des numéros.
16 Et cette nuit-là, donc juste avant leur arrivée, Omer s'est de nouveau
17 trouvé dans une cellule isolée, il a été maltraité, tabassé, encore une
18 fois, et ce jour-là, le jour où il a été tué, il avait été roué de coups
19 pendant la journée, il était couvert de sang, couvert de blessures. Donc
20 il a été tabassé dans cette cellule isolée, deux autres détenus l'ont aidé
21 à marcher, en fait ont dû le porter, il n'était plus capable de marcher
22 lui-même. Ils ont en fait dû le traîner parce qu'il était à tel point
23 blessé. Et j'étais à proximité, je travaillais dans la cantine à l'époque,
24 donc je les ai vu passer devant moi.
25 Et ce soir-là, lorsque l'appel a été fait, je me trouvais dans cette salle
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1 d'écurie lorsqu'ils ont appelé, entre autres, Omer Filipovic. Ils lui ont
2 demandé de sortir immédiatement, et j'ai d'abord pensé qu'il était
3 incapable de sortir tant il avait été battu. Mais Omer a répondu d'une
4 voix forte: "Oui j'arrive", et il est arrivé en courant, il est sorti de
5 l'étable en courant.
6 D'autres personnes ont également été appelées cette même nuit, moi-même y
7 compris, mais je ne suis pas sorti, d'autres aussi ne sont pas sortis,
8 mais ceux qui sont sortis cette nuit-là notamment Bender Esad -je crois
9 qu'il s'agissait de Bender Esad-, un parent Senad Supuk de Sanski Most,
10 Kemal Draganovic -enfin je ne me souviens pas de tous les noms- on leur a
11 infligé des sévices corporels horribles, on les a battus près de l'écurie
12 et tous les coups étaient suivis d'écho.
13 On entendait ces coups, ils ont utilisé toute sorte d'objets, des objets
14 en bois et chaque coup était suivi de hurlements. Cela a duré longtemps,
15 peut-être deux heures, je les ai entendus courir -les policiers-, courir
16 également. J'entendais leurs souliers, en fait ils portaient des seaux
17 d'eau, ils versaient cette eau sur les hommes, et j'ai entendu à plusieurs
18 reprises les pas de ces policiers militaires.
19 Puis, vers minuit, l'un d'entre eux s'est approché de la porte de l'étable
20 et a appelé un des détenus, le docteur Mehmed Derviskadic, un ami, et nous
21 étions en fait allongés côte à côte. Bien sûr nous étions tous animés de
22 peur et c'est lui qui m'a empêché cette nuit-là de sortir. Il s'est couché
23 sur moi et il m'a dit: "Si tu sors, ils vont de tuer". Lui-même est sorti,
24 il n'est pas revenu pendant un long moment. Il est revenu vers 2 heures du
25 matin, mais chaque nuit lorsque des groupes venaient, on appelait son nom
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1 et à chaque fois j'attendais son retour. Lorsqu'il revenait, il était en
2 état de choc, il était paniqué.
3 Il a chuchoté dans mon oreille pour que personne d'autre n'entende: "Esad
4 Bender et Senad Supuk ont été tués, et encore quelqu'un d'autre aussi." Et
5 cette nuit-là, j'ai appris grâce à lui qu'ils avaient été tués. Toutefois
6 Senad était en fait tombé dans une fosse qui servait aux déchets, il a
7 perdu conscience, cette fosse était profonde de deux ou trois mètres.
8 Il y avait donc toute sorte de déchets, d'objets métalliques dans cette
9 fosse, et apparemment ils n'ont pas pu le retirer de la fosse. Ainsi
10 lorsqu'il a repris conscience dans la matinée, Senad donc, il a pu sortir
11 de la fosse et il est retourné dans l'étable en rampant, et nous avons pu
12 voir l'étendue de ses blessures.
13 Bajruk Supuk et d'autres encore, tous ceux qui sont sortis, eh bien, ils
14 ont passé une très mauvaise nuit, et le matin ils ne nous ont pas
15 autorisés de sortir. Les portes sont restées fermées. Et le médecin m'a
16 alors demandé ce qu'il devait faire, il m'a dit qu'il était obligé de
17 signer des certificats de décès attestant que ces personnes étaient mortes
18 de cause naturelle.
19 Question: Permettez-moi de vous interrompre ici. Etait-ce bien le docteur
20 Derviskadic ou un autre médecin dont vous êtes en train de parler?
21 Réponse: Derviskadic.
22 Question: Excusez-moi de vous avoir interrompu, veuillez poursuivre.
23 Réponse: Le lendemain, on l'a de nouveau appelé à sortir, le lendemain
24 matin. J'ai vu lorsqu'une commission d'enquête militaire est arrivée de
25 Banja Luka puisque dans la matinée j'étais à l'endroit où se trouvait la
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1 cuisine, ils se sont rendus dans l'écurie, et il me semble qu'ils sont
2 allés du côté gauche de la cellule isolée. Je les ai vus prendre des
3 photos avec un appareil photo. Un véhicule militaire est arrivé, ils ont
4 sorti les corps et ils les ont emportés.
5 Question: Pour autant que vous le sachiez, à ce moment-là ou à un moment
6 ultérieur quelconque, y a-t-il eu des poursuites judiciaires pour la mort
7 de Filipovic et de Bender?
8 Réponse: Je sais que jamais personne n'a été traduit en justice, je sais
9 qu'il n'y a même pas eu de procédure juridique.
10 Question: Je souhaite vous interroger à présent au sujet d'un autre
11 incident pour savoir un petit peu ce que vous avez vu avant d'en arriver à
12 l'incident qui concerne les suffocations. Alors je fais référence à
13 présent au groupe de la zone de Kljuc, plus précisément du village de
14 Krasulje: ces gens ont-ils été amenés au camp?
15 Réponse: Krasulje.
16 Question: Y a-t-il eu des décès à cause de quelque chose qui s'est passée
17 ce soir-là?
18 Réponse: Avant cette dernière pause, j'ai parlé du groupe qui a été amené,
19 c'était bien le groupe de Krasulje, municipalité de Kljuc. Dans ce groupe,
20 il y avait un jeune homme qui pouvait avoir entre 21 et 23 ans. Il était
21 beau comme un mannequin. Il portait une chemise blanche, un pantalon noir
22 et des bottes en caoutchouc. Il se trouvait très près de moi, j'ai vu
23 qu'on l'avait déjà passé à tabac, au moment où il est arrivé, il avait
24 déjà des traces de blessures.
25 Au moment où les policiers sont partis, je l'ai retenu pour
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1 qu'il s'allonge à l'endroit où j'étais placé moi-même. Le douzième jour,
2 il a succombé, on l'a passé à tabac, je crois qu'il était blessé au niveau
3 de la poitrine. Son nom était Husein Delalovic.
4 Question: Un autre incident s'il vous plaît. Dans le camp, y avait-il
5 également Emir Mulalic, un policier de Sanski Most?
6 Réponse: Oui. Emir Mulalic était un policier, il a été chassé du poste de
7 police le 17 avril, la journée que j'ai décrite l'autre fois. Il a été
8 arrêté lui aussi, il a été amené à Manjaca, lui aussi il a été tué après
9 avoir été passé à tabac. En fait, il a succombé à ses coups, on l’a passé
10 à tabac pendant des interrogatoires qu’on lui a fait subir au
11 commandement, ce sont des policiers militaires qui l'ont frappé.
12 A deux reprises dans une même journée, pendant les interrogatoires, ils
13 l'ont passé à tabac. Il a été interrogé par un inspecteur de la police de
14 Sanski Most, Brane Sobot et un autre inspecteur de la police de Sanski
15 Most. Il a subi un passage à tabac pendant qu'on l'interrogeait chez lui.
16 Puis on l’a fait sortir et de nouveau dans le couloir, ils l'ont battu,
17 c'est là qu'ils l'ont tué. Spaga, Bula, Sinisa, je pense que c'étaient
18 bien eux qui l'avaient battu mais il y avait un témoin qui était présent
19 pendant ce passage à tabac, il serait le mieux placé pour vous le
20 raconter, car Spaga l’a battu lorsqu'il était déjà mort.
21 Question: Je voudrais à présent vous interroger au sujet des morts qui
22 sont dues à l’étouffement en chemin vers Manjaca. Avez-vous vu de vos yeux
23 quelques-uns de ces incidents?
24 Réponse: J'étais donc au camp, c'était un transport qui avait eu lieu le 6
25 ou plutôt le 7 juillet, c'est là qu'il y a eu un transport de Sanski Most
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1 qui est arrivé à Manjaca. C'étaient des camions et en fait dedans, il n'y
2 avait que des civils qui avaient été enfermés depuis le 27 mai dans un
3 gymnase, le gymnase de Sanski Most à Betonirka, dans les garages de
4 Betonirka.
5 Certains avaient été emprisonnés dans les postes de police, d'autres dans
6 le hall de l'usine Krings. Alors ces gens-là qui ont été étouffés, eh
7 bien, ils avaient déjà subi un mauvais traitement à Sanski Most. Lorsque
8 je parle de mauvais traitements, je fais allusion aux sévices corporels.
9 Pour la plupart, ces gens étaient arrivés de Betonirka, ils étaient tous à
10 bord d'un même camion.
11 A ce moment-là, cette nuit-là, donc dans la soirée du 6, j'étais dans
12 l'étable, avec la police militaire et Zoka, le Bleu et le Noir, en fait il
13 y en a deux, et j'expliquerai plus tard pourquoi je les appelle comme ça
14 de surnom Bleu et Noir: c'est parce que c'étaient deux personnes et ils se
15 sont comportés de manières différentes. Donc quelqu'un de nouveau a
16 demandé que les docteurs Mehmed Derviskadic et Enes Sabanovic sortent,
17 c'était deux codétenus de Sanski Most, les deux médecins. Ils sont sortis
18 donc.
19 Au préalable, on a entendu par la paroi du bâtiment, en fait on a vu les
20 lumières des phares des camions et on a su qu'il y avait de nouveaux
21 détenus qui étaient en train d'être amenés. On ne savait pas qui ils
22 étaient mais on savait que c’étaient des nouveaux, on savait qu’il y avait
23 plusieurs camions qui étaient arrivés et ils sont restés longtemps là où
24 se trouvait le commandement.
25 Pendant longtemps, ils ne sont pas revenus, je n'arrive pas à me rappeler
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1 l'heure lorsque Derviskadic est revenu. Il est revenu auprès de moi, il
2 semblait tout à fait perdu et il m'a dit de nouveau: "C'est affreux, c'est
3 affreux, nos hommes ont été tués, ils ont suffoqué, j'en ai compté 17, 17
4 morts, il y en avait plein un camion". Et il m'a donné leurs noms, tout de
5 suite j'ai su leurs noms.
6 Il m'a dit qu'on avait fait monter ces hommes à bord du camion, que
7 Popovic avait ordonné que ces hommes soient retournés, Popovic donc le
8 commandant du camp, et il a également ordonné que d'autres personnes, qui
9 étaient en très mauvais état, soient de nouveau mises dans les camions et
10 il a ordonné qu'on aide ceux qui étaient blessés.
11 Entre eux, il y avait un étudiant en médecine, le fils de Faik Biscevic,
12 quelqu'un qui n'avait pas encore terminé ses études de médecine. Ce camion
13 est reparti et ces autres personnes sont entrées dans le camp le lendemain
14 matin. Nous savions à peu près qu'il y avait entre 24 et 28 personnes. On
15 n’a plus jamais revu ces gens, je veux dire même pas ceux qui sont
16 repartis en vie.
17 En 1995 et par la suite, j'ai essayé de localiser ce chantier, il faut
18 savoir que j'étais Juge d’instruction et que j'ai reçu un certain nombre
19 d'informations, de renseignements. On m'a dit que c'est à Krkojevac que se
20 trouvait ce charnier. A plusieurs reprises, j'ai essayé de creuser afin
21 d'identifier le site, mais je n'ai pas réussi. C'est uniquement en 2000
22 que j'ai réussi à trouver un homme qui m'a montré le site et nous avons pu
23 retrouver 20 corps lors de l'exhumation, nous n'avons pas retrouvé la
24 trace de tous les corps.
25 Ce charnier était à une distance de 6 kilomètres de Sanski Most dans le
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1 canyon de la rivière Sana, donc un petit peu caché entre un chemin, un
2 petit chemin qui mène à Kljevci et à la rive de la Sana, le terrain a été
3 aplati, aménagé, donc on ne pouvait rien voir à la surface. Donc les
4 personnes qui étaient encore en vie à bord de ce camion lorsqu'on les a
5 ramenées ainsi que ce docteur, ce médecin, qui est revenu, eh bien, ils
6 n'ont jamais été retrouvés.
7 Question: L'une des personnes qui a été tuée lors de ce transport était le
8 président du tribunal des délits, Nedzad Muhic?
9 Réponse: Oui, Nedzad Muhic était le président du tribunal municipal des
10 délits. Et lors de l'exhumation, j'ai reconnu son corps, il y avait son
11 frère également Rano. C'étaient donc les deux frères qui sont morts par
12 suffocation dans ce même transport.
13 Question: A moins qu'il y ait un autre incident que vous souhaitiez nous
14 relater, nous pourrions à présent aborder d'autres aspects de la situation
15 qui prévalait dans ce camp.
16 Réponse: Eh bien, je préfère répondre à vos questions.
17 Question: A présent, je souhaite vous poser une question au sujet des
18 soins médicaux. Vous avez mentionné deux médecins, ces médecins avaient-
19 ils accès à des médicaments? Etaient-ils autorisés à soigner les personnes
20 qui subissaient des passages à tabac?
21 Réponse: Il est difficile de répondre à cette question. Pour que les
22 détenus puissent se faire examiner par un médecin, eh bien, il fallait
23 qu'ils fassent inscrire leur nom sur une liste au cours de l'après-midi.
24 Il y avait une cellule qui était de garde et qui devait remettre cette
25 liste au garde qui se trouvait à l'entrée principale. Puis la police
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1 appelait ces gens, vérifiait leur état, voire les battait. C'est seulement
2 si la police donnait son autorisation que le lendemain matin, ces gens
3 pouvaient aller voir un médecin à l'extérieur de l'enceinte du camp, plus
4 précisément au commandement, mais ce système ne s'est mis en place que
5 plus tard.
6 Dans un premier temps, pendant un mois, voire deux mois, même s'il y a eu
7 des médecins au camp, ces médecins ont été soumis au même traitement que
8 nous, les autres détenus. Ils se trouvaient dans les étables comme nous.
9 Autrement dit, il n'y avait aucun service médical organisé. En fait, c'est
10 sur leurs propres initiatives que ces médecins essayaient de nous aider,
11 nous donner quelques conseils, nous dire comment il fallait faire. Il n'y
12 avait absolument rien qui aurait pu nous aider.
13 Question: Nous entendrons d'autres dépositions au sujet des aspects qui
14 concernent les soins médicaux. Vous avez également mentionné la question
15 de la nourriture au sein du camp, vous l'avez mentionnée avant la pause.
16 Vous receviez combien de rations de nourriture? Etait-ce suffisant?
17 Réponse: Si vous me le permettez, je souhaite apporter quelques précisions
18 au sujet des soins médicaux pour que ce soit tout à fait clair. Un peu
19 plus tard, je ne peux pas vous dire exactement à quel moment, mais dans
20 une seconde phase, je pense que dans ce dispensaire qui se trouvait à
21 l'extérieur de l'enceinte, là où il y avait le commandement, il y avait
22 quelques médicaments, des pilules, des comprimés, je ne sais pas d'où cela
23 venait.
24 Je ne sais pas si ça appartenait au commandement du camp. Etaient-ce des
25 approvisionnements reçus de la part du Merhamet ou par un autre moyen?
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1 Mais à ce moment-là il était devenu possible de recevoir quelques
2 comprimés, mais ils étaient rares. Il n'y en avait donc pas assez pour
3 tout le monde. Parfois on pouvait en recevoir. Plus tard lorsque la Croix-
4 Rouge est arrivée la situation s'est améliorée.
5 Quant à la nourriture, il suffira peut-être de dire que chaque détenus à
6 partir du moment où le camp a été constitué, donc vers le 1er juin 1992
7 jusqu'à l'arrivée de la Croix-Rouge internationale, chaque détenu a perdu
8 en moyenne 25 à 30 kilos, donc entre 25 et 30 kilos de poids. Si je dis
9 que nous recevions deux rations par jour, eh bien, ce ne serait pas tout à
10 fait exact puisque ce n'était pas des rations au sens propre du terme.
11 Puisque j'ai travaillé à la cuisine, j'ai été chargé de préparer ces
12 portions, je sais quelle était la quantité de pain qui était fournie en
13 une fois: une miche de pain pesait moins d'un kilo. On coupait cette miche
14 pour la distribuer entre 25 et 40 personnes. Autrement dit, on recevait
15 une petite tranche de pain qui était littéralement transparente tellement
16 elle était fine, elle avait à peine un demi-centimètre, voire un
17 centimètre d'épaisseur. Elle mesurait 5 sur 6 centimètres à peu près en
18 tout. C'est ce qu'on recevait donc deux fois par jour. C'était très peu.
19 J'ai omis de dire certaines choses, et puis il y a des choses que j'ai
20 oubliés mais cela me revient à présent. Au début, on recevait donc ce
21 petit morceau de pain et une demi-tasse de thé. Ce thé était préparé dans
22 des cuisines ambulantes militaires; on faisait cuire à feu ouvert et puis
23 on faisait bouillir de l'eau. Et tous les jours, tous les jours on faisait
24 du thé à partir des mêmes graines ou des mêmes feuilles, donc cela
25 devenait de moins en moins fort. C'était en fait juste de l'eau chaude et
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1 il n'y avait pas de sucre du tout jusqu'à l'arrivée de la Croix-Rouge
2 internationale. Il y avait un autre plat dans la journée, c'était une
3 tranche de pain, et on faisait une sorte de bouillon aussi, mais on le
4 faisait vraiment avec les moyens du bord.
5 Au début, l'aide de Merhamet nous a été très précieuse. Ils apportaient
6 des légumes et parfois aussi de la viande, des légumes, des choux, des
7 pommes de terre mais très peu de viande. Donc on recevait un petit peu de
8 soja, enfin des pois secs, de haricots secs, et c'était pratiquement une
9 fête lorsqu'on avait ça, c'était très exceptionnel.
10 Mais il n'y avait jamais suffisamment de nourriture et on ne recevait pas
11 de nourriture une troisième fois dans la journée. Les gens étaient
12 astreints à des travaux physiques très durs. Environ 1.000 personnes
13 quittaient les étables par jour, et quand on appelait du commandement, les
14 policiers demandaient qu'on sorte et 1.000 personnes devaient sortir en
15 une ou deux minutes de toutes les étables.
16 Parfois il est arrivé que 5 hommes viennent à manquer par exemple, alors
17 ils rentraient par vingtaine, par exemple une vingtaine entrait armés de
18 sorte de massues dans le camp, ils portaient des barres métalliques aussi,
19 ils avaient aussi des planches de bois et se mettaient à passer à tabac
20 l'ensemble des détenus qui se trouvaient dans le camp, tous les détenus se
21 trouvaient battus à ce moment-là. Nombreux étaient blessés parce que
22 chacun se faisait assener des coups. On avait des blessures au niveau de
23 la tête, de l'oreille, des bras cassés, des côtes cassées. Il m'est arrivé
24 de voir beaucoup d'hommes ensanglantés simplement parce que, par exemple,
25 5 détenus n'étaient pas sortis.
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1 Alors les gens partaient travailler dans les champs, moi aussi il m'est
2 arrivé de devoir aller cueillir des pommes de terre. On partait le matin
3 vers 7 heures ou 8 heures du matin et cela durait jusque tard dans
4 l'après-midi. On travaillait dans les champs alors qu'il faisait très
5 chaud, il y avait du soleil, on avait le crâne rasé. Nombreux étaient
6 blessés, avaient été passés à tabac, nombreux étaient malades. D'autres
7 devaient aller dans les bois, dans les bois pour sortir des troncs.
8 On voyait venir de Banja Luka des soldats, des policiers militaires. Et
9 tous les jours, on recevait des ordres demandant que l'on fournisse des
10 troncs d'arbres, du bois, que l'on charge cela, qu'on coupe le bois, et ce
11 sont les détenus qui devaient les porter, qui devaient les porter en
12 amont, vers le haut, en contre-bas. C'était du bois très lourd. Pendant
13 qu'ils travaillaient, on les battait. Il leur arrivait de tomber des
14 camions car, pendant le transport, ils étaient installés sur le bois
15 coupé.
16 Puis à proximité immédiate du camp, les gens ont également été employés à
17 construire une église. Tous les jours, ils devaient travailler du matin au
18 soir alors qu'ils étaient très mal nourris. Il y avait d'autres travaux
19 également car, dans cette enceinte, il y avait à la fois des étables où il
20 y avait du bétail, et puis plein d'autres choses.
21 Le 5e Corps d'armé, ou plutôt à l'époque le 1er Corps d'armée, eh bien,
22 tous nos biens, notre bétail, le bétail qui venait des villages bosniens a
23 été amené sur les lieux. C'est là qu'on a amené plus de 5.000 têtes de
24 bétail, de gros bétail, puis aussi des chèvres et des moutons. Et ce
25 bétail crevait en route. Tous les jours, on voyait arriver des camions de
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1 Banja Luka des abattoirs et on devait aller charger ou décharger ce
2 bétail. On devait le nourrir aussi. Il y avait plein d'autres corvées.
3 En parlant de la nourriture, j'ai dit qu'il n'y avait pas de sucre ou pas
4 assez de sucre. Je tiens à ajouter qu'à différents moments il n'y avait
5 pas eu de sel non plus, ou bien celui-ci ne nous a pas été distribué. Le
6 docteur Derviskadic m'a expliqué que c'était intentionnel, car lorsqu'on
7 ne reçoit pas suffisamment de sel, on devient agressif, le métabolisme est
8 perturbé. Il nous est arrivé de ne pas recevoir de sel pendant une
9 quinzaine de jours.
10 S'il vous plaît, si je puis poursuivre.
11 Egalement lorsque cette nourriture était préparée, eh bien, on devait
12 sortir par rang, étable par étable. On devait regarder par terre, on
13 devait garder les mains derrière le dos. La police militaire était
14 toujours présente sur place. Si quelqu'un redressait la tête, on le
15 passait à tabac sur-le-champ sous les yeux de tout le monde. C'étaient des
16 passages à tabac épouvantables, on donnait des coups de pied au niveau de
17 la cage thoracique, la tête, les parties les plus sensibles du corps.
18 Parfois ils demandaient à un détenu d'en frapper un autre. Puis s'il ne
19 frappait pas suffisamment fort, c'est lui qui se faisait battre à son tour
20 de la part d'un policier.
21 Les gens tombaient par terre totalement impuissants. Au moment de la
22 distribution de la nourriture, pendant qu'on mangeait, on mangeait dans
23 des assiettes sales puisqu'il n'y avait pratiquement pas d'eau pour laver
24 la vaisselle. C'étaient des humiliations effroyables. Il m'est arrivé de
25 voir des gens brouter de l'herbe -en fait comment dire- pas brouter mais
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1 arracher des brins d'herbe pour s'en nourrir. Il n'y avait plus d'herbe du
2 tout dans le camp les détenus avaient tout arraché et mangé.
3 Entre les étables, sur un espace exigu, on avait creusé des fosses
4 sceptiques où on allait faire nos besoins, tous nos besoins, petits et
5 grands. Ces fosses avaient jusqu'à 3 mètres de profondeur, et elles
6 étaient d'une longueur de 4 à 5 mètres. Il y avait une planche par-dessus
7 et c'est là qu'on venait faire nos besoins. Les étables étaient placées
8 sur des pentes assez légèrement inclinées, donc la première étable était
9 dénivelée de 1 à 2 mètres par rapport à la suivante. Entre les étables, il
10 y avait ces fosses sceptiques.
11 Lorsqu'une première fosse se remplissait, on en creusait une deuxième, une
12 troisième. On a donc creusé tout cet espace en le remplissant de fosses
13 sceptiques. Ce qui fait que les étables n'étaient plus séparées que par
14 des fosses sceptiques. Et c'est là que poussait cette herbe qu'on
15 arrachait pour la manger.
16 C'est le camp n°1, puis 2, il y avait, comme je vous l'ai dit, des
17 barbelés qui nous séparaient et des champs de mine. Entre ces deux camps,
18 il y avait très peu d'espace, c'était sous forme de carré ou plutôt
19 rectangulaire, je ne sais pas exactement: 100 mètres de longueur et 50 à
20 100 mètres de l'autre côté. Par conséquent 100 sur 100 à peu près,
21 approximativement, et autour il y avait des champs de mines et de
22 barbelés. Des canons qui ont été dirigés vers nous, enfin des nids de
23 mitrailleuses, il y avait des canons antiaériens qui ont stationné autour,
24 ensuite il y avait comme je l'ai dit des nids de mitrailleuse dans
25 l'enceinte.
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1 Question: Excusez-moi Monsieur, il faut que je vous arrête là. Je pense
2 que nous nous sommes quelque peu éloignés du sujet dont on a commencé à
3 discuter. Il s'agissait de la nourriture et, je pense que tout à l'heure
4 vous avez dit qu'il y avait 5 hommes qui avaient refusé de sortir des
5 étables au moment où on avait fait l'appel le matin, vous avez dit que 20
6 personnes portaient des battes en acier, qui étaient ces gens-là?
7 Réponse: C'étaient des policiers militaires et puis il y en avait d'autres
8 qui étaient avec eux. Tous sont rentrés dans l'étable et nous avons tous
9 essuyé des coups tout simplement parce que les 5 hommes n'ont pas répondu
10 à l'appel. On avait des invalides, des handicapés qui après ce passage à
11 tabac sont devenus des invalides très graves, des handicapés graves.
12 Ce que je voudrais dire simplement pour ne pas oublier, c'est qu'après le
13 séjour passé dans ce camp un grand nombre de gens sont décédés que ce soit
14 en Bosnie ou à l'étranger, et il s'agissait des hommes entre 30, 40 et 50
15 ans. Je pense qu'au moins 200 ou 300 personnes sont mortes de ce groupe.
16 Je ne sais pas si vous allez me poser des questions au sujet du nombre de
17 personnes qui ont été détenues.
18 Question: Mais vous venez de parler de cela, vous venez de le mentionner,
19 mais si vous connaissez quel était le nombre de détenus dans ce camp,
20 alors à ce moment-là allez-y, dites-le-nous?
21 Réponse: Je connaissais à peu près combien de personnes? Il y avait au
22 total, étant donné que j'étais comme je l'ai dit à la cantine et, puis
23 c'est moi qui partageais le pain dans le camp n°1, et je sais également
24 comment ça se passait dans le camp n°2. Mais d'un autre côté, je sais
25 combien au total sont passés par le camp depuis le 1er juin jusqu'au 18
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1 décembre. Et c'était un chiffre qui serait de 5.434 au total.
2 Question: Une fois de plus, excusez-moi, mais tous ces gens-là avec
3 lesquels vous avez été au camp, qu'est-ce que vous pouvez dire, combien
4 sur le total a été arrêté au moment où ils combattaient? Est-ce qu'il y
5 avait des personnes qui ont été arrêtées et d'autres également qui ont été
6 capturées parce qu'elles ont participé aux opérations de combat contre les
7 Serbes?
8 Réponse: En général, c'étaient des civils, des civils qui ont été
9 interpellés, arrêtés chez eux, qui ont été ramenés des champs comme je
10 l'ai dit, de la campagne, des villes, ce n'étaient pas les gens qui
11 combattaient, qui participaient aux combats, c'étaient des civils en gros.
12 Et moi j'avoue qu'il y avait quelques cas également, je l'ai constaté,
13 qu'il y avait quelques soldats, j'ai vu deux soldats de l'armée de Bosnie-
14 Herzégovine qui sont arrivés de Jajce, et moi j'ai parlé avec ces gens-là
15 et ce sont eux qui m'ont dit comment ils avaient été arrêtés.
16 Ils ont été échangés par la suite, et il y avait un autre militaire, je
17 pense que c'était un officier qui a été arrêté à Jajce, mais d'origine de
18 Zenica et je savais également qu'il y avait trois officiers de l'armée
19 croate qui ont été arrêtés quelque part au niveau de Bugojno. Il y avait
20 également un membre du HOS et ça je l'ai appris et j'ai appris également
21 qu'il avait été tué par la suite dans la cellule isolée. Tout le reste,
22 c'étaient des civils, tous sont des civils.
23 Il n'y avait pas vraiment un grand nombre de personnes qui ont organisé la
24 résistance à l'armée serbe. Ultérieurement quand Jajce est tombée, quand
25 les Serbes l'ont mis sous leur contrôle, il y avait quelques soldats qui
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1 ont été arrêtés et qui étaient de nationalité serbe, moi je ne savais pas
2 qui étaient ces gens-là, je ne savais pas si c'étaient des déserteurs de
3 l'armée serbe ou éventuellement quelques autres. Mais ce que je sais c'est
4 qu'ils sont restés sur place au moment où nous, on a été relâché. Donc ils
5 étaient membres de l'armée serbe, et puis il y avait deux soldats serbes,
6 un ou deux qui étaient des déserteurs de l'armée serbe et qui étaient
7 ensemble avec nous dans les étables.
8 Question: Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir expliquer à la Chambre
9 d'instance, qu'est-ce que vous sous-entendez, quel est le terme de HOS,
10 qu'est-ce que vous sous-entendez sous cette notion?
11 Réponse: HOS, ce sont les forces croates de la défense en Bosnie-
12 Herzégovine il s'agit des unités de la Défense territoriale des Croates
13 qui dans un premier temps avaient pour tâche de défendre leurs propres
14 villages, ultérieurement ils ont rejoint le HVO ou bien les rangs de
15 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
16 Question: Est-ce que nous pouvons revenir très brièvement à la question de
17 la nourriture en général, vous avez dit qu'il n'y avait pas d'eau, qu'on
18 ne pouvait pas laver les assiettes, que vous mangiez dans des assiettes
19 qui étaient sales, est-ce que vous avez eu des produits d'entretien? Est-
20 ce qu'il y avait des douches?
21 Réponse: Nous avons eu l'occasion mais très, très rarement de prendre la
22 douche. Je ne pense pas pouvoir vous dire avec précision si on pouvait se
23 doucher une fois par mois ou tous les 2 mois, c’est un camion- citerne qui
24 venait de Banja Luka.
25 C'était les unités militaires qui ramenaient ce camion-citerne et puis on
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1 posait des douches de fortune dans l'enceinte du camp et on avait trois
2 minutes, pas plus, pour prendre la douche, la douche froide, mais c'était
3 très rare, le camion ramenait l'eau de Banja Luka, mais cela existait.
4 Tout au début, il y avait de l'eau les premiers jours, il y avait quelques
5 dispositifs qui existaient déjà dans le camp mais c'était probablement de
6 l'eau qui était utilisée dans l'agriculture; par la suite, c'était tombé
7 en panne ou ils l'ont coupé, je ne sais pas. Ensuite nous avons ramené de
8 l'eau du lac, le CICR nous a ramené des récipients et ce sont les
9 policiers militaires qui les ont escortés. Ils se rendaient jusqu'au lac
10 pour prendre de l’eau mais l’eau était sale, elle était polluée, nous
11 étions nombreux bien évidemment. L’eau était sale étant donné que nous,
12 nous étions sales et que le lac n'était pas tout à fait propre: nous
13 étions 100 ou 200 qui venions au lac pour prendre de l'eau, nous buvions
14 cette eau et puis on avait également cuisiné avec et on l'utilisait pour
15 entretenir l'hygiène.
16 Question: Et qu'est-ce qui s'est passé avec l'eau potable? Est-ce que vous
17 receviez de l'eau potable?
18 Réponse: Oui, au début. Je viens de le dire, quand j'étais transféré de la
19 cellule isolée dans l'étable n°1, on obtenait l'eau dans un récipient
20 militaire, on remplissait ce récipient et puis on partageait entre les
21 détenus. Nous avions des petites tasses et on se partageait l'eau, mais il
22 n'y en avait pas suffisamment. Ceci dit, c'était l'eau qui a été, qui
23 provenait du réseau d'aqueducs, mais par la suite on avait coupé cette
24 eau, et si je ne m'abuse, il y avait ces camions citerne, camions citerne
25 militaires qui nous approvisionnaient en eau pendant un certain temps.
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1 Ensuite, je vous ai dit, on avait ces jerricans et puis nous sommes allés
2 jusqu'au lac pour prendre cette eau et on buvait cette eau également.
3 Vers la fin, c'était le mois d’août ou septembre, il y avait quelques
4 robinets en métal qui fonctionnaient, ils ont… je pense que chaque étable
5 avait quelques robinets mais je ne sais plus exactement. C'était le CICR
6 qui avait assuré cet approvisionnement en eau, ils ont probablement ramené
7 de l'eau dans des récipients et puis nous, on pouvait faire couler l'eau
8 par ces robinets.
9 Question: Et qu'est-ce qui s'est passé quand l'hiver est arrivé, étant
10 donné que vous étiez détenu jusqu'en décembre? Est-ce qu'on vous a assuré
11 des lits ou des vêtements, ou quelque chose de ce type-là? Est-ce que les
12 autorités du camp, la direction du camp vous a fourni tout ce dont vous
13 aviez besoin?
14 Réponse: Premièrement, on avait la terre et le béton et il y avait
15 quelques foins également. A un moment donné, on pouvait également aller
16 couper un peu du bois et on le mettait par terre. Merhamed également nous
17 a apporté quelques couvertures mais très peu. Une couverture par exemple
18 était utilisée par 5 ou 6 personnes: on posait la couverture et puis on se
19 mettait là-dessus. Quand le CICR s'est rendu pour nous voir, ils nous ont
20 apportés des couvertures, disons qu'on en a eu suffisamment, 2 à 3, on
21 pouvait par conséquent poser les couvertures en bas sur le sol et puis se
22 couvrir. Chacun de nous avait une ou deux couvertures. Le CICR nous a
23 donné également… et le HCR, il y avait des représentants du HCR qui sont
24 arrivés…
25 Question: Excusez-moi j'aimerais vous poser une autre question concernant
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1 l'aide que Merhamet vous a fournie. Est-ce que vous pouvez nous dire ce
2 qui se passait quand cette aide avait été distribuée?
3 Réponse: Merhamet chargeait un camion bleu Deutz de 5 tonnes, utilisait
4 donc ce camion et nous ramenait quelque peu de nourriture, et puis des
5 vêtements également qu'ils ont réussi à rassembler. C'étaient les
6 Musulmans de Banja Luka qui s'organisaient par le biais de Merhamet pour
7 nous envoyer cette aide.
8 De temps en temps, on obtenait également des colis par le biais de
9 Merhamet, ce sont les membres de la famille qui envoyaient ces colis, qui
10 pouvaient envoyer des colis. Ce sont des colis qui commençaient à arriver
11 un mois plus tard approximativement, je ne connais pas exactement à quel
12 moment mais à peu près.
13 Mais je me souviens exactement de l'arrivée du premier camion, j'ai
14 reconnu un de mes voisins de Sanski Most: Brkljac, un homme assez grand,
15 il était footballeur, et je me souviens quand ils ont déchargé le camion,
16 ils ont posé les colis devant l'entrée sur la route. Il est difficile de
17 dire combien il y avait de colis, mais c'est à peu près comme ici, au
18 milieu, enfin l'espace que vous voyez dans le prétoire.
19 Ensuite ils ont quitté, c'est le camion de Merhamet qui a quitté devant
20 l'entrée et les policiers militaires ont contrôlé les colis; ce qu'ils ont
21 fait chaque fois d'ailleurs quand les paquets ont été envoyés. Ils
22 prenaient ce qu'ils voulaient; en général des cigarettes ou éventuellement
23 quelques sucreries ou même des vêtements.
24 Ensuite, ils dressaient une liste, puis on lisait les noms et ils ont fait
25 un appel pour demander que les détenus, dont c'étaient les colis, de venir
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1 les prendre. Moi, une fois j'ai eu mon colis, c'étaient mes tantes de
2 Banja Luka qui m'avaient envoyé ce colis. La moitié d'ailleurs a été
3 prise, l'autre moitié est restée pour moi.
4 Il m'est très difficile de dire combien de fois et à combien de
5 reprises, il y avait de tels colis qui arrivaient peut-être une fois par
6 semaine ou une fois tous les 15 jours, c'était un mercredi probablement,
7 si je me souviens bien, mais pour nous c'était très important. Pour
8 l'hygiène également, c'était important parce que je me souviens une fois
9 on nous a envoyé des petits savons rouges; tous étaient les mêmes, enfin
10 pour la forme, mais tout le monde ne pouvait pas obtenir un savon. C'était
11 Caritas qui nous avait envoyé ces savons. C'était à peu près tout jusqu'au
12 moment où le HCR nous a amené des savons français. On était sales et il y
13 avait des insectes dans les oreilles des détenus, ce n'est que plus tard
14 que nous avons essayé véritablement de nous laver, de nous rendre propres.
15 Question: Et en ce qui concerne les conditions de vie, de la nourriture,
16 la toute dernière question que je voulais vous poser concerne votre poids:
17 combien de kilos vous aviez au moment où vous êtes entré à Manjaca?
18 Réponse: Moi, j'ai été arrêté à Sanski Most. A cette époque-là, j'avais 90
19 kilos. Je pense que j'ai perdu entre 20 et 30 kilos. Depuis l'époque où
20 j'ai été arrêté et pendant 2 mois de mon séjour à Manjaca, je pense que
21 j'avais 70 ou 75 kilos, mais il faut tenir compte du fait que le CICR et
22 le HCR nous ont aidés, ils ont amélioré la nourriture.
23 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je
24 ne sais pas où nous en sommes.
25 M. le Président (interprétation): Madame Korner, j'ai suivi
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1 l'interrogatoire principal et je vous observais, j'observais également le
2 témoin.
3 Mme Korner (interprétation): Et si je vous le pose la question, Monsieur
4 le Président, parce que je voudrais poser quelques autres questions.
5 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poser quelques questions là
6 maintenant, et ensuite nous allons nous arrêter.
7 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je pense que je
8 pourrai terminer avec ce sujet de Manjaca avant 6 heures, si les
9 interprètes acceptent de travailler sans la pause. Après je demanderai
10 également de visionner une cassette vidéo.
11 M. le Président (interprétation): Combien de temps à peu près vous pensez
12 que ceci va durer?
13 Mme Korner (interprétation): Je pense que ceci prendra une demi-heure.
14 M. le Président (interprétation): Pour le moment, nous allons poursuivre
15 et puis nous verrons par la suite.
16 Mme Korner (interprétation): Vous avez mentionné, Monsieur le Juge, un
17 certain nombre d'officiers militaires qui sont arrivés au camp, mais il y
18 en avait un certain nombre également que vous avez reconnus et qui
19 venaient de Banja Luka. Est-ce que vous pouvez nous donner les noms de ces
20 gens-là?
21 M. Draganovic (interprétation): Il y avait quelques visites à plusieurs
22 reprises. Ces visites ont eu lieu à quelques reprises. Plusieurs groupes
23 nous ont visités, j'ai reconnu quelques-unes de ces personnes parce que
24 j'avais été à l'école avec quelques-unes de ces personnes, et puis j'avais
25 eu l'occasion de contacter les gens. Parce qu'avant la guerre, j'ai eu
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1 l'occasion d'être au contact avec les personnes qui travaillaient avec des
2 institutions différentes de Banja Luka. C'est pour cela que je les ai
3 reconnues.
4 Mme Korner (interprétation): Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît,
5 juste attendre une minute parce que nous avons un petit problème?
6 M. le Président (interprétation): Madame Korner, vous pouvez poursuivre,
7 mais dans 10 minutes ils vont être obligés de changer la cassette.
8 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, il serait peut-être
9 possible de laisser la cassette vidéo après la pause et de compléter donc
10 toute la description et la déposition du témoin.
11 M. le Président (interprétation): Mais je pensais ne pas faire de pause,
12 je voulais terminer.
13 Mme Korner (interprétation): Oui, mais en attendant que les cassettes
14 soient changées, le Juge Draganovic sera ici dans deux semaines.
15 M. le Président (interprétation): Oui, je vois de quoi vous parlez.
16 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, je vous ai interrompu. Vous
17 connaissiez des personnes de Banja Luka, est-ce que vous pouvez nous
18 identifier quelques personnes? Est-ce que vous pouvez nous citer les noms?
19 M. Draganovic (interprétation): Moi j'ai eu l'occasion de les voir
20 lorsqu'ils se rendaient. Par exemple Prstojevic Dubravko, il était à
21 l'école secondaire avec moi, c'est lui qui avait visité le camp à quelques
22 reprises. Si j'ai bien compris, il était ministre chargé de l'Information
23 au nom du corps. Ensuite il y avait quelques journalistes également qui
24 l'avaient accompagné. Il s'agissait de Prstojevic Dubravko. Ensuite j'ai
25 vu Vlado Slijepcevic qui travaillait à la télévision, il est d'origine de
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1 Bosanska Gradiska, et lui également je le connaissais.
2 Ensuite Stojan Zupljanin a visité le camp et Nenad Balaban, ils étaient
3 ensemble, je les connaissais également, je les connaissais bien.
4 Question: En ce qui concerne Nenad Balaban, qu'est-ce qu'il a fait, quel
5 était le poste qu'il occupait?
6 Réponse: D'après mes connaissances à cette époque-là, je pense qu'il a été
7 chef de sécurité militaire du 1er Corps alors que Zupljanin a été le chef
8 du CSB de Banja Luka. Balaban, je pense, était vêtu en uniforme, alors que
9 Zupljanin était en civil. Ils sont rentrés dans le camp accompagnés du
10 commandant du camp, le colonel Popovic.
11 A cette époque-là, moi je me trouvais dans la cantine, dans ce réfectoire.
12 C'est cette partie qui a été réservée au foin, il y avait une toiture, et
13 comme ils ont visité le camp, j'ai eu l'occasion de les contacter. Je me
14 suis arrêté et j'ai parlé avec eux, les trois se sont arrêtés. Moi j'ai
15 posé la question: "Mais qu'est-ce qui se passe? Pourquoi? Et qu'est-ce qui
16 se passera avec nous?", et on m'a donné la réponse, les deux m'ont
17 répondu.
18 Ensuite j'ai reconnu quelques représentants de la police du CSB de Banja
19 Luka, Mirko Vojnovic qui avait été juriste de formation -avant la guerre,
20 j'étais en bons termes avec lui, un ami avec lui- et puis il y avait
21 quelqu'un qui était avec lui. Ils avaient des grades, haut gradés de la
22 police. Ce sont eux qui ont visité également le camp et j'ai remarqué
23 qu'ils étaient dans l'écurie.
24 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, je vous en prie.
25 M. Ackerman (interprétation): Je n'aime pas interrompre, mais je voudrais
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1 quand même dire ce que je pense avant que la cassette ne soit terminée. Je
2 vois d'ici un bout de papier que le témoin regarde. Il y a les deux pages
3 donc recto-verso, alors que nous, nous n'avons juste qu'une seule page,
4 une copie d'une seule page.
5 C'est la raison pour laquelle je demande qu'on nous donne les deux. Je
6 pense que la Chambre est d'accord sur le fait que nous avons le droit de
7 disposer de tous les documents auxquels se réfère le témoin.
8 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux voir le papier que le
9 témoin regarde et qu'il nous montre?
10 M. Draganovic (interprétation): Voilà, c'est le papier, quand il y avait
11 cette dernière pause. Moi j'ai mis quelques tirets juste pour me rappeler.
12 J'ai marqué par conséquent où se trouvaient les toilettes et les endroits
13 où on a pris la douche, ce que c'est une épidémie, le réveil à 5 heures du
14 matin dans l’étable. Par conséquent, il y a quelques tirets que j'ai
15 rajoutés. Si vous voulez, vous pouvez faire copier ce papier.
16 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Monsieur l'huissier,
17 est-ce que vous voulez m'apporter ce bout de papier?
18 (Intervention de l'huissier.)
19 (Le Président consulte le papier ainsi que les deux autres Juges.)
20 Oui, c'est la même feuille mais selon moi, il est évident que quelques
21 compléments ont été ajoutés au bas de ce qui semble être la première page;
22 et puis de l'autre côté au verso, il y a donc quatre lignes qui, il me
23 semble, ont été écrites avant les trois lignes rajoutées au bas de la
24 première page. En fait, ce qui figure au verso semble y avoir été inscrit
25 avant que vous n'inscriviez ces trois autres lignes au bas de la première
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1 page, est-ce exact?
2 M. Draganovic (interprétation): Je pense avoir rajouté ce qui figure au
3 dos de cette feuille pendant la pause. Alors que je me concentrais pour
4 être sûr de n'omettre aucun détail, j’ai noté cet aide-mémoire.
5 M. le Président (interprétation): Quoi qu'il en soit, faisons des
6 photocopies des deux côtés de la feuille, nous allons restituer cette
7 feuille tout de suite au témoin.
8 M. Ackerman (interprétation): Il avait également indiqué qu'il n'avait
9 aucune objection pour que l'on fasse des photocopies de la deuxième
10 feuille qu'il a dans sa poche.
11 M. le Président (interprétation): Oui, mais je ne vais pas lui demander de
12 produire cette feuille s'il ne va pas y faire allusion.
13 M. Ackerman (interprétation): Vous voyez sur cette première feuille, au
14 bas de cette page, vous voyez qu'il y a une phrase qui n'est pas terminée
15 sur cette feuille.
16 M. le Président (interprétation): Oui, mais il a tout de même dit qu'il
17 n’allait pas faire allusion à cette deuxième page pour se rafraîchir la
18 mémoire.
19 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que vous voudriez bien lui demander
20 s'il a consulté cette deuxième feuille aujourd’hui pour se rafraîchir la
21 mémoire?
22 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez
23 consulté cette deuxième page pour vous rafraîchir la mémoire à un moment
24 quelconque au cours de la déposition?
25 M. Draganovic (interprétation): Non, je n'ai pas regardé cette deuxième
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1 feuille, je n'en avais pas besoin. Ce sont les noms qui m'importaient pour
2 que je ne fasse pas d'erreur et pour expliquer les conditions dans le
3 camp, j'ai simplement noté quelques points qui me paraissaient importants.
4 Mme Fauveau: Monsieur le Président, je respecte entièrement votre
5 décision, je veux toutefois vous informer que moi, je peux lire le contenu
6 de ce document et que ce contenu de document pourrait avoir une très
7 grande importance dans cette affaire.
8 M. le Président (interprétation): Auriez-vous l'obligeance
9 d'expliciter pourquoi ce document pourrait être important?
10 Mme Fauveau: Oui, je veux bien vous expliquer ce que je pense mais pas en
11 présence du témoin.
12 M. le Président (interprétation): Eh bien, veuillez faire une copie de ce
13 document s’il vous plaît. Auriez-vous une objection à ce que nous fassions
14 une photocopie de cette deuxième page?
15 M. Draganovic (interprétation): Je n'ai pas d'objection.
16 M. le Président (interprétation): Pourrions-nous avoir la deuxième feuille
17 également photocopiée?
18 M. Draganovic (interprétation): Pardonnez-moi, accordez-moi juste un
19 instant pour jeter un coup d'œil sur la feuille, pour voir ce qui est
20 écrit.
21 (Le témoin lit sa feuille en question.)
22 (Intervention de l'huissier.)
23 M. le Président (interprétation): Madame Korner, vous pouvez poursuivre en
24 attendant, de toute manière, à moins que vous ne souhaitiez faire une
25 pause maintenant et reprendre ultérieurement.
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1 Mme Korner (interprétation): En fait, j’aimerais tout de même en finir
2 avec les personnes qui ont visité le camp.
3 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons changer la
4 cassette et nous nous arrêterons peu de temps après.
5 (Changement de la cassette.)
6 Veuillez poursuivre.
7 Mme Korner (interprétation): Vous avez parlé du fait que vous aviez vu
8 Zupljanin et Balaban, vous leur avez demandé ce qui allait se passer et
9 ils vont dit qu’ils ont répondu à cette question. Qui au juste a répondu
10 et quelle a été la réponse?
11 M. Draganovic (interprétation): Le témoin Balaban m'a tout d'abord
12 demandé: "Que faites-vous ici? Pourquoi êtes-vous ici?" Cela m'a fait rire
13 d'entendre cette question et je lui ai dit: "Eh bien, c'est vous qui êtes
14 le mieux placé pour savoir pourquoi je suis ici!" Il m'a demandé si
15 d'autres collègues, d'autres juges ou avocats se trouvaient dans le camp.
16 J'ai répondu que Suad Sabic, un avocat s'y trouvait également, un collègue
17 donc, il était dans un autre camp, et puis j'ai demandé à Zupljanin: "Que
18 va-t-il advenir de nous?" Il m'a dit: "Tout se passera bien, vous serez
19 remis en liberté, on ne fera de mal à personne", et Balaban m'a aussi dit
20 vers la fin: "Mieux vaut être ici que dans les tranchées". C'était censé
21 me consoler, et c'est de cela que nous avons parlé.
22 (L'huissier ramène les photocopies et les remet aux Juges.)
23 Question: Y avait-il un homme politique en particulier qui a visité et qui
24 a parcouru toutes les étables?
25 Réponse: Une fois au cours de l'été, mais je ne me souviens pas de la date
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1 exacte, un homme politique est en effet arrivé qui venait de Banja Luka.
2 Je crois qu'il s'agissait de Kupresanin, Vojo Kupresanin qui était
3 représentant du gouvernement de la RAK.
4 (L'huissier donne à la défense les photocopies.)
5 Il était habillé en civil, je crois qu'il portait une cravate. Il a
6 inspecté toutes les étables, mais à l'époque ou à ce moment-là je me
7 trouvais à la cantine. Je me trouvais dans mon étable lorsqu'il l'avait
8 visitée, après je suis reparti pour la cantine et il a continué sa visite
9 des autres étables, et j'ai eu pu entendre ce qu'il disait.
10 Je ne me souviens plus exactement de ce dont il parlait, mais il a dit
11 quelque chose qui suggérait que nous serions bientôt remis en liberté,
12 mais ceux qui avaient versé du sang, qui avaient du sang sur les mains
13 devraient rendre des comptes. J'ai vu certaines personnes applaudire, sans
14 doute pensaient-elles qu'elles seraient effectivement remises en liberté,
15 mais je savais d'ores et déjà que nous ne serions pas libérés, que nous ne
16 pourrions pas rentrer chez nous, et cela m'a rendu malade.
17 Question: Est-ce que qui que ce soit a été libéré du fait de
18 l'intervention d'un homme politique haut placé ou de tout personnage
19 militaire ou autre personnalité éminente?
20 Réponse: J'ai entendu dire que certains particuliers, certains individus
21 avaient été remis en liberté, mais un très petit nombre de personnes. J'ai
22 entendu dire qu'ils avaient versé de l'argent, que les membres de leur
23 famille avaient versé de l'argent afin qu'ils soient libérés, notamment
24 Halilovic, Nijaz Halilovic de Sanski Most.
25 Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, il était commandant en chef de la
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1 Défense territoriale, jusqu'à ce que la Défense territoriale soit
2 démantelée. Il ne s'est pas très trouvé longtemps dans le camp de Manjaca,
3 et je me souviens du jour où il m'a dit qu'il allait quitter le camp.
4 Branko Basara est venu le chercher, et je crois bien que Branko Basara l'a
5 donc emmené, il était commandant de la 6e Brigade de la Krajina, donc en
6 fait Branko Basara était commandant de cette 6e Brigade.
7 Question: Un instant, on voit sur l'écran le nom Pasara avec un P, en fait
8 je crois que vous parlez de Basara avec un B.
9 Réponse: En effet il était commandant de la 6e Brigade de la Krajina, la
10 Brigade Sanska. A Banja Luka dans son appartement Halilovic l'a logé
11 pendant quelques jours, c'est ce qu'il m'a dit après la guerre, et il a pu
12 quitter le pays en passant par Belgrade, par la Serbie. Il est parti en
13 Hongrie parce que son père travaillait à l'étranger et a pu lui donner
14 l'argent nécessaire.
15 Je sais aussi que d'autres individus tels que le docteur Flat (phon) de
16 Kljuc ont été également remis en liberté, et Miralem, je crois qu'il était
17 boulanger, je ne suis pas sûr de son nom de famille au juste, mais
18 quelques autres individus également. J'ai aussi vu le président du
19 tribunal de district Jovo Rosic, président du tribunal du district de
20 Banja Luka. Je l'ai vu, il est venu au camp, il était habillé en civil. Je
21 ne me suis pas montré, je ne vous voulais pas avoir de contact avec lui.
22 Je ne sais pas pourquoi il s'y est rendu au camp de Manjaca.
23 Il était comme je l'ai dit président du tribunal de district de Banja
24 Luka. Je crois qu'il est venu à deux reprises dans le camp, peut-être
25 avait-il des tâches spécifiques à mener à bien. J'ai également vu le juge
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1 du tribunal militaire du 1er Corps.
2 Mme Korner (interprétation): Vous souvenez-vous de son nom?
3 M. Draganovic (interprétation): Un instant, j'ai besoin de me concentrer.
4 Le nom me reviendra tout à l'heure, j'ai aussi Radovan Stanic.
5 M. le Président (interprétation): Si le nom figure sur la liste, vous
6 pouvez vous y référer.
7 Mme Korner (interprétation): Je vous demanderai l'autorisation de lire la
8 liste qu'il a donnée dans sa déclaration, ce serait la solution la plus
9 simple et cela n'est pas contesté.
10 Est-il vrai qu’en fait il y avait deux juges du Tribunal militaire de
11 Banja Luka, d'une part Mirko Adamovic et d’autre part Sveto Davidovic?
12 M. Draganovic (interprétation): Oui, c'est bien cela, c'est à eux que je
13 pensais justement et avant tout je pensais à la première personne que vous
14 avez nommée, Mirko Adamovic né à Sanski Most, et j'ai vu Radovan Stanic
15 également qui était en fait le président du tribunal de Sanski Most. Il
16 était membre de la sécurité publique serbe, il a interrogé les détenus à
17 Sanski Most, ceux qui étaient détenus au commissariat de police à Krings
18 et ailleurs. Et il est allé également à Manjaca pour interroger les
19 détenus.
20 Question: Est-ce que l'un ou l'autre de ces juges a participé à un moment
21 donné à une procédure judiciaire dans le camp pour l'un quelconque des
22 prisonniers? Tout d'abord y a-t-il eu des audiences judiciaires dans le
23 camp auxquelles l'un ou l’autre de ces juges aurait participé?
24 Réponse: A ma connaissance, non il n'y a pas eu de procès mais ils sont
25 sans doute venus pour recevoir des dépositions d'une sorte ou d'une autre
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1 ou des déclarations.
2 Mme Korner (interprétation): Je crois que cela va suffire. Monsieur le
3 Président, vous voudriez peut-être prendre la parole pour expliquer la
4 suite?
5 M. le Président (interprétation): Je pense que vous avez déjà été mise au
6 courant, il y aura maintenant une suspension, une pause pendant laquelle
7 vous allez rentrer chez vous, mais on vous demandera de revenir à La Haye
8 pour continuer votre témoignage. On vous informera au préalable de la date
9 à laquelle on vous demandera de revenir ici, vous recevrez toute l'aide
10 habituelle à cette fin. Cela sera le 13 mai.
11 Mme Korner (interprétation): 13 mai.
12 M. le Président (interprétation): On s'attend normalement à ce que vous
13 poursuiviez votre déposition le 13 mai, Mme Korner poursuivra son
14 interrogatoire principal à la suite duquel les conseils de la défense
15 procéderont au contre-interrogatoire.
16 Je vous remercie vivement d'être venu témoigner devant nous et nous nous
17 retrouverons donc, espérons-le, le 13 mai.
18 Mme Korner (interprétation): C'est sans doute quelque peu superflu mais il
19 est probable, il est tout à fait plausible que le juge Draganovic
20 rencontre d'autres témoins d'ici là quand il sera de retour à Sanski Most
21 ou des témoins potentiels.
22 M. le Président (interprétation): Il n’est guère nécessaire de vous
23 expliquer le fait ou l'importance du fait qu’entre aujourd'hui et le jour
24 de votre retour à La Haye pour terminer votre déposition, que vous ne
25 parliez d'aucune de ces questions sur lesquelles porte votre témoignage,
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1 que vous n'en discutiez avec personne. Je pense qu'en tant que Juge, je
2 n'ai pas besoin de m’appesantir sur ce point. Vous êtes tout à fait
3 conscient de l'importance de ce fait.
4 Vous pouvez donc maintenant escorter le témoin, quitter la salle
5 d'audience et nous nous retrouverons le 7 mai. Je vous souhaite à tous et
6 à toutes un bon week-end.
7 M. Ackerman (interprétation): Je crois que nous allons de nouveau siéger
8 dans la matinée à partir de ce moment-là.
9 M. le Président (interprétation): Oui, je crois qu'au mois de mai toutes
10 les audiences auront lieu dans le courant de la matinée et au mois de
11 juin, nous allons repasser à l'horaire de l'après-midi, il n’y en aura
12 peut-être pas pour tout le mois de juin mais pour la plus grande partie.
13 (Le témoin, M. Adil Draganovic, est reconduit hors du prétoire.)
14 (L'audience est levée à 17 heures 47.)
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