Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 30 août 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 04.)

3 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

4 (Audience publique.)

5 (Questions relatives à la procédure.)

6 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, veuillez rappeler

7 l'affaire.

8 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

9 L'Affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radislav Brdjanin et Momir

10 Talic.

11 M. le Président (interprétation): Monsieur Brdjanin, bonjour. Est-ce que

12 vous m'entendez dans une langue que vous comprenez?

13 M. Brdjanin (interprétation): Oui, je vous entends et je vous comprends.

14 M. le Président (interprétation): Général Talic, bonjour. Pouvez-vous

15 m'entendre dans une langue que vous comprenez?

16 M. Talic (interprétation): Oui, je peux vous entendre dans une langue que

17 je comprends.

18 M. le Président (interprétation): Les présentations pour l'accusation.

19 Mme Korner (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Joanna Korner

20 assistée par Hasan Younis.

21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Bonjour à vous.

22 Les présentations pour Radislav Brdjanin.

23 M. Ackerman (interprétation): Bonjour. Je suis John Ackerman, avec Milan

24 Trbojevic et Marela Jevtovic.

25 Bonjour.

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1 M. le Président (interprétation): Le général Talic.

2 M. Zecevic (interprétation): Bonjour. Slobodan Zecevic et Natasha

3 Ivanovic-Fauveau pour le général Talic. Merci.

4 M. le Président (interprétation): Quelque chose pour commencer?

5 Mme Korner (interprétation): Nous avons vérifié les trois déclarations

6 1992 à Sanski Most sur lesquelles vous avez posé des questions et nous

7 confirmons ce que nous avons dit. Nous n'allons pas convoquer ce témoin et

8 nous sommes toujours en train d'examiner la question du dernier témoin de

9 Sanski Most qui n'a pas pu venir précédemment.

10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame Korner.

11 Maître Ackerman?

12 M. Ackerman (interprétation): Comme vous le savez, nous avons reçu des

13 vidéos hier et nous avons eu la possibilité de les visionner. Et

14 maintenant ou bien lorsque Mme Korner jugera opportun de les utiliser,

15 nous avons des objections importantes à leur utilisation. Quant à savoir

16 si le Tribunal veut entendre ces objections, c'est à lui de décider.

17 Mme Korner (interprétation): Je demanderai à les utiliser en tout état de

18 cause, que ce soit avec ce témoin ou avec l'autre témoin qui viendra.

19 D'ici la fin de la journée, nous aurons une première retranscription en

20 langue bosnienne de ce qui figure sur la bande. Pour ce qui est de la

21 traduction, j'espérais avoir la possibilité de le faire. Si les

22 interprètes disposaient de la transcription en BCS, nous aurions pu

23 procéder à une transcription orale. C'est incontestable et indéniable que

24 je vais demander à utiliser cette bande.

25 Je voudrais convoquer M. Filipovic ce matin; il nous attend. Peut-être

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1 est-il approprié de traiter la question de cette bande, d'utiliser cette

2 bande lundi matin lorsque nous aurons le transcription?

3 M. le Président (interprétation): Oui, je le dirai.

4 Mme Korner (interprétation): Est-ce que nous sommes le matin, le mois

5 suivant? Je pense que non.

6 M. le Président (interprétation): Non, le mois prochain, nous avons un

7 programme mixte. Je vais essayer de prendre des dispositions pour que des

8 changements soient apportés.

9 Mme Korner (interprétation): Je pensais que c'était le matin.

10 M. le Président (interprétation): Il y a peut-être eu des changements

11 parce que j'ai fait des demandes en début de semaine sur la base de

12 différentes réclamations que j'ai reçues et également dans la mesure où

13 j'estime que notre affaire ne doit pas recevoir un traitement différent

14 des autres affaires. On aurait donc dû essayer de régler les choses plus

15 avant, mais ma secrétaire jusqu'à hier, ne m'a pas parlé de changement. La

16 semaine prochaine, pour autant que je sache, nous siégerons l'après-midi

17 et la semaine suivante, le matin.

18 Mme Korner (interprétation): Je vais essayer, Monsieur le Président, de

19 vous envoyer la transcription, mais cela ne sera pas très utile.

20 M. le Président (interprétation): Ce que je proposerais, c'est que… Bon,

21 nous n'avons pas de toute façon encore la vidéo.

22 Mme Korner (interprétation): Non.

23 M. le Président (interprétation): Nous ne l'avons pas reçue?

24 Mme Korner (interprétation): Non.

25 M. le Président (interprétation): Si Me Ackerman pouvait nous donner des

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1 indications quant à la nature de ses objections, nous pourrions à ce

2 moment-là décider comment procéder, parce que nous pourrions entendre les

3 objections sans avoir d'abord vu l'enregistrement vidéo, mais nous devons

4 avoir une idée. En tout cas, nous devons également avoir une indication

5 quant à la nature des objections.

6 Ensuite, retenir la vidéo de l'accusation, la visionner par nous-mêmes,

7 pas en séance, ce qui nous permettra, en toute connaissance de cause,

8 d'évaluer la situation. Après quoi, nous pouvons en discuter.

9 Mme Korner (interprétation): Oui, ce serait utile. Ce qui pourrait être

10 fait, c'est que si c'est nécessaire, je demanderai à quelqu'un de faire

11 des heures supplémentaires le week-end pour faire traduire la bande.

12 M. le Président (interprétation): Combien de temps pensez-vous que la

13 déposition de M. Filipovic durera?

14 Mme Korner (interprétation): J'en parlais au conseil de la défense hier.

15 Je pensais qu'on aurait pu, si on avait commencé hier, on aurait pu

16 terminer l'interrogatoire principal lundi parce qu'il y aura pas mal de

17 documents.

18 M. le Président (interprétation): Donc si vous produisez cette bande

19 vidéo.

20 Mme Korner (interprétation): Je voudrais l'expliquer. Ce qui est

21 important, c'est la vidéo qu'il a apportée. Il est mentionné sur cette

22 bande -je le sais parce que j'ai un résumé de ce qui figure sur cette

23 bande-, il y a un entretien avec Vinko Kondic qui, comme vous le savez,

24 était le chef de la police.

25 Si Me Ackerman pouvait m'indiquer très brièvement, avant que je fasse

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1 rentrer le témoin, quelle est la nature de ses objections?

2 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, malheureusement, je

3 ne comprends pas la langue moi-même non plus. Je pense que ce que je

4 demanderai -c'est à vous, bien sûr, d'en décider comme bon vous semble-,

5 c'est que vous entendiez nos objections avant que vous ne visionniez la

6 bande ou en lisiez la transcription car, à mon sens, ces bandes ne sont

7 pas pertinentes; elles sont hors de propos, elles sont d'une nature qui

8 touche à la propagande, une propagande qu'on essaie de vous imposer et

9 n'ont pas de pertinence par rapport à la présente affaire.

10 Ce dont il s'agit, il s'agit d'une corrida où quelqu'un fait des discours

11 de propagande qui dépeignent les Serbes sous un mauvais jour.

12 Peut-être que je me trompe, mais je pense que j'aurai des objections à ce

13 que lesdits propos tenus par cette personne soient attachés à l'affaire, à

14 moins que nous ayons la possibilité de les contre-interroger. Les images,

15 nous ne serions peut-être pas contre, mais ça, il faut le voir.

16 Mme Korner (interprétation): Maître Ackerman a tout à fait raison. Pour

17 dire les choses, au début, il y a une corrida effectivement, et

18 effectivement ce n'est pas pertinent et ce n'est pas la partie que je

19 voudrais montrer. Plus tard, il y a une partie qui contient des

20 entretiens.

21 Maître Ackerman a raison de dire que c'est de la propagande -nous pensons

22 que cela a à voir avec cette affaire- par des membres de la cellule de

23 crise de Kljuc, dont notamment M. Kondic dont ce témoin vous parlera

24 beaucoup, Monsieur le Président, qui était le chef de la police; M. Bajic

25 qui était également membre de la cellule de crise de Kljuc.

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1 C'est pourquoi nous estimons qu'il s'agit d'éléments tout à fait

2 pertinents, pour autant que je le sache, parce que j'ai reçu un résumé où

3 l'on parle de M. Filipovic lui-même. Et nous trouvons cela éminemment

4 pertinent.

5 Je ne vois pas comment vous pouvez, Mesdames et Messieurs les Juges,

6 statuer sur la pertinence de ces éléments sans avoir visionné les bandes.

7 M. le Président (interprétation): Mais Me Ackerman a raison de dire qu'il

8 faut entendre l'argument fondamental avant de statuer plus tard.

9 Mme Korner (interprétation): Mais vous ne pouvez entende un argument de

10 base sur la pertinence sans savoir ce qu'il y a sur la bande.

11 M. le Président (interprétation): Oui, mais, au moins, nous saurons

12 pourquoi Me Ackerman -et j'imagine également Me Zecevic-, estime que cet

13 enregistrement vidéo n'est pas du tout ou n'est pas, en partie, pertinent.

14 Mme Korner (interprétation): Je vais essayer, le week-end, d'inviter

15 quelqu'un à faire des heures supplémentaires pour traduire cette

16 transcription en anglais. Il sera 14 heures 15, et j'essayerai de fournir

17 le produit de ce travail à Me Ackerman et à Me Zecevic… Me Zecevic n'en a

18 pas besoin en anglais, mais de lui fournir ce document.

19 M. le Président (interprétation): D'accord.

20 Nous pouvons effectivement commencer à 14 heures 15, et l'on pourrait

21 inviter le témoin par exemple à 15 heures pour qu'il ne perde pas son

22 temps lundi.

23 Mme Korner (interprétation): Oui, je prendrai mes dispositions avec Me

24 Ackerman pour le rencontrer, lundi matin.

25 M. le Président (interprétation): Merci à tout le monde.

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1 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président. Je vous

2 remercie également, vous m'avez rappelé quelque chose. Serait-il possible

3 -si vous pouvez avoir une influence sur l'heure des sessions, en

4 septembre-octobre- de faire en sorte que Brdjanin/Talic ne se tienne pas

5 en même temps que Stakic?

6 Le Juge Schomburg a prévu une semaine pour les délibérations, je pense que

7 c'est le terme qu'il a utilisé au sujet de l'affaire. Le conseil, M.

8 Koumjian, qui s'occupe surtout de cette affaire, les conseils appelleront

9 les témoins de Prijedor. Donc ce serait très utile si, pendant deux

10 semaines, mettons, à partir du 19 septembre, les sessions Stakic et

11 Brdjanin/Talic ne se faisaient pas en même temps.

12 M. le Président (interprétation): Je pense que, dans ces deux semaines,

13 nous sommes en séance l'après-midi, et Stakic alterne avec Galic, car ils

14 utilisent tous les deux la même salle d'audience.

15 Mme Korner (interprétation): Si vous vous rappelez, nous avons essayé

16 plutôt de combiner les auditions des témoins.

17 M. le Président (interprétation): Oui, je le sais.

18 Mme Korner (interprétation): Cela n'a pas marché, mais j'espère que, cette

19 fois-ci, nous pourrions faire en sorte que la session ne se tienne pas en

20 même temps.

21 M. le Président (interprétation): Oui, nous allons essayer.

22 Madame la Greffière, veuillez en prendre note et nous nous en occuperons

23 cet après-midi ou lundi matin. Bien entendu, nous devons d'abord consulter

24 le Juge Schomburg qui devra certainement… nous alternons avec Simic la

25 plupart du temps.

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1 Cette semaine, nous alternions avec Milosevic. Le mois prochain, ce sera

2 avec Simic.

3 Nous devons également parler avec la Juge Mumba.

4 M. le Président (interprétation): Madame Korner, d'après les informations

5 que j'ai reçues, il pourrait y avoir une solution assez simple. Puis-je me

6 permettre de vous proposer lundi matin, en début de matinée, car c'est à

7 ce moment-là que nous saurons ce qu'il en est par rapport aux autres

8 procès en cours. En fait, je pense que nous avons deux solutions, pas une

9 solution. Je pense que ce sera possible.

10 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie, ce sera très utile.

11 M. le Président (interprétation): Je vous demanderai de contacter Mme

12 Chuqing Chen lundi matin pour s'occuper de la question.

13 Je suppose que la défense n'a pas d'objection?

14 Je pense que vous préférez avoir une alternance? Oui? D'accord.

15 Je vous remercie.

16 Merci, Monsieur l'Huissier.

17 (Le témoin, M. Muhamed Filipovic, est introduit dans le prétoire.)

18 Bonjour, Monsieur Filipovic. Bienvenue à ce Tribunal.

19 M. Filipovic (interprétation): Je vous remercie.

20 M. le Président (interprétation): Vous allez déposer dans cette affaire.

21 Avant, selon nos Règles, vous êtes invité à prononcer une déclaration

22 solennelle selon laquelle, lors de votre déposition, vous nous direz la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Cette déclaration figure

24 sur un papier que l'huissier va vous soumettre et je vous demanderai de

25 faire cette déclaration solennelle en lisant ce texte.

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1 M. Filipovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

3 M. le Président (interprétation): Il s'agit de votre engagement vis-à-vis

4 de ce Tribunal. C'est équivalent à un serment. Autrement dit, vous êtes

5 tenu de nous dire la vérité et toute la vérité. Vous pouvez vous asseoir.

6 Je voudrais brièvement vous expliquer le cours des événements. Comme vous

7 le voyez, vous êtes assis dans un prétoire.

8 Nous sommes les trois Juges qui composent cette Chambre de première

9 instance. Je m'appelle Agius, je viens de Malte. A ma droite, mes

10 collègues, la Juge Janu de la République tchèque; à ma gauche la Juge

11 Taya, originaire du japon.

12 D'autres personnes assises devant nous sont les membres du Greffe. Et à

13 votre droite, se trouvent deux personnes, il s'agit de l'équipe de

14 l'accusation: Mme Joanna Korner, que vous connaissez déjà, sera la

15 personne qui s'occupera de l'interrogatoire principal. En d'autres termes,

16 elle vous posera une série de questions auxquelles vous êtes tenu de

17 répondre, à moins que l'on ne vous arrête. C'est votre devoir. Nous allons

18 arrêter Mme Korner en cas d'objection valable ou si nous estimons que vous

19 ne devez pas répondre à une question particulière.

20 Lorsque l'interrogatoire principal par l'accusation sera arrivé à son

21 terme, vous serez contre-interrogé par les deux équipes de la défense. Les

22 deux équipes de la défense sont à votre gauche. Devant, vous avez l'équipe

23 de la défense de Radoslav Brdjanin, l'un des accusés dans cette affaire

24 et, à l'arrière, se trouve l'équipe de la défense du général Talic qui est

25 l'autre accusé dans cette affaire.

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1 Comme je vous le disais précédemment, la même règle s'applique lorsque

2 vous êtes questionné par la défense. Les deux conseils de la défense font

3 leur devoir ici, ont des devoirs vis-à-vis de leur client; ils ont le

4 droit de vous contre-interroger et vous avez donc également l'obligation,

5 le devoir de répondre à toutes les questions qui vous seront posées par la

6 défense, à moins que nous vous arrêtions et que nous vous disions de ne

7 pas y répondre.

8 Ceci dit, je vous confie à Mme Korner qui va commencer son interrogatoire

9 principal.

10 Mme Korner (interprétation): Avant de commencer, j'imagine que nous allons

11 siéger jusqu'à 10 heures 30, à la suite de quoi il y aura une pause.

12 M. le Président (interprétation): Oui, la pause sera un peu plus courte

13 aujourd'hui, car nous terminons à 12 heures, 12 heures 15.

14 Mme Korner (interprétation): Est-ce que l'on pourrait déplacer légèrement

15 le rétroprojecteur pour le moment, s'il vous plaît?

16 M. le Président (interprétation): Oui. Je vous en prie, Monsieur

17 l'Huissier.

18 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est difficile. Maintenant, ça va.

19 (Interrogatoire principal du témoin, M. Muhamed Filipovic, par Mme

20 Korner.)

21 Mme Korner (interprétation): Monsieur Filipovic, vous appelez-vous Muhamed

22 Filipovic?

23 M. Filipovic (interprétation): Oui.

24 Question: Etes-vous né le 7 octobre 1955, à Kljuc?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Etes-vous musulman bosnien de nationalité?

2 Réponse: Je suis bosnien.

3 Question: Monsieur Filipovic, je vais vous poser une série de questions au

4 sujet de votre vie, au cours des événements de 1992. Mais d'abord,

5 j'aimerais vous retracer le contexte: en 1992, vous étiez marié, vous

6 aviez un fils?

7 Réponse: Oui, cela est exact.

8 Question: Vous étiez, vous êtes toujours géomètre, arpenteur de

9 profession?

10 Réponse: Oui, c'est exact.

11 Question: Il est également vrai que vous aviez un frère.

12 Réponse: J'avais un frère, mais je ne l'ai plus. Mon frère a été tué.

13 Question: C'est votre frère, Omer Filipovic, qui a été tué à Manjaca?

14 Réponse: C'est exact, oui.

15 Question: Vous avez été fait prisonnier par les Serbes en avril 1992, pour

16 résumer?

17 Réponse: Oui, c'est exact.

18 Question: Vous vous êtes rendu au commissariat d'abord de Banja Luka… au

19 commissariat de Klujc, excusez-moi.

20 Réponse: C'est exact, oui.

21 Question: Ensuite, à Banja Luka et à Mali Logor?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Ensuite, de là, à Stara Gradiska?

24 Réponse: Effectivement.

25 Question: Et finalement, vous avez abouti à Manjaca vous-même?

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1 Réponse: Effectivement.

2 Question: Vous êtes l'une des personnes qui a été évacuée par avion de

3 Manjaca à la suite d'une opération de sauvetage par la Croix-Rouge?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Vous avez abouti en Angleterre?

6 Réponse: C'est que je suis venu en Angleterre pour me faire traiter.

7 J'étais gravement malade. Et, par l'intermédiaire de la Croix-Rouge

8 internationale, j'ai été transféré pour hospitalisation et traitement à

9 Londres où j'ai dû subir quatre actes chirurgicaux.

10 Question: Vous êtes resté en Angleterre jusqu'après la signature des

11 Accords de Dayton?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Ensuite, vous êtes rentré à Kljuc ou vous êtes resté?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Et donc, le Tribunal sait que vous comprenez quelque peu

16 l'anglais, même s'il vous est plus difficile de le parler?

17 Réponse: Dirait-on plutôt que je peux comprendre, mais sans vraiment

18 parler. Mais pour satisfaire les besoins qui ne sont que les miens, je

19 crois que cela s'avère souvent suffisant.

20 Question: Les Juges ont déjà pu entendre pas mal de témoignages concernant

21 les événements de Kljuc, mais, pour ma part, je voudrais parler un petit

22 peu en termes généraux de la municipalité de Kljuc, étant donné que vous

23 en êtes résident et que vous y avez habité toute votre vie.

24 Je voudrais que vous jetiez un regard sur une carte de la Région autonome

25 de Krajina. Il s'agit de la pièce à conviction P446.1.

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1 Je voudrais que l'huissier mette cette pièce à conviction sur le

2 rétroprojecteur.

3 (Intervention de l'huissier.)

4 Il s'agit justement de cette carte qui ne sert que pour nous situer, grâce

5 à vous, où se trouve Kljuc dans l'enceinte de la région autonome de

6 Krajina. On voit que Kljuc se trouve au sud-est de Banja Luka, si je ne me

7 trompe. J'ai bien peur que je me trompe un petit peu. Est-ce bien… au sud-

8 ouest plutôt? Oui, sud-ouest, par rapport à Banja Luka.

9 La municipalité, la commune de Kljuc avait pour limites administratives

10 Sanski Most à gauche, celle de Bosanski Petrovac à l'ouest.

11 Sur cette carte -on va voir tout cela évidemment sur une autre carte où

12 une échelle est plus importante-, on peut voir également pas mal de

13 villages qui, cette fois-ci, ont été présentés en fonction de la

14 composition ethnique de la population.

15 Monsieur Filipovic, pour autant que vous le savez, vous, la municipalité

16 de Kljuc était-elle d'un intérêt stratégique particulier?

17 Réponse: D'après moi, la commune de Kljuc était d'un intérêt stratégique

18 fort important, fort grand pour la Bosnie-Herzégovine. Et ceci, du point

19 de vue de son héritage historique, car c'est à Kljuc que périt le dernier

20 roi de Bosnie lors de l'invasion des Osmanlis, des Ottomans, lorsque ces

21 derniers ont envahi la Bosnie. Et c'est à Kljuc que fut décidé le sort de

22 la Bosnie prise par les Turcs. A mon sens, ceux qui voulaient détruire la

23 Bosnie, évidemment, savaient bien qu'il fallait détruire Kljuc d'abord

24 parce que, au Moyen Age déjà, Kljuc fut la capitale de la Bosnie

25 moyenâgeuse, de cette époque-là.

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1 Question: Très bien. Pouvons-nous maintenant voir comment se présentait la

2 composition ethnique de la population de cette municipalité?

3 Je voudrais que l'on présente très brièvement pour consultation, à ce

4 témoin, la pièce à conviction P60.

5 Cela dit, j'aimerais bien que la version française soit mise sur le

6 rétroprojecteur, et que M. Filipovic consulte la version du même document

7 en BCS.

8 Voulez-vous, Monsieur l'Huissier, s'il vous plaît, me passer le document

9 pour que je puisse marquer les pages auxquelles je vais faire référence?

10 Je vous remercie.

11 (Intervention de l'huissier.)

12 D'ailleurs, il ne devrait pas y avoir trop de différences, à moins que ce

13 ne soit un document en BCS. Le document n'a jamais été traduit,

14 d'ailleurs. Vous n'avez qu'à placer le document sur le rétroprojecteur. Je

15 vous remercie. Il s'agira, cette fois-ci, de la page 19 de ce document.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Ce document présente les résultats du recensement des années 1971, 1981 et

18 1991 respectivement. Et si nous regardons maintenant de plus près comment

19 se présente la situation dans la municipalité de Kljuc, nous verrons que,

20 depuis 1971 à 1991, le total de la population a été diminué de 39.966 à

21 37.391 habitants.

22 Ensuite, si nous regardons de plus près comment se présente le nombre des

23 citadins, des habitants croates, nous verrons qu'il y en avait 534 en

24 1971, alors qu'en 1991, ils étaient au nombre de 330.

25 Pour ce qui est des Musulmans, ils étaient au nombre de 15.226 en 1971, et

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1 le nombre des habitants musulmans s'est accru jusqu'en 1991 pour atteindre

2 le chiffre de 17.696.

3 Or, les Serbes étaient au nombre de 23.892 en 1971 et, en 1991, il y avait

4 18.508 habitants serbes.

5 Il y avait en 1991 un certain nombre de ceux qui se disaient être de

6 nationalité yougoslave qui prenaient cette option ethnique là, et d'autres

7 qui se considéraient comme étant d'une autre origine ethnique.

8 A regarder les proportions dans lesquelles se présente le nombre des

9 habitants, on verra bien que les Croates étaient de l'ordre de 9% du total

10 de la population en 1991, les Musulmans représentaient 47,3% et les Serbes

11 89,5% du total de la population.

12 De toute évidence, depuis 1971, le nombre des habitants serbes est en

13 décroissance.

14 Monsieur Filipovic, y voyez-vous une explication de ce phénomène?

15 Réponse: Pour ce qui est de ces trois recensements, je pourrais les

16 commenter comme suit.

17 En 1971, dans l'ex-Yougoslavie, à savoir dans la République socialiste

18 fédérative de Yougoslavie, pour une première fois, le recensement a été

19 organisé dans les conditions où les Bosniens se sont vu reconnaître leur

20 nationalité. Les Musulmans se sont vus reconnaître leur nationalité. Il

21 leur a été permis d'avoir une option de Musulmans en matière ethnique.

22 Préalablement, ils étaient considérés, soit comme étant des Serbo-croate

23 ou sans option.

24 Or, après le recensement de 1971, voilà une possibilité, un droit pour ces

25 gens-là de se faire enregistrer comme étant d'origine ethnique musulmane.

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1 Et je pense qu'il y avait un certain nombre de gens qui, indécis, par

2 crainte ou redoutant ceci ou cela, lors de ces recensements-là, ne se

3 disaient pas Musulmans.

4 Voilà le pourquoi de la tendance à la croissance, depuis 1971 à 1981, à

5 1991, suivant laquelle tendance, la population musulmane était en

6 croissance.

7 Donc, à mesure que le pays yougoslave se démocratisait, les gens avaient

8 moins peur et étaient libres de faire valoir les options ethniques qui

9 étaient les leurs et qui répondaient plutôt à leur sentiment.

10 Pour ce qui est des Serbes, pour expliquer plutôt la décroissance, enfin,

11 du nombre des habitants parmi les Serbes,eh bien, je dirai que la raison

12 en est un exode massif en direction de la Serbie. Et il s'agit de la suite

13 donnée à ce qui a été fait en 1945, lorsqu'il a fallu coloniser en quelque

14 sorte, peupler la Vojvodine lorsque nous avons vu un grand nombre de

15 Serbes partir de Bosnie-Herzégovine pour peupler la Vojvodine. C'était une

16 règle qui n'a jamais été prescrite, une loi qui n'a jamais été promulguée,

17 d'après laquelle si, par exemple, un homme a quatre fils, trois partiront

18 pour la Vojvodine, un seul demeurera en Bosnie. Donc trois d'entre eux

19 auront leurs terres en Vojvodine.

20 Depuis 1945 jusqu'à ce temps-là où vous vous référez, on a obtenu une

21 Vojvodine uniquement serbe. Or, à connaître un petit peu, ne serait-ce

22 qu'un petit peu l'histoire, la Vojvodine n'avait jamais été serbe. A moins

23 évidemment de parler de ces événements de 1945.

24 Question: Merci bien. Vous pouvez, Monsieur l'Huissier, reprendre ce

25 document et je voudrais que l'on présente déjà une carte qui, déjà, a été

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1 préparée pour nous permettre de voir comment se présentait la situation de

2 la commune de Kljuc.

3 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, la Greffière a déjà reçu ce

4 moyen de preuve et j'aimerais bien que l'on présente ce moyen de preuve

5 sous la cote de 1097; Evidemment, moyen de preuve présenté par le

6 Procureur, cote P.

7 Maintenant, je voudrais que vous placiez la carte de sorte que M.

8 Filipovic puisse la suivre dans son ensemble.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 Merci.

11 Je crois, Monsieur Filipovic, que vous avez déjà eu l'occasion de voir

12 cette carte, laquelle a été confectionnée pour nous permettre de voir

13 comment se présentent, en fonction de leur origine ethnique, les habitants

14 de différents villages de la commune.

15 Pourrait-on convenir de dire que cette carte présente, avec assez de

16 précision, peut-être pas à 100% évidemment, la situation ethnique de la

17 population de la commune de Kljuc, pour ce qui est de la répartition de la

18 population?

19 Réponse: Oui. Avant de répondre, si vous me permettez de faire un petit

20 commentaire, je suis tout à fait d'accord là-dessus. Mais, avec la

21 permission de cette Chambre de première instance, je dirais aussi que,

22 pendant un intervalle assez court, les habitants de Orahovljani, de

23 Rastoka, Zlabace, Sanica -je ne vois pas vraiment-, c'étaient vraiment les

24 villages où les Musulmans étaient à majorité; ils étaient majoritaires du

25 point de vue ethnique évidemment, parmi la population. Sredice n'y est

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1 pas, étant donné qu'elle appartient à Gornji Ribnik.

2 Il s'agit donc de ces villages, desquels, au cours de la Seconde Guerre

3 mondiale, les Musulmans avaient été expulsés. Evidemment, ensuite, ils se

4 sont arrêtés non loin de Kljuc.

5 La situation actuelle sur cette carte, telle qu'elle est présentée sur

6 cette carte, correspond entièrement à la situation démographique de la

7 commune de Kljuc à cette époque-là, en fonction de l'origine ethnique des

8 habitants.

9 Question: Très bien. Donc, nous pouvons voir ici que les villages

10 musulmans étaient les plus près de Sanski Most, n'est-ce pas?

11 Réponse: Cela est exact. En 1965, il y a eu une réforme qui a été opérée.

12 Sur cette carte-là, on ne peut pas voir de grands villages qui

13 n'appartenaient plus au territoire de la commune de Kljuc. Or, dans ces

14 deux villages, les Musulmans étaient à 100%. Les deux villages ont été

15 rattachés à la commune de Sanski Most, rien que pour pouvoir les

16 manipuler, pour manipuler, pour dire ensuite que ce sont les Serbes qui

17 étaient à majorité. Il s'agit des villages de Hrustovo et de Vrhpolje. Il

18 s'agit de ces deux villages. Et jusqu'en 1962 donc, ces municipalités

19 appartenaient à la commune de Kljuc. Si l'on pouvait les avoir dans le

20 cadre de la commune de Kljuc, alors là, on ne devrait plus discuter parce

21 que rien que les deux villages, Hrustovo et Vrhpolje, comptaient environ

22 10.000 habitants ensemble.

23 Question: Très bien. Maintenant, je voudrais que l'on déplace ce document

24 du rétroprojecteur.

25 Vous pouvez le reprendre, Monsieur l'Huissier.

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1 Et je voudrais maintenant que l'on s'occupe de la carte de Kljuc

2 proprement dite.

3 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, il s'agit d'un nouveau moyen de

4 preuve. Je crois qu'il nous a déjà été communiqué. La cote de ce nouvel

5 élément de preuve sera P1098. Evidemment, il y aura aussi des

6 photographies et des légendes, Monsieur le Président.

7 Il s'agit de la carte de la ville, de la cité de Kljuc proprement dite.

8 Monsieur Filipovic, vous avez déjà eu l'occasion de la voir, cette carte-

9 là.

10 Premièrement, dites-nous: au sein de la ville de Kljuc, y a-t-il eu des

11 quartiers qui étaient peuplés exclusivement par des Serbes ou par des

12 Musulmans? Ou devrait-on parler plutôt d'une mixité de la population, pour

13 parler de l'ensemble de la ville?

14 Réponse: Voilà ma réponse: jusqu'au tremblement de terre de Banja Luka en

15 1969, la ville de Kljuc était peuplée de l'ordre de 80% par des Musulmans.

16 A la suite du tremblement de terre de Banja Luka en 1969, il y a eu un

17 changement. Les gens sont venus de Vrbljani, Zatoci, Ribnik, Sitnica; les

18 gens sont venus s'installer dans la ville de Kljuc et cela, notamment,

19 dans la partie urbanisée de la ville, au centre-ville même. Tout ce qui

20 était banlieue, à la lisière de la ville, par exemple Tomasevica Grad,

21 c'était cette ville ancienne où le dernier roi de Bosnie, Stjepan

22 Tomacevic, avait son trône. Il y avait Bebici, Semici, Rejzovici, Sarica

23 Brdo qui, avec la venue de la population serbe, ont connu un autre destin.

24 Question: Monsieur Filipovic, veuillez vous arrêter, s'il vous plaît. Il

25 est fort important de vous voir et surtout de vous entendre parler moins

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1 rapidement, car nos interprètes n'ont pas pu tout capter et faire entrer

2 dans le transcript les noms de tous ces villages.

3 Voulez-vous, s'il vous plaît, vous servir de ce pointeur et nous présenter

4 tous ces différents villages auxquels vous faites référence?

5 (Le témoin montre avec le pointeur.)

6 Réponse: Vous voyez ici, c'est écrit "Tomasevica Grad". Il s'agit d'une

7 cité ancienne datant de l'époque romaine, qui fut le trône du dernier roi

8 de Bosnie, disais-je, Stjepan Tomasevic.

9 Ensuite, en dessous, vous avez la localité de Bebici peuplée à 100% de

10 Musulmans.

11 De l'autre côté de la rivière Sana, vous avez Mehmedagici, lequel village

12 on ne le voit pas ici, sur cette carte-là, mais de toute façon le village

13 se trouve en dessous de la vieille ville Stjepan Tomasevic.

14 Ensuite, vous pouvez voir ici les usines "SIP". Et c'est là que je parle

15 de la localité de Mehmedagici. Pour autant que je sache, il n'y avait

16 qu'une seule famille serbe qui était installée au cours de cette période,

17 de ces dernières 47 années, et dont j'ai bonne mémoire.

18 Vers le sud, depuis Mehmedagici, il y a une agglomération que nous avons

19 désignée de Sarica Brdo ("collines de Sarici" précise l'interprète),

20 localité pas très importante du point de vue du nombre de ses habitants,

21 mais musulmane d'un point de vue origine ethnique.

22 A l'ouest, allant vers l'ouest, maintenant, ces dernières 20 années, on

23 appelle cela Zelica Brdo; c'étaient des Musulmans, mais depuis le

24 tremblement de terre, on l'appelait Zelica Brdo. Mais nous autres,

25 autochtones que nous sommes, nous l'appelons "les Handanovici",

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1 Handanovica Brdo.

2 Ensuite, allons plus loin vers l'ouest depuis Handanovica Brdo. Nous

3 sommes dans les hameaux de Sukalovici où les Musulmans sont à 100%.

4 A l'ouest, plus loin, nous arrivons à la localité de Rejzovici. Encore une

5 fois, les Musulmans sont à 100%.

6 A la sortie de Kljuc, se trouve le hameau de Kegovici, une fois de plus

7 peuplé par des Musulmans.

8 Ensuite, vers le nord et en direction de Tomasevica Grad, se trouve

9 l'agglomération de Cekici, agglomération musulmane à 100% du point de vue

10 de la situation démographique.

11 Donc la périphérie, les banlieues sont à 100% peuplées par des Musulmans.

12 Alors que, dans la ville de Kljuc proprement dite, quand vous dites vous

13 autre, Anglais, "It's a mixed", donc tout est mélangé là, et l'on ne peut

14 pas vraiment dire où se trouveraient installés des Serbes ou des

15 Musulmans. Mais, pour parler du centre ville, de la ville proprement dite,

16 je crois que l'on devrait parler d'une situation à égalité. On ne devrait

17 pas dire telle nationalité serait majoritaire, parce que si l'on part du

18 recensement 1991, si les Serbes se font plus importants, ce sont Vrbljani

19 et Ribnik, ces deux villages, qui permettent aux Serbes d'être

20 majoritaires.

21 Mme Korner (interprétation): Merci. Avant d'en terminer avec la

22 présentation de cette carte-là, je voudrais que vous présentiez aux Juges

23 où se trouvait votre domicile, à vous.

24 (Le témoin l'indique avec le pointeur.)

25 M. Filipovic (interprétation): Ici, se trouve la maison où il y avait mon

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1 arrière-grand-père, mon père, mon grand-père. Mon grand-père était venu là

2 en 1878, venu de Sredice; Sredice nous appartenait toujours. Jusqu'à ce

3 jour-là, vraiment, nous n'avons jamais rien reçu, pas un sou, pas un

4 dollar, pas un gramme d'or. Tout nous a été pris. C'est là que j'habitais.

5 C'est là que se trouvait mon domicile. Et c'est ce que je suis en train de

6 montrer, Monsieur le Président, Mesdames les Juges. Si vous pouvez le

7 voir, c'est là que se trouvait la maison que j'ai dû vendre à un de mes

8 meilleurs amis jusqu'à l'année 1992, et qui s'appelait Vinko Kondic.

9 M. le Président (interprétation): Je prie l'huissier de passer un crayon

10 de couleur au témoin. Et je demanderai au témoin d'y apposer une petite

11 croix ou une lettre "X" pour marquer l'emplacement de sa maison à lui, de

12 son domicile.

13 (Le témoin s'exécute.)

14 M. le Président (interprétation): Très bien.

15 Mme Korner (interprétation): Est-ce bien là l'emplacement de votre

16 domicile?

17 M. Filipovic (interprétation): Oui.

18 Mme Korner (interprétation): Alors, je vous prie d'y apposer aussi une

19 lettre "H" au-dessus de cette petite croix.

20 (Le témoin s'exécute.)

21 Serait-il bon et utile aussi, pour la Chambre de première instance, de

22 vous voir indiquer aussi l'emplacement du domicile de Vinko Kondic en y

23 apposant une lettre "K"?

24 M. le Président (interprétation): Vous dites que vous avez dû vendre cette

25 maison à Vinko Kondic. Etes-vous capable d'annoter aussi cela, d'y

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1 apporter cette marque-là?

2 M. Filipovic (interprétation): Vous voulez que je me serve toujours du

3 même crayon?

4 M. le Président (interprétation): Faites comme vous voulez, mais prenez

5 plutôt un crayon d'une autre couleur.

6 (Le témoin s'exécute.)

7 Et puis, mettez à côté de cette petite croix la lettre "H", s'il vous

8 plaît. Je vous remercie.

9 (Le témoin s'exécute.)

10 Je vous remercie. Et à droite, à côté, seriez-vous aimable d'annoter aussi

11 en y apposant vos initiales.

12 (Le témoin s'exécute.)

13 Je vous remercie. Tout cela va bien.

14 M. Filipovic (interprétation): Ce n'est pas que j'aie vendu ma maison à

15 Vinko Kondic, mais je lui ai vendu le terrain sur lequel il a fait

16 construire sa maison. Je lui ai vendu le terrain qui m'appartenait.

17 M. le Président (interprétation): Très bien.

18 Mme Korner (interprétation): Avant que l'huissier enlève cette carte du

19 rétroprojecteur, je voudrais bien que vous regardiez les photos que l'on

20 peut voir sur cette carte. D'abord, à commencer par ce que l'on voit à

21 l'angle gauche, en haut de là….

22 Interprète: Nous n'entendons plus le témoin.

23 (Le témoin a dit qu'il y voyait le centre médical, l'hôpital de Kljuc.)

24 Mme Korner (interprétation): Très bien.

25 M. Filipovic (interprétation): C'est un hôpital.

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1 Question: Oui, d'accord. Mais que peut-on voir sur les photos n°2 et 3?

2 Pourriez-vous nous le dire?

3 Réponse: Je ne suis pas tout à fait certain, mais il s'agit de décombres,

4 de quelques bâtiments, de quelques maisons. Mais je ne saurais vous dire

5 d'autres détails.

6 Question: Voulez-vous, s'il vous plaît… la photo n°4... oui, arrêtez-vous

7 une seconde, il serait bon peut-être de vous rapprocher du micro pour que

8 les interprètes puissent vous suivre, vraiment vous entendre.

9 Que peut-on voir sur la photo n°4?

10 Réponse: C'est le bâtiment de la municipalité de la mairie de Kljuc. Et la

11 toute première fenêtre, la dernière par ordre ou la première à commencer

12 ici, plutôt, du côté gauche, donne sur la pièce, le bureau où j'ai

13 travaillé jusqu'en 1992. Et la première fenêtre à côté, c'est celle du

14 bureau où je travaille actuellement.

15 Question: Il s'agit donc du bâtiment de la mairie de Kljuc. Je crois qu'il

16 est indiqué sur la carte comme étant le bâtiment de l'assemblée municipale

17 de Kljuc, mais il s'agit bien de cela.

18 Et pour la photo n°5, s'il vous plaît: qu'est-ce que c'est comme bâtiment?

19 Réponse: Avant la guerre, c'était l'école élémentaire de Kljuc portant le

20 nom de Nikola Mackic. Dans la salle de gym de ce bâtiment, les Serbes ont

21 installé, détenu, fait détenir -comme si c'était un centre de rétention-

22 des Musulmans et Croates où ils les ont passés à tabac et où ils les

23 rassemblaient pour les faire transférer vers Manjaca.

24 Question: Très bien. Pouvez-vous me dire maintenant ce que l'on peut voir

25 sur la photo n°6, s'il vous plaît?

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1 Réponse: C'est le terrain de foot, le stade du club de football Kljuc.

2 C'est un container où, au cours de la mi-temps, on peut s'acheter une

3 boisson. Au moment où j'ai été capturé, moi, femmes, enfants et tous les

4 Musulmans qui se sont trouvés à Kljuc et qui n'ont pas été transférés à

5 Manjaca y ont été emmenés.

6 C'est là qu'une toute première sélection a été faite, où l'on séparait les

7 femmes et les enfants des hommes. Les uns et les autres seront, par la

8 suite, transportés vers Manjaca.

9 Question: Très bien. Sur la carte, nous lisons comme légende "terrain de

10 sport". Mais, maintenant, dites-nous ce que nous pouvons voir sur la photo

11 n°7, s'il vous plaît?

12 Réponse: Sur la photo n°7, nous pouvons voir une partie de la maison de la

13 culture où ont leur siège des organismes sociopolitiques. A gauche, se

14 trouvait une salle de cinéma réservée à des spectacles de théâtre. Et

15 également, dans la partie gauche, se trouve une bibliothèque municipale,

16 alors que nous y voyons également les bureaux et les sièges des partis

17 politiques en présence à Kljuc.

18 Question: Merci. Quant à la photo n°8?

19 Réponse: Sur la photo n°8, nous pouvons voir la direction de la police, le

20 siège de la police de la municipalité de Kljuc. C'est là que j'ai été

21 détenu.

22 Pour ce qui est de ces marches, elles ont connu des transformations; il y

23 avait d'autres marches. Nous avons été littéralement projetés à partir de

24 cette partie-là.

25 Par exemple, lorsque j'ai dû être transféré à Stara Gradiska, on m'a

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12 Pages blanches insérées aux fins d’assurer la correspondance entre la

13 pagination anglaise et la pagination française. Pages 9283 à 9286.

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1 projeté du haut de ces marches-là, alors que mes mains étaient ligotées,

2 liées dans le dos. J'ai dû dégringoler sur toutes ces marches que vous

3 pouvez voir ici.

4 Question: Je ne suis pas sûre que vous soyez en mesure de nous aider pour

5 nous permettre d'identifier cette photo. Mais dites-nous, d'après vous, ce

6 que ceci pouvait être jusqu'en 1992?

7 Réponse: Pour ce qui est de la partie en blanc de ce bâtiment, eh bien, la

8 partie blanche représente la mairie de Kljuc. En rouge, rouge-rose,

9 c'était le bâtiment de la Défense territoriale de Kljuc, les deux

10 bâtiments se jouxtant l'un l'autre.

11 Question: Nous avons à la fin la photo n°10. Qu'est-ce que c'est?

12 Réponse: C'est l'église orthodoxe serbe qui se trouve au centre-ville même

13 et qui, à la libération de la ville de Kljuc, cette église est intacte, à

14 la différence des 17 autres bâtiments de culte, musulmans ou catholiques,

15 qui ont été détruits. L'église orthodoxe serbe y est toujours.

16 Question: Bien. Maintenant, nous avons entendu qu'il y avait très peu de

17 Croates qui vivaient dans la municipalité de Kljuc. Dites-nous, y avait-il

18 des Croates qui vivaient dans la ville même?

19 Réponse: Sur ce nombre relevant du dernier recensement, où il y avait 330

20 habitants croates, d'après moi, la moitié vivait en ville et l'autre

21 moitié dans la cité Velagici. Peut-être quelques-uns… Ivica Raskovic

22 vivait à Sanica. C'étaient des cas isolés.

23 Donc c'étaient les localités de Velagici et Kljuc même.

24 Question: Merci.

25 Maintenant, je demanderai à l'huissier d'enlever la carte.

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1 (Intervention de l'huissier.)

2 Je vous demanderai aussi de nous dire quelque chose sur les origines des

3 événements intervenus en 1992. Dites-nous d'abord quelque chose de votre

4 frère Omer. Quelles fonctions assumait-il dans la municipalité de Kljuc?

5 Réponse: Jusqu'aux premières élections pluralistes, mon regretté frère

6 Omer travaillait comme professeur dans le centre technique scolaire. Après

7 ces premières élections pluraliste, mon regretté frère fonde le parti SDA

8 et ensuite le parti MBO, et tente d'organiser toutes les structures de la

9 population désireuse de suivre ses positions politiques à lui et de

10 participer aux premières élections pluralistes.

11 A ces élections, nous avons essayé d'agir nous-mêmes, parce que nous

12 n'avions pas le pouvoir complet, contrairement aux autres partis qui

13 bénéficiaient d'une aide du pouvoir officiel; par exemple le SDS à qui on

14 disait: "Reste dans la Ligue des communistes, tu as le pouvoir, mais tu

15 aideras l'activité du parti SDS".

16 Quant à nous, nous nous sommes financés nous-mêmes en vue de ces premières

17 élections pluralistes. Nous avons eu 20 mandats: 4 pour le MBO et 16 pour

18 le SDA. Et à cette époque, l'assemblée municipale avait 61 députés, ce qui

19 veut dire que nous avions gagné presque un tiers du pouvoir.

20 Question: Eh bien, arrêtons-nous ici pour le moment. Nous reviendrons aux

21 élections pluralistes plus tard.

22 Je voudrais que vous nous disiez quelque chose sur la position de votre

23 frère Omer. Vous avez dit qu'il avait fondé un parti; vous avez dit SDA,

24 le parti SDA. Très bien. Il a été fondateur du parti SDA. Et ensuite, il a

25 fondé aussi un autre parti, MBO?

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1 Réponse: Oui.

2 Mme Korner (interprétation): D'abord… dites-nous d'abord que veut dire…?

3 M. le Président (interprétation: Oui, Maître Ackerman?

4 M. Ackerman (interprétation): Je pense qu'il a dit que son frère avait été

5 fondateur du parti SDA.

6 M. le Président (interprétation): Oui, je me souviens que le témoin a dit

7 exactement ce que vient de dire Me Ackerman.

8 Mme Korner (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président, je crois

9 l'avoir dit moi-même. Y a-t-il eu un petit changement, Maître?

10 Le SDA, vous avez dit que, lui, il avait fondé le SDA. Où?

11 M. Filipovic (interprétation): Le SDA de Kljuc, non pas au niveau de la

12 Bosnie, mais au niveau de la municipalité de Kljuc.

13 Question: Ensuite, vous avez dit qu'il avait fondé un autre parti, le MBO?

14 Dites, s'il vous plaît, à cette Chambre, ce que veut dire MBO?

15 Réponse: Cela veut dire "Organisation musulmane bosnienne".

16 Question: Pourquoi a-t-il fondé un autre parti séparément du SDA?

17 Réponse: Personnellement, pour la raison, pour cette raison que seul un

18 peuple qui a plusieurs partis politiques est un véritable peuple

19 politique; donc, pour éviter cette unanimité politique, pour permettre à

20 tout le monde d'avoir son avis et de choisir ses options.

21 Question: Est-ce qu'il y a eu une grande différence entre les plates-

22 formes, les idées entre le SDA et le MBO?

23 Réponse: Non, pas de grande différence, la plus grande différence a été

24 que le SDA considérait que, nous, nous sommes musulmans du point de vue

25 ethnique, tandis que le MBO disait que tous les habitants de Bosnie-

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1 Herzégovine sont bosniens selon les religions catholiques, orthodoxes et

2 musulmanes.

3 Les autres positions étaient pratiquement les mêmes, concernant les

4 frontières de Bosnie-Herzégovine qui devaient être celles de l'Avnoj,

5 sinon tous les autres points de leur programme étaient identiques.

6 Question: Eh bien, le MBO avait été fondé avant les élections?

7 Réponse: Oui, ce qui a permis de se présenter aux élections, sinon ce

8 parti ne se serait pas présenté.

9 Question: Qui a été à l'époque le leader du SDA?

10 Réponse: A l'assemblée constitutionnelle, mon frère a dit: "Maintenant, je

11 cède la place de président à M. Asim Egrlic et moi, dès aujourd'hui, je

12 vais fonder un autre parti".

13 Question: Est-ce que vous, personnellement, est-ce que vous avez posé

14 votre candidature aux élections de 1990?

15 Réponse: Oui.

16 Question: En qualité duquel de ces deux partis?

17 Réponse: Le MBO.

18 Question: Est-ce que, jusque-là, vous vous occupiez de la politique?

19 Réponse: Non, jusqu'en 1990. Mais il faut dire qu'en Bosnie, le système

20 était tel que, jusqu'en 1996, j'étais membre de la Ligue des communistes;

21 c'était le parti unique. Il fallait bien être membre de la Ligue; je l'ai

22 été et, même, j'étais secrétaire de la cellule dans la mairie où je

23 travaillais.

24 Mais à mon avis, ce n'était pas de la politique. Vous n'aviez qu'à lire et

25 faire lire les documents qui venaient du comité central.

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1 Question: Comment cela se fait-il que vous ayez posé votre candidature?

2 Réponse: L'un des motifs majeurs de ma candidature est que j'ai assisté le

3 1er octobre, me semble-t-il…. devant le restaurant "Lane", en face de

4 l'église orthodoxe, il y avait une assemblée constitutionnelle du SDS.

5 Alors comme aujourd'hui, j'assiste à tous les rassemblements. J'ai écouté

6 les discours de tous les orateurs, prononcés sur la terrasse qui servait

7 de tribune, et l'un de ces orateurs a été l'un de mes grands amis,

8 pratiquement un frère, Vinko Kondic.

9 Et, quand j'ai entendu ce que Vinko Kondic dit à l'assemblée constituante

10 du parti SDS, qui a passé beaucoup de temps dans ma maison et moi dans la

11 sienne, alors je me suis dit: "Si Vinko peut le dire -qui est avocat, qui

12 est un homme instruit, qui, avec moi et mon frère Omer et son frère, Dule,

13 ont été comme quatre frères-, à quoi dois-je m'attendre d'un habitant de

14 Sitnica ou de Rakovci?". Alors, je me suis dit: "Muhamed, si Vinko peut

15 être grand serbe, toi aussi, tu peux être un grand musulman".

16 Et voilà, c'était pour moi le ticket d'entrée dans la politique.

17 Mme Korner (interprétation): Bien. Arrêtez-vous pour un moment, s'il vous

18 plaît. Que disait Vinko qui a provoqué une telle réaction chez vous?

19 M. Filipovic (interprétation): Si je me souviens bien -beaucoup de temps

20 se sont écoulés, presque 12 ans-, il disait qu'ils étaient biologiquement

21 mis en péril et qu'ils sont menacés d'une extermination biologique, qu'ils

22 étaient, qu'ils ne représentaient rien, qu'il n'avaient pas de travail. Il

23 disait: "Regardez autour de vous, regardez comme les Musulmans sont

24 riches! Regardez comme nous, nous n'avons rien". Il n'a pas voulu voir la

25 réalité revenir dans les années 60 où un Musulman ne pouvait pas trouver

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1 un travail à Kljuc. Il devait partir en Allemagne, en Suisse ou aux Pays-

2 Bas. Or la situation a changé. On a vu les devises fortes augmenter et la

3 valeur du dinar baisser. Et ces gens-là, ils se sont enrichis d'un jour à

4 l'autre, et c'est cela qui les a gênés, Vinko et les siens.

5 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, j'écoute et je

6 regarde le transcript. Je crains que ce soit assez difficile pour les

7 interprètes et les sténotypistes, parce que le témoin parle très vite.

8 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman. Merci.

9 Monsieur Filipovic, je vous prie de parler un peu moins vite, parce que

10 nous sommes entourés d'interprètes qui nous traduisent ce que vous dites

11 en anglais et en français. Et eux doivent entendre tout mot, littéralement

12 chaque mot que vous prononcez. Donc, parlez un peu plus lentement et vous

13 les aiderez ainsi.

14 M. Filipovic (interprétation): Depuis les derniers 12 ans, depuis que la

15 guerre a commencé, on m'a dit: "Parle vite"; vous me dites maintenant de

16 parler lentement, mais je vais essayer de parler lentement.

17 M. le Président (interprétation): D'accord.

18 Mme Korner (interprétation): Les interprètes peuvent nous dire de dire au

19 témoin de parler plus lentement.

20 Eh bien, vous nous avez dit ce que Vinko Kondic avait dit. C'est pour

21 cela, n'est-ce pas, que vous avez décidé de poser votre candidature aux

22 élections. Je crois que vous avez dit dans le cadre de quel parti, du

23 parti MBO. Eh bien, est-ce que vous avez été élu?

24 M. Filipovic (interprétation): Je vais dire, avant de répondre, là, à la

25 tribune d'honneur, il y avait mon regretté frère à cette assemblée

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1 constituante comme invité. Il était juste à côté de Radovan Karadzic. Et

2 mon frère, à ce moment-là, s'est présenté devant les Musulmans de Kljuc.

3 Il nous a dit: "Merci, Serbes. Vous vous êtes organisés aujourd'hui et

4 vous nous avez permis, à nous, de nous organiser aussi car vous avez fait

5 le premier pas. Maintenant, il me sera plus facile d'organiser mon

6 peuple".

7 Et moi, (inaudible) par l'intervention de Vinko, j'ai dit à Omer: "Donne-

8 moi une carte, je vais te rejoindre". Jusque-là, je me disais que je ne

9 voulais pas m'occuper de politique.

10 Question: Très bien.

11 Réponse: Et j'ai été, donc, un des quatre candidats du MBO aux élections.

12 Question: Bien. Je crois que vous nous avez dit tout à l'heure que le

13 nombre des partis était le suivant: que votre parti avait gagné 4 sièges,

14 que le SDA en avait gagné 16 et que le SDS avait gagné 31 sièges. Et je

15 pense qu'il y avait encore une dizaine de sièges qui ont été répartis

16 entre plusieurs partis de moindre importance.

17 Réponse: A cette époque, il y avait le parti SDP; c'était l'héritier de la

18 Ligue des communistes. Puis, il y a eu le parti des Réformistes. Ensuite,

19 un parti qui a résulté des syndicats. Je crois qu'il y avait encore quatre

20 partis qui avaient au total dix sièges, dix députés.

21 Question: Excusez-moi, les interprètes ont demandé de vous rapprocher un

22 peu du micro; vous allez prendre l'habitude dans les jours qui suivent.

23 Donc le résultat aurait été le suivant: le SDS avait donc une grande

24 majorité dans l'assemblée municipale.

25 Réponse: Il avait la majorité pour tout ce qui nécessitait la majorité

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1 relative. Il pouvait tout seul, sans les autres partis donc, faire

2 respecter ses décisions.

3 Pour certaines décisions, il fallait une majorité qualifiée de deux tiers,

4 et là, il calculait comment le faire. Mais, à partir de 1990, il pouvait

5 fonctionner en toute autonomie parce qu'il avait 31 députés, donc la

6 majorité.

7 Question: A peu près en même temps, ont eu lieu les élections pour

8 l'assemblée à Sarajevo. Voudriez-vous jeter un coup d'śil, s'il vous

9 plaît, sur un document -la feuille officielle- présentant les résultats de

10 ces élections?

11 S'il vous plaît, je voudrais que soit présenté au témoin le document P758.

12 C'est la feuille officielle.

13 Et je demanderai à l'huissier de me donner ce document et moi, je

14 trouverai les parties pertinentes que je tiens à présenter. Merci.

15 (Intervention de l'huissier.)

16 Je pense que nous pourrions résoudre cela brièvement. Aux élections

17 législatives à Sarajevo, un Serbe dénommé "Rajko Kalabic" a été élu.

18 Réponse: Oui, il a vaincu parce que son contre-candidat était le Dr Saud

19 Mesic, et Kalabic avait bénéficié de plus de voix. Et donc, il est parti à

20 Sarajevo comme représentant du parti SDS.

21 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie. Nous pouvons maintenant

22 enlever ce document du rétroprojecteur.

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Eh bien, maintenant, et avant de poursuivre sur les événements d'après les

25 élections, vous nous avez parlé de votre amitié avec Vinko Kondic. Dites-

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1 nous, quelles étaient les relations entre les différentes ethnies jusqu'au

2 moment d'après les élections?

3 M. Filipovic (interprétation): Pour être sincère, jusqu'en 1990, jusqu'aux

4 premières élections elles-mêmes -donc les élections ont eu lieu en

5 novembre-, en 1991, cette vague de nationalisme n'était pas tellement

6 présent chez les peuples. C'est normal de voir un Serbe, un Musulman, un

7 Croate dans le café boire et manger ensemble.

8 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.

9 La traduction me vient très bas. C'est peut-être moi qui entend très mal.

10 Mme Korner (interprétation): Peut-être pourriez-vous augmenter le son?

11 M. le Président (interprétation): Je n'ai rien touché.

12 Oui, effectivement. Très bien. Merci.

13 Mme Korner (interprétation): Donc vous avez dit qu'il était tout à fait

14 naturel de voir un Musulman, un Serbe ou un Croate se trouver ensemble

15 dans un restaurant, de boire ensemble. Est-ce qu'il y a eu des mariages

16 mixtes entre les représentants des différents peuples?

17 M. Filipovic (interprétation): Oui. Moi-même, dans ma famille, il y a des

18 mariages mixtes. De même, mon ami Vinko Kondic a une femme musulmane;

19 Sasala (phon) est musulmane.

20 En Bosnie, c'est très rare de trouver une famille sans mariage mixte. Que

21 ce soit Musulmans croates ou Croates serbes, c'est très mélangé. Monsieur

22 Izetbegovic disait que la Bosnie-Herzégovine est une peau de léopard. Ce

23 n'est pas possible de diviser le peuple du point de vue de leur

24 appartenance ethnique.

25 Question: Vous nous avez dit que le facteur qui vous avait poussé à la

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1 candidature aux élections a été le discours de Vinko Kondic, comme quoi

2 les Serbes étaient menacés. Est-ce que de tels discours ont eu lieu avant

3 les élections ou bien, c'était la première fois que vous avez entendu un

4 tel discours?

5 Réponse: Oui. Je l'ai entendu de la bouche de mon meilleur ami.

6 Effectivement, j'avais entendu d'autres discours, mais cela ne

7 m'intéressait pas.

8 Ce qui m'a intrigué, c'est quand mon bon ami -l'homme avec lequel nous

9 avons bu des tonnes d'eau ensemble, nous avons mangé des tonnes de pain

10 ensemble-, c'est cela qui m'a fait mal, de l'entendre le dire, lui, et pas

11 les autres Serbes.

12 Question: Bref, parce que je voudrais qu'on parle un petit peu de ce qui

13 s'est passé à l'assemblée après les élections, quand les relations entre

14 les différentes ethnicités commencent à s'envenimer.

15 Réponse: Après les élections, comme je viens de le dire, et notamment, les

16 relations se sont dégradées quand les extrémistes serbes ont repris le

17 transmetteur de radio-télévision Sarajevo, et pour l'utiliser pour la

18 transmission de la chaîne 2 de la radio-télévision de Belgrade. C'est à ce

19 moment que ces relations s'enveniment.

20 Si la Chambre le permet, je vais raconter une anecdote. Parce que j'ai

21 toujours été très libre pour parler et, si la Chambre me le permet...

22 Mme Korner (interprétation): Je pense… à moins que cela n'illustre

23 vraiment.

24 M. le Président (interprétation): Entendons le témoin.

25 Peut-être allez-vous nous embellir les jours?

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1 M. Filipovic (interprétation): Eh bien, nous venons au travail et nous

2 buvons ensemble le café, Serbes et Musulmans, et nous commentons la nuit

3 dernière. Et moi, je dis: "Ecoutez, si je continue à regarder le programme

4 de la télévision de Belgrade -je disais-, je finirai par devenir plus

5 grand Chetnik que vous!".

6 Je voulais dire… pour vous dire ce que cette chaîne de télévision faisait

7 pour éveiller dans le peuple serbe la haine contre les autres peuples. Il

8 y avait des histoires de contes de fées. On déterrait les os des fosses

9 pour prétendre que ce n'étaient que des os serbes, comme si jamais un

10 autre citoyen de l'ex-Yougoslavie n'avait pas vécu sur ce terrain.

11 A mon sens, l'agent principal de cette intolérance interethnique a été la

12 chaîne 2 de la Télévision Belgrade. Mais je ne peux pas me souvenir de la

13 date précise de cet événement. Je crois que cela a été en 1991.

14 Mme Korner (interprétation): Oui, nous avons entendu d'autres témoignages

15 à ce propos. Donc août 1991.

16 Avant la pause, je voudrais vous poser encore une question. Qui était le

17 Pr Muhamed Filipovic, qui portait le même nom que vous?

18 M. Filipovic (interprétation): L'académicien professeur Muhamed Filipovic

19 est un parent à moi qui, aux élections de 1990, est devenu membre du

20 Parlement de l'Etat. Il était l'un des présidents du MBO et, pendant

21 l'agression contre la Bosnie-Herzégovine, il a été ambassadeur de Bosnie-

22 Herzégovine à Berne. Pour le moment, il vit à Sarajevo.

23 Question: Je pense que M. Zecevic veut dire…

24 Est-ce que vous pouvez nous expliquer, Monsieur Filipovic? Est-ce que vous

25 aviez, vous, un lien avec lui?

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1 Réponse: Mais, qu'est-ce que vous voulez dire? Nous étions parents.

2 Mme Korner (interprétation): Pouvez-vous nous dire à quel degré de

3 parenté?

4 M. Filipovic (interprétation): Son grand-père et mon grand-père étaient

5 des frères.

6 M. Zecevic (interprétation): J'ai voulu intervenir pour le transcript, car

7 le témoin a dit qu'il y avait des parents et que l'un d'eux était M.

8 Filipovic.

9 M. le Président (interprétation): D'accord.

10 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, j'ai une longue liste

11 de problèmes de transcript.

12 M. le Président (interprétation): Combien de remarques avez-vous?

13 M. Ackerman (interprétation): Cinq.

14 Mme Korner (interprétation): Nous devrions dépendre des interprètes et non

15 pas de ce qu'un avocat croit avoir été dit.

16 M. le Président (interprétation): Oui, mais nous devons d'abord voir de

17 quoi il s'agit.

18 M. Ackerman (interprétation): Parce que la défense devrait pouvoir avoir

19 un transcript exact. A la page 19, ligne 8, c'est marqué "1991", alors que

20 le témoin a dit "1992".

21 M. le Président (interprétation): La page 19, vous dites, Maître Ackerman,

22 la ligne 8.

23 Lorsque la question vous a été posée, Monsieur, de dire quelque chose sur

24 la carte de la municipalité de Kljuc qui vous a été présentée, vous avez

25 dit: "Je ne voix pas ici Zablace qui figure sur la carte. Je ne vois pas

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1 qu'il y avait des villages, y compris les villages habités par les

2 Musulmans qui constituaient la majorité de la municipalité de Kljuc; peut-

3 être parce que ces villages appartiennent à Ribnik.

4 Gornji Ribnik, depuis la Deuxième Guerre mondiale jusqu'aux années 60,

5 était habitée par les Musulmans. Ensuite, ils sont partis. Et ceci

6 correspond à la situation de la municipalité de Kljuc en 1991".

7 M. Filipovic (interprétation): Oui, mais le recensement a eu lieu en 1991,

8 mais cela vaut aussi pour 1992.

9 M. le Président (interprétation): Très bien.

10 Votre prochaine remarque?

11 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, la page 22, ligne 21,

12 c'est marqué "1978", et je pense que le témoin a dit "1878".

13 M. le Président (interprétation): Vous avez dit que votre grand-père est

14 venu de Zelica. Quand, s'il vous plaît? Quand est-il venu?

15 M. Filipovic (interprétation): En 1878.

16 M. Ackerman (interprétation): La page 27, ligne 25.

17 M. le Président (interprétation): Oui?

18 M. Ackerman (interprétation): Il parle de son frère. Et dans le

19 transcript, il est dit que son frère a été professeur, enseignant. Il est

20 dit que son frère était enseigné, alors qu'il était enseignant.

21 M. le Président (interprétation): Une pause de 20 minutes, s'il vous

22 plaît.

23 (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 11 heures 04.)

24 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner?

25 Mme Korner (interprétation): Monsieur Filipovic, avant de revenir à

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1 l'assemblée, aux élections, je voudrais -j'aurais dû en parler

2 précédemment- vous ramener à la déclaration que vous aviez déposée avant

3 votre témoignage. Pourriez-vous me confirmer ce qui suit?

4 Vous avez été vu, vous avez été entendu par un représentant du Bureau du

5 Procureur au mois de mai 1997. Vous ne vous souvenez sans doute pas de la

6 date, mais vous vous souvenez avoir été entendu par un enquêteur, n'est-ce

7 pas?

8 M. Filipovic (interprétation): En ce qui concerne la date, je ne sais pas

9 mais, effectivement, c'est le cas.

10 Question: En mai 2000, vous avez fait une déclaration devant un membre de

11 l'AID en Bosnie, M. Ibric?

12 Réponse: Oui, effectivement.

13 Question: Et vous avez à nouveau été entendu par le Bureau du Procureur en

14 mars 2001, n'est-ce pas?

15 Réponse: Effectivement.

16 Question: A la suite de l'entretien d'avant-hier, vous avez fait une

17 nouvelle déclaration?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Et le dernier document que j'appellerai une "déclaration", est-

20 ce qu'en juillet 1992, lorsque vous étiez à Manjaca, vous avez signé

21 également un document?

22 Réponse: Effectivement.

23 Question: Je parlerai du document de Manjaca ultérieurement.

24 Revenons-en à l'assemblée. Vous nous avez donné les résultats des

25 élections. Pourriez-vous nous dire comment les différents mandats, tels

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1 que président du conseil exécutif, le poste de chef de la police, ont été

2 attribués? A quel parti important les postes importants ont-ils été

3 attribués?

4 Réponse: Il y avait, bon… Le SDS a reporté les élections de 1990 à Kljuc;

5 il a décidé de se répartir le pouvoir, et c'est à ce moment-là que nous

6 avons négocié entre les partis.

7 Le SDS a réclamé la police, l'armée, la poste, les finances, en d'autres

8 termes, tous les postes qui représentent le pouvoir important, l'argent et

9 l'armée.

10 Ensuite, les autres postes ont été donnés aux autres partis pour qu'ils

11 négocient entre eux.

12 Question: D'accord. Mais qui est devenu président de l'assemblée

13 municipale?

14 Réponse: Le président… Jovo Banjac, après la première élection

15 multipartite, un ingénieur civil.

16 Question: Le vice-président?

17 Réponse: Le vice-président était feu mon frère Omer Filipovic, car la

18 situation était telle à la municipalité de Kljuc que, si un poste à

19 responsabilité était occupé par un Serbe, son adjoint devait être un

20 Musulman et donc inversement.

21 Question: Qui est devenu président du conseil exécutif?

22 Réponse: M. Asim Egrlic, un architecte.

23 Question: Quel a été le poste de Vinko Kondic dans la période qui a suivi

24 les élections?

25 Réponse: Il a été secrétaire de l'assemblée municipale de Kljuc pendant un

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1 bref laps de temps. Ensuite, il est devenu chef de la police.

2 Question: Jusqu'au début de la guerre en Croatie, est-ce que les choses

3 suivaient leur cours plus ou moins normal? Est-ce que l'ambiance entre les

4 différents participants de l'assemblée municipale était exempte de

5 conflits?

6 Réponse: Tout se déroulait normalement, sauf lorsqu'on abordait des

7 questions d'urbanisme.

8 Cela posait problème. Car il était nécessaire que chacun soutienne les

9 autres, parce que les gens qui obéissent aux autorités, pouvaient obtenir

10 des avantages dans l'urbanisme. Ils pouvaient obtenir des sites interdits

11 à la construction, mais grâce à certains contacts, certaines décisions

12 pouvaient être changées.

13 Question: Est-ce que cela avait des connotations de rivalités

14 interethniques ou de conflits interethniques, ou s'agissait-il uniquement

15 d'une question de corruption pure et simple?

16 Réponse: Personnellement, j'estime qu'il s'agissait davantage d'un

17 problème interethnique, d'un problème de conflit de nationalité, car les

18 Serbes obtenaient des choses que les Musulmans attendaient d'obtenir sans

19 l'obtenir pendant trente ou quarante ans et les Serbes obtenaient cela du

20 jour au lendemain, par exemple un permis de construire.

21 Les gens étaient parfois obligés de vendre des terrains serbes pour

22 pouvoir obtenir un permis. Par exemple, moi-même, j'ai vendu un terrain à

23 Vinko de manière à ce que mon frère et moi-même puissions obtenir un

24 permis de construire, car Vinko avait obtenu un permis de construire. Eh

25 bien, nous devions également en obtenir un. Mais cela, c'était avant les

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1 élections.

2 Question: Je voudrais retracer les événements de 1991 à l'aide de certains

3 documents que j'utiliserai à l'appui. Je voudrais que, dans le volume 1

4 des trois dossiers, nous sortions une pièce à conviction qui a déjà été

5 prénumérotée. C'est celle qui se trouve derrière la feuille n°9; je pense

6 que c'est la pièce P3, mais peut-être que je me trompe.

7 Oui, c'est P3, Monsieur le Président, car cela a été examiné par le Dr

8 Donia. Mais c'est le deuxième document dans le fichier qui se trouve

9 derrière le séparateur n°9.

10 Et l'original, le numéro original était P851 et puis, nous nous sommes

11 rendu compte que ce document avait déjà été versé au dossier auparavant.

12 Est-ce que la version anglaise pourrait être mise sur le rétroprojecteur?

13 Est-ce que l'original pourrait être soumis à M. Filipovic?

14 Car je pense… je vous demanderai, Mesdames et Messieurs les Juges,

15 d'examiner ce document, car il y a de petites erreurs de traduction. C'est

16 un document qui commence comme suit: "En dépit du fait que l'assemblée

17 municipale de Kljuc a confirmé son existence, etc."

18 Mais il y a la date du 10 avril 1992, date qui figure dans l'original et

19 qui n'a pas été reprise dans la traduction. Ce document commence comme

20 suit: "En dépit du fait que l'assemblée municipale de Kljuc, le 10 avril

21 1991, a confirmé son existence et la poursuite de sa participation à la

22 communauté de la municipalité de Banja Luka, et qu'elle ait élu ses

23 représentants à l'assemblée de la communauté, en raison de la

24 transformation préalable de cette communauté en Communauté régionale de

25 Bosanska Krajina et, par la suite en Région autonome de Bosanska Krajina,

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1 du plébiscite en région serbe et en particulier en raison du fait que le

2 conseil municipal du MBO continue à refuser le statut de membre à la

3 municipalité de Kljuc à la communauté régionale, il est proposé que

4 l'assemblée municipale adopte la décision suivante lors de sa séance

5 d'aujourd'hui."

6 Avant que j'en arrive au texte de la décision, il est clair que ce

7 document, même s'il parle du 10 avril dans l'original, doit avoir été

8 écrit après novembre 1991 en raison de la référence au plébiscite. Mais

9 d'abord, pouvez-vous nous parler de la communauté des municipalités de

10 Banja Luka et du degré de participation de l'assemblée municipale de Kljuc

11 à cette organisation?

12 Réponse: Nous, c'est-à-dire la municipalité de Kljuc, appartenions à la

13 communauté des municipalités de Jajce avec d'autres municipalités.

14 Ensuite, après les élections, un changement est survenu.

15 La municipalité de Kljuc a demandé à quitter la communauté de Jajce pour

16 rejoindre la communauté des municipalités de Banja Luka.

17 Nous, représentant les Musulmans, c'est-à-dire le SDA et le MBO, dans un

18 accord tacite avec les membres du SDS, nous avons accepté cela dans un

19 premier temps, à savoir que nous rejoignions la région de Banja Luka. Nous

20 avons même désigné notre propre représentant. Et feu mon frère a participé

21 à l'une de ces séances, mais nous n'avons jamais accepté de rejoindre la

22 Région autonome de la Krajina bosnienne.

23 Le conflit, la pomme de discorde principale entre nous et le SDS Kljuc

24 consistait à rejoindre la région autonome serbe de la Krajina. Nous

25 n'étions pas d'accord et eux, les Serbes -c'est-à-dire le SDS de Kljuc-

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1 ont adopté des décisions censées satisfaire les autorités de Banja Luka;

2 c'est-à-dire M. Brdjanin et ses collègues ont envoyé cette décision.

3 Toute personne dotée de bon sens sait que, si un document est transmis, il

4 doit être enregistré, c'est-à-dire porter une référence. Mais, à mon

5 humble avis -et je n'en suis pas sûr car je n'ai pas accès à tous les

6 documents-, à mon humble avis, ce document n'a fait que transiter par les

7 instances du SDS et ils ont apposé le tampon de l'Etat de Bosnie-

8 Herzégovine.

9 A cette époque-là, dans le chef des autorités serbes, il y avait des

10 doubles mandats. Lorsqu'ils avaient besoin de la Bosnie-Herzégovine, ils

11 utilisaient le tampon de la Bosnie-Herzégovine. Et lorsqu'ils avaient

12 besoin de quelque chose d'autre, ils mettaient leur propre tampon "Région

13 autonome serbe de la Krajina bosnienne" ou quelque chose comme cela. Vous

14 verrez vous-même qu'il y a un sceau bosnien, un tampon bosnien, ensuite un

15 tampon différent.

16 A mon sens, c'était la pomme de discorde. On ne peut pas travailler de la

17 sorte, ceci n'est pas passé par la séance.

18 Ils parlent de la séance du 10 avril 1991 mais, pour reconfirmer cela, il

19 faut qu'il y ait un document qui dise "en vertu de la décision 'x' et en

20 vertu du nombre…", comme ça.

21 Question: Bon. Nous allons essayer de scinder cette question, car il est

22 clair que ce document parle de la décision du 10 avril 1991. Elle doit

23 être entrée en vigueur plus tard, parce que l'on parle également du

24 plébiscite. Mais je voudrais vous parler du document lui-même pour le

25 moment.

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1 Il y a un tampon, vous nous avez dit que c'est un sceau, un tampon de la

2 Bosnie-Herzégovine. Effectivement?

3 Réponse: Oui, c'est un tampon de la République socialiste de Bosnie-

4 Herzégovine.

5 Question: Il y a la signature de la personne dont vous avez parlé?

6 Réponse: Jovo Banjac.

7 Question: Qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce qu'il faudrait qu'il y ait en

8 plus? Qu'est-ce qu'il manque pour que ce document ait le statut de

9 document officiel, d'après vous, Monsieur Filipovic?

10 Réponse: D'après moi, à l'angle gauche de ce document, on devrait y voir

11 le numéro d'enregistrement, dire que ceci a été enregistré -ce qui

12 d'ailleurs a été certifié et affirmé par un sceau-, le signifier à telles

13 ou telles archives; il est dans les archives un livre d'enregistrement où

14 il est dit par exemple "le document 'x' y est, etc.". C'est ainsi que l'on

15 peut être sûr que tout ceci figure dans les archives, dans le document.

16 Question: D'accord. Laissons de côté ce document pour le moment. Il parle

17 d'une décision prise ou intervenue en avril 1991.

18 En avril 1991, la municipalité de Kljuc a-t-elle rejoint la communauté des

19 municipalités de Banja Luka?

20 Réponse: Je crois que oui. Mais il s'agit d'ailleurs de la Communauté

21 régionale de municipalités de Bosanska Krajina. C'est là que l'on fait

22 référence à cette Communauté de municipalités de Banja Luka. C'est là que

23 l'on nous a plutôt cités et mis.

24 Dans le second fragment, on parle de la Région autonome Bosanska Krajina.

25 On lit ensuite: "Parce que nous n'avons pas voulu, d'ailleurs, faire

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1 partie de la Région autonome de Bosanski Krajina et nous avons consenti à

2 être membres de la communauté de municipalités autre que Jajce, c'est-à-

3 dire sortir de Jajce".

4 Question: D'accord. Dans la réponse que vous nous avez donnée, lorsque

5 nous avons parlé du document, vous avez parlé de M. Brdjanin. Quand avez-

6 vous entendu parler pour la première fois de M. Brdjanin?

7 Réponse: D'une façon officielle. Je crois pouvoir dire que j'ai entendu

8 parler de M. Brdjanin pour une première fois lors des activités qui

9 précédaient les élections de 1990.

10 Mais, officiellement, pour parler des structures qui sont les nôtres,

11 enfin, les structures bosniennes, lorsque nous parlons des organes des

12 autorités de Kljuc, je crois avoir vu en 1990 ou 1991 -je ne sais pas

13 quand- où M. Brdjanin a signé un document suivant lequel il a été demandé

14 au SDS de faire les arrangements dans le sens de l'organisation de pouvoir

15 de notre municipalité.

16 C'est là que j'ai pu entendre parler pour une fois… enfin, j'ai vu son nom

17 dans la presse et à la télévision. Personnellement, je ne le connais pas.

18 Question: Lorsque vous avez pris connaissance de son existence dans les

19 médias, en quelle année était-on? En 1991 ou en 1992?

20 Réponse: Tout simplement, je dirai que c'était un homme qui avait une

21 position à cette époque-là, une fonction. Si, par exemple, on est à

22 regarder sur une chaîne de télévision le télé-soir ou le télé-journal, on

23 présente tout simplement un instantané, son portrait. On vous dit qu'à tel

24 ou tel endroit, il y a eu telle ou telle réunion, M. Brdjanin y a pris

25 part. On cite ce qui a été à l'ordre du jour de la réunion. Je ne l'ai

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1 jamais entendu parler, lui, pour entendre ses interventions. Tout

2 simplement, c'étaient des citations tirées de ses interventions.

3 Finalement, écoutez, avec tant de temps qui s'est écoulé depuis, comment

4 voulez-vous que je m'en souvienne encore aujourd'hui?

5 Question: D'accord. Mais, pour la première fois, quand avez-vous entendu

6 parler de lui par les médias? 1991 ou 1992?

7 Réponse: Je crois en 1991 et aussitôt après les élections, une fois que

8 les pouvoirs étaient mis en place. Et puis, après, tout dépend,

9 évidemment, de ce qui a été transmis par les médias.

10 Question: Vous nous avez dit que vous ne l'aviez jamais vu en direct à la

11 télévision. Il s'agissait de reportages de discours qu'il aurait

12 prononcés. Quel type de discours M. Brdjanin prononçait-il?

13 Réponse: Eh bien, sur la simple références faite à ce dont on parlait tout

14 à l'heure, il a été dit que les Serbes devraient faire partie de la Région

15 autonome de Bosanski Krajina, et que le seul salut pour les Serbes se

16 voyait dans la possibilité de s'organiser en région autonome. C'est dans

17 ce sens-là. Je ne suis pas en mesure, évidemment, de vous dire de mémoire,

18 maintenant, ce que les journalistes ont dit dans ces différents

19 reportages, mais c'est à peu près dans ce sens-là que roulaient les

20 textes.

21 Mme Korner (interprétation): Je comprends que tout cela remonte très loin,

22 mais est-ce que d'autres nationalités ont parlé de lui?

23 M. Ackerman (interprétation): J'ai une objection. C'est suggestif. Elle

24 essaie d'induire le témoin, de lui faire dire quelque chose après qu'il

25 nous a rappelé ce dont il se souvient.

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1 M. le Président (interprétation): Non, non. Maître Ackerman, la question

2 est autorisée car il a commencé à parler de ses souvenirs. Il est donc

3 tout à fait acceptable de lui demander de continuer à narrer ses

4 souvenirs.

5 Vous pouvez donc poursuivre.

6 Mme Korner (interprétation): Vous souvenez-vous si on mentionnait les

7 autres nationalités en Bosnie?

8 M. Filipovic (interprétation): Voyez-vous, je pense qu'une mention faite

9 par lui de nationalité quelconque –cette fois-ci, je parle de la Région

10 autonome de Bosanski Krajina-, c'est qu'il disait: "Voilà, c'est une

11 question de survie pour les Serbes de Bosnie. Frères serbes, nous devons

12 nous regrouper, resserrer nos rangs, nous qui sommes non-serbes. Parce

13 que, écoutez, nous qui sommes des Bosniens, nous avons été considéré par

14 les Serbes comme étant dans une coalition musulmano-oustachi."

15 Il s'agit de termes-là qu'on a empruntés et que: "Etant donné la

16 coalition, disait-il, entre Musulmans et Croates, voilà que nous sommes

17 peut-être menacés d'extermination".

18 C'est dans ce sens-là qu'on parlait, sans entrer dans le détail.

19 Mme Korner (interprétation): Vous avez parlé de la coalition musulmano-

20 oustacha. Est-ce qu'il a utilisé le terme "oustacha"?

21 M. Ackerman (interprétation): Je n'ai pas dit qu'il a dit cela. Il n'a pas

22 dit que Brdjanin a dit "coalition oustacha-musulmane", "oustachi-

23 musulmane" ou quelque chose comme cela. Il a dit qu'il a entendu Brdjanin

24 parler des autres nationalités en ce qui concerne la région Bosanska

25 Krajina, c'est tout. Et après, il dit que les Serbes ont parlé de la

Page 9310

1 question de la coalition oustachi-musulmane, mais ce n'est pas lié à M.

2 Brdjanin.

3 M. le Président (interprétation): Il répondait à une question spécifique

4 qui lui avait été posée consistant à savoir si, dans ces reportages

5 relatifs aux discours de M. Brdjanin, il était fait référence aux autres

6 nationalités. Ensuite, il explique que l'on parlait de ces autres

7 nationalités dans le cadre d'une supposée coalition oustachi-musulmane.

8 C'est cela qu'il répondait. C'est mon impression en tout cas. Donc, à mon

9 sens, ce n'est pas une impression ou une opinion.

10 M. Ackerman (interprétation): Il ne dit pas que M. Brdjanin a parlé d'une

11 coalition oustachi-musulmane, c'est… Laissez-moi…

12 M. le Président (interprétation): Un moment, Monsieur. Selon les

13 reportages que vous avez pu entendre dans les médias -c'est la télévision

14 essentiellement, d'après ce que je comprends-, selon vos souvenirs, dans

15 ses discours, M. Brdjanin a-t-il fait référence à une coalition oustachi-

16 musulmane?

17 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, il nous a déjà dit

18 qu'il n'a pas entendu M. Brdjanin faire un discours.

19 M. le Président (interprétation): Mais c'est le reportage, c'est le sujet

20 à la télévision.

21 M. Ackerman (interprétation): Ce sont…

22 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, ce sont les rapports.

23 Ce sont les sujets à la télévision. Il a dit qu'à la télévision, on a

24 utilisé ses discours dans le cadre de reportages ou de sujets.

25 Donc ma question est très claire. Dans ces reportages, vous avez entendu

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1 parler des discours ou des extraits de discours de M. Brdjanin. Est-ce

2 qu'il a été fait référence explicitement à une coalition musulmane-

3 oustachi?

4 M. Filipovic (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

5 je veux répondre pour dire que, à cette époque-là, il n'y avait pas un

6 seul leader serbe qui ne parlait pas de la coalition musulmano-croate. Par

7 conséquent, je considère que M. Brdjanin en faisait partie. A cette

8 époque-là, en Bosnie-Herzégovine, il n'y en a pas eu parmi les leaders

9 serbes qui n'auraient pas fait référence à cette coalition de Musulmans et

10 Croates.

11 M. le Président (interprétation): Oui, mais cela, c'est une conclusion.

12 Mais ma question était plus particulière. Dans ces reportages, dans les

13 propos utilisés par M. Brdjanin, est-ce qu'il était fait référence à la

14 condition oustachi-musulmane? Répondez par oui ou non.

15 M. Filipovic (interprétation): Oui.

16 Mme Fauveau: Je voulais faire exactement la même objection que Me Ackerman

17 a faite ensuite.

18 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

19 Oui, Maître Zecevic?

20 M. Zecevic (interprétation): Une chose, Monsieur le Président. A la page

21 54, ligne 8, c'est la phrase qui commence par "et je pense". Le témoin a

22 dit "j'imagine", il n'a pas dit "je pense", il a dit "j'imagine"; il a dit

23 "smatra" (phon), ça veut dire "je considère".

24 M. Filipovic (interprétation): Oui, je considère et je considère toujours

25 que c'est une même chose. Les mots utilisés sont différents mais le sens

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1 est le même.

2 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre, Madame Korner.

3 Mme Korner (interprétation): Monsieur Filipovic, c'est ce que vous vous

4 souvenez avoir entendu dans les médias. Vous nous avez dit précédemment

5 que M. Brdjanin était l'un des dirigeants. Qu'est-ce qui vous a fait

6 comprendre qu'il était un des dirigeants?

7 M. Filipovic (interprétation): Eh bien, un de ces documents dont il nous a

8 fallu discuter a été signé par lui. Lequel document devait nous faire

9 savoir comment les pouvoirs devaient être répartis, lorsque les pouvoirs

10 étaient mis en place. Ce n'est pas une chose qui devait être faite par un

11 quelconque homme commun. Ceci devait être fait par quelqu'un de très haut

12 placé dans les autorités.

13 Et, en 1991, si je ne m'abuse, on en discutait au SDA ou au MBO. Nous

14 avons soulevé maintes objections, on a parlé à Radio Kljuc, etc.

15 Question: Vous ne l'avez jamais rencontré. Savez-vous si M. Banjac ou M.

16 Kondic ou les autres dirigeants du SDS à Kljuc se sont réunis avec lui?

17 Réponse: Oui. Oui, je sais qu'ils se sont servis de la voiture de fonction

18 de la mairie pour se rendre à des réunions de leur parti.

19 Une fois, j'étais sur le point de m'engueuler avec mon frère parce que je

20 lui ai dit: "Toi aussi tu peux demander la voiture de la mairie pour qu'on

21 se rende à nos réunions, à nous, c'est-à-dire de notre parti". L'autre m'a

22 répondu en disant: "Comment ils devraient pouvoir le faire?". Alors, moi

23 j'ai dit sèchement: "Puisque Vinko peut le faire pour se rendre à Banja

24 Luka pour le SDS, alors nous, pourquoi ne ferions-nous pas de même?".

25 Par exemple, lorsqu'il a fallu aller à Srebrenica, on devait le faire, on

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1 devait pouvoir le faire. Stole Despotovic était le chauffeur des Serbes.

2 Et puis Atif -le nom de famille m'échappe de cet homme-là, c'est un homme

3 qui s'est fait tuer- était le chauffeur qui nous conduisait, nous. Ils

4 avaient une Renault, une Peugeot aussi.

5 Question: Votre frère, feu Omer Filipovic, a-t-il jamais rencontré M.

6 Brdjanin?

7 Réponse: Il y avait une réunion, je ne sais pas si la réunion s'était

8 tenue à Banja Luka ou à Kotor Varos. En tout cas, dans l'une de ces villes

9 qui se trouvent vers Banja Luka, plutôt peut-être à Teslic, il y avait une

10 réunion donc où celui-ci s'était rendu aussi et où pas mal de choses ont

11 été discutées. Mon frère, de retour, m'en a parlé. Il m'a parlé de

12 Brdjanin, de Kupresanin et d'autres.

13 Or, mon frère Omer s'était rendu à l'une de ces réunions, mais je ne sais

14 pas où la réunion s'est tenue, dans quelle ville, dans quelle localité.

15 Question: D'abord, il a parlé de Kupresanin. Connaissez-vous M. Kupresanin

16 avant que votre frère n'en parle?

17 Réponse: J'ai appris aussi dans les médias que lui aussi était un des

18 responsables. Et une première fois, je l'ai vu à Manjaca.

19 Mme Korner (interprétation): D'accord. Pour autant que vous le sachiez, de

20 Brdjanin et Kupresanin, qui était le personnage public le plus important?

21 M. le Président (interprétation): Oui ou non?

22 M. Ackerman (interprétation): (Hors micro: Non.)

23 Mme Korner (interprétation): Qui était le personnage public le plus en

24 vue, pour autant que vous le sachiez?

25 M. Filipovic (interprétation): A mon sens, je crois que c'était Brdjanin.

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1 C'est un avis personnel. Je ne sais pas comment se présentait la situation

2 au sein des autorités, mais je crois que c'est lui, son nom qui était

3 surtout mentionné dans ce reportage et autres émissions de média.

4 Question: Enfin, lorsque votre frère est rentré de cette réunion qui s'est

5 tenue quelque part, on ne sait pas où, M. Brdjanin était également

6 présent. Vous a-t-il fait part de la manière dont il voyait l'avenir des

7 relations entre les nationalités serbes et bosniaques?

8 Réponse: Lors de nos réunions, nous avons toujours voulu que nos réunions

9 soient sans la présence de nos enfants et de nos femmes. La toute première

10 chose à entendre dire par mon frère, c'était: "Ecoute, mon frère, cela

11 tournera mal". Je voulais savoir pourquoi. Lui répondait que ceci devait

12 être le même sort connu par notre grand frère, notre père, etc. Ce n'est

13 qu'une question de date où tout cela devrait être déclenché.

14 Question: Pour résumer, les faits jusqu'à octobre 1991, les partis

15 bosniens étaient d'accord pour rejoindre la communauté des municipalités

16 de Banja Luka, mais plus lorsque celle-ci est devenue la Région autonome

17 de la Krajina.

18 Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous ne vouliez pas appartenir à la

19 région autonome de la Krajina?

20 Réponse: Nous n'avons pas voulu devenir partie intégrante de la région

21 autonome de Krajina, du simple fait que nous connaissions fort bien la

22 conception et le principe d'organisation des autorités. D'après leur

23 principe à eux, ceci devait être uniquement un territoire serbe, que la

24 nation, l'ethnie serbe était numéro 1, à la première place, que la

25 religion orthodoxe serbe devait être évidemment numéro 1, que l'alphabet

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1 cyrillique devait être en première position partout. Et tout ce qui

2 cadrait avec le peuple serbe devait être chose majeure, alors que nous

3 autres, on était tout simplement sporadiques et secondaires.

4 Voilà la raison pour laquelle nous n'avons pas été satisfaits, et nous

5 n'avons pas voulu entrer dans cette Région autonome de Bosanska Krajina;

6 c'est-à-dire nous n'aurions jamais rien pu obtenir de bon de la Région de

7 Bosanska Krajina. Nous avons voulu avoir tout ce que nous avons eu dans

8 l'Etat de Tito; il y avait Jajce, il y avait Banja Luka à cette époque-là.

9 Tous, nous étions à égalité, tout fonctionnait. Peu importait, si l'on

10 était serbe, musulman ou croate.

11 Tout était conçu selon le principe de parité ethnique. Si c'est un Serbe

12 qui est le président de la région, le vice-président est un Musulman, le

13 secrétaire un Croate, etc.

14 Or, au niveau de la région autonome, tout, à partir du président de la

15 région jusqu'aux procès-verbistes, tout devait être d'origine ethnique

16 serbe.

17 Question: Je voudrais que vous examiniez le document suivant qui concerne

18 1991, le document P854 qui se trouve derrière le séparateur n°12.

19 (Intervention de l'huissier.)

20 Ce document -ce n'est pas tout à fait clair dans la version anglaise- est

21 une transcription d'une émission de Radio Kljuc qui nous a été fournie par

22 le bureau local de l'A.I.D.

23 Il est daté du 25 juin, Monsieur Filipovic, et parle d'une discussion

24 publique au foyer local.

25 Réponse: C'est exact.

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1 Question: Muhamed Filipovic que vous avez présenté comme votre parent,

2 n'est-ce pas?

3 Réponse: Oui, effectivement.

4 Question: Je ne veux pas parler de la totalité du document, parce qu'il

5 parle de la Yougoslavie, de la Slovénie, de la Croatie, de la souveraineté

6 de la Bosnie-Herzégovine, etc. Mais quel effet la sécession de ces deux

7 parties, de ces deux Républiques de la Yougoslavie, quel effet cette

8 sécession a-t-elle eu sur l'atmosphère à Kljuc?

9 Réponse: Bien. La sécession faite par la Slovénie et la Croatie de la

10 Yougoslavie a, à bien des égards, affecté le climat de Kljuc. Tous les

11 citoyens de Kljuc, de Bosnie-Herzégovine, je dirai, voulaient avoir le

12 tout dans les limites de l'Avnoj, c'est-à-dire que la Slovénie et la

13 Croatie devaient y être. Sans la Slovénie et la Croatie, il ne devait plus

14 y avoir de Yougoslavie. C'était notre idée à nous. Sans cela, on devrait

15 parler de la Yougoslavie tronquée; c'était ce terme-là qui était dans le

16 vent. Et sans la Slovénie et la Croatie, il n'y a plus de Yougoslavie.

17 Or, avec la dislocation de la Yougoslavie, on pouvait se rendre compte que

18 c'était vraiment très aisément permis aux Slovènes et aux Croates de

19 sortir de Yougoslavie. Alors que nous, nous étions restés.

20 Or, la tribune, la réunion aux tribunes, les débats organisés portent sur

21 le thème de savoir s'il a fallu rester dans le cadre de la Yougoslavie,

22 enfin, tronquée, ou bien s'il a fallu demander une souveraineté, autonomie

23 pour la Bosnie-Herzégovine. Parce que nous, nous étions dans une

24 Yougoslavie de Tito, et cela nous convenait le mieux. Nous, Bosniens, nous

25 avons toujours voulu vivre dans le cadre et au sein de cette Yougoslavie-

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1 là. A aucun moment donné, notre langage n'a été celui d'effraction

2 quelconque.

3 Moi, je tire mon origine de Beja (phon) qui étaient des gens respectables,

4 lesquels gens, à prendre ma famille dans son ensemble, ont beaucoup perdu

5 dans cette Yougoslavie.

6 Mais chose faite, enfin bref, nous étions satisfaits plutôt dans cette

7 Yougoslavie telle quelle car nous étions tous des citoyens dans le monde

8 entier.

9 Munis de passeport qui était le nôtre, nous avons pu nous mouvoir partout

10 dans le monde. Maintenant, sans le visa qu'il faut quémander, plutôt pour

11 ne pas demander, nous ne pouvons bouger nulle part. Nous, Bosniens,

12 n'avons pas voulu détruire la Yougoslavie. Nous n'avons pas voulu que la

13 Yougoslavie soit démantelée, mais nous avons dit que si les Slovènes et

14 les Croates s'en vont, alors les choses changent. Déjà Moljevic aidant,

15 son projet avait déjà préconisé les limites administratives de la

16 Yougoslavie, ce qui était d'ailleurs prouvé que ce n'était autre chose que

17 la Grande Serbie. Et la guerre d'ailleurs l'a bien prouvé; c'est-à-dire

18 que le vieil historien Moljevic avait déjà prévu où se situeraient les

19 futures limites administratives de la Grande Serbie. C'est ce que nous

20 n'avons pas voulu avoir tout simplement.

21 Question: Je voudrais passer au document suivant. Je demande à ce qu'il

22 vous soit soumis, le document P855.

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Il se trouve juste après le 854 dans le dossier.

25 Il s'agit d'un document qui porte le titre "déclaration", qui est daté,

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1 comme on peut le voir, du 19 juillet. Il provient également de Radio

2 Kljuc, Mesdames et Messieurs les Juges, il est écrit à la main. Il y a

3 écrit à la main: "Eglises orthodoxes serbes Kljuc. En juillet et août

4 1941, un crime terrible a été perpétré contre le peuple serbe humilié,

5 sans défense et innocent dans l'école de Kljuc, Vrhpolje. Pendant 50 ans,

6 nous avons oublié de tenir compte du message mystérieux de leurs tombes et

7 nous devons, à leur sacrifice, interpréter l'Histoire et le reste."

8 Il y a également une référence à une messe de commémoration le 2 août, un

9 petit peu de rhétorique, pour dire les choses ainsi, qui convoque les

10 gens.

11 Ce type d'annonce qui faisait référence aux événements de 1941, est-ce

12 qu'il était fréquent ou très fréquent ou moins fréquent à cette époque?

13 Réponse: Faut-il répondre?

14 Mme Korner (interprétation): Oui, je vous le demande.

15 M. Filipovic (interprétation): Dans ce document, on peut voir que l'église

16 orthodoxe serbe et le SDS se présentaient conjointement, c'est-à-dire dans

17 tous les segments.

18 M. Ackerman (interprétation): J'ai une objection, Monsieur le Président.

19 La question était simple: est-ce que cela se produisait rarement ou

20 souvent? Ensuite, il explique le document. Or, la question était simple.

21 M. le Président (interprétation): L'objection est retenue. Monsieur

22 Filipovic, la question était la suivante: est-ce que ce type d'annonce

23 était fréquent ou rare?

24 La question consistait à savoir, je vais essayer de retrouver la question…

25 M. Filipovic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai une très bonne

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1 mémoire de la façon dont la question a été posée.

2 M. le Président (interprétation): Répondez par oui ou par non, c'était

3 "souvent" ou "rarement."

4 M. Filipovic (interprétation): C'était souvent. Humainement parlant, puis-

5 je répondre?

6 M. le Président (interprétation): C'est suffisant.

7 M. Filipovic (interprétation): Ce n'est pas tout à fait correct.

8 Mme Korner (interprétation): Vous pouvez répondre à la question. Ensuite,

9 je poserai des questions supplémentaires. Votre réponse était que cela se

10 passait souvent. Vous dites que cela montre la connexion entre l'église

11 orthodoxe serbe et le SDS serbe. Je pense que la réponse est évidente,

12 mais pourquoi dites-vous cela?

13 M. Filipovic (interprétation): Pourquoi je l'ai dit? Eh bien, il s'agit

14 d'un communiqué, d'une information qui a été diffusée par la radio locale.

15 Et l'on peut voir dans un document que deux institutions, à savoir

16 l'église orthodoxe serbe et le SDS, sont signataires d'un communiqué. Ceci

17 devrait être deux communiqués séparés.

18 Mais moi, en ma qualité de témoin, si vous me permettez, je devrais

19 pouvoir tout de même essayer d'expliquer un petit peu comment se présente

20 cette invitation à une liturgie, à une messe, par le SDS et par les

21 services de l'église, parce que toujours -disait-on-, c'est à Kljuc que

22 les Serbes avaient péri au cours de la Seconde Guerre mondiale. Mais

23 personne n'était venu pour dire, à l'appui de cette thèse-là, dans quelles

24 circonstances les gens ont péri au cours de la Seconde Guerre mondiale. La

25 vérité publique que l'on taisait toujours, c'était que les gens d'Ante

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1 Pavelic étaient rentrés dans Kljuc.

2 M. le Président (interprétation): Madame Korner, la Chambre n'est pas

3 intéressée par l'explication historique des événements remontant à la

4 Deuxième Guerre mondiale. Je voudrais vous demander de poser une question

5 au témoin qui pourrait nous permettre de changer de sujet.

6 Mme Korner (interprétation): On parle d'un crime terrible, commis contre

7 les gens de Kljuc, je voudrais en parler brièvement.

8 M. le Président (interprétation): Oui, mais de la même manière, à Malte,

9 on ne parlerait pas à ce moment-là avec les Allemands, avec les Français,

10 avec les Italiens, avec personne.

11 Mme Korner (interprétation): Je pense qu'il y a une petite différence.

12 Monsieur Filipovic, je vais faire très rapidement.

13 Monsieur Filipovic, très brièvement, nous n'avons pas besoin de toute une

14 dissertation sur la Deuxième Guerre mondiale, mais il s'agissait de

15 commémorer un crime. Est-ce que vous pourriez brièvement nous dire ce qui

16 était visé dans cette annonce?

17 M. Filipovic (interprétation): Eh bien, il fait référence à un rapport, un

18 communiqué portant sur la mort de quelques Serbes à Kljuc, pour

19 culpabiliser de tout cela les Musulmans. Mais le fait est que ces Serbes-

20 là avaient été tués par les armées de Ante Pavelic. Lorsque ces gens-là

21 avaient pénétré dans Kljuc, ils ont mis comme un couvre-chef de Fez. Qui

22 dit Fez, dit couvre-chef musulman. Et au lieu de s'appeler Jure et Frane,

23 qui étaient leurs prénoms, ils s'appelaient Mujo et Suljo. Et c'est depuis

24 cette époque-là que date cette soif de vengeance chez les Serbes, c'est-à-

25 dire que ceci a été prouvé, malgré tout, que ceci a été l'oeuvre des

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1 armées de Ante Pavelic. Or, la vengeance existait toujours.

2 Question: Ma seule question supplémentaire: avec quelle fréquence les

3 événements de la Seconde Guerre mondiale étaient-ils commémorés à Kljuc,

4 au cours de cette période?

5 Réponse: Chaque manifestation, chaque présence des gens du SDS, que ce

6 soit dans le cadre d'une tribune en public ou dans d'autres circonstances

7 politiques, c'était de savoir ce qui a été fait à l'encontre des Serbes

8 par la coalition musulmane-oustachi. Toutes leurs interventions, toutes

9 leurs actions commençaient par là; c'était tout simplement pour faire

10 émouvoir un petit peu et, en quelque sorte, dessiller les yeux des masses

11 serbes de Kljuc.

12 Question: D'accord. Peut-être, avant l'interruption, pourrais-je aborder

13 un dernier document. Et je demanderai à ce que l'on vous remette le

14 document portant la référence P852, qui se trouve derrière le séparateur

15 n°10.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Il s'agit d'une déclaration officielle délivrée par le conseil municipal

18 MBO, à Kljuc, sans date, qui dit ce qui suit: "En accord avec le SDA,

19 qu'une pression psychologique a été exercée sur la population musulmane,

20 que -je saute deux paragraphes-, les rumeurs sont devenues des menaces

21 concrètes, sous la forme de lettres anonymes adressées à des figures

22 importantes de la scène politique musulmane. Le meilleur exemple est une

23 lettre reçue par Omer Filipovic en mai de cette année, qui insultait de

24 manière vulgaire les sentiments culturels religieux politiques des

25 Musulmans et contenait des menaces directes et, concrètement,

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1 l'utilisation de méthodes Chetniks."

2 Ensuite, on explique que le MBO et le SDA, à Kljuc, représentent les

3 intérêts des populations musulmanes et les intérêts de la paix et de la

4 coexistence. Enfin, on parle de la création d'un fond civique patriotique.

5 Une nouvelle fois, il faut que je vérifie certains documents qui viennent

6 de Radio Kljuc. Alors, ceci dit, premièrement, il n'y a pas de date. Sur

7 la base des informations qui sont contenues dans ce document, pourriez-

8 vous avancer une date approximative?

9 Réponse: A quel document vous référez-vous?

10 Question: Celui-ci. Celui qui est devant vous. Le 852.

11 Réponse: Eh bien, je crois que tout ceci devait être fait au mois de mai.

12 Voyez-vous, au début de ma déposition, je vous ai dit que tout devait être

13 moyennant notre propre argent, nos propres fonds. Nous avons dû donner nos

14 propres fonds pour acheter des machines à écrire, du papier, etc. C'est

15 ainsi que nous avons donc rédigé ce mémo, en disant à Radio Kljuc: "A la

16 réunion du MBO, tenue à telle ou telle date, il a été dit ceci ou cela".

17 C'est d'une manière générale que nous avons procédé ainsi pour envoyer des

18 communications à la radio.

19 Question: Alors, je voudrais déterminer: en mai 1991-1992, on parle de

20 front civique patriotique?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Donc, cela signifie que c'est mai 1991 ou mai 1992.

23 Réponse: Non, on ne peut pas évidemment parler de mai 1992, puisque

24 c'était déjà la guerre.

25 Question: Donc, en mai 1991?

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1 Réponse: Je suppose ainsi au moins car, depuis le 7 mai 1992, nous sommes

2 déjà en temps de crise, c'est-à-dire il y avait un contrôle pris par la

3 police serbe.

4 Question: Bon, deux questions au sujet de ce document.

5 On parle d'initiatives qui sont à la constitution d'un front civique

6 patriotique. De quoi s'agissait-il?

7 Réponse: Nous nous proposions de rassembler l'ensemble des citoyens de

8 Kljuc dont l'option aurait été, pour la Bosnie, sans distinction de

9 religion ou d'ethnie. Tous ceux qui avaient dans leur coeur la Bosnie,

10 nous avons voulu les rassembler et engager une conversation tout à fait

11 raisonnable pour les avertir de ce qui allait advenir d'eux et de nous

12 tous, pour essayer d'empêcher le spectre de la guerre qui planait sur

13 Kljuc et sur l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, je dirai.

14 Question: Au paragraphe 4, on parle d'une lettre que votre frère a reçue.

15 Première question, votre frère a-t-il reçu une ou plusieurs lettres?

16 Réponse: Mon frère avait reçu plusieurs lettres, moi aussi j'en ai reçu

17 plusieurs d'ailleurs. Il nous est arrivé d'être menacés par des coups de

18 téléphone. Des menaces étaient pour nous omniprésentes dans la rue, en

19 pleine rue. On se couche, par exemple, la nuit, le téléphone sonne et on

20 entend à l'autre bout du fil quelqu'un qui nous menace de faire sauter en

21 l'air nos maisons à nous, mais nous n'avons pas eu peur.

22 Question: Lorsque vous êtes rentré à Kljuc en 1996, si je ne m'abuse,

23 avez-vous pu trouver un exemplaire des lettres de votre frère?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Je voudrais après vous soumettre un nouveau document, qui porte

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1 ERN0213304, un exemplaire ayant été fourni aux Juges.

2 Est-ce qu'on peut le lui donner?

3 Oui, je terminerai avec cette lettre et je n'ai rien d'autre, Monsieur le

4 Président.

5 (Intervention de l'huissier.)

6 Il n'y a pas de date, mais le contenu nous permet de comprendre qu'elle

7 est arrivée après 1991.

8 La lettre est la suivante: "Omer 'balija', 400 de mes hommes sont à

9 Vrbanja, Gornje Rakovo et Bradsko, à cause de ton comportement vis-à-vis

10 des Serbes et de la constitution de barrages à Budinjan, Krasulje, Ramici,

11 et Biljani. Sous le commandement de la Vojvoda… -apparemment c'est un chef

12 militaire-, nous avons organisé un détachement et nous allons baiser ta

13 mère oustachi, nous allons pisser sur l'échiquier croate et le croissant

14 musulman, la Serbie occidentale, le mouvement illégal chetnik serbe." (Fin

15 de citation.)

16 Les autres lettres que votre frère a reçues étaient du même acabit?

17 M. Filipovic (interprétation): La terminologie était à peu près la même, à

18 cette différence que Vojvoda n'est pas un titre militaire, mais un titre

19 chetnik. C'est le poste le plus élevé des Chetniks. Ce n'est pas un grade.

20 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que ceci peut

21 devenir une pièce à conviction P1099?

22 M. le Président (interprétation): Oui. Maintenant nous devons interrompre

23 aujourd'hui pour continuer lundi.

24 Mme Korner (interprétation): Pour le témoin à 14 heures 45?

25 M. le Président (interprétation): Nous continuerons lundi à 14 heures 45

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1 car, lorsque nous reviendrons, nous devrons d'abord débattre sur certaines

2 questions de procédure que nous avons remises à plus tard.

3 Entre-temps, essayez de préparer le transcript de ce dont vous avez

4 besoin.

5 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, nous avons analysé

6 cette affaire, le transcript sera disponible lundi matin. Dans le sens de

7 la suggestion de Me Ackerman, même si je crois que l'on ne peut pas

8 débattre, il sera donc disponible lundi.

9 M. le Président (interprétation): Oui, je vous remercie tous, donc

10 l'audience recommencera lundi à 14 heures 15, il n'y aura pas besoin que

11 le témoin y soit dès le début.

12 Je vous souhaite bon après-midi et bon week-end.

13 (L'audience est levée à 12 heures 09.)

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