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1 (Vendredi 10 mai 2002.)(Audience publique sur requêtes ouverte à 9 heures 09.)
2 Les accusés sont introduits dans le prétoire. M. le Président : Madame la
3 Greffière, pourriez-vous s'il vous plaît appeler l'affaire? Mme Chen
4 : Oui, Monsieur le Président. C'est l'affaire IT- 99-36-T, le Procureur contre
5 Radoslav Brdanin et Momir Talic. M. le Président: Bonjour Monsieur Brdanin.
6 Pouvez-vous m'entendre dans une langue que vous pouvez comprendre?
7 M. Brdanin : Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les Juges. Je peux vous
8 entendre et vous comprendre. M. le Président: Veuillez vous asseoir. Général
9 Talic, bonjour. Même question: pouvez-vous m'entendre dans une langue que vous
10 pouvez comprendre? M. Talic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président,
11 Mesdames les Juges, je peux vous entendre dans une langue que je comprends.
12 M. le Président : Veuillez vous asseoir. Je pense maintenant que nous allons
13 savoir le nom des membres des équipes. Nous arrêterons après la défense, puis
14 nous irons en huis clos partiel pendant quelques minutes pour discuter, pour
15 énoncer le nom des personnes.Mme Korner : Avant qu'on y vienne, nous avons
16 traité de cela de façon partiellement confidentielle dès l'origine.M. le
17 Président : Oui.Mme Korner : Mais malheureusement c'était sur la BBC ce matin,
18 BBC news. A moins que M. Robertson ou M. Powels veuillent une séance à huis
19 clos partiel, sinon tout ceci peut se dérouler en audience publique.M. le
20 Président : Entendons ce que Me Ackerman et Me Fauveau ont à dire à ce sujet.
21 Personnellement, je ne pense pas qu'il soit approprié d'avoir ce débat en huis
22 clos partiel ou en huis clos complet.Je crois que ce serait une erreur d'aller
23 dans cette direction. Mais même si le nom du journaliste a été mentionné à la
24 BBC ce matin ou à la radio, je continue de penser que s'il y a une demande
25 spécifique de l'équipe de la défense ou du témoin pour que ce nom ne soit pas
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1 mentionné au cours du débat, nous y ferons droit.Mme Korner : Je crois que le
2 point sur lequel on est tous d'accord, c'est l'autre journaliste. Je crois que
3 M. Robertson et moi-même sommes d'accord pour que son nom ne soit pas
4 mentionné.M. le Président : Bien. Merci.M. Ackerman : Monsieur le Président, je
5 pense que nous avons trop de séances à huis clos partiel ou à huis clos total.
6 J'ai le sentiment que ce devrait être une audience totalement publique et je
7 suis d'accord que le nom de l'autre journaliste ne doit pas être révélé.M. le
8 Président : Je vous remercie Maître Ackerman.Mme Fauveau: Nous ne nous opposons
9 pas. Nous voulons que toutes les audiences soient publiques.M. le Président :
10 C'est un vœu qui ne sera jamais réalisé.Donc que les équipes se présentent!
11 Mme Korner : Pour l'accusation, Joanna Korner avec Nikola Koumjian, assistés
12 par de Denise Gustin. Et derrière moi aujourd'hui… M. le Président: Je vois un
13 nouveau visage.Mme Korner : Pourrais-je présenter Colin Black, qui est un
14 stagiaire qui travaille pour nous pour le moment mais qui est pour l'essentiel
15 responsable de tous les travaux qui concernent notre réponse d'aujourd'hui?M.
16 le Président : Madame Korner, je vous remercie.Bonjour.Les membres de l'équipe
17 pour Radoslav Brdanin?12 M. Ackerman : John Ackerman avec Mme Radosavljevic.
18 M. le Président : Je vous remercie Maître Ackerman. Et pour le général Talic?
19 Mme Fauveau: Natasha Fauveau pour le général Talic.M. le Président: Je vous
20 remercie. Et pour le témoin? M. Robertson : Excusez-moi Monsieur le Président,
21 c'est un grand privilège de comparaître devant votre Tribunal.Je commencerai
22 par présenter nos excuses pour notre retard ce matin qui était dû à
23 l'impossibilité de passer les obstacles de la sécurité.Nous sommes évidemment
24 encore novices pour ce système. Je voudrais dire que je représente M. John
25 Randal, et nous n'avons pas d'inquiétude du fait que ceci puisse être entendu
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1 en audience publique, avec M. Steven Powels, M. Mark Stephens et Fiona
2 Campbell? M. le Président: Je vous remercie.1 Mme Korner: Monsieur le
3 Président, après avoir parlé avec M. Robertson, je ne crois pas que cela va
4 nous retarder mais je voudrais dire quelque chose. J'ai reçu personnellement à
5 Londres pour M.Powels copie de l'ensemble de l'argumentation destinée au
6 jugement. Je n'ai pas eu la possibilité de le regarder jusqu'à hier soir à
7 cause de mes engagements et j'ai vu qu'il y avait un certain nombre de cas de
8 jurisprudences qui étaient cités, que je viens seulement de pouvoir me procurer
9 ce matin.Par conséquent, si on doit se fonder sur cette jurisprudence, je serai
10 obligée de vous demander, Monsieur le Président, de nous donner un peu de
11 temps pour les lire. Les affaires dont il est question au paragraphe cité,
12 à partir du paragraphe 30, ce sont des jugements auxquels il est fait
13 référence aux paragraphes 30, 35, 36 et 38.
14 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner. Il y a deux
15 possibilités: l'une est ce que vous demandez, et l'autre possibilité est
16 que nous allions de l'avant comme prévu quoi qu'il en soit. On vous
17 donnera l'occasion si vous le voulez, si vous le demandez, de déposer une
18 note comportant des conclusions écrites sur cette jurisprudence citée.
19 Moi-même, dans le peu de temps que j'ai eu jusqu'à maintenant, j'ai été
20 dans une position pire que la vôtre. J'ai tout reçu, enfin pas tout, une
21 partie de ces documents, très tard hier, et le reste ce matin; ma
22 secrétaire ayant tout gardé sous clef -comme elle le fait toujours. J'ai
23 donc en quelque sorte vu ce que je devais voir, à savoir l'argumentation
24 des conclusions de Me Robertson et votre réponse. Mais je dois dire que
25 votre réponse, je n'ai pu la regarder qu'en diagonal puisqu'elle m'a été
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1 apportée ce matin.
2 Mme Korner (interprétation): Certainement et nous avions besoin d'attendre
3 cela Monsieur le Président. Je sais que vous le savez. Il y avait des
4 projets, en fait, d'argumentation. On nous a dit qu'on aurait l'ensemble
5 de la structure de l'argumentation lorsque je n'étais pas là.
6 M. le Président (interprétation): Je comprends, je ne vous critique pas.
7 Mme Korner (interprétation): Cela a été déposé.
8 M. le Président (interprétation): De toute façon, vous dépendiez de Me
9 Robertson.
10 Mme Korner (interprétation): Comme vous le dites à juste titre, en tout
11 cas il vaut peut-être mieux aller de l'avant, voir comment nous
12 progressons et les choses se développent, et si cela devient nécessaire
13 d'entrer dans la jurisprudence de façon plus détaillée, on le verra.
14 M. le Président (interprétation): Mais une grande partie de la
15 documentation qui nous a été apportée, c'est quelque chose que je connais
16 déjà, dont j'ai eu à traiter. Une de mes affaires d'ailleurs que j'ai eue
17 à terminer à Strasbourg, une des affaires dont j'étais saisi à l'époque,
18 donc c'est un domaine que je connais.
19 Plus tard, si nécessaire, même avant de commencer nos débats et d'aller
20 vers notre décision, la décision de la Chambre, je porterai à votre
21 attention, si c'est nécessaire, d'autres documents auxquels il n'a pas
22 encore été fait référence ici, plus particulièrement en ce qui concerne,
23 Maître Robertson, la position aux Etats-Unis, ce qui fait une distinction
24 entre les juridictions ordinaires et le "grand jury", et en particulier
25 une décision de la Cour suprême des Etats-Unis avec l'opinion concordante
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1 du Juge Powell, si je me souviens bien, qui est tout à fait pertinente
2 dans la présente affaire. En tous les cas, quoi qu'il en soit, commençons…
3 Mme Korner (interprétation): Pourrais-je signaler la deuxième question? Là
4 encore je ne savais pas, à partir du projet, lorsqu'il est question des
5 experts, qu'en fait cela voulait dire que les "solicitors" qui assistaient
6 au nom de M. Randal avaient déjà pris un certain nombre de déclarations de
7 différentes personnes, y compris d'autres journalistes, et ce que les
8 journalistes voulaient.
9 Maintenant, Monsieur le Président, je n'accepte pas la teneur d'un certain
10 nombre de choses qui sont dites là-dedans. Et si on doit se fonder là-
11 dessus au cours des plaidoiries, je vous demanderai de pouvoir y répondre
12 sous forme de contre-interrogatoire.
13 M. le Président (interprétation): Non, je ne pense pas que ce soit le cas
14 de créer des incidents qui pourraient créer un retard dans les
15 plaidoiries. Je pense qu'il vaut mieux justement s'en occuper tout de
16 suite. Nous traitons avec des juristes professionnels.
17 Je vous donne donc la parole Maître Robertson.
18 Je ne vais pas restreindre le débat d'une façon quelconque, ni du point de
19 vue de la durée ou autrement, mais je laisse les choses entre vos mains
20 pour que vous puissiez modeler les choses.
21 M. Robertson (interprétation): Oui, j'ai eu un mot à ce sujet avec Mme
22 Korner et je pense terminer nos plaidoiries ce matin, au plus tard pour 13
23 heures. Pourrais-je traiter d'abord de deux préoccupations et dire que la
24 seule affaire, le seul précédent dans le paragraphe auquel elle se réfère,
25 je ne me fonderai pas directement là-dessus. C'est la décision de Lord
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1 Denning dans le cas cité, l'affaire citée au paragraphe 38, et la chose
2 qui est importante dont elle doit s'occuper est expliquée dans ce
3 paragraphe 38. Il ne sera donc pas nécessaire de lire des précédents.
4 Pour ce qui est des déclarations de témoin, d'après ce que j'ai compris,
5 son propre projet à elle, je comprends qu'il a été modifié, l'accusation
6 accepte le principe ou les principes dont il parle, dont ces décisions
7 parlent. Il ne devrait donc pas être nécessaire d'entrer dans ces
8 déclarations de façon détaillée ou de traiter de questions controversées.
9 Je crois que ceci sera utile pour expliquer pourquoi les journalistes ont
10 ce sentiment et pourquoi une règle adoptée par votre Tribunal pour en
11 quelque sorte les convoquer de façon quasiment automatique pourrait les
12 mettre en danger ou mettre leurs sources en danger.
13 Quant aux déclarations de ce que l'on pourrait appeler les éléments de
14 preuve, c'est une analyse très importante qui a été faite par le Juge
15 Richard Goldstone, le tout premier Procureur de ce Tribunal, qui avait
16 certainement réfléchi à la question de façon très approfondie, et je doute
17 que le Juge Goldstone soit la personne que Mme Korner voudrait contre-
18 interroger. Mais c'est sa déclaration de principe sur laquelle nous nous
19 fondons plus particulièrement, demandons et espérons que le Bureau du
20 Procureur suivra les principes que M. Goldstone avait posés, extrapolés.
21 Pourrais-je d'abord appeler l'attention sur la question plus
22 particulièrement juridique de la requête qui est fondée sur deux bases?
23 Premièrement, la reconnaissance par votre Tribunal de ce que j'appellerais
24 l'intérêt, un privilège ou une protection du journaliste dans l'intérêt
25 public, ce qui peut soulever des problèmes en dehors du domaine étroit des
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1 juristes qui savent que cela ne veut pas exactement dire ce que cela
2 voudrait dire dans d'autres langues. Je voudrais dire d'emblée qu'il
3 s'agit d'un privilège de protection du journaliste nuancé dans l'intérêt
4 public, qui invite les juridictions à ne pas considérer qu'il y a une
5 immunité pour les journalistes, mais qu'ils ont la présomption d'un droit
6 ou un droit de ne pas être forcés de déposer en tant que témoins s'ils ne
7 le souhaitent pas, sauf dans un certain nombre de situations dans
8 lesquelles nous inviterons le Tribunal à définir quelles sont les
9 conditions.
10 Comme Mme Korner le relève dans son projet de conclusion, ceci est la
11 première fois que votre Tribunal est confronté à ce que vous avez noté qui
12 n'est pas inhabituel devant des juridictions nationales et qui a été
13 traité par la Cour européenne des Droits de l'Homme, à savoir la position
14 du journaliste en tant que témoin, position qui est réglée devant la
15 juridiction nationale par rapport à la position qui peut être celle du
16 juriste, de l'assistant social, du religieux, des personnes qui ont une
17 relation spéciale avec l'affaire et pour lesquelles il ne serait peut-être
18 pas approprié de les forcer à déposer. C'est donc cet intérêt public sur
19 lequel nous nous fondons comme étant le fondement de cette protection de
20 ce privilège.
21 Quelle que soit la façon dont on présente les choses, nous voudrions dire
22 que nous demandons au Tribunal, à votre Chambre d'appliquer une
23 présomption selon laquelle, d'après ses pouvoirs inhérents de régler sa
24 procédure, une présomption que les journalistes ne seront pas forcés de
25 déposer en ce qui concerne leur travail dans des zones de guerre, des
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1 zones de conflit, et de façon plus appropriée, à moins que certaines
2 conditions ne soient réunies et il se peut que cette façon de présenter
3 les choses soit plus appropriée, mais ce sera au Tribunal d'apprécier.
4 Mais la base sur laquelle nous demandons soit le privilège de l'intérêt
5 public soit la présomption qui existe en common law, qui a trait et qui a
6 seulement un lien avec le travail du journaliste dans les zones de
7 conflit, à l'évidence des renseignements qui sont pertinents, qui ont été
8 acquis par le journaliste ou en toutes autres qualités devrait être une
9 situation qui serait réglée conformément aux règles qui s'appliquent aux
10 situations ordinaires. Mais là, il s'agit des zones de conflit et c'est la
11 clef en fait de ces arguments. Les raisons pour cela, et à ce que je
12 comprends, je crois qu'il n'y a pas d'objection fondamentale à cela; c'est
13 exposé dans notre requête au paragraphe 11.
14 Les précédents paragraphes sont tout simplement en train de planter le
15 décor. Monsieur Randal que je représente et en fait un journaliste
16 maintenant âgé qui a pris sa retraite, qui travaillait pour le Washington
17 Post et qui a écrit, comme vous le savez, un article en 1993 qui contenait
18 une interview de l'un des défendeurs des accusés. Simplement pour résumer
19 les faits très brièvement, cette interview a été donnée par le défendeur à
20 deux journalistes dont l'un d'entre eux -que j'appellerai M. X-, parlait
21 couramment le serbo-croate et qui avait fait des études à Belgrade, et M.
22 Randal ne parlait pas le serbo-croate et s'est fondé sur l'aide de M. X
23 pour sa traduction.
24 Votre Tribunal a donc l'article qu'il a écrit. La Chambre a un exemplaire
25 de la déclaration du témoin que M. Randal a faite volontairement lorsqu'il
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1 a été contacté par le Bureau du Procureur et qui dit clairement qu'il ne
2 peut pas faire plus que de rapporter du ouï-dire quant à la conversation
3 qu'il a eue avec le défendeur de l'accusé. Naturellement, il peut parler
4 de l'attitude du défendeur lors de cette interview. Il peut bien entendu
5 parler de la réputation de M. X comme sachant couramment le serbo-croate,
6 donc on ne dira pas et je ne soutiens pas qu'il ne puisse pas déposer du
7 tout devant le Tribunal.
8 Ces deux questions peuvent présenter un certain intérêt pour Tribunal. En
9 fin de compte, je demanderai à votre Chambre de définir quelle est la
10 pertinence par rapport à ce que la cour connaît déjà de par l'article et
11 de la déclaration du témoin, pour voir ce qui est vraiment significatif;
12 si ce n'est pas suffisant, par rapport à un article du Règlement qui
13 obligerait ce témoin à déposer.
14 Autre question dont M. Randal traite dans sa déclaration de témoin, qui
15 est connexe directement à la question de l'intérêt public -je le donne à
16 titre d'exemple seulement-, il dit qu'après que son article a été publié,
17 il a été systématiquement évité par le défendeur. Et ceci est un exemple,
18 je crois, de ce qui se passera si systématiquement il est possible
19 d'obliger des journalistes à déposer contre ceux qui auraient pu leur
20 donner accès à des informations dans des zones de guerre ou des interviews
21 par rapport à ce qui peut très bien être des crimes de guerre.
22 Si on peut systématiquement les obliger à venir déposer, alors, à
23 l'avenir, ils risquent de ne plus pouvoir obtenir des informations dans un
24 conflit qui, comme celui-ci, s'est poursuivi sur plusieurs années. Ils ne
25 pourront plus avoir des interviews, ils n'auront plus la possibilité de
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1 passer, de se rendre dans certains endroits, ils n'auront pas le droit
2 d'entrer dans des zones où ils pourraient observer par exemple des crimes
3 de guerre. En bref, la quantité d'informations qu'ils pourront produire
4 commencera à se tarir.
5 J'emploie ces termes parce que c'est la terminologie employée par la Cour
6 européenne des Droits de l'Homme, parce que sauf les cas où des
7 journalistes, dans une situation locale, avaient une protection contre la
8 possibilité d'être obligés de témoigner pour ce qui est de protéger leurs
9 sources. Je voudrais dire que, d'après les faits de l'espèce, il n'y a pas
10 de sources confidentielles qui soient mêlées, qui soient en cause. Mais,
11 lorsque des journalistes sont obligés à déposer par rapport à ce qu'ils
12 ont vu dans des zones de guerre ou des zones de combat, il pourrait se
13 produire que leurs sources confidentielles soient exposées, par exemple
14 lors d'un contre-interrogatoire ou en donnant accès à la défense à leur
15 carnet, leur journal. Donc, la question de confidentialité, si elle n'est
16 pas essentielle pour les faits de la présente espèce, est un élément qu'il
17 faut garder à l'esprit comme étant l'un des nombreux dangers, l'une des
18 questions qui sont contraires à l'intérêt public et qui pourraient se
19 poser si les journalistes peuvent être systématiquement obligés à déposer.
20 Au paragraphe 11, nous disons que, ayant noté que le pouvoir de convoquer
21 sous astreinte n'est pas absolu, il faut évidemment tenir compte du
22 privilège de l'intérêt public reconnu. Il y a, bien sûr, dans l'affaire
23 Simic le jugement qui a donné une protection très ferme par exemple aux
24 collaborateurs de la Croix-Rouge. Nous disons à partir de cette
25 jurisprudence qu'un fonctionnaire de la Croix-Rouge aujourd'hui, un autre
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1 travailleur de "Care" ou de "Christian" ou un collaborateur d'une ONG,
2 devrait avoir l'avantage ou aurait la possibilité, selon la règle
3 concernant la Croix-Rouge, de bénéficier d'une présomption contre la
4 possibilité d'être obligé de déposer si cet intérêt public était en jeu.
5 Nous disons qu'il y a une autre catégorie, à savoir la catégorie des
6 journalistes qui devraient être autorisés -disons qu'il y ait une forte
7 présomption en ce sens- à ne pas être obligés de témoigner de façon
8 obligatoire. Cette présomption ne peut être renversée que si l'accusation
9 peut définir un critère qui montrerait que l'intérêt public est ailleurs
10 et qu'il y a nécessité, que les nécessités de la Justice sont telles,
11 qu'il faut que ce journaliste dépose, et de l'autre côté l'intérêt du
12 public qui serait que les journalistes ne puissent pas être obligés, parce
13 que ceci risquerait de tarir les sources d'information dans les conflits
14 et, dans certains cas, risquerait de mettre la vie des journalistes en
15 danger, pour ne pas parler de celles de leurs sources.
16 Mais le critère, que nous citons, qui permettrait d'équilibrer les besoins
17 de l'une ou l'autre thèse, se trouve dans le jugement rendu par le Juge
18 Hunt dans l'arrêt rendu dans l'affaire Simic. Où il dit que le principe
19 essentiel dans le droit international coutumier, sur lequel nous nous
20 fondons, est fourni à l'article 19 de la Déclaration universelle: le droit
21 à la liberté de communication. Et, nous nous fonderons à nouveau sur
22 l'affaire Goodwin, qui se fondait sur l'article 10 de la Convention
23 européenne, pour démontrer que ce n'est pas seulement un droit direct de
24 la presse de rendre compte au public. C'est aussi ce que la Cour
25 européenne, dans un très grand nombre de décisions, appelle "le rôle du
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1 chien de garde des journalistes", pour ce qui est de dénoncer des crimes
2 et autres faits dommageables.
3 Ce que nous disons, c'est qu'on peut extrapoler à partir de ces traités ou
4 conventions sur les Droits de l'Homme à peu près universels qui exigent
5 que les juridictions tiennent compte du droit de la liberté d'expression.
6 Et, que le rôle de "chien de garde" du journaliste est plus
7 particulièrement important et nécessite une protection particulière, plus
8 particulière lorsque le journaliste couvre les situations de guerre ou de
9 conflit parce que dans de telles situations, vous le verrez dans les
10 documents, il y a eu des centaines de décès de journalistes. Quelque 700
11 journalistes ont trouvé la mort dans des zones de conflit au cours des 10
12 dernières années.
13 D'ailleurs, de nombreuses semaines pour le conflit d'Afghanistan ont vu le
14 décès de journalistes, en plus de soldats des Etats-Unis. Il y a eu
15 davantage de mort de journalistes que de mort de soldats américains. Donc,
16 c'est une question qui nous préoccupe vivement et nous voudrions inviter
17 le Tribunal à se prononcer, pour la première fois, sur cette question
18 difficile mais importante, en tirant ses bases sur les caractéristiques
19 universelles du jus cogens.
20 Au paragraphe 12, nous énonçons l'intérêt public sur lequel nous nous
21 fondons. Nous parlons du fait que les privilèges accordés aux médias, en
22 zone de conflit, servent à permettre la diffusion d'informations très
23 essentielles au monde entier concernant donc ce qui se passe dans les
24 conflits internationaux, d'attirer l'attention du monde entier sur la
25 commission de crimes de guerre. Et cela a été confirmé par le Juge
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1 Goldstone et j'imagine que l'accusation ne contesterait pas cela. Il
2 s'agit d'un fait.
3 En deuxième lieu, nous affirmons que les journalistes, par leur travail,
4 fournissent des éléments de preuve à l'accusation, au Procureur qui
5 permettent d'arrêter les criminels de guerre. La règle que nous souhaitons
6 donc voir adopter n'exclurait pas la presse de la procédure de poursuite
7 en justice. Les journalistes jouent un rôle essentiel pour ce qui est de
8 révéler des informations au public, et sur la base de ces informations,
9 les Procureurs peuvent intenter des poursuites. Il arrive souvent que les
10 journalistes parlent à l'accusation et à la défense, mais de façon
11 officieuse. Nous ne prétendons donc pas qu'il faudrait exclure les
12 documents des journalistes, qu'ils ne soient pas accessibles à
13 l'accusation ou à la défense. On peut donc très bien se fonder sur de tels
14 documents, mais cela ne devrait pas prendre la forme, sauf dans des cas
15 exceptionnels, d'une obligation de témoigner contre son gré.
16 Par ailleurs, deuxième principe. Le Juge Goldstone a énoncé très
17 clairement que ce Tribunal n'existerait même pas s'il n'avait pas eu dans
18 les médias, sur CNN, etc., des émissions de presse concernant le conflit
19 en ex-Yougoslavie, et que le public ne pourra bénéficier de telles
20 émissions que si les journalistes ont le droit d'entrer dans les zones de
21 guerre, d'obtenir des entretiens avec des personnes, des hauts
22 responsables, des commandants. Tout cela ne peut donc se poursuivre que si
23 les journalistes ont accès aux opérations militaires, à des endroits où
24 ils peuvent observer ce qui se passe et avoir des entretiens avec de hauts
25 responsables.
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1 Voilà les deux principes sur lesquels nous sommes d'accord, je pense.
2 En troisième lieu, et c'est là où les choses deviennent plus épineuses, si
3 les journalistes sont contraints à témoigner devant des tribunaux pénaux
4 internationaux contre ceux qu'ils ont pu observer ou avec qui ils ont pu
5 avoir des entretiens, eh bien cela va forcément limiter leurs possibilités
6 de ce faire à l'avenir. Cela aura pour conséquence que, dans le cadre d'un
7 conflit, les parties au conflit vont être méfiantes à leur égard, ils
8 seront donc exclus, ou bien peut-être qu'ils seront confrontés à des
9 dangers s'ils réussissent quand même à s'introduire.
10 Les possibilités qu'auraient donc les journalistes d'observer ce qui se
11 passe sur le terrain, notamment en cas de crime de guerre, seront
12 compromises. D'ailleurs, de façon générale, la simple présence d'un
13 observateur ou d'un journaliste est très dissuasive pour ce qui est de
14 commettre des crimes de guerre. Il est évident que les armées, les parties
15 au conflit font plus attention, prennent plus de précautions dans leur
16 manière de traiter les civils s'il y a des journalistes sur place qui les
17 observent. Même si l'accusation n'est donc pas entièrement d'accord avec
18 nous, il nous semble que c'est quelque chose de tout à fait évident.
19 En quatrième lieu, nous estimons que les journalistes seront exposés à
20 bien plus de dangers à l'avenir s'ils pourraient être astreints à
21 témoigner. Ce n'est pas parce que les journalistes ont peur d'entrer dans
22 les zones de guerre. Bien au contraire, comme on le voit sur la base des
23 déclarations, les journalistes ont un courage exceptionnel et doivent
24 parfois se montrer très rusés pour parvenir à accéder aux zones de guerre.
25 Mais c'est ainsi qu'ils voient leur devoir.
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1 Cela dit, cette Chambre va rendre une décision qui aura force de
2 précédent, un précédent très important qui s'imposera aux parties au
3 conflit, au Conseil de sécurité et ainsi de suite, et s'appliquera à
4 d'autres défendeurs dans le monde entier.
5 Mais il s'agit en l'espèce d'un Tribunal ad hoc, qui a été créé dans le
6 cadre d'un conflit particulier qui était en cours. Eh bien, lorsqu'on a un
7 conflit qui dure pendant 8 ans, et si au bout de trois ou quatre ans le
8 Tribunal commence à obliger des journalistes à témoigner, on peut très
9 bien imaginer que dans la cinquième année, donc au beau milieu de la
10 guerre, le rôle du journaliste deviendra très difficile et il sera exposé
11 à de graves dangers, ou tout simplement les journalistes seront exclus,
12 seront tenus à l'écart, et, comme je l'ai dit, ainsi les informations
13 accessibles au public vont se tarir.
14 Il faut garder à l'esprit l'importance de tenter d'éviter de tels risques
15 pour l'avenir. Le Tribunal devrait donc en tenir compte et il se peut que
16 les journalistes soient alors exposés à des dangers physiques pour leur
17 intégrité corporelle. Et il va sans dire que les personnes avec qui les
18 journalistes pourraient s'entretenir seraient aussi exposées à de graves
19 dangers dans les zones de conflit.
20 Il s'ensuit de tout cela un cinquième principe: le principe de pouvoir
21 contraindre des journalistes à témoigner voudrait dire que les
22 informations qui pourraient être communiquées par les reporters auraient
23 une moindre valeur, y compris des informations concernant des crimes
24 possibles ou présumés contre l'humanité.
25 Donc pour pouvoir éviter de telles conséquences néfastes, nous affirmons
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1 que des tribunaux comme ce Tribunal devraient accorder aux journalistes un
2 privilège qui se fonde sur l'intérêt public, donc le privilège de ne pas
3 être contraint à témoigner, ou alors partir du principe d'adopter une
4 présomption, c'est-à-dire que lorsque l'accusation ou la défense cherche à
5 citer, à comparaître un journaliste, le journaliste ne devrait pas en
6 principe être contraint à témoigner.
7 Cela dit, de nombreux journalistes témoignent de leur plein gré. De
8 nombreux journalistes ont déjà témoigné de leur plein gré à maintes
9 reprises dans des affaires qui ont été jugées ou entendues par ce
10 Tribunal. Nous n'affirmons donc pas, comme cela a été le cas pour la
11 Croix-Rouge, qu'aucun journaliste ne devrait témoigner. Il y aura toujours
12 des journalistes qui se sentiront obligés, sentiront qu'il est de leur
13 devoir de venir témoigner sans être contraints à ce faire. Nous ne
14 cherchons donc pas à changer cela, et certainement M. Randal ne
15 souhaiterait pas ce faire.
16 Pour en arriver au paragraphe 13. (1), il y a donc la situation dans
17 laquelle un journaliste dit "très bien, j'ai décidé que je vais témoigner"
18 et veut bien témoigner, mais souhaite le faire en étant cité à
19 comparaître. Si le journaliste indique donc clairement qu'il renonce à son
20 privilège -si privilège il y a- ou s'il n'insiste pas sur l'application de
21 la présomption -si présomption il y a-, mais qu'il souhaite témoigner en
22 étant cité à comparaître, manifestement il n'y a là aucune difficulté. Il
23 suffit que le Tribunal cite le journaliste à comparaître dans la mesure où
24 ses éléments de preuve sont pertinents.
25 Mais ce qui est essentiel, c'est notre paragraphe 13. (2).
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1 Le passage-clé, c'est donc… Oui, le chiffre 2.
2 Lorsque le Tribunal est convaincu que le journaliste récalcitrant, s'il
3 est contraint à témoigner, aura des éléments de preuve recevables, donc
4 des moyens de preuves qui sont d'une importance essentielle pour établir
5 la culpabilité ou l'innocence du défendeur, on peut formuler cela de
6 différentes façons. "Importance essentielle" n'est peut-être pas la
7 meilleure manière de formuler cela, mais il y a en tout cas différentes
8 manières d'établir que les éléments de preuve sont d'une importance
9 fondamentale soit pour disculper l'accusé soit pour démontrer sa
10 culpabilité.
11 Le premier obstacle que l'accusation doit donc surmonter en demandant
12 qu'une personne soit contrainte à témoigner, c'est d'établir devant le
13 Tribunal que les éléments de preuve que pourrait fournir ce journaliste,
14 sont d'une importance fondamentale.
15 Ensuite, deuxième point. Bon, ce n'est pas le cas en fait en l'espèce
16 parce que les quelques éléments que M. Randal pourrait ajouter, figurent
17 déjà dans sa déclaration ou alors ne sont vraiment pas d'une grande
18 importance, mais, bon, le deuxième point, il appartient bien sûr à la
19 Chambre d'en évaluer l'importance, j'imagine que tout Procureur, comme
20 tout conseil de la défense, estime que les éléments de preuve qu'il
21 recherche sont d'une importance primordiale, mais ce n'est pas toujours le
22 cas, donc il appartient à la Chambre, au Tribunal, d'apprécier cela.
23 Ensuite, le deuxième critère que l'on retrouve tant en droit américain
24 qu'en droit anglais, eh bien, c'est que le Tribunal doit être convaincu
25 que la seule manière d'obtenir ces moyens de preuve, ces éléments de
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1 preuve, c'est d'obtenir le témoignage de ce témoin en particulier. La
2 partie qui demande donc la citation à comparaître doit démontrer qu'elle
3 ne peut pas obtenir ces moyens de preuve d'une autre façon.
4 En l'espèce, l'accusation n'a pas pu établir cela puisqu'ils ont en fait
5 ces éléments de preuve par ouï-dire, ils ont la déclaration du
6 journaliste, mais de toute manière M. X, donc le journaliste qu'ils ne
7 cherchent pas à contraindre à comparaître, est la personne qui pourrait
8 donner ces preuves de façon directe. Mais en fait c'est le principe qui
9 compte plus que les faits de l'espèce, et le principe veut que l'on ne
10 puisse contraindre un journaliste à témoigner que s'il est impossible de
11 recueillir les mêmes preuves par un autre biais.
12 Enfin, troisième principe. Le fait de témoigner n'obligera pas le
13 journaliste à enfreindre une obligation de confidentialité qui pèse sur
14 lui. Bon, ce n'est peut-être pas tout à fait pertinent ici, cela relève
15 d'une règle distincte qui découle de Goodwin, mais cela traduit tout de
16 même la jurisprudence de la Cour européenne et de Goodwin en particulier,
17 parce que s'il y a une obligation de confidentialité en cause, le Tribunal
18 ne devrait pas obliger le journaliste à y porter atteinte.
19 En quatrième lieu, donc le point (d), que son témoignage ne l'exposera ni
20 lui ni sa famille, ni d'ailleurs ses sources, à un danger personnel, et
21 aussi que ce témoignage ne mettra pas en cause, ne compromettra pas
22 inutilement l'efficacité du travail et la sécurité d'autres journalistes
23 qui font des reportages dans les zones de conflit.
24 C'est une question qui est pertinente en l'espèce. Il s'agit ici d'un
25 journaliste qui est à la retraite, ce n'est donc pas tout à fait la même
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1 chose qu'un journaliste qui voudrait continuer à faire des reportages en
2 situation de guerre, mais il s'agit du principe qui est important. Même si
3 les moyens de preuve sont donc essentiels et très pertinents, le
4 journaliste ne devrait pas être contraint à témoigner s'il s'expose ainsi
5 de façon plausible à des dangers pour lui-même ou pour sa famille ou qui
6 menaceraient ses sources.
7 Nous pensons donc que c'est la règle qui devrait être adoptée soit pour
8 protéger l'intérêt public, donc en accordant un privilège fondé sur
9 l'intérêt public ou alors du moins sur la base d'une présomption.
10 Voilà donc les fondements juridiques de nos conclusions.
11 Mais j'aimerais vous renvoyer tout d'abord à la déclaration de M.
12 Goldstone. J'aimerais résumer cela -je crois que vous l'avez aussi sous
13 les yeux-, c'est tout à fait important parce que le Washington Post est un
14 journal qui est bien connu pour avoir fait la lumière sur toute sorte
15 d'actes illicites.
16 On y voit donc à l'intercalaire 2, les fondements sur lesquels le journal
17 a apporté son soutien à un journaliste et a donc adopté sa déclaration, et
18 on y lit: "Le Washington Post a longtemps maintenu le principe selon
19 lequel..."
20 M. le Président (interprétation): Simplement, est-ce que vous voudriez
21 bien ralentir quelque peu à la demande des interprètes qui ont de la peine
22 à vous suivre?
23 M. Robertson (interprétation): Très bien. Au troisième paragraphe, il
24 s'agit donc d'une déclaration de politique générale de la part de la
25 maison d'édition:
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1 "Nous sommes tout à fait conscients de l'importance de ce Tribunal et de
2 ce procès. Nous reconnaissons également l'importance de recueillir des
3 éléments de preuve pour pouvoir traduire en justice des criminels de
4 guerre présumés. Les journalistes, aux Etats-Unis, ont l'habitude de
5 témoigner dans le cadre de procédures juridiques, mais non en ce qui
6 concerne la manière dont ils ont réuni des informations. C'est une
7 question distincte, qui n'est pas dans l'intérêt public, en tout cas à
8 long terme".
9 Il explique pourquoi de telles citations à comparaître menacent la libre
10 diffusion d'information, compromettent l'attitude des journalistes à faire
11 leur travail, "la contrainte compromet notre aptitude à couvrir dans toute
12 la mesure du possible des questions qui sont controversées". Ils
13 s'opposent donc à de telles citations à comparaître, non pas parce qu'ils
14 estiment que la presse a un droit à se voir accorder des privilèges
15 particuliers, mais parce qu'une telle coercition à l'égard des reporters
16 compromet la fonction même de l'information qui est un des piliers de la
17 démocratie.
18 Ces préoccupations sont particulièrement importantes dans le contexte de
19 la guerre, de reportage en temps de guerre parce que des reporters qui
20 témoignent risquent d'être perçus comme des sources potentielles ou comme
21 des alliés du système judiciaire ou du gouvernement, et donc ils seront
22 perçus comme manquant d'indépendance, et cela mettra en péril leur
23 aptitude à obtenir des informations.
24 En 1993, s'ils avaient su que l'un ou l'autre témoignerait contre lui -et
25 là pour en venir à autre chose pour un instant, l'accusation maintient que
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1 cette requête n'a rien à voir avec des sources confidentielles-, mais
2 imaginer ce que pourraient penser ces sources si elles mettaient leur vie
3 en péril pour parler à un journaliste, pour lui raconter ce qui se passait
4 en zone de conflit. Par exemple si un des membres des SS avait mis sa vie
5 en péril pour dire, pour raconter à des journalistes ou à des prêtres
6 catholiques se qui se passait réellement dans les camps de concentration.
7 S'ils se rendent donc compte que devant ce Tribunal ou devant tout autre
8 Tribunal international, un journaliste dont la confidentialité est
9 essentielle pour leur sécurité, eh bien si ce journaliste est contraint à
10 témoigner sur ce qui se passait dans le pays à l'époque où ils ont discuté
11 avec lui, eh bien imaginez la peur que cela susciterait chez ces sources
12 et l'angoisse qu'ils ressentiraient, la peur pour leur propre vie, dans
13 une situation où l'homme auquel ils ont fait confiance, auquel ils ont
14 confié leur vie, est contraint à donner des informations fondamentales, si
15 ces personnes sont contraintes à révéler le contenu de leurs cahiers et à
16 répondre à des questions des jours durant.
17 Il faut à tout prix éviter ce genre de situation, non pas à tout prix mais
18 du moins si la condamnation ou l'acquittement de l'accusé n'est pas en
19 jeu. Même si les sources confidentielles ne font pas l'objet de cette
20 requête, il faut en tenir compte. La protection de telle source relève de
21 l'intérêt public dont nous parlons, que nous faisons valoir.
22 Puis M. Johns continue: "Si les reporters du Washington Post se font
23 connaître comme étant des témoins potentiels, leur sécurité sera mise en
24 péril et il faut bien reconnaître que de nombreux journalistes ont perdu,
25 sont morts dans des zones de conflit en raison du fait que des forces
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1 armées ou paramilitaires contestaient leur travail."
2 Voilà donc la déclaration faite par l'éditeur selon laquelle les
3 journalistes et les organisations qui les représentent ont une opinion
4 très tranchée à ce sujet. Puis on voit, à l'intercalaire 3, la déclaration
5 faite par la Fédération internationale des journalistes. Le dernier
6 paragraphe, sur cette page, résume bien tout cela.
7 "La possibilité d'exercer une intimidation serait énormément accrue s'il
8 devient pratique courante de contraindre des journalistes à témoigner sur
9 ce qu'ils ont observé dans le cadre de leur travail. Et, cela rendrait
10 leur situation beaucoup plus dangereuse si leur statut d'observateur
11 indépendant -un statut tout à fait similaire à celui dont bénéficient les
12 organisations humanitaires, les collaborateurs de la Croix-Rouge- eh bien,
13 si cette indépendance était mise en cause."
14 Je vais soumettre au Tribunal les Conventions de Genève qui, en 1949 déjà,
15 offraient une telle protection ou une protection en tout cas aux
16 journalistes dans les zones de combat, en préconisant que leur neutralité
17 soit respectée par les parties au conflit.
18 Voilà donc la position des organisations représentant les journalistes.
19 Puis, vous trouverez la déclaration de M. Phillip Knightley, qui est un
20 des journalistes les plus réputés, dont le livre consacré aux
21 correspondants de guerre est bien connu, livre qui est loin d'être exempt
22 de toute critique comme vous le voyez sur la base du titre: "La première
23 victime: le correspondant de guerre, héros, faiseur de propagande,
24 créateur de mythes de la Crimée au Kosovo.".
25 Donc M. Knightley n'a pas pour objectif de féliciter uniquement les
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1 membres de sa propre profession, mais au paragraphe 6, il insiste sur le
2 fait que: "De toute façon les correspondants de guerre doivent subir
3 l'hostilité de toutes les parties au conflit. De façon générale, les
4 forces armées voient les médias comme une menace et aimeraient pouvoir
5 continuer à poursuivre leur victoire sans être observées par des
6 correspondants de guerre." Il parle donc beaucoup de l'immense
7 responsabilité qui pèse sur les épaules des correspondants de guerre.
8 Puis, au paragraphe 10, il dit: "Afin de pouvoir travailler correctement,
9 les correspondants doivent être considérés, par toutes les parties, comme
10 objectifs et indépendants, comme étant des personnes de confiance qui
11 n'ont qu'un objectif, de faire état de la vérité.".
12 Alors, donc, obliger une telle personne à témoigner devant un Tribunal
13 pénal, consacré aux crimes de guerre, reviendrait à ce que personne, à
14 l'avenir, ne soit d'accord pour leur accorder un entretien. Donc leur
15 source se tarirait. D'ailleurs, leur carrière, en tant que correspondants
16 de guerre, serait finie, et on pourrait les soupçonner de ne pas être
17 impartiaux.
18 Puis, au paragraphe 13, il se réfère au séminaire de la Croix-Rouge sur
19 les correspondants de guerre, les dangers qu'il y a à les astreindre à
20 comparaître.
21 Puis, au paragraphe 14: "J'estime que tout journaliste qui témoigne par la
22 suite devant un Tribunal de guerre pourrait être considéré comme un
23 participant ou une source qui, en fait, utilisait la profession de
24 journaliste comme prétexte, alors que son véritable rôle était de
25 recueillir des éléments de preuve concernant des crimes de guerre. Les
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1 journalistes doivent donc bénéficier de cette indépendance pour pouvoir
2 travailler correctement et ne doivent pas être conçus comme étant
3 simplement un allié de l'accusation. Les journalistes sont des
4 journalistes et non pas des policiers.".
5 Puis, au paragraphe 5, nous avons la déclaration de M. Gutman qui est
6 correspondant, qui a publié un guide destiné aux journalistes qui couvrent
7 les zones de guerre. Ce guide comporte une introduction écrite par Richard
8 Goldstone, n'est-ce pas le juge qui était le premier Procureur principal?
9 J'aimerais donc maintenant attirer votre attention sur l'opinion exprimée
10 par M. Goldstone, le juge Goldstone que l'on trouve à l'intercalaire 6
11 dans sa préface au livre de M. Gutman. Et, comme je l'ai dit, ce livre a
12 pour objectif de donner aux journalistes des informations, quelques
13 enseignements concernant les crimes contre l'humanité et l'importance de
14 tels tribunaux.
15 Au deuxième paragraphe de la première page, il est donc écrit: "Peut-être
16 que l'exemple le plus dramatique de l'impact des reportages de guerre, de
17 l'impact que peuvent avoir des reportages sur la guerre, eh bien, c'est la
18 constitution ou l'institution de ce Tribunal. Des rapports écrits et
19 audiovisuels concernant le sort des victimes consacrées à la purification
20 ethnique en Bosnie, le rapport de M. Randal notamment et d'autres comme
21 lui, eh bien, ce sont tous ces reportages qui ont incité le Conseil de
22 sécurité à instituer ce Tribunal, c'est-à-dire à prendre des mesures tout
23 à fait inédites, sans précédent.".
24 Dernière phrase de ce paragraphe: "Il ne fait aucun doute que ce sont les
25 médias, la couverture médiatique, qui ont incité le Conseil de sécurité à
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1 prendre une telle décision.".
2 Puis, au prochain paragraphe, il reconnaît que lors de sa première année
3 en tant que Procureur, il a passé un temps considérable à expliquer aux
4 journalistes l'importance du Tribunal.
5 Puis, à la page suivante, il écrit: "La communauté internationale est en
6 voie de créer une institution qui n'a aucun précédent et nous devons en
7 tirer certaines leçons.". Il parle du défi que représentent de tels
8 reportages en temps de conflits du fait que le public ne comprend pas bien
9 le droit humanitaire. Mais il ajoute: "Les relations entre les
10 correspondants de guerre et les tribunaux internationaux ont déjà créé
11 toute une série de tensions et nous voyons qu'il faut, afin de dissiper
12 ces tensions, afin de les atténuer, adopter certaines règles." Et il
13 continue -je cite-: "Alors que de tels tribunaux internationaux sont
14 institués, les journalistes doivent se voir accorder d'autres mandats, les
15 deux fonctions doivent rester bien distinctes." Et en fait, il reprend la
16 déclaration de M. Knightley: "Il est important que les journalistes, les
17 reporters conservent leur fonction de journalistes, qu'ils révèlent des
18 faits, qu'ils rédigent des articles, et tout cela à l'intention du grand
19 public."
20 Ensuite, il parle des dangers dans lesquels se trouvent les journalistes,
21 des risques également auxquels ils sont exposés. Il s'agit par conséquent
22 de quatre lignes par rapport au haut de la page -je cite-: "Il y a encore
23 davantage de besoins pour protéger les journalistes."
24 Dans un paragraphe suivant, celui qui est très important, il s'agit des
25 deux paragraphes en effet sur lesquels nous nous référons -je cite-: "Si
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1 le rôle des reporters était étendu, à ce moment-là faudrait-il que ce rôle
2 soit donc étendu à la participation au procès du Tribunal? C'est une
3 question bien évidemment qui n'est pas couverte par les conventions. Il
4 est vrai également que les journalistes ne sont pas des témoins pour
5 déposer. Faut-il qu'en déposant ils parlent des charniers qui ont été
6 découverts ou ce qu'ils ont entendu par un certain nombre de commandants?"
7 C'est la raison pour laquelle les ouvriers également, par exemple, de la
8 Croix-Rouge et d'autres organisations internationales devraient plutôt ne
9 pas y être engagés, et pour ne pas compromettre leur propre sécurité.
10 C'est la raison pour laquelle, moi, je voudrais appuyer une décision
11 concernant la protection des journalistes qui ne devraient pas déposer
12 contre leur propre gré; ce qui éventuellement pourrait mettre en danger
13 leur propre personnalité ou leurs collègues par la suite. Je pense
14 également à tous les employés de la Croix-Rouge ou des organisations
15 humanitaires; nous en avons déjà entendu parler lors du procès de Simic.
16 Par la suite, il ne faudrait pas contraindre non plus toutes ces personnes
17 à témoigner. Ceci réduit la possibilité d'agir sur le terrain pour ces
18 personnes, bien évidemment. C'est la raison pour laquelle nous nous
19 fondons sur tous ces éléments. Je pense que nous avons également bien
20 expliqué tous ces éléments de manière raisonnable mais de manière ferme
21 également; comme on peut s'y s'attendre, quand il s'agit du Juge Goldstone
22 qui a beaucoup parlé à ce sujet, il n'a pas défini un certain nombre de
23 critères. Il a tout simplement considéré qu'il n'est pas indispensable que
24 de demander une immunité absolue, mais qu'il est possible quand même de
25 formuler un certain nombre de critères, et ceci, dans le sens dans lequel
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1 nous avons déjà proposé.
2 Par la suite, nous avons également des déclarations de témoins. Je pense
3 que je ne vais pas avoir besoin, excusez-moi, de vous citer le document.
4 Excusez-moi, là, je vois qu'il s'agit donc de l'intercalaire 9 où on parle
5 des Conventions de Genève et de la protection en vertu des Conventions de
6 Genève. Bien évidemment, ceci a été rédigé en 1949, mais il y avait une
7 autre également de 1977. Il s'agit par conséquent des mesures de
8 protection des journalistes -je cite-: "Le danger de cette profession nous
9 conduit à dire qu'il est indispensable de les considérer comme des civils,
10 sauf s'ils avaient éventuellement mis en question un tel statut."
11 Selon les Conventions de Genève, les journalistes bénéficient du droit
12 d'être accrédités d'un côté ou de l'autre, donc ils bénéficient d'un
13 statut neutre en tant que civils, et il est indispensable qu'on se
14 comporte vis-à-vis d'eux comme vis-à-vis des civils, et ceci, en vertu des
15 Conventions de Genève car, en effet, on n'a pas considéré qu'ils étaient
16 participants, qu'ils étaient des membres donc volontaires des forces
17 auprès desquelles ils ont été accrédités; sauf s'ils entreprennent un
18 certain nombre de démarches, comme ceci d'ailleurs a été le cas dans un
19 certain nombre de cas de journalistes où ils ont été d'ailleurs condamnés
20 et sanctionnés et où ils sont devenus par exemple une machine de
21 propagande d'un côté; donc ils se sont opposés à ce qui a été rédigé dans
22 les Conventions de Genève.
23 Par conséquent, les Conventions de Genève reconnaissent l'importance de
24 protéger des journalistes, des correspondants de guerre, et c'est le
25 fondement même, la base pour élaborer des critères dans le cadre du droit
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1 coutumier international.
2 Sous le 11, vous allez voir également quelle est la position de la Cour
3 européenne au sujet de la protection des sources et, sur ce plan-là, il
4 s'agit en partie du résultat de la décision Goodwin.
5 Sous l'intercalaire 12, nous avons la recommandation qui a été adressée au
6 comité des ministres, selon laquelle les journalistes ne devraient pas
7 être contraints de communiquer les sources de leurs informations.
8 Au paragraphe 3, on parle du dossier Goodwin.
9 Au n°5, il est cité que toute communication des sources d'information
10 pourrait éventuellement mettre en danger les journalistes pour leurs
11 activités à l'avenir, pour propager les informations. Dans le cas concret,
12 nous pourrions donc dire que cela pourrait également repousser les
13 commandants, les leaders, les généraux, les hommes politiques qui sont au
14 pouvoir que de fournir aux journalistes leurs informations. C'est par
15 conséquent l'intérêt public, que nous avons déjà évoqué, le privilège
16 également ainsi que la présomption dont nous avons parlé, sur la base
17 duquel nous demandons la présomption et le privilège.
18 Ensuite, l'intercalaire 13: on y cite le comité des ministres qui invite à
19 protéger les journalistes dans les situations de conflit, de tension. Au
20 n°2, le comité, les Etats membres du Conseil de l'Europe sont invités à
21 reconnaître le droit des individus et de l'opinion publique, d'être
22 informés sur les sujets qui sont de l'intérêt public et qui sont
23 importants. Au 3, il y a une réaffirmation solennelle selon laquelle les
24 journalistes qui développent l'activité dans de telle situation ont le
25 droit absolu d'être protégés totalement et tombent donc sous toutes les
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1 lois et tous les traités qui se réfèrent à de telle situation. Ceci est
2 vrai notamment dans des situations telles que le procès qui se mène devant
3 ce Tribunal.
4 A l'intercalaire 14, vous allez voir également la recommandation qui a été
5 adoptée en 1996 par le comité des ministres sur la protection des
6 journalistes et les correspondants de guerre. Dans le préambule, on parle
7 du danger auquel s'exposent les journalistes. On parle également de
8 l'importance de leurs activités. A la page numéro 2, ou en bas également
9 de la première page et début de la deuxième page, on cite le protocole
10 additionnel aux Conventions de Genève dont j'ai déjà parlé, où l'on parle
11 du statut dont bénéficient les journalistes.
12 En quatrième ligne, en bas -je cite-: "Il est indispensable de réaffirmer
13 toutes les garanties qui sont accordées, et la protection aux journalistes
14 pour leur permettre de développer les activités dans les situations de
15 guerre." On insiste également à ne pas permettre les activités… pourrait
16 être tout à fait exceptionnel.
17 D'un autre côté, il est indispensable, je le répète, il faut que de telles
18 situations soient tout à fait exceptionnelles et que ce ne soit pas
19 fréquent.
20 Par ailleurs, il y figure également que les journalistes peuvent être
21 contraints à témoigner dans des situations exceptionnelles, et il y a la
22 recommandation également des gouvernements qui se basent sur la protection
23 des journalistes et des correspondants de guerre qui travaillent dans des
24 situations extrêmement dangereuses. C'est une annexe à la recommandation
25 dont il a été question.
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1 Si vous me permettez, j'aimerais revenir à un autre point. Moi, j'ai passé
2 en revue à peu près toutes les annexes et maintenant j'aimerais revenir à
3 un certain nombre d'arguments qui sont contenus dans la première annexe…
4 M. le Président (interprétation): Avant de procéder, Me Robertson,
5 j'aimerais vous dire que nous avons en général la pause 10 minutes plus
6 tard. Je ne sais pas si vous pouvez terminer avec vos arguments en 10
7 minutes, à ce moment-là vous pouvez commencer. Mais si vous pensez que
8 nous avons besoin d'un peu plus de temps, à ce moment-là nous pouvons
9 suspendre et poursuivre.
10 M. Robertson (interprétation): A ce moment-là, nous pouvons suspendre
11 peut-être et après je vais poursuivre.
12 M. le Président (interprétation): Merci. Est-ce que tout le monde d'accord
13 pour suspendre pour 20 minutes? Je pense que tout le monde est d'accord.
14 (L'audience, suspendue à 10 heures 20, est reprise à 10 heures 42.)
15 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Robertson, veuillez
16 poursuivre.
17 M. Robertson (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges
18 je voudrais, si vous le permettez, vous ramener à notre requête au
19 paragraphe 15, où nous disons que le pouvoir de convoquer sous astreinte
20 n'est pas absolu. Nous donnons des exemples de catégories bien connues où
21 il y a immunité. Nous ne suggérons pas que le journaliste ait un type
22 d'immunité qui soit aussi étendu que celle de l'avocat ou des
23 fonctionnaires de l'Etat, ni même des fonctionnaires de la Croix-Rouge.
24 Néanmoins, il est important que dans l'analyse qui a été faite dans
25 l'affaire Simic -nous l'avons exposée au paragraphe 18 de notre texte-,
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1 que ce que le Tribunal fait, c'est en fait d'examiner le type de
2 protection accordé aux fonctionnaires de la Croix-Rouge par la Convention
3 de Genève, impliquant de cela qu'il y avait un intérêt public puissant à
4 ce qu'il y ait protection, si puissant qu'il ne saurait être question que
5 la Croix-Rouge et le croissant rouge, en tant qu'organisation, puissent
6 obliger leurs anciens employés à ne pas témoigner.
7 Ce serait là une approche absolue qui ne trouve pas son écho dans ce qu'a
8 dit le Juge Hunt qui applique un critère beaucoup plus équilibré et,
9 néanmoins, là aussi, tire des Conventions de Genève et du fait qu'il
10 existe une protection pour la Croix-Rouge -comme elle existe pour des
11 journalistes aussi-, une politique concernant l'intérêt public dont nous
12 disons qu'elle existe dans la présente espèce.
13 Il existe une politique d'intérêt public à ce que les journalistes ne
14 puissent pas être automatiquement convoqués.
15 Monsieur Randal est à la retraite mais, Monsieur le Président, Mesdames
16 les Juges, vous pouvez, j'en suis sûr, envisager qu'il y a de nombreux
17 journalistes qui ont œuvré dans ce secteur depuis le début des années
18 1990. La juridiction et la compétence de votre Tribunal sur cette région
19 se poursuivent. Ces journalistes vont y retourner, ils vont retourner à
20 Belgrade, à Pristina, dans des lieux qui se trouvent en Bosnie, qui
21 risqueraient de faire face, s'ils ont été convoqués et s'ils ont déposé et
22 que c'est télévisé, si on perçoit qu'ils ont déposé contre le défendeur ou
23 même pour le compte du défendeur, ils seront considérés comme étant de
24 parti pris.
25 Je ne dis pas qu'ils seraient attaqués, mais cela existe parfois dans
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1 certains lieux. Il se pourrait qu'il existe un danger matériel ou
2 physique. Et, pour ce qui ait des personnes qui ont des sympathies avec la
3 partie contre laquelle ils ont été perçus comme déposant, qui pourraient
4 refuser de leur parler ou pourraient agir de façon agressive à leur égard,
5 il se peut qu'un journaliste, obligé de témoigner, soit finalement obligé
6 de cesser son travail dans le secteur en question.
7 Voilà ce que nous voyons, par exemple, des affaires concernant la Croix-
8 Rouge. Nous mentionnons au paragraphe 19 de notre texte la décision de la
9 Chambre de première instance refusant de convoquer, sous astreinte, un
10 interprète. Je pourrais imaginer une situation, donc on pourrait
11 concevoir, dans laquelle un interprète pourrait donner des dépositions
12 extrêmement pertinentes et, on soupçonne que si cette position devait se
13 reproduire, il y aurait là encore une opération consistant à équilibrer
14 les choses après la présomption.
15 Et puis, nous voyons pour la question d'un commandant en chef. Nous notons
16 cette position à la CCI. Au paragraphe 23 -ceci sera un précédent pour
17 cela-, nous notons au paragraphe 23, nous résumons la situation selon
18 laquelle il n'y a pas de pouvoir absolu pour le Tribunal, au titre de
19 l'Article 54 du Règlement, de le faire. Il y a clairement des limitations,
20 une politique de limitation pour ce qui est de l'application des
21 dispositions de l'Article 54 et elle doit être nuancée. Nous rappelons la
22 position, la conception du Juge Hunt dans l'affaire Simic. C'est sur cela
23 que nous voudrions insister.
24 Pour utiliser les mots qu'il a repris, je crois dans notre formulation,
25 nous avons suggéré que ces éléments de preuve pourraient être non
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1 seulement admissibles mais d'une importance cruciale pour la détermination
2 de la culpabilité ou de l'innocence. Et, le Juge Hunt dit au bas de cette
3 citation au paragraphe 24 que: "Le critère doit être essentiel ou
4 indispensable comme étant la base du critère, quand il s'agit d'apprécier
5 quel intérêt l'emporte sur l'autre.".
6 Et nous disons: "Ceci évidemment était d'une importance qui l'emportait
7 sur la décision de la Croix-Rouge de ne pas permettre à des employés de
8 déposer lorsque les preuves étaient vitales pour établir l'innocence ou
9 vitales pour établir une culpabilité.".
10 Vous verrez qu'au paragraphe 25, nous citons également à nouveau le Juge
11 Goldstone. Et, on a exposé au paragraphe 27, ce dont j'ai donné lecture,
12 de son texte. Enfin, à l'Article 28, il est question du commentaire sur
13 l'Article 79 de la Croix-Rouge par rapport à la Convention de Genève qui
14 énonce la protection des journalistes dans les protocoles.
15 Tout en haut de la page 11, la Croix-Rouge dit: "Les circonstances des
16 conflits armés exposent les journalistes, qui exercent leur profession, à
17 des dangers qui souvent dépassent le niveau du danger normalement
18 rencontré par des civils.". Ceci est important parce que les affaires, sur
19 lesquelles l'accusation se fonde, sont des affaires qui sont notamment la
20 Branzburg c/ Hayes. Et lorsqu'il n'y a pas une situation de guerre civile,
21 mais simplement une question de protection pour s'adresser en secret au
22 grand jury, ce n'était pas une protection au procès. Mais nous y
23 reviendrons.
24 La Croix-Rouge dit que certaines règles spéciales sont nécessaires pour
25 les journalistes qui seraient mis en péril par leurs obligations
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1 professionnelles dans le contexte d'un conflit armé.
2 Alors, il y a ici seulement trois précédents qu'il faudra que je montre au
3 Tribunal. Au paragraphe 30, on se réfère à l'une de ces affaires qui est
4 assez longue, que vous trouverez dans le classeur. C'est une affaire
5 célèbre. Je crois que le Juge Burgental et d'autres juges de la Cour
6 interaméricaine ont décidé que les journalistes ne devraient pas être
7 soumis à une forme de licence donnée par l'Etat. Un journaliste est
8 quelqu'un qui exerce une profession avec un droit à la liberté
9 d'expression qui est ouvert à tous, conformément aux dispositions des
10 traités sur les Droits de l'Homme. Mais dans la mesure où la thèse de
11 l'accusation dit qu'il s'agit du droit international aux journalistes, le
12 droit international ne vise pas particulièrement les journalistes, ce
13 n'est pas le cas.
14 Dans le cas de Goodwin, vous trouverez cela dans votre classeur
15 maintenant, il a été déjà établi en 1985 que les journalistes
16 bénéficiaient d'une protection du droit international dans l'affaire
17 Goodwin. Je pense que vous allez le trouver dans votre classeur, j'espère
18 que vous avez, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, le texte, à
19 l'onglet 9, l'affaire Goodwin.
20 M. le Président (interprétation): Oui, c'est le n°6 sur neuf documents
21 dans mon classeur.
22 M. Robertson (interprétation): Donc le document 6, je voudrais montrer
23 qu'il s'agit d'une Chambre au complet.
24 M. le Président (interprétation): Oui, je suis au courant de cela.
25 M. Robertson (interprétation): Le point important commence au paragraphe
Page 5394
1 37: la question de savoir si une intervention de ce genre était nécessaire
2 dans une société démocratique. L'un des faits importants était que le
3 journaliste… L'article qui avait été écrit par ce journaliste avait fait
4 l'objet d'une injonction pour empêcher sa publication, la publication d'un
5 secret. De sorte que le plaignant avait obtenu un certain degré de
6 protection. Il voulait davantage pour identifier la source qu'il
7 suspectait d'avoir volé des plans secrets. Le fait qu'il y avait certaines
8 mesures de protection mises en place par la voie de cette injonction
9 contre cette publication était important lorsque le Tribunal a eu à
10 apprécier la question de la proportionnalité. Et nous disons, sur la même
11 base, que le fait que vous avez ou que le Tribunal ait la déclaration de
12 M. Randal et l'article, donne des éléments déjà suffisants.
13 Au paragraphe 39, on se fonde plus particulièrement au deuxième alinéa de
14 ce paragraphe, à mi-chemin, après avoir indiqué quelles étaient les
15 résolutions du comité des ministres disant que, sans une telle protection,
16 les sources pourraient être découragées de donner des informations à la
17 presse pour qu'ils puissent remplir leur fonction, et, de ce fait, le rôle
18 vital de "chien de garde" de la presse pourrait être compromis; et la
19 possibilité pour la presse de donner des renseignements exacts et fiables
20 risquerait d'en souffrir.
21 Donc ceci établit les raisons pour lesquelles il y aurait un privilège de
22 protection pour le rôle de "chien de garde" de la presse et la nécessité
23 de s'assurer, d'encourager l'information qui doit lui être fournie, ceci
24 étant dans l'intérêt public sur lequel nous nous fondons, et qui est
25 particulièrement essentiel dans des situations de reportage en temps de
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1 guerre ou dans les lieux des conflits. Cette affaire avait eu lieu dans un
2 environnement particulièrement spécifique de reporter commercial.
3 Au paragraphe 40, vous trouverez exposé que "la nécessité d'une action
4 coercitive doit être établie de façon convaincante pour répondre à une
5 nécessité sociale pressante".
6 Et au paragraphe 42, il y a donc le principe de la proportionnalité: le
7 plaignant disposait d'une certaine mesure de protection et n'avait pas eu
8 besoin de la force, d'une force particulière pour déposer.
9 Au paragraphe 46: "il n'y avait pas de relation raisonnable entre la
10 proportionnalité et l'objectif recherché par l'ordonnance aux fins de
11 parvenir à ce but."
12 Il y a là un autre exemple du droit international accordant une protection
13 à des journalistes, même si c'était en temps de paix, en raison de la
14 politique publique et des raisons qui sont encore plus aiguës en temps de
15 guerre.
16 Si on va plus loin, nous citons un certain nombre d'affaires qui ont eu
17 lieu aux Etats-Unis, dans lesquels l'accusation nous dit "attendez un
18 moment. Le précédent essentiel c'est Branzburg c/ Hayes , en la matière,
19 qui n'a pas accordé au journaliste la protection du type que vous
20 alléguez. Pourrais-je répondre justement à cette situation? C'était une
21 affaire de 1972. Depuis, la jurisprudence a évolué dans ces pays.
22 Deuxièmement, c'était une décision qui doit être analysée avec le plus
23 grand soin. L'accusation a seulement cité ce que disaient la majorité des
24 quatre juges, mais il y avait quatre juges qui ont estimé que le
25 journaliste bénéficiait effectivement d'un privilège de protection. Le
Page 5396
1 Juge Douglas qui a dit que c'était un privilège absolu; et le Juge Stewart
2 et le Juge Marsal… Brent, Stewart et Marsal qui ont estimé que ce
3 privilège existait, il y avait un privilège nuancé, limité mais qui
4 existait au titre des Droits de l'Homme, le droit des juridictions
5 internationales.
6 Ceci faisait donc quatre en tout et le jugement essentiel dans cette brève
7 décision se trouvait au milieu le Juge Powell. Son opinion est décrite
8 comme étant elliptique. Je ne sais pas quel est l'onglet que vous auriez
9 dans votre dossier, mais je crois que nous utilisons les mêmes documents,
10 mais la décision du Juge Powell, qui a en fait permis aux juridictions des
11 Etats-Unis et aux tribunaux fédéraux de développer un privilège limité
12 pour les journalistes dans les Etats.
13 Vous trouverez cela à la page 24, Branzburg c/ Hayes, et vous verrez sur
14 la droite, c'est décrit par la minorité, sur Brent et Marsal, comme étant
15 une opinion dans le même sens mais énigmatique. Il est dit: "M. le Juge
16 Powell, son opinion concordante, énigmatique, donne une certaine souplesse
17 pour l'avenir", et le Juge Powell, à la page 24, à la page 709, commence
18 par dire: "A souligner le caractère limité de la décision de la Cour".
19 Et à la page710, ligne vers le bas, à l'alinéa suivant: "Effectivement, le
20 journaliste est amené à donner des informations, si le journaliste est
21 appelé à donner des renseignements qui ont une relation même ténue avec
22 l'objet de l'enquête ou s'il estime que sa déposition implique une source
23 confidentielle. Il aura accès au tribunal avec cette possibilité d'avoir
24 une ordonnance indiquant des mesures de protection. Il faut donc qu'il y
25 ait un équilibre entre la liberté de la presse et l'obligation de déposer
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1 lorsque cela est important."
2 C'est tout ce qu'a dit le Juge Powell à ce sujet et cela a été un vote
3 déterminant de cette juridiction et l'on voit à la page 725 que l'ensemble
4 des quatre opinions en faveur du privilège limité dit que: "Cette opinion
5 concurrente et énigmatique donne l'espoir d'un point de vue plus souple".
6 Et au paragraphe 34, nous voyons qu'il y a certains cas où ce point de vue
7 souple a été pris en considération lorsqu'en Amérique, on a estimé que
8 l'intérêt public était un intérêt d'une importance sociale suffisante pour
9 justifier que l'on sacrifie certaines sources connexes et des faits
10 nécessaires pour l'administration de la justice. Il parle des lois de
11 protection de l'Etat.
12 Ainsi qu'au paragraphe 35, il est important de dire que: "Le privilège du
13 reporter protège non seulement l'identité des sources mais les
14 informations acquises par le reporter quelle que soit la source de
15 l'information, qu'elle soit confidentielle ou non."
16 On trouve cela également dans l'arrêt Shoen qui est une affaire que nous
17 avons présentée à votre Chambre. Nous citons: "La production obligatoire
18 d'un rapport est une documentation qui constitue une intrusion
19 importante." Tout comme la révélation d'une source confidentielle, elle
20 peut aller à l'encontre de la politique de l'intérêt public d'avoir accès
21 à une libre circulation de l'information qui est le fondement même de ce
22 privilège.
23 Puis à la page 36, nous disons, deux lignes plus bas que: "A la suite du
24 développement du droit américain depuis l'arrêt Branzburg, la partie qui
25 cherche à réunir des informations doit démontrer deux choses.
Page 5398
1 Premièrement, que cette communication doit toucher au cœur même de
2 l'affaire, ce qui est peut-être une façon appropriée de dire les choses
3 dans un langage simple. L'essentiel toutefois, la question essentielle est
4 de savoir si cela touche vraiment au cœur de la question ou si elle est
5 cruciale aux fins de l'affaire. Il ne suffit pas que les renseignements
6 recherchés soient simplement pertinents.
7 Deuxièmement, la partie qui cherche à obtenir cette communication doit
8 démontrer qu'elle a épuisé tous les autres moyens possibles d'obtenir ces
9 informations.
10 Nous disons donc que les formulations de A et de B dans notre formule
11 seraient parfaitement acceptables.
12 Il y a donc une présomption, aux Etats-Unis, qui va à l'encontre de la
13 possibilité de convoquer sous astreinte des membres de la presse et des
14 médias. Il faut d'abord qu'il y ait l'approbation de l'attorney général.
15 Il faut qu'il y ait une pondération des intérêts au titre du premier
16 amendement pour ce qui est de l'exécution du droit, des lois, et il faut
17 qu'il soit pris en considération toutes les tentatives raisonnables pour
18 obtenir les renseignements d'autre source, et il faut que ces informations
19 soient essentielles et ainsi de suite.
20 Je suppose que vous avez quelque part dans votre dossier, mais je pourrais
21 vérifier, un document qui s'appelle le "Code fédéral titre 28, département
22 de la Justice". Nous en avons extrait la politique concernant le fait de
23 rendre des ordonnances convoquant sous astreinte des membres de la presse
24 et des médias. Est-ce que vous l'avez actuellement? Sinon je pourrais vous
25 en remettre des copies.
Page 5399
1 M. le Président (interprétation): Maître Robertson, nous allons regarder,
2 je ne me souviens pas d'avoir vu ce document que vous venez de mentionner.
3 Je suis en train de vérifier.
4 M. Robertson (interprétation): Si vous voulez, je peux vous fournir des
5 exemplaires additionnels.
6 M. le Président (interprétation): Je regarde à nouveau, mais je ne semble
7 pas l'avoir, à moins qu'il n'ait été annexé.
8 M. Robertson (interprétation): Il semble que vous n'ayez pas encore reçu
9 l'ensemble de précédents. Est-ce que vous avez peut-être le classeur qu'à
10 l'accusation? C'est l'ensemble des affaires citées.
11 M. le Président (interprétation): Oui, mais le document que vous venez de
12 mentionner, ne s'y trouve pas.
13 Mme Korner (interprétation): Je crois que nous ne l'avons pas non plus. Je
14 ne veux pas...
15 M. Robertson (interprétation): Je pense que vous avez un exemplaire qui
16 vient de notre liste.
17 M. le Président (interprétation): Bon, ce n'est pas un problème. Vous
18 n'avez qu'à nous le fournir dès que vous pourrez, Maître Robertson.
19 M. Robertson (interprétation): Oui, et puis alors il y a l'autre affaire,
20 la seule autre affaire à laquelle je me référerai maintenant. Une affaire
21 qui a eu lieu au Royaume-Uni, décision importante du point de vue du droit
22 anglais.
23 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je l'ai trouvé. C'est le
24 "Code de pratique internationale pour le journalisme"?
25 M. Robertson (interprétation): Non, Monsieur le Président. Cela, c'est
Page 5400
1 notre premier classeur. Permettez-moi de faire en sorte que vous ayez des
2 exemplaires de l'ensemble de nos classeurs.
3 Mme Korner (interprétation): Si vous avez un autre exemplaire, nous
4 serions heureux d'en avoir un aussi.
5 M. Robertson (interprétation): Nous n'avons pas extrait les décisions du
6 Tribunal. Cela commence à l'onglet 7, avec une décision Sener c/ Turkey.
7 Puis à l'onglet 8, il y a l'affaire interaméricaine dont j'ai parlé.
8 Puis à l'onglet 9, l'affaire Goodwin que vous avez dans le classeur de
9 l'accusation.
10 Puis 10, 11, 12, 13, 14 et 15 sont les précédents des Etats-Unis.
11 A l'onglet 16, vous avez les directives internes du département de la
12 Justice, que je pourrais peut-être vous montrer, à savoir la politique en
13 ce qui concerne la prise d'ordonnance citant à comparaître sous astreinte.
14 J'ai dit que c'était le document que le département de la Justice envoie à
15 l'accusation avec les directives qui doivent être suivies. Vous verrez par
16 exemple la directive A pour déterminer si on doit demander une citation à
17 comparaître sous astreinte.
18 La conception doit être de réaliser l'équilibre voulu entre l'intérêt
19 public, d'obtenir des informations et d'obtenir l'exécution des lois, et
20 que toutes les mesures raisonnables pour obtenir d'autres sources", et C
21 -cela, c'était B-, de négocier avec les médias avant de lancer une
22 citation à comparaître sous astreinte et ainsi de suite. Puis il faut
23 obtenir l'approbation expresse de l'attorney general.
24 Au point F(1): "L'attorney general ne donnera son autorisation que si
25 certaines circonstances sont réunies. Il faut que le renseignement
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1 recherché soit essentiel pour pouvoir directement établir la culpabilité
2 ou l'innocence. Il ne faut pas utiliser le système de l'astreinte pour des
3 renseignements non essentiels."
4 Au point 3, il est dit qu'on doit l'obtenir d'autres ressources.
5 Au point 4, "l'utilisation des convocations sous astreinte devrait être
6 limitée à des vérifications d'informations publiées".
7 Tout ceci va dans le sens de montrer quelle est vraiment la position qui
8 place dans une certaine perspective les prétentions de l'accusation sur la
9 base de Branzburg c/ Hayes, dont une interprétation inexacte a été de
10 toute façon dépassée par les précédents que nous avons présentés et par le
11 "Code fédéral pour les procureurs fédéraux".
12 La position en Angleterre est exposée au paragraphe 38. Vous trouverez le
13 jugement dans Shoen et Holdsworth, à l'onglet 17, juste après le "Code des
14 procureurs fédéraux". C'était une affaire qui a été plaidée par Gordon
15 Shoen qui a joué un rôle important dans des procès intéressants, des
16 procès européens, avant de rejoindre la Chambre des Lords où il siège
17 aujourd'hui.
18 Lord Denning expose -son jugement commence à la page 30- que les faits et
19 la convocation sous astreinte… il explique l'effet de la chose. Et le
20 passage sur lequel nous nous fondons se trouve aux pages 34 et 35. En bas
21 de page, il conclut que: "La cour a le pouvoir de lancer une convocation
22 sous astreinte pour un film qui n'a pas été transmis, mais la cour ne
23 devrait exercer se pouvoir lorsque ce film a un rôle direct et important
24 parmi les éléments de preuve". De sorte que nous pouvons même revenir
25 maintenant au paragraphe 38 où Lord Denning parle de la position spéciale
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1 du journaliste "qui réunit des nouvelles qui ont un intérêt pour le
2 public. La cour respecte son travail et ne l'entravera pas plus qu'il
3 n'est nécessaire. Il est question de l'intérêt du public de voir que les
4 compétences sont respectées et qu'il n'y a pas la crainte de devoir
5 révéler tous les renseignements qu'ils réussissent à se procurer."
6 Donc Lord Denning n'oblige pas la personne à répondre, sauf si c'est
7 absolument nécessaire.
8 Voilà, donc Lord Denning qui repousse le critère de présomption dans une
9 affaire non confidentielle. C'était une affaire qui était issue d'un film
10 pris dans un festival de musique populaire pour un incident qui s'était
11 produit. Et, la Cour avait autorisé que le film soit présenté. Il n'y
12 avait rien de confidentiel à ce sujet, mais l'intérêt public était contre
13 le fait d'obliger cette production.
14 Puis il y a l'affaire Bright, l'affaire suivante. Nous y traitons au
15 paragraphe 39 où un membre du service de sécurité britannique avait parlé
16 à la presse et avait tenté d'obtenir un asile politique qui a d'ailleurs
17 été donné, qui lui a été accordé par les tribunaux français. Il avait
18 accusé les services secrets britanniques d'essayer de tenter d'assassiner
19 le colonel Kadhafi. La police a voulu produire les documents pertinents.
20 Là encore, il n'y avait pas de confidentialité, même dans cette affaire
21 des garde-fous ont été imposés et le Tribunal a estimé que, parce qu'il y
22 avait un intérêt public en jeu, il était nécessaire d'avoir des preuves
23 irréfragables pour obtenir une citation à comparaître sous astreinte.
24 Donc, au paragraphe 41, nous donnons notre conclusion préliminaire sur
25 cette jurisprudence de la façon que j'ai décrite. Peut-être ne devrais-je
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1 pas en donner lecture. Cela résume ce que je préconise au Tribunal, à
2 savoir que, dans cette jurisprudence, la protection existe pour les
3 journalistes en droit international. Elle existe depuis la convention de
4 Genève, depuis la décision de la Cour Interaméricaine, depuis les
5 décisions de la Cour européenne.
6 Il y a la question du rôle de "chien de garde". Il est crucial,
7 particulièrement important de l'avoir dans les cas de reportages effectués
8 dans des zones de guerre. La Cour peut tenir compte de cette protection ou
9 bien en accordant ce privilège dans l'intérêt public ou d'une façon
10 limitée et nuancée, telle que nous l'avons suggérée, ou en la créant à
11 partir de ses pouvoirs inhérents comme présomption contre une possibilité
12 d'obligation contre des journalistes, sauf dans des situations
13 extraordinaires.
14 Donc il y a des considérations spécifiques en ce qui concerne M. Randal
15 qui font que, lorsque la Cour en vient à appliquer ce qu'elle estimera
16 être le principe qui convient pour les faits concernant M. Randal, nous
17 notons qu'on ne pourra pas dire que les renseignements en question sont
18 vitaux ou essentiels pour reconnaître la culpabilité du défendeur,
19 strictement parlé. Dans les circonstances -M. Randal d'ailleurs ne connaît
20 pas la langue-, déposer devant le Tribunal pour dire que… confirmer que
21 c'était des mots précis utilisés par le défendeur.(sic)
22 Monsieur Randal n'est donc pas un témoin volontaire, il ne souhaite pas
23 être amené à déposer. Il souhaite faire valoir le privilège que nous
24 venons de plaider ou, subsidiairement, avoir le bénéfice de la présomption
25 contre l'obligation de déposer. Ceci n'est pas un cas qui réunit les
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1 conditions nécessaires pour l'obliger par rapport aux autres privilèges.
2 Je vous remercie, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, de m'avoir
3 écouté.
4 M. le Président (interprétation): J'ai remarqué que vous avez complètement
5 omis toute référence aux règles de ce Tribunal et à la pratique de ce
6 Tribunal qui ont trait aux mesures de protection accordées à certains
7 témoins sensibles, si l'on peut dire, notamment des témoins qui pourraient
8 s'exposer à un danger, danger pour leur intégrité corporelle, si certains
9 détails de leur déposition étaient rendus publics.
10 Est-ce que vous pensez qu'il y aurait certaines dispositions pertinentes
11 pour vos conclusions?
12 M. Robertson (interprétation): Oui, nous avons étudié la question et nous
13 vous sommes reconnaissants de relever que ces règles pourraient être
14 pertinentes. Mais, nous pensons que les principes que nous avançons ne
15 seraient pas réalisés de façon satisfaisante par le seul biais de moyens
16 de protection. De telles mesures s'imposent peut-être ou sont suffisantes
17 si le journaliste témoigne de son plein gré mais dit qu'il souhaite le
18 faire à huis clos, à huis clos partiel ou dit qu'il souhaiterait que son
19 identité ne soit pas révélée. Donc, un journaliste qui vient témoigner de
20 son propre gré, de son plein gré, pourrait demander de telles mesures de
21 protection.
22 Nous estimons toutefois, et d'ailleurs cette affaire ne soulève pas la
23 question des mesures de protection, nous ne pensons pas que le fait
24 d'accorder des mesures telles que l'immunité à un journaliste qui est
25 contraint de témoigner ou de lui permettre de témoigner à huis clos, cela
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1 ne suffit pas.
2 Des journalistes qui ne souhaitent pas être perçus comme participant à des
3 séances à huis clos parce qu'il y aurait toute une série de rumeurs sur
4 leurs dires, soit parce que l'accusation ou la défense propage de telles
5 rumeurs, mais de toute façon voilà un homme à qui, en tant que source,
6 vous avez peut-être confié votre vie, un homme qui devra retourner un jour
7 dans une zone de conflit, qui témoigne à huis clos devant un tribunal, qui
8 témoigne pour l'accusation, eh bien, cela se saurait. Et il serait, selon
9 nous, inadéquat de le contraindre tout en lui accordant de telles mesures
10 parce que cela pourrait en fait avoir... ces mesures pourraient avoir un
11 impact sur son sort ou le sort de ces sources, même plus que les éléments
12 de preuve qu'il pourrait donner.
13 De toute manière, nous estimons que le fait de cacher l'identité d'un
14 journaliste cela pause problème parce que, certainement, certaines
15 organisations de sécurité ou de renseignement, ainsi que les parties,
16 connaissent son identité.
17 Donc, oui, on peut tirer partie de ces mesures de protection, s'en
18 prévaloir, mais il nous semble qu'en l'espèce, il est tout de même
19 inapproprié de contraindre un journaliste à témoigner, même s'il peut
20 bénéficier de ces mesures de protection. Et cela ne concerne pas un seul
21 journaliste uniquement. Nous estimons que de telles contraintes appliquées
22 de façon systématique pourraient mettre en péril tout journaliste.
23 Donc voilà notre position pour ce qui ait des mesures de protection.
24 M. le Président (interprétation): Merci Maître Robertson. Je donne
25 maintenant la parole à Mme Korner.
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1 Mme Korner (interprétation): Merci. Monsieur le Président, Mesdames les
2 Juges, je pense qu'il faut garder à l'esprit comment cette question…
3 comment nous en sommes arrivés là, comment cette question a été soumise à
4 la Chambre parce qu'on demande à la Chambre de rendre une sentence, une
5 décision de principe, mais sur la base de faits qui, en fait, ne
6 justifieraient pas cela.
7 Le 11 février 1993, le Washington Post a publié l'article écrit par M.
8 Randal, qui est donc le sujet de notre, enfin le point contentieux ici. Je
9 ne sais pas si vous l'avez sous les yeux, mais lorsqu'on examine le
10 principe ou la question de savoir si ce que dit un journaliste a trait
11 réellement à la substance, au cœur de la matière, eh bien, il faudra que
12 la Chambre se penche sur cette question dans l'exercice de son pouvoir
13 discrétionnaire.
14 Est-ce que vous avez cet article sous les yeux?
15 M. le Président (interprétation): Oui, nous l'avons bien sûr vu.
16 (Intervention de l'huissier.)
17 Mme Korner (interprétation): Je n'ai pas d'autre copie. On l'a déjà
18 distribué à maintes reprises.
19 M. Randal a écrit un article... En fait, j'en ai une copie, j'en ai une
20 copie supplémentaire. J'ai remarqué que la Juge Janu avait renoncé à sa
21 propre copie, mais j'en ai une de plus.
22 (Intervention de la Greffière.)
23 Donc il a écrit un article sur la situation à Banja Luka en février 1993.
24 Il a obtenu un entretien. Si vous étudiez la page 2, à l'avant-dernier
25 paragraphe, on parle de Radoslav Brdanin que l'on décrit comme
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1 l'administrateur du logement en Bosnie. Un nationaliste serbe, de ces
2 propres dires.
3 Et il a dit que -je le cite-: "Il était de l'opinion que ceux qui
4 n'étaient pas disposés à défendre le territoire serbe devaient être
5 évincés, mais que les dirigeants politiques serbes n'étaient pas
6 d'accord". Il a dit que: "Il estimait que l'exode des non-Serbes devrait
7 être accompli de manière pacifique, et ce, afin de créer une région pure
8 ou nettoyée ethniquement par des mouvements de population volontaire". Il
9 a dit: "Les Musulmans et les Croates ne devraient pas être tués, mais
10 devraient être autorisés à partir et nous en serons ainsi plus heureux
11 après leur départ."
12 Maintenant, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, voilà nos
13 conclusions: cela a trait au cœur de cette affaire, parce que l'accusation
14 maintient que la raison qui sous-tend les crimes reprochés à M. Brdanin et
15 à son co-défendeur Momir Talic, eh bien, c'était la volonté de nettoyer le
16 territoire de tous les non-Serbes.
17 Cet article tel que publié n'indique en rien qu'il y avait un interprète
18 présent, bien que cela semble découler de la logique puisqu'il était peu
19 probable que M. Randal s'exprime ou comprenne la langue, mais cela n'est
20 devenu évident que lorsqu'il a, de son plein gré, et je mets l'accent sur
21 cela, de son plein gré, donné une déclaration.
22 Bon, il avait quelques hésitations à ce propos, mais il a tout de même
23 donné cette déclaration volontaire au Bureau du Procureur. Il est devenu
24 alors manifeste qu'un autre journaliste qui parlait la langue était
25 présent et servait d'interprète.
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1 Nous avons joint en annexe l'article écrit par ce journaliste-là trois
2 jours plus tard, qui ne contient pas les citations que l'on trouve dans
3 l'article de M. Randal. Une des raisons pour lesquelles nous avons demandé
4 à M. Randal de faire une déclaration, c'est parce que, dans son article,
5 il avait ces citations directes.
6 Monsieur le Président, laissons de côté pour l'instant une question qui a
7 été abordée, c'est-à-dire que nous n'avons pas cité à comparaître l'autre
8 journaliste. Bon, je ne pense pas qu'il convient maintenant d'aborder
9 cela, M. Robertson n'a d'ailleurs pas insisté sur cela dans ses arguments.
10 Mais la question est la suivante: un journaliste, en l'espèce un
11 journaliste qui a donné au Bureau du Procureur une déclaration, est-ce
12 qu'on peut le contraindre à déposer concernant les questions auxquelles il
13 est fait allusion?
14 Il nous semble qu'il y a deux questions. D'une part, un principe général
15 est en cause. Est-ce que les journalistes, en tant que catégorie sociale,
16 peuvent être contraints à témoigner devant un Tribunal pénal international
17 dans une affaire pénale internationale si ces journalistes sont à même de
18 fournir des informations pertinentes?
19 Et je vais ici citer une affaire que je citerai encore ultérieurement, une
20 des affaires principales, la Reine c/ Mulholland & Foster. C'est une
21 affaire qui remonte à 1963 mais qui est toujours pertinente à ce jour. Des
22 informations pertinentes et qui sont donc utiles, qui ont trait au bien-
23 fondé, au fond de l'affaire.
24 Si l'on répond dans l'affirmative, et nous estimons que conformément à
25 toute la jurisprudence, toute la doctrine à ce jour, le privilège ou
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1 l'exonération de l'obligation de témoigner, que les journalistes eux-mêmes
2 -comme vous pouvez le constater sur la base des déclarations des
3 rédacteurs et d'autres journalistes-, les journalistes souhaiteraient
4 bénéficier d'un privilège global concernant tous les événements dont ils
5 ont été témoins ou aussi sur leurs sources, comment ils ont obtenu leurs
6 informations. Et pour des raisons tout à fait évidentes, aucun tribunal,
7 aucune juridiction n'a accepté de leur accorder une telle exonération. Si
8 tel était donc le cas, si une telle exonération était accordée, elle ne
9 pourrait pas être totale. Il faudrait aller plus loin.
10 Est-ce qu'il faut, dans chaque cas d'espèce, juger dans quelle mesure,
11 jusqu'à quel point le tribunal ou la cour doit mettre en oeuvre une telle
12 obligation, une telle contrainte? Est-ce que cela dépend du caractère de
13 l'infraction? Est-ce que les éléments de preuve que pourrait fournir le
14 journaliste ont trait à une question principale, fondamentale, ou plutôt à
15 une question secondaire, accessoire?
16 Ce que l'on maintient ici, c'est que les reporters de guerre qui font leur
17 reportage depuis des zones de conflit devraient bénéficier de cette
18 exonération, et on ferait ainsi d'eux une catégorie particulière au sein
19 même des journalistes dans leur ensemble.
20 Voilà la première question, la question de principe que l'on soumet à
21 cette Chambre.
22 Deuxième question. Pour ce qui est des faits du cas d'espèce, est-ce que
23 M. Randal devrait être contraint à témoigner sur la base de la déclaration
24 qu'il a déjà faite devant le Bureau du Procureur?
25 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, j'aimerais revenir à cette
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1 première question, la question de principe. Est-ce que des journalistes en
2 tant que catégorie sociale devraient être exonérés de l'obligation ou
3 dispensés de l'obligation de témoigner au sujet de leurs sources,
4 d'événements dont ils ont été témoin, d'entretiens qu'ils se sont vus
5 accorder avec des personnes accusées ou qui pourraient fournir des preuves
6 pertinentes?
7 Voilà ce que nous maintenons, dans toute juridiction, tant aux Etats-Unis
8 qu'au Royaume-Uni. Je dois avouer que nous n'avons pas examiné la
9 jurisprudence européenne faute de temps, mais je suis sûr que si une
10 exonération existait, M. Robertson l'aurait citée.
11 M. le Président (interprétation): C'est tout à fait accessible. J'ai même
12 téléchargé cela ce matin. Je ne l'ai pas parcouru mais cela existe.
13 Mme Korner (interprétation): Oui, mais nous sommes bien sûr soumis à des
14 contraintes de temps. Mais comme je l'ai dit, je suis sûre que si une
15 telle exonération, exemption existait, mes éminents confrères l'auraient
16 citée.
17 Mais le principe paraît être le suivant. Il n'existe aucun privilège,
18 aucune exonération accordée aux journalistes, mais il y a certains garde-
19 fous que les juridictions sont disposées à instaurer afin d'assurer, comme
20 on l'a réitéré à maintes reprises, afin de garantir la liberté de
21 l'information, le rôle que les journalistes jouent sans aucun doute pour
22 ce qui est d'attirer l'attention du public sur des crimes et autres, enfin
23 crimes et délits.
24 Mais accorder une telle exonération... D'ailleurs je ne pense pas que Me
25 Robertson insiste beaucoup sur ce fait. Mais, le principe selon lequel des
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1 journalistes ne devraient jamais être contraints à témoigner, cela
2 reviendrait à accorder aux journalistes un statut absolument exceptionnel,
3 qui n'est accordé à aucun autre membre du public.
4 Les journalistes ne sont pas... Les journalistes font tout de même partie
5 du grand public, ils ont une fonction particulière, un travail particulier
6 mais tout de même, ils sont membres du public.
7 J'aimerais vous renvoyer maintenant à l'affaire Mulholland et Foster. Je
8 ne sais pas quelle liasse vous avez sous les yeux...
9 M. le Président (interprétation): Je pense que, en l'espèce, il serait
10 plus facile de retrouver cette affaire dans votre liasse ou dans votre
11 classeur.
12 Mme Korner (interprétation): Madame Gustin me dit que vous avez aussi une
13 série..., enfin, un jeu de documents.
14 Lord Denning auquel Me Robertson a fait allusion dans l'affaire Senior et
15 Holdsworth, affaire à laquelle je vais d'ailleurs revenir. Comme Me
16 Robertson l'a dit, Lord Denning était un des plus éminents juges de ce
17 siècle, du dernier siècle plutôt. C'est à lui que l'on doit énormément de
18 jurisprudences, de décisions qui ont fait date.
19 C'est une affaire que nous avons sous les yeux, qui était fondée sur
20 certains faits d'espionnage au début des années 60. Et, on se posait la
21 question de savoir si certains journalistes qui avaient publié des
22 articles concernant cet espion, M. Vassel, et le fait que les autorités
23 britanniques n'aient jamais décelé ses activités d'espionnage, et la
24 question se posait pour savoir si les journalistes pouvaient être
25 contraints de divulguer les sources de leurs informations.
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1 Je ne vais pas passer en revue, dans les détails, tout cela, mais nous
2 affirmons que presque toutes les décisions, toute la jurisprudence qui
3 existe, à quelques exceptions près, concerne la question de savoir si les
4 journalistes peuvent être contraints à révéler leurs sources.
5 Aucune de ces décisions n'a trait à un journaliste qui a déjà publié un
6 article, qui confirme que l'article est véridique. D'ailleurs,
7 l'accusation est tout à fait disposée à demander le versement au dossier
8 de cet article, ce qui pourrait épargner à M. Randal l'obligation de
9 témoigner. Mais la défense, et c'est bien sûr leur droit le plus strict,
10 n'a pas donné son accord à ce propos, ce qui montre bien l'importance de
11 cet article.
12 Mais, bon...
13 M. Ackerman (interprétation): Je dois malheureusement interrompre parce
14 que Mme Korner prétend que l'objection que j'avais formulée, le fait de ne
15 pas être d'accord concernant le versement de cet article démontre
16 l'importance de cet article, mais ce n'est pas le cas.
17 J'objecte, je ne suis pas d'accord parce que l'article n'est pas exact, ne
18 représente pas de manière véridique la conversation et, en fait, que le
19 journaliste ne reflète pas, de manière fidèle, la conversation qui a eu
20 lieu.
21 Je crois que les déclarations faites par M. Randal résultent d'un
22 malentendu découlant des problèmes d'interprétation. J'ai donc quelques
23 doutes quant à la véracité de cet article. Je veux donc simplement
24 préciser que mes objections n'étaient pas fondées sur les motifs invoqués
25 par Mme Korner.
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1 M. le Président (interprétation): Oui, je me souviens que Me Ackerman
2 avait déjà fait état de cela.
3 Mme Korner (interprétation): Oui, bon, je ne veux pas discuter de cela
4 mais, tout de même, si cela n'avait aucune importance dans cette affaire,
5 si cet article n'avait aucune importance, alors la véracité ou non de ces
6 citations n'aurait pas d'importance non plus. D'ailleurs, si cet article
7 n'était pas important, l'accusation n'insisterait pas comme elle le fait.
8 Maintenant, pour en venir à la décision rendue par Lord Denning, nous
9 avons cela le England Lawer Post de 1963, au bas de la page 770, il y est
10 dit: "Quelle que soit la pertinence des questions et même si la réponse à
11 la question ou les réponses à ces questions étaient essentielles pour
12 l'enquête, pour les poursuites…" D'ailleurs, le journaliste avait donc
13 refusé de répondre aux questions pendant l'enquête ou l'instruction, et la
14 citation continue: "Le journaliste a le droit de refuser de révéler ses
15 sources.". Et, le journaliste se justifie en disant qu'il est dans
16 l'intérêt public et de la vérité qu'il puisse obtenir des informations et
17 les publier, les diffuser dans le monde entier pour ainsi attirer
18 l'attention du public sur des faits que le public mérite de connaître.
19 Le journaliste a ainsi la possibilité de divulguer des abus, des
20 infractions, mais il ne peut pas mener à bien cette tâche, accomplir cette
21 fonction s'il ne protège pas ses sources. Les informateurs, les sources
22 refuseront de parler au journaliste s'ils savent que leur identité risque
23 d'être divulguée.
24 Il prétend donc avoir le droit de publier toute information sans jamais
25 être contraint, même contraint par un Tribunal ou un juge, à divulguer
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1 l'origine de ses informations. Mais, il me semble que le journaliste
2 exagère. La seule profession qui, à ma connaissance, bénéficie d'un
3 privilège en matière de divulgation d'information devant un Tribunal,
4 c'est la profession juridique. Et, il ne s'agit pas alors du privilège
5 dont bénéficie l'avocat mais bien plutôt son client.
6 Si on prend le banquier, le médecin, le prêtre, aucun de ces derniers n'a
7 le droit de refuser de répondre à des questions lorsqu'un juge lui demande
8 de ce faire. Mais je ne veux pas vous induire en erreur, le juge
9 respectera la confiance et la confidentialité des membres de ces
10 professions et ne lui demandera jamais de répondre à des questions si
11 elles ne sont pas pertinentes et indispensables à l'administration de la
12 justice. C'est au juge qui se voit confier la tâche au nom de la
13 communauté, de peser les intérêts en conflit: d'une part, le respect de la
14 confidentialité au sein d'une profession et, d'autre part, l'intérêt
15 public à une bonne administration de la justice ou, comme en l'espèce,
16 l'intérêt du public à ce qu'une enquête puisse être menée à bien pour
17 élucider ces allégations très sérieuses. Donc si un juge estime que le
18 journaliste doit répondre aux questions, doit témoigner, aucun privilège
19 ne devrait lui permettre de refuser.
20 Maintenant, pour en revenir au fait -je vais passer assez rapidement-, si
21 Me Robertson veut attirer votre attention sur quoi que ce soit, il le fera
22 certainement dans sa réplique.
23 Donc passons à la page 772, dans le paragraphe qui commence par ce qui
24 suit: "Il me semble ainsi que la jurisprudence, toutes les décisions
25 rendues vont dans le même sens. Il n'y a aucun privilège conforme à la loi
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1 selon lequel un journaliste aurait le droit de refuser de répondre à une
2 question qui est pertinente dans le cadre de l'instruction ou de
3 l'affaire, une question qui selon le juge mérite une réponse et une
4 question qu'il se justifie de poser." (Fin de citation.)
5 Lord Denning a ensuite estimé que c'était tout à fait valable en l'espèce.
6 Par ailleurs, Lord Donovan a ajouté que tout relève en fait du pouvoir
7 discrétionnaire. "Le journaliste n'a pas de privilège qui lui confère un
8 droit de refuser de divulguer ces sources. Il en va de même du juge
9 d'instruction ou de l'enquêteur qui n'a pas non plus un droit absolu à
10 exiger une telle divulgation." (Fin de citation.)
11 En premier lieu, la question doit être pertinente et, par ailleurs, la
12 réponse à la question concernée -et ici je cite-: "Doit être utile par
13 rapport à la procédure en cause." (Fin de citation.)
14 Donc je préfère, en fait, cette expression "utile", servir un but "utile",
15 à l'expression "nécessaire."
16 Donc toutes ces questions relèvent de l'appréciation de Me Robertson et,
17 outre ces deux exigences, il y a peut-être d'autres aspects qu'on ne peut
18 pas définir au préalable, mais qui tiennent aux circonstances du cas
19 d'espèce, qui peuvent inciter un juge à conclure que contraindre une
20 personne à témoigner ou à divulguer certaines choses serait plus nuisible
21 que bénéfique.
22 Donc pour toutes ces raisons, je pense qu'il serait tout à fait erroné de
23 maintenir qu'un juge n'a aucune marge de manœuvre et doit toujours exiger
24 une réponse ou sanctionner le refus de donner une réponse. Si j'ai bien
25 compris, nous sommes tous d'accord sur le fait que le juge doit toujours
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1 bénéficier d'un pouvoir discrétionnaire, et cela s'applique non seulement
2 au journaliste, mais à d'autres affaires où l'information et...
3 M. le Président (interprétation): Les interprètes demandent que Mme Korner
4 ralentisse.
5 Mme Korner (interprétation): Oui, désolée.
6 Donc nos conclusions sont comme suit: dans d'autres affaires ou dans une
7 autre affaire au Royaume-Uni, il s'agissait en l'espèce d'un litige civil
8 de la British Steel Corporation c/ Granada, c'est une affaire qui est
9 montée jusqu'à la Chambre des Lords -et ce sont les juges-, les membres de
10 cette Chambre se sont référés à l'affaire Mulholland avec un juge qui a
11 exprimé un avis divergent. Bon, je ne vais pas passer en revue tous les
12 détails. Il s'agit d'une décision très longue.
13 En résumé, l'appel a été rejeté. La décision a fait état du fait que les
14 médias et les journalistes ne bénéficient d'aucune immunité qui serait
15 fondée sur l'intérêt public et qui les protégerait ou les dispenserait de
16 l'obligation de communiquer ou de divulguer dans un tribunal les sources
17 de leur information lorsqu'une telle communication ou divulgation s'impose
18 dans l'intérêt de la Justice.
19 Monsieur le Président, je vais revenir tout à l'heure sur une autre
20 affaire à laquelle il s'est référé. Il s'agit de l'affaire "Senior and
21 Holdsworth".
22 J'aimerais tout simplement attirer votre attention sur un autre point. Il
23 serait erroné de donner aux journalistes une exception comme cela pour ne
24 pas venir témoigner. Je ne pense pas qu'il y ait de raison pour
25 l'explication, il ne faut pas tout à fait, de manière globale, donner une
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1 exception, faire bénéficier du témoignage les journalistes et, de cette
2 manière-là, leur permettre de ne jamais comparaître pour témoigner. Ce ne
3 serait pas bien évidemment pertinent. Aucun tribunal, d'ailleurs, ne
4 serait d'accord.
5 Je vais parler des correspondants de guerre d'ici quelques instants, mais
6 j'aimerais tirer quelques conclusions en ce qui concerne cette affaire
7 "Senior and Holdsworth" dont il a été question dans la déclaration de Me
8 Robertson, de 1975. Je vois que Lord Denning également y était un des
9 juges, qui a travaillé également après l'âge de 80 ans.
10 Il s'agissait d'une affaire civile dans le cadre de laquelle une agence de
11 presse, ITN, était très active au cours des litiges et des conflits de
12 guerre. D'ailleurs dans la déclaration du journaliste… de l'article de ce
13 journaliste, c'était également marqué. Je pense que c'est la déclaration
14 de Gutman, Roy Gutman. Oui. Donc ITN a attiré l'attention de l'opinion
15 publique sur les atrocités commises à Omarska et Trnopolje et, sans aucune
16 hésitation, ils en ont parlé, mais ils n'ont pas du tout voulu aider le
17 Procureur.
18 M. Gutman a dit, au contraire, qu'il viendra ici dans le prétoire pour
19 témoigner.
20 Monsieur le Président, ITN, par conséquent, a eu quelques affaires au
21 sujet des dommages et intérêts.
22 Ensuite, il y avait un procès qui s'en est suivi, Lord Denning a dit ce
23 qui suit, je vais essayer de citer, c'est la page 33 du jugement qu'il
24 avait rendu, je parle de Lord Denning...
25 Monsieur le Président, à la page 33, Lord Denning cite un certain nombre
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1 de principes. Je vais sauter le début et je vais citer: "ITN demande des
2 lignes directrices concernant la remise d'un certain nombre
3 d'enregistrements qui n'ont pas été publiés. Elle ne demande pas le
4 privilège, mais souhaite donc produire un certain nombre de documents qui
5 n'ont pas été publiés." Fin de citation.
6 Dans le cas concret, il parle de l'impartialité, de la pertinence et de la
7 recherche de l'objectivité.
8 Ensuite, il est dit que, quand il s'agit des correspondants de guerre, si
9 l'on demande de visionner un film qui n'a pas été publié, à ce moment-là
10 les correspondants de guerre peuvent être exposés au danger un peu plus
11 qu'ils ne le sont pas. Je poursuis. Ensuite, on dit qu'on ne voit pas
12 pourquoi, à ce moment-là, on avait laissé le journaliste et le cameraman
13 enregistrer si, dès le début, ils savent que ceci ne serait pas publié et
14 rendu public.
15 Ensuite, il y a la question qui se pose de savoir quelles sont les parties
16 et les séquences qui sont pertinentes, d'autre part.
17 Ensuite, on arrive au paragraphe qui commence -et je cite-: "Les
18 journalistes, ainsi que les correspondants de guerre, se trouvent dans une
19 situation tout à fait particulière car il s'agit d'un certain nombre
20 d'activités qui concernent l'opinion publique. Les tribunaux respectent
21 ces activités, ils ne vont pas faire des obstacles plus que ceci n'est
22 indispensable. Le tribunal va essayer d'aboutir à un équilibre entre les
23 deux: d'un côté, il y a l'intérêt public pour administrer la Justice et ne
24 pas empêcher la présentation des éléments de preuve à charge; d'un autre
25 côté, il y a l'intérêt public également qui est de respecter la
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1 confidentialité des informations, et les journalistes ne doivent pas être
2 empêchés dans leurs activités par une intimidation et un obstacle de ne
3 pas propager les informations" (fin de citation).
4 Je pense que dans la note par la suite, on parle également de cette
5 autorité américaine dont il a été question tout à l'heure, Monsieur le
6 Président. Mais il me semblait qu'il s'agit donc d'un comité national
7 démocratique.
8 Il est également question d'une autre affaire, et il cite: "Le juge ne va
9 pas obliger le journaliste à répondre à une question qui peut être
10 pertinente et qui est également essentielle pour la bonne administration
11 de la Justice" (fin de citation).
12 Ensuite, on parle des frais. Nous passons au suivant -je cite-: "A la
13 lumière de tout ce qui a été dit, il est indispensable de nous concentrer
14 sur le fait que le tribunal a l'autorisation de délivrer un ordre à ITN de
15 produire cette cassette qui n'a pas été communiquée, si c'est dans
16 l'intérêt de la Justice, mais le tribunal peut disposer de cette
17 autorisation uniquement s'il considère que l'enregistrement en question a
18 du poids pour le jugement qui sera rendu et si l'on précise également que
19 cet enregistrement, cette cassette, pourrait avoir un impact sur un
20 jugement. Si le Juge considère que cette cassette contient un certain
21 nombre d'éléments pertinents, mais s'il y a des spéculations, également
22 différentes, qui sont contenues, à ce moment-là, il peut demander la
23 production de cette cassette." (Fin de citation.)
24 Monsieur le Président, il va s'en dire que c'est la Chambre qui va
25 rechercher un équilibre, comme le Juge Hunt l'avait précisé également. Il
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1 est du devoir des journalistes d'obtenir des informations, de les
2 propager, mais de ne pas courir les risques.
3 D'un autre côté, il ne peut pas également se poser la question dès le
4 début si, un jour ou l'autre, il va être obligé de communiquer les
5 informations. Si le journaliste, par exemple, sait que le Procureur ou
6 l'avocat de la défense ou qui que ce soit peut lui demander, par exemple,
7 de venir témoigner, à ce moment-là, il est bien obligé de comparaître. Ce
8 n'est pas, bien évidemment, souhaitable, mais il serait encore moins
9 souhaitable d'accorder cette immunité globale.
10 En ce qui concerne des sources américaines, nous affirmons –moi, je ne
11 vais pas entrer dans le détail, vous disposez de tous ces documents,
12 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, vous savez quels sont les
13 arguments qui ont été avancés-, mais moi, je maintiens que leur attitude,
14 en grande partie, est pratiquement la même, à savoir qu'il y a en quelque
15 sorte des privilèges qui sont reconnus, donc le droit à la
16 confidentialité. Moi, je n'utilise pas cela sous la notion juridique au
17 complet dont bénéficient les journalistes. Mais, dans ces cas-là, il faut
18 démontrer que le journaliste doit nous présenter une raison suffisamment
19 convaincante pour laquelle il refuse de comparaître devant la Chambre,
20 devant le Tribunal.
21 En ce qui concerne un autre aspect, un autre aspect également qui a fait
22 l'objet de discussions, à savoir qu'ils nous envoient des informations des
23 territoires qui sont en conflit, en guerre, et selon lesquelles ils
24 doivent bénéficier de cette immunité globale, eh bien, Monsieur le
25 Président, si on commence à donner de tels types d'immunité, à ce moment-
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1 là, les juges vont rencontrer de nombreux obstacles et des difficultés.
2 Quelle est la partie de l'activité des correspondants de guerre qui peut
3 être couverte par cette immunité? Est-ce que cette immunité est valable
4 pour M. Randal qui est au bureau, qui se trouve au bureau de M. Brdanin?
5 Dans la mairie, il interviewe donc un homme politique. Est-ce que cette
6 immunité doit concerner la personne qui couvre les opérations de guerre
7 dans un territoire où il a risqué d'être blessé ou tué?
8 Je pense que ni les Juges ni le Procureur ne souhaitent affirmer ici que
9 les journalistes qui se trouvent dans de telles situations, qui se rendent
10 sur les territoires de conflit, qui nous informent de ce qui se passe.
11 Certes, ils sont courageux. Certes, ils ont une activité et un devoir qui
12 est public mais, ceci dit, ils ne se sont pas fait tuer.
13 Par conséquent, on ne peut pas dire qu'on les tue tout simplement parce
14 qu'on sait qu'ultérieurement, éventuellement, ils allaient comparaître
15 devant un tribunal. S'ils se sont fait tuer, c'est tout simplement parce
16 qu'une des parties en conflit ne voulait pas que des correspondants de
17 guerre envoient des informations.
18 Je vais également citer un exemple qui s'est passé à Jénine. Aucun
19 journaliste n'avait le droit de s'y rendre tout simplement parce que les
20 gens ne voulaient pas qu'on sache ce qui se passait à Jénine.
21 Ceci dit, dire qu'un journaliste tout simplement qui se rendait dans une
22 zone de conflit ne pouvait pas être contraint à témoigner, d'après nous,
23 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, cela voudrait dire ignorer un
24 certain nombre de faits et la réalité, alors que c'est très important de
25 savoir ce qui s'était passé. Les journalistes sont en situation de
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1 connaître, de savoir, d'aider la bonne administration de la Justice,
2 notamment quand il s'agit de poursuivre des criminels qui ont commis des
3 crimes de guerre.
4 S'ils sont les seuls à avoir vu un certain nombre d'actes qui ont été
5 commis, s'ils s'étaient rendus dans les camps, s'ils ont vu et observé ce
6 qui s'y passait, à ce moment-là, nous maintenons qu'il serait totalement
7 erroné si, dans la poursuite de ceux qui sont responsables d'avoir commis
8 de tels crimes, ils ne pouvaient pas témoigner.
9 Monsieur le Président, je pense qu'il est d'une importance capitale, et
10 c'est l'intérêt public international, d'ailleurs, c'est la raison pour
11 laquelle le Tribunal a été institué, que de faire comparaître les témoins
12 qui peuvent prouver la culpabilité de ceux qui sont accusés.
13 M. le Président (interprétation): Madame Korner, pour être tout à fait
14 correct vis-à-vis de ce qui a été avancé par Me Robertson, c'est pour dire
15 qu'il est tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne le paragraphe
16 13. Il est d'accord que, s'il s'agit d'un journaliste, d'un témoignage qui
17 est d'une importance cruciale pour déterminer la culpabilité de l'accusé -
18 nous allons donc oublier l'innocence car ceci rentre beaucoup plus dans le
19 cadre de la responsabilité de la Chambre et pas des deux parties-, dans
20 ces cas-là, je reviens à ce que disait Me Robertson, on ne demande pas un
21 privilège généralisé. Il était d'accord que, dans ce cas-là, le
22 journaliste devrait pouvoir comparaître, surtout si le Tribunal le
23 demande.
24 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, c'est comme cela que
25 je l'ai compris et que j'ai compris en écoutant Me Robertson.
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1 M. le Président (interprétation): Mais, c'est exactement cela.
2 Mme Korner (interprétation): Mais il y a quand même une attitude qui est
3 plus ou moins généralisée, selon laquelle les journalistes devraient
4 bénéficier de cette immunité et de ces privilèges. Dans le cas concret,
5 dans notre affaire, on peut conclure de manière tout à fait plausible
6 qu'il s'agit beaucoup plus du patron du journaliste qui doit déterminer
7 s'il va être cité ou non, parce qu'il va sans dire que c'est le
8 "Washington Post" qui, en effet, empêche en quelque sorte sa comparution
9 devant la Chambre, Monsieur le Président, mais j'affirme ce que j'ai déjà
10 expliqué tout à l'heure. Je ne peux qu'être satisfaite avec le principe
11 selon lequel les tribunaux doivent être très prudents lorsqu'ils
12 recherchent un équilibre et lorsqu'ils cherchent à savoir si un
13 journaliste doit comparaître ou non.
14 C'est la Chambre qui va prendre la décision à ce sujet-là, si le Procureur
15 a décidé que, dans le cas concret, ceci est important.
16 Monsieur le Président, nous ne voulons pas faire opposition à la
17 législation fédérale à laquelle s'est référé Me Robertson. Il va sans dire
18 que de toutes les affaires, tous les organes de responsabilité de
19 jurisprudence (sic) vont demander aux journalistes de témoigner si c'est
20 indispensable, sans parler donc de les contraindre.
21 Monsieur le Président, nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'un principe
22 dont la Chambre devrait tenir compte. S'il n'y a véritablement rien à
23 rajouter au sujet des principes, je pourrai peut-être dire quelques mots
24 au sujet des faits.
25 M. le Président (interprétation): Oui.
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1 Mme Korner (interprétation): Je pense que j'aimerais maintenant dire
2 quelques mots au sujet de M. Randal. Comme je l'ai déjà dit, il avait
3 interviewé M. Brdanin dans son bureau. Ensuite, il a publié cette
4 interview. Maintenant, on affirme -même si ce n'est pas M. Randal qui est
5 venu ici nous le dire- que soi-disant M. Brdanin ne voulait plus le
6 revoir.
7 Mais ceci n'est pas du tout important pour notre affaire. Il est vrai
8 qu'il y a eu un article qui a été publié, et c'est la raison pour laquelle
9 M. Brdanin a probablement refusé de revoir le journaliste. Par conséquent,
10 si le journaliste a été refusé par la suite, s'il s'était trouvé dans le
11 danger… s'il courait un risque, c'est parce que justement il voulait
12 publier un certain nombre de faits. Nous affirmons qu'il y aurait eu
13 d'autres risques qu'il courrait si ultérieurement le journaliste était
14 appelé à confirmer, témoigner devant le Tribunal ce qui a été contenu dans
15 l'article.
16 Mais, Monsieur le Président, dans le cas concret, ce n'est pas du tout de
17 sources confidentielles qu'il s'agit. Le Procureur également considère
18 qu'ils ont été utilisés de tous les côtés pour le but de la propagande,
19 aussi bien par les Serbes de Bosnie que par les autres parties.
20 Monsieur Brdanin... Et la Chambre avait déjà pu entendre un certain nombre
21 de témoins. L'accusé Brdanin était quelqu'un qui était pratiquement un
22 leader de la propagande. Et le Procureur considère que, dans la situation
23 concrète, devant un journaliste qui était indépendant, qui n'avait pas
24 travaillé pour un journal qui était un journal du pays tel Glas ou
25 Kozarski Glasnik, que par conséquent Brdanin a donné cette interview au
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1 journaliste et que c'est une interview qui est très importante parce que
2 c'est au cœur même de l'affaire et que son témoignage aura du poids.
3 Monsieur Randal a même fait une déclaration, il n'a pas accepté de plein
4 gré d'ailleurs de donner cette déclaration, mais je vais vous rappeler en
5 bas de la déclaration -je ne sais pas si je vais la trouver d'ailleurs...
6 Il s'agit, Monsieur le Président, de la troisième page et en bas -je cite-
7 : "Je suis prêt à me mettre en contact avec les enquêteurs du Tribunal
8 mais j'hésite à témoigner devant la Chambre. J'aurais préféré présenter la
9 déclaration car l'article parle de lui-même. Mais si cela n'est pas
10 possible, à ce moment-là je serai prêt à témoigner pour confirmer que tout
11 ce qui a été cité est exact".
12 Monsieur le Président, comme Me Robertson l'a déjà accepté, on ne demande
13 pas à M. Randal autre chose que de confirmer, de corroborer ce qui a été
14 dit dans l'article, ce qui est donc contenu dans l'article. Bien
15 évidemment, on peut laisser de côté qu'il y avait un autre journaliste qui
16 a servi comme interprète.
17 D'un autre côté, Monsieur le Président, comme je vous l'ai déjà dit au
18 début quand je me suis adressée à vous, ceci n'est peut-être pas une
19 situation tout à fait idéale pour soulever un certain nombre d'arguments
20 et concernant les principes, mais nous affirmons que cette requête n'est
21 pas pertinente et qu'on ne peut pas demander de supprimer la citation
22 subpoena parce que de toute façon il y a une raison ou une autre pour
23 laquelle Randal a changé son point de vue.
24 C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, nous sommes d'avis
25 qu'il est indispensable par conséquent de délivrer une ordonnance
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1 contraignante à l'égard de M. Randal pour qu'il vienne témoigner ici.
2 Monsieur le Président, excusez-moi juste un petit instant...
3 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.
4 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
5 sauf si vous voulez nous poser quelques questions, nous avons terminé.
6 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai quelques questions, Madame
7 Korner, concernant la toute dernière partie de votre présentation des
8 éléments. Vous avez dit que, d'après vous, il n'y a aucun danger, aucun
9 risque le journaliste courrait à partir du moment où l'article a été déjà
10 publié parce qu'il vient tout simplement corroborer ce qui est contenu
11 dans cet article. Mais de mon côté, moi, je considère qu'il y a une
12 différence si on conteste la valeur probante de l'article. Par exemple, Me
13 Ackerman peut dire -je cite-: "Nous contestons l'aspect correct et la
14 véracité de ce que Brdanin avait déclaré".
15 Mme Korner (interprétation): Oui.
16 M. le Président (interprétation): Par conséquent, le journaliste est cité
17 ici devant la Chambre pour confirmer ou pour ne pas accepter ou
18 contredire.
19 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Certes, Monsieur
20 le Président, si l'on sait que le journaliste dépose de manière
21 systématique ou s'il le fait comme cela de manière constante, à ce moment-
22 là il peut courir un certain danger, mais le fait même d'avoir publié un
23 article lui avait provoqué un certain risque.
24 M. le Président (interprétation): Oui.
25 Mme Korner (interprétation): Mais jusqu'à maintenant, nous avons pu
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1 constater que les dépositions des journalistes n'ont pas eu d'effet
2 négatif dans leurs activités à l'avenir. En Grande-Bretagne et aux Etats-
3 Unis, j'ai pu lire un certain nombre d'articles qui ont parlé de ces
4 éléments. Je sais qu'une fois que j'ai lu tous les documents, je n'avais
5 pas tout à fait raison au début. En Grande-Bretagne, les journalistes
6 doivent témoigner sur les informations et la manière dont ils les ont
7 recueillies. A ma connaissance, ceci n'a pas menacé le processus de
8 recueil des informations.
9 Par la suite, Monsieur le Président, j'aimerais rajouter autre chose
10 concernant les mesures de protection. Vous en avez parlé, Monsieur le
11 Président. J'abonde dans le sens de Me Robertson à ce sujet: pour ce qui
12 concerne les mesures de protection, il est indispensable de les accorder.
13 Ces mesures de protection ne fonctionnent pas toujours de manière
14 satisfaisante et parfaite, mais ces mesures existent dans ce Tribunal et
15 c'est une certaine protection pour tous les témoins, y compris les
16 journalistes. Monsieur le Président, c'est tout ce que nous avons voulu
17 dire.
18 M. le Président (interprétation): Maître Robertson, on vient de m'informer
19 que les interprètes en cabine française et BCS ont des difficultés
20 d'interprétation, sont très fatigués. Ils méritent une pause de 30
21 minutes. C'est la raison pour laquelle nous allons suspendre notre travail
22 pour 30 minutes et vous allez pouvoir poursuivre.
23 Maître Ackerman, vous voudriez probablement, et Maître Fauveau dire
24 quelque chose.
25 M. Ackerman (interprétation): Je voudrais tout simplement, Monsieur le
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1 Président, que vous me permettiez de dire très brièvement quelque chose
2 car Mme Korner, à un moment donné, a dit qu'éventuellement cela pourrait
3 être le fondement pour une requête, une plainte. Il me semble que cette
4 Chambre et d'autres Chambres également doivent savoir quelle est notre
5 situation au sujet de tout ce qui a été dit aujourd'hui.
6 M. le Président (interprétation): Oui, certainement.
7 M. Ackerman (interprétation): Merci.
8 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Maître Fauveau.
9 Mme Fauveau: Ce témoin particulier et cet article particulier ne
10 concernent pas mon client. Je ne soumettrai pas mes arguments.
11 M. le Président: Merci, Maître Fauveau. (interprétation): Trente minutes
12 de pause.
13 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, tout ceci n'a rien à
14 voir avec le général Talic.
15 M. le Président (interprétation): Ah bon, je sais.
16 Mme Korner (interprétation): En ce qui concerne Me Ackerman, je suis sûre
17 et certaine qu'il a toujours quelque chose à dire, à ajouter à ce sujet-
18 là.
19 M. le Président (interprétation): Oui, cela est vrai, mais ici il s'agit
20 également de quelque chose que Me Robertson doit dire, vous l'avez
21 remarqué. Ensuite, c'est Me Ackerman et Me Fauveau qui vont parler. C'est
22 par courtoisie que je leur ai posé la question. Je ne pense pas qu'ils
23 soient obligés de dire tout ce qu'ils pensent à ce sujet-là. Je ne veux
24 absolument exclure personne pour participer au débat si jamais ils le
25 souhaitent.
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1 Nous revenons dans le prétoire dans 30 minutes.
2 (L'audience, suspendue à 12 heures 17, est reprise à 12 heures 48.)
3 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Fauveau?
4 Mme Fauveau: Je voudrais m'adresser à la cour, mais cela n'a rien à voir
5 avec l'affaire du journaliste. Je peux le faire à la fin de l'audience ou,
6 si vous voulez, je peux le faire maintenant.
7 M. le Président (interprétation): Cela dépend. De quoi s'agit-il?
8 Mme Korner (interprétation): Je crois que je sais ce dont il s'agit et
9 qu'il vaudrait peut-être mieux attendre d'être à la fin de l'audience.
10 Mme Fauveau: Peut-être, mais il faut que je le fasse aujourd'hui, c'est
11 très urgent.
12 M. le Président (interprétation): Bien, d'accord. Il y aura le temps pour
13 cela.
14 Mme Korner (interprétation): Oui, je crois que nous aurons le temps à la
15 fin de l'audience.
16 M. Ackerman (interprétation): Me Robertson a demandé que je fasse d'abord
17 mes propres remarques d'abord, afin que s'il a des réponses à y faire, il
18 souhaite pouvoir répondre à mes propres remarques.
19 M. le Président (interprétation): Vous n'avez rien contre cela, n'est-ce
20 pas?
21 M. Ackerman (interprétation): Non, pas du tout.
22 M. le Président (interprétation): Bien, allez-y, Maître Ackerman.
23 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
24 je voudrais pour qu'il soit acté au procès-verbal, au compte rendu, que je
25 suis sûr que j'ai déjà dit cela, c'est qu'il y a donc deux rapports de
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1 cette réunion du 10 février avec M. Brdanin: un article de M. Randal et un
2 du témoin X, qui est paru dans une autre publication. X est la personne
3 qui parle le serbo-croate; M. Randal ne parle pas le serbo-croate. Donc ce
4 que nous avons, c'est un article écrit pour rendre compte de cette réunion
5 avec quelqu'un qui connaissait la langue et quelqu'un qui ne la
6 connaissait pas.
7 Au-delà de cela, l'article écrit par la personne X ou le journaliste
8 reporter X, donne le contexte général, les bases de l'interview, d'emblée.
9 Et, j'estime que ce cadre général fait que ce témoignage, cette
10 déposition, sont à la fois dénués de pertinence et irrecevables,
11 inadmissibles. L'accusation soutient qu'elle est admissible, ce sont des
12 déclarations qui ont été faites un mois et demi après que l'Acte
13 d'accusation a été lancé.
14 En fait, ceci rend compte d'un état d'esprit au cours de l'accusation, si
15 on regarde l'article du reporter X, il est clair que l'objectif de la
16 visite à M. Brdanin en tant que ministre du Logement était d'obtenir son
17 point de vue sur la proposition Vance-Owen qui aurait été de faire un
18 canton serbe dans la région de Banja Luka et c'était lui demander en tant
19 que ministre du logement comment il voyait la question de la
20 réinstallation de la population, si cela devait se passer à la suite de
21 ces projets. Ceci a soit été repris du journal qui a publié cet article de
22 M. Randal, mais cela place son article dans une lumière qui ne reflète pas
23 la nature véritable du contexte et qui donne l'impression que quelque
24 chose est pertinent, alors que cela ne l'est pas.
25 J'ai été d'accord que l'article écrit par le reporter X peut être admis
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1 sans que ce reporter comparaisse ici et sans objection. Et si c'est un
2 article véridique de cette interview, l'accusation dit que c'est celui qui
3 devrait être versé au dossier mais, en fait, ce que l'accusation demande,
4 c'est que soit pris en compte un article qui n'est pas véridique. Donc, ma
5 position est celle-ci; je voulais le dire pour le compte rendu.
6 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président?
7 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas à rétorquer à ce dernier
8 argument, à savoir que vous alliez présenter un article non véridique.
9 Mme Korner (interprétation): Non, je n'avais pas l'intention de le faire.
10 Je ne voulais pas prendre une position d'arguments juridiques sur ces
11 questions pour traiter de ce que Me Ackerman a déjà plaidé. J'y ai déjà
12 répondu et vous vous êtes déjà prononcé dessus, Monsieur le Président. Si
13 ce n'est pour dire ceci, que toutes ces questions qu'il a soulevées en ce
14 qui concerne l'autre article, l'autre journaliste, sont disponibles et
15 peuvent être présentées à M. Randal pour voir quelles réponses M. Randal
16 donnerait et, certainement, si Me Ackerman voulait que l'article écrit par
17 l'autre journaliste soit versé au dossier, bien entendu, nous accepterons
18 ce versement au dossier et nous ne soulèverons aucune objection.
19 M. le Président (interprétation): Oui. Alors la balle et dans votre camp à
20 nouveau, Maître Robertson.
21 M. Robertson (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je
22 vais essayer d'être bref.
23 En ce qui concerne le point de vue et la remarque de Me Ackerman, ce n'est
24 pas à nous de dire si ce témoignage est pertinent, légèrement pertinent ou
25 très pertinent; c'est une question d'appréciation pour la Chambre. Ce sont
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1 des éléments que vous appliquerez pour apprécier, pour voir s'il était
2 nécessaire que l'on oblige ce journaliste à venir déposer.
3 Tout ce que je pourrais dire c'est que le fait que ces deux articles, l'un
4 plus long que l'autre, peuvent tout simplement vouloir dire que l'on a là
5 édité au journal du journaliste X, car nous savons que les journalistes
6 écrivent de longs comptes rendus qui sont ensuite raccourcis pour les
7 besoins du journal, et celui de M. Randal était plus long ou contenait
8 davantage d'éléments, ce ne serait pas vrai, ne serait pas logique. Mais,
9 sur le fond, c'est un fait qui demeure qu'il est accepté par l'accusation
10 que M. Randal a témoigné de ce qui lui a été dit par un interprète. Et, je
11 voudrais simplement vous renvoyer à notre requête, lorsqu'elle cite
12 l'affaire Delalic interprète (sic), l'affaire de l'interprète où la
13 Chambre a dit -je cite-: "Un interprète ne peut pas servir de fondement
14 pour témoigner de mots évanescents au cours de son interprétation dans la
15 procédure entre les parties."
16 Par conséquent, tout au plus ce que M. Randal pourrait faire c'est…
17 indépendamment d'un commentaire sur l'attitude du défendeur et de
18 prétendus éléments de preuve, je crois que cela mettrait la Cour, le
19 Tribunal dans une situation relativement peu utile s'il fallait obliger M.
20 Randal dans la position, dans une position dans laquelle M. X lui ne
21 serait pas obligé de venir se défendre, et M. Randal passerait du temps à
22 défendre M. X dans un contre-interrogatoire de Me Ackerman. Je ne pense
23 pas que ce serait là quelque chose qui puisse aider la Chambre.
24 Donc tout ce que je dirai sur ces faits, c'est ceci: Mme Korner a dit, et
25 elle faisait une hypothèse, que M. Randal était disposé à présenter des
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1 éléments de preuve jusqu'à ce que le Washington Post soit intervenu. En
2 fait ceci n'est pas vrai. Monsieur Randal a dit clairement, lorsqu'un
3 enquêteur du Tribunal est venu le voir, qu'il était à la retraite et qu'il
4 ne souhaitait pas faire de déposition.
5 Il a fait une déclaration parce que l'enquêteur était là et parce que
6 c'est un soutien du Tribunal, mais il n'en était pas heureux. Il a parlé
7 avec ses collègues, a parlé avec la rédaction de son journal et a décidé
8 que définitivement il ne voulait pas faire de déposition; cela c'est sa
9 position et bien entendu c'est son droit. Ce n'est pas comme si sa
10 rédaction de son journal était intervenue pour l'en empêcher comme dans le
11 cas du citoyen de la Croix-Rouge. C'est une situation entièrement
12 différente, car la politique respecte la conscience de leur propre
13 journaliste pour ce qui est de déposer ou non
14 J'espère que j'ai dit ça clairement. J'ai dit d'emblée que la position du
15 Washington Post -comme l'a montré M. Bo Jones- était que si un journaliste
16 souhaitait déposer sur une question qui, pour lui était une question de
17 conscience, c'était leur droit. Et que c'était le critère essentiel et que
18 l'on ne pourrait pas exercer une procédure obligatoire contre un
19 journaliste qui ne serait pas disposé à déposer. Et bien sûr on ne
20 voudrait pas qu'une telle décision, votre décision Monsieur le Président,
21 repose sur la question de savoir si M. Randal était disposé à le faire au
22 début et parce qu'ensuite il aurait simplement refusé de faire des
23 déclarations aux enquêteurs.
24 Il se peut qu'il y ait des situations dans lesquelles des journalistes
25 puissent donner des renseignements utiles ou des déclarations à des
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1 enquêteurs, sans perdre leur privilège de pas déposer. C'est ce que je
2 dirai être la position de M. Randal.
3 Pour en revenir à la position de principe: Mme Korner a dit, à maintes
4 reprises, que nous essayons d'avoir une immunité générale. Nous ne
5 demandons rien de la sorte. Nous demandons un privilège du journaliste,
6 nuancé, limité, ou subsidiairement la présomption que l'on ne peut pas
7 forcer un témoignage. Nous ne cherchons pas à obtenir une immunité
8 générale et nous acceptons le fait que dans des cas d'exception, des cas
9 exceptionnels, on peut passer par-dessus ce privilège.
10 Maintenant, en ce qui concerne l'argument principal de Mme Korner du point
11 de vue juridique, il y avait l'affaire Mulholland et puis il y avait
12 l'affaire British Steel. Je n'avais pas connaissance du fait que ces
13 affaires allaient être citées aujourd'hui, et donc peut-être que ma
14 réponse serait moins urbaine qu'elle ne l'aurait été normalement. Ces
15 affaires sont des affaires qui sont maintenant lettre morte. Elles ont
16 disparu de la jurisprudence britannique. Elles représentent le
17 Commonwealth anglais à un stade primitif de son développement. Aucun
18 conseil ne les citerait devant une juridiction et aucun conseil ne les
19 cite aujourd'hui parce qu'elles sont dépassées ces décisions. Premièrement
20 par le Parlement britannique qui en 1981 précisément parce que British
21 Steel et Granada avait décidé que les journalistes devaient avoir ce
22 privilège de protection, et à ce moment-là il y a eu la loi de 1981, la
23 "Contempt Act", pour renverser la jurisprudence Mulholland et British
24 Steel. Et on trouva également dans Goodwin un privilège nuancé et limité
25 pour ce qui est de refuser de citer leurs sources à moins qu'il y ait des
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1 conditions très spéciales qui soient réunies. C'est la première façon dont
2 Mulholland et British Steel ont été en fait mis au panier de l'histoire, à
3 la corbeille de l'histoire judiciaire britannique.
4 La deuxième façon, par l'Europe, par les conventions européennes:
5 Mulholland a été tranché en 1983, avant que l'on ne donne le droit en 1966
6 et que la Convention européenne ne prévoie, comme le montre l'affaire
7 Goodwin, qu'il y avait la possibilité pour les journalistes d'avoir le
8 droit qui précisément avait été nié dans l'affaire Mulholland et British
9 Steel.
10 Ce contre quoi je proteste le plus vigoureusement -je crois que c'était
11 indiqué dans la décision de Lord Donovan (phon), dans l'affaire
12 Mulholland-, c'est que le journaliste devrait se voir ordonner de déposer
13 si cela pouvait remplir un "but utile".
14 L'Article 19 de la Convention internationale sur les droits civils et
15 politiques et l'Article 10, et toute la jurisprudence qui est issue de ces
16 articles, disent que le critère est de savoir si c'est nécessaire et que
17 les questions d'utilité n'ont rien à voir avec la question.
18 Donc Mulholland fait partie de cette ère primitive du droit anglais où ces
19 droits, particulièrement la liberté de parole, n'étaient pas encore
20 reconnus comme ils auraient dû l'être par le droit anglais, qui est la
21 raison pour laquelle l'Angleterre a maintenant une loi sur les Droits de
22 l'Homme qui incorpore la Convention des Droits de l'Homme, ainsi de suite.
23 Et il serait particulièrement rétrograde, et tout à fait ouvert... se
24 prêtant à la critique pour ce Tribunal, si on développait une règle
25 moderne qui soit basée sur cet état du droit antérieur à la Convention
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1 européenne et à la nouvelle législation par rapport à ce qui a été, de
2 façon décisive, rejeté en Grande-Bretagne.
3 On peut voir en regardant une affaire tout à fait récente, la dernière
4 affaire que vous trouverez dans le dossier, l'affaire Bright, qui a été la
5 toute dernière, la plus récente affaire tranchée sur cette question de la
6 protection des journalistes de l'obligation de déposer. On peut voir
7 également dans la Convention anglaise sur les reporters, à la deuxième
8 page, les affaires et les jugements qui y sont énoncés.
9 Je pense que vous verrez que ni dans les sections ni dans les pages 603 ou
10 664 on ne trouve cité Mulholland ou British Steel comme précédent, la
11 raison étant qu'ils ne font plus du tout autorité sur cette question en
12 Grande-Bretagne, mais on voit Goodwin et Senior & Holdsworth qui y sont
13 cités, qui ont été cités devant les tribunaux, pour ce qui est des
14 publications.
15 Donc, loin d'être des déclarations de principe classiques, elles sont
16 complètement dépassées, ce sont des déclarations de principe qui ont été
17 rejetées par les tribunaux où ils trouvaient leur origine. C'était le
18 résultat d'un droit qui a maintenant été considéré comme défectueux pour
19 ce qui est d'assurer la protection de journalistes, et qui ne peut plus
20 servir d'autorité sur laquelle l'accusation se fonde, et ne devrait pas
21 être suivi.
22 Senior & Holdsworth a survécu comme jurisprudence car c'était une décision
23 progressiste qui représentait un progrès, où l'on voyait que les juges
24 commençaient à reconnaître l'intérêt pour le public de protéger les
25 journalistes, et qui est maintenant reconnue par de plus en plus de
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1 juridictions à la suite de la Convention européenne et des autres affaires
2 de droit international qui ont été présentées.
3 Je crois donc qu'il ne reste plus grand-chose entre l'accusation et le
4 demandeur. L'accusation vous dit: "Faites-le du point de votre pouvoir
5 discrétionnaire ou exercez votre pouvoir discrétionnaire!" Nous disons
6 non. C'est une pente glissante dans laquelle, certes, il y a des cas où il
7 faut se fonder sur le pouvoir discrétionnaire, mais plus particulièrement
8 dans une affaire pénale il n'y a pas lieu d'adopter cette voie à cause de
9 l'importance de cette question pour les journalistes et à cause de
10 l'importance des journalistes à l'égard de la Justice d'une façon qui ne
11 nécessite pas d'explication et qui a été expliquée par Richard Goldstone.
12 Nous voulons donc inviter votre Chambre à concrétiser cette situation ou
13 bien en reconnaissant une présomption avant l'exercice d'un pouvoir
14 discrétionnaire, en ayant comme point de départ des principes que nous
15 avons soutenus selon lesquels un journaliste ne devrait pas être obligé, à
16 moins que ne soient remplies des conditions tout à fait exceptionnelles,
17 et que ces conditions préalables soient satisfaites. Sinon que cela
18 subsidiairement soit considéré comme un privilège du journaliste dans
19 l'intérêt public, et que sa protection soit assurée, sauf lorsque les
20 preuves recherchées sont nécessaires, indispensables, essentielles
21 -quelles que soient les formules que le Tribunal voudra retenir et
22 appliquer- mais certainement plus utiles qu'une jurisprudence dangereuse
23 et dépassée.
24 Le choix qu'a votre Chambre entre la position de l'accusation et la
25 position du défendeur est celle que je viens d'exposer.
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1 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner?
2 Mme Korner (interprétation): J'aimerais simplement essayer de réfuter
3 l'allégation selon laquelle je me fonde sur une jurisprudence tout à fait
4 dépassée!
5 M. le Président (interprétation): Cela n'a pas d'importance, nous allons
6 évaluer cela nous-mêmes, nous ne sommes pas liés par la jurisprudence
7 d'ailleurs des tribunaux américains ou anglais.
8 Mme Korner (interprétation): Oui, mais comme nous sommes en séance
9 publique, je pense qu'il convient tout de même de dire que dans nos
10 conclusions écrites, comme M. Robertson l'a si bien indiqué, nous avons
11 examiné ces "contempt of court acts", donc lois sur l'outrage au tribunal,
12 l'affaire Goodwin c/ le Royaume-Uni, et je me réfère à ces affaires parce
13 que toutes ces affaires ont trait à des sources confidentielles, des
14 sources quant au fond des affaires, et on vous demande d'étendre ce
15 principe, d'imposer à l'accusation le fardeau et l'obligation de renverser
16 une présomption ou de démontrer qu'un privilège ne se justifie pas sauf
17 dans des circonstances exceptionnelles. C'est la raison pour laquelle je
18 me réfère à ces affaires, parce qu'elles ont trait à cet aspect
19 particulier.
20 M. Robertson (interprétation): Je n'ai pas du tout voulu induire en
21 erreur, il s'agit d'affaires qui ont un grand intérêt historique mais qui
22 ne sont pas pertinentes en l'espèce.
23 Mme Korner (interprétation): Oui, cela je ne peux pas le nier, le réfuter.
24 M. le Président (interprétation): Je pense que nous pouvons maintenant
25 mettre un terme à ce débat mais j'aimerais tout de même signaler que la
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1 Chambre est très reconnaissante du très haut niveau de ces conclusions, de
2 ce débat, sans bien sûr omettre de mentionner Me Ackerman.
3 Mme Korner (interprétation): Maître Fauveau souhaiterait vous adresser la
4 parole, une question qui ne touche pas Me Robertson, alors il a peut-être
5 très envie de nous quitter.
6 M. le Président (interprétation): Oui, et de retourner à un temps plus
7 clément.
8 Mme Korner (interprétation): Exactement.
9 M. Robertson (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président,
10 Mesdames les Juges. Ceci a été pour moi un grand privilège de prendre la
11 parole devant vous.
12 M. le Président (interprétation): Nous vous remercions d'être venu, Maître
13 Robertson, et nous vous sommes reconnaissants de vos conclusions. Merci.
14 Nous allons peut-être faire une courte pause pour permettre à Me Robertson
15 et à son équipe de nous quitter. Oui, c'est ce qui conviendrait.
16 (Maître Robertson et son équipe quittent le prétoire.)
17 Oui, Maître Fauveau, vous avez la parole.
18 Mme Fauveau: Monsieur le Président, Mesdames les Juges, nous avons déposé
19 ce matin une demande d'autorisation d'appel. Il ne s'agit pas de l'appel
20 de votre Chambre. Il s'agit de l'appel contre une décision du Juge
21 Schomburg.
22 Déjà cette décision, qui a été déposée auprès du Greffe vendredi dernier,
23 c'est-à-dire le 3 mai, nous ne l'avons reçue que le 6 mai, et à notre
24 demande expresse.
25 Ce matin, j'ai déposé une demande d'autorisation d'appel évidemment me
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1 basant sur l'Article 73 D) du Règlement de procédure. Après avoir déposé
2 cette demande, je viens de recevoir les modifications du Règlement qui ont
3 été publiées apparemment le 1er mai, qui sont entrées en vigueur le 8 mai
4 et qui apparemment ont été votées le 23 avril 2002.
5 Je m'adresse à vous parce que la défense -et je pense que toutes les
6 équipes de la défense sont exactement dans la même situation-, personne ne
7 nous a jamais avertis qu'il y avait une modification du Règlement de
8 procédure. Donc maintenant je suis mise dans une situation très délicate
9 parce que j'ai appris cette modification vers 12 heures 35 et évidemment
10 le délai pour déposer maintenant, c'est une demande de certificat d'appel,
11 est 4 heures cet après-midi. Au lieu d'avoir... Je l'ai reçue à 12 heures
12 35.
13 M. le Président (interprétation): Oui, parce que je me posais la question.
14 Je me disais: là, j'oblige mon personnel à faire des heures
15 supplémentaires.
16 Puis-je vous demander par ailleurs contre quelle décision vous faites
17 recours?
18 Mme Fauveau: Il s'agit de la décision du Juge Schomburg sur la récusation.
19 M. le Président (interprétation): Mais vous comprendrez sans peine que la
20 seule réponse que je peux vous donner sur ce point, c'est de rien dire, je
21 ne peux pas me prononcer. Si la décision avait trait à ma propre
22 récusation, il est bien évident que je ne peux rien dire sur vos droits,
23 sur votre position. Vous pouvez poser des questions à d'autres organes,
24 mais vous ne pouvez pas vous attendre à ce que je me prononce.
25 Mme Fauveau: Non, Monsieur le Juge. Je n'attends aucun commentaire sur
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1 l'appel de vous ou de qui que ce soit de cette Chambre.En revanche, je voudrais
2 quand même attirer l'attention du Tribunal que je ne suis pas la seule dans ce
3 cas. C'est toutes les équipes de la défense. Personne ne nous a jamais avertis
4 qu'une modification du Règlement qui maintenant a été faite, il y a presque
5 vingt jours que cela a été fait.Je sais que ce n'est pas dans votre prérogative
6 mais,pour moi,c'est le seul moyen de porter cela à l'attention du Tribunal entier
7 M. le Président (interprétation): Oui, je vous remercie de faire en sorte
8 enfin, d'attirer l'attention de la Chambre sur ce point. Comme vous le savez,
9 en tant que Chambre, nous n'avons aucune maîtrise sur ces questions
10 qui relèvent du Greffe et du comité sur le Règlement. Pour ce qui est de dire
11 que personne n'en avait connaissance,je ne suis pas sûr de pouvoir vous suivre
12 sur ce point parce que, dès le début de la semaine, enfin je savais que dans
13 une autre affaire qui n'a rien à voir avec celle-ci,la question s'est posée de
14 savoir si les modifications apportées au Règlement seraient appliquées à une
15 décision qui allait être rendue un ou deux jours avant le 8 mai.Donc je suis
16 tout à fait certain qu'en tout cas les modifications avaient été portées à la
17 connaissance de certains. Mais, bon,j'accepte ce que vous dites Cela sera donc
18 inscrit au procès-verbal et je vais m'enquérir à ce sujet, parce qu'il est
19. évidemment dans notre intérêt, dans l'intérêt de la Chambre, d'être mis au
20 courant de toute modification au Règlement et que toute modification soit
21 portée à la connaissance de tous. Mme Chen(interprétation)Les modifications du
22 1er mai 2002 sont publiées sur Internet.Mme Fauveau:Puisqu'on parle d'internet
23 internet dans la salle de la défense ne marche pas depuis très très longtemps.
24 M. le Président (interprétation): Je ne peux tout de même obliger personne
25 à aller consulter internet pour être mis au courant.Restons-en là,mais je vous
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1 remercie de communiquer ces informations à la Chambre.Madame Korner,vous avez
2 la parole Mme Korner (interprétation): Pour ce qui est de la semaine prochaine
3 il n'y aura pas d'audience vendredi. M. le Président (interprétation): Oui,
4 nous sommes convenus que nous n'aurions pas d'audience vendredi. C'est
5 d'ailleurs une décision du bureau.
6 Mme Korner (interprétation): Alors, simplement pour information, le seul
7 témoin qui viendra la semaine prochaine témoigner ici est le juge
8 Draganovic. Je pense que son témoignage nécessitera certainement toute la
9 journée du lundi, peut-être même le mardi, pour l'interrogatoire
10 principal, même si la défense a dit que cela ne prendrait pas beaucoup de
11 temps.
12 M. le Président (interprétation): Très bien et avant de suspendre la
13 séance, hier et avant-hier j'ai tenté de réorganiser quelque peu tout ce
14 qui a trait à Banja Luka. J'ai essayé de faire cela avec l'aide de mon
15 personnel, et je dois demander votre assistance ainsi que celle de la
16 défense pour ce qui est des déclarations régies par 92bis.
17 Mme Korner (interprétation): Oui, je viens de me rendre compte que nous
18 n'avons pas réglé cela.
19 M. le Président (interprétation): Parce que,
20 dans les piles de documents
21 dont je dispose,
22 je me suis rendu compte que,
23 tout d'abord, il n'y a même
24 pas de cote qui leur a été attribuée.
25 Et un de mes principaux
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1 collaborateurs dans
2 le département juridique est sur le point de me
3 quitter, mais elle est
4 responsable de mener à bien ou d'organiser de façon
5 définitive tout ce qui concerne Banja Luka.
6 Mme Korner (interprétation): Oui, en effet. Je lui ai indiqué que tout
7 cela n'avait pas été réglé parce qu'il y a encore un témoin qui pourrait
8 peut-être venir à la fin du mois, qui va aborder cette question. Puis il y
9 a aussi quelqu'un qui va venir témoigner après le mois de septembre sur
10 ces agendas.
11 M. le Président (interprétation): Oui, mais comment est-ce que cela… Quel
12 impact est-ce que cela peut avoir sur les documents dont je parle?
13 Mme Korner (interprétation): Non, il ne s'agit pas de la Règle de
14 l'Article 92.
15 M. le Président (interprétation): Ce que j'essaie de faire, c'est de
16 ficeler un peu tout ce qui a déjà été abordé et réglé, et donc les
17 déclarations régies par l'Article 92bis.
18 Mme Korner (interprétation): Oui, je me suis souvenue après avoir abordé
19 Sanski Most que nous n'avions pas réglé le problème de 92bis. Je crois
20 qu'il faudrait maintenant essayer de donner des cotes concernant les
21 documents de Banja Luka parce que nous passons de 500 à...
22 M. le Président (interprétation): J'ai demandé à ma secrétaire d'arranger
23 tous ces documents dans l'ordre, dans l'ordre dans lequel ils m'ont été
24 soumis. Comme cela, nous allons pouvoir vérifier tout cela et mesurer que
25 nous avons un dossier complet.
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1 Mme Korner (interprétation): Oui, si votre juriste, votre secrétaire veut
2 bien nous contacter pour confirmer l'ordre nous pouvons…, nous pourrons
3 régler tout cela. M. le Président (interprétation): Par ailleurs, sur le
4 même sujet, je demanderai à Me Ackerman et à Me Fauveau de vérifier s'il y a
5 des documents que vous auriez utilisés pendant la phase de Banja Luka qui
6 n'ont peut-être pas été versés comme pièces. Je me demande si ce n'est pas
7 le cas.J'ai quelques doutes à ce sujet.J'ai dans mon dossier,quelques documents
8 qui ont été soumis par la défense, notamment Me Ackerman, pas Me Fauveau. Je
9 crois que les documents provenant de Me Fauveau sont au complet, mais j'ai
10 eu des documents dont je ne me souviens pas qu'ils ont été cités ou utilisés
11 lors du contre-interrogatoire et n'ont en tout cas pas été admis ou versés.
12 au dossier Veuillez donc vérifier tout cela pour que je puisse clore, une
13 fois pour toutes, les dossiers afférents à Banja Luka.M.Ackerman : J'essaie
14 maintenant de m'y retrouver, nous essayons de nous y retrouver. Nous avons
15 des documents numérotés de 1 à 64, et nous essayons de savoir lesquels ont
16 été versés et lesquels ne l'ont pas été. La façon la plus simple serait, en
17 fait d'en demander le versement, enfin de demander le versement de tous ces
18 dossiers plutôt que de passer des heures à essayer de faire un tri.
19 M. le Président: Oui. Je n'essaie pas de vous imposer un délai. Je vous
20 demande simplement votre coopération en la matière. Nous allons donc lever la
21 séance jusqu'à lundi matin où nous allons nous retrouver dans ce prétoire.Et,
22 comme convenu le Juge va poursuivre sa
23 déposition là où il en était resté, il y a deux semaines. Je vous
24 remercie.
25 (L'audience est levée à 13 heures 25.)