Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 4 décembre 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

4 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, appeler

5 l'affaire, Madame la Greffière.

6 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Bonjour. C'est

7 l'Affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav Brdjanin.

8 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Brdjanin. Est-ce que

9 vous pouvez m'entendre dans une langue que vous comprenez?

10 Votre microphone n'est pas allumé.

11 M. Brdjanin (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président et Mesdames

12 les Juges. Je vous entends et je vous comprends.

13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez vous

14 asseoir.

15 Les représentations des parties?

16 Mme Korner (interprétation): Joanna Korner assistée par Denise Gustin.

17 M. le Président (interprétation): Pour la défense de Radoslav Brdjanin?

18 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je suis John

19 Ackerman et je suis ici avec Milan Trbojevic et Marela Jevtovic.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Ackerman.

21 Bonjour à vous aussi.

22 Nous allons aujourd'hui entendre la déposition de Lord Ashdown ce matin.

23 Est-ce que vous avez d'autres témoins à présenter? Parce que j'ai entendu

24 dire, ce matin, enfin tout au moins par ma secrétaire, qu'on avait préparé

25 les documents pour un autre témoin.

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1 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je suppose que

2 Lord Ashdown aura probablement besoin de l'ensemble de l'audience de ce

3 jour, en tous les cas une bonne partie de l'audience d'aujourd'hui. Et

4 bien qu'il y ait un autre témoin ici, je n'ai pas donné d'instructions

5 pour le moment pour le faire venir.

6 M. le Président (interprétation): Oui.

7 Mme Korner (interprétation): Mais je voudrais voir cette question à la

8 fin. Je souhaite que Lord Ashdown ait la possibilité de faire

9 intégralement sa déposition aujourd'hui.

10 M. le Président (interprétation): Exactement.

11 Mme Korner (interprétation): Nous avons un certain nombre de problèmes en

12 ce qui concerne les témoins de la semaine prochaine.

13 M. le Président (interprétation): Oui.

14 Mme Korner (interprétation): Mais j'en traiterai à la fin de l'audience.

15 M. le Président (interprétation): Nous discuterons de la situation. Juste

16 réservez du temps pour cela et nous ajusterons les choses en fonction.

17 Vous verrez de combien de temps vous avez besoin dans l'intervalle au

18 moment de la suspension et on verra si on peut résoudre certains des

19 problèmes.

20 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président, ce n'est pas un

21 problème qu'on puisse résoudre avec la défense, c'est un problème pour

22 faire venir les témoins.

23 M. le Président (interprétation): Faites entrer le témoin.

24 (Le témoin, Lord Ashdown, est introduit dans le prétoire.)

25 M. le Président (interprétation): Bonjour, Lord Ashdown.

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1 Lord Ashdown (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames

2 les Juges.

3 M. le Président (interprétation): Je sais que vous connaissez déjà la

4 procédure qui est appliquée ici; je vais donc demander à l'huissier de

5 vous présenter le texte de la déclaration solennelle que vous êtes prié de

6 bien vouloir faire avant de déposer.

7 Lord Ashdown (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

10 Mme Korner procédera à l'interrogatoire en chef.

11 (Interrogatoire principal du témoin, Lord Ashdown, par Mme Korner.)

12 Mme Korner (interprétation): Lord Ashdown, pourriez-vous, s'il vous plaît,

13 donner votre nom complet au Tribunal?

14 Lord Ashdown (interprétation): Mon nom est Jeremy John Ashdown et je suis

15 fréquemment nommé Paddy Ashdown. C'est sous ce nom qu'on me connaît le

16 plus.

17 Question: Pour traiter brièvement de votre biographie, je crois que vous

18 avez été membre des forces armées pendant un certain temps, puis un

19 diplomate, puis membre du parlement, et pour finir vous êtes devenu le

20 chef du Parti démocrate libéral en Grande-Bretagne, vous avez été fait

21 membre de la Chambre des lords et vous actuellement le haut représentant

22 pour la Bosnie.

23 Réponse: C'est exact.

24 Question: Lord Ashdown, je voudrais vous poser des questions aujourd'hui

25 concernant un voyage que vous avez fait en Bosnie en août 1992, et en

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1 particulier en ce qui concerne votre visite de deux camps.

2 Je crois que, pendant toute cette période, il est exact que vous avez tenu

3 un journal?

4 Réponse: C'est exact.

5 Question: Brièvement, pourriez-vous nous dire s'il a été écrit par vous-

6 même à la main ou est-ce que vous l'avez dactylographié?

7 Réponse: Ma pratique, que j'ai suivie normalement pour ce qui étaient des

8 entrées auxquelles je me référais, était de dicter, le soir, les

9 événements qui s'étaient produits pendant la journée, de façon détaillée.

10 Il y a certains éléments de mon journal où les questions moins importantes

11 et moins intéressantes ont été écrites et que j'aurais peut-être rédigées

12 le jour suivant, mais ma pratique normale, lorsque je pensais que les

13 événements étaient importants, je les dictais le soir même, ce que je

14 faisais avec un dictaphone; et c'était, ce soir-là, envoyé à ma secrétaire

15 à… en Somerset, qui pourrait ensuite les dactylographier et les mettre

16 dans la banque de données.

17 Question: Je crois que vous avez donné à l'accusation et que vous avez

18 apporté avec vous des photocopies des pages pertinentes concernant ce

19 voyage particulier en Bosnie du 8 au 11 août 1992?

20 Lord Ashdown (interprétation): C'est exact. Il serait peut-être utile pour

21 le Tribunal que je fasse remarquer au sujet de ces entrées qui, je crois,

22 étaient parmi les plus importantes, aux fins de mon journal: ce type

23 d'entrées qui ne comprend pas seulement des événements de ce genre mais

24 des rencontres avec le Premier ministre et le Président. J'ai demandé, à

25 ce moment-là, à ma secrétaire -dès que ces pages avaient été

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1 dactylographiées- de me les représenter; je les lisais et je faisais des

2 modifications manuscrites.

3 Vous en voyez ici, par exemple, qui ont été apportées dans la semaine ou

4 dans les dix jours après la dictée de ces pages.

5 Mme Korner (interprétation): Je crois que vous avez des exemplaires vous-

6 même, mais est-ce que je pourrais demander que ceci devienne

7 officiellement une pièce à conviction à verser au dossier. Il s'agirait de

8 la pièce P1534. Je crois que la Chambre a des exemplaires.

9 M. le Président (interprétation): Oui.

10 Mme Korner (interprétation): Avant de traiter des détails des événements,

11 pourriez-vous simplement nous dire comment, pour quelle raison vous avez

12 fait cette visite en Bosnie en août 1992?

13 Lord Ashdown (interprétation): Ceci a découlé de ma première visite que

14 j'ai faite en juillet de cette année-là. C'était une période juste après

15 les élections en Grande-Bretagne et un collègue m'a recommandé -alors que

16 nous nous rapprochions des vacances d'été, il allait y avoir de gros

17 problèmes là-bas- d'y aller.

18 Donc vers la fin de juillet 1992, je suis allé d'abord en Croatie et puis

19 à Sarajevo et j'ai passé un certain temps dans la ville. A l'évidence, à

20 cette époque-là, il y a eu beaucoup de couverture par la presse car il n'y

21 avait pas beaucoup d'autres personnes qui allaient à Sarajevo à cette

22 époque, et j'ai développé ces questions à la presse. J'ai dit comment j'ai

23 vu les choses de l'intérieur pendant le siège de Sarajevo.

24 Et puis, je suis rentré chez moi avec ma femme, et ma femme et moi avions

25 l'intention de prendre deux semaines de congé. Nous étions, en fait, en

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1 France lors du premier jour de nos vacances et j'ai reçu un message de mon

2 bureau disant ce que Radovan Karadzic avait dit. J'avais vu des citations

3 concernant le "point de vue musulman", et je devais prendre connaissance

4 du point de vue des Serbes.

5 Je me suis consulté avec mon bureau à ce sujet en ce qui concerne les

6 premiers articles qui paraissaient concernant les atrocités à Omarska, à

7 Keraterm. Je me suis mis d'accord avec mon collègue Sir Russell Johnston

8 qui était un des porte-paroles de notre ministère des Affaires étrangères

9 de ce moment-là, du Foreign office, afin que nous fassions le voyage

10 ensemble. Mais la condition que j'avais émise à M. Karadzic était que si

11 nous allions faire ce voyage, il faudrait que nous ayons pleinement accès

12 à tous les endroits où nous voudrions nous rendre et que nous pourrions

13 voir tous les...

14 (Les interprètes demandent que l'orateur veuille bien ralentir.)

15 Je crois que je me suis trompé en ce qui concerne la date. Le 8 août, j'ai

16 laissé ma femme en France et nous sommes allés en voiture à Budapest où

17 j'ai rencontré Sir Russell Johnston. Nous sommes allés à Belgrade à cause,

18 bien entendu, des sanctions qui étaient en place...

19 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, je me demande si vous pourriez,

20 s'il vous plaît, ralentir parce que les interprètes ont du mal.

21 M. Ackerman (interprétation): Je crois qu'ils ont en fait manqué une

22 partie de sa déposition. Il semble qu'à la page 6, ligne 10, il semble

23 qu'il y a un morceau qui a été omis. Je n'en suis pas sûr, mais il me

24 semble que c'est le cas.

25 Mme Korner (interprétation): Bien. Ecoutez, je voudrais...

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1 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas important en tous les cas.

2 Mme Korner (interprétation): Avant que vous ayez commencé votre voyage,

3 vous avez parlé de la révélation concernant les camps. Est-ce que vous

4 aviez vu les prises de vue à Omarska à la télévision à ce moment-là, Lord

5 Ashdown?

6 Lord Ashdown (interprétation): Je ne peux vraiment pas me rappeler.

7 J'avais vraiment à l'esprit comme étant un problème, je suppose que oui,

8 je les avais probablement vues; en tous les cas vu des photographies. Je

9 n'ai pas vu les films. Je ne pense pas que cela aurait été un tel problème

10 si j'avais simplement lu les articles de presse. Il se peut que je les ai

11 vues.

12 Question: Nous allons entendre parler de votre visite au camp de Manjaca.

13 Est-ce que vous aviez entendu parler de Manjaca avant?

14 Réponse: Pas à ce stade-là. Notre intention était de visiter Omarska et

15 Keraterm, de voir les choses de nos propres yeux et de voir tout autre

16 camp analogue. Mais à ce stade, le mot "Manjaca", je ne l'avais jamais

17 encore entendu, ce nom.

18 Question: Comme vous avez commencé à nous le dire, je crois que vous avez

19 commencé votre voyage en vous rendant en Hongrie puis à Belgrade. Je crois

20 que la seule partie de cette entrée dans votre journal le 8 août, c'est

21 que, quand vous êtes arrivé à Belgrade, est-ce que vous avez rencontré un

22 journaliste? Nous voyons cela à la fin de ce que vous avez noté pour le

23 samedi 8. Vous avez rencontré Ed Viliani.

24 Réponse: Cela a été mal orthographié: Viliani, V-I-L-I-A-N-I, ou peut-être

25 Viliany. Il écrivait des livres, c'était un écrivain. Si je me rappelle

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1 bien à ce stade, il écrivait, il était journaliste pour le Guardian.

2 Question: Bien. Alors, si nous pouvons maintenant passer à la journée

3 suivante, le dimanche 9 août. Je crois donc que, depuis Belgrade, vous

4 vous êtes rendu à Pale ou Sarajevo?

5 Réponse: Nous avons de Belgrade pris un hélicoptère qui nous a emmenés à

6 Pale.

7 Question: Est-ce qu'à ce moment-là vous avez rencontré M. Karadzic?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Et je crois qu'il y a donc la troisième page concernant les

10 notes prises pour le 9. Vous trouverez… Pour l'instant, je n'ai pas besoin

11 de regarder. Il y a là les détails qui concernent une réunion approfondie

12 avec Radovan Karadzic?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Au cours de cette réunion avec Karadzic, était-il d'accord que

15 vous puissiez inspecter les divers camps?

16 Réponse: Il m'a d'abord montré ce que j'appellerais un camp à montrer du

17 côté serbe dans la banlieue de Sarajevo près du camp de Lukavica. J'ai eu

18 des soupçons immédiatement qu'il s'agissait d'un camp qui était purement

19 présenté pour qu'on puisse le voir à cause d'un certain nombre de choses,

20 notamment la façon dont nos prisonniers se comportaient. Mais aussi le

21 fait qu'il avait essayé de me faire présenter des certificats de liberté

22 aux prisonniers, ce qui était manifestement un canular de la presse pour

23 me faire impliquer dans tout cela, et j'ai refusé de le faire.

24 Je lui ai dit que je n'étais pas satisfait. Je me rappelle que je lui ai

25 dit que je voyais quel était le type de situation concernant la plupart

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1 des prisonniers et je lui ai rappelé qu'il avait donné par écrit, par son

2 porte-parole, M. John Kennedy, le fait que nous pourrions aller où nous

3 voulions et en particulier notre intention d'aller à Banja Luka le jour

4 suivant et plus particulièrement voir les camps dans la zone de Keraterm

5 et d'Omarska.

6 Question: Bien. Si nous pouvons passer maintenant au 10 août, le lundi.

7 Vous avez été conduit à Banja Luka, vous parvenez à une description de ce

8 voyage en voiture. Pourriez-vous regarder le troisième et le quatrième

9 paragraphes? Vous dites que vous avez fréquemment passé par des zones dans

10 lesquelles il y avait eu la guerre et il y avait des maisons qui portaient

11 des impacts de balle, grand nombre de maisons incendiées dans des zones

12 ethniquement mixtes proches de Banja Luka.

13 Pourrais-je vous demander: comment saviez-vous que c'étaient des zones à

14 ethnie mixte? Est-ce qu'on vous l'a dit?

15 Réponse: Oui, j'avais pris la peine de découvrir ce dont il s'agissait.

16 Avant qu'on ne se rende dans les villages de ces régions, dans l'ensemble

17 ce qui est connu sous le nom de "corridor de Posavina" où les ethnies

18 étaient mélangées; l'un des exemples les plus patents était bien sûr

19 Brcko. Nous avons traversé Brcko; je ne me rappelle pas très exactement

20 quelle était la composition de la population, mais il y avait des éléments

21 substantiels de population de toutes les parties et tout ceci était

22 évident pour celui qui voulait regarder.

23 Question: Bien. Si vous voulez maintenant passer à votre description de

24 l'armée dans le paragraphe suivant. Près de Banja Luka, vous dites que

25 vous avez vu des chars et des soldats et vous dites que vous avez été plus

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1 particulièrement frappé par les militaires et le comportement militaire de

2 la plupart des soldats, vous étiez attendu à une armée en quelque sorte

3 mal équipée, mais ils étaient disciplinés et il semblait qu'ils faisaient

4 leur travail avec efficacité. Toute idée que les soldats serbes n'étaient

5 pas sous un commandement approprié à un contrôle est une erreur.

6 Lorsque vous dites que des soldats serbes n'étaient pas sous un

7 commandement à un contrôle, y aurait-il quelque chose que vous avez dit à

8 ce sujet?

9 Réponse: Non, j'ai une certaine expérience militaire. J'ai été pendant 13

10 ans dans les Marines du Royaume-Uni, y compris pendant un certain nombre

11 d'années sur des théâtres d'activités.

12 (Les interprètes demandent que le témoin veuille bien ralentir.)

13 Je me rappelle avoir été frappé par le contraste important entre ce que

14 Karadzic aurait appelé les forces musulmanes -qui je crois était un nom

15 plus convenable pour les forces bosniaques à Sarajevo- qui étaient

16 essentiellement une armée de civils levée à la dernière minute et qui

17 n'était pas correctement équipée.

18 Excusez-moi, donc il y avait des uniformes de divers types ou pas

19 d'uniforme du tout, il n'y avait pas d'équipements de communication par

20 radio. Les barrages, même les plus petits barrages que nous voyions,

21 étaient disposés d'une façon professionnelle, et tout ce que l'on pouvait

22 voir était professionnel, les communications étaient constantes, les

23 barrages étaient bien édifiés. Et je ne me rappelle pas être passé par un

24 seul point de contrôle qui n'ait pas été équipé par des moyens de

25 communication professionnelle. Ils étaient constamment en communication

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1 avec leur quartier général. Ce que nous savons, en fait, c'est que la plus

2 grande proportion de l'ancienne armée yougoslave était reprise par la

3 République serbe.

4 Question: Lorsque vous êtes arrivé à Banja Luka, je crois que vous étiez

5 engagé dans une guerre des nerfs, d'après ce que vous avez dit. Et à ce

6 stade, est-ce que vous avez entendu parler du camp militaire de Manjaca?

7 Réponse: Madame Korner, je ne me rappelle pas exactement quand je suis

8 arrivé à Manjaca. Je crois que ça peut être la nuit, la veille, la nuit

9 précédente lorsque j'étais à Pale, mais certainement à ce moment-là

10 j'étais tout à fait conscient du fait qu'il y avait un camp, un grand camp

11 dont les gens parlaient, qui n'avait pas encore été visité. Et évidemment,

12 j'en ai entendu parler par la presse, et ils disaient: "Nous devons aller

13 à Manjaca. Nous sommes allés à Keraterm et à Trnopolje, mais nous avons

14 entendu qu'il y a des choses épouvantables qui se passent dans ce camp, et

15 il faut qu'on puisse y entrer et voir ce qui s'y passe.".

16 Donc dans cette circonstance, la presse ainsi qu'un ami et tous les autres

17 moyens sur la promesse que Karadzic m'avait faite que je pourrais aller

18 n'importe où, nous avons décidé que nous essaierions d'aller à Manjaca

19 parce que c'était encore un trou noir, personne ne l'avait vu.

20 Question: Vous décrivez dans votre journal les négociations que vous avez

21 dû entreprendre pour voir ce camp. Vous n'avez pas entré de nom

22 particulier, mais est-ce que vous vous rappelez des noms des personnes?

23 Réponse: Non je regrette, mais je ne m'en souviens pas. La Yougoslavie

24 était une partie dont je ne me rappelle pas bien la géographie, j'étais

25 simplement à me familiariser, c'est certainement un langage et des noms

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1 qui ne m'étaient pas connus à l'époque.

2 Question: Donc vous avez été conduit à Manjaca. Et à ce stade est-ce qu'il

3 y avait une équipe de télévision de CCN avec vous?

4 Réponse: Je dois expliquer que pour la première réaction à mes questions

5 pour savoir si nous pouvions accéder à tel endroit, nous avons eu des

6 refus de la hiérarchie militaire à Banja Luka qui, d'après mon journal,

7 était des généraux. Ils ont dit que nous risquerions de nous faire tirer

8 dessus, qu'il y avait un couvre-feu; et je me souviens qu'on nous a

9 empêchés de le faire pendant environ deux heures.

10 Je me rappelle avoir noté dans mon journal que c'était peut-être le temps

11 dont ils avaient besoin pour nettoyer un peu le camp à la fin. Et j'ai dit

12 que s'ils allaient nous tirer dessus, il faudrait qu'ils nous tirent

13 dessus devant les caméras de télévision et que cela gâcherait non

14 seulement mon après-midi mais que cela ne leur ferait pas beaucoup de bien

15 du point de vue de la communauté internationale et que, donc, nous

16 continuerions à ce stade. Ils ont fini par céder.

17 Donc oui, il y avait des caméras de télévision avec nous. Je ne me

18 rappelle pas précisément, mais certainement il y avait un grand nombre de

19 journalistes de la presse écrite aussi.

20 Question: Bon. Et avant que nous en venions aux entretiens que vous avez

21 eus et à ce que vous avez vu dans le camp, puis-je vous demander si vous

22 aviez des idées en quelque sorte déjà préconçues de ce que vous alliez

23 trouver ou de ce que vous vous attendiez à trouver?

24 Réponse: Oui. Je m'attendais à voir Bergen-Belsen -en un seul mot. A ce

25 moment-là, ma perception de l'ensemble était conditionnée par les

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1 photographies et les images que j'avais déjà vues de Keraterm et d'Omarska

2 et des horreurs qui s'y passaient, et du fait que, selon toutes les

3 normes, c'étaient des camps dont le système, les pratiques et les

4 intentions avaient, à mon avis, pour but l'extermination: soit une

5 extermination directe, soit une extermination par des brutalités et des

6 horreurs, l'extermination de l'esprit, chose qui n'avait pas été encore

7 vue en Europe sur le continent depuis les derniers jours de la Deuxième

8 Guerre mondiale.

9 C'était l'état mental dans lequel je me trouvais lorsque je suis allé à

10 Manjaca. Et c'était ce que je m'attendais à voir, ce que je craignais de

11 voir.

12 Question: Bien. Alors pourrions-nous regarder maintenant comment vous

13 décrivez cette visite à Manjaca? Vous dites -si vous voulez regarder la

14 vidéo qui a été faite par CNN dans un moment-, vous dites qu'après avoir

15 obtenu accès, on vous a emmené dans une salle de conférence, par un

16 commandant du camp qui, à l'évidence, était un homme très effrayé, qu'on

17 avait fait revenir du front et qui était… et qu'à ce moment-là un soldat a

18 commencé à crier. Qu'est-ce qui vous fait dire qu'il avait très peur?

19 Réponse: Il était évidemment très effrayé par notre visite. Il a adopté

20 immédiatement un ton extrêmement agressif, une attitude très agressive. Et

21 je me rappelle avoir été soumis à environ 20 minutes ou une demi-heure de

22 propagande criée littéralement. J'en ai tiré comme conclusion que ce

23 n'était pas un homme qui avait l'habitude de diriger des camps de

24 prisonniers. J'en ai tiré la conclusion que c'était probablement un soldat

25 qui était au combat et qu'on avait amené pour faire un travail difficile.

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1 D'après mes souvenirs, il a présenté la Convention de Genève, mais je me

2 rappelle que c'est la première fois que la Convention de Genève avait été

3 vue dans le camp. C'est ce qu'on m'a dit. Et j'ai tiré, par la suite, la

4 conclusion que ou bien on l'avait fait venir ou bien il avait récemment

5 reçu des ordres spécifiques d'aller prendre à Manjaca et à Omarska pour

6 qu'on puisse… que je devais voir par la suite et qu'il s'en charge -enfin

7 "s'en charge" n'est pas le mot qui convient- et faire en sorte que les

8 horreurs d'Omarska et de Keraterm ne continuent pas sur l'échelle qui

9 avait été vue et observée par la presse à Omarska.

10 Question: Toujours pour revenir à votre journal, vous déclarez, après

11 avoir mentionné la Convention de Genève, qu'il vous a montrée, vous dites

12 que vous lui avez posé une ou deux questions auxquelles il a réagi avec

13 beaucoup d'hostilité estimant qu'il s'agissait de questions hostiles. Et

14 vous dites -je cite-: "Je voulais savoir où se trouvait l'unité

15 d'interrogatoire sur la ligne de front pour les soldats. Il a dû admettre

16 qu'il y en avait une.".

17 Réponse: Je m'excuse. En fait, cela ne correspond pas à ce qui figure dans

18 mon journal. Il n'y en avait pas. Moi, ce que je voulais savoir, c'était

19 si effectivement c'étaient des prisonniers de guerre qui se trouvaient

20 dans ce camp –c'est ce qu'il affirmait- ou bien s'il s'agissait de civils.

21 Et j'en ai conclu, au bout du compte, que c'étaient des civils qui étaient

22 emprisonnés dans ce camp.

23 Question: Est-ce que, finalement, il vous a dit que tous les prisonniers

24 étaient des soldats ou est-ce qu'il a reconnu que c'étaient des civils?

25 Lord Ashdown (interprétation): Il y a dix ans que tout cela s'est passé,

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1 j'ai donc du mal à m'en souvenir, mais je lui ai posé cette question

2 précise et je me souviens qu'il a dit quelque chose du genre: "Il s'agit

3 de personnes qui posent un danger pour la sécurité de notre Etat".

4 Mme Korner (interprétation): Oui, j'ai remarqué, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation): Les interprètes, Madame Korner, Monsieur

6 Ashdown, vous demandent de bien vouloir faire une pause entre vos

7 questions et vos réponses respectives. C'est bien compris? Merci beaucoup.

8 Poursuivons.

9 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est en partie ma faute.

10 Quand vous avez marché dans le camp, quand vous avez visité le camp, avez-

11 vous demandé à voir les personnes qui étaient venues d'Omarska?

12 Lord Ashdown (interprétation): Oui, effectivement, c'était ma priorité,

13 ces gens-là. J'avais entendu dire que 1.000 à 2.000 personnes avaient été

14 déplacées d'Omarska quelques jours à peine auparavant. Et si je me

15 souviens bien, c'est le commandant qui me l'a dit. Il m'a dit qu'on lui

16 avait demandé de réceptionner ces gens-là.

17 J'ai donc tout de suite demandé à voir ces gens. Et, autant que je m'en

18 souvienne, ils ont d'abord essayé de nous emmener voir d'autres zones

19 d'internement où il y avait des gens qui étaient là depuis plus longtemps,

20 qui étaient à Manjaca depuis plus longtemps. Mais, moi, j'ai insisté pour

21 voir les gens qui étaient venus d'Omarska et de Keraterm. Et après

22 quelques échanges un petit peu vifs, il a finalement accepté.

23 Question: Le plus simple, je pense, avant de revenir à cette question,

24 c'est de visionner la vidéo qui a été réalisée, sur une partie au moins de

25 votre visite au camp. Cette vidéo a été remise à la cabine technique. Elle

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1 porte la cote P468.

2 Je vais donc demander à l'huissier de bien vouloir régler le moniteur du

3 témoin pour qu'il puisse voir la vidéo, et ensuite je vais demander qu'on

4 lance la vidéo.

5 (Intervention de l'huissier.)

6 (Diffusion de la vidéo.)

7 Peut-on interrompre la diffusion s'il vous plaît?

8 Monsieur le Témoin, la journaliste dit que vous avez eu la possibilité de

9 parler avec ces hommes de manière individuelle?

10 Réponse: Oui, c'est exact. Comme je l'ai dit au début, on a eu un petit

11 échange assez vif, et au début on m'a donné la possibilité d'aller parler

12 à ces hommes, à ces prisonniers, mais le commandant était présent, il y

13 avait également des gardes.

14 J'ai donc demandé au commandant et aux gardes de bien vouloir s'éloigner.

15 Nous avons eu un échange assez vif, comme je l'ai dit, mais finalement ils

16 ont accepté de s'en aller. Je me souviens qu'il y avait une équipe de

17 télévision derrière moi et les journalistes avaient donné leur accord à ma

18 demande, à savoir que si je m'opposais à la diffusion des images

19 réalisées, ils se conformeraient à mes vœux.

20 Je ne voulais pas me trouver dans la situation où quelqu'un me dirait

21 quelque chose qui ensuite serait diffusé et qui aurait pour conséquence de

22 mettre la vie de cette personne en danger.

23 J'ai donc eu un dialogue avec ces prisonniers, ce qui a beaucoup influencé

24 le jugement que je me suis forgé au sujet de cette visite, l'opinion que

25 je m'en suis forgé.

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1 Question: Que vous ont dit ces prisonniers qui vous ont influencé?

2 Réponse: Les prisonniers m'ont dit que les conditions de détention étaient

3 très difficiles. Ils n'avaient pas suffisamment à manger, ils craignaient

4 l'approche de l'hiver.

5 Question: Non, c'est ma faute encore. Les interprètes nous demandent de

6 bien vouloir faire une pause entre questions et réponses.

7 Réponse: C'est ma faute.

8 Les prisonniers m'ont expliqué que les conditions de détention étaient

9 très difficiles, qu'ils n'avaient pas suffisamment à manger, que les soins

10 médicaux étaient pratiquement inexistants, très insuffisants, qu'ils

11 craignaient l'arrivée de l'hiver car ils dormaient à la belle étoile, par

12 terre, sur le sol, sur un sol de terre battue.

13 Mais ils m'ont dit que les conditions de détention étaient bien meilleures

14 à cet endroit qu'à Omarska puisqu'il n'y avait pas de tueries massives de

15 prisonniers comme là-bas, il n'y avait pas d'assassinats, et que si

16 effectivement ils étaient victimes de traitements difficiles, ils

17 n'étaient pas victimes de tortures.

18 L'impression que j'en ai retiré, Madame Korner, de cette visite, c'est

19 qu'aussi difficiles qu'ont été les conditions de détention dans ce camp,

20 elles étaient cependant infiniment meilleures que celles qui régnaient

21 dans l'enfer dont venaient tous ces prisonniers.

22 Il faut que je sois très franc, très direct avec la Chambre, et dire que,

23 dans toutes les années qui ont suivi cette visite, je me suis souvent

24 interrogé, je me suis souvent demandé s'ils savaient véritablement qui

25 j'étais -je suis convaincu qu'ils ne savaient pas qui j'étais-, je me suis

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1 demandé si dans l'état où ils se trouvaient, dans l'état mental, s'ils se

2 sont demandés si je n'étais pas manipulé par les Serbes et si la présence

3 des équipes de télévision les ont incités à ne pas me dire tout ce qu'ils

4 auraient pu me dire si la télévision n'avait pas été là.

5 Est-ce que moi, si j'avais été dans leur situation et si j'avais vu un

6 inconnu, je lui aurais dit à cet inconnu des choses qui auraient pu me

7 coûter la vie? Je sais que, parmi tous les facteurs qui m'ont mené à la

8 décision que j'ai prise, c'est ce que m'ont dit ces prisonniers qui a joué

9 un rôle très important. Maintenant, je me demande si j'ai eu raison et je

10 ne sais pas.

11 Question: Peut-on poursuivre le visionnage de la vidéo?

12 (Diffusion de la vidéo.)

13 Peut-on interrompre la vidéo?

14 Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que, d'après ce que vous avez vu,

15 le camp fonctionnait de manière normale. Que vouliez-vous dire exactement

16 par là?

17 Réponse: Je suis resté sur place, rappelez-vous, une heure, une heure

18 trente, mais quand je dis cela, j'ai voulu dire qu'il y avait une clôture

19 autour du camp, qu'il y avait des gardes, qu'il y avait des installations

20 destinées à préparer la cuisine. Ce n'était donc pas le chaos le plus

21 total qui régnait, comme je l'ai vu à Trnopolje le lendemain.

22 Les prisonniers étaient alignés, ils se déplaçaient de manière militaire.

23 Il existait une installation médicale rudimentaire, totalement

24 insuffisante, mais en tout cas il y avait au moins quelque chose. Bref, ce

25 n'était pas le chaos qui régnait dans ce camp, c'est indéniable.

Page 12354

1 Bien entendu, les conditions de détention n'étaient pas acceptables, mais

2 ce n'était pas un camp totalement désorganisé.

3 Question: Est-ce qu'en faisant cette remarque, cette observation, vous

4 aviez l'intention d'exprimer votre impression au sujet des conditions de

5 détention dans le camp: la nourriture, l'hébergement, etc.?

6 Réponse: Je pense que j'ai été très clair. Dans l'interview que j'ai

7 donnée, j'ai dit que les conditions de détention étaient détestables, que

8 ce n'étaient pas celles que l'on pouvait souhaiter, que personne ne

9 pouvait les souhaiter, mais qu'elles étaient meilleures que celles qui

10 régnaient dans l'enfer d'où venaient ces prisonniers précédemment.

11 Ce que j'ai voulu dire c'est qu'on ne se trouvait pas au Golgotha, mais

12 cela ne voulait pas non plus dire qu'on se trouvait au paradis.

13 Question: Nous allons pouvoir maintenant visionner le reste de la vidéo.

14 (Diffusion de la vidéo.)

15 Merci.

16 Réponse: Madame Korner, permettez-moi d'intervenir, s'il vous plaît. La

17 Chambre n'a peut-être pas saisi ce qu'ont dit certains de ces prisonniers.

18 Il y en a un qui a utilisé le mot "bolje" "meilleur", et l'autre qui a dit

19 "fine" qui s'appliquait également aux conditions de détention qui étaient

20 meilleures.

21 Dix ans après, il est difficile de se rappeler du contexte dans lequel se

22 passait tout cela, mais je pense véritablement que ces prisonniers

23 exprimaient un certain soulagement parce que leur situation, leurs

24 conditions de détention, bien que totalement inacceptables, étaient mille

25 fois meilleures que celles qui régnaient dans l'enfer d'où ils venaient.

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1 Et c'était mille fois meilleur que ce que je m'attendais à voir.

2 Question: Deux choses s'agissant de ce que nous venons de voir. On dit que

3 ces prisonniers étaient des civils. Pour vous, est-ce qu'il vous est

4 apparu que certaines des personnes avec lesquelles vous vous étiez

5 entretenu étaient des militaires qui avaient été fait prisonniers au cours

6 d'opérations de combat?

7 Réponse: Je n'ai vu aucun signe indiquant -peut-être à une seule exception

8 et j'y reviendrai plus tard- mais je n'ai rien vu, je n'ai vu aucun signe

9 m'indiquant que je me trouvais face à des soldats venant de la ligne de

10 front. On voit très clairement sur ces images que l'on avait plutôt là

11 affaire à des paysans.

12 Cela ne veut pas dire que, dans le tourbillon qui avait emporté la

13 Yougoslavie, certains n'avaient pas pris les armes pour une raison ou une

14 autre, pour régler des comptes, pour défendre leur terre.

15 Mais moi, je suis prêt à être assez catégorique en disant qu'ils ne

16 faisaient pas partie d'une unité militaire organisée ou même désorganisée.

17 Ils n'avaient pas l'équipement. Je n'ai vu aucun élément d'uniforme. Et

18 d'ailleurs, les biens, les pauvres affaires qu'ils avaient pu conserver

19 près d'eux, près du lieu où ils pouvaient dormir, rien de cela n'indiquait

20 les soldats; tout ceci montrait plutôt qu'on avait affaire à des paysans.

21 Et ce qu'ils avaient à côté de leur paillasse, c'était la photo de leur

22 femme ou de leur famille, quelques habits de rechange dont ils n'avaient

23 pas l'usage dans la chaleur étouffante qui régnait.

24 Je suis donc convaincu qu'il ne s'agissait pas de combattants au sens des

25 Conventions de Genève.

Page 12356

1 Seule exception, c'est le mercenaire canadien que j'ai rencontré, qui

2 avait été touché par une balle à la jambe et à qui on avait fait un plâtre

3 rudimentaire. Il se trouvait au dispensaire du camp. Il avait été au

4 combat, il avait reconnu avoir fait partie d'une unité régulière.

5 Je dois dire d'ailleurs que c'est la seule conversation au camp pour

6 laquelle je n'ai pas eu besoin d'un interprète, c'était avec cet homme.

7 Une fois encore les gardes n'étaient pas présents, mais il a confirmé

8 qu'il n'avait pas été à Omarska et à Keraterm, qu'il était venu

9 directement à Manjaca. Il m'a également dit en anglais, alors que nous

10 étions seul à seul, que les prisonniers, que les autres prisonniers lui

11 avaient dit que les conditions de vie à Manjaca étaient meilleures

12 qu'ailleurs.

13 Question: L'interprète que vous avez emmené avec vous, est-ce que c'était

14 quelqu'un qui vous avait été fourni, qui vous avait été détaché?

15 Réponse: Oui. Et cela, c'est important aussi.

16 Question: De quelle manière?

17 Réponse: Oui. Ce qui m'a préoccupé, ce qui m'a fait me poser des questions

18 au sujet de la véracité des propos que l'on m'a tenus, c'est que les

19 prisonniers savaient que cet interprète était Serbe -il était évident que

20 c'était quelqu'un qui travaillait pour les autorités serbes- et les

21 prisonniers pouvaient s'attendre à ce que leurs propos soient rapportés

22 aux autorités serbes.

23 Question: Est-ce que certains de ces prisonniers vous ont parlé du décès

24 de deux hommes Omer Filipovic et Esad Bender?

25 Réponse: Non. Je ne sais pas quand ces personnes sont mortes, j'ai entendu

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1 par la suite beaucoup de personnes de Manjaca me parler de ces hommes, de

2 ces deux hommes, et qu'il y a eu beaucoup de meurtres avant mon arrivée.

3 Mais en tout cas je n'ai connaissance d'aucun décès, d'aucun meurtre

4 perpétré après ma visite. Mais apparemment il y en a beaucoup qui se sont

5 produits avant.

6 Après coup, j'en suis arrivé à la conclusion que j'avais tirée à l'époque,

7 c'est qu'à peu près au moment où je suis arrivé sur place ou avant, un peu

8 avant, on avait essayé disons de régulariser -enfin c'est un mot un petit

9 peu inapproprié- mais on avait disons essayé de régulariser les conditions

10 de détention au camp.

11 Question: Maintenant, je vais vous demander de vous rapporter à un certain

12 nombre de documents qui ont trait au camp. Je crois que ces documents,

13 c'est hier que vous les avez consultés pour la première fois. En premier

14 lieu, je souhaiterais qu'on vous présente la pièce P394.

15 (Intervention de l'huissier.)

16 Il s'agit d'un rapport relatif à la visite de la Croix-Rouge

17 internationale au camp de prisonniers de guerre de Manjaca, le 16 juillet.

18 Ce rapport commence avec les mots suivants -je cite: "A la demande de la

19 Croix-Rouge internationale, basée à Banja Luka, conformément à l'accord

20 signé le 13 juillet 1992 par M. Dehalanic (phon) du gouvernement de la

21 République de Bosnie-Herzégovine, il nous a été donné la possibilité de

22 nous rendre au camp de prisonniers de guerre de Manjaca." (Fin de

23 citation.)

24 Deux choses: est-ce que vous aviez connaissance, premièrement, de cet

25 accord conclu le 13 juillet?

Page 12358

1 Réponse: Non, j'avais connaissance d'un accord de nature générale et je ne

2 crois pas d'ailleurs qu'il s'agissait de cet accord-là. J'avais

3 connaissance donc d'un accord conclu entre Karadzic et M. Izetbegovic à

4 l'époque, accord aux termes duquel les représentants de la communauté

5 internationale pourraient se rendre partout où ils le souhaiteraient dans

6 les zones de combat.

7 Question: Quand vous êtes allé à Manjaca, quand vous êtes arrivé à

8 Manjaca, saviez-vous que la Croix-Rouge était venue brièvement au camp en

9 juillet?

10 Réponse: Je le savais. D'ailleurs, j'y fais référence dans la lettre que

11 j'ai ensuite écrite à M. Sommaruga, tout de suite après ma visite du 12

12 août. Et dans cette lettre, j'ai dit que les conditions au camp étaient

13 totalement inacceptables. Et je lui ai dit que j'avais été surpris

14 d'apprendre que le camp ne faisait pas l'objet de visites régulières de la

15 Croix-Rouge internationale et qu'il y avait eu seulement une visite une

16 dizaine de jours auparavant, un point c'est tout.

17 Puis-je dire, Madame Korner, à ce stade de ma déposition que ce jour-là

18 j'avais un objectif et un seul. Cet objectif c'était de voir ce que je

19 pouvais faire pour sauver la vie de ces prisonniers. Et je crois que la

20 meilleure façon de parvenir à cet objectif, c'était d'encourager les

21 autorités serbes de la prison, autour de la prison, et qui s'occupaient de

22 la prison, de continuer à améliorer les conditions de détention, si c'est

23 effectivement ce qui avait déjà commencé à se produire, et de faire en

24 sorte également que la Croix-Rouge vienne régulièrement sur place. C'est

25 ce qui s'est passé et je crois qu'effectivement la situation a continué à

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1 s'améliorer. On a continué à s'éloigner d'une situation horrifique et je

2 pense que ce que j'ai fait globalement a été positif et a permis de sauver

3 des vies.

4 Question: J'aimerais que, toujours sur ce document, toujours s'agissant de

5 ce document, nous examinions la deuxième page. On voit que le rapport a

6 été signé par quelqu'un qui se présente comme le commandant, l'adjoint au

7 commandant chargé du moral des troupes, le colonel Vukelic. Est-ce que ce

8 nom vous dit quelque chose?

9 Réponse: Non, absolument pas.

10 Question: Au troisième paragraphe sur cette même page, il déclare -je

11 cite: "Nous avons exigé qu'à l'avenir ils annoncent leur visite au moins

12 deux ou trois jours à l'avance, qu'ils nous envoient un plan de travail

13 détaillé et qu'ils n'entraînent pas de modification des programmes de

14 travail du camp.". (Fin de citation.)

15 Est-ce que cela vous surprend que les soldats, que l'armée aient insisté

16 que toute visite soit annoncée deux ou trois jours à l'avance?

17 Réponse: Vu ce que je sais maintenant, cela ne me surprend nullement. Les

18 autorités serbes, à ce moment-là, faisaient l'objet d'une pression

19 internationale extrême. Ces questions faisaient la une de tous les

20 journaux de la planète. Ils comprenaient bien que ce qui s'était passé

21 était totalement inacceptable et que même si les choses allaient mieux à

22 Manjaca, la situation était malgré tout inacceptable. Et j'imagine qu'ils

23 voulaient gagner autant de temps que possible pour présenter au monde une

24 image plus acceptable que celle qu'ils avaient donnée auparavant.

25 Question: Merci. Je vais maintenant vous demander de vous référer à un

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1 document portant la cote P398.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Et d'ailleurs j'aimerais également que l'on vous présente aussi le

4 document P399. Deux documents qui datent du même jour le 27 juillet.

5 Examinons tout d'abord le document 398 qui s'intitule "Reconstruction du

6 système d'adduction d'eau sur le camp d'entraînement de Manjaca". (Fin de

7 citation.)

8 Ici on voit que le système d'adduction d'eau ne fonctionne pas bien. On

9 parle également des mesures à prendre et on peut lire la chose suivante

10 -je cite: "Tenez compte du fait qu'il y a suffisamment de prisonniers de

11 guerre qui peuvent être utilisés comme main d'œuvre sur toute la longueur

12 des tuyaux d'adduction d'eau, avec le niveau de sécurité approprié.". (Fin

13 de citation.)

14 Sur le deuxième document P399 on parle du renforcement des mesures de

15 sécurité au camp de prisonniers de guerre. Paragraphe 3, deuxième page.

16 Vous constatez ici qu'il existe un ordre de combat qui s'inscrit dans le

17 cadre de la défense du camp et on lit la chose suivante -je cite-: "Au

18 moment de la délivrance de cet ordre, procédez à une manœuvre pour les

19 unités au plus tard le 1er août 1992 et pendant cet exercice, faites en

20 sorte que les prisonniers ne soient pas au courant des modifications du

21 plan de défense. Il faut creuser des trous, procéder à diverses manœuvres,

22 camoufler les installations de défense et se servir des prisonniers comme

23 main d'œuvre." (Fin de citation.)

24 (Les interprètes signalent qu'ils ne disposent pas du document.)

25 Vu votre expérience, est-il acceptable d'avoir recours à des prisonniers

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1 de guerre en tant que main d'œuvre pour des travaux divers et variés pour

2 construire des fortifications ou réparer des systèmes d'adduction d'eau?

3 Réponse: Madame Korner, je ne suis pas un expert en matière de Conventions

4 de Genève, mais je pense qu'il me semble me rappeler que faire appel à des

5 prisonniers de guerre pour procéder à des travaux de défense est illégal

6 au terme de la Convention de Genève.

7 Mais je dois dire que moi, c'est plutôt le deuxième incident que vous avez

8 évoqué qui m'inquiète. Je ne veux pas dire que le premier était légal,

9 mais en tout cas, s'agissant du deuxième, c'est beaucoup plus préoccupant.

10 C'est indéniablement quelque chose qui est en infraction des Conventions

11 de Genève.

12 Mme Korner (interprétation): Maintenant, s'il vous plaît, je vais vous

13 demander de vous référer à la pièce P405.

14 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez la version du

15 document en anglais? Est-ce que vous pouvez la placer sur le

16 rétroprojecteur, s'il vous plaît?

17 (Intervention de l'huissier.)

18 Mme Korner (interprétation): Nous avons ici un document du 3 août, c'est

19 un ordre qui vient du commandant de la Krajina, du commandement du Corps

20 de la Krajina: "approbation d'une visite du comité international aux camps

21 de détention de Manjaca, Trnopolje, Omarska et Prijedor".

22 On peut lire la chose suivante -je cite: "Sur la base de l'ordre verbal du

23 commandement de l'état-major principal de l'armée de la République serbe

24 de Bosnie-Herzégovine, une visite du comité international et d'une équipe

25 de journalistes aux camps de détention de Manjaca, Trnopolje, Omarska et

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1 Prijedor au cours des deux prochains jours a été acceptée.

2 Dans ce contexte, toutes les mesures doivent être prises pour que les

3 conditions de détention dans ces camps soient satisfaisantes, ce qui

4 implique des concepts tel que l'ordre, la propreté, les soins médicaux,

5 etc.

6 Dans les cas où des représentants des détenus n'aient pas été choisis, il

7 convient de le faire aussi rapidement que possible. Les directeurs de camp

8 doivent être prêts à donner des informations et escorter le comité et les

9 journalistes.

10 Le présent ordre a un caractère urgent, et interdire la visite des camps

11 est totalement inacceptable." (Fin de citation.)

12 Je n'imagine pas que vous ayez vu cet ordre, mais est-ce que cela

13 correspond à ce que vous avez vu? Est-ce que cela vous surprend?

14 Lord Ashdown (interprétation): Cela correspond tout à fait à ce que j'ai

15 vu à l'époque et à ce que j'ai signalé dans mon journal. Il était

16 indéniable qu'on avait essayé d'améliorer les conditions de détention,

17 même si elles étaient toujours inacceptables. Moi, ma préoccupation, ma

18 priorité, c'était de faire en sorte que ces améliorations continuent, car

19 c'était la seule manière de sauver la vie des détenus, si bien que ce

20 document ne me surprend nullement. D'ailleurs, je suis plutôt rassuré,

21 dirais-je, car ceci prouve ce que je pensais à l'époque.

22 Permettez-moi d'ajouter simplement une chose: je suis en mesure de faire

23 part à la Chambre de mon opinion, de mon évaluation sur la base, bien

24 entendu, d'éléments qui sont finalement peu nombreux puisque ma visite a

25 été assez brève. Donc je peux rendre ce jugement sur la base de la visite

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1 sur place. Mais je pense qu'il serait fort périlleux, fort risqué de

2 partir du principe que les conditions de détention que j'ai trouvées dans

3 ce camp quand j'y suis venu, étaient les mêmes que celles qui y régnaient

4 avant ma visite.

5 Question: Pourriez-vous maintenant, s'il vous plaît, regarder la pièce

6 P408? Il s'agit des deux derniers documents.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Un document qui date du 6 août, à savoir trois jours plus tard, un choix

9 des prisonniers du camp de prisonniers de guerre de Manjaca et il est dit

10 que: "En traitant les prisonniers de guerre dans le camp de prisonniers de

11 guerre de Manjaca, on réalise qu'il y a un assez grand nombre de ces

12 prisonniers -entre parenthèses- qui ne devraient pas être traités comme

13 des prisonniers de guerre, car ils ne possédaient pas d'armes, ils n'ont

14 pas participé aux combats et ils ne portaient pas d'uniforme.". (Fin de

15 citation.)

16 Ensuite, on parle de la nécessité de faire la sélection des gens qui

17 devraient être relâchés -je continue-: "D'après nos documents, dans le

18 camp de Manjaca, il y a actuellement 944 prisonniers de la municipalité de

19 Sanski Most. Comme vous devez le savoir, nous avons récemment fait l'objet

20 des attaques de l'Europe et des médias du monde entier en ce qui concerne

21 l'existence de ces camps de concentration et ceci est une raison

22 suffisante pour procéder à cette sélection de prisonniers.". (Fin de

23 citation.)

24 Donc vous avez eu ces entretiens que nous voyons sur la vidéo avec le

25 colonel Popovic. Est-ce qu'il vous a dit qu'on a décidé qu'un grand nombre

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1 de personnes ne devraient pas être là, en premier lieu?

2 Réponse: Non, il m'a dit qu'il a reçu 1.400 personnes d'Omarska et de

3 Keraterm récemment, et je pense qu'il faudrait, qu'il convient d'ajouter

4 ces gens à ces 944 personnes déjà mentionnées ici. Mais il ne m'a pas dit

5 qu'il ne s'agissait pas de prisonniers de guerre. D'ailleurs, si mes

6 souvenirs sont bons, il m'a, à plusieurs reprises, dit qu'il s'agissait

7 bien de prisonniers de guerre.

8 Question: Est-ce que vous vous rappelez que qui que ce soit vous a parlé

9 de la municipalité de Sanski Most?

10 Réponse: Eh bien, Sanski Most, d'après moi, cela fait partie de tous ces

11 endroits dont on a entendu parler dans la presse comme des scènes

12 d'horreur, mais au-delà de cela, je n'ai pas d'autre souvenir.

13 Question: Très bien. Maintenant, je vous prie de bien vouloir regarder la

14 pièce… Non, il ne s'agit pas encore d'une pièce à conviction. C'est donc

15 un document, en date du 7 août, avec le numéro de communication 4.55 et

16 ceci deviendra la pièce P1535. Je pense que vous avez un exemplaire de ce

17 document.

18 (Intervention de l'huissier.)

19 Il y a uniquement deux points à soulever ici car il s'agissait d'un

20 rapport de caractère plus général. Si nous regardons le paragraphe 3 dans

21 la traduction, à savoir intitulé "La situation dans la région", où il est

22 dit: "A peu près 1.460 prisonniers de guerre ont été amenés d'Omarska dans

23 le camp de prisonniers de guerre de Manjaca. Il y a eu des morts au cours

24 du transport". Est-ce que le colonel Popovic vous a parlé de cela?

25 Réponse: Non, non, Madame Korner, il ne m'en a pas parlé. Il a, en effet,

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1 parlé de 1.400 personnes ou quelque chose comme cela, mais il n'a pas

2 parlé de morts.

3 Quelle est la distance, en réalité, entre Prijedor et le camp de Manjaca?

4 Je ne sais pas exactement. 30 ou 40 kilomètres? Oui, c'est quelque chose

5 comme cela. Mais je pense que vous pouvez tirer vos propres conclusions.

6 Question: Si vous regardez le paragraphe 5 de la page suivante, où il est

7 écrit que: "La question du camp de prisonniers de guerre de Manjaca

8 devient complexe en ce qui concerne la sûreté physique de l'espace et

9 surtout en ce qui concerne l'adduction en eau, l'approvisionnement, la

10 nourriture et la santé, etc." Je pense que vous nous avez dit que les

11 prisonniers des camps disposaient des denrées basiques?

12 Réponse: Oui, basiques ou plutôt rudimentaires. Mais ce n'était en tout

13 cas pas adéquat, pas suffisant; ça, c'est sûr. C'est peut-être le meilleur

14 terme à utiliser.

15 J'ai vu qu'on déchargeait de la nourriture -oui, c'était de la

16 nourriture-, mais ce qui m'inquiétait avant tout, c'était ce terrible état

17 physique des gens, déplorable vraiment. Ils étaient mal nourris, ils

18 présentaient des blessures. Et ce qui m'inquiétait, c'est qu'on était au

19 mois d'août, l'hiver approchait -il s'agit d'une partie très froide de

20 Bosnie-Herzégovine- alors qu'ils étaient couchés à même le sol en terre

21 battue, sans couverture. Je sais qu'il y avait quelques abris qui étaient…

22 Ils étaient finalement là où se trouvait le bétail. Les gens perdaient

23 leur vie, pas parce qu'on voulait les tuer mais à cause de la négligence.

24 Question: Maintenant, je vais vous présenter un autre document. Le

25 lendemain, vous avez visité le camp de Trnopolje. Je pense que cela s'est

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1 produit le 11 août. Si l'on regarde votre journal, vous y êtes allé avec

2 une escorte militaire, n'est-ce pas?

3 Réponse: Une escorte policière. Cette visite se présentait comme suit:

4 quand nous sommes revenus de Manjaca, la veille, Penny Marshall est venue

5 me voir, qui fait partie d'ITN, elle est venue me parler de l'existence de

6 ce qu'elle a appelé les camps de détention de civils. Et elle m'a demandé

7 si je souhaitais me rendre à Prijedor en passant par la région de Kozarac

8 où nous allions peut-être être en mesure de visiter les camps d'Omarska et

9 de Keraterm, même en sachant que ces camps, maintenant, étaient vidés

10 -d'après ce que j'ai compris. Et donc j'ai accepté d'aller visiter ces

11 camps avec Mme Marshall.

12 Nous avons visité les autorités de Prijedor et ensuite, avec elle, je

13 devais retourner à Trnopolje, car elle pensait –et je pense qu'elle avait

14 raison- que l'attention de la presse portée sur le camp de Trnopolje

15 pouvait sauver des vies humaines.

16 Question: Dans votre journal, quand vous arrivez à Trnopolje -je pense que

17 c'est en bas de la page de mardi 11-, vous dites que vous passez des

18 villages et des villages qui ont été incendiés et vous avez noté qu'il

19 s'agissait d'une région qui a subi les pires nettoyages ethniques et que

20 ces scènes vous ont vraiment choqué.

21 Vous nous racontez de quelle façon vous faites les trajets vers Banja Luka

22 qui a été nettoyée ethniquement aussi.

23 A quoi ressemblaient ces routes autour de Prijedor par rapport à ce que

24 vous avez vu auparavant?

25 Réponse: Eh bien, c'était encore pire que ce que j'ai pu voir à Brcko, si

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1 c'est possible, car nous avons vu des maisons, des groupes de maisons en

2 énorme quantité qui ont été brûlées, incendiées et détruites, et il est

3 important de dire que ceci s'est produit de tous les côtés. Les Serbes le

4 faisaient aux Musulmans, mais apparemment toutes les ethnicités le

5 faisaient les unes aux autres.

6 Je pense que ce qui était vraiment extraordinaire pour cette région de

7 Kozarac, c'est que les villages tout entier, sans aucune exception, ont

8 été dévastés, détruits et incendiés. Il s'agissait d'un terrain vide,

9 d'une terre brûlée.

10 Question: Donc je pense qu'après, vous vous rendez dans le poste de police

11 de Prijedor, c'est-à-dire au chef-lieu du poste de police et de

12 l'administration, n'est-ce pas?

13 Réponse: Oui, c'est exact.

14 Question: Là, vous racontez avoir rencontré quelqu'un qui était le

15 commandant de l'armée au niveau local, un grand homme, très bien bâti,

16 mais avec des yeux plutôt gentils, avec un regard gentil, et il se

17 présente comme étant le maire; et s'il y avait un méchant là, eh bien,

18 c'était cet homme pour lequel vous dites qu'il avait ces petits yeux

19 méchants et froids.

20 Vous avez ajouté un commentaire et je voudrais vous demander d'examiner la

21 photo des deux hommes. Je sais que cela s'est produit il y a longtemps,

22 mais est-ce que vous allez être en mesure de reconnaître ces deux hommes?

23 Cette pièce ne figure pas sur la liste des documents, mais nous l'avons

24 déjà présentée. Il s'agit d'une photo que nous avons déjà présentée.

25 Pendant que nous recherchons ce document… Il s'agit de la pièce P1128-24.

Page 12368

1 Est-ce que l'on peut la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît?

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Est-ce que vous reconnaissez ces deux hommes?

4 Réponse: Oui, cela me dit quelque chose, cela s'est produit il y a dix ans

5 mais, si mes souvenirs sont bons, il s'agit de deux hommes que j'ai déjà

6 vus, j'en suis sûr. Si je me souviens bien, cet homme qui porte

7 l'uniforme, eh bien, c'est cet homme que j'ai vu à Banja Luka la veille de

8 me rendre à Manjaca. Je pense que c'était l'homme le plus important là-

9 bas, c'est-à-dire qu'il avait le grade le plus haut, et qui nous a empêché

10 d'aller à Manjaca, mais peut-être que je me trompe.

11 En ce qui concerne l'autre, eh bien, je l'ai vu à Prijedor, je suis

12 presque sûr de cela.

13 Question: Très bien. Vous pouvez enlever cette photo.

14 Maintenant, nous parlons de Trnopolje. Vous nous donnez la description

15 dans votre journal, vous dites qu'il s'agissait d'une scène complètement

16 indescriptible, il n'y avait pas d'installation, une saleté absolument

17 incroyable. Les représentants de la Croix-Rouge étaient là quand vous êtes

18 arrivé et aussi les journalistes d'ITN. Et vous nous dites qu'il y avait

19 quelques personnes blessées, qui couchaient sur des matelas infestés de

20 puces. Et vous nous dites qu'ils se trouvent sur un terrain où il y a un

21 groupe de personnes qui n'ont presque rien. Ils étaient là, couchés sous

22 le soleil, d'autres étaient abrités sous des auvents qui pouvaient fournir

23 un petit peu d'ombre, mais s'il pleuvait, ils ne pouvaient absolument pas

24 les aider.

25 Vous vous êtes arrêté pour vous entretenir avec quelques personnes et, à

Page 12369

1 un moment donné, il y avait une espèce de toilettes avec quelques briques

2 autour pour les cacher des regards et quatre toilettes pour 3.000

3 personnes qui s'y trouvent.

4 Vous décrivez la conversation que vous avez eue avec ces personnes et

5 c'est écrit dans le journal. Est-ce que vous gardez toujours cette image

6 de Trnopolje?

7 Réponse: Oui, certainement nous avons vu des choses terribles dans les

8 Balkans. Mais je n'ai jamais vu quoi que ce soit pire que ceci et je me

9 souviens très bien de cette scène. C'était pire qu'à Manjaca. C'était pire

10 pour plusieurs raisons, car il n'y avait pas d'ordre et même si l'ordre

11 qui régnait à Manjaca était brutal et inapproprié, il y en avait quand

12 même. Ici, c'était un chaos total. A Manjaca, j'ai vu surtout des jeunes

13 hommes. Ici, il y avait des vieux, des infirmes, des blessés, des femmes,

14 des enfants, tous amassés ensemble dans cette espèce de terrain de jeux

15 d'une école, sans aucun espoir, sans aucun futur, au désespoir, perdus,

16 sans aucune dignité humaine. Les toilettes étaient telles qu'elles étaient

17 destinées aux hommes et aux femmes à la fois et parfaitement inadéquates,

18 inappropriées. Les gens déféquaient à même la terre, à même le sol. Il n'y

19 avait aucune intimité, ils étaient privés de leur intimité, privés de leur

20 dignité.

21 La nuit -on me l'a dit, car je n'ai pas pu le vérifier-, il y avait des

22 extrémistes serbes qui venaient pour prendre des femmes, pour les emmener

23 et -comme on me l'a dit-, on les aurait violées et tuées ou bien ramenées

24 au camp le lendemain. Mais je n'ai pas pu le vérifier, on me l'a dit. Et

25 même ceci s'est produit de telle façon que la population serbe locale les

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1 a prises en pitié et a essayé de les protéger de ces extrémistes. Et pour

2 moi, c'était à la fois étonnant et cela m'a vraiment touché. C'était une

3 scène complètement insupportable.

4 Question: Vous avez dit que ces Serbes locaux les ont pris en pitié. Qui

5 vous a dit cela?

6 Réponse: Eh bien, il y en a quelques-uns qui me l'ont dit, car des détenus

7 leur ont parlé. Ils leur ont dit qu'ils n'étaient pas protégés, qu'ils

8 n'avaient pas de barbelés, ils n'étaient pas protégés des gens de

9 l'extérieur; et donc la nuit des "loups" venaient, et ils l'ont dit à ces

10 Serbes qui vivaient aux alentours et ils ont tenté de les aider.

11 Question: Est-ce que vous vous souvenez avoir vu qui que ce soit qui avait

12 la responsabilité de ce camp?

13 Réponse: Non, je n'ai vu personne.

14 Question: Est-ce que vous aviez l'impression qu'il y avait des gardes?

15 Réponse: Non. Il y avait des militaires. Il y avait aussi des forces de

16 police, mais je pense qu'il y avait plus de militaires. Il y avait cette

17 population docile qui comprenait des femmes, des enfants, des vieillards,

18 qui marchait en colonne sous ce soleil brûlant, et on leur a manifestement

19 donné l'ordre de se comporter de façon docile, d'obéir.

20 Je me souviens qu'ils nous ont dit qu'on leur a dit qu'il s'agissait d'un

21 camp de transit, qu'ils allaient être transférés plus tard ou bien remis

22 aux autorités musulmanes, mais -comme nous l'avons appris plus tard,

23 quelques jours plus tard ou trois jours plus tard après ma visite au

24 camp-, on les a emmenés ailleurs, donc à Vlasic, et là on les a jetés des

25 rochers et ils ont trouvé la mort.

Page 12371

1 Mme Korner (interprétation): Je vais passer aux lettres de Lord Ashdown et

2 à ses communiqués de presse. Je pense que nous pourrions effectivement

3 faire une pause maintenant.

4 M. le Président (interprétation): Oui. Bien que nous ayons prévu de faire

5 une pause dans cinq minutes, nous pourrions en effet la faire maintenant.

6 Donc nous levons la séance. Nous prenons une courte pause-café et nous

7 reprenons dans 25 minutes. Merci.

8 (L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 10 heures 54.)

9 Mme Korner (interprétation): Lord Ashdown, je vais revenir aux lettres que

10 vous avez écrites après votre visite. Mais je voudrais que vous jetiez un

11 coup d'œil, s'il vous plaît, à une transcription qui a été faite d'une

12 interview qu'apparemment vous avez donnée à Banja Luka à la télévision.

13 C'était la cote 7.230. Je crois que vous avez un exemplaire. Si on pouvait

14 en donner un au témoin.

15 (Intervention de l'huissier.)

16 M. le Président (interprétation): Quel serait le numéro, la cote?

17 Mme Korner (interprétation): 1537 parce que je vais également demander le

18 versement des lettres au dossier comme pièce à conviction 1536.

19 M. le Président (interprétation): Bien.

20 Mme Korner (interprétation): Lord Ashdown, ceci apparemment est une

21 déclaration que vous avez faite à la télévision de Banja Luka le 11 août

22 après votre visite. Et vous avez fait la déclaration suivante: "D'après

23 eux, premièrement, je dois dire que j'étais un soldat moi-même et que je

24 sais que ce que j'ai vu ne sont pas des camps de concentration.".

25 Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit? Si ceci est inexact, il faudrait le

Page 12372

1 dire.

2 Lord Ashdown (interprétation): J'ai bien donné une interview à la

3 télévision de Banja Luka ce soir-là, et il me semble que ceci est un

4 extrait -je souligne le mot extrait- exact de ce que j'ai dit.

5 Naturellement, pour les télévisions, on a tendance à faire des coupures

6 dans les déclarations et l'interview a été assez longue. L'interview que

7 j'ai donnée a certainement été abrégée et lorsque j'ai employé les mots

8 "camps de concentration", bien entendu je pensais à ce qu'étaient les

9 termes acceptés pour les camps de concentration, à savoir Bergen-Belsen,

10 Auschwitz…

11 Mais, Madame Korner, je passerai aux questions que vous voulez me poser en

12 ce qui concerne… Je me réfère à cette définition dans une lettre que j'ai

13 écrite par la suite à M. Karadzic, et là, je pourrais m'expliquer plus

14 clairement.

15 Question: Les conditions, dites-vous, que vous avez vues dans ce camp:

16 "Les conditions de vie dans ce camp sont difficiles mais en ce qui

17 concerne la situation, on pourrait essayer de s'efforcer d'avoir des

18 conditions meilleures. Il y a énormément à faire mais il est

19 particulièrement important que dans ces centres de détention, les

20 Conventions de Genève soient respectées.". (Fin de citation.)

21 Réponse: Là encore, il faut remettre ceci dans son contexte. D'après mes

22 souvenirs, les parties précédentes de cette interview qui semblent avoir

23 été supprimées, j'ai décrit ces conditions de façon très détaillée et j'ai

24 dit qu'elles étaient inacceptables. Mais dans cet extrait, le contexte

25 dans lequel j'essaie de faire un commentaire essentiellement politique,

Page 12373

1 c'était que ces camps semblaient avoir eu un programme de régularisation

2 qui s'améliorait et je voulais que ceci continue.

3 Il n'aurait pas été utile pour une telle tentative d'écrire les choses

4 autrement que dans des termes assez objectifs, dans ces termes assez

5 objectifs.

6 Le point important concernant la phrase suivante, bien entendu… Il est

7 important que dans ces camps de détention, les Conventions de Genève

8 soient respectées et non pas une déclaration qu'elles ont été respectées.

9 Ceci est une tentative pour faire en sorte que les autorités serbes

10 appliquent ces Conventions de Genève, s'ils ne l'ont pas fait dans le

11 passé.

12 Question: Vous poursuivez en disant: "La Croix-Rouge internationale

13 devrait être comprise pour ce qui est des travaux dans ce centre. Et

14 personnellement, vous vous efforcerez de les faire venir aussi souvent

15 possible. La deuxième chose à faire est de fournir de l'aide pour que…"

16 Mais les conditions pour les prisonniers seraient meilleures que pour les

17 personnes qui se trouvent en dehors de la prison?

18 Réponse: Il vaudrait mieux que ces personnes soient à l'extérieur. Le mot

19 "then" que vous voyez ici est, je crois, un mot qui a été rajouté au stade

20 de la traduction.

21 Là encore, j'avais trois buts que j'essayais de réaliser ici. L'un était

22 de m'assurer que toute amélioration, qui pourrait avoir lieu au cours des

23 deux ou trois jours passés, continuerait.

24 Deuxièmement, que la Croix-Rouge pourrait venir le plus tôt possible.

25 C'était mon but principal de façon régulière. J'avais été informé par les

Page 12374

1 prisonniers que j'avais rencontrés peu de temps après mon arrivée, que la

2 Croix-rouge, effectivement, venait assez régulièrement, et je savais qu'il

3 y aurait une prochaine visite. J'avais été informé par les prisonniers que

4 j'avais rencontrés qu'ils avaient été numérotés. Les conditions s'étaient

5 améliorées.

6 Et la troisième chose que je dis dans ma déclaration à la suite d'une

7 conversation que j'avais eue avec Karadzic que vous voyez, ceci est

8 reflété dans la lettre, c'était de s'assurer que des échanges de

9 prisonniers pourraient avoir lieu aussi tôt que possible de sorte que ces

10 personnes pourraient sortir des camps et se trouver dans un environnement

11 plus sûr.

12 Question: Et vous poursuivez en disant: "Je lance aussi un appel aux

13 médias internationaux d'appliquer une pression pour montrer que les

14 conditions des Serbes, de l'autre côté, les conditions auxquelles sont

15 soumis les autres…."

16 Et à ce stade, est-ce que vous avez considéré qu'il était important, qu'il

17 faudrait également rendre compte de ce qui se passait dans les autres

18 secteurs?

19 Réponse: Madame Korner, la vérité est que personne n'avait les mains

20 propres dans cette guerre. Les atrocités ont eu lieu de tous les côtés. Je

21 n'avais aucun doute que des prisonniers étaient maltraités pratiquement de

22 tous les côtés. Et si je dois faire un jugement subjectif, je pense que le

23 plus grand poids d'atrocité était lourdement du côté serbe plutôt que de

24 l'autre. Mais je ne prétends pas pendant une seconde qu'il n'y ait pas eu

25 de mauvaises actions commises par tous.

Page 12375

1 Ma préoccupation, mon raisonnement était le suivant: c'est-à-dire que si

2 toutes les parties pouvaient être soumises à certaines pressions pour

3 traiter correctement les prisonniers, alors les conditions de tous les

4 prisonniers s'amélioreraient. S'il y avait des preuves qu'il y avait une

5 approche non partisane de la presse, alors les autorités serbes

6 trouveraient plus facile de répondre s'il y avait des preuves d'un

7 traitement approprié du côté croate et musulman, ceci amènerait une

8 amélioration du traitement des prisonniers qui étaient aux mains des

9 Serbes.

10 Question: Je pense que ce sont toutes les questions que je voulais vous

11 poser.

12 En ce qui concerne le reste, si vous voulez, nous pourrions passer

13 maintenant aux lettres que vous avez écrites à un certain nombre de

14 personnes vers la fin de votre visite.

15 Pourrions-nous commencer, s'il vous plaît, avec la lettre qui était

16 l'annexe 2 adressée à M. John Major.

17 Je voudrais demander que toutes ces lettres soient versées sous une cote

18 unique, à savoir la cote P1536, et donc ceci sera la cote P1536.1.

19 Elle est datée du 12 août et vous présentez le contexte général de votre

20 visite et vous donnez votre point de vue sur le fait que les puissances

21 occidentales ont agi ou non dans tel ou tel sens.

22 Pourriez-vous passer à la page 2 où vous traitez dans un paragraphe, vous

23 dites: "Permettez-moi de vous décrire pourquoi cette question est si

24 urgente". Et vous décrivez les conditions à Trnopolje, je crois, dans le

25 même sens que ce que vous aviez décrit dans votre journal?

Page 12376

1 Réponse: Oui, tout à fait.

2 Question: Et en fait, vous n'avez pas mentionné Manjaca dans cette lettre

3 particulière. Je pense que vous l'avez mentionné dans l'autre lettre?

4 Réponse: Le but de cette lettre, lorsque je l'ai composée lors du voyage

5 de retour de Trnopolje à Belgrade ce soir-là, était de faire deux choses:

6 premièrement, d'essayer de convaincre le gouvernement britannique et, à

7 travers lui, les gouvernements occidentaux que leur politique d'inactivité

8 dans cette guerre était mauvaise et effectivement dangereuse; et

9 deuxièmement, d'appeler plus particulièrement l'attention aux conditions

10 qui existaient à Trnopolje.

11 Veuillez vous rappeler que c'était un événement qui était encore dans ma

12 mémoire au moment où j'ai écrit cette lettre, et lorsque je les ai

13 composées, il me semblait que la meilleure chose à faire était de faire la

14 lumière sur ces conditions dans des lettres adressées au Dr Karadzic et à

15 la Croix-Rouge internationale. Je me suis concentré sur le camp de Manjaca

16 parce qu'il me semblait que c'étaient les autorités les plus appropriées

17 pour traiter de la question.

18 Question: Est-ce que nous pourrions aller à la lettre adressée au Dr

19 Karadzic qui est l'annexe 3 et qui deviendra la pièce P1536.2? Vous dites

20 là, vous le remerciez d'avoir rendu ce voyage possible, cette visite

21 possible.

22 Dans le deuxième paragraphe, vous dites que vous souhaitez regarder les

23 effets de la guerre et voir ce qui pourrait être fait à court terme pour

24 réduire l'intensité et les souffrances de personnes innocentes qui se

25 trouvent prises entre deux feux.

Page 12377

1 Et ensuite, vous continuez en traitant de Manjaca et vous lui dites que

2 vous annexez copie de la lettre écrite à M. (inaudible). Et vous déclarez

3 dans le troisième paragraphe: "J'ai été également heureux de voir que le

4 commandant du camp semblait observer les conditions posées par les

5 Conventions de Genève en ce qui concerne les ressources dont il pouvait

6 disposer". Je pense que probablement vous avez expliqué cela, cette

7 phrase. Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

8 Réponse: C'est précisément au moment où je me trouvais là, il y avait là

9 une tentative de faire appliquer les Conventions de Genève qui semblait

10 avoir lieu. Cela ne veut pas dire que ce n'était pas le cas avant que je

11 sois arrivé, mais l'un des facteurs était les limites des ressources

12 disponibles et, effectivement, il y avait ce problème d'aliments très

13 insuffisants. Et, en particulier pour les personnes qui pendant une longue

14 période avaient souffert de malnutrition, les conditions de vie étaient

15 mauvaises, les fournitures médicales insuffisantes et rudimentaires pour

16 des personnes qui étaient encore très faibles.

17 Question: Oui.

18 Réponse: L'impression que je voulais donner était que, bien que les

19 conditions se soient améliorées, elles demeuraient inacceptables et cette

20 amélioration devait se poursuivre.

21 Question: Parce ce que si vous regardez la deuxième page, vous dites

22 exactement ceci au premier paragraphe.

23 Réponse: Oui.

24 Question: "Je pense que, d'après ce que j'étais en mesure de voir, il

25 serait à la fois irresponsable et inexact d'appeler ces camps que j'ai

Page 12378

1 visités, des camps de concentration au sens qui a été accepté pour ce

2 terme." (Fin de citation.)

3 Réponse: Et bien entendu, dans ce dernier membre de phrase, je voulais

4 dire ce que l'on entend par des camps de concentration au sens moderne,

5 c'est-à-dire des camps d'extermination du type de Bergen-Belsen et je

6 voulais donner mes vues concernant Keraterm et Omarska et dire que ceci ne

7 rentrait pas dans cette catégorie.

8 Madame Korner, je pensais qu'il est important pour ce Tribunal de se

9 rendre compte qu'il n'aurait pas été utile à mon but politique, c'est-à-

10 dire le fait de sauver des vies si j'avais utilisé des termes plus

11 vigoureux que l'expression au sens où cette expression est maintenant

12 reçue. C'était clairement indiqué à M. Karadzic que bien qu'il ne s'agisse

13 pas de Bergen-Belsen, cela ne rendait pas les choses acceptables.

14 Question: Et vous dites dans la phrase suivante: "Néanmoins, les

15 conditions demeuraient inacceptables et devraient être améliorées

16 d'urgence".

17 Puis ensuite, vous traitez de l'arrivée d'Omarska et de l'échange de

18 prisonniers et, à l'avant-dernier paragraphe de cette page, vous dites:

19 "Permettez-moi d'ajouter que j'étais vivement préoccupé alors que nous

20 allions en voiture ici et là. Lorsque nous avons vu des villages musulmans

21 totalement détruits, il serait insuffisant de dire que la même chose se

22 passe pour l'autre partie, c'est faux, c'est mal, c'est barbare et cela

23 devrait être arrêté par les chefs de part et d'autre.". (Fin de citation.)

24 Réponse: Je crois que l'un des points, l'une des remarques les plus

25 importantes que je voulais faire au Dr Karadzic, c'était ce qui est dit

Page 12379

1 dans le deuxième paragraphe de cette lettre, qui soulève la question du

2 fait que ceux que j'avais vus n'étaient pas des combattants.

3 Question: Oui, absolument. Et vous dites cela de façon très vigoureuse.

4 La troisième lettre qui porte cette date concernant ce qui est devenu

5 l'annexe 4 a été adressée au général Nambiar. Il a été responsable de la

6 Forpronu à ce stade?

7 Lord Ashdown (interprétation): Il était basé à Zagreb. Ceci parle

8 évidemment d'une position très particulière qui était Gorazde, à ce stade,

9 qui était assiégée.

10 Mme Korner (interprétation): Je ne pense pas que nous ayons besoin de

11 parler de cela, enfin finalement...

12 M. le Président (interprétation): Cote 1536.3.

13 Mme Korner (interprétation): Oui, donc la dernière lettre adressée à M.

14 Nambiar… la dernière lettre adressée au président de la Croix-Rouge, M.

15 Cornelio Sommaruga, au deuxième paragraphe, vous dites que, pendant la

16 tournée que vous avez faite, vous vous êtes référé au fait que vous avez

17 eu la chance de visiter le camp de prisonniers ou "camp de guerre à

18 Manjaca" et le "camp de réfugiés" de Trnopolje.

19 Qu'est-ce qui vous a fait utiliser cette expression de "camp de réfugiés"?

20 Lord Ashdown (interprétation): C'est ainsi qu'il m'avait été décrit à

21 l'époque. Je suppose qu'une expression plus exacte aurait été "un camp

22 d'internement", mais il s'agissait essentiellement de réfugiés, donc je

23 l'ai appelé un camp de réfugiés, de personnes déplacées; "camp de

24 personnes déplacées" pourrait être une expression plus exacte.

25 Question: Vous dites ce qui vous a été dit par le colonel Popovic, que:

Page 12380

1 "Le camp n'avait pas été visité par la Croix-Rouge internationale depuis

2 plus de dix jours", et vous avez continué à exprimer vos préoccupations,

3 et vous avez dit à la page suivante, au troisième paragraphe:

4 "Les autorités serbes m'ont dit que le manque d'aliments dans le pays et

5 les effets des sanctions internationales limitaient les ressources qu'ils

6 pouvaient avoir à leur disposition.

7 Je ne suis pas en mesure de juger de la véracité de ces propos et il faut

8 dire que chacun des prisonniers à qui j'ai parlé -sans être entendu par

9 les gardes- m'a informé du fait que les conditions étaient bien meilleures

10 que celles dans les camps d'où ils venaient. Mais je regrette de dire que

11 ceci est révélateur du caractère tout à fait inacceptable des camps d'où

12 ils venaient, plutôt que cela ne rende acceptable ce que je vois à

13 Manjaca.

14 J'accepte le fait que les autorités serbes fassent une tentative sérieuse

15 d'améliorer les choses d'urgence, mais ceci ne veut pas dire que les

16 choses doivent en rester là.".

17 Vous mentionnez le fait que vous avez parlé à un mercenaire canadien, mais

18 est-ce que la plupart des personnes à qui vous avez parlé à Manjaca

19 venaient d'Omarska ou de Keraterm?

20 Réponse: Oui, je pense que la très grande majorité venait de là. Nous y

21 avons été pour une période limitée. On a essayé de me convaincre d'aller

22 voir d'autres prisonniers, et j'ai décidé que ceux d'Omarska et de

23 Keraterm étaient plus particulièrement en danger de perdre la vie et j'ai

24 passé la plupart de mon temps à cet endroit-là.

25 En fait, il se peut que ma mémoire me trompe, mais je ne me rappelle pas

Page 12381

1 avoir parlé indépendamment à ceux que j'ai vus dans le centre médical –

2 c'est-à-dire quatre ou cinq, dont un était un mercenaire canadien-,

3 indépendamment de cela, je ne me rappelle pas avoir parlé de qui que ce

4 soit d'autre que ceux qui sont venus de Keraterm et d'Omarska.

5 Mme Korner (interprétation): Bien. Je vous remercie. Ceci sera la cote

6 "point 4", Monsieur le Président.

7 Finalement, Lord Ashdown, vous avez fait un certain nombre de visites aux

8 territoires de l'ex-Yougoslavie et vous avez dit dans des dépositions dans

9 d'autres affaires ce que vous aviez vu là.

10 Comment résumeriez-vous vos visites à ces camps en comparaison des autres

11 questions quand vous aviez visité les autres camps?

12 M. Ackerman (interprétation): Je dois faire objection à cette question, à

13 moins que l'on ne soit un peu plus précis sur les camps dont il s'agit et

14 à quel moment, à savoir de quel camp on parle.

15 Mme Korner (interprétation): Je vous pose des questions sur la visite.

16 Lord Ashdown (interprétation): Peut-être que je pourrais vous aider en

17 disant que je ne pense pas que, de toute ma vie, j'ai eu une occasion plus

18 prononcée que celle que j'ai eue à Manjaca. Il n'est pas fréquent que nous

19 ayons la possibilité de participer au fait de sauver des vies, mais je

20 pense -et les conversations que j'ai eues avec les prisonniers de Manjaca

21 m'ont conduit à penser par la suite- que c'était un de ces jours-là parce

22 que l'amélioration des conditions et les conséquences que des vies ont été

23 sauvées sont effectives.

24 En ce qui concerne Trnopolje, je dois dire que je reste hanté par l'idée

25 que, si d'une façon ou d'une autre on avait pu faire davantage, on aurait

Page 12382

1 peut-être pu sauver les vies de ces personnes qui ont été tuées en les

2 jetant du haut des falaises. Quelques jours plus tôt, on aurait pu

3 empêcher cela peut-être. Mais je suppose que, parlant du 11 ou du 10 août,

4 je considère que c'est un des meilleurs jours de ma vie où j'ai pu faire

5 les choses les plus importantes.

6 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous répondez à l'objection

7 de Me Ackerman, s'il vous plaît, Madame Korner?

8 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie, Lord Ashdown. C'est la

9 seule question que je voudrais poser.

10 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux considérer, Madame

11 Korner, que vous n'avez pas l'intention de demander le versement au

12 dossier de ce qui était l'annexe 8 et l'annexe 9?

13 Mme Korner (interprétation): C'est exact. Excusez-moi, l'annexe 9 est le

14 journal; elle a déjà été versée au dossier.

15 M. le Président (interprétation): Oui, mais l'annexe 8, vous n'avez pas

16 demandé le versement au dossier?

17 Mme Korner (interprétation): S'agit-il des articles de presse?

18 M. le Président (interprétation): Oui.

19 Mme Korner (interprétation): Non, je ne vais pas les verser au dossier.

20 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, vous pouvez procéder au

21 contre-interrogatoire, si vous voulez.

22 (Contre-interrogatoire du témoin, Lord Ashdown, par Me Ackerman.)

23 M. Ackerman (interprétation): Lord Ashdown, bonjour. Mon nom est John

24 Ackerman. Je suis représentant de M. Brdjanin. Je suis des Etats-Unis et

25 je dois dire que vous êtes le premier lord à qui j'ai jamais parlé pour

Page 12383

1 une raison quelle qu'elle soit.

2 Lord Ashdown (interprétation): Maître Ackerman, je voudrais que vous

3 oubliiez ce titre. Je ne le considère pas comme important, si ce n'est

4 comme une description de l'endroit où je travaille. Je ne l'utilise jamais

5 et je vous serais reconnaissant si vous l'utilisiez le moins possible.

6 Question: Peut-être que je vais vous appeler "Sir" ou "Monsieur" ou

7 quelque chose de ce genre pour respecter la proposition que vous avez

8 faite et pour tenir compte de votre position.

9 Je vais donc… Je sais que vous êtes un homme très occupé, que vous

10 souhaitez partir le plus vite possible et je vais essayer de vous poser

11 des questions qui vous donnent une occasion complète de répondre à mes

12 questions dans le sens que vous souhaitez. Je crois que ce sera équitable,

13 ne pensez-vous pas?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Je voudrais commencer mes questions à propos d'une déclaration

16 que vous avez faite relativement récemment à un enquêteur de l'accusation

17 du nom de Richard Dupas le 9 mai 2002. Est-ce que vous vous rappelez cela?

18 Réponse: Je me souviens avoir fait un certain nombre de déclarations. Je

19 ne me rappelle pas plus particulièrement celle-là.

20 Question: Est-ce que vous souhaitez avoir un exemplaire pour que vous

21 puissiez le voir?

22 Lord Ashdown (interprétation): Cela pourrait être utile.

23 M. Ackerman (interprétation): Je ne sais pas si on peut l'avoir

24 directement?

25 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, veuillez placer ce

Page 12384

1 document qui porte le numéro ERN 02193824.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 M. Ackerman (interprétation): Je crois qu'une partie de ce que je voulais

4 vous demander comme question a maintenant été éclaircie, mais lorsque vous

5 avez parlé à la télévision de Banja Luka, lorsque vous avez parlé de cela

6 dans votre déclaration à M. Dupas, ce dont vous parliez lorsque vous

7 parliez à la télévision de Banja Luka, c'était ce que vous aviez observé

8 après avoir été à Manjaca et à Trnopolje, n'est-ce pas?

9 Lord Ashdown (interprétation): Après avoir été à Manjaca, pas après

10 Trnopolje. Non, c'était le soir où j'étais revenu de Manjaca.

11 (L'interprète demande une pause entre questions et réponses.)

12 M. le Président (interprétation): Et l'un des microphones n'est pas

13 branché.

14 Lord Ashdown (interprétation): Je vais peut-être redire cela.

15 Non, la déclaration a été faite la nuit de mon retour du camp de Manjaca

16 et la nuit qui précédait ma visite à Trnopolje.

17 M. Ackerman (interprétation): Et l'impression que vous avez eue à ce

18 moment-là concernant Manjaca était basée essentiellement sur un certain

19 nombre de choses, vos observations personnelles, ce que vous avez vu, ce

20 que vous avez entendu lorsque vous étiez là, plus des entretiens que vous

21 aviez eus avec un certain nombre de prisonniers sans qu'ils puissent être

22 entendus par les autorités du camp?

23 Lord Ashdown (interprétation): Oui, et la deuxième fait partie de la

24 première.

25 Question: Et dans ces conversations qui n'avaient pas été entendues par

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1 les autorités du camp, je pense que vous n'avez pas entendu parler de

2 morts ou de passages à tabac qui se seraient passés à Manjaca?

3 Réponse: Maître Ackerman, la réponse à votre question est: non, je n'ai

4 pas entendu parler de cela, mais il aurait été surprenant, effectivement,

5 si dans les conversations que j'ai eues… Je me suis occupé

6 essentiellement, pendant la durée que j'ai eue, de me renseigner

7 essentiellement sur leurs conditions personnelles plutôt que de ce qui

8 s'était passé au cours des derniers jours.

9 Question: En fait, n'est-il pas vrai que certains des hommes dont vous

10 avez parlé ont préféré rester à Manjaca qu'être libérés par crainte d'être

11 obligés de combattre pour leur propre armée?

12 Réponse: Non, Maître Ackerman, ce n'est certainement pas le cas. Ils ont

13 certainement exprimé le point de vue que, s'ils étaient relâchés, ils

14 pourraient être obligés d'aller combattre, mais je ne leur ai pas posé

15 cette question précise à laquelle vous vous référez. Je suis absolument

16 sûr que si j'avais dit à ces gens "Vous pouvez sortir et vous

17 débrouiller", ils auraient immédiatement répondu avec beaucoup de

18 soulagement.

19 Question: Si vous regardez la dernière phrase de votre déclaration,

20 lorsque j'ai eu cette idée que vous êtes censé avoir dit, certains des

21 hommes auxquels j'ai parlé avaient peur que s'ils partaient on ferait

22 pression sur eux pour qu'ils aillent combattre pour leur propre armée

23 d'origine ethnique?

24 Réponse: Bien sûr, mais ceci, je pense, ne permet d'interférer une

25 préférence pour rester dans le camp plutôt que d'en sortir. Il y avait de

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1 la crainte que s'ils devaient partir, les difficultés seraient plus

2 grandes. Ceci me paraît infiniment préférable que le fait de rester là. Je

3 suis sûr que vous seriez d'accord.

4 Question: Est-ce que vous pensez que certains des hommes auraient pu,

5 d'après ce qu'ils ont exprimé, avoir des conditions aussi mauvaises qu'à

6 Manjaca s'ils s'étaient trouvés dans une tranchée pour aller combattre?

7 Réponse: Absolument pas, Maître Ackerman, je suis sûr que si vous aviez

8 donné à ces personnes la possibilité de quitter les Serbes compte tenu de

9 leur expérience à Omarska et à Keraterm et leur expérience à Manjaca, ils

10 seraient allés n'importe où sur la terre plutôt que de rester là. J'en

11 suis sûr.

12 Question: Vous avez également dit, sur les questions dont nous avons parlé

13 ce matin, il y avait très peu de combattants que j'ai vus. La majorité

14 semblait être des civils. Et je pense que la façon dont vous les avez

15 décrits dans votre déposition ce matin est qu'il semblait pour vous être

16 des agriculteurs, de simples agriculteurs?

17 Réponse: Si vous vous rappelez, Maître Ackerman, j'ai dit que ce n'était

18 pas simplement ce dont ils avaient l'air, j'avais rencontré de très

19 nombreux soldats qui avaient l'air d'agriculteurs. Il y avait une absence

20 totale d'uniforme, de chaussure dont on aurait besoin pour être un

21 combattant, l'absence totale d'équipement de quoi que ce soit qui

22 ressemble à un équipement militaire et on avait l'impression

23 d'agriculteurs qui étaient simplement arrachés à leurs champs.

24 Question: Donc la conclusion que vous avez faite était basée sur le manque

25 d'uniforme, d'armement ou de ce qu'on verrait normalement pour

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1 accoutrement pour un militaire?

2 Réponse: Oui, accoutrement, uniforme, puisque j'ai une certaine expérience

3 des choses militaires et je pourrais voir si quelqu'un était en uniforme

4 ou pas. Ils n'étaient pas dans une condition physique qui montrait qu'ils

5 avaient suivi une formation militaire quelconque. Leur comportement

6 montrait une absence de discipline militaire, leur position correspondait

7 tout à fait à des personnes innocentes, je veux dire des personnes qui

8 avaient des vies tout à fait ordinaires.

9 Question: Vous parlez, Monsieur, du type d'organisation militaire dont

10 vous avez fait partie et dont j'ai fait partie aux Etats-Unis où, en fait,

11 nous recevons une formation approfondie et des choses de ce genre.

12 Ne savez-vous pas que l'armée de Bosnie-Herzégovine dans une certaine

13 mesure et l'armée serbe étaient faites de personnes qui étaient

14 littéralement arrachées à leurs champs et qu'on mettait dans un uniforme,

15 à qui on donnait un fusil et à qui on disait d'aller se battre?

16 Réponse: Certainement, je reconnais que cette description, ce que j'avais

17 vu de l'armée de Bosnie ne s'applique pas à l'armée serbe. Oui, c'est tout

18 à fait possible, je peux vous donner le jugement de ce que j'ai pu voir à

19 ce moment-là, qui était que la majorité des personnes que j'ai vues

20 avaient été brutalisées, leurs maisons avaient été brûlées; et ce que j'ai

21 vu sur la route de Manjaca et la façon dont ils s'exprimaient, leur

22 comportement, leur équipement correspondaient tout à fait au fait que

23 quelques jours plus tôt ils étaient des habitants de ces maisons que j'ai

24 vu détruites en très grand nombre en suivant la route à Prijedor.

25 Question: Un instant de patience, s'il vous plaît, je suis en train de

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1 chercher quelque chose. Est-ce que vous avez toujours votre journal sous

2 les yeux?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Le 10 août, je fais référence à la page 02195557, avec à côté le

5 nombre 14 entouré d'un cercle. Je ne sais pas si c'est la même chose sur

6 votre exemplaire?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Vous nous parlez de Manjaca et le deuxième paragraphe à partir

9 du haut -je cite-: "Je suis allé examiner les installations médicales qui

10 sont déplorables, mais il y a peu de fournitures médicales où que ce soit,

11 à cause de l'embargo sur les médicaments.". (Fin de citation.)

12 De quel type d'embargo parlez-vous?

13 Réponse: C'est quelque chose qui m'a été répété à l'envi Karadzic et

14 d'autres et vous comprendrez, bien entendu, l'importance politique de

15 cette question. Si je répète que l'une des raisons pour lesquelles…

16 Parce que l'une des excuses qu'il donnait pour ne pas fournir des soins

17 suffisants, c'était parce qu'il y avait un embargo sur les médicaments. Je

18 ne pense pas que c'était véritablement le cas à l'époque, cela ne faisait

19 pas partie des sanctions de l'occident, mais ce qu'on ne cessait de me

20 répéter, et cela je l'ai souvent répété aussi dans mon journal.

21 Question: Pendant votre visite, vous n'avez pas eu l'occasion d'aller voir

22 à l'hôpital de Banja Luka et de comparer la situation en matière

23 d'approvisionnement en fourniture avec ce qui se passait ailleurs, n'est-

24 ce pas?

25 Réponse: Non. Non, mais ultérieurement -et je n'ai pas les informations

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1 ici tout de suite mais je pourrais le faire si je pouvais consulter mon

2 journal- mais en tout cas, plus tard, je suis allé dans une prison pour

3 anciens combattants à Pale, qui était le quartier général des Serbes à

4 côté de Sarajevo, et j'y ai vu des installations médicales. Et sans

5 affirmer qu'il y avait là des installations du niveau des installations

6 que l'on trouve en occident, en tout cas la situation était bien

7 meilleure, nettement meilleure que ce que j'ai vu à Manjaca: il y avait

8 des équipements en état de fonctionnement, des infirmières, des médecins,

9 des traitements assurés, etc.

10 C'est donc vrai lors de cette visite je ne suis pas allé à Banja Luka, je

11 n'y suis allé que cinq ou six mois plus tard, mais au cours de ma visite

12 en décembre, je crois, j'ai été en mesure de voir des hôpitaux militaires

13 et civils à Pale, et c'était sans commune mesure avec ce que j'avais vu à

14 Manjaca.

15 Question: Vous n'avez pas vu cela au moment où vous avez visité Manjaca?

16 Réponse: Oui, c'est vrai, mais je ne vois pas pourquoi je n'ai aucune

17 raison de penser que ce que j'aurais vu à Banja Luka au début de la guerre

18 -alors que l'approvisionnement était bon-, aurait pu être pire que ce que

19 j'avais vu à Pale plusieurs mois plus tard. Après, lorsque la guerre

20 faisait vraiment rage, l'approvisionnement en fournitures médicales était

21 moins bon.

22 Question: Saviez-vous que la région de Banja Luka, cette région de la

23 Krajina, est devenue une sorte d'île, une île coupée de toutes ses sources

24 d'approvisionnement. La frontière avec la Croatie était fermée, les forces

25 musulmanes et croates ont coupé ce corridor qui faisait le lien entre la

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1 Krajina et la Serbie; là aussi c'était un axe d'approvisionnement

2 supplémentaire coupé.

3 Et puis, il n'y avait pas non plus d'approvisionnement par air ou plutôt

4 c'était très limité, parce qu'il était interdit aux avions de voler dans

5 cette région, si bien qu'il était très difficile d'assurer un

6 approvisionnement en fournitures médicales.

7 Réponse: Il y avait un approvisionnement assuré par l'ONU, en tout cas à

8 Sarajevo.

9 Mais pour répondre à votre question, oui, effectivement je le savais, il

10 nous a été difficile de venir de Pale à travers le corridor de la Posavina

11 qui faisait l'objet de nombreuses embuscades des deux côtés; il s'agissait

12 d'un corridor très étroit. Et indéniablement les conditions de vie

13 n'étaient pas faciles dans ce qu'on appelle maintenant la Republika

14 Srpska.

15 Mais je dirais qu'étant donné que la Banja Luka était la capitale, que

16 Banja Luka se trouvait dans une zone beaucoup plus peuplée que les autres

17 zones de la Republika Srpska que Pale, je dirais donc que Banja Luka

18 bénéficiait d'une situation bien plus favorable que Sarajevo qui, à

19 l'époque, était assiégée.

20 J'accepterai, je conviendrai que les fournitures médicales et les

21 installations médicales à Banja Luka n'étaient pas analogues à celles

22 qu'on rencontre dans un pays occidental, mais je n'irai pas jusqu'à dire,

23 je nierai le fait qu'au début de la guerre il n'y avait pas suffisamment

24 de fournitures médicales pour assurer à Banja Luka des services de

25 meilleure qualité que ceux que j'ai vus à Manjaca, dans ce qui restait

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1 d'un territoire occupé par les Serbes et qui se trouvait à 3 ou 4

2 kilomètres seulement de la capitale de l'endroit.

3 Question: Ici, là, je vais un peu au hasard mais pouvez-vous nous parler

4 de l'approvisionnement assuré par les Nations Unies?

5 Réponse: Moi aussi je travaille de mémoire, mais je me souviens que les

6 autorités serbes ont refusé l'aide de l'ONU dans les territoires occupés

7 par les Serbes qui subissaient des pénuries.

8 Mais je vous le rappelle, nous parlons d'une époque qui se trouve à deux

9 mois du début de la guerre et on se trouve à un endroit qui se trouve à 7

10 ou 8 kilomètres de la capitale.

11 Question: Moi, si je me souviens bien, les convois des Nations Unies, qui

12 ont essayé de venir dans la zone à partir de la Croatie, à partir de

13 Zagreb, ne pouvaient passer que s'ils remettaient 80% de leurs chargements

14 aux Croates pour passer la frontière.

15 Vous souvenez-vous de cela?

16 Réponse: Maître Ackerman, là, je pense que nous parlons de choses que nous

17 ne connaissons pas très bien. En tout cas, c'est mon cas.

18 Je vais simplement vous dire que j'ai traversé la Croatie à ce moment-là,

19 que la guerre s'était arrêtée, s'était interrompue en juillet. Tout ce qui

20 partait pour la Bosnie passait par Zagreb.

21 Et je me souviens avoir vu ces convois et je me souviens que personne ne

22 m'ait dit que les Croates empêchaient cette aide de passer.

23 Question: Avant d'aller à Manjaca et Trnopolje, vous aviez connaissance

24 des reportages faits par les journalistes, vous saviez que les camps qui

25 se trouvaient dans cette région avaient été décrits par certains

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1 reporters, par certains médias comme de véritables camps dignes de la

2 Deuxième Guerre mondiale, camps de concentration?

3 Réponse: Oui, tout le monde disait en effet qu'il s'agissait de camps

4 d'extermination semblables à ceux qu'on a connus pendant la Seconde Guerre

5 mondiale.

6 Question: Dans la lettre à Karadzic, vous lui avez parlé de ce que vous

7 avez vu, vous, à Manjaca et Trnopolje. Mme Korner vous a posé des

8 questions à ce sujet.

9 "Il serait irresponsable, il serait inexact de qualifier ces camps de

10 camps de concentration en reprenant l'acception de ce terme.". Là ici je

11 viens de citer ce que vous avez dit. Inutile, je pense, de répéter

12 l'explication que vous avez donnée. Avez-vous quelque chose à ajouter?

13 Réponse: Je n'ai rien à ajouter.

14 M. Ackerman (interprétation): J'imagine que si vous n'avez pas vu à

15 Manjaca et à Trnopolje ce que les journalistes ont vu, cela ne s'explique

16 pas?

17 Lord Ashdown (interprétation): Je n'ai pas compris votre question.

18 M. le Président (interprétation): Avant de laisser le témoin répondre, il

19 faut savoir de quelle période nous parlons.

20 Il faut être sûr que les journalistes dont vous parlez ont vu ce qu'ils

21 ont vu, et que Lord Ashdown parle de ce qu'il a vu pour une même période.

22 Parce que sinon, il peut y avoir des différences importantes si l'on parle

23 de périodes différentes.

24 M. Ackerman (interprétation): En effet, je n'ai pas été précis. Je vais

25 essayer de préciser ma question.

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1 Quand vous êtes allé à Manjaca et à Trnopolje, il y avait à ces endroits

2 des journalistes qui vous accompagnaient, n'est-ce pas? Et ma question est

3 simplement la suivante. Vous n'avez aucune raison de penser que les

4 journalistes aient été en mesure de voir des choses que vous, vous n'avez

5 pas vues?

6 Lord Ashdown (interprétation): Les journalistes qui étaient en ma

7 compagnie ont vu ce que moi-même j'ai pu voir. Je me souviens, et

8 d'ailleurs on le voit dans la vidéo, je me souviens qu'à un moment donné,

9 sans doute avant mon départ, peut-être cinq minutes ou dix minutes à peine

10 avant mon arrivée, on a bousculé les journalistes, on les a fait sortir.

11 On ne le voit pas sur la vidéo. Il est possible que, moi, j'en ai vu plus

12 qu'eux. Mais je ne pense pas, je n'ai aucune raison de penser qu'ils aient

13 vu plus de choses que moi.

14 Question: Maintenant, je suis en train d'examiner votre journal pour la

15 date du 8 août. Page 3… Est-ce que vous avez la même pagination que moi?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Donc j'imagine que c'est la page 3.

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous vous trouvez à l'hôtel intercontinental de Belgrade et au

20 milieu de ce paragraphe, du deuxième paragraphe, vous nous dites la chose

21 suivante: "CNN parle de camps de concentration et tous les journalistes

22 ont peur parce que, justement, c'est exactement ce que ces camps ne sont

23 pas. Et les journalistes pensent que ça va rendre le déplacement, notre

24 déplacement encore plus dangereux." (Fin de citation.)

25 Réponse: Vous constatez, Maître Ackerman, que j'ai apporté une

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1 modification manuscrite qui n'est peut-être pas très lisible, mais il faut

2 savoir que j'ai apporté ces modifications dans les jours qui suivaient le

3 moment où je dictais mon journal. Parce que ce qu'on lit, c'est exactement

4 ce que les Serbes disent qu'ils ne sont pas; les Serbes disent qu'ils ne

5 le sont pas. On parle de camps de concentration.

6 Les Serbes sont très mécontents de cette façon de décrire les choses et la

7 presse estime que cela va rendre notre voyage encore plus dangereux.

8 Bien entendu, tout le monde sait qu'un journal de ce type, c'est un

9 journal que j'ai dicté tard le soir, et peut-être que les mots choisis ne

10 sont pas toujours les meilleurs, ce n'est pas toujours de la littérature

11 et ce ne sont pas toujours les mots les mieux choisis. Si bien que dans ce

12 cas-là, comme dans d'autres, je demandais systématiquement -une fois que

13 ce que j'avais dicté avait été dactylographié- que je puisse lire la

14 version dactylographiée pour y apporter des corrections.

15 Question: Est-ce que ceci, ces corrections ont été apportées après ou bien

16 longtemps après?

17 Réponse: Non, non, non, tout de suite après, quelques jours après.

18 Question: Moi, je vous parle de la déposition d'aujourd'hui qui a lieu dix

19 ans après les événements.

20 Réponse: Oui, en effet, dix ans après les événements.

21 Question: Alors que vous avez écrit votre journal tout de suite après.

22 Réponse: Oui.

23 Question: Toujours sur cette page, on voit que vous avez eu l'occasion de

24 rencontrer un journaliste. Vous nous avez dit que son nom c'est Villiani,

25 Ed Villiani, et il a écrit un ouvrage au sujet de ce qu'il a vu dans la

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1 région?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Et dans votre journal, à son sujet, vous dites -je cite: "Il me

4 semble être très touché par toute cette question. Ça ne va pas nous rendre

5 la vie très facile. Nous avons besoin de personnes qui sont capables de

6 garder la tête froide dans cette situation." (Fin de citation.)

7 Ceci semble signifier que vous en êtes arrivé à la conclusion que Villiani

8 n'était pas en mesure de prendre des décisions rationnelles, n'est-ce pas?

9 Réponse: Maître Ackerman, on pourrait dire cela, mais je ne pense pas

10 qu'on soit obligé d'aller si loin.

11 Je vais simplement vous dire la chose suivante: j'ai rencontré M. Villiani

12 pour la première fois ce jour-là, très tard dans la soirée, il était

13 bouleversé par ce qu'il avait vu, et quel être humain rationnel ne

14 l'aurait pas été! Ce soir-là, j'ai porté un jugement sur lui qui semble

15 impliquer, comme vous l'avez dit, que son objectivité pouvait avoir été

16 affectée par ce qu'il avait vu. C'était en fait une mise en garde à mon

17 intention plus qu'autre chose; c'était à mon intention, pour me rappeler

18 qu'il fallait que je sois aussi objectif que possible.

19 Mais vu tout ce que j'ai appris au sujet de M. Villiani depuis ce jour -et

20 je dois dire que si nous ne sommes pas devenus amis, en tout cas, nous

21 évoquons souvent ensemble les événements dans les Balkans-, je peux donc

22 dire que rien ne m'incite à dire aujourd'hui que ce n'était pas un

23 journaliste du plus haut niveau qui soit, et son objectivité, je pense,

24 n'a pas été affectée par ces événements.

25 Question: Maintenant je vais passer à la page 8 de votre journal. Il

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1 s'agit du dimanche 9 août. Vous êtes à Pale, on vous amène à Kula dont

2 vous nous avez dit que c'était une espèce de camp vitrine?

3 Réponse: Oui, c'est cela, je crois.

4 Question: Vers le bas de la page, vous dites que vous vous êtes entretenu

5 avec un ou deux prisonniers et ensuite, vous dites la chose suivante -je

6 cite-: "Une journaliste allemande du 'Spiegel' a dit que les prisonniers

7 lui avaient dit secrètement qu'on les avait obligés à rester à l'intérieur

8 des bâtiments pendant quatre mois, qu'ils ne dormaient pas là où on nous

9 avait montré qu'ils avaient dormi, et qu'ils n'avaient rien reçu à

10 manger."

11 Si c'était exact, à ce moment-là, ils n'avaient pas l'air d'avoir subi de

12 tel sévices. Rien n'indiquait chez ces personnes qu'ils n'avaient pas été

13 au soleil pendant longtemps ou qu'on ne leur avait pas donné à manger

14 suffisamment, pendant un certain temps.".

15 Réponse: C'est rajouté à la main "un certain temps".

16 Question: Oui, pendant un certain temps. Je pense, si j'ai bien compris,

17 d'après ce qu'on lit ici, que ce que vous a rapporté cette journaliste

18 allemande, les propos que lui auraient tenus des prisonniers du camp, tout

19 cela, à ce moment-là, ne vous a pas paru digne de foi, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Passons maintenant à la page 10.

22 Réponse: Je pense qu'auparavant il serait utile de revenir sur ce que j'ai

23 dit au premier paragraphe de la page 9, où je dis, à la fin de ce premier

24 paragraphe: "C'est manifestement un camp vitrine", parce que je pense que

25 c'est important de souligner cela.

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1 Question: Oui, je l'ai dit au moment où j'ai commencé à vous interroger à

2 ce sujet. J'ai dit que, d'après vous, il s'agissait d'un "camp vitrine".

3 Passons maintenant à la page 10. Vous dites que vous avez dîné avec

4 Karadzic à une heure du matin?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Vous dites que vous l'avez trouvé d'une honnêteté quelque peu

7 rafraîchissante. Il vous a dit que, bien entendu, des Serbes avaient

8 commis des atrocités, comme d'autres, mais que c'étaient des gens

9 incontrôlés et qu'il n'était pas en mesure de contrôler tous les Serbes

10 qui se trouvaient dans la région. C'est ce qu'il vous a dit?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Dans la lettre que vous lui avez adressée...

13 Réponse: Maître Ackerman, je ne souhaite nullement rajouter des éléments

14 qui ne vous intéressent pas et qui n'ont pas rapport avec ce procès, mais

15 je dois dire que ce que j'ai vu des forces militaires serbes dans la

16 région ne correspondait pas du tout à ce qui m'avait été dit ainsi; je

17 pense qu'ils étaient tout à fait contrôlés.

18 Question: Nous allons y revenir, ne vous inquiétez pas.

19 Le 12 août, vous avez écrit une lettre à M. Karadzic. A la deuxième page

20 de cette lettre…

21 Je pense que vous l'avez sous les yeux?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Troisième paragraphe, vous parlez des prisonniers que vous avez

24 vus à Manjaca -je cite-: "Je pense que ce qui peut arriver de mieux à ces

25 prisonniers, c'est d'être échangés aussi rapidement que possible.". (Fin

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1 de citation.)

2 Est-ce bien exact?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Aviez-vous connaissance d'un obstacle quelconque à un échange de

5 ce type?

6 Réponse: Oui. Le système, le mécanisme des échanges n'avait pas été mis en

7 place à ce stade, à cette époque de la guerre et, des deux côtés, on se

8 renvoyait la balle, on s'accusait mutuellement de mettre des obstacles à

9 la mise en place de ce système d'échange. Je crois que c'est quelque chose

10 qui n'est pas rare dans les Balkans.

11 Question: Maintenant, je voudrais revenir de nouveau à votre journal et au

12 11 août. Page 16, vous parlez de ce trajet que vous avez fait de Banja

13 Luka à Trnopolje. Vous étiez escorté par la police. Vous dites que vous

14 avez été escorté jusqu'à un certain point, jusqu'à un carrefour -je cite-:

15 "Ils se sont arrêtés à cet endroit". Ils vous ont dit qu'ils ne pouvaient

16 pas vous emmener plus loin parce qu'ils ignoraient où se trouvait

17 Trnopolje; il fallait que vous attendiez là où se trouvaient les policiers

18 qui, eux, savaient où se trouvait le camp pour vous y emmener. C'est

19 exact, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui. C'est ce qu'on nous a dit, Maître Ackerman, en tout cas.

21 Oui, c'est ce qu'on nous a dit. Mais je dois dire que, connaissant les

22 Balkans maintenant mieux que lors de ma deuxième visite, je pense qu'il

23 est complètement inconcevable qu'ils n'aient pas su où se trouvait

24 Trnopolje.

25 Question: Là, vous faites une autre observation qui devait se reposer sur

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1 autre chose que l'observation de cet événement. Vous dites: "Je suis

2 constamment stupéfait -cela signifie que ce n'était pas la première fois-,

3 je suis stupéfait de voir comment, à quel point les gens se déplacent peu

4 dans cette région et à quel point ils sont peu informés de ce qui se passe

5 dans la zone située à proximité de celle où ils habitent, même s'agissant

6 des personnes les plus âgées.". (Fin de citation.)

7 Réponse: Oui. En tout cas, c'est indéniablement ce que j'ai dit.

8 Question: Et vous avez estimé que c'était quelque chose qui était

9 généralisé et qui valait pour tous les gens que vous rencontriez en Bosnie

10 à ce moment-là?

11 Réponse: Si j'ai pensé que cela s'appliquait à tout le monde, eh bien, je

12 me trompais. C'était seulement mon deuxième voyage dans les Balkans et je

13 pense que faire de telles généralisations entraîne forcément des erreurs.

14 Je vais vous dire simplement la chose suivante: il est vrai que ce que

15 l'on constate dans les Balkans, c'est que les gens ordinaires se déplacent

16 peu. Il est très peu probable que des gens qui habitent à côté d'une

17 montagne aient jamais eu l'envie de l'escalader, contrairement à ce qui se

18 passe en occident. Il est possible que beaucoup d'entre eux ne soient pas

19 allés à la capitale. Mais généraliser à l'excès serait une erreur.

20 Question: Page 17, au sujet de Trnopolje, vous dites dans un paragraphe

21 qui commence par les mots "dans les dortoirs ou dans les zones de dortoir

22 elle-mêmes, etc.", vous dites la chose suivante: "En fait, les conditions

23 de détention étaient telles que certains Serbes protégeaient le camp des

24 extrémistes serbes qui venaient la nuit, qui frappaient les prisonniers,

25 qui violaient les femmes.".

Page 12400

1 Et ensuite vous dites: "Mais ce sont peut-être des affirmations

2 exagérées.".

3 En d'autres termes, vous estimiez que tout ce qu'on vous avait rapporté

4 était peut-être un peu exagéré?

5 Réponse: Je vous renvoie à la conversation que j'ai eue avec M. Vuljami

6 c'est d'être le plus objectif possible. Ce que j'ai découvert dans les

7 Balkans, c'est qu'il y a toujours -quand on rapporte des propos- on a

8 toujours tendance à déformer la situation et parce que je pense qu'un

9 Tribunal, face à de telles informations, dirait qu'il s'agirait sans doute

10 de preuve par ouï-dire, de preuve de seconde main.

11 Question: J'y reviendrai plus tard. D'abord, je voudrais parler de la

12 lettre que vous avez écrite à M. John Major. A l'époque, bien sûr M. John

13 Major était Premier ministre?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Vous étiez à la tête du Parti libéral.

16 Réponse: Du Parti libéral démocrate.

17 Question: Est-ce que lors des élections précédentes, vous vous étiez

18 présenté contre lui?

19 Réponse: Oui, c'était en 1992. Si, je m'étais présenté contre lui, pas

20 dans sa circonscription, mais c'est vrai que j'étais le président d'un

21 parti et lui était le président d'un autre parti.

22 Question: En d'autres termes, si tout s'était bien passé, vous auriez été

23 Premier ministre?

24 Réponse: Je pense que cela aurait fallu que ça aille très bien.

25 Question: Oui, mais cela aurait été possible.

Page 12401

1 Réponse: Je ne pense pas que beaucoup de spécialistes de la chose

2 politique en Grande-Bretagne auraient pensé que c'était possible. Mais il

3 est vrai que, on peut dire que cela aurait été du domaine des possibles

4 éventuellement.

5 Question: Vous lui avez parlé de votre visite à Trnopolje, vous lui avez

6 écrit à ce sujet, et on peut dire que vous étiez un de ses opposants

7 politiques?

8 Réponse: Oui, j'étais un membre d'un parti d'opposition.

9 Question: C'est ce qu'on appelle l'opposition loyale?

10 Réponse: Loyale, ce n'est peut-être pas le mot approprié.

11 Question: Nous y viendrons aussi. Moi, ce que je veux savoir c'est la

12 chose suivante: quand vous lui avez écrit cette lettre au sujet de

13 Trnopolje, en fait ce que vous essayiez de faire c'était de le persuader

14 de prendre des mesures dont vous estimiez qu'il fallait qu'elles soient

15 prises?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Je veux savoir si, d'une manière ou d'une autre, vous avez

18 exagéré la nature des choses que vous aviez vues à Trnopolje pour que cela

19 apparaisse plus grave que cela n'était et que cela l'incite à prendre des

20 mesures?

21 Réponse: Maître Ackerman, c'est l'Histoire qui répondra à cette question.

22 Si vous comparez la lettre à mon journal, vous constaterez que l'on y

23 trouve un ton semblable.

24 Après toute visite que je faisais aux Balkans, aussi bien pendant la

25 guerre de Bosnie que pendant la guerre au Kosovo, j'ai pris l'habitude de

Page 12402

1 faire un rapport personnel au Premier ministre, rapport personnel et

2 confidentiel qui ne faisait pas l'objet de publication, rapport dans

3 lequel je faisais part de mes impressions et de mes recommandations.

4 Ce rapport n'était nullement un instrument politique, il s'agissait d'un

5 rapport personnel. Vous avez évoqué vous-même le terme de "loyal", c'était

6 le rapport établi par un sujet britannique à son Premier ministre au sujet

7 de ce qui se passait. C'est dans cet esprit que j'ai fait ce rapport.

8 Je dois dire également que si vous pensez que ce rapport avait un objet

9 politique, je dois dire qu'à l'époque j'étais une voix isolée, j'étais un

10 des très rares à demander que l'on prenne des mesures pour aider la

11 Bosnie. En Grande-Bretagne, on s'est beaucoup moqué de moi lorsque j'ai

12 essayé de faire en sorte que l'on s'intéresse à la Bosnie. J'ai été hué à

13 la Chambre des communes lorsque j'ai essayé d'en parler. Et même au sein

14 de mon parti, j'étais l'un des rares à m'intéresser à la question. Donc

15 dire que j'ai fait cela pour des raisons politiques ne correspond pas à

16 mes souvenirs des événements.

17 Question: Je dois dire que vous savez sans doute déjà quelle sera ma

18 question suivante et quelle sera votre réponse.

19 Réponse: Je suis désolé, Maître Ackerman, de vous décevoir.

20 Question: Je pense –et vous vous doutez de ce que je vais vous dire- je

21 pense que vous étiez déçu par l'inaction de John Major, que vous essayiez

22 de l'inciter à agir en mettant ce problème sur la place publique?

23 Réponse: Ce n'est pas seulement à lui que je souhaitais m'adresser, mais

24 je souhaitais également inciter toutes les puissances occidentales à faire

25 quelque chose, elles qui restaient là, les bras croisés sans rien faire.

Page 12403

1 Question: Est-ce que vous vous souvenez d'une période où il a commencé à

2 tellement s'impatienter de vos efforts qu'il vous a accusé, je cite:

3 "Depuis le départ, depuis le début de la guerre, de ne rien avoir fait que

4 de s'agiter sur la scène publique, et s'il avait connu un peu plus de

5 choses au sujet de la question, il en aurait un petit peu moins parlé.".

6 (Fin de citation.)

7 Est-ce que vous vous souvenez qu'il ait tenu ces propos à votre sujet?

8 Réponse: De nombreuses années plus tard, je me souviens qu'il y a eu des

9 échanges assez vifs à ce sujet…

10 (L'interprète signale que l'orateur va extrêmement vite et n'est donc pas

11 en mesure d'interpréter la suite de la question.)

12 Moi à l'époque, j'essayais de faire ce qui me paraissait le mieux.

13 Question: La question de l'exagération. Dans votre déclaration, vous

14 dites: "J'insiste sur le fait que ces affirmations, qu'il est possible

15 qu'il y ait exagération. Cela se passe toujours en temps de guerre.".

16 Et j'estime que ce que vous affirmez repose sur ce qu'on vous a dit plus

17 tard au sujet de cette tendance à l'exagération?

18 Réponse: Dans toutes les guerres, on exagère, et j'imagine que dans cette

19 guerre cela a été pareil que dans les autres.

20 Question: N'est-il pas exact que dans les Balkans on est passé maître dans

21 cet art?

22 Réponse: Je ne pense pas que ce soit uniquement dans les Balkans qu'on se

23 livre à des exagérations lorsqu'il y a une guerre. Je pense que ça se

24 passe partout ailleurs de la même manière.

25 Question: J'imagine que vous avez lu le livre de Lord Owen sur les

Page 12404

1 Balkans?

2 Réponse: Je vais être très franc avec vous, Maître Ackerman: je n'ai pas

3 pu passer les premières pages parce que, ensuite, je n'ai pas été

4 franchement pris par la lecture.

5 M. Ackerman (interprétation): En tout cas, j'imagine que vous avez lu

6 l'introduction et, dans son introduction, il dit la chose suivante au

7 sujet de ce qu'il a vécu dans les Balkans et je vais simplement vous

8 demander si vous êtes d'accord avec lui –je cite-: "Jamais auparavant, au

9 cours de 30 années publiques, je n'ai dû travailler dans un tel climat

10 marqué par le déshonneur, la propagande et la mauvaise foi. Beaucoup de

11 ceux à qui j'ai eu affaire dans l'ex-Yougoslavie étaient à des milliers

12 d'années lumière de toute idée de la vérité.".

13 Est-ce que vous êtes d'accord?

14 Lord Ashdown (interprétation): A plusieurs reprises, je n'étais pas en

15 accord avec Lord Owen et surtout en ce qui concerne les Balkans, mais je

16 suis complètement en désaccord avec ce qui est dit dans cette déclaration.

17 Dans les Balkans, dans toutes les ethnicités, il y a des gens qui sont

18 honorables, décents, qui disent la vérité. Et dire que de tels gens

19 n'existent pas, eh bien, je pense que ceci n'est pas exact.

20 Interprète: Est-ce que vous pourriez ralentir, s'il vous plaît?

21 M. Ackerman (interprétation): Oui, en effet, nous allons le faire.

22 Dans votre lettre que vous avez adressée au général Nambiar, vous en

23 parlez à nouveau, vous lui dites: "Il y a des rumeurs du côté serbe -je

24 suis à la page 2 au deuxième paragraphe-, des rumeurs du côté serbe

25 rapportant des corps de leur propre peuple qui flottent ensemble près de

Page 12405

1 leurs positions, qui parlent des cris des autres peuples, des autres gens

2 qui sont torturés au cours de la nuit. Il y a de semblables histoires

3 sanglantes rapportant des atrocités faites par les Serbes aux Musulmans à

4 Gorazde. Je les ai entendues de la part des Musulmans de Sarajevo. Il

5 s'agit d'une exagération des deux côtés.".

6 Est-ce que c'est exact?

7 Réponse: Maître Ackerman, je vais vous dire quelque chose. Je pense que,

8 même dans l'imagination la plus florissante des gens décents, comme vous

9 et moi, je n'aurais pu imaginer des choses semblables à celles qui se sont

10 produites dans ces camps dans cette guerre et de tous les côtés. Et je

11 pense que c'est une réaction de personne ordinaire qui vient d'une société

12 civilisée que de croire qu'il s'agit d'exagérations, car aucun être humain

13 ne peut se réduire à de telles bassesses.

14 C'est donc tout à fait naturel de dire que ces histoires qu'on entend, des

15 choses qui se passent à Omarska, à Keraterm et ailleurs, sont sûrement des

16 exagérations. Je ne dis pas que chaque histoire, chaque chose que nous

17 avons entendue était exacte. Il a dû y avoir des exagérations, mais il y a

18 beaucoup de choses qui sont vraies et nous les considérons comme étant des

19 exagérations parce qu'elles vont au-delà de notre imagination.

20 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, je pense que nous nous rapprochons.

21 Moi, je suis ici depuis 1997 et quand je regarde ces affaires, toutes ces

22 affaires, il est vrai qu'il y a eu beaucoup de choses révoltantes qu'on a

23 entendues au cours de ces procès. Mais vous avez tout de même fait cette

24 observation correcte à l'époque où vous étiez -et c'était dans une

25 situation de guerre- et là, vous avez dit qu'il y avait des exagérations.

Page 12406

1 Est-ce que vous pouvez donc nous dire si c'était exact?

2 Lord Ashdown (interprétation): Il s'agit d'une question qui est tout à

3 fait juste.

4 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, Lord Ashdown, mais je ne suis

5 pas certaine de cela.

6 M. le Président (interprétation): Passez à une autre question, s'il vous

7 plaît.

8 Mme Korner (interprétation): Oui parce que, là, il y avait plutôt un

9 discours.

10 Lord Ashdown (interprétation): Ce que j'essaie de dire, c'est que, dans ce

11 prétoire, j'essaie d'utiliser une langue objective et c'est la même que

12 j'ai utilisée quand je rédigeais mon journal intime à l'époque. Il

13 s'agissait donc d'observations objectives, et je pense que chaque personne

14 lisant ce journal pourrait voir que j'ai essayé d'être objectif et pas

15 d'exagérer.

16 M. le Président (interprétation): Très bien. Passez à votre question

17 suivante.

18 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que vous considérez que les gens, les

19 hommes, à partir du moment où ils disent que quelque chose peut être une

20 exagération ou quelque chose qui n'est pas vrai, eh bien, qu'ils ont du

21 mal à justifier cela?

22 Lord Ashdown (interprétation): Oui, c'est probablement une erreur humaine,

23 mais moi, je me souviens très bien -et vous sans doute aussi, Maître

24 Ackerman- que les premières histoires d'Auschwitz et de Bergen-Belsen

25 étaient considérées comme des exagérations.

Page 12407

1 Question: Je vais revenir à la lettre que vous avez écrite au Premier

2 ministre. Donc vous parlez de vos interlocuteurs, des gens à qui vous avez

3 parlé, et vous parlez donc des privations, des extrémistes serbes qui

4 viennent la nuit. Et à la page 3, vous dites: "Ils se trouvent aussi sous

5 la pression des extrémistes musulmans qui essaient de les recruter pour

6 participer aux combats". J'imagine que ce sont eux qui vous ont dit cela?

7 Réponse: Oui, en effet.

8 Question: Et enfin, vous dites ceci au Premier ministre -je cite: "Vous

9 pouvez aussi empêcher les gens de tomber entre les griffes des extrémistes

10 d'un côté qui les terrorisent et qui essayent de les radicaliser, de les

11 recruter parmi leurs rangs. Les Musulmans de Bosnie ne sont pas des

12 extrémistes religieux et il s'agit d'un processus de radicalisation très

13 rapide. Si nous n'agissons pas, eh bien, nous allons créer une Palestine

14 dans le cadre de l'Europe. C'est ce qui nous attend dans le futur.". (Fin

15 de citation.)

16 Donc ceci faisait partie de vos efforts pour que le Premier ministre

17 agisse en coopération et de concert avec les pays intéressés pour créer

18 une zone sûre pour ces gens qui devaient être protégés, pas seulement des

19 Serbes mais aussi de leur propre peuple?

20 Réponse: Oui, c'est exact. Si vous essayez d'obtenir que je vous dise

21 qu'il y avait des extrémistes des deux côtés, eh bien, je suis tout à fait

22 prêt à le confirmer.

23 En revanche, vous essayez aussi d'obtenir que je confirme et que ceci

24 aurait été mieux d'avoir des zones sûres sans aucun combattant, eh bien,

25 je suis prêt à le dire aussi.

Page 12408

1 Si vous souhaitez obtenir que je dise que j'ai vu une espèce de balance

2 entre les dangers qu'ils couraient auprès de leur propre peuple, c'est-à-

3 dire les extrémistes qui existaient et les Serbes, eh bien, je le rejette,

4 car ils étaient entre les mains des Serbes qui les ont torturés de façon

5 terrible dans les camp et bien avant Manjaca, bien avant d'arriver à

6 Manjaca. C'est ce que je pense en tout cas.

7 Question: Bien. Dans la lettre que vous adressez à la Croix-Rouge

8 internationale comme dans celle que vous avez adressée au Dr Karadzic,

9 vous demandez qu'il y ait un échange de prisonniers très rapide, n'est-ce

10 pas?

11 Réponse: Oui.

12 Question: A la page 3, vous dites: "Le Dr Karadzic me dit que les

13 autorités musulmanes refusent les échanges de prisonniers et dans certains

14 endroits elles demandent des fusils, elles demandent des munitions ainsi

15 que des sacs de farine de la part des autorités serbes pour chaque

16 prisonnier échangé." (Fin de citation.)

17 Est-ce que vous avez jamais pu vérifier cela?

18 Réponse: Non, c'était le Dr Karadzic qui l'a dit et j'ai dit que c'est lui

19 qui l'avait dit. J'attire votre attention là-dessus et vous allez voir

20 que, dans la phrase suivante, je lui demande si ceci était exact. Et je

21 n'ai pas reçu de réponse.

22 Question: C'était justement ma prochaine question. Est-ce que vous avez

23 reçu une réponse, une réponse écrite?

24 Réponse: Oui, j'ai reçu en effet une réponse de la part de John Major,

25 mais je ne l'ai pas ici. Et si mes souvenirs sont bons, eh bien, c'était

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1 une réponse m'indiquant qu'un ministre du gouvernement envoie un membre,

2 qu'il peut envoyer un membre de l'opposition, en demandant que les membres

3 de l'opposition n'ont pas fourni suffisamment de preuves. Mais en ce qui

4 concerne le Dr Karadzic et le général Nambiar, non, je ne pense pas.

5 Question: A part votre journal et vos lettres concernant les documents que

6 nous avons reçus, nous avons reçu un certain nombre d'articles, d'articles

7 de journaux. Est-ce que vous savez de quoi je parle?

8 Réponse: Je me souviens d'un article que j'ai écrit après cela. En

9 réalité, il y a un autre journal, j'ai tout simplement publié une lettre,

10 une lettre que j'ai écrite à M. Major. Il s'agissait de "Guardian", si mes

11 souvenirs sont bons, mais je ne me souviens pas de tous ces autres

12 articles que j'ai écrits à l'époque.

13 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, ce n'est pas quelque chose que vous

14 avez écrit, mais on vous cite là-dedans et je vais demander à l'huissier

15 de la placer sur le rétroprojecteur.

16 M. le Président (interprétation): Quel est le numéro ERN, Maître Ackerman?

17 M. Ackerman (interprétation): 02195582.

18 (Intervention de l'huissier.)

19 Pourriez-vous regarder cet article et me dire si vous reconnaissez cet

20 article. Il est écrit -je cite-: "Je crois qu'on respecte les Conventions

21 de Genève.". Vous vous adressez à un certain Brad Ley (phon)? Vous

22 continuez ensuite: "Ils font absolument tout ce qui est dans leur

23 capacité.". (Fin de citation.)

24 Est-ce que vous savez d'où cela vient? Vous parlez d'un certain Brad Ley

25 (phon), vous écrivez à un certain Brad Ley (phon)?

Page 12410

1 Réponse: Oui, j'imagine, mais vous savez, Maître Ackerman, cela s'est

2 passé il y a très longtemps et, même à l'époque, il y avait des choses qui

3 n'étaient pas exactes, qui étaient citées dans les journaux. Dix ans après

4 c'est très difficile d'en juger, mais ceci ne ressemble pas à une phrase

5 que j'aurais prononcée au sujet de la situation et je pense que qui que ce

6 soit qui connaissait la situation aurait dit cela à l'époque. Mais ceci

7 ressemble à une interview que j'ai en effet donnée à la télévision de

8 Banja Luka, on a déjà fait un commentaire à ce sujet, mais je ne peux pas

9 vous en dire plus.

10 M. Ackerman (interprétation): Mais en haut, vous voyez bien que ces titres

11 étaient publiés dans United Press, c'est un journal international?

12 Lord Ashdown (interprétation): Oui, mais si je ne connais pas la

13 provenance, je ne peux pas vous aider. Je pensais que cela venait de

14 l'interview de la télévision de Banja Luka et ceci pourrait être justifié

15 par cette différence de propos due à la traduction.

16 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, est-ce que vous

17 souhaitez verser ces documents au dossier car, apparemment, ceci ne fait

18 pas partie des pièces jointes n°8 et va au-delà de cette pièce. Si vous

19 considérez que ceci est important, eh bien, il faut lui accorder une cote?

20 M. Ackerman (interprétation): Je n'ai pas l'intention de le faire.

21 M. le Président (interprétation): Oui, en effet, ceci n'est pas très

22 important.

23 M. Ackerman (interprétation): Au cours de votre carrière, vous avez fait

24 beaucoup d'interviews et on vous a beaucoup cité et même à tort aussi.

25 Lord Ashdown (interprétation): Oui.

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1 Question: Et je pense que ceci ne vous surprend pas que l'on cite

2 quelqu'un à tort, n'est-ce pas, et même par les journalistes qui sont

3 considérés comme des journalistes sérieux?

4 Réponse: Vous savez, le travail de journalistes est très difficile.

5 Parfois, ils travaillent dans l'urgence, dans des conditions difficiles,

6 et surtout quand il s'agit de correspondants de guerre. Donc évidemment,

7 personne ne pourrait dire que tout ce qui est écrit est parfait et

8 parfaitement juste. Surtout que tout est parfaitement juste.

9 Question: Donc parfois, ils ont certainement cité quelqu'un a tort ou

10 attribué des propos à quelqu'un à tort?

11 Réponse: Oui, sans doute ceci est arrivé souvent.

12 Question: Je vais vous poser une autre question. Est-ce que, puisque vous

13 avez été souvent en Bosnie et vous y êtes allé assez fréquemment

14 récemment, est-ce que vous pensez que ces erreurs de citation sont plus

15 fréquentes quand il y a la traduction qui est nécessaire?

16 Réponse: Eh bien, je pense que cela arrive plus souvent quand on enlève

17 les choses de leur contexte et je pense qu'il y a aussi des erreurs que

18 l'on fait exprès. Mais évidemment, la traduction rend les choses plus

19 difficiles, car cela multiplie la possibilité de mauvaise compréhension,

20 de mauvaise utilisation de termes, sans qu'il y ait une intention de

21 nuire. Les deux langues ne correspondent pas toujours parfaitement.

22 Question: Très bien. Je vais essayer de trouver cela, il s'agit de la page

23 02195568.

24 (Intervention de l'huissier.)

25 Il s'agit d'un autre article. Il s'agit du service d'information

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1 étrangère, un rapport quotidien. Il s'agit des interviews, des citations,

2 on vous cite. Vous parlez de votre visite en Bosnie et au camp. Il est dit

3 que vous avez dit que: "Les Musulmans se sont en réalité réfugiés dans les

4 camps pour être protégés des extrémistes locaux.". Si je lis bien?

5 Réponse: Oui, en effet c'est cela.

6 Question: Et ensuite dans l'article, on dit: "La délégation britannique ne

7 s'est pas aventurée à visiter Gorazde parce que les forces de protection

8 des Nations Unies ne pouvaient pas garantir leur sécurité. Gorazde est une

9 ville au sud-est de Bosnie tenue par les Musulmans. Donc la situation que

10 vous trouvez en Bosnie au mois d'août est comme suit: vous avez pu

11 effectuer des visites à Manjaca et Trnopolje et dans la Republika Sprska,

12 et c'était assez sûr, et ces endroits étaient tenus par les Serbes, mais

13 en revanche, ces villes tenues par les Musulmans n'étaient pas

14 suffisamment sûres pour que vous les visitiez. Est-ce que c'est exact?

15 Réponse: Oui, mais il faut savoir pourquoi c'est comme cela. Dans toute la

16 région qui était complètement contrôlée par une des ethnicités, vous

17 pouviez effectuer des visites de façon assez sûre. Autrement dit, si je

18 devais me rendre dans une région bosnienne loin de la ligne de front ou

19 bien dans une région croate derrière la ligne de front ou serbe, eh bien,

20 les autorités qui assuraient la sécurité de cette région, pouvaient vous

21 donner suffisamment d'assurance pour que vous puissiez y aller avec le

22 moins de risque, mais pas sans risque.

23 La situation était complètement différente quand on se retrouvait sur la

24 ligne de front. Manjaca n'y était pas évidemment. Trnopolje était un camp

25 de rassemblement de réfugiés, des personnes déplacées, qui étaient à des

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1 kilomètres de la ligne de front. Eh bien, Gorazde était sur la ligne de

2 front.

3 Et ce que vous dites au sujet, Maître Ackerman, n'est pas complètement

4 exact car la ville de Gorazde était tenue par les Musulmans, c'étaient des

5 Bosniens, mais la ville était assiégée par les Serbes. Donc la ville était

6 en effet tenue par les Musulmans mais de la même façon que Sarajevo, car

7 il y a eu un siège autour de Gorazde avec beaucoup de combats, et la

8 situation était encore plus complexe qu'à Sarajevo, car Gorazde était un

9 noyau où autour il y avait des Serbes et des Musulmans qui se battaient,

10 c'était la ligne de front, et c'est pour cela que c'était un endroit bien

11 plus dangereux que Manjaca et Trnopolje.

12 Question: Ensuite, vous dites, Lord Ashdown, dans ce rapport qu'il est

13 nécessaire de débloquer Gorazde pour essayer de relâcher les Serbes qui

14 sont capturés à cet endroit.

15 Lord Ashdown (interprétation): Oui, c'est exact, mais il faut tenir compte

16 de la description que je viens de vous donner. Si vous regardez cette

17 lettre, la lettre que j'ai écrite au Général Nambiar, vous avez trouvé une

18 meilleure description de cela, de cette situation. Donc moi, j'ai pensé

19 qu'il fallait débloquer le problème de Gorazde en levant le siège des

20 Serbes qui siégeaient les Musulmans, et ensuite permettant aux Serbes d'en

21 sortir, et comme ça on aurait créé une région musulmane, mais toujours

22 encerclée par des Serbes. Et de cette façon ceci pouvait devenir

23 effectivement une région plus sûre. Et c'est exactement ce qui s'est

24 passé. Et vous allez vous rappeler, Maître Ackerman, qu'il y avait aussi

25 des zones de sécurité comme Zepce, Srebrenica et Gorazde. Donc je

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1 proposais que l'on fasse quelque chose de semblable.

2 M. Ackerman (interprétation): Merci. J'en ai donc fini de cette pièce-là.

3 Je n'ai pas besoin de la verser au dossier.

4 M. le Président (interprétation): Très bien. Merci, Maître Ackerman.

5 M. Ackerman (interprétation): J'ai dit à Mme Korner que je vais l'informer

6 du progrès de mon contre-interrogatoire. Je pense que j'ai besoin d'encore

7 une vingtaine de minutes, c'est-à-dire une quinzaine de minutes après la

8 pause.

9 Mme Korner (interprétation): Donc je pense qu'il n'est pas besoin de

10 commencer à entendre le prochain témoin avant vendredi.

11 M. le Président (interprétation): Eh bien, cela dépend de vous, Madame

12 Korner?

13 Mme Korner (interprétation): Eh bien, j'aurais besoin de vous expliquer

14 cela plus en profondeur.

15 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que vous préférez, Maître

16 Ackerman? Est-ce que vous préférez que l'on s'arrête maintenant et que

17 nous prenions une pause d'une vingtaine de minutes, et qu'après la pause

18 nous continuons à travailler encore avec 10 minutes de plus? Et avec

19 l'autorisation des interprètes peut-être que nous pourrions finir plus

20 tôt?

21 Interprète: Nous indiquons que nous préférons prendre notre pause

22 maintenant.

23 M. le Président (interprétation): Eh bien, je vous propose de prendre une

24 pause un petit peu plus brève, à savoir 20 minutes et non pas 25 minutes

25 après ce que viennent de dire les interprètes. Merci.

Page 12415

1 (L'audience, suspendue à 12 heures 33, est reprise à 12 heures 47.)

2 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, c'est à vous.

3 M. Ackerman (interprétation): Pourrait-on passer à huis clos partiel pour

4 quelques instants seulement?

5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience? Nous

6 sommes à huis clos partiel.

7 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 48.)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

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19 (expurgé)

20 (Audience publique à 12 heures 49.)

21 M. Ackerman (interprétation): Merci. Revenons à votre journal, lundi 10

22 août, votre séjour à Pale.

23 M. le Président (interprétation): La page?

24 M. Ackerman (interprétation): Page 11.

25 M. le Président (interprétation): Bien. Page qui se termine par les

Page 12416

1 numéros 5554.

2 M. Ackerman (interprétation): Pale était, à l'époque, le siège du

3 gouvernement de la Republika Srpska, du gouvernement de la Republika

4 Srpska, n'est-ce pas?

5 Lord Ashdown (interprétation): Oui.

6 Question: C'était également le siège du parti SDS?

7 Réponse: Je ne sais pas si c'était le quartier général du parti du SDS,

8 mais en tout cas je peux vous confirmer qu'il s'agissait du quartier

9 général de Karadzic.

10 Question: Bien. Au premier paragraphe de ce rapport, vous dites la chose

11 suivante au sujet de Pale: "Pale est une ville où apparemment…"

12 Réponse: Je m'excuse, mais où sommes-nous?

13 Question: Premier paragraphe.

14 Réponse: Premier paragraphe sous le titre "Lundi 10 août"?

15 Question: Oui. Oui, en effet et c'est au milieu de ce paragraphe qu'on

16 peut lire la chose suivante -je cite: "Pale est une ville où apparemment

17 les Musulmans sont encore autorisés à résider, mais rien n'indique qu'ils

18 aient été soumis à des bombardements quels qu'ils soient ou au type de

19 pénuries auxquelles Sarajevo est soumise.".

20 Est-ce bien exact?

21 Réponse: Oui, mais ici vous ne traitez pas la chose dans son contexte.

22 Quand j'ai dit que Pale était une ville où apparemment les Musulmans

23 pouvaient encore résider, en tout cas, moi, je peux vous dire que je n'ai

24 pas vu de Musulmans sur place. Et pour revenir à ce que j'ai dit à M.

25 Karadzic dans mes conversations, je peux vous dire de toutes les personnes

Page 12417

1 que j'ai rencontrées dans ma vie, je pense que c'est l'homme qui est le

2 plus à même de mentir. C'est un menteur hors pair, sans doute un des

3 meilleurs menteurs que j'ai jamais rencontrés. Ce que je dis au début au

4 sujet de Pale c'est que je parle des gens de Pale qui n'ont été soumis à

5 aucune pénurie, à aucun pilonnage. Donc ces deux phrases n'ont rien à voir

6 l'une avec l'autre.

7 Question: Vous n'avez rien vu de ce type vous-même? Vous n'avez pas vu de

8 maisons incendiées, etc.?

9 Réponse: Je ne me souviens pas avoir vu de dégâts semblables à Pale à ceux

10 que j'avais vus ailleurs. Mais je me souviens non plus que je n'ai pas vu

11 de Musulman là-bas, même si on m'a dit qu'il y avait des Musulmans qui

12 habitaient à Pale.

13 Question: Ce matin, vous avez évoqué la façon dont vous aviez… Donc pour

14 vous se présentaient les forces serbes, leur excellente organisation, les

15 uniformes, etc., et vous avez évoqué les années où vous avez servi au sein

16 des Royal Marines, vous avez parlé de votre expérience militaire qui vous

17 permet de juger de l'efficacité de forces armées quelles qu'elles soient

18 en les observant simplement?

19 Réponse: C'est exact.

20 Question: Est-ce qu'il ne vous est jamais arrivé de déclarer la chose

21 suivante au sujet des forces serbes, en parlant de votre gouvernement -je

22 cite: "L'erreur de jugement considérable que fait le gouvernement, c'est

23 que ces gens -à savoir les forces serbes- ne sont pas des membres de

24 l'IRA, ce ne sont pas des Vietcongs. Je les ai observés, ce sont des

25 voyous de village, ce sont des gens qui ne sont pas entraînés, qui ne sont

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1 pas en bonne forme, qui ne sont pas prêts à affronter l'ennemi, qui

2 s'enfuient dès que le combat s'approche, ce sont des…, ce sont pour la

3 plupart des lâches.".

4 Vous souvenez-vous avoir déclaré cela?

5 Réponse: Je me souviens, en effet, avoir déclaré quelque chose de ce

6 genre.

7 Question: Vous souvenez-vous avoir lu un livre publié récemment qui

8 s'appelle "The unfinished hour"?

9 Réponse: Oui. J'en ai lu quelques extraits.

10 Question: L'auteur nous dit que s'agissant de la guerre en Bosnie votre

11 point de vue était peu fiable, était inconstant, et que vous étiez dans la

12 confusion la plus totale.

13 Réponse: Puis-je vous interrompre?

14 Question: Allez-y.

15 Réponse: J'aimerais que vous regardiez la dernière version de ce livre

16 écrit par M. Simms (phon). Il a modifié son livre et d'ailleurs il m'a

17 envoyé le dernier exemplaire de ce livre avec une lettre.

18 M. Ackerman (interprétation): Je n'ai sans doute pas la dernière édition.

19 Lord Ashdown (interprétation): C'est rare de la part d'un journaliste de

20 faire cela, mais vous constaterez que dans sa dernière édition le

21 journaliste, cet auteur s'excuse auprès de moi de m'avoir mal jugé. Je

22 pourrai vous donner la citation intégrale, mais je pense que vous ne

23 doutez pas de ma parole.

24 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, ralentir et

25 faire une pause entre vos questions et vos réponses.

Page 12419

1 M. Ackerman (interprétation): Vous ne me laissez pas le choix, il faut que

2 je revienne sur ce qui a été écrit dans ce livre et vous demander si ces

3 propos ont par la suite été corrigés par l'auteur du livre?

4 Lord Ashdown (interprétation): Je peux vous dire qu'il est revenu sur tout

5 le passage qui me concerne dans cet ouvrage. Je pourrais même demander à

6 ce qu'on obtienne la dernière version de ce livre, ainsi que la lettre

7 qu'il m'a envoyée, une lettre où il s'excuse platement. Et vous

8 modifieriez ainsi complètement l'opinion que vous aviez formée sur la base

9 de ce livre.

10 M. le Président (interprétation): Je pense que Mme Korner pourrait s'en

11 occuper, ce serait fort utile pour permettre de soutenir ce qui vient

12 d'être dit par Lord Ashdown. Il est important que nous disposions de tous

13 les détails relatifs à ce qui vient d'être dit. Peut-être n'est-il pas

14 utile de verser au dossier l'intégralité de l'ouvrage.

15 Lord Ashdown (interprétation): La préface suffira.

16 Mme Korner (interprétation): Si Me Ackerman continue dans ce sens, nous

17 pourrons faire les recherches suivantes.

18 M. le Président (interprétation): C'est à Me Ackerman de décider.

19 Mme Korner (interprétation): Je n'ai toujours pas compris quelle est

20 l'opinion de l'auteur au sujet de Lord Ashdown. En tout cas, je n'ai pas

21 compris la pertinence que ça peut avoir pour nous.

22 M. le Président (interprétation): Si, cela peut avoir une importance, une

23 pertinence, mais pour l'instant, étant donné que l'intervention de Lord

24 Ashdown tout à fait justifiée a interrompu le flux des questions de Me

25 Ackerman, celui-ci pourrait peut-être passer à autre chose. Je ne sais pas

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1 ce qu'il a l'intention de faire.

2 M. Ackerman (interprétation): Moi non plus je n'en sais rien, Monsieur le

3 Président.

4 M. le Président (interprétation): Excusez-moi. Oui, peut-être pourriez-

5 vous passer à autre chose? Je ne sais pas ce qu'il conviendrait de faire

6 maintenant.

7 M. Ackerman (interprétation): Le problème avec ce que vous venez de me

8 dire, c'est que souvent il vous évoque dans ce livre, ce journaliste, et

9 il évoque un certain nombre de documents publiés qu'il cite. J'imagine

10 qu'il ne va pas revenir sur ce qui est contenu dans ces documents publiés.

11 Lord Ashdown (interprétation): Effectivement, Monsieur le Président, c'est

12 sur ces conclusions que l'auteur est revenu.

13 Question: Par exemple, la citation que nous avions évoquée, que j'ai

14 donnée: "L'erreur de jugement du gouvernement c'est qu'il ne s'agit pas

15 ici de membres de l'IRA, de Vietcongs, ce sont des bandits, des voyous qui

16 ne sont pas bien formés, qui s'enfuient dès qu'on riposte. Ce sont pour la

17 plupart des lâches.".

18 Cette citation est attribuée à Anthony Bevens (phon), quelqu'un qui est

19 connu. Article intitulé "Toute intervention britannique en Bosnie est

20 exclue". Article du 4 décembre 1992.

21 La question que j'ai à vous poser c'est de savoir si vous avez fait cette

22 déclaration.

23 Réponse: Anthony Bevens (phon) est un journaliste de renom, s'il l'a

24 déclaré, c'est que j'ai fait cette déclaration à son endroit, je ne le nie

25 pas. Mais je voudrais simplement vous dire ceci, Maître Ackerman: l'armée

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1 serbe était une armée qui émanait grandement de la JNA et les gens que

2 j'ai vus en Bosnie et que j'ai décrits dans mon journal étaient aussi des

3 troupes irrégulières; les plus connues sont les gens de Cheshire. Et de

4 nombreux professionnels de l'armée yougoslave estimaient que leur manière

5 de procéder était inacceptable.

6 C'était conforme à ma description de ces éléments. Si bien que moi, ce

7 dont je parle dans cette citation ce sont les troupes irrégulières serbes

8 que je n'ai pas vues lors de cette visite, mais de visites ultérieures.

9 Question: Autre passage du livre sur lequel je souhaiterais attirer votre

10 attention, ça se trouve en page 296, on fait référence ici une fois encore

11 à une de vos prises de position, on vous cite -je cite-: "Il s'agit d'une

12 guerre entre des minorités. Tous les Croates, les Serbes, les Musulmans,

13 les Orthodoxes, les Catholiques sont des minorités nationales en Bosnie-

14 Herzégovine, ce qui peut permettre de comprendre pourquoi ils exercent le

15 pouvoir que leur confère une majorité régionale de façon aussi

16 implacable.". (Fin de citation.)

17 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette déclaration?

18 Réponse: Si cela a été cité avec des guillemets, je ne vois aucune raison

19 de dire le contraire.

20 Question: D'après ce que j'ai ici, il s'agit d'un article qui a été publié

21 dans "The Independent".

22 Question: A quelle date?

23 Réponse: 13 août 1992.

24 Question: Donc après votre retour?

25 Réponse: Oui, cela correspond d'ailleurs à ce que j'ai dit dans ma lettre

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1 à M. Major.

2 Question: Citation suivante, même page, même paragraphe et je vais vous

3 dire d'où vient cette citation-là, qui vient d'UNSAD?

4 Réponse: C'est l'organisme qui est chargé de rapporter les propos des

5 parlementaires et avec une exactitude célèbre et reconnue de tous.

6 Question: Bien. Il déclare en avril 1993 que vous avez affirmé de manière

7 très surprenante que même si les Serbes étaient les principaux coupables

8 de ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine, les agressions avaient été le

9 fait au départ aussi bien des Musulmans que des Serbes.

10 Lord Ashdown (interprétation): Maître Ackerman, je n'ai jamais accusé une

11 partie ou l'autre d'avoir le monopole des exactions. J'ai toujours dit

12 qu'il y avait eu des actes atroces commis des deux côtés, mais en tout

13 cas, je suis catégorique à ce sujet, ce sont les Serbes qui ont commis les

14 agressions les plus graves, même si les unités musulmanes également

15 étaient capables de se comporter de manière tout à fait illégitime et

16 inappropriée. D'ailleurs, certains d'entre eux sont jugés dans ce même

17 Tribunal.

18 Moi, je ne peux vous parler que de ce que j'ai vu à Manjaca au moment où

19 je m'y trouvais et vous dire ce que j'ai vu de manière tout à fait

20 véridique.

21 M. le Président (interprétation): On vous demande de ralentir.

22 Lord Ashdown (interprétation): Je m'excuse.

23 M. Ackerman (interprétation): Vous avez parlé avec Mme Korner de votre

24 déplacement de Pale à Banja Luka en passant par Brcko. Je voudrais vous

25 poser des questions à ce sujet.

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1 Donc ce trajet vous a mené de Pale à Banja Luka en passant par le corridor

2 de la Posavina. Vous avez vu des maisons détruites, des bâtiments. Vous

3 savez qu'à cet endroit-là, dans cette région, il y avait une guerre, il y

4 avait des combats très violents?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Et les dégâts que vous avez pu constater résultaient de tirs

7 d'artillerie qui venaient de l'autre côté de la frontière croate?

8 Réponse: C'est possible. Cependant, je voudrais ajouter -puisque vous m'y

9 incitez- que, bien entendu, sur les lignes de front, il y a toujours des

10 dégâts, mais cela ne s'applique pas à l'arrière, aux zones de l'arrière,

11 comme par exemple à Kozarac, non plus qu'à Omarska, Keraterm ou Manjaca.

12 Jamais il n'y a eu de lignes de front dans ces zones. C'était uniquement

13 la population civile qui résidait dans ces régions-là.

14 Question: Je voudrais maintenant vous renvoyer de nouveau à la pièce à

15 conviction P405.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Vous avez déjà vu ce document ce matin. Il s'agit apparemment d'un ordre

18 venant du commandement du 1er Corps de la Krajina, au sujet donc du 3 août

19 1992. On parle d'une visite du comité international dans les camps de

20 détention de Manjaca, Omarska, Prijedor et Trnopolje.

21 Au deuxième paragraphe, on peut lire, nous en avons déjà parlé ce matin,

22 mais revenons-y -je cite-: "A ce sujet, toutes les mesures doivent être

23 prises pour que les conditions de détention dans ces camps soient

24 satisfaisantes: ordre, conditions sanitaires, etc.".

25 J'ai plusieurs questions à vous poser au sujet de ce passage. En premier

Page 12424

1 lieu, ceci indique, n'est-ce pas, que chacun de ces camps se trouvait sous

2 le commandement de l'armée, n'est-ce pas?

3 Réponse: Oui, et cela montre également que l'ordre et la propreté, les

4 conditions sanitaires n'étaient pas appropriés avant que cet ordre ne soit

5 donné.

6 Question: Deuxièmement, quand vous étiez à Manjaca, j'imagine que personne

7 ne vous avait dit qu'il y avait eu une grande opération de nettoyage, de

8 réparation, etc., dans les jours qui avaient précédé?

9 Réponse: C'est ce que j'ai compris, d'après ce que m'ont dit les

10 prisonniers quand ils m'ont dit qu'au cours de la période précédente, les

11 conditions s'étaient grandement améliorées. Et moi, j'espérais que cette

12 amélioration allait se poursuivre.

13 Question: De plus et en troisième lieu, je ne sais pas si vous avez eu le

14 même type d'expérience dans l'armée que moi –j'ai l'impression que oui-,

15 mais en tout cas dans l'armée américaine, on avait ce qu'on appelait des

16 inspections faites par l'inspectorat général. Et avant ces inspections, on

17 donnait des ordres semblables à celui que nous avons sous les yeux et tout

18 le monde se mettait frénétiquement au travail pour nettoyer toutes les

19 installations et se livrer à toutes sortes d'activités avant que

20 l'inspection générale ne vienne inspecter les lieux.

21 Réponse: Cela n'a rien à voir avec ce type d'inspection. Ceci est lié à la

22 venue de la Croix-Rouge internationale.

23 Question: Mais cela était dû au fait que l'on allait venir visiter le camp

24 et qu'on voulait que le camp soit dans une situation idoine.

25 Réponse: Oui, c'est une conclusion possible, mais il faut se souvenir de

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1 ceux qui allaient visiter le camp. Ce n'étaient pas les autorités serbes

2 habituelles. C'était la communauté internationale qui venait au camp.

3 Votre supposition selon laquelle il s'agirait de ce qu'il se passait

4 généralement dès que les autorités serbes venaient dans le camp, ce n'est

5 pas une opinion que je partage. Moi, j'ai l'impression qu'ici, il s'agit

6 d'une opération de nettoyage avant l'arrivée, une arrivée exceptionnelle

7 de représentants de la Croix-Rouge internationale.

8 Question: Cependant, est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec moi pour

9 dire que, s'il devait y avoir une visite officielle venant du général en

10 chef, on pouvait s'attendre à ce qu'on se réunisse, se livre à ce même

11 type d'opération de nettoyage?

12 Réponse: Vous semblez partir du principe que jamais le général en chef ou

13 le commandant supérieur n'était venu sur les lieux?

14 Question: En effet. Oui. On nous admoneste d'importance car nous allons

15 beaucoup trop vite et nous parlons l'un en même temps que l'autre.

16 Bien. Alors question suivante. Vous ignorez quand les personnes que vous

17 avez rencontrées à Pale, les autorités -Karadzic et ses associés-, vous

18 ignorez quand ils ont pris connaissance des conditions de détention

19 réelles à Manjaca, à Trnopolje, etc.?

20 Réponse: Je ne le sais pas; je ne peux que le supposer, si cela peut avoir

21 un intérêt quelconque pour la Chambre.

22 Question: Je préférerais que vous vous en absteniez.

23 Réponse: Mais j'imagine que c'est une question qui est devenue une

24 question politique brûlante lorsqu'elle a été révélée par la presse

25 internationale. Cela ne signifie pas qu'ils n'étaient pas au courant

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1 avant.

2 Question: Mais on peut dire le contraire aussi, n'est-ce pas?

3 Réponse: Si, avec des si, on peut faire beaucoup de chose.

4 Question: Et il en va de même des autorités de Banja Luka, n'est-ce pas? A

5 l'exception des autorités militaires qui étaient peut-être chargées du

6 fonctionnement de ces camps?

7 Réponse: Oui, c'est possible en effet, mais tout ce que je sais des

8 Balkans, de cette guerre, me fait penser qu'il est fort peu probable que

9 les autorités n'aient pas eu connaissance de ce qui se passait dans ces

10 camps.

11 Question: Maintenant j'aimerais vous renvoyer à la photographie P1128-24.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Ce matin déjà vous avez regardé cette photographie et je n'arrive pas à

14 déterminer exactement qui vous avez reconnu ou pas. A gauche, il y a un

15 homme moustachu et à droite un autre homme. Et vous nous avez dit que l'un

16 d'entre eux était un militaire, duquel parlez-vous?

17 Réponse: De celui qui est à gauche, mais si je me souviens bien -rappelez-

18 vous tout ceci s'est passé il y a 10 ans-, il ne convient donc pas

19 d'accorder trop d'importance à cette affirmation -je parle ici aux Juges-,

20 mais il me semble que c'est un des militaires que j'ai rencontré à Manjaca

21 l'après-midi de ma visite au camp.

22 Celui de droite, si je me souviens bien, c'est un des deux hommes dont je

23 pense que je parle dans mon journal, que j'ai rencontré à Prijedor. Mais

24 je ne suis pas trop sûr.

25 Question: Reconnaissez-vous l'insigne qui figure sur l'épaule de l'homme

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1 de gauche, du moustachu?

2 Réponse: Non, mais vu les deux galons, je ne sais pas, je ne connais pas

3 les insignes de la JNA.

4 Question: Est-ce que vous savez qu'il s'agit d'un écusson de l'armée

5 américaine?

6 Réponse: Si c'est l'armée américaine, à ce moment-là il serait lieutenant.

7 Question: Il s'agit d'un écusson américain?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Donc à ce moment-là, il s'agit d'un homme, d'un engagé, un

10 "spécialiste".

11 Réponse: S'agissant de l'armée américaine, Maître Ackerman, je m'incline

12 devant votre expertise. Je pense que vous vous y connaissez bien mieux que

13 moi.

14 Question: Bien. Merci. J'en ai terminé de cette photographie.

15 Dans le cadre de votre déposition, vous nous avez dit que vous aviez vu en

16 allant à Trnopolje des gens qui marchaient vers Trnopolje et que,

17 manifestement, on leur avait dit de se rendre à cet endroit.

18 Est-ce que vous voulez dire que, d'après la manière dont ils marchaient,

19 vous en avez déduit qu'on leur avait donné l'ordre de se rendre à

20 Trnopolje?

21 Réponse: Non pas du tout, mais je pense que c'était une supposition tout à

22 fait légitime, étant donné qu'ils n'étaient pas escortés par l'armée ou

23 par la police et étant donné qu'ils se dirigeaient vers cet endroit qui

24 était un véritable enfer.

25 Question: Est-ce que vous savez que ces gens s'y rendaient de manière

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1 volontaire en espérant trouver un convoi pour sortir de la région?

2 Réponse: Je pense qu'il est tout à fait probable qu'après avoir été

3 brutalisés, violés, après avoir essuyé des tirs, après avoir vu leur

4 maison incendiée, il est tout à fait possible qu'ils aient accepté les

5 instructions qui leur ont été données de quitter la zone. Surtout si on

6 leur a dit qu'ils pourraient prendre un convoi pour quitter cette région,

7 mais je pense que si j'avais été à leur place, j'aurais fait la même

8 chose.

9 Question: Vous reconnaissez qu'aussi mauvaise qu'aient été les conditions

10 à Trnopolje, elles étaient plus sûres qu'à l'extérieur de Trnopolje?

11 Réponse: Non, je ne suis pas d'accord.

12 Question: Dans les endroits qui se trouvaient aux alentours de Trnopolje?

13 Réponse: Non pas du tout. Si votre maison a été incendiée, si votre mari a

14 été tué, si on vous dit d'aller à un endroit et si vous y rentrez de

15 manière volontaire, que dire: est-ce que vraiment les gens s'y sont rendus

16 de manière volontaire?

17 C'est très dommage, mais souvent les gens croyaient qu'ils allaient dans

18 un endroit où ils seraient en sécurité, mais cela se révélait complètement

19 erroné.

20 Je vous rappelle, Maître Ackerman, que les gens que j'ai vus à Trnopolje

21 ce jour-là, ce sont eux qu'on a ensuite jetés au bas de la falaise au

22 niveau de Vlasic, deux ou trois jours plus tard, et leurs visages me

23 hanteront toute ma vie. Je n'ai aucun doute, s'agissant du fait que les

24 gens qu'on a chassés de leur maison et à qui on a dit d'aller à Trnopolje,

25 se sont rendus où on leur a dit d'aller parce qu'ils pensaient que la

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1 situation serait meilleure, serait différente.

2 Question: Vous savez, n'est-ce pas, que des milliers de personnes ont été

3 transportées de Trnopolje dans des endroits plus sûrs?

4 Réponse: Cela ne me surprend pas. Dans un film réalisé par ITN ce jour-là,

5 on a vu que les autorités ont répondu à la pression internationale et ont

6 finalement mis les gens en sécurité. Mais moi, je regrette profondément

7 -et cela me torture-, je regrette que ceux que je n'ai pas vus n'aient pas

8 bénéficié du même sort et souvent je me suis demandé ce qui se serait

9 passé si au lieu de retourner à Belgrade, j'étais resté au camp et j'avais

10 essayé de faire quelque chose.

11 Question: Mais même avant la venue des journalistes sur place, même avant

12 votre venue sur place, ne saviez-vous pas déjà que des milliers de

13 personnes avaient été transportées ailleurs et avaient été transférées à

14 Travnik, ainsi que dans d'autres lieux en Croatie?

15 Réponse: Je l'ignore. S'il y a des éléments à l'appui de cette

16 affirmation, je les accepterai, mais de dire qu'il y en aurait eu des

17 milliers, cela me surprendrait quand même.

18 Question: Quel qu'ait été le nombre de personnes transportées à

19 l'extérieur de cette région, il n'en reste pas moins que beaucoup d'entre

20 eux, peut-être plus, en tout cas beaucoup d'entre eux ont été tués. Il

21 s'agissait de civils, il s'agissait de femmes, d'enfants, de personnes

22 âgées, d'infirmes et lorsque je l'ai vu, ils vivaient dans des conditions

23 indescriptibles, inimaginables et impossibles à exagérer.

24 Question: Souvent, dans vos lettres, dans votre journal, vous parlez des

25 Serbes, de ces Serbes qui s'efforçaient de protéger les détenus de

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1 Trnopolje des extrémistes qui circulaient dans la région. C'est pourquoi

2 je vous pose la question: est-ce qu'ils n'étaient pas mieux finalement au

3 camp que dans la région où circulaient ces extrémistes?

4 Réponse: Je pense que si on avait demandé à tous ceux qui se trouvaient au

5 camp s'ils auraient préféré être ailleurs, ils auraient répondu de manière

6 positive.

7 Ecoutez, je vais vous dire une chose, moi, j'admire énormément le peuple

8 serbe, c'est un peuple qui est honorable, qui est courageux. Les Serbes

9 ont souffert autant que nous, les Serbes souffrent tout comme nous. Il y a

10 des psychopathes chez eux tout comme chez nous, des meurtriers chez eux

11 tout comme chez nous, mais ils sont capables de se défendre de ces gens,

12 comme nous. En tout cas, c'est vrai, les personnes qui ont agi pour

13 protéger les détenus ont été très courageuses.

14 Question: Vous dites que c'était un camp ouvert. Est-ce qu'on pouvait y

15 entrer, y sortir comme on le souhaitait?

16 Réponse: J'en parle dans mon journal, mais dire, si on était sorti du

17 camp, si on avait été un détenu du camp sortant du camp, on aurait été

18 ramené au camp… c'est un peu ce qui se passait dans l'archipel au goulag

19 soviétique, en Russie soviétique. Dans le goulag, il n'y avait pas de

20 clôture, mais les gens, les détenus savaient très bien que s'il quittaient

21 le goulag, ils finiraient toujours par y être ramenés.

22 Question: Mais vous savez qu'ils sortaient pendant la journée pour essayer

23 de se procurer de la nourriture dans les jardins, dans les maisons

24 abandonnées, etc.?

25 Réponse: Moi, ça ne me surprend pas puisqu'on ne leur donnait pas à manger

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1 au camp.

2 Question: Bien. Passons à un autre sujet. Quand vous avez donné cette

3 interview à la télévision de Banja Luka, le lendemain de votre retour de

4 Manjaca ou le soir, ou le soir même -peu importe-, en tout cas, j'imagine

5 que ça s'est fait par le truchement d'un interprète, est-ce qu'il

6 s'agissait du même interprète qui vous avait accompagné à Manjaca?

7 Réponse: Maître Ackerman, je ne parviens pas à m'en rappeler. Si je me

8 rappelle quelque chose, je crois que c'était en fait l'interprète ou bien

9 du "Financial Times" -dont j'ai déjà parlé- qui… Effectivement, peut-elle

10 être l'interprète qui était venue pour la télévision. Il est plus probable

11 que c'était un interprète qui était venu avec…

12 Est-ce que je répète?

13 Question: Non, je crois qu'on l'a eu. Je vais vous poser la question

14 suivante.

15 Vous ne serez peut-être d'accord avec moi: avez-vous fait comme

16 observation qu'il semblait y avait une sorte de loi culturelle, naturelle

17 dans les Balkans. Je crois que vous voyez ce que je veux dire, du point de

18 vue loi naturelle. Il semble qu'il soit légal et approprié de faire à

19 d'autres ce qui vous a été fait?

20 Réponse: Je ne pense pas qu'il y ait dans les Balkans une telle loi.

21 Question: "Œil pour œil, dent pour dent" est un proverbe bien connu,

22 résultat d'émotion humaine dans le monde entier. Mais comme nous le disons

23 dans les sociétés civilisées reconnues, c'est une émotion à laquelle on

24 essaie de résister. Laissez-moi dire que si vous voulez essayer de faire

25 cette remarque pour les Balkans comme étant un endroit où il y avait des

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1 tueries exceptionnelles et des pratiques exceptionnelles et désagréables,

2 je pense que nous, en Europe, pouvons également dire, avec quelque

3 humilité, que nous reconnaissons ce qui s'est passé au point de vue

4 vengeance et nationalisme pour nos frontières. Je ne crois pas qu'on ait

5 le droit de dire qu'il y avait quoi que ce soit d'exceptionnel dans les

6 Balkans.

7 Question: Vous avez parfaitement raison.

8 Réponse: Ce que je veux dire, Maître Ackerman, c'est que nous avons appris

9 que nous devons trouver différents critères et que la même chose

10 s'applique aux Balkans.

11 Question: Lorsque vous étiez à Manjaca, vous nous avez dit que les gens

12 qui vous intéressaient étaient ceux qui venaient juste d'arriver d'Omarska

13 et de Keraterm et que vous avez passé peu de temps à leur parler, à

14 apprendre ce qui s'était passé pendant un certain temps. Vous avez

15 observé, je crois, que ceci avait duré pendant plus longtemps, qu'ils

16 venaient juste d'arriver là et qu'ils semblaient en meilleur état?

17 Réponse: Il aurait été difficile d'être dans un état pire, si ce n'est que

18 d'être mort, que ceux qui venaient d'Omarska. Ceci ne veut pas dire que

19 d'autres étaient dans un état que vous auriez pu trouver humainement

20 acceptable.

21 Question: Finalement, deux questions. Lorsque vous vous êtes rendu en

22 Bosnie en 1992, est-ce que vous avez rencontré ou est-ce que vous avez

23 parlé avec Radoslav Brdjanin? Brdjanin.

24 Réponse: Je ne me rappelle pas le nom de tous ceux avec qui j'ai parlé ou

25 que j'ai rencontrés, Maître Ackerman, mais certainement ça ne me revient

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1 pas pour le moment.

2 Question: Est-ce que d'après vos souvenirs vous savez si vous avez ou non

3 rencontré quelqu'un qui vous aurait parlé de Radoslav Brdjanin?

4 Réponse: Non. Je ne parviens pas à me souvenir de quoi que ce soit à ce

5 sujet.

6 Question: Vous savez qu'il s'agit de la personne qui est accusée dans ce

7 procès, qui s'appelle Radoslav Brdjanin?

8 Réponse: Oui.

9 M. Ackerman (interprétation): C'est tout ce que j'ai comme question. Je

10 vous remercie.

11 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Ackerman. Y a-

12 t-il des questions supplémentaires?

13 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Lord Ashdown, par Mme

14 Korner.)

15 Mme Korner (interprétation): Juste une question qui en découle. Vous nous

16 avez dit que votre permission pour visiter ce secteur et ces camps venait

17 directement du Dr Karadzic lui-même?

18 Lord Ashdown (interprétation): Oui et c'était seulement l'usage de son nom

19 et de son autorité qui m'a permis de briser l'opposition des militaires

20 sur place de façon à pouvoir visiter le camp. Ils ont accepté l'autorité

21 de leur président.

22 Question: Et pour autant que vous sachiez, est-ce que vous avez pu vous y

23 rendre et parler à ceux qui y étaient, les politiciens qui se trouvaient

24 dans la zone dans laquelle vous vous trouviez?

25 Réponse: Non, je ne m'en souviens pas. Il se peut que c'étaient des

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1 membres des partis politiques, ceux qui se trouvaient à Banja Luka, ceux

2 qui essayaient d'entrer à Manjaca, mais je ne me rappelle pas qu'on ait pu

3 les identifier comme étant des politiciens.

4 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie.

5 (Questions de M. le Président au témoin Lord Ashdown)

6 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

7 Y a-t-il d'autres questions?

8 Juste une question: cette autorisation que vous avez obtenue du Dr

9 Karadzic lui-même, je comprends qu'elle était verbale?

10 Lord Ashdown (interprétation): Absolument.

11 Question: Comment pouviez-vous communiquer avec les autorités des

12 différents camps que vous visitiez?

13 Lord Ashdown (interprétation): Parce que j'avais des interprètes avec moi,

14 c'était remarquable parce qu'au fur et à mesure que nous passions par les

15 secteurs où il y avait eu combat autour de Brcko et qui conduisaient à

16 Brcko et par le corridor Posavina, à chaque barrage auquel nous étions

17 arrêtés, le conducteur et l'interprète disaient aux personnes qui étaient

18 au barrage que Karadzic avait donné sa permission pour que nous puissions

19 passer. Cela était suffisant pour nous permettre de passer.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Bien ceci nous conduit

21 à la fin de votre déposition, Lord Ashdown, je vous remercie au nom de mes

22 collègues et au nom du Tribunal pour avoir accepté de venir déposer dans

23 ce procès et aussi connaissant le fait que vous avez un emploi du temps

24 très chargé. Je vous remercie beaucoup. Je demande à l'huissier de bien

25 vouloir vous escorter hors du prétoire.

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1 (Le témoin, Lord Ashdown, est reconduit hors du prétoire.)

2 (Questions relatives à la procédure.)

3 Mme Korner (interprétation): Mme Gustin doit également quitter le prétoire

4 parce qu'il y a des personnes à qui elle doit parler.

5 M. le Président (interprétation): Bien. Je vous remercie. Avant que vous

6 commenciez: Halilovic.

7 Mme Korner (interprétation): Oh oui!

8 M. le Président (interprétation): Notre décision qui va être une décision

9 donnée verbalement est que, en consultant les comptes rendus enregistrés,

10 nous pensons qu'il s'agit d'une question qui devrait faire l'objet d'une

11 communication. Si vous préférez avoir des détails, nous pouvons fournir

12 des détails. Nous avons identifié dans les différents enregistrements sur

13 les différentes parties.

14 Mme Korner (interprétation): Je n'étais pas au courant que la Chambre

15 avait les enregistrements.

16 M. le Président (interprétation): Les transcriptions.

17 Mme Korner (interprétation): Vous n'avez pas eu cela non plus. Est-ce que

18 nous allons vous donner un résumé?

19 M. le Président (interprétation): Mais dans le résumé, vous vous êtes

20 référée aux enregistrements des numéros de pages et c'est ce que je fais

21 maintenant. Par conséquent, notre décision est que toute la documentation

22 à laquelle vous vous êtes référée devrait être versée au dossier.

23 Mme Korner (interprétation): Lesquelles? Je pense qu'il faudra que vous

24 nous disiez de quoi il s'agit.

25 M. le Président (interprétation): J'ai une liste de pages. Je pense que

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1 nous devrions le faire d'après ce que vous avez indiqué en ce qui concerne

2 les enregistrements commençant par l'enregistrement n°1 et puis les

3 différents enregistrements.

4 Mme Korner (interprétation): Je me demande si nous ne parlons pas de deux

5 choses différentes. Pourrais-je voir les documents, Monsieur le Président,

6 auxquels vous vous référez?

7 M. le Président (interprétation): Je l'ai dans mon bureau. Vous en avez un

8 exemplaire ici? Bien.

9 Mme Korner (interprétation): Je me demande si je pourrais vérifier, parce

10 que je suis un peu dans la confusion.

11 M. le Président (interprétation): Fondamentalement, nous parlons de

12 l'enregistrement n°1, page 17, dans lequel M. Izetbegovic aurait fait une

13 déclaration et qui est censée être cité mot à mot.

14 Puis, il y a l'enregistrement n°4, partie 1, page 9, concernant les Bérets

15 verts, ainsi que la création à Stari Grad, la création de la zone de Stari

16 Grad 1, enregistrement n°8, partie 2, page 8.

17 Une grande partie d'éléments concernant la Bosnie-Herzégovine et le fait

18 que M. Izetbegovic aurait été en charge de groupes terroristes. Je ne sais

19 pas si on peut se prononcer là dessus. Il y a ensuite l'enregistrement

20 n°25, partie 1, page 26.

21 Mme Korner (interprétation): Je pense que nous souhaiterions avoir des

22 motifs par écrit concernant les raisons pour lesquelles il faudrait qu'il

23 y ait communication de ces documents.

24 M. le Président (interprétation): Je continue: enregistrement 13

25 concernant la Ligue patriotique. Enregistrement 2, partie 1, concernant le

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1 fait d'introduire des armes en fraude, même si ceci ne semble pas se

2 référer spécifiquement à la région autonome de la Krajina. Et enfin

3 l'enregistrement n°3.

4 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, est-ce qu'on pourrait

5 s'arrêter un instant? Je voudrais avoir une décision écrite et les raisons

6 pour les communications.

7 M. le Président (interprétation): Nous en préparons une.

8 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie.

9 M. le Président (interprétation): Bien, mais soyez prête à savoir d'avance

10 quelle sera notre décision et en ce qui concerne la documentation visée à

11 l'Article 68 du Règlement qui devrait être communiqué.

12 Mme Korner (interprétation): Je comprends ce que vous dites, Monsieur le

13 Président, et je prévois les raisons que vous allez donner en ce qui

14 concerne l'Article 68.

15 M. le Président (interprétation): Vous aurez cela, cela peut prendre deux

16 ou trois jours, mais vous aurez la décision par écrit.

17 Maintenant, en ce qui concerne les problèmes concernant vos témoins.

18 Mme Korner (interprétation): Oui, nous n'avons pas de témoin pour lundi.

19 Je regrette, Monsieur le Président, je vais demander, nous n'avons pas en

20 fait eu de liste des dates pour l'an prochain. En d'autres termes, nous

21 allons siéger et nous ne savons pas quand nous allons siéger et à quelle

22 date.

23 Je souhaiterais que nous ayons le plus de renseignements possibles

24 notamment pour savoir quand il y aura des interruptions, et nous aimerions

25 savoir avec une certaine avance de façon à ce que nous puissions prévoir

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1 les choses selon qu'il y ait des changements, des nouveaux changements.

2 Je dois dire que je ne peux pas actuellement faire en sorte qu'un témoin

3 soit là lundi. Nous aurons des témoins mardi, mercredi, jeudi et vendredi.

4 Je vous donnerai les numéros, Monsieur le Président: 7.3, mardi…

5 M. le Président (interprétation): Un instant. 7.3, mardi.

6 Mme Korner (interprétation): 7.228, mercredi.

7 M. le Président (interprétation): Oui.

8 Mme Korner (interprétation): 7.134, le jeudi, et le vendredi, 7.54. C'est

9 un nouveau témoin et il doit être entendu complètement. En d'autres

10 termes, lorsque je dis un nouveau témoin, c'est quelqu'un qui n'a encore

11 jamais déposé.

12 M. le Président (interprétation): Et est-ce que vous êtes sûr qu'entre

13 mardi et jeudi vous pourrez conclure les interrogatoires de ces trois

14 témoins?

15 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président. J'allais vous le

16 dire, il est peu probable que nous ayons besoin d'une audience complète

17 pour l'une quelconque de ces dates.

18 M. le Président (interprétation): Bien. Si vous êtes sûre, cela permettra

19 de conclure avec le témoin que nous avions prévu pour aujourd'hui de sorte

20 que nous pourrons finir vendredi.

21 Mme Korner (interprétation): Oui, sinon nous serons obligés de déborder

22 sur le lundi et cela prendrait l'ensemble du lundi parce que nous n'avons

23 personne d'autre.

24 M. le Président (interprétation): A un moment donné, nous avons les

25 vacances de Noël et nous avons des témoins que l'on commencera à entendre

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1 le 13 janvier.

2 Mme Korner (interprétation): Et le témoin 7.46 sera le second témoin, il

3 est vraisemblable. Nous avons aussi le 7.179 pour le lundi parce qu'il a

4 déjà déposé dans Stakic. 7.46, bien qu'il ait déjà déposé dans Stakic, je

5 vais le faire déposer de façon intégrale parce que sa déposition dans

6 l'affaire Tadic est...

7 M. le Président (interprétation): Et vous avez l'intention de commencer

8 avec ce témoin le lundi 13?

9 Mme Korner (interprétation): Non, ce sera le mardi et nous aurons ensuite

10 le témoin 7.43.

11 M. le Président (interprétation): Combien de temps vous faudra-t-il pour

12 tous ces témoins?

13 Mme Korner (interprétation): Le 7.46?

14 M. le Président (interprétation): Y compris le contre-interrogatoire?

15 Mme Korner (interprétation): C'est très difficile de dire avec certitude,

16 mais je pense que ça sera le cas pour l'interrogatoire principal. Mais je

17 ne peux rien dire du contre-interrogatoire.

18 M. le Président (interprétation): Bien.

19 Mme Korner (interprétation): La raison pour laquelle je soulève cette

20 question -de voir un calendrier et de s'y tenir-, c'est parce que je suis

21 consciente du fait qu'au cours de la semaine en question, il y a le nouvel

22 an serbe ou orthodoxe. Je suppose que nous aurons une journée de congé

23 également.

24 M. le Président (interprétation): Non, je ne pense que ce serait

25 raisonnable maintenant. Nous ne siégerons pas le jour du Noël serbe, mais

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1 je crois qu'ensuite il faudra aller de l'avant. Je pense que c'est cela

2 qui serait raisonnable. Je suis à peu près sûr que votre client ne prendra

3 pas cela comme un affront ou comme un manque de respect à sa religion. Mon

4 intention est donc d'aller de l'avant.

5 Et puis, entre maintenant et ce moment-là, évidemment nous aurons les

6 vacances de Noël et nous pourrons discuter du calendrier de janvier, de

7 février et de mars. J'attends encore des confirmations du Bureau quant aux

8 dates pendant lesquelles chaque Chambre tiendra audience. Je vérifierai

9 également avec ma secrétaire si maintenant ce calendrier a été mis au

10 point.

11 Mme Korner (interprétation): A moins que nous ne siégions tout le temps au

12 rythme où nous allons, entre le 13 janvier et le mois d'avril, je crois, à

13 une date quelconque de l'an prochain, nous n'aurons pas fini avant Pâques.

14 Je pense vraiment que nous devrions essayer de finir pour Pâques.

15 M. le Président (interprétation): Tout ce que nous pourrons faire pour

16 avoir les témoins présents et aller de l'avant...

17 Mme Korner (interprétation): J'hésiterais à suggérer une date mais nous

18 n'avons guère pu consulter les documents parce que nous n'avons pas pu

19 appeler des témoins pour qu'ils puissent faire des dépositions complètes

20 et qu'ils puissent voir l'ensemble des documents.

21 Donc c'est tout ce que je peux vous proposer pour l'instant.

22 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman?

23 M. Ackerman (interprétation): Vous n'allez pas être surpris, moi je

24 soulève une objection très forte car je considère que ceci n'est pas

25 acceptable -tout simplement pas acceptable- car vous ne pouvez pas, tout

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1 simplement, nous donner des résumés de ces documents. Nous objectons à ce

2 que cela soit fait. Je sais que vous lisez les documents et je sais que

3 vous lisez aussi les miens.

4 M. le Président (interprétation): Mais nous les lisons, bien sûr que nous

5 les lisons, même si nous devons nous battre avec le temps pour lire toute

6 cette masse de documents!

7 Madame Korner, en ce qui concerne Halilovic, si vous avez les transcripts

8 au sujet desquels vous nous avez fourni des résumés, si ces transcripts

9 sont prêts, nous souhaitons les recevoir le plus rapidement possible pour

10 que notre décision écrite incorpore le texte, le vrai texte. Je pense que

11 ce que nous demandons est de recevoir les transcripts qui se réfèrent aux

12 vidéos, aux enregistrements 1, 4, 8, 25, 13, 2 et 3. Mon juriste, le

13 juriste de la Chambre va vous fournir toutes ces informations.

14 Mme Korner (interprétation): Donc vous devez peut-être, Monsieur le

15 Président, nous dire quels sont les documents que vous considérez tomber

16 sous le coup de l'Article 68, avec notre obligation en vertu de cet

17 Article. Je suis un peu surprise que vous ayez pu penser à tous ces

18 documents mais nous pouvons vous fournir le transcript.

19 M. le Président (interprétation): C'est important de rentrer dans les

20 détails.

21 Mme Korner (interprétation): Oui, je pense que ceci pourrait nous aider.

22 Vous allez vous rappeler cette discussion houleuse que nous avons eue

23 concernant l'Article 68, et je pense que ceci nous aidait, ceci aiderait

24 aussi Me Ackerman si vous nous disiez dans votre décision pour quelle

25 raison vous considérez que ceci tombe sous le coup de l'Article 68.

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1 M. le Président (interprétation): Oui, exactement. Mais nous n'avons pas

2 besoin de beaucoup d'exemples pour cela. Si par exemple, la défense

3 considère qu'il existait une Ligue patriotique…

4 Mme Korner (interprétation): Mais nous ne le nions pas, nous ne nions pas

5 l'existence de la Ligue patriotique, et je ne vois pas pour quelle raison

6 ceci tomberait sous le coup de l'Article 68. Nous n'avons jamais dit que

7 ceci n'a pas existé.

8 M. le Président (interprétation): Car il y a les références aux activités

9 des Moudjahidin, et aussi on fait allégation de l'activité du terrorisme

10 d'Etat maintenu par un certain M. Izetbegovic. Donc vous considérez que

11 ceci ne tombe pas sous le coup de l'Article 68.

12 Mme Korner (interprétation): Oui, mais nous avons besoin de dates, de

13 dates exactes.

14 M. le Président (interprétation): Car ces terroristes, ces Moudjahidin

15 dont nous parlons, eh bien, ils étaient présents en 1992 d'après les

16 informations que nous avons.

17 M. Ackerman (interprétation): Ceci m'énerve! Ceci m'énerve vraiment!

18 M. le Président (interprétation): Mais calmez-vous, Maître Ackerman.

19 M. Ackerman (interprétation): Avant de vous dire que je considère que Mme

20 Korner ne comprend pas vraiment la teneur de l'Article 68, eh bien, nous

21 en avons la confirmation aujourd'hui. Et j'ai cette peur, j'ai cette peur

22 qu'il y ait un grand nombre de documents tombant sous le coup de l'Article

23 68 et qu'elle ne considère pas comme tel.

24 M. le Président (interprétation): Ecoutez, nous n'allons pas parler de

25 cela. Vous ne pouvez pas prouver ces choses-là, ne faites pas d'allégation

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1 que vous ne pouvez pas prouver.

2 Quand vous avez parlé de cela, Mme Korner était la première pour se lever

3 et admettre qu'apparemment il y a eu un problème, il y a eu un problème de

4 leur part. Elle voulait y remédier.

5 Mme Korner (interprétation): Est-ce que je peux éclaircir cela, s'il vous

6 plaît? Que ce soit bien clair que nous sommes bien conscients de cette

7 interview qui n'a pas été communiquée et que c'était notre faute.

8 Maintenant, Me Ackerman dit autre chose.

9 M. le Président (interprétation): Eh bien, notre intention, d'après tout

10 ce que vous avez dit, eh bien, vous nous avez dit que vous ne vouliez pas

11 prendre les risques pour qu'il y ait d'autres documents de la sorte qui

12 n'ont pas été identifiés. Donc nous avons identifié un certain nombre de

13 points et qui nous semblent être pertinents en vertu de l'Article 68, et

14 ce sont les documents, les informations que vous devriez communiquer. Nous

15 allons vous fournir autant de documents que possible pour vous donner les

16 raisons par écrit de notre décision. Mais pour ceci nous avons besoin des

17 transcripts complets et ceci nous faciliterait la vie. Comme ça, nous

18 allons pouvoir tout citer.

19 Mme Korner (interprétation): Eh bien, je vais voir si je peux m'en occuper

20 demain, même si c'est un jour férié, parce que sinon vous n'allez pas les

21 avoir avant lundi.

22 M. le Président (interprétation): Oui, oui, ce serait fort utile de

23 l'avoir demain, puisque nous ne travaillons pas lundi.

24 Mme Korner (interprétation): Oui, moi, je vais venir travailler demain

25 même si c'est un jour férié . Je sais qu'il y aura peu de gens, parce que

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1 c'est un jour férié.

2 M. le Président (interprétation): Oui, mais moi je serai ici, Madame

3 Korner.

4 Est-ce que vous voulez parler d'autre chose?

5 Mme Korner (interprétation): Eh bien, je voudrais juste vous dire à vous

6 et à Me Ackerman qu'à cause d'une grande quantité de traductions qui

7 doivent être effectuées, surtout en ce qui concerne les documents

8 provenant des cours militaires, donc ce sont les traductions que nous

9 avons, en effet, faites, mais qui n'ont pas été autorisées. Donc nous

10 avons demandé à Me Ackerman de nous indiquer s'il serait satisfait de tels

11 projets de traductions qui n'ont pas été révisées et autorisées pour ainsi

12 dire, certifiées. Donc il faut qu'il vérifie s'il serait satisfait avec de

13 tels projets de traductions ou bien s'il demande de vraies traductions

14 certifiées.

15 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela peut vous suffire,

16 Maître Ackerman?

17 M. Ackerman (interprétation): Oui, j'ai déjà dit à Mme Korner que nous

18 allons essayer de voir si cela peut nous satisfaire. Probablement que oui,

19 mais je ne veux pas dire quoi que ce soit à l'avance. Je voudrais tout

20 d'abord le regarder.

21 M. le Président (interprétation): Je voudrais arriver à une espèce de

22 conclusion, car si vous n'acceptez pas cela, eh bien, dans ce cas-là, Mme

23 Korner va demander plus de temps.

24 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, nous allons le faire

25 aussi honnêtement que possible. Je vais essayer de m'en occuper.

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1 M. le Président (interprétation): Je voudrais rappeler à votre mémoire

2 l'Article 94 aussi.

3 M. Ackerman (interprétation): Je suis tout à fait prêt à en parler. J'ai

4 presque terminé tous les transcripts sur Prijedor en vertu de l'Article

5 92bis. Cela fait plusieurs jours que je lis des transcripts sans m'arrêter

6 et j'en ai presque terminé du dernier qui est le plus gros. Et ensuite, je

7 vais commencer la lecture des transcripts en vertu de l'Article 94. Et

8 derrière cela, il y a les transcripts se référant aux questions de

9 Bosanski Novi en 1992. Ceci n'est pas très clair dans cette requête et Mme

10 Korner va dire que nous n'allons pas vite, mais nous ne pouvons pas aller

11 plus vite que cela. Nous lisons énormément de transcripts tous les jours

12 et j'ai vraiment des problèmes avec mes yeux maintenant.

13 M. le Président (interprétation): Je voulais simplement que ceci soit

14 couché sur le compte rendu d'audience.

15 Nous considérons que vous avez fait de façon très efficace la lecture des

16 transcripts en vertu de l'Article 92, et nous sommes bien contents de

17 votre réponse. Nous avons parlé de cela ce matin. Ceci me permet de vous

18 fournir une décision assez rapidement qui va aider le Procureur à se

19 préparer, à son tour, bien de temps à l'avance.

20 Nous avons maintenant suffisamment d'informations de la part de la défense

21 en ce qui concerne ce sujet et ceci devrait nous suffire.

22 M. Ackerman (interprétation): Je pense qu'il nous en reste deux. J'ai

23 demandé à Mme Korner si elle peut accepter la suggestion que j'ai faite à

24 cet effet, et je peux vous donner donc ma réponse aussi au sujet de ces

25 documents.

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1 Et au sujet de cet autre transcript, eh bien, c'est celui qui me reste à

2 lire. Et j'espère que je vais pouvoir le lire cette nuit et vous fournir

3 demain une requête finale.

4 M. le Président (interprétation): Eh bien, je suis bien content de cela,

5 Maître Ackerman.

6 Est-ce qu'il y a autre chose? Non, très bien. Donc nous allons nous

7 rencontrer à nouveau vendredi matin. Nous travaillons le matin, n'est-ce

8 pas? Nous travaillons le matin, vendredi, oui. Très bien. Donc à 9 heures

9 dans le prétoire, dans la salle n°3.

10 M. Ackerman (interprétation): Mais la semaine d'après, nous travaillons

11 l'après-midi?

12 M. le Président (interprétation): Oui, en effet. Je vais vérifier cela.

13 Oui, donc nous nous rencontrons le 12 et c'est le matin. Le 12 et le 13.

14 Pour les autres jours le 9, le 10 et le 11, normalement, nous travaillons

15 l'après-midi.

16 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que je peux vous demander de ne rien

17 faire avec le 11, parce que j'ai une réunion très importante?

18 M. le Président (interprétation): Non, non, à part le 11 nous travaillons

19 le matin, lundi et mardi nous travaillons l'après-midi, mercredi le 11 le

20 matin dans la salle n°3, car vous savez il y a un appel interlocutoire

21 devant la Chambre d'appel, et je ne sais pas si vous y participez.

22 M. Ackerman (interprétation): Si, si.

23 M. le Président (interprétation): Donc vous savez de quoi je parle?

24 M. Ackerman (interprétation): Oui, mais c'est le dixième jour qui

25 m'inquiète car si dans l'après-midi du 10 nous avons une séance, eh bien,

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1 moi je n'ai pas de problème.

2 M. le Président (interprétation): Non, c'est le matin.

3 M. Ackerman (interprétation): Mais la décision en appel ne me préoccupe

4 pas.

5 M. le Président (interprétation): Je vous l'ai dit, jusqu'au cas où.

6 M. Ackerman (interprétation): Non, je ne pense pas même que Mme Korner y

7 soit.

8 M. le Président (interprétation): Merci. Donc nous nous voyons vendredi.

9 Nous levons la séance. Merci.

10 (L'audience est levée à 13 heures 45.)

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